ÉVANGILE DE SAINT MATTHIEU
PAR SAINT THOMAS D'AQUIN
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2008
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Traduction entièrement vérifiée
et reprise par Charles Duyck en 2010.
Explication suivie des QUATRE EVANGILES par le docteur angélique, composée des interprètes grecs et latins, et
surtout des ss. Pères admirablement coordonnés et enchaînés de manière à ne
former qu’un seul texte suivi et appelé à juste titre la
CHAINE D’OR
Edition où le texte
corrigé par le P. Nicolaï a été revu avec le plus grand soin sur les textes
originaux grecs et latins. TRADUCTION NOUVELLE par M. L’ABBE J.-M. PERONNE, Chanoine
titulaire de l’Eglise de Soissons, ancien professeur d’Ecriture sainte et
d’éloquence sacrée
PARIS, LIBRAIRIE DE
LOUIS VIVÈS, ÉDITEUR, rue Delambre, 9, 1868
PRÉFACE A SAINT MATTHIEU PAR SAINT THOMAS
CHAPITRE 1 — [Généalogie et naissance du
Messie-Roi]
CHAPITRE 2 — [Enfance de Jésus]
CHAPITRE 3 — [Préparation et début du ministère
public du Messie]
CHAPITRE 4 — [Préparation et début du ministère
public du Messie]
CHAPITRE 5 — [La charte du Royaume]
CHAPITRE 6 — [La charte du Royaume]
CHAPITRE 7 — [La charte du Royaume]
CHAPITRE 8 — [Les nombreux miracles qui
démontrent la puissance et la grâce du Messie]
CHAPITRE 9 — [Les nombreux miracles qui
démontrent la puissance et la grâce du Messie]
CHAPITRE 10 — [Jésus envoie ses disciples vers
Israël]
CHAPITRE 11 — [Opposition croissante et rejet]
CHAPITRE 12 — [Opposition croissante et rejet]
CHAPITRE 13 — [Une autre forme du Royaume à
cause du rejet d’Israël]
CHAPITRE 14 — [Rejet de plus en plus fort]
CHAPITRE 15 — [Rejet de plus en plus fort]
CHAPITRE 16 — [Rejet de plus en plus fort]
CHAPITRE 17 — [Préparation des disciples]
CHAPITRE 18 — [Instruction des disciples]
CHAPITRE 19 — [Instruction des disciples]
CHAPITRE 20 — [Instruction des disciples]
CHAPITRE 21 — [Présentation et rejet du Roi]
CHAPITRE 22 — [Présentation et rejet du Roi]
CHAPITRE 23 — [Présentation et rejet du Roi]
CHAPITRE 24— [Discours sur le mont des Oliviers]
CHAPITRE 25 — [Discours sur le mont des Oliviers]
CHAPITRE 26— [Passion et mort du Roi]
CHAPITRE 27— [Passion et mort du Roi]
CHAPITRE 28 — [Le triomphe du Roi]
Du révérend Père provincial de la province de Paris de l’ordre des
Frères prêcheurs, pour une nouvelle édition de la Chaîne d’or.
Nous F. Étienne Blondel, docteur en théologie
de la Faculté de Paris et prieur, quoique indigne, de la province de Paris des
frères prêcheurs, nous donnons le pouvoir et accordons la faculté au R. P. F.
Jean Nicolaï, docteur en théologie et premier professeur de théologie, ainsi
que préfet des études dans le couvent de Saint-Jacques, de publier la Chaîne d’or de saint Thomas sur les
quatre évangiles qu’il a corrigée et augmentée des notes qui étaient
nécessaires; nous lui accordons aussi la permission de publier les autres
ouvrages qu’il pourra dans la suite corriger ou annoter, par tels libraires
qu’il choisira, conformément au privilège qui lui a été accordé de par le Roi;
ce à quoi nous l’exhortons vivement par notre désir que nous avons d’être utile
au public. En foi de quoi nous lui donnons ces présentes lettres, scellées du
sceau de notre secrétariat, et signées de notre main, pour les apposer au
commencement de son édition.
Donné dans notre susdit couvent de Saint-Jacques à Paris, le 2 mai de l’an 1657.
Dedicatio [85332]
Catena in Mt., dedicatio Sanctissimo ac
reverendissimo patri domino Urbano, divina providentia Papae quarto, frater
Thomas de Aquino, ordinis fratrum praedicatorum, cum devota reverentia, pedum
osculo beatorum. Fons sapientiae unigenitum Dei verbum
praesidens in excelsis, per quod pater sapienter fecerat et suaviter
disposuerat universa, in fine temporum carnem sumere voluit, ut sub tegumento
naturae corporeae, splendorem eius humanus intuitus posset inspicere, quem in
celsitudine maiestatis divinae attingere non valebat. Diffuderat siquidem radios suos, sapientiae
videlicet suae indicia, super omnia opera quae creavit; quodam vero ampliori
privilegio imaginem propriam hominum animabus impresserat, quam tamen diligentius
expresserat in cordibus ipsum amantium secundum sui muneris largitatem. Sed
quid est hominis anima in tam immensa creatura, ut divinae sapientiae
vestigia possit comprehendere ad perfectionem? Quinimmo et
sapientiae lux infusa hominibus per peccati tenebras et occupationum
temporalium caligines fuerat obumbrata; et intantum est quorumdam cor
insipiens obscuratum, ut Dei gloriam in idola vana converterent, et quae non
conveniunt facerent, in sensum reprobum incidentes. Divina vero sapientia, quae ad sui fruitionem
hominem fecerat eum sui inexpertem esse non sinens, totum se in humanam
naturam contulit, eam modo sibi assumendo mirabili, ut errantem hominem ad se
totaliter revocaret. Huius igitur sapientiae claritatem nube mortalitatis
velatam, primus apostolorum princeps fide conspicere meruit, et eam
constanter absque errore et plenarie confiteri, dicens tu es Christus
filius Dei vivi. O beata confessio, quam non caro et sanguis, sed pater
caelestis revelat. Haec in terris fundat Ecclesiam, aditum praebet in caelum,
peccata meretur solvere, et contra eam portae non praevalent Inferorum. Huius igitur fidei ac confessionis heres
legitime, sanctissime pater, pio studio mens vestra invigilat, ut tantae
sapientiae lux fidelium corda perfundat et haereticorum confutet insanias,
quae portae Inferorum merito designantur. Sane si, secundum Platonis
sententiam, beata censetur respublica cuius rectores operam sapientiae dare
contigerit, illi siquidem sapientiae quam imbecillitas intellectus humani
erroribus plerumque commaculat, quanto magis sub vestro regimine beatus
censeri potest populus Christianus, ubi tanta diligentia excellentissimae
illi sapientiae curam impenditis, quam Dei sapientia carnalibus membris
induta et verbis docuit et operibus demonstravit? Et huius siquidem diligentiae studio vestrae
sanctitati complacuit mihi committere Matthaei Evangelium exponendum, quod
iuxta propriam facultatem executus, sollicite ex diversis doctorum libris
praedicti Evangelii expositionem continuam compilavi, pauca quidem certorum
auctorum verbis, ut plurimum ex Glossis adiiciens, quae, ut ab eorum dictis
possent discerni, sub Glossae titulo praenotavi. Sed et in sanctorum doctorum dictis hoc adhibui
studium, ut singulorum auctorum nomina, nec non in quibus habeantur libri
assumpta testimonia describantur, hoc excepto quod libros et expositionem
supra loca quae exponebantur, non oportebat specialiter designari: puta,
sicubi nomen inveniatur Hieronymi, de libro mentione non facta, datur
intelligi quod hoc dicat super Matthaeum, et in aliis ratio similis
observetur, nisi in his quae de commentario Chrysostomi super Matthaeum
sumuntur, oportuit inscribi in titulo super Matthaeum, ut per hoc ab aliis
quae sumuntur de ipsius homiliario distinguantur. In assumendis autem sanctorum testimoniis,
plerumque oportuit aliqua rescindi de medio ad prolixitatem vitandam, nec non
ad manifestiorem sensum vel, secundum congruentiam expositionis, litterae
ordinem commutari; interdum etiam sensum posui, verba dimisi, praecipue in
homiliario Chrysostomi, propter hoc quod est translatio vitiosa. Fuit autem mea intentio in hoc opere non solum sensum prosequi
litteralem, sed etiam mysticum ponere; interdum etiam errores destruere, nec
non confirmare Catholicam veritatem. Quod quidem necessarium fuisse videtur,
quia in Evangelio praecipue forma fidei Catholicae traditur et totius vitae
regula Christianae. Prolixum igitur praesens opus non videatur
alicui. Fieri enim non potuit ut haec omnia sine diminutione prosequerer, et
tot sanctorum sententias explicarem, omnimoda brevitate servata. Suscipiat itaque vestra sanctitas praesens opus,
vestro discutiendum corrigendumque iudicio, vestrae sollicitudinis et
obedientiae meae fructum, ut dum a vobis emanavit praeceptum et vobis
reservetur finale iudicium, ad locum unde exeunt flumina revertantur |
DEDICACE DE SAINT THOMAS
A
NOTRE TRÈS SAINT PÈRE URBAIN PAR
LA PROVIDENCE DIVINE, QUATRIÈME PAPE DE CE NOM F. Thomas d’Aquin, de l’ordre des Frères
Prêcheurs, baise les pieds avec un pieux respect. La source de la sagesse, le Verbe unique de
Dieu qui siège au plus haut des cieux (Si
1, 5; et pour ce qui suit, Sg 8,
1), par lequel le Père avait tout créé avec sagesse et ordonné toutes choses
avec douceur, voulut se revêtir de notre chair à la fin des temps, afin que
le regard de l’homme, qui ne pouvait atteindre dans une si haute élévation sa
majesté divine, pût contempler son éclat sous les voiles de la nature
humaine. Il avait répandu ses rayons, c’est-à-dire les marques de sa sagesse,
sur toutes les œuvres qu’il avait créées; mais par une prérogative plus
excellente, il avait imprimé dans l’âme des hommes le sceau de sa
ressemblance et gravé avec plus de soin encore cette image auguste dans le
cœur de ceux qui devaient recevoir, de l’abondance de sa grâce, le don de
l’aimer. Mais qu’est-ce que l’âme de l’homme au milieu de l’immensité de la
création, pour qu’il puisse saisir dans toute leur perfection les empreintes
de la divine sagesse ? D’autant plus que la lumière de la Sagesse,
répandue dans les hommes, a été couverte par les ténèbres du péché et par les
nuées des préoccupations temporelles; et le cœur de quelques insensés a été
tellement obscurci qu’ils ont attribué la gloire de Dieu à de vaines idoles,
et qu’ils ont commis des actions indignes, livrés qu’ils étaient à ce sens
dépravé (Rm 1, 21, 23, 28, etc...). Or la sagesse divine qui avait fait l’homme
pour qu’il pût jouir de cette sagesse, ne permit point qu’il fût privé de
cette jouissance; elle se porta donc tout entière vers notre nature, se
l’unissant d’une manière admirable pour rappeler entière-ment à elle l’homme
qui s’était égaré. Le premier, le prince des Apôtres mérita, par sa foi, de
contempler l’éclat de cette sagesse au travers des voiles de la mortalité, et
de la confesser avec fermeté et dans la plénitude d’une conviction exempte
d’erreur, par ces paroles « Vous
êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. » O bienheureuse confession,
ce n’est ni la chair ni le sang, mais le Père qui est au ciel qui vous
révèle. C’est elle qui fonde l’Église sur la terre, ouvre les portes du ciel,
reçoit le pouvoir de remettre les péchés, et contre elle les portes de
l’enfer ne prévaudront jamais. Héritier légitime de cette foi et de cette
confession, vous veillez avec zèle et piété, très Saint-Père, à ce que la
lumière d’une si haute sagesse inonde les cœurs des fidèles, et réfute les
folles inventions des hérétiques, qui sont appelées avec raison les portes de
l’enfer. Si, selon la pensée de Platon, était estimée heureuse la république
dont les chefs se livrent à l’étude de la sagesse, de cette sagesse que la
faiblesse de l’esprit humain défigure si souvent par tant d’erreurs, combien plus
doit-on estimer heureux le peuple chrétien qui vit sous votre gouvernement,
et à qui vous distribuez avec tant de sollicitude cette sagesse si élevée,
que la sagesse de Dieu elle-même, revêtue d’un corps de chair, nous a
enseignée par ses paroles et démontrée par ses œuvres ? C’est par un
effet de cette vigilante sollicitude que Votre Sainteté a daigné me confier
la tâche d’expliquer l’Évangile de saint Matthieu, tâche que j’ai remplie
selon mes facultés, en recueillant avec soin dans les divers traités des
docteurs de quoi former une exposition suivie de cet Évangile. Les citations
peu nombreuses que j’ai tirées d’auteurs connus, et puisées le plus souvent
dans des Gloses, je les ai données sous le titre général de Gloses, pour
qu’on pût les distinguer d’avec les passages des saints Pères. Mais, parmi
les écrits des saints docteurs, j’ai pris soin de donner toujours le nom des
auteurs latins, avec l’indication précise du livre auquel là citation était
empruntée, à l’exception des ouvrages qui sont un commentaire ou une
exposition du livre que j’expliquais moi-même. J’ai cru inutile alors
d’ajouter cette indication. Ainsi, par exemple, lorsque je cite le nom de
saint Jérôme sans indication de traité, c’est que le passage est tiré de son Commentaire sur saint Matthieu, et
ainsi des autres. Toutefois, pour les citations empruntées au Commentaire de saint Chrysostome sur saint Matthieu, j’ai cru devoir
ajouter sur saint Matthieu, pour
les distinguer des autres passages empruntés aux homélies du même Père. Il a fallu aussi retrancher souvent quelque chose des citations empruntées aux saints Pères pour éviter toute prolixité; comme aussi, pour une plus claire intelligence du texte, j’ai dû parfois changer l’ordre des phrases pour la correction de l’exposé. Quelquefois je n’ai pas cité le texte pour ne donner que le sens, surtout dans les homélies de saint Chrysostome dont la traduction est défectueuse. Le but que je me suis proposé dans cet ouvrage, a été non seulement de chercher le sens littéral, mais d’exposer aussi le sens mystique, de détruire chemin faisant les erreurs, et, par là-même de confirmer la vérité catholique; ce qui m’a paru indispensable, parce que c’est surtout dans l’Évangile qu’on trouve la forme de la foi catholique, et la règle de toute la vie chrétienne. Puisse cet ouvrage ne paraître trop long à personne. Il m’a été impossible de poursuivre un plan si étendu sans abréger beaucoup, ayant à citer tant de saints docteurs, ce que j’ai tâché de faire avec la plus grande concision. Que Votre Sainteté daigne agréer cet ouvrage, dont je soumets l’examen et la correction à votre jugement. Ce travail est le fruit de votre sollicitude et de mon obéissance; c’est vous qui me l’avez imposé, c’est à vous qu’il appartient de le juger en dernier ressort. Les fleuves reviennent au lieu d’où ils sont sortis (Si 1, 7). |
[85619]
Catena in Mc., dedicatio Reverendo in Christo patri domino
Hannibaldo, basilicae duodecim apostolorum venerabili presbytero cardinali,
frater Thomas de Aquino ordinis fratrum praedicatorum se totum. Rerum opifex Deus
solo suae bonitatis intuitu cuncta in esse producens, naturalem boni amorem
omnibus indidit creaturis, ut dum unaquaeque res bonum sibi conveniens
naturaliter amat et appetit, quadam conversione mirabili in suum recurrere
demonstretur auctorem. Sed in hoc praefertur ceteris rationalis natura, quod
ipsum universalem bonitatis fontem per sapientiam intueri potest, et per
caritatis amorem suaviter degustare: unde fit ut sapientiae bonum, quo ad
ipsum fontem bonitatis accedimus, omnibus humanis bonis secundum rectae
rationis iudicium praeferatur. Haec est
enim quae fastidium nescit: ita ut qui eam edit, adhuc esuriat, et qui eam
bibit, sitire non cesset. Haec est quae intantum peccato repugnat, ut qui
secundum ipsam operantur, non peccent. Haec est quae indeficientem fructum
suis ministris largitur, ut qui eam elucidant, vitam possideant sempiternam.
Praecellit itaque voluptates dulcedine, securitate sedes et regna,
utilitateque divitias universas. Huiusmodi igitur delectatus muneribus, evangelicae
sapientiae a saeculis in mysterio absconditae, quam in lucem produxit Dei
sapientia incarnata, ministerium expositionis adhibui, sacrorum doctorum
sententias compilando; ad quod me induxit primitus felicis recordationis
Urbani Papae quarti mandatum. Verum quia, eo summo pontifice ex hac vita
subtracto, tria Evangelia, Marci, Lucae et Ioannis exponenda restabant, ne
opus quod obedientia inceperat, negligentia imperfectum relinqueret, cum
multo labore diligens adhibui studium, ut quatuor Evangeliorum expositionem
complerem, eadem in omnibus forma servata in ponendis sanctorum
auctoritatibus et eorum nominibus praescribendis. Et ut magis integra et continua praedicta sanctorum
expositio redderetur, quasdam expositiones doctorum Graecorum in Latinum feci
transferri, ex quibus plura expositionibus Latinorum doctorum interserui,
auctorum nominibus praenotatis. Verum quia congruit ut de laborum fructibus
oblationes sacerdotibus offerantur, expositionis evangelicae opus, laboris
mei fructum, apostolorum presbytero censui offerendum: in quo vestra
suscipiat auctoritas debitum, ut scientis industria iudicii censuram
exerceat; et antiqua dilectio, amoris affectum in offerentis munere
comprehendat. |
Au
très-vénérable Père en Jésus-Christ LE
SEIGNEUR ANNIBAL CARDINAL
PRÊTRE DE LA BASILIQUE DES DOUZE APOTRES Le
Frère Thomas d’Aquin, de l’ordre des Frères Prêcheurs, tout
à lui. Le souverain auteur de toutes choses, Dieu,
qui a fait qu’existent toutes choses par la seule inspiration de sa bonté, a
donné à toute créature l’amour naturel du bien, afin qu’au moment où chaque
chose aime et recherche naturellement le bien qui lui est propre, on la voie
par une sorte de retour admirable revenir à son auteur. Mais la créature
raisonnable l’emporte sur les autres en ce qu’elle peut contempler par la
sagesse la source universelle de tout bien, et y puiser avec suavité par l’amour
de la charité. De là vient qu’au jugement de la saine raison, ce bienfait de
la sagesse, qui nous conduit à la source même de toute bonté, doit être
préféré à tous les autres biens. C’est cette sagesse qui ne connaît pas le
dégoût; celui qui s’en nourrit a encore faim, celui qui la boit ne cesse
d’avoir soif. C’est elle qui est si opposée au péché, que ceux qui agissent
d’après ses inspirations n’y tombent jamais. C’est elle qui donne à ses
ministres des fruits vraiment impérissables, car ceux qui la mettent en
lumière aux yeux des hommes reçoivent comme récompense la vie éternelle. Elle
est supérieure à toutes les voluptés par sa douceur, aux trônes et aux
royaumes par sa sécurité, à toutes les richesses par les avantages qu’elle
procure. Après avoir goûté le charme de ses faveurs, j’ai essayé, en
recueillant les pensées des saints docteurs, de donner une exposition de
cette sagesse évangélique qui, avant tous les siècles, était cachée dans les
mystérieuses profondeurs de l’éternité, et qui a été produite au jour par la
sagesse incarnée de Dieu. J’avais d’abord été invité à ce travail par l’ordre
d’Urbain IV, d’heureuse mémoire; mais comme, après la mort de ce pontife, il
me restait encore à expliquer les trois Évangiles, de saint Marc, de saint
Luc et de saint Jean, je n’ai pas voulu que la négligence laissât inachevé un
ouvrage qu’avait commencé l’obéissance; je me suis donc appliqué avec le soin
le plus scrupuleux à compléter l’exposition des quatre Évangiles, en suivant
le même plan dans les citations des saints docteurs, que j’ai toujours fait
précéder de leurs noms. Pour rendre cette exposition de la doctrine des saints interprètes plus complète et plus suivie, j’ai fait traduire en latin un grand nombre de passages des Pères qui ont écrit en grec, et je les ai entremêlés avec ceux des auteurs latins, en ayant toujours soin de placer leurs noms en tête de chaque citation. Et comme il est de toute convenance que les prémices des fruits de nos travaux soient offertes aux prêtres, j’ai cru de mon devoir d’offrir cette exposition de l’Évangile, fruit de mon travail, au prêtre de la basilique des douze apôtres. Daignez l’agréer comme un hommage dû à votre autorité, et en même temps que votre science éminente le soumettra à son jugement, que votre vieille amitié y voie un témoignage de ma sincère affection. |
Prooemium [85333]
Catena in Mt., pr. Super montem excelsum ascende, tu qui
evangelizas Sion; exalta in fortitudine vocem tuam, qui evangelizas
Ierusalem; exalta, noli timere. Dic civitatibus Iudae: ecce Deus vester; ecce
dominus Deus in fortitudine veniet, et brachium eius dominabitur, ecce merces
eius cum eo. (Is. 40, 9-10). Evangelii
praenuntiator apertus Isaias propheta, evangelicae doctrinae sublimitatem,
nomen et materiam breviter comprehendens, evangelicum doctorem ex persona
domini alloquitur, dicens super montem excelsum ascende tu, et cetera. Ut autem ab ipso Evangelii nomine sumamus
exordium. Augustinus contra Faustum. Evangelii
nomen Latine interpretatur bonum nuntium vel bona Annuntiatio; quod quidem
cum aliquod bonum annuntiatur, semper dici potest, proprie tamen hoc
vocabulum obtinuit Annuntiatio salvatoris. Narratores
quippe originis, factorum, dictorum, passionum domini Iesu Christi proprie
dicti sunt Evangelistae. Chrysostomus super Matth. Quid enim his
bonis nuntiatis fiat aequale? Deus in terra, homo in caelo, amicitia Dei ad
nostram facta naturam, prolixum solutum praelium, Diabolus confusus, mors
soluta, Paradisus apertus. Et haec omnia super dignitatem nostram, et cum
facilitate nobis data sunt, non quia laboravimus, sed quia dilecti sumus a
Deo. Augustinus de vera religione. Cum enim
omnibus modis medeatur animis Deus, pro temporum opportunitatibus, quae mira
sapientia eius ordinantur, nullo modo beneficentius consuluit generi humano,
quam cum unicus filius consubstantialis patri et coaeternus, totum hominem
suscipere dignatus est, et verbum caro factum est, et habitavit in nobis, ita
enim demonstravit quam excelsum locum inter creaturas habeat humana natura,
in hoc quod hominibus in vero homine apparuit. Augustinus in sermone 9 de nativitate. Demum
factus est Deus homo, ut homo fieret Deus. Hoc
igitur bonum evangelizandum praenuntiat propheta dicens ecce Deus vester. Leo ad Flavianum. Exinanitio
autem illa, qua se invisibilem praebuit, et creator ac dominus omnium rerum
unus voluit esse mortalium, inclinatio fuit miserationis, non desertio
potestatis. Glossa. Ne ergo sic Deus adesse credatur ut
fieret aliqua diminutio potestatis, subiungit propheta ecce dominus in fortitudine
veniet. Augustinus de doctrina Christiana. Non per
locorum spatia veniendo, sed in carne mortali mortalibus apparendo. Leo in Serm. 19 de passione domini. De
ineffabili autem Dei potentia factum est ut dum Deus verus est in carne
passibili, conferatur homini gloria per contumeliam, incorruptio per
supplicium, vita per mortem. Augustinus de peccatorum meritis. Fuso enim
sanguine sine culpa, omnium culparum chirographa deleta sunt, quibus homines
a Diabolo antea tenebantur. Glossa. Quia ergo per virtutem Christi
patientis homines a peccato liberati servi facti sunt Dei, sequitur et
brachium eius dominabitur. Leo Papa in Serm. 10 de passione. Affuit autem
nobis in Christo singulare praesidium, ut in natura passibili mortis conditio
non maneret, quam impassibilis essentia recepisset; et per id quod non
poterat mori, possit id quod mortuum fuerat, suscitari. Glossa. Et sic per Christum nobis immortalis
gloriae aditus aperitur, unde sequitur ecce merces eius cum eo; de qua
scilicet ipse dicit: merces vestra copiosa est in caelis. Augustinus contra Faustum. Aeternae enim
vitae promissio, regnumque caelorum ad novum pertinet testamentum,
temporalium vero promissiones testamento veteri continentur. Glossa. Sic ergo quatuor nobis de
Christo evangelica doctrina tradit: divinitatem assumentem, humanitatem
assumptam, mortem per quam a servitute eripimur, resurrectionem per quam
nobis aditus gloriae vitae aperitur; et propter hoc in Ezechiele sub figura
quatuor animalium demonstratur. Gregorius super Ezech. Ipse enim
unigenitus Dei filius veraciter factus est homo; ipse in sacrificio nostrae
redemptionis dignatus est mori, ut vitulus; ipse per virtutem suae
fortitudinis surrexit, ut leo; ipse etiam ascendens ad caelos est elevatus,
ut aquila. Glossa. In qua ascensione manifeste
ostendit suam divinitatem. Matthaeus ergo in homine intelligitur, quia circa
humanitatem Christi principaliter immoratur; Marcus in leone, quia agit de
resurrectione; Lucas in vitulo, quia agit de sacerdotio; Ioannes in aquila,
scribens sacramenta divinitatis. Ambrosius super Lucam (in praefatione in
Lucam, parum ante finem). Et bene accidit, ut quoniam Evangelii huius
librum secundum Matthaeum dicimus esse moralem, opinio huius praemitteretur:
mores enim proprie dicuntur humani. Figura autem leonis
ascribitur Marco, quia a potentiae coepit expressione divinae, cum dixit:
initium Evangelii Iesu Christi filii Dei. [pas de texte latin correspondant] Ioanni autem figura aquilae, eo quod divinae miracula resurrectionis
expressit. Gregorius super Ezech. Haec autem ipsa uniuscuiusque libri
evangelica exordia testantur: nam quia ab humana generatione coepit, iure per
hominem Matthaeus; quia per clamorem in deserto, recte per leonem Marcus;
quia a sacrificio exorsus est, bene per vitulum Lucas; quia vero a divinitate
verbi coepit, digne per aquilam significatur Ioannes. Augustinus de Cons. Evang. Vel Matthaeus, qui regiam Christi
personam maxime commendavit, per leonem significatur; Lucas autem per
vitulum, propter victimam sacerdotis; Marcus autem, qui neque stirpem regiam,
neque sacerdotalem narrare voluit, et tamen in humanis versatus ostenditur,
hominis figura significatur. Haec autem tria animalia: leo, homo, vitulus in
terra gradiuntur, unde isti tres Evangelistae in istis maxime occupati sunt
quae Christus in carne operatus est. At vero Ioannes velut
aquila volat, et lucem incommutabilis veritatis acutissimis cordis oculis
intuetur. Ex quo datur intelligi tres Evangelistas circa activam vitam fuisse
versatos, Ioannem vero circa contemplativam. Doctores autem Graecorum per hominem intelligunt
Matthaeum, quia genealogiam domini secundum carnem descripsit; per leonem
vero Ioannem, quia sicut leo suo rugitu cunctis bestiis timorem incutit, sic
et Ioannes cunctis haereticis timorem incussit; per vitulum intellexerunt
Lucam, quia vitulus sacerdotalis est hostia, et ipse semper circa templum et
sacerdotium versatus est; et per aquilam Marcum intellexerunt, quia aquila in
Scripturis divinis solet significare spiritum sanctum, qui locutus fuit per
ora prophetarum, et ipse a prophetico testimonio exorsus est. Hieronymus super Matth. Circa numerum vero
Evangelistarum sciendum est plures fuisse qui Evangelia scripserunt, sicut et
Lucas Evangelista testatur dicens: quoniam quidem multi conati sunt ordinare etc...,
et sicut perseverantia usque ad praesens tempus monimenta declarant, quae a
diversis auctoribus edita, diversarum haeresum fuere principia, ut est illud
iuxta Aegyptios, et Thomam et Matthiam et Bartholomaeum, duodecim quoque
apostolorum, et Basilidis, atque Apellis, et reliquorum, quos enumerare
longissimum est. Ecclesia autem, quae supra petram domini voce fundata est,
quatuor fluminum Paradisi instar eructans, quatuor annulos et angulos habet,
per quos quasi arca testamenti et custos legis domini lignis mobilibus
vehitur. Augustinus de Cons. Evang. Vel quoniam quatuor
sunt partes orbis terrae, per cuius universitatem Christi Ecclesia dilatatur.
Alius autem fuit eis ordo cognoscendi atque praedicandi, alius autem
scribendi. Ad cognoscendum quippe atque praedicandum primi fuerunt qui secuti
sunt dominum in carne praesentem, docentem audierunt, facientemque viderunt,
atque ex eius ore ad evangelizandum sunt missi; sed in conscribendo
Evangelio, quod divinitus ordinatum esse credendum est, ex numero eorum, quos
ante passionem dominus elegit, primum ultimumque locum duo tenuerunt: primum
Matthaeus, ultimum Ioannes, ut reliqui duo, qui ex illo numero non erant, sed
tamen Christum in illis loquentem secuti erant tanquam filii amplectendi, ac
per hoc in loco medio constituti, utroque ab eis latere munirentur. Remigius. Matthaeus quidem scripsit in Iudaea
sub tempore Caii Caligulae imperatoris; Marcus in Italia, Romae, sub tempore
Neronis vel Claudii, secundum Rabanum; Lucas vero in Achaiae Baeotiaeque
partibus, rogatus a Theophilo; et Ioannes Ephesi in Asia minori sub tempore
Nervae principis. Beda. Sed tamen cum sint quatuor Evangelistae,
non tam quatuor Evangelia quam unum quatuor librorum veritati consonum
ediderunt. Sicut enim duo versus eamdem prorsus habentes materiam, pro
diversitate metri et verborum duo sunt, et tamen non nisi unam continent
sententiam, sic Evangelistarum libri, cum sint quatuor, unum continent
Evangelium, quia unam doctrinam faciunt de fide Catholica. Chrysostomus super Matth. Sufficiebat autem ut
unus Evangelista omnia diceret, sed cum quatuor ab uno ore omnia loquantur,
non secundum eadem tempora, neque in eisdem locis convenientes, et ad invicem
colloquentes, maxima fit demonstratio veritatis. Et hoc ipsum quod in
aliquibus modicis dissonare videntur, maximum signum veritatis est; si enim
omnia consonarent, crederent inimici, quod ex placito quodam humano
convenientes scripserint quae scripserunt. In principalibus quidem, quae
pertinent ad informationem vitae et praedicationem fidei, nequaquam dissonant
nec in parvo. Si autem in miraculis hic quidem haec, ille vero illa dixit,
hoc te non conturbet; si enim unus omnia dixisset, superfluus esset numerus
reliquorum; si omnes diversa, nequaquam consonantiae demonstratio appareret;
si autem aliquid de temporibus vel modis differenter annuntiant, hoc nihil
impedit eorum quae dicta sunt veritatem, ut infra ostendetur. Augustinus de Cons. Evang. Quamvis autem
singuli eorum suum quemdam narrandi ordinem tenuisse videantur, non tamen
unusquisque eorum velut alterius praecedentis ignarus voluisse scribere
reperitur, vel ignorata praetermisisse, quae scripsisse alius invenitur; sed
sicut unicuique inspiratum est, non superfluam cooperationem sui laboris
adiunxit. Glossa. Sublimitas autem evangelicae doctrinae
consistit quidem primo in eius excellentissima auctoritate. Augustinus de Cons. Evang. Inter omnes enim
divinas auctoritates, quae sanctis litteris continentur, Evangelium merito
excellit, cuius primi praedicatores apostoli fuerunt, qui dominum Iesum
salvatorem nostrum Christum etiam in carne praesentem viderunt; quorum
quidam, hoc est Matthaeus et Ioannes, etiam scripta de illo, quae scribenda
visa sunt, libris singulis ediderunt. Ac ne putaretur, quod attinet ad
percipiendum ac praedicandum Evangelium, interesse aliquid utrum illi
annuntient qui eumdem dominum hic in carne apparentem secuti sunt, an alii
qui ex illis comperta fideliter crediderunt, divina providentia procuratum
est per spiritum sanctum ut quibusdam etiam ex illis qui primos apostolos
sequebantur non solum annunciandi, verum etiam scribendi Evangelium
tribueretur auctoritas. Glossa. Et sic patet quod sublimitas
evangelicae auctoritatis a Christo dependet, et hoc designatur in verbis
prophetae praemissis, cum dicitur super montem excelsum ascende tu. Mons enim
excelsus Christus est, de quo idem Isaias dicit: erit in novissimis diebus
praeparatus mons domus domini in vertice montium, idest super omnes sanctos,
qui a monte Christo montes dicuntur, quia de plenitudine eius omnes
accepimus. Recte autem ad Matthaeum dicitur supra montem excelsum ascende tu,
quia, sicut praedictum est, ipse in propria persona facta Christi vidit et
eius doctrinam audivit. Augustinus de quaest. Evang. Illud autem
discutiendum est quod solet nonnullos movere, cur ipse dominus nihil
scripserit ut aliis de ipso scribentibus necesse sit credere. Sed nequaquam
dicendum est quod ipse non scripserit, quandoquidem membra eius id operata
sunt quod dictante capite cognoverunt. Quicquid enim de suis factis et dictis
nos legere voluit, hoc scribendum illis tamquam suis manibus imperavit. Glossa. Secundo etiam habet evangelica
doctrina sublimitatem virtutis, unde apostolus dicit quod Evangelium virtus
Dei est in salutem omni credenti. Et hoc ostendit propheta in praemissis
verbis, cum dicit exalta in fortitudine vocem tuam, in quo etiam modum
evangelicae doctrinae designat in exaltatione vocis, per quam doctrinae
claritas datur. Augustinus ad Volusianum. Modus enim
ipse quo sancta Scriptura contexitur, est omnibus accessibilis, paucissimis
penetrabilis; ea quae aperte continet quasi amicus familiaris sine fuco ad
cor loquitur indoctorum atque doctorum; ea vero quae in mysteriis occultat,
nec ipsa eloquio superbo erigit, quo non audeat accedere mens tardiuscula et
inerudita, quasi pauper ad divitem; sed invitat omnes humili sermone, quos
non solum manifesta pascat, sed etiam secreta exerceat veritate, hoc tam in
promptis quam in reconditis habens. Sed ne aperta fastidirentur, eadem rursum
aperta desiderantur, desiderata quodammodo renovantur, renovata suaviter
intimantur. His salubriter et prava corriguntur et parva nutriuntur et magna
oblectantur ingenia. Glossa. Sed quia vox exaltata longius
auditur, potuit in exaltatione vocis, evangelicae doctrinae publicatio
designari: quia non ad unam tantum gentem, sed ad universas nationes
praedicanda mandatur. Praedicate, inquit dominus, Evangelium omni creaturae.
Gregorius in Evang. Potest enim omnis
creaturae nomine natio gentium designari. Glossa. Tertio autem habet evangelica
doctrina altitudinem libertatis. Augustinus contra adversarium legis et
Proph. In veteri enim testamento, propter temporalium bonorum
promissionem, malorumque comminationem, servos parit temporalis Ierusalem, in
novo autem, ubi fides impetrat caritatem, qua lex possit impleri, non magis
timore poenae quam dilectione iustitiae, liberos parit Ierusalem aeterna.
Glossa. Unde et hanc sublimitatem doctrinae
evangelicae propheta designat dicens exalta, noli timere. Restat autem videre quibus et qua de causa hoc
Evangelium sit scriptum. Hieronymus super Matth. Matthaeus enim
Evangelium in Iudaea Hebraeo sermone edidit, ob eorum maxime causam qui in
Ierusalem crediderant ex Iudaeis. Cum enim primo praedicasset Evangelium in
Iudaea, volens transire ad gentes, primus Evangelium scripsit Hebraice, quod
fratribus a quibus ibat, in memoria dereliquit. Sicut enim necesse fuit ad
confirmationem fidei Evangelium praedicari, sic et contra haereticos scribi.
Chrysostomus super Matth. Corpus autem
suae narrationis ordinavit Matthaeus: primum ergo nativitatem, deinde
Baptismum, tertio tentationem, quarto doctrinam, quinto miracula, sexto
passionem, septimo resurrectionem et ascensionem ipsius; non solum historiam
de Christo exponere volens per hoc, verum etiam evangelicae vitae statum
docere, quoniam nihil est quod ex parentibus nascimur, nisi iterum per aquam
et spiritum renati fuerimus ex Deo. Post Baptismum autem
necesse est contra Diabolum stare. Post hoc quasi omni superata tentatione
factus idoneus ad docendum, si quidem sacerdos est, doceat, et doctrinam suam
bonae vitae quasi miraculis factis commendet; si laicus est, operibus doceat
fidem. Deinde necesse est exire nos de hoc stadio mundi et tunc restat ut
tentationum victoriam resurrectionis merces sequatur, et gloria. Glossa. Patet igitur ex praemissis Evangelii
nomen, evangelicae doctrinae materia, scriptorum Evangelii figura, numerus,
tempus, lingua, differentia et ordo, evangelicae doctrinae sublimitas, et
quibus hoc Evangelium sit conscriptum et ordo processus ipsius. |
PRÉFACE A SAINT MATTHIEU PAR SAINT THOMAS
Celui qui a prédit avec plus de clarté les
mystères de l’Évangile, le prophète Isaïe, renfermant en peu de mots la
sublimité de la doctrine évangélique, son nom et ce qui en a fait l’objet,
s’adresse au nom du Seigneur au docteur évangélique, et lui parle en ces
termes « Montez sur une haute
montagne vous qui évangélisez Sion; élevez la voix avec force, vous qui
évangélisez Jérusalem; criez, ne craignez pas, dites aux villes de Juda:
Voici Votre Dieu, voici que le Seigneur Dieu paraît dans sa force, il
dominera par la force de son bras et il tient entre ses mains le prix de ses
travaux. » (Is 40) Commençons par le nom même d’Évangile. —
Saint Augustin : (cont. Faust. liv. 2, chap. 2.) Évangile signifie en latin « bon message » ou « bonne nouvelle ». Ce mot peut
être employé toutes les fois qu’on annonce une quelconque heureuse nouvelle;
mais il a été spécialement réservé pour désigner l’ annonce du Seigneur, et
on appelle Évangélistes proprement dits les écrivains qui ont raconté la
naissance, les actions, les paroles et les souffrances de Notre Seigneur
Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 1 sur
S. Matth.) En effet, que pourra-t-on jamais trouver qui soit équivalent à
une si heureuse nouvelle ? Dieu sur la terre, l’homme dans le ciel,
notre nature rentrée en amitié avec Dieu, cette si longue guerre enfin
terminée, la puissance du démon détruite, la mort anéantie, le paradis
ouvert, et toutes ces grâces qui étaient au-dessus de notre dignité nous ont
été données avec libéralité, non comme récompense de nos efforts, mais par un
effet de l’amour de Dieu pour nous. —
Saint Augustin : (de la vraie relig., chap. 16.) Dieu qui a
des moyens infinis pour guérir les âmes suivant les circonstances favorables
des temps qu’il fait naître et dispose dans son admirable sagesse, n’a jamais
fait paraître plus de bonté pour le genre humain, que lorsque son Fils unique
consubstantiel et coéternel à son Père a daigné s’unir l’homme tout entier.
« Et le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous, » et en
apparaissant ainsi au milieu des hommes revêtu de leur nature, il a fait voir
quel rang élevé la nature humaine occupait dans la création. —
Saint Augustin : (serm. sur la Nativ.) Enfin Dieu s’est fait
homme, pour que l’homme devînt Dieu; c’est cette grâce extraordinaire, qui
devait être publiée [dans la suite des temps], que le Prophète prédit en ces termes
« Voici votre Dieu. » —
Saint Léon le Grand, pape. (Lettre 10, chap. 3.) Cet anéantissement par lequel l’invisible
s’est rendu visible [contresens ?
littéralement : « par lequel il s’est rendu invisible »],
et le Créateur, le Seigneur Dieu de toutes choses s’est réduit à la condition
des mortels, a été en lui une inclination de miséricorde, et non un
amoindrissement de puissance. La Glose
: (interlin. sur Isaïe, XL.)
Afin que l’on ne pût croire que la venue de Dieu sur la terre entraînait pour
lui un affaiblissement de puissance, le Prophète ajoute « Voici que le
Seigneur vient dans sa force. » —
Saint Augustin : (de la doct. chrét., liv. 1, chap. 12.) Il
vient, non pas en traversant l’espace, mais en apparaissant aux yeux des
mortels revêtu d’une chair mortelle. —
Saint Léon le Grand, pape. (serm. 49 sur la pass.) Par l’ineffable puissance de Dieu, il est
arrivé que le vrai Dieu s’étant revêtu d’une chair passible, l’homme a obtenu
la gloire par ses abaissements, l’incorruptibilité par son supplice, la vie
par sa mort. —
Saint Augustin : (du bapt. des enf., r, 30.) Car c’est
l’effusion de ce sang innocent qui a effacé les traités de toutes les fautes qui
soumettaient les hommes au honteux esclavage du démon. — La Glose : (interlin. sur Isaïe, 40.)
Mais les hommes n’ont été délivrés du péché par la vertu de la passion de
Jésus-Christ que pour devenir les serviteurs de Dieu; c’est pour cela que le
Prophète ajoute: « Il dominera par la force de son bras. » —
Saint Léon le Grand, pape. (serm. sur la passion.) Nous avons reçu par Jésus-Christ un
secours si puissant, que notre nature passible a été affranchie de la loi de
mort à laquelle la nature impassible s’était soumise, car par ce privilège
d’immortalité qui lui est propre, il peut ressusciter ce qui était condamné à
une mort éternelle. — La Glose : (interlin.) Et c’est ainsi que
Jésus-Christ nous a ouvert l’accès à la gloire immortelle, comme le Prophète
l’exprime en disant : « Sa récompense est avec lui », et comme
saint Matthieu le déclare lui-même par ces paroles: « Votre récompense
est grande dans les cieux. » —
Saint Augustin : (contre Faust., liv. 4, chap. 2.) La
promesse de la vie éternelle et le royaume des cieux sont le privilège du
Nouveau Testament; quant à l’Ancien, il ne contenait que des promesses de
biens temporels. — La Glose : (sur Ezéchiel, 1.) L’Évangile
nous enseigne donc ces quatre choses sur la personne de Jésus-Christ: la
divinité s’est unie à la nature humaine; l’humanité a été élevée par cette
union; la mort du Fils de Dieu nous a délivrés de la servitude, et sa
résurrection nous a ouvert les portes de la vie éternelle; c’est ce
qu’Ezéchiel a prophétisé sous la figure des quatre animaux. —
Saint Grégoire le Grand : (sur Ezéch., hom. 4.) En effet, le Fils
unique de Dieu s’est réellement fait homme; dans le sacrifice de notre
rédemption il a été immolé comme un taureau; il s’est levé du tombeau par la
vertu de sa force, comme un lion; il a pris le vol de l’aigle pour monter au
ciel. — La Glose : (sur Ezéch., 1, 9.) Dans son
ascension, sa divinité se révèle avec éclat. Or, saint Matthieu nous est
figuré par l’homme, parce qu’il s’attarde surtout à ce qui concerne
l’humanité de Jésus-Christ; saint Marc par le lion, parce qu’il s’étend
davantage sur sa résurrection; saint Luc par le taureau, parce qu’il traite
de son Sacerdoce; saint Jean par l’aigle, parce qu’il a pénétré les profonds
mystères de la divinité. —
Saint Ambroise : (préf. sur S. Luc., un peu avant la fin) C’est
par un rappro-chement heureux qu’ayant appelé l’Évangile selon S. Matthieu un
livre moral, nous donnons place à cette interprétation figurée, car les mœurs
sont propres à la nature humaine; saint Marc est la figure du lion, parce
qu’il commence son Évangile en proclamant la puissance de Dieu
« Commencement de l’Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu » ;
saint Luc nous est représenté sous la figure d’un taureau, parce qu’il
commence son récit par une histoire sacerdotale, et que le taureau était une
des victimes immolées par les prêtres; enfin on attribue à saint Jean la figure
de l’aigle, parce qu’il a raconté les circonstances miraculeuses de la
résurrection du Seigneur. —
Saint Grégoire le Grand : (sur Ezéch., hom. 4.) Le commencement de
chaque Évangile atteste la vérité [de cette interprétation symbolique]; saint
Matthieu est parfaitement figuré par l’homme, puisqu’il commence son Évangile
par la génération humaine de Jésus-Christ; saint Marc par le lion, à cause du
cri dans le désert [par lequel il ouvre son récit]; saint Luc par le taureau,
parce qu’il débute par le récit d’un sacrifice; saint Jean par l’aigle, lui
qui commence par la génération éternelle du Verbe. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 1, chap. 6.)
On peut dire aussi que saint Matthieu est figuré par le lion, parce qu’il
s’est appliqué à faire ressortir la royauté de Jésus-Christ; saint Luc par le
taureau, parce que c’était une des victimes immolées par les prêtres; saint
Marc par l’homme, parce que, sans vouloir raconter la descendance royale ou
sacerdotale du Christ, il s’est attaché à ce qui concerne son humanité. Ces
trois animaux, le lion, le taureau et l’homme, vivent et marchent sur la
terre: aussi les trois évangélistes qu’ils représentent se sont-ils
principalement occupés de ce qu’a fait Jésus-Christ revêtu d’une chair
mortelle. Mais saint Jean prend le vol de l’aigle et il fixe la lumière de la
Vérité incommunicable avec les yeux perçants de son cœur. On peut en conclure
que les trois premiers Évangélistes ont traité surtout de la vie active, et
saint Jean de la contemplative. —
Saint Rémi : Les docteurs grecs dans la figure de
l’homme voient saint Matthieu qui a écrit la généalogie de Jésus-Christ selon
la chair; dans celle du lion, saint Jean, parce que de même que le
rugissement du lion fait trembler tous les animaux, ainsi saint Jean a été
l’effroi de tous les hérétiques; dans la figure du taureau, saint Luc, parce
que le taureau était une des victimes du sacrifice, et que cet évangéliste
parle souvent du temple et du sacerdoce; dans celle de l’aigle, saint Marc,
parce que dans les saintes Écritures l’aigle représente ordinairement
l’Esprit saint (Dt 32, 11; Ez 17, 3; Os 8, 1) qui a parlé par la bouche des prophètes, et que saint
Marc a commencé son Évangile par un texte prophétique. — S. Jérôme : (à
Eusèbe, prologue de l’Evang.) Quant au nombre des Évangélistes, il faut
observer qu’un assez grand nombre d’écrivains ont rédigé des évangiles, au
témoignage de saint Luc lui-même: « Puisque plusieurs se sont
efforcés de mettre en ordre, » etc... Nous avons encore aujourd’hui
des preuves subsistantes de ce grand nombre d’Évangiles composés par divers
auteurs, et qui ont été la source de diverses hérésies, tels que les
évangiles selon les Égyptiens, selon saint Thomas, selon Matthias, selon
saint Barthélemy, les évangiles des douze apôtres, de Basilide, d’Apelles et
d’autres qu’il serait trop long d’énumérer. Mais l’Église de Dieu, bâtie sur
la pierre par la parole du Seigneur et qui a donné naissance comme le paradis
terrestre à quatre grands fleuves, a aussi quatre anneaux aux quatre coins,
de manière à pouvoir être portée sur quatre bâtons mobiles comme l’arche de
l’Ancien Testament dépositaire et gardienne de la loi divine (Ex 27, 3; 25, 12). —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 1, chap. 2.) [Le
nombre quatre est peut-être aussi en rapport] avec les quatre parties de la
terre, dans toute l’étendue de laquelle se développe l’Église de
Jésus-Christ. Or, l’ordre qu’il faut assigner aux Apôtres dans la
connaissance et la prédication de l’Évangile n’est pas le même qu’il faut
suivre pour les écrivains sacrés. Les premiers qui furent appelés à connaître
et à prêcher la vérité sont ceux qui suivirent le Seigneur pendant sa vie
mortelle, entendirent ses enseignements, furent témoins de ses actes, et
reçurent de sa bouche l’ordre d’aller prêcher l’Évangile. Mais quant à la
composition de l’Évangile, dont il faut croire qu’elle a été réglée par une
disposition toute divine, deux apôtres du nombre de ceux que Jésus-Christ a
choisis avant sa passion, saint Matthieu et saint Jean, tiennent l’un la
première place, l’autre la dernière. Les deux autres évangélistes n’étaient
pas de ce nombre, ils avaient cependant suivi Jésus-Christ dans la personne
de deux apôtres, qui les reçurent comme des fils, et au milieu desquels ils
furent placés comme pour en être soutenus des deux côtés. —
Saint Rémi : Saint Matthieu écrivit son Évangile
dans la Judée, sous le règne de l’empereur Caius Caligula; saint Marc en
Italie et à Rome, sous le règne de Néron ou de Claude, selon les dires de
Rabanus; saint Luc dans l’Achaïe ou la Béotie, sur la prière de Théophile;
saint Jean à Ephèse dans l’Asie Mineure, sons le règne de Nerva. — Saint Bède : On compte,
il est vrai, quatre Évangélistes, mais c’est moins quatre évangiles [différents]
qu’ils ont écrit, qu’un seul parfaitement d’accord avec la vérité de ces
quatre livres. De même en effet que deux vers, ayant absolument le même
sujet, diffèrent cependant par les expressions et par la mesure, et ne
présentent toutefois qu’une seule et même pensée, ainsi les livres des Évangélistes,
tout en étant au nombre de quatre, ne contiennent cependant qu’un seul et
même Évangile, parce qu’ils ne renferment qu’une seule et même doctrine sur
la foi catholique. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 1 sur S. Matth.) Il suffisait qu’un seul Évangéliste racontât tous les
faits [de la vie de Jésus-Christ]; mais lorsqu’on les voit tous les quatre
tenir le même langage, et, tout en étant séparés par les lieux comme par les
temps, et sans avoir pu se concerter en aucune manière, c’est là une démonstration
péremptoire de la vérité. Leurs divergences apparentes sur quelques points de
détail sont en outre la plus grande preuve de leur véracité; car s’ils
s’accordaient en tout, nos ennemis pourraient dire qu’ils se sont entendus
pour avancer ce qu’ils ont écrit. Dans les choses essentielles qui ont pour
objet la règle des mœurs et la prédication de la foi, on ne voit pas en eux
la moindre différence. Quant aux miracles, que l’un en raconte quelques-uns,
et un autre ceux que n’a pas racontés le premier, cela ne doit nullement vous
troubler. Car si un seul les avait tout racontés, le récit des autres
devenait tout à fait inutile; au contraire, s’ils avaient toujours raconté
des miracles différents, comment pourrait-on découvrir cette admirable unité
qui existe entre eux ? Quant aux variantes sur le temps où les faits se
sont passés, ou sur la manière dont ils ont eu lieu, elles ne détruisent en
rien la vérité du récit, ainsi que nous le montrerons dans la suite. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang. liv. 1, chap. 2.)
Quoique chacun d’eux paraisse avoir adopté un plan particulier de narration,
il ne le suit pas cependant comme s’il ignorait le récit de celui qui l’a
précédé, et en omettant les faits qu’un autre aurait racontés. Ils écrivent
selon l’inspiration qu’ils reçoivent chacun, et ajoutent à cette inspiration
l’utile coopération de leurs propres efforts. — La Glose : La sublimité de la
doctrine évangélique consiste d’abord dans l’excellence de l’autorité dont
elle émane. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 1, chap. 1.) En effet, parmi les livres
sacrés qui sont revêtus d’une autorité divine, l’Évangile occupe à juste
titre le premier rang, puisqu’il eut pour premiers prédicateurs les Apôtres
qui avaient suivi Notre Seigneur Jésus-Christ, le Seigneur du monde, revêtu
de notre nature, et que deux d’entre eux, saint Matthieu et saint Jean, ont
cru devoir consigner, chacun dans un ouvrage différent, les choses dont ils
avaient été les témoins. Et afin qu’on ne crût pouvoir établir, en ce qui
concerne la connaissance et la prédication de l’Évangile, une différence
entre les Évangélistes qui avaient suivi le Seigneur ici-bas, sur la terre,
et ceux qui avaient cru sur leur témoignage, la providence divine, par le
Saint Esprit, a disposé les choses de manière que le privilège non seulement
de prêcher, mais d’écrire l’Évangile fût donné aux disciples des premiers
apôtres. — La Glose : Il est donc évident
que l’autorité souveraine de l’Évangile vient de Jésus-Christ; c’est ce que
déclare le prophète Isaïe que nous avons déjà cité, lorsqu’il dit : « Montez
sur une haute montagne. » Cette haute montagne, c’est le Christ
lui-même, au témoignage du même prophète: « Dans les derniers jours,
la montagne sur laquelle se bâtira la maison du Seigneur sera fondée sur le
haut des monts, » c’est-à-dire au-dessus de tous les saints appelés
montagnes à cause de Jésus-Christ qui est comparé lui-même à une haute
montagne, parce que nous avons reçu tous de sa plénitude. Or, c’est avec
raison que ces paroles: « Montez sur une haute montagne »
sont adressées à saint Matthieu, car, comme nous l’avons dit plus haut, il
fut en personne témoin des actions de Jésus-Christ, et apprit à son école sa
divine doctrine. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 8, chap. 7) Nous
avons maintenant à répondre à une difficulté qui, d’habitude, fait impression
sur quelques personnes. Pourquoi, disent-elles, le Seigneur n’a-t-il rien
écrit par lui-même, et pourquoi sommes-nous obligés d’ajouter foi au récit de
ceux qui ont écrit à son sujet ? Il est faux de dire, répondrons-nous,
que le Seigneur n’a rien écrit, puisque ses membres n’ont fait que rapporter
ce que leur chef leur dictait, car tout ce dont il a voulu que nous prenions
connaissance de ses discours et de ses actions, il leur a commandé de
l’écrire, en dirigeant leur main comme la sienne propre. — La Glose : En second lieu
l’Évangile est sublime par sa vertu, au témoignage de l’Apôtre: « L’Évangile est la vertu de Dieu
pour sauver tous ceux qui croient », et c’est ce qu’a prédit le
Prophète lui-même dans les paroles citées plus haut: « Élève ta voix avec force », paroles qui indiquent la
manière dont la doctrine évangélique doit être annoncée, l’élévation de la
voix figurant la clarté de la doctrine. —
Saint Augustin : (à Volusien, lettre 3.) Le langage simple de la sainte Écriture est
accessible à tous, mais il n’est pénétré à fond que par un très petit nombre.
Les vérités claires qu’elles renferment, elle les propose sans artifice,
comme un ami intime, au cœur des savants comme à celui des ignorants. Quant
aux mystères qu’elle recouvre d’un voile, elle ne les élève pas au-dessus de
nous à l’aide d’une parole prétentieuse, propre à éloigner les intelligences
sans instruction et de conception lente, comme le pauvre est porté à s’éloigner
du riche, mais elle invite tous les hommes par la simplicité de son langage,
non seulement à se nourrir de la vérité qui leur est révélée, mais encore à
exercer [leur foi] au milieu de ses divins secrets, ce langage qui propose la
vérité tant dans les choses faciles à comprendre que dans les secrets cachés;
et afin que la clarté n’engendre pas le dégoût, le voile qui les recouvre de
nouveau excite de saints désirs qui leur donnent un nouvel attrait, et les
font goûter avec plus de suavité. C’est ainsi que par une méthode salutaire,
les esprits dévoyés sont ramenés au bien, les faibles nourris, et les esprits
supérieurs remplis d’une douce joie. — La Glose : La voix qui éclate
s’entend de plus loin; on peut voir dans cette voix élevée une figure de la
prédication évangélique, que Dieu commande de porter non pas à une nation,
mais à tous les peuples, d’après ce précepte du Seigneur: « Allez, prêchez l’Évangile à toute
créature. » —
Saint Grégoire le Grand : Ces paroles: « Toute créature » peuvent
signifier tous les peuples de la terre. — La Glose : En troisième lieu
la doctrine évangélique est sublime par son caractère de liberté. —
Saint Augustin : (contre Faust.) Dans l’Ancien Testament, la
Jérusalem terrestre, sous l’impression de la promesse des biens temporels et
de la menace des châtiments, n’engendrait que des esclaves; dans le Nouveau,
où la foi obtient la charité qui fait accomplir la loi moins par un sentiment
de crainte du châtiment que par l’amour de la justice, la Jérusalem éternelle
n’engendre que des enfants libres. — La Glose : Cette sublimité de la doctrine évangélique nous est indiquée dans ces paroles du Prophète: « Élevez la voix, ne craignez pas. » Il nous reste à examiner les raisons qui ont
déterminé saint Matthieu à écrire son Évangile, et à quelles personnes il le
destinait. —
Saint Jérôme : (prolog. sur S. Matth.) Saint Matthieu a
écrit son Évangile dans la Judée et en hébreu, parce qu’il le destinait
principalement à ceux d’entre les Juifs de Jérusalem qui avaient embrassé la foi.
Après leur avoir d’abord prêché l’Évangile en Judée, voulant le transmettre
aux Gentils, il l’écrivit en hébreu pour en perpétuer le souvenir dans
l’esprit de ses frères, dont il se séparait; car de même qu’il était
nécessaire pour confirmer la foi que l’Évangile fût prêché, il fallait aussi
qu’il fût écrit pour combattre les hérétiques. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Voici dans quel ordre les
faits sont racontés dans saint Matthieu: premièrement la naissance de
Jésus-Christ; secondement son baptême; troisièmement sa tentation;
quatrièmement sa prédication; cinquième-ment ses miracles; sixièmement sa
passion; septièmement sa résurrection et son ascension. En suivant cet ordre,
il a voulu non seulement nous présenter la suite de la vie de Jésus-Christ,
mais encore nous donner comme le plan de la vie évangélique. Ce ne serait
rien, en effet, de recevoir la vie de nos parents, si Dieu ne nous donnait
une nouvelle naissance par l’eau et l’Esprit saint. Après le baptême, il faut
se dresser contre le démon; lorsqu’on a triomphé pour ainsi dire de toutes
les tentations, et qu’on est devenu capable d’enseigner les autres, si on est
prêtre, on doit enseigner et donner pour appui à sa doctrine une bonne vie,
qui a autant de force que les miracles; si on est simple fidèle, on doit
inspirer la foi par ses œuvres. Enfin il nous faut sortir de cette arène du
monde, et c’est alors que la récompense et la gloire de la résurrection
viennent couronner nos victoires sur les tentations. — La Glose : D’après tout ce que nous venons de dire, on voit clairement ce qui explique le nom même d’Évangile, son objet, les symboles qui ont figuré les Évangélistes, leur nombre, leur époque, leur langue, leurs divergences et leur plan, la sublimité de leur doctrine, ceux pour qui cet Évangile a été écrit et l’ordre adopté par l’écrivain sacré. |
Caput 1 |
CHAPITRE 1 — [Généalogie et naissance du Messie-Roi]
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Lectio 1 [85334] Catena in Mt., cap. 1 l. 1 Hieronymus.
Quia faciem hominis Matthaeus significat, quasi de homine exorsus est
scribere, dicens liber generationis. Rabanus. Quo exordio satis ostendit
generationem Christi secundum carnem suscepisse narrandam. Chrysostomus, super Matth. Iudaeis enim
Evangelium scripsit, quibus superfluum erat exponere divinitatis naturam, quam
cognoscebant; necessarium autem fuit eis mysterium incarnationis ostendere.
Ioannes autem cum gentibus Evangelium scripsit, quae non cognoscebant si Deus
filium habet; ideo necessarium fuit primum illis ostendere quia est filius
Dei Deus, deinde quia carnem suscepit. Rabanus. Cum autem parvam libri
particulam teneat generatio, dixit liber generationis. Consuetudo
enim Haebraeorum est ut voluminibus ex eorum principiis imponant nomina, ut
est Genesis. Glossa. Planior autem sensus esset: hic est
liber generationis, sed hic est mos in multis, ut visio Isaiae, subaudis:
haec est: generationis autem singulariter dicitur, quamvis multae per ordinem
replicentur, quia propter Christi generationem ceterae hic indicuntur. Chrysostomus in Matth. Vel ideo librum hunc
generationis nominat, quia haec est totius dispensationis summa, et radix
bonorum omnium, Deum hominem factum esse: hoc enim facto alia secundum
rationem sequebantur. Remigius. Dicit autem liber generationis Iesu
Christi quia noverat scriptum esse: liber generationis Adae; et ideo sic
exorsus est, ut opponeret librum libro. Adam
novum Adae veteri, quia omnia per istum sunt restaurata quae per illum sunt
corrupta. Hieronymus in Matth. In Isaia autem
legimus: generationem eius quis enarrabit? Non
ergo putemus Evangelistam prophetae esse contrarium, ut quod ille impossibile
dixit esse effatu, hic narrare incipiat, quia ibi de generatione divinitatis,
hic de incarnatione dictum est. Chrysostomus in Matth. Nec tamen parva
aestimes te audire, hanc audiens generationem. Est enim valde auditu mirabile
quod ineffabilis Deus ex muliere nasci dignatus est, et habere progenitores
David et Abraham. Remigius. Si autem aliquis dixerit quia
propheta de nativitate humanitatis dixit, non est respondendum ad
interrogationem prophetae. Nullus generationem domini narravit, sed perrarus,
quia Matthaeus et Lucas. Rabanus. In hoc autem quod dicit Iesu Christi,
regalem et sacerdotalem in eo exprimit dignitatem; nam Iesus, qui nominis
huius praesagium praetulit, primus post Moysen in populo Israel ducatum
tenuit; Aaron vero mystico consecratus unguento, primus in lege sacerdos fuit.
Augustinus de quaest. novi et veteris testamenti.
Quod autem per olei unctionem praestabat Deus illis qui in reges vel
sacerdotes ungebantur, hoc praestitit spiritus sanctus homini Christo, addita
expiatione: spiritus enim sanctus purificavit quod de Maria virgine in corpus
salvatoris profecit; et haec est unctio corporis salvatoris, quare Christus
est appellatus. Chrysostomus super Matth. Quia vero impia
prudentia Iudaeorum negabat Iesum de David semine esse natum, subdit filii
David, filii Abraham. Quare autem non sufficiebat dicere illum filium Abrahae
solius, aut David solius? Quia ad ambos de Christo nascituro ex eis promissio
fuerat facta: ad Abraham quidem sic: et in semine tuo benedicentur omnes
gentes terrae; ad David autem ita: de fructu ventris tui ponam super sedem
tuam. Ideo ergo utriusque filium dixit, ut utriusque promissiones in Christo
adimpletas ostenderet. Deinde, quia Christus tres dignitates fuerat
habiturus: rex, propheta, sacerdos. Abraham propheta fuit et sacerdos, sicut
Deus ad illum dicit in Genesi: accipe mihi vaccam triennem; propheta autem,
sicut ait dominus ad Abimelech de illo: propheta est, et orabit pro te. David
rex fuit et propheta; sacerdos autem non fuit. Ideo ergo amborum filius
nominatus est, ut utriusque patris triplex dignitas originali iure
recognosceretur in Christo. Ambrosius super Lucam. Ideo etiam duos generis
auctores elegit: unum qui de cognatione populorum promissum accepit, alterum
qui de generatione Christi oraculum consecutus est. Et ideo, licet sit ordine
successionis posterior, prior tamen describitur quia plus est, promissum
accepisse de Christo, quam de Ecclesia, quae est per Christum potior est enim
qui salvat eo quod salvatur. Hieronymus in Matth. Ordo etiam
praeposterus, sed necessario commutatus. Si enim primum posuisset Abraham, et
postea David, rursus ei repetendus fuisset Abraham, ut generationis series
texeretur. Chrysostomus super Matth. Altera autem
ratio est, quia regni dignitas maior est quam naturae, nam etsi Abraham
praecedat in tempore, David praecedebat in dignitate. Glossa. Quia vero ex hoc titulo apparet
totum hunc librum conscribi de Iesu Christo, necessarium est praecognoscere
quid sit sentiendum de ipso, sic enim melius exponi poterunt quae in hoc
libro de eo dicuntur. Augustinus de quaest. Evang. Error autem
haereticorum de Christo tribus generibus terminatur: aut de divinitate, aut
de humanitate, aut de utroque falluntur. Augustinus de Haeres. Cerinthus ergo et Ebion
Iesum Christum hominem tantum fuisse dixerunt, quos secutus Paulus
Samosatenus, Christum non semper fuisse, sed eius initium, ex quo de Maria
natus est, asseverat, nec enim aliquid amplius quam hominem putat; et haec
haeresis postea a Photino confirmata est. Athanasius contra Haeret. Ioannes autem
apostolus istius insaniam longe ante spiritu sancto conspiciens, eum alto
imperitiae sopore demersum suae vocis praeconio excitat, dicens: in principio
erat verbum. Ei ergo quod in principio erat apud Deum non relinquitur in
novissimo tempore ut originis suae ab homine principium sumpserit. Item
inquit: pater, clarifica me illa gloria quam habui apud te priusquam mundus
fieret. Audiat Photinus eum gloriam ante principium possedisse. Augustinus de Haeres. Nestorii autem
perversitas fuit ut hominem tantummodo ex beata Maria virgine genitum
praedicaret, quem verbum Dei non in unitatem personae, et in societatem
inseparabilem recepisset; quod Catholicorum aures nequaquam ferre potuerunt.
Cyrillus Alex. ad monachos Aegypti. Ait
enim apostolus de unigenito quod cum in forma Dei esset, non rapinam
arbitratus est esse se aequalem Deo. Quis est ergo ille qui est in forma Dei?
Aut quomodo exinanitus est, et descendit ad humilitatem secundum hominis
formam? Et quidem si praedicti haeretici in duo dividentes Christum, idest in
hominem et verbum, hominem dicunt sustinuisse exinanitionem, separantes ab eo
Dei verbum, praeostendendum est quia in forma et in aequalitate intelligitur
et fuit patris sui, ut exinanitionis sustineret modum. Sed nihil creaturarum
est, si secundum propriam intelligatur naturam, in patris aequalitate quomodo
ergo exinanitus dicitur, et ex qua eminentia ut esset homo descendit? Aut
quomodo intelligitur assumpsisse tamquam non habens in principio servi
formam? Sed aiunt quod verbum patri aequale existens habitavit in homine nato
per mulierem: et haec exinanitio. Certe audio filium dicentem sanctis
apostolis: si quis diligit me, verbum meum custodiet, et pater meus diliget
eum, et ad eum veniemus, et mansionem apud eum faciemus. Audis quomodo in eis
qui se diligunt, se et sibi cohabitare dixit Deum patrem? Putas ergo, ipsum
exinanitum et vacuatum dabimus et servi formam accepisse, quia in diligentium
se animabus facit mansionem? Quid autem spiritus habitans in nobis, putatis,
et ipse humanationis dispensationem adimplet? Abbas Isidorus ad Atribium presbyterum. Verum
ne universa annumeremus, unum, ad quod universa intendunt, dicemus quia illum
qui Deus erat, humilia loqui, et dispensativum simul et utile est, et nihil
inviolabili naturae praeiudicat. Eum vero qui homo est, divina et
supernaturalia quaedam loqui summae praesumptionis est malum; nam regi quidem
licet etiam et humiliter agere, militi vero non licet imperiales voces
emittere. Si igitur Deus erat humanatus, etiam humilia locum habent; si vero
homo tantum erat, excelsa non habent locum. Augustinus de Haeres. Sabellium discipulum
Noeti quidam perhibent, qui dicebat Christum eumdem et patrem et spiritum
sanctum. Athanasius contra Haeret. huius autem
insanissimi furoris audaciam caelestium testimoniorum auctoritate frenabo ad
demonstrandum propriae substantiae filii personam, non illa quae homini
suscepto congruere cavillatur, assumens, sed illa in medium proferens
testimonia, quae sine ullo ancipitis intelligentiae scrupulo divinitati eius
competere omnes pariter confitentur. In Genesi enim Deum dixisse legimus:
faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Ecce pluraliter dicit
faciamus, alium videlicet indicans ad quem loquentis factus est sermo. Si
unus est, ad imaginem suam fecisse diceretur; nunc autem alius et alterius
imaginem apertius fecisse describitur. Glossa. Alii vero veram Christi
humanitatem negaverunt. Valentinus enim dixit Christum a patre missum
spiritale vel caeleste corpus attulisse, nihilque assumpsisse de Maria
virgine, sed per illam tamquam per rivum aut fistulam sine assumpta carne
transisse. Nos autem non ideo credimus natum ex Maria
virgine, quod aliter in vera carne existere atque hominibus apparere non
posset, sed quia sic scriptum est in ea Scriptura, cui nisi crediderimus, nec
Christiani nec salvi esse poterimus. Si autem de caelesti, vel aerea, vel
humida creatura corpus assumptum vellet commutare in humanae carnis
verissimam qualitatem, hoc eum potuisse facere quis negaret? Augustinus de Haeres. Manichaei vero dixerunt,
phantasma esse dominum Iesum Christum, nec femineo posse nasci ex utero. Augustinus, Lib. 83 quaest. Sed si phantasma
fuit corpus Christi, fefellit Christus; et si fallit, veritas non est. Est
autem veritas Christus; non ergo phantasma fuit corpus eius. Glossa. Et quia principium huius Evangelii, et
etiam Evangelii secundum Lucam, manifeste ostendit Christum natum ex femina,
ex quo apparet vera Christi humanitas, ergo utriusque Evangelii principia
negant. Augustinus contra Faustum. Unde Faustus dicit:
Evangelium quidem a praedicatione Christi et esse coepit et nominari, in quo
ipse nusquam se natum ex hominibus dicit. At
vero genealogia adeo non est Evangelium, ut nec eius scriptor ausus fuerit
eam Evangelium nominare. Quid enim scribit? Liber generationis Iesu Christi
filii David; non ergo liber Evangelii Iesu Christi, sed liber generationis.
At vero Marcus, quia generationem scribere non curavit, sed tantum
praedicationem filii Dei, quod est Evangelium, vide quam competenter sit
exorsus: Evangelium, inquit, Iesu Christi filii Dei, ut hinc satis appareat
genealogiam non esse Evangelium; namque et in ipso Matthaeo, post inclusum
Ioannem in carcere, tunc legitur Iesum coepisse praedicare Evangelium regni. Ergo
quicquid ante hoc narratur, genealogiam esse constat, non Evangelium. Ad
Ioannem ergo et Marcum me contuli, quorum mihi principia non immerito placuerunt,
quia nec David nec Mariam inducunt, nec Ioseph. Contra quem Augustinus: quid ergo
respondebit apostolo dicenti: memor esto Iesum Christum resurrexisse a
mortuis, ex semine David, secundum Evangelium meum? Quod autem erat apostoli
Pauli Evangelium, hoc etiam ceterorum apostolorum et omnium fidelium; hoc
enim alibi dicit: sive ego, sive illi Evangelium praedicaverunt. Augustinus de Haeres. Ariani autem
patrem et filium et spiritum sanctum nolunt esse unius eiusdemque
substantiae, naturae, aut existentiae; sed esse filium creaturam patris,
spiritum vero sanctum creaturam creaturae, hoc est, ab ipso filio creatum
volunt. Christum etiam sine anima carnem suscepisse
arbitrantur. Augustinus de Trinit. Sed Ioannes in eo
declarat filium non tantum Deum esse, sed etiam eiusdem cum patre
substantiae, quia cum dixisset: et Deus erat verbum, addidit: omnia per ipsum
facta sunt. Unde apparet ipsum factum non esse, per quem facta sunt omnia; et
si factus non est, creatus non est; et sic eiusdem cum patre substantiae est;
omnis enim substantia quae Deus non est, creatura est. Augustinus contra Felicianum. Nescio enim quid
nobis mediatoris persona contulerit, qui melius nostrum non redimens, carnem,
quae sine anima nec beneficium possit sentire, suscepit. Si enim venit
Christus salvum facere quod perierat, quia totus homo periit, totus beneficio
salvatoris indiget; et ideo Christus veniendo, totum salvat, corpus et animam
assumendo. Augustinus Lib. 83 quaest. Quomodo etiam ipsi
respondent tam manifestis obiectionibus ex evangelica Scriptura, in qua
contra eos dominus tam multa commemorat? Ut est illud: tristis est anima mea
usque ad mortem; et: potestatem habeo ponendi animam meam; et multa
huiusmodi. Qui si dicant in parabolis eum locutum esse, habemus
Evangelistarum rationes, qui res gestas narrantes, sicut eum corpus habuisse
testantur, sic eum indicant habere animam per affectiones quae non possunt
esse nisi in anima. Eis enim narrantibus legimus: et miratus est Iesus, et
iratus, et multa huiusmodi. Augustinus de Haeres. Apollinaristae autem
sicut Ariani, Christum dixerunt carnem solam sine anima suscepisse. In qua
quaestione testimoniis evangelicis victi, mentem, quae rationalis est anima
hominis, defuisse animae Christi, sed pro hac ipsum verbum in ea fuisse
dixerunt. Augustinus Lib. 83 quaest. Sed si ita est,
belluam quamdam cum figura humani corporis Dei verbum suscepisse crederetur.
Augustinus de Haeres. De ipsa vero eius carne
sic a recta fide dissensisse perhibentur ut dicerent carnem illam et verbum
unius eiusdemque substantiae esse, contentiosissime asseverantes verbum
carnem factum, hoc est; verbi aliquid in carnem fuisse mutatum atque
conversum, non autem carnem de Mariae carne suscepisse. Cyrillus ad Ioannem Antiochenum. Furere autem
arbitramur eos qui suspicati sunt, quod mutationis obumbratio circa divinam
verbi naturam potest contingere: manet enim quod est semper, et non mutatur,
nec conversionis est capax. Leo ad Constantinopolitanos. Nos autem non ita
dicimus Christum hominem ut aliquid ei desit quod ad humanam certum est
pertinere naturam, sive animam sive mentem rationabilem, sive carnem, quae
non de femina sumpta sit, sed facta de verbo in carnem converso atque mutato.
Quae ter falsa Apollinaristarum haeresis tres varias protulit partes. Leo ad Palaestinos. Eutyches quoque tertium
Apollinaris dogma delegit, ut, negata humanae carnis atque animae veritate,
totum dominum nostrum Iesum Christum unius assereret esse naturae, tamquam
verbi divinitas ipsa se in carnem animamque verteret, et concipi, nasci aut
nutriri, et cetera huiusmodi, eius tantum essentiae fuerit, scilicet divinae,
quae nihil horum in se sine carnis recepit veritate, quoniam natura
unigeniti, natura est patris, natura est spiritus sancti, simul impassibilis
et sempiterna. Verum si ab Apollinaris perversitate haereticus iste
decesserit, ne convinceretur deitatem passibilem sentire atque mortalem, et
tamen verbi incarnati, id est verbi et carnis, unam audet pronuntiare
naturam; non dubie in Manichaei et Marcionis transit insaniam, et dominum
Iesum Christum simultorie omnia credit egisse, nec humanum ipsum corpus, sed
phantasticam corporis speciem oculis apparuisse cernentium. Idem ad Iulianum. In eo vero quod
Eutyches in episcopali iudicio ausus est dicere ante incarnationem duas
fuisse in Christo naturas, post incarnationem autem unam, necessarium fuit ut
ad reddendam rationem professionis suae sollicitis interrogationibus
urgeretur. Arbitror enim eum talia loquentem hoc habere persuasum quod anima
quam salvator assumpsit, prius in caelis sit commorata quam de Maria virgine
nasceretur. Sed hoc Catholicae mentes auresque non tolerant,
quia nil secum dominus de caelo veniens nostrae conditionis exhibuit, nec
animam eius, quae anterior extitisset, nec carnem, quae non materni corporis
esset, accepit. Unde quod in Origene merito damnatum est, qui animarum
antequam corporibus insererentur non solum miras, sed et diversas fuisse
asseruit actiones, necesse est quod in isto plectatur. Remigius. Has igitur haereses in principio
Evangelii sui Evangelistae destruunt, nam Matthaeus cum narrat eum duxisse
originem per reges Iudaeorum, verum hominem eum ostendit, et veram carnem
habuisse. Similiter et Lucas, qui sacerdotalem stirpem et personam describit.
Marcus autem, cum ait: initium Evangelii Iesu Christi filii Dei, et Ioannes
cum ait: in principio erat verbum manifestant eum ante omnia saecula semper
fuisse Deum apud Deum patrem. |
Verset 1.
—
Saint Jérôme : Saint Matthieu nous est
représenté sous la figure d’un homme (cf. Ez 1, 10), il commence donc son
évangile en parlant de l’humanité du Seigneur: « Livre de la génération » etc... — Raban : Cet exorde prouve
suffisamment que l’Évangéliste a voulu nous raconter la génération de
Jésus-Christ selon la chair. —
Saint Jean Chrysostome : Saint Matthieu écrivait
pour les Juifs, qui connaissaient la nature divine; il était donc inutile de
leur en parler; ce qu’il importait de leur apprendre, c’était le mystère de
l’incarnation. Saint Jean au contraire a écrit son évangile pour les Gentils,
qui ignoraient que Dieu eût un Fils, il lui fallait donc tout d’abord leur
enseigner que Dieu a un Fils, Dieu lui-même, et que ce Fils s’est incarné. — Raban.
Quoique la généalogie du Seigneur occupe une très petite place dans le livre
des Évangiles, saint Matthieu l’intitule: « Livre
de la génération », car c’est un usage chez les Hébreux de prendre
le titre de leurs livres dans les premiers faits qu’ils racontent, comme on
le voit dans le livre de la Genèse. — La Glose : (de S. Jérôme.) Le sens serait
plus clair si on lisait : « Voici
le livre de la génération »; mais on trouve de nombreux exemples de
cette manière de s’exprimer, tels que celui-ci: « Vision d’Isaïe », sous-entendez: « Voici ». On lit au singulier: « Livre de la génération », bien qu’il énumère
successivement plusieurs séries de générations, parce que ces généalogies ne
sont ici rappelées qu’en vue de la génération de Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur
S. Matth.) Ou bien encore, ce livre est appelé livre de la génération,
parce que le mystère d’un Dieu fait homme est l’abrégé de toute l’économie de
notre salut et la source de tous les biens; ce don une fois fait aux hommes,
tous les autres devaient nécessairement en découler. —
Saint Rémi : L’Évangéliste écrit: « Livre de la génération de
Jésus-Christ », parce qu’il savait qu’il existait un ouvrage
intitulé: « Livre de la génération d’Adam ». Par cet exorde, il a
donc intention d’opposer ce livre au premier, le nouvel Adam à l’ancien,
parce que le second a rétabli tout ce que le premier avait perdu. —
Saint Jérôme : Nous lisons dans le prophète Isaïe
(chap. 53): « Qui racontera sa
génération ? » N’allons pas croire que l’Évangéliste soit
contraire au prophète, en entreprenant de raconter ce qu’Isaïe déclare
au-dessus de toute expression; l’un parle de la génération divine, l’autre de
la génération humaine. —
Saint Jean Chrysostome : (même hom.) Ne regardez pas l’exposé de
cette génération comme de peu d’importance, car c’est une chose
souverainement extraordinaire qu’un Dieu ineffable ait daigné prendre
naissance dans le sein d’une femme et qu’il compte David et Abraham parmi ses
aïeux. —
Saint Rémi : Si l’on entend les paroles du prophète
de la génération humaine, à la question qu’il fait, il ne faut pas répondre:
Aucun n’a raconté la génération du Seigneur, mais un très petit nombre,
puisque saint Matthieu et saint Luc l’ont racontée. — Raban : Ces
paroles: « de Jésus-Christ » font
connaître la dignité royale et sacerdo-tale dont il est revêtu, car Josué,
dont le nom était la figure de celui de Jésus, fut après Moïse le chef du
peuple de Dieu, et Aaron, consacré par une onction mystérieuse, fut le
premier grand-prêtre de la loi. —
Saint Augustin : (Quest. sur le Nouv. et l’Anc. Test., chap.
45). Ce que Dieu conférait par l’onction à ceux qui étaient consacrés prêtres
et rois, l’Esprit saint l’a communiqué au Christ fait homme, en y ajoutant un
caractère d’expiation: car l’Esprit saint a purifié ce qui dans la Vierge
Marie servit à former le corps du Seigneur, et c’est en vertu de cette
onction de son corps qu’il a reçu le nom de Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) La fausse sagesse des Juifs
impies niait que Jésus fût de la race de David, l’Évangéliste prend donc soin
d’ajouter: « Fils de David, Fils
d’Abraham. » Mais pourquoi ne suffisait-il pas de dire qu’il était
le fils de l’un des deux ou d’Abraham, ou de David ? C’est que tous les
deux avaient reçu la promesse que le Christ naîtrait de leur postérité: « Toutes les nations de la terre seront
bénies en ta race », avait dit Dieu à Abraham; et à David: « Je ferai asseoir sur ton trône un
fils qui naîtra de toi. » Aussi l’Évangéliste appelle Jésus-Christ
fils de David et d’Abraham pour montrer l’accomplissement des promesses qui
leur ont été faites. Une autre raison, c’est que le Christ devait réunir en
sa personne la triple dignité de roi, de prophète et de prêtre. Or, Abraham a
été prêtre et prophète: prêtre, puisque Dieu lui dit dans la Genèse: « Prends pour me l’immoler une
génisse de trois ans » (Gn 15); prophète, comme Dieu le déclare au
roi Abimélech: « Il est prophète
et il priera pour toi. » Quant à David, il fut roi et prophète, mais
sans être prêtre. Jésus-Christ est donc appelé fils de l’un et de l’autre,
pour nous apprendre que cette triple dignité de ses deux aïeux lui était
dévolue par le droit de sa naissance. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.)
Parmi les ancêtres [du Seigneur], l’Écrivain sacré en choisit deux, l’un
à qui Dieu avait promis l’héritage des nations, l’autre à qui Il avait prédit
que le Christ naîtrait de sa race. David, quoique le dernier dans l’ordre chronologique,
est cependant nommé le premier, parce que les promesses qui ont le Christ
pour objet sont supérieures à celles qui concernent l’Église, qui n’existe
que par Jésus-Christ ; celui qui sauve est évidemment au-dessus de celui
qui est sauvé. —
Saint Jérôme : L’ordre est interverti, mais pour une
raison nécessaire, car si le nom d’Abraham avait précédé celui de David, il
aurait fallu répéter le nom d’Abraham pour l’enchaînement de la suite des
générations. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Math.) Une autre raison, c’est que
la dignité du trône l’emporte sur celle de la nature, et, bien qu’Abraham fût
le premier par ordre chronologique, David l’était par son titre de roi. — Glose : Comme ce livre tout
entier a pour objet la vie de Jésus-Christ, il est nécessaire tout d’abord de
s’en former une idée juste. Ou pourra ainsi plus facilement expliquer tout ce
qui dans le cours de cet ouvrage a rapport à sa divine personne. —
Saint Augustin : (Quest. sur les Evang. liv. 5, chap. 45.)
Les erreurs des hérétiques sur la personne de Jésus-Christ peuvent se réduire
à trois catégories : sa divinité, son humanité, ou l’une et l’autre à la
fois. —
Saint Augustin : (Des hérés. chap. 8 et 10.) Cérinthe et
Ebion prétendirent que Jésus-Christ n’était qu’un homme. Paul de Samosate
suivit leur erreur en soutenant que Jésus-Christ n’était pas éternel, que son
existence ne remontait pas au-delà de sa naissance du sein de Marie, car il
ne voyait en lui rien qui fût au-dessus de la nature humaine. Photin appuya
plus tard cette hérésie. —
Saint Athanase : L’apôtre saint Jean, voyant l’hérésie
de ce dernier bien long-temps auparavant à la lumière de l’Esprit saint,
plongé dans le profond sommeil de cette erreur insensée, le secoue de sa
léthargie par ces paroles: « Au
commencement était le Verbe. » Puisqu’il était en Dieu dès le
commencement, il est impossible qu’il ait reçu de l’homme dans ces derniers
temps le commencement de son existence. Jésus-Christ lui-même n’a-t-il pas
dit: « Mon Père, glorifiez-moi de
cette gloire que j’avais en vous avant la création du monde ? »
Que Photin comprenne donc qu’il possédait cette gloire dès le commencement. —
Saint Augustin : (Des hérés. chap. 19.) L’impiété de l’erreur
de Nestorius fut de prétendre, dans sa prédication, que celui qui était né de
la Vierge Marie n’était qu’un homme, avec lequel le Verbe divin n’avait pas formé
une unité de personne et contracté une union indissoluble, erreur que les
oreilles catholiques ne purent jamais supporter. — S.
Cyrille : (Aux
moines d’Égypte.) L’Apôtre parlant du Fils unique dit : « Lui qui avait la nature de Dieu,
n’a pas cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu. »
Quel est donc celui qui a la forme et la nature de Dieu ? et comment
s’est-il humilié, anéanti en prenant la forme et la nature de l’homme ?
Si les hérétiques dont nous venons de parler divisent Jésus-Christ en deux,
d’un côté l’homme, de l’autre le Verbe, et qu’ils prétendent, en séparant le
Verbe de l’homme, que c’est ce dernier seul qui s’est anéanti, il leur faut
prouver auparavant qu’il avait réellement la forme, la nature de Dieu son
Père, qu’il était son égal, pour qu’il ait pu se soumettre à
l’anéantissement. Mais aucune créature, considérée dans sa nature propre, ne
peut être l’égale du Père. Comment donc s’est-il anéanti ? De quelle
hauteur est-il descendu pour se faire homme ? Comment comprendre qu’il
ait pris la forme d’un esclave, qu’il n’avait pas auparavant ? Ils
répondent que le Verbe égal au Père a daigné habiter dans l’homme né de la
femme, et que c’est ainsi qu’il s’est anéanti. J’entends, il est vrai, le
Fils de Dieu dire à ses apôtres : « Si
quelqu’un m’aime il gardera ma parole, et mon Père l’aimera: et nous
viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. » Vous
comprenez comment il déclare que son Père et lui feront leur demeure dans
ceux qui l’aiment ? Or pensez-vous que nous puissions considérer qu’il
s’est appauvri, anéanti, qu’il a pris la forme d’esclave, parce qu’il fait sa
demeure dans le cœur de ceux qui l’aiment ? Et que direz-vous de
l’Esprit saint qui habite en nous ? Pensez-vous que ce soit là une
véritable incarnation ? —
L’abbé Isidore : (Au prêtre Archibius.) Pour ne pas nous étendre indéfiniment, nous
dirons, en quelques mots qui résument tout, que celui qui était Dieu, en
tenant un langage plein d’humilité, fait une chose sage, utile et qui ne
porte aucun préjudice à sa nature immuable; tandis que l’homme au contraire
ne peut s’approprier le langage des choses divines et surnaturelles sans une
présomption souveraine et coupable. Un roi peut faire des actions ordinaires,
un soldat ne peut s’arroger la parole du commandement. Si donc celui qui
s’est incarné est Dieu, les actions humbles ont leur raison d’être, mais s’il
n’était qu’homme, les choses divines sont impossibles. —
Saint Augustin : (Des hérés., chap. 41). Quelques écrivains
parlent de Sabellius disciple de Noet, qui prétendait que le Christ n’était
autre que le Père et l’Esprit saint. —
Saint Athanase : (Contre les hérés.) Je mettrai un frein à l’audace
de cette fureur si insensée, en m’appuyant sur l’autorité de témoignages
divins pour démontrer la personnalité propre du Fils et la consub-stantialité
divine. Pour cela, je ne me servirai pas des passages que par une fausse
interprétation il applique sans scrupule à l’humanité prise par le Seigneur,
mais je mettrai en avant ceux qui, sans aucune ambiguïté et de l’aveu de tous,
ne peuvent s’entendre que de la divinité. Nous lisons au chapitre 1er de la Genèse que Dieu s’exprime ainsi: « Faisons
l’homme à notre image et à notre ressemblance » ; il dit au pluriel : « Faisons », et il indique
néces-sairement quelqu’un à qui s’adressent ces paroles. Car si celui qui
parle était seul, il dirait qu’il a fait l’homme à son image, tandis qu’il
déclare ouvertement l’avoir fait également à la ressemblance d’un autre. — La Glose : D’autres ont nié la
vérité de l’humanité du Christ. C’est ainsi que Valentin a enseigné que le
Christ, envoyé par son Père, avait apporté sur la terre un corps spirituel et
céleste, qu’il n’avait rien pris de la Vierge Marie, mais qu’il n’avait fait
que passer par elle, comme l’eau passe dans un canal ou dans le lit d’un
ruisseau, sans qu’il y ait « in-carnation ». Pour nous, nous ne
croyons pas que Jésus-Christ est né de la Vierge Marie parce qu’il n’aurait
pu autrement exister ou apparaître aux hommes dans une chair véritable, mais
parce que telle est la doctrine de l’Écriture, qu’il nous faut croire sous
peine de n’être plus chrétiens, et et de ne pouvoir être sauvés. Si
Jésus-Christ avait voulu donner à son corps formé d’un élément céleste, aérien
ou liquide les propriétés d’une chair humaine véritable, qui oserait dire que
cela lui était impossible ? —
Saint Augustin : (Des hérés. chap. 46.) Les Manichéens ont
prétendu que Notre Seigneur Jésus-Christ n’était qu’un être imaginaire et
qu’il n’avait pu naître du sein d’une femme. —
Saint Augustin : (Liv. des LXXXIII quest. 13.) Or, si le corps du Christ ne fut qu’une apparence,
lui-même nous a trompés, et s’il nous a trompés, il n’est plus la vérité. Or
le Christ est la vérité, donc son corps ne fut pas un corps imaginaire. — La Glose : Le commencement de cet
évangile et aussi de l’évangile selon saint Luc nous montre clairement aussi
que le Christ est né d’une femme, ce qui prouve la vérité de son humanité;
les hérétiques rejettent en conséquence le commencement de ces deux
évangiles. —
Saint Augustin : (Contre Faustus, liv.
2, chap. 1.) C’est pour cela que Faustus nous dit: L’Évangile n’a
commencé et ne tire son nom que de la prédication du Christ, et nulle part
dans cet Évangile Jésus-Christ ne dit que sa naissance est humaine. Quant à
la généalogie, elle est si peu l’Évangile, que celui qui en est l’auteur n’a
pas osé lui donner ce nom. Comment s’exprime-t-il en effet ? « Livre
de la génération de Jésus-Christ, Fils de David. » Ce n’est donc pas
le livre de l’Évangile de Jésus-Christ, mais de la génération. Au contraire,
Marc ne s’est pas occupé d’écrire la généalogie, mais uniquement la
prédication du Fils de Dieu, prédication qui est vraiment l’Évangile. Aussi
voyez avec quel à-propos il commence son récit : « L’Évangile de Jésus-Christ Fils de Dieu. »
Ce qui prouve suffisamment que la généalogie ne fait point partie de
l’Évangile. Dans Matthieu lui-même, ce n’est qu’après que Jean-Baptiste eut
été jeté en prison que nous lisons que Jésus commença à prêcher l’Évangile du
royaume. Donc il est évident que tout ce qui précède appartient à la
généalogie, et non pas à l’Évangile. Je me suis donc reporté à Marc et à Jean
dont les commencements me plaisent avec raison, car ils ne font mention ni de
David, ni de Marie, ni de Joseph. Voici comment saint Augustin le réfute: Que répondra-t-il à ces paroles de
l’Apôtre (2 Tm 2): « Souvenez-vous que Jésus-Christ, qui
est de la race de David, est ressuscité selon l’Évangile que je
prêche ? » Or, l’évangile de l’apôtre saint Paul, c’était
l’évangile des autres apôtres, et de tous les fidèles [dispensateurs d’un si
grand mystère]. C’est ce que lui-même dit ailleurs « Que ce soit moi, que ce soient eux qui vous prêchent
l’Évangile, voilà, etc…» [L’abbé Péronne ajoute
ici : Tous, en effet, n’ont pas écrit l’Évangile, mais tous l’ont
prêché.] —
Saint Augustin : (Des hérésies, chap. 49.) Les Ariens ne veulent
pas admettre que le Père, le Fils et l’Esprit saint n’aient qu’une seule et
même substance, une seule et même nature, une seule et même existence; mais
ils voient dans le Fils une créature du Père, et dans l’Esprit saint une
créature produite par une créature, c’est-à-dire par le Fils; ils soutiennent
encore que le Christ a pris un corps sans âme. —
Saint Augustin : (Liv. 1 de
la Trinité, chap. 6.) Mais Jean déclare dans son évangile que non
seulement le Fils est Dieu, mais qu’il est consubstantiel à son Père; car
après avoir dit: « Et le Verbe était Dieu », il
ajoute: « Toutes choses ont été
faites par lui. » Donc il n’a pas été fait lui-même, puisque tout a
été fait par lui, et s’il n’a pas été fait, il n’a pas été créé, et il a la
même substance que son Père, car toute substance qui n’est pas Dieu est une
substance créée. —
Saint Augustin : (Contre Félicien, chap. 13.) Je ne sais pas
quel avantage la personne du Médiateur nous aurait procuré, si en laissant la
meilleure partie de nous-mêmes sans rédemption, il n’a pris de notre nature
que la chair, qui, séparée de l’âme, est incapable d’apprécier ce bienfait.
En effet, si Jésus-Christ est venu sauver ce qui avait péri, comme tout en
nous était perdu, tout réclamait le bienfait de la rédemption. Aussi
Jésus-Christ, en venant sur la terre sauve tout en s’unissant tout notre
être, le corps et l’âme. —
Saint Augustin : (Liv. des LXXXIII quest. 80.) Comment encore peuvent-ils répondre aux difficultés si
évidentes que leur présente le saint Évangile, où le Seigneur produit contre
eux des témoignages si frappants, par exemple: « Mon âme est triste jusqu’à la mort », et encore: « J’ai le pouvoir de donner ma
vie », et beaucoup d’autres semblables. Diront-ils que ce langage de
Notre Seigneur est figuré, nous leur opposerons l’autorité des Évangélistes,
qui, dans le récit des faits, établissent également que Jésus-Christ avait un
corps, et qu’il avait une âme, et lui attribuent des sentiments qui ne
peuvent exister que dans l’âme. C’est ainsi que nous lisons dans leurs récits
: « Et Jésus fut dans
l’admiration », « il
s’irrita », et d’autres semblables exemples. —
Saint Augustin : (Des hérésies, chap. 55.) Les Apollinaristes
ainsi que les Ariens soutinrent que le Christ s’était revêtu d’un corps seulement,
mais âme. Vaincus sur ce point par les témoignages de l’Évangile, ils se
retranchèrent à dire que cette faculté qui constitue l’homme raisonnable
avait manqué à l’âme du Christ, et qu’elle avait été remplacée en lui par le
Verbe de Dieu. —
Saint Augustin : (Liv. des LXXXIII Quest., quest. 80.) S’il en était ainsi, il faudrait croire que
le Verbe divin aurait pris la nature d’un animal sans raison avec une figure
humaine. — Saint Augustin : (Des hérésies, chap. 55.) Quant à la vérité de sa chair, ils se sont éloignés de la vraie foi à ce point de prétendre que le Verbe et la chair n’avaient qu’une seule et même substance, et de soutenir à force de sophismes que le Verbe s’était fait chair, en ce sens qu’une partie du Verbe avait été changée, convertie en chair, et que cette chair n’avait pas été formée de la chair de Marie. — S.
Cyrille : (Lettre
à Jean d’Antioche.). Il faut avoir perdu le sens, à notre avis, pour
soupçonner l’ombre même de changement dans la nature du Verbe divin. Elle
demeure ce qu’elle est toujours, elle ne change pas, elle n’est susceptible
d’aucune altération. —
Saint Léon le Grand. (Lettre au concile de Constance. 23.) Pour nous, nous ne dirons
pas que le Christ s’est fait homme en ce sens qu’il lui ait manqué ce qui
constitue – c’est évident - la nature humaine, soit l’âme, soit
l’intelligence ordinaire, soit un corps qui ne serait point né d’une femme,
mais qui serait le produit du changement, de la conversion du Verbe dans la
chair : trois erreurs qui forment les trois différentes parties de
l’hérésie des Apollinaristes. —
Saint Léon le Grand. (Aux moines de la Palest. let. 83.) Eutychès s’empara de la
troisième erreur des Apollinaristes, et il nia qu’il y eut en Notre Seigneur
Jésus-Christ la réalité d’une chair humaine et d’une âme [semblable à la
nôtre], et soutint qu’il n’y avait en lui qu’une seule nature. Dans son
système, la substance divine du Verbe serait comme changée en corps et en
âme; et ces différentes actions, être conçu, naître, être nourri, et d’autres
du même genre étaient des actions de l’essence divine, toutes choses qui ne
peuvent lui être attribuées que par son union à une chair véritable; car la
nature du Fils est la même que la nature du Père, que la nature du
Saint-Esprit, elle a la même impassibilité et la même éternité. Si cet
hérétique parait se séparer de l’erreur perverse d’Apollinaire, pour ne pas
être obligé d’admettre que la divinité est passible et mortelle, et que
cependant il ne craigne pas de soutenir qu’il n’y a, dans le Verbe incarné,
c’est-à-dire dans le Verbe et dans la chair, qu’une seule nature, il tombe sans
aucun doute dans l’erreur insensée des Manichéens et de Marcion; il faut
qu’il admette encore que tout en Jésus-Christ a été feint et imaginaire, et
que sans avoir un corps véritable il n’a fait qu’en présenter l’apparence aux
yeux de ceux qui le voyaient. — Le
même (Lettre 2
à Julien.) Eutychès ayant osé dire
devant l’assemblée des évêques qu’il y avait eu en Jésus-Christ deux natures
avant l’incarnation, et une seule après, on dut le presser par des questions
habilement posées de bien préciser sa foi. Quant à moi, je pense qu’en
s’exprimant ainsi il était persuadé que l’âme que le Seigneur s’est unie a
séjourné dans les cieux avant de naître de la Vierge Marie. Mais c’est un
langage que ni l’intelligence ni les oreilles des catholiques ne peuvent
tolérer, attendu que le Seigneur en descendant des cieux n’en a rien apporté
de ce qui est propre à notre nature, ni une âme qui eût préexisté à sa
naissance, ni un corps venu d’ailleurs que du sein maternel. Aussi l’erreur
condamnée justement dans Origène, qui a soutenu que les âmes, avant d’être
unies à des corps, non seulement avaient existé, mais qu’elles avaient agi
diversement, doit l’être également dans Eutychès. — Saint Rémi : Les Évangélistes anéantissent toutes ces hérésies au commencement de leur Évangile: saint Matthieu en soutenant que Jésus-Christ tire son origine des rois de Juda, prouve qu’il est véritablement homme, et qu’il a réellement revêtu notre chair; de même saint Luc, qui décrit son origine sacerdotale. Saint Marc au contraire par ces mots: « Commencement de l’Évangile de Jésus-Christ », et saint Jean par ces autres : « Au commencement était le Verbe », proclament tous les deux qu’avant tous les siècles il a toujours été Dieu en Dieu le Père. |
Lectio 2 [85335] Catena in Mt., cap. 1 l. 2 Augustinus
de Cons. Evang. Matthaeus Evangelista ostendit generationem Christi
secundum carnem se suscepisse narrandam, quia genealogiam Christi exorsus
est. Lucas autem tamquam sacerdotem in expiandis peccatis magis assignans,
non ab initio Evangelii sui, sed a Baptismo Christi generationes enarrat, ubi
testimonium Ioannes perhibuit dicens: ecce qui tollit peccata mundi. In generationibus etiam Matthaei
significatur nostrorum susceptio peccatorum a domino Christo. In
generationibus autem Lucae significatur abolitio nostrorum peccatorum ab
ipso, ideo generationes Christi Matthaeus descendens enarrat, Lucas autem
ascendens. Humanam autem Christi generationem Matthaeus descendendo
describens, ab Abraham generationes commemorat. Ambrosius super Lucam. Prior enim
Abraham meruit fidei testimonium, quia credidit Deo, et reputatum est ei ad
iustitiam. Ideo etiam auctor generis debuit significari, quia instaurandae
Ecclesiae sponsionem primus emeruit, cum dicitur: benedicentur in te omnes
tribus terrae. Et iterum David delatum est quod Iesus filius eius diceretur,
unde huic praerogativa servatur ut ab eo generationis dominicae manaret
exordium. Chrysostomus in Matth. Evangelista
igitur Matthaeus generationem dominicae carnis per seriem parentum volens
commendare memoriae, ordiens a patre Abraham, dicit Abraham genuit Isaac. Cur
non dixit: Ismael, quem primitus genuit? Sequitur Isaac autem genuit Iacob.
Cur non dixit: Esau, qui eius primogenitus fuit? Quia scilicet per illos ad
David pervenire non posset. Glossa. Omnes tamen fratres Iudae, cum ipso in
generatione computat, quod etiam ideo factum est, quia Ismael et Esau non
remanserunt in cultu unius Dei; fratres vero Iudae in populo sunt computati.
Chrysostomus in Matth. Vel propterea duodecim
patriarcharum meminit, ut eam quae ex progenitorum nobilitate est, elationem
auferret. Etenim multi horum ex ancillis nati fuerunt, sed omnes similiter
erant patriarchae et tribuum principes. Glossa. Ideo autem Iudam nominatim posuit,
quia de illo tantum dominus descendit. Anselmus. In
singulis autem patribus non solum debet notari historia, sed allegoria et
moralitas: allegoria quidem in quo unusquisque patrum Christum praefiguret;
moralitas in hoc notatur quod ex singulis patribus in nobis aliqua virtus per
significationem nominis vel exemplum aedificetur. Abraham ergo in multis
locis figuram Christi portat, et praeterea in nomine: Abraham enim pater
multarum gentium interpretatur, et Christus est pater multorum fidelium.
Abraham etiam de cognatione sua exiit, et in terra aliena demoratus est, et
Christus, derelicto Iudaico populo, ad gentes per praedicatores suos exivit. Chrysostomus super Matth. Isaac autem
interpretatur risus. Risus autem sanctorum est, non stulta cachinnatio
labiorum, sed rationabile gaudium cordis, quod fuit mysterium Christi. Sicut
enim ille parentibus in ultima senectute donatus est laetitia suis, ut
cognoscatur quia non erat filius naturae, sed gratiae, sic et Christus in
novissimo fine productus est a matre Iudaea gaudium cunctis; sed iste per
virginem, ille de anu, ambo contra spem naturae. Remigius. Iacob supplantator interpretatur, et
de Christo dicitur: supplantasti insurgentes in me subtus me. Iacob genuit
Iudas et fratres eius. Chrysostomus super Matth. Et noster Iacob
genuit duodecim apostolos in spiritu, non in carne; verbo, non in sanguine.
Iudas autem interpretatur confessor, quoniam Christi erat imago, qui
confessor patris erat futurus, dicens: confiteor tibi, pater, domine caeli et
terrae. Glossa. Moraliter autem Abraham nobis virtutem
fidei per exempla Christi significat, cum de eo legatur: Abraham credidit
Deo, et reputatum est ei ad iustitiam. Isaac significat spem, quia
interpretatur risus, fuit enim gaudium parentum; spes vero similiter est
gaudium nostrum, dum aeterna bona sperare facit et de eis gaudere. Abraham
ergo genuit Isaac quia fides generat spem. Iacob autem significat caritatem.
Caritas enim amplectitur duas vitas: activam per dilectionem proximi, contemplativam
per dilectionem Dei; activa per Liam, contemplativa per Rachel significatur.
Lia enim laborans interpretatur, quia activa in labore est; Rachel visum
principium, quia per contemplativam principium, id est Deus, videtur.
Nascitur ergo Iacob de duobus parentibus, quia caritas nascitur de fide et
spe; quod enim credimus et speramus, diligimus. |
Verset 2.
— Saint Augustin : (de l’accord des Evang. liv. 2, chap. 1.) Saint Matthieu, en commençant son évangile par la
généalogie de Jésus-Christ, prouve par là qu’il a entrepris de nous raconter
l’origine de Jésus-Christ selon la chair. Saint Luc au contraire qui se
propose de nous le présenter surtout comme prêtre chargé d’expier nos péchés,
raconte la généalogie de Jésus-Christ non pas au début de son évangile mais après
son baptême, alors que saint Jean lui rendit ce témoignage: « Voici celui qui efface les péchés
du monde. » La suite des générations dans saint Matthieu
nous représente Notre Seigneur Jésus-Christ prenant sur lui nos péchés, et
dans saint Luc, Notre Seigneur effaçant ces mêmes péchés [(cf. Lc 3, 23: « Et Jésus avait alors trente ans commencés,
étant comme l’on croyait, fils de Joseph »)]; c’est pour cela que saint
Matthieu dresse cette généalogie en descendant, et saint Luc en remontant. Or
saint Matthieu, qui raconte la génération de Jésus-Christ en commençant par
ses premiers ancêtres, ouvre la série des générations par Abraham. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) En effet, Abraham fut le
premier qui mérita que Dieu rendît témoignage à sa foi, parce qu’il crut en
Dieu, et que sa foi lui fut imputée à justice (Gn 15, 16; Rm 4, 6; Gal 3, 1;
Jc 3, 23). Il avait aussi droit à nous être représenté comme la souche de la
génération [du Christ], parce que le premier encore il reçut la promesse de
l’établissement de l’Église par ces paroles: « En toi seront bénies toutes les nations de la terre. » David
partage également cet honneur que Jésus soit appelé son fils, et la
prérogative de voir la généalogie du Seigneur commencer par son nom. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 15, chap. 15.) [référence à vérifier] L’Évangéliste S. Matthieu
voulant graver dans la mémoire la génération de Jésus-Christ selon la chair
par la série de ses aïeux, commence par Abraham et dit: « Abraham engendra Isaac. » Pourquoi ne dit-il pas: il
engendra Ismaël qui fut l’aîné de ses enfants ? Il ajoute : « Isaac engendra Jacob. » Pourquoi
n’a-t-il pas dit: Il engendra Esaü qui fut son premier-né ? C’est que ni
par Ismaël, ni par Esaü on ne pourrait descendre jusqu’à David. — La Glose : Cependant tous les
frères de Juda sont comptés avec lui dans la génération, parce que cela s’est
réalisé ainsi, tandis qu’Ismaël et Esaü n’ont pas persévéré dans le culte
d’un seul Dieu, tandis que les frères de Juda font partie du peuple de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 3 sur
S. Matth.) Ou bien il fait mention des douze patriarches pour ôter tout
prétexte à l’orgueil qui provient de la noblesse des aïeux. Car plusieurs
d’entre eux eurent pour mères de simples servantes, mais tous furent également
patriarches et chefs de tribu. — La Glose : Juda est désigné
nommément, parce que c’est de lui seul qu’est descendu le Seigneur. — S. Anselme :
Chacun des aïeux du Christ doit nous rappeler non seulement leur
histoire, mais encore une allégorie et une moralité: une allégorie en ce que
tous ont été la figure du Christ; une moralité, parce que chacun d’eux nous
inspire la vertu par la signification de son nom ou par les exemples de sa
vie. Ainsi Abraham dans plusieurs circonstances a été la figure du Christ et
il l’a été de plus par son nom, car Abraham signifie « père de plusieurs
nations », et le Christ a été aussi le père de tous les fidèles (Ps 17,
40). Abraham sortit encore de sa famille pour aller habiter dans une terre
étrangère, et le Christ abandonna le peuple juif pour aller chez les Gentils
dans la personne de ceux qui ont prêché sa doctrine. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Isaac signifie « ris ». Or le rire des saints n’est pas
l’éclat insensé qui sort des lèvres, mais la joie modérée d’une âme
raisonnable. En cela il a été la figure du Christ, car de même qu’Isaac fut
donné à ses parents dans leur extrême vieillesse pour être leur joie, et leur
apprendre qu’il n’était pas l’enfant de la nature mais de la grâce, ainsi
Jésus-Christ naquit dans les derniers temps d’une mère juive, pour être la
joie de tous; l’un naquit d’une vierge, l’autre d’une femme âgée, tous deux à
l’encontre de ce qu’on pouvait espérer naturellement —
Saint Rémi : Le nom de Jacob signifie « qui
supplante », et il est dit du
Christ: « Vous avez renversé sous
moi ceux qui s’élevaient contre moi (Ps 17, 40). » Jacob engendra
Juda et ses frères. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Notre Jacob engendra douze
apôtres non dans la chair, mais dans l’esprit, non de son sang, mais par sa
parole. Juda signifie celui « qui confesse », et en cela il était la figure de Jésus-Christ qui devait rendre
gloire à son Père: « Je vous rends
gloire, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre. » — La Glose : Au sens moral, Abraham par ses exemples est une figure de la vertu de foi, puisqu’il est dit de lui : « Abraham crut en Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice. » Isaac est la figure de l’espérance, car son nom signifie « ris », et il fut en effet la joie de ses parents. Or c’est ce que fait également l’espérance en nous comblant de joie dans l’attente des biens éternels. Abraham engendra Isaac, parce que la foi est mère de l’espérance. Jacob est la figure de la charité, car la charité embrasse à la fois deux vies différentes: la vie active par l’amour du prochain, la vie contemplative par l’amour de Dieu. La vie active est figurée par Lia, la contemplative par Rachel. Lia signifie « celle qui travaille », parce que la vie active suppose nécessairement le travail, Rachel « le principe vu », car par la vie contemplative on voit Dieu qui est le principe de toutes choses. Jacob a pour aïeul et pour père Abraham et Isaac, parce que la charité naît de la foi et de l’espérance. En effet, ce que nous croyons, ce que nous espérons, nous l’aimons |
Lectio 3 [85336] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 3 Glossa. Praetermissis aliis filiis
Iacob, Evangelista Iudae prosequitur generationem dicens Iudas autem genuit
Phares et Zaram de Thamar. Augustinus de Civit. Dei. Nec Iudas
primogenitus, nec istorum geminorum aliquis fuit primogenitus Iudae; sed ante
illos iam tres genuerat. Eos itaque tenuit in ordine generationum per quos ad
David, atque inde quo intenderet, perveniret. Hieronymus. Notandum autem in genealogia
salvatoris nullam sanctarum assumi mulierum, sed eas quas Scriptura
reprehendit, ut qui propter peccatores venerat, de peccatoribus nascens,
omnium peccata deleret, unde et in sequentibus Ruth Moabitis ponitur. Ambrosius super Lucam. Lucas autem has
declinavit, ut immaculatam sacerdotalis generis seriem declararet. Sed sancti
Matthaei consilium a rationis iustitia non abhorret, nam cum evangelizaret
secundum carnem generatum esse qui omnium peccata susciperet, subiectum
iniuriis, subditum passioni. Nec hoc quidem putavit
exortem asserendum esse pietatis, ut maculatae quoque originis non recusaret
iniuriam; simul ne puderet Ecclesiam de peccatoribus congregari, cum dominus
de peccatoribus nasceretur; postremo ut beneficium redemptionis etiam a suis
maioribus inchoaret, ne quis putaret originis maculam impedimento posse esse
virtuti, nec se insolens de sui nobilitate iactaret. Chrysostomus in Matth. Post hoc monstratur
omnes obnoxios fuisse peccatis: instat enim Thamar fornicatio Iudam accusans,
et David a fornicaria muliere genuit Salomonem. Si autem a magnis lex non est
impleta, nec a minoribus; et sic omnes peccaverunt, et necessaria facta est
Christi praesentia. Ambrosius super Lucam. Vide autem quia non
otiose Matthaeus utrumque significavit, cum Phares tantummodo commemorationem
causa deposceret, quia hic in utroque mysterium est. Per geminos enim gemina
describitur vita populorum: una secundum legem, altera secundum fidem. Chrysostomus super Matth. Per Zaram enim
significatur Iudaicus populus, qui primus apparuit in luce fidei, quasi de
vulva tenebrosa mundi procedens. Et ideo significatus est cocco
circumcisionis, putantibus omnibus, quia ipse populus Dei erat futurus, sed
posita est ante faciem eius lex, quasi sepes vel maceria. Sic ergo impeditus
est populus Iudaicus per legem, sed temporibus Christi rupta est sepes legis,
quae erat inter Iudaeos et gentes, sicut ait apostolus: medium parietem
maceriae solvens. Sic factum est ut gentilis per Phares significatus,
postquam rupta est lex per Christi mandata, primus ad fidem procedat; et
postea sequitur Iudaicus populus. Sequitur Phares autem genuit Esron.
Glossa. Iudas genuit Phares et Zaram antequam intraret Aegyptum, in quam
ambo postea cum patre transierunt. In Aegypto vero Phares genuit Esron. Esron
autem genuit aram. Aram autem genuit Aminadab, Aminadab autem genuit Naasson;
et tunc Moyses eduxit eos de Aegypto. Naasson autem fuit dux sub Moyse in
tribu Iuda per desertum, in quo genuit Salmon. Iste Salmon fuit princeps de
tribu Iuda, qui cum Iosue terram promissionis intravit. Chrysostomus super Matth. Quoniam autem ex
aliqua causa, secundum providentiam Dei, posita horum patrum nomina credimus.
Sequitur Naasson autem genuit Salmon. Iste Salmon
mortuo patre fuit princeps in tribu Iuda, qui cum Iosue terram promissionis
intravit. Chrysostomus super Matth. Accepit autem uxorem
nomine Rahab. Haec autem Rahab dicitur fuisse Rahab meretrix de Iericho, quae
suscepit exploratores filiorum Israel, abscondit eos, et servavit incolumes.
Cum autem Salmon nobilis esset inter filios Israel, quia de tribu erat Iuda
et quia filius principis erat, vidit Rahab sic fidelem quasi magnam aliquam
constitutam, meruit accipere in uxorem. Forsitan autem et ideo interpretatur
Salmon, quasi per ipsum nomen invitaretur a providentia Dei ut acciperet vas
electionis Rahab. Interpretatur enim Salmon accipe vas. Sequitur Salmon autem genuit Booz de Rahab.
Glossa. Iste Salmon in terra promissionis genuit de illa Rahab Booz. Booz
autem genuit Obed ex Ruth. Chrysostomus super Matth. Quomodo autem Booz
accepit uxorem Moabitidem nomine Ruth, exponere aestimavi superfluum, cum de
his Scriptura sit omnibus manifesta. Hoc
autem dicimus solum, quoniam Ruth, pro merito fidei suae nupsit Booz, quia
deos patrum suorum repulit et Deum viventem elegit. Et Booz pro merito fidei
suae illam accepit uxorem, ut ex coniugio tali sanctificato genus nasceretur
regale. Ambrosius super Luc. Quomodo autem Ruth,
cum esset alienigena, Iudaeo nupsit, et qua ratione in Christi generatione
eius putaverit Evangelista copulae commemorationem esse faciendam, quae legis
serie moechabatur? Quia ergo non de legitima salvator
generatione manavit, videtur esse deforme, nisi ad apostolicam sententiam
revertatis, quia non est lex posita iustis, sed iniustis. Haec enim cum esset
alienigena et Moabitis, praesertim cum lex Moysi prohiberet has nuptias,
Moabitasque excluderet ab Ecclesia, quomodo introivit in Ecclesiam nisi quia
sancta et immaculata moribus supra legem facta est? Destinationem ergo legis
excessit et meruit inter maiores dominici generis computari, propter
cognationem mentis electam, non corporis. Magnum autem nobis exemplum est
quod in illa nostrum omnium, qui ex gentibus collecti sumus, ingrediendi in
Ecclesiam domini figura praecessit. Hieronymus in epistola ad Paulinum. Ruth
etiam Moabitis Isaiae explet vaticinium dicentis: emitte agnum, domine,
dominatorem terrae, de Sequitur Obed autem genuit Iesse. Glossa. Iesse pater David binomius est, quia
frequentius vocatus est Isai. Sed quia propheta vocat eum non Isai, sed
Iesse, dicens: egredietur virga de radice Iesse ut ostenderet illam
prophetiam completam in Maria et in Christo, Evangelista posuit Iesse. Sequitur Iesse autem genuit David regem.
Remigius. Sed quaerendum est quare sanctus Evangelista solum David
nominaverit regem, quod ideo dixit ut ostenderet eum primum fuisse regem in
tribu Iuda. Ipse autem Christus est Phares divisor, ut est illud: dividet
agnos ab haedis. Est et Zaram oriens, ut est illud: ecce vir, oriens nomen
eius. Est Esron sagitta, ut est illud: posuit me sicut sagittam electam. Rabanus. Vel atrium, propter abundantiam
gratiae et latitudinem caritatis. Aram electus, secundum illud: ecce puer
meus electus: vel excelsus, secundum illud: excelsus super omnes gentes
dominus. Ipse est Aminadab, idest voluntarius, qui dicit: voluntarie
sacrificabo tibi. Idem est et Naasson, idest augurium, qui novit praeterita,
praesentia et futura. Vel serpentinus, secundum illud: Moyses exaltavit
serpentem in deserto: est et Salmon, id est sensibilis, qui dicit: ego sensi
de me virtutem exisse. Glossa. Ipse accipit Rahab, id est Ecclesiam
de gentibus. Rahab enim fames, vel latitudo, vel impetus, quia Ecclesia
gentium esurit et sitit iustitiam et impetu doctrinae philosophos et reges
convertit. Ruth etiam interpretatur videns vel festinans, et significat
Ecclesiam, quae puro corde videt Deum et festinat ad bravium supernae
vocationis. Remigius. Est et Booz in quo robur, ut est
illud: cum exaltatus fuero a terra, omnia traham ad me. Est et Obed serviens,
ut est illud. Filius hominis non venit ministrari, sed ministrare. Est et
Iesse incensum, secundum illud: ignem veni mittere in terram. Ipse est David
manu fortis, secundum illud: dominus fortis et potens; desiderabilis,
secundum illud: veniet desideratus cunctis gentibus; pulcher aspectu,
secundum illud: speciosus forma prae filiis hominum. Glossa. Interim videamus quas virtutes isti
patres in nobis aedificent, quia fides, spes et caritas omnium virtutum sunt
fundamentum. Sequentes virtutes sunt quasi superadditiones. Iudas
interpretatur confessio. Duplex est autem confessio: est altera fidei, altera
peccatorum. Si ergo post tres supradictas virtutes peccatur, necessaria est
non solum fidei, sed peccatorum confessio. Post Iudam sequitur Phares et Zaram. Phares
divisio, Zaram oriens interpretatur, et Thamar amaritudo. Confessio enim
generat divisionem a vitiis, et ortum virtutum, et amaritudinem poenitentiae.
Post Phares sequitur Esron, qui sagitta interpretatur, postquam enim aliquis
divisus est a vitiis et saecularibus debet fieri sagitta, ut in aliis vitia
praedicando perimat. Sequitur aram, qui interpretatur electus, vel excelsus,
quia postquam aliquis a mundo remotus est, et aliis proficit, necesse est ut
Deo electus, hominibus celebris, excelsus in virtutibus habeatur. Naasson interpretatur augurium, hoc autem augurium non est saeculare,
sed caeleste. De hoc gloriabatur Ioseph, fratribus
mandans: vos detulistis scyphum domini mei, in quo augurari solebat. Scyphus
est divina Scriptura, ubi est potus sapientiae, in hac auguratur sapiens,
quia ibi videt futura, id est caelestia. Sequitur Salmon, idest sensibilis.
Postquam enim aliquis studet in divina Scriptura, fit sensibilis, idest
discernens gustu rationis, quid bonum, quid malum, quid dulce, quid amarum. Sequitur Booz, idest fortis. Instructus enim in Scripturis, fit ad
omnia adversa toleranda fortis. Chrysostomus super Matth. Iste
autem fortis est filius Rahab, id est Ecclesiae. Rahab enim interpretatur
latitudo vel dilatata, quia enim ex omnibus finibus terrae vocata est
Ecclesia gentium, latitudo appellatur. Rabanus. Sequitur Obed, id est servitus. Non
enim idoneus est ad servitutem nisi qui fortis est; quae servitus generatur
ex Ruth, idest festinantia. Oportet enim promptum esse servum, non pigrum.
Chrysostomus super Matth. Nunc autem qui
divitias et non mores, pulchritudinem et non fidem, et quod in meretricibus
quaeri solet, hoc in coniugibus optant, non generant subditos filios vel sibi
vel Deo, sed contumaces et contra se et contra Deum, ut filii eorum sint
poena irreligiositatis eorum. Iste Obed genuit Iesse, id est refrigerium, nam
quicumque est subditus Deo et parentibus suis, tales filios generat, Deo
praestante, a quibus refrigeratur. Glossa. Vel Iesse, id est incensum. Si enim
servimus ex amore et timore, erit devotio in corde, quae ex igne et desiderio
cordis suavissimum incensum offert Deo. Postquam autem aliquis idoneus est
servus et sacrificium Deo factus, sequitur ut sit David, id est manu fortis
qui contra hostes fortiter dimicavit et Idumaeos tributarios fecit. Similiter
ipse debet carnales, id est homines, verbo et exemplo Deo subiugare. |
Versets 3-5.
— La Glose : L’Évangéliste laissant de côte les
autres enfants de Jacob, poursuit la descendance de Juda en ces termes « Juda engendra Phares et
Zara. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 15, chap. 45.) Juda
n’était pas l’aîné. Ces deux enfants jumeaux n’étaient pas non plus ses
premiers-nés, car il en avait eu trois autres avant eux. L’écrivain sacré les
place dans la série des générations, pour arriver par eux jusqu’à David, et
de là au but qu’il se propose. —
Saint Jérôme : Il est à remarquer que dans la
généalogie du Seigneur l’Évangéliste ne nomme aucune des saintes femmes de
l’ancienne loi, mais uniquement celles dont l’Écriture blâme la conduite. En
voulant naître ainsi de femmes pécheresses, celui qui était venu pour les
pécheurs veut nous apprendre qu’il venait effacer les péchés de tous les
hommes, c’est pour cette raison que nous trouvons dans les versets suivants
Ruth la Moabite. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc, chap. 3.) S. Luc les a omises
pour montrer dans toute sa pureté la généalogie sacerdotale du Seigneur. Et
toutefois, le dessein de saint Matthieu n’a rien qui blesse la raison ou la
justice. Car son évangile avait pour but de montrer la génération selon la
chair de celui qui venait se charger de nos péchés, se soumettre à tous les
outrages, s’assujettir à toutes les souffrances, et il n’a pas cru qu’il fût
indigne de cette bonté, de faire connaître qu’il n’avait pas voulu se
soustraire à l’humiliation d’une origine qui n’était pas exempte de tache.
L’Église en voyant le Seigneur compter des pécheurs parmi ses ancêtres
apprenait aussi à ne point rougir de se voir elle-même composée de pécheurs.
Enfin le Seigneur faisait ainsi remonter jusqu’à ses ancêtres le bienfait de
sa rédemption, pour que nul ne pense qu’une tache dans la naissance puisse
être un obstacle à la vertu, et anéantissait l’arrogance de ceux qui se
vantent de la noblesse de leur origine. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
3 sur S. Matth.) Le dessein de l’Évangéliste
est de nous montrer que tous ont été coupables de péché. C’est Thamar
accusant Juda de fornication; c’est David devenant le père de Salomon par
suite d’un adultère. Or, si la loi était violée par les personnes les plus
marquantes du peuple de Dieu, elle l’était de même par les plus humbles;
ainsi tous avaient péché, et la venue du Christ était nécessaire. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Remarquez que ce n’est pas
sans raison que saint Matthieu nomme ces deux frères, bien qu’il ne fût
nécessaire que de faire mention de Pharès. La vie de chacun d’eux renferme un
mystère, et ces deux frères jumeaux représentent la double vie des peuples,
l’une selon la loi, l’autre selon la foi. — Saint Jean Chrysostome : (sur
S. Matth.) Zara représente le peuple juif qui apparut le premier à la
lumière de la foi, sortant pour ainsi dire du sein ténébreux du monde, c’est
pour cela qu’il fut marqué par le ruban d’écarlate de la circoncision,
l’opinion générale étant que le peuple circoncis devait être plus tard le
peuple de Dieu. Mais la loi fut placée devant lui comme une haie ou comme une
muraille, et devint pour ce peuple un empêchement. Lorsque le Christ fut
venu, la muraille de la loi qui séparait les Juifs des Gentils fut renversée
selon ces paroles de l’Apôtre: « détruisant
la muraille de séparation (Ep 2, 14). » Et il arriva que le peuple
des Gentils signifié par Pharês, entra le premier dans le chemin de la foi,
après que la loi eut été renversée par les commandements du Christ, tandis
que le peuple juif ne vint qu’à sa suite (cf. Gn 28, 27-30). « Pharès engendra Esrom. » — La Glose : Juda engendra
Pharès et Zara avant d’aller en Égypte, et ses deux enfants vinrent s’y fixer
plus tard avec lui. Ce fut en Égypte que Pharès engendra Esrom; Esrom, Aram;
Aram, Aminadab; Aminadab, Nahasson; et c’est alors que Moïse fit sortir le
peuple d’Egypte. Nahasson fut sous Moïse, chef de la tribu de Juda dans le désert,
où il engendra Salmon. Ce dernier fut un des chefs de la tribu de Juda, et
entra avec Josué dans la terre promise. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Nous croyons que ce n’est
pas sans un dessein providentiel que l’Évangéliste rappelle ici les noms de
ces ancêtres du Seigneur. « Nahasson engendra Salmon. » Ce dernier fut, à la mort de son
père, un des chefs de la tribu de Juda, et entra avec Josué dans la terre
promise. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Salmon prit une femme du nom
de Raab. On croit communément que cette Raab fut la courtisane de Jéricho qui
reçut chez elle les espions du peuple d’Israël, les cacha et leur sauva la
vie. Or, Salmon qui était un des personnages en vue parmi les enfants
d’Israël, de la tribu de Juda, et fils du chef de cette tribu, voyant la
fidélité de Raab, mérita de la prendre pour épouse, comme si elle eut été de
grande naissance. Peut-être aussi la signification du nom de Salmon fut pour
lui comme une invitation de la providence à recevoir Raab comme un vase
d’élection. Car Salmon signifie « reçois ce vase » (cf. Tit 9). « Salmon engendra Booz de Raab. » — La Glose : Ce fut dans la
terre promise que Salmon eut Booz de Raab, et Booz, Obed de Ruth. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Je crois inutile d’expliquer
comment Booz prit pour épouse une femme moabite, parce que chacun connaît
cette histoire de la sainte Écriture. Je ferai remarquer seulement que Ruth
épousa Booz en récompense de sa foi qui lui fit abandonner les idoles de son
pays pour adorer le Dieu vivant; et que c’est aussi à cause de sa foi que
Booz fut jugé digne d’épouser cette femme, et de contracter cette sainte
union qui devait le rendre père d’une race royale. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Pourquoi Ruth qui était
étrangère a-t-elle épousé un Juif, et comment l’Évangéliste croit-il devoir faire
mémoire, dans la généalogie du Christ, d’un mariage, que défendait tout
l’ensemble de la loi ? Il vous paraîtra sans doute déshonorant [pour la
mémoire du Seigneur] de compter parmi ses ancêtres une femme illégitime, si
vous ne vous rappelez cette maxime de l’apôtre saint Paul: « que la loi n’est pas établie pour
les justes, mais pour les méchants. » Comment en effet, cette femme
étrangère et moabite aurait-elle fait partie du peuple de Dieu, alors que la
loi de Moïse défendait ces unions avec les filles de Moab et leur admission
dans l’assemblée des enfants d’Israël (cf. Ex 23, 52; 34, 15.16; Nb 25, 1; Dt
7, 7; 23, 1.3), si elle n’avait été élevée au-dessus de la loi par la
sainteté et la pureté de ses mœurs. Elle se plaça au-dessus des prescriptions
de la loi, et mérita d’être comptée parmi les ancêtres du Seigneur, honneur
qu’elle dut non pas aux liens du sang, mais à la parenté spirituelle qui
l’unissait au Christ. Or elle est pour nous un grand exemple, car elle est la
figure de nous tous qui avons été choisis parmi les Gentils pour entrer dans
l’Église du Seigneur. —
Saint Jérôme : (lettre à Paulin.) Ruth la moabite accomplit
cet oracle d’Isaïe: « Envoyez,
Seigneur, l’agneau dominateur de la terre, du rocher du désert à la montagne
de la fille de Sion. » « Obed engendra Jessé. » — La Glose : Jessé père de David
porte deux noms, il est plus souvent appelé du nom d’Isaï, mais comme le
Prophète lui donne le nom de Jessé, et non celui d’Isaï (Is 11) « Un rejeton
sortira de la tige de Jessé », l’Évangéliste choisit le nom de Jessé
pour montrer l’accomplissement de cette prophétie en Jésus et en Marie. « Jessé engendra David qui fut roi. » —
Saint Rémi : Il faut se demander pourquoi donc l’Auteur
sacré ne donne-t-il qu’à David le titre de roi ? C’est pour nous
rappeler qu’il a été le premier roi sorti de la tribu de Juda. Or, le Christ lui-même
est un nouveau Pharès, c’est-à-dire « séparateur »,
car il séparera les boucs des brebis. Il est aussi « l’Orient » comme Zara, selon ces paroles: « Voici un homme, et l’Orient est son
nom. » Comme Esrom il est une « flèche »
selon ces autres paroles: « Il
m’a placé comme une flèche de choix. » — Raban : Ou bien il est
encore comme le vestibule d’une maison, à cause de l’abondance de la grâce
qui est en lui, et de l’étendue de sa charité. Il est Aram, c’est-à-dire « l’élu » selon ces paroles:
« Voici mon enfant que j’ai
choisi », ou bien il signifie encore « élevé », d’après ces autres paroles: « Le Seigneur est élevé au-dessus de
toutes les nations. » Il est Aminadab, c’est-à-dire « volontaire », lui qui dît
à Dieu par la bouche du Roi-prophète: « Je
vous sacrifierai de tout cœur. » il est Nahasson, ou « l’augure », lui qui
connaît le passé, le présent et l’avenir; ou bien le « serpent », d’après ces paroles: « Moïse a élevé un serpent dans le désert. » Il est
encore Salmon, c’est-à-dire « sensible »,
lui qui a dit: « J’ai senti
une force s’échapper de moi. » — La Glose : Il a épousé Raab,
c’est-à-dire l’Église composée de toutes les nations, car Raab veut dire « faim » ou « étendue », ou « mouvement impétueux », et
en effet, l’Église des nations a faim et soif de la justice, et elle a
converti les philosophes et les rois par l’élan impétueux de sa doctrine.
Ruth signifie aussi « celle qui
voit » ou « qui se hâte »,
image de l’Église qui voit Dieu d’un cœur pur et se hâte vers le but de
sa sublime vocation (cf. Ph 3, 14). —
Saint Rémi : Il est Booz, « celui qui est fort », car il a dit: « Lorsque je serai élevé de terre,
j’attirerai tout à moi. » ; il est Obed, « celui qui est serviteur », comme il le dit de
lui-même: « Le Fils de l’homme
n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. » Il est Jessé, ou
« l’encens », lui qui a
dit « Je suis venu apporter le feu
sur la terre. » Il est David, « dont
la main est forte »; car il est dit de lui: « Le Seigneur est fort et puissant. » Il est aussi le « désirable », lui dont le
Prophète a écrit: « Le désiré des
nations viendra »; il est d’une rare beauté selon ces paroles du
Roi-prophète: « Il surpasse en
beauté les plus beaux des enfants des hommes. » — La Glose : (ou S. Anselme.) Considérons
maintenant les vertus que le souvenir de ces ancêtres de Jésus-Christ doit
nous inspirer : la foi, l’espérance et la charité sont comme le
fondement de toutes les vertus. Celles qui viennent ensuite n’en sont que le
couronnement. Or, Juda signifie « confession ».
Il y a deux sortes de confession, celle de la foi, et celle des péchés.
Si donc après avoir reçu le don des trois vertus dont nous avons parlé, on
vient à offenser Dieu, la confession de la foi ne suffit pas, il faut y
ajouter la confession des péchés. Après Juda viennent Pharês et Zara, Pharès
signifie « division », Zara,
« Orient », Thamar, « amertume ». En effet, la confession
produit la division en nous séparant des vices, et elle fait en même temps
lever les vertus du sein de l’amertume de la pénitence. Après Phares vient
Esrom qui veut dire « flèche »,
car celui qui s’est détaché des inclinations vicieuses du siècle, doit
devenir une flèche qui perce les vices dans les cœurs des hommes par la
prédication. Vient ensuite Aram qui veut dire « l’élu » ou « le
sublime », car lorsqu’on s’est éloigné du monde, et qu’on s’est
rendu utile aux autres, on est regardé nécessairement comme l’élu de Dieu, et
on acquiert aux yeux des hommes la réputation d’une haute vertu. Nahasson
veut dire « augure », mais
augure du ciel et non de la terre. Joseph se glorifiait de ce titre en
faisant dire à ses frères: (Gn 44, 5) « Vous
avez enlevé la coupe de mon maître, dont il se sert pour les
divinations. » Cette coupe, c’est l’Écriture sainte qui contient le
breuvage de la sagesse. Le Sage se sert de cette coupe pour augurer, parce
qu’il y voit les choses futures, c'est-à-dire célestes. Vient ensuite Salmon,
c’est-à-dire « sensible », car
lorsqu’on s’est livré à l’étude de la divine Écriture, on acquiert cette
sensibilité qui fait discerner par l’expérience le bien du mal, ce qui est
doux de ce qui est amer. Après Salmon vient Booz, « le fort », car celui qui est versé dans les saintes
Écritures y puise une force invincible contre toute sorte d’épreuves. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ce fort, c’est le fils de
Raab, c’est-à-dire de l’Église; Raab, en effet, signifie « étendue » ou « qui
s’est dilatée », parce que l’Église, qui a été rassemblée de tous
les coins de l’univers, est formée de toutes les nations de la terre. — La Glose : (ou S. Anselme.) [référence à vérifier] Vient
ensuite Obed ou « celui qui sert »,
car on n’est propre au joug de la servitude qu’autant qu’on est fort. Cet
état de servitude vient de Ruth, qui signifie « celle qui se hâte », car le serviteur doit être actif
et ennemi de la paresse. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Disons maintenant que ceux
qui cherchent la richesse plutôt que la vertu, la beauté plutôt que la foi,
qui désirent trouver dans leurs épouses ce que l’on cherche ordinairement
dans les femmes de mauvaise vie, auront des enfants sans soumission pour
leurs ordres et pour ceux de Dieu, des enfants qui, au contraire, seront
coupables contre eux-mêmes et contre Dieu : juste châtiment de leur
propre impiété. Obed a engendré Jessé ou le « rafraîchissement », car celui qui est soumis à Dieu
et à ses parents par une grâce particulière de Dieu, aura des enfants qui
seront, sous le regard de Dieu, comme le rafraîchissement de sa vie. — La Glose : (ou S. Anselme.) Ou bien encore Jessé signifie « encens », car si nous servons Dieu par crainte et par amour, notre piété aura sa source dans notre cœur et deviendra comme un foyer spirituel sur lequel elle pourra offrir à Dieu un encens de la plus suave odeur. Or, lorsqu’un homme est devenu un digne serviteur de Dieu et un sacrifice [d’agréable odeur], il faut également qu’il soit fort et robuste, comme l’est David, et qu’il combatte courageusement les ennemis, et rende tributaires les Iduméens, c’est-à-dire qu’il doit soumettre à Dieu les hommes charnels par ses paroles aussi bien que par ses exemples. |
Lectio 4 [85337] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 4 Glossa. Secundi quaterdenarii
generationis seriem Evangelista decurrit, quae a regibus continetur; et ideo
a David incipit qui primus in tribu Iudae regnavit, dicens David rex genuit
Salomonem ex ea quae fuit Uriae. Augustinus de Cons. Evang. Quia enim
in generationibus Matthaei significatur nostrorum susceptio peccatorum, ideo
ipse a David per Salomonem descendit, in cuius matre ille peccavit. Lucas
vero ad David per Nathan ascendit, per quem prophetam Deus peccatum illius
expiavit, quia in generationibus Lucae significatur abolitio peccatorum. Augustinus in libro Retract. Dicendum
tamen fuit per cuius nominis prophetam, ne putaretur idem fuisse homo, cum
alter fuerit, quamvis et ipse hoc nomine vocaretur. Remigius. Quaerendum est autem quare
Evangelista Bersabee proprio nomine non nominavit sicut ceteras mulieres.
Quod ideo est quia ceterae mulieres quamvis reprehensibiles fuissent, tamen
laudabiles erant virtutibus. Bersabee vero non solum fuit conscia adulterii,
sed etiam homicidii mariti sui, et ideo proprio nomine eam non nominavit in
genealogia domini. Glossa. Tacet etiam nomen Bersabee, ut
nominando Uriam, reducat ad memoriam illud maximum scelus quod in eum fecit.
Ambrosius super Lucam. At vero sanctus
David in eo est praecellentior quod hominem se ipse cognovit, et commissum
super arrepta Uriae uxore peccatum poenitentiae curavit lacrymis abluendum,
ostendens nobis neminem propriae virtuti debere confidere; habemus enim
adversarium magnum, qui vinci a nobis sine Dei adiutorio non possit. Et plerumque
in illustribus viris gravia peccata reperies, ut quasi homines tentationi
potuisse succumbere cognoscas, ne virtutibus egregiis plusquam homines
crederentur. Chrysostomus super Matth. Salomon autem
interpretatur pacificus, quoniam omnibus in circuitu gentibus pacificatis et
tributa reddentibus pacificum habuit regnum. Salomon autem genuit Roboam. Roboam
interpretatur a multitudine populi. Multitudo enim mater est seditionis, quia
quod a pluribus peccatur, plerumque manet invindicabile. Paucitas autem
magistra est disciplinae. |
Versets 6-8.
— La Glose : L’Évangéliste poursuit la seconde
partie de la généalogie composée de quatorze générations, elle contient celle
des rois et commence à David le premier roi de la tribu de Juda: « Le roi David engendra Salomon de
celle qui fut la femme d’Urie. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 4.)
Comme la généalogie de saint Matthieu a pour objet de montrer que le Seigneur
a pris sur lui nos péchés, elle nous présente la descendance de David par
Salomon dont la mère fut complice du crime commis par David. Saint Luc au
contraire remonte à David par Nathan, prophète dont Dieu se servit pour faire
expier à ce prince son péché, parce que la généalogie donnée par saint Luc
est la figure de la rémission de nos péchés. —
Saint Augustin : (Rétract. liv. 2, chap. 16.) Il était
nécessaire de dire comment s’appelait ce prophète, [par lequel s’accomplit
cette expiation], pour ne pas le confondre avec un autre différent qui
portait le même nom. —
Saint Rémi : On peut se demander pourquoi
l’Évangéliste ne désigne pas Bersabée par son nom propre comme les autres
femmes. La raison en est que ces autres femmes quoique répréhensibles [en un
point], s’étaient cependant rendues recommandables par leurs vertus, tandis
que Bersabée fut complice non seulement de l’adultère de David, mais encore
de l’homicide de son mari, et c’est pourquoi son nom n’a pas été inséré dans
la généalogie du Seigneur. — La Glose : Il est une autre
raison pour laquelle le nom de Bersabée est remplacé par celui d’Urie, c’est
afin que ce nom rappelle le plus grand des crimes commis par David. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc. chap. 3.) Ce qui élève ce saint
roi au-dessus des antres, c’est qu’il reconnut qu’il était homme et qu’il
s’efforça d’effacer par les larmes de la pénitence le crime d’avoir enlevé la
femme d’Urie; nous apprenant ainsi à ne point mettre notre confiance dans nos
propres forces. Nous avons, en effet, un grand ennemi dont nous ne pouvons
triompher sans le secours de Dieu, et c’est souvent dans des personnages
illustres que vous rencontrerez de plus grandes fautes, pour vous apprendre
qu’ils ont pu succomber à la tentation comme des hommes ordinaires, et afin
que leurs qualités brillantes ne les placent pas dans votre esprit au-dessus
de l’humanité. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Salomon veut dire « pacifique »; en effet, lorsqu’il monta sur le trône, toutes les nations voisines étaient pacifiées et tributaires de son royaume, et son règne fut marqué par la paix. Salomon engendra Roboam qui veut dire « multitude du peuple », car c’est la multitude qui engendre les séditions ; ajoutez que les désordres commis par un grand nombre, restent presque toujours impunis ; le petit nombre au contraire est garant de l’ordre. |
Lectio 5 [85338] Catena in Mt., cap. 1 l. 5 Hieronymus.
In quarto autem regum volumine legimus de Ioram Ochoziam fuisse generatum.
Quo mortuo, Iosabeth filia Ioram regis, soror Ochoziae, tulit Ioas filium
fratris sui, et eum internecioni, quae exercebatur ab Athalia, subtraxit. Cui
successit in regnum filius eius Amasias. Post quem regnavit filius eius
Azarias, qui appellatur Ozias, cui successit Ioatham filius eius. Cernis ergo
quod, secundum fidem historiae, tres reges in medio fuerunt, quos Evangelista
praetermisit. Ioram quoque non genuit Oziam, sed Ochoziam et reliquos quos
numeravimus. Verum quia Evangelistae propositum erat tessaradecades in
diverso temporis statu ponere, et quia Ioram generi se miscuerat impiissimae
Iezabelis, idcirco usque ad tertiam generationem eius memoria tollitur, ne in
sanctae nativitatis ordine poneretur. Hilarius in Matth. Purgata vero labe
familiae gentilis, iam regalis in quarta generationum consequentium origo
numeratur. Chrysostomus super Matth. Quod spiritus
sanctus per prophetam contestatus est, dicens ut dispergeret omnem masculum
de domo Achab et Iezabel, implevit Iehu filius Nansi, et accepit
promissionem, ut usque ad quartam generationem sedeant filii eius in sede
regni supra Augustinus de quaest. novi et Vet. testamenti. Vel
non immerito sublati sunt de numero ceterorum Ochozias, Ioas et Amasias. Sic
enim eorum continuavit impietas, ut nullum intervallum haberet. Salomon autem
merito patris dimissum in regno est; Roboam autem merito filii; illi autem
tres maligne agentes erasi sunt. Ad perditionem enim generis exemplum est
quando iugiter malignitas panditur. Sequitur Ozias autem genuit Ioatham.
Ioatham autem genuit Achaz. Achaz autem genuit Ezechiam. Glossa. Cui, cum esset sine liberis, dictum
est: dispone domui tuae, quia morieris. Ideo flevit non propter longiorem
vitam, cum sciret inde Salomonem placuisse Deo, quod non petiisset ampliores
annos, sed quia dubitabat ne promissio Dei impleretur, cum se sciret esse de
David, per quem oportebat venire Christum, et ipse erat sine liberis. Sequitur Ezechias autem genuit Manassen. Manasses
autem genuit Amon. Amon autem genuit Iosiam. Iosias autem genuit Iechoniam et
fratres eius in transmigratione Babylonis. Chrysostomus super Matth. Sed non sic positum
est in libro regum, ubi talis est ordo: Iosias genuit Eliacim, postea vocatum
Ioakim; Ioakim autem genuit Ieconiam. Sed Ioakim sublatus est de numero
regum, quia non populus Dei constituerat eum in regnum, sed Pharao per
potentatum. Si enim iustum fuit ut propter solam commixtionem generis Achab
tollerentur tres reges de numero regum, quare non erat iustum ut similiter
tolleretur Ioakim, quem Pharao vi hostili fecerat regem? Et sic Iechonias,
qui est filius Ioakim, nepos autem Iosiae, sublato patre de numero regum,
ipse est positus pro eo, quasi filius Iosiae. Hieronymus. Vel aliter. Sciamus Iechoniam
priorem ipsum esse qui Ioakim, secundum autem filium, non patrem: quorum
primus per k et m, secundus per ch et n scribitur. Quod scriptorum vitio et
longitudine temporum apud Graecos Latinosque confusum est. Ambrosius super Lucam. Duos enim fuisse Ioakim
regnorum libri indicant, sic enim scriptum est: dormivit Ioakim cum patribus
eius, et regnavit Ioachin filius eius pro eo. Filius autem est cui Ieremias
nomen imposuit Iechoniam. Et bene s. Matthaeus a propheta voluit discrepare,
ut non Ioachin et Iechoniam vocaret simul, quia maiorem fructum dominicae
pietatis astruxit. Generis enim nobilitatem dominus in hominibus non
requisivit, sed de captivis et peccatoribus congrue nasci voluit qui
remissionem veniebat praedicare captivis. Non igitur suppressit alterum
Evangelista, sed utrumque significavit quod uterque Iechonias dictus sit.
Remigius. Sed quaeri potest quare dicat
Evangelista eos natos in transmigratione, cum nati fuissent antequam
transmigratio fuerit facta. Ideo autem dicit hoc quia ad hoc nati sunt ut de
regno totius populi pro suis et aliorum peccatis captivi ducerentur. Et quia
praescius erat Deus eos esse ducendos captivos, idcirco dixit eos natos in
transmigratione. De his autem quos sanctus Evangelista in genealogia domini
simul ponit, sciendum quia aut similes fuerunt fama aut infamia: Iudas et
fratres eius laudabiles fuerunt fama; similiter Phares et Zara, Iechonias et
fratres eius notabiles fuerunt infamia. Glossa. Mystice autem David est Christus, qui
Goliam, id est Diabolum, superavit. Urias autem, id est lux mea Deus, est
Diabolus, qui dicit. Similis ero altissimo; cui Ecclesiam coniugatam Christus
de solario paternae maiestatis adamavit, et pulchram factam sibi matrimonio
copulavit. Vel Urias, id est Iudaicus populus, qui per legem de luce
gloriatur. Sed huic Christus legem abstulit, quam de se loqui docuit.
Bersabee autem est puteus satietatis, id est abundantia gratiae spiritualis.
Remigius. Vel Bersabee interpretatur puteus
septimus, sive puteus iuramenti, per quod significatur fons Baptismatis, in
quo datur donum spiritus septiformis et fit ibi adiuratio contra Diabolum.
Est et Christus Salomon pacificus, secundum illud apostoli: ipse est pax
nostra. Est Roboam latitudo populi, secundum illud: multi venient ab oriente
et ab occidente. Rabanus. Vel impetus populi, quia velociter
populus convertit ad fidem. Remigius. Ipse est Abias, id est pater
dominus, secundum illud: unus est pater vester qui in caelis est; et iterum:
vos vocatis me magister et domine. Est et Asa, idest attollens, secundum
illud: qui tollit peccata mundi. Est et Iosaphat, idest iudicans, secundum
illud: pater omne iudicium dedit filio. Est et Ioram, id est excelsus,
secundum illud: nemo ascendit in caelum, nisi qui de caelo descendit. Est et
Ozias, idest robustus domini, secundum illud: fortitudo mea et laus mea
dominus. Est et Ioatham consummatus vel perfectus, secundum illud apostoli:
finis legis, Christus. Est et Achaz convertens, secundum illud: convertimini
ad me. Rabanus. Vel comprehendens, quia nemo novit
patrem nisi filius. Remigius. Est et Ezechias fortis dominus vel
dominus confortavit, secundum illud: confidite, ego vici mundum. Ipse est
Manasses obliviosus sive oblitus, secundum illud: peccatorum vestrorum non
recordabor amplius. Est et Amon fidelis, secundum illud: fidelis dominus in
omnibus verbis suis. Est et Iosias, ubi est incensum domini, secundum illud:
factus in agonia, prolixius orabat. Rabanus. Quod vero incensum orationem
significat, Psalmista testatur dicens: dirigatur oratio mea sicut incensum in
conspectu tuo. Vel domini salus, secundum illud: salus autem mea in
sempiternum erit. Remigius. Ipse Iechonias praeparans, vel
domini praeparatio, secundum illud: si abiero, et praeparavero locum. Glossa. Moraliter autem post David sequitur
Salomon, qui interpretatur pacificus. Tunc enim aliquis fit pacificus,
motibus sedatis illicitis, et quasi iam in aeterna tranquillitate positus,
cum Deo servit et alios ad eum convertit. Sequitur Roboam, id est populi
latitudo: postquam enim non habet quod in se vincat, amplecti alios debet et
late populum Dei ad superna trahere secum. Sequitur Abias, idest pater
dominus: his enim praemissis potest se profiteri filium Dei, et tunc esse
Asa, idest attollens, ut de virtute in virtutem ad patrem suum ascendat; et
tunc erit Iosaphat, idest iudicans, ut alios iudicet et a nemine iudicetur.
Ita fit Ioram, idest excelsus, quasi in caelestibus habitans; unde efficitur
Ozias, idest robustus domini, quasi robur suum Deo attribuens et in suo
proposito perseverans. Et sequitur Ioathan, idest perfectus, quia quotidie in
maius proficit. Et sic fit Achaz, idest comprehendens: ex operatione enim
augmentatur agnitio, secundum illud: annuntiaverunt opera Dei, et facta eius
intellexerunt. Sequitur Ezechias, idest fortis dominus, quia Deum fortem esse
intelligit; et ideo in amorem eius conversus fit Manasses, idest obliviosus,
temporalia tradens oblivioni; et ex hoc fit Amon, idest fidelis: qui enim
temporalia contemnit, neminem in re sua defraudat. Et fit Iosias, idest
salutem domini secure expectans: Iosias enim salus domini interpretatur. |
Versets 8-11.
— Saint Jérôme : Nous
lisons au quatrième livre des Rois (4 R 8, 24; 11, 2ss) que Joram engendra
Ochosias, et qu’à la mort de ce dernier, Josabeth, fille du roi Joram et sœur
d’Ochosias, enleva Joas fils de son frère, pour le soustraire au massacre
commandé par Athalie. Joas eut pour successeur son fils Amasias; après
Amasias, régna son fils Azarias, qui fut appelé Ozias et auquel succéda son
fils Joathan. Ce témoignage historique vous démontre l’existence de trois
rois que l’Évangéliste n’a point insérés dans sa généalogie. Joram, en effet,
n’a pas engendré Ozias, mais Ochosias et les deux autres que nous venons de
citer. La raison de cette omission est que l’Évangéliste s’était proposé
trois séries de quatorze noms chacune, correspondant à trois différentes
époques. Ajoutons que Joram s’était allié à la famille de l’impie Jézabel, et
qu’en punition de cette alliance son souvenir est effacé jusqu’à la troisième
génération, et son nom jugé indigne de figurer parmi ceux qui forment la
généalogie du Seigneur. —
Saint Hilaire : Après avoir épuré la généalogie du
Christ de tout contact avec la gentilité, l’Évangéliste reprend sa
descendance royale dans la quatrième des générations qui suivent. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’Esprit saint avait prédit
par le Prophète que Dieu détruirait tout enfant mâle de la race d’Achab et de
Jézabel, et cette prédiction fut accomplie par Jéhu fils de Nanzi, à qui Dieu
avait promis que ses enfants s’assiéraient sur le trône d’Israël jusqu’à la
quatrième génération. La bénédiction que Dieu répandit sur Jéhu pour avoir
tiré vengeance de la maison d’Achab, fut égale à la malédiction dont il
frappa la maison de Joram à cause de son alliance avec la fille de l’impie
Achab et de Jèzabel. Jusqu’à la quatrième génération, ses enfants
sont retranchés du catalogue des rois, et ainsi son péché descend sur ses
enfants, selon qu’il avait été écrit (Ex
34, 7): « Je punirai les
péchés des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième
génération. » Voyez par là quels dangers entraînent les alliances
avec les impies. —
Saint Augustin : (quest. du Nouv. et de l’Anc. Test., chap.
85.) C’est avec justice que les noms d’Ochosias, de Joas et d’Amazias ne
figurent pas dans cette généalogie avec les autres; car leur impiété continua
pendant toute leur vie sans interruption et sans intervalle. Salomon dut au
mérite de son père et Roboam au mérite de son fils d’avoir été conservés
parmi les rois dans la généalogie du Seigneur. Quant à ces trois rois impies,
leurs noms en ont été retranchés, car l’exemple du vice entraîne la ruine de
toute une race quand il est donné avec éclat et sans discontinuité. « Ozias engendra Joatham; Joatham
engendra Achaz; Achaz engendra Ezéchias. » — La Glose : C’est à Ezéchias
qui était sans enfant qu’il fut dit: « Mets
ordre à ta maison, parce que tu mourras bientôt (Is 38) ». Il versa
des larmes en entendant ces paroles, non pas qu’il désirait une vie plus
longue, car il savait que Salomon avait été agréable à Dieu en ne demandant
pas une longue suite d’années, mais il se voyait sans enfants, lui,
descendant de David, d’où devait naître le Christ, et il craignait que les
promesses de Dieu ne pussent s’accomplir. « Ezéchias engendra Manassé, Manassé engendra Amon; Amon engendra
Josias; Josias engendra Jéchonias et ses frères vers le temps où les Juifs
furent transportés à Babylone. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le livre des Rois ne nous
présente pas le même ordre dans les générations (4 R 23, 30.31). Nous lisons :
Josias engendra Eliachim, plus tard appelé Joachim, et Joachim, Jéchonias.
Mais Joachim a été rayé du nombre des rois, parce que ce n’était pas le
peuple de Dieu qui l’avait placé sur le trône, mais Pharaon qui l’avait
imposé par force. Car si trois princes ont été à juste titre effacés du
catalogue des rois, uniquement à cause de leur alliance avec la famille
d’Achab, pourquoi Joachim n’aurait-il pas été juste que lui-même soit éliminé,
lui que Pharaon en guerre avec le peuple de Dieu lui avait imposé par
violence ? Voilà pourquoi Jéchonias fils de Joachim et petit-fils de
Josias, a pris la place de son père dans la généalogie comme s’il était fils
de Josias. —
Saint Jérôme : Ou bien il nous faut admettre que le
premier Jéchonias est le même que Joachim, le second est le fils et non pas
le père; le nom du premier s’écrit avec un k et un m, celui du
second avec ch et n, ce qui s’est trouvé confondu dans
le texte grec et dans le texte latin par la négligence des copistes et la
longue suite du temps. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc, chap. 3.) Les livres des Rois indiquent
qu’il y eut deux Joachim ; il y est écrit en effet: « Joachim dormit avec ses pères, et son fils Joachin régna en sa
place (4 R 24, 5-6) ». Or c’est ce fils que Jérémie appelle
Jéchonias (Jér 22, 24; 1 Paral 3, 16-17). Saint Matthieu en inscrivant en
même temps le nom de Jéchonias et celui de Joachim, n’a pas voulu s’exprimer
autrement que le Prophète, et par là il a fait ressortir davantage les effets
de la bonté du Seigneur. Nous ne le voyons pas, en effet, rechercher la
noblesse qui vient des ancêtres, mais il préfère pour aïeux des pécheurs et
des hommes réduits en esclavage, parce qu’il venait lui-même prêcher la
délivrance à ceux que le péché retenait captifs. L’Évangéliste n’a donc pas
voulu supprimer l’un des deux rois, mais il les a exprimés tous deux par le
nom de Jéchonias qui leur était commun. —
Saint Rémi : Mais on peut se demander comment l’Évangéliste
peut dire que ces princes naquirent dans l’exil, tandis que leur naissance a
précédé l’époque de la transmigration ? C’est qu’ils semblent n’avoir
été mis au monde que pour être arrachés du trône et emmenés captifs en
punition de leurs péchés et de ceux du peuple, et comme Dieu prévoyait leur
captivité future, l’Évangéliste a pu dire qu’ils étaient nés pendant l’exil.
Remarquons ici que tous ceux qu’il a fait entrer dans la généalogie du Seigneur
ont été également remarquables par l’éclat de leurs vertus ou de leurs vices;
c’est ainsi que par leurs vertus Juda et ses frères se sont rendus dignes
d’éloge, tandis que Phares et Zara, Jéchonias et ses frères ne se sont fait
remarquer que par le dérèglement de leur vie. — La Glose : Dans un sens
mystique, David est la figure du Christ qui a terrassé Goliath, c’est-à-dire
le démon. Urie, dont le nom signifie « Dieu
est ma lumière », est le symbole du démon, qui avait dit: « Je serai semblable au Très-Haut (Is
14, 14). » L’Église lui était unie lorsque le Christ la voyant des
hauteurs de la majesté divine, il l’aima, la rendit belle et la prit pour
épouse. Ou bien Urie représente le peuple juif qui se glorifiait de posséder
la lumière par la loi; le Christ est venu lui enlever la loi, en lui montrant
qu’il en était lui-même l’objet. Bersabée signifie « le puits de satiété », c’est-à-dire l’abondance de la
grâce spirituelle. —
Saint Rémi : Bersabée peut s’interpréter aussi « le septième puits » ou le « puits du serment », et
elle représente la fontaine du baptême dans laquelle on reçoit l’Esprit saint
avec ses sept dons, et on prononce des adjurations contre le démon. Le Christ
est aussi « Salomon le pacifique »,
selon ces paroles de l’Apôtre: « Il
est lui-même notre paix. » (Ep 2) Il est Roboam ou « l’étendue du peuple », d’après
ses propres paroles: « Il en
viendra un grand nombre d’Orient et d’Occident. » (Mt 8, 11) — Raban : Ou bien il est « l’impétuosité du peuple », lui
qui a si rapidement converti les peuples à la foi. —
Saint Rémi : Il est Abias, c’est-à-dire « le Seigneur Père », d’après
ces paroles (Mt 23): « Vous n’avez qu’un seul Père qui est
dans les cieux. » Et ces autres: « Vous
m’appelez Maître et Seigneur. » (Jn
13.) Il est Aza, c’est-à-dire « celui qui ôte », au sens
de ces paroles: « Voilà celui qui
efface les péchés du monde. » (Jn 1) Il est aussi Josaphat, « celui qui juge », car il
dit lui-même: « Dieu a donné tout
jugement au Fils. » (Jn 5) Il est Joram « le sublime », selon ces autres paroles: « Personne ne monte au ciel que celui
qui descend du ciel. » (Jn 3) Il est Ozias, « le fort du Seigneur », d’après ces paroles du
Psalmiste: « Le Seigneur est ma
force et ma gloire. » (Psaume 117.)
Il est Joatham, « celui qui est
consommé en perfection », lui dont l’Apôtre a écrit: « Le Christ est la fin de la
loi. » (Rm 10) Il est
Achaz, « celui qui convertit »,
selon ces paroles: « Convertissez-vous
à moi. » (Za 1) — Raban : Ou bien il est « celui qui comprend », car
personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils (Mt 11, 27). —
Saint Rémi : Il est Ezéchias, c’est-à-dire « le Seigneur fort » ou « le Seigneur a fortifié », lui
qui a dit: « Ayez confiance, j’ai
vaincu le monde. » (Jn 16)
Il est aussi Manassé, « celui qui
est porté à oublier » ou « qui
a oublié », selon ce qui est écrit: « Je ne me rappellerai plus vos péchés. » (Is 43; Ez 28) Il est Amon, « le fidèle », selon ces
paroles du Psalmiste: « Le
Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles. » (Ps. 144.) Il est
Josias, « l’encens du seigneur »,
selon ces paroles: « Étant
tombé en agonie, il redoublait ses prières. » (Luc, 22.) — Raban : Que l’encens soit
le symbole de la prière, c’est le Psalmiste lui-même qui en témoigne: « Que ma prière s’élève comme
l’encens en votre présence. » (Ps 140.) Ou bien encore il est « le salut du Seigneur », selon
ces paroles d’Isaïe: « Le salut
que je donnerai sera éternel. » (Is 51) —
Saint Rémi : Il est Jéchonias, « celui qui prépare » ou « la préparation du Seigneur », comme il le dit de
lui-même: « Si je m’en vais et que
je vous prépare une place. » (Jn 16) — La Glose : Au sens moral, David a pour fils Salomon, « le pacifique », car on devient pacifique dans ses mœurs lorsqu’on a su éteindre ses inclinations vicieuses, et on semble jouir déjà d’une paix éternelle en servant Dieu et en s’efforçant de convertir les autres à lui. Vient ensuite Roboam ou « l’étendue du peuple », car celui qui a triomphé de tous ses défauts doit tourner ses efforts vers les autres et entraîner avec lui le peuple de Dieu vers les choses du ciel. Après lui, vient Abias, c’est-à-dire « le Seigneur Père », car après tout ce que nous venons de dire, le Christ peut se glorifier d’être le Fils de Dieu. Alors il pourra devenir Asa, « celui qui élève », et de vertu en vertu s’élever jusqu’à Dieu son Père. Alors encore il sera Josaphat, « celui qui juge », car il jugera les autres sans être jugé par personne; et c’est ainsi qu’il deviendra Joram, c’est-à-dire « le sublime », qui semble habiter dans les cieux. Il devient de la sorte Osias ou « le fort du Seigneur », qui attribue toute sa force à Dieu et persévère dans ses résolutions. Après Osias vient Joatham, « le parfait », car il avance tous les jours en perfection, et c’est ainsi qu’il devient Achaz ou « celui qui comprend », parce que la connaissance se développe par les œuvres, selon qu’il est écrit: « Ils ont annoncé les œuvres de Dieu, et ils ont compris ses actions. » Vient ensuite Ezéchias, c’est-à-dire « le Seigneur fort », car il comprend toute la force de Dieu et c’est pour que cela converti à son amour il devient Manassé, « celui qui oublie », et qui perd le souvenir des choses de la terre. Il devient ainsi Amon, c’est-à-dire « fidèle », car celui qui méprise les choses de la terre ne fait tort à personne dans ses biens, et il devient par là Josias, qui veut dire « salut du Seigneur », car il attend avec confiance et sécurité le salut qui vient de Dieu. |
Lectio 6 [85339] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 6 Chrysostomus super Matth. Post
transmigrationem inter privatas personas primo ponit Iechoniam quasi privatum
et ipsum. Ambrosius super Lucam. De quo Ieremias dicit:
scribe virum istum abdicatum: quia non exsurget ex semine eius sedens in
throno David. Quomodo autem ex semine Iechoniae nullus regnaturus dicitur per
prophetam? Si enim Christus regnavit, ex semine autem Iechoniae Christus est,
propheta mentitus est. Sed illic futuros ex semine Iechoniae non negatur; et
ideo de semine eius Christus est; et quod regnaverit Christus, non contra
prophetam est: non enim saeculari honore regnavit; ipse enim dixit: regnum
meum non est de hoc mundo. Iechonias autem genuit Salathiel. Chrysostomus super Matth. De Salathiel quidem
nihil legimus vel boni vel mali; tamen putamus sanctum eum fuisse, et in
captivitate assidue Deum petiisse pro ipsa calamitate quae contigerat Israel:
ideo petitionem Dei eum appellatum fuisse; interpretatur enim petitio Dei.
Salathiel autem genuit Zorobabel, qui interpretatur fluitio postposita, vel
ex commixtione, vel hic doctor Babyloniae. Legi (si verum est nescio) quia
sacerdotale et regale genus mixtum est in Zorobabel. Propter istum autem
reversi sunt filii Israel in terram propriam quia cum contenderent tres pro
sua sententia, vicit Zorobabel, et pronuntiata est omnibus fortior veritas
esse; propter quod Darius concessit ei filios Israel redire in sua; et ideo
recte secundum providentiam Dei nominatus est Zorobabel, idest doctor
Babyloniae. Quae enim maior doctrina quam ostendere
veritatem dominatricem esse omnium rerum? Glossa. Sed hoc videtur esse contrarium
generationi quae legitur in Paralipomenon. Dicitur
enim ibi Iechonias genuisse Salathiel et Phadaia, et Phadaia Zorobabel, et
Zorobabel Mosollam, Ananiam et Salamith sororem eorum. Sed scimus multa in
Paralipomenon vitio scriptorum depravata. Unde multae et indeterminatae
genealogiarum veniunt quaestiones, quas iubet apostolus evitari. Vel potest
dici Salathiel et Phadaia eumdem esse, quasi binomium. Vel Salathiel et
Phadaia fratres esse, et filios eiusdem nominis habuisse; et historiographum
secutum fuisse generationem Zorobabel filii Salathiel. De Abiud usque ad
Ioseph nulla historia invenitur in Paralipomenon; sed alii multi annales
leguntur fuisse apud Hebraeos, qui dicebantur verba dierum, de quibus Herodes
rex alienigena dicitur multos combussisse ut ordo regiae stirpis
confunderetur. Et forsitan Ioseph nomina parentum ibi legerat, vel alio
quoquo modo retinuerat. Unde Evangelista seriem istius generationis poterat
scire. Notandum tamen, quod prior Iechonias domini resurrectio, sequens
domini praeparatio dicitur. Utrumque autem convenit domino Christo, qui dicit:
ego sum resurrectio et vita; et: vado parare vobis locum. Salathiel, idest
petitio mea Deus, illi convenit qui dicit: pater sancte, serva illos quos
dedisti mihi. Remigius. Est etiam Zorobabel, idest magister
confusionis, secundum illud: magister vester cum publicanis et peccatoribus
manducat. Ipse est Abiud, idest pater meus iste, secundum illud: ego et pater
unum sumus. Est et Eliacim, idest Deus resuscitans, secundum illud:
resuscitabo eum in novissimo die. Est et Azor, idest adiutus, secundum illud:
qui me misit, mecum est. Ipse est et Sadoch iustus, sive iustificatus,
secundum illud: traditus iustus pro iniustis. Est et Achim, idest frater meus
iste, secundum illud: qui fecerit voluntatem patris mei, hic meus frater est.
Est etiam Eliud, idest Deus meus iste, secundum illud: Deus meus et dominus
meus. Glossa. Est et Eleazar, idest Deus meus
adiutor, secundum illud: Deus meus adiutor meus. Est et Mathan, idest donans
vel donatus, secundum illud: dedit dona hominibus et: sic Deus dilexit mundum
ut filium suum daret unigenitum. Remigius. Est et Iacob supplantans, quia non
solum ipse supplantavit Diabolum, sed et huius potestatem suis fidelibus
dedit, secundum illud: ecce dedi vobis potestatem calcandi supra serpentes.
Est et Ioseph, idest apponens, secundum illud: ego veni ut vitam habeant, et
abundantius habeant. Rabanus. Sed videamus quid moraliter isti
patres significent: quia post Iechoniam, qui dicitur praeparatio domini,
sequitur Salathiel, idest petitio mea Deus; qui enim praeparatus est non
petit nisi solum Deum. Sed iterum fit Zorobabel, idest magister Babylonis,
scilicet terrenorum hominum, quos facit cognoscere de Deo quod pater est,
quod sonat Abiud; et tunc ille populus resurgit a vitiis: unde sequitur
Eliacim, qui resurrectio interpretatur. Et idem ad bene operandum adiutus,
quod sonat Azor, fit Sadoch, idest iustus; et tunc dicit fidelis dilectionem
proximi. Ipse est frater meus, quod sonat Achim; et per dilectionem Dei dicit
Deus meus, quod sonat Eliud. Et sequitur Eleazar, idest Deus meus adiutor,
quia recognoscit Deum suum adiutorem. Ad quid autem tendit, ostendit Mathan,
qui dicitur donum vel donans: expectat enim Deum datorem; et sicut luctatus
est in principio et vitia supplantavit, sic et in fine vitae, quod ad Iacob
pertinet; et sic pervenitur ad Ioseph, idest ad augmentum virtutum. |
Versets 12-15.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Après l’exil, l’Évangéliste place Jéchonias parmi les personnes
privées, comme n’étant lui-même qu’un simple particulier. — Saint
Ambroise : (sur
S. Luc chap. 3.) C’est de lui que Jérémie a dit: « Écrivez la déchéance de cet homme,
car il ne sortira personne de sa race pour s’asseoir sur le trône de David »
(Jr 22, 30). Mais comment le
Prophète peut-il dire qu’aucun descendant de Jéchonias ne doit régner, car si
le Christ a régné et qu’il descende par ailleurs de Jéchonias, le Prophète
s’est évidemment trompé. Nous répondons que le Prophète ne dit pas que
Jéchonias n’aura pas de descendant, le Christ a donc pu naître de son sang, et
on ne peut opposer à l’oracle du Prophète la royauté de Jésus-Christ, car
cette royauté n’a pas été une royauté temporelle, comme Jésus-Christ
l’atteste lui-même: « Mon royaume
n’est pas de ce monde. » (Jn 19) « Jéchonias engendra Salathiel ». — Saint Jean Chrysostome (sur S. Matth.) : [référence à vérifier] De Salathiel, nous
ne savons rien, ni en bien ni en mal ; nous pensons cependant que ce fut
un saint homme et que, au cours de la captivité, il demanda constamment à
Dieu d’intervenir pour faire cesser cette calamité qui pesait sur le peuple
d’Israël ; c’est donc pourquoi il fut appelé « la demande à Dieu ». Car son nom peut signifier « la demande à Dieu ».
Salathiel engendra Zorobabel dont le nom signifie « l’écoulement négligé » ou « du mélange » ou « »docteur
en Babylone ». Je ne sais si c’est vrai, mais j’ai lu que les races
royale et sacerdotale ont été mélangées en la personne de Zorobabel. C’est
sous sa conduite que les fils d’Israël revinrent dans leur propre pays :
comme ils étaient trois à lutter pour imposer leur avis, Zorobabel fut
vainqueur et son point de vue fut jugé meilleur que tous les autres ;
c’est pourquoi Darius permit aux fils d’Israël de rentrer chez eux, et c’est
donc à juste titre que, selon la providence divine, il fut nommé Zorobabel,
c'est-à-dire « le docteur de
Babylone ». En effet, y a-t-il meilleur enseignement que de prouver
que la vérité l’emporte sur toutes choses ? — La Glose : L’Évangéliste paraît ici en contradiction avec la généalogie qui se
trouve au livre des Paralipomènes; nous y voyons, en effet, que Jéchonias
engendra Salathiel et Phadaia; Phadaia, Zorobabel; et Zorobabel, Mosolla,
Ananie et Salomith leur sœur. Mais nous savons que le texte des Paralipomènes
a été fréquemment altéré par la négligence des copistes, et qu’il est pour
les généalogies le sujet de difficultés sans fin que l’Apôtre nous ordonne
d’éviter. On pourrait peut-être dire que Salathiel et Phadala sont une même
personne sous un double nom, ou que ce sont deux frères dont les fils ont
porté le même nom, ou l’historien sacré n’aurait suivi que la ligne de
Zorobabel, fils de Salathiel. D’Abias jusqu’à Joseph, on ne trouve aucun
document historique dans les Paralipomènes; mais on affirme qu’il existait
chez les Juifs d’autres annales, appelées les « Paroles des jours », et dont Hérode, roi de race
étrangère, fit brûler, à ce que l’on dit, une grande partie pour détruire les
traces de la race royale. C’est dans ces annales que Joseph aurait peut-être
trouvé les noms de ses ancêtres, si d’ailleurs il ne les avait pas conservés
d’une autre manière, et c’est d’après ces renseignements que l’Évangéliste
aurait pu connaître la suite de cette généalogie. Remarquons que des deux
Jéchonias le premier signifie « la
résurrection du Seigneur », le second « la préparation du Seigneur », et que l’une et l’autre
signification conviennent au Seigneur Jésus-Christ, qui a dit: « Je suis la résurrection et la
vie. » (Jn 11) Et encore: « Je vais vous préparer une
place. » (Jn 14) Le nom de
Salathiel, ou « ma demande est Dieu »,
convient aussi au Christ qui a dit: « Père
saint, conservez ceux que vous m’avez donnés. » (Jn 17) —
Saint Rémi : Il est aussi Zorobabel, « le maître de la confusion », lui
à qui on a fait ce reproche: « Votre
maître mange avec les publicains et avec les pécheurs. » (Mt 9) Il
est encore Abiud, qui veut dire « celui-ci
est mon père », lui qui a dit: « Mon
Père et moi nous ne sommes qu’un. » (Jn 10) Il est aussi Eliachim ou
« le Dieu qui ressuscite »,
selon ces paroles : « Je le
ressusciterai au dernier jour. » Il est Azor ou « celui qui est aidé », car il a dit: « Celui qui m’a envoyé est avec
moi. » Il est Sadoc, « le
juste » ou « le justifié »,
selon ces paroles: « Le juste
a été livré pour les injustes. » (1 P 3) Il est Achias ou « celui-ci est mon frère », d’après
ce qu’il a dit de lui-même: « Celui
qui fait la volonté de mon père, celui-ci est mon frère. » (Mt 7) Il
est Eliud ou « celui-ci est mon
Dieu », d’après ces paroles: « Mon
Dieu est mon Seigneur. » (Ps. 34) — La Glose : Il est Eléazar ou « mon Dieu est mon aide », d’après
ces autres paroles du Psalmiste: « Mon
Dieu est mon soutien. » (Ps 17) Il est Mathan, celui « qui donne » ou celui «qui est donné », car il est
écrit: « Il a répandu ses dons sur
les hommes; » (Ep. 4) et encore: « C’est
ainsi que Dieu a aimé le monde, qu’il lui a donné son Fils unique. »
(Jn 3) —
Saint Rémi : Il est Jacob, celui « qui supplante », car non
seulement il a supplanté le démon, mais encore il a donné à ses fidèles tout
pouvoir sur lui par ces paroles: « Voici
que je vous ai donné la puissance de marcher sur les serpents. » (Lc 10) Enfin il est Joseph, « celui qui ajoute », selon
ce qu’il a dit lui-même: « Je suis
venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en plus grande
abondance. » (Jn 10) — Raban : Mais voyons ce que signifient au sens moral les noms des ancêtres du Seigneur. Après Jéchonias, qui veut dire « préparation du seigneur », vient Salathiel, ou « Dieu est ma demande », car celui qui est déjà préparé [par l’Esprit saint] ne demande rien que le Seigneur. Il devient encore Zorobabel ou le « maître de Babylone », c’est-à-dire des frontières des hommes auquel il fait connaître que Dieu est Père (tel est le sens d’Abius). Alors ce peuple sort du tombeau de ses vices; ce que veut dire le mot Eliachim ou « résurrection », et il ressuscite pour se livrer aux bonnes œuvres intérieures, ce que signifie Azor. Il devient Sadoc ou « juste », et alors la charité fraternelle lui fait tenir ce langage: « Il est mon frère », selon la signification du mot Achim, et l’amour de Dieu lui inspire ces paroles « Mon Dieu», ou Eliud. Il devient ensuite Eléazar, ou « Dieu est mon aide », parce qu’il reconnaît que Dieu est son secours. Le mot Mathan, qui signifie « celui qui donne » ou « qui est donné », indique le but qu’il se propose, c’est-à-dire qu’il attend les dons de Dieu et qu’il combat contre les vices à la fin de sa vie comme il l’a fait au commencement, ce que signifie le nom de Jacob, et on arrive ainsi à Joseph, c’est-à-dire à l’accroissement des vertus. |
Lectio 7 [85340] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 7 Glossa. Post omnes generationes patrum
ponit ultimo generationem Ioseph viri Mariae, propter quam omnes aliae
introducuntur, dicens Iacob autem genuit Ioseph. Hieronymus. Hunc
locum obiicit nobis Iulianus Augustus de dissonantia Evangelistarum: cur
Matthaeus Ioseph filium dixit Iacob, et Lucas filium eum appellaverit Heli;
non intelligens consuetudinem Scripturarum, quod alter secundum naturam,
alter secundum legem ei pater sit. Scimus enim hoc per Moysen Deo iubente
praeceptum, ut si frater aut propinquus absque liberis mortuus fuerit, alius
eius accipiat uxorem ad suscitandum semen fratris vel propinqui sui. Super
hoc Africanus, temporum scriptor, et Eusebius Caesariensis plenius
disputaverunt. Ex historia autem ecclesiastica. Mathan enim
et Melchi diversis temporibus ex una eademque uxore Iescha nomine singulos
filios procrearunt. Quia Mathan per Salomonem descendit, uxorem eam primum
ceperat, et relicto filio uno Iacob nomine, defunctus est. Post cuius obitum,
quoniam lex viduam alii viro non vetat nubere, Melchi, qui per Mathan genus
ducit, cum esset ex eadem tribu, sed non ex eodem genere, relictam Mathan
accepit uxorem, ex qua ipse suscepit filium nomine Heli, per quos ex diverso
patrum genere efficiuntur Iacob et Heli uterini fratres; quorum alter, idest
Iacob, fratris Heli sine liberis defuncti uxorem ex mandato legis accipiens,
genuit Ioseph, natura quidem generis suum filium; propter quod et scribitur
Iacob autem genuit Ioseph. Secundum legis vero praeceptum, Heli efficitur
filius Iacob quia frater erat et ad suscitandum fratris semen acceperat
uxorem eius. Et per hoc recta invenitur atque integra generatio et ea quam
Matthaeus enumerat et ea quam Lucas, qui legalem successionem, quae velut
adoptione quadam erga defunctos constat, competenti satis per hoc designavit
indicio, observans ne in huiusmodi successionibus genuisse aliquem nominaret.
Augustinus de Cons. Evang. Commodius enim
filius eius dictus est a quo fuerat adoptatus, quam si diceretur ab illo genitus
cuius carne non erat natus. Matthaeus autem dicens Abraham genuit Isaac, et
in hoc perseverans donec diceret Iacob genuit Ioseph, satis expressit eum
patrem produxisse secundum ordinem generationum a quo Ioseph non adoptatus,
sed genitus erat. Quamquam si etiam Lucas genitum diceret Ioseph ab Heli, nec
sic nos hoc verbum perturbare deberet; neque enim absurde quisquam dicitur
non carne sed caritate genuisse quem sibi filium adoptaverit. Ex historia Eccles. Haec autem non nobis ad
lubitum reperta aut absque ullis auctoribus commentata sunt, sed ipsi
salvatoris nostri secundum carnem propinqui, seu studio tanti seminis
demonstrandi, seu edocendi quae secundum veritatem gesta sunt, haec
tradiderunt. Augustinus de Cons. Evang. Merito autem Lucas,
qui non ab initio Evangelii sui sed a Baptismo Christi generationes enarrat
tamquam sacerdotem in expiandis peccatis magis assignans, adoptionis originem
ipse suscepit, quia per adoptionem efficimur filii Dei credendo in filium
Dei. Per carnalem vero generationem, quam Matthaeus prosequitur, filius Dei
potius propter nos homo factus est. Satis autem ostendit Lucas se dixisse
Ioseph filium Heli, quod illi fuerit adoptatus, cum Adam filium dixerit Dei
per gratiam, quam postea peccando amisit, tamquam filius in Paradiso
constitutus sit. Chrysostomus in Matth. Positis igitur
progenitoribus universis et finiens in Ioseph, addit virum Mariae, monstrans
quod propter illam et hunc in genealogia posuit. Hieronymus. Cum autem virum audieris, tibi
suspicio non subeat nuptiarum; sed recordare consuetudinis Scripturarum, quod
sponsae uxores, et sponsi viri vocantur. Gennadius de ecclesiasticis dogmatibus. Natus
est autem Dei filius ex homine, idest ex Maria, et non per hominem, idest ex
viri coitu, sicut Ebion dicit; unde signanter subdit de qua natus est Iesus.
Augustinus de Haeres. Quod est contra
Valentinum, qui dixit Christum nihil assumpsisse de virgine, sed per illam
tamquam per rivum aut fistulam pertransisse. Augustinus contra Faustum. Cur autem carnem ex
utero feminae assumere voluerit, summa consilii penes ipsum est: sive quod
utrumque sexum hoc modo honorandum iudicavit assumendo formam viri et
nascendo de femina, sive aliqua alia causa quam non temere dixerim. Augustinus de quaest. novi et Vet. Testam. Quod
autem per olei unctionem praestabat Deus his qui in reges ungebantur, hoc
praestitit spiritus sanctus homini Christo addita expiatione; quare natus,
Christus est appellatus; et hoc est quod dicitur qui vocatur Christus. Augustinus de Cons. Evang. Non tamen erat fas
ut eum ob hoc a coniugio Mariae separandum putaret quod non ex eius
concubitu, sed virgo peperit Christum; hoc enim exemplo magnifice insinuatur
fidelibus coniugatis et servata pari consensu continentia, posse permanere
coniugium non permixto corporis sexu, sed custodito mentis affectu;
praesertim quia nasci eis filius potuit sine ullo complexu carnali. Augustinus de Nupt. et Conc. Omne autem
nuptiarum bonum impletum est in illis parentibus Christi: fides, proles et
sacramentum; prolem cognoscimus ipsum dominum, fidem quia nullum adulterium,
sacramentum quia nullum divortium. Hieronymus. Quaerat autem diligens lector, et
dicat: cum Ioseph non sit pater domini salvatoris, quid pertinet ad dominum
generationis ordo deductus usque ad Ioseph? Cui respondebimus primo, non esse
consuetudinis Scripturarum ut mulierum in generationibus ordo texatur, deinde
ex una tribu fuisse Ioseph et Mariam unde ex lege eam accipere cogebatur ut
propinquam et quod simul censentur in Bethlehem, ut de una videlicet stirpe
generati. Augustinus de Nupt. et Conc. Fuit et series
generationis usque ad Ioseph producenda ne in illo coniugio virili sexui,
utique potiori, fieret iniuria, cum veritati nihil deperiret quia ex semine
David erat Maria. Augustinus contra Faustum. Nos ergo credimus
etiam Mariam fuisse in cognatione David quia eis Scripturis credimus quae
utrumque dicunt: et Christum ex semine David secundum carnem, et eius matrem
Mariam, non cum viro concumbendo, sed virginem. Concilium Ephesinum. Cavendus autem est hic
Nestorii error qui sic dicit: cum divina Scriptura dictura est aut
nativitatem Christi, quae ex Maria virgine est, aut mortem, nusquam videtur
ponens Deus, sed aut Christus aut filius aut dominus, quoniam haec tria
naturarum significativa duarum: aliquando quidem huius, aliquando vero
illius, aliquando autem et illius et istius. Accipe autem ad hoc testimonium:
Iacob genuit Ioseph virum Mariae, de qua natus est Iesus qui dicitur
Christus. Deus enim verbum secunda ex muliere non eguit nativitate. Augustinus contra Felicianum. Sed non alius
Dei et alius hominis, sed idem Christus Dei et hominis filius fuit. Et sicut
in uno homine aliud animus et aliud corpus, sic in mediatore Dei et hominum
aliud Dei filius, aliud hominis filius fuit, unus tamen ex utroque Christus
dominus fuit. Aliud, inquam, pro discretione substantiae,
non alius pro unitate personae. Sed obiicit haereticus: nescio quomodo
natum doceatis ex tempore quem coaeternum patri dicitis iam fuisse. Nasci
enim est velut quidam motus rei non extantis antequam nascatur, id agens
beneficio nativitatis ut sit. Quo colligitur, eum qui
erat nasci non potuisse, et si nasci potuit, non fuisse. Ad quod respondetur ab Augustino. Fingamus,
sicut plerique volunt, esse in mundo animam generalem quae sic ineffabili
motu semina cuncta vivificet ut non sit concreta cum genitis; nempe cum haec
in uterum passibilem materiam ad usus suos formatura pervenerit, unam facit
secum esse personam eius rei, quam non eamdem constat habere substantiam; et
fit, operante anima et patiente materia, ex duabus substantiis unus homo, cum
anima aliud doceatur esse, aliud caro. Sicque animam nasci
fatemur ex utero, quam ad uterum venientem vitam dicimus contulisse concepto.
Nasci, inquam, ex matre dicitur qui ex hac sibi
corpus aptavit in quo nasci posset, non quia antequam nasceretur, quantum ad
se attinet, ipsa penitus non fuisset. Sic ergo, immo multo
incomprehensibilius atque sublimius, natus est susceptione perfecti hominis
de matre filius Dei, qui per omnipotentiam singularem omnibus genitis est
causa nascendi. |
Verset 16
— La Glose : Après toutes les généalogies des ancêtres de Jésus-Christ, l’Évangéliste donne en dernier lieu celle de Joseph, époux de Marie, à laquelle toutes les autres se rapportaient: « Et Jacob engendra Joseph. » —
Saint Jérôme : Julien Auguste voit ici une preuve de
contradiction entre les Évangélistes; pourquoi, dit-il, Matthieu écrit-il que
Joseph est le fils Jacob, tandis que Luc le donne comme le fils d’Héli ?
Julien paraît ne pas comprendre le langage habituel de l’Écriture, qui
appelle également du nom de père et celui qui l’est par nature et celui qui
l’est en vertu de la loi. C’est ce que nous apprend la loi de Moïse,
expression de la volonté divine, en ordonnant, lorsqu’un homme meurt sans
enfant, que son frère ou un de ses proches parents prenne pour épouse la
femme du défunt pour donner des enfants à ce dernier (Deut.) Africanus le chronologiste et saint Eusèbe de Césarée [(dans son traité intitulé διαφωνιας
Ευανγελιων ou de la divergence des Évangélistes)] ont parfaitement discuté [et
résolu] cette question. — Saint Eusèbe de Césarée : . (Hist.
eccl., liv. 1, chap. 7.) Mathan et Melchi eurent,
chacun à des époques différentes, des enfants de la même femme appelée Jesca.
Mathan qui descendait de Salomon l’avait eue le premier pour épouse, et il
était mort en lui laissant un fils unique appelé Jacob. Après sa mort, la loi
ne défendant pas à sa veuve de prendre un autre époux, Melchi, qui était
parent de Mathan, de la même tribu, mais non de la même famille, épousa la
femme de Mathan, restée veuve, et en eut un fils nommé Héli. C’est ainsi que
Jacob et Héli, frères utérins, naquirent de deux pères différents. Jacob, de
son côté, en vertu de la prescription expresse de la loi, épousa la femme de
son frère Héli, mort sans enfants, et en eut un fils, Joseph; c’est pour cela
que nous lisons: « Jacob engendra
Joseph. » Joseph fut donc le fils naturel de Jacob, tandis qu’il
était considéré comme le fils légal d’Héli, dont Jacob n’avait épousé la
veuve que pour donner des enfants à son frère. C’est ainsi que se trouvent
justifiées la vérité et l’intégrité des généalogies de saint Matthieu et de
saint Luc. Ce dernier a suffisamment distingué la succession légale qui était
une espèce d’adoption à l’égard du défunt, en évitant, dans l’exposé de ces
successions, de parler de génération proprement dite. —
Saint Augustin : (De l’Accord des Evang., 2, 3.) L’expression
de fils à l’égard de celui qui ne l’était que par adoption, était plus
convenable et plus juste que celle d’engendré, puisqu’il n’était pas né de
son sang. Saint Matthieu, au contraire, en commençant sa généalogie par ces
mots: « Abraham engendra
Isaac », et en s’exprimant toujours de même jusqu’à la fin, où il
dit: « Jacob engendra
Joseph », marque assez par là que ce père l’a engendré selon l’ordre
naturel, et que Joseph est, non pas son fils adoptif, mais son véritable
fils. Et toutefois, quand bien même saint Luc aurait employé la même
expression à l’égard de Joseph adopté par Héli, nous ne devrions pas en être
embarrassés, car on peut sans absurdité dire d’un homme qu’il a engendré, par
l’affection et non dans la chair, l’enfant qu’il a cru devoir adopter. — Eusébe : (Hist. ecclés.) Ce ne sont
pas là des documents arbitraires, trouvés par hasard et dépourvus de toute
authenticité, car ce sont les parents du Seigneur, selon la chair, qui nous
les ont transmis, soit par le désir de faire connaître une naissance si
auguste, soit pour rétablir la vérité des faits. — Saint
Augustin : (De
l’Accord des Evang., 2, 4.) C’est avec raison que
saint Luc, qui place la généalogie du Christ, non pas en tête de son
Évangile, mais au baptême du Christ, en le présentant surtout comme le prêtre
chargé de l’expiation de nos péchés, a choisi de préférence l’origine
d’adoption, car c’est par l’adoption et en croyant au Fils de Dieu que nous
devenons nous-mêmes les enfants de Dieu. Dans la génération charnelle, au
contraire, que raconte saint Matthieu, le Fils de Dieu se montre surtout à nous
comme s’étant fait homme pour nous. D’ailleurs, saint Luc nous apprend assez
qu’en appelant Joseph fils d’Héli, il veut parler de son adoption, puisqu’il
donne le nom de fils de Dieu à Adam, que Dieu avait établi comme un fils dans
le paradis terrestre en vertu d’une grâce qu’il perdit plus tard. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 4 sur
S. Matthieu.) Après avoir énuméré tous les ancêtres de Jésus-Christ,
il finit par Joseph, et il ajoute: « l’époux
de Marie », pour montrer que c’est à cause de Marie qu’il l’a placé
dans la généalogie. —
Saint Jérôme : Que ce nom « l’époux de Marie » ne vous rappelle aucune idée de
mariage, car les saintes Écritures donnent ordinairement le nom d’époux ou
d’épouse aux simples fiancés. — Gennadius : (Des Dogm. de
l’égl., chap. 2.) Le Fils de Dieu est né de l’homme, c’est-à-dire de
Marie, et non par le moyen de l’homme, c’est-à-dire des relations de l’homme
avec la femme, comme le prétend Ebion, et c’est avec un dessein marqué que
l’Évangéliste ajoute: « Marie, de
laquelle est né Jésus. » —
Saint Augustin : (Des Hérés., chap. 2.) Ces paroles
condamnent l’opinion de Valentin, qui soutenait que le Christ n’avait rien
reçu de Marie, mais qu’il n’avait fait que passer par elle comme par un
ruisseau ou par un canal. —
Saint Augustin : (Des Hérés., chap. 2.) Que le Christ ait
voulu prendre chair dans le sein d’une femme, c’est chez lui l’effet d’une
haute sagesse, soit qu’il ait voulu ainsi honorer les deux sexes en prenant
la forme d’un homme et en recevant l’existence d’une femme, soit pour tout
autre motif qu’il ne nous appartient pas d’examiner. —
Saint Augustin : (Des Quest. du Nouv. et de l’Anc. Test.) Ce
que Dieu donnait par l’onction d’huile à ceux qui étaient sacrés rois,
l’Esprit saint le confère à l’homme Jésus-Christ , en la sanctifiant. C’est
pour cela qu’à sa naissance il reçut le nom de Christ, ainsi que l’ajoute
l’Évangéliste: « qui est appelé le
Christ. » —
Saint Augustin : (De l’Accord des Evang.) Cependant il n’est
pas permis de conclure qu’il n’y avait pas de mariage entre Marie et Joseph
de ce que le Christ n’était pas né de leur union, mais qu’il avait été
enfanté par une vierge. C’est un magnifique exemple donné aux fidèles engagés
dans les liens du mariage, et qui leur apprend que tout en gardant la
continence d’un mutuel accord, le mariage peut continuer à exister, par la
seule union des âmes, sans l’union des corps, alors surtout qu’on voit naître
ici un fils sans qu’il y ait en d’union charnelle. —
Saint Augustin : (Du Mariage et de la concupis., 1, 2.) Tous
les biens du mariage se trouvent réunis dans cette union des parents de
Jésus-Christ : la fidélité, les enfants, le pacte mutuel. Nous savons que Jésus-Christ
est leur enfant béni. La fidélité du mariage a été gardée, puisqu’il n’y a
pas eu d’adultère, il y a eu pacte sacré puisqu’il n’y a pas eu de divorce. —
Saint Jérôme : Un lecteur attentif fera peut-être
cette question: Puisque Joseph n’est pas le père du Dieu Seigneur, quel
rapport peut avoir avec Jésus cette généalogie qui descend jusqu’à
Joseph ? Nous répondrons d’abord que ce n’est pas l’usage des écrivains
sacrés de donner dans les généalogies la descendance des femmes; en second
lieu que Joseph et Marie étaient de la même tribu et que Joseph était obligé
de la prendre pour épouse à cause de la parenté qui existait entre eux, ce
que prouve leur inscription simultanée à Bethléem comme étant de la même
famille. —
Saint Augustin : (Du Mariage et de la concupisc.) Un autre
motif pour lequel la généalogie devait descendre jusqu’à Joseph, c’était de ne
pas faire injure, dans cette union, à la prééminence à son sexe, alors
surtout que la vérité des faits n’avait pas à en souffrir, puisque Marie
était de la race de David. —
Saint Augustin : (Contre Faust., lib. 23, chap. 9.) Nous
croyons donc que Marie était de la race de David, sur la foi des Écritures
qui nous apprennent ces deux choses : que le Christ était de la race de
David selon la chair, et que Marie était sa mère non en s’étant unie à son
marie, mais en demeurant vierge. — Du Concile d’Ephèse. Il faut se garder de l’erreur de Nestorius, dont voici le
raisonnement: Toutes les fois que l’Écriture parle ou de la naissance
temporelle de Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, ou de sa mort, elle ne lui
donne jamais le nom de Dieu, mais celui de Christ ou celui de Fils, ou celui
de Seigneur, car ces trois noms désignent les deux natures, tantôt la nature
divine, tantôt la nature humaine, tantôt l’une et l’autre réunies. En voici une
preuve : « Jacob engendra Joseph,
l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qu’on appelle Christ. » Or
le Verbe, qui est Dieu, n’a pu avoir besoin de naître une seconde fois d’une
femme. — Saint Augustin : (Contre Félicien, chap. 11, 12.) Le Fils de Dieu n’est pas autre que le Fils de l’homme, mais c’est le même Christ qui est à la fois le Fils de l’homme et le Fils de Dieu. De même que dans un seul et même homme l’esprit et le corps sont deux choses différentes, ainsi, dans le Médiateur de Dieu et des hommes, le Fils de Dieu et le Fils de l’homme sont deux choses distinctes, mais qui concourent à former un seul et même Seigneur Christ; car s’il y a ici deux choses distinctes parce qu’il y a deux substances, il n’y a cependant qu’une seule et même personne. Les hérétiques nous font cette objection: Je ne sais pas comment vous enseignez que celui qui, selon vous, est coéternel au Père, ait put naître dans le temps, car naître c’est comme le mouvement que fait avant sa naissance un être qui n’existe pas, et dont le but est de se procurer l’existence par le moyeu de cette naissance. Donc il faut conclure que celui qui existait n’a pu naître, ou que s’il a pu prendre naissance, c’est qu’il n’existait pas. Voici comment saint Augustin répond à cette
difficulté: Supposons, comme plusieurs auteurs le prétendent, qu’il y ait
dans le monde une âme universelle qui vivifie les germes de tous les êtres
par une opération ineffable, en restant toujours distincte de ce qu’elle
vivifie. Lorsqu’elle pénétrera dans le sein de la mère pour y donner la forme
à la matière passive qu’elle y trouve, elle fera de cette matière, d’une
nature toute différente de la sienne, une seule personne avec elle. C’est
ainsi que l’opération de l’âme et la passibilité de la matière concourent à
former un seul homme de deux substances distinctes, l’âme étant tout à fait
différente du corps, et nous disons que l’âme prend naissance dans le sein de
la mère, tout en reconnaissant d’ailleurs que c’est en venant elle-même dans
le sein maternel qu’elle y donne la vie au germe qui est conçu. Nous disons qu’elle est née du sein de la mère, parce qu’elle s’y est unie à un corps dans lequel elle put naître, sans qu’on puisse en conclure, pour ce qui la concerne, qu’elle n’existait pas du tout avant sa naissance. C’est ainsi, ou plutôt c’est d’une manière bien plus incompréhensible et plus sublime, que le Fils de Dieu a pris naissance dans le sein de sa mère en s’y revêtant de la nature humaine tout entière, lui qui, par sa toute-puissance unique, donne l’être à tout ce qui est engendré dans l’univers. |
Lectio 8 [85341] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 8 Chrysostomus super Matth. Positis
generationibus ab Abraham usque ad Christum, eas in tres partes divisit per
generationes quatuordecim quia ter completis quatuordecim generationibus
mutatus est in Iudaeis status hominum. Ab Abraham enim usque ad David fuerunt
sub iudicibus, a David usque ad transmigrationem Babylonis sub regibus, a
transmigratione usque ad Christum sub pontificibus. Hoc ergo vult
demonstrare: sicut semper completis quatuordecim generationibus mutatus est
hominum status, sic completis quatuordecim generationibus a transmigratione
ad Christum necesse est a Christo mutari similiter hominum statum; quod et
factum est. Post Christum enim omnes gentes sub uno Christo iudice, rege et
pontifice factae sunt; unde quando iudices, reges et pontifices Christi
dignitatem praefigurabant, semper principia eorum in figura fuerunt Christi:
primus iudicum Iesus Nave, primus regum David, primus pontificum Iesus filius
Iosedech. Hoc in figura Christi fuisse, dubitat nemo. Chrysostomus in Matth. Vel ideo in tres
partes divisit omnes generationes demonstrans quod neque regimine transmutato
facti sunt meliores, sed sub iudicibus, regibus, pontificibus et sacerdotibus
in eisdem permanserunt malis; propter quod et captivitatem Babylonis
commemorat manifestans quod neque ex hoc sunt correcti. Descensus autem in
Aegyptum non meminit quia Aegyptios non timebant sicut Babylonios vel
Assyrios, et quia illud erat antiquum, hoc autem recens et quia illuc non
propter peccata deducti fuerant sicut in Babylonem. Ambrosius super Lucam. Illud autem non
praetermittendum putamus quod a David temporibus usque ad Iechoniam, cum
septemdecim fuerint reges Iudaeae, quatuordecim generationes Matthaeus
posuit. Oportet autem cognoscere, posse plures esse
successiones, pauciores generationes; possunt enim diutius vivere aliqui et
serius generare, aut certe penitus exortes generationis existere; itaque non
quae regum, eadem generationum tempora. Glossa. Vel potest dici tres reges esse
praetermissos, ut superius dictum est. Ambrosius super Lucam. Rursus ergo cum a
Iechonia usque ad Ioseph generationes duodecim computentur, postea
quatuordecim generationes descriptas esse commemoravit. Sed si diligenter
advertas, hic quoque quatuordecim generationum poteris invenire rationem.
Duodecim enim a Ioseph numerantur, tertiadecima est Christus; duos autem
Ioakim, idest duos Iechonias fuisse historia indicat, patrem et filium. Non
igitur suppressit alterum Evangelista, sed utrumque significat. Ita, addito
minori Iechonia, generationes quatuordecim computantur. Chrysostomus super Matth. Vel unus Iechonias
bis numeratur in Evangelio, semel ante transmigrationem, iterum autem post
transmigrationem. Hic enim Iechonias, cum esset unus, duas habuit
conditiones: fuit enim et rex ante transmigrationem, quasi rex factus a
populo Dei; factus est et privatus post transmigrationem. Ideo ante
transmigrationem numeratur inter reges quasi rex, post transmigrationem autem
inter privatos. Augustinus de Cons. Evang. Vel ideo unus in
illis progenitoribus bis numeratur, idest Iechonias, a quo facta est quaedam
in extraneas gentes deflexio quoniam in Babyloniam transmigratus est. Ubi autem ordo a rectitudine flectitur ut eat in diversum, tamquam
angulum facit; illud autem quod in angulo est bis numeratur. Et hic iam
Christum praefigurat a circumcisione ad praeputium migraturum, et lapidem
angularem futurum. Remigius. Ideo autem quatuordecim posuit
generationes quia denarius significat Decalogum, quaternarius vero quatuor
libros Evangelii; unde in hoc ostendit concordiam legis et Evangelii. Ideo
etiam quaterdenarium numerum triplicavit, ut ostenderet quia perfectio legis,
prophetiae et gratiae, in fide sanctae Trinitatis consistit. Glossa. Vel in hoc numero septiformis
gratia spiritus sancti significatur; hic enim numerus ex septem conficitur;
quod autem geminatur significat gratiam spiritus sancti corpori et animae
esse necessariam ad salutem. Sic ergo haec generatio dividitur in tres
tessaradecades: prima est ab Abraham usque ad David, ita quod David ibi
includitur; sed secunda a David usque ad transmigrationem, ita quod David ibi
non includitur, sed transmigratio sub eo continetur; tertia est a
transmigratione usque ad Christum, in qua si dicamus Iechoniam bis numeratum,
transmigratio inclusa est. In prima significantur homines ante legem, in qua
quosdam homines naturalis legis invenies, scilicet Abraham, Isaac et Iacob,
usque ad Salomonem; in secunda significantur homines sub lege: omnes enim qui
in ea inveniuntur sub lege fuerunt; in tertia homines gratiae quia terminatur
ad Christum qui gratiae dator fuit, in qua etiam liberatio a captivitate
Babyloniae facta est significans liberationem a captivitate per Christum
factam. Augustinus de Cons. Evang. Cum autem
quaterdenas generationes tribus distinxisset articulis, non tamen eas dixit
in summa, ut diceret: fiunt omnes quadraginta et duae. Unus enim in illis
progenitoribus bis numeratur, scilicet Iechonias; sic ergo non quadraginta et
duae, quod faciunt ter quatuordecim, sed propter unam bis numeratam
quadraginta et una generationes fiunt. Matthaeus igitur, qui regiam in
Christo constituerat insinuare personam, excepto Christo quadraginta homines
in generationum serie numeravit. Numerus enim iste illud tempus significat
quo in hoc saeculo regi nos oportet a Christo, secundum disciplinam
laboriosam, quam significat illa virga ferrea de qua in Psalmis legitur:
reges eos in virga ferrea. Quod autem numerus iste
hanc temporalem vitam aeternamque significet, illa interim causa de proximo
occurrit, quod et tempora annorum quadripartitis vicibus currunt, et mundus
ipse quatuor partibus terminatur, ab oriente et occidente, Aquilone et
meridie. Quadraginta autem quatuor habent decem.
Porro ipsa decem ab uno usque ad quatuor progrediente numero consummantur. Glossa. Vel denarius ad Decalogum
refertur, quaternarius ad praesentem vitam quae per quatuor tempora transit;
vel per decem vetus testamentum, per quatuor novum. Remigius. Si quis autem voluerit dicere quod
sunt quadraginta et duae generationes, quia non est unus Iechonias, sed duo,
dicendum est quod et iste numerus congruit sanctae Ecclesiae; nascitur enim a
septenario et senario: nam sexies septem quadraginta et duo faciunt. Senarius
refertur ad laborem, septenarius vero ad requiem. |
Verset 17.
— Saint Jean Chrysostome : (Sur S. Matth.) L’Évangéliste, voulant établir les diverses générations qui séparent
Abraham du Christ, les divise en trois séries de quatorze générations
chacune, parce que la fin de chaque série correspond à un changement dans la
situation des Juifs. En effet, depuis Abraham jusqu’à David, ils furent
gouvernés par des juges; depuis David jusqu’à la déportation à Babylone, par
des rois; depuis la transmigration de Babylone jusqu’au Christ, par des
pontifes. Ce que l’écrivain sacré veut démontrer, c’est que de même qu’après
les deux premières séries de quatorze générations, la situation des Juifs fut
changée, ainsi, après les quatorze générations que l’on compte depuis la déportation
à Babylone jusqu’au Christ, le divin Seigneur devait nécessairement changer
l’état de l’humanité. C’est ce qui arriva, car, à dater de la venue du
Christ, toutes les nations lui obéirent comme à leur juge, leur roi et leur
pontife. Or, comme les juges, les rois et les pontifes figuraient la dignité
du Christ, le premier d’entre eux fut toujours un homme qui en était le
symbole, comme le premier des juges, Jésus, fils de Nave (Si 46, 1); le premier des rois, David;
le premier des pontifes, Jésus, fils de Josedech, personnages dont personne
ne doute qu’ils furent la figure du Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 4 sur
S. Matth.) Ou bien peut-être l’Évangéliste a partagé toutes les
générations en trois séries pour nous montrer que le changement de
gouvernement ne rendit pas les Juifs meilleurs, mais qu’ils ont persévéré
dans leurs crimes sous les juges, sous les rois, sous les pontifes et les
prêtres. Il fait aussi mention de la captivité de Babylone, pour nous
apprendre qu’elle n’a point servi à les ramener au bien. Si leur séjour en
Égypte est passé sous silence, c’est que les Hébreux ne craignaient pas les
Egyptiens comme les Babyloniens et les Assyriens, que d’ailleurs la
domination de ces derniers était moins récente, et qu’enfin elle n’avait pas
été, comme la captivité de Babylone, le châtiment de leurs péchés. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Nous pensons ne pas devoir
omettre de faire remarquer que de David à Jéchonias, saint Matthieu ne compte
que quatorze générations, alors qu’il y eut certainement dix-sept rois de
Juda. [Pour faire disparaître cette contradiction apparente] il suffit de se
rappeler que les successions peuvent être plus nombreuses que les
générations; quelques-uns, en effet, peuvent vivre longtemps et avoir très
tard des enfants, ou même mourir sans en laisser. La durée des règnes n’est
donc pas toujours la durée des générations. — La Glose : Ou peut dire aussi
que les noms de trois d’entre les rois ont été omis pour les raisons
indiquées plus haut. — Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Remarquons encore que l’Évangéliste donne quatorze générations [à la troisième série], bien qu’on n’en compte que douze [dans l’énumération qu’il en fait], depuis Jéchonias jusqu’à Joseph. Mais en examinant attentivement, vous trouverez aussi dans celle énumération l’équivalent de quatorze générations. On en compte, en effet, douze jusqu’à Joseph, or le Christ forme la treizième, et l’histoire [(4 R, voyez ci-dessus)] nous apprend qu’il y a eu deux Joachim, c’est-à-dire deux Jéchonias, le père et le fils. L’évangéliste n’a donc pas supprimé l’un des deux, il les a exprimés tous les deux, et c’est en ajoutant le plus jeune Jéchonias qu’on trouve quatorze générations. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien il est possible que le même Jéchonias soit compté deux fois dans l’Évangile, une première fois avant la déportation de Babylone, et une seconde fois après, car ce Jéchonias quoique étant un seul et même homme, a passé par deux conditions différentes: il a été roi avant la déportation, et roi par le choix du peuple de Dieu, et après la déprtation il a été réduit à la condition privée. Voilà pourquoi il est placé parmi les rois avant la captivité, en tant qu’il fut roi, et depuis, parmi les simples particuliers. —
Saint Augustin : (de l’Accord des Evang. 2, 4.) Peut-être
encore qu’un des aïeux du Christ, Jéchonias, a été compté deux fois, parce
qu’il a été l’auteur d’un certain écart vers les nations étrangères, lors de
la déportation à Babylone. Or ce qui s’écarte de la ligne droite pour aller
dans une direction opposée fait comme un angle, et ce qui est formé par cet
angle compte pour une seconde ligne [différente de la première]. Et c’est là
une figure du Christ, qui devait aller de la circoncision à la gentilité et
devenir ainsi la pierre angulaire. —
Saint Rémi : L’Évangéliste compte quatorze
générations, parce que le nombre dix signifie le Décalogue, et le nombre
quatre les quatre livres des Évangiles, et ainsi se trouve figuré le parfait
accord de la loi avec l’Evangile. Le nombre quatorze se trouve multiplié
trois fois, pour montrer que la loi, les prophètes et la grâce acquièrent
leur perfection dans la foi en la sainte Trinité. — La Glose : Ou bien la grâce du
Saint-Esprit aux sept dons est figurée dans ce nombre quatorze, qui est
composé du nombre sept répété deux fois. En doublant ce nombre, l’écrivain
sacré a voulu signifier que la grâce est nécessaire tout à la fois pour le
salut de l’âme et pour salut du corps. Cette généalogie est donc partagée en
trois séries de quatorze générations chacune; la première série va d’Abraham
jusqu’à David inclusivement. la seconde de David exclusivement jusque y
compris la déportation de Babylone; la troisième depuis la captivité de
Babylone jusqu’au Christ, et si nous admettons que Jéchonias y est compté
deux fois, la captivité y sera comprise. Or la première série représente les
hommes avant la loi, et nous y trouvons de fidèles observateurs de la loi
naturelle, c’est-à-dire Abraham, Isaac et Jacob, tous jusqu’à Salomon. La
seconde figure les hommes qui ont vécu sons la loi, car tous ceux qui s’y trouvent
compris ont été soumis à la loi. La troisième représente les hommes de la
grâce et se termine au Christ qui a été le dispensateur de la grâce. Nous y
voyons la délivrance de la captivité de Babylone comme figure de
l’affranchissement de l’esclavage du démon, dont Jésus-Christ nous a
délivrés. —
Saint Augustin : (de l’Accord des Evang., 2, 4.) Après avoir
divisé les générations en trois séries de quatorze chacune, l’Évangéliste ne
les additionne pas en disant: toutes font un total de quarante-deux, car un
des ancêtres de Jésus-Christ, Jéchonias, y est compté deux fois. C’est
pourquoi nous trouvons non pas quarante-deux générations, total de trois fois
quatorze, mais quarante et une générations, parce que l’une d’entre elles a
été comptée deux fois. Saint Matthieu, qui voulait nous présenter la personne
de Jésus-Christ comme roi, compte jusqu’à lui, sans le comprendre, quarante
générations. Ce nombre est le symbole du temps pendant lequel le Christ doit
nous soumettre à une discipline sévère, que figurait ce sceptre de fer dont on
lit dans les Psaumes: « Vous les
gouvernerez avec une verge de fer. » Or, une preuve facile à
comprendre que ce nombre quarante signifie la vie de la terre et du temps [littéralement :
« cette vie temporelle et éternelle » ???], c’est que
les années s’écoulent par une succession de quatre parties différentes et que
le monde lui-même est comme limité par les quatre parties connues sous le nom
d’Orient, d’Occident, de Nord et de Midi. Le nombre quarante est formé par le
nombre dix répété quatre fois, et le nombre dix lui-même est formé de nombres
qui vont en augmentant de un à quatre. — La Glose : (ou S. Anselme.) Le nombre dix peut figurer le Décalogue, le nombre quatre la vie
présente qui se partage en quatre époques différentes; ou bien le nombre dix
représente l’Ancien Testament et le nombre quatre le Nouveau. — Saint Rémi : Si l’on demande ce que signifie le nombre quarante-deux, (puisqu’il faut compter non un seul, mais deux Jéchonias), nous répondrons que ce nombre représente la sainte Église. Car ce nombre quarante-deux est formé du nombre sept et du nombre six, puisque six fois sept font quarante-deux. Or le nombre six est le symbole du travail et le nombre sept la figure du repos. |
Lectio 9 [85342] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 9 Chrysostomus super Matth. Quoniam
superius dixerat Iacob autem genuit Ioseph cui desponsata Maria genuit Iesum,
ne aliquis audientium sic aestimaret esse nativitatem quomodo praecedentium
patrum, ipse ordinem narrationis suae praecidens dicit Christi autem
generatio sic erat, ac si dicat: generatio quidem eorum quos exposuimus
patrum sic fuit quemadmodum retuli; Christi autem generatio non sic, sed ita
erat: cum esset desponsata mater. Chrysostomus in Matth. Quasi enim
aliquid novum dicturus praemittit modum generationis dicere, ne audiens virum
Mariae aestimes natum esse lege naturae. Remigius. Potest autem ad superiora
referri hoc modo: sic erat Christi generatio sicut dixi; idest: Abraham
genuit Isaac. Hieronymus. Sed quare non de simplici virgine,
sed de desponsata concipitur? Primum, ut per generationem Ioseph origo Mariae
monstraretur; secundo, ne lapidaretur a Iudaeis ut adultera; tertio, ut in
Aegyptum fugiens haberet solatium mariti. Martyr etiam Ignatius quartam addit
causam: ut partus, inquiens, eius celaretur Diabolo, dum eum putat non de
virgine, sed de uxore generatum. Chrysostomus super Matth. Ideo autem et
desponsata et domi habita: nam quemadmodum in ea quae in domo viri concipit,
intelligitur conceptio naturalis, ita in ea quae extra domum concepit, est
suspecta coniunctio. Hieronymus contra Helvidium. Sciendum autem
quod Helvidius, quidam homo turbulentus, accepta materia disputandi,
blasphemare contra Dei matrem incepit; cuius prima propositio fuit: Matthaeus
loquitur sic: cum esset desponsata. Ecce, inquit, habes desponsatam, non
commendatam, ut dicitis; et utique non ob aliud desponsatam nisi quoniam
nupturam. Origenes. Desponsata fuit quidem Ioseph, non tamen in
concupiscentia iuncta. Mater eius, inquit, mater immaculata, mater
incorrupta, mater intacta. Mater eius; cuius eius? Mater est Dei, unigeniti,
domini, regis, omnium plasmatoris et redemptoris cunctorum. Cyrillus ad Ioannem Antioch. Quid enim videbit
aliquis in sancta virgine praeter alias? Si Dei mater non sit, sed Christi
vel domini, ut Nestorius dicit, nihil enim absurdum est etiam si voluerit
quis matrem uniuscuiusque unctorum Christi nominare genitricem. Sola vero
praeter illas sancta virgo et Christi genitrix intelligitur ac dicitur.
Genuit enim non purum hominem, secundum vos, sed incarnatum potius, et
hominem factum ex Deo patre verbum. Sed forsitan illud ais: dic mihi, putasne
divinitatis mater facta est virgo? Et ad hoc quoque dicimus quia natum est ex
ipsa Dei substantia eius verbum et sine principio temporis semper coexistens
genitori; in novissimis autem temporibus, quoniam caro factum est, hoc est
unitum carni animam habenti rationalem, natum etiam dicitur carnaliter per
mulierem. Assimilatur autem quodammodo nativitati quae est secundum nos, hoc sacramentum;
matres etenim terrenorum ministrant naturae coagulatam paulatim carnem
perficiendam in specie humana. Immittit autem animali spiritum Deus. Sed
licet sint istae solummodo terrenorum corporum matres, attamen parientes,
totum animal et non partem peperisse dicuntur. Tale autem aliquid gestum
percipimus in generatione Emmanuel; natum enim est ex patris substantia Dei
verbum; quia vero carnem assumpsit propriam eam faciens, necessarium est
confiteri quia natus est secundum carnem per mulierem. Quia igitur et Deus
vere est, quomodo dubitabit quispiam sanctam virginem Dei dicere genitricem?
Leo Papa in sermone de Nativ. Non autem te Dei
conceptus turbet, partus te non confundat auditus, quando virginitas quicquid
est humani pudoris excusat. Aut quae hic verecundiae laesio, ubi iniit deitas
cum amica sibi semper integritate consortium, ubi est interpres Angelus,
fides pronuba, dispensatio castitas, donatio virtus, iudex conscientia, causa
Deus, conceptio integritas, virginitas partus, virgo mater? Cyrillus ad Ioannem Antioch. Sed si de caelo
et non ex ipsa sanctum corpus Christi factum esse diceremus, ut Valentinus,
quomodo intelligeretur Dei genitrix Maria? Nomen autem matris ostendit cum
subdit Maria. Beda super Lucam. Interpretatur autem Maria
stella maris Hebraice, domina Syriace, quia et lucem salutis et dominum mundo
edidit. Cui autem desponsata fuerit ostendit subdens Ioseph. Chrysostomus super Matth. Ideoque fabro
lignario Maria desponsata erat, quoniam Christus Ecclesiae sponsus omnium
salutem hominum operaturus erat per lignum crucis. Chrysostomus in Matth. Quod autem
sequitur antequam convenirent, non dicitur: antequam duceretur in domum
sponsi; etenim iam intus erat. Consuetudo enim multoties veteribus erat in
domo desponsatas habere, quod et nunc quoque fieri videtur, et generi Glossa. Sed dicitur antequam convenirent
ad carnis commixtionem. Chrysostomus super Matth. Ut non ex compassione
carnis et sanguinis nasceretur, qui ideo natus est ut carnis et sanguinis
solveret passionem. Augustinus de Nupt. et Concup. Nuptialis etiam
concubitus ibi non fuit quia in carne peccati fieri non poterat sine ulla
carnis concupiscentia quae accidit ex peccato, sine qua concipi voluit qui
futurus erat sine peccato, ut hinc etiam doceret omnem quae de concubitu
nascitur, carnem esse peccati; quandoquidem sola, quae non inde nata est, non
fuit caro peccati. Augustinus in sermone 6 de Nativ. Nascitur
etiam ab intacta femina Christus quia fas non erat ut virtus per voluptatem,
castitas per luxuriam, per corruptionem incorruptio nasceretur. Nec poterat
nisi novo ordine adventare de caelo qui vetustum mortis destruere veniebat
imperium. Regnum igitur tenuit virginitatis quae regem genuit castitatis.
Ideo etiam dominus noster virgineum sibi requisivit hospitium habitandi, ut
nobis ostenderet Deum in casto corpore portari debere. Ergo qui scripsit
lapideas tabulas sine stylo ferreo, ipse gravidavit Mariam spiritu sancto;
unde dicitur inventa est in utero habens de spiritu sancto. Hieronymus. Non ab alio inventa est nisi a
Ioseph, qui pene licentia maritali omnia noverat. Chrysostomus super Matth. Nam, sicut historia
non incredibilis docet, quando gesta sunt quae refert Lucas, Ioseph absens
erat; nec enim conveniens est putare praesente Ioseph introisse Angelum ad
Mariam et dixisse quae dixit, et Mariam respondisse quaecumque respondit. Et
si credamus Angelum potuisse intrare ad eam et loqui, plane tamen Mariam
abiisse in montana et mansisse cum Elisabeth mensibus tribus possibile non
fuit praesente Ioseph, quia necesse erat ut absentationis eius et mansionis
diutinae requireret causas. Postquam autem rediit peregre post tot menses,
invenit eam gravidam manifeste. Chrysostomus in Matth. Proprie autem dicit
inventa est, quod de non excogitatis dici consuetum est. Ne autem molestes
Evangelistam interrogando qualiter sit natus ex virgine, breviter expedivit
se dicens de spiritu sancto; quasi dicat: spiritus sanctus est qui est hoc
miraculum operatus. Neque enim Gabriel neque Matthaeus amplius dicere
potuerunt. Glossa. Hoc ergo quod dicitur est ex spiritu
sancto, Evangelista ex parte sua adduxit, ut cum diceretur habere in utero,
omnis mala removeretur suspicio a mentibus audientium. Augustinus in sermone de Trin. Non autem,
sicut quidam sceleratissime opinantur, spiritum sanctum dicimus fuisse pro
semine, sed potentia ac virtute creatoris dicimus operatum. Ambrosius de spiritu sancto. Quod enim ex
aliquo est, aut ex substantia est aut ex potestate eius est: ex substantia,
sicut filius qui a patre; ex potestate, sicut ex Deo omnia, quomodo et in
utero habuit Maria ex spiritu sancto. Augustinus Ench. ad Laurentium. Profecto autem
iste modus quo natus est Christus de spiritu sancto insinuat nobis gratiam
Dei, qua homo nullis praecedentibus meritis, in ipso exordio naturae suae quo
esse coepit, verbo Dei copularetur in tantam personae unitatem ut idem ipse
esset filius Dei. Sed cum illam creaturam quam virgo concepit et peperit,
quamvis ad solam personam filii pertinentem tota Trinitas fecerit (neque enim
separabilia sunt opera Trinitatis), cur in ea facienda solus spiritus sanctus
nominatus est? An et quando unus trium in aliquo opere nominatur, universa
operari Trinitas intelligitur? Hieronymus contra Helvidium. Sed inquit Helvidius : neque
de non conventuris Evangelista dixisset priusquam convenirent, quia nemo de
non pransuro dicit: antequam pranderet; quasi si quis diceret: antequam in
portu pranderem ad Africam navigavi, non posset stare sententia nisi ei in
portu prandendum sit quandoque; aut non potius sit intelligendum sic quod
ante, licet saepe et sequentia indicet, tamen nonnumquam ea tantum quae prius
cogitabantur ostendit; nec necesse sit ut cogitata fiant cum ideo aliud
intervenerit ne ea quae cogitata sunt fierent. Hieronymus. Non ergo sequitur ut postea
convenerint, sed Scriptura quod factum non sit ostendit. Remigius. Vel hoc verbum conveniendi, non
ipsum concubitum, sed tempus significat nuptiarum, idest quando ea quae
fuerat sponsa incipit esse uxor. Est enim sensus antequam convenirent, idest
antequam rite solemnia nuptiarum celebrarent. Augustinus de Cons. Evang. Hoc quemadmodum
factum sit, quod hic praetermisit, Lucas exponit post commemoratum conceptum
Ioannis ita enarrans: in mense autem sexto missus est Angelus; et infra:
spiritus sanctus superveniet in te. Hoc ergo est quod Matthaeus commemoravit
dicens inventa est in utero habens de spiritu sancto. Nec contrarium est,
quia Lucas exposuit quod Matthaeus praetermisit; sicut non est contrarium,
quia Matthaeus deinceps continet quod Lucas praetermisit. Sequitur enim Ioseph autem vir eius cum esset iustus, usque ad eum
locum ubi scriptum est de magis quod per aliam viam reversi sunt in regionem
suam. Si quis autem velit unam narrationem ex omnibus
quae de Christi nativitate dicuntur ab alterutro, si haec praetermittuntur,
ordinare sic potest: Christi generatio sic erat: fuit in diebus Herodis usque
ibi: mansit autem Maria cum illa quasi mensibus tribus, et reversa est in domum
suam. Et tunc addendum est quod hic dicitur: et inventa est in utero habens
de spiritu sancto. |
Verset 18.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’Évangéliste avait dit précédemment: « Jacob engendra Joseph, dont l’épouse Marie mit au monde
Jésus ». Mais dans la crainte qu’on ne vînt à penser que la
génération du Seigneur était semblable à celle de ses aïeux, il change la
forme qu’il a suivie jusqu’à présent pour s’exprimer de la sorte: « Or la naissance de Jésus-Christ
arriva ainsi », expressions qui reviennent à celles-ci: La
génération des aïeux du Christ que nous avons cités a eu lieu comme je l’ai
dit, mais celle du Christ lui-même a été toute différente, et voici comment
elle est arrivée: « Marie sa mère
étant fiancée », etc... —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Matth.) Il annonce qu’il va
décrire le mode de cette génération comme étant d’un ordre nouveau, dans la
crainte que le nom d’époux de Marie donné à Joseph ne vous fasse croire que
Jésus est né selon les lois ordinaires de la nature. —
Saint Rémi : On peut encore rapporter ces paroles à
ce qui précède, en ce sens: « La
génération du Christ a eu lieu comme je l’ai dit, c’est-à-dire: Abraham
engendra Isaac, etc... » —
Saint Jérôme : Mais pourquoi Jésus est-il conçu
d’une vierge fiancée, et non pas d’une vierge dans l’état ordinaire ?
C’était d’abord pour que l’origine de Marie fût prouvée par la génération de
Joseph; en second lieu, pour ne pas l’exposer à être lapidée par les Juifs
comme adultère; troisièmement, afin qu’elle eût un soutien et un consolateur
pendant la fuite en Égypte. Saint Ignace martyr donne une quatrième raison:
ce fut, dit-il, afin que la naissance du Christ demeurât voilée pour le
démon, qui le croyait ainsi né d’une femme mariée, et non pas d’une vierge. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Elle était mariée et
habitait avec son mari, car de même que celui qui conçoit un enfant dans la
maison de son mari est supposée l’avoir eu de lui, ainsi celle qui conçoit
hors de la maison conjugale tombe sous le soupçon d’un commerce illégitime. —
Saint Jérôme : Un certain Helvidius, homme inquiet,
ayant cherché matière à dispute, s’est mis à blasphémer contre la mère de
Dieu, et a formulé ainsi sa première objection: « Matthieu dit :
« elle était fiancée ». Vous le voyez, dit-il, elle était fiancée
et non pas confiée comme un dépôt, ainsi que vous le dites, et elle n’était
fiancée que pour se marier quelque temps après. » — Origène : Oui, elle fut en
effet fiancée à Joseph, mais jamais elle ne lui fut unie par les liens de la
concupiscence charnelle. Sa mère fut une mère immaculée, une mère sans
souillure, une mère chaste. Nous disons sa mère, la mère de qui ? la
mère de Dieu, du Fils unique de Dieu, du Roi, du Seigneur, du Seigneur et du Rédempteur
de tous les hommes. — S.
Cyrile : (aux
moines d’Égypte.) Que peut-on voir dans la sainte Vierge de supérieur aux
autres femmes ? Si elle n’est pas la mère de Dieu, comme le soutient
Nestorius, mais seulement la mère du Christ ou du Seigneur, qu’y aurait-il
d’absurde à donner le nom de mère du Christ à toutes les mères de ceux qui
ont reçu l’onction sainte [du baptême] ? Cependant la sainte Vierge
seule entre toutes les femmes est reconnue et proclamée à la fois vierge et
mère du Christ, parce qu’elle n’a pas enfanté un homme ordinaire, selon vous,
mais le Verbe engendré de Dieu le Père, qui s’est incarné et s’est fait
homme. Peut-être m’objectera-t-on: Dites-moi, pensez-vous que la Vierge soit
devenue la mère de la divinité ? Voici notre réponse: Le Verbe est né de
la substance de Dieu, il a toujours « coexistant » à son Père sans
jamais avoir eu de commencement. Il s’est fait chair dans ces derniers temps,
c’est-à-dire qu’il s’est uni un corps vivifié par une âme raisonnable, et
c’est pour cela que nous disons qu’il est né aussi de la femme selon la
chair. Notre naissance présente quelqu’analogie avec ce mystère. Nos mères de
la terre fournissent à la nature un peu de chair coagulée qui doit recevoir
la forme humaine, et c’est Dieu qui envoie une âme dans cette matière.
Cependant, bien que nos mères ne soient que les mères de nos corps terrestres,
elles sont regardées comme ayant enfanté l’homme tout entier, et non pas
seulement une partie. Quelque chose de semblable s’est passé dans la
naissance de l’Emmanuel. Le Verbe de Dieu est né de la substance du Père;
cependant comme il a pris une chair humaine et se l’est rendue propre, il
faut reconnaître qu’il est véritablement né d’une femme selon la chair, et
comme il est réellement Dieu, comment hésiter à proclamer la sainte Vierge mère
de Dieu ? —
Saint Léon le Grand pape. (Serm. sur la Nativ.) Que les mots de conception, d’enfantement
ne vous effrayent ni ne vous troublent, car ici la virginité calme toutes les
craintes de la pudeur. Et en quoi la pudeur recevrait-elle quelqu’atteinte
dans l’union de la divinité avec la pureté qui lui est toujours si chère,
dans cette union annoncée par un ange, contractée sons les auspices de la foi
et consommée dans la chasteté, dans cette union qui a la vertu pour dot, la
conscience pour arbitre, Dieu pour objet, et où nous voyons une conception
sans souillure, un enfantement immaculé, une mère vierge ? — S.
Cyrile : (à
Jean d’Antioche.) Si au contraire, comme le prétend
Valentin, le corps sacré de Jésus avait été formé d’une matière céleste, et
non de la Vierge Marie, comment pourrait-elle être considérée comme la mère
de Dieu ? L’Évangéliste nous fait connaître le nom de sa Mère lorsqu’il
ajoute: « Marie. » — Saint Bède : Le nom de
Marie en hébreu signifie « étoile
de la mer », et en syriaque « maîtresse »,
parce qu’elle a enfanté et la lumière du salut et le Seigneur du monde. Matthieu nous apprend ensuite quel était son
époux en ajoutant le nom de Joseph. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Marie avait pour époux un
ouvrier qui travaillait le bois en figure de ce que Jésus-Christ, époux de
l’Église, devait opérer le salut du monde sur le bois de la croix. — Saint Jean Chrysostome : (Hom.
4 sur S. Matth.) Ces paroles: « avant qu’ils fussent
ensemble », ne veulent pas dire: Avant que Marie fût conduite dans
la maison de son époux, car elle y était déjà, selon la coutume assez suivie
des anciens d’avoir les fiancées dans leurs maisons, ce qui se voit encore
aujourd’hui; c’est ainsi que les gendres de Loth habitaient la même maison
que lui [avant d’avoir épousé ses filles]. — La Glose : Ces paroles: « avant qu’ils fussent ensemble »,
doivent être entendues dans le sens de l’union charnelle. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Cela s’est fait pour que le
Christ ne dût pas sa naissance aux inclinations de la chair et du sang, lui
qui venait détruire l’empire de la chair et du sang. —
Saint Augustin : (Du mariage et de la concupisc. liv. 1,
chap. 12.) Il n’y eut point ici de relation conjugale, parce qu’elle ne
pouvait avoir lieu dans une chair de péché sans être accompagnée de la
concupiscence de la chair qui vient du péché. Celui qui devait être sans
péché voulut être conçu en dehors de la concupiscence, pour nous apprendre
que toute chair qui naît de l’union de l’homme et de la femme est une chair
de péché, puisque la seule chair exempte de cette origine est la seule qui
n’eût pas été une chair de péché. —
Saint Augustin : (serm. sur la Nativ.) Le Christ a voulu
naître d’une femme qui eût conservé sa virginité, parce qu’il était contraire
à toute idée de justice que la volupté donnât le jour à la vertu, la luxure à
la chasteté, la corruption à la sainteté, et aussi parce que celui qui venait
renverser l’antique empire de la mort ne pouvait descendre du ciel que
d’après les lois d’un ordre nouveau. La Mère du Roi de la chasteté devait
donc être la reine de la virginité. Le Notre Seigneur voulut encore se
choisir une habitation virginale pour nous apprendre à porter Dieu dans un
cœur chaste. Celui donc qui écrivit sur les tables de pierre sans se servir
d’un poinçon de fer, féconda lui-même le sein de Marie par l’opération du
Saint-Esprit, suivant ces paroles de l’écrivain sacré: « Il se trouva qu’elle avait conçu du Saint Esprit » —
Saint Jérôme : Ce secret ne fut pas découvert par un
autre que Joseph, qui en vertu des droits que lui conférait son titre
d’époux, connaissait tout [ce qui avait rapport à sa future épouse]. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) D’après un témoignage
historique assez vraisemblable, Joseph était absent lorsqu’eurent lieu les
faits racontés par saint Luc, car on ne peut guère croire que l’ange, s’il
eût apparu à Marie en présence de Joseph, lui eût tenu le langage qu’il lui
adressa et que Marie lui eût répondu tout ce qu’elle lui répondit. Si nous pouvons
croire que l’ange ait pu parvenir jusqu’à Marie et lui parler, du moins
n’est-il pas possible d’admettre que, Joseph étant présent, Marie eût
entrepris un voyage dans les montagnes et qu’elle soit demeurée trois mois
avec Élisabeth, car Joseph se serait nécessairement informé des raisons d’une
absence et d’un séjour si prolongé. Ce fut lorsqu’elle revint de ce voyage
qui dura plusieurs mois, qu’il la trouva dans un état de grossesse évidente. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 4 sur S. Matth.) Ces
paroles: « elle fut trouvée »,
sont justement choisies parce qu’elles expriment ordinairement une chose
à laquelle on était loin de s’attendre. Du reste ne fatiguez pas
l’Évangéliste de vos questions, en lui demandant comment une vierge a pu
devenir mère, il se débarrasse de toutes ces questions par cette simple
réponse: « Il se trouva qu’elle
avait conçu du Saint-Esprit. » Comme s’il disait: c’est l’Esprit
saint qui a fait ce miracle, ni l’archange Gabriel ni saint Matthieu n’ont pu
en dire davantage. — La Glose : (ou S. Anselme). L’Évangéliste ajoute pour sa part: « par l’opération du
Saint-Esprit », afin que ces paroles: « Il se trouva qu’elle avait conçu », ne pussent
laisser aucun soupçon fâcheux dans l’esprit de ceux qui les entendaient. —
Saint Jérôme : (Explic.
de la foi cath.) [référence à vérifier] Nous
ne partageons pas l’opinion impie de quelques-uns qui prétendent que l’Esprit
saint a remplacé ici la semence, mais nous disons que tout s’est fait par la
puissance et la vertu du Créateur. —
Saint Ambroise : (de l’Esprit saint, liv. 2, chap. 5.) Celui qui tire son origine
d’un principe quelconque, vient ou de sa substance ou de sa puissance: de sa
substance comme le Fils qui est engendré du Père; de sa puissance, comme
toutes les choses créées viennent de Dieu, et c’est de cette manière que
Marie a conçu du Saint-Esprit. —
Saint Augustin : (à Laurentius.) La manière miraculeuse dont le Christ est né de
l’Esprit saint, nous rappelle cette grâce divine en vertu de laquelle la
nature humaine dépourvue de tous mérites au premier moment de son existence,
a été unie au Verbe d’une union si étroite qu’elle ne fait plus qu’une même
personne qui est le Fils de Dieu. Mais, puisque l’œuvre de la conception et
de l’enfantement de Marie, bien que n’ayant pour objet que la personne du Fils,
est l’œuvre de la Trinité tout entière (les œuvres de la Trinité sont
indivisibles) pourquoi l’Esprit saint est-il nommé comme en étant le seul
auteur ? Faut-il entendre que toute la Trinité est censée agir alors que
l’action n’est attribuée qu’à une seule des trois personnes ? — Saint Jérôme : (contre Helvidius.) Helvidius objecte que l’Évangéliste voulant parler de personnes qui
ne devraient pas s’unir ne se serait pas exprimé de la sorte: « avant qu’ils fussent
ensemble », car personne ne dirait « avant de manger » de
quelqu’un qui n’a pas l’intention de manger ; de même qu’on ne pourrait
dire: Avant de dîner dans le port j’ai fait voile vers l’Afrique, si l’on ne
devait pas dîner une fois qu’on serait arrivé au port. Mais ne peut-on pas
dire plutôt que, bien que le mot avant indique
souvent ce qui doit suivre, cependant il n’exprime quelquefois que ce qui
était d’abord l’objet de la pensée, sans qu’il soit nécessaire que ce objet
se réalise, alors surtout qu’il se présente quelqu’obstacle qui en empêche
l’exécution. —
Saint Jérôme : On ne peut donc pas conclure qu’ils
se soient unis plus tard, car l’Écriture sainte se contente de dire ce qui
n’est pas arrivé. —
Saint Rémi : On peut dire encore que ce mot: « être ensemble », exprime
non pas l’union conjugale, mais l’époque de la célébration des noces,
c’est-à-dire le moment ou la fiancée devient épouse, et alors le sens serait:
« avant qu’ils fussent
ensemble », c’est-à-dire avant la célébration solennelle du mariage. — Saint Augustin : (de l’accord des Ev. 2, 5.) Ce que saint Mathieu a passé sous silence, c’est-à-dire la manière dont s’est accompli ce mystère, saint Luc nous le raconte après le récit de la conception de saint Jean-Baptiste: « Au sixième mois, dit-il, l’ange fut envoyé », et plus bas: « l’Esprit saint surviendra en vous ». C’est ce que saint Matthieu rappelle en ces termes: « Il se trouva qu’elle avait conçu du Saint-Esprit. » Il n’y a ici aucune contradiction entre ces deux Évangélistes, parce que saint Luc raconte ce que saint Matthieu a passé sous silence, et il n’y en a pas davantage lorsque saint Matthieu enchaîne dans son récit ce qui a été omis par saint Luc. On lit en effet plus bas dans saint Mathieu: « Joseph, son mari, étant juste », etc... et tout ce qui suit jusqu’à l’endroit où nous voyons les Mages retourner dans leur pays par un autre chemin. Or si quelqu’un voulait composer d’après l’ordre chronologique un seul et unique récit de toutes les circonstances de la naissance du Christ qui sont racontées par l’un et omises par l’autre, il devrait commencer à ces mots: « Or voici quelle fut la génération du Christ. Il y eut aux jours d’Hérode », etc... jusqu’à ces autres: « Marie resta avec elle environ trois mois; et elle revint dans sa maison » ; et puis ajouter ce que nous venons d’exposer: « Il se trouva qu’elle avait conçu du Saint-Esprit. » |
Lectio 10 [85343] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 10 Chrysostomus in Matth. Cum
dixisset Evangelista quod ex spiritu sancto et sine concubitu inventa est in
utero habens, ne suspectum habeas Christi discipulum quasi grandia de suo
magistro fingentem, introducit Ioseph per ea quae passus est, ad fidem quae
dicta sunt conferentem; unde dicit Ioseph autem vir eius cum esset iustus. Augustinus in Serm. 14 de Nativ. Intelligens
enim Ioseph Mariae uterum gravidari, turbatur quod Mariam quam de templo
domini acceperat et nondum cognoverat gravidam sentiebat; secumque aestuabat
disputans et dicens: quid faciam? Prodo aut taceo? Si prodidero, adulterio
non consentio, sed vitium crudelitatis incurro quia secundum Moysi sententiam
lapidandam eam esse cognosco. Si tacuero, malo consentio et cum adulteris
portionem meam pono. Quoniam ergo tacere malum est, adulterium prodere peius
est, dimittam eam a coniugio. Ambrosius super Lucam. Pulchre autem docuit
sanctus Matthaeus quid facere debeat iustus qui opprobrium coniugis
deprehenderit, ut incruentum ab homicidio, castum ab adulterio praestare se
debeat. Et ideo dicit cum esset iustus. Ubique ergo in Ioseph iusti gratia et
persona servatur ut testis ornetur; lingua enim iusti loquitur iudicium
veritatis. Hieronymus. Sed quomodo Ioseph, cum crimen
celet uxoris, iustus describitur? In lege enim praeceptum est non solum reos,
sed conscios criminis obnoxios esse peccato. Chrysostomus in Matth. Sed sciendum quod
iustum hic virtuosum in omnibus dicit. Est enim iustitia
specialis quaedam, ut avaritiam non habere, et altera universalis virtus; et
sic nomine iustitiae maxime utitur Scriptura. Iustus igitur existens, idest
benignus et mitis, voluit occulte dimittere eam, quae non solum traductioni,
sed etiam poenae secundum legem obnoxia videbatur. Sed Ioseph utrumque
remisit quasi supra legem vivens. Sicut enim sol antequam radios monstret
mundum clarificat, sic et Christus antequam nasceretur multa signa perfectae
virtutis apparere fecit. Augustinus de Verb. Dom. Vel aliter: si solus
nosti quia aliquis peccaverit in te, eum vis coram hominibus arguere, non es
corrector sed proditor. Unde vir iustus Ioseph tanto flagitio quod de uxore
fuerat suspicatus, magna benignitate pepercit. Aestuabat utique certa
adulterii suspicio; et tamen, quia ipse solus sciebat, noluit eam divulgare
sed occulte dimittere, volens prodesse peccanti, non punire peccantem. Hieronymus. Vel hoc testimonium Mariae est
quod Ioseph sciens illius castitatem et admirans quod evenerat, celat
silentio cuius mysterium nesciebat. Remigius. Videbat enim gravidam quam noverat
castam; et quia legerat: egredietur virga de radice Iesse, unde novit Mariam
duxisse originem et legerat etiam: ecce virgo concipiet, non diffidebat hanc
prophetiam in ea esse implendam. Origenes. Sed si suspicionem in ea non
habebat, quomodo iustus erat ut immaculatam dimitteret? Ideo ergo dimittere
volebat quoniam magnum sacramentum in ea esse cognoscebat cui approximare se
indignum aestimabat. Glossa. Vel cum vellet eam dimittere
iustus erat; cum occulte, pius notatur, eam ab infamia defendens. Et hoc est:
cum esset iustus voluit dimittere eam; cum nollet eam traducere in publicum,
idest diffamare, voluit hoc facere occulte. Ambrosius super Lucam. Nemo autem quam non
accepit, dimittit; et ideo quam volebat dimittere, fatebatur acceptam. Glossa. Vel cum nollet eam traducere in domum
suam ad cohabitationem assiduam voluit occulte dimittere eam, idest tempus
nuptiarum mutare; vera enim virtus est cum nec pietas sine iustitia nec sine
pietate servatur iustitia, quae separatae ab invicem dilabuntur. Vel iustus
erat per fidem, qua credebat Christum de virgine nasciturum; unde voluit se
humiliare ante tantam gratiam. |
Verset 19.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Matth.) L’Évangéliste
après avoir exposé comment Marie devint féconde par l’opération du
Saint-Esprit, et sans aucune relation avec son époux, semble craindre qu’on
ne le soupçonne, lui disciple de Jésus-Christ, d’entourer la naissance de son
Maître de grandeurs imaginaires; il nous présente donc Joseph son époux mis à
une si rude épreuve, et rendant ainsi témoignage à la vérité des faits; c’est
pour cela qu’il ajoute: « Or
Joseph son mari étant juste, » —
Saint Augustin : (serm. sur la Nativ.) Joseph voyant la
grossesse de Marie, est profondément troublé de voir dans cet état celle
qu’il avait reçue comme épouse au sortir du temple du Seigneur et qu’il
n’avait pas encore connue. Ces pensées l’agitent tour à tour et se confondent
dans son esprit : Que ferai-je ? Dois-je faire connaître son crime
ou me taire ? Si je dévoile sa faute, je proteste contre l’adultère,
mais je m’expose au reproche de cruauté, car je sais que d’après la loi de
Moïse elle doit être lapidée. Si je garde le silence, je me rends complice du
mal, et je fais alliance avec les adultères. Puisque donc c’est un mal de se
taire et un plus grand mal encore de dénoncer l’adultère, je me séparerai
d’elle. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc, liv. 2, chap. 1.) Saint
Matthieu nous a enseigné admirablement ce que doit faire un homme juste qui a
découvert le déshonneur de son épouse, s’il veut à la fois ne pas tremper ses
mains dans son sang, et ne pas se souiller au contact d’une adultère. Aussi
a-t-il soin de nous dire: « Comme
il était juste. » Joseph en effet conserve dans toutes les
circonstances la grâce et le caractère d’un juste, et son témoignage n’en est
que plus certain; car « la langue
du juste tient le langage de la justice, etc... » —
Saint Jérôme : Mais comment Joseph qui cache le
crime de son épouse nous est-il présenté comme juste ? Car la loi veut
que l’on considère comme coupables non seulement ceux qui ont commis le
crime, mais ceux-là mêmes qui en ont eu connaissance. — Saint
Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Matth.) Il faut savoir que le
mot « juste » veut dire « qui réunit toutes les vertus ».
Il y a une justice spéciale, opposée au vice de l’avarice. La justice est
aussi une vertu universelle, et c’est dans ce dernier sens que l’Écriture
emploie le plus souvent le mot de justice. Joseph étant donc juste,
c’est-à-dire plein de douceur et de bonté, voulut la renvoyer en secret, elle
qui d’après la loi devait être non seulement traduite ignominieusement, mais
condamnée au dernier supplice. Mais Joseph, comme s’il était au-dessus de la
loi, sauva Marie de ce double danger. De même que le soleil éclaire la terre
avant même que ses rayons paraissent sur l’horizon, ainsi Jésus-Christ avant
sa naissance a fait briller une
multitude d’actes héroïques de vertu. —
Saint Augustin : (Serm. 6 sur les par. du Seig.) On peut
encore donner cette explication: Si vous êtes seul pour connaître l’offense que
quelqu’un a commise contre vous, et que vous cherchiez à l’accuser
publiquement, vous ne le corrigez pas, vous le trahissez. Aussi voyez le
juste Joseph: malgré l’énormité du crime dont il soupçonnait son épouse, sa
bonté lui inspire de l’épargner. Il était tourmenté par un soupçon d’adultère
qui approchait de la certitude, et cependant comme lui seul avait cette
connaissance, il ne voulut pas dénoncer son épouse, mais la renvoyer en
secret, car il désirait encore lui être utile, et ne point attirer sur elle
le châtiment dû à son péché. —
Saint Jérôme : Ou bien peut-être est-ce un
témoignage en faveur de Marie, que Joseph qui connaissait sa chasteté, et qui
admirait d’ailleurs ce qui était arrivé, voile sous le silence ce dont il ne
comprenait pas le mystère. —
Saint Rémi : Il voyait donc en état de grossesse
celle dont il connaissait la chasteté, et comme il avait lu [dans le prophète
Isaïe (Is 11)]: « Un rejeton sortira de la tige de
Jessé » (d’où il savait que Marie tirait son origine); et encore: « Voici qu’une Vierge concevra »,
il ne doutait pas que cette prophétie n’eût reçu en elle son accomplissement. — Origène : Mais si Joseph
n’avait aucun soupçon sur son épouse, en quoi se montrait-il juste en
renvoyant celle qui n’avait commis aucune faute ? Il voulait la
renvoyer, parce qu’il s’estimait indigne d’approcher de ce grand mystère qui s’était
opéré en elle. — La Glose : Ou bien, en souhaitant
la renvoyer il se montrait juste, et en la renvoyant en secret; il faisait
preuve de bonté, puisqu’il voulait la mettre à l’abri de l’infamie, c’est ce
que signifient ces paroles: « Comme
il était juste, il voulut la renvoyer ». Comme il ne voulait pas la
livrer publiquement, c’est-à-dire la diffamer; il préféra la renvoyer en
secret. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) On ne peut renvoyer celle
qu’on n’a pas reçue; par cela même qu’il veut la renvoyer, Joseph prouve
qu’il l’avait prise chez lui comme son épouse. — La Glose : Ou bien comme il ne voulait pas l’introduire dans sa maison pour vivre indissolublement avec elle, il voulut la renvoyer en secret et retarder l’époque de son mariage. Car la bonté sans la justice, ou la justice sans la bonté ne peuvent constituer la vertu véritable, et leur séparation mutuelle les détruit. Ou bien encore, il était juste par la foi qui lui faisait croire que le Christ naîtrait d’une vierge, et le portait à s’humilier devant une grâce aussi extraordinaire. |
Lectio 11 [85344] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 11 Remigius. Quia, sicut dictum est,
cogitabat Ioseph occulte Mariam dimittere, hoc autem si fecisset perpauci
essent qui non magis suspicarentur eam esse meretricem quam virginem, idcirco
repente consilium Ioseph divino mutatum est consilio; unde dicitur: haec
autem eo cogitante. Glossa. In quo notatur animus sapientis,
qui nihil temere vult incipere. Chrysostomus in Matth. Notatur etiam
mansuetudo Ioseph quia nulli enarravit suam suspicionem, neque ei quae
suspecta erat; sed in se cogitabat. Augustinus in Serm. 14 de Nativ. Sed
Ioseph ista cogitante, non timeat Maria David filia, quoniam sicut David
veniam contulit sermo propheticus, sic Mariam liberat Angelus salvatoris. Ecce
enim iterum virginis ille paranymphus Gabriel advenit; unde sequitur ecce
Angelus domini apparuit Ioseph. Glossa. Hoc igitur verbo apparuit significatur
potestas apparentis, qui quando vult et quomodo, exhibet se videndum. Rabanus. Quomodo autem Angelus Ioseph
apparuerit, demonstratur cum dicitur in somnis, idest quomodo Iacob scalam
vidit per imaginationem quamdam oculis cordis ostensam. Chrysostomus in Matth. Ideo autem non apparuit
manifeste Ioseph sicut pastoribus quia valde fidelis erat; pastores autem
indigebant quasi rudes. Virgo autem indiguit quasi primo de maximis
instruenda. Similiter etiam Zacharias indiguit ante conceptionem prolis
mirabili visione. Glossa. Apparens Angelus nomen exprimit, genus
commemorat et timorem excludit dicens: Ioseph fili David. Ioseph, eum ex
nomine quasi notum et familiarem sibi ostendit. Chrysostomus super Matth. Filium David
eum nominans, voluit eum adducere in memoriam promissionis Dei ad David, ut
de semine eius Christus nasceretur. Chrysostomus in Matth. Dicens autem noli
timere, monstrat eum iam timere ne offenderet Deum quasi adulteram habens;
alias neque cogitasset eam expellere. Severianus. Sponsus etiam ne timeat admonetur
quia pius animus, dum compatitur, plus pavescit, ac si dicat: hic non est
mortis causa, sed vitae, quia quae vitam parturit non meretur occidi. Chrysostomus super Matth. Dicens etiam ne
timeas, cognitionem se cordis eius ostendere voluit, ut per hoc futurorum
bonorum, quae de Christo erat dicturus, faceret fidem. Ambrosius super Lucam. Non autem te moveat
quod eam coniugem vocat; non enim virginitatis ereptio, sed coniugii
testificatio, nuptiarum celebratio declaratur. Hieronymus contra Helvidium. Non tamen est
putandum quod ex eo quod uxor est appellata, sponsa esse desierit, cum hanc
esse consuetudinem Scripturae noverimus, quod sponsos viros, et sponsas
appellet uxores sicut Deuteronomii testimonio approbatur: si quis (inquit)
invenerit virginem desponsatam viro in campo, et vim faciens dormierit cum ea,
moriatur, quia humiliavit uxorem proximi sui. Chrysostomus in Matth. Dicit autem noli timere
accipere, idest domi retinere; iam enim mente dimissa erat. Rabanus. Vel noli timere accipere eam nuptiali
conventu et assidua cohabitatione. Chrysostomus super Matth. Propter tres autem
causas apparuit Angelus Ioseph hoc dicens ei. Primo, ne iustus homo ignorans
faceret rem iniustam ex proposito iusto. Deinde propter honorem ipsius
matris; nam si dimissa fuisset, apud infideles turpi suspicione carere non
poterat. Tertio, ut intelligens Ioseph sanctam conceptionem, diligentius se
custodiret ab illa quam prius. Ideo tamen non ante conceptionem virginis
venit ad Ioseph, ut nec cogitaret haec quae cogitavit nec pateretur quae
passus est Zacharias culpam infidelitatis incurrens de conceptione coniugis
iam longaevae; incredibilior enim erat res virginem posse concipere quam anum.
Chrysostomus in Matth. Vel ideo turbato
iam Ioseph Angelus venit ut appareat Ioseph sapientia, et ut hoc ipsum fieret
ei eorum quae dicebantur demonstratio. Dum enim audit ab Angelo
quae intra se cogitaverat, indubitabile signum erat quod a Deo mitteretur,
cuius solius est scire cordis secreta. Sermo etiam Evangelistae
insuspicabilis fit, demonstrans Ioseph passum quod probabile est virum pati.
Virgo etiam omnem malam suspicionem effugit, ex hoc quod vir qui zelotypiam
passus est, eam suscepit et post conceptionem servavit. Ideo autem virgo
Ioseph haec quae Angelus nuntiarat, non dixit, quia non aestimabat sibi credi
a sponso et maxime iam in suspicionem adducto. Virgini autem ante
conceptionem annuntiat Angelus, ne si post conceptionem differret, in
angustia esset. Oportebat autem extra turbationem esse illam matrem quae
omnium conditorem recepit. Non solum autem Angelus ab iniqua commixtione
virginem excusat, sed et supra naturam concepisse demonstrat, non solum
timorem auferens, sed et laetitiam addens; unde subdit quod enim in ea natum
est, de spiritu sancto est. Glossa. Aliud est nasci in ea, et aliud ab ea:
nasci ab ea, est prodire in lucem; nasci in ea est idem quod concipi. Vel
secundum praesentiam Angeli quam habet ex Deo, cui futurum quasi praeteritum
est, natum dicitur. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Sed
si de spiritu sancto natus est Christus, cur dictum est: sapientia
aedificavit sibi domum? Domus ista gemina ratione debet intelligi. Primum
enim domus Christi Ecclesia est, quam aedificavit sibi sanguine suo; deinde
potest et corpus eius dici domus eius, sicut dicitur templum eius. Factum autem
spiritus sancti, factum filii Dei est, propter naturae et voluntatis
unitatem; sive enim pater faciat sive filius sive spiritus sanctus, Trinitas
est quae operatur; et quidquid tres fecerint, Dei unius est. Augustinus Enchir. Numquid tamen ideo dicturi
sumus patrem hominis Christi esse spiritum sanctum, ut Deus pater verbum
genuerit, spiritus sanctus hominem? Quod ita absurdum est, ut nullae fideles
aures id valeant sustinere. Quomodo ergo dicimus Christum natum de spiritu
sancto, si non eum genuit spiritus sanctus? An quia fecit eum? Inquantum enim
homo est, factus est, sicut apostolus dicit: factus ex semine David, secundum
carnem. Neque enim quia mundum istum fecit Deus, dici eum fas est Dei filium
aut natum ex Deo, sed factum vel creatum vel conditum. Hic autem, cum
confiteamur eum natum de spiritu sancto et Maria virgine, quomodo non sit
filius spiritus sancti, et sit filius Mariae virginis? Non ergo concedendum
est quicquid de aliqua re nascitur, continuo eiusdem rei filium nuncupandum.
Ut enim omittam aliter de homine nasci filium, aliter capillum, pediculum et
lumbricum, quorum nihil est filius, certe homines qui nascuntur ex aqua et
spiritu, non aquae filios recte eos dixerit quispiam, sed Dei patris, et
matris Ecclesiae. Sic ergo de spiritu sancto natus est et filius Dei patris
est, non spiritus sancti. |
Verset 20.
—
Saint Rémi : Comme nous venons de le voir, Joseph
pensait à renvoyer Marie en secret. Or s’il avait exécuté ce dessein, la
plupart auraient vu en Marie une femme perdue plutôt qu’une vierge. Aussi l’avertissement
divin se chargea-t-il de changer bien vite le dessein de Joseph, ce que
l’Évangéliste exprime en ces termes: « Comme
il était dans cette pensée ». — La Glose : On reconnaît ici
l’âme d’un sage qui ne veut rien entreprendre avec précipitation. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
4 sur S. Matth.) La douceur de Joseph est
remarquable; il ne confie à personne le soupçon qui l’agite, pas même à celle
qui en était l’objet, il garde tout en lui-même. —
Saint Augustin : (serm. 14 sur la Nativ.) Pendant que Joseph est dans cette pensée, que
Marie la fille de David soit sans crainte, car de même que la voix du
Prophète apporta le pardon à David, l’ange du Seigneur vient délivrer Marie.
L’ange Gabriel le paranymphe de la Vierge, apparaît de nouveau comme le dit
l’Évangéliste: « Voici que l’ange
dur Seigneur apparut à Joseph. » — La Glose : Ce mot « il apparut » exprime la
puissance de celui qui apparaît, et qui se rend visible quand il veut et de
la manière qu’il veut. — Raban : Ces mots: « en songe » expriment
comment l’ange apparut à Joseph, c’est-à-dire de la même manière que Jacob
vit des yeux de l’esprit comme une image de l’échelle mystérieuse. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur
S. Matth.) Il n’apparaît pas ouvertement à Joseph comme aux bergers à
cause de sa grande foi. Les bergers avaient besoin [d’une apparition
manifeste] à cause de leur grossière ignorance; Marie en avait besoin à cause
des grandes choses dont l’ange devait l’instruire la première. Une apparition
de ce genre ne fut pas moins nécessaire à Zacharie avant la conception de son
fils. — La Glose : L’ange en
apparaissant à Joseph le nomme par son nom, lui rappelle sa famille, et
bannit la crainte de son cœur par ces mots: « Joseph, fils de David. » En l’appelant par son nom,
il le traite commue une personne qui lui est connue, et comme un ami. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En l’appelant: « fils de David », il voulut
lui remettre en mémoire la promesse faite à David que le Christ naîtrait de
sa race. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4.) En lui disant: « Ne craignez pas », il nous
fait voir qu’il craignait d’offenser Dieu en gardant chez lui celle qu’il
regardait comme adultère; autrement il n’aurait pas pensé à la renvoyer. —
Sévérianus : Ce chaste époux reçoit l’ordre de
ne rien craindre, car une âme bienveillante trouve dans la compassion qu’elle
éprouve un nouveau motif de crainte. L’ange semble lui dire: Il n’y a point
ici cause de mort, mais bien plutôt cause de vie, car celle qui porte en elle
la vie ne mérite point d’être mise à mort. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Par ces paroles: « Ne craignez pas », l’ange
veut montrer à Joseph qu’il connaissait les secrets de son cœur et le prépare
à croire tout ce qu’il allait dire des biens futurs dont le Christ devait
être l’auteur. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc, liv. 2, chap. 1.) Ne soyez pas
étonné qu’il donne à Marie le nom d’épouse; il ne veut pas exprimer par là la
perte de sa virginité, mais attester la vérité de leur union et la
célébration de leur mariage. —
Saint Jérôme : (contre Helvid.) De ce que l’ange lui donne
le nom d’épouse, il ne faut pas conclure qu’elle ne fut plus fiancée, car nous
savons que c’est la coutume de l’Écriture de donner le nom d’époux ou
d’épouses à ceux qui ne sont que fiancés comme on peut le prouver par ce
passage du Deutéronome (Dt 22): « Celui qui, trouvant dans un champ
la fiancée d’un autre, lui fera violence et dormira avec elle, sera puni de
mort, parce qu’il a déshonoré l’épouse de son prochain. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur
S. Matth.) L’ange lui dit: « Ne
craignez pas de la recevoir », c’est-à-dire de la garder dans votre
maison, car elle était déjà renvoyée dans son esprit. — Raban : Ou bien une
craignez pas de la recevoir, c’est-à-dire de l’admettre comme épouse à la
participation de la communauté conjugale et du foyer domestique. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’ange apparut à Joseph et
lui tint ce langage pour trois raisons: la première, afin que cet homme juste
ne fit point par ignorance une action injuste dans une bonne intention; la
seconde, pour l’honneur de la mère du Seigneur, car si elle avait été
renvoyée, elle n’aurait pas manqué d’être en butte aux soupçons injurieux de
la part des infidèles; la troisième raison, afin que Joseph comprenant
combien était sainte cette conception, eût encore plus de respect
qu’auparavant pour sa chaste épouse. L’ange cependant ne vint trouver Joseph
qu’après que la Vierge eut conçu, pour ne point l’exposer à penser ce
qu’avait pensé Zacharie ni à subir ce qu’il avait subi, qui se rendit
coupable d’infidélité en refusant de croire à la maternité de son épouse si
avancée en âge, car il était plus incroyable encore qu’une vierge pût
concevoir, qu’une femme âgée. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur
S. Matth.) Ou bien encore,
l’ange apparaît à Joseph lorsque le trouble s’est déjà emparé de son esprit,
pour faire éclater davantage sa sagesse, et aussi pour que cette apparition
devînt pour lui la preuve de ce qu’il lui annonçait. En effet, lorsqu’il entendait
l’ange lui parler de ce qui faisait l’objet de ses pensées intimes,
n’avait-il pas une preuve indubitable qu’il était l’envoyé de Dieu, à qui
seul il appartient de connaître les secrets des cœurs ? La véracité de
l’Évangéliste en devient elle-même incontestable, car il nous présente Joseph
éprouvant tout ce que tout homme aurait éprouvé à sa place. La Vierge
elle-même échappe à tout soupçon déshonorant, puisque nous voyons son époux,
malgré ce juste sentiment de jalousie, la recevoir et la garder après qu’elle
est devenue mère; si elle ne fait pas connaître à Joseph ce que l’ange lui
avait annoncé, c’est qu’elle présumait qu’il ne la croirait pas, surtout
après les soupçons qu’il nourrissait contre elle. L’ange au contraire vint
trouver Marie avant la conception, pour ne point l’exposer aux inquiétudes
qu’elle aurait éprouvées si elle n’avait été instruite de ce mystère qu’après
son accomplissement, car il fallait que cette mère privilégiée qui avait reçu
dans son sein le Créateur de toutes choses, fût inaccessible au trouble et à
l’agitation. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 4.) L’ange ne se contente pas de justifier la Vierge de tout commerce criminel, mais il apprend à Joseph que cette conception est toute surnaturelle, et après avoir dissipé ses craintes, il lui inspire la joie par ces paroles: « Ce qui est né en elle, est de l’Esprit Saint.» — La Glose : Naître en elle et naître d’elle sont deux choses différentes: naître
d’elle, c’est être mis au jour par elle; naître en elle, c’est être conçu dans
son sein. On peut dire aussi que, par suite de la prescience que Dieu, pour
qui l’avenir est comme le passé, communiquait à l’ange, la naissance était
comme accomplie. —
Saint Augustin : (quest. du Nouv. et de l’Anc. Test.) Mais si
le Christ est né de l’Esprit saint, pourquoi est-il écrit: « La sagesse s’est bâtie une
demeure ? » (Pv. 9.)
On peut faire à cette question une double réponse: premièrement la maison du
Christ est son Église, qu’il s’est bâtie par son sang; en second lieu son
corps peut être regardé comme sa maison de même qu’il est appelé son temple.
Or l’œuvre de l’Esprit saint est celle du Fils de Dieu, par suite de l’unité
de volonté dans la nature divine; que le Père agisse, que ce soit le Fils ou
l’Esprit saint, c’est toujours la Trinité qui agit, et quelle que soit
l’œuvre faite par l’une des trois personnes, c’est toujours l’œuvre d’un seul
Dieu. — Saint Augustin : (Ench., chap. 39.) Mais pourrons-nous dire cependant que l’Esprit saint est le Père du Christ en tant qu’homme, dans ce sens que l’Esprit saint aurait engendré l’homme comme Dieu le Père a engendré le Verbe ? C’est une telle absurdité, qu’il n’y a pas d’oreilles chrétiennes qui puissent la supporter. Dans quel sens disons-nous donc que le Christ est né de l’Esprit saint, si l’Esprit saint ne l’a point engendré ? Est-ce parce qu’il l’a fait ? Car en tant qu’homme il a été fait, d’après cette parole de l’Apôtre: « Qui a été fait de la race de David, selon la chair ». Mais de ce que Dieu a fait le monde, peut-on dire que le monde est fils de Dieu ou qu’il est né de Dieu ? [Non, sans doute, tout ce qu’on peut dire], c’est qu’il a été fait, créé ou formé par lui. Lors donc que nous confessons que le Christ est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie, pourquoi ne peut-on pas dire qu’il est le Fils de l’Esprit saint, comme il est le Fils de Marie ? C’est qu’il est impossible d’admettre que tout ce qui tire sa naissance d’une chose doive par là même en être appelé le fils. Car sans m’arrêter à dire qu’un fils naît d’un homme autrement que ne naissent de lui les cheveux, les poux et les vers (dont aucun sans doute ne pourra être appelé son fils), certainement les hommes qui naissent de l’eau et de l’Esprit saint ne peuvent être appelés les enfants de l’eau, mais les enfants de Dieu leur père, et de l’Église leur mère. C’est ainsi que le Christ est né de l’Esprit saint, et qu’il est appelé non pas le Fils de l’Esprit saint, mais le Fils de Dieu. |
Lectio 12 [85345] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 12 Chrysostomus in Matth. Quia hoc quod
Angelus ad Ioseph dixerat supra humanam cogitationem et legem naturae erat,
non solum ex praeteritorum revelatione confirmat quae dixerat, sed etiam ex
futuris, dicens pariet autem filium. Glossa. Ut enim non videretur Ioseph amplius
coniugio non esse necessarius cum conceptio esset facta sine eius auxilio,
ostendit quod quamvis non sit necessarius conceptui, tamen utilis est
procurationi quia ipsa pariet filium, et tunc matri et filio erit
necessarius: matri, ut ab infamia defendat, filio, ut eum nutriat et circumcidat;
quae circumcisio notatur ubi dicit et vocabis nomen eius Iesum. In
circumcisione enim solet dari nomen. Chrysostomus super Matth. Non autem dixit:
pariet tibi filium sicut ad Zachariam: ecce Elisabeth uxor tua pariet tibi
filium; quia mulier quae ex viro concipit, marito suo filium parit, quia
magis ex illo est quam de ipsa; haec autem quae non de viro conceperat, non
viro filium peperit, sed sibi tantummodo. Chrysostomus in Matth. Vel indeterminate
hoc posuit ut ostendat quod eum peperit orbi terrarum universo. Rabanus. Dicit autem vocabis nomen, et non
imponens, quia ab aeterno impositum est. Chrysostomus in Matth. Hinc autem ostendit
admirabilem esse partum, quia Deus est qui nomen desuper per Angelum mittit,
nec nomen quodcumque, sed quod est infinitorum bonorum thesaurus. Ideoque
interpretatur illud Angelus, bonam substituens spem, et ex hoc ad credendum
quod dicebatur inducit. Facilius namque sollicitamur ad prospera et promptius
fidem accommodamus secundis. Hieronymus. Iesus enim Hebraeo sermone
salvator dicitur. Etymologiam ergo nominis significat dicens ipse enim salvum
faciet populum suum a peccatis eorum. Remigius. Ostendit enim
eumdem totius mundi salvatorem, et nostrae salutis auctorem. Salvat quidem
non incredulos, sed populum suum, hoc est in se credentes salvat non tam a
visibilibus hostibus quam potius invisibilibus; hoc est, a peccatis salvat
non armis pugnando sed peccata relaxando. Severianus. Veniant et audiant qui requirunt:
quis est quem Maria genuit? Ipse enim salvum faciet
populum suum, non alterius salvum faciet populum. Unde?
A peccatis eorum. Esse Deum qui peccata donat si Christianis non credis,
crede infidelibus, vel Iudaeis dicentibus: nemo potest peccata dimittere nisi
solus Deus. |
Verset 21.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Matth.) Ce que l’ange avait annoncé à Joseph était au-dessus de toute pensée humaine et des lois de la nature; il en confirme donc la vérité, en ajoutant à la révélation du mystère accompli, la prédiction des grandeurs futures: « Elle enfantera un fils ». — La Glose : Or
il pouvait sembler à Joseph que, puisqu’il avait été étranger à cette
conception, il devait l’être désormais aux devoirs de la vie conjugale;
l’ange de dissuade en lui apprenant que s’il n’a pas été nécessaire à la
conception, il le devient pour les soins de la paternité. Car elle enfantera
un fils, et alors il sera indispensable à la mère et au fils: à la mère pour
défendre son honneur; au fils, pour être son père nourricier et le faire
circoncire. C’est à cette cérémonie de la circoncision que l’ange fait
allusion en disant: « Vous
l’appellerez Jésus » ; car c’est au moment de la circoncision
que le nom est donné aux enfants. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne lui dit pas: « Elle vous enfantera un fils », comme il avait dit à Zacharie: « Voici qu’Elisabeth votre femme vous enfantera un fils. » La femme, en effet, qui conçoit de son mari lui enfante un fils, car l’enfant vient plus de l’homme que de la femme; mais celle qui conçoit en dehors de l’homme, n’engendre pas l’enfant à son mari, mais à elle-même. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien l’ange s’exprime
d’une manière générale pour montrer que cet enfant naissait pour le monde
entier. — Raban : Il lui dit: « Vous l’appellerez du nom »,
et non pas: « Vous lui imposerez
le nom », car ce nom lui a été donné de toute éternité. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’ange dévoile tout ce qu’il y
avait d’admirable dans cette naissance, puisque c’est Dieu lui-même qui
envoie le nom, du haut du ciel par le ministère d’un ange, et ce n’est pas un
nom quelconque, mais un nom qui est un trésor de biens infinis. Ce nom, l’ange
l’interprète en faisant naître les meilleures espérances et en rendant ainsi
plus facile la foi aux choses qu’il annonce, car nous avons une propension
naturelle à croire aux espérances qu’on nous donne. —
Saint Jérôme : En hébreu le mot Jésus veut dire Seigneur,
et c’est l’étymologie de ce nom que l’ange explique en disant: « Il sauvera son peuple de ses
péchés. » —
Saint Rémi : C’est ainsi qu’il est à la fois le Seigneur
de tout l’univers et l’auteur de notre salut. Il sauve non pas les
incrédules, mais son peuple, c’est-à-dire ceux qui croient en lui, et il les
délivre non pas tant des ennemis visibles que des ennemis invisibles. Il les
sauve du péché sans recourir à la force des armes, mais en brisant les liens
du péché [qui nous retiennent captifs.] — Severianus : Qu’ils viennent et qu’ils prêtent l’oreille ceux qui demandent quel
est celui que Marie a enfanté. C’est celui qui sauvera son peuple, et non le
peuple d’un autre. Et de quoi le sauve-t-il ? De ses péchés. Or, qu’il y
ait un Dieu qui remette les péchés, si vous ne voulez pas en croire les
chrétiens, croyez-en les infidèles ou les Juifs qui disaient: « Personne
ne peut remettre les péchés, si ce n’est Dieu. » |
Lectio 13 [85346] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 13 Remigius. Mos fuit Evangelistae, ea quae
dicit, de veteri testamento confirmare propter Iudaeos qui in Christum
crediderant, ut agnoscerent ea esse completa in gratia Evangelii quae
praedicta fuerant in veteri testamento; et subdit hoc autem totum factum est.
Quaerendum autem est in hoc loco quare dixerit hoc totum factum esse, cum
superius solam conceptionem narraverit. Sed sciendum quod hoc ideo dixit, ut
demonstraret quod ante in praesentia Dei factum fuit quam fieret apud
homines. Sive quia praeteritarum rerum erat narrator, totum factum esse
dixit, quia quando hoc scripsit, iam totum factum erat. Rabanus. Vel hoc totum factum esse
dicit, quod virgo desponsaretur, quod casta servaretur, quod gravida
inveniretur, quod per Angelum revelaretur ut adimpleretur quod dictum est. Non
enim hoc impleretur quod virgo conciperet et pareret, nisi desponsata esset,
ne lapidaretur, et nisi ab Angelo secretum detegeretur, et ita eam Ioseph
acciperet, ne dimissa per infamiam efflueret et lapidatione periret. Si ergo
ante partum periret, cessaretur prophetia quae ait: pariet filium. Glossa. Vel potest dici quod ut non ponitur
causaliter: non enim ideo impletum est quia implendum erat; ponitur autem
consecutive sicut et in Genesi: suspendit alterum in patibulo, ut coniectoris
veritas probaretur, quia uno suspenso, coniectoris veritas est probata; sic
et in hoc loco intelligendum est, quod hoc facto quod praedictum est,
prophetia impleta est. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Quia
vidit Angelus abyssum divinae misericordiae, naturae leges solutas, et eum
qui erat omnibus superior, ad hominem, qui erat omnibus inferior,
descendisse, haec et huiusmodi uno verbo ostendit dicens hoc autem totum
factum est, quasi dicat: ne putes quod haec nunc tantum Deo placeant, olim
praeordinata sunt; decenter enim Angelus non virgini, sed Ioseph prophetiam
inducit, quasi in prophetis meditanti et experto. Et
primo quidem virginem coniugem appellaverat, nunc autem virginem propheta
inducit, ut hoc etiam a propheta audiret quasi diu praemeditatum. Unde ad
fidem eorum quae dicebantur inducit Isaiam, vel magis Deum; non enim dicit:
ut impleretur quod dictum est ab Isaia, sed quod dictum est a domino per
Isaiam. Hieronymus super Isaiam. Quoniam autem
praemittitur in propheta: dabit dominus ipse vobis signum, novum debet esse
atque mirabile. Si autem iuvencula vel puella, ut Iudaei volunt, et non virgo
pariat, quale signum poterat appellari, cum hoc nomen aetatis sit, non
integritatis? Et revera virgo Hebraice bethula appellatur, quae in praesenti
loco non scribitur in propheta; sed pro hoc verbo positum est halma, quod
praeter Lxx omnes adolescentulam transtulerunt. Porro halma apud eos ambiguum est; dicitur enim
et adolescentula et abscondita; ergo halma non solum puella vel virgo, sed
virgo abscondita dicitur, et secreta, quae nunquam virorum patuerit
aspectibus, sed magna parentum diligentia custodita sit. Lingua quoque
Punica, quae de Hebraeorum fontibus manare dicitur, proprie virgo halma
appellatur. In nostro quoque sermone halma dicitur sancta; omniumque pene
linguarum verbis utuntur Hebraei; et quantum cum mea pugno memoria, numquam
me arbitror halma de muliere nupta legisse, sed de ea quae est virgo, ut non
virgo solummodo sit, sed in annis adolescentiae; potest enim fieri ut virgo
sit vetula. Ista autem virgo erat in annis puellaribus, vel certe virgo, non
puella quae adhuc virum nosse non posset. Hieronymus. Pro eo autem quod Evangelista
Matthaeus dicit in utero habebit, in propheta, quia futurum praedicit,
significat quod futurum sit: et scripsit accipiet; Evangelista autem, quia
non de futuro, sed de praeterito narrat historiam, mutavit accipiet et posuit
habebit; qui autem habet, nequaquam accepturus est. Dicit autem ecce virgo in utero habebit, et pariet filium. Leo ad Flavianum. Conceptus
quippe est de spiritu sancto intra uterum virginis matris, quae ita illum
salva virginitate edidit, quemadmodum salva virginitate concepit. Augustinus in Serm. 11 de Nativ. Qui enim
dirupta corporum membra in aliis poterat reintegrare tangendo, quanto magis
in sua matre quod invenit integrum non violavit nascendo? Crevit enim in eius
partu corporis integritas potius quam decrevit, et virginitas ampliata est
potius quam fugata. Theodotus in Serm. Ephesini Concilii. Quia
vero Photinus purum hominem dicit qui natus est, Dei non dicens partum, et
qui ex vulva processit hominem proponit a Deo divisum, dicat nunc quomodo
natura humana per vulvam virginalem nata, virginitatem vulvae servavit
incorruptam? Nullius enim hominis mater virgo permansit. Sed quia natus est
carne Deus verbum, custodit virginitatem, seipsum verbum esse ostendens;
neque enim nostrum verbum cum paritur corrumpit mentem, neque Deus verbum
partum eligens peremit virginitatem. Sequitur et vocabunt nomen eius Emmanuel. Chrysostomus in Matth. Consuetudo quidem est
Scripturae res quae contingunt pro nominibus ponere. Nihil ergo est aliud
quod dicit vocabunt nomen eius Emmanuel, quam videbunt Deum cum hominibus;
unde non dicit vocabis sed vocabunt. Rabanus. Primo quidem Angeli psallentes,
secundo apostoli praedicantes, adhuc et sancti martyres, deinde cuncti
credentes. Hieronymus super Isaiam. Septuaginta autem et
tres reliqui transtulerunt similiter vocabis, pro quo hic scriptum est
vocabunt; quod in Hebraeo non habetur; verbum enim charatim, quod omnes
interpretati sunt vocabis, potest intelligi et vocabit, quod ipsa scilicet
virgo quae concipiet et pariet Christum, Emmanuel appellatura sit nomine,
quod interpretatur nobiscum Deus. Remigius. Quaerendum autem est quis est
interpretatus hoc nomen: propheta aut Evangelista aut aliquis translator? Sed
sciendum quod propheta non est interpretatus, sancto autem Evangelistae quid
necesse fuerat interpretari, cum scriberet Hebraeo sermone? Fortassis quia
hoc nomen obscurum erat apud Hebraeos, idcirco dignum erat interpretatione.
Sed magis credendum est quod aliquis translator sit interpretatus ne haberetur
hoc nomen obscurum apud Latinos. Hoc denique nomine duae substantiae,
divinitatis scilicet et humanitatis, in una persona domini Iesu Christi
designantur, quia qui ante omnia saecula ineffabiliter genitus est a Deo
patre, idem ipse in fine temporum factus est Emmanuel, idest nobiscum Deus,
ex virgine matre. Quod autem dicitur nobiscum Deus, potest intelligi hoc
modo: nobiscum factus est, idest passibilis mortalis et per omnia nostri
similis absque peccato, sive quia substantiam nostrae fragilitatis quam
assumpsit, substantiae suae divinitatis in unitate personae coniunxit. Hieronymus super Isaiam. Sed sciendum quod
Hebraei hoc de Ezechia filio Achaz prophetari arbitrantur, quod ipso regnante
capta sit Samaria; quod omnino probari non potest. Siquidem Achaz filius
Ioathan regnavit super Iudaeam et Ierusalem annis sexdecim, cui successit in
regnum filius eius Ezechias annos natus viginti tres, et regnavit super
Iudaeam et Ierosolymam annis viginti novem; quomodo ergo quam vidit primo
anno Achaz prophetiam, de Ezechiae conceptu dicitur et nativitate, cum eo
tempore cum regnare coeperat Achaz, iam novem esset Ezechias annorum? Nisi
forte sextum Ezechiae regni annum quo capta est Samaria, infantiam eius
appellari dicant, non aetatis, sed imperii; quod coactum esse ac violentum
etiam stultis patet. Quidam de nostris Isaiam prophetam duos filios habuisse
contendit, Iasub et Emmanuel, et Emmanuel de prophetissa uxore sua esse
generatum in typum domini salvatoris. Hoc autem fabulosum est. Petrus Alphonsus. Non enim scitur quod aliquis
homo illius temporis Emmanuel sit vocatus. Sed obiicit Hebraeus: quomodo
stare poterit quod hoc propter Christum dictum sit et Mariam, cum ab Achaz
usque ad Mariam multa centena annorum transierunt? Sed licet ad Achaz
loqueretur propheta, non solum tamen ad eum vel de suo tempore dicta est
prophetia. Propter hoc enim dictum est: audite domus David, non: audite
Achaz. Iterum: dabit dominus ipse vobis signum; addit ipse, ac si diceret:
non alius; ex quo potest intelligi ipsum dominum signum esse futurum. Quod
etiam pluraliter ait vobis et non tibi, innuit non propter Achaz vel ad ipsum
solum hoc dictum fuisse. Hieronymus super Isaiam. Est ergo sic
intelligendum quod dicitur ad Achaz: iste puer qui nascetur ex virgine, domus
David, nunc appelletur Emmanuel, idest nobiscum Deus, quia a rebus ipsis
(probabiliter, a duobus regibus inimicis liberata) patebit Deum te habere
praesentem. Postea autem vocabitur Iesus, idest salvator, eo quod universum
genus homini sit salvaturus. Non mireris ergo, o domus David, ad rei
novitatem, si virgo Deum pariat quae tantam habeat potestatem ut multo post
tempore nasciturus te nunc liberet invocatus. Augustinus contra Faustum. Quis autem
dementissimus diceret cum Manichaeo, enervis esse fidei de Christo sine teste
non credere, cum apostolus dicat: quomodo credent ei quem non audierunt? Aut
quomodo audient sine praedicante? Ut autem non contemnerentur neque fabulosa
ducerentur quae apostoli nuntiabant, demonstrantur haec a prophetis fuisse
praedicta, quia etsi attestabantur miracula, non defuissent qui magicae
potentiae cuncta illi tribuerent, nisi talis eorum cogitatio contestatione
prophetica vinceretur. Magicis enim artibus longe antequam nasceretur,
prophetas sibi constituere a quibus praenuntiaretur, nemo utique diceret: si
etiam dixerimus homini gentili crede Christo quia Deus est et responderit:
unde credo? Prolataque auctoritate prophetarum, eis se nolle credere dixerit,
ostendimus fidem prophetarum ex his quae ventura cecinerunt et venisse
cernuntur. Credo enim quod eum non lateret quantas a regibus huius saeculi
persecutiones prius pertulerit Christiana religio; videat nunc ipsos reges
terrae Christi imperio subiugatos omnesque gentes eidem servientes, quae
omnia per prophetas fuerunt praedicta. Hoc ergo audiens de Scriptura
prophetica et cernens in universa terra completa, moveretur ad fidem. Glossa. Horum ergo errorem Evangelista
excludit dicens ut adimpleretur quod dictum est a domino per prophetam.
Prophetia autem alia est ex praedestinatione Dei, quam necessarium est
evenire omnibus modis ut sine nostro impleatur arbitrio, ut illa de qua modo
agimus: unde dicit ecce, ad demonstrandum certitudinem prophetiae; alia est
ex praescientia Dei, cui nostrum admiscetur arbitrium et cooperante gratia
consequimur praemium, vel ab ea iuste relicti tormentum; alia non ex
praescientia, sed est quaedam comminatio more humano facta, sicut illud:
adhuc quadraginta dies et Ninive subvertetur, intelligendo nisi Ninivitae
corrigantur. |
Verset 22.
—
Saint Rémi : L’Évangéliste a coutume d’appuyer ce
qu’il avance sur des témoignages de l’Ancien Testament, et il agit ainsi en
faveur des Juifs qui avaient cru en Jésus-Christ et qui pouvaient ainsi
reconnaître que tout ce qui avait été prédit sous l’ancienne loi était
accompli sous la loi de grâce de l’Évangile. L’apôtre ajoute : « Tout cela s’est fait, etc…». Pourquoi
cette manière de s’exprimer: « Tout
cela s’est fait, etc…», puisqu’il n’a été question que de la conception
seule ? On peut répondre que l’Évangéliste s’est exprimé de la sorte
pour nous apprendre que ces événements existaient dans la prescience de Dieu
avant qu’ils fussent accomplis aux yeux des hommes; ou bien, comme
l’Évangéliste racontait l’histoire des événements passés, il a pu dire: « Tout cela s’est fait », parce
que ces événements étaient accomplis alors qu’il écrivait son évangile. — Raban : Ou bien cette
expression: « Tout cela a été
fait », veut dire que la Vierge fut fiancée, qu’elle demeura vierge,
qu’elle fut enceinte, que ce mystère fut révélé par un ange, afin que ce qui
avait été prédit fût accompli. En effet, la prophétie qui prédisait qu’une
vierge concevrait et enfanterait n’eût pas été accomplie si elle n’avait été
fiancée pour échapper au supplice de la lapidation, si l’ange n’avait pas
révélé ce secret afin que Joseph pût la recevoir sans crainte et la préserver
ainsi du déshonneur d’être renvoyée et de mourir par lapidation. Or, si elle
avait été mise à mort avant l’enfantement, que serait devenue cette prophétie:
« Elle enfantera un
fils ? » —
La glose : Ou bien on peut dire qu’ici la
particule afin que n’est pas
causative, en ce sens que toutes ces choses auraient été accomplies parce
qu’elles avaient été prédites, mais qu’elle exprime la conséquence, comme dans
ce passage de la Genèse (Gn 40): « Il
fit attacher le grand pannetier à un gibet, de sorte que l’interprétation du
devin fût reconnue vraie », c’est-à-dire que le supplice de cet
homme suspendu à un gibet fit ressortir la vérité de l’interprétation. C’est
dans ce même sens que nous devons entendre ce passage, c’est-à-dire que la
prophétie a été accomplie par le fait qui avait été prédit. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 5 sur S. Matth.) Ou
bien encore : l’ange, considérant l’abîme le la divine miséricorde, le
renversement des lois de la nature, celui qui était au dessus de tous les
êtres créés descendu jusqu’à l’homme, la dernière des créatures
intelligentes, exprime toutes ces choses par ces seuls mots: « Tout cela a été accompli »,
comme s’il disait: Ne pensez pas que c’est seulement maintenant que toutes
ces choses soient dans le bon vouloir de Dieu, il y a longtemps qu’il les
avait décrétées, et l’ange rappelle plus à propos cette prophétie à Joseph
qu’à Marie, car il était versé dans la connaissance et la méditation des
prophètes. Il avait d’abord appelé la Vierge son épouse, maintenant il lui
donne le nom de Vierge avec le prophète, afin qu’ils apprennent de la bouche
du prophète lui-même que ce mystère était depuis longtemps dans les desseins
de Dieu. Aussi, en témoignage de la vérité de ce qu’il annonce, il appelle
Isaïe, ou plutôt Dieu lui-même, car il ne dit pas: « pour accomplir ce qui a été dit par Isaïe, » mais ce
que le Seigneur a dit par Isaïe. —
Saint Jérôme : (Sur Isaïe, chap. 7.) Le prophète fait
précéder sa prédiction de cet exorde: « Dieu
lui-même vous donnera un signe » ; il doit donc s’agir de
quelque chose de nouveau et de merveilleux. Mais s’il n’est question que
d’une jeune fille ou d’une jeune femme qui doit enfanter, comme le veulent
les Juifs, et non d’une vierge, où est le miracle ? puisque ce nom
indique l’âge et non la virginité. Il est vrai qu’en hébreu c’est le mot Bethula qui signifie vierge, mot qui
ne se trouve pas à cet endroit dans la prophétie; il est remplacé par le mot halma, que tous les interprètes, à
l’exception des Septante, ont traduit par jeune
fille. Or, le mot halma en hébreu a un double sens, car il signifie jeune fille, et qui est cachée. Ainsi il désigne non seulement une jeune fille ou
une vierge, mais une vierge cachée, secrète, qui n’a jamais paru aux regards
des hommes, et sur laquelle ses parents veillent avec le plus grand soin. La
langue phénicienne, qui tire, dit-on, son origine de l’hébreu, donne aussi au
mot halma le sens de vierge; dans
la nôtre, halma signifie sainte.
Les Hébreux se servent de mots que l’on retrouve dans presque toutes les
langues, et autant que je puis consulter mes souvenirs, je ne me rappelle pas
que le mot halma ait été employé
une seule fois pour exprimer une femme mariée; il sert toujours à désigner
une vierge, et non pas une vierge quelconque, mais une vierge encore adolescente,
car il peut se faire qu’une vierge soit d’un âge avancé. Or, celle-ci était
encore dans l’âge de l’enfance, ou bien elle était vierge, tout en ayant dépassé
cet âge où l’on n’est pas en état d’être marié. —
Saint Jérôme : (Sur S. Matth.) Le prophète dit: « Elle recevra dans son sein »,
parce qu’il prédit l’avenir et parle de ce qui sera, tandis que l’Évangéliste
saint Matthieu porte: « Elle aura
dans son sein » ; mais
l’Évangéliste, qui racontait l’histoire de ce qui était passé et non de ce
qui devait arriver, a substitué au mot « elle
recevra » le verbe « elle
aura », car celui qui a n’a plus besoin de recevoir. Or il
dit : « Voici qu’une vierge
aura dans son sein et enfantera un fils. » —
Saint Léon le Grand. (Let. à Flav.) Il a été conçu du Saint-Esprit dans le sein de la
vierge, sa mère, qui l’enfanta comme elle l’avait conçu sans que sa virginité
en eût souffert la plus légère atteinte. —
Saint Augustin : (Serm. sur la Nativ.) Celui qui a pu en les
touchant rétablir, dans le corps d’autrui, les membres disloqués, combien
plus aura-t-il dû respecter en naissant la pureté qu’il a trouvée dans sa
mère ? Aussi cette naissance a-t-elle augmenté sa pureté au lieu de
la diminuer, et sa virginité, loin d’en être affaiblie, en reçut un nouvel
éclat. — Theod. (Serm. au conc. d’Eph.) Photin
ne voit qu’un homme dans celui qui vient au monde, il prétend que ce n’est
pas ici la naissance d’un Dieu, il sépare l’homme de Dieu dans celui qui sort
du sein de sa mère; qu’il nous dise donc comment la nature humaine, qui est
née du sein d’une vierge, a laissé sans corruption le sceau de la virginité.
Jamais la mère d’aucun homme n’est restée vierge [après son enfantement]; mais
ici c’est le Verbe Dieu qui a daigné naître dans la chair, et il a montré
qu’il était le Verbe tout-puissant en sauvegardant la virginité de sa mère.
Notre verbe, à nous, [notre parole], ne corrompt point notre âme qui
l’enfante; ainsi le Verbe Dieu, par cette naissance, n’a point porté atteinte
à la virginité de celle qu’il avait choisie pour mère. « Et on l’appellera Emmanuel. » —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 5 sur S. Matth.) C’est la coutume de
l’Écriture de présenter les événements qui se produisent sous l’emblème des
noms. Ces paroles: « Ils
l’appelleront du nom d’Emmanuel » signifient donc: « Ils
verront Dieu avec les hommes. » C’est pour cela que l’ange ne dit pas:
Vous l’appellerez, mais on l’appellera. — Raban : Ce sont d’abord
les Anges dans leurs chants, ensuite les Apôtres dans leurs prédications,
puis les saints martyrs, enfin tous ceux qui croient en lui. —
Saint Jérôme : (sur Isaïe, chap. 7.) Les Septante et trois
autres interprètes ont traduit: « Vous
l’appellerez », pour « ils
l’appelleront », qui n’est pas dans l’hébreu, car le mot vekarat, qu’ils ont tous traduit par « vous l’appellerez », peut
signifier aussi: « elle
l’appellera », c’est-à-dire que la vierge qui concevra et enfantera
le Christ l’appellera elle-même Emmanuel,
ce qui signifie Dieu avec nous. —
Saint Rémi : A cette question: Qui a donné l’interprétation
de ce nom ? est-ce le prophète, est-ce l’Évangéliste ou un traducteur
quelconque ? je répondrai d’abord que ce n’est pas le prophète; [ce
n’est pas non plus l’Évangéliste], car à quoi bon cette explication,
puisqu’il écrivait en hébreu ? Peut-être pourrait-on dire que ce nom
avait dans l’hébreu une signification obscure, et qu’il avait besoin
d’explication. Mais il est plus vraisemblable que cette interprétation a été
donnée par quelque traducteur qui aura voulu ainsi faire disparaître ce que
ce nom pouvait avoir d’obscur pour les Latins. Or, ce nom exprime
parfaitement les deux natures, la nature divine et la nature humaine unies
dans la même personne de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, engendré avant
tous les siècles d’une manière ineffable par Dieu son père, est devenu à la
fin des temps, en naissant d’une vierge, Emmanuel
ou Dieu avec nous. Ce nom: Dieu
avec nous peut s’entendre en ce sens qu’il est devenu comme un des nôtres,
c’est-à-dire passible, mortel, et semblable à nous en toutes choses à
l’exception du péché, ou bien encore qu’il a uni à sa nature divine, en unité
de personne, notre pauvre nature humaine. —
Saint Jérôme : (sur Isaïe, chap. 7.) Rappelons ici que les
Juifs prétendent que cette prophétie a pour objet Ezéchias, fils d’Achaz,
sous le règne duquel fut prise la ville de Samarie, ce dont ils ne peuvent
donner aucune preuve. En effet, Achaz, fils de Ioathan, régna sur Jérusalem
et sur Juda seize ans; son fils Ezéchias lui succéda à l’âge de vingt-trois
ans et régna sur Juda et sur Jérusalem vingt-neuf ans. Comment donc peut-on
dire que la prophétie qui fut faite la première année du règne d’Achaz eut
pour objet la conception et la naissance d’Ezéchias, qui avait neuf ans
lorsque son père monta sur le trône ? Peut-être diront-ils que la
sixième année du règne d’Ezéchias, époque où fut prise la ville de Samarie
signifie le temps de l’enfance, sinon de son âge, du moins de son
règne ? c’est là une supposition violente et forcée, même pour les moins
intelligents. Un des nôtres prétend que le prophète Isaïe a eu deux fils,
Joseph et Emmanuel, et qu’Emmanuel était né de la prophétesse son épouse,
comme figure du Seigneur-Seigneur, mais cela n’est qu’une fable. — Pierre
Alphonse : Je ne sache pas qu’aucun homme de ce
temps ait porté le nom d’Emmanuel. Les juifs me diront peut-être: Comment
admettre que cette prophétie ait eu pour objet le Christ et Marie, alors que
d’Achaz à Marie il s’est écoulé plusieurs centaines d’années ? [Pierre
Alphonse répond] : Quoique le prophète s’adresse à Achaz, la prophétie n’a
pas seulement pour objet ce prince ou les choses de son temps, car Isaïe ne
lui dit pas: « Écoutez
Achaz », mais « Écoutez,
maison de David. » Voyez encore la suite: « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe. » Il
ajoute ce mot « lui-même » comme
pour dire: ce ne sera pas un autre, d’où il faut conclure que c’est le
Seigneur lui-même qui sera ce signe. Remarquez enfin qu’en s’exprimant au
pluriel, « il vous donnera »,
et non « il te donnera », le
prophète fait entendre que cette prophétie n’est pas pour Achaz ou du moins
qu’elle n’est pas pour lui seul. —
Saint Jérôme : (sur Isaïe, chap. 7.) Voici donc le sens de la
prophétie faite à Achaz: cet enfant, qui naîtra d’une vierge, maison de
David, doit être appelé dès maintenant Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous, parce que, grâce à ces
événements, (probablement : délivrés bientôt des deux rois ennemis qui
vous attaquent), vous éprouverez vous-même que Dieu est présent au milieu de
vous. Plus tard il sera appelé Jésus ou Seigneur, parce qu’il sauvera le
genre humain tout entier. Ne soyez donc pas surprise, ô maison de David, de
cette nouveauté si étrange d’une vierge enfantant un Dieu, revêtu d’une si
grande puissance, que tant d’années avant sa naissance, il peut vous délivrer
si vous avez recours à lui. —
Saint Augustin : (contre Faustus) Qui serait donc assez
insensé pour oser dire avec les Manichéens que c’est le caractère d’une foi
faible de ne croire en Jésus-Christ que sur témoignages, alors que l’Apôtre
lui-même a dit: « Comment
croiront-ils en celui dont ils n’ont point entendu parler, et comment en
entendront-ils parler si on ne leur prêche ? » Or afin que la
prédication des Apôtres ne fût pas exposée au mépris et considérée comme un
tissu de fables sans réalité, les prophètes lui donnent l’appui de leurs
prédictions. En effet, supposez que la prédication des apôtres ne fût
autorisée que par des miracles, on n’aurait pas manqué de les attribuer à des
opérations magiques, si cette interprétation n’était renversée par le
témoignage immuable des prophètes. Personne sans doute n’osera dire qu’il
soit au pouvoir d’un homme, longtemps avant sa naissance, de se donner au
moyen d’opérations magiques des prophètes qui l’annoncent. De même encore
supposons que nous disions à un païen: « Croyez en Jésus-Christ parce
qu’il est Dieu », et qu’il nous répondît: Pourquoi donc
croirai-je ? et qu’alors nous établissions clairement l’autorité des
prophètes, s’il persistait encore dans son incrédulité, nous lui
démontrerions alors que les prophètes sont dignes de foi par le fait qu’ils
ont prédit longtemps d’avance des événements dont l’accomplissement s’opère
sous nos yeux, car il ne pourrait ignorer, je pense, quelles persécutions la
religion chrétienne a eu à souffrir de la part des rois de la terre. Or,
qu’il considère maintenant tous ces rois soumis à l’empire du Christ, toutes
les nations qui le reconnaissent pour maître, autant d’événements qui ont été
tous prédits par les prophètes. En prenant connaissance de ces prophéties et
en les voyant accomplies sur toute la face de la terre, il serait
certainement déterminé à embrasser la foi. — La Glose : L’Évangéliste combat l’erreur des Manichéens en ajoutant: « afin que fût accompli ce que le Seigneur avait prédit par le prophète. » Or il y a une prophétie qui a pour cause la prédestination de Dieu, qui doit de toutes manières arriver, dont l’accomplissement est indépendant de notre volonté, comme celle dont il est ici question, et que le prophète commence en disant: « Voici » pour en démontrer la certitude. Il y a une autre sorte de prophétie qui vient également de la prescience de Dieu, mais à laquelle se trouve mêlé notre libre arbitre. D’après cette prophétie, nous obtenons la récompense avec la coopération de la grâce, ou nous sommes soumis au châtiment lorsqu’elle nous abandonne avec justice. Enfin il y a une troisième sorte de prophétie, qui ne vient pas de la prescience de Dieu, mais qui est l’expression d’une menace comme en font les hommes, et telle que celle-ci: « Encore quarante jours et Ninive sera détruite. » Il faut sous-entendre: à moins que Ninive ne se convertisse. |
Lectio 14 [85347] Catena in Mt.,
cap. 1 l. 14 Remigius. Eo audito rediit
vita quo ingressa est mors. Per inobedientiam enim Adae omnes perditi sumus,
per obedientiam Ioseph omnes ad pristinum statum incipimus revocari; nam his
verbis magna nobis virtus obedientiae commendatur, quibus dicitur exurgens
autem Ioseph fecit sicut praeceperat ei Angelus domini. Glossa. Non tantum quod praecepit Angelus
fecit, sed etiam sicut praecepit. Quisquis etiam a Deo monetur, solvat moras,
surgat a somno, faciat quod iubetur. Et accepit Mariam coniugem suam. Chrysostomus super Matth. Non in domum accepit
eam, nec enim adhuc dimiserat eam de domo, sed de animo suo deposuerat eam,
et iterum in animum suum eam recepit. Remigius. Vel accepit celebratis nuptiis ut
coniux vocaretur, non tamen ut concumberet, quia sequitur et non cognoscebat
eam. Hieronymus contra Helvidium. Sed Helvidius
superfluo labore desudat, cognoscendi verbum ad coitum magis quam ad
scientiam esse referendum, quasi hoc quisquam negaverit et eas ineptias quas
redarguit aliquando prudens quispiam suspicari potuerit. Deinde vult dicere
quod donec sive usque adverbium certum tempus significet, quo completo fiat
aliud quod usque ad illud tempus non fiebat, ut hic: non cognoscebat eam
donec peperit filium. Apparet, inquit, cognitam esse post partum, cuius
cognitionem filii tantum generatio differebat. Et ad hoc approbandum congerit
de Scripturis exempla quam plurima. Ad quod respondemus: et non cognoscebat,
et usque, vel donec in Scripturis dupliciter intelligenda. Et de eo quidem
scriptum est, non cognoscebat, ad coitum esse referendum ipse disseruit,
nullo dubitante quin ad scientiam saepe referatur, ut ibi: remansit puer
Iesus in Ierusalem et non cognoverunt parentes eius. Sic etiam donec in
Scriptura saepe certum tempus, sicut ipse disseruit, significat, saepe
infinitum, ut est illud: donec consenescatis, ego sum. Numquid postquam illi senuerint, Deus desistit? Et salvator in Evangelio: ecce ego vobiscum
sum usque ad consummationem saeculi. Ergo post consummationem saeculi a
discipulis abscedet? Et apostolus: oportet illum regnare donec ponat inimicos
sub pedibus eius. Numquid postquam illi sub pedibus erunt, regnare desistet? Intelligat
ergo ea de quibus posset ambigi, si non fuissent scripta, significari, cetera
vero nostrae intelligentiae derelinqui; iuxta quod Evangelista illud indicat
de quo scandalum poterat moveri, non eam cognitam esse a viro usque ad
partum, ut multo magis intelligeremus cognitam non fuisse post partum. Chrysostomus super Matth. Ut si quis dicat:
donec ille vixit, non est hoc locutus, numquid per hoc significavit quia post
mortem ille locutus est? Quod fieri non potest. Sic et Ioseph ante partum
credibile fuit ut non cognosceret eam quia nondum cognoscebat mysterii
dignitatem; postquam vero cognovit quia est facta unigeniti Dei templum,
quomodo poterat hoc usurpare? Sed sequentes Eunomium putant, quia illi ausi
sunt hoc dicere, quod Ioseph hoc ausus fuit, sicut insanus neminem reputat
esse sanum. Hieronymus contra Helvidium. Ad summum
illud requiro, cur se abstinuerit Ioseph usque ad partus diem. Respondebit
utique: quia Angelum audierat dicentem quod in ea natum est. Qui ergo somnio
tantum credidit ut uxorem non auderet tangere, hic postquam pastores
audierat, magos viderat, miracula Chrysostomus super Matth. Potest etiam
dici quod verbum cognoscendi hic accipitur pro agnitione; vere enim non
agnovit eam ante, cuius fuerat dignitatis; et postquam peperit, tunc cognovit
eam, qua speciosior et dignior facta fuerat quam totus mundus, quia quem
totus mundus capere non poterat, in angusto cubiculo uteri sui sola suscepit.
Hilarius. Vel aliter. Propter
sanctissimae Mariae glorificationem a Ioseph cognosci non potuit donec
peperit; dominum enim gloriae habens in utero quomodo cognosceretur? Si
Moysi cum Deo colloquentis glorificata est facies ut non possent intendere in
eum filii Israel, quanto magis Maria agnosci vel intueri non poterat, quae
dominum potentiae in utero habebat? Post partum autem a Ioseph agnita
invenitur specie faciei, non tactu libidinis. Hieronymus in Matthaeum. Ex hoc autem quod
dicitur filium suum primogenitum, quidam perversissime suspicantur et alios
filios habuisse Mariam dicentes primogenitum non dici nisi qui habeat et
fratres, cum hic mos Scripturarum sit ut primogenitum non eum vocent quem
fratres sequuntur, sed eum qui primus natus sit. Hieronymus contra Helvidium. Alioquin si non
est primogenitus nisi quem sequuntur et fratres, tamdiu sacerdotibus
primogenita non debentur quamdiu et alia fuerint procreata. Glossa. Vel primogenitus dicitur inter omnes
electos per gratiam; proprie autem unigenitus Dei patris vel Mariae dicitur. Sequitur et vocavit nomen eius Iesum, die octavo
quo fiebat circumcisio et nomen imponebatur. Remigius. Liquet autem hoc nomen fuisse
notissimum sanctis patribus et Dei prophetis, maxime illi qui dicebat:
defecit in salutari tuo anima mea; et: exultavit cor meum in salutari tuo; et
illi qui dicebat: exultabo in Deo Iesu meo. |
Verset 24.
—
Saint Rémi : La vie nous est revenue par la porte
qui avait donné passage à la mort: la désobéissance d’Adam nous avait tous
perdus, l’obéissance de Joseph commence à nous ramener à notre premier état.
En effet, quelle magnifique leçon d’obéissance dans cette conduite de Joseph:
« Joseph donc s’étant levé, etc...
» — La Glose : Il ne fit pas
seulement ce que l’ange lui avait ordonné, il le fit de la manière qu’il lui
avait ordonnée. Que celui donc qui reçoit un avertissement du Ciel se lève de
son sommeil sans aucun retard et qu’il exécute ce qui lui est commandé. « Et
il reçut son épouse, etc... » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ce n’est pas dans sa maison
qu’il la reçut, car il ne l’en avait pas encore renvoyée, mais , alors qu’il
l’avait bannie de son cœur, il l’y reçut de nouveau. —
Saint Rémi : Ou bien il la reçut après la
célébration des noces, afin qu’elle portât le nom d’épouse, mais non pour
avoir une relation avec elle, car voyez la suite: « Et il ne la connut pas, etc... » —
Saint Jérôme : (contre Helv.) Helvidius fait de vains
efforts pour prouver que le verbe connaître
exprime les relations sexuelles plutôt qu’une connaissance ordinaire,
mais personne ne soutient le contraire, et il n’y a pas un auteur tant soit
peu habile qui s’arrête aux inepties qu’il combat. Il veut encore nous
apprendre que l’adverbe jusqu’à ce que signifie
un temps déterminé, après lequel ce qui n’existait pas auparavant
commencerait à avoir lieu, de manière que ces paroles: « Il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté son
fils » signifieraient clairement qu’il eut avec son épouse, après
l’enfantement, des rapports qu’il n’avait différés que jusqu’à la naissance
de son fils. Pour le prouver il accumule le plus qu’il peut de textes de
l’Écriture. Quant à nous, voici notre réponse: Ces paroles: « il ne la connut pas jusqu’à ce
que, » etc... peuvent s’entendre de deux manières dans l’Écriture.
D’abord il est certain que le verbe connaître
qui, comme Helvidius l’avoue, doit s’entendre de l’union conjugale, a
quelquefois le sens de connaissance proprement dite, comme dans ce passage: « L’enfant Jésus resta à Jérusalem et
ses parents ne le connurent pas [ou l’ignorèrent]. » De même
l’adverbe jusqu’à ce que exprime
souvent, comme il le reconnaît également, un temps déterminé, mais souvent
aussi un temps sans limite, comme dans ce passage d’Isaïe: « Je suis jusqu’à ce que vous
parveniez à la vieillesse. »
Dira-t-on que Dieu ne sera plus lorsqu’ils auront vieilli ? — Le Seigneur dit aussi dans l’Évangile: « Voici que je suis
avec vous jusqu’à la consommation des siècles. » Est-ce qu’il cessera d’être avec ses disciples après la fin du
monde ? L’apôtre ne dit-il pas aussi: « Il faut qu’il règne
jusqu’à ce qu’il mette ses ennemis sous ses pieds ? » Veut-il
dire qu’après que Jésus aura réduit le monde sous son empire, il cessera de
régner ? Qu’Helvidius comprenne donc que l’écrivain sacré n’a exprimé
que ce qui aurait pu être un sujet de doute s’il ne l’avait écrit, et que le
reste est abandonné à notre intelligence. D’après cette règle, l’Évangéliste
ne nous indique que ce qui aurait pu donner matière à scandale, c’est-à-dire
que son mari ne l’avait pas connue jusqu’à ce qu’elle eût enfanté, nous
laissant à conclure qu’à plus forte raison il ne l’avait pas connue après la
naissance du Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si l’on dit de quelqu’un:
Tant qu’il a vécu il n’a point tenu ce langage, cela veut-il signifier qu’il
l’ait tenu après sa mort ? cela n’est pas possible. Ainsi on aurait pu
croire que Joseph avait eu des rapports avec la Vierge avant l’enfantement
parce qu’il ne connaissait pas la dignité du mystère qui s’était accompli
dans son sein; mais après qu’il eut appris qu’elle était devenue le
sanctuaire du Fils unique de Dieu, comment supposer qu’il ait pu profaner un
temple aussi auguste ? Les disciples d’Eunomius s’imaginent que parce
qu’ils osent le dire, Joseph aurait osé le faire, comme un insensé croit que personne
n’est sain d’esprit. —
Saint Jérôme : (contre Helv.) En résumé, je demanderai:
Pourquoi Joseph s’est-il abstenu de tout rapport avec son épouse jusqu’à
l’enfantement ? C’est parce qu’il avait entendu l’ange lui dire: « Ce qui est né en elle,
etc... » Celui donc qu’un songe mystérieux avait déterminé à ne pas
s’approcher de son épouse, comment, après avoir entendu les bergers, vu les
Mages, été témoin de tant de merveilles, aurait-il osé s’approcher du temple
de Dieu, du siège de l’Esprit saint, de la Mère de son Seigneur ? —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) On peut aussi donner ici au
verbe connaître le sens ordinaire
de simple connaissance, car en réalité Joseph n’avait pas connu jusque là la
dignité de Marie. Ce n’est qu’après son divin enfantement qu’il la connut
parfaitement; c’est alors qu’elle lui devint plus précieuse et plus chère que
le monde entier, parce qu’elle avait porté seule dans l’étroit espace de son
sein virginal celui que le monde entier ne peut contenir. —
Saint Hilaire : Ou bien encore on peut dire que
Joseph ne put connaître la très sainte vierge Marie avant son enfantement à
cause de la gloire dont elle était revêtue; car comment aurait-il pu
connaître celle qui portait dans son sein le Dieu de gloire ? La face de
Moïse, qui s’était entretenu avec Dieu, fut si resplendissante de gloire que
les Israélites ne pouvaient en soutenir la vue, à plus forte raison Joseph ne
pouvait-il regarder et connaître Marie qui portait dans son sein le Seigneur
tout-puissant. Après son enfantement, Joseph la connut par la beauté
resplendissante de son visage, et non par le contact passionnel. —
Saint Jérôme : (sur S. Matth.) De ce que l’Évangéliste dit:
« son fils premier-né », quelques
esprits pervers en concluent qu’elle a eu d’autres enfants, et ils prétendent
qu’on ne donne le nom de premier-né qu’à celui qui a des frères, [assertion
complètement fausse], car l’Écriture appelle premier-né non pas l’aîné
d’autres frères, mais celui qui est né le premier. —
Saint Jérôme : (contre Helvid.) S’il n’y a de premier-né
que lorsqu’il y a d’autres enfants, il faut en conclure que les prémices ou
les premiers-nés n’étaient pas dus aux prêtres tant que ces premiers-nés
n’avaient pas d’autres frères. — La Glose : Ou bien il est
appelé le premier-né entre tous les élus de la grâce, tandis qu’il est
proprement le Fils unique de Dieu le Père et de Marie. « Et
il l’appela du nom de Jésus. » Ce fut le
huitième jour où l’enfant était circoncis et recevait le nom qui lui était
destiné. — Saint Rémi : Ce nom a été parfaitement connu des saints patriarches et des prophètes de Dieu, mais il l’a été surtout de celui qui a dit: « Mon âme a défailli dans l’attente de votre salut » (Ps. 118), et encore: « Mon cœur tressaillera dans votre salut » (Ps. 12), et de celui encore qui disait: « Je tressaillerai dans Jésus qui est mon Dieu. » (Habac. 3.) |
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Caput 2 |
CHAPITRE 2 — [Enfance de Jésus]
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Lectio 1 [85348] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 1 Augustinus in Serm. 5 de Epiph. Post
miraculum virginei partus quo uterus divino numine plenus, salvo pudoris
signo, Deum hominem profudit, inter obscuras cubiculi latebras et praesepis
angustias, in quibus infinita maiestas membris contractioribus stabulabat,
dum pendet ad ubera et vilium patitur Deus involumenta pannorum, repente
novum de caelo sidus terris effulsit, et, totius mundi dissipata caligine,
noctem convertit in diem ne dies celaretur in nocte; unde Evangelista dicit
cum ergo natus esset Iesus in Bethlehem et cetera. Remigius. In principio autem huius
evangelicae lectionis tria ponit: personam, cum dicitur cum natus esset
Iesus; locum, cum ait in Hieronymus in Matth. Putamus autem ab
Evangelista primum editum, sicut in Hebraico legimus, Iudae, non Iudaeae.
Quae est enim aliarum gentium Bethlehem, ut ad distinctionem eius hic Iudaeae
poneretur? Iudae autem idcirco scribitur, quia et aliam Bethlehem in Iudaea
legimus in libro Iesu filii Nave. Glossa. Duae enim Bethlehem sunt: alia
quae est in terra Zabulon, altera quae in terra Iuda, quae prius vocata est
Ephrata. Augustinus de Cons. Evang. De civitate
autem Chrysostomus super Matthaeum. Sed videamus
quid ad utilitatem respiciat quod Evangelista tempus designat quo Christus
nascitur, dicens in diebus Herodis regis, quod dicit ut prophetiam Danielis
impletam demonstraret, quae post LXX septimanas annorum Christum nasciturum
esse praedicit. Nam ex illo tempore usque ad regnum Herodis LXX septimanarum
anni sunt consummati; vel ideo quia quamdiu Iudaica gens sub Iudaicis
regibus, quamvis peccatoribus, tenebatur, prophetae mittebantur ad remedium
eius; nunc autem quando lex Dei sub potestate regis iniqui tenebatur et
iustitia Dei sub dominatione Romana premebatur, nascitur Christus, quia magna
et desperabilis infirmitas medicum artificiosiorem quaerebat. Rabanus. Vel ideo regis alienigenae mentionem
fecit, ut impleretur prophetia quae dixit: non auferetur sceptrum de Iuda nec
dux de femore eius, donec veniat qui mittendus est. Ambrosius super Lucam. Fertur autem quod
Idumaei latrones Ascalonem ingressi, Antipatrum inter alios adduxerunt
captivum. Is igitur imbutus mysteriis Iudaeorum, Hircano Iudaeae regi
amicitia copulatur, quem pro se ad Pompeium Hircanus direxit; et quia
legationis fructu potitus est, per eam gratiam partem regni affectavit. Occiso autem Antipatro, filius eius Herodes sub Antonio senatus
consulto Iudaeis regnare praeceptus est; in quo claret Herodem nulla
affinitate gentis Iudaeorum regnum quaesisse. Chrysostomus in Matth. Dicitur autem
Herodis regis, dignitatem addens, quia et alius fuit Herodes qui Ioannem
interfecit. Chrysostomus super Matth. Dum ergo hoc
tempore natus esset, ecce magi veniunt, hoc est confestim ut natus est,
magnum Deum ostendentes in parvulo homine. Rabanus. Magi vero sunt qui de singulis rebus
philosophantur; sed sermo communis magos pro maleficis accepit; qui aliter tamen
habentur apud gentem suam, eo quod sint philosophi Chaldaeorum, et ab huius
artis scientia reges quoque et principes eiusdem gentis omnia sapiunt, et
ipsi primum ortum domini intellexerunt. Augustinus in Serm. 4 de Epiph. Isti
autem magi quid fuerunt nisi primitiae gentium? Israelitae pastores, magi
gentiles; illi prope, isti longe, utrique tamen ad angularem lapidem
cucurrerunt. Manifestatus est ergo Iesus non doctis nec
iustis; praevalet namque imperitia in rusticitate pastorum, et impietas in
sacrilegiis magorum. Utrosque sibi lapis ille angularis attribuit, quippe qui
venerit stulta eligere ut confunderet sapientes, et non vocare iustos, sed
peccatores, ut nullus magnus superbiret, nullus infirmus desperaret. Glossa. Hi autem magi reges fuerunt, qui etsi
tria munera obtulisse dicuntur, non ideo non plures quam tres fuisse
probantur, sed ut per eos gentes, quae ex tribus filiis Noe natae sunt,
venturae ad fidem praefigurarentur. Vel tot fuerunt principes, qui plures
duxerunt in comitatu suo. Venerunt autem non post
annum, quia tunc inveniretur in Aegypto, non in praesepio, sed tertiadecima
die. Ad ostendendum autem unde venirent, dicitur ab
oriente. Remigius. Sciendum est autem quia varia est de
magis opinio. Quidam enim dicunt eos fuisse Chaldaeos; Chaldaei enim stellam
pro Deo colebant, et idcirco dixerunt quod nuncupativus eorum Deus ostenderit
Deum verum natum. Alii vero dicunt Persas eos fuisse. Nonnulli dicunt illos
de ultimis finibus terrae fuisse. Alii vero dicunt illos fuisse nepotes
Balaam, quod magis est credendum; Balaam enim inter cetera quae prophetavit
dixit: orietur stella ex Iacob. Illi vero habentes hanc prophetiam, mox ut
viderunt stellam novam, intellexerunt regem natum, et venerunt. Hieronymus in Matth. Et sic hanc stellam
futuram vaticinio Balaam noverant, cuius erant successores. Sed
quaerendum est: si Chaldaei vel Persae aut de ultimis finibus terrae fuerunt,
quomodo in tam brevi spatio Hierosolymam venire potuerunt? Remigius. Sed sciendum est quod aliqui solent
dicere quod puer qui tunc natus est, in tam brevi spatio temporis de ultimis
finibus terrae ad se perducere potuit. Glossa. Vel non mirandum est
eos in tredecim diebus venisse in Bethlehem, cum equos Arabicos et
dromedarios haberent, qui scilicet sunt veloces ad iter. Chrysostomus super Matth. Vel per biennium
ante Christi nativitatem profecti sunt, et stella eos praecedebat, et neque
esca neque potus defecit in peris eorum. Remigius. Vel si fuerunt successores Balaam,
reges isti non longe distant a terra promissionis; idcirco in tam brevi
spatio temporis Ierusalem venire potuerunt. Sed tunc quaerendum est quare
Evangelista dicat eos ab oriente venisse. Quod ideo est, quia ab illa regione
venerunt quae in Orientali parte Iudaeis posita est. Pulchre autem ipsi ab
oriente venisse dicuntur, quia omnes qui ad dominum veniunt, ab ipso et per
ipsum veniunt; ipse est oriens, secundum illud: ecce vir, oriens nomen eius.
Chrysostomus super Matth. Vel ab oriente
venerunt. Unde dies nascitur, inde initium fidei processit, quia fides lumen
est animarum. Ab oriente ergo venerunt, sed Hierosolymam. Remigius. Quamvis dominus ibi natus non esset
quia licet agnoscerent nativitatis tempus, locum tamen non cognoverunt.
Ierusalem enim regia civitas est, et crediderunt quod talis puer non nisi in
urbe regia nasci debuisset. Sive ideo venerunt ut adimpleretur quod scriptum
est: de Sion exibit lex, et verbum domini de Ierusalem, quia ibi primo
annuntiatus est Christus; sive ut studio magorum damnaretur pigritia Iudaeorum.
Venerunt ergo Hierosolymam, dicentes: ubi est qui natus est rex Iudaeorum?
Augustinus in Serm. 2 de Epiph. Cum
autem multi nati atque defuncti essent reges Iudaeorum, numquid quemquam
eorum adorandum magi quaesierunt? Non, quia nec quemquam eorum de caelo
loquentem didicerunt. Non itaque regi Iudaeorum, quales esse illic solebant,
hunc tam magnum honorem longinqui alienigenae ab eodem regno prorsus extranei
a se deberi arbitrantur. Sed talem natum esse didicerant, in quo
adorando se salutem, quae secundum Deum est, consecuturos minime dubitarent;
neque enim aetas erat saltem cui adulatio humana serviret, non de membris
purpura, non in capite diadema fulgebat, non pompa famulantium, non terror
exercitus, non gloriosa fama praeliorum hos ad eum viros ex remotis terris
cum tanto voto supplicationis attraxerunt. Iacebat in praesepio puer, ortu
recens, exiguus corpore, contemptibilis paupertate. Sed magnum aliquid
latebat in parvo, quod illi homines primitiae gentium, non terra portante,
sed caelo narrante didicerant; unde sequitur vidimus enim stellam eius in
oriente. Annuntiant et interrogant, credunt et quaerunt, tamquam
significantes eos qui ambulant per fidem et desiderant speciem. Chrysostomus in Matth. Sciendum autem, quod
Priscillianistae haeretici, qui nasci unumquemque hominem sub
constitutionibus stellarum putant, hoc in adiutorium sui erroris assumunt,
quod nova stella exiit, cum dominus in carne apparuit, cuius fuisse fatum
eamdem quae apparuit stellam putant. Augustinus contra Faustum. Et secundum Faustum
hic stella inducitur, quae confirmat Genesim, ut recte genesidium hoc magis
nuncupari possit quam Evangelium. Gregorius in Evang. Sed absit a fidelium
cordibus ut esse quid fatum dicant. Augustinus de Civ. Dei. Nam homines quando
fatum audiunt, usitata loquendi consuetudine non intelligunt nisi vim
positionis siderum, qualis est quando quis nascitur sive concipitur; quod
aliqui alienant a Dei voluntate. Et hi ab auribus omnium repellendi sunt, qui
qualiumcumque deorum volunt esse cultores. Aliqui vero stellas hanc putant
habere potestatem traditam sibi a summa Dei potestate: qui magnam caelo
faciunt iniuriam, in cuius velut splendidissima curia opinantur scelera
facienda decerni; qualia si aliqua terrena civitas decrevisset, genere humano
decernente fuerat evertenda. Chrysostomus super Matth. Si ergo aliquis
adulter et homicida fiat per stellam, magna est iniquitas illarum stellarum,
magis illius qui creavit stellas; nam cum sit praescius futurorum Deus, ex
quo tanta iniquitas futura per stellas, si voluit ei dare, non est bonus; si
noluit ei dare, et non potuit, impotens est. Si etiam stellae est quod aut
mali sumus aut boni, ergo nec bonum nostrum laudandum est, nec malum
vituperandum, quia nec in nobis est voluntarius actus; ut quid enim mali mei
poenam suscipiam, quod non voluntate, sed necessitate commisi? Ipsa denique
mandata Dei ne peccent homines, aut hortamenta ut faciant bonum, hanc
insipientiam destruunt. Quis enim iubet aliquem ne faciat malum quod non
potest declinare, aut faciat bonum ad quod non potest pervenire? Gregorius Nyssenus Philos. Insipientes vero
sunt orationes omnibus secundum fatum existentibus; exulat autem et
providentia Dei cum pietate, cum his et homo organum solum invenitur superni
circularis motus; ab hoc enim moveri ad operationes aiunt non solum partes
corporis, sed animae excogitationes; et universaliter qui hoc dicunt, quae in
nobis sunt, et contingentis naturam destruunt; et ita nihil aliud est hoc
quam omnia evertere. Ubi etiam de reliquo erit liberum arbitrium? Liberum
enim oportet esse quod est in nobis. Augustinus de Civ. Dei. Non usquequaque autem
absurde dici potest, ad solas corporum differentias afflatus quosdam valere
sidereos, sicut solaribus accessibus et decessibus videmus anni tempora
variari, et lunaribus incrementis atque decrementis augeri et minui quaedam
genera rerum, sicut conchas et mirabiles aestus Oceani; non autem animi
voluntates positionibus siderum subdi. Quod si dicantur stellae significare ista potius
quam facere, quid est quod nunquam dicere potuerunt cur in vita geminorum, in
actionibus, in eventibus, professionibus, actibus, honoribus, ceterisque
rebus ad humanam vitam pertinentibus, atque in ipsa morte plerumque sit tanta
diversitas, ut similiores sint multi extranei quam ipsi inter se gemini, per
exiguum temporis intervallum in nascendo separati, in conceptu autem per
concubitum uno etiam momento seminati? Quod ergo conantur efficere de intervallo exigui
temporis quod ipsi inter se gemini dum nascerentur habuerunt, non tantum
valet quanta invenitur in geminorum voluntatibus, actibus, moribus casibusque
diversitas. Quidam vero non astrorum constitutionem, sed
omnium connexionem seriemque causarum, quam Dei summi tribuunt voluntati et
potestati, fati nomine appellant. Si quis ergo res humanas fato tribuit quia
ipsam Dei voluntatem vel potestatem fati nomine appellat, sententiam teneat,
linguam corrigat, quoniam fati nomen solet a loquentibus poni in siderum
constitutione. Unde voluntatem Dei fati vocabulo non nuncupamus, nisi forte
ut fatum a fando, idest a loquendo, dictum intelligamus. Scriptum est enim:
semel locutus est Deus: duo haec audivi. Unde non est multum cum eis de verbi
controversia laborandum atque certandum. Augustinus contra Faustum. Si autem sub fato
stellarum nullius hominis Genesim ponimus ut liberum arbitrium voluntatis ab
omni necessitatis vinculo vindicemus, quanto minus illius temporalem
generationem sub astrorum conditionem credimus factam, qui est universorum
aeternus creator et dominus? Itaque illa
stella quam viderunt magi, Christo secundum carnem nato, non ad decretum
dominabatur, sed ad testimonium famulabatur. Proinde non ex illis erat
stellis quae ab initio creaturae itinerum suorum ordinem sub creatoris lege
custodiunt, sed novo virginis partu novum sidus apparuit, quod ministerium
officii sui etiam ipsis magis quaerentibus Christum, cum ante faciem
praeiret, exhibuit, donec eos usque ad ipsum locum ubi Deus verbum infans
erat, praeeundo perduceret. Quidam autem astrologi ita constituerunt
nascentium hominum fata sub stellis, ut aliquam stellarum, homine aliquo
nato, circuitus sui ordinem reliquisse, et ad eum qui natus est, perrexisse
asseverent. Sortem quippe nascentis astrorum ordini colligari arbitrantur, non
astrorum ordinem ad hominis nati diem posse mutari. Quapropter si stella illa
ex his erat quae in caelo peragunt ordines suos quomodo poterat discernere
quid Christus acturus erat, quae nato Christo iussa est relinquere quod
agebat? Si autem, ut probabilius creditur, ad demonstrandum Christum, quae
non erat, exorta est; non ideo Christus natus quia illa extitit, sed illa
extitit quia Christus natus est; unde si dici oporteret, non stellam Christo,
sed Christum stellae, fatum fuisse diceremus: ipse quippe illi, non illa huic
nascendi attulit causam. Chrysostomus super Matth. Non est hoc etiam
astronomiae opus a stellis scire eos qui nascuntur, sed ab hora nativitatis
futura praedicere; hi autem tempus nativitatis non cognoverunt, ut hinc
sumentes initium a stellarum motu futura cognoscerent, sed e converso. Dicunt ergo vidimus stellam eius. Glossa. Idest propriam, quia hanc
creavit ad ostensionem sui. Augustinus in Serm. 2 de Epiph. Pastoribus
Angeli, magis stella Christum demonstrat: utrisque loquitur lingua caelorum,
quia lingua cessaverat prophetarum. Caelos Angeli habitant, et sidera
exornant: utrisque ergo caeli enarrant gloriam Dei. Gregorius in Evang. Et rationabiliter Iudaeis,
tamquam ratione utentibus, rationale animal, idest Angelus, praedicare
debuit. Gentiles vero, quia ratione uti nesciebant, ad cognoscendum dominum
non per vocem, sed per signa perducuntur, quia et illis prophetiae tamquam
fidelibus, et istis signa tamquam infidelibus data sunt. Eisdem autem
gentibus Christum, cum perfectae esset aetatis, apostoli praedicant, eumque
parvulum et necdum per humanitatis officium loquentem stella gentibus
denuntiat: quia nimirum rationis ordo poscebat ut loquentem iam dominum
loquentes nobis praedicatores, et necdum loquentem elementa muta praedicarent.
Leo Papa in Serm. 3 de Epiph. Ipse etiam
Christus expectatio gentium, de quibus quondam beatissimo patri Abrahae
innumerabilis fuit promissa successio, non carnis semine, sed fidei
fecunditate generanda; et ideo stellarum multitudini comparata, ut ab omnium
gentium patre, non terrena, sed caelestis progenies speraretur. Ad credendum ergo promissae posteritatis heredes in sideribus
designati, ortu novi sideris excitantur, ut in quo caelum est adhibitum in
testimonium, caeli famuletur obsequium. Chrysostomus in Matth. Quoniam autem non
caelestium una stellarum haec fuit, manifestum est; nulla enim alia stellarum
hac via procedit; haec enim ab oriente in meridiem ferebatur, ita enim
Palaestina ad Persidem iacet. Secundo autem a tempore quo videbatur: non enim
in nocte apparuit tantum, sed in media die; quod non est virtutis stellae,
sed nec etiam lunae. Tertio, ab eo quod apparebat et occultabatur rursus: cum
enim intraverunt Hierosolymam, occultavit seipsam; deinde ubi Herodem
reliquerunt, seipsam monstravit. Neque etiam proprium
quemdam gressum habebat, sed cum oportebat ire magos, ibat: quando autem
stare oportebat, stabat, sicut et de columna nubis erat in deserto. Quarto,
quia non sursum manens partum virginis ostendebat, sed deorsum descendens hoc
faciebat; quod non est stellae motus, sed virtutis cuiusdam rationalis; unde
videtur haec stella virtutis invisibilis fuisse in talem apparentiam formata. Remigius. Nonnulli dicunt hanc stellam fuisse
spiritum sanctum, ut ipse qui postea super baptizatum dominum descendit in
specie columbae, in specie stellae apparuerit magis. Alii dicunt fuisse
Angelum ut ipse qui apparuit pastoribus, apparuerit etiam magis. Glossa. Sequitur etiam in oriente. Utrum
stella in oriente orta sit, an ipsi ibi positi natam et occidentem viderint,
ambiguum est: potuit enim nasci in oriente et eos in Ierusalem perducere. Augustinus in Serm. de Epiph. Sed
dicturus es: a quibus audierunt quod talis, scilicet stella, Christum natum
significaret? Profecto ab Angelis aliqua monitione revelationis. Quaeris
fortassis: ab Angelis bonis an Leo Papa in Serm. 4 de Epiph. Vel
praeter illam stellae speciem quae corporeum incitavit obtutum, fulgentior
veritatis radius eorum corda perdocuit; et hoc quidem ad illuminationem fidei
pertinebat. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Vel
Iudaeorum natum regem intellexerunt, cum stella indice temporalis rex soleat
designari. Hi enim magi Chaldaei non malevolentia astrorum cursum, sed rerum
curiositate speculabantur. Sicut enim datur intelligi, traditionem Balaam
sequebantur, qui dixit: orietur stella ex Iacob. Unde videntes stellam extra ordinem mundi hanc intellexerunt quam
Balaam futuram indicem regis Iudaeorum prophetaverat. Leo Papa in Serm. 4 de Epiph. Potuerunt
autem illis credita et intellecta sufficere, ut corporali intuitu non
inquirerent quod plenissimo visu mentis inspexerant; sed diligentia sagacis
officii ad videndum usque puerum perseverans nostri temporis hominibus
serviebat, ut sicut omnibus nobis profuit quod post resurrectionem domini
vestigia vulnerum eius Thomae apostoli exploravit manus, ita ad nostram
utilitatem proficeret quod infantiam ipsius magorum probavit aspectus; unde
dicunt venimus adorare eum. Chrysostomus super Matth. Sed numquid
nesciebant quia in Ierusalem regnabat Herodes? Numquid non intelligebant quia
quicumque, rege vivente, alterum regem pronuntiat aut adorat, punitur in
sanguine? Sed dum considerabant regem futurum non timebant praesentem; adhuc
non viderant Christum, et iam parati erant mori pro eo. O
beati magi, qui ante conspectum crudelissimi regis, priusquam Christum
cognoscerent, Christi facti sunt confessores. |
Versets
1-2.
—
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Après ce miraculeux
enfantement, où le sein d’une Vierge plein de la divinité mit au monde, sans
perdre le sceau de sa pureté, un homme-Dieu dans le réduit obscur d’une
caverne, et sur le lit étroit d’une crèche, où l’infinie majesté reposait ses
membres si fragiles; pendant qu’un Dieu était suspendu au sein d’une mère
mortelle et enveloppé de misérables langes, on vit tout à coup un astre
nouveau briller du haut du ciel, dissiper l’obscurité qui couvrait l’univers entier
et changer la nuit en jour, afin que le jour ne demeurât pas enseveli dans
les ombres de la nuit. « Or Jésus
étant né, etc... », dit l’Évangéliste. —
Saint Rémi : Dans ces premiers mots du récit
évangélique, nous voyons trois choses: la personne: « Or Jésus étant né » ; le lieu: « à Bethléem
de Juda » ; le temps: « aux
jours du roi Hérode »; trois circonstances qui confirment la vérité
du fait que l’écrivain sacré va raconter. —
Saint Jérôme : (sur S. Matth.) Je pense que l’Évangéliste
avait d’abord écrit comme nous le lisons dans l’hébreu, de Juda, au lieu de Judée; car
quelle autre ville du nom de Bethléem existe chez les autres peuples, pour
qu’il ait cru devoir ajouter comme signe distinctif « de la
Judée » ? On conçoit très bien au contraire qu’il dise:
« de Juda », parce qu’il y avait dans la Judée une autre Bethléem
dont il est question au livre de Josué, fils de Navé (Js 19, 15). — La
Glose : Il y a en effet deux villes du nom de
Bethléem, l’une dans la tribu de Zabulon, l’autre dans la tribu de Juda, et
qui était autrefois appelée Ephrata. —
Saint Augustin : (de l’Accord des Evang. liv. II, chap. 5.) Saint Matthieu et saint Luc sont
d’accord pour ce qui concerne la ville de Bethléem, mais saint Luc seul donne
la raison et raconte les circonstances du voyage de Joseph et de Marie dans
cette ville, tandis que saint Matthieu n’en dit mot. C’est le contraire pour
les Mages qui vinrent d’Orient; saint Luc n’en dit rien, saint Matthieu en
parle. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Examinons pour quel motif
l’Évangéliste précise le temps de la naissance du Christ en ces termes: « aux jours du roi Hérode. »
Il veut ainsi prouver l’accomplissement de la prophétie de Daniel qui
annonçait que le Christ naîtrait après soixante-dix semaines d’années, car
depuis cette prophétie jusqu’aux jours d’Hérode, les soixante-dix semaines
d’années s’étaient écoulées. Disons encore: Tant que le peuple juif fut
gouverné par des rois de sa race quoique souvent bien coupables, Dieu envoyait
des prophètes pour remédier à ses maux. Mais lorsque la loi de Dieu vint à
tomber sous la puissance d’un roi inique et que la justice divine était comme
opprimée par la domination romaine, le Christ parut sur la terre, car à un
mal extrême et désespéré il fallait un médecin d’une habileté consommées. — Raban : Ou bien encore
l’Évangéliste fait mention de ce roi étranger pour montrer l’accomplissement
de cette prophétie (Gn 49): « Le sceptre ne sortira point de
Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que vienne celui qui doit être
envoyé. » —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) On rapporte que des brigands
iduméens, étant entrés dans la ville d’Ascalon, emmenèrent Antipater avec
d’autres captifs. Antipater fut donc élevé dans la religion des Juifs. Plus
tard il se lia d’amitié avec Hircan, roi de la Judée, qui l’envoya en
ambassade auprès de Pompée, et comme il réussit dans cette mission, il reçut
en récompense une partie de son royaume. Après la mort d’Antipater un
sénatus-consulte rendu sous le triumvir Antoine déclara son fils Hérode roi
des Juifs. Il est donc évident qu’Hérode avait cherché à régner sur la nation
juive, alors qu’ il ne tenait par aucun lien à elle. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
6 sur S. Matth.) L’Évangéliste dit « du roi Hérode » pour le
distinguer par ce titre de cet Hérode qui fit mettre à mort Jean-Baptiste. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Jésus étant donc né en ce
temps-là, voici que des Mages vinrent, c’est-à-dire aussitôt sa naissance,
pour reconnaître et proclamer un Dieu puissant sous les dehors d’un faible
enfant. —
Saint Rémi [référence à vérifier]: Les Mages sont des hommes qui font profession de philosopher sur
toutes choses, mais leur nom dans l’acception commune, est synonyme de celui
de magiciens; cependant ils ne sont pas considérés ainsi chez les Chaldéens,
dont ils sont comme les philosophes, et dont les rois et les princes se
conduisent en tout d’après les principes de cette science; ce fut aussi ce
qui leur fit connaître comme le premier lever du Seigneur [dans le monde]. — Saint Augustin : (serm.
4 sur l’Epiph.) Or, que furent
les Mages ? Les prémices des nations; les bergers étaient Israélites,
les Mages de la gentilité, ceux-là venaient de près, ceux-ci de loin; mais
les uns et les autres accoururent à la pierre angulaire. — Idem : (serm. 2.) Jésus donc ne se manifesta
ni aux savants ni aux justes; c’est l’ignorance qui l’emporte dans la
grossièreté des pasteurs et l’impiété dans les cérémonies sacrilèges des
Mages; celui qui est la pierre angulaire s’unit les uns et les autres, car il
est venu choisir ce qui est folie pour confondre les sages, il est venu
appeler les pécheurs et non les justes (1 Co 1, 27; Mt 9, 13; Mc 2, 17; Lc 5,
52), afin que toute grandeur cessât de s’enorgueillir, toute faiblesse de se
décourager. — La Glose : Les Mages étaient
des rois, et s’ils n’offrent que trois sortes de présents, ce n’est pas une
preuve qu’ils ne fussent absolument que trois, mais pour figurer par ce
nombre toutes les nations qui descendent des trois enfants de Noé et qui
devaient un jour embrasser la foi. Ou bien si ces princes n’étaient que
trois, ils avaient avec eux une suite nombreuse. Or, ce n’est pas un an après que le Christ
fut né qu’ils vinrent l’adorer, car alors il était en Égypte, et non plus
dans l’étable; mais ce fut le treizième jour après sa naissance. D’où
venaient-ils ? L’Évangéliste nous l’apprend en ajoutant: « de l’Orient. » —
Saint Rémi : Il faut savoir qu’il y a plusieurs
opinions sur les Mages. Les uns disent qu’ils étaient Chaldéens, parce que
les Chaldéens adoraient les étoiles en tant que divines, et ils prétendent
que leur dieu supposé leur a révélé la naissance du vrai Dieu; les autres
disent qu’ils étaient Perses; quelques-uns, qu’ils venaient des extrémités de
la terre; d’autres enfin, qu’ils étaient les descendants de Balaam, et c’est
le sentiment le plus probable, car Balaam entre autres choses a prédit « qu’une étoile sortirait de
Jacob. » Ses descendants, qui avaient connaissance de cette
prophétie, ayant vu briller une nouvelle étoile, comprirent que le Roi
qu’elle annonçait était né, et vinrent l’adorer. —
Saint Jérôme : C’est ainsi que les successeurs de
Balaam apprirent par la prophétie l’apparition future de cette étoile. Mais
on peut se demander comment les Mages habitant la Chaldée, la Perse, ou les
extrémités de la terre, ils ont pu venir en si peu de temps à Jérusalem. —
Saint Rémi : Quelques auteurs répondent que l’enfant
qui venait de naître a bien pu les amener en si peu de jours des extrémités
de la terre. — La Glose : On peut dire encore
qu’il n’est pas étonnant qu’ils aient pu arriver en treize jours à Bethléem,
montés sur des chevaux arabes et des dromadaires connus pour la vitesse de
leur marche. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Peut-être aussi sont-ils partis sous la conduite
de l’étoile qui les précédait deux ans avant la naissance du Christ, sans que
nourriture et boisson leur aient fait défaut pendant leur voyage. —
Saint Rémi : Ou bien si ces rois étaient successeurs
de Balaam, ils n’étaient pas éloignés de la terre promise, et ils ont pu
franchir en si peu de temps la distance qui les séparait de Jérusalem. Mais
alors on peut se demander pourquoi l’Évangéliste dit-il qu’ils sont venus de
l’Orient ? C’est que le pays qu’ils habitaient était en effet situé sur
la frontière orientale de la Judée. C’est du reste une belle idée que celle
qui les fait venir de l’Orient, parce que tous ceux qui viennent au Seigneur,
ne peuvent venir que par son inspiration et sous sa conduite, lui qui est le
véritable Orient, selon cet oracle du prophète: « Voici un homme, l’Orient est son nom. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien peut-être
viennent-ils réellement de l’Orient. La foi prend naissance dans les contrées
ou le jour se lève, parce qu’elle est la lumière des âmes. Ils partirent donc
de l’Orient, mais pour venir à Jérusalem. —
Saint Rémi : Cependant le Seigneur n’y était pas né,
mais c’est que tout en connaissant le temps, ils ignoraient le lieu de sa
naissance. Comme Jérusalem était la capitale du royaume, ils crurent qu’un
tel enfant n’avait pu naître que dans la ville royale. Peut-être aussi
était-ce pour accomplir cette prophétie: « C’est
de Sion que sortira la loi, et la parole du Seigneur de Jérusalem »,
car c’est là que le Christ a été annoncé en premier lieu. Enfin ce fut
peut-être pour condamner par l’empres-sement des Mages l’indifférence des
Juifs. Ils vinrent donc à Jérusalem et firent cette question: « Où est celui qui est né roi des
Juifs ? » —
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Les Juifs avaient vu
grand nombre de leurs rois naître et mourir, les Mages sont-ils venus
chercher et adorer l’un d’entre eux ? Non, car le ciel ne leur avait
appris l’existence d’aucun de ces rois. Ce n’est donc pas à un roi des Juifs,
semblable à ceux que Jérusalem avait vus dans ses palais, que ces Mages,
habitant des contrées lointaines, et tout à fait étrangers au royaume des
Juifs, croient devoir rendre de si grands honneurs; mais ils avaient appris
que le roi qui venait de naître était si grand qu’ils obtiendraient
infailliblement par là, en l’adorant, le salut qui vient de Dieu. En effet ce
roi n’était pas d’un âge à être servi par la foule des courtisans flatteurs,
la pourpre ne brillait pas sur ses épaules, ni le diadème sur sa tête, et ce
n’était ni le brillant entourage de ses serviteurs, ni l’appareil terrible de
ses armes, ni le bruit glorieux de ses victoires qui attiraient à lui des
extrémités de la terre des hommes qui venaient déposer à ses pieds leurs vœux
et leurs ardentes prières. Un enfant nouvellement né était couché dans une
crèche, joignant à un corps frêle une pauvreté qui devait le rendre
méprisable; mais sous ces dehors misérables se cachait quelque chose de
grand, et ce n’est pas de la terre qui le portait, mais du ciel qui se
chargeait de les instruire, que ces hommes, prémices des nations, avaient
appris ce qu’il était: « Nous
avons vu, disent-ils ensuite, son
étoile dans l’Orient. » Ils font connaître ce qu’ils ont vu, et en
même temps ils interrogent, ils croient et ils cherchent: figure de ceux qui
marchent à la lumière de la foi et qui désirent jouir de la claire vision. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
6 sur S. Matth.) Il fait savoir que les Priscil-lianistes qui
prétendent que tous les hommes naissent sous l’influence de différentes
constellations, cherchent un appui à leur erreur dans cette nouvelle étoile
qui apparut à la naissance du Seigneur, et ils pensent que c’est cette étoile
qui aurait été l’étoile de sa destinée. —
Saint Augustin : (contr. Faust.) Cette étoile, d’après Faustus,
n’aurait paru que pour confirmer sa naissance, d’où il conclut que l’Évangile
devrait bien plutôt s’appeler la Généside. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 10 sur
S. Matth.) Mais à Dieu ne plaise que les fidèles croient jamais à
l’existence d’un destin aveugle. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 5, chap. 1.) On entend
par destin, dans le langage ordinaire, l’influence de certaine position des
astres, telle que celle qui correspond à la conception ou à la naissance des
hommes. Il en est qui placent cette influence en dehors de la volonté de
Dieu, blasphème que doivent repousser avec horreur tous ceux qui adorent un
Dieu quel qu’il soit; d’autres disent que cette grande influence donnée aux
astres vient de la souveraine puissance de Dieu, et ils ne peuvent faire une
plus grande injure au Ciel, lorsque dans sa cour si brillante ils font
décréter des crimes tels que si quelque ville sur la terre osait en commander
de semblables, elle serait condamnée à être détruite par le genre humain tout
entier. — Saint
Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si un homme devient homicide
ou adultère par l’influence d’une étoile, les étoiles sont grandement
injustes, et plus grandement encore celui qui les a créées, car puisque Dieu
connaît l’avenir, Il a prévu le mal que devait commettre cette étoile; s’il
n’a pas voulu le prévenir, il cesse d’être bon, et s’il l’a voulu sans le
pouvoir, sa puissance est nulle. D’ailleurs s’il dépend d’une étoile que nous
soyons bons ou mauvais, le bien que nous faisons ne mérite aucun éloge, ni le
mal aucun blâme, car nos actions ne sont plus volontaires. Pourquoi serais-je
puni d’un mal qui n’est pas le fruit de ma volonté, mais de la
nécessité ? D’ailleurs cette doctrine insensée détruirait les
commandements de Dieu qui nous défendent le mal, ou qui nous exhortent au
bien. Comment en effet commander à un homme de fuir le mal qu’il ne peut
éviter, ou de faire le bien auqel il ne peut parvenir ? —
Saint Grégoire de Nysse : Dès lors que l’on vit sous
la loi de la fatalité, il est inutile de prier, la providence de Dieu est
bannie du monde aussi bien que la piété, l’homme n’est plus qu’un instrument
dépendant du cours des astres, car dans leur pensée, les mouvements des corps
célestes déterminent non seulement les actions du corps, mais encore les
pensées de l’âme. Ainsi tous ceux en général qui soutiennent cette erreur,
détruisent tout ce qui est en nous, et la nature de tout être contingent. Et cela
n’est rien d’autre que le renversement de tout ce qui existe. Ou sera
désormais le libre arbitre ? Il faut cependant que ce qui est en nous
soit libre. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 5, chap. 6.) Il n’est
pas absolument contraire à la raison d’attribuer à l’influence les astres
certaines modifications, mais seulement dans les corps: ainsi voyons-nous que
c’est au rapprochement ou à l’éloignement du soleil qu’il faut attribuer les
diverses saisons, et aux phases de la lune qui croît et diminue, le
développement ou la décroissance de certaines choses créées comme les
coquillages, ou les admirables mouvements de l’Océan. Mais il ne faut pas
soumettre aux différentes positions des astres les volontés de notre âme. — [Et au chapitre 1er]: Dira-t-on que les astres sont
plutôt les signes que les mobiles déterminants de nos destinées ? Mais
alors comment n’a-t-on pu jamais expliquer pourquoi la vie des jumeaux, leur
manière d’agir, leurs succès, leurs professions, leurs actes, les honneurs
dont ils jouissent et tout ce qui compose la vie humaine, et la mort
elle-même, nous offrent la plupart du temps des différences si tranchées que
des étrangers ont si souvent entre eux bien plus de ressemblance que ces
jumeaux, dont la naissance n’a été séparée que par un bref instant et dont la
conception a été simultanée ? — [Au chapitre 2e]: Ils cherchent à établir leur opinion
sur le court intervalle de temps qui sépare la naissance de deux jumeaux;
mais qu’est-ce que cette légère différence auprès de la différence profonde
qui existe dans leurs volontés, dans leurs actes, dans leurs mœurs et dans
les événements de leur vie ? — [Aux chapitres 7 et 9]: Quelques-uns appellent du nom de destin non
pas les différentes positions des astres, mais la réunion et l’enchaînement
des causes secondes qu’ils font dépendre de la volonté et de la puissance de
l’Être souverain. Or, si vous soumettez au destin les choses humaines, tout
en appelant de ce nom la volonté et la puissance de Dieu, je vous dirai:
Conservez votre manière de penser, mais modifiez vos expressions, car, dans
le langage ordinaire on est convenu d’appeler destin l’influence qui résulte
de la position des astres; et nous ne donnons pas ce nom à la volonté de Dieu
à moins que nous ne fassions venir le mot « destin », du mot « parler »
(fatum, en latin vient de fando); car il est écrit: « Dieu a parlé une fois, j’ai entendu
ces deux choses. » Ce n’est donc pas la peine de nous épuiser avec
eux dans une vaine dispute de mots. —
Saint Augustin : (contre Faust., liv. 2, chap. 5.) Si nous
refusons de placer la naissance d’aucun homme sons l’action fatale des
étoiles, afin d’affranchir le libre arbitre de sa volonté de toute chaîne que
la nécessité voudrait lui imposer, à combien plus forte raison
refuserons-nous d’admettre que la naissance du Seigneur éternel et du
Créateur de toutes choses ait été soumise à l’influence des astres. Ainsi,
cette étoile que les Mages ont vue à la naissance humaine du Christ ne lui
imposait pas une destinée tyrannique, mais obéissait à ses ordres en lui
rendant témoignage. Elle n’était donc pas un de ces astres qui depuis le
commencement du monde gardent fidèlement sous la loi du Créateur la route
qu’il leur a prescrite, mais c’était un nouvel astre créé pour cet
enfantement nouveau de la Vierge, et elle avait pour mission de guider les
Mages qui cherchaient le Christ, en marchant devant eux, jusqu’à ce qu’elle
les eût conduits en les précédant à l’endroit où le Seigneur, où le Verbe
s’était fait enfant encore sans parole. Certains astrologues qui font
tellement dépendre des astres la destinée des hommes qui naissent à la vie,
qu’ils assurent qu’à la naissance de l’un d’eux une des étoiles abandonne
l’orbite dans lequel s’accomplit sa révolution pour venir au-dessus du
berceau de l’enfant qui vient de naître ; ils prétendent que c’est la
destinée de cet enfant qui se trouve liée au cours des astres, et non pas le
cours des astres qui puisse être modifié par sa naissance. Si donc cette
étoile était une de celles qui accomplissent leur révolution dans les cieux,
comment pouvait-elle connaître ce que le Christ allait faire, elle qui, à la
naissance du Christ, se trouvait détournée du mouvement qu’elle
accomplissait ? Si, au contraire, ce qui est plus probable, elle
n’existait pas auparavant, et qu’elle n’ait été créée que pour faire
découvrir le Christ, le Christ n’est pas né parce qu’elle existait, mais elle
a reçu l’existence parce que le Christ était né. Aussi, s’il était permis de
s’exprimer de la sorte, nous dirions que ce n’est pas l’étoile qui a été le
destin pour le Christ, mais le Christ qui a été le destin pour l’étoile, car
c’est le Christ qui a été la cause de son existence, ce n’est pas l’étoile
qui a été la cause de la naissance du Christ. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
6 sur S. Matth.) L’objet de l’astronomie n’est pas
de demander aux astres quels sont ceux qui naissent, mais de prévoir la
destinée d’un homme par l’heure de sa naissance. Or les Mages ne connurent
pas l’heure de la naissance du Christ, pour deviner par le mouvement des
étoiles ses destinées futures; tout au contraire nous les entendons dire: « Nous avons vu son étoile. » — La Glose : C’est-à-dire son
étoile à lui, celle qu’il a créée pour le faire connaître. —
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Les anges annoncent la
naissance du Christ aux bergers, une étoile la fait connaître aux Mages, le
ciel parle en son langage aux uns comme aux autres, parce que la voix des
prophètes avait cessé de se faire entendre. Les anges habitent les cieux, les
astres leur servent d’ornement: ce sont donc les cieux qui racontent aux uns
et aux autres la gloire de Dieu. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 10 sur
l’Evang.) La raison ne peut qu’approuver le choix que Dieu a fait d’un
être raisonnable, c’est-à-dire d’un ange, pour annoncer Jésus-Christ aux
Juifs comme à des hommes qui faisaient usage de leur raison, tandis que les
Gentils, qui ne savaient pas recourir à la lumière de la raison, sont amenés
à la connaissance de Jésus-Christ, non par la parole humaine, mais par un
signe miraculeux. Les prophéties ont été données aux premiers comme à des
hommes qui avaient la foi, et les miracles opérés devant les seconds à cause
de leur incroyance. A ces mêmes nations, les apôtres prêchèrent Jésus-Christ
à la plénitude de l’âge parfait, tandis qu’une étoile le leur annonce alors
qu’il est petit entant et encore incapable de parler, parce que l’analogie
demandait que les prédicateurs fissent connaître par leurs discours le
Seigneur alors qu’il parlait lui-même, et que les éléments muets fussent
chargés de l’annoncer lorsqu’il ne faisait pas encore usage de la parole. —
Saint Augustin [référence à vérifier]: (serm. sur l’Epiph.) Le Christ était lui-même l’attente des nations dont l’innombrable
postérité fut autrefois promise à notre bienheureux père Abraham, postérité
qui devait se multiplier non par la propagation de la chair, mais par la
fécondité de la foi. Dieu compare ses descendants à la multitude des étoiles
pour exciter dans l’âme du père de toutes les nations l’attente d’une
postérité toute céleste et qui n’a rien de la terre. C’est donc par
l’apparition d’une nouvelle étoile que les héritiers, figurés par les étoiles,
sont appelés à former cette postérité qui est l’objet des promesses, afin que
les astres du ciel qui avaient rendu témoignage à la promesse rendent encore
hommage à la vérité de son accomplissement. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
6 sur Matth.) Il est évident que cette étoile ne fut
pas une des étoiles du ciel, car il n’en est aucune dont le mouvement se
dirige comme celle-ci du nord au midi, puisque telle est la position de la
Perse par rapport à la Palestine. On peut encore le conclure du temps où elle
apparut, car ce n’était pas seulement pendant la nuit, mais en plein jour
qu’elle était visible, et aucune étoile, ni la lune même, n’ont une telle
puissance. Une troisième preuve, c’est que tantôt elle brillait, tantôt elle
disparaissait; lorsque les Mages entrent à Jérusalem, elle se cache; aussitôt
qu’ils ont quitté le roi Hérode elle reparaît; elle n’avait même pas de
marche qui lui fût propre, elle allait quand il fallait que les Mages se
mettaient en marche, quand il fallait qu’ils s’arrêtent, elle s’arrêtait,
comme autrefois la colonne de nuée dans le désert. Quatrièmement, ce n’est
pas en restant dans les hauteurs des cieux, mais en descendant à la portée
des yeux, qu’elle indiquait aux Mages le lieu où la Vierge avait enfanté, ce
qui n’est pas le fait d’une étoile qui suit sa route ordinaire, mais d’une
puissance intelligente; d’où l’on peut conclure que cette étoile était une
vertu invisible voilée sous l’apparence d’un astre visible. —
Saint Rémi : Quelques uns disent que cette étoile
était l’Esprit saint qui voulut apparaître aux mages sous la forme d’une
étoile, comme il apparut plus tard sous la forme d’une colombe sur Notre
Seigneur après son baptême. D’autres pensent que ce fut un ange, c’est-à-dire
que celui qui apparut aux bergers serait le même qui serait apparu aux mages. — La Glose : Le texte ajoute: « dans l’Orient. » L’étoile
se leva-t-elle dans l’Orient, ou les Mages de l’Orient où ils étaient la
virent-ils se lever à l’Occident ? C’est ce qu’on ne sait pas; elle a pu
très bien se lever en Orient et les conduire à Jérusalem. —
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Vous me demanderez: Qui
donc leur avait appris que cette étoile annonçait la naissance du
Christ ? Sans doute les anges par voie de révélation. Était-ce de bons
ou de mauvais anges ? Les mauvais anges, c’est-à-dire les démons, ont
eux-mêmes confessé que le Christ était fils de Dieu. Mais pourquoi ne
seraient-ce pas les bons anges qui auraient été chargés de cette mission,
puisqu’en les portant à adorer le Christ c’était leur salut qu’on avait en
vue et non pas le règne de l’iniquité ? Les anges purent donc leur dire:
L’étoile que vous avez vue, c’est le Christ; allez, adorez-le dans le lieu de
sa naissance, et jugez de la nature et de la grandeur de celui qui vient de
naître. —
Saint Léon le Grand, pape. (serm. 4. sur l’Epiph.) Indépendamment
de l’éclat de l’étoile qui frappa leurs yeux, un rayon plus brillant encore
de la vérité instruisit leurs cœurs, et c’était là une figure de la lumière
que la foi répand dans les âmes. —
Saint Augustin : (liv. des quest. du Nouv. et de l’Anc. Test., chap. 63.) Ou bien encore ils comprirent que le roi des Juifs était
né parce que l’étoile était une marque ordinaire de la royauté temporelle. En
effet, ces Mages n’étudiaient pas le cours des astres dans des intentions
coupables, mais pour satisfaire le désir qu’ils avaient de connaître. Comme
il y a tout lieu de le croire, ils suivaient la tradition de Balaam, qui
avait dit autrefois (Nb 24): « Une étoile se lèvera de
Jacob. » On comprend donc qu’en voyant une étoile paraître dans le
ciel en dehors du système de l’univers, ils jugèrent que c’était l’étoile
prédite par Balaam comme signe de la naissance du roi des Juifs. —
Saint Léon le Grand, pape (serm. 4 sur l’Epiph.) Ce que les Mages avaient cru et ce qu’ils
avaient compris pouvait leur suffire, et ils n’avaient pas besoin d’examiner
des yeux du corps ce qu’ils avaient vu des yeux de l’âme; mais ce zèle, cet
empressement, cette persévérance qui les conduisirent jusqu’au berceau du Seigneur
étaient dans l’intérêt des hommes de notre temps, car de même que l’apôtre
saint Thomas, en touchant de sa main les cicatrices des plaies de Notre
Seigneur après sa résurrection, nous a été, à tous, grandement utile, de même
il nous est avantageux que les Mages aient constaté de leurs yeux l’enfance
du Seigneur. Ils disent donc: « Nous
sommes venus l’adorer. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ignoraient-ils donc qu’Hérode régnait dans Jérusalem ? Ne savaient-ils pas que tout homme qui du vivant d’un roi prononce le nom d’un autre roi ou lui rend hommage, paie cette témérité de sa vie ? Mais, l’œil fixé sur le roi de l’avenir, ils ne craignent pas celui qui règne actuellement; ils n’avaient pas encore vu le Christ, et déjà ils étaient prêts à mourir pour lui. Heureux Mages, qui avant de connaître le Christ l’ont confessé en présence du plus cruel des tyrans ! |
Lectio 2 [85349] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 2 Augustinus in Serm. de Epiph. Sicut magi
desiderant redemptorem, ita Herodes timet successorem; unde sequitur audiens
autem Herodes rex, turbatus est. Glossa. Rex dicitur ut ex collatione eius qui
quaeritur, hic intelligatur extraneus. Chrysostomus super Matth. Et ideo turbatur
audiens regem natum Iudaeis ex genere Iudaeorum, cum esset ipse genere
Idumaeus, ne regno revoluto iterum ad Iudaeos, ipse a Iudaeis expelleretur,
et semen eius post ipsum praecideretur a regno: semper enim grandis potestas
maiori timori subiecta est; sicut enim rami arborum in excelso positarum,
etiam si levis aura flaverit, moventur, sic et sublimes homines etiam levis
nuntii fama conturbat; humiles autem, sicut in convalle, plerumque in
tranquillitate consistunt. Augustinus in Serm. 2 de Epiph. Quid
autem erit tribunal iudicantis, quando superbos reges timere faciebat
nativitas infantis? Pertimeant reges ad
patris dexteram iam sedentem, quem rex impius timuit adhuc matris ubera
lambentem. Leo Papa in Serm. 4 de Epiph. Superfluo tamen,
Herodes, timore turbaris: non capit Christum regio tua, nec mundi dominus
potestatis tuae coepit esse contentus angustiis. Quem
in Iudaea regnare non vis, ubique regnat. Glossa. Vel non solum propter se timuit, sed
propter iram Romanorum; decreverant enim Romani ne quis rex vel Deus sine
eorum consilio diceretur. Gregorius in Evang. Caeli autem rege
nato, rex terrae turbatus est, quia nimirum terrena altitudo confunditur cum
celsitudo caelestis aperitur. Leo Papa in Serm. 6 de Epiph. Herodes etiam
Diaboli personam gerit, cuius sicut tunc fuit incentor, ita nunc quoque est
indefessus imitator. Cruciatur enim vocatione gentium, et
quotidiana potestatis suae destructione torquetur. Chrysostomus super Matth. Uterque ergo zelo
proprio turbatur, et sui regni successorem timebat: Herodes terrenum,
Diabolus autem caelestem. Ecce autem et Iudaicus populus turbatur, qui magis
de auditu isto gaudere debuerat quia rex Iudaeus surgere dicebatur. Sed
turbabantur quia de adventu iusti non poterant gaudere iniqui. Aut certe
turbantur ne forte iratus Iudaico regi genus eius vexaret; unde sequitur et
omnis Hierosolyma cum illo. Glossa. Volens illi favere quem timebat;
populus enim plus iusto eis favet quos crudeles sustinet. Sequitur et congregans omnes principes sacerdotum
et Scribas populi. Ubi nota diligentiam inquirentis, ut si invenerit, faciat
quod postea se velle ostendit; sin autem, excusatus sit Romanis. Remigius. Scribae autem dicti sunt, non tantum
ab officio scribendi, sed potius ab interpretatione Scripturarum; erant enim
legis doctores. Sequitur sciscitabatur ab eis ubi Christus
nasceretur. Hic attendendum est, quia non dixit: ubi Christus natus est, sed
ubi nasceretur. Callide enim interrogavit eos, ut posset agnoscere si de rege
nato laetarentur. Christum autem vocat,
quia noverat inungi regem Iudaeorum. Chrysostomus super Matth. Ut
quid autem interrogat Herodes, qui non credebat Scripturis? Aut si credebat,
quomodo sperabat posse interficere illum quem regem futurum esse dicebant?
Sed Diabolus instigabat, qui credebat quod Scripturae non mentiuntur. Sic sunt
omnes peccatores, qui hoc ipsum quod credunt, perfecte credere non
permittuntur; quod enim credunt, veritatis est virtus, quae non potest esse
occulta; quod autem non credunt, excaecatio est inimici. Si enim perfecte
crederent, sic viverent quasi post modicum transituri de hoc mundo, non quasi
in aeternum mansuri. Sequitur at illi dixerunt: in Bethlehem
Iudae. Leo Papa in Serm. 1 de Epiph. Magi
quidem humano sensu significatum sibi regis ortum existimaverunt in civitate
regia esse quaerendum. Sed qui servi susceperat formam, et non iudicare
venerat, sed iudicari, Bethlehem praeelegit nativitati, Hierosolymam passioni.
Theodorus in Serm. Conc. Ephes. Si enim
maximam Romam elegisset civitatem, potentia civium mutationem orbis terrarum
factam putarent; si filius fuisset imperatoris, potestati utilitatem
adscriberent. Sed quid fecit? Omnia egena et vilia
elegit, ut divinitas cognosceretur orbem transformasse terrarum. Propterea
pauperculam elegit matrem, pauperiorem patriam, egenus fit pecuniis, et hoc
tibi exponit praesepe. Gregorius in Evang. Bene etiam in Bethlehem
nascitur: Bethlehem quippe domus panis interpretatur: ipse namque est qui
ait: ego sum panis vivus, qui de caelo descendi. Chrysostomus super Matth. Cum autem debuissent
celare mysterium regis praefiniti a Deo, maxime in conspectu alienigenae
regis, facti sunt non praedicatores operum Dei, sed proditores mysteriorum
eius; et non solum manifestant mysterium, sed etiam propheticum protulerunt
exemplum; unde subiungunt sic enim scriptum est per prophetam, scilicet
Michaeam: et tu Bethlehem terra Iuda. Glossa. Hoc sic ponit ut ab eis dictum est,
qui etsi non verba, veritatem sensus quodammodo ponunt. Hieronymus de optimo interpretandi genere. Unde
hic reprehenduntur Iudaei de ignorantia, quoniam prophetia dicit: tu
Bethlehem Ephrata, illi dixerunt tu Bethlehem terra Iuda. Chrysostomus super Matth. Sed adhuc ipsam
prophetiam praecidentes, interficiendorum parvulorum facti sunt causa: sic
enim scriptum erat: ex te exiet rex, qui pascet populum meum Israel, et dies
eius a diebus saeculi. Si ergo integram prophetiam protulissent, considerans
Herodes quia non erat rex terrenus cuius dies a diebus saeculi erant, in
tantum furorem non exarsisset. Hieronymus super Matthaeum, et super Michaeam. Est
autem sensus prophetiae talis: tu Bethlehem terra Iuda vel Ephrata (quod ideo
dicitur, quia est alia Bethlehem in Galgalis sita), quamvis parvus vicus sis
inter millia civitatum Iuda, tamen ex te nascetur Christus, qui erit
dominator Israel, qui secundum carnem de David est, de me tamen natus est
ante saecula; et ideo dicitur: egressus eius ab initio a diebus aeternitatis
quia in principio verbum erat apud Deum. Sed hoc ultimum, ut dictum est, Iudaei tacuerunt,
alia vero mutaverunt, vel propter ignorantiam, ut dictum est, vel ad maiorem
manifestationem, ut Herodi alienigenae intellectum prophetiae aperirent; unde
pro eo quod propheta dixit Ephrata, quod erat nomen antiquum et forte Herodi
ignotum, dixerunt terra Iuda; pro eo autem quod propheta dixerat: minima es
in milibus Iuda, volens ostendere parvitatem eius quantum ad populi
multitudinem, dixerunt nequaquam minima es in principibus Iuda, volentes
ostendere magnitudinem dignitatis provenientem ex dignitate principis
nascituri quasi dicerent: magna es inter civitates ex quibus principes
prodierunt. Remigius. Vel talis est sensus: quamvis minima
videaris inter urbes principatum habentes, tamen non es minima, quia ex te
exiet dux qui regat populum meum Israel. Dux autem iste Christus est, qui
populum fidelem regit et gubernat. Chrysostomus in Matth. Intende autem
certitudinem prophetiae; non enim dixit quod in Bethlehem erit, sed quod de
Bethlehem exiet, ostendens quod ibi solum nasceretur. Quomodo
autem habet rationem de Zorobabel haec dicta esse ut quidam dicunt? Non enim
exitus eius fuit a principio ex diebus saeculi, neque etiam ex Bethlehem
exivit, cum non in Iudaea, sed in Babylonia natus sit. Est etiam ad hoc,
testimonium quod dicit: nequaquam minima es, quia ex te exiet: nullus enim
alius illustrem fecit villam in qua nasceretur quam Christus. Post
nativitatem enim a finibus orbis terrarum veniunt visuri praesepe et tugurii
locum. Non autem dixit: ex te exiet filius Dei, sed dux qui pascet populum
meum Israel: oportebat enim in principio condescendere ut non
scandalizarentur, et quae ad salutem hominum pertinebant praedicare, ut magis
inducerentur. Mystice autem dicit qui regat populum meum Israel. Israel enim
hic dicit eos qui crediderunt ex Iudaeis; si autem non omnes Christus rexit,
eorum est accusatio. De gentibus autem interim tacuit ne scandalizaret
Iudaeos. Vide autem mirabilem dispensationem: Iudaei enim et magi simul se
invicem docent: Iudaei a magis audiunt quod Christum in orientis regione
stella praedicabat, et magi a Iudaeis quod prophetae antiquitus eum
nuntiaverunt; ut geminato testimonio confirmati, ardentiori fide expeterent
quem et stellae claritas et prophetiae manifestabat auctoritas. Augustinus in Serm. de Epiph. Poterat
enim stella quae magos perduxit ad locum ubi erat cum matre virgine Deus
infans, ad ipsam eos perducere civitatem; sed tamen subtraxit se, nec eis
prorsus apparuit, donec de civitate in qua Christus nasceretur et ipsi Iudaei
dicerent in Bethlehem Iuda: similes facti fabris arcae Noe, qui aliis ubi
evaderent, praestiterunt, et ipsi diluvio perierunt; similes lapidibus
milliariis viam ostenderunt, nec ipsi ambulare potuerunt. Audierunt
et abierunt inquisitores, dixerunt et remanserunt doctores. Nunc quoque
Iudaei simile aliquid nobis exhibere non desinunt: nonnulli enim Paganorum,
quando eis de Scripturis testimonia clare proferimus, ut noverunt Christum
ante prophetatum, suspecti ne forte a Christianis ista conficta sint, malunt
credere codicibus Iudaeorum; et sicut tunc magi fecerunt, Iudaeos dimittunt
inaniter lectitare, ipsi pergunt fideliter adorare. |
Versets 3-6
— Saint Augustin : Autant
les Mages désirent trouver un Rédempteur, autant Hérode craint de rencontrer
un successeur, comme l’indiquent les paroles suivantes: « ce qu’ayant appris le roi Hérode, il fut troublé. » — La Glose : On lui donne le nom
de roi afin que, par comparaison avec le roi que cherchent les Mages, il soit
convaincu de n’être qu’un étranger. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il est troublé de ce qu’un roi des Juifs vient de
naître du sein du peuple juif lui-même, parce qu’il est Iduméen, et qu’il
craint que, le sceptre revenant aux mains des Juifs, il ne soit chassé par
eux, et sa race à jamais exclue du trône. C’est ainsi que les grandes
puissances sont en proie à de plus vives terreurs. Les branches des arbres
plantés sur les hautes montagnes sont agitées par le moindre vent; ainsi ceux
qui sont élevés en dignité sont troublés par le bruit de la plus légère
nouvelle; ceux au contraire dont la condition est obscure, vivant comme dans
une vallée profonde, jouissent presque toujours d’une parfaite tranquillité. — Saint Augustin : (serm. 2 sur l’Epiph.) Que sera un jour le tribunal du Juge, alors que le berceau du petit enfant fait trembler les rois superbes sur leur trône ? Que les rois soient saisis de frayeur devant celui qui est assis à la droite du Père, puisqu’un roi impie a tremblé devant lui alors qu’il était encore suspendu au sein de sa mère. —
Saint Léon le Grand, pape, (serm. 4 sur l’Epiph.) Cependant tes craintes sont superflues, ô
Hérode, ton palais ne peut contenir le Christ, le maître du monde ne peut
être resserré dans les limites étroites de ton royaume; celui à qui tu veux
défendre de régner dans la Judée étend son règne partout. — La Glose : Peut-être n’est-ce
pas seulement pour lui-même qu’il craignait, mais encore la colère des
Romains qui avaient décidé qu’aucun roi, de même qu’aucun dieu ne serait
proclamé sans leur approbation. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 10 sur
les Ev.) A peine le roi du ciel est-il né que le roi de la terre est en
proie au trouble: c’est qu’en effet les hauteurs de la terre sont confondues,
lorsque les grandeurs du ciel viennent à se découvrir. —
Saint Léon le Grand pape, (serm. 6 sur l’Ep.) Hérode dans cette circonstance joue le rôle
du démon, et le démon, après avoir été son instigateur, se montre depuis son
infatigable imitateur, car la vocation des Gentils fait son tourment, et son
plus grand supplice est de voir tous les jours la destruction de son empire. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Tous deux sont troublés par
des inquiétudes personnelles, tous deux craignent un successeur, Hérode de
son royaume de la terre, le Diable du royaume des cieux. Or voici que le
peuple juif partage lui-même ce trouble, alors qu’il aurait dû se réjouir de
cette nouvelle; mais ce peuple en est troublé, parce que l’arrivée du Juste
ne peut être un sujet de joie pour les impies; ou bien ils étaient troublés
dans la crainte qu’Hérode, irrité contre le roi des Juifs, ne déchargeât sa
colère sur la nation dont il était sorti; c’est pourquoi l’auteur sacré
ajoute: « Et toute la ville de
Jérusalem avec lui. » — La Glose : La ville de
Jérusalem voulait flatter celui qu’elle craignait, car le peuple favorise
toujours plus qu’il ne le devrait ceux dont il supporte les violences. — Suite. « Et ayant
assemblé tous les princes des prêtres, etc... » Remarquez son
empressement à chercher le Christ; il veut, s’il le trouve, exécuter les
projets qu’il dévoilera plus tard, et s’il ne le trouve pas, se ménager une
excuse auprès des Romains. —
Saint Rémi : On les appelait scribes, non seulement
parce qu’ils transcrivaient [les livres de la loi], mais parce qu’ils
interprétaient les Écritures, car ils étaient docteurs de la loi. — Suite. « Il leur demanda
où le Christ devait naître. » Remarquez qu’il ne dit pas: « où le Christ est né »,
mais « où le Christ devait
naître. » Il les questionne avec astuce pour s’assurer s’ils se
réjouissaient de la naissance de ce nouveau roi. Il lui donne le nom de
Christ, parce qu’il savait que le roi des Juifs recevrait l’onction royale. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Mais pourquoi cette question
d’Hérode, s’il ne croyait pas aux Écritures ? Ou s’il y croyait, comment
pouvait-il se flatter de pouvoir mettre à mort celui dont elles prédisaient
la royauté ? Mais il était poussé par le démon qui sait que les
Écritures ne peuvent mentir. Ainsi sont tous les pécheurs: ce qu’ils croient,
il ne leur est pas donné de le croire parfaitement; ils croient, tant est
grande la puissance de la vérité qui ne peut rester voilée, et ils ne croient
point, aveuglés qu’ils sont par l’ennemi [du salut]. Car si leur foi était
parfaite, ils ne vivraient pas comme devant rester éternellement en ce monde,
mais comme devant en sortir après quelques instants de séjour. — Suite. Ceux-ci répondirent: « dans
Bethléem de Juda. » —
Saint Léon le Grand pape. (serm. 1 sur l’Epiph.) Les Mages guidés par un sentiment naturel
crurent qu’ils devaient chercher dans la capitale du royaume le roi dont la
naissance leur avait été révélée; mais celui qui avait daigné prendre la
forme d’un serviteur, et qui était venu pour être jugé, et non pas pour
juger, fit choix de Bethléem pour sa naissance et de Jérusalem pour sa
passion. — Théodore : (serm. au conc. d’Ephèse.) S’il avait
choisi Rome, la ville par excellence, on aurait pu croire que le changement
qu’il a opéré dans le monde était dû à la puissance des citoyens [romains];
s’il avait eu un empereur romain pour père, on aurait attribué ses succès à
son pouvoir. Qu’a-t-il donc fait ? Il a choisi tout ce qui a le
caractère de la pauvreté et de la bassesse, pour qu’il soit bien démontré que
c’est la puissance divine qui a transformé le genre humain; voilà pourquoi il
a fait choix d’une mère pauvre, et d’une patrie plus pauvre encore, voilà
pourquoi il naît dans l’indigence, et c’est ce que la crèche vint enseigner. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 8 sur
les Ev.) C’est par suite d’un dessein providentiel qu’il naît à Bethléem,
car Bethléem signifie maison du pain, et
il a dit de lui-même: « Je suis le
pain vivant descendu du ciel. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il semble que [les princes
des prêtres] auraient dû cacher le mystère du roi prédestiné de Dieu, surtout
en présence d’un roi étranger; et cependant, non contents de publier les
œuvres de Dieu, on les voit pour ainsi dire livrer ses mystères; et non
seulement ils les dévoilent, mais ils apportent à l’appui le témoignage du
prophète. Il est écrit chez le prophète Michée: « Et toi Bethléem, terre de Juda. » — La Glose : (Mi 5.) L’Évangéliste rapporte
cette prophétie telle qu’ils l’ont citée, en donnant plutôt le sens véritable
que le texte même du prophète Michée. —
Saint Jérôme : On peut reprocher ici aux Juifs leur
ignorance, car on lit dans le prophète Michée: « Et toi Bethléem
Ephrata » ? et non pas comme ils disent: « Et toi
Bethléem, terre de Juda. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Il y a plus encore, c’est qu’en supprimant une partie de la prophétie ils
sont devenus la cause du massacre des enfants. En effet la prophétie porte: « De
toi sortira le roi qui gouvernera mon peuple d’Israël, et ses jours sont
depuis les jours de l’éternité. » Si donc ils l’avaient citée dans
son entier, Hérode réfléchissant que ce roi dont la naissance date des jours
de l’éternité ne pouvait être un roi de la terre, ne serait pas entré dans
une si grande fureur. —
Saint Jérôme : (sur S. Matth. et Michée dans la Glose.) Or
voici le sens de cette prophétie: « Et toi Bethléem, terre de Juda,
ou Ephrata » (elle est ainsi désignée parce qu’il y avait une autre
Bethléem dans la Galilée), « quoique tu sois un petit bourg entre les
nombreuses villes de Juda, cependant c’est de toi que naîtra le Christ qui
régnera sur Israël, et qui sera de la race de David. Cependant je lui ai
donné naissance avant tous les siècles » ; c’est pour cela que
le prophète ajoute: « Sa génération est dès le commencement, dès
l’éternité, car au commencement le Verbe était en Dieu. » — La Glose : Quant à cette
dernière partie, les Juifs la supprimèrent comme nous l’avons dit, et ils
changèrent le reste de la prophétie, soit par ignorance comme nous l’avons
supposé, soit afin de rendre plus clair le sens de cette prédiction pour
Hérode, qui était un étranger; ainsi pour le mot qu’emploie le prophète, « Ephrata, »
qui était un mot ancien et qu’Hérode pouvait ignorer, ils mettent: « terre
de Juda, » au lieu de lire: « la plus petite entre toutes les
villes de Juda », avec le prophète lui avait voulu faire ressortir
le peu d’importance de cette ville relativement à l’immense multitude du
peuple de Dieu, ils dirent: « Tu n’es pas la moindre entre les
principales villes de Juda », afin de montrer la grande dignité que
faisait rejaillir sur elle la dignité du roi qui devait naître dans son sein;
paroles qui reviennent à celles-ci: Tu es grande entre toutes les cités qui
ont donné le jour à des princes. —
Saint Rémi : Ou bien on peut encore l’expliquer
ainsi: Quoique tu paraisses très petite au milieu des villes qui
commandent aux autres, cependant tu ne l’es pas en réalité, car de toi
sortira le chef qui conduira mon peuple d’Israël. Ce chef, c’est le
Christ qui conduit et gouverne le peuple fidèle. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
1 sur S. Matth.) Remarquez avec quelle
exactitude s’exprime le prophète; il ne dit pas: « Il sera dans
Bethléem », mais: « Il sortira de Bethléem », pour
indiquer ainsi que cette ville ne serait témoin que de sa nais-sance. Comment
peut-on rapporter cette prophétie à Zorobabel, comme quelques-uns le
prétendent ? Sa naissance ne date pas du commencement ni ses jours de
l’éternité; Il n’est pas non plus sorti de Bethléem, puisqu’il n’est pas né
dans la Judée, mais à Babylone. Une raison non moins forte c’est que la
prophétie ajoute: « Tu n’es pas la plus petite, parce que de toi
sortira », car aucun autre que le Christ n’a rendu célèbre le bourg
où il est né, et depuis sa naissance on vient des extrémités de la terre
visiter l’étable et la crèche où il est né. Si le prophète ne dit pas: « De
toi sortira le Fils de Dieu », mais: « De toi sortira le
chef qui conduira mon peuple d’Israël », c’est que dans les
commencements il fallait condescendre [à la faiblesse des Juifs], ne pas les
scandaliser, mais les attirer en leur faisant connaître ce qui avait rapport
au salut du genre humain. Il faut prendre dans un sens figuré les paroles
suivantes: « qui conduira mon peuple d’Israël » ; Israël
signifie ici ceux qui doivent croire d’entre les Juifs. Si tous ne se sont
pas rangés sous la conduite du Christ, ils ne peuvent s’en prendre qu’à
eux-mêmes. Le prophète n’a rien dit des Gentils et c’est encore pour ne pas
scandaliser les Juifs. Voyez cependant comme tout est ici admirablement
disposé. Les Juifs et les Mages s’instruisent mutuellement. Les Mages
apprennent aux Juifs qu’une étoile annonce le Christ dans l’Orient, et les
Juifs enseignent aux Mages que dans les temps anciens les prophètes l’ont
prédit, afin qu’affermis par ce double témoignage ils recherchent avec une
foi plus ardente celui que révélaient à la fois l’éclat de l’étoile et
l’autorité des prophéties. — Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) L’étoile qui conduisit les Mages au lieu où se trouvait le Dieu fait enfant avec la Vierge sa mère, aurait pu les conduire directement jusqu’à la ville même de Bethléem; cependant elle se cacha, et ne reparut que lorsque, ayant demandé aux Juifs dans quelle ville le Christ devait naître, ils en eurent obtenu cette réponse: « Dans Bethléem de Juda. » Les Juifs dans cette circonstance furent semblables aux ouvriers qui construisirent l’arche de Noé, et qui ne laissèrent pas de périr dans les eaux du déluge, après avoir fourni à d’autres le moyen de se sauver; ou bien encore, semblables aux pierres milliaires placées sur les routes, ils se contentèrent d’indiquer le chemin, sans pouvoir marcher eux-mêmes. Ceux qui cherchaient n’eurent pas plus tôt appris ce qu’ils demandaient qu’ils partirent aussitôt, tandis que les docteurs les renseignèrent et restèrent immobiles. Les Juifs ne cessent de nous offrir tous les jours le même spectacle. Lorsque nous apportons aux païens des témoignages évidents de l’Écriture pour leur prouver que Jésus-Christ a été prédit bien longtemps avant sa naissance, il en est quelques-uns qui tiennent ces témoignages pour suspects et comme inventés peut-être par les chrétiens, et qui préfèrent s’en rapporter aux exemplaires qui sont entre les mains des Juifs; ces païens font comme les Mages autrefois, ils laissent les Juifs lire et relire sans aucun fruit leurs Écritures, et s’empressant de venir adorer avec foi Jésus-Christ. |
Lectio 3 [85350] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 3 Chrysostomus super Matth. Postquam
audivit Herodes responsum duplici modo credibile: primum quia a sacerdotibus
fuerat dictum, deinde quia exemplo prophetico fuerat comprobatum, non tamen
ad devotionem flectitur nascituri regis, sed ad malitiam interfectionis eius
per dolum. Vidit enim quia non poterat magos nec blandimentis flectere nec
minis terrere nec auro corrumpere, ut consentirent in interfectionem regis
futuri; ideo illos decipere cogitavit; unde dicitur tunc Herodes clam vocatis
magis. Occulte autem vocavit eos ut non viderent Iudaei
quos habebat suspectos, ne forte quasi regem suae gentis amantes proderent
consilium eius. Diligenter didicit ab eis tempus stellae. Remigius. Idcirco diligenter, quia callidus
erat et timebat ne non reverterentur ad eum, ut tunc sciret quid ageret de
puero occidendo. Augustinus in Serm. 7 de Epiph. Ferme
autem biennio ante visa est stella mirantibus quid esset. Sed tunc
intelligitur indicatum eis cuius esset stella quae iamdiu videbatur, quando
natus est qui per illam significabatur. Sed postquam Christo nato revelatum
est magis, venerunt ab oriente, et tertiadecima die adoraverunt eum, quem
ante paucos dies natum fuisse didicerunt. Chrysostomus in Matth. Vel ante multum
tempus haec stella apparuit, quoniam multum tempus in itinere erant magi
consumpturi, ut confestim cum natus esset, Christo assisterent, eum in
fasciis adorantes, ut mirabilior appareret. Glossa. Secundum alios vero a die nativitatis
Christi creditur stella tantum apparuisse, et peracto officio, cum nova
esset, desiit esse. Ait enim Fulgentius: puer
natus novam stellam fabricavit. Cognito autem loco et tempore, personam pueri
vult non ignorare; unde dicit ite, et interrogate diligenter de puero. Illud praeceperat quod absque praecepto erant facturi. Chrysostomus in Matth. Non
autem dicit interrogate de rege, sed de puero: ei enim etiam nomen potestatis
inviderat. Chrysostomus super Matth. Ergo ut ad hoc eos
induceret, devotionem promittebat, et per eam gladium acuebat et malitiam
cordis sui humilitatis colore depingebat. Talis est consuetudo omnium
malignorum: quando aliquem in occulto gravius laedere volunt, humilitatem
illi et amicitias fingunt. Unde dicit et cum inveneritis, renuntiate mihi, ut
et ego veniens adorem eum. Gregorius in Evang. Adorare eum se velle
simulat, ut quasi hunc, si invenire possit, extinguat. Sequitur qui cum audissent regem, abierunt. Remigius. Audierunt magi Herodem ut
quaererent dominum, sed non ut ad eum reverterentur. Significabant
enim bonos auditores, qui bona quae audiunt a malis praedicatoribus faciunt;
sed tamen opera illorum non imitantur. |
Versets 7-8.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Hérode se trouvant en présence d’une réponse que rendait doublement
probable et le témoignage des prêtres et l’autorité des prophètes, ne se
détermine pas à rendre hommage au roi qui doit naître; mais il se laisse
aller au coupable désir de s’en défaire par ruse. Il a vu qu’il ne pouvait ni
ébranler les Mages par ses gentillesses, ni les effrayer par ses menaces, ni
les corrompre par son or, et les amener ainsi à consentir au meurtre du roi
qui leur est annoncé; il forme donc le dessein de les tromper. C’est ce
qu’indique l’Évangéliste par ces paroles: « Hérode ayant fait venir
les Mages en secret. » Il les appelle en secret, pour que les Juifs
ne se rendent pas compte qu’il se défiait d’eux et parce qu’il craignait que
le désir d’avoir un roi de leur nation ne fût pour eux un motif de trahir ses
desseins. « Il demanda donc aux Mages avec soin le temps où l’étoile
leur avait apparu. » —
Saint Rémi : Il les interroge avec soin, car c’était
un homme astucieux, et il craignait qu’ils ne revinssent pas le trouver pour
le renseigner sur l’enfant qu’il voulait mettre à mort. — Saint Augustin : (serm.
7 sur l’Epiph.) Cette étoile
leur avait apparu presque deux ans auparavant, et elle était pour eux [depuis
ce temps] un objet d’étonnement. Il faut donc admettre qu’ils n’apprirent ce
que signifiait cette étoile qu’ils voyaient depuis longtemps, qu’à la
naissance de celui qu’elle figurait; et c’est après qu’il leur fut révélé que
le Christ était né que les Mages vinrent de l’Orient, et qu’ils adorèrent le
treizième jour celui dont ils avaient appris la naissance quelques jours
auparavant. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 7 sur S. Matth.) Ou bien comme les
Mages devaient passer assez longtemps sur les routes, l’étoile leur
apparaissait depuis longtemps, afin qu’ils puissent se trouver au berceau du
Christ aussitôt qu’il serait né, et l’adorer enveloppé de langes qui le leur
rendaient plus admirable encore. — La Glose : Suivant d’autres,
cette étoile n’aurait apparu que le jour même de la naissance du Christ, elle
avait été créée pour cette mission, et aussitôt qu’elle l’eut remplie elle
disparut. —
Saint Fulgence dit en effet (serm. sur l’Epiph.): « L’enfant
nouveau-né créa une nouvelle étoile. » Après avoir pris des informations sur le
temps et sur le lieu, il veut aussi connaître la personne de l’enfant, et il
ajoute: « Allez et informez-vous exactement de l’enfant. »
Il leur enjoint de faire ce qu’ils avaient l’intention de faire eux-mêmes
sans avoir besoin de recommandation. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 7.) Il ne dit pas: « Informez-vous
du roi », mais « informez-vous de l’enfant », car il ne peut
souffrir qu’on lui donne ce nom, symbole de son autorité. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Pour les amener à ses
desseins, il promet d’aller lui rendre hommage, et sous ce manteau
d’hypocrisie il aiguise son glaive et veut dissimuler la perversité de son
cœur sous les dehors de l’humilité. Ainsi font tous les méchants: c’est quand
ils veulent porter en secret des coups plus terribles qu’ils font semblant de
s’abaisser et qu’ils prodiguent les marques d’amitié; c’est ce qui fait dire
à Hérode: « Lorsque vous l’aurez trouvé, faites-le moi savoir, pour
que j’aille moi aussi l’adorer. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 10 sur
les Ev.) Il feint de vouloir l’adorer, pour pouvoir plus facilement le
mettre à mort, s’il vient à le trouver. Suite: « Ayant entendu les paroles du
roi, ils partirent. » — Saint Rémi : Les Mages obéissent aux ordres d’Hérode pour chercher le Seigneur, mais non pour revenir le trouver; en cela ils étaient l’image de ceux qui écoutent la parole de Dieu dans un bon esprit; ils pratiquent les enseignements que leur donnent des prédicateurs vicieux, mais ils se gardent bien d’imiter leurs œuvres. |
Lectio 4 [85351] Catena in Mt.,
cap. Augustinus in Serm. de Epiph. Et ut
Christo plenum redderet obsequium, temperavit gradum, donec magos perduceret
ad puerum. Obsequium praebuit, non imperium adduxit:
supplices ostendit, hospitium radiavit amplissimo lumine, et tecta nati
perfudit, sicque discessit; unde sequitur usque dum veniens staret supra ubi
erat puer. Chrysostomus super Matth. Quid autem mirum si
soli iustitiae orituro stella ministrabat divina? Stetit enim supra caput
pueri, quasi dicens: hic est; ut quia loquendo monstrare non poterat, stando
demonstraret. Glossa. Hic autem apparet quod stella in aere
posita erat, et domui in qua puer erat multum vicina; aliter enim domum non
discrevisset. Ambrosius super Luc. Haec autem stella via
est, et via Christus est, quia secundum incarnationis mysterium Christus est
stella: ipse enim est stella splendida et matutina; unde ubi Herodes est, non
videtur; ubi autem Christus, rursum videtur, et viam monstrat. Remigius. Vel stella significat gratiam Dei,
Herodes Diabolum. Qui autem per peccatum se Diabolo subdit, mox gratiam
perdit; quod si per poenitentiam recesserit, mox gratiam invenit, quae non
dimittit donec perducat ad domum pueri, idest Ecclesiam. Glossa. Vel stella est illuminatio fidei, quae
ad proximum ducit, quam dum divertunt ad Iudaeos, magi amittunt: quia dum a
malis consilium quaerunt, veram illuminationem perdunt. |
Verset 9.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) On doit conclure de ces paroles que l’étoile, après avoir conduit les
Mages jusqu’aux portes de Jérusalem, se déroba à leurs regards et les
abandonna pour les forcer d’entrer dans cette ville et de demander aux
habitants où était le Christ, en même temps qu’ils le faisaient connaître
eux-mêmes. Cela se passa afin, premièrement, de confondre les Juifs, en
leur montrant des gentils qui, affermis dans la foi par la simple apparition
d’une étoile, cherchaient le Christ à travers des contrées inconnues, tandis
que les Juifs, nourris dès leur enfance des prophéties qui avaient le Christ
pour objet, ne voulaient pas le recevoir alors qu’il était né dans leur
propre pays. Cela se passa aussi pour que les prêtres interrogés sur le lieu
où devait naître le Christ, répondissent pour leur condamnation: « A
Bethléem », parce qu’en donnant à Hérode les explications qu’il
demandait sur le Christ, ils ne le connaissaient pas eux-mêmes. Après que les
Mages eurent obtenu la réponse à la demande qu’ils avaient faite, le texte
ajoute: « Et voici que l’étoile qui leur avait apparu dans l’Orient
les précédait. » Témoins de l’hommage rendu par l’étoile à cet
enfant, ils purent comprendre quelle était la dignité du nouveau roi. —
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Et pour que cet hommage
rendu au Christ soit plus éclatant, l’étoile ralentit sa marche jusqu’à ce
qu’elle eut amené les Mages aux pieds de l’enfant. Elle se mit à la
disposition des Mages, mais sans leur commander. Elle montra au Seigneur ceux
qui venaient l’adorer, éclaira la grotte d’une abondante lumière, inonda le
toit de cette étable de ses rayons éclatants et disparut ensuite. C’est ce
que l’Évangéliste indique lorsqu’il ajoute: « jusqu’à ce qu’étant
arrivée sur le lieu où était l’enfant, elle s’y arrêta ». —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Qu’y a-t-il d’étonnant que
le soleil de justice, sur le point de se lever, ait voulu être annoncé par
une étoile miraculeuse ? Elle s’arrêta au-dessus de la tête de l’enfant
comme pour dire: « C’est lui. » Elle le désignait en s’arrêtant
au-dessus de lui, parce qu’elle ne pouvait le faire en parlant. — La Glose : On voit par là que
cette étoile se trouvait dans notre atmosphère, et qu’elle était fort proche
de la maison où était l’enfant, autrement les Mages n’auraient pu distinguer
cette maison. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Cette étoile c’est la voie, et
la voie c’est le Christ, car par le mystère de son incarnation il est comme
une étoile, étoile brillante, étoile du matin, qu’on ne peut voir dans les
lieux ou règne Hérode, mais qui reparaît de nouveau là où habite le Christ
pour nous montrer le chemin. —
Saint Rémi : On peut dire encore que l’étoile figure
la grâce de Dieu, comme Hérode est le symbole du démon. Or celui qui se
soumet au démon par le péché perd aussitôt la grâce; s’il se détache du démon
par la pénitence, il recouvre immédiatement la grâce, qui ne le quitte pas
qu’elle ne l’ait conduit jusqu’à la maison de l’enfant, qui est l’Église. — La Glose : Ou bien encore l’étoile est la lumière de la foi qui conduit les âmes à Jésus-Christ et que les Mages voient disparaître en s’arrêtant chez les Juifs, car en demandant conseil aux méchants ils perdent la véritable lumière. |
Lectio 5 [85352] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 5 Glossa. Postquam praemisit stellae
obsequium, subiungit Evangelista magorum gaudium dicens videntes autem
stellam, gavisi sunt gaudio magno valde. Remigius. Et sciendum quod non satis fuit dicere
Evangelistae gavisi sunt, sed addidit gaudio magno et valde. Chrysostomus super Matth. Gavisi sunt quia
spes eorum non erat decepta, sed amplius confirmata, quod tanti itineris non
sine causa susceperunt laborem. Glossa. Gaudio gaudet qui propter Deum gaudet,
qui est verum gaudium. Addidit autem et magno, quia de magno gaudebant. Chrysostomus super Matth. Per mysterium enim stellae intelligebant quoniam dignitas tunc nati
regis excedebat mensuram omnium mundalium regum. Addidit
etiam valde. Remigius. Quia voluit ostendere quod magis
gaudent homines de rebus perditis quam semper possessis. Subditur autem et intrantes domum, invenerunt. Leo Papa in Serm. 4 de Epiph. Quantitate
parvum, alienae opis indigum, fandi impotentem, et in nullo ab humanae
infantiae generalitate discretum; quia sicut fidelia erant testimonia quae in
eo maiestatem invisibilis divinitatis ostenderent, ita probatissimum debebat
esse, sempiternam illam essentiam filii Dei veram suscepisse hominis naturam.
Cum Maria matre eius. Chrysostomus super Matth. Non diademate
coronata aut in lecto aureo recumbente, sed vix tunicam habente unam, non ad
ornamentum corporis, sed ad tegumentum nuditatis, qualem habere potuit
carpentarii uxor peregre constituta. Si ergo regem terrenum
quaerentes venissent, magis fuissent confusi quam gavisi, quia tanti itineris
laborem sine causa suscepissent. Nunc autem quia caelestem regem quaerebant,
etsi nihil regale videbant, in eo tamen solius stellae testimonio contenti,
gaudebant oculi eorum contemptibilem puerum aspicere, quia spiritus in corde
eorum terribilem eum monstrabat; unde procidentes adoraverunt eum; vident
enim hominem et agnoscunt Deum. Rabanus. Divino autem nutu factum est quod abierat
Ioseph, ne aliqua malae suspicionis occasio daretur gentibus. Glossa. Qui licet morem suae gentis in donis
offerendis sequantur Arabes enim auro, thure et diversis generibus aromatum
abundant tamen aliquid mysterii muneribus demonstrare volebant; unde sequitur
apertis thesauris, obtulerunt ei munera: aurum, thus et myrrham. Gregorius in Evang. Aurum quippe regi
congruit, thus vero in Dei sacrificium ponebatur, myrrha autem mortuorum
corpora condiuntur. Augustinus in Serm. de Epiph. Aurum igitur
solvitur quasi regi magno, thus immolatur ut Deo, myrrha praebetur quasi pro
salute omnium morituro. Chrysostomus super Matth. Haec autem
etsi tunc non intelligebantur secundum quale mysterium ista gerebant, vel
quid significaret unumquodque munus, eorum nihil contrarium est: gratia enim
quae illos haec omnia facere hortabatur, ipsa ordinaverat universa. Remigius. Et sciendum quod isti non singula
obtulerunt, sed singuli tria; et singuli cum suis muneribus regem, Deum et
hominem praedicaverunt. Chrysostomus super Matth. Erubescant ergo
Marcion et Paulus Samosatenus, qui nolunt videre quae magi viderunt, qui
Ecclesiae sunt progenitores, Deum in carne adorantes. Nam quod in carne vera
sit, panni monstrant et praesepe; quoniam autem non ut purum hominem adorant,
sed ut Deum, demonstrant dona quae Deo offerre decens erat. Confundantur et
Iudaei videntes se praeventos a magis, et neque post illos venire studentes.
Gregorius in Evang. Potest et in his
aliud intelligi. Auro namque sapientia designatur, Salomone teste, qui ait:
thesaurus desiderabilis requiescit in ore sapientis; thure, quod Deo
incenditur, virtus orationis exprimitur, secundum illud: dirigatur oratio mea
sicut incensum in conspectu tuo; per myrrham vero carnis mortificatio
figuratur. Nato ergo regi aurum offerimus, si in conspectu eius sapientiae
lumine splendemus; thus offerimus, si per orationum studia Deo redolere
valeamus; myrrham offerimus, si carnis vitia per abstinentiam mortificamus.
Glossa. Tres autem viri qui offerunt, significant
gentes de tribus partibus mundi venientes. Thesauros
aperiunt dum fidem cordis per confessionem ostendunt. Bene autem in domo
docentes ne thesaurum bonae conscientiae iactando propalemus. Offerunt tria
munera, hoc est fidem sanctae Trinitatis; vel apertis thesauris Scripturarum,
historicum, moralem, et allegoricum sensum offerunt, vel logicam, physicam et
Ethicam, dum illa fidei servire faciunt. |
Versets 10-11
— La Glose : Après avoir montré comment l’étoile
s’était mise au service des Mages, l’Évangéliste nous apprend quelle fut la
joie de ces derniers: « Lorsqu’ils virent l’étoile, ils furent
transportés d’une joie extrême. » — Saint Rémi : Et remarquez qu’il ne se contente pas de dire: « Ils furent dans la joie » mais: « Ils furent transportés d’une joie extrême. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ils furent transportés de
joie, parce que leur espérance, loin d’être trompée, se trouvait affermie, et
qu’ils ne s’étaient pas exposés inutilement aux fatigues d’un si long voyage: — La Glose : On est transporté
de joie quand on se réjouit pour Dieu, qui est la joie véritable.
L’Évangéliste ajoute: « d’une grande joie » parce que
l’objet de cette joie était considérable. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le ministère rempli par
cette étoile leur fit comprendre que la dignité du roi qui venait de naître
surpassait de beaucoup celle de tous les rois de la terre. L’auteur sacré
ajoute: « d’une joie extrême. » —
Saint Rémi : Il veut nous apprendre par là qu’on se
réjouit beaucoup plus des choses qu’on retrouve que de celles qu’on a
toujours possédées. — Suite : « Et entrant dans la maison, ils trouvèrent l’enfant. » —
Saint Léon le Grand. pape. (serm. 4 sur l’Epiph.) Ils le trouvèrent petit de taille, réduit
à avoir besoin du secours d’autrui, incapable de parler, ne différant en rien
de la norme des autres enfants; car de même que des témoignages
incontestables prouvaient qu’en lui se trouvait l’invisible majesté de Dieu,
de même il devait être démontré que cette nature éternelle du Fils de Dieu
s’était unie à la vérité de la nature humaine. — Suite : « avec Marie, sa
mère. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Elle n’était pas couronnée
du diadème, elle ne reposait pas sur un lit doré, elle avait à peine une
simple tunique, non point pour orner son corps, mais pour le couvrir, et
telle que pouvait en porter en voyage la femme d’un charpentier. Si donc ils
étaient venus chercher un roi de la terre, ils auraient été plus confus que
joyeux, de ce qu’un si grand voyage était pour eux sans résultat. Mais comme
le roi qu’ils cherchaient était le roi du ciel, bien qu’ils ne découvraient
en lui rien de royal, contents du seul témoignage que lui rendait l’étoile,
ils se réjouissaient à la vue de ce pauvre enfant dont l’Esprit saint leur
dévoilait au fond du cœur la redoutable majesté; c’est pour cela qu’ils se
prosternèrent pour l’adorer, car si leurs yeux ne voient en lui qu’un homme,
ils reconnaissent un Dieu. — Raban : Par une
disposition providentielle, Joseph se trouvait alors absent, pour ne point
donner aux Gentils l’occasion d’un soupçon injurieux. — La Glose : Bien qu’ils aient
suivi les usages de leur nation dans les dons qu’ils offraient au Seigneur,
les Arabes trouvant en abondance dans leur pays l’or, l’encens et des parfums
de toute espèce, cependant dans leur intention ces présents avaient une
signification mystérieuse. Le texte sacré ajoute donc: « ayant ouvert
leurs trésors, ils lui offrirent pour présents de l’or, de l’encens et de la
myrrhe. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 10 sur
les Evang.) L’or convient à la dignité royale, l’encens faisait partie
des sacrifices offerts à Dieu, et la myrrhe sert à embaumer les morts... —
Saint Augustin : (Serm. sur l’Epiph.) Ils lui offrent de l’or comme à un roi
puissant, l’encens comme à un Dieu, la myrrhe comme à celui qui devait mourir
pour le salut de tous. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Que les Mages n’aient pas
compris alors la grandeur du mystère qui les faisait agir ainsi, ou la
signification de chacun de leurs présents, peu importe, car la grâce qui leur
avait inspiré toute cette conduite avait tout disposé suivant ses vues. —
Saint Rémi : il ne faut pas oublier que chacun des
trois Mages ne présenta pas en particulier un seul de ces trois présents,
mais que chacun d’eux les offrit tous les trois, proclamant ainsi tous les
trois par la nature de leurs présents le roi, le Dieu et l’homme. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 7 sur
S. Matth.) Que Marcion et Paul
de Samosate rougissent donc, eux qui refusent de reconnaître ce qu’ont
reconnu les Mages, qui ont donné naissance à l’Église, et qui ont adoré Dieu
dans une chair mortelle. Que celui qu’ils adorent fût réellement revêtu d’un
corps mortel, les langes et la crèche le disent assez; mais qu’ils aient
adoré en lui non pas un simple mortel, mais un Dieu, nous en avons la preuve
dans les présents qu’il était juste d’offrir à la divinité. Que les Juifs
soient aussi couverts de honte, eux qui sont prévenus par les Mages, et qui
ne se mettent pas en peine de venir du moins à leur suite. — Saint Grégoire le Grand : (hom.
10.) On
peut encore donner une autre interprétation de ces présents. L’or signifie la
sagesse, au témoignage de Salomon qui dit: « Un trésor désirable se
trouve sur les lèvres du Sage » (Pv
21, 20), l’encens qu’on brûle devant Dieu figure la vertu de la prière, selon
ces paroles: « Que ma prière se lève comme l’encens en votre présence »;
la myrrhe est le symbole de la mortification de la chair. Nous offrons à ce
roi nouveau-né l’or lorsque nous resplendissons devant lui de l’éclat de la
sagesse; nous lui offrons l’encens lorsque par la prière nous exhalons devant
Dieu le parfum de nos hommages; nous lui offrons la myrrhe en mortifiant par
l’abstinence les vices de la chair. — La Glose : Ces trois hommes qui offrent à Dieu leurs présents figurent les nations venues des trois parties du monde. Ils ouvrent leurs trésors en manifestant la foi de leurs cœurs par le témoignage qu’ils en donnent. Ils les ouvrent dans l’intérieur de la maison pour nous apprendre à ne pas étaler par vanité aux yeux du public le trésor d’une bonne conscience; ils offrent trois présents, c’est-à-dire leur foi en la sainte Trinité. On peut dire encore qu’ils ouvrent les trésors des Écritures et qu’ils en tirent les trois sens historique, moral et allégorique; ou bien la logique, la physique et la morale, en tant qu’ils les soumettent à la foi. |
Lectio 6 [85353] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 6 Augustinus in Serm. de Epiph. Herodes
impius factus ex timore crudelis voluit desaevire. Sed quomodo poterat capere
eum qui ipsas fraudes venerat amputare? Ut ergo eius fraus elideretur,
sequitur et responso accepto. Hieronymus. Qui enim munera obtulerunt domino, consequenter
responsum accipiunt. Responsum, quod Graece
krematisthentes dicitur, non per Angelum fit, sed per ipsum dominum, ut
meritorum Ioseph privilegium demonstretur. Glossa. Fit autem haec responsio per
ipsum dominum quia nullus alius viam reversionis instituit nisi ille qui
dicit: ego sum via. Non tamen loquitur puer ad eos ne divinitas
ante tempus reveletur, et ut vera humanitas habeatur. Dicit autem et responso
accepto; sicut enim Moyses tacitus clamat, sic isti pie affectu interrogabant
quid divina iuberet voluntas. Dicit
autem per aliam viam reversi sunt in regionem suam, quia infidelitati miscendi
non erant Iudaeorum. Chrysostomus in Matth. Intuere autem magorum
fidem, qualiter non scandalizati sunt in seipsis dicentes: si magnus est puer
hic, quae necessitas fugae est et occultae recessionis? Hoc enim est verae
fidei non quaerere causas eorum quae fieri praecipiuntur, sed suaderi solum
ab eis. Chrysostomus super Matth. Si autem magi
Christum quasi terrenum regem quaesissent, invenientes eum, apud ipsum
mansissent; tunc autem adoraverunt et reversi sunt. Cum autem reversi
fuissent, manserunt colentes Deum magis quam ante, et praedicantes multos
erudierunt. Et denique cum Thomas ivisset ad provinciam
illam, adiuncti sunt ei; et baptizati, facti sunt executores praedicationis
ipsius. Gregorius in Evang. Magnum vero nobis
aliquid magi innuunt, quod in regionem suam per aliam viam revertuntur. Regio
quippe nostra Paradisus est, ad quem Iesu cognito redire per viam qua venimus
prohibemur. A regione etenim nostra superbiendo, inobediendo, visibilia
sequendo, cibum vetitum gustando discessimus; sed ad eam necesse est ut
flendo, obediendo, visibilia contemnendo, atque appetitum carnis refrenando
redeamus. Chrysostomus super Matth. Nec etiam erat
possibile ut qui ab Herode ad Christum venissent, redirent ad Herodem: qui
enim relicto Christo ad Diabolum transeunt per peccatum, frequenter per
poenitentiam revertuntur ad Christum. Qui enim fuit in innocentia, dum nescit
quid sit malum, facile decipitur; sed cum expertus fuerit malum quod invenit
et recordatus bonum quod perdidit, compunctus redit ad Deum. Qui autem
relicto Diabolo venit ad Christum, difficile redit ad Diabolum, quia dum
gaudet in bonis quae invenit et recordatur mala quae evasit, difficile redit
ad malum. |
Verset 12.
— Saint Augustin : L’impie
Hérode, que la crainte rendait cruel, voulait donner libre cours à sa fureur,
mais comment pouvait-il se rendre maître [par la ruse] de celui qui venait
détruire toutes les ruses ? C’est pour nous apprendre comment sa perfidie fut
déjouée que l’Évangéliste ajoute: « et ayant reçu en songe un
avertissement. » —
Saint Jérôme : Ceux qui ont offert leurs présents au
Seigneur en reçoivent un avertissement; cet avertissement (en grec :
krematisthentej), ce n’est point par un ange qu’il leur est donné, mais par
Dieu lui-même, pour rendre plus éclatant le privilège que Joseph devait à ses
vertus. — La Glose : Cet avertissement
vient du Seigneur lui-même, car nul autre ne peut indiquer la voie du retour
que celui qui a dit: « Je suis la voie. » Toutefois ce n’est
pas l’enfant qui leur parle, pour ne pas révéler sa divinité avant le temps,
et pour confirmer au contraire la vérité de son humanité. L’Évangéliste dit: « et
ayant reçu réponse », car
de même que Moïse criait vers Dieu tout en gardant le silence, de même les
Mages voulaient savoir par leurs pieux désirs ce qu’ordonnait la volonté
divine. Il est dit encore: « Ils s’en retournèrent en leur pays par
un autre chemin », parce
qu’ils ne devaient plus se mêler à l’incrédulité des Juifs. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
8 sur S. Matth.) Considérez la foi des Mages:
ils ne sont pas scandalisés de cet avertissement, et ils ne disent pas: Si
cet enfant est si puissant, pourquoi cette fuite, pourquoi ce retour
secret ? Un des caractères de la vraie foi, c’est de ne pas rechercher
les raisons des ordres qui nous sont donnés, mais d’y acquiescer avec
docilité. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si les Mages avaient
recherché le Christ comme un roi de ce monde, ils seraient demeurés près de
lui après l’avoir trouvé: tandis qu’après avoir adoré [ce roi du ciel] ils
s’en vont dans leur pays. Lorsqu’ils furent de retour, ils se montrèrent plus
qu’avant adorateurs fidèles du vrai Dieu; ils en instruisirent un grand
nombre par leurs prédications, et lorsque saint Thomas arriva plus tard dans
ces contrées, ils se joignirent à lui et après avoir reçu le baptême ils
devinrent ses coadjuteurs dans l’apostolat. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 10 sur
les Ev.) Les Mages en retournant dans leur pays par un autre chemin nous
donnent une grande leçon. Notre patrie, c’est le Paradis, et, après avoir
connu le Seigneur Jésus, nous ne pouvons y retourner par la voie que nous
avons d’abord suivie. En effet nous nous sommes éloignés de notre patrie par
l’orgueil, par la désobéissance, par l’attachement aux choses visibles, et en
goûtant au fruit défendu; nous ne pouvons y revenir que par les larmes, par
l’obéissance, par le mépris des choses de la terre et la mortification des
désirs de la chair. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) D’ailleurs il n’était pas possible que ceux qui avaient quitté Hérode pour venir trouver Jésus-Christ, retournent vers Hérode. Ceux en effet qui abandonnent Jésus-Christ et qui passent au démon par le péché, reviennent souvent à Jésus-Christ par la pénitence. Celui qui a vécu jusqu’alors dans l’innocence, ignore le mal et se laisse facilement tromper; mais lorsqu’il a connu par expérience le mal dans lequel il est tombé, et qu’il se rappelle le bien qu’il a perdu, il revient à Dieu, le repentir dans le cœur. Or l’homme qui abandonne le démon pour venir à Jésus-Christ revient difficilement au démon, parce que la joie qu’il goûte au milieu des biens qu’il a retrouvés, et le souvenir des maux auxquels il a échappé, lui rendent difficile le retour vers le mal. |
Lectio 7 [85354] Catena in Mt., cap.
2 l. 7 Rabanus. Hic praetermittit Matthaeus
diem purificationis, in qua oportebat primogenitum offerri in templo, et
agnum vel par turturum aut columbarum. Et quamvis timerent Herodem,
tamen non sunt ausi transgredi legem, quin ad templum puerum deferrent. Cum
itaque rumor de puero iam inciperet dilatari, mittitur Angelus qui in
Aegyptum faciat puerum transportari; unde dicit Angelus domini apparuit in
somnis Ioseph. Remigius. Per hoc quod semper Angelus Ioseph
in somnis apparuisse dicitur, mystice designatur quia illi qui a curis
terrenis et saecularibus negotiis quiescunt, perfrui angelica visione
merentur. Dicit ergo ei: surge et accipe puerum et matrem eius. Hilarius in Matth. Cum desponsatam eam iusto
significabat, coniugem nuncupavit; sed post partum mater tantum Iesu
ostenditur, ut quemadmodum iusto Ioseph deputaretur Mariae in virginitate
coniugium, ita venerabilis esse ostenderetur in Iesu matre virginitas. Chrysostomus super Matth. Non autem dicit:
accipe matrem et puerum eius: sed e converso, quia non propter matrem puer
natus est, sed propter puerum mater praeparata est. Sequitur et fuge in
Aegyptum. Quomodo autem filius Dei ante hominem fugit, aut
quis liberet de inimicis, si et ipse inimicos suos timet? Et primum quidem
oportet ut regulam humanae naturae quam suscepit conservet et in hac parte,
quia humanae naturae et puerilitati convenit fugere potestatem minantem;
deinde ut ceteri Christiani, cum necessitas persecutionis advenerit, fugere
non erubescant. Sed quare in Aegyptum? Recordatus est enim dominus, qui non
in finem irascitur, quanta mala fecerit super Aegyptum; ideo mittit filium
suum in eam et dat illi magnae reconciliationis signum, ut decem plagas
Aegypti una medicina sanaret; ut populus qui ante fuerat persecutor populi
primogeniti, custos fieret filii unigeniti; ut quia illi violenter dominati
sunt, isti cum devotione servirent; ut iam non irent ad mare rubrum
demergendi, sed vocarentur ad aquas Baptismatis vivificandi. Augustinus in Serm. de Epiph. Audi etiam
magni mysterii sacramentum. Moyses aliquando in Aegypto perfidis clauserat
diem; illuc Christus adveniens sedentibus in tenebris reddidit lucem; fugit
ut illuminaret, non fugit ut lateret. Sequitur et esto ibi usque dum dicam tibi;
futurum est enim ut Herodes quaerat puerum ad perdendum eum. Putabat enim
infelix tyrannus salvatoris adventu regali se solio detrudendum, sed non ita
est: non ad hoc venerat Christus ut alienam gloriam invaderet, sed ut suam
donaret. Sequitur qui consurgens, accepit puerum et matrem
eius nocte et secessit in Aegyptum. Hilarius in Matth. Scilicet idolis plenam: iam enim post Iudaeorum
insectationem Iudaeam relinquens, Christus ad gentes inanissimis religionibus
deditas, colendus infertur. Hieronymus in Matth. Quando igitur tollit
puerum et matrem eius ut in Aegyptum transeat, nocte tollit et in tenebris;
quando vero revertitur in Iudaeam, nec nox nec tenebrae ponuntur in Evangelio.
Chrysostomus super Matth. Omnis enim
perfectionis angustia nox est, refrigerium autem dies. Rabanus. Vel quia luce vera recedente,
lucis ipsius osores in tenebris remanserunt, ipsa vero redeunte illuminantur.
Chrysostomus in Matth. Vide autem statim
ipso nato tyrannum insanire, et quod mater cum puero ad extraneam effugatur
regionem, ut si tu incipiens alicui spirituali rei deservire, videaris
tribulari, non turberis, sed omnia viriliter feras, hoc habens exemplum. Beda. Quod enim dominus a parentibus sublatus
est in Aegyptum, significat electos saepius malorum improbitate suis
effugandos ex sedibus, vel etiam exilio damnandos. Si quidem ipse qui suis
erat praecepturus: cum vos persecuti fuerint in una civitate, fugite in
aliam, primus fecit quod praecepit, fugiendo hominem quasi homo in terra,
quem stella magis paulo ante adorandum monstravit ex caelo. Remigius. Quod autem dominus in Aegyptum
iturus esset praedixerat Isaias cum ait: ecce dominus ascendet super nubem
levem et ingredietur Aegyptum et disperdet simulacra Aegypti. Consuetudo
autem fuit istius Evangelistae omnia quae dixit confirmare, et hoc ideo, quia
Iudaeis scribebat; ideoque subiungit ut adimpleretur quod dictum est a domino
per prophetam dicentem: ex Aegypto vocavi filium meum. Hieronymus de optimo genere interpretandi. Hoc
Lxx interpretes non habent; sed in Osee propheta iuxta Hebraicam scribitur
veritatem: quia puer Israel est, et dilexi eum et ex Aegypto vocavi filium
meum, pro quo Lxx transtulerunt: quia parvulus est Israel, et dilexi eum, ex
Aegypto vocavi filium meum. Hieronymus super Osee. Hoc autem
testimonio utitur Evangelista, quia haec typice referuntur ad Christum. Notandum
enim, quod in hoc propheta et in aliis ita de adventu Christi et de vocatione
gentium praenuntiatur, ut radix historiae non penitus deseratur. Chrysostomus in Matth. Est etiam prophetiae
lex multa multoties dici de aliis, compleri autem in aliis; sicut de Simeone
et levi dictum est: dividam eos in Iacob et dispergam in Israel; quod non in
eis, sed in nepotibus completum est, quod et hic apparet. Christus enim
natura Dei filius est, et sic in eo vere prophetia completur. Hieronymus. Possumus autem et hunc locum
conciliare, et inducemus testimonium ex numeris: Deus ex Aegypto vocavit eum;
gloria eius sicut Unicornis. Remigius. Per Ioseph autem designatur
ordo praedicatorum, per Mariam sacra Scriptura, per puerum notitia
salvatoris, per persecutionem Herodis persecutio quam passa est Ecclesia in
Hierosolymis, per fugam Ioseph in Aegyptum transitus praedicatorum ad gentes
infideles: Aegyptus enim tenebrae interpretatur; per tempus quo fuit in
Aegypto spatium temporis ab ascensione domini usque ad adventum Antichristi;
per obitum Herodis extinctio invidiae in cordibus Iudaeorum. |
Verset
13-15.
— Raban : Saint Matthieu passe sous silence la cérémonie de la Purification dans laquelle on devait présenter au temple l’enfant premier-né, et offrir un agneau, ou deux tourterelles, ou deux petits de colombes. Malgré la crainte que leur inspirait Hérode, les parents de Jésus n’osèrent transgresser la loi qui les obligeait à porter l’enfant au temple. Mais lorsque le bruit de la naissance de l’enfant commença à se répandre, un ange fut envoyé pour avertir Joseph de transporter l’enfant en Égypte: « L’ange du Seigneur apparut en songe à Joseph », poursuit l’Évangéliste. —
Saint Rémi : L’ange est toujours envoyé à Joseph
pendant son sommeil, dit-on, et ce saint patriarche est la figure de ceux
qui, s’affranchissant des soins de la terre et des préoccupations du monde
méritent d’être favorisés de la vision des anges. L’ange lui dit donc: « Levez-vous,
prenez la mère et l’enfant. » —
Saint Hilaire : Pour exprimer qu’elle était fiancée
à cet homme juste, l’Évangéliste l’appelle son épouse; mais après
l’enfantement, il ne la présente plus que comme la mère de Jésus, [et ce
n’est pas sans raison]: ainsi, de même que le mariage avec le juste Joseph
devait être regardé comme le plus sûr garant de la virginité de Marie, de
même cette virginité était comme consacrée dans la mère de Jésus par sa
maternité divine. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’ange ne dit pas: « Prenez la mère et l’enfant », mais « prenez l’enfant et la mère »; car l’enfant n’est pas né pour la mère, mais la mère a été préparée pour l’enfant. — Suite : « et
fuyez en Égypte. » Mais comment le Fils de Dieu
peut-il fuir devant un homme ? Qui nous délivrera de nos ennemis, si
lui-même en est réduit à craindre les siens ? Il fallait d’abord qu’il
se soumît en cela aux conditions de la nature humaine qu’il avait prise,
conditions qui exigent que la nature humaine et l’enfance [abandonnée à
elle-même] fuient devant un pouvoir qui les menace. En second lieu, c’est une
leçon donnée aux chrétiens, qui ne doivent point rougir de prendre la fuite
lorsque la persécution la rend nécessaire. Mais pourquoi fuir en
Égypte ? Le Seigneur dont la colère ne dure pas éternellement, s’est
souvenu de tous les maux dont Il avait autrefois accablé l’Égypte, et il lui
envoie son Fils pour lui donner un signe éclatant de réconciliation. Il veut
ainsi guérir par cet unique remède les dix plaies anciennes de l’Égypte. Il
veut aussi que le peuple qui a été autrefois le persécuteur de son peuple
premier-né, devienne le gardien de son Fils unique; que ceux qui ont fait
peser sur ce peuple leur domination tyrannique servent son Fils avec dévotion,
et qu’au lieu d’aller s’engloutir dans les flots de la mer Rouge ils soient
appelés à se plonger dans les eaux vivifiantes du baptême. —
Saint Augustin : Prêtez l’oreille à ce grand
mystère. Moïse avait autrefois répandu une profonde nuit sur l’Égypte
perfide; le Christ en arrivant dans cette contrée rend la lumière à ceux qui
étaient assis dans les ténèbres; il fuit, mais c’est pour éclairer et non pas
pour se dérober à ses ennemis. — Suite. « Et demeurez-y jusqu’à ce que je vous le dise; car Hérode
cherche l’enfant pour le faire mourir. » Ce tyran infortuné
craignait d’être précipité de son trône par l’avènement du Seigneur; il se
trompait, le Christ n’était pas venu pour s’emparer de la puissance et de la
gloire des autres, mais pour communiquer la sienne. — Suite. « et il prit la mère et l’enfant pendant la nuit, et il se retira en Égypte. » —
Saint Hilaire : Ajoutez, « pleine d’idoles ».
C’est ainsi que persécuté par les Juifs il les abandonne [à leur ignorance]
et se présente pour en être adoré au monde de la Gentilité qui se complaît
dans les vaines religions. —
Saint Jérôme : Lorsque Joseph prend la mère et
l’enfant pour fuir en Égypte, c’est pendant la nuit et dans les ténèbres;
lorsqu’il retourne dans la Judée, il n’est plus fait mention dans l'Evangile ni
de la nuit ni de l’obscurité. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Les angoisses produites par
la persécution [« perfectio » ?]
sont comparées à la nuit, comme la consolation est figurée par la lumière du
jour. — Raban : Peut-être aussi
est-ce que les ennemis de la lumière restèrent plongés dans les ténèbres par
le départ de la lumière, et qu’ils furent de nouveau éclairés par son retour. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 8 sur
S. Matth.) Voyez, à peine
l’enfant est-il né, le tyran entre en fureur, et la mère avec l’enfant sont
obligés de fuir dans une terre étrangère. Si donc après vous être dévoués a
une œuvre spirituelle, la tribulation vient fondre sur vous, ne vous troublez
pas, mais profitez de cet exemple pour supporter tout avec courage. — Bède (hom. sur les SS.
Innocents.) Le Seigneur obligé de fuir en Égypte sur les bras de ses
parents nous apprend que souvent les bons sont chassés de leurs demeures, et
quelquefois même jetés en exil par la perversité des méchants. Jésus, qui
devait donner aux siens ce commandement: « Quand on vous persécutera
dans une ville, fuyez dans une autre », pratique le premier ce qu’il
recommande aux autres, et il fuit devant un homme, comme s’il était un homme
mortel, lui qu’une étoile du haut du ciel a présenté comme Dieu aux
adorations des Mages. —
Saint Rémi : Isaïe avait prédit cette fuite du
Seigneur en Égypte en ces termes (Is 19,
1): « Voici que le Seigneur est porté sur un nuage léger, il entrera
en Égypte et il renversera les idoles de l’Égypte. » Saint Matthieu a pour habitude d’appuyer
toujours ce qu’il avance de quelque témoignage, parce qu’il écrivait pour les
Juifs; c’est pour cela qu’il ajoute: « afin que cette parole que le
Seigneur avait dite par le prophète fut accomplie: « J’ai rappelé mon
Fils de l’Égypte. » —
Saint Jérôme : (De la meilleure manière d’interpréter) On
ne lit point cette prophétie dans les Septante, mais le texte hébreu d’Osée
porte littéralement: « J’ai aimé Israël lorsqu’il n’était qu’un
enfant; j’ai appelé mon Fils de l’Égypte, » ce que les Septante ont
traduit: « J’ai aimé Israël lorsqu’il n’était qu’un enfant, j’ai
appelé ses enfants de l’Égypte. » —
Saint Jérôme : (sur Osée.) L’Évangéliste cite ce témoignage
du prophète parce qu’il se rapporte figurativement au Christ. Il faut
remarquer en effet que ce prophète et tous les autres prédirent l’avènement
du Christ et la vocation des Gentils, en ne laissant jamais entièrement de
côté le fond historique du récit. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 8 sur
S. Matth.) C’est un des caractères de la prophétie dont l’application est
fréquente, que ce qu’elle prédit des uns s’accomplit en d’autres; nous en
avons un exemple dans cette prophétie qui avait pour objet Siméon et Lévi: « Je
les diviserai dans Jacob, et je les disperserai au milieu d’Israël », et qui n’a pas été accomplie dans ces
deux enfants de Jacob, mais dans leurs descendants. C’est ce que nous voyons
encore ici; car le Christ est le Fils de Dieu par nature et c’est en lui que
la prophétie a son véritable accomplissement. —
Saint Jérôme : Nous pouvons encore donner une autre
explication [en faveur de ceux qui se rendent difficilement], en produisant
ce témoignage tiré du Livre des
Nombres, [où Balaam dit]:
« Dieu l’a appelé de l’Égypte, sa gloire est comme celle du
rhinocéros. » — Saint Rémi : Joseph représente ici les prédicateurs de l’Évangile; Marie, la sainte Écriture; l’enfant, la connaissance du Seigneur; la persécution d’Hérode, celle qu’eut à souffrir la primitive Église à Jérusalem; la fuite de Joseph en Égypte, le passage des apôtres chez les nations infidèles (l’Égypte signifie les ténèbres); le temps qu’il resta en Égypte, celui qui sépare l’Ascension de la venue de l’Antéchrist; la mort d’Hérode, l’extinction de l’envie qui existait dans le cœur des Juifs. |
Lectio 8 [85355] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 8 Chrysostomus super Matth. Postquam
parvulus Iesus magos suo imperio subiugavit, non potestate corporis, sed
gratia spiritus, irascebatur Herodes, quia quos ipse sedens in throno regni
suadere non potuit, his Iesus parvulus placuit in praesepio iacens. Deinde
contemnentes eum, magi addiderunt causas doloris; unde dicitur tunc Herodes
videns quoniam illusus esset a magis, iratus est valde. Illa enim regum ira
magna et inextinguibilis est quam regni zelus accendit. Sed quid fecit?
Mittens occidit omnes pueros. Sicut enim bestia vulnerata, quicquid oculis
eius occurrit, quasi auctorem sui vulneris dilaniat, sic et ille delusus a
magis iram suam super parvulos diffundebat. Dicebat enim cogitans in furore:
certe magi puerum invenerunt, quem regnaturum dicebant: nam rex regni zelo
repletus, de his omnia timet, omnia suspicatur. Ideo ergo misit, et
interfecit omnes parvulos, ut unum inveniret in omnibus. Augustinus in Serm. de Epiph. Et dum
insequitur Christum, regi nostro coaevum procuravit exercitum stolis
victricibus candidatum. Augustinus in Serm. 3 de Innocent. Ecce
profanus hostis beatis parvulis nunquam tantum prodesse potuisset obsequio,
quantum profuit odio: nam quantum contra eos iniquitas abundavit, tantum
gratia benedictionis effulsit. Idem. O parvuli beati. Ille de vestra corona
dubitabit in passione pro Christo qui etiam parvulis Baptismum prodesse non
existimat Christi: nam qui natus habere potuit praedicatores Angelos,
narratores caelos, adoratores magos, potuit et illis, ne pro eo sic
morerentur, praestare, si sciret illa morte perituros, et non potius maiore
felicitate victuros. Absit ut ad liberandos homines Christus veniens, de
illorum praemio qui pro illo interficerentur, nihil egerit, qui pendens in
ligno pro eis a quibus interficiebatur, oravit. Rabanus. Non est autem contentus vastatione
Bethlehem, sed et adiacentia loca vastavit; nec ullam misericordiam aetatis
habuit, a filio unius noctis usque ad filium duorum annorum, qui omnes
occideret; unde subdit in Bethlehem et in omnibus finibus eius a bimatu et
infra. Augustinus. In caelo enim viderant magi
ignotissimam stellam non ante paucos dies, sed ante finem biennii, sicut
inquirenti Herodi patefecerunt; unde a bimatu et infra occidit infantes;
propter quod sequitur secundum tempus quod exquisierat a magis. Augustinus. Vel quia timebat ne puer cui
sidera famulantur, speciem suam paulo super aetatem vel infra transformaret,
vel aetatem sui temporis occultaret; ideo videtur pueros a bimatu usque ad
pueros unius diei interfecisse. Augustinus de Cons. Evang. Vel aliquorum magis
propinquantium periculorum terroribus agitatus, Herodes ab illa cura,
scilicet interficiendi pueros, mente abrepta, in aliis potius occupatur; vel
potuit credere, magos fallaci stellae visione deceptos, posteaquam non
invenerunt quem natum putaverant, erubuisse ad se redire; atque ita timore
depulso, a persequendo puero quievit, et sic completis diebus purgationis,
tute cum illo ascendere in templum potuerunt. Quis enim non videat unum illum
diem regem multis occupatum latere potuisse? Deinde vulgatis rebus quae in
templo dictae factaeque fuerant, Herodes sensit se a magis illusum; ac
deinde, sicut hic dicitur, multos infantes occidit. Beda in Hom. in festo Innocent. In hac autem
morte puerorum, omnium Christi martyrum pretiosa est mors designata: quod
parvuli occisi sunt, significat per humilitatis meritum ad martyrii
perveniendum gloriam; quod in Bethlehem et in omnibus finibus eius occisi
sunt, ostendit in Iudaea, unde Ecclesiae coepit origo, et ubique per orbem
persecutionem saevituram; quod bimi occisi sunt, doctrina et operatione
perfectos indicat; qui vero infra, simplices; quod illi quidem occisi sunt,
et Christus evasit, insinuat corpora martyrum ab impiis posse perimi, sed
Christum ab eis non posse auferri. |
Verset 16.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Pendant que l’enfant Jésus soumettait les Mages à son empire non par
sa puissance corporelle, mais par la grâce de l’Esprit, Hérode entrait en
fureur de n’avoir pu persuader, lui assis sur le trône, ceux qu’avait su
charmer Jésus, tout enfant qu’il était et couché dans une crèche. En le
méprisant, les Mages augmentèrent encore sa douleur, ce que l’Évangéliste
exprime ainsi: « Alors Hérode,
voyant qu’il avait été trompé par les Mages, entra dans une grande
colère. » La colère des rois, lorsqu’elle est allumée par la passion
du pouvoir, est comme un vaste incendie qu’on s’efforce vainement d’éteindre.
Mais que fit-il ? Il envoya mettre à mort tous les enfants. De même
qu’un animal féroce blessé déchire tout ce qui se présente à ses yeux comme
étant la cause de sa blessure, ainsi Hérode trompé par les Mages décharge sa
colère sur tous les enfants. Il se disait dans sa fureur: « Certainement
les Mages ont trouvé cet enfant dont ils annonçaient la royauté
future, » car un roi que tourmente l’ambition de régner soupçonne tout,
parce qu’il craint tout. Il envoya donc des émissaires pour mettre à mort
tous les enfants, et pour en atteindre un parmi tous les autres. —
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Et pendant qu’il
persécute le Christ contemporain de ce roi cruel, il lui forme une armée
éclatante des blanches insignes de la victoire. —
Saint Augustin : Ce roi impie en mettant sa
puissance au service de ces bienheureux enfants leur eût été moins utile que
par les effets de sa haine, car plus la cruauté qui les persécuta fut grande,
plus aussi fut brillante la grâce de leur bénédiction — Le
même. O bienheureux enfants ! Que celui-là
doute de la couronne que vous a méritée le martyre souffert pour
Jésus-Christ, qui nie l’utilité du baptême de Jésus-Christ pour les enfants.
Est-ce qu’en effet celui qui a pu avoir des anges pour annonciateurs de sa
naissance, les cieux pour la raconter et des Mages pour adorateurs dans son berceau,
n’aurait pas pu garantir ces enfants de la mort qu’ils ont soufferte pour
lui, si cette mort devait être pour eux une perte sans retour, au lieu d’être
le commencement d’une vie bien plus heureuse ? Gardons-nous de penser
que le Christ qui venait sur la terre pour l’affranchissement de tous les
hommes, n’ait rien fait pour la récompense des enfants qui mouraient pour
lui, alors que lui-même, suspendu au bois de la croix, alla jusqu’à prier
pour ses bourreaux. — Raban : Non
contents de porter la désolation dans Bethléem, il s’en prit aussi à tous les
pays d’alentour, et sans aucune pitié pour cet âge innocent, il fit massacrer
tous les enfants, depuis celui qui ne comptait qu’une nuit jusqu’aux enfants
âgés de deux ans, comme l’indique le texte sacré: « Dans Bethléem et dans le pays d’alentour, depuis l’âge de deux
ans et au-dessous. » —
Saint Augustin : (serm. 7 sur l’Epiph.) Ce n’était pas
seulement quelques jours auparavant que les Mages avaient vu cette étoile
inconnue, mais depuis deux ans révolus, comme ils le firent savoir à Hérode
qui s’en informait : « depuis l’âge de deux ans et
en-dessous », et tel est le sens des paroles suivantes: « Selon le temps dont il s’était
enquis exactement auprès des Mages. » —
Saint Augustin : (serm. sur les démons). Peut-être
craignait-il que cet enfant, qui avait les étoiles à ses ordres, ne prît l’apparence
extréieure d’un enfant un peu au-dessus ou au-dessous de son âge, pour cacher
l’époque de sa naissance. C’est pour cela, semble-t-il, qu’il fit mettre à
mort tous ceux qui avaient deux ans jusqu’aux enfants qui ne comptaient qu’un
jour de vie. —
Saint Augustin : (de l’accord des Ev., 2, 2.) Peut-être
encore qu’Hérode, agité par la crainte de dangers plus imminents, fut
distrait de la pensée de mettre à mort immédiatement ces enfants par des
préoccupations d’un autre genre. Peut-être enfin put-il croire que les Mages
trompés par l’apparition trompeuse d’une fausse étoile, avaient eu honte de
revenir vers lui sans avoir trouvé l’enfant à la naissance duquel ils avaient
cru; il laissa donc tomber ses frayeurs et abandonna le dessein qu’il avait
de perdre cet enfant; et ainsi les parents de Jésus furent libres de le
porter au temple, quand fut venu le jour de la Purification. Qui ne voit en
effet que ce seul jour put bien passer inaperçu aux yeux d’un roi absorbé par
tant de soins divers ? Mais plus tard, lorsque le bruit de tout ce qui
avait été dit et fait dans le temple se fut répandu, Hérode comprit qu’il
avait été trompé par les Mages, et c’est alors qu’eut lieu le massacre de
tous ces enfants que l’Évangile raconte en cet endroit. — Saint Bède : La mort de cet enfant fut une figure de la mort précieuse de tous les
martyrs de Jésus-Christ. Ces enfants mis à mort dans un âge si tendre nous
apprennent que c’est par l’humilité qu’on parvient à la gloire du martyre. Ce
massacre, qui s’étend de Bethléem à tous les pays environnants, figure la
persécution qui de la Judée, où l’Église prit naissance, devait se répandre
par toute la terre. Ces martyrs de deux ans représentent les martyrs dont la doctrine
et les œuvres sont arrivées à la perfection; ceux dont l’âge est au-dessous,
les âmes simples. En permettant que ces enfants soient mis à mort, tandis que
le Christ seul échappe [au fer des bourreaux], Dieu nous apprend que les
impies peuvent détruire les corps des martyrs, mais qu’ils ne peuvent leur
enlever Jésus-Christ. |
Lectio 9 [85356] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 9 Chrysostomus in Matth. Quia Evangelista
horrore implevit auditorem, crudelem occisionem narrans, rursus mitigationem
apponit ostendens quod haec non facta sunt Deo nequeunte prohibere atque
ignorante, sed per prophetam praedicente; unde dicit tunc impletum est. Hieronymus super Ierem. Hoc Ieremiae
testimonium Matthaeus, non secundum Hebraicam veritatem nec iuxta Lxx
protulit. Ex quo perspicuum est Evangelistas et apostolos
non interpretationem alicuius secutos, sed tamquam Hebraeos, quod legebant
Hebraice, suis sermonibus expressisse. Hieronymus in Matth. Quod autem dicitur in
Rama, non putamus loci nomen esse, quod est iuxta Gabaa, sed Rama excelsum
interpretatur; ut sit sensus: vox in excelso audita est, idest longe lateque
dispersa. Chrysostomus super Matth. Vel quoniam de morte
innocentium mittebatur, ideo in excelso audiebatur, secundum illud: vox pauperis
penetrat nubes. Quod autem dicit ploratus, fletum parvulorum ostendit; quod
autem dicit ululatus, matrum significat lamentum. In parvulis autem mors
faciebat finem doloris, in matribus autem semper per memoriam reparatur; et
ideo dicit: ululatus multus; Rachel plorans filios suos. Hieronymus. De Rachel natus est Beniamin, in
cuius tribu non est Bethlehem. Quaeritur ergo quomodo Rachel filios Iudae,
idest filios Bethlehem, quasi suos ploret. Respondebimus breviter, quia
sepulta sit iuxta Bethlehem in Ephrata, et ex corpusculi hospitio matris
nomen accepit. Sive quoniam Iuda et Beniamin duae tribus iunctae erant, et
Herodes praeceperat, non solum in Bethlehem interfici pueros, sed et in
omnibus finibus eius; per occisionem Bethlehem intelligimus multos etiam de
Beniamin fuisse caesos. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Vel
quia filii Beniamin, qui ad Rachel pertinent, olim a reliquis tribubus
extincti sunt, et in praesenti et in futuro erasi. Tunc ergo Rachel coepit
filios suos plangere quando filios sororis suae in tali causa vidit occisos,
ut aeternae vitae heredes existerent: cui enim aliquid adversum evenit, ex
felicitate alterius infausta sua miserius luget. Remigius. Assumpsit autem sanctus Evangelista
ad exaggerandam magnitudinem luctus, ut diceret etiam Rachelem mortuam
plorasse filios suos et noluit consolari, quia non sunt. Hieronymus. Et hoc secundum duplicem
intelligentiam: sive quod eos in aeternum mortuos existimaret, sive quod se
consolari nollet de his quos scivit esse victuros; ut sit sensus: noluit
consolari, de hoc quod non essent. Hilarius in Matth. Non enim non erant hi qui
mortui putabantur: in aeternitatis enim profectum per martyrii gloriam
efferebantur; consolatio autem rei amissae erat praestanda, non auctae.
Rachel Ecclesiae typum praetulit diu sterilis, nunc fecundae. Huius ploratus
ex filiis, non idcirco quia peremptos dolebat, auditur, sed quia ab his
perimebatur quos primum genitos filios retinere voluisset. Rabanus. Vel significat Ecclesiam quidem
plorare sanctorum de hoc saeculo ablationem, sed non ita velle se consolari,
ut qui saeculum morte vicerunt, rursus ad saeculi certamina secum redeant
toleranda, quia non sunt ultra revocandi in mundum. Glossa. Vel non vult consolari in praesenti, quia
non sunt, sed omnem spem et consolationem ad aeternam transmittit vitam. Rabanus. Bene autem Rachel, quia ovis vel
videns dicitur, Ecclesiam figurat, cuius tota intentio ut Deum contempletur,
invigilat; et ipsa est ovis centesima quam pastor in humeris reportat. |
Verset 17-18.
— Saint
Jean Chrysostome : (hom. 7 sur S. Matth.) Après nous avoir rempli d’horreur par le récit de ce cruel massacre,
l’Évangéliste, pour en diminuer la pénible impression, nous montre qu’il ne
s’est pas accompli à l’insu de Dieu ou en dépit de sa puissance, mais qu’il
l’avait prédit lui-même par son prophète, et c’est pourquoi il ajoute: « Alors fut accompli, etc...» —
Saint Jérôme : (sur Jr 31, 15). Saint Matthieu ne rapporte
ce témoignage de Jérémie, ni d’après le texte hébreu, ni d’après les
Septante; ce qui prouve que les Évangélistes et les Apôtres n’ont suivi
aucune version dans leurs citations, mais que, comme Hébreux, ils ont cité à
leur manière et en hébreu ce qu’ils lisaient dans la sainte Écriture. —
Saint Jérôme : (sur S. Matth.)Pour ce qui est de
l’expression « dans Rama », il ne faut pas prendre Rama pour le
nom propre de ce lieu qui est près de Gaban; le mot Rama signifie ici élevé, et il veut dire: « La voix s’est fait entendre sur les
hauteurs », c’est-à-dire qu’elle a retenti au loin, dans une grande
étendue. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien peut-être, comme
c’était pour déplorer la mort des innocents que cette voix se faisait
entendre, elle retentissait sur les hauteurs, selon cette parole: « La voix du pauvre pénètre les
nues » (Si 35, 20). Le mot
« pleurs » exprime les cris des enfants, le mot « hurlements »
les lamentations des mères. Mais pour les enfants la mort mettait fin à leurs
douleurs, tandis que la douleur des mères se ravivait sans cesse dans le
souvenir de leurs enfants. C’est pour cela qu’il est dit: « Il y eut de grands gémissements;
c’est Rachel qui pleurait ses enfants. » —
Saint Jérôme : De Rachel est né Benjamin, et
Bethléem n’est pas dans la tribu de Benjamin. On se demande donc pourquoi
Rachel pleure les enfants de Juda (c’est-à-dire ceux de Bethléem) comme ses
propres enfants. Nous répondrons en peu de mots que Rachel fut ensevelie près
de Bethléem dans Ephrata, et qu’elle reçut le nom de mère parce que son
tombeau se trouvait dans cette contrée. On peut dire aussi que les deux
tribus de Juda et de Benjamin étant limitrophes, et Hérode ayant ordonné de
tuer les enfants, non seulement dans Bethléem, mais dans tous les environs,
on peut en conclure qu’un grand nombre d’enfants de la tribu de Benjamin
furent enveloppés dans le massacre de ceux de Bethléem. —
Saint Augustin : (Quest. sur le Nouv. et l’Anc. Test., cap.
62) Ou bien peut-être c’est parce que les enfants de Benjamin, qui
appartenaient à Rachel, ayant été autrefois mis à mort par les autres tribus
et détruits à jamais, cette malheureuse mère se lamente sur le sort de ses
propres enfants, en voyant les enfants de sa sœur massacrés pour une cause si
glorieuse que leur mort leur assurait l’héritage de la vie éternelle. En
effet, quand le bonheur d’autrui vient ajouter à notre infortune nous en
pleurons plus amèrement nos propres malheurs. —
Saint Rémi : L’Évangéliste, pour nous dépeindre
d’une manière plus frappante l’étendue de cette douleur, va jusqu’à dire que
Rachel, alors qu’elle était morte, a pleuré ses enfants et n’a pas voulu se
consoler parce qu’ils ne sont plus. —
Saint Jérôme : Ces dernières paroles peuvent avoir
deux sens: ou parce que Rachel les croyait morts pour toujours, ou parce
qu’elle ne voulait pas être consolée de la perte de ceux qu’elle savait
devoir retrouver la vie. Tel serait donc le sens: « Elle ne voulut pas
être consolée de ce qu’ils n’étaient plus. » —
Saint Hilaire : (sur le chap. 1 de S. Matth.) On ne pouvait dire de ces enfants qui paraissaient
morts qu’ils avaient cessé d’exister, car la gloire du martyre les avait
élevés jusqu’à la vie plus parfaite de l’éternité, mais la consolation devait
tomber sur ce qui avait été perdu et non sur ce qui avait été glorifié.
Rachel était la figure de l’Église dont la fécondité avait succédé à une
longue stérilité. Ces gémissements qu’elle fait entendre sur ses fils n’ont
pas pour objet les enfants qui lui ont été ravis, mais ceux qui les ont mis à
mort et qu’elle eût voulu garder pour ses enfants. — Raban : Ou bien Rachel
signifie l’Église qui pleure la mort des saints arrachés à cette vie de la
terre, et qui ne veut pas être consolée de voir ceux qui ont triomphé du
monde par leur trépas revenir de nouveau avec elle pour soutenir les mêmes
combats, mais qui refuse toute consolation parce qu’ils ne doivent pas être
rappelés à la vie. — La Glose : Ou bien elle ne
veut pas être consolée dans la vie présente parce que ses enfants ne sont
plus, et elle renvoie toute son espérance, toute sa consolation à la vie
éternelle. — Raban : Rachel (dont le nom signifie brebis ou voyante) est une belle figure de l’Église, dont toute l’intention se dirige vers la contemplation de Dieu, et qui est aussi cette centième brebis que le bon pasteur rapporte sur ses épaules. |
Lectio 10 [85357] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 10 Ex historia Eccles. Cum pro sacrilegio,
quod Herodes in salvatorem commiserat et scelere quod in aequaevos eius
peregerat, ultio eum divina perurgeret in mortem, corpus eius, ut Iosephus
refert, morbus invasit diversus, ita ut diceretur a vatibus, non morbi
corporis haec, sed divinae ultionis esse supplicia. Ipse autem furore iam
plenus nobiliores et primarios ex omni Iudaea ad se colligi, et recludi iubet
in carcere, mandans, statim ut spiritum exhalasset, omnes interfici ut eius
obitum omnis Iudaea defleret invita. Paulo autem antequam novissimum spiritum
redderet, Antipatrum filium suum iugulavit, post duos pueros ante necaverat,
scilicet Alexandrum et Aristobulum. Talis igitur Herodis finis, qui digna
supplicia scelere quod in Bethlehem erga parvulos gesserat, et pro insidiis
salvatoris exactus est: ab Evangelista designatur cum dicit defuncto autem
Herode. Hieronymus. Multi propter ignorantiam
historiae labuntur in errorem, putantes eumdem esse Herodem a quo in passione
dominus irridetur, et qui nunc mortuus esse refertur. Ergo Herodes ille, qui
cum Pilato postea amicitias fecit, huius Herodis filius est, frater Archelai,
quem Tiberius Caesar Lugdunum relegavit, fratremque eius Herodem successorem
regni fecit. Primo ergo Herode defuncto, ecce apparuit Angelus domini in
somnis Ioseph in Aegypto dicens: surge, et accipe puerum et matrem eius. Dionysius de caelesti hierarchia. Vide
quoniam et ipse Iesus super caelestibus essentiis superexistens, ad id quod
secundum nos est immutabiliter veniens, non refugit ad se ordinatam et
assumptam humanam ordinationem, sed obediens subditur Dei patris per Angelos
dispositionibus et per Angelos ipsos annuntiatur Ioseph a patre disposita
filii ad Aegyptum recessio, et iterum ad Iudaeam ex Aegypto transductio. Chrysostomus super Matth. Vides enim
quia Ioseph ad ministerium Mariae erat electus: eunte enim illa in Aegyptum
et redeunte, quis ministerium ei tantae necessitatis impleret nisi desponsata
fuisset? Nam prima quidem facie Maria puerum nutriebat et
Ioseph conservabat; revera autem puer et matrem nutriebat et Ioseph tuebatur.
Sequitur et vade in terram Israel: quasi medicus
enim descendit in Aegyptum, ut visitaret eam languentem erroribus, non ut
remaneret in ea. Ratio autem reversionis assignatur cum subditur defuncti
sunt enim qui quaerebant animam pueri. Hieronymus. Ex hoc loco intelligimus non solum
Herodem, sed etiam sacerdotes et Scribas eo tempore necem domini fuisse
meditatos. Remigius. Sed si multi fuerunt, quomodo
in tam brevi spatio extincti sunt? Quia, ut dictum est,
Herode mortuo, occisi sunt omnes maiores qui in custodia tenebantur. Chrysostomus super Matth. Quod dicitur
consilio factum esse, quia consenserunt Herodi, ut inquireret puerum et occideret,
quia scriptum est: turbatus est Herodes, et omnis Hierosolyma cum illo. Remigius. Aut certe locutus est Evangelista
per speciem tropi, quando multi ponuntur pro uno. In hoc autem quod dicit
animam pueri, destruuntur haeretici qui dixerunt Christum non sumpsisse
animam, sed loco animae habuisse divinitatem. Beda in Hom. de Innocent. Quod autem
occisis pro domino pueris, Herodes non longe post obiit, et Ioseph dominum
cum matre ad terram Israel reduxit, significat omnes persecutiones quae contra
Ecclesiam erant movendae, persecutorum morte vindicandas, et pacem Ecclesiae
denuo reddendam, et sanctos qui latuerant ad sua loca reversuros. Vel quod defuncto Herode, redit ad terram Israel Iesus, denuntiat quod
Enoch et Elia praedicantibus, Iudaei, sopita modernae invidiae flamma, fidem
veritatis accipient. |
Versets 19, 20.
— Saint Eusèbe de Césarée : (Hist.
Ecclés., liv. 1, chap. 8).
Lorsque, pour punir le sacrilège qu’Hérode avait commis sur la personne du Seigneur,
et le crime qu’il avait consommé sur les enfants de son âge, la vengeance
divine hâtait le moment de sa mort, son corps, au dire de Josèphe, fut en
proie à diverses maladies dans lesquelles les devins eux-mêmes virent, non
pas une maladie ordinaire, mais des signes visibles de la justice de Dieu.
Plein de fureur, Hérode fit comparaître devant lui et jeter dans une prison
les membres des principales et plus nobles familles des Juifs, et ordonna
qu’on les fit tous mourir aussitôt qu’il aurait expiré, afin que toute la
Judée fût forcée malgré elle de pleurer sa mort. Un peu avant de rendre le
dernier soupir, il fit égorger son fils Antipater, comme il avait fait
auparavant de ses deux autres fils Alexandre et Aristobule. Telle fut donc la
fin d’Hérode, qui paya par un juste supplice la peine qu’il méritait pour le
massacre des enfants de Bethléem, et les embûches qu’il avait tendues à
l’Enfant-Dieu. C’est cette mort à laquelle l’Évangéliste fait allusion
lorsqu’il dit: « Hérode étant
mort. » —
Saint Jérôme : Il en est beaucoup qui, par ignorance
de l’histoire, commettent l’erreur de confondre cet Hérode avec celui qui
s’est moqué du Seigneur dans sa passion et dont on disait maintenant qu’il
était mort. Le roi Hérode, qui renoua plus tard amitié avec Pilate, était
fils de ce premier Hérode et frère d’Archélaüs, que Tibère-César exila dans
la ville de Lyon après lui avoir donné son frère Hérode pour successeur. Or,
c’est après la mort de ce premier Hérode que « l’ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Égypte et lui
dit: Levez-vous, prenez l’enfant et sa mère. » — S. Denys (Hier., chap. 4). Considère que Jésus lui-même, placé par sa nature au-dessus de toutes les essences célestes, étant descendu jusqu’à nous sans rien changer à sa nature, accepte toutes les conditions inhérentes à la nature humaine, qu’il avait lui-même déterminées. Il obéit donc et se soumet aux ordres de Dieu son Père qui lui sont communiqués par les anges; c’est par ces mêmes anges que Dieu le Père intime à Joseph l’ordre de partir pour l’Égypte et plus tard celui de revenir de l’Égypte en Judée. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Vous voyez que Joseph avait été choisi pour être au service de Marie.
Quel autre aurait pu lui donner tous les soins dont elle eut besoin pendant
son voyage en Égypte et à son retour, s’il n’avait été son époux ? Au
premier aspect, c’est Marie qui nourrissait Jésus, et Joseph qui veillait sur
lui; mais dans la réalité c’est ce divin enfant qui nourrissait sa mère et
protégeait Joseph lui-même. Suite : « Retournez dans la terre d’Israël. » Le Seigneur descendit en Égypte comme un médecin pour la visiter languissante au milieu de ses erreurs, mais non pas pour y rester. La raison de son retour nous est indiquée dans les paroles suivantes: « Car ceux qui cherchaient l’enfant pour lui ôter la vie sont morts. » —
Saint Jérôme : Nous devons conclure de là que
non seulement Hérode, mais encore les prêtres et les scribes avaient tramé en
ce temps-là la mort du Seigneur. —
Saint Rémi : Mais s’ils étaient si nombreux, comment
sont-ils tous morts dans un si court espace de temps ? Parce qu’après la
mort d’Hérode, tous les grands qui étaient retenus en prison furent massacrés,
comme nous l’avons dit plus haut. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ils sont accusés d’avoir
tramé la mort de l’enfant, parce qu’ils approuvèrent le dessein qu’avait
Hérode de le chercher et de le mettre à mort, comme l’indiquent les paroles
suivantes: « Hérode fut troublé et
toute la ville de Jérusalem avec lui. » —
Saint Rémi : Ou bien l’Évangéliste fait usage ici de
cette figure où le pluriel est mis à la place du singulier. En disant: « l’âme de l’entant, » il
détruit l’erreur des hérétiques qui ont avancé que le Christ n’avait pas
d’âme, et que la divinité lui en tenait lieu. Saint Bède : (hom.) Hérode succomba peu de temps après que les enfants furent massacrés pour le Seigneur, et Joseph ramena Jésus avec sa mère dans la terre d’Israël; c’est là une figure que toutes les persécutions qui devaient être suscitées contre l’Église cesseraient à la mort des persécuteurs, que la paix serait de nouveau rendue à l’Église, et que les saints, qui avaient été obligés de se cacher, retourneraient dans leur patrie. Le retour de Jésus en Judée, après la mort d’Hérode signifie aussi qu’à la voix d’Hénoch et d’Hélie les Juifs laisseront s’éteindre les feux de leur haine envieuse, et se convertiront à la foi et à la vérité. |
Lectio 11 [85358] Catena in Mt.,
cap. 2 l. 11 Glossa. Angelicae admonitioni Ioseph non inobediens fuit;
unde sequitur qui consurgens, accepit puerum et matrem eius et venit in
terram Israel. Non enim determinaverat Angelus in quo loco terrae Israel; ut
dubitante Ioseph, iterum revertatur, et frequentiori visitatione Angeli
certior redderetur; unde sequitur audiens autem quod Archelaus regnaret in
Iudaea pro Herode patre suo, timuit illo ire. Iosephus Antiq. Iud. et de bello Iud. Habuit
siquidem Herodes uxores novem, ex quarum septem numerosam suscepit sobolem:
primogenitus eius Antipater ex Iosida, Alexander et Aristobulus ex Mariamne,
Archelaus ex Mathaca Samaritide, Herodes Antipas, qui postea tetrarcha fuit,
et Philippus, ex Cleopatra Hierosolymitide. Tribus igitur primis ab Herode
interfectis, et post mortem eius occasione testamenti patris, Archelao
gubernationem regni usurpante, et causa de successione regni ad Caesarem
Augustum delata, tandem de consilio senatus omnem Herodis monarchiam
distribuit: mediam partem, scilicet Idumaeam et Iudaeam, tradens Archelao sub
nomine tetrarchiae, pollicitus se facturum eum regem, si se dignum
praebuisset; mediam vero partem in duas secuit tetrarchias: cessitque
Galilaea in partem Herodis tetrarchae, Ituraeae vero et Trachonitidis regio
Philippo. Factus est ergo post Herodem defunctum Archelaus quasi diarchus,
quod dominii genus hic regnum appellat. Augustinus de Cons. Evang. Sed hic aliquis
quaeret: quomodo, sicut Lucas narrat, ibant parentes eius per omnes annos
pueritiae Christi in Ierusalem, si Archelai timore ibi prohibebantur
accedere? Hoc dissolvere non est difficile: fieri enim poterat ut per diem
festum, inter tam ingentem turbam latenter ascenderent mox reversuri, cum
tamen aliis diebus habitare metuerent: ut nec solemnitate praetermissa essent
irreligiosi, nec continua mansione perspicui. Iste quoque intellectus patet;
ut quod Lucas dicit per omnes annos eos ascendere solitos in Ierusalem, tunc
accipiamus factum cum iam non metueretur Archelaus, qui, secundum historiam
Ioseph, solum novem annis regnavit. Sequitur et admonitus in somnis secessit in
partes Galilaeae. Sed forte hic quispiam moveatur: cum Matthaeus dixerit,
ideo timuisse Ioseph cum puero redeuntem ire in Iudaeam quia pro patre suo
Herode Archelaus filius eius regnabat, quomodo potuit ire in Galilaeam, ubi
alius filius eius Herodes tetrarcha erat, ut Lucas testatur? Quasi vero ipsa
sint tempora quibus puero timebatur, quae Lucas commemoravit, quae usque adeo
mutata erant ut in ipsa Iudaea non rex esset Archelaus, sed praeses Pilatus. Glossa. Sed tunc quaeritur: quare non timuit
Ioseph in Galilaeam ire, cum et ibi Archelaus regnaret? Sed melius potuit
latere cum puero in Nazareth, quam in Ierusalem, ubi erat caput regni et
assiduus Archelaus. Chrysostomus in Matth. Immo quia regionem
ortus sui mutavit, res in posterum caligine obducta est. Omnis quippe impetus
persequentis in Bethlehem eiusque fines desaevierat. Venit igitur Ioseph in
Nazareth et periculum fugiens et in patriam rediens; unde sequitur et veniens
habitavit in civitate quae vocatur Nazareth. Augustinus de Cons. Evang. Forte et hoc movet,
quomodo dicat Matthaeus, propterea cum puero Iesu parentes eius isse in
Galilaeam, quia metu Archelai in Ierusalem ire noluerint; cum propterea magis
esse in Galilaea videantur, quia civitas eorum erat Nazareth Galilaeae, sicut
Lucas non tacuit. Sed intelligendum est, quia ubi Angelus in somnis in Aegypto
dixit ad Ioseph: vade in terram Israel, sic intellectum primo esse a Ioseph,
ut putaret rectius esse pergere in Iudaeam: ipsa enim primitus intelligi
potuit terra Israel. Postquam vero comperit ibi regnare Archelaum, noluit
obiicere se periculo, cum posset terra Israel etiam Galilaea intelligi, quia
et ipsam populus Israel incolebat. Quamquam possit et aliter solvi: quia
potuit videri parentibus Christi non esse habitandum ibi cum puero, nisi in
Ierusalem ubi erat templum domini; et illuc ivissent, nisi Archelai
praesentia terrerentur. Non autem divinitus iubebantur in Iudaea vel in
Ierusalem habitare, ut de Archelao quod timebant deberent contemnere; sed in
terra Israel, in qua etiam, ut dictum est, poterat intelligi Galilaea. Hilarius in Matth. Verum typica ratio
conservata est: Ioseph enim apostolorum tenet speciem, quibus Christus
circumferendus est creditus. Hi tamquam Herode mortuo, idest populo eius in
passione domini deperdito, Iudaeis praedicare sunt iussi (missi enim erant ad
oves perditas domus Rabanus. Vel hoc ultima tempora
Ecclesiae designat, quando plurimis Iudaeorum ad praedicationem Enoch et
Eliae conversis, ceteri ad instinctum Antichristi contra fidem pugnabunt.
Pars igitur Iudaeae in qua regnabat Archelaus, Antichristi sequaces ostendit;
Nazareth autem Galilaeae, quo transfertur Christus, partem eiusdem gentis
quae fidem est susceptura designat: unde Galilaea transmigratio, Nazareth
autem flos virtutum interpretatur, quia Ecclesia quo ardentius a terrenis ad
caelestia transmigrat, eo magis virtutum flore et germine abundat. Glossa. Huic autem prophetae testimonium
adiungit dicens ut impleretur quod dictum est per prophetas, quoniam
Nazaraeus vocabitur. Hieronymus. Si
fixum de Scripturis posuisset exemplum, nunquam diceret quod dictum est per
prophetas; sed simpliciter: quod dictum est per prophetam. Nunc autem
pluraliter prophetas vocans, ostendit se non verba de Scripturis sumpsisse,
sed sensum. Nazaraeus interpretatur sanctus; sanctum autem dominum futurum
omnis Scriptura commemorat. Possumus et aliter dicere: quod etiam eisdem
verbis iuxta Hebraicam veritatem in Isaia scriptum sit: exiet virga de radice
Iesse, et Nazaraeus de radice eius consurget. Chrysostomus super Matth. Aut forte legerunt
et aliquos prophetas ita dicentes, qui non sunt nobis canonizati, sicut
Nathan et Esdra. Et quoniam hoc prophetatum erat, manifestat Philippus dicens
ad Nathanaelem: quem scripsit Moyses in lege, invenimus Iesum a Nazareth.
Unde etiam prius Christiani Nazaraei vocabantur; sed apud Antiochiam mutatum
est hoc nomen, et dicti sunt Christiani. Augustinus de Cons. Evang. Haec autem omnia
quae sunt a narratione magorum et deinceps, Lucas tacet. Hoc proinde
cognoscendum, quod deinceps ad cetera valeat: sic unumquemque Evangelistarum
contexere narrationem suam, ut tanquam nihil praetermittentis series digesta
videatur; tacitis enim quae non vult dicere, sic ea quae vult dicere illis
quae dicebat adiungit ut ipsa continuo sequi videantur; sed cum alter dicit
ea quae alter tacuit, diligenter ordo consideratus indicat locum ubi ea
potuerint a quo praetermissa sunt, transiliri. |
Versets 21-23.
— La Glose : Joseph se montre docile à
l’avertissement qui lui est donné par un ange; « Et s’étant levé dit l’auteur sacré, il prit la mère et
l’enfant, et revint en Israël ». L’ange n’avait pas déterminé dans
quel endroit de la terre d’Israël il devait se retirer; comme Joseph
hésitait, l’ange revint, et lui ôta par ses fréquentes visites tout doute [sur
ce qu’il devait faire]. Aussi lisons nous: « Ayant appris qu’Archélaüs règnait en Judée à la place d’Hérode
son père, il eut peur de s’y rendre. » —
Josèphe : Hérode eut neuf femmes dont sept lui
donnèrent une nombreuse famille. Il eut son fils aîné Antipater de Doris,
Alexandre et Aristobule de Mariamne, Archélaüs de Marthace de Samarie, Hérode
Antipas qui fut dans la suite tétrarque de Galilée et Philippe, de Cléopâtre
de Jérusalem. Or Hérode ayant fait mettre à mort ses trois premiers enfants,
et Archélaüs s’appuyant sur le testament de son père pour s’emparer de son
royaume, la cause de la succession fut portée à Rome au tribunal de
César-Auguste, qui, sur l’avis du sénat, partagea les états d’Hérode de la
manière suivante: il donna à Archélaüs sous le titre de tétrarque la moitié
du royaume d’Hérode, c’est-à-dire l’Idumée et la Judée, en lui promettant de
rétablir en sa personne le titre de roi, s’il s’en rendait digne. Il
subdivisa l’autre partie en deux tétrarchies, donna la Galilée à Hérode avec
le titre de tétrarque, et à Philippe l’Iturée et la Traconitide. Archélaüs
devint donc après la mort d’Hérode une sorte de « diarque », sorte
de pouvoir que l’Évangéliste assimile au titre de roi. —
Saint Augustin : (De l’accord des Ev. liv. 2, chap. 10.) On
nous demandera peut-être ici comment les parents de Jésus, comme le raconte
saint Luc, pouvaient, pendant toute son enfance, venir tous les ans à
Jérusalem, alors que la crainte d’Archélaüs devait les en tenir éloignés. La
réponse est facile. Ils pouvaient très bien en effet venir secrètement à
Jérusalem le jour de la fête, confondus qu’ils étaient au milieu d’une si
grande foule, pour en sortir bientôt, tandis qu’ils auraient dû craindre d’y
fixer leur séjour en d’autres temps. C’est ainsi qu’ils accomplissaient leurs
devoirs religieux en assistant à la fête, et qu’ils ne s’exposaient pas à
être remarqués en y restant plus longtemps. Il est d’ailleurs évident que
lorsque saint Luc nous dit qu’ils montaient tous les ans à Jérusalem, il faut
l’entendre du temps où ils n’avaient plus rien à craindre d’Archélaüs, qui,
d’après Josèphe, ne régna que neuf ans. — Suite : « et ayant reçu un avertissement pendant son
sommeil. » Quelqu’un sera peut-être surpris
d’entendre saint Matthieu nous dire que Joseph craignait de revenir avec
l’enfant dans la Judée, parce qu’Archélaüs avait succédé à Hérode son père,
tandis qu’il ne craint pas de se retirer dans la Galilée, dont un autre fils
d’Hérode était tétrarque, au témoignage de saint Luc. Mais l’époque dont
parle saint Luc n’était pas celle où l’on craignait pour l’enfant. Tout était
changé alors, et ce n’était plus Archélaüs qui régnait en Judée, mais
Ponce-Pilate qui la gouvernait. — La Glose : On se demande
encore pourquoi Joseph ne craignait pas de se retirer dans la Galilée, sur
laquelle s’étendait le pouvoir d’Archélaüs ? C’est qu’il était plus
facile d’échapper à toute recherche dans Nazareth que dans Jérusalem,
capitale du royaume ou Archélaüs résidait ordinairement. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 9.) Et d’ailleurs en quittant la région
où il avait pris naissance, il était plus facile d’en cacher le secret, car
toute la violence du persécuteur se portait contre Bethléem et ses alentours.
Joseph vint donc à Nazareth pour échapper au danger et revenir dans sa
patrie. « Et il vint à Nazareth,
dit l’Évangéliste, et il y demeura. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang.) Peut-être ceci fait-il
encore problème : pourquoi saint Matthieu nous dit que les parents de
Jésus se retirèrent avec lui dans la Galilée, parce qu’ils craignaient
d’aller à Jérusalem à cause d’Archélaüs, tandis qu’au témoignage de saint Luc
(Lc 1, 26; 2, 24; Mt 2, 23; 21, 11) il est plus vraisemblable qu’ils se
fixèrent dans la Galilée, parce que la ville de Nazareth qu’ils habitaient en
faisait partie. Il faut savoir que lorsque l’ange vint trouver Joseph en
Égypte et lui dit pendant son sommeil: « Retourne
dans la terre d’Israël », Joseph put comprendre d’abord qu’il était
mieux pour lui d’aller dans la Judée, à laquelle paraissait convenir plus
spécialement la dénomination de terre d’Israël. Mais lorsqu’il eût appris
qu’Archélaüs y régnait, il ne voulut pas s’exposer au danger, puisque
d’ailleurs le nom de terre d’Israël pouvait aussi convenir à la Galilée, qui
était également habitée par le peuple d’Israël. pourtant la difficulté
pourrait être résolue encore autrement : les parents de Jésus purent croire
qu’ils ne devaient fixer leur demeure avec lui qu’à Jérusalem, où se trouvait
le temple du Seigneur et c’est là qu’ils auraient été, si la crainte
d’Archélaüs qui habitait cette ville ne les en eût détournés. Mais l’ordre
qu’ils avaient reçu du ciel ne leur faisait pas une loi de se fixer dans la
Judée ou à Jérusalem en négligeant la crainte que leur inspirait Archélaüs,
mais seulement dans la terre d’Israël, ce qui pouvait s’entendre de la
Galilée, comme nous l’avons dit. —
Saint Hilaire : (sur le chap. 2 de S. Matth.) On peut
donner une raison mystique de cette conduite. Joseph représente ici les
apôtres à qui Dieu, croyons nous, a confié Jésus-Christ pour le porter dans
tout l’univers. Après la mort d’Hérode, c’est-à-dire après que le peuple juif
fut comme détruit en punition de la mort du Seigneur, Dieu leur ordonna de
prêcher aux Juifs, car ils étaient envoyées premièrement aux brebis perdues
de la maison d’Israël (Mt 28, 19). Mais voyant qu’ils étaient toujours
dominés par l’infidélité, qui était chez eux comme héréditaire, les apôtres
craignent et se retirent, et avertis par une vision céleste qui leur révèle
que les dons de l’Esprit saint sont transférés aux Gentils, ils leurs portent
alors Jésus-Christ. — Raban : Ou bien on peut
voir ici une figure des derniers temps de l’Église, où un grand nombre de
Juifs se convertiront à la voix d’Hénoch et d’Élie, tandis que les autres
seconderont la haine de l’Antéchrist en combattant contre la foi. La partie
de la Judée sur laquelle régnait Archélaüs représente les partisans de
l’Antéchrist; Nazareth, ville de Galilée où Jésus-Christ est transporté,
figure le reste de cette nation qui doit embrasser la foi. En effet le nom de
Galilée signifie transmigration, et
Nazareth, fleur des vertus, parce
que plus l’Église se détache de la terre pour s’élever avec ardeur vers le
ciel, plus aussi on voit se multiplier en elle la fleur et la semence des
vertus. — La Glose : L’Évangéliste
confirme ce fait par le témoignage suivant des prophètes: « pour accomplir ce qui a été prédit
par les prophètes, il sera appelé Nazaréen. » —
Saint Jérôme : Si l’Évangéliste avait cité un
passage précis de l’Écriture, il aurait dit: « ce qui a été prédit par le prophète », et non « ce qui a été prédit par les
prophètes » ; or en prenant cette expression au pluriel il nous
montre qu’il rapporte non pas le texte, mais le sens de l’Écriture. Le mot
Nazaréen signifie saint et toute
l’Écriture proclame la sainteté du Seigneur. Nous pourrions dire encore que
cette citation se trouve littéralement dans ce texte hébreu d’Isaïe: « Une tige sortira de la racine de
Jessé et le Nazaréen sortira de sa racine. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 9 sur S. Matth.) Ou bien encore
l’Évangéliste aura lu ce témoignage dans des prophètes qui ne sont pas au
nombre des livres canoniques, comme Nathan et Esdras. Ce qu’il y a de
certain, c’est que cette circonstance avait été prédite, comme on le voit
dans ces paroles de Philippe à Nathanaël: « Nous
avons trouvé celui que Moïse et les prophètes ont annoncé, Jésus de
Nazareth. » Voilà pourquoi les chrétiens furent d’abord appelés
Nazaréens, nom qui fut ensuite changé à Antioche pour celui de chrétiens. —
Saint Augustin : (de l’acc. des Evang.) Saint Luc passe sous
silence tout ce qui a rapport aux Mages et les événements qui suivent. C’est
ici le lieu de faire cette observation qui devra nous servir pour toute la
suite, que chacun des Évangélistes coordonne son récit comme s’il n’omettait
aucun fait. Tout en passant sous silence ce qu’il veut taire, chacun d’eux
établit entre les choses qu’il a dites et celles qu’il veut dire une telle
liaison que le récit parait sans interruption. Mais lorsque l’un raconte ce
que l’autre a cru devoir omettre, en examinant attentivement la suite du
récit, on voit où l’on peut placer ce qui a été omis par l’un des écrivains
sacrés. |
Caput 3 |
CHAPITRE 3 — [Préparation et début du
ministère public du Messie]
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Lectio 1 [85359] Catena in Mt.,
cap. 3 l. 1 Chrysostomus super Matth. Sol
appropians, antequam appareat, mittit radios suos et facit albescere orientem,
ut praecedens aurora adventum diei demonstret; sic dominus natus in mundo,
antequam appareat, per doctrinam spiritus sui fulgore transmisso illuminavit
Ioannem, ut praecedens ille adventum annuntiet salvatoris: et ideo post ortum
Christi enarratum, doctrinam eius enarraturus Evangelista et Baptismum, in
quo testimonium habuit, de praecursore et Baptista praemittit, dicens in
diebus autem illis venit Ioannes Baptista praedicans in deserto. Remigius. His autem verbis, beati
Ioannis non solum tempus et locum et personam, sed etiam officium et studium
demonstrat. Tempus generale demonstrat cum dicit in diebus autem illis. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem
tempus Lucas per terrenas potestates expressit cum dixit: anno quintodecimo.
Sed intelligere debemus Matthaeum cum diceret in diebus illis, in multo
longiori spatio accipi voluisse. Mox enim ut narravit
regressum de Aegypto Christum, quod utique tempore pueritiae vel infantiae
factum est, ut possit stare quod Lucas de illo cum duodecim esset annorum
narravit, continuo intulit in diebus autem illis: non utique pueritiae tantum
illius dies insinuans, sed omnes dies ab eius nativitate usque quo praedicare
coepit Ioannes. Remigius. Personam ostendit cum dicit venit
Ioannes; idest, manifestavit se, qui tamdiu prius latuerat. Chrysostomus. Sed quare necessarium fuit
ut Ioannes Christum praeveniret operum testimonio Christum praedicante? Primo
quidem ut hinc Christi dignitatem discas, quod sicut pater, ita et ipse
prophetas habet, secundum illud Zachariae: et tu, puer, propheta altissimi
vocaberis. Deinde ut nullam causam inverecundiae Iudaeis relinquat: quod et
ipse demonstrat dicens: venit Ioannes neque manducans neque bibens, et
dicunt: Daemonium habet. Venit filius hominis manducans et bibens, et dicunt:
ecce homo edax. Sed et aliter necessarium erat ab alio prius dici quae de
Christo erant, et non ab ipso; alias Iudaei quid dixissent, qui post
testimonium Ioannis dixerunt: tu testimonium perhibes de teipso? Testimonium
tuum non est verum. Remigius. Officium subiungit cum dicit
Baptista: in quo
domini viam praeparavit: nisi enim baptizari homines consuescerent, Baptismum
Christi abhorrerent. Studium ostendit cum ait praedicans. Rabanus. Quia etiam Christus praedicaturus
erat: postquam enim visum fuit idoneum tempus, scilicet circa triginta annos,
incipiens praedicationem suam, viam domini praeparavit. Remigius. Locum subiungit dicens in
deserto Iudaeae. Maximus. Ubi ad praedicationem eius nec
insolens turba perstreperet nec infidelis auditor rediret, sed hi tantum
audire possent qui praedicationem cura divini cultus expeterent. Hieronymus super Isaiam. Vel in hoc
considerandum est quod salutare Dei et gloria domini non praedicatur in
Ierusalem sed in solitudine Ecclesiae et in deserta gentium multitudine. Hilarius in Matth. Vel etiam ad Iudaeam
venit desertam Dei frequentatione, non populi, ut praedicationis locus, eorum
quibus praedicatio erat missa, solitudinem testaretur. Glossa. Vel typice desertum significat
vitam a mundi illecebris segregatam, quae poenitentibus competit. Augustinus de utilitate poenitentiae. Nisi
autem poeniteat aliquem vitae veteris, novam non potest inchoare. Hilarius. Et ideo poenitentiam, regno
caelorum appropinquante, pronuntiat, per quam est reditus ab errore, recursus
a crimine, et post vitiorum pudorem professio desinendi, dicens poenitentiam
agite. Chrysostomus super Matth. Ubi manifestat
in ipso principio, quia benigni regis est nuntius: non enim peccatoribus
minus intendebat, sed indulgentiam promittebat. Solent reges nato sibi filio,
indulgentiam in regno suo donare; sed ante transmittunt acerbissimos
exactores. Deus autem nato sibi filio, volens donare indulgentiam peccatorum,
praemisit quasi exactorem exigentem, et dicentem poenitentiam agite. O
exactio quae non fecit pauperes, sed divites reddit. Nam cum quis debitum
iustitiae suae reddiderit, Deo nihil praestat, sed sibi lucrum suae salutis
acquirit. Poenitentia enim cor emundat, sensus illuminat et ad susceptionem
Christi praeparat humana praecordia; unde subiungit appropinquabit enim
regnum caelorum. Hieronymus. Primus Baptista Ioannes
regnum caelorum praedicat, ut praecursor domini hoc honoretur privilegio.
Chrysostomus in Matth. Ideoque quod nunquam
Iudaei audierunt neque etiam a prophetis, caelos et regnum quod ibi est,
praedicat, et nihil de cetero de terra dicit. Sic ergo ex novitate eorum quae
dicuntur erigit eos ad quaerendum eum qui praedicatur. Remigius. Regnum autem caelorum quatuor modis
dicitur: nempe Christus, secundum illud: regnum Dei intra vos est; sancta
Scriptura, secundum illud: auferetur a vobis regnum Dei, et dabitur genti
facienti fructum eius; sancta Ecclesia, secundum illud: simile est regnum
caelorum decem virginibus; supernum solium, secundum illud: multi venient ab
oriente et occidente, et recumbent in regno caelorum; et hoc totum hic potest
intelligi. Glossa. Dicit autem appropinquabit regnum
caelorum, quia nisi appropinquaret, nemo redire posset, quia infirmi et caeci
via, quae est Christus, carebant. Augustinus de Cons. Evang. Haec autem verba
Ioannis alii Evangelistae praetermiserunt. Iam vero quod sequitur hic est qui
dictus est per Isaiam prophetam dicentem: vox clamantis in deserto: rectas
facite semitas eius, ambigue positum est, nec elucet utrum ex persona sua
Evangelista commemoraverit, an adhuc verba eiusdem Ioannis secutus
adiunxerit, ut totum hoc Ioannes dixisse intelligatur: poenitentiam agite:
appropinquabit enim regnum caelorum. Hic est enim de quo dictum est per
Isaiam prophetam. Neque enim hoc movere debet quia non ait: ego sum, sed hic
est; nam et Matthaeus dixit: invenit hominem sedentem in telonio, et non
dixit: invenit me. Quod si ita est, non est mirum si et interrogatus quid
diceret de seipso, sicut narrat Ioannes Evangelista, respondit: ego vox
clamantis in deserto. Gregorius in Evang. Sicut autem, quia
unigenitus filius verbum patris vocatur, secundum illud: in principio erat
verbum. Ex ipsa autem nostra locutione cognoscimur, quia vox sonat ut verbum
possit audiri. Adventum itaque domini Ioannes praecurrens vox dicitur, quia
per eius ministerium patris verbum ab hominibus auditur. Chrysostomus super Matth. Vox etiam est sonus
confusus, nullum secretum cordis ostendens, sed hoc tantummodo significans
quia vult aliquid dicere ille qui clamat; verbum autem est sermo mysterium
cordis aperiens. Ad haec, vox inter homines et animalia communis est; verbum
autem est hominum tantum. Ideo ergo Ioannes dictus est vox, non verbum, quia
per eum Deus sua consilia non demonstravit, sed hoc solum quod Deus aliquid
facere in hominibus meditabatur; postea autem per filium suum plenissime
mysterium suae voluntatis aperuit. Rabanus. Qui recte vox clamantis ob
fortitudinem praedicationis dicitur. Tribus autem modis clamor accidit: hoc
est, si longe positus est cui loquatur, si surdus, si per indignationem; et
haec humano generi acciderunt. Glossa. Est igitur Ioannes quasi vox verbi
clamantis: verbum enim clamat in voce, idest Christus in Ioanne. Beda. Sicut etiam clamavit in omnibus qui a
principio aliquid divinitus dixerunt; et tamen iste solus est vox: quia per
eum praesens verbum ostenditur, quod alii longe nuntiaverunt. Gregorius in Evang. Ipse autem Ioannes est
clamans in deserto, quia derelictae ac destitutae Iudaeae solatium
redemptoris annuntiat. Remigius. Quantum autem ad historiam attinet,
in deserto clamabat, quia remotus erat a turbis Iudaeorum. Quid autem clamet,
insinuat cum subiungit parate viam domini. Chrysostomus super Matth. Sicut enim magno
regi in expeditionem venturo praeparatores praecedunt qui sordida abluunt,
dirupta componunt, sic et dominum nostrum praecessit Ioannes, qui ab humanis
cordibus poenitentiae scopis peccatorum sordes eiiceret, et quae dissipata
fuerant, spiritualium praeceptorum ordinatione componeret. Gregorius in Evang. Omnis autem qui fidem
rectam et bona opera praedicat, domino ad corda audientium viam parat, rectas
domino semitas facit, dum mundas animo cogitationes per sermonem bonae
praedicationis format. Glossa. Vel fides est via qua verbum ad cor
descendit: cum mores in melius mutantur, fiunt semitae rectae. |
Versets
1-3.
—
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Lorsque le soleil est près de se lever, avant de paraître [sur l’horizon],
il envoie ses rayons qui blanchissent l’Orient, et font de l’aurore qui le
précède comme la messagère du jour. De même aussi, lorsque le Seigneur a pris
naissance dans le monde, avant de paraître [dans l’éclat de sa doctrine], il
éclaire Jean-Baptiste de ses rayons et de la splendeur de son esprit, pour
qu’il marche devant lui et annonce la venue du Seigneur. Voilà pourquoi
l’Évangéliste, après le récit de la naissance du Christ et avant de raconter
l’exposé de sa doctrine, place en tête de son récit le baptême de Jésus dont Jean,
son précurseur qui le baptisa, lui rendit un si glorieux témoignage: « En ce temps-là, Jean-Baptiste vint
prêcher au désert. » —
Saint Rémi : Ces paroles ne nous font pas connaître
seulement le temps, le lieu où vécut saint Jean, et ce qu’il était, mais
encore son ministère et le zèle avec lequel il le remplit. Il désigne
l’époque d’une manière générale par ces mots: « En ce temps-là. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, ch. 6). Saint Luc détermine cette
époque d’une manière plus précise par les princes qui régnaient alors et en
disant: « La quinzième année,
etc...» Mais l’expression générale dont se sert saint Matthieu: « En ce temps-là », doit
s’entendre d’un espace de temps beaucoup plus étendu, car après avoir raconté
le retour de l’Égypte, qui dut avoir lieu dans l’enfance du Seigneur ou dans
les premières années, pour laisser place au fait que saint Luc raconte
lorsqu’il eut atteint l’âge de douze ans, il ajoute aussitôt: « Dans ce temps-là »,
expression qui n’indique pas seulement le jour de son enfance, mais tous ceux
qui s’écoulèrent depuis sa naissance jusqu’à la prédication de Jean-Baptiste. —
Saint Rémi : L’Évangéliste fait ensuite connaître la
personne dont il s’agit: « Jean-Baptiste
vint », c’est-à-dire qu’après être resté si longtemps caché dans la
retraite, il en sortit pour se manifester. —
Saint Jean Chrysostome : Pourquoi fut-il nécessaire
que Jean précédât Jésus, à qui ses œuvres devaient rendre un témoignage
suffisant (cf. Jn 10) ?
C’était premièrement pour nous apprendre la dignité du Christ, qui a ses
prophètes comme son Père, selon ces paroles de Zacharie: « Et toi, enfant, tu seras appelé le prophète du
Très-Haut. » En second lieu, c’était pour ne laisser aucun prétexte
à la fausse réserve des Juifs, comme il le dit lui-même: « Jean est venu, ne mangeant ni ne buvant, et ils disent: Il est
possédé du démon. Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et ils
disent: « C’est un homme qui aime manger. » (Mt 11.)
D’ailleurs, il fallait que les premiers témoignages en faveur du Christ viennent
d’un autre que de lui-même, autrement les Juifs lui auraient objecté ce
qu’ils lui dirent un jour qu’il avait parlé de lui-même, au témoignage de
Jean, (Jean 8): « Vous rendez témoignage vous-même,
votre témoignage n’est pas vrai. » —
Saint Rémi : L’Évangéliste nous fait connaître
l’objet de son ministère par le nom de Baptiste qu’il lui donne. — La Glose [référence
à vérifier]: C’est par ce baptême qu’il prépare les voies au Seigneur, car les
hommes auraient rejeté le baptême du Christ s’ils n’avaient été préparés par
un autre baptême. —
Saint Rémi [référence à vérifier]: Nous voyons le zèle de Jean-Baptiste dans ces paroles: « Il vint prêcher. » — Raban : Car le Christ
devait aussi prêcher; lors donc que Jean-Baptiste vit que le temps opportun
était arrivé (à l’âge de trente ans environ), il commença ses prédications
pour préparer les voies au Seigneur. —
Saint Rémi : L’Évangéliste indique le lieu
qu’habitait Jean-Baptiste, en ajoutant: « dans
le désert de la Judée. » — Maximus : Dans le
désert, où sa prédication ne serait exposée ni aux murmures d’une foule
insolente, ni aux railleries d’auditeurs infidèles, et où il n’aurait pour
auditeurs que ceux qui rechercheraient la parole de Dieu dans un véritable
esprit de religion. — Saint
Jérôme : (sur
Is 40). Ou bien il faut voir ici une figure de cette
vérité que le salut qui vient de Dieu et la gloire du Seigneur ne sont pas
prêchés dans Jérusalem, mais dans la solitude de l’Église et dans le désert
de la multitude des nations. — Saint Hilaire : (can. 2 sur S. Matth.) Ou
bien encore il vint dans la Judée déserte, déserte, c'est-à-dire privée des
visites de Dieu, mais pourtant fréquentée par les hommes, de manière que le
lieu qu’il avait choisi pour ses prédications attestait l’abandon de ceux à
qui la parole de Dieu s’adressait. — La Glose : Ou bien enfin, dans
le sens figuré, le désert représente la vie qui est éloignée des attraits
séducteurs du monde, et que doivent suivre ceux qui veulent faire pénitence. —
Saint Augustin : (Liv. de la Pénit.) Celui qui ne se repent
pas de sa vie passée ne peut pas en commencer une nouvelle. —
Saint Hilaire : (c. 2 sur S. Mat.) C’est pour cela que
Jean-Baptiste, au moment où approche le royaume des cieux, prêche la
pénitence qui nous fait quitter les sentiers de l’erreur, revenir de nos
égarements, et nous inspire avec la honte de nos péchés la résolution de ne
plus les commettre; c’est ce que signifient ces paroles: « Faites pénitence. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Mat.) Par cet exorde seul il
s’annonce comme l’ambassadeur du roi plein de bonté, car il ne fait aucune
menace aux pécheurs, mais leur promet le pardon de leurs péchés. Les rois ont
coutume, à la naissance d’un fils, de proclamer une amnistie dans leur
royaume, mais ils la font précéder par d’impitoyables exacteurs. Dieu, au
contraire, voulant, aussitôt la naissance de son fils, accorder [au genre
humain] le pardon de ses péchés, envoie par avance, comme une sorte d’exacteur,
Jean-Baptiste; et qu’exige-t-il ? Il dit: « Faites pénitence. » O heureuse exaction, qui, loin de
nous appauvrir nous enrichit. En effet, lorsque nous avons payé nos dettes à
la justice divine, nous ne donnons rien à Dieu, mais nous acquérons le riche
bénéfice de notre salut éternel; car la pénitence purifie notre cœur, éclaire
nos facultés et prépare notre âme à recevoir Jésus-Christ. C’est pour cela
qu’il ajoute: « Le royaume de Dieu
approche. » —
Saint Jérôme : C’est Jean-Baptiste qui le premier
annonce le royaume des cieux, parce que Dieu voulait honorer par ce privilège
le précurseur de son Fils. —
Saint Jean Chrysostome : (hom 10.) Il annonce donc ce que les Juifs
n’avaient jamais entendu, pas même de la bouche des prophètes : les
cieux et le royaume qu’ils renferment, sans rien dire de la terre. C’est
ainsi que par la nouveauté des choses qu’il prêche, il excite en eux le désir
de chercher celui qui fait l’objet de ses prédications. —
Saint Rémi : Le royaume des cieux se prend dans
quatre sens différents: pour le Christ dans ce passage de saint Luc: « Le royaume de Dieu est au dedans de
vous » (Lc 17); pour la sainte Écriture dans cet autre : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé
et sera donné à une nation qui en portera les fruits » (Mt 21); pour
la sainte Église dans ce passage: « Le
royaume de Dieu est semblable à dix vierges » (Mt 25); enfin, pour le céleste séjour dans ces paroles de
Jésus-Christ: « Il en viendra
beaucoup d’Orient et d’Occident et ils s’asseoiront dans le royaume des
cieux. » Or, cette expression peut avoir ici toutes ces différentes
significations. — La Glose : Jean-Baptiste
dit: « Le royaume de Dieu est
proche », car s’il ne s’approchait pas, personne ne pourrait arriver
jusqu’à lui. Infirmes et
aveugles qu’ils étaient, les hommes avaient besoin de la voie qui est
Jésus-Christ. —
Saint Augustin : (de l’ac. des Ev., l. 2, ch. 12). Les autres
Évangélistes n’ont point rapporté ces dernières paroles de Jean-Baptiste.
Quant à celles qui suivent: « C’est
de lui que le prophète Isaïe a parlé, lorsqu’il a dit: Je suis la voix de
celui qui crie dans le désert; préparez le chemin du Seigneur, rendez droits
ses sentiers », leur rapport est ambigu et on ne voit pas clairement
si c’est l’Évangéliste qui fait lui-même cette citation, ou s’il la donne
comme faisant suite aux paroles de saint Jean, de manière que tout ce
passage: « Faites pénitence, le
royaume des cieux approche, car c’est lui dont a parlé le prophète Isaïe »
ferait partie du discours du précurseur. Que saint Jean ne dise pas: « C’est moi », mais « c’est lui », cela ne doit
pas nous impressionner, car saint Matthieu ne dit-il pas de lui-même: « Jésus trouva un homme dans son
bureau ? » et non pas: « Jésus
me trouva. » S’il en est ainsi, qu’y a-t-il d’étonnant que saint
Jean-Baptiste, interrogé sur ce qu’il pensait de lui-même, ait répondu: « Je suis la voix de celui qui crie
dans le désert » comme le rapporte l’Évangéliste saint Jean ? — Saint Grégoire le Grand : (hom.
7 sur S. Matth.) On sait que le Fils unique de Dieu
est appelé le Verbe du Père, d’après ce passage du même Évangéliste: « Au commencement était le
Verbe. » Or, nous voyons par notre manière de parler que la voix
résonne pour que la parole puisse être entendue: Jean, précurseur de la venue
du Seigneur, est donc appelé la voix, parce que, par son intermédiaire se
fait entendre aux hommes le Verbe du Père. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) La voix par elle-même est un
son confus qui ne dévoile aucun secret du cœur; elle indique seulement que
celui qui élève la voix veut exprimer une pensée. Mais c’est à la parole
seule qu’il appartient de révéler les mystères de l’âme. Il y a encore cette
différence que la voix est commune aux hommes et aux animaux, tandis que la
parole est le partage exclusif des hommes. Jean est donc appelé la voix et
non pas la parole, parce que Dieu ne l’a point choisi pour faire connaître
ses conseils, mais uniquement pour annoncer qu’il méditait quelque grand
dessein en faveur des hommes; ce n’est que par son Fils qu’il a dévoilé par
la suite dans toute leur clarté les mystérieux desseins de sa volonté divine. — Raban : Cette
expression: « La voix de celui qui
crie » nous révèle toute la force de la prédication de saint Jean.
Le cri de la voix se produit dans trois circonstances: lorsqu’on s’adresse à
une personne éloignée, lorsque cette personne est sourde, lorsqu’on parle
sous l’empire de l’indignation, et ces trois circonstances se réunissaient
dans l’état du genre humain. — La Glose : Jean est donc comme
la voix de la parole qui crie, car c’est la parole qui se fait entendre par
le moyen de la voix, c’est-à-dire Jésus-Christ par Jean-Baptiste. — Saint Bède : C’est ainsi
qu’il a parlé par la voix de tous ceux qui, depuis le commencement, ont
communiqué aux hommes quelque élément de la divinité; mais Jean-Baptiste seul
est appelé la voix, parce que seul il a révélé la présence du Verbe, que les
autres n’ont fait qu’annoncer de loin. —
Saint Grégoire le Grand : (Hom. 7 sur les Evang.) Jean « crie dans le désert »
parce qu’il annonce la consolation du Rédempteur à la Judée abandonnée et
privée de tout secours. —
Saint Rémi : Historiquement parlant, il parlait dans
le désert, parce qu’il se tenait éloigné de la foule des Juifs. Que criait
cette voix ? Les paroles suivantes nous l’apprennent: « Préparez la voie du
Seigneur. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Lorsqu’un grand roi est sur
le point d’entreprendre un voyage ou une expédition, il envoie devant lui des
hommes qui préparent tout [pour le recevoir], font disparaître tout ce qui
peut offenser ses yeux et rétablir
ce qui est en ruines; ainsi Notre Seigneur se fait précéder par saint Jean
qui par la pénitence balaye du cœur des hommes les souillures du péché, et
reconstruit ce qui est en ruines à l’aide de l’observation des préceptes spirituels. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 20 sur les Evang.) Tout
homme qui annonce la vraie foi et la nécessité des bonnes œuvres, prépare la
voie du Seigneur dans le cœur de ceux qui l’écoutent, il rend droits ses
sentiers lorsque, par de pieuses et saintes exhortations, il fait naître dans
l’âme de chastes pensées. — La Glose : (interlin). Ou bien la foi est la voie par laquelle le Verbe descend dans le cœur, et les sentiers sont redressés lorsque les mœurs sont réformées. |
Lectio 2 [85360] Catena in Mt.,
cap. Hilarius in Matth. Fuerant enim praedicanti
Ioanni et locus opportunior et vestitus utilior et cibus aptior. Hieronymus. De pilis enim camelorum habebat
vestimentum, non de lana. Aliud austerae vestis
indicium est, aliud luxuriae mollioris. Chrysostomus super Matth. Servis autem
Dei non convenit habere vestimentum ad speciem visionis vel ad carnis
delectamentum, sed tantum ad tegumentum nuditatis. Habebat enim Ioannes
vestem non mollem neque delicatam, sed cilicinam, gravem et asperam, et
conterentem corpus potius quam foventem, ut de virtute animae eius ipse
habitus corporis loqueretur. Sequitur et zonam pelliceam circa lumbos suos.
Consuetudo enim erat apud Iudaeos ut zonis laneis uterentur: ideo iste, quasi
durius aliquid facere volens, zona pellicea cingebatur. Hieronymus. Porro quod sequitur, esca
eius erat locustae et mel silvestre, habitatori solitudinis congruum est, ut
non delicias ciborum, sed necessitates humanae carnis expleret. Rabanus. Tenui victu contentus, et ex minutis
volatilibus et melle invento in truncis arborum. In dictis autem Arnulphi Galliarum episcopi reperimus minimum genus
locustarum fuisse in deserto Iudaeae, quae corpusculis in modum digiti manus
exilibus et brevibus in herbis facile capiuntur, coctaeque in oleo pauperem
praebent gustum. Similiter narrat, in eodem deserto esse
arbores habentes lata folia et rotunda, lactei coloris, et melliti saporis,
quae natura fragilia manibus fricantur et eduntur, et hoc est quod mel
silvestre dicitur. Remigius. Sub hoc autem habitu vestimentorum
et vilitate ciborum ostendit se peccata totius generis humani deflere. Rabanus. Potest et habitus et gustus eius,
qualitatem internae conversationis exprimere: nam austerioribus utebatur
indumentis quia vitam peccantium increpavit. Hieronymus. Zona quidem pellicea, qua cinctus
fuit et Elias, mortificationis est indicium. Rabanus. Locustas et mel silvestre edebat quia
dulcius sapiebat turbis praedicatio eius; sed citius finem sortita est: in
melle enim dulcedo, in locustis est alacer volatus, sed cito deciduus. Remigius. Per Ioannem autem, qui Dei gratia
interpretatur, significatur Christus, qui mundo gratiam attulit; per
vestimentum illius designatur Ecclesia gentium. Hilarius in Matth. Cum exuviis immundarum
pecudum, quibus gentiles pares existimantur, Christi praedicator induitur,
fitque sanctificatum habitu prophetali quidquid in eis vel inutile fuerat vel
sordidum. Zonae autem praecinctio, efficax in omne opus bonum est apparatus,
ut ad omne ministerium Christi simus accincti. In esum etiam eliguntur
locustae fugaces hominum, et ad omnem adventum nostri sensus evolantes: nos
scilicet, qui ab omni sermone et congressu ipsis quibusdam corporis saltibus
efferebamur voluntate vagi, in operibus inutiles, in verbis queruli, sede
peregrini; nunc sumus sanctorum alimonia et satietas prophetarum electi,
simul cum melle silvestri, dulcissimum ex nobis cibum non ex alveariis legis,
sed ex truncis silvestrium arborum praebituri. |
Verset 4.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Après nous avoir appris que Jean est la voix de celui qui crie dans
le désert, l’Évangéliste ajoute à dessein: « Or, Jean portait un vêtement en poils de chameau, » Ces
paroles nous font connaître quelle était sa vie; ainsi, pendant qu’il rendait
témoignage au Christ, sa vie lui rendait témoignage à lui-même, car personne
ne peut être le digne témoin d’un autre s’il n’est d’abord son propre témoin. — Saint Hilaire : (can. 2 sur S. Matth.) Le lieu que Jean avait choisi était
le plus convenable pour la prédication: ainsi avait-il pris le vêtement le
plus utile et choisi la nourriture la plus appropriée [ sa vocation] —
Saint Jérôme : Son vêtement était fait de poils de
chameau et non de laine; le premier de ces vêtements est l’indice d’une vie
austère; le second, d’une délicatesse efféminée. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Les serviteurs de Dieu
doivent se vêtir, non pour plaire aux regards ou pour flatter leur chair,
mais seulement pour nourrir leur nudité. Voyez en effet Jean-Baptiste: son
vêtement n’était ni doux ni délicat; c’était une espèce de cilice lourd et
rude, plus fait pour mortifier la chair que pour la flatter, de sorte que le
seul vêtement de son corps annonçait la force de son âme. —
Suite : « et
une ceinture de cuir autour des reins, » C’était la coutume chez les
Juifs de porter des ceintures de laine, et Jean-Baptiste, voulant adopter une
vie plus rude, porte une ceinture de peau. —
Saint Jérôme : Ce que l’Évangéliste ajoute: « Sa nourriture était du miel sauvage
et des sauterelles, » convient à l’homme qui vit dans la solitude,
qui prend la nourriture non pour goûter les délices de la table, mais pour
satisfaire aux exigences du corps. — Raban : Il se contente
d’une nourriture légère, composée de petits insectes et de miel qu’il
trouvait sur le tronc des arbres. Nous lisons dans les ouvrages d’Arnulphe,
évêque des Gaules, que l’espèce de sauterelles qui se trouve dans le désert
de —
Saint Rémi : Ce genre de vêtements et cette
nourriture pauvre annoncent un homme qui pleure les péchés du genre humain. — Raban : On peut voir
aussi dans ce vêtement et dans cette nourriture un indice des dispositions de
son âme. Il se revêt d’un habit austère parce qu’il devait reprendre les
vices des pécheurs. —
Saint Jérôme : Cette ceinture de cuir qui entoure
ses reins, de même que ceux d’Elie, est une preuve de sa mortification. — Raban : Il mangeait des
sauterelles et du miel sauvage, parce que sa prédication était agréable à la
multitude, mais qu’elle arriva bientôt à sa fin. Le miel en effet est la
douceur même, et le vol des sauterelles vif et léger, mais il est de courte
durée. —
Saint Rémi : Jean, qui veut dire grâce de Dieu, représente le Christ
qui apporte la grâce au monde; son vêtement est le symbole de l’Église formée
des Gentils. — Saint Hilaire : ( |
Lectio 3 [85361] Catena in Mt.,
cap. Chrysostomus in Matth. Erat enim
mirabile in humano corpore tantam patientiam videre: quod denique et Iudaeos
magis attrahebat, magnum Eliam in eo videntes. Conferebat autem ad stuporem
quod dereliquerat eos gratia prophetarum, et post longum tempus reversa
videbatur ad eos. Praedicationis etiam modus immutatus ad id proderat: nihil
enim assuetorum apud alios prophetas audiebant, puta praelia et victorias
Babylonicas et Persicas, sed caelos, et quidem illic regnum, et supplicium
Gehennae. Dicit autem tunc exibat ad eum Ierosolyma
et omnis Iudaea et omnis regio circa Iordanem, et baptizabantur ab eo in
Iordane. Glossa. Baptismo praecurrente, non
peccata dimittente. Remigius. Baptismus enim Ioannis figuram
gerebat catechumenorum: nam sicut modo catechizantur pueri, ut digni fiant
sacramento Baptismatis, ita Ioannes baptizabat, ut baptizati ab eo, postea
devote vivendo digni fierent accedere ad Christi Baptismum. In
Iordane autem baptizabat, ut ibi aperiretur ianua regni caelestis ubi datus
est aditus filiis Israel terram promissionis intrandi. Sequitur confitentes peccata sua.
Chrysostomus super Matth. Ad comparationem enim sanctitatis Ioannis quis
poterat arbitrari se iustum? Sicut enim vestis candida si fuerit posita iuxta
nivem, ad comparationem nivis sordida invenietur, sic ad comparationem
Ioannis omnis homo videbatur immundus; et ideo peccata sua confitebantur.
Confessio autem peccatorum testimonium est conscientiae timentis Deum.
Perfectus enim timor solvit omnem pudorem. Illic autem turpitudo confessionis
aspicitur ubi futuri iudicii poena non creditur. Et quia ipsum erubescere
poena est gravis, ideo iubet nos Deus confiteri peccata nostra ut verecundiam
patiamur pro poena: nam et hoc ipsum pars iudicii est. Rabanus. Bene autem qui baptizandi erant,
exire ad prophetam dicuntur, quia nisi quis ab infirmitate recedat, pompae
Diaboli ac mundi illecebris abrenuntiet, Baptismum salubre consequi non
poterit. Bene autem in Iordane, qui descensio eorum dicitur, baptizantur:
quia de superbia vitae ad humilitatem verae confessionis descenderant.
Exemplum autem iam tunc confitendi peccata ac meliorem vitam promittendi
baptizandis dabatur. |
Versets 5, 6.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Après nous avoir fait connaître la vie de Jean, l’Évangéliste ajoute
comme conséquence: « Alors
Jérusalem venait à lui, etc... » Car la renommée de sa vie dans le
désert avait plus de retentissement que le son de sa voix. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur
S. Matth.) C’était un spectacle admirable de voir une résistance aussi
grande dans un corps mortel. C’est aussi ce qui attirait le plus les juifs,
qui croyaient voir en lui le grand prophète Élie. Ce qui augmentait leur
étonnement, c’est qu’ils étaient privés de la grâce des prophéties, et qu’après
longtemps cette grâce paraissait leur être rendue. Le genre de prédication
tout différent y contribuait encore, car ils n’entendaient rien de ce que les
autres prophètes avaient coutume de leur annoncer, les combats, les victoires
des Assyriens et des Perses. Jean-Baptiste ne leur parlait que des cieux, du
royaume que Dieu y a fondé, et du supplice de l’enfer. L’Évangéliste ajoute: « Alors toute la ville de Jérusalem allait vers lui, et ils
étaient baptisés par lui dans le Jourdain ». — La Glose : (interlin.) C’était un baptême
de préparation, qui n’effaçait pas les péchés. —
Saint Rémi : Le baptême de Jean figurait la conduite
que tient l’Église à l’égard des catéchumènes; on catéchise les enfants pour
les rendre dignes du sacrement de baptême; ainsi Jean donnait le baptême,
afin que ceux qui le recevaient méritent par une vie vraiment pieuse le
baptême de Jésus-Christ. Il baptisait dans le Jourdain pour ouvrir la porte
du royaume des cieux dans le même endroit qui avait ouvert aux enfants
d’Israël l’entrée de la terre promise. — Suite : « confessant leurs péchés. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En comparaison avec
l’éminente sainteté de Jean-Baptiste, qui pourra se croire juste ? De
même qu’un vêtement d’une éclatante blancheur perd tout son éclat et paraît
même souillé si on le place près de la neige; ainsi en comparaison de saint
Jean tout homme se trouvait impur et se hâtait de confesser ses péchés. Or la
confession des péchés est la marque d’une conscience qui craint Dieu, car la
crainte qui est parfaite triomphe de toute honte. On se laisse arrêter par la
honte de se confesser, quand on ne croit pas au châtiment qui doit suivre le
jugement dernier. Et comme la confusion est une peine assez forte, Dieu nous ordonne
d’avouer nos fautes pour nous soumettre à cette peine de la honte, car elle
fait aussi partie du jugement. — Raban : C’est avec raison que l’Évangéliste dit que ceux qui devaient être baptisés sortaient pour aller trouver le prophète, car à moins de sortir de ses faiblesses, de renoncer aux pompes du démon et aux attraits séducteurs du monde, on ne peut recevoir le baptême avec fruit. Il était également convenable qu’ils fussent baptisés dans le Jourdain, dont le nom signifie descente, car ils descendaient des hauteurs orgueilleuses de leur vie pour se soumettre aux humiliations d’une confession véritable. Dès lors l’exemple était donné à ceux qui voulaient recevoir le baptême de confesser leurs péchés et de s’engager à mener une vie meilleure. |
Lectio 4 [85362] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Unde necesse fuit ut post
doctrinam quam Ioannes turbis tradiderat, Evangelista etiam illius doctrinae
faceret mentionem qua instruxit eos qui provectiores videbantur; et ideo
dicit videns autem multos Pharisaeorum et Sadducaeorum venientes ad Baptismum
suum. Isidorus in Lib. Etymol. Pharisaei et
Sadducaei inter se contrarii sunt: nam Pharisaei ex Hebraeo in Latinum
interpretantur divisi, eo quod traditionum et observationum iustitiam
praeferunt: unde divisi vocantur a populo quasi per iustitiam. Sadducaei
interpretantur iusti: vindicant enim sibi quod non sunt, corporum
resurrectionem negant, et animam cum corpore interire praedicant. Hi tantum
quinque libros legis recipiunt, prophetarum vaticinia respuunt. Glossa. Hos ergo qui inter Iudaeos maiores
videbantur, videns Ioannes ad Baptismum suum venire, dixit eis: progenies
viperarum, quis vobis demonstrabit fugere a ventura ira? Remigius. Consuetudo Scripturarum est ab
imitatione operum nomina imponere, secundum illud Ezech.: pater tuus
Amorrhaeus; sic et isti ab imitatione viperarum, progenies viperarum dicuntur.
Chrysostomus super Matth. Sicut enim
artificiosus medicus si viderit aegrotantis colorem, intelligit speciem
passionis, sic Ioannes venientium ad se Pharisaeorum pravas cogitationes
intellexit; forsitan enim apud se cogitaverunt: imus, et confitemur peccata
nostra; nullum laborem nobis imponit; baptizemur, et consequamur indulgentiam
peccatorum. Insipientes, numquid facta digestione impuritatis, non est
necessaria sumptio medicinae? Sic multa diligentia necessaria est homini post
confessionem et Baptismum, ut vulnus peccatorum perfecte sanetur; ideo dicit
progenies viperarum. Natura enim viperarum est, quod statim cum momorderit
hominem, currit ad aquam, quam si non invenerit, moritur; ideo istos dicebat
progeniem viperarum, quia peccata mortifera committentes currebant ad
Baptismum, ut sicut viperae per aquam tantum pericula mortis evaderent. Item
viperarum natura est rumpere viscera matrum suarum, et sic nasci. Quoniam
ergo Iudaei assidue persequentes prophetas corruperunt matrem suam synagogam,
ideo progenies viperarum nuncupantur. Item viperae a foris speciosae sunt et
quasi pictae, intus autem veneno repletae; ita et isti pulchritudinem
sanctitatis ostendebant in vultu. Remigius. Cum ergo dicitur quis demonstrabit
vobis fugere a ventura ira? Subauditur: nisi Deus. Chrysostomus super Matth. Vel quis vobis
demonstrabit? Num Isaias propheta? Absit: si enim ipse vos docuisset, non
spem in aqua poneretis tantum, sed etiam in operibus bonis: ille enim dicit:
lavamini et mundi estote; auferte nequitiam ab animabus vestris, discite bene
facere. Numquid etiam David dicens: lavabis me, et super nivem dealbabor?
Absit: ille enim sic dicit postea: sacrificium Deo spiritus contribulatus. Si
ergo essetis discipuli David, cum gemitu ad Baptismum veniretis. Remigius. Si vero quis demonstrabit sub futuro
legatur tempore, hic est sensus: quis doctor, quis praedicator dabit vobis
consilium ut possitis evadere iram aeternae damnationis? Augustinus de Civ. Dei. Deus autem propter
quamdam operum similitudinem, non propter affectionum infirmitatem, secundum
Scripturas, irascitur, nec tamen ulla passione turbatur: hoc enim verbum
vindictae usurpavit effectus, non ille turbulentus affectus. Si ergo vultis effugere, facite dignum fructum
poenitentiae. Gregorius in Evang. In quibus verbis notandum
est, quod non solum fructus poenitentiae, sed dignos poenitentiae admonet
esse faciendos. Sciendum enim est, quia quisquis illicita nulla commisit,
huic iure conceditur ut licitis utatur; at si quis in culpam lapsus est,
tanto a se debet licita abscindere quanto se meminit et illicita perpetrasse.
Uniuscuiusque ergo conscientia convenitur, ut tanto maiora quaerat bonorum
operum lucra per poenitentiam, quanto graviora sibi intulerit damna per culpam.
Sed Iudaei de generis nobilitate gloriantes, idcirco se agnoscere peccatores
nolebant quia de Abrahae stirpe descenderant; et ideo recte dicitur et ne
velitis dicere intra vos: patrem habemus Abraham. Chrysostomus in Matth. Haec autem dixit, non prohibens
illos dicere ex illo se esse, sed prohibet in hoc confidere, virtuti animae
non insistentes. Chrysostomus super Matth. Quid enim prodest ei
quem sordidant mores, generatio clara? Aut quid nocet illi generatio vilis,
quem mores adornant? Melius est enim alicui ut in eo glorientur parentes quia
talem filium habent, quam ut ipse in parentibus glorietur. Sic et vos nolite
gloriari dicentes quia patrem habemus Abraham; sed magis erubescite, quia
filii estis eius, et sanctitatis eius non estis heredes. De adulterio enim
natus videtur qui non assimilat patrem. Parentum igitur gloriam excludit
dicens et ne velitis dicere. Rabanus. Quia ergo praeco veritatis ad dignum
poenitentiae fructum faciendum eos incitare volebat, ad humilitatem
provocabat, sine qua nullus poenitere potest, subdens dico enim vobis quoniam
potens est Deus de lapidibus istis suscitare filios Abrahae. Remigius. Fertur, quod in eo loco praedicavit
Ioannes circa Iordanem, ubi iubente Deo duodecim lapides de medio alveo
Iordanis sublati positi sunt. Potuit ergo fieri ut hos demonstrando diceret
de lapidibus istis. Hieronymus. In quo Dei indicat potentiam, quod
qui de nihilo cuncta fecerat, posset et de saxis durissimis populum procreare.
Glossa. Prima enim sunt rudimenta fidei
credere Deum posse quicquid voluerit. Chrysostomus. Ex lapidibus autem generari
homines, simile est ei quod ex Sara processit Isaac; unde et propheta dicit:
aspicite ad petram de qua excisi estis. Huius igitur prophetiae eos memores
faciens, monstrat quod possibile est nunc etiam simile fieri. Rabanus. Vel aliter. Lapidum nomine gentes
significatae sunt, quae lapides coluerunt. Chrysostomus, super Matth. Item lapis durus
est ad opus; sed cum factum fuerit opus ex eo, deficere nescit; sic et gentes
cum difficultate crediderunt quidem, tamen credentes permanent in aeternum in
fide. Hieronymus. Lege Ezechielem: auferam, inquit,
a vobis cor lapideum, et dabo vobis cor carneum. In lapide duritia, in carne
mollitudo monstratur. Rabanus. De lapidibus ergo filii Abrahae
suscitati sunt, quia dum gentiles in Abrahae semine, idest in Christo,
crediderunt, eius filii facti sunt cuius semini sunt uniti. Sequitur iam enim securis ad radicem arboris posita est. Chrysostomus super Matth. Securis
est acutissima ira consummationis, quae totum praecisura est mundum. Sed si
posita est, quare non praecidit? Quia rationales sunt arbores et in potestate
habent facere bonum aut non facere; ut videntes ad radices suas positam esse
securim, timeant et faciant fructum. Ergo denuntiatio irae, quod est securis
positio, etsi in malis nihil agat, tamen a malis segregat bonos. Hieronymus. Vel securis est praedicatio
Evangelii, iuxta Ieremiam qui verbum domini comparat securi caedenti petram.
Gregorius in Evang. Vel securis est redemptor
noster, qui velut ex manubrio et ferro, ex divinitate constans et humanitate,
tenetur ex humanitate, sed incidit ex divinitate; quae videlicet securis ad
radicem arboris posita est, quia etsi per patientiam expectat, videtur tamen
quid factura est. Omnis enim arbor quae non facit fructum bonum, excidetur,
et in ignem mittetur: quia unusquisque perversus paratam citius Gehennae
concremationem invenit qui hic fructum boni operis facere contemnit. Securim
autem non iuxta ramos positam, sed ad radicem dicit: cum enim malorum filii
tolluntur, rami infructuosae arboris abscinduntur; cum vero tota simul
progenies cum parente tollitur, infructuosa arbor a radice abscissa est, ne
remaneat unde prava iterum soboles succrescat. Chrysostomus in Matth. Cum autem dicit omnis,
excludit primatum, quod est a nobilitate; quasi dicat: etsi nepos fueris
Abrahae, sustinebis poenam sine fructu manens. Rabanus. Quatuor autem sunt species arborum:
quarum una tota est arida, cui assimilantur Pagani; altera viridis, sed sine
fructu, cui assimilantur hypocritae; tertia viridis et fructuosa, sed
venenosa, cui assimilantur haeretici; quarta viridis est, et fructum bonum
gignit, cui assimilantur viri Catholici. Gregorius in Evang. Igitur omnis arbor non faciens
fructum bonum, excidetur et in ignem mittetur: quia paratam Gehennae
concremationem invenit qui hic boni operis fructum facere contemnit. |
Versets 7-10.
— Saint Grégoire le Grand : (Pastoral., partie 3, dans le Prologue.) Le discours de ceux qui enseignent doit
varier suivant la qualité des auditeurs; il faut qu’il réponde aux
dispositions de chacun d’eux, sans s’écarter cependant des règles de
l’édification commune. — — Isid. (Liv. des Etymol. ou des
Origines, liv. 8, chap. 4.) Les Pharisiens et les Sadducéens sont divisés
entre eux. Le nom de Pharisiens, d’étymologie hébraïque, signifie divisé, parce que les Pharisiens
mettent au-dessus de tout la justice qui vient des traditions et des
observances légales; ils sont donc regardés comme divisés du reste du peuple
par cette manière d’entendre la justice. Le nom de Sadducéen veut dire juste et ils réclament ainsi ce nom
qu’ils ne méritent pas, eux qui nient la résurrection des morts et qui
prétendent que l’âme meurt avec le corps. Ils n’admettent que les cinq livres
de la loi, et rejettent les oracles des prophètes. — —
Saint Rémi : C’est la coutume des écrivains sacrés
de donner aux hommes le nom de ceux dont ils imitent les œuvres, comme on le
voit en ce passage d’Ezéchiel: « Ton
père est Amorrhéen. » Ainsi les Pharisiens sont appelés race de
vipères, parce qu’ils imitent les mœurs des vipères. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Tel qu’un médecin habile qui
voyant un malade, connaît à la couleur seule de son visage la nature de sa maladie;
ainsi Jean-Baptiste découvre aussitôt les pensées mauvaises des Pharisiens
qui s’approchent de lui; ils disaient probablement en eux-mêmes: Allons,
confessons nos pêchés; il ne nous impose aucune œuvre difficile, faisons-nous
baptiser, et nous obtiendrons la rémission pour nos péchés. Insensés, lorsque
l’estomac a digéré une nourriture corrompue, n’a-t-il pas besoin de prendre
une médecine ? Ainsi après la conversion, après le baptême, faut-il
prendre les plus grands soins pour l’entière guérison des blessures que le
péché a faites à l’âme. « Race de
vipères, » leur dit-il: en effet les morsures des vipères ont ce
caractère particulier que celui qui en est atteint court aussitôt chercher de
l’eau, et s’il n’en trouve pas, il meurt [de sa blessure]. Or saint Jean les
appelle « race de vipères », parce qu’après s’être rendus coupables
de fautes mortelles, ils accouraient à son baptême pour échapper par l’eau,
comme des vipères, au danger de mort qu’ils portaient en eux. Il les appelle
encore « race de vipères », parce que les vipères déchirent en
naissant le sein de leurs mères, et que les Juifs, en ne cessant de
persécuter les prophètes, ont aussi déchiré le sein de —
Saint Rémi : Lorsque saint Jean dit: « Qui vous a enseigné à fuir la
colère qui doit venir ? », il faut donc entendre : si ce
n’est Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) « Qui vous a enseigné ? » Est-ce le prophète Isaïe ? Non: s’il avait été votre maître,
vous ne placeriez pas votre espérance dans l’eau seule du baptême, mais
encore dans les bonnes œuvres, car c’est lui qui a dit: « Lavez-vous, purifiez-vous, faites disparaître le mal de vos
âmes, apprenez à bien faire. » Est-ce David qui a dit aussi: « Lavez-moi, et je serai plus blanc
que la neige ? » Non, car il ajoute ensuite: « Le sacrifice que Dieu demande,
c’est un cœur contrit. » Si donc vous étiez les disciples de David,
vous approcheriez du baptême en gémissant. —
Saint Rémi : Si on lit au futur: « Qui vous apprendra, » le
sens sera: Quel sera le docteur, quel sera le prédicateur qui vous enseignera
le moyen d’échapper à la colère de la damnation éternelle ? —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 9, chap. 5.) Lorsque
l’Écriture nous dit que Dieu se met en colère, ce n’est point qu’il soit
soumis à la faiblesse de nos passions, et qu’elles excitent le trouble dans
son âme, c’est uniquement à cause d’une certaine ressemblance de ses actions
avec les nôtres, et le mot exprime simplement l’effet de la vengeance, et non
pas le mouvement violent [qui l’accompagne ordinairement]. — La Glose : Si donc vous voulez
éviter cette colère, faites de dignes fruits de pénitence. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 20 sur
les Evang.) Remarquons que saint Jean n’exige pas seulement des fruits de
pénitence, mais de dignes fruits de pénitence. Il faut savoir en effet celui
qui n’a fait aucune chose défendue peut légitimement jouir des choses
permises, mais celui qui est tombé dans le péché doit d’autant plus se
retrancher ce qui est permis qu’il se souvient de s’être livré aux choses
défendues. C’est donc à la conscience de chacun qu’il s’adresse pour qu’on
cherche d’autant plus à s’enrichir de bonnes œuvres par la pénitence, qu’on a
subi de plus grandes pertes par les fautes qu’on a commises. Mais les Juifs,
tout fiers de la noblesse de leur origine, ne voulaient pas s’avouer
pécheurs, parce qu’ils descendaient de la race d’Abraham. C’est donc à juste
titre qu’il est dit : « Ne vous avisez pas de dire en
vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur
S. Matth.) Il ne veut par leur défendre de se dire enfants d’Abraham,
mais de mettre toute leur confiance dans ce titre, sans s’appliquer aux
vertus de l’âme. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) A quoi sert une illustre
origine à celui dont les mœurs sont dépravées, et en quoi peut nuire une
naissance obscure à celui dont les vertus sont le plus bel ornement ? Il
vaut mieux pour un homme être la gloire de ses parents qui seront fiers
d’avoir un tel fils, que de tirer sa propre gloire de ceux qui lui ont donné
le jour. Ne vous glorifiez donc pas en disant: Nous avons Abraham pour père,
mais rougissez plutôt d’être ses descendants sans être les héritiers de sa
sainteté; car celui qui ne ressemble pas à son père passe pour être le fruit
de l’adultère. Par ces paroles: « et
ne dites pas, » il condamne donc la vaine gloire qu’on veut tirer de
son origine. — Raban : Comme
ce héraut de la vérité venait appeler les gens à acquérir de dignes fruits de
la pénitence, il les exhorte à l’humilité, sans laquelle il n’y a point de
repentir possible, et il ajoute: « Je
vous le déclare, Dieu pourrait de ces pierres susciter des enfants
d’Abraham. » — Raban [référence à vérifier]: L’histoire rapporte que Jean prêchait
dans cet endroit près du Jourdain où douze pierres tirées du lit de ce fleuve
furent dressées par l’ordre du Seigneur (Jos 4, 2.8). Donc il peut se faire
que Jean-Baptiste indiqua ces pierres lorsqu’il dit ces paroles: « [Dieu est assez puissant pour
susciter] de ces pierres mêmes [des enfants d’Abraham]. » — Saint Jérôme : Par là il montre la puissance de Dieu, qui après avoir tiré le monde du néant pouvait encore se créer un peuple en donnant la vie aux pierres les plus dures. — La Glose : Car les premiers éléments de la foi consistent à croire que la puissance de Dieu n’a point de bornes. — Saint
Jean Chrysostome : Or que des pierres donnent
naissance à des hommes, c’est un prodige semblable à celui qui fit naître
Isaac de Sara, naissance à laquelle le prophète fait allusion en ces termes: « Rappelez dans votre esprit la roche
dont vous avez été tirés. » En rappelant cette prophétie aux Juifs,
saint Jean leur apprend qu’il peut encore maintenant opérer un semblable
prodige. — Raban : Ou bien dans un
autre sens on peut dire que ces pierres figurent les Gentils qui adoraient des
idoles de pierre. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Remarquez encore que la pierre est dure à travailler; mais lorsqu’on a su en tirer parti, l’ouvrage qui en résulte est indestructible: ainsi les Gentils n’ont embrassé la foi qu’avec difficulté, mais depuis qu’ils croient, ils demeurent pour toujours fidèles à leur foi. —
Saint Jérôme : Lisez Ezéchiel (Ez 11, 49): « Je vous ôterai votre cœur de
pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » La pierre signifie
ce qui est dur, la chair ce qui est tendre. — Raban : Dieu a donc tiré
de ces pierres des enfants d’Abraham, car les Gentils en croyant en
Jésus-Christ fils d’Abraham, sont devenus eux-mêmes les enfants d’Abraham par
cette union avec son Fils. — Suite : « Déjà la cognée est à la racine de l’arbre. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) La cognée est cette colère
si aiguisée de la fin des temps, qui doit opérer de si grands retranchements
dans le monde entier. Mais si elle est déjà placée [à la racine de l’arbre],
pourquoi ne coupe-t-elle pas ? Parce que les arbres dont il s’agit sont
doués de raison et qu’il est à leur pouvoir de faire le bien ou de ne pas le
faire; en voyant la cognée appliquée à leur racine, ils peuvent craindre
d’être coupés et se hâtent de porter des fruits. La menace de la colère qui
est la cognée placée à la racine, bien qu’elle ne fasse rien aux méchants,
sert donc au moins à séparer les bons des méchants. —
Saint Jérôme : Ou bien encore cette hache est la
prédication de l’Évangile, d’après le prophète Jérémie, qui compare la parole
du Seigneur à une hache qui coupe la pierre (Jr 23, 29). —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 20). Ou bien la hache figure notre
Rédempteur, car de même qu’elle se compose d’un manche et d’un fer, ainsi le Seigneur
est un composé de la divinité et de l’humanité; on peut le toucher et le
tenir par son humanité, mais par sa divinité, il est comme le fer de la
hache. Cette hache est placée à la racine de l’arbre, car, bien qu’il attende
avec patience, on voit ce qu’elle doit faire, et que tout arbre qui ne porte
pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. Eu effet, tout homme pervers qui
refuse de produire ici-bas les fruits des bonnes œuvres, trouve déjà préparé
pour lui le feu de l’enfer qui doit le consumer. Saint Jean nous dit que la
cognée est appliquée à la racine de l’arbre, et non pas aux branches. En
effet, lorsque les enfants des méchants disparaissent, ce sont les branches
de l’arbre stérile qui sont retranchées; mais, lorsque toute la famille
disparaît avec le père, l’arbre infructueux est coupé à la racine de manière
que cette race dépravée ne puisse plus produire le moindre rejeton. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur
S. Matth.) En disant « tout
arbre », Jean-Baptiste exclut la supériorité qui vient de la
noblesse de l’origine, et il semble dire: Quand vous seriez descendant
d’Abraham, vous n’échapperez pas au châtiment, si vous demeurez stérile. — Raban : On distingue
quatre espèces d’arbres: l’arbre complètement stérile et qui est la figure
des païens; celui qui porte des feuilles, mais pas de fruits, image de
l’hypocrite; celui qui a des feuilles, qui porte des fruits, mais des fruits
vénéneux, symbole de l’hérétique; enfin, celui qui est couvert de feuilles et
produit de bons fruits, et qui représente les vrais catholiques. — Saint Grégoire le Grand : Donc tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu, parce que celui qui a négligé de produire le fruit des bonnes œuvres est réservé au feu de l’enfer, qui doit le réduire en cendres. |
Lectio 5 [85363] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Quia in praecedentibus verbis
Ioannes explicaverat quod supra summarie de agenda poenitentia praedicavit,
restabat ut etiam distinctius praedicaret quod de regni caelorum
appropinquatione iam dixerat; ideo dixit ego quidem baptizo vos in aqua in
poenitentiam. Gregorius in Evang. Ioannes non in
spiritu, sed in aqua baptizat, quia peccata solvere non valebat: corpora
quidem per aquam lavat, sed tamen animas per veniam non lavat. Chrysostomus in Matth. Cum enim nondum
esset oblata hostia neque peccatum solutum esset nec spiritus descendisset in
aquam, qualiter fieret remissio peccatorum? Sed quia Iudaei nequaquam propria
sentiebant peccata, et hoc erat eis causa malorum, advenit Ioannes, in
cognitionem eos ducens propriorum peccatorum, poenitentiam memorando. Gregorius in Evang. Cur ergo baptizat
qui peccata non relaxat, nisi ut praecursionis suae ordinem servans, qui
nasciturum nascendo praevenerat, baptizaturum quoque dominum baptizando
praeveniret? Chrysostomus super Matth. Vel missus
erat Ioannes ad baptizandum, ut ad Baptismum venientibus praesentiam filii
Dei in corpore praedicaret, sicut ipse testatur alibi dicens: ut manifestetur
in Israel, ideo ego veni in aqua baptizare. Augustinus super Ioannem. Vel ideo baptizat
quia oportebat baptizari Christum. Sed quare non solus ipse
baptizatus est a Ioanne, si ad hoc missus erat Ioannes per quem baptizaretur
Christus? Quia si solus dominus baptizatus esset Baptismate Ioannis, non
deessent qui putarent Baptismum Ioannis maiorem esse quam Baptismum Christi,
usque adeo ut solus Christus eo baptizari meruisset. Rabanus. Vel ideo baptizat ut
poenitentes hoc signaculo ab impoenitentibus secernendo, ad Baptismum dirigat
Christi. Chrysostomus super Matth. Quia ergo
propter Christum baptizabat, ideo ad ipsum venientibus Christum praedicat
appariturum et eminentiam potestatis eius annuntiat, dicens qui autem post me
venturus est, fortior me est. Remigius. Sciendum est autem, quod quinque
modis venit Christus post Ioannem: nascendo, praedicando, baptizando,
moriendo et ad Inferos descendendo. Et pulchre dominus dicitur fortior
Ioanne, quia ille purus homo, hic vero Deus et homo. Rabanus. Ac si Ioannes dicat: ego quidem
fortis sum ad poenitentiam invitando, ille peccata remittendo; ego regnum
caelorum praedicando, ille donando; ego in aqua baptizando, ille in spiritu.
Chrysostomus in Matth. Cum autem
audieris: quia fortior me est, ne aestimes secundum comparationem me hoc
dicere; neque enim inter servos illius ordinari sum dignus, ut vilissimam
ministerii susciperem particulam; unde subdit cuius non sum dignus
calceamenta portare. Hilarius in Matth. Apostolis utique
circumferendae praedicationis gloriam derelinquens, quibus speciosis pedibus
pacem Dei erat debitum nuntiare. Chrysostomus super Matth. Vel per pedes
Christi intelligere possumus Christianos, praecipue apostolos, ceterosque
praedicatores, inter quos erat Ioannes Baptista; calceamenta autem sunt
infirmitates quibus operit praedicatores. Haec
ergo calceamenta Christi omnes praedicatores portant; et Ioannes etiam
portabat; sed se dignum non esse portare pronuntiat, ut maiorem ostenderet
gratiam Christi meritis suis. Hieronymus. In alio Evangelio ait: cuius non
sum dignus solvere corrigiam calceamenti. Hic humilitas, ibi ministerium
demonstratur, quia Christus cum sponsus sit, et Ioannes non mereatur sponsi
corrigiam solvere, ne vocetur domus eius, iuxta legem Moysi, et exemplum
Ruth, domus discalceati. Chrysostomus super Matth. Quia vero nemo
potest dare dignius beneficium quam ipse est nec facere alterum quod ipse non
est, recte subdit ille vos baptizabit in spiritu sancto et igni. Ioannes
quidem cum sit corporalis, spiritualem Baptismum dare non potest, sed
baptizat in aqua, quae corpus est; et ideo corpus cum corpore baptizat.
Christus autem spiritus est, quia Deus est. Spiritus etiam sanctus, spiritus
est; anima quoque spiritus est: ideo spiritus cum spiritu spiritum nostrum
baptizat. Baptismus autem spiritus proficit, quia ingrediens spiritus circumplectitur
animam, et quasi muro quodam inexpugnabili circuit eam, et non permittit ut
carnales concupiscentiae praevaleant contra eam. Non quidem facit ut caro non
concupiscat, sed tenet animam ut ei non consentiat. Et quoniam Christus iudex
est, baptizat in igne, idest in tentationibus; in igne autem baptizare non
potest homo purus. Ille enim tentandi habet licentiam qui remunerandi habet
potestatem. Hic autem Baptismus tribulationis, idest ignis, comburit carnem
ut non germinet concupiscentias: nam caro spirituales quidem poenas non
timet, sed carnales. Ideo ergo dominus super servos suos carnales
tribulationes mittit, ut timens angustias suas caro non concupiscat malum.
Vides ergo quia spiritus repellit concupiscentias, et praevalere non sinit;
ignis autem ipsas concupiscentiarum radices comburit. Hieronymus. Vel in spiritu sancto et igni:
quia ignis est spiritus sanctus, quo descendente, sedit quasi ignis super
linguas credentium. Et impletus est sermo domini dicens: ignem veni mittere
in terram, sive quia, in praesenti, spiritu baptizamur, et in futuro, igni,
secundum illud apostoli: uniuscuiusque opus quale sit, ignis probabit. Chrysostomus in Matth. Non autem dicit: dabit
vobis spiritum sanctum, sed baptizabit vos in spiritu sancto, copiam gratiae
metaphorice ostendens. Per hoc etiam monstratur quod sola voluntate etiam in
fide indiget ad iustificandum, non laboribus et sudoribus; et sicut facile
est baptizari, ita facile est per eum transmutari et fieri meliores. In igne
vero vehementiam gratiae, quae vinci non possit, demonstrat; et ut
intelligatur quod similes antiquis et magnis prophetis repente suos faciat:
propter hoc enim ignis meminit, quia plures visionum prophetalium per ignem
apparuerunt. Chrysostomus super Matth. Patet ergo quod
Baptismus Christi non solvit Ioannis Baptismum, sed in se inclusit: qui enim
baptizatur in nomine Christi, utrumque Baptismum habet, et aquae et spiritus:
quia Christus et spiritus erat, et corpus suscepit, ut et corporale et
spirituale Baptisma daret. Ioannis autem Baptismus non includit in se
Baptismum Christi, quia quod minus est, maius in se includere non potest.
Ideo apostolus cum invenisset quosdam Ephesios Ioannis Baptismate baptizatos,
iterum baptizavit eos in nomine Christi, quia in spiritu non erant baptizati,
quoniam et Christus iterum baptizavit eos qui a Ioanne fuerant baptizati,
sicut sermo Ioannis demonstrat, dicens ego vos baptizo in aqua, ille vos
baptizabit in spiritu. Nec videbatur iterum baptizare, sed semel: quia enim
amplius erat Baptisma Christi quam Ioannis, novum dabatur, et non iteratum.
Hilarius in Matth. Salutis igitur nostrae et
iudicii tempus designat in domino, dicens baptizabit vos in spiritu sancto et
igni, quia baptizatis in spiritu sancto reliquum sit consummari igne iudicii;
unde subditur cuius ventilabrum in manu sua. Rabanus. Per ventilabrum, idest palam,
discretio iusti examinis designatur, quod habet dominus in manu, idest in
potestate, quia pater omne iudicium dedit filio. Sequitur et permundabit aream suam. Chrysostomus super Matth. Area idest
Ecclesia, horreum vero regnum caeleste, ager autem hic mundus. Mittens
ergo dominus apostolos ceterosque doctores quasi messores, praecidit omnes
gentes de mundo et in aream Ecclesiae congregavit. Hic ergo triturandi sumus,
hic ventilandi: omnes enim homines in rebus carnalibus delectantur, sicut
grana in palea. Sed qui fidelis est et boni cordis habet medullam, mox ut
leviter tribulatus fuerit, negligens carnalia, currit ad dominum; si autem
modicae fidei fuerit, vix cum grandi tribulatione; qui autem omnino infidelis
est et vacuus, quantumcumque tribulatus fuerit, non transit ad Deum. Triticum
autem cum primum trituratum fuerit, iacet cum paleis in uno loco confusum,
postea autem ventilatur ut separetur; sic et in una Ecclesia fideles cum
infidelibus habentur commixti; ideo movetur persecutio quasi ventus, ut
ventilabro Christi iactati, qui iam disiuncti fuerant actibus, separentur et
locis. Et vide quia non dixit: mundabit aream suam: sed permundabit: necesse
est enim ut diversis modis tentetur Ecclesia donec permundetur. Et primum
quidem ventilaverunt illam Iudaei, deinde gentiles, modo haeretici, postmodum
perventilabit Antichristus. Sicut enim quando modica est aura, non
permundatur tota tritici massa, sed leviores paleae iactantur, graviores
autem remanent, sic et modo modico flatu tentationis sufflante pessimi
homines recedunt. Si autem surrexerit maior tempestas, etiam illi qui
videntur esse stabiles, sunt exituri. Ideo necessaria est tentatio maior, ut
permundetur Ecclesia. Remigius. Hanc etiam aream, scilicet
Ecclesiam, dominus mundat in hac vita, cum vel per iudicium sacerdotum mali
de Ecclesia tolluntur, vel per mortem de hac vita abscinduntur. Rabanus. Universaliter autem areae purgatio in
fine perficietur, quando mittet Angelos suos filius hominis et colliget de
regno suo omnia scandala. Gregorius Moralium. Nam post trituram vitae
praesentis, in qua nunc triticum sub paleis gemit, ita illo extremi iudicii
ventilabro triticum paleaque discernitur, ut nec in tritici horreum paleae
transeant, nec in palearum ignem horrei grana dilabantur; et hoc est quod
sequitur et congregabit triticum suum in horreum, paleas autem comburet igni
inextinguibili. Hilarius in Matth. Triticum suum,
perfectos scilicet credentium fructus, dicit caelestibus horreis recondendum;
paleas vero infructuosorum hominum inanitatem. Rabanus. Verum hoc inter paleas et
zizania distat, quod paleae non alio quam triticorum semine prodeunt, zizania
vero diverso. Paleae ergo sunt qui fidei sacramentis imbuuntur, sed solidi
non sunt; zizania vero qui et opere et professione secernuntur a bonorum
sorte. Remigius. Ignis autem inextinguibilis
dicitur poena aeternae damnationis: sive quia quos semel suscepit, nunquam
extinguit, sed semper cruciat; sive ad differentiam ignis Purgatorii, qui ad
tempus accenditur et extinguitur. Augustinus de Cons. Evang. Si autem quaeritur
quae verba potius Ioannes Baptista dixerit, utrum quae Matthaeus an quae
Lucas an quae Marcus eum dixisse commemorat, nullo modo hic laborandum esse
iudicat qui prudenter intelligit ipsas sententias esse necessarias
cognoscendae veritati, quibuslibet verbis fuerint explicatae. Et in hoc
apparet non debere nos arbitrari mentiri quemquam, si pluribus
reminiscentibus rem quam audierunt vel viderunt, non eodem modo atque eisdem
verbis eadem res fuerit indicata. Quisquis autem dicit Evangelistis per
spiritus sancti potentiam hoc potuisse concedi ut nec in genere verborum nec
in ordine nec in numero discreparent, non intelligit quanto amplius
Evangelistarum excellit auctoritas, tanto magis per eos fuisse firmandam
ceterorum hominum vera loquentium securitatem. Quod autem alius dixit cuius
non sum dignus calceamenta portare, alius vero: calceamenti corrigiam
solvere, non verbis tantum, sed et re ipsa videtur aliud esse. Merito ergo
quaeri potest quid horum Ioannes dixerit. Verum enim videtur narrasse qui hoc
potuit narrare quod ille dixit; qui autem aliud, etsi non est mentitus certe
vel oblitus, aliquid pro alio dixisse putabitur. Omnem autem falsitatem
abesse ab Evangelistis decet, non solum eam quae mentiendo promitur, sed
etiam eam quae obliviscendo. Ita si ad rem pertinet aliquid aliud intelligere
ex utroque dictorum, recte existimandum est Ioannem utrumque dixisse, sive aliud
alio tempore, sive confestim. Si autem nihil intendit Ioannes cum de
calceamentis domini diceret, nisi excellentiam eius et suam humilitatem,
quodlibet dictorum dixerit, eamdem tamen sententiam tenuit, quisquis etiam
verbis suis per calceamentorum commemorationem eamdem significationem
humilitatis expressit; unde ab eadem voluntate non aberravit. Utilis ergo
modus, et memoriae commendandus, non esse mendacium cum quis voluntatem eius
explicat de quo aliquid narrat, etiam dicens aliquid aliud quod ille non
dixit; voluntatem tamen suam explicavit eamdem quam et ille cuius verba
commemorat. Ita enim salubriter dicimus nihil aliud esse quaerendum quam quid
velit ille qui loquitur. |
Versets 11, 12.
— La Glose : Après avoir développé dans les
paroles précédentes ce qu’il n’avait fait qu’indiquer en commençant, sur la
nécessité de faire pénitence, Jean-Baptiste devait expliquer avec la même
clarté ce qu’il avait dit du royaume de Dieu qui était proche, et c’est ce
qu’il fait dans les paroles qui suivent: « Je
vous baptise dans l’eau pour la pénitence » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 7 sur les Evang.) Jean baptise, non
dans l’esprit, mais dans l’eau, parce qu’il ne peut effacer les péchés: il
lave les corps dans l’eau, mais il ne peut purifier les âmes par le pardon. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur
S. Matth.) Puisque la victime n’avait pas encore été offerte (cf. Hb 10, 12), que le péché n’était pas
expié, et que l’Esprit saint n’était pas encore descendu sur l’eau, comment
donc pouvait-on obtenir la rémission des péchés ? Nous répondons que
tout le malheur des Juifs venait de ce qu’ils ne se rendaient pas compte de
leurs propres péchés et de ce que là était la cause de leur malheur ;
Jean était donc envoyé pour leur faire connaître leurs péchés et leur
rappeler la nécessité de faire pénitence. — Saint Grégoire le Grand : (hom.
7.) Mais
pourquoi celui qui ne peut remettre les péchés donne-t-il le baptême ?
C’est pour continuer à remplir son ministère de précurseur; sa naissance
avait précédé celle du Seigneur, son baptême devait précéder également le
baptême du Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien Jean fut envoyé pour
baptiser afin de découvrir à ceux qui venaient recevoir son baptême la
présence du Fils de Dieu dans une chair mortelle, comme il l’atteste lui-même
ailleurs: « Je suis venu baptiser
dans l’eau pour le manifester en Israël. » (Jn 1) — Saint Augustin : (Traité sur saint Jean). Ou bien encore il baptise, parce qu’il fallait que le Christ fût
baptisé. Mais pourquoi n’est-ce pas le Christ seul qui a été baptisé par
Jean-Baptiste, si l’objet de la mission de Jean-Baptiste était de baptiser le
Christ ? Si le Seigneur seul avait reçu le baptême de Jean, bien des
personnes auraient cru que le baptême de Jean était supérieur au baptême du
Christ, puisque le Christ seul avait été jugé digne de le recevoir. — Raban : Ou bien enfin il
baptise pour séparer par ce signe extérieur les pénitents de ceux qui ne
voulaient point se repentir, et pour les conduire ainsi jusqu’au baptême du
Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Comme c’était pour préparer
la venue du Christ qu’il baptisait, il annonce à ceux qui viennent vers lui
que le Christ doit bientôt paraître, et leur fait connaître en ces termes la
supériorité de sa puissance: « Celui
qui vient après moi est plus puissant que moi. » —
Saint Rémi : Remarquons que le Christ est venu après
Jean de cinq manières: par sa naissance, par sa prédication, par son baptême,
par sa mort, par sa descente aux enfers; et c’est avec raison que
Jean-Baptiste déclare que le Seigneur est plus puissant que lui, parce que
Jean-Baptiste n’était qu’un homme, et que le Christ était Dieu et homme tout
à la fois. — Raban : C’est comme si
Jean disait : Je suis fort pour inviter les hommes à la pénitence; lui,
au contraire, est fort pour remettre les péchés;je suis fort pour prêcher le
royaume des cieux, lui pour le donner; je suis fort pour baptiser dans l’eau,
lui pour baptiser dans l’esprit. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 2 sur
S. Matth.) Quand vous
m’entendez dire qu’il est plus fort que moi, n’allez pas penser que je
veuille par là établir entre lui et moi la moindre comparaison, car je ne
suis pas digne de prendre place parmi ses serviteurs et de lui rendre le plus
petit et le dernier des offices. C’est pour cela qu’il ajoute: « Je ne suis pas digne de porter sa
chaussure. » —
Saint Hilaire : Il laisse aux Apôtres la gloire de
porter par toute la terre la prédication de l’Évangile, parce qu’il était
réservé à leurs pieds sacrés l’aller annoncer aux hommes la paix de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (Sur S. Matth.) Ou bien encore les pieds du
Christ peuvent figurer les chrétiens, principalement les Apôtres et les
autres prédicateurs de l’Évangile, du nombre desquels était Jean-Baptiste. Les
chaussures sont les infirmités dont Dieu couvre les prédicateurs; tous donc
portent les chaussures du Christ; Jean lui-même les portait, mais il se
déclarait indigne de les porter, pour montrer la supériorité de la grâce de
Jésus-Christ sur ses propres mérites. —
Saint Jérôme : Nous lisons dans un autre évangile (Jn 1): « Je ne suis pas digne de dénouer les cordons de sa
chaussure. » Nous voyons d’un côté l’humilité, de l’autre le
ministère du précurseur; car le Christ est l’époux et Jean se déclare indigne
de dénouer les cordons de sa chaussure, afin que la maison de l’époux ne soit
pas appelée, comme on le voit dans la loi de Moïse (Dt 25) et par l’exemple de Ruth (Rt 4), la maison de celui qui a
perdu sa chaussure. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Comme personne ne peut
donner un bien qui soit plus digne que lui, ni faire un autre plus qu’il
n’est lui-même, Jean-Baptiste ajoute: « C’est
lui qui vous baptisera dans le feu et dans l’Esprit saint. » Jean-Baptiste
étant corporel ne peut donner un baptême spirituel; il baptise dans l’eau qui
est un corps. C’est le corps qui baptise avec un élément corporel; le Christ,
au contraire, est esprit parce qu’il est Dieu; l’Esprit Saint est lui-même
esprit, l’âme est esprit aussi; c’est donc l’esprit qui baptise notre esprit
avec l’Esprit. Or, le baptême de l’esprit est souverainement utile, car
l’esprit entrant dans l’âme l’embrasse, l’entoure comme d’un mur
inexpugnable, et ne permet pas que les convoitises charnelles prévalent
contre elle. Il n’empêche pas les désirs de la chair de naître dans l’âme,
mais il garde l’âme pour l’empêcher d’y consentir. Le Christ est juge aussi,
il baptise donc dans le feu, c’est-à-dire dans les tentations. Celui qui
n’est qu’un homme ne peut baptiser dans le feu, car celui-là seul a le
pouvoir de tenter, qui est assez puissant pour récompenser. Ce baptême de la tribulation ou du
feu consume la chair et détruit en elle les germes de la concupiscence; ce ne
sont pas les peines spirituelles que la chair redoute, mais les peines corporelles;
aussi, Dieu envoie à ses serviteurs les tribulations de la chair, afin
qu’étant dominée par la crainte des peines qu’elle éprouve, elle cesse de
désirer le mal. Vous voyez donc que l’esprit repousse les concupiscences et
ne permet pas qu’elles soient victorieuses, tandis que le feu en consume
jusqu’aux racines. — Saint Jérôme : Ou
bien: « dans l’Esprit Saint et le
feu, » en ce sens que le feu c’est l’Esprit Saint lui-même, car
lorsqu’il descendit, il se reposa sur chacun des Apôtres sous la forme de
langues de feu. Et alors fut accomplie cette parole du Seigneur: « Je suis venu apporter le feu sur la
terre ». Ou bien peut-être, nous sommes baptisés actuellement dans
l’Esprit saint, et nous le serons plus tard dans le feu, selon cette parole
de l’Apôtre: « Le feu éprouvera
l’ouvrage de chacun. » —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 11). Il ne dit pas: Il vous donnera
l’Esprit Saint, mais: Il vous baptisera dans l’Esprit Saint, exprimant par
cette figure l’abondance de la grâce. Il nous enseigne encore par là qu’il
n’a besoin que de notre seule volonté dans la foi, et non pas de nos sueurs
et de nos travaux, pour nous justifier, et qu’il nous est aussi facile d’être
renouvelés et rendus meilleurs qu’il l’est d’être baptisé. Cette comparaison
du feu nous montre l’énergie de la grâce, qui ne peut être vaincue; nous
voyons aussi que le Christ doit rendre en un instant ses serviteurs
semblables aux grands prophètes des temps anciens et il a recours à cette
comparaison parce que plusieurs des visions prophétiques ont eu lieu sous la
figure du feu. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il est donc évident que le baptême du Christ ne détruit pas le baptême de Jean, mais qu’il le renferme; celui qui est baptisé au nom de Jésus-Christ reçoit les deux baptêmes de l’eau et de l’esprit; car le Christ, qui était esprit, a pris un corps afin de pouvoir donner un baptême à la fois corporel et spirituel. Quant au baptême de Jean, il ne renfermait pas celui du Christ, car ce qui est moindre ne peut contenir ce qui est plus grand. Aussi l’apôtre ayant rencontré des habitants d’Ephèse qui avaient reçu le baptême de Jean, il les baptisa de nouveau au nom du Christ (Ac 19), parce qu’ils n’avaient pas été baptisés dans l’esprit. Jésus-Christ lui-même baptisa de nouveau ceux qui avaient reçu le baptême de Jean, comme ce dernier nous l’apprend: « Pour moi, je vous baptise dans l’eau; mais pour lui, il vous baptisera dans le feu. » Cependant on ne peut dire que Jésus rebaptisait, car il ne baptisait qu’une fois en réalité; le baptême du Christ étant supérieur à celui de Jean, ce n’était pas un baptême renouvelé, c’était un nouveau baptême. — Saint Hilaire : (can. 2 sur S. Matth.) En
disant: « Il vous baptisera dans
l’Esprit saint et le feu », Jean-Baptiste indique les deux époques
différentes de notre salut et de notre jugement par le Seigneur, car ceux qui
ont été baptisés dans l’Esprit Saint doivent un jour passer par le feu du
jugement; c’est pour cela qu’il ajoute: « Il
a son van en la main. » — Raban : Par le van, (ou
la pelle), on doit entendre le discernement qui suivra le jugement, et que le
Seigneur a dans sa main ou en son pouvoir, car le Père a donné tout jugement
à son Fils. — Suite : « Et il nettoiera son aire. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’aire c’est l’Église; le
grenier, le royaume du ciel; le champ, le monde. Le Seigneur en envoyant
comme des moissonneurs ses apôtres et les autres prédicateurs, a retranché du
monde toutes les nations, et les a réunies dans l’aire de son Église. C’est
là que nous devons être battus, vannés, [comme le blé]. Or tous les hommes se
plaisent dans les jouissances charnelles comme le grain dans la paille; mais
le chrétien fidèle, et dont le fond du cœur est bon, à la plus légère
atteinte de la tribulation, laisse là les plaisirs des sens et court se jeter
dans les bras du Seigneur; au contraire, celui dont la foi est médiocre le
fait à peine sous le poids de grandes tribulations. Pour l’infidèle qui est
absolument dénué de foi, quelque grandes que soient ses épreuves, il ne pense
pas à recourir à Dieu. Lorsque le grain a été battu, il est étendu sur
l’aire, confondu avec la paille, et on a besoin de le vanner pour l’en
séparer. C’est ainsi que dans une seule et même Église les fidèles sont
confondus avec les infidèles. Or la persécution s’élève comme un souffle
violent, afin que le van du Christ, en les agitant fortement, sépare
entièrement ceux qui étaient déjà séparés par leurs œuvres. Et remarquez
qu’il ne dit pas simplement: « Il
nettoiera son aire », mais « il
la nettoiera parfaitement » ; car il faut que l’Église soit
éprouvée de mille manières avant d’être entièrement purifiée. Les Juifs sont
les premiers qui l’ont pour ainsi dire vannée, puis sont venus les Gentils,
et après eux les hérétiques; l’Antéchrist viendra en dernier lieu. Lorsque le
souffle du vent est faible, tout le grain n’est pas vanné; il n’y a que les
pailles les plus légères qui soient secouées, les plus pesantes restent sur
l’aire. Ainsi qu’une légère tentation vienne à souffler, les plus mauvais
seuls se retirent; mais qu’une violente tempête s’élève, on voit disparaître
ceux qui paraissaient les plus stables; c’est pourquoi les grandes épreuves
sont nécessaires à l’Église pour la purifier entièrement. —
Saint Rémi : Dieu purifie aussi son aire, c’est-à-dire
son Église, dès cette vie, soit lorsque le jugement des prêtres retranche les
méchants du sein de l’Église, soit lorsque la mort les enlève de cette terre. — Raban : L’aire
sera entièrement nettoyée à la fin des temps, lorsque le Fils de l’homme
enverra ses anges, et qu’il fera disparaître tous les scandales de son
royaume. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. liv. 34, ch. 5.) Après avoir été
battu pendant la vie présente, où il gémit sous la paille, le grain en sera
parfaitement séparé par le van du dernier jugement, de manière que ni les
pailles ne suivront le blé dans le grenier, ni le blé lui-même ne tombera
dans le feu qui doit consumer les pailles; c’est ce que nous apprennent les
paroles suivantes: « Il ramassera
son blé dans le grenier et brûlera la paille dans un feu lui ne s’éteindra
jamais. » —
Saint Hilaire : L’Apôtre dit que le froment,
c’est-à-dire les œuvres parfaites des croyants sera recueilli dans les
greniers célestes et les pailles, c’est-à-dire les actions vaines et stériles
des hommes, [seront brûlées par le feu du jugement.] — Raban : Il y a cette
différence entre la paille et l’ivraie, que la paille sort de la semence du
blé, et l’ivraie d’une semence étrangère. Les pailles représentent donc ceux
qui ont été imprégnés des sacrements de la foi, mais qui n’ont aucune
consistance; et l’ivraie ceux que leurs œuvres et leurs croyances ont
totalement séparés de la destinée des chrétiens. —
Saint Rémi : Ce feu qui ne s’éteint pas, c’est la
peine de la damnation éternelle ; elle est ainsi appelée, soit parce
qu’elle ne cesse de tourmenter sans les faire mourir ceux qu’elle dévore,
soit pour la distinguer du feu du purgatoire, dont la durée n’a qu’un temps
et qui doit s’éteindre un jour. — Saint Augustin : (De l’acc. des Ev. liv, 2, chap. 12.) Si l’on demande ici quelles sont les vraies paroles de Jean-Baptiste, celles que lui prête saint Matthieu, ou bien celles que lui fait dire saint Marc ou saint Luc, nous répondrons que cette difficulté ne doit pas arrêter un instant celui qui fait cette observation judicieuse, que toutes ces maximes sont nécessaires pour faire connaître la vérité, quelles que soient les paroles utilisées pour en rendre compte. Nous devons conclure de là qu’il ne faut pas regarder comme mensonger le récit tout différent, sous le rapport de la forme et de l’expression, que plusieurs personnes peuvent faire d’un même fait qu’elles ont vu ou entendu. Celui qui prétend que l’Esprit saint aurait pu accorder par sa puissance aux apôtres le privilège de ne varier en rien ni sur le choix des mots, ni sur leur nombre, ni sur la place qu’ils occupent, ne comprend pas que plus l’autorité des Évangélistes est grande et plus elle doit servir à fortifier la tranquillité de tout homme qui dit vrai. Mais lorsqu’un Évangéliste dit: « Je ne suis pas digne de porter sa chaussure », et un autre: « Je ne suis pas digne de délier sa chaussure », la différence ne porte pas seulement sur l’expression, mais sur le fait lui-même. On peut donc rechercher avec raison laquelle de ces deux expressions est sortie de la bouche de Jean-Baptiste. Car la vraie est celle dont s’est servi le précurseur et celui qui lui en prête une autre, sans être pour cela coupable de mensonge, sera nécessairement accusé d’oubli en disant une chose pour une autre. Or on ne peut admettre dans les Évangélistes aucune erreur, qu’elle ait pour cause le mensonge ou un simple oubli. Si donc il convient regarder ces deux expressions comme réellement différentes, il faut dire que Jean s’est servi de toutes les deux, ou dans des temps différents, ou successivement dans la même circonstance. Mais si saint Jean, en parlant de la chaussure de Jésus, n’a voulu exprimer autre chose que l’élévation du Seigneur et sa propre bassesse, quelle que soit l’expression qu’ait employée l’Évangéliste qui au moyen de cette comparaison des chaussures diversement présentée en a fait ressortir la même leçon d’humilité, il a exprimé la même pensée que le précurseur, et ne s’est pas écarté de son intention. C’est donc une règle utile, et qu’on ne peut trop se rappeler, qu’il n’y a point de mensonge dans un auteur qui rend la pensée de celui qui fait l’objet de son récit, quand même il lui prêterait des expressions dont il ne s’est pas servi, car il a évidemment la même intention que celui dont il rapporte les paroles. En effet, nous faisons bien en ne recherchant rien d’autre que ce qu’a voulu dire celui qui parle. |
Lectio 6 [85364] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Postquam praedicatione sui
praecursoris Christus mundo praenuntiatus est, tandem qui diu latuerat,
hominibus se manifestare voluit; unde dicitur tunc venit Iesus a Galilaea in
Iordanem ad Ioannem, ut baptizaretur ab eo. Remigius. Est sciendum quod in his
verbis describuntur personae, loca, tempus et officium. Tempus, cum dicit
tunc. Rabanus. Quando scilicet tricenarius
erat: in quo ostendit nullum vel sacerdotem vel praedicatorem debere
institui, nisi sit perfectae aetatis. Ioseph tricenarius regimen Aegypti
suscepit; David ea aetate regnum inchoavit; Ezechiel sub eodem tempore
prophetiam promeruit. Chrysostomus in Matth. Quia etiam post
Baptismum hanc legem cessare oportebat, hac aetate ad Baptismum venit, qui
potest omnia peccata suscipere, ut lege servata, nullus dicat quia ideo eam
solvit quia implere non potuit. Chrysostomus super Matth. Tunc etiam,
scilicet quando Ioannes praedicaverat: poenitentiam agite, ut confirmaret
praedicationem ipsius et ut testimonium acciperet a Ioanne. Sicut
autem cum processerit Lucifer, lux solis non expectat occasum Luciferi, sed
eo procedente, egreditur, et suo lumine obscurat illius candorem, sic et
Christus non expectavit ut cursum suum Ioannes impleret, sed adhuc eo docente
apparuit. Remigius. Personae ponuntur cum dicit
venit Iesus ad Ioannem, idest Deus ad hominem, dominus ad servum, rex ad
militem, lux ad lucernam. Loca designantur cum dicit a Galilaea in Iordanem.
Galilaea enim transmigratio interpretatur. Quicumque ergo vult baptizari,
transmigret de vitiis ad virtutes, et veniendo ad Baptismum se humiliet:
Iordanis enim interpretatur descensus. Augustinus in Serm. de Epiph. Multa autem
mirabilia in hoc flumine saepius facta esse Scriptura sancta commemorat,
inter cetera dicens: Iordanis conversus est retrorsum. Ante quidem retrorsum
aquae conversae fuerant, modo retrorsum peccata conversa sunt; sicut etiam
Elias in Iordane divisionem fecit aquarum, et Christus dominus in eodem
Iordane separationem operatus est peccatorum. Remigius. Officium designatur cum
sequitur ut baptizaretur ab eo. Chrysostomus super Matth. Non ut ipse
remissionem peccatorum acciperet per Baptismum, sed ut sanctificatas aquas
relinqueret postmodum baptizandis. Augustinus. Salvator enim ideo baptizari
voluit, non ut sibi munditiam acquireret, sed ut nobis fluentia mundaret. Ex
quo ipse in aquam demergitur, ex eo omnium peccata abluit aqua. Nec mirum
quod aquam, hoc est substantiam corporalem, ad purificandam animam dicimus
pervenire: pervenit plane, et penetrat conscientiae universa latibula.
Quamvis enim ipsa sit subtilis et tenuis, benedictione tamen Christi facta subtilior,
occultas vitae causas ac secreta mentis subtiliore rore pertransit. Subtilior
enim est benedictionum cursus quam aquarum meatus. Unde quae de salvatoris
Baptismate benedictio fluxit, tamquam fluvius spiritalis, omnium gurgitum
tractus, universorum fontium venas implevit. Chrysostomus super Matth. Ad hoc autem
ad Baptismum venit, ut qui humanam suscepit naturam, totum humanae naturae
inveniatur implesse mysterium: nam quamvis ipse non erat peccator, tamen
naturam suscepit peccatricem. Propterea etsi pro se Baptismate non egebat,
tamen aliis carnalis natura opus habebat. Augustinus in Serm. de Epiph. Item ideo
baptizari voluit, quia voluit facere quod faciendum omnibus imperabat; ut
bonus magister doctrinam suam non tam verbis insinuaret, quam actibus
exerceret. Augustinus super Ioannem. Hinc ergo
dignatus est a Ioanne baptizari, ut cognoscerent servi quanta alacritate
debeant currere ad Baptisma domini, quando ipse non dedignatus est accipere
Baptisma servi. Hieronymus. Item baptizari voluit, ut
Baptismate suo Ioannis Baptisma comprobaret. Chrysostomus in Matth. Quia vero
Baptismus poenitentiae erat, et in demonstrationem delictorum inducebatur, ne
aliquis aestimaret quod hac ratione Christus ad Iordanem venit, ideo venienti
dixit ego a te debeo baptizari et tu venis ad me? Quasi dicat: Chrysostomus super
Matth.: ut tu me baptizes, est idonea ratio, ut iustus efficiar, et dignus
caelo; ut autem ego te baptizem, quae est ratio? Omne bonum de caelo
descendit in terram, non de terra ascendit in caelum. Hilarius in Matth. Denique a Ioanne baptizari
prohibetur ut Deus, et ita in se fieri oportere ut homo docet; unde sequitur
respondens autem Iesus dixit ei: sine modo. Hieronymus. Pulchre dixit modo, ut ostenderet
Christum in aqua a Ioanne, Ioannem a Christo in spiritu baptizandum. Sive
aliter sine modo, ut qui formam servi assumpsi, expleam et humilitatem eius;
alioquin scito te in die iudicii meo esse Baptismate baptizandum. Vel sine
modo, ut dicat dominus: habeo et aliud Baptisma, quo et baptizandus sum. Tu me baptizas in aqua, ut ego te baptizem pro me in sanguine tuo. Chrysostomus super Matth. In quo etiam
ostendit quia postea Christus baptizavit Ioannem, quamvis etiam in apocryphis
libris hoc manifeste scriptum sit. Sed sine modo ut iustitiam Baptismatis non
verbis sed factis adimpleam: prius suscipiam, postea praedicabo; unde
sequitur sic enim decet nos omnem implere iustitiam; ubi non hoc significat,
ut si fuerit baptizatus, adimpleat omnem iustitiam, sed sic: idest, quemadmodum
Baptismatis iustitiam prius factis implevit, postea praedicavit, sic et omnem
aliam iustitiam, secundum illud: coepit Iesus facere et docere. Aut
ita: sic oportet nos implere omnem iustitiam Baptismi, idest secundum
dispensationem humanae naturae; sic enim implevit iustitiam nascendi,
crescendi et similium. Hilarius in Matth. Erat et per eum omnis
implenda iustitia, per quem solum lex poterat impleri. Hieronymus. Non autem addit iustitiam legis,
sive naturae, ut utrumque intelligamus. Remigius. Vel sic: decet nos implere omnem
iustitiam, idest, ostendere exemplum omnis implendae iustitiae in Baptismo,
sine quo non aperitur aditus regni caelestis. Vel etiam discant superbi
exemplum humilitatis, ut non dedignentur baptizari ab humilibus membris meis,
dum viderint me baptizatum a te Ioanne servo meo. Illa autem est vera humilitas quam comes
obedientia sequitur; unde subditur tunc dimisit eum, idest, ad ultimum
assensum praebuit ut baptizaret eum. |
Versets 13-15.
— La Glose : Après avoir été annoncé au monde
par la prédication de son précurseur, Jésus qui depuis longtemps menait une
vie cachée voulut enfin, se manifester aux hommes, comme l’indique le texte
sacré: « Alors Jésus vînt de la
Galilée au Jourdain trouver Jean pour être baptisé. » — Saint
Rémi : Il faut savoir que dans ces paroles
l’Évangéliste vous décrit les personnes, les lieux, le temps, et la nature du
ministère. Le temps, par ce mot: « alors ». — Raban : C’est-à-dire à
l’âge de trente ans, pour nous apprendre que personne ne doit être élevé au
sacerdoce ou chargé de la prédication à moins qu’il ne soit d’un âge accompli.
C’est à trente ans que Joseph prit le gouvernement de l’Égypte; c’est à ce
même âge que David commença à régner, et qu’Ezéchiel reçut l’esprit
prophétique (cf. Gn 41, 6; 2 R 5, 4; Ez 1, 1). —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 10 sur S. Matth.) Comme la Loi devait cesser
d’être en vigueur après ce baptême, Jésus qui pouvait expier les péchés de
tous les hommes reçoit le baptême à cet âge, afin qu’en le voyant ainsi fidèle
à l’observation de la Loi, personne ne pût l’accuser de l’avoir abrogée parce
qu’il n’avait pu l’accomplir. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Math.) « Alors », c’est-à-dire
au moment même où Jean venait de prêcher la pénitence, pour confirmer sa
prédication, et recevoir le témoignage qu’il devait lui rendre. De même que
le soleil n’attend pas pour se lever que l’étoile du matin ait disparu, mais
qu’il se lève alors qu’elle est encore sur l’horizon, et qu’il éclipse sa
blanche clarté par l’éclat de ses rayons, ainsi le Christ n’a pas attendu que
Jean eût achevé sa carrière, mais il s’est manifesté au monde pendant que son
précurseur enseignait encore. —
Saint Rémi : Les personnes sont désignées par ces
paroles: « Jésus vint à
Jean », c’est-à-dire Dieu vint trouver l’homme, le Seigneur son
serviteur, le roi son soldat, la lumière celui qui n’était qu’une lampe. Les
lieux [témoins des événements] par ces autres paroles: « De la Galilée au Jourdain ». Le nom de Galilée
signifie transmigration. Celui donc
qui veut être baptisé doit émigrer des vertus aux vices, et s’humilier en
s’approchant pour recevoir le baptême, car le mot Jourdain veut dire descente. —
Saint Augustin : L’Écriture Sainte rapporte
plusieurs prodiges dont ce fleuve avait été souvent le théâtre, entre autres
celui qu’elle rappelle en ces termes: « Le
Jourdain est retourné en arrière. » Autrefois, c’étaient les eaux
qui retournèrent en arrière; maintenant ce sont les péchés; et de même que le
prophète Élie avait séparé les eaux du Jourdain, ainsi, dans ce même fleuve,
le Christ a opéré la séparation des péchés. —
Saint Rémi : L’Évangéliste nous fait connaître le
ministère de Jean par ces paroles « pour
qu’il soit baptisé par lui. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Ce n’était pas pour recevoir par la vertu de ce baptême la rémission de
ses péchés, mais afin de sanctifier à jamais les eaux pour ceux qui devaient
être baptisés dans la suite. —
Saint Augustin : Si le Seigneur a voulu recevoir le
baptême, ce n’est point pour y venir puiser la pureté de l’âme, mais afin de
purifier les eaux pour notre propre sanctification. C’est depuis qu’il a été
plongé dans l’eau qu’il lui a communiqué la puissance de laver tous les
péchés. Et ne soyez pas surpris de voir l’eau, substance corporelle, parvenir
jusqu’à l’âme pour la purifier; elle y parvient certainement et pénètre dans
toutes les profondeurs de la conscience. Elle est par elle-même subtile et
déliée; mais, devenue plus subtile encore par la bénédiction du Christ, elle
traverse les sources cachées de la vie et pénètre par sa douce rosée
jusqu’aux endroits les plus secrets de l’âme. Car le cours des bénédictions
du ciel est plus pénétrant que le cours des eaux: aussi la bénédiction qui
découle du baptême du Seigneur est comme un fleuve spirituel qui comble
toutes les profondeurs des abîmes et remplit les veines de toutes les
sources. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Jésus vient recevoir ce baptême, parce que s’étant revêtu de notre
nature, il veut en accomplir toutes les conditions mystérieuses. Car, bien
qu’il ne fût pas pécheur, il avait cependant pris une nature de péché, et.
quoique n’ayant pas besoin pour lui de ce baptême, la nature humaine
demandait qu’il le reçût pour les autres. —
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Il voulut encore être
baptisé pour donner l’exemple de ce qu’il commandait aux autres, et parce
que, comme un bon maître, il cherchait moins à prêcher sa doctrine par ses
paroles qu’à la rendre vivante dans ses œuvres. —
Saint Augustin : (Traité 5 sur saint Jean). Il s’abaissa donc jusqu’à recevoir le baptême de
Jean, pour apprendre aux serviteurs avec quel empressement ils doivent courir
au baptême du Seigneur, quand lui-même ne dédaigne pas de recevoir celui du
serviteur. —
Saint Jérôme : Un autre motif enfin de son baptême,
c’était de donner par cet acte un témoignage d’approbation au baptême de
Jean. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
12 sur S. Matth.) Comme le baptême de Jean
était un baptême de pénitence, et qu’il était établi pour la déclaration des
péchés, de peur qu’on vînt à supposer que le Christ s’approchait du Jourdain
pour cette raison, le précurseur s’écrie en le voyant: « C’est moi qui dois être baptisé par vous, et vous venez à
moi. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Comme s’il disait: Que je sois
baptisé par vous, cela se conçoit parfaitement, c’est pour me rendre juste et
digne du ciel; mais que moi je vous baptise, quelle peut en être la
raison ? Tout bien descend du ciel sur la terre, et ne monte pas de la
terre au ciel. —
Saint Hilaire : (chap. 2 sur S. Matth.) En un mot, Jean ne peut consentir à le baptiser
comme Dieu, et Jésus lui-même lui enseigne qu’il le doit être comme homme: « Jésus lui répondant, lui dit:
Laissez-moi faire pour cette heure. » —
Saint Jérôme : Remarquez la justesse de cette
parole: [« Laissez-moi faire pour cette heure. »] Jésus voulait signifier par là qu’il
devait être baptisé dans l’eau par Jean et que lui-même devait baptiser Jean
dans l’esprit. Ou bien dans un autre sens: [Laissez-moi faire pour cette
heure], et puisque j’ai pris la condition et la forme d’un esclave, il est
juste que j’en subisse toutes les humiliations; sachez du reste qu’au jour du
jugement vous recevrez mon baptême. Ou bien encore autrement, le Seigneur
veut dire: Il est un autre baptême dont je dois être baptisé (cf. Lc 12); vous me baptisez dans l’eau,
afin que je vous baptise un jour pour moi dans votre sang. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En dehors des livres
apocryphes qui le disent expressément, nous avons ici une preuve que plus
tard Jésus baptisa Jean-Baptiste. [« Laissez-moi faire pour cette
heure »], afin que
j’accomplisse la justice du baptême, non pas en paroles, mais par des œuvres;
que je le reçoive d’abord avant de le prêcher. C’est le sens des paroles
suivantes: « c’est ainsi qu’il faut que nous accomplissions toute
justice. » Elles ne signifient pas: Alors que je serai baptisé
j’accomplirai toute justice, mais : de même que j’ai accompli la justice
du baptême d’abord par mes œuvres et ensuite par mes prédications, ainsi je
le ferai de toute autre justice, d’après cette parole: « Jésus
commença à faire, et ensuite il enseigna. » Ou bien encore: Il nous faut accomplir toute justice comme la
justice du baptême, c’est-à-dire en me soumettant aux conditions de la nature
humaine, car c’est ainsi qu’il satisfait à la condition imposée à tout homme
de naître, de croître, etc... — Saint Hilaire : (can. 2 sur S. Matth.) Lui
seul pouvait accomplir toute justice, parce que c’est par lui seul que la loi
pouvait être accomplie. —
Saint Jérôme : Il ne dit pas la justice de la loi ou
de la nature, pour que nous comprenions que ce mot les renferme toutes deux. —
Saint Rémi : Ou bien enfin: C’est ainsi qu’il faut
accomplir toute justice, c’est-à-dire donner l’exemple de l’accomplissement de
toute justice dans le baptême, sans lequel on ne peut entrer dans le royaume
du ciel; ou bien donner aux superbes cet exemple d’humilité afin qu’ils ne
dédaignent pas d’être baptisés par mes membres les plus humbles, en me voyant
baptisé par vous qui êtes mon serviteur. — Saint Rémi [référence à vérifier]: La véritable humilité est celle qui a pour compagne l’obéissance. Aussi « Jean ne lui résista plus », c’est-à-dire qu’il consentit enfin à le baptiser. |
Lectio 7 [85365] Catena in Mt.,
cap. 3 l. 7 Augustinus in Serm. de Epiph. Quia, ut
dictum est, cum salvator noster abluitur, iam tunc in nostrum Baptismum tota
aqua mundatur, ut secuturis postmodum populis lavacri gratia ministretur. Oportuit etiam Christi Baptismo ea
designari quae per Baptismum consequuntur fideles; unde dicitur baptizatus
autem Iesus, confestim ascendit de aqua. Chrysostomus super Matth. Factum Christi
ad mysterium pertinet omnium qui postmodum fuerant baptizandi; et ideo dixit
confestim, et non dixit simpliciter ascendit: quia omnes qui digne
baptizantur in Christo, confestim de aqua ascendunt; idest, proficiunt ad
virtutes et ad dignitatem sublevantur caelestem; qui enim in aquam ingressi
fuerant carnales et filii Adae peccatores, confestim de aqua ascendunt
spirituales filii Dei facti. Si autem quidam ex sua
culpa nihil proficiunt baptizati, quid ad Baptismum? Rabanus. Quia ergo nobis dominus sui corporis
intinctu Baptismi lavacrum dedicavit, nobis quoque post acceptum Baptisma
caeli aditum patere et spiritum sanctum dari demonstravit; unde sequitur et
aperti sunt ei caeli. Hieronymus in Matth. Non reseratione
elementorum, sed spiritualibus oculis, sicut et Ezechiel in principio
voluminis sui apertos esse commemorat. Chrysostomus super Matth. Si enim ipsa
creatura caelorum rupta fuisset, non dixisset aperti sunt ei, quia quod
corporaliter aperitur, omnibus est apertum. Sed dicet aliquis: quid enim?
Ante oculos filii Dei clausi fuerant caeli, qui etiam in terra constitutus
erat in caelo? Sed sciendum quod sicut secundum dispensationem humanam
baptizatus est, sic secundum humanam dispensationem aperti sunt ei caeli;
secundum autem naturam divinam erat in caelis. Augustinus. Sed numquid tunc primo aperti ei
caeli etiam secundum humanam naturam? Fides enim Ecclesiae et credit et tenet
quod non minus aperti sunt ei caeli ante quam post. Ideo ergo dicitur quod
aperti sunt ei caeli, quia omnibus renatis aperitur ianua regni caelestis.
Chrysostomus super Matth. Forte enim erant
invisibilia quaedam obstacula prius, quibus obsistentibus animae defunctorum
non poterant introire caelos. Nullam enim animam ante Christum arbitror
ascendisse in caelum ex quo peccavit Adam et clausi sunt caeli. Sed ecce
baptizato Christo aperti sunt tantum; postquam vero tyrannum vicit per crucem,
quia non erant necessariae portae caelo nunquam claudendo, non dicunt Angeli:
aperite portas: iam enim erant apertae; sed: tollite portas. Vel baptizatis
aperiuntur caeli, et vident ea quae sunt in caelo, non carnalibus oculis
videndo, sed spiritualibus fidei credendo. Aut ita: caeli sunt Scripturae
divinae, quas omnes legunt, non tamen omnes intelligunt, nisi qui fuerint sic
baptizati ut accipiant spiritum sanctum. Unde et apostolis primitus erant
clausae Scripturae prophetarum; sed accepto spiritu sancto, reseratae sunt
eis omnes Scripturae. Tamen quocumque modo intelligatur, caeli aperti sunt
ei, idest omnibus propter eum; sicut si imperator alicui pro alio petenti
dicat: hoc beneficium non illi do, sed tibi: idest, propter te illi. Glossa. Vel tantus splendor circumfulsit
Christum in Baptismo, ut Empyreum videretur caelum reseratum esse. Chrysostomus
in Matth. Si autem tu non vides, non incredulus sis; etenim in principiis
spiritualium rerum semper sensibiles apparent visiones, propter illos qui
nullam intelligentiam incorporalis naturae suscipere possunt; ut si postea
non fiat, ex his quae semel facta sunt, recipiant fidem. Remigius. Sicut autem omnibus per Baptismum
renatis aperitur ianua regni caelestis, ita omnes in Baptismate accipiunt
dona spiritus sancti; ideo subditur et vidit spiritum Dei descendentem sicut
columbam, et venientem super se. Augustinus in Serm. 1 in Dom. infra Oct. Epiph. Christus
enim postquam natus est hominibus renascitur sacramentis; ut quemadmodum tunc
eum miramur incorrupta matre progenitum, ita et nunc suscipiamus illum pura
unda submersum. Filium enim genuit mater, et casta est; Christum lavit unda,
et sancta est. Denique spiritus sanctus, qui tunc illi in utero affuit, modo
eum in gurgite circumfulsit; qui tunc Mariam castificavit, nunc fluenta
sanctificat. Unde dicit et vidit spiritum Dei descendentem. Chrysostomus super Matth. Ideo autem spiritus
sanctus speciem columbae suscepit, quoniam prae omnibus animalibus haec
cultrix est caritatis. Omnes autem iustitiae species quas habent servi Dei in
veritate, possunt habere servi Diaboli in simulatione; solam autem caritatem
sancti spiritus non potest immundus spiritus imitari. Ideo ergo hanc privatam
speciem caritatis tibi servavit spiritus sanctus, quia per nullius
testimonium sic cognoscitur ubi est spiritus sanctus, sicut per gratiam
caritatis. Rabanus. Significantur etiam quatuor virtutes
in baptizatis per columbam. Columba enim secus fluenta habitat, ut, viso
accipitre, mergat se et evadat; meliora grana eligit, alienos pullos nutrit,
non lacerat rostro, felle caret, in cavernis petrae nidificat, gemitum pro
cantu habet; ita et sancti secus divinae Scripturae fluenta resident, ut
incursum Diaboli evadant; sanas sententias quibus pascantur eligunt, non
haereticas; homines qui Diaboli fuerunt pulli, idest imitatores, doctrina
nutriunt et exemplo; bonas sententias lacerando non pervertunt haereticorum
more; ira irreconciliabili carent; in plagis mortis Christi, qui petra firma
est, nidum ponunt, idest suum refugium et spem; sicut etiam alii delectantur
in cantu, ita ipsi in gemitu pro peccatis. Chrysostomus in Matth. Veteris etiam
recordatur historiae: in diluvio enim apparuit hoc animal, ramum ferens
olivae et communem orbis tranquillitatem annuntians; quae omnia typus erant
futurorum. Etenim nunc columba apparet liberatorem nobis demonstrans, et pro
ramo olivae adoptionem generi humano affert. Augustinus de Trin. Est autem in promptu
intelligere cur spiritus sanctus missus dicatur, cum in ipsum dominum
corporali specie velut columba descendit: facta est enim quaedam creaturae
species ex tempore, in qua visibiliter ostenderetur spiritus sanctus. Haec
autem operatio visibiliter expressa, et oculis oblata mortalibus missio
spiritus sancti dicta est; non ut appareret invisibilis eius substantia, sed
ut corda hominum exterioribus visis commota, ad occultam aeternitatem
converterentur. Non autem sic assumpta est creatura, in qua spiritus sanctus
apparuit, in unitatem scilicet personae, sicut assumpta est humana illa forma
ex virgine. Neque enim columbam beatificavit spiritus aut sibi in personae
suae unitatem in aeternum coniunxit. Proinde, quamquam illa columba spiritus
dicta sit, ut ostenderetur per columbam spiritum demonstratum, non tamen ita
possumus dicere spiritum sanctum et Deum et columbam, sicut dicimus filium et
Deum et hominem; nec sicut dicimus filium agnum Dei, non solum Ioanne
Baptista dicente, sed etiam Ioanne Evangelista vidente agnum occisum in
Apocalypsi: illa quippe visio prophetica non est exhibita oculis corporeis
per formas corporeas, sed in spiritu per spiritales imagines corporum. De
illa vero columba nullus unquam dubitavit quin oculis visa sit; nec sicut
dicimus filium petram (scriptum est enim 1 Cor. 10, 4: petra erat Christus),
ita possumus dicere spiritum columbam. Illa enim petra iam erat in creatura,
et per actionis modum nuncupata est nomine Christi quem significabat; non
autem sic illa columba, quae ad haec tantummodo significanda repente extitit.
Magis autem simile hoc mihi videtur flammae illi quae in rubo apparuit Moysi,
et illi quam populus in eremo fiebant dum lex daretur in monte. Ad hoc
sequebatur, et fulguribus ac tonitruis quae enim rerum illarum corporalis
extitit species, ut aliquid significaret atque praeteriret. Propter has ergo
corporales formas missus dicitur spiritus sanctus; illae vero species
corporales ad demonstrandum quod opus fuit, ad tempus apparuerunt, et postea
destiterunt. Hieronymus in Matth. Sedit autem super caput
Iesu, ne quis putaret vocem patris ad Ioannem factam, non ad dominum; unde
sequitur et venientem super se. |
Verset 16.
— Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Nous l’avons déjà dit, au moment où notre Seigneur est baptisé, toute
l’eau qui doit servir à notre baptême est purifiée, afin que la grâce de la
régénération coule désormais sur tous les peuples à venir dans la suite des
siècles. Il fallait aussi que le baptême de
Jésus-Christ représentât les effets que le baptême produit dans les fidèles;
c’est pour cela que l’Évangéliste ajoute: « Jésus,
aussitôt qu’il fut baptisé, sortit de l’eau. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ce qui se passe en
Jésus-Christ représente le mystère qui devait se produire dans tous ceux qui
devaient être baptisés par la suite, et c’est pour cela que l’Évangéliste ne
dit pas simplement: « Il monta », mais « Il monta aussitôt », parce que tous ceux qui
reçoivent le baptême de Jésus-Christ avec les dispositions convenables,
montent aussitôt hors de l’eau, c’est-à-dire marchent de vertus en vertus et
s’élèvent à une dignité toute céleste. En effet, ils étaient entrés dans
l’eau tout charnels et enfants d’Adam pécheurs, et ils sortent aussitôt de
l’eau tout spirituels, et avec le titre d’enfants de Dieu. Si quelques-uns,
par leur faute, ne profitent pas de la grâce de leur baptême, en quoi cela
concerne-t-il le baptême ? —
Saint Rémi [référence à vérifier]: Le Seigneur, non content de consacrer l’eau du baptême par le contact
de son corps, nous apprend qu’après avoir reçu le baptême le ciel nous est
ouvert, et que l’Esprit saint nous est donné; c’est ce qu’indiquent les
paroles suivantes: « Les cieux furent ouverts. » —
Saint Jérôme : Ils ne furent pas ouverts
extérieurement, mais seulement aux yeux de l’âme, comme Ézéchiel nous dit au
commencement de son livre qu’ils lui furent ouverts. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Car si les cieux visibles,
en tant que créés, s’étaient littéralement entrouverts, l’Évangéliste
n’aurait pas dit: « lui furent
ouverts », [mais simplement « furent ouverts »] ;
car ce qui est ouvert extérieurement l’est pour tous. On me demandera:
Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que les cieux avaient jamais été
fermés aux yeux du Fils de Dieu, lui qui, quoique sur la terre, n’a jamais
cessé d’être dans les cieux ? Mais on doit savoir que c’est en vertu de
l’économie de son incarnation que le Seigneur fut baptisé et que c’est par
suite de la même économie que les cieux lui furent ouverts, car, selon la
nature divine, il n’a jamais cessé d’être dans les cieux. —
Saint Rémi [référence à vérifier]: Mais, à ne le considérer que comme homme, est-ce que les cieux lui
furent ouverts alors pour la première fois ? La foi de l’Église croit et
tient qu’ils lui furent ouverts aussi bien avant qu’après. Si donc il est dit
ici qu’ils lui furent ouverts, c’est parce que la porte du royaume des cieux
s’ouvre pour tous ceux qui sont régénérés dans les eaux du baptême. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Peut-être qu’auparavant
certains obstacles invisibles s’opposaient à ce que les âmes des défunts entrent
dans le ciel, car je ne pense pas que depuis le péché d’Adam, qui en avait
fermé les portes, aucune âme y soit entrée avant Jésus-Christ. Ce n’est
qu’après le baptême du Christ que les portes en ont été ouvertes. Lorsque,
par sa mort, Jésus-Christ eut triomphé du démon, les portes n’étaient plus
nécessaires, puisque le ciel ne devait plus être jamais fermé (cf. Ap 21, 25). Aussi, les anges ne disent
pas: « Ouvrez les portes », puisqu’elles étaient ouvertes, mais
« enlevez les portes. »
Ou bien, les cieux sont ouverts à ceux qui sont baptisés, en ce sens
qu’ils voient les choses du ciel non pas par les yeux du corps, mais par les
yeux spirituels que la foi donne à l’âme qui croit. Ou bien encore, les cieux
sont les Écritures divines que tous lisent, mais que tous ne comprennent pas,
à moins qu’avec le baptême ils n’aient reçu le Saint-Esprit. Voilà pourquoi
les écrits des prophètes étaient d’abord pour les Apôtres un livre scellé;
mais aussitôt qu’ils eurent reçu le Saint-Esprit, toutes les Écritures leur
furent dévoilées. De quelque manière qu’on l’entende, les cieux lui furent
ouverts c’est-à-dire qu’ils ont été ouverts pour tous les hommes, à cause de
lui; de même qu’un empereur accordant une grâce qu’une personne lui demande
pour un autre lui dirait: « Ce n’est pas à lui que j’accorde cette
faveur, mais c’est à vous, ou [si vous voulez], je la lui accorde à cause de
vous. » — La Glose : Ou bien le Christ
fut entouré d’un tel éclat dans son baptême, que l’empyrée parut être ouvert
au-dessus de lui. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 12 sur S. Matth.) Quoique vous n’ayez pas été témoin de ce prodige,
ne laissez pas d’y ajouter foi, car lorsqu’il s’agit de fonder une œuvre
spirituelle, Dieu l’appuie toujours par des apparitions sensibles, en faveur
de ceux qui ne peuvent avoir aucune idée de la nature invisible, afin que si
par la suite, ces prodiges ne se renouvellent pas, les premiers qui ont eu
lieu les déterminent à croire. —
Saint Rémi : Or, de même que la porte du royaume des
cieux est ouverte à tous ceux qui sont régénérés par le baptême; ainsi tous
dans le baptême reçoivent les dons de l’Esprit saint, comme l’indiquent les
paroles suivantes: « Et il vit
l’Esprit de Dieu descendant en forme de colombe et s’arrêtant au-dessus de
lui. » —
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Jésus-Christ après
qu’il est né pour les hommes veut encore renaître par les sacrements; il veut
que, comme nous l’avons admiré prenant naissance dans le sein d’une mère
immaculée, nous l’admirions encore plongé dans les flots d’une onde pure. Sa
mère a engendré le Fils de Dieu, et elle est chaste; l’eau a lavé le Christ
et elle est sanctifiée; enfin l’Esprit saint qui l’avait assisté dans le sein
de sa mère, l’entoure d’une brillante lumière au milieu du Jourdain; celui
qui a conservé alors la chasteté de Marie, sanctifie maintenant les eaux du
fleuve. C’est pour cela que l’Évangéliste ajoute: « Et j’ai vu
l’Esprit de Dieu qui descendait. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’Esprit saint a voulu
paraître sous la forme d’une colombe, parce que de tous les animaux, la
colombe est celui qui cultive le plus le sentiment de l’amour. Or toutes les
espèces de justice que les serviteurs de Dieu ont dans la vérité, les
serviteurs du démon peuvent les avoir en apparence; il n’y a que la charité
seule de l’Esprit saint que l’esprit immonde ne puisse contrefaire. C’est pour
cela que l’Esprit saint vous a réservé cette vertu particulière de la
charité, car il n’est point de témoignage plus évident de sa présence dans
une âme que la grâce de la charité. — Raban : La colombe nous
représente aussi les sept vertus propres à ceux qui sont baptisés. La colombe
habite sur les bords d’une eau courante; aussitôt qu’elle aperçoit
l’épervier, elle s’y plonge pour lui échapper; elle choisit toujours le
meilleur grain, elle nourrit les petits des autres oiseaux, elle ne déchire
pas avec son bec, elle n’a pas de fiel, elle fait son nid dans le trou des
rochers, et pour tout chant elle n’a que son gémissement. C’est ainsi que les
saints habitent au bord des courants de la parole divine, pour échapper aux
attaques du démon; ils choisissent pour nourrir leur âme les saines maximes,
de préférence aux maximes des hérétiques; ils nourrissent du pain de
l’exemple et de la doctrine ceux qui se sont montrés les enfants du démon en
l’imitant; ils ne corrompent pas les vérités saintes en les déchirant à
l’exemple des hérétiques, on ne voit point en eux de colère sans raison; ils
placent leur nid, c’est-à-dire leur refuge et leur espérance, dans les plaies
de Jésus, qui est pour eux la pierre ferme, et toute leur joie est de gémir
sur leurs péchés, comme la joie des enfants du monde est de se livrer aux
chants du plaisir. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 12.) Ce prodige nous rappelle aussi
un fait des premiers temps. Nous voyons, en effet, à l’époque du déluge,
apparaître la colombe portant un rameau d’olivier, et annonçant à tout
l’univers le retour de la paix, figure de ce qui devait arriver dans la
suite, car c’est encore la colombe qui nous apparaît pour nous montrer notre
libérateur, et pour apporter au genre humain, au lieu du rameau d’olivier, le
bienfait de l’adoption divine. —
Saint Augustin : (serm. sur la Trinité). il est facile de
comprendre pourquoi l’Évangéliste dit que le Saint-Esprit a été envoyé,
lorsqu’il descendit sur la personne du Seigneur sous la forme visible d’une
colombe. Dieu créa sur-le-champ une forme extérieure sous laquelle l’Esprit
saint pût paraître visiblement. Or cette création rendue visible et offerte aux
regards des hommes a été appelée mission de l’Esprit saint; elle n’avait pas
pour fin de découvrir son invisible substance, mais de frapper les cœurs des
hommes par cette apparition visible, et de les attirer vers les secrets de la
nature éternelle. Cependant l’Esprit saint ne s’est pas uni cette nature
corporelle dont il a revêtu la forme comme Jésus-Christ s’est uni en unité de
personne la nature humaine qu’il avait reçue de la Vierge Marie: car l’Esprit
ne sanctifia pas la colombe, et ne l’éleva pas jusqu’à lui être unie
personnellement pour l’éternité. Il s’ensuit que, bien que cette colombe ait
reçu le nom d’Esprit saint, pour rappeler que c’est sous cette forme que
l’Esprit saint s’est manifesté, nous ne pouvons cependant pas dire de
l’Esprit saint qu’il est Dieu et colombe, comme nous disons que le Fils de
Dieu est tout à la fois Dieu et homme. Nous ne pouvons même l’appeler ainsi
dans le sens où Jean-Baptiste appelle le Fils agneau de Dieu, nom que lui
donne aussi saint Jean l’évangéliste dans l’Apocalypse lorsqu’il vit cet
Agneau immolé (Jn 1, 26.36; Ap 5, 6), car cette vision prophétique
ne fut pas révélée aux yeux du corps sous une forme sensible, mais elle eut
lieu en esprit, et au moyen d’images toutes spirituelles des objets
sensibles, tandis que personne ne doute que cette colombe n’ait été visible
aux yeux du corps. Nous ne pouvons non plus appeler la colombe Esprit saint,
dans le même sens que le Fils est appelé la pierre, car il est écrit: « La
pierre c’était le Christ (1 Co 10, 4) » ; en effet, cette
pierre existait déjà dans la nature, et c’est pour exprimer une des
propriétés du Christ que le nom de pierre a été donné au Christ dont elle
était la figure; il n’en est pas ainsi de la colombe qui a reçu soudainement
l’existence au moment de son apparition. Je comparerais plus volontiers cette
apparition de la colombe à celle du feu qui apparut dans le buisson aux yeux
de Moïse (Ex 3); à cette flamme [lumineuse]
qui précédait le peuple dans le désert (Ex
14), aux éclairs qui fendirent la nuée et au tonnerre qui se fit entendre
lorsque la loi fut donnée sur la montagne (Ex 19), car tous ces phénomènes extérieurs n’eurent qu’une
existence passagère pour figurer les choses que Dieu voulait annoncer. C’est
donc à cause de ces formes extérieures qu’on dit de l’Esprit saint qu’il a
été envoyé; ces mêmes apparences corporelles n’existèrent qu’un instant pour
révéler ce qu’elles devaient apprendre, et rentrèrent immédiatement après
dans le néant. — Saint Jérôme : La colombe s’arrêta sur la tête de Jésus, pour que personne ne pût s’imaginer que la voix du Père s’adressait à Jean et non pas au Seigneur. Aussi est-il dit: « Elle s’arrêta sur lui. » |
Lectio 8 [85366] Catena in Mt.,
cap. 3 l. 8 Augustinus in Serm. de Epiph. Non
enim ut ante per Moysen aut per prophetas, nec per typos aut figuras,
venturum in carne pater filium docuit, sed palam venisse monstravit, dicens
hic est filius meus. Hilarius in Matth. Vel ut ex his quae
consummabantur in Christo, cognosceremus post aquae lavacrum et de
caelestibus portis sanctum in nos spiritum involare et caelestis nos gloriae
unctione perfundi et paternae vocis adoptione filios Dei fieri. Hieronymus in Matth. Mysterium autem
Trinitatis in Baptismate demonstratur. Dominus baptizatur, spiritus descendit
in habitu columbae, patris vox filio testimonium perhibentis auditur. Augustinus in Serm. de Epiph. Nec mirum si in
dominico lavacro mysterium non defuit Trinitatis, cum nostrum lavacrum
Trinitatis compleat sacramentum. Voluit enim dominus primo circa se exhibere quod
erat postea humano generi praecepturus. Augustinus de fide ad Petrum. Quamvis autem
pater et filius et spiritus sanctus sint una natura, firmissime tamen tene
tres esse personas; patremque solum esse qui dixit hic est filius meus
dilectus, et filium solum esse super quem illa vox patris insonuit, et
spiritum sanctum solum esse qui in specie columbae super Christum baptizatum
descendit. Augustinus de Trin. Haec autem opera sunt
totius Trinitatis. In sua quippe substantia pater et filius et spiritus
sanctus unum sunt, sine ullis intervallis temporum vel locorum; in meis autem
vocibus separati sunt pater, filius et spiritus sanctus, nec simul dici
poterunt; et in litteris visibilibus sua separatim locorum spatia tenuerunt:
quia similitudine utcumque cognoscitur, inseparabilem in seipsa Trinitatem
per visibilis creaturae speciem separabiliter demonstrari. Quod autem solius
patris vox sit, ostenditur ex hoc quod dicit hic est filius meus. Hilarius in libro de Trin. Non solum nomine
contestatus est eum esse filium, sed proprietate. Multi enim nos filii Dei
sumus, sed non talis est hic filius; hic enim et proprius et verus est
filius: origine, non adoptione; veritate, non nuncupatione; nativitate, non
creatione. Augustinus super Ioannem. Pater autem diligit
filium, sed quomodo pater filium, non quomodo dominus servum; sed quomodo
unicum, non quomodo adoptatum. Et ideo subditur in quo mihi complacui. Remigius. Vel si ad humanitatem Christi
referatur, si legatur in quo mihi complacui, quia istum solum reperi sine
peccato. Si vero legatur in quo mihi complacuit, subauditur placitum meum
constituere, ut per eum agerem quae agenda sunt, idest genus humanum
redimerem. Augustinus de Cons. Evang. Haec autem verba et
alii duo, Marcus et Lucas, similiter narrant; sed de verbis vocis quae de
caelo facta est, variant locutionem, salva tamen sententia. Quod enim
Matthaeus ait dictum hic est filius meus dilectus, et alii duo dicunt: tu es
filius meus dilectus, ad eamdem sententiam explicandam valet; vox enim
caelestis unum horum dixit; sed Evangelista ostendere voluit ad id valere
quod dictum est hic est filius meus, ut illis potius qui audiebant
indicaretur quod ipse esset filius Dei; atque ita dictum referre voluit: tu
es filius meus, ac si illi diceretur hic est filius meus. Non enim Christo
indicabatur quod sciebat; sed audiebant qui aderant, propter quos vox facta
est. Iam vero quod alius dicit in quo mihi complacui, alius: in te complacuit
mihi, si quaeris quid horum illa voce sonuerit, quodlibet accipe, dum
intelligas eos qui non eamdem locutionem retulerunt, eamdem retulisse
sententiam; quod enim Deus in filio sibi complacuit, admonetur aliquis ex eo
quod dictum est: in te complacuit; quod autem in filio pater placuerit
hominibus, admonetur ex eo quod dictum est: in te complacuit mihi, seu
intelligatur hoc dictum esse ab omnibus Evangelistis, tamquam diceretur: in
te complacitum meum constitui; hoc est, implere quod mihi placet. |
Verset 17.
— Saint Augustin : (serm, sur l’Epiph.) Ce n’est plus comme autrefois par Moïse ou par les prophètes, par des
figures ou par des images que Dieu le Père nous annonce l’avènement futur de
son Fils dans la chair, il nous le montre à découvert au milieu de nous en
nous disant: « Celui-ci est mon Fils. » —
Saint Hilaire : Ou bien ce qui avait lieu dans la
personne du Christ, nous apprenait qu’après le bain de la régénération,
l’Esprit saint descend sur nous depuis les portes ouvertes du ciel, nous
sommes inondés de l’onction de la gloire céleste, et nous devenons enfants de
Dieu par l’adoption de sa voix paternelle. —
Saint Jérôme : Le mystère de la Trinité nous est
révélé dans le baptême de Jésus-Christ, le Fils qui est baptisé, l’Esprit
saint qui descend sous la forme d’une colombe, le Père dont la voix rend
témoignage à son Fils. —
Saint Augustin : (serm. sur l’Epiph.) Qu’y a-t-il d’étonnant
que le mystère de la Trinité ait été révélé au baptême de Jésus-Christ,
puisque l’invocation de ce mystère rend parfait notre baptême, car le
Seigneur à voulu d’abord accomplir dans sa personne ce qu’il devait exiger du
genre humain tout entier. —
Saint Augustin : (de la foi de Pierre, 9.) Quoique le Père,
le Fils et l’Esprit saint n’aient qu’une seule et même nature, cependant vous
devez croire très fermement qu’ils forment trois personnes distinctes, que le
Père est le seul qui fait entendre ces paroles: « Celui-ci est mon Fils
bien-aimé » ; le Fils, le seul sur lequel a retenti la
voix du Père; et l’Esprit saint, le seul qui soit descendu sur le Christ
après son baptême sous la forme d’une colombe. —
Saint Augustin : (liv. 4 de la Trinité, chap. 21.) Ces œuvres appartiennent à la Trinité
tout entière; dans leur substance le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont
qu’un, sans aucune séparation de temps ou de lieu. Ils sont séparés au
contraire dans les mots que nous employons, qui ne peuvent dire en même temps
le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Il en est ainsi dans l’Écriture, où ces
noms divers occupent des places différentes; car on comprend très bien par
comparaison que la Trinité qui est indivisible en elle-même ne puisse être
révélée qu’à l’aide d’objets extérieurs et d’expressions distinctes. Que la
voix soit seulement la voix du Père, nous en avons la preuve dans ces
paroles: « Celui-ci est mon Fils. » —
Saint Hilaire : (Livre de la Trinité.) Ce n’est pas
seulement par le nom qu’il lui donne que le Père atteste qu’il est son Fils,
mais par la propriété qu’il lui attribue. En effet, nous sommes un nombre
considérable d’enfants de Dieu; mais ce Fils est bien différent de nous, car
il est son propre Fils, son Fils véritable d’origine et non d’adoption, dans
la réalité et non pas seulement par le nom qu’il porte, par naissance et non
par création. —
Saint Augustin : (Traité 14 sur S. Jean.) Le Père aime son
Fils, non pas comme un maître aime son serviteur, mais comme un père aime son
enfant; comme un père aime son fils unique et non pas comme on aime un fils
d’adoption, et c’est pour cela qu’il ajoute: « En qui j’ai mis mes
complaisances. » —
Saint Rémi : Si l’on rapporte ces paroles à
l’humanité du Christ, et qu’on lise: « En qui j’ai mis mes
complaisances », le sens
sera: en qui je me suis complu, parce que je l’ai trouvé seul juste et sans
péché. Si au contraire on lit: « dans lequel il m’a plu »,
il faut sous-entendre: de placer ma volonté, de faire par lui ce que je
devais faire, c’est-à-dire de racheter le genre humain. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv, 2, chap. 14.)
Deux autres évangélistes, saint Marc et saint Luc, rapportent ces paroles
d’une manière semblable; mais leur récit varie sur celles qui se firent
entendre du haut du ciel, bien que le sens soit le même. Ainsi, au lieu qu’on
lit dans saint Matthieu: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », saint Marc et saint Luc ont écrit: « Vous
êtes mon Fils bien-aimé. » Mais
ces deux versions reviennent au même. La voix du Ciel a nécessairement
employé l’une de ces deux locutions; mais l’Évangéliste a voulu faire
comprendre que ce qui avait été dit revenait à cette manière de s’expliquer: « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé », pour bien faire connaître à ceux qui
étaient présents qu’il était vraiment le Fils de Dieu. C’est pour cela qu’il
a rendu cette locution: « Vous êtes mon Fils bien-aimé »,
par cette autre: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. »
Car cette voix n’avait pas pour but d’apprendre au Christ ce qu’il
savait, mais d’instruire ceux qui étaient présents. Quant aux autres
variantes que présentent les Évangélistes, l’un: « dans lequel j’ai
mis mes complaisances » ;
[l’autre: « J’ai
mis en vous mes complaisances »] ; un autre: « C’est en vous
qu’il m’a plu » (Lc 3, 23; Mt 3, 17; Mc 1, 12); si vous me demandez
quelle est celle que la voix céleste a fait entendre, je répondrai que vous
pouvez choisir celle que vous voudrez, pourvu que vous compreniez que le sens
reste le même dans toutes ces locutions différentes. Ces paroles: « J’ai
mis en vous mes complaisances »
nous montrent le Père plaçant toutes ses complaisances dans son Fils; ces
autres: « Il m’a plu en vous » nous apprennent que le Père a été agréable aux hommes dans son
Fils. Il est donc facile de comprendre que ces différentes manières de
s’exprimer des Évangélistes reviennent à dire: J’ai placé en vous mon bon
plaisir, c’est-à-dire: j’ai résolu d’accomplir par vous ce qui m’est
agréable. |
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Caput 4 |
CHAPITRE 4 — [Préparation et début du ministère
public du Messie]
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Lectio 1 [85367] Catena in Mt.,
cap. 4 l. 1 Chrysostomus super Matth. Postquam
baptizatus est dominus a Ioanne in aqua, ducitur a spiritu in desertum ut
baptizaretur igne tentationis; unde dicitur tunc Iesus ductus est in desertum
a spiritu. Tunc, scilicet quando pater clamavit de caelo:
hic est filius meus dilectus. Chrysostomus in Matth. Quisquis ergo post
Baptismum maiores sustines tentationes, non turberis; etenim propter hoc
accepisti arma ut non cadas, sed ut praelieris. Ideo autem tentationem a te
Deus non prohibet, primum quidem, ut discas quoniam multo factus es fortior;
deinde ut magnitudine donorum non extollaris; tertio ut Diabolus experientia
cognoscat quod perfecte ab eo abscessisti; quarto ut per hoc fortior
reddaris; quinto ut crediti tibi thesauri signum accipias: neque enim
Diabolus superveniret tibi ad tentandum, nisi te in maiori honore effectum
videret. Hilarius in Matth. In sanctificatis enim
maxime Diaboli tentamenta grassantur quia victoria ei est magis optata de
sanctis. Gregorius in Evang. Dubitari autem a quibusdam
solet a quo spiritu sit ductus Iesus in desertum, propter hoc quod subditur
assumpsit eum Diabolus in sanctam civitatem. Sed vere et absque ulla quaestione
convenienter accipitur ut a spiritu sancto ductus esse credatur, ut illuc eum
suus spiritus duceret ubi hunc ad tentandum spiritus malignus invenit. Augustinus de Trin. Cur seipsum quoque
tentandum praebuit? Ut ad superandas tentationes mediator esset, non solum
per adiutorium, verum etiam per exemplum. Chrysostomus super Matth. Est autem ductus a
spiritu sancto, non quasi minor maioris praecepto: non enim solum ductus
dicitur qui alicuius potestate ducitur, sed etiam ille qui alicuius
rationabili exhortatione placatur, sicut scriptum est de Andrea, quod invenit
Simonem fratrem suum et adduxit eum ad Iesum. Hieronymus. Ducitur autem non invitus aut
captus, sed voluntate pugnandi. Chrysostomus super Matth. Ad homines enim
Diabolus vadit ut tentet eos; quoniam autem adversus Christum Diabolus ire
non poterat, ideo contra Diabolum Christus processit; unde dicitur ut
tentaretur a Diabolo. Gregorius in Evang. Sed sciendum nobis est,
quia tribus modis tentatio agitur: suggestione, delectatione et consensu; et
nos cum tentamur, plerumque in delectationem aut in consensum labimur, quia
de carnis peccato propagati in nobisipsis etiam gerimus unde certamina
toleramus; Deus vero, qui in utero virginis incarnatus, in mundum sine
peccato venerat, nihil contradictionis in semetipso tolerabat. Tentari ergo
per suggestionem potuit, sed eius mentem peccati delectatio non momordit;
atque ideo omnis diabolica illa tentatio, foris, non intus fuit. Chrysostomus in Matth. Tunc autem maxime
instat Diabolus ad tentandum cum viderit solitarios; unde etiam in principio
mulierem tentavit sine viro eam inveniens; unde et sic per hoc etiam Diabolo
datur occasio tentandi quod ducitur in desertum. Glossa. Hoc desertum est in Ierusalem et
Iericho ubi morabantur latrones, qui locus vocatur dammin, idest sanguinis,
propter effusionem sanguinis quam ibi latrones faciebant; unde et homo cum
descendisset a Ierusalem in Iericho incidisse dicitur in latrones, gerens
figuram Adae, qui a Daemonibus victus est. Conveniens ergo fuit ut ibi
Christus Diabolum superaret ubi Diabolus hominem sub figura superasse dictum
est. Chrysostomus super Matth. Non solum autem
Christus ductus est in desertum a spiritu, sed et omnes filii Dei habentes
spiritum sanctum: non enim sunt contenti sedere otiosi, sed spiritus sanctus
urget eos aliquid magnum apprehendere opus, quod est ire in desertum quantum
ad Diabolum, quia non est ibi iniustitia, qua Diabolus delectatur. Omne etiam
bonum est extra carnem et mundum, quia non est secundum voluntatem carnis et
mundi. Ad tale ergo desertum omnes filii Dei exeunt ut tententur: ut puta si
non proposuisti ducere uxorem, duxit te spiritus sanctus in desertum, idest
extra fines carnis et mundi, ut tenteris concupiscentia carnis: quomodo enim
tentatur libidine qui tota die est cum uxore? Scire debemus, quod filii Dei
non tentantur a Diabolo nisi in desertum exierint; filii autem Diaboli in
carne et mundo constituti confringuntur et parent; sicut bonus homo, si
uxorem habuerit, non fornicatur, sed sufficit ei uxor sua; malus autem etiam
habens uxorem, fornicatur, et non est uxore contentus; et sic in omnibus
invenies. Filii ergo Diaboli non exeunt ad Diabolum ut tententur. Quid enim
opus habet ad certamen exire qui non desiderat vincere? Qui autem
gloriosiores sunt filii Dei, extra fines carnis exeunt contra illum quia
victoriae gloriam concupiscunt. Propterea
et in hoc Christus exiit ad Diabolum ut tentaretur ab eo. Chrysostomus in Matth. Ut autem discas
quam magnum bonum est ieiunium, et qualiter scutum est adversum Diabolum, et
quoniam post Baptismum non lasciviae, sed ieiunio intendere oportet, ipse
ieiunavit, non eo indigens, sed nos instruens. Chrysostomus super Matth. Et ut
quadragesimi nostri ieiunii poneret mensuram, quadraginta diebus et quadraginta
noctibus ieiunavit; unde sequitur et cum ieiunasset quadraginta diebus et
quadraginta noctibus. Chrysostomus in Matth. Non autem ultra processit
ieiunando quam Moyses et Elias ne incredibilis videretur carnis assumptio.
Gregorius in Evang. Ipse autem auctor
omnium in quadraginta diebus nullum omnino cibum sumpsit. Nos
quoque quantum possumus, Quadragesimae tempore carnem nostram per
abstinentiam affligamus. Quadragenarius autem numerus custoditur, quia virtus
Decalogi per libros quatuor sancti Evangelii impletur; denarius etenim quater
ductus, in quadragenarium surgit. Vel quia in hoc mortali corpore ex quatuor
elementis subsistimus, per cuius voluptatem praeceptis dominicis contraimus,
quae per Decalogum sunt accepta. Qui ergo per carnis desideria Decalogi mandata
contempsimus, dignum est ut eamdem carnem quaterdecies affligamus. Vel sicut
in lege offerre debemus decimas rerum, ita ei offerre contendimus decimas
dierum. A prima enim dominica Quadragesimae usque ad paschalis solemnitatis gaudia
sex hebdomadae veniunt, quarum dies quadraginta et duo sunt, ex quibus dum
sex dies dominici ab abstinentia subtrahuntur, remanent triginta sex. Dum
vero per tercentum sexaginta quinque dies annus ducitur, nos autem per
trigintasex dies affligimur, quasi anni nostri decimas Deo damus. Augustinus in Lib. 83 quaest. Vel aliter.
Omnis sapientiae disciplina est creatorem creaturamque cognoscere. Creator
est Trinitas: pater et filius et spiritus sanctus; creatura vero partim est
invisibilis, sicut anima, cui ternarius numerus tribuitur (diligere enim Deum
tripliciter iubemur: ex toto corde, ex tota anima et ex tota mente), partim
visibilis, sicut corpus, cui quaternarius debetur propter calidum et
frigidum, humidum et siccum. Denarius ergo numerus, qui totam insinuat
disciplinam, quater ductus, id est numero qui corpori debetur, multiplicatus,
quia per corpus administratio geritur, quadragesimum numerum conficit, cuius
partes aequales ad quinquaginta perveniunt; unum enim et duo et quatuor et
quinque et octo et decem et viginti, quae sunt partes quadragenarii, simul
iuncta, efficiunt quinquaginta. Et ideo tempus quo ingemiscimus et dolemus
quadragenario numero celebratur. Status
autem beatitudinis, in quo erit gaudium, quinquagesimae celebratione
praefiguratur, idest a Pascha usque ad Pentecosten. Augustinus in Serm. de Quadragesima. Non
autem quia Christus post acceptum Baptismum continuo ieiunavit, regulam
observationis dedisse credendum est, ut post Christi Baptismum continuo
ieiunare necesse sit. Sed quando acriori certamine cum tentatore
confligitur, ieiunandum est, ut corpus impleat de castigatione militiam et
animus impetret de humiliatione victoriam. Chrysostomus super Matth. Sciebat autem
dominus cogitationem Diaboli, quia volebat eum tentare: audierat enim quia
Christus natus est in hoc mundo Angelis praedicantibus, pastoribus
referentibus, magis quaerentibus et Ioanne ostendente. Unde dominus processit
contra eum, non quasi Deus, sed quasi homo; magis autem quasi Deus et homo.
Nam per quadraginta dies non esurire non erat hominis; aliquando autem
esurire non erat Dei. Unde esurivit, ne manifeste intelligatur Deus, et sic
Diaboli spem tentandi extingueret, suam autem victoriam impediret; unde
sequitur postea esuriit. Hilarius in Matth. Nam post quadraginta
dies, non in quadraginta diebus esuriit. Igitur cum dominus esuriit, non
inediae surrepsit operatio, sed naturae suae hominem dereliquit. Non enim
erat a Deo Diabolus, sed a carne vincendus. Qua rerum ratione indicat, post
quadraginta dierum consummationem, quibus post passionem in saeculo erat
commoratus, esuritionem se humanae salutis habiturum; quo in tempore
expectatum Deo patri munus, hominem quem assumpserat, reportavit. |
Versets 1,
2.
—
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Après avoir été baptisé dans
l’eau par Jean-Baptiste, le Seigneur est conduit par l’Esprit dans le désert,
pour y être baptisé dans le feu de la tentation (cf. Is 4, 4). Alors, dit
l’Évangéliste, « Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert. »
Alors, c’est-à-dire aussitôt que le Père eut fait entendre cette voix du haut
du ciel: « Celui-ci est mon Fils
bien-aimé. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13 sur
S. Matth.) Qui que vous soyez,
qui après le baptême vous trouvez en butte à de plus fortes tentations, ne
vous en troublez point. Ce n’est pas pour tomber, mais pour combattre que
Dieu nous a revêtus d’une armure divine. Il ne défend pas à la tentation
d’approcher de vous, pour vous apprendre premièrement que vous êtes devenu
beaucoup plus fort; secondement pour que la grandeur des grâces que vous avez
reçues ne soit pas pour vous un principe d’orgueil; troisièmement pour faire
connaître par expérience au démon que vous avez rompu entièrement avec lui;
quatrièmement pour augmenter la force dont vous êtes revêtu; cinquièmement
pour vous donner une juste idée du trésor qui vous est confié (cf. 2 Co 4,
7), car le démon ne viendrait pas pour vous tenter, s’il ne vous voyait élevé
à une plus grande dignité. — Saint Hilaire : ( —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 13 sur
les Evang.) Il en est qui n’osent décider quel fut l’esprit qui conduisit
Jésus dans le désert, à cause de cette circonstance que l’Évangéliste
rapporte plus loin: « Le démon le
transporta dans la cité sainte. » Mais il est hors de doute, et
c’est le seul sens convenable, que Jésus fut conduit par l’Esprit saint,
c’est-à-dire que son propre esprit le conduisit dans le désert, où le malin
esprit devait venir pour le tenter. —
Saint Augustin : (de la Trinité, chap. 13) Pourquoi s’est-il rendu accessible à la
tentation ? pour nous aider comme médiateur à triompher des tentations,
non seulement par la puissance de son secours, mais encore par l’efficacité
de son exemple. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne fut pas conduit dans
le désert comme un inférieur [qui obéit] au commandement de son supérieur. En
effet, on n’est pas seulement conduit lorsqu’on marche sous les ordres d’un
autre, mais lorsqu’on se détermine par quelque sage raison de quelqu’un;
c’est ainsi que nous lisons qu’André trouva Simon son frère, et qu’il le
conduisit à Jésus. — Saint Jérôme, (sur S. Matth.) Il
n’est conduit ni par force, ni par violence, mais par le désir qu’il a de
combattre. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le démon vient trouver les
hommes pour les tenter; mais comme il ne pouvait marcher contre le Christ, c’est
le Christ qui s’avance contre lui, c’est pour cela qu’il est dit: « afin qu’il fût tenté par le
diable. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 16 sur
les Evang.) Il faut savoir que la tentation nous attaque en trois
manières : par la suggestion, par la délectation, par le consentement.
Lorsque nous sommes tentés, nous tombons presque toujours dans le
consentement ou dans la délectation, parce que nous tirons notre origine du
péché de la chair, et que nous portons en nous-même la cause des combats que
nous avons à soutenir; tandis que le Dieu incarné dans le sein d’une vierge,
étant venu dans le monde sans péché, ne portait en lui aucun principe de
lutte intérieure. Il a donc pu être tenté par la suggestion; mais la
délectation du péché n’a eu aucune prise sur son âme, et tous les efforts du
démon dans cette tentation se bornèrent à l’extérieur, et non à l’intérieur. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
13.) Le
démon redouble surtout ses tentations à l’égard de ceux qu’il voit solitaires;
c’est ainsi qu’au commencement il a tenté la femme qu’il trouvait éloignée de
son mari; et la présence de Jésus-Christ qu’il voit seul dans le désert,
devient également pour lui une occasion de le tenter. — La Glose : Ce désert s’étend
entre Jérusalem et Jéricho; il était habité par des bandits, et on l’appelait
Dammaïm, c’est-à-dire désert du sang, à cause des meurtres qu’y commettaient
ces brigands. Aussi lisons-nous que cet homme qui descendait de Jérusalem à
Jéricho tomba entre les mains des voleurs. Cet homme représentait Adam qui
fut vaincu par les démons. Il convenait donc que le démon fût vaincu à son
tour par le Christ dans ce même endroit où existait une figure de son
triomphe sur l’humanité. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Jésus-Christ n’est pas le
seul qui soit conduit dans le désert par l’Esprit; il en est ainsi de tous
les enfants de Dieu que l’Esprit saint dirige. Ils ne peuvent supporter de
rester inactifs, car l’Esprit saint les presse d’entreprendre quelque œuvre
importante, et pour le démon, une de ces œuvres, c’est de se retirer dans le
désert, car on n’y voit aucune de ces injustices qui font sa joie. Tout vrai
bien d’ailleurs se trouve en dehors de la chair et du monde, parce qu’il
n’est pas conforme à la volonté de la chair et du monde. C’est donc dans ce
désert que se retirent tous les enfants de Dieu pour être éprouvés par la
tentation. Si, par exemple, vous avez résolu de ne pas vous marier, c’est
l’Esprit saint qui vous a conduit dans le désert, c’est-à-dire au delà des
limites de la chair et du sang, pour y être tenté par la concupiscence de la
chair. Car comment celui qui se trouve continuellement avec sa femme
pourrait-il ressentir les atteintes de la concupiscence ? Sachons donc
que les enfants de Dieu ne sont tentés par le démon que lorsqu’ils se
retirent dans le désert. Au contraire, les enfants du diable, placés au
milieu du monde et sous l’empire de la chair, sont tous les jours brisés et
se soumettent à l’esclavage. Ainsi un homme vertueux est marié, il ne se
livre pas à la fornication, mais sa femme lui suffit; un homme vicieux au
contraire, même s’il a une épouse, n’en est pas content, et se livre à la
fornication; et il en est ainsi de tous les autres devoirs. Les fils du démon
ne vont donc pas au-devant de lui pour être tentés, car qu’est-il nécessaire
de combattre pour celui qui ne désire pas la victoire ? Au contraire,
les plus illustres des enfants de Dieu franchissent les limites de la chair
pour marcher contre le démon, parce qu’ils aspirent à la gloire du triomphe.
C’est pour cela que le Christ vint dans ce désert à la rencontre du démon
afin d’y être tenté par lui. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
12.) Notre
Seigneur commence par jeûner, sans avoir besoin du jeûne, mais pour nous
apprendre quelle est son excellence, quel bouclier il nous offre contre les
traits du démon, et aussi qu’après le baptême, nous devons nous appliquer non
pas aux plaisirs, mais à la mortification des sens. —
Saint Jean Chrysostome : (Sur S. Matth.)
Il jeûna quarante jours et quarante nuits pour fixer lui-même la durée du
jeûne que nous devons pratiquer pendant le Caême: « Après qu’il eut jeûné quarante jours et quarante nuits »,
dit l’Évangéliste. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13.) Il ne prolongea pas son jeûne au
delà du jeûne de Moïse et d’Élie (cf. Ex 24, 18; 34, 28; Dt 9, 9.18; 3 R 19,
8), pour ne pas faire douter de la vérité de son incarnation dans la chair. — Saint Grégoire le Grand : (hom.
16.) L’auteur de toutes choses ne prit absolument
aucune nourriture pendant quarante jours; nous donc aussi, autant que nos
forces nous le permettent, mortifions notre chair par l’abstinence pendant le
temps du Carême. Le nombre quarante est ici consacré, parce qu’il est formé
par le nombre dix répété quatre fois, et que la perfection du Décalogue
trouve son accomplissement dans les quatre livres du saint Évangile. Ou bien,
c’est parce que notre corps mortel est composé de quatre éléments, et que la
concupiscence, dont il est la source, nous met en opposition avec les
commandements de Dieu qui nous sont transmis par le Décalogue. Or, puisque les désirs de la chair nous
portent à transgresser les commandements du Décalogue, il est bien juste de
mortifier cette chair pendant quarante jours. On peut dire encore que, comme,
dans la Loi, le Seigneur exigeait la dixième partie des biens de la terre,
nous nous efforçons de lui offrir la dixième partie des jours de l’année. En
effet, du premier dimanche de Carême à la fête de Pâques, on compte six
semaines, c’est-à-dire quarante-deux jours, et trente-six seulement, si l’on supprime
les six dimanches qui sont exempts de la loi du jeûne. Or l’année étant
composée de trois cent soixante-cinq jours, en consacrant trente-six de ces
jours à la pénitence, nous offrons à Dieu la dixième partie des jours de
l’année. —
Saint Augustin : (liv. des LXXXIII, quaest. 8.) Ou
bien, dans un autre sens, toute la sagesse consiste à connaître le Créateur
et la créature. Le Créateur c’est la Trinité, le Père, le Fils et le
Saint-Esprit; la créature est en partie invisible, comme l’âme, dans laquelle
le nombre trois est consacré par le triple commandement qui nous est fait
d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit;
elle est en partie visible comme le corps, auquel convient le nombre quatre,
à cause des quatre éléments qu’il renferme, le chaud et le froid, l’humide et
le sec. Le nombre dix, qui résume toute la morale, étant multiplié par le
nombre quatre qui est le nombre spécial et distinct du corps, parce que le
corps est chargé de la direction des choses extérieures, forme le nombre
quarante. Or les parties égales de ce nombre font cinquante. En effet, les
nombres un, deux, quatre, cinq, huit, dix et vingt, qui sont les parties du
nombre quarante, additionnés ensemble, donnent cinquante. Ainsi donc le temps
des gémissements et de la douleur est figuré par le nombre quarante, et le
temps de la félicité et de la joie par le nombre cinquante, qui s’écoule
entre la fête de Pâques et celle de la Pentecôte. —
Saint Augustin : (serm. pour le Carême.) De ce que le Christ
a voulu jeûner immédiatement après son baptême, il ne faut pas croire qu’il
nous ait imposé par là l’obligation rigoureuse de jeûner aussitôt que nous
avons reçu le baptême. C’est lorsque nous nous mesurons au Tentateur dans une
lutte plus violente, qu’il faut recourir au jeûne, afin que le corps s’exerce
aux combats de la mortification et que l’âme puisse remporter la victoire par
ses humiliations. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le Seigneur connaissait le
dessein que le démon avait de le tenter; en effet le démon avait appris la
naissance du Christ par l’apparition des anges, par le rapport des bergers,
par les recherches des Mages et par la déclaration de Jean-Baptiste. Le
Seigneur s’avança donc contre lui, non comme Dieu, mais comme homme, ou plutôt
comme Dieu et homme, car il n’est pas dans la nature de l’homme de ne point
éprouver la faim pendant quarante jours, comme il n’est pas dans la nature de
Dieu d’être jamais soumis à la nécessité de la faim. Il eut faim, pour ne pas
rendre la divinité trop évidente, car le démon aurait ainsi perdu tout espoir
de le tenter, et lui-même l’occasion d’en triompher; c’est pour cela qu’il
est dit: « Après cela il eut
faim. » — Saint Hilaire : Ce ne fut pas pendant les quarante jours qu’il eut faim, mais seulement lorsqu’ils furent écoulés. Lors donc que le Seigneur eut faim, ce ne fut pas l’effet naturel du jeûne, mais parce qu’il abandonna en ce moment la nature humaine à sa faiblesse, car c’est par la faiblesse de la chair et non par Dieu que le démon devait être vaincu. Ainsi nous est figurée la faim mystérieuse qu’il devait avoir du salut des hommes, lorsque, les quarante jours qu’il passa sur la terre après sa résurrection étant écoulés, il porta à Dieu son Père ce présent si désiré de l’humanité qu’il s’était unie. |
Lectio 2 [85368] Catena in Mt.,
cap. 4 l. 2 Chrysostomus super Matth. Quia Diabolus
videns per quadraginta dies Christum ieiunantem desperaverat, postquam
esurientem sensit, iterum coepit sperare; unde sequitur et accedens tentator.
Si ergo ieiunaveris et tenteris, ne dicas quia perdidi fructum ieiunii
mei; nam etsi non tibi profuit ieiunium tuum ut non tenteris, tamen proficiet
ut a tentationibus non vincaris. Gregorius in Evang. Sed si ipsum ordinem
tentationis aspicimus, pensamus quanta magnitudine nos a tentatione
liberamur. Antiquus enim hostis primum hominem ex gula tentavit cum cibum
ligni vetitum ad comedendum suasit; ex vana gloria, cum diceret: eritis sicut
dii; ex avaritia, cum diceret: scientes bonum et malum: avaritia enim non
solum pecuniae est, sed etiam altitudinis, cum supra modum sublimitas
ambitur. Quibus autem modis primum hominem stravit, istis modis secundo
homini tentato succubuit. Per gulam tentat, cum dicit dic ut lapides isti
panes fiant; per vanam gloriam cum dicit si filius Dei es, mitte te deorsum;
per sublimitatis avaritiam, cum regna mundi ostendit, dicens haec omnia tibi
dabo. Ambrosius super Lucam. Inde autem coepit unde
iam vicerat, scilicet a gula; unde dixit ei si filius Dei es, dic ut lapides
isti panes fiant. Quid autem sibi vult talis sermonis exorsus, nisi quia
cognoverat Dei filium esse venturum, sed venisse per infirmitatem corporis
non putabat? Aliud explorantis, aliud tentantis est; et Deo se profitetur
credere, et homini conatur illudere. Hilarius in Matth. Eam ergo in tentando
conditionem operis proposuit, per quam in Deo ex mutatione lapidum in panes
virtutem potestatis agnosceret, et in homine oblectamento cibi potentiam
esurientis illuderet. Hieronymus. Sed duobus contrariis teneris, o Diabole:
si ad imperium eius possunt lapides panes fieri, ergo frustra tentas eum qui
tantae potentiae est; si autem non potest facere, frustra Dei filium
suspicaris. Chrysostomus super Matth. Sicut autem Diabolus
omnes excaecabat, sic modo invisibiliter a Christo est excaecatus. Post
quadraginta enim dies esurientem sensit, et per quadraginta non esurientem
non intellexit. Cum suspicatus est eum non esse filium Dei, non cogitavit
quoniam fortis athleta ad ea quae infirma sunt descendere potest; infirmus
autem ad ea quae fortia sunt ascendere non potest. Magis ergo ex eo quod per
tot dies non esuriit, intelligere debuit quia Deus est, quam ex eo quod post
tot dies esuriit, quia homo est. Sed dicit: Moyses et Elias quadraginta dies
ieiunaverunt, et homines erant. Sed illi ieiunantes esuriebant et
sustinebant, iste quadraginta diebus non esuriit, sed postea. Esurire enim et
non manducare, patientiae est humanae; non esurire autem, divinae naturae.
Hieronymus. Propositum autem Christi erat
humilitate vincere; unde adversarium vicit testimoniis legis, non potestate
virtutis, ut hoc ipso et hominem plus honoraret et adversarium plus puniret,
cum hostis generis humani non quasi a Deo, sed quasi ab homine vinceretur;
unde sequitur qui respondens, dixit ei: scriptum est: non in solo pane vivit
homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei. Gregorius in Evang. Sic ergo tentatus a
Diabolo dominus, sacri eloquii praecepta respondit; et qui tentatorem suum
mergere in abyssum poterat, virtutem suae potentiae non ostendit, quatenus
nobis praeberet exemplum ut quoties a pravis hominibus aliquid patimur, ad
doctrinam excitemur potius quam ad vindictam. Chrysostomus super Matth. Non autem dixit: non
in solo pane vivo, ne videatur de se dictum esse; sed non in solo pane vivit
homo, ut posset Diabolus dicere si filius Dei es. Abscondit se ut non
ostendatur; quod potest, si homo est; astute excusat se, ne ostendatur non
posse. Rabanus. Testimonium autem hoc de Deuteronomio
sumptum est. Ergo si quis non vescitur verbo Dei, iste non vivit, quia sicut
corpus humanum non vivit sine terreno cibo, ita et anima vivere non potest
sine Dei verbo. Procedere autem verbum de
ore Dei dicitur cum voluntatem suam per Scripturarum testimonia revelat. |
Versets 3-4.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le diable qui avait désespéré de triompher du Seigneur en le voyant
jeûner pendant quarante jours, reprit quelque espoir en se rendant compte
qu’il avait faim; aussi le texte sacré ajoute: « et le tentateur s’approchant. » Si donc après avoir
jeûné, le démon vous tente, ne dites pas: J’ai perdu le fruit de mon jeûne,
car si le jeûne ne vous a pas servi a éviter la tentation, il vous donnera
les forces nécessaires pour ne pas être vaincu par elle. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 16.) En étudiant ici l’ordre de la
tentation [du Seigneur], nous verrons quelle puissance nous y est acquise à
nous-mêmes contre nos propres tentations. L’antique ennemi du genre humain
tenta le premier homme par la gourmandise en lui persuadant de manger du
fruit défendu, par la vaine gloire en lui faisant cette promesse: « Vous serez comme des dieux », par
l’avarice en lui disant: « Vous
saurez le bien et le mal »; car l’avarice n’a pas seulement l’argent
pour objet, mais encore l’élévation, lorsque la grandeur est recherchée avec
excès. Le démon fut vaincu cette fois par le second Adam, et par les mêmes
moyens qui l’avaient rendu victorieux du premier. Il tenta le Seigneur par la
gourmandise en lui disant: « Dites
que ces pierres se changent en pains », par la vaine gloire
lorsqu’il lui dit: « Si vous êtes
le Fils de Dieu, jetez-vous en bas. » Il le tenta par l’attrait de
l’avarice et le désir des honneurs, lorsqu’il lui dit en lui montrant tous
les royaumes de la terre: « Je
vous donnerai toutes ces choses. » —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Le démon commence par ce qui
l’avait autrefois rendu victorieux du premier homme, c’est-à-dire par la gourmandise:
« Si vous êtes le Fils de
Dieu, » lui dit-il, « commandez
à ces pierres de se changer en pains. » Que signifie cet
exorde: que le démon savait que le Fils de Dieu devait venir sur la terre,
mais qu’il ne croyait pas qu’il dût venir dans la faiblesse de la chair. Il
le sonde et le tente tout à la fois, il fait profession de croire en Dieu et
en même temps il se joue de l’homme. — Saint Hilaire : (can. 3 sur S. Matth.) Il
choisit pour le tenter une œuvre qui pût lui faire reconnaître Dieu dans la
puissance qui changerait les pierres en pains, et lui permît en même temps de
se moquer de la patience de l’homme maintenant soumise à la faim, par le
plaisir qu’il trouverait dans la nourriture. —
Saint Jérôme : Mais, ô Satan, tu es pris entre ces
deux termes opposés: s’il ne lui faut que commander pour changer ces pierres
en pain, c’est bien inutilement que tu veux tenter Celui qui est revêtu d’une
si grande puissance; et si cela lui est impossible, pourquoi soupçonner qu’il
peut être le Fils de Dieu ? —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le démon aveuglait
auparavant tous les hommes, Jésus-Christ l’aveugle invisiblement à son tour.
Il remarque que le Seigneur a faim après quarante jours, et il semble ne pas
comprendre pourquoi il n’avait pas eu faim pendant ces quarante jours. Il
doute qu’il puisse être le Fils de Dieu, et il ne voit pas qu’un puissant
athlète peut descendre jusqu’à faire des choses ordinaires, tandis que celui
qui est faible ne peut jamais s’élever jusqu’aux actions qui exigent de la
force. Le fait que pendant tant de jours le Seigneur n’eût pas eu faim devait
être pour le démon une preuve plus évidente de sa Divinité que la faim qu’il
éprouve ensuite ne devait lui faire conclure qu’il n’était qu’un homme. Mais
vous me direz peut-être: Élie et Moïse ont bien jeûné pendant quarante jours,
et cependant ils n’étaient que des hommes. Oui, sans doute, ils jeûnaient,
mais ils souffraient de la faim et la supportaient, tandis que Jésus-Christ
n’éprouva aucun sentiment de la faim pendant ces quarante jours, mais
seulement après. Avoir faim et ne pas manger, l’homme le peut par la
patience; mais il n’appartient qu’à la nature divine de ne pas éprouver le
sentiment de la faim. —
Saint Jérôme : Le dessein du Christ était de vaincre
par l’humilité. —
Saint Rémi [référence à vérifier]: (Serm. 1 pour le Carême.) Aussi ce
n’est point par la puissance divine, mais par les témoignages de la loi, que
Jésus triomphe de son adversaire. Notre humanité s’en trouve plus honorée, et
le démon plus sévèrement puni, car cet ennemi du genre humain se trouve
vaincu non seulement par la force de Dieu, mais par la faiblesse de l’homme.
Aussi entendez la réponse du Seigneur: « Il
est écrit: l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui
sort de la bouche de Dieu. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 16.) Le Seigneur tenté par le démon ne
lui oppose que les préceptes de la sainte Écriture; il aurait pu refouler le
tentateur jusque dans les abîmes, il aime mieux ne pas faire éclater sa
puissance. Il voulait nous enseigner par son exemple, lorsque nous sommes en
butte aux persécutions des méchants, à ouvrir notre âme au désir de les
instruire, plutôt qu’au désir de la vengeance. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne dit pas: « Je ne vis pas seulement de
pain », pour ne point paraître parler de lui-même, mais « l’homme ne vit pas seulement de
pain », afin de donner lieu au démon de se dire: « S’il est le
Fils de Dieu, il cache sa divinité et ne veut pas laisser éclater sa
puissance; s’il est homme, il dissimule habilement son impuissance. » — Raban : Ces paroles sont tirées du Deutéronome (Dt 8, 3). Ainsi celui qui ne se nourrit pas de la parole de Dieu ne vit pas en réalité, car l’âme ne peut pas plus vivre sans la parole de Dieu, que le corps sans le pain matériel. Or on dit qu’une parole sort de la bouche de Dieu, lorsqu’il nous fait connaître sa volonté par le témoignage des Écritures. |
Lectio 3 [85369] Catena in Mt.,
cap. 4 l. 3 Chrysostomus super Matth. Cum
ex praemisso Christi responso nihil certum discere Diabolus potuisset utrum
Christus Deus esset an homo, assumpsit eum ad aliam tentationem, dicens apud
se: iste qui fame non vincitur, etsi filius Dei non est, tamen sanctus est. Valent enim homines sancti fame non vinci; sed postquam omnem
necessitatem carnis vicerunt, per vanam gloriam cadunt; ideo coepit eum
tentare in gloria vana; propter quod sequitur tunc assumpsit eum Diabolus in
sanctam civitatem. Hieronymus. Assumptio ista non ex
imbecillitate domini venit, sed de inimici superbia, qui voluntatem
salvatoris necessitatem putat. Rabanus. Sancta autem civitas Ierusalem
dicebatur, in qua templum Dei erat et sancta sanctorum et cultus unius Dei
secundum legem Moysi. Remigius. In quo ostenditur quia Diabolus
fidelibus Christi etiam in sanctis locis insidiatur. Gregorius in Evang. Sed ecce dum dicitur Deus
homo in sanctam civitatem a Diabolo assumptus, humanae aures audire
expavescunt; iniquorum tamen omnium Diabolus caput est. Quid autem mirum si
se ab illo permisit in montem duci, qui se permisit a membris illius
crucifigi? Glossa. Diabolus enim semper ad alta
ducit elevando per iactantiam, ut praecipitare possit; ideo sequitur et
statuit eum supra pinnaculum templi. Remigius. Pinnaculum sedes erat
doctorum: templum enim non habebat culmen erectum sicut nostrae domus habent,
sed et planum erat desuper more Palaestinorum, et in ipso templo tria
tabulata erant. Et sciendum, quia in pavimento pinnaculum erat, et in
unoquoque tabulato pinnaculum erat. Sive ergo statuerit eum in illo pinnaculo
quod erat in pavimento, sive in illis quae erant in primo, secundo vel tertio
tabulato, intelligendum est quod in illo statuisset eum unde aliquod
praecipitium esse potuit. Glossa. Nota vero, haec omnia corporeis
sensibus esse completa: si enim verba ad invicem conferuntur, in specie
hominis Diabolum apparuisse verisimile est. Chrysostomus Sup. Matth. Sed forte
dicis: quomodo in corpore constitutum videntibus omnibus statuit supra
templum? Sed forsitan Diabolus sic eum assumebat ut ab omnibus videretur;
ipse autem, nesciente Diabolo, invisibiliter sic agebat ut a nemine videretur.
Glossa. Ideo autem duxit eum supra
pinnaculum, cum vellet eum de vana gloria tentare, quia in cathedra doctorum
multos deceperat inani gloria, et ideo putavit istum positum in sede
magisterii inani gloria extolli posse; unde sequitur et dixit: si filius Dei
es, mitte te deorsum. Hieronymus. In omnibus enim tentationibus hoc
agit Diabolus ut intelligat si filius Dei sit. Dicit autem mitte te, quia vox
Diaboli, qua semper homines cadere deorsum desiderat, persuadere potest,
praecipitare non potest. Chrysostomus super Matth. Per hanc autem
propositionem quomodo poterat cognoscere si est filius Dei, an non? Volare
enim per aerem non est proprie opus Dei, quia nulli utile est. Si ergo
aliquis volaverit provocatus, propter ostentationem solam hoc facit, et est
potius ex Diabolo quam ex Deo. Si ergo homini sapienti sufficit esse quod est
et non est necessarium ei apparere quod non est, quanto magis filius Dei
ostendere se necessarium non habet, de quo nemo potest tantum cognoscere
quantum est apud se? Ambrosius super Lucam. Sed quia Satanas
transfigurat se sicut Angelum lucis et de Scripturis ipsis divinis laqueum
fidelibus parat, utitur testimoniis Scripturarum, non ut doceat, sed ut
fallat; unde sequitur scriptum est enim: quia Angelis suis mandavit de te.
Hieronymus. Hoc enim in Psalmo 90, 11 legimus;
verum ibi non de Christo, sed de viro sancto prophetia est. Male ergo
Diabolus interpretatur Scripturas. Chrysostomus super Matth. Vere enim filius Dei
Angelorum manibus non portatur, sed ipse magis Angelos portat; et si portatur
manibus Angelorum, non ut offendat ad lapidem pedem suum, quasi infirmus, sed
propter honorem, quasi dominus. O Diabole, quoniam filius Dei manibus
portatur legisti, et quia super aspidem et basiliscum calcat, non legisti?
Sed illud quidem exemplum profert quasi superbus, hoc autem tacet quasi
astutus. Chrysostomus in Matth. Intuere etiam quia
testimonia a domino allata sunt convenienter, a Diabolo autem indecenter: non
enim quod scriptum est Angelis suis mandavit de te, et in manibus tollent te,
suadet proiicere seipsum et praecipitare. Glossa. Est ergo sic exponendum. Ait enim
Scriptura de quolibet bono homine, quod Angelis suis, id est
administratoribus spiritibus, praecepit de ipso quod in manibus suis, idest
in auxiliis suis, tollant eum et custodiant ne offendat pedem, idest affectum
mentis, ad lapidem idest ad veterem legem scriptam in lapideis tabulis. Vel
per lapidem potest intelligi omnis peccati occasio et ruinae. Rabanus. Notandum est autem, quod salvator
noster licet permisisset se a Diabolo supra pinnaculum templi poni, tamen
renuit ad imperium eius descendere, nobis exemplum donans, ut quisquis
imperaverit viam veritatis arctam nos ascendere, obtemperemus. Si autem vult
nos de altitudine veritatis et virtutum ad ima erroris et vitiorum
praecipitare, non illum audiamus. Hieronymus. Falsas autem de Scripturis Diaboli
sagittas veris Scripturarum frangit clypeis; unde sequitur ait illi rursus
Iesus: scriptum est: non tentabis dominum Deum tuum. Hilarius in Matth. Diaboli enim conatus
contundens, et Deum se protestatur et dominum. Chrysostomus super Matth. Non autem dixit: non
tentabis me dominum Deum tuum; sed ita: non tentabis dominum Deum tuum, quod
poterat dicere omnis homo Dei tentatus a Diabolo, quoniam et qui hominem Dei
tentat, Deum tentat. Rabanus. Vel aliter. Suggerebatur ei quasi
homini ut aliquo signo exploraret quantum Deus posset. Augustinus contra Faustum. Pertinet autem ad
sanam doctrinam, quando habet homo quid faciat, non tentare dominum Deum suum.
Theodotus. Tentat enim Deum qui sine ratione
obiiciens se periculo, quidpiam agit. Hieronymus. Et notandum, quod necessaria
testimonia de Deuteronomio tantum protulit, ut secundae legis sacramenta
monstraret. |
Versets 5-7.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) D’après la réponse que venait de faire Jésus-Christ, le démon n’avait
pu savoir au juste si le Christ était vraiment Dieu ou homme; il le met donc
en face d’une autre tentation en se disant à lui-même: Celui-ci dont la faim
n’a pu triompher, s’il n’est pas le Fils de Dieu, est au moins un saint. Les
saints en effet peuvent résister à la faim; mais après avoir triomphé des
nécessités du corps, ils succombent à la tentation de la vaine gloire. C’est
pourquoi le démon voulut soumettre le Seigneur à cette tentation: « Alors, dit l’Évangéliste, le démon le transporta dans la ville
sainte. » —
Saint Jérôme : Ce transport de Jésus par le démon
n’est pas le résultat de la faiblesse du Seigneur, mais de l’orgueil de son
ennemi, qui prenait une action toute volontaire du Seigneur pour un effet de
la nécessité. — Raban : Jérusalem était
appelée la cité sainte, à cause du temple qui s’y trouvait, du Saint des
saints, et parce qu’on y adorait un seul Dieu selon la loi de Moïse. —
Saint Rémi : On voit par là que les fidèles peuvent
être tentés jusque dans les lieux consacrés à Dieu. — Saint Grégoire le Grand : (hom.
16.) Lorsque
nous entendons dire que le Fils de Dieu a été transporté par le démon dans la
cité sainte, nos oreilles frémissent d’effroi. Cependant le démon est le chef
de tous les méchants; et qu’y a-t-il d’étonnant que le Seigneur ait permis au
démon de le transporter sur une montagne, lui qui a bien permis aux membres
du démon de le crucifier ? — La Glose : Le démon conduit
toujours sur les lieux élevés, il nous fait monter sur les sommets de
l’orgueil, afin de nous précipiter de ces hauteurs. Voilà pourquoi il est
dit: « Et il le plaça sur le haut
du temple. » —
Saint Rémi : Le pinacle était le lieu où
s’asseyaient les docteurs. Or le temple n’avait pas de toit élevé en pente
comme nos maisons, mais il était plat, comme le sont en général les
habitations de la Palestine. Le temple avait trois étages, et à chaque étage
un pinacle; il y en avait même un sur le pavé. Que ce soit sur le pinacle du
pavé ou sur celui du premier, du second ou du troisième étage que le démon
ait placé Jésus, peu importe: ce qu’il y a de certain c’est qu’il l’a placé
sur une élévation d’où l’on pouvait se précipiter. — La Glose : Remarquons que
toutes ces circonstances ont dû se passer d’une manière visible, car il y a
ici échange de paroles; il est donc vraisemblable que le démon s’était rendu
sensible sous une forme humaine. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Vous demanderez peut-être
comment le démon a pu placer corporellement le Seigneur sur le haut du
temple, aux yeux de tous. On peut répondre que le démon le transportait d’une
manière visible, et que lui-même, à l’insu du démon, se rendait invisible à
tous les regards. — La
Glose : Il le plaça sur le pinacle pour le tenter de
vaine gloire, parce qu’il avait fait tomber dans ce piège de la vaine gloire
beaucoup de ceux qui étaient assis dans la chaire des docteurs. Il crut
pouvoir séduire de la même manière Jésus dès qu’il serait placé dans la
chaire de l’enseignement; il lui dit donc: « Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas. » —
Saint Jérôme : En effet, dans toutes les tentations,
le démon n’a qu’un but: c’est de découvrir s’il est le Fils de Dieu. Il dit: « Jetez-vous en bas », parce
que la voix du démon, qui désire toujours la chute des hommes, peut bien les
persuader, mais ne peut jamais les précipiter elle-même. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Mais comment par cette
proposition pouvait-il lui faire connaître si Jésus était le Fils de Dieu ou
non: car voler par les airs n’est point proprement une œuvre divine, attendu
que cette œuvre n’est utile à personne. Que quelqu’un, sur les instances
qu’on lui fait, prenne son essor dans les airs, c’est uniquement par
ostentation qu’il agit, et c’est une œuvre qui vient plutôt du démon que de
Dieu. Si donc il suffit à l’homme sage d’être ce qu’il est, sans qu’il lui
soit nécessaire de paraître ce qu’il n’est pas, combien moins sera-t-il
nécessaire au Fils de Dieu de se découvrir, lui dont personne ne pourra
jamais connaître la grandeur réelle ? —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Comme Satan se transfigure en
ange de lumière, et qu’il se sert des saintes Écritures elles-mêmes pour
tendre des pièges aux fidèles (cf. 2 Co
11, 14), il a recours ici aux témoignages des Livres saints, non pour
l’instruire mais pour le tromper, et il dit: « Il est écrit qu’il a ordonné à ses anges d’avoir soin de
vous. » —
Saint Jérôme : Nous lisons ce passage dans le psaume
90, 11, mais il n’y est pas question du Christ, c’est une prophétie qui a
rapport à l’homme juste: l’interprétation du démon est donc vicieuse. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En réalité, le Fils de Dieu
n’est pas porté par les mains des anges, mais c’est bien plutôt lui qui porte
les anges, ou s’il permet que les anges le portent dans leurs mains, ce n’est
point par faiblesse, pour ne point heurter son pied contre la pierre; c’est
pour recevoir l’honneur qui lui est dû comme le maître [des anges]. O Satan,
tu as lu que le Fils de Dieu est porté dans les mains des anges, et tu n’as
pas lu ce qui suit, qu’il foule aux pieds l’aspic et le basilic ? Mais
il cite par orgueil cette première partie du texte et il se tait sur la
seconde par fourberie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13 sur S.
Matth.) Remarquez encore comme Notre Seigneur cite
toujours convenablement l’Écriture sainte, tandis que le démon en fait le
plus mauvais usage, car ces paroles: « Il
a ordonné à ses anges, et ils vous prendront dans leurs mains » ne
conseillent à personne de se jeter et de se précipiter en bas. — La Glose : Voici comme il faut
expliquer ce passage. L’Écriture dit de tout homme juste que Dieu a commandé
à ses anges, c’est-à-dire aux esprits qui lui servent de ministres, de le
prendre dans leurs mains, en d’autres termes de l’entourer de leur
protection, et de le garder pour qu’il ne heurte pas le pied, c’est-à-dire la
bonne disposition de son âme, contre la pierre, figure ici de l’ancienne loi
écrite sur des tables de pierre. On peut voir aussi dans cette pierre toute
occasion de péché ou de ruine. — Raban : Remarquons
que notre Seigneur, qui avait permis au démon de le porter sur le pinacle du
temple, refusa d’obéir au commandement qu’il lui faisait d’en descendre. Il
nous apprenait ainsi par son exemple à obéir à celui qui nous commande de
monter la voie étroite de la vérité, mais à ne point écouter celui qui
voudrait nous faire descendre des hauteurs de la vérité et des vertus pour
nous précipiter dans l’abîme de l’erreur et des vices. —
Saint Jérôme : Il brise sur le vrai bouclier des
Écritures ces flèches trompeuses que le démon a voulu, mais en vain, tirer
des Écritures elles-mêmes. « Jésus
lui dit: Il est écrit de nouveau: Vous ne tenterez pas le Seigneur votre
Dieu. » —
Saint Hilaire : En réprimant ainsi tous les efforts
du démon, il atteste qu’il est le Dieu souverain maître de toutes choses. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne dit pas: « Vous ne me tenterez pas, moi qui
suis votre Dieu », mais « vous
ne tenterez pas le Seigneur votre Dieu », ce que pouvait dire tout
homme tenté du démon, car qui tente l’homme de Dieu tente Dieu lui-même. — Raban : Ou bien encore,
tout en le regardant comme un homme, il lui conseillait d’essayer par quelque
prodige sa puissance auprès de Dieu. — Saint Augustin : (contre Faust., liv. XXII, chap. 36.) La saine doctrine veut qu’un homme qui a d’autres moyens d’action ne tente pas le Seigneur son Dieu. — Théodote : en effet, il tente Dieu celui qui agit en se jetant dans le danger sans raison. — Saint Jérôme : Il est à remarquer que le Seigneur ne tire les témoignages dont il a besoin que du Deutéronome, pour faire ressortir la signification mystérieuse de cette loi promulguée une seconde fois par Moïse. |
Lectio 4 [85370] Catena in Mt.,
cap. 4 l. 4 Chrysostomus super Matth. Diabolus ex
secundo responso incertus, transit ad tertiam tentationem: quia enim Christus
retia ventris disruperat, retia vanae gloriae transiverat, ponit ei retia
avaritiae; propter quod dicitur iterum assumpsit eum Diabolus in montem
excelsum valde, quem scilicet Diabolus circuiens omnem terram excelsiorem
ceteris cognoscebat. Quanto enim excelsior fuerit mons, tanto ex
eo spatiosior terra videtur; unde sequitur et ostendit ei omnia regna mundi
et gloriam eorum. Ostendit autem ita non ut ipse regna vel civitates eorum
vel populos vel argentum vel aurum videret, sed partes terrae in quibus
unumquodque regnum vel civitas posita erat: ut puta, si ascendens super
excelsum locum digito extenso dicam tibi: ecce ibi est Roma aut Alexandria,
non sic ostendo tibi ut ipsas videas civitates, sed partes terrae in quibus
positae sunt; sic et Diabolus poterat Christo singula loca demonstrare digito
et uniuscuiusque regni honores et statum verbis exponere: nam ostensum
dicitur etiam quod exponitur ad intelligendum. Origenes super Lucam. Vel aliter. Non est
arbitrandum quod regna ei mundi ostendens, Persarum verbi gratia regnum
Indorumque ostenderit; sed ostendit ei regnum suum, quomodo regnaret in
mundo, idest quomodo alii regnentur a fornicatione, alii ab avaritia. Remigius. Gloriam eorum appellat aurum,
argentum et lapides pretiosos et temporalia bona. Rabanus. Ostendit autem haec Diabolus domino,
non quod ipse visum eius amplificare potuerit aut aliquid ignotum
demonstrare, sed vanitatem pompae mundanae, quam ipse diligebat, quasi
speciosam ac desiderabilem verbis ostendens, in amorem Christo suggerens
venire volebat. Glossa. Qui non concupiscentiae oculo intuetur
sicut nos, sed sicut medici vident morbos sine laesione. Sequitur et dixit illi: haec omnia tibi dabo. Hieronymus. Arrogans et superbus de iactantia
loquitur: non enim potest omnia regna dare, cum sciamus plerosque sanctos
viros a Deo reges factos. Chrysostomus super Matth. Sed eas quae
per iniquitatem fiunt in mundo, ut puta per furtum aut per periuria
acquisitas divitias Diabolus dat. Non ergo Diabolus quibus
vult divitias dare potest, sed his qui volunt ab illo recipere. Remigius. Miranda etiam est Diaboli dementia.
Illi promittebat dare regna terrena qui suis fidelibus dat regna caelestia,
et gloriam mundi ei qui est caelestis gloriae dominus. Ambrosius super Lucam. Habet autem ambitio
domesticum periculum: ut enim dominetur aliis prius servit, curvatur obsequio
ut honore dominetur, et dum vult esse sublimior fit remissior. Unde aperte subditur
si cadens adoraveris me. Glossa. Ecce antiqua Diaboli superbia. Sicut
enim in principio voluit se similem Deo facere, ita nunc volebat divinum sibi
usurpare cultum, dicens si cadens adoraveris me. Ergo qui adoraturus est
Diabolum, ante corruit. Sequitur tunc dicit ei Iesus: vade, Satana. Chrysostomus super Matth. In quo finem
tentandi Diabolo ponit, ne progrediatur ulterius tentans. Hieronymus. Non autem, ut plerique putant,
eadem Satanas et Petrus condemnantur sententia. Petro enim dicitur: vade
retro me, Satana, idest sequere me qui contrarius es meae voluntati; huic
autem dicitur vade, Satana; et non ei dicitur retro, ut subaudiatur: vade in
ignem aeternum qui paratus est tibi et Angelis tuis. Remigius. Vel, secundum alia exempla: vade
retro, idest, reminiscere, recordare in quanta gloria conditus fuisti et in
quantam miseriam cecidisti. Chrysostomus super Matth. Videndum autem quia
Christus cum passus fuisset tentationis iniuriam, dicente sibi Diabolo si
filius Dei es, mitte te deorsum, non est turbatus neque Diabolum increpavit.
Nunc autem quando Diabolus usurpavit sibi Dei honorem, exasperatus est, et
repulit eum dicens vade, Satana, ut nos illius discamus exemplo nostras
quidem iniurias magnanimiter sustinere, Dei autem iniurias nec usque ad
auditum sufferre, quoniam in propriis iniuriis esse quempiam patientem
laudabile est, iniurias autem Dei dissimulare nimis est impium. Hieronymus. Dicens autem Diabolus salvatori si
cadens adoraveris me, e contrario audit, quod ipse magis adorare eum debeat
dominum et Deum suum. Augustinus contra sermonem Arianorum. Unde
sequitur scriptum est enim: dominum Deum tuum adorabis et illi soli servies.
Unus dominus Deus noster est ipsa Trinitas, cui soli servitutem pietatis iure
debemus. Augustinus de Civ. Dei. Nomine autem
servitutis, cultus Deo debitus intelligitur: latriam quippe nostri, ubicumque
sanctarum Scripturarum positum est, interpretati sunt servitutem; sed ea
servitus quae debetur hominibus, secundum quam praecepit apostolus servos
dominis suis subditos esse debere, Graece nuncupari solet dulia; latria vero
aut semper, aut tam frequenter ut pene semper, ea servitus dicitur quae
pertinet ad colendum Deum. Chrysostomus super Matth. Diabolus autem,
sicut, rationabiliter intelligi potest, non quasi obediens praecepto
recessit, sed divinitas Christi et spiritus sanctus qui erat in eo excussit
inde Diabolum; unde sequitur tunc reliquit eum Diabolus. Quod ad nostram
proficit consolationem, quia non tamdiu homines Dei Diabolus tentat quamdiu
vult, sed quamdiu Christus permittit. Etsi permittit eum paulisper tentare,
tamen repellit propter infirmam naturam. Augustinus de Civ. Dei. Post tentationem vero
sancti Angeli spiritibus immundis metuendi domino ministrabant, et per hoc
magis magisque innotescebat Daemonibus quantus esset; unde sequitur et ecce
Angeli accesserunt et ministrabant ei. Chrysostomus super Matth. Non autem dixit:
descendentes Angeli, ut ostendat quia semper ad ministerium eius erant in
terris, sed tunc praecipiente domino recesserunt ab eo, ut locus Diabolo
adversus Christum daretur, ne forte videns Angelos circa eum non
appropinquaret ad eum. In quibus autem rebus illi ministrabant scire non
possumus: utrum ad sanationes infirmitatum, an ad correctiones animarum, an
ad effugationem Daemonum, quae omnia per Angelos facit, unde eis facientibus
ipse facere videtur; tamen manifestum est quod non propter necessitatem
impotentiae eius ei ministrabant, sed propter honorem potestatis ipsius: non
enim dicitur quod adiuvent eum, sed quod ministrent. Gregorius in Evang. Ex his autem unius
personae utraque natura ostenditur: quia et homo est quem Diabolus tentat, et
idem ipse Deus est cui ab Angelis ministratur. Chrysostomus super Matth. Nunc breviter
perstringamus quid significent Christi tentationes. Ieiunium est abstinentia
rei malae, esuries est desiderium eius, usus eius est panis. Qui ergo
peccatum sibi convertit ad usum, lapidem convertit in panem. Respondeat ergo
Diabolo persuadenti, quia non in solo usu illius rei vivit homo, sed in
observantia mandatorum Dei. Quando vero quis inflatus fuerit quasi sanctus,
ductus est quasi super templum, et quando aestimaverit se consistere in
sanctimoniae summitate, positus est supra pinnaculum templi. Et haec tentatio
sequitur primam, quia victoria tentationis gloriationem operatur et fit causa
iactantiae. Sed vide quod Christus ieiunium ultro susceperit. Super templum
autem Diabolus eum duxit, ut tu ad abstinentiam laudabilem sponte procedas;
extolli autem ad fastigium sanctitatis non acquiescas; fuge exaltationem
cordis et non patieris ruinam. Ascensio autem montis est processio ad
altitudinem divitiarum et gloriae huius mundi quae de superbia cordis
descendit. Cum ergo volueris dives fieri, quod est ascendere in montem, incipis
cogitare de divitiis et honoribus acquirendis, et tunc princeps mundi gloriam
regni sui tibi ostendit. Tertio loco providet tibi causas, ut si volueris
illa consequi, servias ei negligens iustitiam Dei. Hilarius in Matth. Victo autem a nobis calcatoque
Diaboli capite, Angelorum ministeria et virtutum in nos caelestium officia
non defutura ostenditur. Augustinus de Cons. Evang. Lucas has
tentationes non eodem ordine persecutus est; unde incertum est quid prius
factum sit: utrum regna terrae prius demonstrata sint et postea in pinnaculum
templi levatus sit, an e converso; nihil tamen ad rem, dum omnia facta esse
manifestum sit. Glossa. Sed quod dicit Lucas magis
videtur secundum historiam esse, sed Matthaeus has refert tentationes
secundum hoc quod in Adam factae sunt. |
Versets 7-11.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le démon, que la seconde réponse du Seigneur avait laissé dans
l’incertitude, en vient à la troisième tentation. Le Christ avait brisé les
filets de la sensualité, il avait passé par-dessus les pièges de la vaine
gloire; il lui tend ceux de l’avarice. « Le
diable, dit l’auteur sacré, le prit
de nouveau, et le transporta sur une montagne très élevée ». Le
démon, qui avait parcouru toute la terre, connaissait quelle était de toutes
les montagnes la plus élevée, et en effet, dans la mesure où c’était une
montagne plus élevée on pouvait découvrir une plus grande étendue de terre:
c’est pour cela que l’Évangéliste ajoute: « Et
il lui montra tous les royaumes de la terre et toute leur gloire. » Il
les lui montra non pas en ce sens qu’il distinguât parfaitement les limites
de ces royaumes, leurs villes, leurs habitants, l’or et l’argent qu’ils
possédaient, mais simplement les parties de la terre où étaient situés ces
royaumes, ces villes ; comme si du sommet d’une haute montagne, je vous
disais en vous indiquant du doigt [un point de l’horizon]: C’est là que se
trouve Rome, ou Alexandrie, je ne vous les montre pas pour que vous voyiez
les villes elles-mêmes, mais simplement la direction dans laquelle elles sont
situées. C’est ainsi que le démon pouvait en montrant du doigt les
différentes parties de la terre, exposer au Christ l’état et la gloire de
chacun des royaumes qui s’y trouvaient situés; car on montre réellement ce
que l’on cherche à faire comprendre. — Origène : (hom. 30 sur S. Luc.) Ou bien dans un autre sens, il n’est pas pensable
que le démon lui ait montré les royaumes du monde, celui des Perses, par
exemple, puis celui des Indiens, puis celui des Mèdes; mais il lui montra son
royaume à lui, c’est-à-dire comment il dominait sur le monde, comment les uns
étaient gouvernés par l’avarice, les autres par la fornication. —
Saint Rémi : La gloire de ces royaumes, c’est leur
or, leur argent, leurs pierres précieuses, leurs biens temporels. — Raban : Le démon montra
toutes ces choses au Christ, non pas qu’il ait pu étendre sa vue [au-delà des
limites ordinaires], ou de découvrir des choses inconnues; mais, en parlant
ainsi et en déroulant sous ses yeux, comme un digne objet de ses désirs,
cette vanité des pompes du monde qu’il aimait lui-même, il voulait aussi lui
en inspirer l’amour. — La Glose : Jésus ne voit pas
ainsi que nous toutes ces choses avec l’œil de la concupiscence, mais comme
les médecins voient les maladies sans en être atteints eux-mêmes. — Suite. « Et il lui dit: Je vous donnerai toutes ces choses. » — Saint Jérôme : Dans son
arrogance et dans son orgueil, il se vante de faire ce qui dépasse son
pouvoir, car il ne peut disposer de tous les royaumes, puisque nous savons
qu’un grand nombre de Saints ont reçu la royauté des mains de Dieu lui-même. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Tout ce qui dans le monde
est le fruit de l’iniquité, comme les richesses acquises par le vol ou par le
parjure, c’est le démon qui le donne: il ne peut donc pas donner les
richesses a tous ceux qu’il veut, mais seulement à ceux qui veulent les
recevoir de lui. —
Saint Rémi : Quelle étrange folie dans le démon: il
promet les royaumes de la terre à celui qui donne à ses fidèles le royaume du
ciel, et la gloire du monde à celui qui est le souverain dispensateur de la
gloire éternelle ! —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) L’ambition porte avec elle un
danger personnel: pour commander aux autres, l’ambitieux se rend d’abord
esclave, il se courbe sous l’autorité d’un autre pour obtenir l’honneur qu’il
désire, et pour satisfaire l’ambition qu’il a de monter au premier rang, il
descend aux dernières bassesses: aussi voyez comme le démon ajoute: « Si en vous prosternant vous
m’adorez. » — La Glose : Voilà bien
l’antique orgueil du démon: de même qu’au commencement il voulut se rendre
semblable à Dieu, ainsi voulait-il maintenant usurper les honneurs divins :
« Si en vous prosternant vous
m’adorez. » Donc celui qui veut adorer le démon tombe auparavant de
tout son poids sur la terre. — Suite.
« Alors Jésus lui dit: Retire toi, Satan. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
C’est ainsi qu’il met fin à la tentation, et défend au démon d’aller plus
avant. —
Saint Jérôme : On ne peut admettre, avec plusieurs
interprètes, que Satan et Pierre aient été frappés de la même sentence de
condamnation. Jésus dit à Pierre: « Va
derrière moi Satan », c’est-à-dire suis-moi, toi qui te montres
opposé à ma volonté; tandis qu’il dit à Satan: « Retire-toi, Satan », sans qu’il ajoute: « derrière moi », pour
laisser sous-entendre: « Va dans
le feu éternel, qui t’a été préparé à toi et à tes anges. » —
Saint Rémi : Ou bien, en admettant la variante de
certains exemplaires: « Retire-toi
derrière », c’est-à-dire souviens-toi, rappelle-toi dans quel état
de gloire tu as été créé et dans quel abîme de misère tu es tombé. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Remarquez que lorsque Notre
Seigneur eut à supporter cette tentation injurieuse pour lui: « Si vous êtes le Fils de Dieu,
jetez-vous en bas », il ne s’en émeut pas, il ne fait pas de
reproche au démon. Mais maintenant que le diable s’arroge l’honneur qui n’est
dû qu’à Dieu, le Seigneur est indigné, et il le repousse par ces paroles: « Retire-toi, Satan. » Ainsi
nous apprend-il à supporter avec courage les injures qui nous sont
personnelles, mais à ne pas entendre sans indignation les outrages qui
s’adressent à Dieu même; car si c’est un acte louable de souffrir patiemment
les injures qui nous concernent, c’est une impiété de voir d’un œil
indifférent celles qui osent s’attaquer à Dieu. —
Saint Jérôme : Le Démon a dit au Seigneur: « Si en vous prosternant, vous
m’adorez, » et il apprend au contraire que c’est à lui à l’adorer
comme son Seigneur et son Dieu. —
Saint Augustin : (contre les discours des Ariens, chap.
XXIX.) « Il est écrit: Vous
adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul. » Notre
unique Seigneur et Dieu c’est la sainte Trinité, et c’est à elle seule que
nous devons à juste titre être soumis par notre religion. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. X, chap. 2.) Par cette soumission
il faut entendre le culte qui est dû à Dieu, car c’est par ce mot de soumission
que les traducteurs ont rendu le mot latria, latrie, toutes les fois qu’il se rencontre
dans les saintes Écritures, tandis que ces rapports de subordination qui sont
dus aux hommes et que saint Paul recommande lorsqu’il dit aux esclaves d’être
soumis à leurs maîtres, s’expriment en grec par le mot dulie (δυλια). C’est toujours, ou quasiment toujours,
que le terme « latrie » s’applique à la soumission et au respect
dûs à Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Comme on doit
raisonnablement le penser, le démon se retira non par obéissance au
commandement du Christ, mais parce que la divinité du Seigneur et l’Esprit
saint qui étaient en lui le repoussèrent au loin. Et le texte ajoute : « Alors le démon le laissa. » Dieu
le permit ainsi pour notre consolation, car le démon ne tente les fidèles
serviteurs de Dieu, qu’autant que le Christ le lui permet, et non pas autant
qu’il le veut. S’il lui accorde de nous tenter légèrement, il se hâte de le
repousser pour ménager notre faible nature. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. IX, chap. 20.) Après la
tentation, les saints anges que les esprits immondes redoutent viennent
offrir leurs services au Seigneur, et par là les démons connaissaient plus
clairement quelle était sa grandeur. « Et
les anges s’approchèrent de Jésus, dit l’Évangéliste, et ils le servaient. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne dit pas: « Les anges
descendirent », pour montrer qu’ ils étaient toujours sur la terre
pour le servir, ils s’étaient retirés un instant, sur l’ordre du Seigneur,
pour laisser agir le démon contre Jésus-Christ; car il n’aurait pas osé
s’approcher de lui, s’il l’avait vu entouré de ses anges. Dans quelles
actions les anges lui prêtaient leur ministère ? Nous ne pouvons le
savoir. Était-ce pour la guérison des malades, ou pour la conversion des
pécheurs, ou pour mettre les démons en fuite, toutes choses qu’il fait par
ses anges, bien qu’il paraisse les faire immédiatement lui-même ? Ce qui
est hors de doute, c’est qu’en le servant ils ne venaient pas au secours de
sa faiblesse, mais qu’ils honoraient sa puissance, car il n’est pas dit
qu’ils l’aidaient, mais qu’ils le servaient. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 15.) Nous avons ici une preuve des
deux natures réunies en une seule personne: l’homme qui est tenté par le
démon, et tout à la fois le Dieu qui est servi par les anges. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Exposons rapidement le sens
caché des tentations. Le jeûne c’est l’abstention du mal, la faim en est le
désir, le pain en est l’usage. Celui qui approprie le péché à son usage,
change la pierre en pain. Qu’il réponde donc à ce démon séducteur que l’homme
ne vit pas seulement de pain, mais encore de l’observance des commandements
de Dieu. Quand un chrétien vient à s’enorgueillir de sa prétendue sainteté,
il est comme transporté sur le haut du temple, et lorsqu’il se persuade avoir
atteint le sommet de la sainteté, il est placé sur le pinacle du temple:
cette tentation succède à la première, car la victoire que l’on remporte sur
une tentation fait qu’on s’en glorifie et devient une cause de vaine
ostentation. Remarquez aussi que Jésus-Christ se livre de lui-même au jeûne,
tandis que c’est le démon qui le place au-dessus du temple. A son exemple,
observez volontairement les règles de l’abstinence, car elle est louable,
mais ne vous laissez pas aller à la pensée que vous êtes parvenu au faite de
la sainteté. Fuyez l’élévation du cœur et vous échapperez à votre ruine.
Quant au transport sur la montagne, il figure les efforts que nous faisons
pour nous élever jusqu’aux richesses, jusqu’à la gloire de ce monde, efforts
qui ont pour cause l’orgueil du cœur. Lorsque vous voulez devenir riche, c'est-à-dire
monter ainsi sur la montagne, vous pensez aussitôt aux moyens d’acquérir les
richesses et les honneurs, et alors le prince de ce monde vous montre la
gloire de son royaume. En troisième lieu, il vous fait connaître le chemin
que vous devez prendre pour y arriver: c’est de le servir et de négliger vos
devoirs envers Dieu. — Saint Hilaire : (can. 3 sur S. Matth.) Dès
que nous sommes vainqueurs du démon et que nous lui avons écrasé la tête sous
nos pieds, nous voyons par cet exemple que les services des anges et les
secours des vertus célestes ne nous feront pas défaut. —
Saint Augustin : Saint Luc ne raconte pas ces
tentations dans le même ordre; on ne sait donc pas quelle fut la première. Le
démon commença-t-il par montrer au Seigneur tous les royaumes du monde, et
l’a-t-il transporté ensuite sur le pinacle du temple, ou bien est-ce le
contraire qui est arrivé ? peu importe, dès lors qu’il est certain que
ces tentations ont eu lieu toutes les trois. — La Glose : Le récit de saint
Luc paraît cependant plus historique, et on peut dire alors que saint
Matthieu a suivi l’ordre dans lequel ces tentations ont en lieu pour Adam. |
Lectio 5 [85371] Catena in Mt.,
cap. 4 l. 5 Rabanus. Postquam Matthaeus de
quadraginta dierum ieiunio et de tentatione Christi et de Angelorum
ministerio narravit, continuo subiecit dicens cum autem audisset Iesus quia
Ioannes traditus esset. Chrysostomus super Matth. Sine dubio a Deo,
quia in virum sanctum nemo potest aliquid nisi tradiderit eum Deus. Sequitur
secessit in Galilaeam, scilicet de Iudaea, ut passionem suam opportuno
tempori reservaret, deinde ut nobis fugiendi periculum daret exemplum. Chrysostomus in Matth. Non enim accusabile est
non proicere seipsum in periculum, sed incidentem non stare viriliter.
Recedit etiam de Iudaea, Iudaicam invidiam mitigans, simul quidem prophetiam
complens et magistros orbis terrarum piscari studens, qui in Galilaea
morabantur. Attende etiam qualiter ad gentes abiturus a
Iudaeis accepit causam: etenim cum praecursorem in vincula misissent,
impellunt Iesum transire ad Galilaeam gentium. Glossa. Ut autem refert Lucas, venit Nazareth,
ubi erat nutritus, et ibi intravit in synagogam, ubi legit et dixit multa,
propter quae voluerunt eum praecipitare de monte; et tunc descendit
Capharnaum; unde modo ait Matthaeus et relicta civitate Nazareth, venit et
habitavit Capharnaum. Hieronymus. Glossa. Addit etiam in finibus Zabulon
et Nephthalim, ubi prima captivitas Hebraeorum fuit ab Assyriis. Ubi ergo
prima legis oblivio est, ibi prima Evangelii praedicatio, ut de loco quasi
medio difflueret ad gentes et Iudaeos. Remigius. Reliquit autem unam, scilicet
Nazareth, ut praedicando et miracula faciendo plures illuminaret; in quo
facto reliquit praedicatoribus exemplum, ut eo tempore et illis in locis
studeant praedicare, quando multis prodesse possunt. Sequitur ut adimpleretur quod dictum est per
Isaiam prophetam: terra Zabulon et terra Nephthalim et cetera. In prophetia ita habetur: primo tempore alleviata
est terra Zabulon et terra Nephthalim, et novissimo aggravata est via maris,
trans Iordanem, Galilaeae gentium. Hieronymus super Isaiam. Dicitur autem primo
tempore alleviata esse ab onere peccatorum, quia in regionibus duarum
tribuum, primum salvator Evangelium praedicavit, novissimo vero tempore
aggravata est fides eorum, plurimis Iudaeorum in errore permanentibus. Mare
autem hic lacum appellat Genesareth, qui Iordane influente efficitur, in
cuius litore Capharnaum et Tiberias et Bethsaida et Corozaim sitae sunt, in
qua maxime regione Christus praedicavit. Vel, secundum Hebraeos in Christum
credentes, hae duae tribus Zabulon et Nephthalim ab Assyriis captae sunt, et
Galilaea deserta est, quam propheta dicit esse alleviatam, eo quod peccata
populi sustineret; sed postea reliquae tribus, quae habitabant trans Iordanem
et in Samaria, ductae sunt in captivitatem et hoc, inquiunt, Scriptura nunc
dicit, quod regio, cuius populus primum captivatus est, ipsa primum lucem
praedicantis viderit Christi. Vel, secundum Nazaraeos, adveniente Christo,
primo terra Zabulon et Nephtalim est Pharisaeorum erroribus liberata, postea
per Evangelium apostoli Pauli ingravata est, idest multiplicata praedicatio
in terminos gentium. Glossa. Hic autem in Evangelio diversi
nominativi ad idem verbum reducuntur; ita et terra Zabulon et terra Nephthalim,
quae est via maris, quae est trans Iordanem, scilicet populus Galilaeae
gentium, qui ambulabat in tenebris. Hieronymus in Lib. de locis Hebr. Nota autem,
quod duae Galilaeae sunt: una quae dicitur Iudaeorum, et alia quae dicitur
gentium. Divisa est enim tempore Salomonis, qui dedit viginti civitates in
Galilaea Hyram regi Tyri, quae pars dicta est postea Galilaea gentium;
reliqua Iudaeorum. Vel legendum est trans Iordanem Galilaeae gentium, ita,
inquam, ut populus, qui vel sedebat vel ambulabat in tenebris, lucem viderit,
nequaquam parvam, ut aliorum prophetarum, sed magnam, scilicet illius qui in
Evangelio loquitur: ego sum lux mundi. Et qui habitabant in regione umbrae mortis, lux
orta est eis. Inter mortem et umbram mortis hoc interesse puto, quod mors
eorum est qui cum operibus mortis ad Inferos perrexerunt; umbra autem mortis
eorum est qui dum peccant, nondum de hac vita egressi sunt: possunt enim, si
voluerint, agere poenitentiam. Chrysostomus super Matth. Vel in regione
umbrae mortis sedebant gentiles, quia colebant idola et Daemones. Iudaei
autem, qui legis opera faciebant, in tenebris erant quia Dei iustitia nondum
erat eis manifesta. Chrysostomus in Matth. Ut autem discas quod
neque lumen neque tenebras sensibiles ait, de lumine dixit lumen magnum, quod
alibi dicitur lumen verum; tenebras autem exponens nominavit umbram mortis.
Deinde monstrans quod non ipsi quaerentes invenerunt, sed Deus ipsis
apparuit, dixit quod lumen ortum est et effulsit: non enim prius ipsi ad
lumen cucurrerunt, etenim in ultimis malis homines erant ante Christi
praesentiam: neque enim ambulabant in tenebris, sed sedebant; quod signum
erat quia non sperabant liberari; sicut enim nescientes quo oporteret
progredi, ita comprehensi a tenebris sedebant, iam non potentes stare.
Tenebras autem vocat hic errorem et impietatem. Rabanus. Allegorice autem Ioannes est vox
praecedens verbum et alii prophetae. Postquam autem propheta cessavit et
ligatus est, accessit verbum complens quod praedicaverat vox, idest propheta.
Et secessit in Galilaeam, idest de figuris ad
veritatem. Vel in Galilaeam, idest in Ecclesiam, ubi est transmigratio de
vitiis ad virtutes. Nazareth interpretatur flos, Capharnaum villa
pulcherrima. Reliquit ergo florem figurarum, quo fructus Evangelii
significabatur et venit in Ecclesiam, quae est Christi virtutibus pulchra. Et
maritima est, quia iuxta fluctus saeculi posita, quotidie tunditur procellis
persecutionum. Inter Zabulon et Nephthalim sita est, idest Iudaeis communis
et gentibus. Zabulon enim habitaculum fortitudinis dicitur: quia apostoli,
qui de Iudaea electi sunt, fortes fuerunt. Nephthalim dilagatio, quia gentium
Ecclesia per orbem dilatata est. Augustinus de Cons. Evang. Ioannes autem
Evangelista, priusquam iret Iesus in Galilaeam, dicit de Petro et Andrea et
Nathanaele, et de miraculo in Cana Galilaeae; quae omnia ceteri Evangelistae
praetermiserunt, id contexentes suis narrationibus quod Iesus reversus sit in
Galilaeam; unde intelligitur fuisse interpositos aliquos dies, quibus illa de
discipulis gesta sunt quae interponuntur a Ioanne. Remigius. Sed illud solertius attendendum est,
quare Ioannes dicat dominum iisse in Galilaeam antequam Ioannes missus
fuisset in carcerem. Nam post vinum de aqua factum et descensum eius in Capharnaum
et post ascensum eius in Ierusalem, dicitur in Evangelio Ioannis, quod rediit
in Iudaeam et baptizabat, et nondum erat missus Ioannes in carcerem. Hic
autem dicitur, quod postquam traditus fuit Ioannes, secessit in Galilaeam; et
hoc quidem dicit Marcus. Non autem debet hoc contrarium videri: nam Ioannes
primum adventum domini in Galilaeam descripsit, qui scilicet fuit ante
incarcerationem Ioannis. Sed et de secundo adventu alibi facit mentionem, cum
ait quod Iesus reliquit Iudaeam et abiit iterum in Galilaeam; et de hoc
tantum secundo adventu in Galilaeam, qui scilicet fuit post incarcerationem
Ioannis, alii Evangelistae dicunt. Eusebius Hist. Eccl. Ioannem enim tradunt
usque ad ultimum pene vitae suae tempus absque ullius Scripturae indiciis Evangelium
praedicasse; sed cum trium Evangeliorum ad ipsum notitia pervenisset,
probasse quidem veritatem dictorum, deesse tamen vidit aliqua, et maxime quae
primo praedicationis suae tempore dominus gesserat. Certum est enim, quod in
aliis tribus Evangeliis haec videntur sola contineri quae in eo gesta sunt
anno quo Ioannes Baptista vel inclusus est in carcerem vel punitus. Matthaeus
enim post tentationem Christi continuo subiecit audiens autem quia Ioannes
traditus esset; et Marcus similiter. Lucas vero priusquam aliquid de actibus
Christi referret, dicit quod Herodes conclusit Ioannem in carcerem. Rogatus
est ergo Ioannes apostolus, ut ea quae praeterierant priores ante traditionem
Ioannis, salvatoris gesta conscriberet: et ideo dicit in Evangelio suo: hoc fecit
initium signorum Iesus. |
Versets
12-16.
— Raban : Saint
Matthieu, après avoir raconté le jeûne de quarante jours, les tentations du
Christ, le ministère que les anges remplissaient près de lui, ajoute
aussitôt: « Jésus ayant appris que
Jean avait été arrêté. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) sans aucun doute par la
permission de Dieu, car personne ne peut rien entreprendre contre l’homme saint,
que Dieu lui-même ne le lui ait abandonné. Il est dit qu’il se retira dans la
Galilée, c’est-à-dire qu’il partit de la Judée, voulant réserver sa passion
pour un temps plus opportun, et nous apprendre en même temps par son exemple
qu’il nous était permis de fuir devant le danger. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 14 sur
S. Matth.) Car on n’est pas coupable pour ne pas se jeter de soi-même
dans le danger, mais pour ne pas résister avec courage lorsqu’on y est tombé.
Il se retire de la Judée pour calmer l’envie des Juifs, accomplir une
prophétie, et rechercher les moyens de prendre dans ses filets les docteurs
du monde qui habitaient la Galilée. Voyez encore : il doit aller chez
les Gentils, mais il y est forcé par les Juifs, car c’est en jetant dans les
fers son précurseur qu’ils forcent Jésus de passer dans la Galilée des
nations. — La Glose : D’après le récit de
saint Luc, il vint à Nazareth où il avait été élevé, et là il entra dans la
Synagogue où il lut et dit plusieurs choses qui portèrent les Juifs à vouloir
le précipiter du haut de la montagne. C’est alors qu’il vint demeurer à
Capharnaüm comme l’indique le récit de saint Matthieu: « Après avoir quitté la ville de Nazareth, il vint habiter
Capharnaüm. » —
Saint Jérôme : Nazareth est un bourg de la Galilée
près de la montagne du Thabor; Capharnaüm est une ville située dans la
Galilée des Gentils, auprès du lac de Génésareth, et c’est pour cela qu’elle
est appelée ville maritime. — La Glose : Il ajoute: « sur les frontières de Zabulon et de
Nephtali », parce que c’est là qu’avait eu lieu la première
captivité des Hébreux sous les Assyriens. La première prédication de
l’Évangile se fait donc dans les régions qui les premières avaient oublié la
loi, pour se répandre de là comme d’un lieu également à portée des deux
peuples, sur les Gentils et sur les Juifs. —
Saint Rémi : Il abandonne une ville, Nazareth, pour
aller éclairer un plus grand nombre d’âmes par ses prédications et par ses
miracles, et il apprend ainsi par son exemple aux ministres de l’Évangile à
prêcher la parole divine dans les temps et dans les lieux où elle doit être
utile à un plus grand nombre. — Suite : « afin que cette parole du prophète fût accomplie: La terre de Zabulon et la terre de Nephtali, etc... » Dans le prophète Isaïe on lit: « Au commencement Dieu a soulagé la
terre de Zabulon et la terre de Nephtali, et à la fin, sa main s’est
appesantie sur la Galilée des nations qui est le long de la mer, au delà du
Jourdain. » — Saint Jérôme : Ce pays, selon le prophète, fut dans les premiers temps déchargé du poids de ses péchés; car c’est au milieu de ces deux tribus que le Seigneur prêcha d’abord son Évangile; mais plus récemment leur foi fut comme appesantie parce qu’un grand nombre de Juifs persistèrent dans leur incrédulité. Cette mer dont parle ici l’Évangéliste, n’est autre que le lac de Génézareth, qui est formé par les eaux du Jourdain. Sur ses bords sont situées Capharnaüm, Tibériade, Bethsaïde et Corozaim, villes dans lesquelles surtout Jésus-Christ annonça l’Évangile. D’après les Hébreux qui ont cru en Jésus-Christ, ces deux tribus de Zabulon et de Nephtali furent emmenées captives par les Assyriens, et [le pays qu’elles habitaient,] la Galilée, rendue déserte, fut soulagée du poids de leurs péchés, selon l’expression du prophète. Plus tard, les autres tribus qui habitaient au delà du Jourdain et dans la Samarie furent aussi emmenées en captivité, et c’est pour cela, remarquent ces mêmes auteurs, que l’Écriture dit ici que le peuple de cette contrée a été le premier réduit en captivité, et que le premier aussi il vit la lumière que Jésus-Christ répandait par ses prédications. Oui bien, selon les Nazaréens, la venue du Christ délivra d’abord la terre de Zabulon et de Nephtali des erreurs des Pharisiens, et plus tard, grâce au zèle apostolique de saint Paul, la prédication fut surchargée, c’est-à-dire multipliée sur les frontières des nations. — La Glose : Dans cette phrase de l’Évangile, tous ces divers nominatifs se
rapportent à un seul et même verbe, de manière à présenter ce sens: « La terre de Zabulon et la terre de
Nephtali, qui est le chemin de la mer et qui est au delà du Jourdain, c’est-à-dire
le peuple de la Galilée des nations, qui marchait dans les ténèbres, [a vu
une grande lumière] » — Saint Jérôme : (sur Isaïe).
Remarquez qu’il y a deux Galilées, la Galilée des
Juifs, et celle des Gentils. La Galilée fut divisée sous le règne de Salomon,
qui donna vingt villes de cette province à Hiram, roi de Tyr, et cette partie
fut appelée dans la suite Galilée des nations, l’autre Galilée des Juifs. On
peut lire aussi: « au delà du
Jourdain, de la Galilée des nations », de sorte que le peuple qui
était assis ou qui marchait dans les ténèbres vit une lumière qui n’était en
rien faible comme celle des autres prophètes, mais la grande lumière de celui
qui a dit de lui-même dans l’Évangile: « Je
suis la lumière du monde. » —
Suite : « La
lumière s’est levée sur ceux qui étaient assis dans la région de l’ombre de
la mort. » Il y a cette différence, je crois, entre la mort et
l’ombre de la mort, que la mort est le partage de ceux qui sont descendus aux
enfers avec leurs œuvres, tandis que l’ombre de la mort est l’état de ceux
qui sont aussi dans le péché, mais qui n’ont pas encore quitté cette vie et
qui peuvent, s’ils le veulent, faire pénitence. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) On peut dire aussi que les Gentils étaient assis dans l’ombre de la mort, parce qu’ils adoraient les idoles et les démons, tandis que les Juifs qui accomplissaient les œuvres de la loi n’étaient que dans les ténèbres, parce que la justice de Dieu ne leur était pas encore clairement révélée. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 Sur
S. Matth.) Il faut bien comprendre qu’il n’est pas ici question de
lumière ou de ténèbres sensibles; c’est pour cela que l’Évangéliste appelle
cette lumière une grande lumière, et ailleurs la vraie lumière (cf. Jn 5, 9),
de même que pour désigner les ténèbres, il emploie cette expression d’ombre
de la mort. Voulant ensuite nous montrer que ce n’est pas en cherchant
eux-mêmes Dieu qu’ils l’ont trouvé, mais que Dieu s’est manifesté à leurs
regards, il dit que la lumière s’est levée et a brillé sur eux. En effet, ils
n’ont pas couru les premiers au devant de la lumière, car avant la venue de
Jésus-Christ les hommes étaient plongés dans des maux extrêmes, ils ne
marchaient pas dans les ténèbres, mais ils y étaient assis, signe évident qu’ils
n’espéraient pas de délivrance ; comme s’ils ne savaient plus de quel
côté marcher; enveloppés tout entiers par les ténèbres, ils ne pouvaient plus
même se tenir debout, et se voyaient forcés de s’asseoir. Les ténèbres
désignent ici l’erreur et l’impiété. —
Saint Rémi [référence à vérifier]: Dans le sens allégorique, Jean et les autres prophètes sont la voix
qui précède le Verbe. Lorsque le prophète eut cessé de parler, et qu’il fût
jeté dans les fers, le Verbe parait pour accomplir ce qu’avait annoncé la
voix, c’est-à-dire le prophète. Et il se retira dans la Galilée, c’est-à-dire
de la figure pour aller vers la vérité, ou bien dans la Galilée, c’est-à-dire
dans l’Église, car c’est en elle que l’on peut passer du vice à la vertu.
Nazareth veut dire fleur, Capharnaüm,
la ville très-belle. Il quitte la
fleur des figures qui annonçait les fruits de l’Évangile, et il vient dans
l’Église embellie des vertus du Christ. Elle est appelée maritime parce
qu’elle est placée sur les flots du siècle, et qu’elle est tous les jours
battue par les tempêtes des persécutions. Elle est située sur les confins de
Nephtali et de Zabulon, c’est-à-dire qu’elle est commune aux Juifs et aux
Gentils. Zabulon signifie maison de la
force, parce que les apôtres, qui ont été choisis en Judée, ont été
remplis de force; Nephtali veut dire dilatation,
parce que l’Église, composée de Gentils, s’est étendue par toute la
terre. —
Saint Augustin : (de l’Acc. des Evang. liv. II, chap. 17.)
Saint Jean l’Évangéliste, avant le voyage de Jésus en Galilée, place la
vocation de Pierre, d’André, de Nathanaël et le miracle de Cana en Galilée,
toutes choses dont ne parlent par les autres Évangélistes, qui mêlent à leur
narration le retour de Jésus en Galilée, Il faut en conclure qu’il s’est
écoulé quelques jours pendant lesquels arrivèrent les faits concernant les
disciples que saint Jean intercale dans son récit. —
Saint Rémi : Mais il faut examiner avec soin pourquoi
saint Jean a pu dire que le Seigneur avait été dans la Galilée avant que
saint Jean-Baptiste eût été mis en prison; car c’est après le changement de
l’eau en vin, après le séjour de Jésus à Capharnaüm, après son retour à
Jérusalem, que, d’après le récit de saint Jean, il revint dans la Judée, et
qu’il y baptisait. Or, à cette époque Jean-Baptiste n’était pas encore
incarcéré. Ici au contraire, comme dans saint Marc, nous lisons que Jésus se
retira en Galilée après que Jean-Baptiste fut arrêté. Toutefois, cela ne doit
pas être considéré comme une contradiction. Car saint Jean l’Évangéliste raconte
le premier voyage du Seigneur dans la Galilée, voyage qui eut lieu avant
l’incarcération de Jean-Baptiste. Ailleurs il fait mention en ces termes d’un
second voyage dans la même contrée: « Jésus
quitta la Judée, et revint de nouveau dans la Galilée », et c’est de
ce second voyage seulement qui eut lieu après que Jean-Baptiste eût été jeté
en prison, que les autres Évangélistes font mention. — Saint Eusèbe de Césarée : (Hist. ecclés., liv. III, chap. 18.) En effet, nous savons par la tradition que saint Jean l’Évangéliste prêcha de vive voix l’Évangile presque jusqu’à la fin de sa vie sans avoir absolument rien écrit. Lorsqu’il eut pris connaissance des trois premiers Évangiles, il en approuva la vérité, mais il y remarqua quelques lacunes, surtout dans la première année de la prédication du Seigneur. Il est certain, en effet, que les trois premiers Évangélistes rapportent exclusivement les événements qui ont en lieu l’année où Jean-Baptiste fut jeté en prison ou mis à mort. Car saint Matthieu, après la tentation du Christ, ajoute aussitôt: « Jésus apprenant que Jean avait été mis en prison ». Saint Marc dit la même chose. Saint Luc avant de raconter aucune action de la vie du Christ, dit tout d’abord qu’Hérode fit jeter Jean-Baptiste en prison. L’apôtre saint Jean fut donc prié d’écrire les faits de la vie du Seigneur qui avaient précédé l’emprisonnement de Jean-Baptiste, et c’est pour cela que nous lisons dans son Évangile: « Tel fut le premier miracle de Jésus. » |
Lectio 6 [85372] Catena in Mt.,
cap. 4 l. 6 Chrysostomus super Matth. Ille
debet Christi iustitiam praedicare qui ventri suo contradicere potest, qui
saeculi istius bona contemnit, qui vanam gloriam non desiderat. Et ideo dicitur exinde coepit Iesus praedicare, idest ex quo tentatus,
famem vicit in deserto, avaritiam sprevit in monte, vanam gloriam repercussit
in templo. Vel exinde coepit praedicare, ex quo traditus est
Ioannes: nam si praedicante Ioanne praedicare coepisset, vilem reddidisset
Ioannem, et inveniretur praedicatio Ioannis esse superflua quantum ad istius
doctrinam, sicut si uno tempore sol cum Lucifero oriatur, gratiam Luciferi
celat. Chrysostomus in Matth. Ideo etiam non
praedicavit donec Ioannes in carcerem mitteretur, ne ex hoc multitudo
scinderetur; propter quod etiam Ioannes nullum fecit signum, ut per miracula
omnes traherentur ad Christum. Rabanus. In hoc etiam docet ne quis ab
inferiori persona sermonem contemnat; unde apostolus: si cui sedenti
revelatum fuerit, prior taceat. Chrysostomus super Matth. Sapienter autem inde
praedicationis suae sumpsit initium, non ut conculcet Ioannis doctrinam, sed
ut magis confirmet, et testem eum verum fuisse demonstret. Hieronymus. In quo etiam ostendit se eiusdem
esse Dei filium, cuius ille fuerat propheta, et ideo dicit poenitentiam agite.
Chrysostomus super Matth. Non enim statim
iustitiam praedicavit quam omnes cognoscebant, sed poenitentiam, qua omnes
indigebant. Quis ergo ausus est dicere: volo bonus esse, et non possum?
Poenitentia enim correctio est voluntatis; et si vos mala non terrent, ut
scilicet poenitentiam agatis, saltem bona delectent; unde sequitur
appropinquavit enim regnum caelorum, idest beatitudo regni caelestis; ac si
dicat: parate vos per poenitentiam, quia appropinquavit tempus mercedis
aeternae. Remigius. Et notandum, quia non dicit:
appropinquavit regnum Chananaeorum aut Iebuzaeorum, sed regnum caelorum. Lex enim promittebat bona temporalia, sed dominus regna caelestia. Chrysostomus in Matth. Considerandum
etiam, quod in hac praedicatione nihil de seipso manifeste praedicabat, quod
interim conveniens erat, quia nondum de eo decentem habebant opinionem.
Incipiens etiam, nihil grave et onerosum dixit, sicut Ioannes dixerat securim
exscindendae arbori imminentem, et huiusmodi; sed in principio benigna
proposuit, regnum caelorum evangelizans. Hieronymus. Mystice autem: Ioanne tradito,
Christus incipit praedicare, quia desinente lege, consequenter oritur
Evangelium. |
Verset 17.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Celui-là seul a le droit de prêcher la justice chrétienne qui peut résister à ses appétits sensuels, mépriser les biens de ce monde, étouffer tout désir de vaine gloire. Aussi l’Évangéliste écrit-il avec raison: « Dès lors, Jésus commença à prêcher », c’est-à-dire après qu’il eût triomphé de la tentation de la faim dans le désert, méprisé les séductions de la cupidité sur la montagne, repoussé la vaine gloire sur le pinacle du temple. Ou bien, « depuis ce temps là », c’est-à-dire depuis que Jean-Baptiste fut mis en prison, Jésus commença le cours de ses prédications; car s’il l’eût commencé alors que Jean continuait encore ses prédications, il eût amoindri la réputation de son précurseur et détruit l’utilité de la doctrine de Jean par la comparaison qu’on en aurait fait avec la sienne. C’est ainsi que le soleil éclipse la beauté de l’étoile du matin, lorsqu’il la rencontre sur l’horizon. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 14 sur
S. Matth.) Jésus n’a point
prêché avant que Jean-Baptiste fût mis en prison, pour ne pas diviser la multitude.
C’est pour une raison semblable que Jean ne fit pas de miracle (cf. Jn 10, 41), pour laisser au Seigneur
le moyen d’attirer tous les hommes à lui par ses miracles. — Raban : Il nous apprend
par là à ne jamais mépriser la parole d’un inférieur, ce qui a fait dire à
l’apôtre: « Si une révélation est
faite à un autre de ceux qui sont assis parmi vous, que celui qui parlait
auparavant se taise. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Jésus fait paraître sa
sagesse dans la manière dont il commence le cours de ses prédications; il ne
détruit point la doctrine prêchée par Jean-Baptiste, mais il l’appuie et
montre la vérité de son témoignage. —
Saint Jérôme : C’est en cela qu’il prouve qu’il est
le Fils de ce même Dieu dont Jean avait été le prophète, et c’est pour cela
qu’il dit: « Faites
pénitence. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ce n’est point tout d’abord
la justice qui fait le sujet de ses prédications, tous la connaissent; mais
c’est la pénitence dont tous avaient besoin. Quel est donc celui qui a osé
dire: « Je veux être bon, et je ne le puis ? » ; car la
pénitence redresse la volonté . Si la crainte des maux [dont on vous
menace] ne peut vous amener à la pénitence, laissez-vous conduire, du moins,
par l’attrait des biens [qui vous sont promis], d’où ce qui suit: « Le royaume des cieux, est
proche », c’est-à-dire le bonheur du royaume des cieux, comme s’il
disait: « Préparez-vous par la pénitence, car le temps de la récompense
éternelle est proche. » —
Saint Rémi : Remarquez qu’il ne dit pas « le
royaume des Chananéens » ou « des Jébuséens », mais « le
royaume des cieux »: la loi promettait des biens purement temporels, le
Seigneur promet un royaume éternel. — Saint Jean Chrysostome : (homel.
14. sur S.
Matth.) Considérez aussi, que
dans cette première prédication, il ne dit rien ouvertement de lui-même, ce
qui était opportun pour le moment, car le peuple n’avait pas encore de sa
personne l’opinion qu’il devait en avoir. Ce premier discours ne renferme non
plus aucun reproche, aucune menace, comme ceux de saint Jean lorsqu’il leur
parlait de cognée, d’arbre coupé et de choses semblables; Jésus ne propose en
commençant que des vérités douces, il annonce son royaume. — Saint Jérôme : Dans le sens mystique, le Christ ne commence ses prédications qu’après l’emprisonnement de saint Jean, parce que l’Évangile doit commencer à paraître, alors que la loi a cessé d’exister. |
Lectio 7 [85373] Catena in Mt.,
cap. 4 l. 7 Chrysostomus super Matth. Antequam
Christus aliquid dicat vel faciat, vocat apostolos, ut nihil illos lateat nec
verborum Christi nec operum, ut postmodum fiducialiter dicere possint: non
possumus quae vidimus et audivimus non loqui. Hinc est quod dicitur ambulans
Iesus iuxta mare Galilaeae. Rabanus. Mare Galilaeae idem est quod stagnum
Genesareth, mare Tiberiadis et lacus salinarum. Glossa. Decenter autem per piscatoria vadit
loca, piscatores piscaturus; unde sequitur vidit duos fratres, Simonem, qui
vocatur Petrus, et Andream fratrem eius. Remigius. Vidit autem non tam corporaliter
quam spiritualiter ad corda eorum respiciens. Chrysostomus in Matth. In mediis autem
operationibus existentes eos vocavit, monstrans quod omnibus occupationibus
sequelam suam praeponere oportet; unde sequitur mittentes retia in mare, quod
quidem eorum officio congruebat; propter quod sequitur erant enim piscatores.
Augustinus de Verb. Dom. Non enim elegit reges
aut senatores aut philosophos aut oratores, immo elegit plebeios, pauperes et
indoctos piscatores. Augustinus super Ioann. Si enim doctus
eligeretur, fortassis ideo se diceret electum, quia doctrina eius eligi
meruit. Dominus autem noster Iesus Christus volens superborum frangere
cervices, non quaesivit per oratorem piscatorem, sed de piscatore lucratus
imperatorem. Magnus Cyprianus orator, sed prius Petrus
piscator. Chrysostomus super Matth. Futurae
etiam dignitatis gratiam artificii opera prophetabant: nam sicut qui retia
iactat in aquam, nescit quos pisces comprehensurus est, sic doctor, quando
divini sermonis retia super populum iactat, nescit qui sunt accessuri ad
Deum. Sed quoscumque Deus excitaverit, illi adhaerent eius doctrinae. Remigius. De his autem piscatoribus loquitur
dominus per Ieremiam dicens: mittam in vos piscatores meos et piscabuntur
vos. Unde et hic subditur venite post me. Glossa. Non tam pedibus, quam affectu et
imitatione. Et faciam vos fieri piscatores hominum. Chrysostomus super Matth. Idest doctores; ut
cum rete verbi Dei comprehendatis homines de mundo tempestuoso et periculoso
ubi homines non ambulant, sed feruntur, quia Diabolus cum delectatione
compellit eos in mala, ubi alterutrum homines se comedunt, sicut pisces
fortiores devorant iuniores - ut translati vivant in terra, corporis Christi
membra facti. Gregorius in Evang. Nulla autem Petrus et
Andreas Christum miracula facere viderant, nihil ab eo de praemio aeternae
retributionis audierant, et tamen ad unum domini praeceptum, hoc quod
possidere videbantur, obliti sunt; unde sequitur at illi continuo, relictis
retibus, secuti sunt eum. In quo affectum debemus potius pensare quam censum.
Multum enim reliquit qui sibi nihil retinuit, multum dimisit qui cum re
possessa et concupiscentiis renuntiavit. A sequentibus ergo tanta dimissa
sunt quanta a non sequentibus concupisci potuerunt. Exteriora enim nostra
domino quantumlibet parva sufficiunt, nec perpendit quantum in eius
sacrificio, sed ex quanto proferatur. Aestimationem quippe pretii regnum Dei
non habet, sed tantum valet quantum habes. Chrysostomus super Matth. Non autem praedicti
discipuli secuti sunt Christum, doctoris cupientes honorem, sed operis
lucrum: sciebant enim quam pretiosa est anima hominis, quam grata est apud
Deum salus ipsius et quanta est merces. Chrysostomus in Matth. Tantae igitur
promissioni crediderunt, et per sermones quibus sunt capti, crediderunt se
alios posse piscari. Chrysostomus super Matth. Haec igitur
cupientes, secuti sunt, omnibus relictis; in quo nos docuerunt quia nemo
potest terrena possidere et perfecte ad caelestia pervenire. Glossa. In his ergo datum est exemplum illis
qui censum deserunt pro Christi amore. Subditur autem exemplum eorum qui
etiam carnales affectus pro Deo postponunt; unde dicitur et procedens inde,
vidit alios duos. Nota, quia vocat binos et binos, sicut alibi legitur quod
misit eos binos et binos ad praedicandum. Gregorius in Evang. Quatenus hic nobis tacitus
innuat, quia qui caritatem erga alterum non habet, praedicationis officium
suscipere nullatenus debet. Duo enim sunt praecepta caritatis, et minus quam
inter duos caritas haberi non potest. Chrysostomus super Matth. Super caritatem
etiam fraternitatis Ecclesiae recte posuit fundamenta, ut ex radicibus
caritatis exuberans quasi humor ascendat in ramos; et hoc super naturalem
caritatem, ut non solum per gratiam, sed etiam per naturam ipsa caritas
firmior habeatur; unde dicit fratres: sic enim fecit Deus et in veteri
testamento, super Moysen et Aaron fratres, ponens aedificationis initium.
Quoniam autem abundantior est gratia novi testamenti quam veteris, ideo primum
populum aedificavit super unam fraternitatem, hunc autem super duas. Iacobum,
inquit, Zebedaei, et Ioannem fratrem eius in navi cum Zebedaeo patre eorum,
reficientes retia sua, quod est maximae paupertatis indicium: vetera enim
reficiebant qui nova unde emerent non habebant. Et quod ad maiorem pietatem eorum pertinet, in tanta paupertate sic
patri suo succurrebant, ut secum eum baiularent, in navi, non ut ille istos
adiuvaret in opere, sed ut isti illum consolarentur sua praesentia. Chrysostomus in Matth. Non parva autem
est hic demonstratio virtutis, inopiam facile ferre, ex iustis nutriri
laboribus, colligari invicem amoris virtute, patrem inopem habere secum et in
eius obsequio laborare. Chrysostomus super Matth. Aestimare
autem primos velociores ad praedicandum, quia retia mittebant, istos autem
quasi pigriores quia adhuc retia componebant, non sumus ausi, quia
differentiam eorum cognoscere solius est Christi. Forte ergo illi propter Petrum dicti sunt
mittentes retia, qui praedicavit Evangelium, sed non composuit; isti autem
propter Ioannem componentes, qui Evangelium composuit. Sequitur et vocavit
eos: erant enim habitatione cives, dilectione concordes, artificio pares,
fraternitatis coniuncti pietate. Ideo simul vocavit eos, ne tot bonis
coniunctos dissimilis vocatio separaret. Chrysostomus in Matth. Vocando autem nihil eis
promisit, sicut prioribus; obedientia enim eorum qui praevenerant, viam eis
ad credendum praeparaverat. Sed et multa de ipso audierant, scilicet tamquam
familiares et consanguinitate coniuncti. Sequitur illi autem, relictis
retibus et patre, secuti sunt eum. Chrysostomus super Matth. Tria enim sunt quae
relinquere debet qui venit ad Christum: actus carnales, qui per retia
piscationis significantur; substantiam mundialem, quae per navem; et
parentes, qui per patrem. Reliquerunt ergo navem, ut fierent ecclesiasticae
navis gubernatores; reliquerunt retia, ut non pisces afferrent ad civitatem
terrenam, sed homines ad caelestem; reliquerunt unum patrem, ut spirituales
patres omnium fierent. Hilarius in Matth. Eis igitur artem et patriam
domum relinquentibus, docemur, Christum secuturi, et saecularis vitae
sollicitudine et paternae domus consuetudine non teneri. Remigius. Mystice autem per mare designatur
iste mundus, propter amaritudinem et fluctuationem. Galilaea autem
interpretatur volubilis, sive rota, et significat mundi volubilitatem.
Ambulavit igitur Iesus iuxta mare dum ad nos per incarnationem venit: quia
non carnem peccati, sed similitudinem carnis peccati suscepit ex virgine. Per
duos fratres duo populi designantur qui ab uno Deo patre creati sunt, quos
vidit quando eos misericorditer respexit. Per Petrum enim, qui interpretatur
agnoscens, et dicitur Simon, idest obediens, designatur Iudaicus populus, qui
per legem Deum agnovit et praeceptis eius obedivit; per Andream, qui
interpretatur virilis sive decorus, intelligitur gentilis populus qui post
agnitionem Dei viriliter in fide permansit. Nos populum vocavit quando
praedicatores in mundum misit, dicens venite post me, idest relinquite
deceptorem et sequimini creatorem. De utroque etiam populo facti sunt hominum
piscatores, idest praedicatores. Relictis autem navibus, idest carnalibus
desideriis, et retibus, idest mundi cupiditatibus, secuti sunt Christum. Per
Iacobum etiam intelligitur Iudaicus populus, qui per cognitionem Dei Diabolum
supplantavit; per Ioannem gentilis populus, qui sola gratia salvatus est.
Zebedaeus autem, quem relinquunt, et interpretatur fugitivus sive labens,
significat mundum qui transit et Diabolum qui de caelis lapsus est. Per
Petrum etiam et Andream mittentes retia in mare, designantur illi qui in
prima aetate, dum de navi corporis sui mittunt retia carnalis concupiscentiae
in mare huius saeculi, vocantur a domino. Per Iacobum et Ioannem reficientes
retia designantur illi qui post peccata ante adversitates veniunt ad Christum
recuperantes quae perdiderunt. Rabanus. Duae naves duas Ecclesias figurant:
eam quae ex circumcisione, et eam quae ex praeputio vocata est. Quilibet
etiam fidelis fit Simon, Deo obediendo; Petrus, peccatum suum agnoscendo;
Andreas, viriliter labores patiendo; Iacobus, vitia supplantando. Glossa. Et Ioannes, ut totum gratiae Dei
adscribat. Et ideo quarta tantum vocatio ponitur, per
quos praedicatores Dei a quatuor mundi partibus vocatos signetur. Hilarius in Matth. Vel in hoc futurorum
Evangelistarum numerus figuratur. Remigius. Per hoc etiam quatuor
virtutes principales designantur: prudentia enim refertur ad Petrum, propter
divinam cognitionem; iustitia ad Andream, propter operum virilitatem;
fortitudo ad Iacobum, propter Diaboli supplantationem; temperantia ad
Ioannem, propter divinae gratiae effectum. Augustinus de Cons. Evang. Sane movere
potest quomodo Ioannes dicat non in Galilaea, sed iuxta Iordanem Andream
secutum esse dominum cum alio cuius nomen tacetur; deinde Petrum ab illo
nomen accepisse; ceteri autem tres Evangelistae de piscatione vocatos eos
dicunt, satis inter se convenienter, maxime Matthaeus et Marcus; nam Lucas
Andream non nominat, qui tantum intelligitur in eadem navi fuisse. Hoc
etiam videtur distare quod tantum Petro a domino dictum esse commemorat
Lucas: ex hoc iam homines eris capiens quod Matthaeus et Marcus ambobus
dixisse narrant. Sed potuit prius Petro dici secundum Lucam, et ambobus
postea secundum alios duos. Sed quod de Ioanne diximus, diligenter
considerandum est, cum et locorum plurimum intersit et temporis et ipsius
vocationis. Sed intelligendum est, Petrum et Andream non sic vidisse dominum
iuxta Iordanem ut ei iam inseparabiliter inhaererent, sed tantum cognovisse
quis esset, et eum miratos ad propria remeasse. Forte autem quod
praetermiserat recapitulat, quia sine ulla consequentis temporis differentia
dicit ambulans autem iuxta mare. Quaeri etiam potest quomodo binos et binos
seorsum eos vocaverit, sicut narrat Matthaeus et Marcus, cum Lucas dicat
Iacobum et Ioannem tamquam socios Petri ad adiuvandum vocatos fuisse, et
simul subductis ad terram navibus Christum secutos? Unde intelligendum est
hoc primo esse factum quod Lucas insinuat, et eos ad capturam piscium ex more
remeasse: non enim erat dictum Petro quod pisces nunquam esset capturus, cum
post resurrectionem hoc fecerit, sed quod homines esset capturus; postea hoc
factum est quod Matthaeus et Marcus narrant: non enim subductis ad terram
navibus, tamquam cura redeundi secuti sunt eum, sed tamquam iubentem ut
sequerentur. |
Versets 18-22
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Avant de rien faire, avant de rien dire, Jésus-Christ appelle ses
Apôtres, car il veut qu’aucune de ses paroles, qu’aucune de ses actions ne
soit cachée pour eux; et qu’ils puissent dire plus tard avec confiance: « Nous
ne pouvons point taire ce que nous avons vu et entendu. » C’est ce que
veut exprimer l’Évangéliste: « Jésus,
marchant sur les bords de la mer de Galilée » —
Saint Rémi [référence à vérifier]: La mer de Galilée n’est autre que le lac de Génésareth, la mer de
Tibériade est le lac des Salines. — La Glose : C’est avec raison
que Jésus va sur des lieux où l’on trouve des poissons, puisqu’il veut y
prendre des pécheurs dans ses filets. Le texte ajoute: « Il vit deux frères; Simon, appelé Pierre, et André son frère. » —
Saint Rémi : Il les vit plutôt des yeux de l’esprit
que des yeux du corps, et c’est leurs cœurs qui étaient l’objet de ses
regards. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 19 sur S. Matth.) Il les
surprend alors qu’il vient les appeler, au milieu de leurs occupations, parce
qu’il veut nous apprendre, que le fait de suivre Jésus doit être préféré à
toute autre affaire. C’est pour cela qu’il est dit: « qu’ils jetaient alors leurs filets dans la mer. » C’était
en effet, une des occupations de leur état, comme l’Évangéliste le remarque: « car ils étaient pécheurs. » —
Saint Augustin : (serm. pour les calendes de janv.) (cf. 1 Co 1). Il ne choisit ni des rois, ni
des sénateurs, ni des philosophes, ni des orateurs, mais des gens du peuple,
des pauvres, des pêcheurs sans instruction. —
Saint Augustin : (Traité VII sur S. Jean.) S’il avait choisi des savants, peut-être auraient-ils
dit qu’ils étaient choisis parce que leur science leur méritait de l’être.
Mais Notre Seigneur Jésus-Christ qui a voulu briser l’orgueil des superbes,
n’a point cherché à prendre des pêcheurs par des orateurs, mais c’est par des
pêcheurs qu’il a gagné des empereurs. Cyprien est un grand orateur, mais nous
voyons avant lui Pierre qui n’était que pêcheur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Leurs métiers annonçaient
aussi les œuvres que la grâce de leur dignité future leur ferait accomplir,
car de même que le pêcheur lorsqu’il jette ses filets dans l’eau, ignore
quels poissons il va prendre, ainsi le prédicateur lorsqu’il jette sur le
peuple qui l’écoute le filet de la parole divine, ignore quels sont ceux qui
vont venir à Dieu, c’est Dieu lui-même qui excite ceux qui doivent embrasser
sa doctrine. —
Saint Rémi : Le Seigneur parle de ces pêcheurs par
la bouche du prophète Jérémie (Jr 16), en ces termes: « Je vous enverrai mes pêcheurs, et ils vous prendront dans
leurs filets. » C’est pour cela que l’Évangéliste ajoute ici ces
paroles de Notre Seigneur: « Venez
à ma suite. » — La Glose : Venez, non pas tant
en marchant avec moi, qu’en m’aimant, et en m’imitant, et je vous ferai
pêcheurs d’hommes. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est-à-dire docteurs; et
c’est avec le filet de la parole de Dieu que vous devez prendre et retirer
les hommes de ce monde si fécond en tempêtes et en dangers, où les hommes ne
marchent pas, mais sont entraînés avec violence, parce que le démon se sert
de l’attrait du plaisir pour les précipiter dans les malheurs, où les hommes
se dévorent les uns les autres, comme on voit dans la mer les plus petits
poissons dévorés par les grands; prenez-les donc afin de les faire vivre sur
la terre, lorsqu’ils seront devenus les membres du corps de Jésus-Christ. —
Saint Grégoire le Grand : (homél. sur les Evang.) Ni Pierre ni André,
n’avaient vu Jésus-Christ opérer des miracles; ils ne l’avaient pas entendu
parler des récompenses éternelles, et cependant, sur le seul commandement
qu’il leur fait, ils abandonnent tout ce qu’ils paraissent posséder: « Aussitôt, ils quittèrent leurs
filets, et le suivirent. » Ce qu’il faut apprécier ici, c’est plutôt
la disposition de leur âme que l’importance de ce qu’ils abandonnent. C’est
beaucoup laisser que de ne se réserver rien, c’est beaucoup abandonner que de
renoncer non seulement à ce qu’on possède, mais à tout ce qu’on pourrait
désirer encore. Pour suivre Jésus-Christ, ils abandonnent donc réellement
tout ce qu’ils auraient pu désirer, en ne s’attachant pas à lui. Le Seigneur
se contente de nos biens extérieurs, quelque peu considérables qu’ils soient;
il regarde moins à la grandeur des biens qu’on lui offre qu’à la générosité
du sentiment qui les lui sacrifie. Il n’est pas possible d’estimer la valeur
du royaume de Dieu, mais il vaut tout ce que vous avez. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Les disciples dont on a
parlé ont suivi Jésus-Christ, non pour l’honneur attaché au titre de docteur,
mais pour les fruits qu’ils espéraient produire, car ils savaient combien est
précieuse l’âme de l’homme, combien Dieu désire son salut, et quelle en est
la récompense. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 14 sur S. Matth.) Ils ajoutèrent donc foi à de si magnifiques promesses, et ils crurent
qu’ils prendraient les autres dans les mêmes filets de cette parole qui les
avaient pris eux-mêmes. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Pleins de ces désirs, ils
abandonnèrent tout pour suivre Jésus-Christ et nous apprirent par ce
sacrifice qu’on ne peut à la fois posséder les choses de la terre, et
parvenir à la possession parfaite des biens célestes. — La glose : Ces
disciples nous offrent donc le premier exemple du renoncement aux biens de la
terre pour l’amour de Jésus-Christ. Le fait suivant nous donnera l’exemple du
sacrifice fait à Dieu des affections de la chair. Nous lisons en effet: « et de là s’avançant, il vit deux
autres frères. » Remarquez qu’il les appelle deux par deux, comme
plus tard nous lisons qu’il les envoie prêcher deux à deux. —
Saint Grégoire le Grand : (homél. 17 sur les Evang.) Il nous enseigne par là d’une manière implicite
que celui qui n’a pas la charité fraternelle ne doit pas se charger du
ministère de la prédication, car il y a deux préceptes de la charité, et il
faut au moins deux personnes pour qu’elle puisse s’exercer. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est avec raison que Jésus
a fait reposer les fondements de son Église sur la charité fraternelle, afin
que la sève sortant avec abondance de cette racine pût se répandre dans
toutes les branches. Ceci est au-delà de la charité naturelle et ce n’est pas
seulement ici la charité produite par la grâce, mais l’affection naturelle
pour que la charité reçoive ce ferme appui de la nature et de la grâce; voilà
pourquoi l’Évangéliste dit qu’ils étaient frères. C’est ainsi que Dieu avait
agi dans l’Ancien Testament en posant les bases de l’ancienne loi sur les
deux frères Moise et Aaron. Or, comme la grâce est plus abondante dans le
Nouveau Testament que dans l’Ancien, Dieu fait reposer les fondements de la
société chrétienne sur deux sentiments de cette nature, tandis que le premier
peuple ne reposait que sur un seul. « Il
vit Jacques, fils de Zébédée, dit l’Évangéliste, et Jean son frère, dans une barque avec
leur père Zébédée, raccommodant leurs filets » ; c’était un
signe de très grande pauvreté, car s’ils étaient obligés de raccommoder leurs
vieux filets, c’est qu’ils ne pouvaient en acheter de neufs. Nous avons
encore ici une preuve de leur amour filial; dans leur pauvreté, ils
l’emmènent avec eux dans leur barque, non pour les aider dans leur travail,
mais pour consoler eux-mêmes sa vieillesse par leur présence. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ce qui se passe ici n’est
pas une preuve négligeable de vertu éminente : supporter facilement la
pauvreté, vivre d’un travail honnête, être unis intimement par l’amour de la
vertu, avoir leur pauvre père avec eux, et subvenir à ses besoins. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 14 Sur S.
Matth.) Devons-nous estimer que les premiers furent
plus actifs [que les derniers] dans le ministère de la prédication, parce que
les uns jettent leurs filets à la mer, tandis que les autres les
raccommodent ? nous n’oserions le dire, Jésus-Christ seul connaît la
différence qui peut exister entre eux. Peut-être les uns nous sont-ils représentés
jetant leurs filets à cause de Pierre qui prêche l’Évangile, mais sans le
laisser par écrit, tandis que nous voyons les autres réparer leurs filets en
figure de Jean qui a composé son Évangile. — Suite : « Et il les
appela. » Ils étaient concitoyens d’une même ville, l’amitié les
unissait, ils avaient la même profession, ils s’aimaient comme des frères, et
Jésus ne voulut pas que, réunis en tant de points, ils fussent séparés dans
leur vocation. — Saint
Jean Chrysostome : (homél. 14 sur S. Matth.) En les appelant,
il ne leur promit rien comme aux premiers, car l’obéissance de ceux qui
étaient venus avant eux leur avait ouvert la voie. Ils avaient d’ailleurs
entendu parler souvent de lui, à cause des liens du sang et de l’amitié qui
les unissaient entre eux. — Suite : « Aussitôt, ayant
laissé là leurs filets et leur père, ils le suivirent. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Celui qui veut suivre Jésus-Christ doit renoncer à trois choses: aux œuvres
de la chair qui sont figurées par les filets de pêche; aux biens de ce monde
dont la barque est le symbole; aux affections de la famille signifiées par le
père des deux apôtres. Ils laissent donc une barque, pour devenir les pilotes
du vaisseau de l’Église; ils laissent leurs filets, car ils ne veulent plus
apporter de poissons dans les villes de la terre, mais conduire les hommes
dans la cité des cieux; ils laissent un père, pour devenir eux-mêmes les
pères spirituels du monde entier. —
Saint Hilaire : (Cant. 3 sur
S. Matth.) En renonçant à leur profession et au foyer paternel, ils nous
apprennent que pour suivre Jésus-Christ, il faut être libre des sollicitudes
de cette vie, aussi bien que des habitudes de la vie de famille. —
Saint Rémi : Dans le sens mystique, la mer figure le
monde à cause de l’amertume de ses eaux et de l’agitation de ses flots; le
mot Galilée signifie mouvement rapide
ou roue, et il exprime le cours
rapide des choses humaines. Jésus a marché sur les bords de la mer, lorsqu’il
est venu à nous par son incarnation, car ce n’est pas la chair du péché, mais
la ressemblance (cf. Rm 8, 3) de
cette chair qu’il a prise dans le sein de la Vierge. Les deux frères
désignent les deux peuples qui tous les deux ont Dieu pour créateur et pour
père; et ce Dieu les vit, lorsqu’il tourna vers eux les regards de sa
miséricorde. En effet, Pierre, qui signifie celui qui connaît et qui est appelé Simon, c’est-à-dire celui qui obéit, est la figure du
peuple juif qui puisa dans la loi la connaissance de Dieu, et obéit à ses
préceptes. André veut dire fort ou d’un aspect agréable, et il représente
la gentilité qui persévère courageusement dans la foi aussitôt qu’elle a reçu
la connaissance de Dieu. Dieu appela ces peuples lorsqu’il envoya ses
prédicateurs dans le monde, en leur disant: « Venez à ma suite », c’est-à-dire laissez celui qui
vous trompe, pour suivre celui qui vous a créé. Dans l’un comme dans l’autre
peuple, Dieu choisit des pêcheurs d’hommes, c’est-à-dire des prédicateurs
qui, laissant leur barque, figure des désirs de la chair, et leurs filets,
c’est-à-dire les convoitises du siècle, ont suivi aussitôt le Seigneur.
Jacques représente aussi le peuple juif qui a supplanté le démon par la
connaissance du vrai Dieu. Jean est la figure du peuple païen qui doit
uniquement son salut à la grâce. Zébédée, que ses enfants abandonnent, et
dont le nom signifie celui qui fuit ou celui qui tombe, représente le monde
qui passe, et le démon précipité du haut des cieux. Pierre et André, qui
jettent leurs filets dans la mer, figurent aussi ceux qui dès leurs premières
années jettent loin de la barque de leur corps, dans la mer du siècle, les
filets de la concupiscence charnelle pour suivre le Seigneur. Jacques et Jean
qui raccommodent leurs filets représentent ceux qui avant d’être punis des
fautes qu’ils ont commises, viennent à Jésus-Christ pour recouvrer ce qu’ils
avaient perdu. — Raban : Les deux barques
figurent les deux Églises, l’Église de la circoncision, et l’Église de la
gentilité. Tout fidèle aussi peut devenir Simon par son obéissance à Dieu;
Pierre, par la connaissance et l’aveu de son péché; André, par son courage
dans les épreuves; Jacques, par son zèle à supplanter le mal. — La Glose : Jean vient ensuite
pour que tout soit attribué à la grâce. Il n’est question ici que de la
vocation de quatre apôtres comme figure des prédicateurs qui seront appelés
des quatre parties du monde. —
Saint Hilaire : On peut y voir aussi une figure des
quatre futurs Évangélistes. —
Saint Rémi : Ou bien encore [dans ces quatre apôtres]
nous pouvons voir une figure des quatre vertus principales, dans Pierre la
prudence, à cause de la connaissance qu’il a de Dieu, dans André la justice,
à cause de l’énergie de ses actes, dans Jacques la force, parce qu’il
supplante le diable, et dans Jean la tempérance, comme effet de la grâce
divine. — Saint Augustin : (De l’accord des Evang., liv. II, chap. 17.) On peut être surpris de ce que saint Jean rapporte que c’est sur les bords du Jourdain, et non dans la Galilée qu’André a suivi le Seigneur avec un autre dont il tait le nom, et que ce n’est que par la suite que ce dernier reçut de lui le nom de Pierre. Les trois autres Évangélistes s’accordent assez sur la vocation des apôtres qui eut lieu au moment où ils pêchaient, du moins saint Matthieu et saint Marc, car saint Luc ne nomme pas André, laissant toutefois supposer qu’il était dans la même barque. Il y a encore ici une différence; d’après le récit de saint Luc, le Seigneur n’adresse qu’à Pierre ces paroles: « Dès ce moment vous serez pêcheur d’hommes », tandis que d’après saint Matthieu et saint Marc, Jésus les aurait dites à tous les deux. Mais elles ont pu très bien être dites d’abord à Pierre seulement, comme le rapporte saint Luc, et plus tard à tous les deux, ainsi que le racontent les deux autres Évangélistes. Ce que nous avons dit du récit de saint Jean, demande toute notre attention, car il y a dans ce récit de grandes différences pour le temps, pour les lieux, et pour la vocation elle-même des Apôtres. Il faut donc entendre que Pierre et André ne attachèrent pas au Seigneur pour ne plus s’en séparer, du jour où ils le virent sur les bords du Jourdain; ils connurent simplement alors qui il était, et ils retournèrent à leurs occupations pleins d’admiration pour sa personne. Peut-être aussi saint Matthieu récapitule en cet endroit ce qu’il avait omis, car sans marquer aucune distinction de temps, il dit: « Or Jésus marchant sur le bord de la mer. » On peut demander encore pourquoi les apôtres sont appelés deux par deux, d’après le récit de saint Matthieu et de saint Marc, tandis que saint Luc rapporte que Jacques et Jean ont été appelés comme les compagnons de Pierre et pour venir à son aide (cf. Lc 5, 6), et qu’ils ont suivi Jésus-Christ après avoir ramené leurs barques à terre. Il faut donc admettre que le fait raconté par saint Luc s’est passé en premier lieu, et qu’alors les Apôtres ont repris leurs occupations ordinaires, la pêche des poissons. Jésus en effet n’avait pas encore dit à Pierre cette parole: « qu’il ne prendrait plus jamais de poissons », puisqu’il en prit encore après la résurrection, mais seulement qu’il prendrait des hommes. Ce que racontent saint Matthieu et saint Marc n’eut lieu que plus tard, et les Apôtres en ramenant alors leurs barques à terre pour le suivre, n’avaient pas la pensée de reprendre leurs occupations, mais celle d’obéir au Seigneur qui leur commandait de le suivre. |
Lectio 8 [85374] Catena in Mt.,
cap. Remigius. In quo doctorum vita
instruitur: ut enim non sint pigri, docentur per hoc quod dicitur circuibat
Iesus. Chrysostomus super Matth. Quia enim illi
ut debiles ad medicum venire non poterant, ipse sicut studiosus medicus
circuibat graviter aegrotantes. Et dominus quidem circuibat singulas
regiones; qui autem sunt unius regionis pastores considerando debent circuire
populi singulas passiones, ut ad remedium passionis eorum aliquod
medicamentum in Ecclesia proferatur. Remigius (Rabanus in hoc loco id habet). Ut
autem non sint acceptores personarum docentur praedicatores per hoc quod
subiungitur totam Galilaeam. Ut autem vacui non discurrant, docentur per hoc
quod subditur docens. Ut autem non paucis, sed multis prodesse studeant,
monentur per hoc quod sequitur in synagogis. Chrysostomus in Matth. Hinc quoque Iudaeos docebat, quod nec esset
Dei adversarius nec animarum seductor, sed quod patri consentiens advenisset. Remigius. Ut autem non errores neque
fabulas, sed salutaria praedicent, docentur per hoc quod subditur praedicans
Evangelium regni. Distat autem inter docens et praedicans: docens enim
refertur ad praesentia, praedicans ad futura: docebat enim de praesentibus
mandatis, praedicabat de futuris promissis. Chrysostomus super Matth. Vel docebat
iustitias naturales, quas scilicet ratio naturalis docet: ut castitatem,
humilitatem, et huiusmodi, quas per seipsos omnes bona esse intelligunt: de
quibus necessaria est doctrina, non tantum propter manifestationem eorum,
quantum propter excitationem cordis. Praevalentibus enim delectationibus
carnalibus, scientia iustitiae naturalis quasi in oblivionem deducta
obdormit. Cum ergo coepit doctor reprehendere carnalia mala, eius doctrina
non novam scientiam introducit, sed oblitam commonefacit. Praedicabat autem
Evangelium annuntiando bona, quae antiqui manifeste nec audierant, ut
beatitudinem caelestem, mortuorum resurrectionem, et huiusmodi. Vel docebat
interpretando prophetias de ipso: Evangelium praedicabat denuntiando in se
bona futura. Remigius. Ut autem doctores doctrinam
suam virtutibus commendare studeant, docentur per hoc quod subditur sanans
omnem languorem et omnem infirmitatem in populo. Infirmitas quidem est
corporum, languor autem animarum. Chrysostomus super Matth. Vel per
languorem, animae aliquam passionem intelligimus, ut avaritiam, libidinem, et
huiusmodi; per infirmitatem autem infidelitatem, per quam aliquis infirmatur
in fide. Vel per languores intelliguntur graviores corporis passiones, per
infirmitates autem leviores. Sicut autem passiones corporales divinitatis
virtute sanabat, sic spirituales verbo pietatis. Primo
autem docet et postea sanat; propter duo: primo, quia praemittitur quod magis
necessarium est: verba enim pietatis aedificant animam, non miracula; deinde
quia verba per miracula commendantur, et non e converso. Chrysostomus in Matth. Considerandum autem,
quod quando novum fit aliquid, ac politicae cuiusdam introductio, signa Deus
facere consuevit praestans suae potentiae pignora his qui legem eius
accepturi sunt. Sic cum hominem facturus esset, prius mundum creavit, ac tum demum
facto homini legem in Paradiso dedit; et cum sancto Noe legem positurus
esset, magna utique mirabilia monstravit; sed et Iudaeis quidem, cum legem
laturus esset prius prodigia magna ostendit, ac tum demum eis praecepta legis
imposuit. Ita hic sublimem quamdam vivendi introducturus disciplinam,
auctoritatem mandatis suis praestruxit claritate signorum: quia enim aeternum
regnum, quod praedicabat, non apparebat, ex his quae videntur, etiam illud
quod nondum apparebat, manifestum fecit. Glossa. Sed quia praedicatores debent habere
bonum testimonium ab his qui foris sunt, ne, si vita despicitur, praedicatio
contemnatur, subditur et abiit opinio eius in totam Syriam. Rabanus. Syria est omnis regio ab Euphrate
usque ad mare magnum, a Cappadocia usque ad Aegyptum, in qua est provincia
Palaestina, in qua habitant Iudaei. Chrysostomus in Matth. Intende
autem moderationem Evangelistae, quia non unumquemque nobis enarrat
curatorum, sed brevibus verbis copiositatem transcurrit signorum; unde
sequitur et obtulerunt ei omnes male habentes. Remigius. Per quos varias vult intelligi
infirmitates, sed leviores. Cum vero dicit variis languoribus et tormentis
comprehensos, illos vult intelligi de quibus subinfertur et qui Daemonia
habebant. Glossa. Languor diuturnus est; tormentum est
morbus acutus, ut dolor lateris, et huiusmodi; qui autem Daemonia habebant,
sunt qui a Daemonibus vexabantur. Remigius. Lunatici enim dicti sunt a luna,
quae dum menstruis temporibus crescit et decrescit, ipsi vexantur. Hieronymus. Daemones enim observantes
lunaria tempora, creaturam infamare cupiebant, ut in creatorem blasphemiae
redundarent. Augustinus de Civ. Dei. Illiciuntur tamen
Daemones ad inhabitandum per creaturas (quas non ipsi, sed Deus condidit)
delectabilibus pro sua diversitate diversis, non ut animalia cibis, sed ut
spiritus signis, quae cuiusque delectationi congruunt. Rabanus. Paralytici autem sunt corpore
dissoluti: paralysis enim Graece, Latine dicitur dissolutio. Sequitur et curavit eos. Chrysostomus super Matth. Cum in quibusdam
locis dicatur: multos curavit, hic simpliciter dicitur et curavit eos,
signans quod omnes curavit, sicut et novitius medicus intrans civitatem,
omnes ad se venientes curat propter suam opinionem commendandam. Chrysostomus in Matth. A nullo autem eorum
fidem exquisivit, quoniam nondum virtutis suae demonstrationem dederat, et
illi e longinquo venientes et aegros adducentes, non parvam ostenderant
fidem. Sequitur et secutae sunt eum turbae multae. Rabanus. Quae quadripartitae sunt alii propter
caeleste magisterium, ut discipuli; alii ob curationem infirmitatum; alii
sola fama et curiositate, volentes experiri an verum esset quod dicebatur;
alii per invidiam, volentes eum in aliquo capere et accusare. Mystice autem
Syria interpretatur elata, Galilaea volubilis vel rota, idest Diabolus et
mundus, qui et superbus est et ad ima semper rotatur; in quo fama Christi per
praedicationem innotuit: daemoniaci enim sunt idololatrae; lunatici,
instabiles; paralytici, pigri et dissoluti. Glossa. Turbae autem quae sequuntur dominum,
sunt de Ecclesia, quae spiritualiter est Galilaea transmigrans ad virtutes;
et Decapolis decem praecepta servans; et Hierosolyma et Iudaea, quam visio
pacis et confessio illustrat; et trans Iordanem, quia Baptismo transito,
terram promissionis intrat. Remigius. Vel sequitur dominum de Galilaea,
idest de volubilitate mundi, et Decapoli, quae est regio decem urbium, et
significat Decalogi transgressores, et de Hierosolyma, quia scilicet prius
innoxia pace detinebatur, et de Iudaea, idest de confessione diabolica, et de
trans Iordanem, qui prius erant in Paganismo constituti, sed transeuntes per
aquam Baptismi venerunt ad Christum. |
—
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Avant d’aller combattre
l’ennemi, un roi songe tout d’abord à réunir son armée, et c’est avec elle
qu’il entre en campagne. C’est ainsi que notre Seigneur avant d’entreprendre
la guerre contre le démon rassemble tout d’abord ses apôtres, et commence
ensuite à prêcher l’Évangile: c’est ce qu’indique le texte sacré: « Et Jésus allait par toute la
Galilée. » —
Saint Rémi : Les docteurs trouvent ici le modèle
qu’ils doivent imiter, il est dit de Jésus qu’il parcourait toute la Galilée,
pour leur apprendre à fuir l’oisiveté. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ces peuples étaient trop
faibles pour venir trouver le médecin, ce médecin dévoué allait donc de
toutes parts chercher ces malades atteints d’infirmités mortelles. Le
Seigneur parcourait toutes les contrées, mais les pasteurs qui ne sont
préposés qu’à la garde d’un seul pays, doivent au moins parcourir en détail
toutes les infirmités du peuple qui leur est confié, afin de pouvoir
appliquer à chacune d’elles le remède qui lui convient et que l’Église tient
en réserve. —
Saint Rémi : Ces paroles: « par toute la Galilée, » apprennent aux pasteurs à ne
jamais faire acception de personnes; les paroles suivantes: « en enseignant » à ne point
parcourir la terre sans produire de fruits, et ces autres: « dans les synagogues » de
préférer l’utilité du plus grand nombre à l’intérêt de quelques-uns
seulement. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 14 sur S. Matth.) ,[Jésus entre dans
les synagogues des Juifs, et il y répand les paroles de la doctrine céleste.
Il veut que les paroles du Maître parviennent aux oreilles d’un plus grand
nombre, afin que leurs cœurs soient excités à embrasser raisonnablement la
foi, ou que par un aveuglement inexcusable ils rejettent à leur grand
préjudice une doctrine aussi salutaire. Car l’Évangile est une vive lumière, qu’on
ne peut sans crime cacher sous le boisseau, ce que Jésus a expressément
défendu]. Par là aussi il faisait voir qu’il ne venait pas se mettre en
opposition avec Dieu, qu’il n’était pas un séducteur des âmes, mais qu’il
était en parfaite harmonie avec son Père. —
Saint Rémi : Les paroles suivantes: « prêchant l’Évangile du
royaume, » nous enseignent qu’il ne faut prêcher ni erreurs ni
fables mensongères, mais uniquement des paroles de salut. Les deux termes: « enseignant » et « prêchant, » ne sont pas synonymes; enseigner a
pour objet les choses présentes; prêcher, les choses futures; Notre Seigneur
enseignait les commandements qu’il fallait observer actuellement, et il
prêchait les promesses futures. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien il enseignait les
vertus naturelles que la raison nous fait connaître, la chasteté, l’humilité
et autres vertus semblables, qui sont des biens réels au jugement de tous.
S’il faut en faire la matière de l’enseignement, ce n’est point tant pour les
faire connaître, que pour en réveiller le désir dans les cœurs; car sous
l’action prédominante des plaisirs de la chair, la science de la justice
naturelle tombe comme en oubli et s’endort en quelque sorte [au fond des
cœurs]. Or, lorsque celui qui enseigne condamne ces inclinations charnelles,
sa prédication ne donne pas de nouvelles connaissances, elle rappelle celles
qu’on avait oubliées. Il prêchait l’Évangile en annonçant des biens dont les
anciens n’avaient jamais entendu parler clairement, tels que le bonheur du
ciel, la résurrection des morts et l’autres vérités semblables. Ou bien il
enseignait en montrant que les prophéties s’accomplissaient en lui, et il
prêchait l’Évangile en faisant connaître les biens futurs dont il devait nous
mettre en possession. —
Saint Rémi : Les paroles qui suivent: « guérissant toutes les langueurs et
toutes les infirmités parmi le peuple, » apprennent aux prédicateurs
que leur enseignement doit s’appuyer sur leurs vertus; la langueur exprime
ici les maladies de l’âme, l’infirmité celles du corps. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien la langueur figure certaines passions de l’âme, comme
l’avarice, l’impureté, et autres de ce genre; l’infirmité serait la figure de
l’infidélité, qui est le mal de ceux qui sont faibles dans la foi. Ou bien
les langueurs sont les maladies plus graves du corps, et les infirmités les
plus légères. Or Jésus guérissait les maladies du corps par sa puissance
divine, et celles de l’âme par ses pieux entretiens. Il enseigne d’abord, et
puis il guérit, et cela pour deux raisons: d’abord pour commencer par le plus
nécessaire, car les pieux entretiens édifient l’âme, ce que ne font pas les
miracles; en second lieu parce que la doctrine s’appuie sur les miracles et
non pas les miracles sur la doctrine. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
14 sur S. Matth.) Il est à remarquer que toutes les fois que se produit quelque chose
de nouveau, que Dieu promulgue une loi nouvelle, il opère des miracles, et
les donne comme gages de sa puissance à ceux qui doivent recevoir sa loi.
Avant de créer l’homme il avait tiré le monde du néant, et ce n’est qu’après
ce miracle de sa puissance qu’il lui intime ses lois dans le paradis. Avant
de donner sa loi à Noé, il le rend témoin de grands prodiges; avant de
promulguer la loi ancienne, il opère également des miracles aux yeux des
Juifs, et alors seulement il leur fait connaîre les préceptes de sa loi.
C’est ainsi qu’au moment de promulguer cette loi nouvelle et sublime, il en
confirme la vérité par l’autorité des miracles. Comme le royaume qu’il
prêchait n’apparaissait pas d’une manière visible, il le rend manifeste par
des prodiges qui se voient. — La Glose : Les prédicateurs
doivent avoir un bon témoignage du dehors, autrement le mépris de leur manière
de vivre rejaillit sur leur enseignement, voilà pourquoi l’Évangéliste
ajoute: « et sa réputation se
répandit par toute la Syrie. » — Raban : La Syrie s’étend de l’Euphrate à la Grande Mer, et de la Cappadoce à
l’Égypte, et elle comprend la province de Palestine habitée par les Juifs. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
14 sur S. Matth.) Remarquez la réserve de
l’Évangéliste, qui ne nous raconte pas chaque guérison en particulier, mais
se contente de se faire l’écho de cette abondance de miracles dans ces
expressions si courtes: « et ils
lui présentèrent tous ceux qui étaient malades. » —
Saint Rémi : Nous devons entendre par là les
infirmités si variées, mais seulement les plus légères. Lorsqu’il ajoute: « et tous ceux qui étaient malades et
affligés de diverses sortes de maux, » il veut parler de ceux que
l’Évangéliste désigne plus bas et qui étaient possédés. — La Glose : La
langueur est une maladie chronique, et la douleur est une maladie aiguë,
comme une douleur de côté, ou autre de cette nature; ceux qu’il appelle
possédés sont ceux qui étaient tourmentés par le démon. —
Saint Rémi : Les lunatiques sont ainsi appelés,
parce qu’ils sont plus souffrants à l’époque de la croissance et de la
décroissance de la lune. —
Saint Jérôme : Les démons avaient observé cette
influence de la lune, et en prenaient occasion de blasphémer la créature de
Dieu et de faire remonter jusqu’à lui ce blasphème. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, chap. 6.) Les démons sont
attirés par des attraits conformes à leur nature, à faire leur habitation
dans la créature qui n’est pas leur œuvre, mais œuvre de Dieu. Ils ne sont
pas attirés comme les animaux par des appétits sensuels, mais comme les
esprits par des signes où chacun d’eux trouve son plaisir. — Raban : Les paralytiques
sont ceux dont la force corporelle est comme dissoute, car le mot grec paralusij se
traduit en latin par dissolutio, dissolution. — Suite : « Et il les
guérit. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Dans d’autres endroits nous
lisons: « Il en guérit beaucoup » ; ici l’Évangéliste dit simplement: « et il les guérit », pour
marquer qu’il les guérit tous sans exception, comme ferait un nouveau
médecin, qui, à son arrivée dans une ville prendrait soin de tous ceux qu’on
lui présenterait pour établir sa réputation. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 14 sur
S. Matth.) Il n’exige d’aucun d’eux la foi, parce qu’il n’avait pas
encore donné de preuves de sa puissance. D’ailleurs en venant de si loin, et
en apportant leurs malades, ils avaient témoigné une foi assez grande. — Suite : « Et une grande multitude de peuple le suivait. » — Raban : On peut la
diviser en quatre classes; les disciples qui le suivent attirés par ses
divines leçons, d’autres par les guérisons des maladies qu’il opère, ceux-ci
par sa seule réputation et par un motif de curiosité pour voir si ce que l’on
disait de lui était vrai, ceux-là par l’envie, et par le désir de le prendre
en faute sur quelque point et de l’accuser. Au sens mystique, la Syrie veut
dire superbe; la Galilée inconstante ou la roue, c’est-à-dire le démon et le monde dominé par l’orgueil,
et toujours porté à rouler dans les choses basses. La prédication y fait
connaître le nom du Christ. Les possédés du démon ce sont les idolâtres; les
lunatiques, ceux qui sont inconstants, les paralytiques, les paresseux et les
dissolus. — La Glose : La multitude qui suit le Seigneur appartient à
l’Église, qui dans un sens spirituel est tout à la fois la Galilée qui passe
du vice à la vertu, la Décapole, à cause des dix commandements qu’elle doit
observer; Jérusalem et la Judée, parce qu’elle reçoit la double lumière de la
vision de paix et de la confession de la foi. Elle est située au delà du
Jourdain parce qu’après avoir traversé les eaux du baptême, elle entre dans
la terre promise. — Saint Remi : Ou bien
cette multitude qui suit le Seigneur vient de la Galilée, c’est-à-dire de
l’inconstance du monde, de la Décapole, région qui comprenait dix villes, et
qui figure les transgresseurs du Décalogue; de Jérusalem, parce qu’ils
étaient retenus par les douceurs d’une paix innocente, de la Judée,
c’est-à-dire d’une doctrine diabolique; et d’au-delà du Jourdain parce qu’ils
vivaient auparavant au sein de l’idolâtrie, et que ce n’est qu’en traversant
les eaux du baptême qu’ils sont arrivés jusqu’à Jésus-Christ. |
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Caput 5 |
CHAPITRE 5 —
[La charte du Royaume]
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Lectio 1 [85375] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 1 Chrysostomus super Matth. Omnis artifex
secundum professionem suam, opportunitatem operis videns gaudet: carpentarius
enim si viderit arborem bonam, concupiscit eam praecidere ad opus artificii
sui; et sacerdos, cum viderit Ecclesiam plenam, gaudet animus eius et
delectatur ut doceat. Sic et dominus videns magnam congregationem
populi, excitatus est ad docendum; unde dicit: videns autem turbas Iesus,
ascendit in montem. Augustinus de Cons. Evang. Vel hic potest
videri multas turbas vitare voluisse, et ob hoc ascendisse in montem ut solis
discipulis loqueretur. Chrysostomus in Matth. Per hoc autem quod non
in civitate et foro, sed in monte et solitudine sedit, erudivit nos nihil ad
ostentationem facere, et a tumultibus ascendere, et praecipue cum
philosophandum est ac de rebus seriis disserendum. Remigius. Hoc enim sciendum est, quod tria
refugia legitur dominus habuisse: navim, montem et desertum; ad quorum
alterum, quotiescumque a turbis opprimebatur, conscendebat. Hieronymus in Matth. Nonnulli autem
simpliciorum fratrum putant dominum ea quae sequuntur in oliveti monte
docuisse; quod nequaquam ita est: ex praecedentibus enim et sequentibus in
Galilaea monstratur locus, quem putamus esse vel Thabor, vel quemlibet alium
montem excelsum. Chrysostomus super Matth. Ascendit autem in
montem: primo quidem ut impleret prophetiam Isaiae dicentis: super montem
ascende tu; deinde ut ostendat quoniam in altitudine spiritalium virtutum
consistere debet qui docet Dei iustitiam, pariter et qui audit: nemo enim
potest in valle stare et de monte loqui. Si in terra stas, de terra loquere;
si autem de caelo loqueris, in caelo consiste. Vel ascendit in montem, ut
ostendat quod omnis qui vult discere mysteria veritatis, in montem Ecclesiae
debet ascendere; de quo propheta: mons Dei, mons pinguis. Hilarius in Matth. Vel ascendit in montem,
quia in paternae maiestatis celsitudine positus, caelestis vitae praecepta
constituit. Augustinus de Serm. Dom. Vel ascendit in
montem, ut significet, quia minora erant praecepta iustitiae quae a Deo data
sunt per prophetas populo Iudaeorum, quem timore adhuc alligari oportebat;
per filium autem suum maiora populo quem caritate iam convenerat liberari. Sequitur et cum sedisset, accesserunt ad eum
discipuli eius. Hieronymus. Ideo autem non stans, sed sedens,
loquitur, quia non poterant eum intelligere in sua maiestate fulgentem.
Augustinus de Serm. Dom. Vel quod sedens docebat, pertinet ad dignitatem
magistri. Accesserunt autem ad eum discipuli eius, ut audiendis verbis illius
hi essent etiam corpore viciniores qui praeceptis implendis animo
appropinquabant. Rabanus. Mystice autem sessio domini,
incarnatio eius est: quia nisi dominus incarnatus esset, humanum genus ad eum
accedere non potuisset. Augustinus de Cons. Evang. Movet autem quod
Matthaeus in monte dicit hunc habitum esse sermonem a domino sedente; Lucas
autem in loco campestri a domino stante. Haec igitur diversitas facit videri
alium fuisse illum, alium istum. Qui enim prohibet Christum quaedam alibi
repetere quae ante iam dixerat, aut iterum facere quae ante iam fecerat?
Quamquam etiam possit illud occurrere: in aliqua excellentiori parte montis
primo cum solis discipulis dominum fuisse, quando ex eis duodecim elegit;
deinde cum eis descendisse non de monte, sed de ipsa montis celsitudine in
campestrem locum, idest, in aliquam aequalitatem quae in latere montis erat
et multos capere poterat, atque ibi stetisse donec ad eum turbae
congregarentur; ac postea cum sedisset, accessisse propinquius discipulos
eius, atque ita illis ceterisque turbis praesentibus, unum habuisse sermonem,
quem Matthaeus Lucasque narrant diverso narrandi modo, sed eadem veritate
rerum. Gregorius Moralium. Sublimia autem praecepta
domino in monte dicturo praemittitur aperiens os suum, docebat eos, qui dudum
aperuerat ora prophetarum. Remigius. Ubicumque autem legitur dominus
aperuisse os, inspiciendum est, quia magna sunt quae sequuntur. Augustinus de Serm. Dom. Vel dicit aperiens os
suum, ut ipsa mora commendet aliquanto longiorem futurum esse sermonem. Chrysostomus in Matth. Vel hoc dicit, ut
discas quoniam nunc quidem docebat os aperiens in loquendo, nunc autem vocem,
quae est ab operibus, emittens. Augustinus. Si quis autem pie sobrieque
consideravit, inveniet in hoc sermone, quantum ad mores opportunos pertinet,
perfectum vitae Christianae modum; unde sic ipse sermo concluditur: omnis qui
audit verba mea haec et facit ea, similabo eum viro sapienti. Augustinus de Civ. Dei. Nulla autem est causa
philosophandi, nisi finis boni; quod autem beatum facit, ipse est finis boni.
Et ideo a beatitudine incipit dicens beati pauperes spiritu. Augustinus de Serm. Dom. Praesumptio quidem
spiritus, audaciam et superbiam significat. Vulgo etiam magnum spiritum
superbi habere dicuntur, et recte, nam spiritus ventus vocatur; qui vero
nesciat superbos inflatos dici, quasi vento distentos? Quapropter recte hic
intelliguntur pauperes spiritu humiles et timentes Deum, idest non habentes
inflantem spiritum. Chrysostomus in Matth. Vel spiritum hic
elationem et animum dicit: quia enim sunt multi humiles nolentes, rerum
necessitate coacti, non est laus; unde illos beatificat qui se ex electione
humiliant. Ideo autem hic incipit radicitus evellens superbiam, quia haec
fuit radix et fons malitiae universae; contra quam ponit humilitatem, velut
quoddam stabile fundamentum; qua subiecta, cum stabilitate alia
superaedificantur; hac autem destructa, pereunt quaecumque congregaveris bona.
Chrysostomus super Matth. Ideo autem dixit
manifeste beati humiles spiritu, ut sic humiles ostendat, ut semper
adiutorium Dei sint mendicantes; unde in Graeco dicitur beati ptochi,
mendici, vel egeni. Sunt enim multi naturaliter humiles, et non ex fide, qui
non pulsant adiutorium Dei; sed solum qui secundum fidem sunt humiles. Chrysostomus in Matth. Vel quia pauperes
spiritu hic dicit formidantes et trementes Dei iussiones, quomodo dominus per
Isaiam commendat. Quid autem amplius quam simpliciter humiles? Humilium enim
hic quidem mediocriter est, hic autem superabundanter. Augustinus de Serm. Dom. Superbi ergo appetant
regna terrarum; sed humilium est regnum caelorum. Chrysostomus super Matth. Nam sicut cetera
vitia deponunt ad Inferos, maxime tamen superbia, sic et omnes virtutes
inducunt in regnum caelorum, maxime tamen humilitas, quia proprium est ut qui
se humiliat exaltetur. Hieronymus. Vel beati pauperes spiritu, qui
scilicet propter spiritum sanctum voluntarie sunt pauperes. Ambrosius de Offic. Inde autem incipit
beatitudo iudicio divino, ubi aerumna aestimatur humana. Glossa. Pauperibus autem in praesenti
convenienter promittuntur divitiae caeli. |
Versets 1-3.
—
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Tout artisan, quelle que soit
sa profession, voit avec joie ce qui lui donne l’occasion d’exercer son art.
Ainsi le charpentier, à la vue d’un arbre de bonne qualité, désire 1e couper
pour l’employer à ses travaux; de même le prêtre, en voyant une assemblée
nombreuse, se réjouit dans son âme, et il est heureux de pouvoir lui
enseigner [des vérités utiles]. C’est ainsi que le spectacle de cette grande
multitude de peuple incita le Seigneur à lui adresser ses divins
enseignements: « Jésus voyant cette foule, monta sur la
montagne. » — Saint
Augustin : (de
l’accord des Ev., 1, 19.) On peut dire aussi qu’il
voulut éviter cette grande multitude et qu’il se retira sur cette montagne
pour s’entretenir avec ses seuls disciples. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 5 sur S. Matth.) Il s’asseoit non au
milieu des villes et des places publiques, mais sur une montagne et dans la
solitude, et il nous apprend ainsi à ne rien faire par ostentation et à fuir
les réunions tumultueuses, surtout lorsqu’il est question de faire de la
philosophie ou de traiter de choses d’une haute importance. —
Saint Rémi : Nous voyons dans l’Évangile que Notre
Seigneur avait trois lieux particuliers de retraite, la barque, la montagne
et le désert, et qu’il se retirait dans l’une ou l’autre de ces retraites,
lorsqu’il était accablé par la foule. —
Saint Jérôme : Quelques-uns de nos frères croient
dans leur simplicité que Notre Seigneur a tenu ce discours sur la montagne
des Oliviers, ce qui ne peut être,
car ce qui précède et ce qui suit nous montre clairement que cette montagne
est située en Galilée, et nous pensons que c’est le mont Thabor, ou quelque
autre montagne élevée. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il monte sur cette montagne, d’abord pour accomplir cette prophétie d’Isaïe: « Montez sur le sommet de la montagne » ; ensuite pour nous apprendre qu’il faut habiter le sommet des vertus spirituelles pour être digne d’enseigner ou d’écouter les oracles de la justice de Dieu, car personne ne peut rester dans la vallée et parler du haut de la montagne; si vous restez sur la terre, parlez des choses de la terre; si vous voulez parler du ciel, élevez-vous jusqu’au ciel. Ou bien il monte sur la montagne pour nous avertir que tout homme qui veut pénétrer les mystères de la vérité, doit monter sur cette montagne de l’Église dont le prophète a dit: « La montagne de Dieu est une montagne fertile » (Ps 67, 16). — Saint Hilaire : (can. 4 sur S. Matth.) Ou bien encore, il
monte sur la montagne, parce que c’est des hauteurs de la majesté qu’il
occupe avec son Père qu’il nous propose les célestes enseignements de la vie
chrétienne. — Saint Augustin : (serm.
7 sur la mont. liv. 1, chap.
1.) Ou bien enfin il monte sur la montagne, pour nous faire comprendre que
les commandements que Dieu avait donnés par les prophètes au peuple juif,
peuple qu’il fallait retenir par la crainte, étaient moins parfaits que les
lois qu’il allait donner par son Fils à un peuple qu’il voulait affranchir
par l’amour. — Suite : « Et lorsqu’il fut assis, ses
disciples s’approchèrent de lui. » — Saint Jérôme : Il parle
assis et non debout, parce qu’ils étaient incapables de le comprendre dans
l’éclat de sa majesté. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) ou bien, il enseigne
étant assis, parce que sa dignité de maître l’exigeait. Ses disciples
s’approchèrent de lui; c’est ainsi que ceux dont le cœur était plus près de
l’accomplissement de ses préceptes, se trouvaient aussi plus rapprochés
corporellement de sa personne pour écouter ses paroles. — Raban : Dans le sens
mystique, le Seigneur assis est la figure de son incarnation, car s’il ne
s’était pas incarné, le genre humain n’aurait pu approcher de lui. —
Saint Augustin : (de l’acc. des Evang., 1, 19.) Il paraît
surprenant que saint Matthieu prête ce discours au Seigneur assis sur la
montagne, tandis que saint Luc (Lc 7, 17) le lui fait tenir lorsqu’il était
debout dans la plaine. Cette diversité dans leur récit est une preuve qu’il
s’agit de deux discours différents; car qui s’oppose à ce que Notre Seigneur
ait répété ici ce qu’il avait dit précédemment et qu’il fasse de nouveau des
actions qu’il avait déjà faites auparavant ? Pourtant, on peut dire
qu’il se serait passé ceci : le Seigneur était sur le point le plus
élevé de la montagne avec ses seuls disciples, quand il choisit parmi eux ses
douze apôtres. Il descendit ensuite avec eux non de la montagne, mais de
cette hauteur dans une espèce de plaine, c’est-à-dire sur un plateau situé
sur le flanc de la montagne, et qui pouvait contenir un grand nombre de
personnes; il attendit dans ce lieu que la multitude se fût rassemblée autour
de lui; puis s’étant assis, ses disciples se rapprochèrent et, là devant eux
et en présence du peuple il aurait fait ce discours unique que saint Matthieu
et saint Luc racontent d’une manière différente, mais dont la substance est absolument
la même. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 4, 5.) Avant que le Seigneur
formule sur la montagne ces sublimes et admirables préceptes, l’Évangéliste
les fait précéder de ces paroles: « Ouvrant sa bouche, il les
enseignait. », lui qui avait autrefois ouvert la
bouche des prophètes. — Saint Rémi : Toutes les fois qu’il est dit que le Seigneur ouvrit la bouche, il faut nous rendre attentifs, car ce préambule annonce de grandes choses. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien peut-être ces mots:
« ouvrant la bouche », nous avertissent que le discours qui
va suivre sera plus long que d’habitude. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15) Ou enfin ces paroles nous
apprennent que le Seigneur enseignait tantôt en ouvrant la bouche, c'est-à-dire
en paroles, tantôt en faisant entendre la voix [non moins instructive] de ses
œuvres. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Si on veut étudier ce
discours dans un esprit de religion et de prudence, on y trouvera la règle
parfaite de la vie chrétienne pour la direction des mœurs. Aussi Notre
Seigneur le conclut en disant: « Tout homme qui écoute les paroles
que je viens de dire et les met en pratique sera comparé à un homme
sage. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 19, 1.) La philosophie ne
peut avoir d’autre raison d’être que la fin du bien lui-même. Or la fin du
bien, c’est de nous rendre heureux, et c’est pour cela que Jésus-Christ
commence son discours par la promesse de la béatitude: « Bienheureux les pauvres d’esprit. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 1, 2.) La présomption
d’esprit est un signe d’orgueil et d’arrogance. Or, on dit souvent des
orgueilleux qu’ils ont un esprit étendu; c’est avec raison, car esprit est synonyme de vent, et qui ne sait qu’on dit aussi
des orgueilleux qu’ils sont enflés, comme s’ils étaient gonflés par le vent.
C’est pour cela qu’il faut entendre ici par pauvres d’esprit, les humbles qui
craignent Dieu et qui n’ont pas cet esprit qui enfle. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 15.) Ou bien le mot esprit signifie
ici orgueil et volonté. Car, que des hommes soient humbles malgré eux et par
la force des circonstances, il n’y a là ni mérite ni gloire; aussi Notre
Seigneur ne proclame bienheureux que ceux qui s’humilient par le choix de
leur volonté. Il veut ici arracher jusqu’aux dernières racines de l’orgueil, car
l’orgueil a toujours été la racine et la source de tous les maux. Il lui
oppose l’humilité comme un fondement inébranlable sur lequel on lient bâtir
avec solidité, tandis que si elle vient à crouler, tous les biens que vous
aurez amassés tombent avec elle. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Notre Seigneur dit ouvertement: « Bienheureux les pauvres
d’esprit », et il désigne par là les âmes humbles qui demandent
toujours à Dieu l’aumône de sa grâce. Aussi on lit dans le grec: « Bienheureux
les pauvres, les mendiants ou les nécessiteux. » Il en est
plusieurs, en effet, qui sont naturellement humbles, mais qui ne le sont
point par un principe de foi, parce qu’ils n’implorent pas le secours de
Dieu. Le Seigneur ne veut parler ici que de ceux qui sont humbles en vertu de
la foi. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 15.) Peut-être ici par les pauvres
d’esprit, Notre Seigneur entend-il ceux qui sont saisis de crainte et qui
tremblent en présence des commandements de Dieu, comme Dieu le recommande par
le prophète Isaïe. Mais qu’ont-ils de plus que ceux qui sont simplement
humbles ? L’un est humble modérément, l’autre l’est à un plus haut
degré. —
Saint Augustin : Que les orgueilleux désirent les
royaumes de la terre, le royaume des cieux est pour les humbles. —
Saint Jean Chrysostome : (Sur S. Matth.) De même, en effet, que tous
les vices conduisent à l’enfer, mais principalement l’orgueil, aussi toutes
les vertus nous conduisent aux cieux, mais surtout l’humilité, car c’est une
des récompenses propres à l’humilité que celui qui s’humilie soit élevé. —
Saint Jérôme : Ou bien encore les pauvres d’esprit
sont ceux qui par l’inspiration de l’Esprit saint sont pauvres volontairement. —
Saint Ambroise : (des Offices, liv. 1, chap. 16.) Au jugement
de Dieu, le bonheur commence là où au jugement des hommes on ne trouve qu’affliction. — La Glose : C’est avec justice que les richesses du ciel sont ici promises à ceux qui sont pauvres dans la vie présente. |
Lectio 2 [85376] Catena in Mt., cap. 5 l. 2 Ambrosius super Lucam. Cum simpliciter
contentus fuero inops, superest ut mores meos temperem. Quid enim mihi
prodest carere saecularibus, nisi fuero mitis? Congrue igitur sequitur beati
mites. Augustinus de Serm. Dom. Mites sunt qui cedunt
improbitatibus et non resistunt malo, sed vincunt in bono malum. Ambrosius super Lucam. Mitiga ergo affectum
tuum, ut non irascaris, aut certe iratus ne peccaveris. Praeclarum est enim
motum temperare consilio; nec minoris virtutis dicitur prohibere iracundiam,
quam omnino non irasci, cum plerumque illud lentius, hoc fortius aestimetur.
Augustinus. Rixentur igitur immites et
dimicent pro terrenis et temporalibus rebus; sed beati mites, quoniam ipsi
hereditabunt terram de qua evelli non possunt; illam, inquam, terram de qua
dicitur: portio mea in terra viventium. Significat enim quamdam stabilitatem
hereditatis perpetuae, ubi anima per bonum affectum tamquam loco suo
requiescit, sicut corpus in terra, et inde cibo suo alitur, sicut corpus ex
terra: ipsa est requies et vita sanctorum. Chrysostomus super Matth. Vel terra hic, sicut
quidam dicunt, quamdiu est in hoc statu, terra mortuorum est, quia vanitati
subiecta est; cum autem liberata fuerit de corruptione, fit terra vivorum, ut
mortales hereditent immortalem. Alterum exponentem legi, quasi caelum, in quo
habitaturi sunt sancti, dicatur terra vivorum, quod quantum ad inferiorem
regionem caelum est, quantum autem ad superius caelum dicitur terra. Alii
dicunt, quia corpus nostrum terra est, et quamdiu subiacet morti, terra est
mortuorum; cum autem fuerit conforme factum gloriae corporis Christi, erit
terra vivorum. Hilarius in Matth. Vel hereditatem terrae
mitibus dominus pollicetur, idest eius corporis quod ipse assumpsit
habitaculum: et quia per mansuetudinem mentis nostrae habitat Christus in
nobis, nos quoque clarificati corporis eius gloria vestiemur. Chrysostomus in Matth. Vel aliter, Christus
hic spiritualibus sensibilia immiscuit: quoniam enim aestimatur qui mitis est
omnia sua perdere, contrarium promittit, dicens quod cum stabilitate sua
possidet qui non est protervus; qui autem aliter est, multoties animam et
hereditatem paternam perdit. Quia vero propheta dixerat: mansueti
hereditabunt terram, a consuetis verbis contexit sermonem. Glossa. Mites etiam, qui seipsos possederunt,
hereditatem patris in futuro possidebunt. Plus autem est possidere quam
habere: multa enim habemus quae statim amittimus. |
Verset 4.
— Saint Ambroise : (sur S. Luc, liv. 9, Tit. des béatit.) Lorsque
je serai parvenu à me contenter de la médiocrité, [à être exempt de toutes
sortes de maux], j’aurai encore à établir la règle dans mes mœurs. Que me
servirait-il de renoncer aux biens de la terre, si je ne pratique pas la
douceur ? Aussi le Seigneur ajoute-t-il: « Bienheureux ceux qui sont doux. » —
Saint Augustin : (Serm. sur la mont., liv 1, chap. 3.) Les
hommes doux sont ceux qui cèdent devant les malhonnêtes dont ils sont
victimes, qui ne font pas de résistance au mal, mais triomphent du mal par le
bien. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc, liv. 4.) Modérez donc les
mouvements de votre âme, pour ne pas vous mettre en colère, ou du moins pour
ne pas commettre de péché quand vous l’êtes. Il est beau de soumettre à la
raison les saillies du cœur, et il ne faut pas moins de vertu pour contenir
la colère qui est souvent l’indice d’une âme énergique, que pour ne pas la
ressentir du tout, ce qui ordinairement est le propre d’un caractère sans
vigueur. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Que ceux qui ne
connaissent pas la douceur, se querellent et soient en contestation pour les
choses de la terre et du temps, mais « bienheureux
ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre », d’où on ne
pourra les arracher, cette terre dont il est dit [au psaume 141]: « Mon partage est dans la terre des
vivants », c’est-à-dire dans un héritage permanent, éternel, où
l’âme se repose par une sainte affection, comme dans le lieu qui lui est
propre, de même que le corps se repose dans la terre, et où elle s’y nourrit
de son aliment comme le corps se nourrit de la terre; cet héritage est le
repos et la vie des saints. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien cette terre, suivant
l’opinion de quelques-uns, est la terre des morts tant qu’elle reste dans
l’état actuel, parce qu’elle est assujettie à la vanité, mais lorsqu’elle
sera délivrée de la corruption, elle deviendra la terre des vivants et les
mortels la recevront comme un héritage libre des atteintes de la mort. J’ai
lu une autre explication, d’après laquelle le ciel que doivent habiter les
saints est appelé terre des vivants, en ce sens que c’est le ciel par rapport
à la région inférieure, et la terre comparativement au ciel supérieur.
D’autres prétendent que cette terre c’est notre corps; tant qu’il est soumis
à la mort, c’est la terre des morts, mais il sera la terre des vivants,
lorsqu’il deviendra semblable au corps glorieux de Jésus-Christ. — Saint Hilaire : ( — Saint Jean Chrysostome : (hom.
15.) Ou
bien encore, le Christ mêle ici les promesses temporelles aux promesses
spirituelles. Celui qui fait profession de douceur passe aux yeux du monde
pour perdre tout ce qu’il possède. Jésus-Christ lui promet donc ici le
contraire en l’assurant que celui qui est doux possède en sûreté ce qui lui
appartient, tandis que celui qui ne l’est pas perd bien souvent et son âme et
l’héritage de ses pères. Or, le Seigneur emprunte ici pour les mêler à son
discours ces paroles du Roi prophète: « Ceux qui sont doux auront la terre en héritage. » — La Glose : Les hommes doux qui ont su se posséder eux-mêmes, posséderont plus tard l’héritage du Père céleste. Or, c’est une plus grande récompense de posséder [cette terre] que d’avoir simplement [le royaume des cieux], car que de choses nous perdons dès que nous les avons. |
Lectio 3 [85377] Catena in Mt., cap. 5 l. 3 Ambrosius super Lucam. Cum hoc feceris, ut
scilicet sis pauper et mitis, memento quia peccator es, et lugeto peccata
tua; unde sequitur beati qui lugent. Et bene tertia benedictio est peccata
deflentis, quia Trinitas est quae peccata condonat. Hilarius in Matth. Lugentes enim hic dicuntur
non orbitates aut contumelias aut damna moerentes, sed peccata vetera flentes.
Chrysostomus super Matth. Et qui sua quidem
peccata lugent, beati sunt, sed mediocriter; beatiores autem sunt qui aliena
lugent peccata: tales convenit esse omnes doctores. Hieronymus. Luctus enim hic non mortuorum
ponitur communi lege naturae, sed peccatis et vitiis mortuorum. Sic flevit
Samuel Saulem, et Paulus eos qui post immunditiam poenitentiam egerunt. Chrysostomus super Matth. Cum autem consolatio
sit lugentium cessatio luctus, qui sua peccata lugent, consolabuntur
indulgentiam consecuti. Chrysostomus in Matth. Et licet talibus
sufficiat venia frui, non terminat retributionem in peccatorum remissione,
sed et multarum facit participes consolationum et hic et in futuro. Semper
enim maiores laboribus Deus dat retributiones. Chrysostomus super Matth. Qui vero aliena
peccata lugent, consolabuntur: qui cum in saeculo illo providentiam
cognoverint Dei et intellexerint quod qui perierunt non fuerunt Dei, de cuius
manu nemo rapere potest, de eis, luctu derelicto, in sua beatitudine
laetabuntur. Vel aliter. Augustinus de Serm. Dom. Luctus est tristitia
de amissione carorum. Conversi autem ad Deum ea quae in hoc mundo cara
habebant amittunt: non enim gaudent his rebus quibus ante gaudebant; et donec
fiant in illis amor aeternorum, nonnulla moestitia sauciantur. Consolabuntur
ergo spiritu sancto, qui maxime propterea Paraclitus nominatur, idest
consolator, ut temporalem amittentes, aeterna laetitia perfruantur, et ideo
dicit quoniam ipsi consolabuntur. Glossa. Vel per luctum duo genera
compunctionis intelliguntur: scilicet pro miseriis huius mundi, et pro
desiderio caelestium; unde filia Caleph petivit irriguum superius et
inferius. Huiusmodi autem luctum non habet nisi pauper et
mitis, qui cum mundum non diligat, quod miser est recognoscit, et ideo caelum
concupiscit. Convenienter ergo lugentibus promittitur consolatio, ut qui
tristatus est in praesenti, gaudeat in futuro. Maior est autem retributio
lugentis quam pauperis et mitis: plus enim est gaudere in regno, quam habere
et possidere: multa enim cum dolore possidemus. Chrysostomus in Matth. Notandum autem, quod
hanc beatitudinem non simpliciter, sed omnino cum intensione et cumulo
posuit; ideoque non dixit: qui moerent, sed qui lugent. Siquidem praeceptum
istud totius philosophiae magisterium est. Si enim qui filios vel proximos
mortuos lugent, toto illo doloris sui tempore nec pecuniarum nec gloriae
amore tenentur, non invidia consumuntur, non iniuriis permoventur nec aliis
vitiis obsidentur, utpote solis luctibus mancipati; multo magis qui propria peccata
lugent, sicut ea lugere dignum est, celsiorem hanc philosophiam debent
ostendere. |
Verset 5.
— Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Lorsque vous aurez acquis la pauvreté d’esprit et la douceur,
souvenez-vous que vous êtes pécheurs, et pleurez vos péchés; c’est la
troisième des béatitudes: « Bienheureux ceux qui pleurent. » Il est
juste, en effet, que la troisième bénédiction soit pour celui qui pleure ses
péchés, puisque c’est la Trinité qui les pardonne. — Saint Hilaire : ( —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ceux qui pleurent leurs
propres péchés sont heureux, mais d’un bonheur limité; beaucoup plus heureux
sont ceux qui pleurent les péchés des autres, et tels devraient être tous
ceux qui sont les docteurs de leurs frères. —
Saint Jérôme : Les morts qu’il faut ici pleurer ne
sont pas les morts qui ont payé le tribut à la commune loi de la nature, mais
ceux qui sont comme morts, ensevelis dans leurs péchés et dans leurs vices.
C’est ainsi que Samuel pleura Saül (1 R 16) et saint Paul ceux qui n’avaient
pas fait pénitence de leurs impuretés (cf. Ep 2, 15; Rm 6, 2; 1 P 2, 24). —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) La consolation de ceux qui
pleurent, c’est que leurs larmes cessent de couler, et voilà pourquoi ceux
qui pleurent leurs péchés seront consolés par le pardon que Dieu leur
accordera. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 15.) Bien que ce pardon dût leur
suffire, Dieu ne borne pas sa récompense à la rémission des péchés, mais il
répand sur eux l’abondance de ses consolations, ici-bas et dans la vie
future, car les récompenses divines surpassent toujours beaucoup les peines
qui les ont méritées. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Quant à ceux qui pleurent
les péchés des autres, ils seront aussi consolés; car lorsqu’ils connaitront
dans l’autre vie ce qu’est la Providence divine, et qu’ils comprendront que ceux
qui ont péri n’appartenaient pas à Dieu, dont la main ne se laisse jamais
ravir ce qu’elle tient, ils cesseront de les pleurer, et trouveront leur joie
dans leur propre bonheur. Ou bien autrement : —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Le deuil c’est la
tristesse que nous fait éprouver la perte de ceux qui nous sont chers; or
ceux qui se convertissent à Dieu perdent ce qui leur était cher dans le
monde, leurs joies changent alors d’objet; mais tant que l’amour des choses
éternelles ne vit pas dans leur cœur, il est comme blessé par je ne sais
quelle tristesse. Ils seront donc consolés par l’Esprit saint qui s’appelle
pour cela Paraclet, c’est-à-dire consolateur, et qui au moment où ils perdent
une joie passagère, les enrichit d’une joie éternelle ; c’est pourquoi
Jésus dit: « Ils seront
consolés. » — La Glose : Par ce deuil on
peut encore entendre deux sortes de tristesse, ayant pour cause, l’une les
misères de ce monde, l’autre le désir du ciel: c’est en figure de cette
vérité que la fille de Caleb demanda des champs qui fussent arrosés en haut
et en bas (Jos 15, 19; Jg 1, 15). Cette tristesse n’est propre qu’à celui qui
a l’esprit de pauvreté et de douceur, et qui n’aimant pas le monde, reconnaît
sa misère, et par cette connaissance s’élève jusqu’au désir du ciel. C’est
avec raison que la consolation est promise à ceux qui pleurent, et il est
juste que la joie de l’autre vie compense la tristesse et les larmes de la
vie présente. Or la récompense de celui qui pleure est plus grande que celle
qui est donnée aux pauvres d’esprit et à ceux qui sont doux, car il vaut
mieux se réjouir dans le royaume que de l’avoir et de le posséder simplement.
Que de choses en effet nous avons et que nous possédons au milieu de la
douleur ! — Saint Jean Chrysostome : (hom. 15.) Remarquez que c’est avec dessein que dans l’énoncé de cette béatitude, Notre Seigneur ne dit pas simplement: « ceux qui sont dans la tristesse », mais plus énergiquement et avec insistance : « ceux qui pleurent, ceux qui sont dans les larmes », et en cela il nous donne une leçon de haute sagesse, car si ceux qui pleurent la mort de leurs enfants ou des autres personnes qui leur sont chères, cessent, pendant tout ce temps de douleur, de désirer les richesses ou les honneurs, ne se laissent pas consumer par l’envie et sont insensibles aux outrages ou aux atteintes des passions, dans la mesure où ils sont occupés par leurs pleurs ; à combien plus forte raison doit-on voir ces heureux effets dans ceux qui pleurent leurs péchés comme il est convenable de les pleurer. |
Lectio 4 [85378] Catena in Mt., cap. 5 l. 4 Ambrosius super Lucam. Postquam delicta
deflevi, esurire incipio et sitire iustitiam. Aeger enim cum in gravi morbo
est, non esurit; unde sequitur beati qui esuriunt et sitiunt iustitiam. Hieronymus. Non nobis sufficit velle
iustitiam, nisi iustitiae patiamur famem, ut sub hoc exemplo, nunquam nos
satis iustos, sed semper esurire iustitiae opera intelligamus. Chrysostomus super Matth. Quoniam omne bonum
quod non ex amore ipsius boni faciunt homines, ingratum est ante Deum. Esurit
autem iustitiam qui secundum iustitiam Dei desiderat conversari; sitit autem
iustitiam qui scientiam eius acquirere cupit. Chrysostomus in Matth. Iustitiam autem dicit
vel universalem, vel particularem avaritiae contrariam. Quia enim de
misericordia dicturus erat, praemonstrat qualiter misereri oporteat, quia non
ex rapina neque ex avaritia; unde etiam quod est avaritiae proprium, scilicet
esurire et sitire, iustitiae attribuit. Hilarius in Matth. Sitientibus autem et
esurientibus iustitiam, beatitudinem tribuit, significans extensam in Dei
doctrinam sanctorum aviditatem perfecta in caelo satietate repleri; et hoc
est quod dicitur quoniam ipsi saturabuntur. Chrysostomus super Matth. Scilicet largitatem
remunerantis Dei: quoniam maiora erunt praemia Dei quam sanctorum desideria.
Augustinus de Serm. Dom. Vel illo cibo
saturabuntur in praesenti, de quo dominus dicit: meus cibus est ut faciam
voluntatem patris mei, quod est iustitia, et illa aqua de qua: quisque
biberit, fiet ei fons aquae salientis in vitam aeternam. Chrysostomus in Matth. Vel rursus sensibile
praemium statuit: quia enim plurimos divites facere putatur avaritia, dicit
hoc esse contrarium, magisque id praestare iustitiam: qui enim iustitiam
diligit, tutissime omnia possidet. |
Verset 6.
— Saint Ambroise : (sur S. Luc, liv. 4.) Après que j’ai pleuré mes péchés, je commence à ressentir la
faim et la soif de la justice, car ce n’est point au milieu d’une maladie
grave qu’on éprouve cette faim. Notre Seigneur ajoute donc: « Bienheureux
ceux qui ont faim et soif de la justice. » —
Saint Jérôme : Il ne nous suffit pas de vouloir la
justice, mais il nous faut souffrir la faim de la justice, expression figurée
qui doit nous faire comprendre que nous ne serons jamais assez justes, et que
nous devons désirer toujours plus ardemment les œuvres de la justice. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Tout bien que les hommes ne
font point par l’amour du bien lui-même n’a point de valeur aux yeux de Dieu.
Or on a faim de la justice lorsqu’on désire vivre selon les règles de la
justice divine; on a soif de la justice lorsqu’on désire acquérir la science
de Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
15.) La justice dont il est ici question est ou la
justice universelle, ou la justice particulière opposée à l’avarice. Le Seigneur
va parler de la miséricorde, il nous enseigne par avance comment nous devons
l’exercer; ce ne doit pas être avec les produits de l’avarice ou du vol.
C’est pour cela qu’il donne à la justice les caractères de l’avarice, la faim
et la soif. — Saint Hilaire : ( —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ils seront rassasiés de
l’abondance des libéralités de Dieu, car les récompenses qu’il accorde aux
Saints dépassent de beaucoup leurs désirs. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien peut-être ils
seront rassasiés dans la vie présente de cette nourriture dont le Seigneur a
dit: « Ma nourriture est de faire
la volonté de mon Père, » (qui est la justice), et de cette eau dont
il est dit qu’elle deviendra en celui qui l’aura bue une source d’eau qui
rejaillit jusque dans la vie éternelle. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 15.) Peut-être même s’agit-il ici de récompense terrestre. Comme on pense communément que c’est l’avarice qui enrichit le plus grand nombre, Notre Seigneur attribue au contraire cet effet à la justice, car celui qui la désire possède tous les biens sans crainte de les perdre. |
Lectio 5 [85379] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 5 Glossa. Iustitia et misericordia ita
coniunctae sunt, ut altera ab altera debeat temperari: iustitia enim sine
misericordia crudelitas est; misericordia sine iustitia, dissolutio; unde de
misericordia post iustitiam subdit beati misericordes. Remigius. Misericors dicitur, quasi miserum
habens cor, quia alterius miseriam quasi suam reputat et de malo alterius
quasi de suo dolet. Hieronymus. Misericordia hic non solum in
eleemosynis intelligitur, sed in omni peccato fratris, si alter alterius
onera portemus. Augustinus de Serm. Dom. Beatos autem dicit
esse qui subveniunt miseris, quoniam eis ita rependitur ut de miseria
liberentur; unde sequitur quoniam ipsi misericordiam consequentur. Hilarius in Matth. Intantum enim Deus
benevolentiae nostrae in omnes delectatur affectu, ut suam misericordiam sit
solis misericordibus praestaturus. Chrysostomus in Matth. Videtur autem
esse aequalis retributio, sed est multo maior: non enim est aequalis humana
misericordia et divina. Glossa. Merito ergo misericordibus
misericordia impenditur, ut plus accipiant quam meruissent; et sicut plus
recipit qui ultra saturitatem habet quam ille qui habet tantum ad
saturitatem, sic maior est gloria misericordiae quam praecedentium. |
Verset 7.
— La Glose : La justice et la miséricorde sont
tellement unies ensemble, qu’elles se tempèrent mutuellement l’une par
l’autre. La justice sans la miséricorde n’est que cruauté, et la miséricorde
sans justice n’est que faiblesse. C’est pour cela que le Seigneur fait venir
la miséricorde après la justice en disant: « Bienheureux les miséricordieux. » —
Saint Rémi : Le mot miséricordieux veut dire qui a
pour ainsi parler le cœur des malheureux, parce que l’homme miséricordieux
regarde comme sienne la misère d’autrui, et s’en afflige comme si elle lui
était personnelle. —
Saint Jérôme : Par miséricorde, il faut entendre ici
celle qui non seulement se répand en aumônes, mais qui s’étend aux fautes de
nos frères, et nous fait porter mutuellement les fardeaux les uns des autres. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont. liv. 1, chap. 2.) Il
proclame heureux ceux qui viennent au secours des malheureux, et qui
reçoivent en récompense la délivrance de leurs propres maux, comme il le
déclare lui-même: « parce qu’ils
obtiendront eux-mêmes miséricorde. » —
Saint Hilaire : (can. 4.) Dieu se plaît tellement à voir en nous
ce sentiment de bienveillance pour tous nos frères, qu’il ne promet sa
miséricorde qu’à ceux-là seuls qui sont miséricordieux. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
15.) La
récompense paraît ici être simplement égale au mérite, mais elle lui est bien
supérieure, car il n’y a point de comparaison entre la miséricorde des hommes
et la miséricorde de Dieu. — La Glose : C’est donc avec raison que Dieu fait miséricorde aux miséricordieux, et bien au-dessus de leurs mérites. Aussi de même que celui dont les désirs sont comblés et au delà, reçoit beaucoup plus que celui qui est simplement rassasié, ainsi la gloire des miséricordieux l’emporte sur la gloire des béatitudes précédentes. |
Lectio 6 [85380] Catena in Mt., cap. Ambrosius super Lucam. Qui misericordiam
defert, misericordiam amittit, nisi mundo corde misereatur: nam si iactantiam
quaerit, nullus est fructus; unde sequitur beati mundo corde. Glossa.
Convenienter autem sexto loco ponitur cordis munditia, quia sexto die homo
conditus est ad imaginem Dei, quae quidem obtenebrata erat in homine per
culpam, sed in mundis cordibus reformatur per gratiam. Merito autem post
praedicta sequitur, quia, nisi illa praecedant, mundum cor in homine non
creatur. Chrysostomus in Matth. Mundos autem hic
ait vel eos qui universalem virtutem possident et nullius sibi malitiae
conscii sunt, vel eos qui in temperantia consistunt, quae maxime necessaria
est ad videndum Deum, secundum illud Pauli: pacem sequimini cum omnibus, et
sanctimoniam, sine qua nemo videbit Deum. Quia
enim multi miserentur quidem, sed impudica agunt, monstrans quod non sufficit
primum, scilicet misereri, hoc de munditia opposuit. Hieronymus. Mundus autem Deus a mundo corde
concupiscitur: templum enim Dei non potest esse pollutum; et hoc est quod
dicitur quoniam ipsi Deum videbunt. Chrysostomus super Matth. Qui enim omnem
iustitiam facit et cogitat, mente sua Deum videt quoniam iustitia figura est
Dei, Deus enim iustitia est. Secundum ergo quod aliquis eripuerit se a malis et
fecerit bona, secundum hoc Deum videt, aut parum aut amplius aut interdum aut
semper, secundum possibilitatem humanam. In
saeculo autem illo mundi corde Deum videbunt facie ad faciem, non in speculo
et in aenigmate, sicut hic. Augustinus de Serm. Dom. Stulti autem sunt qui Deum videre istis
exterioribus oculis quaerunt, cum corde videatur, sicut alibi scriptum est:
in simplicitate cordis quaerite illum; hoc enim est simplex cor quod mundum
cor. Augustinus de Civ. Dei. Si autem tantum
poterunt in corpore spirituali oculi etiam ipsi spirituales quantum possunt
isti quales nunc habemus, proculdubio per eos Deus videri non poterit. Augustinus de Trin. Haec autem visio merces
est fidei; cui mercedi per fidem corda mundantur, sicut scriptum est: mundans
fide corda eorum. Hoc autem probatur illa maxime sententia: beati mundo
corde, quoniam ipsi Deum videbunt. Augustinus super Gen. ad Litt. Nemo autem
videns Deum vivit vita ista qua mortaliter vivitur et istis sensibus
corporis. Sed nisi ab hac vita quisque funditus moriatur, sive omnino exiens
de corpore, sive ita alienatus a carnalibus sensibus ut merito nesciat, sicut
ait apostolus: utrum in corpore an extra corpus sit, non in illam subvehitur
visionem. Glossa. Maiorem autem remunerationem isti habent
quam primi, sicut qui in curia regis non solum prandet, sed etiam faciem
regis videt. |
Verset 8.
— Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Celui qui fait miséricorde perd ses droits à la miséricorde divine,
s’il n’a point agi avec un cœur pur, car s’il a cherché la vaine gloire [dans
les œuvres de miséricorde], il ne lui en revient aucun fruit; aussi Notre
Seigneur ajoute: « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur. » — La Glose : La pureté du cœur
est placée convenablement en sixième lieu, car c’est le sixième jour que
l’homme a été créé à l’image de Dieu, image qui avait été obscurcie en lui
par le péché, et qui a été réparée par la grâce dans ceux qui ont le cœur
pur. Cette béatitude vient parfaitement après les cinq premières, car sans
les vertus qui précèdent, Dieu ne peut créer dans l’homme un cœur pur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) Les cœurs purs dont parle ici le Seigneur
sont ceux qui ont toutes les vertus et n’ont à se reprocher aucun mal, ou
bien ceux dont la tempérance réprime les désirs sensuels, vertu absolument
nécessaire pour voir Dieu, selon ces paroles de saint Paul (He 12): « Efforcez-vous d’avoir la paix avec tout le monde, et de vivre dans la
sainteté, sans laquelle personne ne peut voir Dieu. » Il en est beaucoup, en effet, qui
sont miséricordieux, mais qui se livrent à l’impureté, et le Seigneur, pour
leur montrer que la miséricorde ne suffit pas, exige de plus cette pureté du
cœur. —
Saint Jérôme : Dieu qui est pur, ne peut-être désiré
que par un cœur pur, car le temple de Dieu doit être sans souillure, c’est
pour cela qu’il ajoute: « parce
qu’ils verront Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Celui qui veut et accomplit
toute justice, voit Dieu des yeux de son âme, car la justice est l’image de
Dieu, Dieu étant la justice par essence. Rappelons-nous donc que celui qui se
sépare du mal et fait le bien, en vertu même de cet effort, voit Dieu plus ou
moins, toujours ou par intervalles, autant qu’il est possible à la nature
humaine. Mais dans l’autre vie, ceux qui ont le cœur pur verront Dieu face à
face, et non pas comme ici-bas dans un miroir et sous des images obscures
(cf. 1 Co 13, 12). —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Il faut être insensé
pour chercher à voir, des yeux du corps, Dieu qu’on ne peut voir que des yeux
du cœur, ainsi qu’il est écrit ailleurs: « Cherchez-le
dans la simplicité du cœur », car le cœur simple, c’est le cœur pur. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. dern. chap. 29.) Il est
évident que si les yeux, même spiritualisés de notre corps n’ont pas plus de
vertu que ceux que nous avons maintenant, ils ne pourront nous servir à voir
Dieu. —
Saint Augustin : (Liv. 1 de
la Trinité, chap. 8 et 13.) Cette vue de Dieu est la récompense de la
foi, et c’est par la foi que Dieu nous y prépare en purifiant nos cœurs ainsi
qu’il est écrit: « purifiant leurs
cœurs par la foi. » La
preuve de cette vérité se trouve surtout dans cette maxime: « Bienheureux ceux qui ont le cœur
pur, parce qu’ils verront Dieu. » —
Saint Augustin : (sur la Genèse expliq. littéral., liv. 12,
chap. 25.) Aucun de ceux qui aspirent à voir Dieu ne doit vivre ici-bas de la
vie mortelle et périssable des sens; s’il ne meurt radicalement à cette vie,
soit en quittant tout-à-fait son corps, soit en devenant tellement étranger
aux mouvements de la chair qu’il ne sache plus ainsi que l’apôtre, s’il est
encore ou non avec son corps, il ne pourra jamais s’élever jusqu’à cette
vision. — La Glose : La récompense est ici plus magnifique que dans les béatitudes précédentes; c’est celle de l’homme qui non seulement est nourri dans la maison du roi, mais encore peut jouir de sa présence. |
Lectio 7 [85381] Catena in Mt., cap. 5 l. 7 Ambrosius super Lucam. Cum interiora tua vacua
feceris ab omni labe peccati, ne dissensiones contentionesque ex affectu tuo
prodeant, a te pacem incipe, ut sic pacem aliis feras; unde sequitur beati
pacifici. Augustinus de Civ. Dei. Est autem pax
tranquillitas ordinis. Ordo autem est parium dispariumque sua cuique loca
tribuens dispositio. Sicut autem nemo est qui gaudere nolit, ita nemo est qui
pacem habere nolit; quandoquidem ipsi qui bella volunt, nihil aliud quam ad
gloriosam pacem cupiunt bellando pervenire. Hieronymus. Pacifici autem dicuntur beati, qui
primum in corde suo, deinde et inter fratres dissidentes faciunt pacem. Quid
enim prodest alios per te pacari, cum in tua anima sint bella vitiorum? Augustinus de Serm. Dom. Pacifici autem in
semetipsis sunt qui omnes animi sui motus componentes et subiicientes
rationi, carnalesque concupiscentias habentes edomitas, fiunt regnum Dei, in
quo ita ordinata sunt omnia ut quod est in homine praecipuum et excellens
imperet ceteris reluctantibus quae sunt nobis bestiisque communia; atque
idipsum quod excellit in homine, idest mens et ratio, subiiciatur potiori
quod est ipsa veritas, filius Dei. Neque enim imperare inferioribus potest
nisi superioribus subiiciatur. Et haec est pax quae datur in terra hominibus
bonae voluntatis. Augustinus in Lib. Retract. Non tamen cuiquam
provenire potest in hac vita ut lex repugnans legi mentis omnino non sit in
membris. Sed hoc nunc pacifici agunt domando concupiscentias carnis, ut ad
pacem plenissimam quandoque veniatur. Chrysostomus super Matth. Pacifici autem ad
alios sunt non solum qui inimicos in pace reconciliant, sed etiam illi qui
immemores malorum, diligunt pacem. Pax enim illa beata est quae in corde
posita est, non tantum in verbis. Qui
autem pacem diligunt, filii sunt pacis. Hilarius in Matth. Pacificorum
autem beatitudo, adoptionis est merces; et ideo dicitur quoniam filii Dei
vocabuntur. Parens enim omnium Deus noster est, neque aliter transire in
nuncupationem familiae eius licebit, nisi fraternae invicem caritatis pace
vivamus. Chrysostomus in Matth. Vel cum pacifici
dicantur qui non adversum se mutuo dimicant, sed alios dissidentes in
concordiam revocant, iure etiam filii Dei appellantur, quia unigeniti hoc
praecipuum fuit opus: distantia copulare, conciliare pugnantia. Augustinus de Serm. Dom. Vel quia in pace
perfectio est, ubi nihil repugnat; pacifici filii Dei dicuntur, quoniam nihil
resistit Deo, et utique filii Dei similitudinem patris debent habere. Glossa. Maximam ergo dignitatem habent
pacifici; sicut qui filius regis dicitur in domo regia summus est. Septimo
autem loco beatitudo haec ponitur, quia in sabbato verae requiei dabitur pax,
sed aetatibus transactis. |
Verset 9.
— Saint Ambroise : (sur S. Luc, liv. 4). Lorsque vous aurez purifié votre intérieur de toutes les souillures du péché, commencez par établir la paix en vous, de sorte qu’il ne s’élève dans votre cœur ni dissensions ni troubles; vous pourrez ainsi porter la paix plus facilement aux autres. C’est ce que signifient ces paroles: « Bienheureux les pacifiques. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 19, chap. 13.) La paix
est la tranquillité de l’ordre; l’ordre est cette disposition qui donne aux
choses ou semblables ou opposées la place qui leur convient. Il n’est
personne qui ne désire le bonheur, personne aussi qui ne désire la paix; et
ceux mêmes qui veulent la guerre n’ont d’autre but que d’arriver par les
armes à une paix glorieuse. —
Saint Jérôme : Les pacifiques que le Seigneur
proclame heureux sont ceux qui font régner la paix d’abord dans leur cœur,
avant de la rétablir entre leurs frères divisés; car que vous sert de
pacifier les autres si vous souffrez que les vices se livrent mille combats
dans votre âme ? —
Saint Augustin : (serm. sur la mont. liv. 1, chap. 2 ou 3.) Ceux
qui sont pacifiques sont ceux qui règlent tous les mouvements de leur âme,
les soumettent à la raison, tiennent sous le joug toutes les passions
indomptées de la chair, et deviennent ainsi le royaume de Dieu. Dans ce
royaume toutes choses sont tellement dans l’ordre que ce qu’il y a en nous de
plus noble et de plus excellent commande à cette autre partie de nous-même
qui résiste, et qui nous est commune avec les bêtes; tandis que la partie
supérieure dans l’homme, c’est-à-dire l’âme et la raison, est elle-même
soumise à un être plus élevé, qui est la vérité et le Fils de Dieu. Nous ne
pouvons commander à ce qui est au-dessous de nous, à moins d’être soumis à ce
qui est au-dessus. Telle est la paix promise sur cette terre aux hommes de
bonne volonté (Lc 2, 14). —
Saint Augustin : (liv. 1, chap. 19.) Personne cependant ne peut arriver en cette vie à
détruire complètement dans ses membres cette loi qui combat contre la loi de
l’esprit; mais en domptant ici-bas les passions de la chair, les pacifiques
se préparent à recevoir un jour la plénitude de la paix. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est se montrer pacifique envers les autres, non
seulement de réconcilier les ennemis entre eux, mais encore d’oublier les
injures par amour de la paix; car la paix qui donne le bonheur n’est pas
celle qui n’existe que sur les lèvres, mais celle qui repose dans le cœur, et
ceux qui l’aiment sont vraiment les enfants de la paix. — Saint Hilaire : (Can.
12.) Le
bonheur des pacifiques, c’est la récompense de l’adoption que le Seigneur
exprime par ces paroles: « parce
qu’ils seront appelés enfants de Dieu. » Notre Dieu est le Père unique
de tous les hommes, et nous ne serons dignes de faire partie de sa famille
qu’en vivant ensemble dans la paix d’une charité toute fraternelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15 sur
Matth.) Ou bien les pacifiques étant ceux qui ont horreur de la dispute,
n’ont de haine contre personne, et de plus cherchent à réunir ceux qui sont
divisés, c’est à juste titre qu’ils sont appelés fils de Dieu, car la mission
propre du Fils unique de Dieu a été de réunir ce qui était dispersé et de
pacifier les éléments les plus contraires. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien comme la
perfection est dans la paix, là où rien ne résiste, les pacifiques sont
appelés enfants de Dieu parce que rien ne résiste à Dieu; d’ailleurs les
enfants doivent ressembler à leur père. — La Glose : Les pacifiques sont donc revêtus d’une dignité qui surpasse toutes les autres, de même que le fils du roi est au-dessus de tous les autres dans la maison de son père. Cette béatitude est placée la septième, parce que c’est au jour du sabbat et du vrai repos que nous sera donnée la paix véritable, mais seulement lorsque les dix âges du monde seront écoulés. |
Lectio 8 [85382] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 8 Chrysostomus in Matth. Posita
pacificorum beatitudine, ne aliquis existimaret quod semper pacem sibi
quaerere sit bonum, subdit beati qui persecutionem patiuntur propter
iustitiam, hoc est propter virtutem, propter defensionem aliorum, propter
pietatem: iustitiam enim consuevit pro omni virtute animae ponere. Augustinus de Serm. Dom. Pace enim intrinsecus
constituta ac firmata, quascumque persecutiones ille qui foras missus est,
forinsecus concitaverit aut gesserit, auget gloriam quae secundum Deum est.
Hieronymus. Signanter autem addit propter
iustitiam: multi enim propter sua peccata persecutionem patiuntur, et non
sunt iusti. Simulque considera quod octava verae circumcisionis beatitudo
martyrio terminetur. Chrysostomus super Matth. Non autem dixit:
beati qui a gentibus persecutionem patiuntur, ne putes illum solum beatum qui
persecutionem patitur propter idola non colenda; ideo et ab haereticis
persecutionem patiens propter veritatem non relinquendam, beatus est, quia
propter iustitiam patitur. Sed et si quis ex potentibus, qui Christiani
videntur, forsitan propter sua peccata correctus a te, fuerit te persecutus,
beatus es cum Ioanne Baptista. Si enim verum est quod prophetae martyres
sunt, qui a suis occisi sunt, sine dubio qui propter causam Dei aliquid
patitur, etsi a suis patitur, mercedem martyrii habet. Et ideo non posuit Scriptura
personas persequentium, sed solam causam persecutionis, ut non aspicias quis
te persequitur, sed propter quod. Hilarius in Matth. Sic ergo ad postremum
eos in beatitudine numerat quibus omnia pro Christo pati, qui iustitia est,
pronus affectus est. His igitur et regnum servatur, qui in
contemptu saeculi sunt pauperes spiritu; unde dicit quoniam ipsorum est
regnum caelorum. Augustinus de Serm. Dom. Vel octava beatitudo
tamquam ad caput redit, quia consummatum perfectumque ostendit et probat. Itaque
in prima et in octava nominatum est regnum caelorum: septem enim sunt quae
perficiunt; nam octava clarificat et perfectum demonstrat; ut per hos gradus
perficiantur et ceteri, tamquam accipiatur rursus exordium. Ambrosius super Lucam. Vel aliter: primum
regnum caelorum sanctis propositum est in absolutione corporis, secundum post
resurrectionem esse cum Christo. Post resurrectionem enim terram incipies
tuam possidere absolutus a morte, et in ipsa possessione consolationem
reperies. Consolationem sequitur delectatio, delectationem divina miseratio.
Cui autem miseretur dominus, et vocat et sic vocatus videt vocantem. Qui
autem viderit, in ius divinae generationis assumitur, et tunc demum quasi Dei
filius caelestis regni divitiis delectatur. Ille igitur incipit, hic repletur.
Chrysostomus in Matth. Ne autem mireris si
secundum unamquamque beatitudinem regnum non audis, quia cum dicit
consolabuntur, misericordiam consequentur, et cetera huiusmodi, per haec
universa nihil aliud quam regnum caelorum occulte insinuat, ut nihil
sensibile expectes. Neque enim beatus est qui in his coronatur quae cum
praesenti vita discedunt. Augustinus de Serm. Dom. Diligenter autem
attendendus est numerus harum sententiarum: his enim septem gradibus congruit
operatio spiritus sancti septiformis quam Isaias describit; sed ille a summo,
hic ab imo: quia ibi docetur filius Dei ad ima descensurus, hic homo de imis
ad similitudinem Dei ascensurus. In his prius est timor, qui congruit hominibus
humilibus, de quibus dicitur beati pauperes spiritu, idest non alta
sapientes, sed timentes. Secunda est pietas, quae convenit mitibus: qui
enim pie quaerit, honorat, non reprehendit, non resistit, quod est mitem
fieri. Tertia est scientia, quae convenit lugentibus, qui
didicerunt quibus malis nunc vincti sunt, quae quasi bona petierunt. Quarta, quae est fortitudo, congruit esurientibus
et sitientibus, quia desiderantes gaudium de veris bonis, laborant, a
terrenis cupientes averti. Quinta, consilium, convenit misericordibus, quia
unicum remedium est de tantis malis erui, dimittere aliis et dare. Sexta est intellectus, et convenit mundis corde,
qui purgato oculo possunt videre quod oculus non vidit. Septima est sapientia, quae convenit pacificis,
in quibus nullus motus est rebellis, sed obtemperant spiritui. Unum autem
praemium, quod est regnum caelorum, varie nominatum est. In prima, sicut
oportebat, positum est regnum caelorum, quod est perfectae sapientiae
initium, ac si diceretur: initium sapientiae timor domini. Mitibus hereditas
tamquam testamentum patris cum pietate quaerentibus; lugentibus consolatio,
tamquam scientibus quid amiserunt et in quibus mersi sunt; esurientibus
saturitas, tamquam refectio laborantibus ad salutem; misericordibus
misericordia, tamquam optimo consilio utentibus, ut hoc eis exhibeatur quod
exhibent; mundis corde facultas videndi Deum, tamquam purum oculum ad
intelligenda aeterna gerentibus; pacificis Dei similitudo. Et ista quidem in
hac vita possunt compleri, sicut completa esse in apostolis credimus: nam
quod post hanc vitam promittitur, nullis verbis exponi potest. |
Verset 10.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 15.) Après avoir
évoqué le bonheur des pacifiques, Notre Seigneur voulant détruire cette
pensée que c’est toujours un bien de rechercher pour soi la paix, ajoute: « Bienheureux
ceux qui souffrent persécution pour la justice », c’est-à-dire pour la
vertu, pour la défense des autres, pour la piété; car le Seigneur emploie
ordinairement le mot justice pour exprimer toute vertu de l’âme. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont. liv. 1, chap. 2 ou 8).
La paix une fois établie et affermie au-dedans de nous, quelles que soient
les persécutions que soulève ou mène au dehors celui que nous avons chassé de
notre âme (cf. Jn 12, 13), il ne fait qu’augmenter la gloire qui est selon
Dieu. —
Saint Jérôme : Le Seigneur ajoute cette expression
significative: « pour la
justice », car il en est beaucoup qui souffrent persécution pour
leurs péchés; et qui sont loin d’être justes. Remarquez en même temps que
cette huitième béatitude qui est comme l’octave de la vraie circoncision, a
pour objet le martyre. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne dit pas:
« Bienheureux celui qui souffre persécution de la part des
Gentils », car vous pourriez
penser que ce bonheur n’est promis qu’à celui qui est persécuté par les
païens, parce qu’il refuse d’adorer leurs idoles. Celui donc qui souffre
persécution de la part des hérétiques, pour défendre contre eux la vérité, a
droit à ce bonheur parce qu’il souffre pour la justice. Et si un des
puissants du monde qui sont chrétiens en apparence, vous persécute, parce que
peut-être vous l’auriez repris de ses vices, estimez-vous heureux avec
Jean-Baptiste. Car s’il est vrai que les prophètes mis à mort par leurs concitoyens
ont été de vrais martyrs, on ne peut douter que celui qui souffre pour la
cause de Dieu, bien que la persécution lui vienne des siens, ne reçoive aussi
la récompense du martyre. Et c’est pourquoi l’Écriture n’a pas désigné la
personne des persécuteurs, mais la cause seule de la persécution, afin que
vous ne considériez pas quels sont ceux qui vous persécutent, mais la cause
pour laquelle vous souffrez persécution. — Saint Hilaire : ( —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., liv. 3, chap. 2 ou 9.) Ou bien la huitième
béatitude revient à la première comme à sa source, parce qu’elle la montre
élevée à sa plus haute perfection. Aussi voyez, dans la première comme dans
la huitième, se trouve nommé expressément le royaume des cieux. En effet les
sept béatitudes sont les différents degrés de cette perfection; la huitième
lui donne le dernier trait et la montre dans tout son éclat, et la récompense
de la première béatitude s’y trouve rappelée pour que ces deux degrés
extrêmes communiquent leur perfection aux degrés intermédiaires. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc.) Ou bien autrement, le royaume
du ciel promis en premier lieu sera pour les saints l’affranchissement des
liens du corps (cf. Ph 1, 25), le second qui suivra la résurrection, les
réunira pour toujours à Jésus-Christ. C’est après la résurrection en effet,
que vous commencerez à posséder la terre qui est à vous sans plus craindre la
mort, et que vous trouverez la consolation dans cette possession. Le plaisir
suit la consolation, et il est suivi à son tour par la divine miséricorde ;
or Dieu ne peut faire miséricorde à quelqu’un sans l’appeler, et le fruit de
cette vocation, c’est de voir Dieu qui nous appelle. Celui qui a vu Dieu a
droit à son tour aux honneurs de la filiation divine, et c’est alors enfin
que comme fils de Dieu il trouve sa joie dans les richesses du royaume des
cieux. D’un côté donc le bonheur commence, de l’autre il est dans sa
plénitude. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15.) Ne soyez pas surpris, si a chaque
béatitude, il n’est pas fait mention du royaume des cieux, car ces
expressions générales: « Ils seront consolés, ils obtiendront
miséricorde, » et autres semblables, ne sont rien d’autre que des
évocations mystérieuses du royaume des cieux. [En s’exprimant ainsi] le Seigneur
veut que l’objet de votre espérance n’ait rien de sensible, car on n’est pas
heureux quand on n’a pour récompense que des choses qui passent avec cette
vie. — Saint Augustin : (serm. sur la mont. liv. 1, chap. 3.) Il faut étudier avec soin le nombre de ces béatitudes. Nous voyons en effet les sept opérations de l’Esprit saint décrites par Isaïe (Is 11), correspondre aux sept degrés des béatitudes, mais avec cette différence, que d’un côté on commence par le haut, de l’autre par le bas : le prophète nous montre le Fils de Dieu descendant jusque dans l’abîme de notre misère, et qu’ici nous voyons l’homme montant de cet abîme jusqu’à la ressemblance de Dieu. Le premier des dons de l’Esprit saint est la crainte qui est le propre des âmes humbles dont il est dit: « Bienheureux les pauvres d’esprit », c’est-à-dire ceux qui ne se nourrissent pas de hautes pensées, mais qui se tiennent dans la crainte (cf. Rm 11, 20; 12, 16). Le second est la piété qui convient à ceux qui sont doux, car celui qui cherche avec piété fait profession de respect, il ne s’érige pas en censeur, il ne résiste pas, ce qui constitue la vertu de douceur. Le troisième est la science, qui se rapporte à ceux qui pleurent, car ils savent dans quelle dure captivité les retiennent ces maux, qu’ils avaient demandés comme des biens. Le quatrième est la force, qui convient à ceux qui ont faim et soif, parce qu’en cherchant leur joie dans les véritables biens, ils font tous leurs efforts pour se détacher des choses de la terre. Le cinquième est le conseil, qui se rapporte aux miséricordieux, car l’unique remède pour échapper à tant de maux, c’est de pardonner et d’être charitable. Le sixième est l’intelligence qu’ont en partage ceux qui ont le cœur pur, et dont l’œil purifié pénètre ce qu’ils ne pouvaient voir auparavant. La septième est la sagesse, qui est le propre des pacifiques dans l’âme desquels n’existe aucun mouvement de révolte, mais ou tout est soumis à l’esprit. Il n’y a qu’une seule récompense, c’est le royaume des cieux qui reçoit diverses dénominations. Il est expressément nommé et avec raison dans la première béatitude qui est le commencement de la sagesse parfaite, comme s’il était dit: « Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur. » A ceux qui sont doux est promis l’héritage, comme a des enfants dont la piété filiale cherche le testament de leur père; à ceux qui pleurent la consolation, parce qu’ils savent ce qu’ils ont perdu, et dans quels maux ils sont plongés; à ceux qui ont faim la satiété, comme aliment réparateur, après les fatigues endurées pour le salut; à ceux qui sont miséricordieux, la miséricorde parce qu’ils se sont ménagé sagement le bénéfice de l’indulgence dont ils ont fait preuve à l’égard des autres; à ceux qui sont purs la faculté de voir Dieu, car, eux seuls ont un œil capable de voir et de comprendre les choses éternelles; à ceux qui sont pacifiques, la ressemblance avec Dieu. Or toutes ces promesses peuvent s’accomplir en cette vie comme nous croyons qu’elles se sont réalisées dans les apôtres; car aucune parole ne saurait exprimer l’objet des promesses éternelles. |
Lectio 9 [85383] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 9 Rabanus. Superiores sententias
generaliter dirigebat; iam incipit loqui praesentes compellans, praedicens
eis persecutiones quas pro nomine eius passuri erant, dicens beati estis cum
maledixerint vobis homines et persecuti vos fuerint et dixerint omne malum
adversum vos. Augustinus de Serm. Dom. Quaeri autem potest
quid intersit quod ait cum vobis maledicent et dicent omne malum, cum
maledicere hoc sit malum dicere. Sed aliter est maledictum iactatum cum
contumelia coram illo qui maledicitur, aliter cum absentis fama laeditur.
Persequi autem est vim inferre, vel insidiis appetere. Chrysostomus super Matth. Si autem verum est,
quoniam qui calicem aquae porrexerit, merces eius non perit, consequenter qui
vel unius levissimi verbi iniuriam fuerit passus, vacuus non erit a mercede.
Ut autem blasphematus sit beatus, duo convenire debent: ut et mendaciter
blasphemetur, et propter Deum; alioquin si unum defuerit, non est
beatitudinis merces. Et ideo dicit mentientes propter me. Augustinus de Serm. Dom. Quod propter illos
dictum puto qui volunt de persecutionibus et de fama suae turpitudinis
gloriari, et ideo dicere ad se pertinere Christum, quod multa de illis
dicuntur mala, cum et vera dicantur, quando et de errore illorum dicuntur; et
si aliquando falsa iactantur, non tamen propter Christum ista patiuntur. Gregorius super Ezech. Quid autem poterit
obesse si homines vobis derogent, et sola vos conscientia defendat? Sed tamen
linguas detrahentium sicut nostro studio non debemus excitare ne ipsi
pereant, ita per suam malitiam excitatam debemus aequanimiter tolerare, ut
nobis meritum crescat; unde et hic dicitur gaudete et exultate, quoniam
merces vestra copiosa est in caelis. Glossa. Gaudete mente quidem, et exultate
corpore, quia merces vestra non tantum magna est, sicut aliorum, sed copiosa
est in caelis. Augustinus de Serm. Dom. Non hic caelos puto
dici superiores partes huius visibilis mundi: non enim merces vestra in rebus
visibilibus collocanda est; sed in caelis, dictum puto in spiritalibus
firmamentis, ubi habitat sempiterna iustitia. Sentiunt ergo istam mercedem
qui gaudent spiritualibus, sed ex omni parte perficietur cum mortale hoc
induerit immortalitatem. Hieronymus. Gaudere et exultare debemus, ut
merces nobis in caelestibus praeparetur. Hoc qui vanam sectatur gloriam,
implere non potest. Chrysostomus super Matth. Quia quantum aliquid
laetatur de laude hominum, tantum de vituperatione tristatur. Qui vero
gloriam concupiscis in caelo, opprobria non times in terris. Gregorius super Ezech. Aliquando tamen
detractores debemus compescere, ne dum de nobis mala disseminant, eorum qui
audire a nobis bona poterant, corda innocentia corrumpant. Glossa. Non solum autem praemio, sed etiam
exemplo eos ad patientiam provocat, cum subdit sic enim persecuti sunt
prophetas qui fuerunt ante vos. Remigius. Magnam enim consolationem accipit
homo in tribulatione positus, dum recordatur passiones aliorum a quibus
exemplum patientiae accipit; ac si diceret: mementote quia illius vos estis
apostoli cuius illi fuerunt prophetae. Chrysostomus in Matth. Simul etiam insinuat coaequalitatem
sui honoris ad patrem, ac si dicat: sicut illi propter patrem, ita et vos
propter me patiemini. Cum etiam dixit prophetas qui fuerunt ante vos,
monstrat et ipsos prophetas iam factos. Augustinus de Serm. Dom. Persecutionem autem
hic generaliter posuit et in maledictis et in laceratione famae. |
Versets 11-12.
— Raban : Les
maximes précédentes avaient une application générale, Jésus-Christ s’adresse
ici personnellement à ceux qui l’écoutent, et il leur prédit les persécutions
qu’ils auraient à supporter pour son nom. « Vous
serez heureux », leur dit-il, « lorsque
les hommes vous maudiront et vous persécuteront et diront toute espèce de mal
contre vous. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., liv. 1, chap. 3 ou 9.)
On peut demander quelle différence existe entre maudire et dire toute espèce
de mal, parce que maudire c’est justement dire du mal; nous répondrons qu’il
y a une différence entre proférer une malédiction et outrager quelqu’un en
face, et déchirer sa réputation en son absence. Quant au mot persécuter, il
signifie user de violence contre quelqu’un, ou lui tendre des embûches. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) S’il est vrai que celui qui
donne à son frère un verre d’eau ne perd pas sa récompense, pour la même
raison celui qui aura supporté la plus légère parole outrageante, ne peut
manquer d’être récompensé. Mais pour que celui qui est blasphémé soit heureux,
il faut deux choses, que les injures soient fausses, et qu’il les souffre
pour la cause de Dieu; si l’une des deux conditions manque, il ne peut
espérer la récompense de cette béatitude, aussi le Seigneur ajoute-t-il: « mentant à cause de moi. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Je présume que ces mots
ont été ajoutés pour ceux qui veulent se glorifier des persécutions qu’ils
souffrent et du déshonneur qui s’attache justement à leur réputation, et qui
prétendent faire partie des disciples de Jésus-Christ, parce qu’ils sont en
butte à mille discours injurieux. Mais [c’est a tort], car ces discours ne
sont que l’expression de la vérité quand ils ont pour objet leurs erreurs, et
si parfois on les accuse à faux, ce n’est nullement pour Jésus-Christ qu’ils
le souffrent. —
Saint Grégoire le Grand : (sur Ezéchiel.) Qui pourra donc vous nuire,
si les hommes vous discréditent, et que vous n’ayez pour vous défendre que le
témoignage de votre conscience ? Cependant nous ne devons pas, de
dessein prémédité, exciter contre nous la langue de ceux qui veulent entamer
notre réputation, pour ne pas les pousser eux-mêmes à leur perte; une fois
que leur méchanceté les arme contre nous, il faut le supporter patiemment
pour augmenter notre mérite, et c’est ce que le Seigneur nous recommande en
ajoutant: « Réjouissez-vous et
tressaillez de joie, parce que votre récompense est abondante dans les
cieux. » — La Glose : Que votre âme se
réjouisse, que votre corps lui-même tressaille d’allégresse, parce que votre
récompense non seulement est grande comme celle des autres, mais parce
qu’elle est abondante dans les cieux. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Je ne pense pas que les
cieux désignent ici les parties supérieures de ce monde visible, car ce n’est
pas dans les choses extérieures que nous devons placer notre récompense; par
les cieux il faut donc entendre ici le firmament spirituel qu’habite
l’éternelle justice. On peut déjà pressentir cette récompense quand on place
sa joie dans les biens spirituels, mais cette jouissance ne sera parfaite,
que lorsque ce corps mortel aura revêtu l’immortalité. (1 Co 15, 54) — Saint Jérôme : Si
nous voulons que notre récompense se prépare dans les cieux, nous devons donc
nous réjouir et tressaillir d’allégresse, ce que ne pourra jamais faire celui
qui est esclave de la vaine gloire. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
En effet, autant on met sa joie dans les louanges des hommes, autant on
s’attriste de leurs mépris; mais celui qui ne désire que la gloire des cieux,
ne craint nullement les opprobres de la terre. —
Saint Grégoire le Grand : (sur Ezéchiel.) Nous devons cependant mettre
un frein quelquefois aux langues des calomniateurs, de peur qu’en répandant
leurs méchancetés contre nous, ils ne viennent à corrompre les âmes
innocentes que nous aurions pu porter au bien par nos discours. — La Glose : Ce n’est pas
seulement par la perspective de la récompense, mais par la puissance de
l’exemple qu’il les invite à la patience. « C’est
ainsi, ajoute-t-il, qu’ils ont
persécuté les prophètes qui étaient avant vous. » —
Saint Rémi : C’est une grande consolation en effet
pour celui qui se trouve dans la tribulation, de se rappeler les souffrances
de ceux qu’on lui donne comme un exemple de patience, c’est comme si le Seigneur
disait: « Souvenez-vous que vous êtes les apôtres de celui dont ils
furent les prophètes. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15.) Il déclare aussi par ces paroles
qu’il est égal en honneur à son Père, car il semble dire: « De même
qu’ils ont souffert pour mon Père, ainsi vous souffrirez pour moi. » En
leur disant: « les prophètes qui
furent avant vous », il leur apprend qu’ils sont devenus prophètes
eux-mêmes. — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) La persécution est prise ici dans un sens général, et signifie tous les discours outrageants, et toutes les atteintes à la réputation. |
Lectio 10 [85384] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 10 Chrysostomus in Matth. Quoniam sublimia
praecepta apostolis dederat et multo quam in lege veteri maiora, ne
turbarentur, ac dicerent: quonam modo haec implere poterimus? Eos laudum
admixtione permulcet, dicens vos estis sal terrae, per quod ostendit quam
necessario ista praecipiat. Non enim pro vestra, inquit, salute tantummodo,
aut pro una solum gente, sed pro universo prorsus orbe haec vobis doctrina
committitur. Proinde non oportet vos adulari atque palpare,
sed e contrario salis instar mordicare. Quod si homines mordendo ac
perstringendo, male audieritis, gaudete: hoc enim salis est opus, laxa
quaeque mordicare atque restringere. Sic itaque aliorum maledictio nihil
vobis afferet incommodi; sed vestrae potius firmitatis testimonium est. Hilarius in Matth. Est autem hic proprietas
quaerenda dictorum, quam et apostolorum officium et ipsius salis natura
monstrabit. Hoc igitur in omnem usum humani generis effectum incorruptionem
corporibus, quibus fuerit aspersum, impertit, et ad omnem sensum conditi
saporis aptissimum est. Apostoli autem sunt rerum caelestium praedicatores et
aeternitatis velut salitores, merito sal terrae nuncupati, quia per virtutem
doctrinae quasi salientes, aeternitati corpora servant. Remigius. Sal etiam, per aquam et ardorem
solis et flatum venti in naturam alteram commutatur; sic et apostolici viri
per aquam Baptismi et ardorem dilectionis et flatum spiritus sancti in
spiritalem regenerationem commutati sunt. Sapientia etiam caelestis, per
apostolos praedicata, exsiccat humores carnalium operum, aufert foetorem et
putredinem malae conversationis et vermem libidinosae cogitationis et illum
de quo dicit propheta: vermis eorum non moritur. Remigius. Sunt apostoli sal terrae, idest
hominum terrenorum, qui amando terram, terra vocantur. Hieronymus. Vel apostoli sal terrae
appellantur, quia per illos universum hominum conditur genus. Chrysostomus super Matth. Doctor enim cum
fuerit omnibus praedictis virtutibus ornatus, tunc est quasi optimum sal, et
totus populus de illo conditur videndo eum et audiendo. Remigius. Et sciendum, quia nullum sacrificium
offerebatur Deo in veteri testamento nisi prius condiretur sale: quia nullus
potest laudabile sacrificium Deo offerre absque sapore caelestis sapientiae.
Hilarius. Verum quia conversioni homo subiacet,
ideo apostolos sal terrae nuncupatos monet in traditae sibi potestatis
virtute persistere, cum subdit quod si sal evanuerit, in quo salietur? Hieronymus. Idest si doctor erraverit, a quo
alio doctore emendabitur? Augustinus de Serm. Dom. Et si vos, per quos
condiendi sunt populi, metu persecutionum temporalium, amiseritis regna
caelorum, qui erunt homines per quos a vobis error auferatur? Alia littera
habet si sal infatuatum fuerit, ostendens fatuos esse iudicandos qui
temporalium bonorum vel copiam sectantes vel inopiam metuentes amittunt
aeterna, quae nec dari possunt ab hominibus nec auferri. Hilarius (ut supra). Si autem doctores
infatuati nil saliant, et ipsi sensu accepti saporis amisso vivificare non
possunt corrupta, redduntur inutiles; unde sequitur ad nihilum valet ultra,
nisi ut mittatur foras et conculcetur ab hominibus. Hieronymus. Exemplum de agricultura sumptum
est. Sal enim ut in condimentum ciborum et ad siccandas carnes necessarium
est, ita alium usum non habet. Certe legimus in Scripturis urbes quasdam ira
victorum sale seminatas, ut germen nullum in ipsis oriretur. Glossa. Postquam ergo illi qui capita sunt
aliorum, defecerint, nulli usui apti sunt, nisi ad hoc ut mittantur foras ab
officio docendi. Hilarius (ut supra). Vel etiam de Ecclesiae
promptuariis proiecti, pedibus incedentium conterantur. Augustinus de Serm. Dom. Non autem calcatur ab
hominibus qui patitur persecutionem, sed qui persecutionem timendo
infatuatur. Calcari enim non potest nisi inferior; inferior autem non est qui
quamvis corpore multa in terra sustineat, corde tamen in caelo fixus est. |
Verset 13.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 15.) Après avoir donné à ses disciples d’aussi sublimes préceptes, beaucoup
plus importants que ceux de l’ancienne Loi, pour éviter qu’ils ne se
troublent et ne l’interrogent : comment pourrons-nous les observer ?
le Seigneur les attire par ses louanges et en leur disant: « Vous êtes le sel de la
terre. » Par là il leur apprend que c’est une nécessité pour eux de
garder ces préceptes, car ce n’est pas, leur dit-il, pour vous, ce n’est pas
pour une seule nation, c’est pour le monde entier que je vous envoie. C’est
pourquoi il ne convient pas de flatter les gens et de les aduler, mais au
contraire de les piquer, tout comme le sel. Si donc en les touchant au vif,
vous en recevez des injures, réjouissez-vous, car c’est une des propriétés du
sel de mordre et de piquer tout ce qui est d’une nature tendre ; la
malédiction des hommes ne peut vous nuire en rien, elle atteste au contraire
la fermeté qui est en vous. — Saint Hilaire : (can.
4.) Il
nous faut ici chercher le sens propre des mots, et nous le trouverons dans la
mission des apôtres, et dans la nature du sel. Le sel qui est d’un usage
universel chez tous les peuples, communique l’incorruptibilité à tous les
corps sur lesquels on le répand, et il est très propre à faire ressortir dans
toutes choses leur saveur cachée. Or les apôtres sont les prédicateurs des
choses célestes, et ils répandent sur toutes choses le sel de l’éternité.
C’est à juste titre qu’ils sont appelés le sel de la terre, parce que la
vertu de leur doctrine, comme un sel divin, conserve les corps pour
l’éternité. —
Saint Rémi : Le contact de l’eau, la chaleur du
soleil, le souffle du vent, donnent au sel une autre nature; ainsi les hommes
apostoliques ont reçu une régénération toute spirituelle et ont été changés
en d’autres hommes par l’eau du baptême, par le souffle de l’Esprit saint et
par le feu de la charité. On peut dire encore que la sagesse céleste prêchée
par les Apôtres, absorbe les humeurs des œuvres charnelles, fait disparaître
l’odeur infecte et la corruption d’une mauvaise vie et le ver des pensées
impures dont le prophète a dit: « Leur
ver ne meurt pas. » (Is 66,
24) —
Saint Rémi : Les Apôtres sont le sel de la terre,
c’est-à-dire des hommes terrestres qui sont appelés terre, parce que toute
leur affection est pour la terre. —
Saint Jérôme : Ou bien encore les Apôtres sont
appelés le sel de la terre, parce que c’est par eux que le genre humain est
conservé. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.,
homél. 10 de l’ouv. incompl.) Dès qu’un docteur est orné de toutes
les vertus dont nous avons parlé, il est comme un sel excellent, et son
exemple comme sa parole sont pour tout le peuple un céleste assaisonnement. —
Saint Rémi : Sous l’ancienne loi, on ne pouvait
offrir aucun sacrifice à Dieu sans l’avoir assaisonné de sel, ce qui
signifiait que personne ne peut offrit un sacrifice agréable à Dieu sans
avoir en lui la saveur de la sagesse divine. — Saint
Hilaire : Cependant comme l’homme est sujet au
changement, après avoir appelé les Apôtres le sel de la terre, il leur
apprend qu’ils doivent conserver la vertu de la puissance qui leur a été
confiée, en ajoutant: « Si le sel
perd sa force, avec quoi pourra-t-on le saler ? » —
Saint Jérôme : C’est-à-dire si un docteur tombe dans
l’erreur, par quel autre docteur pourra-t-il être repris ? —
Saint Augustin : (serm. sur la mont) Et si vous, qui devez
être comme l’assaisonnement des peuples, vous perdez le royaume des cieux par
crainte des persécutions temporelles, quels seront les hommes qui pourront
vous guérir de vos erreurs ? Une autre version porte: « Si le sel est devenu insipide »,
et elle signifie qu’il faut regarder comme des insensés ceux qui par la
recherche trop vive des biens temporels, ou par la crainte d’en être
dépouillés, perdent les biens éternels que les hommes ne peuvent ni donner ni
enlever. — Saint Hilaire : (can.
4.) Or
si les docteurs devenus insensés ne salent plus rien, et si ne possédant plus
le sens du goût qu’ils avaient reçu, ils ne peuvent rendre la vie à ce qui
est corrompu, ils deviennent inutiles comme l’ajoute le Seigneur: « Il ne vaut plus rien qu’à être jeté
dehors et foulé aux pieds par les hommes. » —
Saint Jérôme : Cet exemple est emprunté à
l’agriculture. Le sel ne sert qu’à dessécher les viandes et à assaisonner les
aliments ; il n’a pas d’autre usage. Aussi nous voyons dans l’Écriture
le sel semé par la colère des vainqueurs sur des villes détruites, afin
qu’aucune semence ne pût y fructifier. — La Glose : Lorsque ceux qui
sont placés à la tête des autres viennent à faillir, ils ne sont bons qu’à
être jetés dehors et privés du pouvoir d’enseigner. —
Saint Hilaire : (can. 4.) Il ne suffit pas même qu’ils
soient chassés de l’office de l’Église, il faut qu’ils soient foulés aux
pieds des passants. — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ce n’est pas celui qui souffre persécution qui est foulé aux pieds par les hommes, mais celui à qui la crainte de la persécution fait perdre le sens. On ne peut être foulé aux pieds que lorsqu’on est placé au-dessous. Or on n’est jamais au-dessous de personne, bien que le corps soit en butte sur la terre à de mauvais traitements, lorsque par le cœur on habite dans le ciel. |
Lectio 11 [85385] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 11 Chrysostomus super Matth. Sicut
doctores propter bonam conversationem sunt sal quo populus conditur, ita
propter verbum doctrinae sunt lux qua ignorantes illuminantur. Prius autem
est bene vivere quam bene docere; et ideo postquam apostolos dixerat sal,
consequenter vocat eos lucem, dicens vos estis lux mundi. Vel quia sal in eo statu tenet rem ne ad deterius mutetur, lux ad
melius perducit illustrando. Propter quod apostoli
dicti sunt prius sal propter Iudaeos et propter populum Christianum, a quibus
Deus cognoscitur, quos servant in Dei scientia; lux autem propter gentes quas
ad scientiae lumen perducunt. Augustinus de Serm. Dom. Oportet autem hic
mundum non caelum et terram, sed homines qui sunt in mundo, intelligi, vel
qui diligunt mundum, quibus illuminandis apostoli missi sunt. Hilarius in Matth. Natura enim luminis est ut
lucem, quocumque circumferatur, emittat, illatumque aedibus tenebras
interimat, luce dominante. Igitur mundus extra cognitionem Dei positus,
obscuris tenebatur ignorantiae tenebris, cui per apostolos scientiae lumen
invehitur, et cognitio Dei claret, et de parvis eorum corpusculis, quocumque
incesserint, lux tenebris ministratur. Remigius. Sicut autem sol dirigit radios suos,
ita et dominus, qui est sol iustitiae, direxit apostolos suos ad effugandas
humani generis tenebras. Chrysostomus in Matth. Intellige autem quam
magna eis promittit, ut qui in regione propria cogniti non erant, ad fines
orbis terrarum eorum veniret fama. Nec persecutiones quas praedixerat, eos
potuerunt occultare, sed propter hoc magis praeclari redduntur. Hieronymus. Ne autem apostoli abscondantur ob
metum, sed tota libertate se prodant, docet eos fiduciam praedicandi, cum
consequenter dicit non potest civitas abscondi supra montem posita. Chrysostomus in Matth. Per hoc etiam eos docet
esse sollicitos de propria vita, quasi in oculis omnium positos, sicut
civitas quae est supra montem posita, vel lucerna supra candelabrum lucens.
Chrysostomus super Matth. Haec autem civitas
Ecclesia sanctorum est, de qua dicitur: gloriosa dicta sunt de te, civitas
Dei. Cives eius sunt omnes fideles, de quibus apostolus: vos estis cives
sanctorum. Haec ergo civitas posita est supra montem Christum, de quo Daniel:
lapis abscissus sine manibus factus est mons magnus. Augustinus de Serm. Dom. Vel posita est supra
montem, idest supra magnam iustitiam, quam significat mons, in quo disputat
dominus. Chrysostomus super Matth. Non potest ergo
civitas abscondi posita supra montem, etiam si ipsa voluerit: mons enim qui
eam portat, facit eam omnibus manifestam; sic et apostoli et sacerdotes, qui
fundati sunt in Christo, non possunt esse absconditi etiam si voluerint, quia
Christus eos manifestat. Hilarius in Matth. Vel civitatem, carnem quam
assumpserat nuncupat, quia in eo per naturam suscepti corporis, quaedam
humani generis congregatio continetur, et nos per consortium carnis suae
sumus habitatio civitatis. Abscondi ergo non potest, quia in altitudine
positus celsitudinis Dei, admiratione operum suorum offertur omnibus
contemplandus. Chrysostomus super Matth. Quare autem sanctos
suos Christus manifestet et non sinat eos esse absconditos, per alteram
comparationem ostendit, cum subditur neque accendunt lucernam et ponunt eam
sub modio, sed supra candelabrum. Chrysostomus in Matth. Vel per hoc quod dixit
non potest civitas abscondi, demonstravit suam virtutem; in hoc autem quod
subdit neque accendunt lucernam, eos inducit ad liberam praedicationem, ac si
diceret: ego quidem lucernam accendi; ut vero perseveret ardens, vestri erit
studii, non solum propter vos, sed propter alios qui illuminabuntur, sed et
propter gloriam Dei. Chrysostomus super Matth. Lucerna est verbum
divinum, de quo dictum est: lucerna pedibus meis verbum tuum. Accendentes
lucernam sunt pater et filius et spiritus sanctus. Augustinus de Serm. Dom. Quid autem putamus
dictum esse et ponunt eam sub modio? Ut occultatio tantum lucernae accipienda
sit (tanquam si diceret: nemo accendit lucernam et occultat eam), an aliquid
etiam modius significat, ut hoc sit ponere lucernam sub modio, superiora
facere corporis commoda quam praedicationem veritatis? Sub modio ergo
lucernam ponit quisquis lucem doctrinae bonae commodis temporalibus obscurat
et tegit. Et bene modius dicitur res corporalis, sive propter retributionem
mensurae, quia ea quisquis recipit quae gessit in corpore, sive quia
temporalia bona, quae corpore peraguntur, circa dierum mensuram, quam
significat modius, inchoantur, et transeunt; aeterna vero et spiritualia nullo
tali fine coercentur. Super candelabrum autem lucernam ponit qui corpus suum
ministerio verbi subiicit, ut superior sit praedicatio veritatis et inferior
servitus corporis: per ipsam enim corporis servitutem excelsior lucet
doctrina, dum per vocem et ceteros corporis motus in bonis operibus
insinuatur discentibus. Chrysostomus super Matth. Vel modii sunt
homines mundiales: quoniam sicut modii desuper quidem vacui sunt, subtus
autem pleni, sic omnes mundi amatores in rebus spiritualibus insensati sunt,
in terrenis autem sapientes; et ideo quasi modius verbum Dei tenet
absconditum, quando propter aliquam causam terrenam verbum Dei non est ausus
palam proloqui, nec fidei veritatem. Candelabrum est Ecclesia, quae baiulat
verbum vitae, et omnis ecclesiasticus vir. Hilarius. Vel synagogam dominus modio
comparavit, quae susceptos fructus intra se tantum receptans, certum modium
dimensae observantiae continebat. Ambrosius super Lucam. Et ideo nemo
fidem suam intra mensuram legis includat, sed ad Ecclesiam conferat, in qua
septiformis spiritus relucet gratia. Beda. Vel ipse Christus accendit
lucernam, qui testam humanae naturae flamma suae divinitatis implevit, quam
nec credentibus abscondere, nec modio supponere, hoc est sub mensura legis
includere, vel intra unius gentis terminos noluit cohibere. Candelabrum
Ecclesiam dicit, cui lucernam superposuit, quia nostris in frontibus fidem
suae incarnationis affixit. Hilarius in Matth. Vel lucerna Christi
ponitur in candelabro, idest in ligno per passionem suspensa, quae lumen
aeternum est in Ecclesia habitantibus praebitura; et ideo dicit ut luceat
omnibus qui in domo sunt. Augustinus de Serm. Dom. Si quis enim domum
vult accipere Ecclesiam, non est absurdum. Vel domus est ipse mundus, propter
id quod superius ait vos estis lux mundi. Hilarius (ut supra). Tali etiam lumine monet
fulgere apostolos, ut ex admiratione operis eorum Deo laus impartiatur; unde
sequitur sic luceat lux vestra coram hominibus, ut videant opera vestra bona.
Chrysostomus super Matth. Idest sic illuminate
docentes ut non vestra tantum audiant verba, sed et opera videant; et quos
illuminaveritis per verbum quasi lux, condiatis per exemplum quasi sal. Per
illos autem doctores qui docent et faciunt magnificatur Deus, nam disciplina
domini ex moribus familiae demonstratur; et ideo sequitur et glorificent
patrem vestrum qui in caelis est. Augustinus de Serm. Dom. Si tantummodo diceret
ut videant opera vestra bona, finem constituisse videretur in laudibus
hominum, quas quaerunt hypocritae; sed addidit et glorificent patrem vestrum
qui in caelis est, ut hoc ipsum quod homo per bona opera placet hominibus,
non ibi finem constituat, sed referat ad laudem Dei, et propterea placeat
hominibus ut in illo glorificetur Deus. Hilarius. Non quod ab hominibus oporteat
gloriam quaerere, sed ut dissimulantibus nobis, opus nostrum his inter quos
vivimus, in honorem Dei eluceat. |
Versets 14-15.
— Saint Jean Chrysostome : (Sur S. Matth.) De même que les prédicateurs sont par leur bonne conduite le sel qui
assaisonne les peuples, de même ils sont par leur doctrine la lumière qui
éclaire les ignorants. Or il faut d’abord bien vivre, avant de bien
enseigner. C’est pour cela qu’il appelle ses Apôtres le sel de la terre avant
de leur dire: « Vous êtes la
lumière du monde. » C’est peut-être aussi parce que le sel ne fait
que conserver les choses dans l’état où elles sont, et les préserve ainsi de
toute altération, tandis que la lumière les rend meilleures en répandant sur
elles la clarté. Les Apôtres sont donc appelés d’abord le sel de la terre à
cause du peuple juif et de l’Église chrétienne qui ont la connaissance de
Dieu, car ils les maintiennent dans la science de Dieu ; tandis qu’ils
sont appelés la lumière du monde à cause des Gentils qu’ils amènent à la
lumière de la science. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Par le monde, il faut
entendre ici non pas le ciel et la terre, mais les hommes qui habitent le
monde, ou ceux qui aiment le monde, et vers lesquels les Apôtres ont été
envoyés pour les éclairer. —
Saint Hilaire : (can. 4.) La nature de la lumière c’est
d’émettre sa clarté partout où elle est portée, et de forcer les ténèbres à
disparaître de nos demeures sous l’influence d’un jour bienfaisant. Or le
monde placé en dehors de la connaissance de Dieu était enveloppé dans les
ténèbres de l’ignorance, et c’est par les Apôtres qu’il a été inondé de la
clarté de la science, que la connaissance de Dieu lui est devenue plus
certaine, et ils ont répandu à flots la lumière partout où ils se sont portés. —
Saint Rémi : Semblable au soleil qui lance ses
rayons de toutes parts, le Seigneur, vrai soleil de justice, a dirigé ses
Apôtres contre les ténèbres qui couvraient le genre humain tout entier. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 15.) Comprenez la grandeur des
promesses qu’il leur fait : ils étaient inconnus dans leur propre pays,
leur renommée s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre, et les persécutions
qu’il leur avait prédites, loin de les tenir cachés n’ont fait que les rendre
plus illustres. —
Saint Jérôme : Les Apôtres auraient pu se dérober
par la crainte [aux persécutions qui les menaçaient], Jésus-Christ veut
qu’ils se produisent en toute liberté, et il leur apprend avec quelle
assurance ils doivent prêcher l’Évangile: « Une
ville placée sur une montagne ne peut être cachée. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15.) Il leur enseigne encore à veiller
avec soin sur leur propre conduite, parce qu’ils sont exposés à la vue du
monde entier, comme une ville bâtie sur une montagne, ou comme une lumière
placée sur le chandelier. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Cette cité, c’est l’Église
des saints dont il est écrit: « Cité
de Dieu, des merveilles ont été dites de toi. » Les citoyens de
cette ville sont tous les fidèles dont l’Apôtre a dit: « Vous êtes les concitoyens des saints. » Cette cité a
été bâtie sur la montagne qui est le Christ et dont le prophète Daniel avait
dit (Dn 2, 34): « Une pierre
détachée de la montagne sans la main d’aucun homme est devenue une grande
montagne. » — Saint
Augustin : Ou bien elle est située sur une montagne,
parce qu’elle est assise sur une justice éminente, figurée par la montagne du
haut de laquelle le Seigneur fait entendre sa parole. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Une ville placée sur le sommet
d’une montagne ne peut se dérober aux regards, même si elle le voulait, car
la montagne qui la porte, la dévoile à tous les yeux. Ainsi les Apôtres et
les prêtres qui sont fondés sur Jésus-Christ, ne peuvent rester cachés, quand
bien même ils le voudraient, parce que Jésus-Christ les découvre à tous les
regards. —
Saint Hilaire : (can. 4.) Cette cité peut encore signifier
la chair dont le Seigneur s’est revêtu, car en s’unissant ainsi à notre
nature, il renferme en lui la totalité du genre humain, et nous-mêmes par la
participation de sa chair nous devenons les habitants de cette ville. Or
Jésus-Christ ne peut demeurer caché, placé qu’il est sur les hauteurs
incommensurables de la divinité, et offert à l’admiration du genre humain par
les œuvres merveilleuses qu’il opère. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le Seigneur explique par une
autre comparaison pourquoi ses disciples ne doivent point rester cachés dans
l’obscurité, mais se produire au grand jour: « On n’allume pas une lampe pour la placer sous le boisseau,
mais on la met sur le chandelier. » —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 15.) On peut dire encore que par la
comparaison de la ville qui ne peut être cachée, le Seigneur montre quelle
sera sa vertu, et que par celle de la lampe allumée, il forme ses disciples à
la liberté de l’apostolat: « C’est moi qui ai allumé le flambeau, »
semble-t-il leur dire, « ce sera votre œuvre de veiller à ce qu’il ne
cesse jamais de briller, non seulement pour vous, mais pour les autres que
vous devrez éclairer, et encore pour la gloire de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Cette lampe, c’est la parole de Dieu dont il est dit: « Votre parole est une lampe pour mes
pieds. » Ceux qui allument cette lampe, sont le Père, le Fils et le
Saint-Esprit. — Saint
Augustin : (serm.
sur la mont., chap. 5 ou 12.) Mais que veulent dire
ces paroles: « On ne la place pas
sous le boisseau ? » Signifient-elles seulement qu’il ne faut
point cacher cette lampe, comme s’il disait : ou n’allume pas une lampe
pour la cacher ? Ou bien le mot boisseau a-t-il une signification
particulière ? Placer la lampe sous le boisseau ne serait-ce pas
préférer les avantages temporels à la
prédication de la vérité ? On place donc la lampe sous le boisseau,
toutes les fois qu’on obscurcit et qu’on couvre la lumière d’une saine
doctrine sous les nuages des biens temporels. Le boisseau est une figure très
juste de ces biens du corps, soit à cause de la récompense qui sera donnée
avec mesure, puisque chacun recevra ce qu’il aura mérité pendant qu’il était
revêtu de son corps (2 Co 5, 10), soit parce que ces biens qui ont le corps
pour objet, ont aussi le temps pour mesure de leur existence passagère
figurée par le boisseau, tandis que les choses spirituelles et éternelles ne
sont pas renfermées dans ces étroites limites. Or on place la lumière sur le
chandelier, quand on assujettit son corps au ministère de la parole, de
manière que la prédication de la vérité occupe le premier rang, et les soins
du corps la dernière place. Car cet assujettissement du corps donne à la
doctrine un nouvel éclat qui la fait pénétrer dans l’âme des disciples, à
l’aide du concours que les bonnes œuvres du corps viennent donner à la voix. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Disons encore que le
boisseau représente les hommes du monde, car de même que le boisseau est vide
par le haut, et plein par le bas, ainsi les hommes qui aiment monde sont
insensés à l’égard des biens spirituels, et n’ont de sagesse que pour les
choses de la terre. Ainsi le boisseau tient la parole de Dieu cachée lorsque
pour quelque motif tout humain, ils n’osent prêcher ouvertement ni la parole
de Dieu ni la vérité de la foi. Le chandelier, c’est l’Église qui porte la
parole de vie, et c’est aussi chacun de ses ministres. — Saint Hilaire : (Can.
4.) Ou bien c’est la synagogue que le Seigneur
compare au boisseau, parce que, gardant sans les distribuer les fruits
qu’elle a reçus, elle ne contenait d’ailleurs qu’une certaine mesure de
perfection. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc, liv. 4.) Que personne donc ne
renferme sa foi dans les bornes étroites de la loi [mosaïque], mais qu’il en
fasse part à l’Église où brille la grâce de l’Esprit qui possède les sept
dons. — Saint Bède : Ou bien
c’est le Christ lui-même qui allume le flambeau lorsqu’il a rempli de la
flamme de sa divinité la lampe de terre de notre nature, lampe qu’il n’a
voulu cacher à aucun de ceux qui croient en lui, ni placer sous le boisseau
(c’est-à-dire sous la mesure de la loi), ni resserrer dans les limites d’un
seul peuple. Le chandelier sur lequel il a placé la lumière c’est l’Église,
parce qu’il a marqué sur nos fronts la foi en son Incarnation. —
Saint Hilaire : (Can. 4.) Ou bien cette lampe du Christ
placée sur le chandelier, c’est cette lampe suspendue par sa Passion au bois
de la croix et qui doit répandre son éternelle clarté sur tous ceux qui font
partie de l’Église; c’est pour cela qu’il ajoute: « afin qu’elle brille aux yeux de tous ceux qui sont dans la
maison. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Rien ne s’oppose à ce
que, par cette maison, on entende l’Église; ou bien encore cette maison c’est
le monde lui-même, comme sembleraient l’indiquer ce que le Seigneur dit plus
haut : « Vous êtes la lumière du
monde. » —
Saint Hilaire : (Can. 4.) Le Seigneur avertit ses apôtres
qu’ils doivent briller d’une lumière si vive qu’en admirant leurs bonnes
œuvres les hommes en rendent gloire à Dieu: « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient
vos bonnes œuvres. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est-à-dire, répandez la
lumière de votre enseignement de manière que non seulement on entende vos
paroles, mais encore qu’on voie vos œuvres, et qu’ainsi vous assaisonniez,
par le sel de vos exemples ceux que vous aurez éclairés de la lumière de
votre parole. Dieu se trouve glorifié par ces docteurs qui joignent la
pratique à l’enseignement, car on reconnaît la sagesse du Maître aux mœurs de
ceux qui composent sa famille, et c’est pour cela que Jésus-Christ ajoute: « afin qu’ils glorifient votre Père
qui est dans les cieux. » —
Saint Augustin : S’il avait dit seulement: « afin qu’ils voient vos bonnes
œuvres », il aurait paru leur assigner pour fin les louanges des
hommes que recherchent les hypocrites; mais il ajoute: « afin qu’ils glorifient votre Père qui est dans les
cieux » ; il ne veut donc pas qu’en étant agréable aux hommes,
on place dans leur estime la fin de ses bonnes œuvres, mais qu’on les
rapporte à la gloire de Dieu, en un mot qu’on ne cherche à plaire aux hommes
qu’afin que Dieu en soit glorifié. — Saint Hilaire : (Can. 4.) Ce n’est pas qu’il nous faille rechercher la gloire qui vient des hommes [(car toutes nos actions doivent être faites pour la gloire de Dieu)], mais tout en nous cachant ce qui nous est personnel dans nos bonnes œuvres, il faut que nos œuvres brillent en l’honneur de Dieu, pour l’édification de ceux au milieu desquels nous vivons. |
Lectio 12 [85386] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 12 Glossa. Postquam hortatus est
audientes ut se praeparent ad omnia sustinenda pro iustitia, et non
absconderent quod accepturi erant, sed ea benevolentia discerent, ut ceteros
docerent, incipit eos informare qui doceant, tamquam si quaereretur: quid est
hoc quod non vis abscondi, pro quo iubes omnia tolerari? Numquid aliquid dicturus es extra ea quae in lege sunt scripta? Ideo
inquit nolite autem putare quoniam veni solvere legem aut prophetas. Chrysostomus super Matth. Quod propter
duas causas dicit: primum ut discipulos his verbis ad suum provocaret
exemplum; ut sicut ipse omnem legem adimplebat, sic et illi studerent
implere. Denique futurum erat ut calumniarentur eum Iudaei, quasi legem
solventem; unde priusquam incurrat calumniam, calumniae satisfacit, ne
putaretur sic venisse ut simpliciter legem praedicaret, sicut prophetae
fecerant. Remigius. Duo dixit: negat venisse se solvere,
et affirmat venisse se implere: et ideo addit non enim veni legem solvere,
sed implere. Augustinus de Serm. Dom. In hac autem
sententia duplex est sensus: nam adimplere legem aut est addendo aliquid quod
minus habet, aut faciendo quod habet. Chrysostomus in Matth. Implevit
igitur Christus prophetas complendo omnia quae per eos de ipso fuerant dicta;
legem autem, primo quidem nihil transgrediendo legalium, secundo iustificando
per fidem quod lex per litteram facere non valebat. Augustinus contra Faustum. Demum etiam, quia
sub gratia positis in hac mortali vita difficile erat implere quod in lege
scriptum est: non concupisces, ille per carnis suae sacrificium sacerdos
effectus impetrat nobis indulgentiam; etiam hinc adimplens legem, ut quod per
nostram infirmitatem minus possumus, per illius perfectionem curetur, cuius
capitis membra effecti sumus. Puto
etiam sic esse accipiendum quod dicitur non veni legem solvere, sed
adimplere; his videlicet additamentis, quae vel ad expositionem pertinent
antiquarum sententiarum, vel ad conversationem in eis. Aperuit enim dominus,
etiam iniquum motum ad nocendum fratri, in homicidii genere deputari. Maluit
etiam nos dominus non iurantes non recedere a vero, quam verum iurantes
appropinquare periurio. Sed cur, o Manichaei, legem non accipitis
et prophetas, cum Christus eos se non venisse solvere dixerit, sed adimplere? Ad hoc respondet Faustus haereticus: quis hoc
testatur dixisse Iesum? Matthaeus. Quomodo ergo Ioannes non id testatur, qui
fuit in monte; Matthaeus hoc scripsit, qui postquam Iesus descendit de monte,
secutus est eum? Ad hoc Augustinus respondet: si nemo de
Christo vera dixit nisi qui vidit eum vel audivit, hodie de eo vera dicit
nullus. Cur ergo ex ore Ioannis non potuit vera Matthaeus audire de Christo,
si ex libro Ioannis possumus vera loqui de eo nos tanto tempore post nati?
Hinc enim non solum Matthaei, sed etiam Lucae ac Marci Evangelium, et non
impari auctoritate, receptum est. Huc accedit, quia et ipse dominus potuit
narrare Matthaeo quod egerat, antequam eum vocasset. Aperte autem dicite non
vos credere Evangelio; nam qui in Evangelio non nisi quod vultis creditis,
vobis potius quam Evangelio creditis. Item Faustus. Probemus et Matthaeum hoc non
scripsisse, sed alium, nescio quem, sub nomine eius. Quid enim dicit? Cum
transisset Iesus, vidit sedentem hominem ad telonium, Matthaeum nomine. Et
quis ergo scribens de seipso dicat: vidit hominem, et non vidit me? Ad quod Augustinus: ita Matthaeus de se, tamquam
de alio scripsit, sicut et Ioannes fecit dicens: conversus Petrus vidit alium
discipulum quem diligebat Iesus manifestum est enim hunc morem fuisse
scriptorum cum gesta narrarent. Item Faustus. Quid quod etiam ex ipso sermone
quo praecepit non putare quia venerit legem solvere, magis intelligi datur
quia solveret? Neque enim nihil tale eo faciente Iudaei suspicari hoc possent.
Ad quod Augustinus. Hoc quidem valde infirmum
est: non enim negamus Iudaeis non intelligentibus videri potuisse Christum destructorem
esse legis et prophetarum. Item Faustus. Quid quod etiam lex et prophetae
nec adimpletione gaudent, cum in Deuteronomio dicatur: haec praecepta quae
mando tibi observabis, nec addas quicquam eis nec minuas? Ad quod Augustinus: non intelligit Faustus
quid sit legem implere, cum hoc de verborum adiectione putat accipiendum.
Plenitudo enim legis caritas est, quam dominus dedit mittendo fidelibus
spiritum sanctum. Impletur ergo lex, vel cum fiunt quae ibi praecepta sunt,
vel cum exhibentur quae ibi prophetata sunt. Item Faustus. Quod novum testamentum
Iesum condidisse fatemur, quid aliud quam destructionem fatemur veteris
testamenti? Ad quod Augustinus: in veteri testamento
figurae erant futurorum, quas rebus per Christum praesentatis auferri
oportebat, ut eo ipso lex et prophetae implerentur, in quibus scriptum est
daturum Deum novum testamentum. Item Faustus. Hoc igitur si dixit Christus,
aut aliud significans dixit, aut (quod absit) mentiens dixit, aut omnino nec
dixit. Sed Iesum quidem mentitum fuisse nullus dicat; ac per hoc aliter
dictum est, aut nec omnino dictum est. Me quidem iam adversus capituli huius
necessitudinem Manichaea fides reddidit tutum, quae principio mihi non
cunctis quae ex salvatoris nomine leguntur scripta, passim credere persuasit.
Esse enim multa zizania, quae in contagium boni seminis Scripturis bene
omnibus noctivagus quidam seminator insparsit. Ad quod Augustinus: Manichaeus docuit impiam
perversitatem, ut ex Evangelio quod haeresim tuam non impedit hoc accipias,
quod autem impedit non accipias. Nos autem docuit apostolus piam provisionem: ut
quisquis nobis annuntiaverit praeter id quod accepimus, anathema sit. Dominus
autem exposuit quid sint zizania, non aliqua falsa veris Scripturis immissa,
sicut tu interpretaris, sed homines filios maligni. Item Faustus. Cum te Iudaeus interpellabit,
cur legis et prophetarum praecepta non serves, quae Christus dixit non se
venisse solvere, sed adimplere, cogeris aut vanae superstitioni succumbere,
aut capitulum profiteri falsum, aut te Christi negare discipulum. Ad quod Augustinus: nullas ex hoc capitulo
Catholici patiuntur angustias, quasi legis et prophetarum praecepta non
servent, quia caritatem Dei et proximi habent, in quibus praeceptis pendet
lex et prophetae. Et quaecumque ibi rebus gestis vel sacramentorum
celebrationibus vel locutionum modis figurate prophetata sunt, in Christo et
Ecclesia compleri cognoscunt. Unde nec vanae superstitioni succumbimus, nec
istud Evangelii capitulum falsum esse dicimus, nec Christi discipulos nos
negamus. Qui ergo dicit: si Christus legem et prophetas non solvisset, illa
sacramenta legis et prophetarum in Christianorum celebrationibus permanerent,
potest dicere: si Christus legem et prophetas non solvisset, adhuc promitteretur
nasciturus, passurus, resurrecturus; cum ideo magis hoc non solverit sed
adimpleverit, quia iam non promittitur nasciturus, passurus, resurrecturus,
quod illa sacramenta quodammodo personabant; sed annuntiatur quod natus sit,
passus sit, resurrexit, quod haec sacramenta, quae a Christianis aguntur, iam
personant. Patet ergo quanto errore delirent qui putant, signis
sacramentisque mutatis, etiam res ipsas esse diversas, quas ritus propheticus
pronuntiavit promissas, et evangelicus demonstrat impletas. Item Faustus. Quaerendum est si hoc Christus
dixit, cur dixerit: utrum nec compalpandi Iudaeorum furoris causa, qui sancta
sua ab eo conculcari videntes, nec audiendum quidem eum existimabant; aut ut
nos, qui ei credebamus ex gentibus, instrueret legis subire iugum. Si autem
haec non ei fuit causa dicendi, illa debet esse quam dixit; nec ipsum
mentitus est. Sunt enim tria genera legum: unum Hebraeorum, quod peccati ac
mortis Paulus appellat; aliud gentium, quod naturale vocat, dicens: gentes
naturaliter, quae legis sunt, faciunt; tertium est veritatis, de qua dixit:
lex spiritus vitae. Item prophetae: alii sunt Iudaeorum, de quibus notum est;
alii gentium, de quibus Paulus dicit: dixit quidam proprius eorum propheta;
alii veritatis, de quibus Iesus dicit: mitto ad vos sapientes et prophetas.
Et quidem si observationes Hebraicas adimpletionis gratia protulisset, dubium
non erat quin de Iudaeorum lege et prophetis dixisset; ubi vero sola recenset
antiquiora praecepta, idest non occides, non moechaberis, quae olim
promulgata fuerant per Henoch et Seth et ceteros iustos, cui non videatur hoc
eum dixisse de veritatis lege et prophetis? Ubi vero Iudaeorum quaedam visus
est nominasse, penitus eradicavit, praecipiendo contraria: ut est illud:
oculum pro oculo, dentem pro dente. Ad quod Augustinus: manifestum est quam legem
et quos prophetas Christus non venerit solvere, sed implere. Ipsa enim est
lex quae per Moysen data est. Non autem, sicut Faustus opinatur, quaedam
dominus adimplevit, quae ab antiquis iustis iam dicta erant ante legem Moysi,
sicut non occides, quaedam vero solvit, quae propria videbantur legis
Hebraeorum. Nos enim dicimus, et haec pro tempore bene fuisse tunc instituta,
et nunc a Christo non soluta, sed adimpleta, ut patebit per singula. Hoc
etiam non intelligebant qui in ea perversitate manserunt ut gentes cogerent
iudaizare, haeretici scilicet qui Nazaraei dicuntur. Chrysostomus super Matth. Quoniam vero omnia
quae ab initio mundi usque ad finem erant futura, mystice erant prophetata in
lege, ne videatur aliquid eorum quae fiunt non antea cognovisse, propterea
dicit: non potest fieri ut transeat caelum et terra, donec omnia quae in lege
prophetata sunt, rebus ipsis fuerint adimpleta; et hoc est quod dicit amen
quippe dico vobis, donec transeat caelum et terra, iota unum aut unus apex
non praeteribit a lege, donec omnia fiant. Remigius. Amen, Hebraeus sermo est, et Latine
dicitur vere, fideliter, sive fiat. Duabus autem de causis hoc sermone utitur
dominus: sive propter duritiam illorum qui tardi erant ad credendum, sive
propter credentes, ut profundius attenderent ea quae sequuntur. Hilarius in Matth. Per hoc autem quod ait
donec transeat caelum et terra, caelum quidem et terram maxima elementa non
arbitramur esse solvenda. Remigius. Permanebunt enim essentialiter, sed
transibunt per renovationem. Augustinus de Serm. Dom. Per hoc autem quod
ait iota unum, aut unus apex non transibit a lege, nihil potest aliud
intelligi nisi vehemens expressio perfectionis, quae per litteras singulas
demonstrata est; inter quas litteras iota minor est ceteris, quia uno ductu
fit; apex etiam est ipsius aliqua in summo particula. Quibus verbis ostendit
in lege ad effectum et minima quaeque perduci. Rabanus. Apte quoque Graecum iota, et non iod
Hebraeum posuit, quia iota in numero, decem significat, et Decalogum legis
enumerat, cuius quidem apex et perfectio est Evangelium. Chrysostomus super Matth. Si autem ingenuus
homo vel in vili mendacio inventus fuerit, erubescit, et vir sapiens verbum
quod dixit, non relinquit in vacuum, quomodo verba divina sine exitu vacua
poterant permanere? Unde concludit qui ergo solverit unum de mandatis istis
minimis et docuerit sic homines, minimus vocabitur in regno caelorum. Puto
autem quod ipse dominus manifeste hoc respondit, quae sunt minima mandata
monstrans, dicendo si quis solverit unum de mandatis istis minimis, id est
quae modo dicturus sum. Chrysostomus in Matth. Non enim pro
veteribus legibus hoc dixit, sed pro his quae ipse erat praecepturus; quae
quidem minima vocat, licet magna. Sicut enim multoties de
se humilia locutus est, ita et de suis praeceptis humiliter loquitur. Vel
aliter. Chrysostomus super Matth. Mandata Moysi in
actu facilia sunt: non occides, non adulterabis; ipsa enim criminis magnitudo
voluntatem faciendi repercutit; et ideo in remuneratione modica sunt, in
peccato autem magna. Mandata autem Christi, idest: non irascaris, non
concupiscas, in actu difficilia sunt; et ideo in remuneratione magna, in
peccato autem minima. Minima igitur dicit ista Christi mandata: non
irascaris, non concupiscas; ergo illi qui levia peccata committunt, minimi
sunt in regno Dei; idest qui iratus fuerit, et grande peccatum non fecerit, a
poena quidem securus est, scilicet damnationis aeternae; non tamen est in
gloria, scilicet quam consequuntur illi qui etiam haec minima implent. Augustinus de Serm. Dom. Vel e converso illa
quae praecepta sunt in lege, dicuntur minima; quae autem Christus dicturus
est, sunt maxima. Mandata autem minima significantur per unum iota et unum
apicem. Qui ergo solverit, et docuerit sic, idest secundum quod solvit,
minimus vocabitur in regno caelorum. Et fortasse ideo non erit, quia ibi nisi
magni esse non possunt. Glossa. Solvere autem est non agere quod recte
quis intelligit, vel non intelligere quae depravavit, aut minuere
integritatem superadditionis Christi. Chrysostomus in Matth. Vel cum audieris
minimum in regno caelorum, nihil suspicare quam supplicium et Gehennam.
Regnum enim consuevit dicere non solum regni utilitatem, sed tempus
resurrectionis, et adventum Christi terribilem. Gregorius in Evang. Vel per regnum
caelorum Ecclesia intelligenda est, in qua doctor qui solvit mandatum,
minimus vocatur, quia cuius vita despicitur, restat ut eius praedicatio
contemnatur. Hilarius in Matth. Vel minima dicit domini
passionem et crucem: quae si quis tamquam erubescenda non confitebitur, erit
minimus, idest novissimus, ac pene nullus; confitenti vero magnam in caelo
vocationis gloriam pollicetur; unde sequitur qui autem fecerit et docuerit,
hic magnus vocabitur in regno caelorum. Hieronymus. Suggillat in hoc Pharisaeos, qui
contemptis mandatis Dei, statuebant proprias traditiones, quod non eis prosit
doctrina in populo, si vel parvum quod in lege est destruant. Possumus autem et aliter intelligere: quod
magistri eruditio, etiam si parvo peccato obnoxia sit, deducat eum de gradu
maximo; nec prosit docere iustitiam quam minima culpa destruit; beatitudoque
perfecta sit, quae sermone docueris, opere complere. Augustinus de Serm. Dom. Vel aliter. Qui
solverit illa minima, scilicet praecepta legis, et sic docuerit, minimus
vocabitur; qui autem fecerit, illa minima, et sic docuerit non iam magnus
habendus est, sed tamen, non tam minimus quam ille qui solvit. Ut autem sit
magnus, facere debet et docere quae Christus docet. |
Versets 17-19.
— La Glose : Après avoir exhorté ses disciples à
se préparer à tout souffrir pour la justice, et à ne pas tenir cachée la
doctrine salutaire qu’ils allaient entendre, mais à la recevoir dans
l’intention de la communiquer aux autres, il leur fait connaître ce qu’ils
devront enseigner. Il suppose qu’ils lui font cette question: Quelle est donc
cette doctrine qui ne doit pas rester cachée et pour laquelle vous nous
ordonnez de tout souffrir ? Est-ce que vous allez nous enseigner quelque
chose qui soit en contradiction avec ce qui est écrit dans la Loi ? Et
il leur répond: « Ne pensez pas
que je sois venu détruire la loi ou les prophètes. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Il s’exprime ainsi pour deux raisons: premièrement, pour engager ses
disciples à imiter son exemple, en s’efforçant d’accomplir toute la loi,
ainsi qu’il le faisait lui-même; secondement, les Juifs devaient l’accuser
plus tard de violer la loi (Mt 12; Mc 2; Lc 6; 13; Jn 5; 7; 9, etc...); il
fait donc raison de cette calomnie avant même qu’elle se produise. Mais il ne
veut pas qu’on s’imagine qu’il n’est venu que pour annoncer la loi, comme les
prophètes —
Saint Rémi :; il nie donc d’abord qu’il soit venu
pour détruire la loi, et il affirme ensuite qu’il est venu pour l’accomplir: « Je ne suis pas venu détruire la
loi, mais l’accomplir. » —
Saint Augustin : (Serm. sur la mont.) Cette
maxime présente deux sens, car accomplir une loi c’est ou bien ajouter ce qui
lui manque, ou faire ce qu’elle prescrit. —
Saint Jean Chrysostome : Jésus-Christ a donc
accompli les prophéties en réalisant tout ce qu’elles avaient prédit de lui,
et il a également accompli la loi en n’omettant aucune des prescriptions
légales et en justifiant les hommes par la foi, ce que la lettre de la loi ne
pouvait faire. —
Saint Augustin : (contre Fauste, liv. 19, chap. 7.) Enfin,
comme il était difficile, dans cette vie mortelle, même à ceux qui vivent
sous l’empire de la grâce, d’accomplir ce commandement de la loi: « Vous n’aurez pas de désirs
coupables (Ex 20, 17; Dt 5, 21; Rm 7, 8; 13, 9) », le Seigneur,
devenu notre Pontife par le sacrifice de sa chair, nous obtient miséricorde,
et il accomplit encore ici la loi, car notre faiblesse et notre impuissance
se trouvent guéries par la vertu de ce divin chef dont nous sommes devenus
les membres. Je pense que ces paroles: « Je
ne suis pas venu détruire la loi, mais l’accomplir », peuvent
s’entendre aussi de ces additions qui expliquent le sens des anciens
préceptes ou la manière de les mettre en pratique. C’est ainsi que le
Seigneur nous a fait connaître qu’un simple mouvement de haine qui nous porte
à nuire à notre frère doit être
rangé parmi les péchés d’homicide. Il nous dit encore plus loin qu’il aime
mieux que nous restions dans la vérité sans recourir au serment que de nous
exposer à tomber dans le parjure en jurant même selon la vérité. Pourquoi
donc, ô Manichéens, rejetez-vous la loi et les prophètes, alors que le Christ
affirme qu’il est venu non pour les détruire, mais pour les accomplir ?
L’hérétique — Fauste répond: Mais qui atteste que Jésus a tenu ce langage ? Matthieu. [Et comment donc Matthieu peut-il raconter ce que Jésus a dit sur la montagne], lui qui n’a suivi le Seigneur que lorsqu’il en fut descendu, tandis que Jean, qui était sur la montagne, n’en dit pas un mot ? — Saint
Augustin répond: S’il n’y a pour dire la vérité sur
le Christ que celui qui l’a vu ou entendu, personne aujourd’hui n’est en état
de le faire. Pourquoi donc saint Matthieu n’aurait-il pu apprendre de la
bouche de saint Jean la vérité sur le Christ, alors que nous, qui sommes nés
si longtemps après, nous pouvons enseigner sur Jésus-Christ la vérité que
nous puisons dans les écrits de saint Jean ? C’est ce qui fait que non
seulement l’évangile de saint Matthieu, mais encore celui de saint Luc et de
saint Marc jouissent d’une égale autorité. D’ailleurs, est-ce que le Seigneur
n’a pu raconter à saint Matthieu les faits qui avaient précédé sa vocation ?
Avouez donc franchement que vous ne croyez pas à l’Évangile, car en ne
croyant dans l’Évangile qu’à ce qui vous convient, c’est plutôt à vous-mêmes
qu’à l’Évangile que vous croyez. —
Fauste dit encore: Nous pouvons prouver qu’un autre
que saint Matthieu (et je ne sais qui) a écrit cette maxime sous le nom de
cet apôtre: « Lorsque Jésus
passait, il vit un homme assis au comptoir, Matthieu était son nom. »
Et quel est donc l’écrivain qui, pour parler de lui-même, s’exprime de la
sorte: « Il vit un homme, » et non pas: « Il me
vit ? » —
Saint Augustin répond, saint Matthieu parle de lui
commue d’une personne étrangère, de même que saint Jean l’a fait dans ce
passage: « Pierre, se retournant,
vit cet autre disciple que Jésus aimait », ce qui prouve que telle
était la manière de s’exprimer des évangélistes dans leurs narrations. Il y a plus, réplique — Fauste, cette défense que Jésus-Christ nous fait de croire qu’il soit venu détruire la loi est bien plutôt de nature à nous faire soupçonner qu’il la détruisait réellement, car, puisqu’il ne violait aucun article de la loi, pourquoi les Juifs l’en auraient-ils soupçonné ? — C’est là, répond saint
Augustin, une bien faible difficulté, car nous ne nions pas qu’aux yeux
des Juifs inintelligents, le Christ n’ait passé pour un destructeur de la loi
et des prophètes. —
Fauste ajoute: D’ailleurs, ni la loi ni les
prophètes n’ont besoin de cet accom-plissement, puisqu’il est écrit dans le
Deutéronome : « Vous observerez
les commandements que je vous donne, sans y rien ajouter, ni sans rien
ôter. » — Fauste, répond saint Augustin, ne comprend pas ce que c’est que l’accomplissement de la loi, lorsqu’il l’entend de l’addition de nouveaux préceptes. La plénitude de la loi c’est la charité (Rm 13, 18) que le Seigneur a répandue sur les fidèles en leur envoyant l’Esprit saint. La loi est donc accomplie lorsqu’on obéit à ses préceptes ou lorsque les événements réalisent les prédictions qu’elle a faites. — Fauste continue: Reconnaître que Jésus est l’auteur du Nouveau Testament, qu’est-ce d’autre que déclarer qu’il a détruit l’Ancien ? — Non, répond saint Augustin, car l’Ancien Testament renferme
les figures de l’avenir, qui devaient disparaître devant les réalités
apportées par Jésus-Christ, et dans ce fait même la loi et les prophètes
trouvaient leur accomplissement, puisqu’ils annonçaient que Dieu devait
donner aux hommes un nouveau Testament.
— Fauste poursuit: Si le Christ a prononcé ces paroles, c’est évidemment dans un autre sens ou (ce qu’on ne peut admettre) c’est un mensonge, ou il n’a rien dit de semblable. Or, personne n’osera dire que le Christ a menti; ces paroles ont donc une autre signification, ou elles n’ont jamais été dites. Quant à moi, la foi des Manichéens me met en garde contre l’admission de ce chapitre, car elle m’a tout d’abord persuadé qu’il ne faut pas regarder comme venant du Seigneur tout ce que les Évangélistes lui attribuent, et qu’il y a beaucoup d’ivraie que le glaneur qui rôde pendant la nuit a répandue dans presque toutes les Écritures pour corrompre le bon grain. — Saint Augustin répond: Le Manichéen t’a enseigné une opinion impie et perverse en
vertu de laquelle tu acceptes dans l’Évangile tout ce qui ne contredit pas
ton hérésie, et tu rejettes tout ce qui la condamne. Pour nous, l’Apôtre nous a enseigné cette
divine méthode de regarder comme anathème quiconque annoncerait un Évangile
différent de celui que nous avons reçu. Et quant à l’ivraie, le Seigneur
lui-même nous a expliqué ce que c’était. Ce ne sont point les erreurs qui
seraient mêlées à la vérité des Écritures, comme il vous plaît de le dire,
mais ce sont les hommes enfants du démon.
—
Fauste ajoute: Lorsqu’un Juif viendra vous demander
pourquoi vous n’observez pas ce que prescrivent la loi et les prophètes,
puisque le Christ prétend qu’il n’est pas venu les détruire, mais les
accomplir, vous serez forcé ou de devenir l’esclave d’une vaine superstition,
ou de reconnaître que ce chapitre n’est pas authentique, ou de nier que vous
soyiez le disciple du Christ. — Les catholiques, répond saint Augustin, ne sont nullement embarrassés par ce chapitre, comme s’il leur reprochait de ne pas garder la loi et les prophètes, car ils ont dans le cœur l’amour de Dieu et l’amour du prochain, deux préceptes qui résument la loi et les prophètes, et ils savent que tout ce qui, dans l’Ancien Testament, a été prophétisé allégoriquement par les événements, par la célébration des fêtes légales, par les expressions figurées se trouve accompli en Jésus-Christ et en son Église. Donc nous ne devenons pas tributaires d’une vaine superstition, nous ne nions pas la véracité de ce chapitre, et nous ne renonçons pas à être les disciples du Christ. Celui donc qui vient dire: Si le Christ n’avait pas détruit la loi et les prophètes, les anciens rites se seraient perpétués dans les cérémonies chrétiennes, peut ajouter: Si le Christ n’avait pas détruit la loi et les prophètes, sa naissance, sa passion, sa résurrection seraient encore l’objet des promesses. Au contraire, une preuve qu’il n’a pas détruit, mais accompli la loi et les prophètes, c’est justement qu’il ne nous est plus prédit comme devant naître, souffrir et ressusciter, ce que proclamaient toutes les figures de l’ancienne loi; mais qu’on nous annonce sa naissance, sa mort, sa résurrection comme autant de faits accomplis que nous rappellent à l’envi toutes les solennités chrétiennes. Combien donc est grossière l’erreur de ceux qui pensent que le changement des signes et des rites a dû changer la nature des choses signifiées dont le rite prophétique promettait l’existence, et dont le rite évangélique démontre l’accomplissement. —
Fauste ajoute encore: Si le Christ est l’auteur de
ces paroles, examinons pourquoi il les a dites. Est-ce pour adoucir la fureur
des Juifs qui en le voyant fouler aux pieds ce qu’ils regardaient comme saint
ne croyaient pas devoir l’entendre davantage ? Ou bien est-ce pour nous
engager à nous soumettre au joug de la loi, nous qui devions croire en lui
parmi les Gentils ? Si ce n’est pas l’une de ces raisons, ce doit être
l’autre, et en cela le Christ ne nous a pas induit en erreur. Il y a en effet
trois sortes de loi, la première est celle des Hébreux, que saint Paul
appelle loi de péché et de mort; la seconde, la loi des Gentils, qu’il
appelle naturelle, en disant: « Les nations font naturellement ce
que la loi leur commande » ; la troisième, la loi de
vérité appelée par saint Paul: « La loi de l’esprit de vie. »
Il en est de même des prophètes: il y a les prophètes des Juifs, qui sont
connus; les prophètes des Gentils, dont saint Paul écrivait: « Un de
leurs compatriotes et leur prophète a dit. » Enfin les prophètes de
la vérité, dont le Christ a dit: « Je vous envoie des sages et des
prophètes. » Or, s’il avait parlé des observances judaïques dans le
dessein de nous les faire accomplir, nul doute qu’il ne fût ici question de
la loi des prophètes des Juifs. Mais il ne rappelle ici que des préceptes
plus anciens: « Vous ne tuerez pas, vous ne commettrez pas
d’adultère », qui furent autrefois promulgués par Enoch, par Seth et
par d’autres justes; il est donc évident qu’il veut parler ici de la loi et
des prophètes de la vérité. Paraît-il au contraire vouloir parler des
préceptes judaïques; c’est pour les déraciner complètement, en enseignant le
contraire, comme celui-ci: « Œil pour œil, dent pour dent. » — Saint Augustin répond: On voit clairement quelle est cette
loi, quels sont ces prophètes que Jésus-Christ n’est pas venu détruire, mais
accomplir: c’est la loi qui a été donnée par Moïse. C’est une erreur de dire,
comme —
Fauste, que le Seigneur est venu accomplir certains
préceptes, ceux qui avaient été transmis par les anciens justes avant la loi de
Moïse, comme celui-ci: « Vous ne tuerez pas » ; tandis qu’il en a détruit certains
autres qui étaient propres à la loi des Hébreux [(comme celui-là: « œil
pour œil, dent pour dent »)], car nous affirmons que ces derniers
préceptes ont été parfaitement conformes au temps où ils furent établis, et
que le Christ ne les a pas détruits, mais accomplis, comme nous le prouverons
pour chacun d’eux. C’est ce que ne comprenaient pas non plus ces hérétiques
appelés Nazaréens, qui, persévérant dans cette croyance perverse, voulaient
forcer les Gentils convertis à judaïser. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Comme tous les événements qui devaient se passer depuis le commencement
jusqu’à la fin du monde, étaient allégoriquement prophétisés dans la loi,
Notre Seigneur pour éloigner cette pensée que Dieu aurait pu ignorer par
avance quelques-uns de ces événements, ajoute: « Il ne peut se faire
que le ciel et la terre passent avant que tout ce qui a été prédit dans la
loi ne soit accompli et réalisé » ; c’est le sens de ces paroles: « Je
vous le dis en vérité; le ciel et la terre ne passeront point que tout ce qui
est dans la loi, jusqu’à un seul iota et à un seul point, ne soit accompli
parfaitement. » —
Saint Rémi : Le mot amen est un mot hébreu qui signifie en latin, vraiment, exactement, ou ainsi
soit-il. Le Seigneur emploie cette expression pour deux raisons, ou à
cause de la dureté de cœur de ceux qui étaient lents à croire, ou pour
avertir ceux qui croyaient de prêter une attention plus profonde à ce qui
allait suivre. —
Saint Hilaire : (Can. 4.) En s’exprimant de la sorte: « jusqu’à
ce que le ciel et la terre passent, » il déclare que le ciel et la terre, qui sont les principaux
éléments de la création, ne seront pas dissous comme nous le croyons
nous-mêmes. —
Saint Rémi : Ils demeureront quant à leur substance,
mais ils passeront en ce sens qu’ils seront renouvelés. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Par ces paroles: « Un seul iota ou un seul point de la loi ne passera », il ne faut rien comprendre d’autre que
ceci : le Seigneur
exprime avec énergie la perfection qui est renfermée dans chacune des lettres
de la sainte Écriture. Parmi ces lettres la plus petite est l’iota, qui s’écrit d’un seul trait.
Le point est un petit signe qui surmonte l’iota
à son sommet. En s’exprimant ainsi, le Seigneur nous apprend que dans la
loi les petites choses doivent être accomplies avec soin. — Raban : C’est avec un
dessein marqué qu’il emploie l’iota grec,
et non l’yod des Hébreux, car l’yod exprime le nombre dix et par là
même le nombre des préceptes du Décalogue dont l’Évangile est le point
extrême et le plus haut degré de perfection. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Si un homme ami de la vérité ne peut s’empêcher de rougir lorsqu’on
surprend un mensonge sur ses lèvres, et si l’homme sage ne promet jamais rien
qu’il ne l’exécute, comment les paroles divines pourront-elles demeurer sans
effet ? Et c’est pour cela qu’il conclut en disant: « Quiconque
violera un de ces commandements les plus petits de tous et enseignera aux
hommes à les violer, sera regardé comme le dernier dans le royaume de
Dieu. » Le Seigneur nous fait entendre clairement, ce me semble, quels
sont ces commandements les moindre de tous, en disant: « Celui qui
violera l’un de ces moindres commandements », c’est-à-dire ceux dont
je vais parler. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16.) Ce n’est point des lois anciennes
qu’il veut parler ici, mais des préceptes qu’il comptait lui-même imposer; il
les appelle les plus petits quoique de la plus grande importance ; il
parle souvent avec humilité des préceptes qu’il donne, avec ce même sentiment
d’humilité avec lequel il s’est si souvent exprimé sur son propre compte. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien autrement, les
commandements de Moïse, « Vous ne tuerez pas, vous ne commettrez pas
d’adultère », sont d’un accomplissement facile, car l’énormité du
crime effraie et arrête la volonté de les commettre; aussi la récompense
qu’ils promettent est minime, bien que le crime qu’ils défendent soit grand.
Les commandements du Christ au contraire: « Vous ne vous mettrez pas
en colère, vous ne convoiterez pas », sont difficiles à observer, et
par la même raison, la récompense qui les sanctionne est grande, bien que ce
qu’ils défendent soit léger. Il s’agit donc ici de ces préceptes « peu
importants » du Christ: « Vous ne vous mettrez pas en colère,
vous ne convoiterez pas. » Ceux
qui commettent ces fautes légères seront les derniers dans le royaume de
Dieu; c’est-à-dire celui qui se sera mis en colère sans commettre un grand
péché, n’aura pas à craindre la peine [de la damnation éternelle], mais il ne
partagera pas la gloire de ceux qui auront observé ces commandements de
moindre importance. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., liv. 1, chap. 15, 16 ou
8.) Ou bien, au contraire, ces moindres commandements sont ceux de la loi
ancienne, et ce sont les préceptes que le Christ va promulguer qui sont de la
plus haute importance. Ces préceptes moindres que les autres sont indiqués
ici par l’iota et par le point, celui-là donc qui les viole et
qui enseigne aux autres à les violer de même sera appelé le dernier dans le
royaume de Dieu. Et peut-être même n’entrera-t-il pas dans ce royaume des
cieux, où Dieu n’admet que ceux qui sont vraiment grands. — La Glose : Violer la loi,
c’est ne pas faire ce qu’ordonne la loi bien comprise, ou ne pas comprendre
la fausse interprétation qu’on lui donne, ou détruire dans quelqu’une de ses
parties l’ensemble des commandements ajoutés par le Christ. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
16.) Ou
bien dans ces paroles: « Il sera appelé le dernier dans le royaume
des cieux », il ne faut voir autre chose que le supplice de la
damnation éternelle. En effet, dans le langage ordinaire du Seigneur, le
royaume des cieux ne signifie pas seulement la jouissance du bonheur éternel,
mais le temps de la résurrection, et l’avènement terrible du Christ. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 12 sur
les Evang.) Ou bien par le Royaume des cieux il faut entendre l’Église où
tout docteur qui viole un commandement de la loi est regardé comme le
dernier, car celui dont la conduite est méprisable, comment peut-il empêcher
que son enseignement ne soit méprisé ? —
Saint Hilaire : (can. 4.) Ou bien, par ces moindres choses,
le Seigneur fait allusion à sa passion et à sa croix; celui qui par une
fausse honte ne les confessera pas hautement, sera le plus petit,
c’est-à-dire le dernier, et presque rien. Le Seigneur promet au contraire la
gloire magnifique des cieux à celui qui ne rougira pas de les confesser;
c’est pour cela qu’il ajoute: « Mais celui qui fera et enseignera
sera appelé grand dans le royaume des cieux. » —
Saint Jérôme : Le Seigneur flétrit ici la conduite
des Pharisiens qui, n’ayant que du mépris pour les commandements de Dieu,
leur substituaient leurs propres traditions, et il leur apprend que
l’enseignement qu’ils donnent au peuple perd tout son prix, s’ils détruisent
le plus petit commandement de la loi. Voici encore une autre explication:
c’est que la science du maître, ne fût-il esclave que d’une faute légère, le
fait descendre de la place élevée qu’il occupait; c’est qu’il ne sert de rien
d’enseigner la justice si on la détruit en même temps par la moindre faute;
c’est qu’on n’est souverainement heureux qu’en traduisant dans sa conduite
les enseignements que l’on donne aux autres. — Saint Augustin : On bien encore, celui qui violera les plus petits des commandements de la loi, et qui enseignera à les violer, sera appelé le dernier; celui au contraire qui accomplira ces moindres commandements, et qui enseignera à les accomplir, ne devra pas être regardé comme grand, mais il sera toutefois au-dessus de celui qui les viole. Celui-là seul sera vraiment grand qui pratiquera et enseignera ce que le Christ enseigne. |
Lectio 13 [85387] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 13 Hilarius in Matth. Pulcherrimo ingressu
opus legis coepit excedere, aditum in caelum apostolis, nisi iustitiam
Pharisaeorum anteissent, denuntians non futurum; et hoc est quod dicit dico
enim vobis. Chrysostomus in Matth. Iustitiam autem
hic dicit universalem virtutem. Intende autem gratiae additamentum:
discipulos enim suos adhuc rudes magistris qui in veteri testamento erant,
vult esse meliores. Scribas autem ac Pharisaeos non dixit
iniquos, quia non dixisset eos habere iustitiam. Vide etiam quoniam hic vetus
testamentum confirmat, comparationem faciens eius ad novum: plus enim et
minus eiusdem generis est. Scribarum autem et Pharisaeorum iustitiae sunt
mandata Moysi; superimpletiones autem istorum mandatorum sunt mandata
Christi. Hoc est ergo quod dicit: nisi quis supra legis mandata, etiam haec
mea praecepta, quae apud illos minima existimabantur, impleverit, non
intrabit in regnum caelorum: quoniam illa de poena liberant, quae scilicet
transgressoribus legis debetur, non autem in regnum inducunt; haec autem et
de poena liberant, et in regnum inducunt. Cum autem sit idem solvere minima
mandata, et non custodire, quare supra de solvente dicit quod minimus
vocabitur in regno Dei, hic autem de non conservante: non introibit in regnum
caelorum? Sed vide quia minimum esse in regno idem est quod non intrare in
regnum. Esse autem aliquem in regno non est regnare cum Christo, sed esse
tantum in populo Christi; tamquam si dicat de solvente, quod inter
Christianos quidem erit, tamen minimus Christianus. Qui autem intrat in
regnum, fit particeps regni cum Christo. Consequenter et iste qui non intrat
in regnum caelorum, gloriam quidem non habebit cum Christo, erit tamen in
regno caelorum, idest in numero eorum super quos Christus caelorum rex regnat. Augustinus de Civ. Dei. Vel aliter. Nisi
abundaverit iustitia vestra plusquam Scribarum et Pharisaeorum, idest super
eos qui solvunt quod docent, quia de iis alibi dictum est: dicunt enim et non
faciunt; ac si dicat: nisi ita abundaverit iustitia vestra, ut vos non
solvatis, sed faciatis potius quod docetis, non intrabitis in regnum
caelorum. Alio ergo modo intelligendum est regnum caelorum ubi ambo sunt, et
ille scilicet qui solvit quod docet, et ille qui facit, sed minimus ille,
iste magnus: quod quidem regnum caelorum est Ecclesia praesens. Alio autem
modo regnum caelorum dicitur quo non intrat nisi ille qui facit, et hoc est
Ecclesia qualis in futuro erit. Augustinus contra Faustum. Hoc autem nomen
regnum caelorum, quod tam crebro nominat dominus, nescio utrum in libris
veteris testamenti quisquam inveniat; proprie enim pertinet ad revelationem
novi testamenti quod ori eius etiam nominandum servabatur quem regem ad
regendum servos suos vetus testamentum praefigurabat. Hic ergo finis, quo
praecepta referenda sunt, occultus erat in veteri testamento, quamvis
secundum eum etiam tunc viverent sancti, qui futuram eius revelationem
videbant. Glossa. Vel hoc quod dicit nisi abundaverit,
referendum est ad intellectum Pharisaeorum et Scribarum, non ad continentiam
veteris testamenti. Augustinus contra Faustum. Pene enim omnia
quae monuit vel praecepit dominus, ubi adiungebat ego autem dico vobis, inveniuntur
et in illis veteribus libris. Sed quia non intelligebant homicidium nisi
peremptionem corporis humani, aperuit dominus omnem iniquum motum ad nocendum
fratri in homicidii genere deputari; unde subdit audistis quia dictum est
antiquis: non occides. Chrysostomus super Matth. Volens Christus
ostendere quia ipse est Deus, qui aliquando locutus est in lege et qui nunc
mandat in gratia, illud mandatum quod ponitur in lege, ante omnia, scilicet
prohibitiva, quae sunt contra proximum, et nunc ponit in principio mandatorum
suorum. Augustinus de Civ. Dei. Non autem quod
audivimus non occides, virgultum vellere nefas ducimus, secundum Manichaeorum
errorem, nec de irrationabilibus animalibus dictum intelligimus, quia
iustissima ordinatione creatoris, vita et mors eorum nostris usibus subditur.
Unde restat quod de homine intelligamus quod dictum est non occides: non
alterum, ergo nec te; neque enim qui se occidit, aliud quam hominem occidit.
Nequaquam autem contra hoc praeceptum fecerunt qui auctore Deo bella
gesserunt, ac personam gerentes publicae potestatis iustissimae rationis
imperio sceleratos morte punierunt. Et Abraham non solum non est culpatus
crudelitatis crimine, verum etiam laudatus est nomine pietatis, quod voluit
filium obedienter occidere. Hi ergo excipiuntur quos Deus occidi iubet sive
lege data, sive ad personam pro tempore expressa iussione: non autem ipse
occidit qui ministerium dat iubenti, sicut adminiculum gladio utenti; nec
Samson aliter excusatur, quod seipsum cum hostibus ruina domus oppressit,
nisi quod latenter spiritus hoc iusserat, qui per illum miracula faciebat.
Chrysostomus in Matth. Per hoc autem quod
dicit dictum est antiquis, ostendit multum tempus esse ex quo mandatum hoc
acceperant. Hoc ergo dicit, ut auditores ad sublimiora progredi praecepta
cunctantes acrius incitet; ut si quispiam doctor dicat puero negligenti:
nescis iam quantum temporis syllabarum meditatione consumpseris? Et ideo
subdit ego autem dico vobis, quoniam omnis qui irascitur fratri suo, reus
erit iudicio. In quo considera legislatoris potestatem: nullus enim
antiquorum prophetarum ita locutus est, sed sic: haec dicit dominus, quia
illi ut servi ea quae sunt domini annuntiabant, hic autem ut filius ea quae
sunt patris, quae etiam sua sunt; et illi conservis praedicabant, hic autem
suis servis legem ponebat. Augustinus de Civ. Dei. Duae quidem sunt
sententiae philosophorum de animi passionibus. Stoicis enim non placet
huiusmodi passiones cadere in sapientem; Peripatetici vero has passiones in
sapientem cadere dicunt, sed moderatas, rationique subiectas; sicut cum ita
praebetur misericordia ut iustitia conservetur. In disciplina autem
Christiana non tam quaeritur utrum prius animus irascatur aut tristetur, sed
unde. Chrysostomus super Matth. Qui enim sine causa
irascitur, reus erit; qui vero cum causa, non erit reus: nam si ira non
fuerit, nec doctrina proficit nec iudicia stant nec crimina compescuntur.
Itaque qui cum causa non irascitur, peccat; patientia enim irrationabilis vitia
seminat, negligentiam nutrit, et non solum malos, sed etiam bonos invitat ad
malum. Hieronymus. In quibusdam ergo codicibus
additur sine causa; ceterum in veris definita sententia est: et ira penitus
tollitur. Si enim iubemur orare pro persequentibus, omnis irae occasio
tollitur. Radendum ergo est sine causa, quia ira viri iustitiam Dei non
operatur. Chrysostomus super Matth. Sed tamen iracundia
quae cum causa est, non est iracundia, sed iudicium: iracundia enim proprie
intelligitur commotio passionis; qui autem cum causa irascitur, ira illius
non est ex passione; ideo iudicare dicitur, non irasci. Augustinus in Lib. Retract. Illud etiam
dicimus intuendum quid sit irasci fratri suo: quoniam non fratri irascitur
qui peccato fratris irascitur. Qui ergo fratri, non peccato irascitur, sine
causa irascitur. Augustinus, de Civ. Dei. Irasci autem fratri
ut corrigatur, nullus sanae mentis reprehendit: huiusmodi enim motus de amore
boni et de sancta caritate venientes, vitia dicenda non sunt, cum rectam
rationem sequantur. Chrysostomus super Matth. Puto autem quod non
de iracundia carnis loquitur Christus, sed de iracundia animae: caro enim non
potest obedire, ut non conturbetur. Quando ergo homo irascitur et non vult
facere quod ira compellit, caro eius irata est, animus autem eius non est
iratus. Augustinus de Serm. Dom. Sic ergo in hoc primo
est unum, idest ira sola; in secundo autem sunt duo, scilicet ira et vox,
quae iram signat; unde sequitur qui autem dixerit fratri suo: racha, reus erit
Concilio. Nonnulli de Graeco trahere voluerunt interpretationem huius vocis,
putantes pannosum dici racha, quoniam Graece dicitur pannus idest racos.
Probabilius autem est non esse vocem significantem aliquid, sed indignantis
animi motum exprimentem. Has autem voces grammatici interiectiones vocant,
velut cum dicitur a dolente: heu. Chrysostomus in Matth. Vel racha est verbum
contemptus et parvipensionis. Sicut enim nos vel famulis vel iunioribus
iniungentes dicimus: vade tu, dic illi tu, ita et qui Syrorum utuntur lingua,
racha dicunt, pro tu. Dominus enim et quae parvissima sunt evellit, et cum
honore nobis invicem uti iubet. Hieronymus. Vel racha Hebraeum verbum est, et
dicitur chenos, idest inanis aut vacuus, quem nos possumus vulgata iniuria
absque cerebro nuncupare. Signanter autem addidit qui dixerit fratri suo:
frater enim noster nullus est nisi qui eumdem nobiscum habet patrem. Chrysostomus super Matth. Indigna autem res
est dicere hominem vacuum, qui habet in se spiritum. Augustinus. In tertio autem significantur
tria: ira, et vox quae iram significat, et in voce vituperationis expressio;
unde dicitur qui autem dixerit: fatue, reus erit Gehennae ignis. Gradus itaque sunt in istis peccatis: primo, ut
quisquis irascitur, motum retineat corde conceptum. Iam si extorsit vocem non
significantem aliquid, sed animi motum ipsa eruptione testantem, plus est
quam si ira surgens silentio premeretur. Sed adhuc plus est, si etiam verbum
proferatur, quod iam certam vituperationem designat. Chrysostomus super Matth. Sicut autem nemo est
vacuus qui habet spiritum sanctum, ita nemo est vacuus qui Christum
cognoscit; sed si racha idem est quod vacuus, quantum ad sensum verbi, unum
est dicere fatue et racha; sed differunt quantum ad dicentis propositum:
racha enim verbum vulgare erat apud Iudaeos, quod non ex ira neque odio, sed
ex aliquo motu vano dicebant, magis fiduciae causa, quam iracundiae. Sed
forte dices: si racha iracundiae causa non dicitur, quare peccatum est? Quia
contentionis causa dicitur, non aedificationis; si enim nec bonum verbum
dicere debemus nisi pro aedificatione, quanto magis illud quod in se
naturaliter malum est? Augustinus. Vide etiam nunc tres reatus:
iudicii, Concilii et Gehennae ignis; in quibus quosdam gradus factos admonet
a levioribus ad graviora: nam in iudicio adhuc defensionis locus datur; ad
Concilium autem pertinere videtur sententiae prolatio, quando inter se
iudices conferunt quo supplicio damnari oporteat; in Gehenna vero ignis certa
est damnatio et poena damnati. Unde patet quantum intersit inter iustitiam
Pharisaeorum et Christi: ibi enim occisio reum facit iudicio, hic autem ira
facit reum iudicio, quod horum trium est levissimum. Rabanus. Gehennam hic salvator Inferni
cruciatum nominat, quam nomen traxisse putant a valle idolis consecrata, quae
est iuxta Ierusalem, repleta olim cadaveribus quam et Iosiam contaminasse in
libro regum legimus. Chrysostomus in Matth. Hic autem primum
Gehennae nomen posuit, postquam de regno caelorum supra dixerat, ostendens
quod illud dare, est ex suo amore, hoc autem ex nostra desidia. Multis autem
hoc grave videtur, si pro solo verbo tantam patiemur poenam; propter quod
quidam dicunt hoc hyperbolice dictum esse. Sed timeo ne verbis hic
nosmetipsos decipientes, illic opere ultimum patiamur supplicium. Non ergo
aestimes hoc esse onerosum: plures enim poenarum et peccatorum a verbis
habent principium: etenim parva verba multoties homicidium pepererunt et
civitates integras everterunt. Nec enim parvum aestimes fratrem stultum
vocare, auferens ei prudentiam et intellectum, quo homines sumus et ab
irrationabilibus distamus. Chrysostomus super Matth. Vel reus erit
Concilio: idest, ut sit unus ex Concilio eorum qui adversus Christum fuerunt,
sicut apostoli in suis canonibus interpretantur. Hilarius in Matth. Vel qui spiritu sancto
plenum convicio vacuitatis insinuat, fit reus Concilio sanctorum contumeliam
spiritus sancti sanctorum iudicio animadversione luiturus. Augustinus. Quisquis autem dixerit: quo graviori
supplicio punitur homicidium, si Gehenna ignis punitur convicium? Cogit intelligi esse differentiam Gehennarum. Chrysostomus in Matth. Vel iudicium et
Concilium sunt poenae in praesenti: Gehenna autem poena futura. Ideo
autem irae iudicium apposuit, ut ostendat quod non est possibile hominem
omnino esse sine passionibus, sed refrenare eas possibile est; et propterea
determinatam poenam non apposuit, ne videretur prorsus iram prohibere. Concilium autem posuit nunc pro iudicio Iudaeorum, ne videatur semper
nova inducere ac peregrina docere. Augustinus. In istis autem tribus sententiis
subauditio verborum intuenda est. Habet enim prima sententia omnia verba
necessaria, ut nihil subaudiatur. Qui irascitur, inquit, fratri suo, sine
causa, secundum quosdam; in secunda vero, cum ait qui autem dixerit fratri
suo: racha, subauditur sine causa; nam in tertia, ubi ait qui autem dixerit:
fatue, duo subaudiuntur: fratri suo et sine causa. Et hoc est unde defenditur
quod apostolus Galatas vocat stultos, quos etiam fratres nominat: non enim id
facit sine causa. |
Versets 20-22
— Saint Hilaire : (can. 4.) Dans ce magnifique début le Seigneur s’élève bien au-dessus de la loi
ancienne; il déclare aux apôtres que l’entrée du ciel leur est fermée, si
leur justice n’est pas supérieure à
celle des Pharisiens; c’est le sens de ces paroles: « Je vous le dis en vérité » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16.) La justice dont il parle ici est
la réunion de toutes les vertus, pour la pratique desquelles il faut ajouter
le secours de la grâce: car le Seigneur veut que ses disciples, tout
grossiers qu’ils sont encore, se montrent plus vertueux que les docteurs de
la loi ancienne. Il ne dit pas que les Scribes et les Pharisiens sont des
hommes d’iniquité, puisqu’il parle de leur justice. Remarquez aussi qu’il
confirme [la vérité de] l’Ancien Testament, par la comparaison qu’il en fait
avec le Nouveau; ils ne différent que du plus au moins, et sont du même
genre. —
Saint Jean Chrysostome [référence à vérifier]:
(sur S.
Matth.) Les justices des Scribes et des Pharisiens
sont les commandements donnés par Moïse, et les commandements de Jésus-Christ
sont le parfait accomplissement des premiers. Voici donc le sens des paroles
du Seigneur: « Celui qui indépendamment des commandements de la loi
n’accomplira pas ceux que je donne moi-même, quelque peu importants qu’ils
lui paraissent, celui-là n’entrera pas dans le royaume des cieux ; car les commandements de Moïse
délivrent bien de la peine portée contre les transgresseurs de la loi, mais
ils ne peuvent introduire dans le royaume des cieux, tandis que mes
commandements délivrent du châtiment et tout à la fois donnent entrée dans le
royaume des cieux ». Mais puisqu’il est certain que violer ces moindres
commandements et ne pas les observer est une seule et même chose, pourquoi
est-il dit plus haut que celui qui les viole sera appelé le dernier dans le
royaume de Dieu, tandis que nous voyons ici que celui qui ne les garde pas
n’entrera point dans le royaume des cieux ? Je réponds à cela qu’être le
dernier dans le royaume, ou n’y pas entrer reviennent au même, et qu’être
simplement du royaume, ce n’est pas régner avec le Christ, mais faire
seulement partie de son peuple. C’est comme s’il disait que celui qui viole
ces commandements sera du nombre des chrétiens, mais relégué au dernier rang;
celui au contraire qui entre dans le royaume devient participant de la
royauté du Christ: par conséquent, celui qui n’y entre pas n’a point de part
à cette gloire, mais il est cependant de son royaume, en ce sens qu’il est du
nombre de ceux sur lesquels règne le Christ, le roi des cieux. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 20, chap. 9.) On peut
encore donner cette explication: « Si votre justice n’est pas plus
abondante que celle des Scribes et des Pharisiens qui n’observent pas ce
qu’ils enseignent, et dont il est dit ailleurs: « Ils disent et ne
font pas » ; c’est-à-dire si votre justice n’atteint pas ce
degré de perfection non seulement de ne pas violer, mais de pratiquer ce que
vous enseignez, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux ». Il faut
donc entendre dans un sens différent le royaume des cieux, là où nous
rencontrons ces deux sortes de personnes, celui qui transgresse ce qu’il
enseigne, et celui qui le pratique, l’un appelé le plus petit, et l’autre
grand; ce royaume c’est l’Église actuelle. Au contraire le royaume des cieux
dans lequel n’entre que celui qui observe les commandements c’est l’Église
telle qu’elle existera dans les temps à venir. —
Saint Augustin : (cont. Faust. liv. 9 et 10.) Je ne sais si
on pourrait trouver nommé une seule fois dans l’Ancien Testament ce royaume
de Dieu dont il est si souvent question dans les discours du Seigneur. C’est
une des révélations propres au Nouveau Testament, et cette révélation était
réservée aux lèvres de ce roi dont l’Ancien Testament figurait l’empire sur
ses serviteurs. Cette fin à laquelle doivent se rapporter les commandements
demeurait voilée sous l’ancienne loi, bien que les Saints qui la voyaient
révélée dans l’avenir, en faisaient dès lors la règle de toute leur vie. — La Glose : Ou bien encore ces
paroles: « Si votre justice n’est pas
plus abondante, » ne se rapportent pas à ce que prescrivait
l’ancienne loi, mais à la manière dont les Scribes et les Pharisiens
l’interprétaient. — Saint Augustin : (cont. Faust. liv. 19, chap. 28.) Presque tous les conseils et les préceptes que le Seigneur fait précéder de ces mots: « Mais moi, je vous dis, » se trouvent dans les livres de l’Ancien Testament; mais comme les Pharisiens ne comprenaient sous la défense de l’homicide que le seul fait de la mort donnée à un être humain, le Seigneur leur découvre que tout mouvement de haine qui tend à nuire à notre frère est considéré comme faisant partie du péché d’homicide. C’est pourquoi il ajoute: « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens: Vous ne tuerez pas. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le Christ voulant montrer
qu’il est le même Dieu qui avait promulgué les préceptes de la loi ancienne,
et qui donne maintenant ceux de la loi de grâce, place en tête de ses
préceptes ceux qui dans l’ancienne loi se trouvaient avant tous les autres,
c’est-à-dire les préceptes prohibitifs qui ont pour objet le prochain. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 20.) De ce qu’il est
écrit: « Vous ne tuerez pas », nous ne concluons pas que
c’est un crime d’arracher un arbrisseau, erreur grossière des Manichéens;
nous n’appliquons pas non plus ce précepte aux animaux sans raison; car en
vertu de l’ordre plein de sagesse établi par le Créateur, leur vie comme leur
mort sont soumises à nos besoins. C’est donc de l’homme qu’il faut entendre
ces paroles: « Vous ne tuerez
pas » ; vous ne
tuerez pas un autre, vous ne vous tuerez pas vous-même; car celui qui se
donne la mort, que fait-il d’autre chose que de donner la mort à un homme ?
N’allons pas voir non plus une violation de ce précepte dans la conduite de
ceux qui ont fait la guerre par l’ordre de Dieu, ou qui dépositaires du
pouvoir public ont usé de leur autorité pour prononcer contre des scélérats
la juste sentence qui les condamnait à mort. Abraham lui-même qui voulut
mettre à mort son fils pour obéir à Dieu, non seulement n’est pas accusé de
cruauté; mais l’Écriture fait le plus grand éloge de son sens religieux. Il
ne faut donc pas comprendre dans ce précepte ceux que Dieu commande de mettre
à mort, ou par une loi générale, ou dans un cas particulier, par un ordre
exprès et transitoire. On ne peut non plus considérer comme homicide celui
qui prête son concours à l’exécution d’un ordre légitime, pas plus que celui
qui donne son appui au magistrat qui porte le glaive; et on ne peut excuser
autrement Samson de s’être enseveli avec ses ennemis sous les ruines de la
maison où il se trouvait, qu’en disant qu’il obéit en cela à l’inspiration
secrète de l’Esprit qui avait opéré par lui tant de prodiges. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
19.) Par
cette formule: « Il a été dit aux
anciens, » le Seigneur nous apprend qu’il y avait bien longtemps que
ce commandement avait été donné aux Juifs. Il s’exprime ainsi pour entraîner plus
vivement vers des préceptes plus élevés, les esprits hésitants qui
l’écoutaient, comme un maître qui voulant stimuler un enfant paresseux [par
le désir d’une instruction supérieure] lui dirait: « Vous avez perdu
beaucoup de temps à épeler les syllabes ». Or le Seigneur ajoute: « Mais moi je vous dis que quiconque
se mettra en colère contre son frère, méritera d’être condamné par le
jugement. » Remarquez dans ces paroles la puissance de celui qui
édicte la loi; aucun des anciens n’avait parlé de la sorte, mais ils
s’exprimaient ainsi: « Le Seigneur
a dit. » Ils parlaient comme des serviteurs qui portent les ordres
de leur maître; Jésus-Christ parle comme le fils qui commande au nom de son
père et en son propre nom. Ils annonçaient les ordres de Dieu à ceux qui étaient
comme eux les serviteurs de Dieu; Jésus-Christ imposait ses lois à ses
propres serviteurs. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 9,
chap. 10.) Il y a parmi les philosophes deux opinions sur les passions de
l’âme. Les Stoïciens ne veulent pas qu’un sage puisse être accessible à cette
sorte de passions; les Péripatéciens admettent que le sage peut les éprouver,
mais modérées toutefois et soumises à la raison, comme lorsque le sentiment
de la compassion est tellement tempéré qu’il sauvegarde les droits de la
justice. D’après les principes de la doctrine chrétienne, il est moins
question de savoir si une âme pieuse peut se livrer au sentiment de la colère
ou de la tristesse, que de connaître la source de ces impressions. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Celui qui se met en colère
sans raison est coupable; si sa colère est motivée, il cesse de l’être, car
sans cette irritation légitime, la doctrine ne fait aucun progrès; la justice
n’a point de stabilité; les crimes ne sont point réprimés. Celui donc qui ne
se met pas en colère lorsqu’il le doit, commet une faute, car la patience qui
est déraisonnable devient la source de tous les vices, nourrit la négligence,
et porte directement au mal, non-seulement les mauvais, mais les bons
eux-mêmes. —
Saint Jérôme : Dans quelques manuscrits sont ajoutés
ces mots: sans cause, mais dans les
plus exacts, la pensée est claire, et la colère est tout à fait défendue, car
s’il nous est ordonné de prier pour nos persécuteurs, il ne nous reste pas
d’occasion de nous mettre en
colère ? Il faut donc supprimer cette addition: « sans cause »,
car « la colère de l’homme n’opère
pas la justice de Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Cependant la colère qui a une cause légitime n’est pas colère, mais
jugement, car la colère proprement dite est une émotion produite par la
passion. Or, lorsque la colère a une cause raisonnable, elle n’est plus le
fruit de la passion, et alors ce n’est plus de la colère, mais du jugement. —
Saint Augustin : (liv. 1 des Rétract., chap. 19.) Nous disons encore qu’il faut
considérer attentivement ce que c’est que la colère contre son frère, car ce
n’est pas se mettre en colère contre son frère que de s’irriter du mal qu’il
a commis. Celui-là donc se met en colère sans raison, qui s’emporte contre
son frère et non contre le péché dont il s’est rendu coupable. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 14, chap. 5.) Aucun
homme raisonnable ne blâmera qu’on se mette en colère contre son frère pour
le ramener au bien. Ces mouvements qui sont produits par l’amour de la vertu
et par la sainte charité ne doivent pas être considérés comme des vices,
puisqu’ils sont conformes à la droite raison. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
D’ailleurs je pense que Notre Seigneur Jésus-Christ ne parle pas ici de
l’irritation qui vient du sang, mais de la colère qui a sa source dans l’âme,
car on ne peut commander au sang de ne pas se troubler. Lorsque donc un homme
irrité ne cède pas aux inspirations de la colère, ce n’est pas l’âme, c’est
l’homme charnel [et sensible] qui est irrité. —
Saint Augustin : Dans cette première partie, il
n’est question que d’une seule chose, de la colère; dans la seconde, le Seigneur
condamne à la fois la colère et les paroles qui en sont l’expression: « Celui, continue-t-il, qui dira
à son frère: Raca, méritera d’être condamné par le conseil. » Il en
est qui veulent tirer du grec l’étymologie de ce mot raca, et comme racos (ρακος)
en grec signifie haillons, ils en concluent que ce mot veut dire: couvert de
haillons. Mais il est plus probable que ce mot n’a aucune signification
déterminée, et qu’il exprime simplement le mouvement d’une âme pleine
d’indignation. Les grammairiens appellent ces sortes de mots interjections,
comme lorsqu’un homme dans la douleur s’écrie: hélas ! — Saint
Jean Chrysostome : (homél. 16.) Ou bien raca est un terme de mépris et de dédain; cette locution
correspond à celle dont nous nous servons en parlant à nos serviteurs ou à
des personnes plus jeunes que nous: « Va-t’en toi, va le lui dire,
toi », et ceux qui parlent la langue syrienne disent « raca »
pour « toi ». C’est ainsi
que le Seigneur veut déraciner jusqu’aux moindres effets de la colère, et
qu’il nous ordonne d’avoir les uns pour les autres les plus grands égards. —
Saint Jérôme : Ou bien raca est un mot hébreu qui signifie sans valeur, esprit vide et qui équivaut à cette expression
injurieuse: sans cervelle que nous
n’oserions employer. C’est avec intention qu’il ajoute: « Celui qui
dira à son frère » Car nul ne peut être notre frère sans avoir le
même père que nous. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est une indignité de dire
à un homme qu’il n’a rien en lui, alors que son âme est le temple de l’Esprit
saint. —
Saint Augustin : La troisième partie de ce précepte
comprend trois choses, la colère, les paroles qui la manifestent, l’outrage
qu’elles expriment: « Celui qui
dira à son frère : vous êtes un fou, sera passible du feu de
l’enfer. » —
Saint Augustin [référence à vérifier]: (serm. sur la mont.) Il y a donc divers degrés dans ces péchés que la colère nous fait
commettre: le premier est de se mettre en colère, tout en comprimant le
mouvement de la colère dans son cœur; si l’agitation intérieure se trahit par
une parole qui ne signifie rien, mais dont l’éclat seul atteste l’irritation
de l’âme, il y a un degré de plus que dans la colère dont le mouvement est
réprimé par le silence. Mais on est bien plus coupable encore si l’on
s’emporte à des paroles évidemment outrageantes. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) De même qu’on ne peut
appeler esprit vide celui qui
possède l’Esprit saint, on ne peut appeler insensé celui qui connaît Jésus-Christ. Mais si le mot raca a le même sens que vide, quant au sens des mots, c’est donc une même chose de dire, insensé et raca. Oui, mais ces deux mots diffèrent dans l’intention de celui
qui les profère: le mot raca chez
les Juifs était une expression en usage qu’ils employaient non pas sous
l’impression de la colère ou de la haine, mais par un vain mouvement de
présomption plutôt que par un sentiment de colère. Mais, direz-vous, si la
colère n’y a aucune part, pourquoi est-ce un péché de dire raca ?
Parce que c’est une expression qui favorise la dispute plutôt que
l’édification, car si nous ne devons pas prononcer même une bonne parole, à
moins qu’elle ne serve à édifier, combien plus devons-nous nous interdire ce
qui est tout à fait mal en soi ? —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Voici donc trois degrés
de culpabilité qui nous rendent passibles du jugement, du conseil, du feu de
l’enfer, et par lesquels le Seigneur nous fait monter de ce qui est léger à
ce qui est plus grave. Dans le jugement, en effet, on peut encore se
défendre; mais au conseil, il appartient de prononcer la sentence définitive,
après que les juges ont conféré entre eux sur le châtiment qu’ils doivent
infliger au coupable; dans la géhenne du feu, la condamnation est certaine
aussi bien que le châtiment de celui qui est condamné. On voit donc la
différence qui existe entre la justice des pharisiens et celle de
Jésus-Christ: d’un côté l’homicide seul rend passible du jugement, de l’autre
il suffit d’un simple mouvement de colère qui est le plus faible des trois
degrés dont nous avons parlé. — Raban : Par le mot de géhenne, le Seigneur veut exprimer ici
les tourments de l’enfer. On croit que ce nom vient d’une vallée consacrée
aux idoles, près de Jérusalem, qui était remplie de cadavres, et que Josias
livra à la profanation, comme nous le lisons au livre des Rois (4 R 23, 10). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10.) C’est pour la première fois que
le Seigneur prononce le mot d’enfer, et il ne le fait qu’après avoir parlé de
son royaume des cieux, pour nous apprendre que l’un est un don de son amour,
tandis que l’autre n’est que la punition de notre négligence. Il en est
beaucoup qui regardent comme trop sévère cette peine qui nous serait infligée
pour une seule parole; aussi quelques-uns voudraient-ils ne voir ici qu’une
hyperbole. Mais je crains qu’en nous abusant ici-bas sur le sens des paroles,
nous ne nous réservions en réalité le dernier supplice dans l’autre vie. Ne
regardez donc pas ce châtiment comme excessif, car les paroles sont pour la
plupart des hommes le principe de leurs crimes et de leurs châtiments. Que de
fois, en effet, des paroles légères ont conduit à l’homicide ou à la
destruction de villes entières ! Et d’ailleurs estimez-vous donc une
faute légère que de traiter son frère de fou, et de le dépouiller ainsi de la
sagesse, de l’intelligence, qui nous font ce que nous sommes, et nous
distinguent des animaux sans raison. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien il sera passible du conseil, c’est-à-dire qu’il fera partie de ce conseil de ceux qui se sont déclarés contre le Christ, interprétation qui est celle des Apôtres dans leurs canons. — Saint Hilaire : (Can.
4.) Ou bien celui qui traite d’esprit vide son frère
qui est rempli de l’Esprit saint, méritera d’être traduit devant le conseil
des saints, qui, devenus ses juges, lui feront expier par une sentence sévère
l’outrage qu’il a fait à l’Esprit saint. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) On me demandera
peut-être quel supplice plus grave est réservé à l’homicide, si le simple
outrage est puni par le feu de l’enfer; je répondrai qu’il faut admettre
divers degrés dans les supplices de l’enfer. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien le jugement et le
conseil sont des peines de la vie présente, et l’enfer le châtiment de la vie
future. Jésus donne le jugement pour châtiment à la colère, pour montrer que
s’il n’est pas possible à l’homme d’être tout à fait sans passions, il est en
son pouvoir de leur mettre un frein; et la raison pour laquelle il n’assigne
pas à la colère de châtiment déterminé, c’est qu’il ne veut point paraître
l’interdire entièrement. Il parle ici du conseil par allusion au grand conseil
des Juifs, pour ne point passer toujours pour un novateur qui enseigne des
choses étrangères à la Loi. — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Dans ces trois sentences, il faut faire attention aux mots qui sont sous-entendus. La première est complète, il n’y a rien à sous-entendre: « Celui qui se met en colère contre son frère » (sans cause selon quelques-uns); dans la seconde: « Celui qui dit à son frère: raca. » il faut sous-entendre sans cause; et dans la troisième: « Celui qui dira: « Vous êtes un insensé, » il faut sous-entendre: « à son frère » et « sans cause ». C’est ainsi qu’on justifie l’Apôtre d’avoir appelé insensés (Ga 3, 3) les Galates qu’il nomme ses frères, parce qu’il ne l’a pas fait sans raison. |
Lectio 14 [85388] Catena in Mt., cap. Hieronymus. Non dixit: si tu habes aliquid
adversus fratrem tuum, sed si frater tuus habet aliquid adversum te, ut
durior tibi reconciliationis imponatur necessitas. Augustinus. Tunc enim ipse habet adversus nos,
si nos eum in aliquo laesimus: nam nos adversus illum habemus, si ille nos
laeserit, ubi non est opus pergere ad reconciliationem: non enim veniam
postulabis ab eo qui tibi fecit iniuriam; sed tantum dimittas, sicut tibi a
domino dimitti cupis quod ipse commiseris. Chrysostomus super Matth. Si autem ille te
laeserit, et prius rogaveris, magnam habebis mercedem. Chrysostomus in Matth. Sed si aliquis propter
amorem proximi ei reconciliari non curat, ad hoc eum inducit ut saltem eius
opus non remaneat imperfectum, et praecipue in loco sacro; unde subdit
relinque ibi munus tuum ante altare, et vade prius reconciliari fratri tuo.
Chrysostomus super Matth. Ecce a
discordantibus accipere non vult sacrificium. Hinc ergo perpendite quantum
sit malum discordiae, propter quod et illud abiicitur per quod culpa
relaxatur. Vide autem misericordiam Dei, quomodo hominum utilitates amplius
aspicit quam suos honores: plus enim diligit concordiam fidelium quam munera:
quamdiu enim fideles homines aliquam dissensionem habuerint, munus eorum non
suscipitur, oratio eorum non exauditur. Nemo enim inter duos inimicos potest
esse fidelis amicus amborum; ideo et Deus non vult esse amicus fidelium,
quamdiu inter se fuerint inimici. Et nos ergo fidem Deo non servamus, si inimicos
eius non diligimus et amicos eius odimus. Qualis autem praecessit offensio,
talis debet sequi reconciliatio. Si cogitatu offendisti, cogitatu
reconciliare; si verbis offendisti, verbis reconciliare; si operibus
offendisti, operibus reconciliare. Omne
enim peccatum quo modo committitur, eo modo de ipso poenitentia agitur. Hilarius in Matth. Reconciliata autem
humana pace, reverti in divina iubet, in Dei caritatem de caritate hominum
transituros. Et ideo sequitur et tunc veniens offeres munus tuum. Augustinus. Si autem quod hic dicitur,
accipiatur ad litteram, fortassis aliquis credit ita fieri oportere, si
frater sit praesens: non enim diutius differri potest, cum munus tuum
relinquere ante altare iubearis. Si vero de absente, et,
quod fieri potest, etiam trans mare constituto aliquid tale veniat in mentem,
absurdum est credere ante altare munus relinquendum, quod post terras et
maria pererrata offeras Deo. Et ideo prorsus intro ad spiritualia refugere
cogimus, ut quod dictum est, sine absurditate possit intelligi. Altare itaque
spiritualiter fidem accipere possumus. Munus enim quod offerimus Deo sive
doctrina, sive oratio, vel quicquid aliud, Deo acceptum esse non potest nisi
fide fulciatur. Si ergo fratrem in aliquo laesimus, pergendum est ad reconciliationem,
non pedibus corporis, sed motibus animi, ubi te humili affectu prosternas
fratri in conspectu eius, cuius munus es oblaturus. Ita enim, ac si praesens
sit, poteris eum non simulato animo lenire veniam postulando, atque inde
veniens, idest intentionem revocans ad id quod agere coeperas, offeras munus
tuum. |
Versets 23-24.
— Saint Augustin : (serm. sur la mont., 1, 10 ou 20.) S’il n’est
pas permis de se mettre en colère contre son frère, ni de lui dire raca ou « vous êtes un fou »,
à plus forte raison est-il défendu de conserver quelque chose contre lui dans
son cœur, et de laisser se changer en haine le premier mouvement
d’indignation. Aussi le Seigneur ajoute: « Si vous présentez votre
offrande à l’autel, et que vous vous souveniez que votre frère a quelque
chose contre vous, etc... » —
Saint Jérôme : Il ne dit pas: « Si vous avez
quelque chose contre votre frère, » mais « si votre frère a quelque
chose contre vous, » pour vous montrer combien est sévère la nécessité
de la réconciliation. — Saint
Augustin : (serm.
sur la mont.) Notre frère a quelque chose contre
nous, lorsque nous l’avons offensé; nous avons quelque chose contre lui,
lorsque nous sommes nous-mêmes les offensés. Dans ce dernier cas, nous
n’avons pas à provoquer une réconciliation, vous n’irez pas en effet demander
pardon à celui qui vous a outragé, il suffit que vous lui pardonniez, comme
vous désirez que Dieu vous pardonne les fautes que vous avez commises. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si c’est lui qui vous a offensé,
et que vous fassiez les premières avances, votre récompense sera grande. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16) Si toutefois la charité
fraternelle est un motif insuffisant de réconciliation pour quelqu’un, qu’il
songe au moins à ne pas laisser leur oeuvre imparfaite surtout dans le lieu
saint: « Laissez-là votre offrande devant l’autel, ajoute-t-il, et
allez vous réconcilier avec votre fière. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Dieu ne veut donc pas
recevoir le sacrifice des chrétiens divisés entre eux. Jugez de là quel grand
mal est la discorde, puisqu’elle force Dieu de rejeter le moyen qu’il nous a
donné pour effacer nos péchés. Voyez la grandeur de la miséricorde de Dieu,
il préfère notre propre utilité aux honneurs qui lui sont dus; l’union des
fidèles lui est plus chère que leurs offrandes; tant qu’ils sont divisés
entre eux, ni leurs sacrifices ne sont acceptés, ni leurs prières exaucées.
On ne peut être l’ami intime de deux personnes ennemies entre elles, et Dieu
lui-même ne veut pas être l’ami des fidèles, tant qu’ils demeurent ennemis
les uns des autres. Nous ne pouvons donc rester fidèles à Dieu, en aimant ses
ennemis, en détestant ses amis. Or la réconciliation doit être de même nature
que l’offense qui a précédé. S’est-elle bornée à une simple pensée,
réconciliez-vous intérieurement; avez-vous offensé [votre frère] par des
paroles injurieuses, réconciliez-vous par des paroles charitables; avez-vous
été jusqu’à des actes outrageants, opposez-leur pour vous réconcilier des
actes contraires, car la pénitence doit avoir le même caractère que le péché
qui a été commis. —
Saint Hilaire : (can. 4.) La paix étant assurée avec le
prochain, le Seigneur ordonne de reprendre l’oeuvre de la paix avec Dieu; il
veut que nous nous élevions de l’amour de nos frères jusqu’à l’amour de Dieu,
et c’est pour cela qu’il ajoute: « alors vous viendrez offrir votre
don. » — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Si cette recommandation doit être prise au sens littéral, on est fondé à croire qu’elle n’est possible qu’autant que notre frère est présent, car ce n’est pas une chose qu’on puisse traîner en longueur, puisqu’on vous commande de laisser votre offrande devant l’autel. Or, si cette pensée vous vient lorsque votre frère est absent, et ce qui peut arriver, au delà des mers, il serait absurde de croire qu’il faille laisser le sacrifice devant l’autel pour le continuer après avoir parcouru les terres et les mers. Nous sommes donc obligés de recourir au sens spirituel et caché de ces paroles pour pouvoir les comprendre sans absurdité. Ainsi nous pouvons entendre spirituellement l’autel de la foi, car quelque offrande que nous puissions faire à Dieu, science, prière ou toute autre chose, elle ne peut lui être agréable sans avoir la foi pour appui. Si donc nous nous sommes rendus coupables de quelque offense envers notre frère, il nous faut aller au-devant de la réconciliation, non par les pas du corps, mais par l’élan du cœur. C’est là que vous devez vous prosterner aux pieds de votre frère dans un profond sentiment d’humilité, en présence de celui à qui vous devez offrir votre sacrifice. C’est ainsi qu’agissant en toute sincérité, vous pourrez apaiser votre frère et lui demander votre pardon, comme s’il était présent. Vous reviendrez ensuite, c’est-à-dire vous ramènerez votre intention sur l’oeuvre que vous aviez commencée, et vous offrirez votre sacrifice. |
Lectio 15 [85389] Catena in Mt.,
cap. Hilarius in Matth. Quia nullum tempus vacuum
affectu placabilitatis dominus esse permittit, cito in vitae nostrae via
reconciliari nos adversario praecepit, ne in mortis tempus non inita pace
transeamus; et ideo dicit esto consentiens adversario tuo cito dum es cum eo
in via, ne forte tradat te adversarius iudici. Hieronymus. Pro eo quod nos habemus in Latinis codicibus
consentiens, in Graecis scriptum est eunoon, quod interpretatur benevolus,
aut benignus. Augustinus de Serm. Dom. Sed videamus quis sit
adversarius, cui iubemur esse benevoli. Aut enim Diabolus est, aut homo, aut
caro, aut Deus, aut praeceptum eius. Sed Diabolo non video qualiter iubeamur
esse benevoli aut consentientes: ubi enim benevolentia, ibi amicitia; nec
quisquam dixerit amicitiam cum Diabolo esse faciendam; neque concordare cum
illo expedit cui semel renuntiando bellum indiximus; neque consentire illi
oportet, cui si nunquam consensissemus, nunquam in istas incidissemus
materias. Hieronymus. Quidam tamen dicunt a salvatore
praecipi ut simus benevoli erga Diabolum, ne faciamus eum poenam sustinere
pro nobis, quem dicunt pro nobis esse torquendum, si ei consenserimus vitia
suggerenti. Quidam cautius disputant, in Baptismate singulos pactum inire cum
Diabolo ei abrenuntiando. Si ergo servaverimus pactum, benevoli et
consentientes sumus adversario, et nequaquam in carcere recludendi. Augustinus. Non autem video quomodo accipiam,
ab homine nos iudici tradi, ubi Christum iudicem intelligo, ante cuius
tribunal omnes exhiberi oportet. Quomodo ergo iudici traditurus est qui ante
iudicem pariter exhibetur? Et etiam si occidendo quis nocuerit homini, non
erit iam tempus quo concordet cum eo in via, idest in hac vita; nec tamen
ideo non sanabitur poenitendo. Carni vero multo minus video quomodo
consentientes esse iubeamur; magis enim peccatores ei consentiunt: qui vero
eam servituti subiiciunt, non ei consentiunt, sed eam sibi consentire cogunt.
Hieronymus. Quomodo etiam caro mittenda erit
in carcerem si animae non consenserit, cum et anima et caro pariter
recludendae sint, nec quicquam possit caro facere nisi quod animus
imperaverit? Augustinus. Fortassis ergo iubemur Deo
consentire, quia ab eo peccando recessimus, ut adversarius noster dici possit
dum nobis resistit: Deus enim superbis resistit. Quisquis ergo in hac vita
non fuerit reconciliatus Deo per mortem filii eius, tradetur ab illo iudici,
idest filio, cui pater iudicium dedit. Quomodo autem potest recte dici homo
esse in via cum Deo, nisi quia Deus ubique est? Aut si non placet dici impios
esse cum Deo, qui ubique praesto est, sicut non dicimus caecos esse cum luce
quae eos circumfundit, unum reliquum est ut hic adversarium praeceptum Dei
intelligamus, quod adversatur peccare volentibus, et datum est nobis ad hanc
vitam ut sit nobiscum in via; cui oportet nos consentire cito, legendo,
praeaudiendo, deferendo ei culmen auctoritatis, ut quod aliquis intelligit
non oderit propter hoc quod adversatur peccatis suis, sed magis diligat
propter correctionem; quod vero obscurum est, oret ut intelligat. Hieronymus. Sed ex praecedentibus manifestus
est sensus, quod dominus nos ad concordiam proximi cohortatur; nam supra
dictum est vade reconciliari fratri tuo. Chrysostomus super Matth. Festinat enim
dominus ut ad amicitiam festinemus inimicorum nostrorum quamdiu vivimus in
hac vita, sciens quam periculosum est si unus ex inimicis pace non facta
mortuus fuerit. Si enim inimicantes per mortem iveritis ante iudicem, tradet
te Christo, convincens te reum iudicio eius. Tradet autem te iudici, etiam si
te prius rogaverit: qui enim rogat prius inimicum, reum facit eum ante Deum.
Hilarius in Matth. Vel adversarius tradet vos
iudici, quia manens in eum simultatis vestrae ira vos arguit. Augustinus. Iudicem intelligo Christum: pater
enim omne iudicium dedit filio; ministrum autem intelligo Angelum: et Angeli,
inquit Matthaeus, ministrabant ei; et cum Angelis suis venturum credimus ad
iudicandum. Unde sequitur et iudex tradat te ministro. Chrysostomus super Matth. Vel ministro, idest
Angelo poenarum crudeli, et ille mittet te in carcerem Gehennae; unde
sequitur et in carcerem mittaris. Augustinus. Carcerem autem intelligo poenas,
videlicet tenebrarum. Et ne quis istum carcerem contemneret, sequitur amen
dico tibi: non exies inde donec reddas novissimum quadrantem. Hieronymus. Quadrans genus nummi est quod
habet duo minuta; hoc est ergo: non egredieris de carcere donec etiam minuta
peccata persolvas. Augustinus. Aut enim pro eo positum est quod
nihil relinquitur impunitum; sicut cum volumus exprimere aliquid ita exactum
ut nihil relinqueretur, dicimus usque ad fecem; vel significantur sub nomine
quadrantis novissimi terrena peccata. Quarta enim pars elementorum huius
mundi, et ea novissima, terra invenitur. In
hoc autem quod dictum est solvas, significatur poena aeterna. Et sicut
positum est donec, ubi dictum est: sede a dextris meis, donec ponam inimicos
tuos sub pedibus tuis (non enim cum fuerint inimici sub pedibus positi,
desinit regnare), ita et hic accipi potest non exies donec solveris
quadrantem; semper non exiturum, quia solvet semper novissimum quadrantem,
dum sempiternas poenas peccatorum terrenorum luet. Chrysostomus super Matth. Vel si quidem
in hoc saeculo pacem feceris, etiam gravissimi operis poteris accipere
indulgentiam; si autem semel condemnatus fueris, missus in carcerem, non
solum de gravibus peccatis, sed etiam de verbo otioso, quod potest
significari per quadrantem, exigentur a te supplicia. Hilarius in Matth. Quia enim caritas
plurimum peccatorum tegit, novissimum poenae quadrantem solvemus, nisi pretio
ipsius culpa criminum redimatur. Chrysostomus super Matth. Vel angustiae
huius mundi appellantur carceres, in quas plerumque peccantes mittuntur a Deo.
Chrysostomus in Matth. Vel loquitur hic
de iudicibus qui sunt in mundo isto et de via quae est ad hoc iudicium et de
carcere isto, ut non solum a futuris, sed et a praesentibus auditorem
inducat, quae sunt ante oculos, et magis consueverunt movere; sicut et Paulus
dicit: si male feceris, time potestatem: non enim sine causa gladium portat. |
Verset 25.
— Saint Hilaire : (can. 4.) Le Seigneur ne veut pas qu’il y ait un seul instant de notre vie
où ne nous professions un vif amour pour la paix. Il nous commande donc de
nous réconcilier au plus tôt avec notre ennemi, tandis que nous sommes dans
le chemin de la vie, afin de ne pas arriver au moment de la mort sans avoir
fait la paix: « Accordez-vous promptement avec votre adversaire,
nous dit-il, pendant que vous êtes en chemin avec lui, de peur que votre
adversaire ne vous livre au juge. » —
Saint Jérôme : Dans le grec, au lieu du mot consentiens (qui est d’accord), qui se
trouve dans les exemplaires latins, ou lit:
ευνοων, bienveillant. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Examinons quel est cet
adversaire envers lequel Dieu nous ordonne d’être bienveillant: c’est ou le
démon, ou l’homme, ou la chair, ou Dieu, ou son commandement. Quant au démon,
je ne vois pas comment nous serions obligés de lui témoigner de la
bienveillance ou d’être d’accord avec lui; car la bienveillance suppose
l’amitié, et personne n’oserait dire que nous devions rechercher celle du
démon. Nous serait-il plus avantageux de faire la paix avec celui à qui nous
avons renoncé et déclaré par là même une guerre éternelle ? Enfin, aucun
accord n’est possible avec celui qui ne nous a plongés dans tous nos malheurs
que par l’union qui existait entre nous et lui. —
Saint Jérôme : Il en est cependant qui prétendent
que le Seigneur nous ordonne de nous montrer bienveillants pour le démon, en
ne l’exposant point aux nouveaux supplices que Dieu lui inflige pour nous,
disent-ils, toutes les fois que nous consentons à ses funestes inspirations.
Quelques autres avancent avec plus de réserve que chacun de nous, en
renonçant au démon dans le baptême, contracte un engagement avec lui. Si nous sommes fidèles à cet
engagement, nous sommes, avec notre adversaire, dans les termes voulus de la
bienveillance et du bon accord, et nous n’avons pas à craindre d’être jetés
dans la prison. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Je ne vois pas non plus
comment admettre que nous serons livrés à notre juge par un homme, alors que
ce juge est le Christ devant le tribunal duquel nous devons tous comparaître.
Comment donc cet homme pourrait-il vous remettre entre les mains de votre
juge, lui qui doit comparaître lui-même devant son tribunal ? En
supposant même qu’un homme devienne l’adversaire de son frère en lui donnant
la mort, il ne lui est plus possible de faire la paix avec lui sur le chemin,
c’est-à-dire pendant cette vie, et cependant le repentir pourra guérir son
âme. Je comprends beaucoup moins encore qu’on nous ordonne de nous mettre
d’accord avec la chair, car ce sont surtout les pécheurs qui vivent en
parfait accord avec elle. Ceux, au contraire, qui la réduisent en servitude,
ne s’accordent pas avec la chair, mais la forcent de s’accorder avec eux. —
Saint Jérôme : Comment d’ailleurs la chair
serait-elle condamnée à la prison pour avoir été en désaccord avec l’âme,
puisque l’âme et la chair seront punies du même supplice, et que la chair ne peut
rien faire si ce n’est ce que l’âme lui commande. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Peut-être est-ce avec
Dieu qu’il nous est ordonné de nous mettre d’accord, car le péché nous sépare
de lui, et on peut dire qu’il devient notre adversaire en nous résistant,
selon cette parole: Dieu résiste aux superbes (1 P 5; Jc 4, 6; Pv 3, 34).
Tout homme donc qui, pendant cette vie, ne se sera pas réconcilié avec Dieu
par la mort de son Fils, sera livré par lui au juge, c’est-à-dire au Fils à
qui le Père a donné tout jugement. Mais comment peut-on dire avec quelque
raison que l’homme se trouve sur le chemin avec Dieu, si ce n’est parce que
Dieu est partout ? S’il ne nous plaît pas de dire que les impies sont
avec Dieu, qui est partout, comme de dire que les aveugles sont avec la
lumière qui les environne, il ne nous reste plus qu’à voir dans cet
adversaire le commandement de Dieu, qui se montre contraire à ceux qui
veulent pécher. Ce commandement nous a été donné pour nous diriger dans le
chemin de la vie; il ne faut point tarder à nous accorder avec lui, en le
lisant, en l’écoutant avec attention, en lui donnant sur nous une souveraine
autorité. Si nous comprenons en partie ce précepte, nous ne devons pas le
haïr, parce qu’il est contraire à nos péchés, mais nous devons l’en aimer
davantage, parce qu’il nous fait rentrer dans le devoir et prier Dieu de nous
révéler ce qui lui reste d’obscur pour nous. —
Saint Jérôme : Cependant, d’après ce qui précède, le
sens est évident : le Seigneur veut nous parler ici de l’union produite
par la charité fraternelle, puisqu’il est dit plus haut: « Allez vous
réconcilier avec votre frère. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le Seigneur nous presse de
nous hâter, tant que nous vivons, de rechercher, dans cette vie, l’amitié de
nos ennemis, car il sait quel danger nous courons, si l’un d’eux vient à
mourir avant que nous ayons fait la paix avec lui. Si la mort vous surprend
et que vous paraissiez devant votre juge dans cet état d’inimitié, votre
ennemi vous livrera au Christ et vous convaincra de crime devant son
tribunal. Même s’il vous a demandé d’abord comme une grâce de vous
réconcilier, il vous livrera entre les mains du juge, car celui qui prie son
ennemi [de lui accorder la paix] augmente sa culpabilité aux yeux de Dieu. —
Saint Hilaire : Ou bien votre adversaire vous
livrera au juge, parce que cette haine secrète que vous faites peser
continuellement sur lui, sera votre accusateur devant Dieu. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ce juge, à mon avis,
c’est le Christ, car le Père a donné tout jugement au Fils. (Jn 5, 23.) Le ministre, c’est l’ange [de la justice de Dieu]; « Et
les anges, dit l’Évangéliste, le servaient. » (Mt 4.) Nous croyons en effet qu’au
jour du jugement les anges formeront son cortège. Voilà pourquoi il ajoute: « et
que le juge ne vous livre au ministre. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore ce ministre,
c’est l’ange redoutable du châtiment, et c’est lui qui vous enverra dans la
prison de l’enfer signifié par ces paroles: « et vous serez jeté en
prison. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) La prison, ce sont les
peines des ténèbres, et, dans la crainte que vous ne méprisiez ce supplice,
il ajoute: « Je vous le dis en vérité, vous ne sortirez point de là
que vous n’ayez payé jusqu’à la dernière obole. » —
Saint Jérôme : L’obole est une pièce de monnaie qui
vaut environ deux piécettes, [la plus petite espèce de monnaie], et ces
paroles du Seigneur veulent dire: « Vous n’en sortirez pas que vous
n’ayez expié vos fautes les plus légères. » —
Saint Augustin : Ou bien : Notre Seigneur
emploie ces expressions pour nous marquer que rien ne reste impuni; c’est
ainsi que nous disons d’une chose accomplie sans rien laisser au hasard,
qu’on a été jusqu’à la lie. Ou bien cette dernière obole signifie peut-être
les péchés de la terre, car la terre est la quatrième et la dernière partie
des éléments de ce monde. Ces paroles: « que vous n’ayez payé »
signifient la peine éternelle, et l’expression jusqu’à ce que doit être prise dans le même sens que dans cette
autre phrase: « Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que je réduise
vos ennemis à vous servir de marchepied » ; car il est évident
que son règne ne cessera pas lorsque ses ennemis lui seront soumis. « Vous
n’en sortirez pas que vous n’ayez payé jusqu’à la dernière obole »
peut être compris ici dans ce sens : ce qui n’arrivera jamais, car on y
paiera tout, jusqu’à la dernière obole, tant que dureront les peines
éternelles dues aux péchés qui ont été commis sur la terre. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore, si vous
faites votre paix en ce monde, vous pourrez recevoir le pardon des plus
grands crimes, mais si vous êtes une fois condamné et jeté en prison, vous
serez puni, non seulement pour vos fautes les plus graves, mais pour une
seule parole oiseuse qui peut être signifiée par cette obole dont il est ici
parlé. —
Saint Hilaire : La charité couvre la multitude des
péchés; nous paierons donc jusqu’à la dernière obole si, à l’aide de cette
divine charité, nous n’acquittons pas les dettes de nos péchés. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore, par cette
prison, on peut entendre les angoisses de ce monde auxquelles Dieu condamne
ceux qui se livrent habituellement au péché. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 16.) On peut dire enfin qu’il est ici question des juges de la terre, du chemin qui conduit à leur tribunal et des prisons d’ici-bas, car Notre Seigneur veut produire la persuasion dans ceux qui l’écoutent, non seulement par les choses de l’éternité, mais aussi par celles du temps, qui sont devant nos yeux et de nature à nous impressionner davantage. C’est dans ce sens que saint Paul disait : « Si vous avez mal fait, craignez le pouvoir, car ce n’est pas sans raison qu’il est armé du glaive. » |
Lectio 16 [85390] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 16 Chrysostomus in Matth. Postquam
dominus quid primum mandatum contineret edocuit, scilicet non occides,
instituto pergens ordine provehitur ad secundum, dicens audistis quia dictum
est antiquis: non moechaberis. Augustinus de decem chordis. Idest, non ibis
ad aliquam aliam praeter uxorem tuam. Si enim hoc exigis ab uxore, non vis
hoc reddere uxori, cum debeas in virtute praecedere uxorem. Turpe autem est
ut vir dicat hoc non posse fieri. Quod femina facit, vir non potest? Noli
autem dicere: uxorem non habeo, ad meretricem pergo, nec hoc praeceptum
violo, quod dicit non moechaberis; iam enim nosti pretium tuum, iam nosti
quod manduces, quod bibas. Abstine ergo te a fornicationibus. Cum enim
imaginem Dei (quod es tu) corrumpis per fornicationes et defluentias
libidinis, ipse etiam dominus, qui scit quid tibi utile sit, hoc praecipit,
ne per illicitas voluptates corruat templum eius, quod esse coepisti. Augustinus contra Faustum. Sed quoniam
putabant Pharisaei, tantummodo corporalem cum femina illicitam commixtionem
vocari moechiam, demonstravit dominus talem concupiscentiam nihil aliud esse,
dicens ego autem dico vobis quia omnis qui viderit mulierem ad concupiscendum
eam, iam moechatus est eam in corde suo. Quod autem lex praecipit: non
concupisces uxorem proximi tui, videbatur Iudaeis intelligendum esse de
ablatione non de concubitu. Hieronymus. Inter pathos, et propathian, idest
inter passionem et propassionem, hoc interest, quod passio reputatur in
vitium, propassio, licet vitii culpam habeat, tamen non tenetur in crimine.
Ergo qui viderit mulierem, et anima eius fuerit titillata, hic propassione
percussus est. Si ergo consenserit, de propassione transivit ad passionem, et
huic non voluntas peccandi deest, sed occasio. Quicumque igitur viderit ad
concupiscendum, idest sic aspexerit ut concupiscat, et facere disponat, recte
moechatus dicitur in corde suo. Augustinus de Serm. Dom. Nam tria sunt quibus
impletur peccatum: scilicet suggestio quae per memoriam fit, sive per
corporis sensus; quod si frui delectaverit, delectatio illicita refrenanda
est; si autem consensio facta fuerit, plenum peccatum est. Verumtamen
delectatio ante consensum vel nulla est, vel tenuis; cui consentire peccatum
est. Si autem et in factum processerit, videtur satiari et extingui
cupiditas. Sed postea cum suggestio repetitur, maior accenditur delectatio,
quae adhuc minor est quam illa quae in consuetudinem vertitur; quam vincere
difficile est. Gregorius Moralium. Quisquis vero incaute
exterius respicit, plerumque in delectationem peccati cadit, atque obligatus
desideriis, incipit velle quod noluit. Valde namque est quod caro deorsum
trahit, et semel species formae cordi per oculos alligata, vix magni
luctaminis manu solvitur. Providendum ergo nobis est: quia intueri non debet
quod non licet concupisci. Ut enim munda mens in cogitatione servetur, a
lascivia voluptatis suae deprimendi sunt oculi, quasi quidam raptores ad
culpam. Chrysostomus in Matth. Si ergo studeas
venustis vultibus oculos frequenter infigere, profecto capieris, etiam si
secundo et tertio possis fortasse animum continere. Neque enim extra naturam
aleamque humanam consistis. Qui enim in se flammam cupiditatis accenderit,
etiam absente muliere quam vidit, iugiter apud se turpium rerum simulacra
depingit, et nonnumquam ad flagitium ipsum etiam opere pervenit. Si qua vero
ideo ornatur et comitur, ut in se oculos hominum irritet, etiam si nullum
pulchritudine sua potuerit vulnerare, dabit tamen extrema supplicia: paravit
quippe venenum, porrexit poculum, etiam si nullus qui biberet inventus sit.
Quod autem ad solos viros videtur dirigere, etiam feminis competit: cum enim
capiti loquitur, toti profecto corpori admonitio communis est. |
Versets 27-28
— Saint Jean Chrysostome : (hom.
17 sur S. Matth.) Le Seigneur, après avoir enseigné
ce que contient le premier précepte: « Vous
ne tuerez pas », procédant dans l’ordre, il passe au second: « Vous savez qu’il a été dit aux
anciens: « Vous ne commettrez pas d’adultère. » —
Saint Augustin : (Des dix cordes, chap. 3, 9, 10.)
C’est-à-dire vous ne vous approcherez pas d’une autre que de votre épouse.
Vous exigez de votre épouse qu’elle observe fidèlement cette loi et vous ne voudriez
pas l’observer à son égard, vous qui devez lui être supérieur en
vertus ? Il est honteux pour un homme de dire: Cela m’est impossible.
Comment, ce que la femme peut faire, l’homme ne le pourrait pas ? Et ne
dites pas: Je n’ai pas d’épouse, je vais trouver une courtisane, et je ne
viole pas le précepte qui défend l’adultère; car vous savez ce que vous
valez, vous savez ce que vous mangez et ce que vous buvez. Abstenez-vous donc
de toute fornication. Par la fornication et par les débordements du
libertinage, vous dégradez l’image de Dieu que vous portez en vous-même.
Aussi le Seigneur qui sait ce qui vous est utile, vous commande de ne point
laisser écrouler, sous les coups des voluptés criminelles, son temple qu’il a
commencé d’élever dans votre âme. —
Saint Augustin : (contre Fauste, 19,
23.) Mais comme les Pharisiens pensaient que la seule union charnelle avec la
femme d’autrui était défendue sous le nom d’adultère, le Seigneur leur
apprend que le désir seul de cette union était un véritable adultère: « Mais moi je vous dis que quiconque
aura regardé une femme pour la convoiter a déjà commis l’adultère avec elle
dans son cœur ». Quant à ce commandement de la loi: « Vous ne désirerez pas la femme de
votre prochain », (Ex 20, 17; Dt 5, 21) les Juifs l’entendaient de
l’enlèvement de la femme d’autrui, et non de l’union charnelle. —
Saint Jérôme : Il y a cette différence entre la
véritable passion et le premier mouvement qui la précède, que la passion est
regardée comme un vice réel, tandis que ce premier mouvement, sans être
entièrement innocent, n’a cependant pas un caractère aussi criminel. Celui
donc qui, à la vue d’une femme, sent un mauvais désir effleurer son âme,
éprouve les premières atteintes de la passion; s’il donne son consentement,
la passion naissante se change en passion consommée, et ce n’est pas la
volonté de pécher qui manque à cet homme, c’est l’occasion. Ainsi, quiconque
voit une femme pour la convoiter, c’est-à-dire la regarde dans l’intention de
faire naître ce désir criminel et de chercher à l’accomplir, a commis en
toute vérité l’adultère dans son cœur. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 12 ou 13) Trois choses
concourent à la consommation du péché, la suggestion, la délectation, le
consentement. La suggestion vient de la mémoire ou des sens. Si l’on trouve
du plaisir dans l’idée de la jouissance, il faut réprimer cette délectation
criminelle; si l’on y consent, le péché est complet. Cependant, avant le
consentement, la délectation est nulle ou légère, c’est un péché d’y
consentir lorsqu’elle est illicite; si elle va jusqu’à la consommation de
l’acte, il semble que la passion soit rassasiée et comme éteinte. Mais que la
suggestion revienne de nouveau, la délectation renaît plus vive, bien qu’elle
soit moindre que celle qui se change en habitude, et qu’il est très difficile
de vaincre. — Saint Grégoire le Grand : (Moral.,
liv. 21.) Celui dont les yeux s’égarent sans précaution sur les objets
extérieurs, tombe presque toujours dans la délectation du péché, et comme
enchaîné par ses désirs, il finit par vouloir ce qu’il ne voulait pas. C’est
de tout son poids que la chair nous entraîne vers les choses basses, et une
fois que notre cœur est lié à cette image de la beauté que les yeux lui ont
transmise, les plus grands efforts suffisent à peine pour l’en arracher. Il
nous faut donc veiller sur nous, et songer que nous ne devons pas regarder ce
qu’il nous est défendu de désirer. Voulons-nous conserver à notre cœur la
pureté de ses pensées, détournons les yeux de toute image voluptueuse et
sensuelle, sans quoi ils nous entraîneront infailliblement à la faute. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 17.) Si vous vous appliquez à fixer continuellement vos regards sur de beaux visages vous serez pris infailliblement, quand même vous échapperiez au mal deux ou trois fois, car vous n’êtes pas supérieur à la nature et au sort de l’homme. Mais celui qui en regardant une femme, allume dans son cœur une flamme coupable, conserve dans son âme même en l’absence de cette femme, l’image d’actions que la pudeur réprouve, et il finit presque toujours par s’y livrer. Si une femme de son côté, se pare et se coiffe dans l’intention d’attirer sur elle les regards des hommes, elle se rend digne des châtiments éternels, alors même qu’elle n’a pu blesser personne de ses funestes coups. En effet elle a composé du poison et préparé la coupe, quoiqu’elle n’ait trouvé personne pour le boire. Ce que Jésus-Christ semble dire aux seuls hommes, il le dit également aux femmes, car en parlant au chef, son avertissement s’adresse à tout le corps. |
Lectio 17 [85391] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Quia non solum peccata vitanda
sunt, sed et occasiones peccatorum tollendae, postquam docuit vitare moechiae
peccatum, non solum in opere, sed etiam in corde, consequenter docet
occasiones peccatorum abscindere, dicens quod si oculus tuus dexter
scandalizat te. Chrysostomus super Matth. Sed, si secundum
prophetam, non est sanitas in carne nostra, quot membra quis habet, debet
abscindere, ut secundum malitiam carnis, sufficiat poena membrorum. Sed
videamus si sic possibile est intelligere de oculo corporali vel manu. Sicut
totus homo, cum conversus fuerit ad Deum, mortuus est peccato, sic et oculus,
cum desierit male aspicere, eiectus est peccato; sed neque sic convenit. Si
enim dexter oculus scandalizat, sinister quid facit? Numquid contradicit
dextero, ut quasi innocens reservetur? Hieronymus. In dextero ergo oculo et dextera
manu, et fratrum et uxoris et liberorum atque affinium et propinquorum
innititur affectus; quem si ad contemplandam veram lucem nobis impedimento
cernimus, debemus truncare huiusmodi portiones. Augustinus de Serm. Dom. Quemadmodum
autem in oculo contemplatio, sic in manu actio recte intelligitur. Per oculum
autem intelligimus dilectissimum amicum: solet enim ab eis qui vehementer
volunt exprimere dilectionem suam, ita dici: diligo eum ut oculum meum.
Oportet autem intelligi per oculum amicum consiliarium, quia oculus iter
demonstrat. Quod autem additum est, dexter, fortasse ad augendam vim
dilectionis valet: dextrum enim oculum homines magis formidant amittere. Vel
quia dexter est, intelligitur consiliarius in rebus divinis, sinister autem
oculus est consiliarius in rebus terrenis; ut sic ille sit sensus: quicquid
illud est quod ita diligis ut pro dextero oculo habeas, si scandalizat te,
idest si impedimento est tibi ad veram beatitudinem, eiice eum, et proiice
abs te. De sinistro autem scandalizante superfluum erat dicere, quando quidem
nec dextero parcendum est. Dextera autem manus
accipitur dilectus adiutor in divinis operibus; sinistra autem in operibus
quae huic vitae et corpori sunt necessaria. Chrysostomus super Matth. Vel aliter vult
Christus ut non solum de periculo nostri peccati curemus, sed etiam ne ad nos
pertinentes turbae aliquid agant: ut puta si habes aliquem amicum qui res
tuas bene aspicit, quasi proprius oculus, aut qui procurat res tuas quasi
propria manus, si eum agnoveris aliquid turpiter agere, proiice eum longe abs
te, quia scandalizat te: quia non solum pro nostro peccato, sed etiam
proximorum, quos prohibere possumus, dabimus rationem. Hilarius in Matth. Fit ergo innocentiae
gradus celsior: carere enim non solum propriis vitiis, sed etiam extrinsecus
incidentibus admonemur. Hieronymus. Vel aliter. Quia supra de
concupiscentia mulieris dixerat, recte nunc cogitationem et sensum in diversa
volitantem oculum nuncupavit. Per dexteram autem et ceteras corporis partes,
voluntatis ad effectum initia demonstrantur. Chrysostomus super Matth. Oculus enim iste
carnalis speculum est interioris oculi. Habet autem et corpus suum sensum,
quod est oculus sinister, et appetitum, quod est manus sinistra. Partes autem
animae, dexterae vocantur, quoniam in libero arbitrio anima est creata, et
sub lege iustitiae, ut recte videat et agat. Pars autem corporis, quae non
habet liberum arbitrium, et est sub lege peccati, sinistra dicitur. Non autem
carnis sensum vel appetitum praecidere iubet: desideria enim carnis retinere
possumus, ut non faciamus quod desiderat caro; praecidere autem non possumus,
ut non desideret. Quando autem ex proposito volumus malum et cogitamus, tunc
dexter sensus et dextera voluntas nos scandalizant, et ideo hic praecidere
iubet. Possunt enim praecidi propter arbitrii libertatem. Vel aliter. Omne
bonum generaliter quod nos vel alios scandalizat, praescindere debemus a
nobis; sicut si visito aliquam mulierem causa religionis, bonus respectus est
oculus dexter; sed si assidue visitans decidi in laqueum desiderii eius, vel
etiam quidam videntes scandalizantur, dexter oculus scandalizat, quod bonum
est scandalizat: oculus enim dexter est bonus respectus, idest intentio;
manus dextera, bona voluntas. Glossa. Vel oculus dexter est vita
contemplativa, quae scandalizat in desidiam mittendo, vel arrogantiam, vel
cum ex infirmitate contemplari ad purum non valemus. Dextera autem manus est
bona operatio, vel vita activa, quae scandalizat dum per saeculi frequentiam
et occupationis taedio illaqueamur. Si quis ergo non potest frui
contemplativa, non torpeat otio ab activa, vel ne, dum occupatur actibus,
arescat ab interna dulcedine. Remigius. Sed quare eiiciendus sit dexter
oculus et dextera manus abscindenda, manifestat cum subdit expedit enim,
et cetera. Chrysostomus super Matth. Quoniam enim alter
alterius membra sumus, melius est ut sine uno tali membro salvemur, quam ut
volentes tales habere, et ipsi pereamus cum eis. Vel melius est ut sine uno
respectu aut uno bono opere salvemur, quam dum omnia opera bona volumus
facere, cum omnibus pereamus. |
Verset 29.
— La glose : Il ne suffit pas seulement d’éviter le péché, il faut encore en faire
disparaître l’occasion; aussi, après nous avoir enseigné à fuir le péché d’adultère,
non seulement consommé, mais encore l’adultère intérieur, le Seigneur nous
enseigne à retrancher les occasions de péché, en ajoutant: « Si votre oeil droit vous
scandalise. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si d’après le prophète, il
n’y a aucune partie de notre chair qui soit saine, nous devons retrancher
tous les membres de notre corps pour égaler leur châtiment à leur malice.
Mais voyons si nous devons entendre ce passage de l’oeil ou de la main du
corps. Lorsqu’un homme se convertit à Dieu, il est entièrement mort au péché;
de même l’œil, lorsqu’il renonce aux mauvais regards, est affranchi du péché.
Mais ce n’est pas la seule difficulté, car que fait l’oeil gauche pendant que
l’oeil droit vous scandalise ? Tient-il une conduite différente pour
être conservé comme innocent ? —
Saint Jérôme : Cet oeil droit, cette main droite,
signifient donc l’affection que nous avons pour des frères, pour une épouse,
pour des parents, pour des proches; si elle devient pour nous un obstacle à
la contemplation de la vraie lumière, nous devons retrancher ces parties si
chères de nous-mêmes. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 1, 43.) De même que
l’oeil est la figure de la contemplation, la main est la figure de l’action.
L’oeil est encore pour nous l’image d’un de nos amis les plus chers; aussi
ceux qui veulent exprimer vivement leur affection disent-ils: Je l’aime comme
l’un de mes yeux. Cet ami dont l’oeil est la figure, est un ami de bon
conseil, de même que l’oeil sert à nous indiquer le chemin. Il faut ajouter probablement
que c’est l’oeil droit, pour faire ressortir la force de l’amitié, car on
craint bien davantage de perdre l’oeil droit. Peut-être aussi par l’oeil
droit, faut-il entendre l’ami qui nous conseille dans l’ordre des choses
divines, et par l’oeil gauche celui qui donne des conseils sur les choses de
la terre. Le sens serait donc: Quel que soit celui que vous aimez à l’égal de
votre oeil droit, s’il vous scandalise, c’est-à-dire s’il est pour vous un
empêchement au véritable bonheur, arrachez-le et jetez-le loin de vous. Or il
n’était pas nécessaire de parler de l’oeil gauche qui scandalise, après avoir
dit qu’il ne faut pas épargner l’oeil droit. La main droite représente l’ami
qui nous aide dans les oeuvres spirituelles, la main gauche celui qui nous
prête son concours dans les choses de la vie présente et qui sont nécessaires
à notre corps. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) On peut dire aussi que
Jésus-Christ veut que nous prenions garde non seulement de nous exposer au
danger personnel de pécher, mais encore de laisser commettre des actions
coupables par ceux dont la conduite nous est confiée. Vous avez par exemple
un ami qui voit [et connaît parfaitement] vos affaires, comme votre oeil, ou
qui les traite comme votre propre main; vous apprenez qu’il s’est rendu
coupable d’une action honteuse, chassez-le loin de vous, parce qu’il vous
scandalise, car nous aurons à rendre compte non seulement de nos propres
fautes, mais encore des fautes du prochain que nous aurions pu empêcher. — Saint Hilaire : (Can. 4.) C’est donc ici un degré
d’innocence plus parfait; nous devons non seulement nous abstenir de tout
péché personnel, mais encore nous garantir de ceux qui peuvent se commettre
autour de nous. —
Saint Jérôme : Ou bien encore, comme le Seigneur
parle plus haut du désir coupable que peut exciter la vue d’une femme, il
prend ici l’oeil pour la pensée et le sentiment qui s’égarent sur divers
objets; la main droite et les autres parties du corps expriment les premiers
mouvements de la volonté et de la passion. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Cet oeil du corps est le
miroir de l’oeil intérieur; le corps a aussi un sens qui lui est propre,
c’est l’oeil gauche, et son appétit est figuré par la main gauche. Les facultés
de l’âme sont désignées par la droite, parce que l’âme a été créée avec le
libre arbitre et sous la loi de justice, pour juger et se conduire avec
droiture. Le corps qui n’a pas de libre arbitre, et qui est sous la loi du
péché, nous est représenté par la main gauche. Or on ne nous commande pas de
retrancher les sensations ou les appétits de la chair, car nous pouvons
réprimer ses désirs et ne pas satisfaire ce que la chair désire, tandis que
nous ne pouvons empêcher la chair de manifester ces désirs. Lorsque de propos
délibéré nous pensons, nous voulons le mal, c’est notre sens droit, c’est
notre volonté droite qui nous scandalise, et il nous est commandé de les
retrancher, ce que nous pouvons faire à l’aide du libre arbitre. Ou bien
encore dans un autre sens : nous devons nous abstenir de toute bonne
action qui devient un scandale pour nous ou pour les autres. Ainsi je fais
visite à une femme pour un motif de piété, mon intention est bonne, c’est
l’oeil droit. Mais si mes visites trop assidues me font tomber dans le piége
du désir, ou deviennent un scandale pour ceux qui en sont témoins, c’est
l’oeil droit qui scandalise, c’est ce qui est bien qui scandalise, car l’oeil
droit c’est le bon regard, c’est la bonne intention, comme la main droite est
la bonne volonté. — La Glose : On peut dire encore
que l’oeil droit c’est la vie contemplative qui peut devenir un objet de
scandale soit en nous jetant dans la paresse ou dans l’orgueil, soit parce que notre faiblesse nous
empêche de nous élever jusqu’à la pure vérité. La main droite figure les
bonnes oeuvres ou la vie active qui peut nous scandaliser en nous faisant
tomber dans le piége que nous tendent la fréquentation du monde et l’ennui
des occupations. Que celui donc qui ne peut goûter le bienfait de la vie contemplative
ne se laisse pas gagner par la langueur au milieu de la vie active, dans la
crainte qu’en se livrant aux occupations extérieures, il laisse se dessécher
la douceur intérieure de son âme. —
Saint Rémi : Mais pourquoi faut-il arracher l’oeil
droit; pourquoi faut-il couper la main droite ? Le Seigneur nous en
donne la raison. « car il vaut
mieux pour vous qu’un de vos membres périsse, etc...» — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Nous sommes les membres les uns des autres, il vaut donc mieux pour nous que nous soyons sauvés en ayant perdu tel membre, que de nous perdre en ayant voulu les garder tous. Et il vaut mieux être sauvés sans tel regard ou sans une seule bonne œuvre que de nous perdre avec toutes nos bonnes œuvres pour avoir voulu les accomplir toutes. |
Lectio 18 [85392] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Docuerat superius dominus
alienam uxorem non esse concupiscendam; consequenter hic docet suam non esse
dimittendam, dicens dictum est autem: quicumque dimiserit uxorem suam, det
illi libellum repudii. Hieronymus. In posteriori parte istum locum
plenius dominus et salvator exponit, quod Moyses libellum repudii dari
iusserit propter duritiam cordis maritorum, non dissidium concedens, sed
auferens homicidium. Chrysostomus super Matth. Quando enim Moyses
filios Israel eduxit de Aegypto, genere quidem erant Israelitae, moribus
autem Aegyptii. Propter mores gentilium contingebat ut vir odiret uxorem, et
quia dimittere illam non permittebatur, paratus erat interficere eam aut
assidue affligere. Ideo iussit dari libellum repudii, non quia bonum erat,
sed quia remedium erat mali peioris. Hilarius in Matth. Sed dominus
aequitatem in omnes concilians, manere eam maxime in coniugiorum pace
praecepit; unde subdit ego autem dico vobis, quia omnis qui dimiserit uxorem
suam, et cetera. Augustinus contra Faustum. Quod hic praecepit
dominus de uxore non dimittenda, non est contrarium ei quod lex praecipit, ut
Manichaeus dicebat; neque enim ait lex: qui voluerit dimittat uxorem, cui
esset contrarium non dimittere; sed utique nolebat dimitti uxorem a viro, qui
hanc interposuit moram, ut in dissidium animus praeceps libelli conscriptione
refractus absisteret, praesertim quia, ut perhibetur apud Hebraeos, scribere
litteras Hebraeas nulli fas erat nisi Scribis solis, qui excellentiorem
profitebantur scientiam. Ad hos igitur lex mittere voluit eum quem iussit
libellum dare repudii, si dimisisset uxorem, qui inter ipsum et uxorem
pacifice agendo, concordiam suaderent, et libellum non scriberent nisi in animo
nimis perverso consilium concordiae non valeret. Sic ergo neque primorum
hominum legem per verborum additamenta implevit, neque illam quae per Moysen
data est, quasi contrariorum oppositione destruxit, ut Manichaeus dicebat;
sed potius omnia ex Hebraeorum lege commemorata ita commendavit ut quicquid
ex persona sua insuper loqueretur, vel ad expositionem requirendam valeret,
si quid illa obscure posuisset, vel ad tutius observandum quod illa voluisset.
Augustinus de Serm. Dom. Qui ergo dimittendi
moram quaesivit, significavit quantum potuit duris hominibus, se nolle
dissidium. Dominus ergo ad illud confirmandum, ut non facile uxor dimittatur,
solam causam fornicationis excepit, dicens excepta causa fornicationis;
ceteras vero universas molestias, si quae forte extiterint, iubet pro fide
coniugali fortiter sustineri. Chrysostomus super Matth. Si enim extraneorum
vitia supportare debemus, dicente apostolo: invicem onera vestra portate,
quanto magis uxorum? Vir autem Christianus non solum se inquinare non debet,
sed nec aliis inquinandi occasionem praebere; alioquin illorum crimen ad
istius redundat peccatum qui aliis committendi criminis factus est causa. Qui
ergo dimittens uxorem occasionem dedit adulteriorum committendorum, ut et
illa adulteretur in alterum et alter in illam, pro adulteriis huiusmodi
condemnatur; et ideo dicit quod qui dimiserit uxorem suam, facit eam moechari.
Augustinus. Ulterius etiam moechum dicit virum
qui eam duxerit quae dimissa est a viro, scilicet per libellum repudii; et
ideo subdit et qui dimissam duxerit, adulterat. Chrysostomus in Matth. Non enim dicas quoniam
vir suus eam dimisit, quia etiam postquam dimissa est, remanet dimittentis
uxor. Augustinus. Huius autem rei apostolus terminum
ostendit, qui tamdiu observandum dicit quamdiu vir eius vivit. Illo autem
mortuo dat nubendi licentiam. Si autem non conceditur alteri nubere mulieri
vivente viro a quo recessit, multo minus fas est illicita cum quibuslibet
stupra committere; neque enim contra istud praeceptum, quo dominus dimitti
coniugem vetat, facit qui cum ea non carnaliter, sed spiritualiter vivit, cum
non eam dimittat. Beatiora namque sunt coniugia eorum qui inter se pari
consensu continentiam servant. Oritur autem hic quaestio: cum dominus causa fornicationis
permittat dimitti uxorem, qualiter hic intelligenda sit fornicatio: utrum ut
eam fornicationem credamus dictam quae stupris committitur, an quemadmodum
Scripturae solent fornicationem vocare omnem illicitam corruptionem, sicut
est idololatria, vel avaritia, et omnis iam transgressio legis per illicitam
concupiscentiam. Sed si licet, secundum apostolum, ut dimittatur coniux
infidelis, quamvis melius sit non dimittere, et tamen non licet secundum
praeceptum domini ut dimittatur coniux, nisi causa fornicationis; fornicatio
est etiam ipsa infidelitas. Porro si infidelitas fornicatio est, et
idololatria infidelitas, et avaritia idololatria, non est dubitandum et
avaritiam fornicationem esse. Quis ergo iam quamlibet illicitam
concupiscentiam potest recte a fornicationis genere separare, si avaritia
fornicatio est? Augustinus in Lib. Retract. Nolo tamen putare
lectorem in re tam difficili istam sibi disputationem nostram debere
sufficere: non enim omne peccatum fornicatio est spiritalis: neque enim omnem
peccantem Deus perdit, qui quotidie sanctos suos exaudit dicentes: dimitte
nobis debita nostra, cum perdat omnem qui fornicatur ab eo. Utrum etiam
propter hanc liceat dimittere uxorem, latebrosissima quaestio est; licere
tamen propter istam quae in stupris committitur, nulla quaestio est. Augustinus in Lib. 83 quaest. Si enim aliquis
asserat solam illam fornicationem dominum admittere ad causam relinquendae
coniugis, quae concubitu illicito perpetratur, potest dicere dominum de
utroque fideli dixisse, ut neutri liceat alterum relinquere nisi causa
fornicationis. Augustinus de Serm. Dom. Non tantum
fornicantem uxorem dimittere conceditur, sed quisquis eam quoque uxorem
dimittit a qua ipse cogitur fornicari, causa fornicationis utique dimittit,
non tantum illius, sed et suae: illius, quia fornicatur; suae, ne fornicetur.
Augustinus de fide et operibus. Eodem etiam
modo eam rectissime dimittit, si viro suo dicat: non ero uxor tua nisi nihil
de latrocinio divitias congreges, aut si quid aliud vel facinorosum vel
flagitiosum in viro monuerit. Tunc enim ille cui hoc uxor dicit, si veraciter
poenitens est, membrum quod eum scandalizat amputabit. Augustinus de Serm. Dom. Nihil autem est
iniquius quam fornicationis causa uxorem dimittere, si et ipse convincitur
fornicari; occurrit enim illud: in quo alterum iudicas, teipsum condemnas. De
eo autem quod dicit et qui dimissam duxerit, adulterat, potest quaeri utrum
sicut moechatur ille qui eam ducit, sic et illa quam ducit: iubetur enim ab
apostolo et illa manere innupta, aut viro reconciliari. Sed tamen si
discesserit a viro, multum interest utrum dimittat an dimittatur: si enim
ipsa virum dimiserit et alteri nupserit, videtur cupiditate mutandi coniugii
virum priorem reliquisse; quae adulterina cogitatio est; sed si dimittatur a
viro, inveniri non potest quomodo, cum vir et mulier pari consensu misceatur,
unus eorum moechatus sit, et non alter. Huc accedit quia si moechatur ille
ducendo eam quae dimissa est a viro, ipsa facit eum moechari; quod hic dominus
vetat. |
Versets 30-31.
— La Glose : Le Seigneur venait d’enseigner que
l’on ne devait pas désirer la femme de son prochain; il défend ici de
renvoyer sa propre épouse: « Il a
été dit: Quiconque renvoie son épouse doit lui délivrer un acte de répudiation.»
—
Saint Jérôme : Plus tard le Seigneur expliquera plus
à fond ce passage, en faisant voir que si Moïse a commandé aux maris à cause
de la dureté de leur cœur de donner un acte de répudiation, ce n’est pas pour
légitimer le divorce, mais pour prévenir l’homicide. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Lorsque Moïse délivra les
Israélites de l’Egypte, ils étaient enfants d’Israël par leur naissance, mais
Égyptiens par leurs moeurs. Or par suite de ces moeurs idolâtres il arrivait
souvent qu’un homme concevait de la haine pour sa femme, et comme il ne lui
était pas permis de la renvoyer, il était porté ou à la mettre à mort, ou à l’accabler
de mauvais traitements. Il fit donc une obligation au mari de donner un
certificat de répudiation, non comme d’une chose bonne en soi, mais comme
d’un remède à un mal plus grand. —
Saint Hilaire : (Can. 4.) Mais le Seigneur voulant assurer à
tous les bienfaits de l’équité, veut qu’elle règne surtout dans l’union
conjugale pour la paix des époux; il ajoute donc: « Et moi, je vous dis que quiconque aura renvoyé son épouse,
etc... » —
Saint Augustin : (cont. Faust., 19, 26.) Le commandement que
fait ici le Seigneur de ne pas renvoyer son épouse, n’est pas contraire aux
prescriptions de la loi, comme le prétendent les Manichéens, car la loi ne
disait pas: Que celui qui le voudra renvoie son épouse (le contraire alors
serait de ne pas la renvoyer). Loin de vouloir le renvoi de la femme par le
mari, la loi apportait tous les retards possibles à cette mesure afin que les
esprits trop prompts à vouloir le divorce fussent arrêtés par la nécessité de
l’acte de répudiation, difficulté d’autant plus grande que chez les Juifs, il
n’était permis de faire les actes en langue hébraïque, qu’aux seuls Scribes
qui faisaient profession d’une sagesse plus parfaite (cf. Esd 7, 6.21). C’est donc aux Scribes que la loi
renvoyait celui qui voulait se séparer de sa femme, en leur ordonnant de
donner l’écrit de répudiation, dans l’espérance que leur entremise pacifique
ramènerait la concorde entre les deux époux, et que l’acte de répudiation
serait inutile, à moins que leurs mauvaises dispositions ne rendissent
impossible tout moyen de réconciliation. Notre Seigneur n’accomplit donc pas
ici, en y ajoutant, la loi donnée aux premiers hommes; il ne détruit pas
davantage la loi donnée par Moïse, en lui opposant une loi contraire, comme
le disent les Manichéens; mais il confirme toutes les prescriptions rappelées
par la loi hébraïque, et tout ce qu’il paraît y ajouter personnellement ne
tend qu’à en expliquer les obscurités, ou bien à garantir plus sûrement
l’observation de ses prescriptions. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 25.) En cherchant à
entraver le renvoi de la femme, Notre Seigneur a fait comprendre autant qu’il
a pu aux hommes les plus durs, qu’il réprouvait le divorce. Pour confirmer ce
principe que le renvoi lui-même ne doit pas avoir lieu facilement, il ne lui
reconnaît qu’une seule exception : le motif de fornication: « si ce n’est pour cause de
fornication. » Quant aux autres peines du mariage, quelque
multipliées qu’elles soient, il veut qu’on les supporte avec courage dans
l’intérêt de la foi conjugale. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Si nous sommes obligés de supporter les défauts de ceux qui nous sont
étrangers, d’après ces paroles de saint Paul: « Portez les fardeaux les uns des autres », à combien
plus forte raison les défauts de nos épouses ? Or un chrétien doit non seulement
éviter ce qui peut souiller son âme, mais encore ce qui serait pour les
autres une occasion de se souiller eux-mêmes, car alors le crime d’autrui
viendrait s’ajouter à son propre péché, parce qu’il en a été la cause
directe. Celui donc qui en renvoyant son épouse devient une cause d’adultère,
en exposant sa femme et celui qui la prend à commettre un double adultère,
sera condamné lui-même pour ces mêmes fautes: et c’est pour cela qu’il est
dit: « Celui qui renvoie son
épouse la fait devenir adultère. » — Saint Augustin (serm. sur la mont.) Plus loin Notre
Seigneur déclare également adultère l’homme qui prend la femme renvoyée par
son mari, eût-elle un écrit de répudiation; « celui, ajoute-t-il, qui
prend la femme qui aura été renvoyée, devient adultère. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47 sur S. Matth.) Ne dites donc pas
que son mari l’a renvoyée, car même après ce renvoi, elle ne cesse pas d’être
son épouse. — Saint Augustin :(serm. sur la mont.) L’Apôtre a
déterminé les limites de ce précepte en déclarant qu’il a force de loi
pendant toute la vie du mari (1 Co 7, 39); mais après sa mort, la femme
recouvre le droit de se marier. S’il n’est pas permis à une femme de s’unir à
un autre du vivant du mari qu’elle a quitté, combien plus lui est-il défendu
d’entretenir avec n’importe qui un commerce criminel ? Ce n’est pas
d’ailleurs enfreindre le précepte par lequel le Seigneur défend de renvoyer
son épouse que de la garder chez soi en n’ayant avec elle que des relations
toutes spirituelles; car les mariages où la continence est gardée d’un mutuel
accord sont les plus heureux. (chap. 16
ou 26.) Ici se présente une question: le Seigneur permet au mari de
renvoyer son épouse pour cause de fornication; que faut-il entendre par fornication ?
Est-ce simplement la fornication dont on se rend coupable en se livrant à un
commerce infâme ? Ou bien est-ce cette fornication plus générale que les
Écritures appliquent à toute corruption criminelle de l’âme, comme l’avarice,
l’idolâtrie, et toute transgression de la loi produite par la concupiscence
qu’elle condamne ? Or si l’apôtre permet de renvoyer l’épouse infidèle,
quoiqu’il soit mieux de ne pas le faire (1 Co 7), et que d’un autre côté le Seigneur n’admette d’autre cause
de renvoi que la fornication, l’infidélité est donc une véritable
fornication. Mais puisque l’infidélité est une fornication, l’idolâtrie une
infidélité, et l’avarice une idolâtrie, nul doute que l’avarice elle-même ne
soit une véritable fornication. Et si l’avarice est une fornication, qui
pourra ôter à une concupiscence coupable, quelle qu’elle soit, le caractère
de fornication ? —
Saint Augustin : (Retract. 1, 19). Je ne veux pas cependant
que, dans une matière aussi difficile, le lecteur croie que l’examen que nous
venons de faire de cette question doive lui suffire. En effet, tout péché
n’est pas une fornication spirituelle, et Dieu ne perd pas tout homme qui
l’offense, lui qui exauce tous les jours cette prière de ses Saints:
« Pardonnez-nous nos offenses, » tandis qu’il perd celui qui se
rend coupable de fornication à son égard (Ps 62, 27). Or est-il permis de
renvoyer son épouse pour une fornication de ce genre ? C’est une
question fort obscure ; quant à la fornication qui déshonore le corps il
ne peut y avoir de difficulté. —
Saint Augustin : (Liv. des 83 Quest., Quest. dern.) Si l’on soutient que le Seigneur n’admet
d’autre cause de répudiation que la fornication qui consiste dans l’union
coupable des corps, on peut dire que cette défense s’applique aux deux époux,
de sorte qu’il n’est permis à aucun des deux de se séparer de l’autre, si ce
n’est pour cause d’adultère. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 1, 16.) Le Seigneur ne
permet pas seulement de renvoyer une épouse coupable d’adultère, mais celui
qui renvoie son épouse, au moment où il va être forcé de commettre un
adultère, la renvoie pour cause de double fornication; pour cause de fornication
du côté de son épouse, parce qu’elle s’y est livrée; pour cause de
fornication de son côté, afin de s’en préserver lui-même. —
Saint Augustin : (De la foi et des oeuvres, chap. 16.) Un
mari peut renvoyer aussi légitimement une femme qui lui dirait: Je ne serai
votre épouse qu’à la condition que vous m’enrichirez par le vol, ou qui
exigerait des jouissances qui feraient le crime et le déshonneur de son mari.
L’homme à qui sa femme tiendra un pareil langage n’hésitera pas, s’il est
vraiment disciple, à retrancher ce membre qui le scandalise. — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Mais c’est une souveraine injustice pour un mari que de renvoyer sa femme pour cause de fornication s’il peut être convaincu d’être lui-même un fornicateur; car alors il est sous le coup de ces paroles: « En condamnant les autres, vous vous condamnez vous-même. » Quant à ces autres paroles du Seigneur: « et celui qui épouse celle que son mari aura quittée commet un adultère », on peut demander si cette femme est coupable d’adultère au même degré que celui qui l’épouse; car l’Apôtre lui ordonne de rester sans se marier, ou de se réconcilier avec son mari; si elle en reste séparée, elle doit demeurer libre de nouveaux liens. Or, il importe beaucoup de savoir si elle a quitté d’elle-même son mari, ou si elle en a été renvoyée. Si c’est elle-même qui s’est séparée de son mari et qu’elle en ait épousé un autre, elle paraît n’avoir agi que par le désir de changer d’époux, désir qui est un véritable adultère. Au contraire, a-t-elle été renvoyée par son mari, l’homme et la femme s’unissant d’un commun consentement, on ne voit pas même dans ce cas pourquoi l’un serait adultère, à l’exclusion de l’autre. Ajoutez que s’il y a péché d’adultère pour celui qui s’unit à la femme renvoyée par son mari, c’est elle-même qui le rend adultère, ce qui est formellement défendu par le Seigneur. |
Lectio 19 [85393] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 19 Glossa. Docuerat supra dominus non esse
iniuriam proximo inferendam, prohibendo iram cum homicidio, concupiscentiam
cum adulterio, et dimissionem uxoris cum libello repudii; nunc autem
consequenter docet ab iniuria Dei abstinendum, cum prohibet non solum
periurium tamquam malum, sed etiam iuramentum tamquam mali occasionem; unde
dicit iterum audistis quia dictum est antiquis: non periurabis. Dicitur enim
in Levitico: non periurabis in nomine meo; et ne creaturas facerent sibi
deos, praecepit reddere Deo iuramenta, et non iurare per creaturas; unde
subditur redde autem domino iuramenta tua; idest, si iurare contigerit, per
creatorem iurabis, non per creaturam; unde dicitur in Deuteronomio: dominum
Deum tuum timebis, et per nomen eius iurabis. Hieronymus. Hoc autem quasi parvulis
fuerat lege concessum, ut quomodo victimas immolabant Deo, ne eas idolis
immolarent, sic et iurare permitterentur in Deum non quod recte hoc facerent,
sed quod melius esset Deo hoc exhibere quam Daemoniis. Chrysostomus super Matth. Nemo enim frequenter
iurat qui non aliquando periuret; sicut qui fecit consuetudinem multa loqui,
aliquando loquitur importuna. Augustinus contra Faustum. Quia vero periurare
grave peccatum est, longius autem remotus est a periurio qui nec iurare
consuevit quam qui verum iurare proclivis est, maluit nos dominus non
iurantes non recedere a vero, quam verum iurantes, appropinquare periurio;
unde subdit ego autem dico vobis: non iurare omnino. Augustinus de Serm. Dom. In quo Pharisaeorum
iustitiam, quae est non peierare, confirmat: non enim potest periurare qui
non iurat. Sed quoniam ille iurat qui adhibet Deum testem, considerandum est
ne contra hoc praeceptum domini apostolus fecisse videatur, quia saepe hoc
modo iuravit cum dixit: quae scribo vobis ecce coram Deo, quia non mentior.
Et: testis est mihi Deus, cui servio in spiritu meo. Nisi forte quis dicat
tunc cavendam esse iurationem cum aliquid dicitur per quod iuratur: ut non
iuraverit, quia non dixit per Deum, sed dixit testis est mihi Deus. Ridiculum
est hoc putare; sed tamen etiam sciat hoc modo iurasse apostolum dicentem:
quotidie morior per gloriam vestram, fratres. Quod ne quis ita existimet
dictum tamquam si diceretur: vestra gloria me fecit quotidie mori, Graeca
exemplaria diiudicant, in quibus quod scriptum est, ni tin kauchisin
himeteran, idest per gloriam vestram, non nisi a iurante dicitur. Augustinus contra mendacium. Sed pleraque in
verbis intelligere non valentes, in factis sanctorum colligimus quemadmodum
oporteat accipi quod facile in aliam partem duceretur, nisi exemplis
revocaretur. Iuravit apostolus in epistolis suis, et sic ostendit quomodo
accipiendum est quod dictum est dico autem vobis non iurare omnino, ne
scilicet iurando, ad facilitatem iurandi veniatur, ex facilitate autem
iurandi veniatur ad consuetudinem, a consuetudine in periurium decidatur. Et
ideo non invenitur iurasse nisi scribens, ubi consideratio cautior non habet
linguam praecipitem. Et tamen dominus omnino ait non iurare: non enim
concessit ut id liceret scribentibus. Sed quia praecepti violati reum Paulum
praesertim in epistolis conscriptis nefas est dicere, est intelligendum illud
quod positum est, omnino, ad hoc positum, ut quantum in te est non affectes,
vel quasi pro bono cum aliqua delectatione appetas iusiurandum. Augustinus contra Faustum. In scriptis ergo
ubi est consideratio maior, pluribus locis apostolus iurasse invenitur, ne
quisquam putaret etiam verum iurando peccari, sed potius intelligeret humanae
fragilitatis corda non iurando tutius a periurio conservari. Hieronymus. Denique considera, quod hic
salvator non per Deum iurare prohibuit, sed per caelum, per terram et per
Hierosolymam et per caput tuum: hanc enim per elementa iurandi pessimam
consuetudinem semper habuere Iudaei. Qui iurat, aut veneratur aut diligit eum
per quem iurat; Iudaei autem per Angelos et urbem Ierusalem et templum et
elementa iurantes, creaturas venerabantur Dei honore; cum in lege praeceptum
sit ut non iuremus nisi per dominum Deum nostrum. Augustinus de Serm. Dom. Vel ideo additum est
neque per caelum, quia Iudaei non putabant se teneri iuramento, si per ista
iurassent; ac si dicat: cum iuras per caelum et terram, non te arbitreris non
debere domino iusiurandum tuum, quia per eum iurare convinceris cuius caelum
thronus est et cuius terra scabellum est; quod non est sic dictum quasi
habeat Deus collocata membra in caelo et in terra, ut nos cum sedemus: sed
illa sedes Dei iudicium significat. Et
quoniam in hoc universo mundi corpore maximam speciem caelum habet, sedere in
caelo dicitur tamquam praestantior sit excellenti pulchritudine vis divina;
terramque dicitur calcare, quod minimam speciem ordinet in extremis. Spiritualiter
autem sanctas animas caeli nomine significat, et terrae, peccatrices: quoniam
spiritualis omnia iudicat. Peccatori autem dictum est: terra es et in terram
ibis. Et qui in lege manere voluit, sub lege ponitur; et ideo congruenter
dicit scabellum pedum eius. Sequitur neque per Hierosolymam, quia civitas est
magni regis; quod melius dicitur quam si diceret mea, cum tamen hoc dixisse
intelligatur. Et quia ipse utique est dominus. Domino iusiurandum debet qui
per Hierosolymam iurat. Sequitur neque per caput tuum iuraveris. Quid enim
poterat quisquam magis ad se pertinere arbitrari quam caput suum? Sed quomodo
nostrum est ubi potestatem faciendi unum capillum album aut nigrum non
habemus? Propter quod dicitur quia non potes unum capillum album facere aut
nigrum. Ergo Deo debet iusiurandum quisquis etiam per caput suum iurare
voluerit. Et hinc etiam cetera intelliguntur. Chrysostomus in Matth. Attendite autem, quod
elementa mundi extollit, non ex propria natura, sed ex habitudine quam habent
ad Deum, ne idololatriae daretur occasio. Rabanus. Qui autem iurare prohibuit, quomodo
loqui oporteat docuit, subdens sit autem sermo vester: est, est, non, non;
idest quod est, sufficiat dicere: est; quod non est, sufficiat dicere: non
est. Sive ideo dicitur bis, est, est, non, non, ut quod ore affirmas,
operibus probes; et quod verbis negas, factis non confirmes. Hilarius in Matth. Vel aliter. In fidei
simplicitate viventibus iurare opus non est cum quibus semper quod est, est,
quod non, non; et per hoc eorum et opus et sermo omnis in verbo est. Hieronymus. Evangelica igitur veritas
non recipit iuramentum, cum omnis sermo fideli pro iuramento sit. Augustinus de Serm. Dom. Quapropter qui
intelligit non in bonis sed in necessariis iurationem habendam, refrenet se
quantum potest, ut non ea utatur nisi in necessitate, cum videt pigros esse
homines ad credendum quod utile est credere, nisi iuratione firmetur. Hoc
ergo est bonum et appetendum, quod hic dicitur sit sermo vester: est, est,
non, non. Quod autem his abundantius est, a malo est, idest, si iurare
cogeris, scias de necessitate venire infirmitatis eorum quibus aliquid
suades; quae utique infirmitas malum est. Itaque non dixit: quod amplius est,
malum est; tu enim non malum facis qui bene uteris iuratione, ut alteri
persuadeas quod utiliter persuades; sed a malo est illius cuius infirmitate
iurare cogeris. Chrysostomus in Matth. Vel a malo est,
idest ab infirmitate eorum quibus lex iurare permisit. Ita enim Christus non
monstrat veterem legem Diaboli esse; sed a veteri imperfectione ducit ad
abundantem novitatem. |
Versets 33-37
— La Glose : Le Seigneur avait défendu
précédemment toute injustice contre le prochain, la colère aussi bien que
l’homicide, le désir en même temps que l’adultère, et le renvoi de l’épouse
avec un acte de répudiation. Il défend maintenant toute injustice contre
Dieu, en interdisant non seulement le parjure comme un mal, mais encore le
serment comme pouvant être occasion de péché: « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens: « Vous ne
ferez pas de parjure. » On lit en effet dans le Lévitique (Lv 19,
12): « Vous ne commettrez pas de
parjure en mon nom », et, afin que les hommes ne fussent pas exposés
à regarder les créatures comme des dieux, Dieu avait ordonné de faire tous
les serments en son nom, et défendu de jurer par les créatures. C’est le sens
de ces paroles: « Vous vous
acquitterez envers le Seigneur des serments que vous avez faits » ;
c’est-à-dire, s’il vous arrive de faire un serment, vous le ferez au nom du
Créateur, et non pas au nom des créatures. C’est ce qui est écrit au
Deutéronome (Dt 6, 13): « Vous
craindrez le Seigneur votre Dieu, et vous ne jurerez qu’en son nom. » —
Saint Jérôme : La loi leur fit cette concession
comme à un peuple encore dans l’enfance; elle leur permit de jurer au nom de
Dieu, par la même raison qu’ils devaient lui offrir des victimes pour éviter
de les immoler aux idoles. Elle ne regardait pas ces serments comme une chose
bonne par elle-même, mais elle aimait mieux qu’on les fit au nom de Dieu
qu’au nom des idoles. — Saint Jean Chrysostome, (sur S. Matth.) L’habitude de faire
des serments fait infailliblement tomber dans le parjure, de même que
l’habitude de trop parler expose nécessairement à dire des choses déplacées. —
Saint Augustin : (contre Fauste, 19, 22.) Comme le parjure
est un péché grave, et qu’on y est beaucoup moins exposé en ne jurant pas du
tout, qu’en ayant l’habitude d’affirmer la vérité sous serment, le Seigneur a
mieux aimé que nous restions dans la vérité sans recourir au serment, que de
nous exposer au parjure en jurant même selon la vérité. Aussi ajoute-t-il: « Pour moi je vous dis: Ne jurez pas
du tout. » — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) En cela il confirme la justice des Pharisiens qui condamnaient le parjure, car on ne se parjure pas quand on ne fait aucun serment. Mais comme jurer c’est prendre Dieu à témoin, il nous faut expliquer comment l’Apôtre n’a point enfreint ce précepte, lui que nous voyons souvent recourir à cette espèce de serment, par exemple: « Je prends Dieu à témoin que je ne vous mens point en tout ce que je vous écris » ; et encore: « Dieu m’en est témoin, lui que je sers en esprit. » Dira-t-on que le serment qui est défendu consiste à jurer directement par un être quelconque et que l’Apôtre ne jure ici en aucune façon, puisqu’il ne dit point: « par Dieu, » mais simplement: « Dieu m’est témoin ? » Ce serait là une explication ridicule. D’ailleurs, on doit se rappeler que saint Paul a fait des serments même de cette sorte lorsqu’il a dit: « Je meurs tous les jours par votre gloire, mes frères. » (1 Co 15.) Et on ne peut interpréter ces paroles en ce sens: Votre gloire me fait tous les jours mourir, car les textes grecs (qui portent : nh thn kauchsin Ømeteran, par votre gloire) prouvent à l’évidence que c’est là une véritable formule de serment. —
Saint Augustin : (contre le Mens.) Il y a dans les paroles de
l’Écriture bien des choses que nous ne pouvons comprendre; les actions des
saints nous apprennent alors comment nous devons entendre ces passages dont
on pourrait facilement détourner le sens, si leurs exemples ne nous écartaient
de ces erreurs. Ainsi l’Apôtre, en employant le serment dans ses Epîtres,
nous apprend comment nous devons expliquer ces paroles: « Pour moi, je vous dis de ne pas jurer du tout », dans
la crainte qu’en employant le serment on n’y recoure avec trop de facilité,
que cette facilité n’entraîne l’habitude, et que l’habitude ne fasse tomber
dans le parjure. Aussi ne fait-il usage du serment qu’en écrivant, alors
qu’une réflexion plus attentive met en garde contre la précipitation de la
langue. Et cependant le Seigneur nous dit de ne point jurer du tout, et il
n’a pas fait d’exception en faveur de ceux qui écrivent. Mais comme on ne
peut sans crime accuser saint Paul de la violation d’un précepte divin,
surtout dans des lettres écrites pour l’édification des peuples, il faut
entendre cette expression qu’il emploie « pas du tout » dans ce
sens: « autant qu’il vous sera possible. » Vous ne devez ni
affecter ni désirer avec un certain plaisir de recourir au serment, comme
s’il s’agissait d’une bonne action. —
Saint Augustin : (contre Fauste, 19, 23.) L’Apôtre fait usage
du serment, en plusieurs endroits, dans des épîtres où l’attention est plus
scrupuleuse; il ne faut donc pas croire que l’on pèche en jurant pour la
vérité, mais comprendre qu’en nous abstenant du serment nous préservons plus
sûrement du parjure nos cœurs si fragiles d’êtres humains. —
Saint Jérôme : Remarquez enfin que le Seigneur n’a
pas défendu de faire des serments au nom de Dieu, mais de jurer par le ciel,
par la terre, par Jérusalem et par votre tête. On sait que les Juifs ont
toujours eu cette détestable habitude de jurer par les éléments. Or, celui
qui jure vénère ou aime celui au nom duquel il fait serment, et les Juifs qui
juraient par les anges, par la ville de Jérusalem, par le temple et par les
éléments, rendaient à ces créatures l’honneur qui n’est dû qu’à Dieu, alors
que dans la loi il est ordonné de ne jurer que par le nom du Seigneur notre
Dieu. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 31, 31 ou 17.) Notre
Seigneur ajoute peut-être ces mots: « ni par le ciel », etc...,
parce que les Juifs ne regardaient pas comme obligatoires les serments qu’ils
faisaient par les choses inanimées; c’est donc comme s’il leur disait:
lorsque vous jurez par le ciel et par la terre, n’allez pas croire que vous
n’êtes pas redevables à Dieu de vos serments, car vous avez évidemment juré
par celui qui a le ciel pour trône et la terre pour marchepied. Ces
expressions ne signifient pas évidemment que Dieu repose ses membres dans le
ciel et sur la terre, comme lorsque nous nous asseyons nous-mêmes; le trône
de Dieu signifie le jugement de Dieu. Le ciel est sans contredit la plus
grande partie de l’univers créé; on dit donc que Dieu est assis dans les
cieux comme s’il y manifestait sa puissance divine par une plus grande
magnificence, et qu’il foule la terre aux pieds parce qu’il l’a placée au
dernier rang, comme la partie la moins brillante de la création. Dans le sens
spirituel, le ciel signifie les âmes saintes, et la terre les pécheurs, parce
que l’homme spirituel juge toutes choses (1 Co 2, 15) et que Dieu a dit au
pécheur: « Tu es terre et tu
retourneras en terre. » D’ailleurs, celui qui veut demeurer dans la
loi est nécessairement soumis à la loi, et c’est avec raison qu’il est
appelé: « l’escabeau de ses pieds. » Notre Seigneur ajoute: « ni
par Jérusalem, parce qu’elle est la ville du grand Roi, » expression
plus convenable que s’il avait dit: « la ville qui est à moi, »
bien qu’il le dise en termes équivalents. Or, comme il est en même temps le
Seigneur, c’est donc à lui qu’on est redevable des serments que l’on fait par
Jérusalem. Il ajoute enfin: « Vous ne jurerez pas non plus par votre
tête. » Que peut-on imaginer qui nous appartienne davantage que notre
tête ? Mais comment serait-elle à nous, puisque nous n’avons pas le
pouvoir d’en rendre un seul cheveu blanc ou noir ? C’est la raison que
donne le Seigneur: « parce que
vous n’en pouvez faire un seul cheveu blanc ou noir. » Celui donc
qui veut jurer par sa tête est redevable à Dieu de son serment et ainsi des
autres serments de même nature. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
17.) Remarquez
que si le Seigneur relève ainsi les éléments du monde créé, ce n’est pas en
vertu de leur excellence naturelle, mais à cause des liens qui les rattachent
à Dieu, pour ne point donner lieu à l’idolâtrie. — Raban : Après avoir
prohibé le serment, il nous enseigne comment nous devons nous exprimer: « Que votre discours soit: Cela est,
cela est ; cela n’est pas, cela n’est pas » ;
c’est-à-dire, il suffit de dire d’une chose qui est, cela est; et cela n’est
pas, d’une chose qui n’est pas. Peut-être l’affirmation et la négation
sont-elles répétées ici deux fois pour nous apprendre à prouver par nos
oeuvres la vérité de ce que notre bouche affirme, et à ne point confirmer par
nos actes ce que nos paroles auraient nié. —
Saint Hilaire : (Can. 4.) Ou bien encore, il n’est nul
besoin de serment pour ceux qui vivent dans la simplicité de la foi, car avec
eux, ce qui est est, et ce qui n’est pas n’est pas, et ainsi tout en eux,
parole et action est dans la vérité. —
Saint Jérôme : La vérité évangélique n’admet donc
pas de serment, puisque toute parole d’un chrétien équivaut à un serment. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Aussi celui qui
comprend qu’il faut recourir au serment non dans les choses bonnes, mais
seulement dans les choses nécessaires doit, autant que possible, s’imposer un
frein pour n’y recourir que dans le cas de nécessité, lorsqu’il voit par
exemple des hommes peu disposés à croire des choses qui leur sont utiles, si
on ne les affirme sous le serment. Ce qui est bien, ce qui est désirable est
exprimé par ces mots: « Contentez-vous
de dire: Cela est, cela est, ou cela n’est pas, cela n’est pas, ce qui est de
plus vient du mal » ; c’est-à-dire que la nécessité où vous
êtes de jurer vient de la faiblesse de ceux que vous voulez persuader,
faiblesse qui est un mal. Aussi le Seigneur ne dit pas: « ce qui est au
delà est mal », car vous ne faites point mal en faisant usage du serment
pour persuader à un autre ce qu’il lui importe de savoir, mais « cela
vient du mal, » c’est-à-dire de la mauvaise disposition de cet homme
dont la faiblesse vous force de recourir au serment. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 12). Ou bien « cela vient du mal », c’est-à-dire de l’infirmité de ceux à qui la loi permet de jurer. En s’exprimant de la sorte, Jésus-Christ ne dit pas que la loi ancienne est l’oeuvre du démon, mais il nous fait passer de l’état ancien si imparfait à une nouveauté bien plus parfaite. |
Lectio 20 [85394] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 20 Glossa. Quia superius docuerat dominus
non esse proximo iniuriam inferendam, nec irreverentiam domino, consequenter
hic docet qualiter se Christianus habere debeat ad iniuriam sibi inferentes;
unde dicit audistis quia dictum est: oculum pro oculo, et dentem pro dente.
Augustinus contra Faustum. Quod quidem
ad reprimendas flammas odiorum in se invicem saevientium et immoderatos
animos refrenandos ita praeceptum est. Quis enim facile
contentus est tantum rependere vindictae quantum accipit iniuriae? Nonne
videmus leviter laesos homines moliri caedem, sitire sanguinem vixque
invenire in malis inimici unde satientur? Huic igitur immoderatae ac iniustae
ultionis lex iustum modum figens, poenam talionis instituit; hoc est, ut
qualem quisque intulit iniuriam, tale supplicium rependat; quod non fomes,
sed limes furoris est; non ut id quod sopitum erat, hinc accenderetur, sed ne
id quod ardebat, ultra extenderetur; imposita est enim iusta vindicta, quae
iuste debetur ei qui passus fuerit iniuriam. Quod autem debetur, etsi benigne
remittitur, non tamen inique repetitur. Itaque cum peccet qui immoderate vult
vindicari, non peccet autem qui iuste vult vindicari, remotior est a peccato
qui non vult omnino vindicari; et ideo subdit ego autem dico vobis non
resistere malo. Poteram autem et ego sic ponere: dictum est antiquis: non
iuste vindicabis; ego autem dico vobis: ne vindicetis, quod adimpletio est,
si per haec verba, quod legi defuit, a Christo additum mihi videretur; ac non
potius id quod lex volebat efficere, ne iniuste se quisquam vindicaret,
conservari tutius, si omnino non vindicaret. Chrysostomus super Matth. Sine hoc enim
mandato, legis mandatum stare non potest, quia si secundum legis mandatum
omnibus reddere mala pro malis coeperimus, omnes efficiemur mali, eo quod
persequentes abundant. Si autem, secundum Christi praeceptum, non resistitur
malo, et si mali non leniuntur, tamen boni permanebunt bonis. Hieronymus. Dominus ergo noster,
vicissitudinem tollens, truncat initia peccatorum: in lege namque culpa
emendatur, hic peccatorum auferuntur exordia. Glossa. Vel potest dici, quod dominus hoc
dixit, iustitiae veteris legis aliquid addens. Augustinus de Serm. Dom. Pharisaeorum enim
iustitia minor est, non excedere vindictae modum: et hoc est pacis inchoatio;
perfecta autem pax est talem penitus nolle vindictam. Intra illud ergo primum
quod praeter legem est, ut maius malum pro minori malo reddatur, et hoc quod
dominus perficiendis discipulis dicit, ne pro malo ullum malum reddatur,
medium locum tenet ut tantum reddatur quantum et acceptum est; per quod a
summa discordia ad summam concordiam transitus factus est. Quisquis enim
malum prior infert, maxime a iustitia distat; quisquis autem nulli prior
malefecit, sed tamen laesus rependit gravius, recessit aliquantum a summa
iniquitate; qui vero tantum reddit quantum accepit, iam aliquid donat: iustum
est enim eum qui laesit prior, gravius laedi. Hanc ergo inchoatam minimam
iustitiam ille perficit qui legem venit implere. Duos autem gradus qui intersunt, intelligendos
relinquit: nam est qui non reddat tantum, sed minus; et hinc ascendit, qui
omnino nil rependerit; quod parum videtur domino, nisi et amplius sit paratus
suscipere. Quapropter non ait non reddere malum pro malo, sed non resistere
adversus malum; ut non solum non rependas quod tibi fuerat irrogatum, sed
etiam non resistas quin aliud irrogetur. Hoc enim est quod convenienter
exponitur: sed si quis te percusserit in dexteram maxillam tuam, praebe ei et
alteram: quod ad misericordiam pertinere maxime sentiunt qui eis quos multum
diligunt, serviunt, vel pravis vel phreneticis, a quibus multa saepe
patiuntur; et si eorum salus id exigat, praebent se etiam ut plura patiantur.
Docet ergo dominus medicus animarum, ut discipuli sui, eorum quorum saluti
consulere vellent, imbecillitates aequo animo tolerarent. Omnis namque
improbitas ex imbecillitate animi venit; quia nihil Innocentius est eo qui in
virtute perfectus est. Augustinus de mendacio. Ea vero quae in novo
testamento a sanctis facta sunt, valent ad exempla intelligendarum
Scripturarum, quae in praeceptis digesta sunt, velut cum legimus in Evangelio
Lucae: accepisti alapam et cetera. Exemplum autem patientiae nullum quam
ipsius domini excellentius invenimus; et ipse cum alapa percussus esset, non
ait: ecce alteram maxillam, sed ait: si male dixi, exprobra de malo; si autem
bene, quid me caedis? Ubi ostendit illam
praeparationem alterius maxillae in corde faciendam. Augustinus de Serm. Dom. Paratus enim
fuit dominus non solum in alteram maxillam caedi pro salute omnium, sed in
toto corpore crucifigi. Quaeri autem potest quid sit dextera
maxilla. Sed cum facies sit qua quisque cognoscitur, in faciem caedi,
secundum apostolum est contemni ac despici. Sed quoniam facies non potest
dici dextera et sinistra, et tamen nobilitas est secundum Deum et secundum
saeculum, ita distribuitur tamquam in dexteram maxillam et sinistram, ut in
quocumque discipulo Christi contemptum fuerit quod Christianus est, multo
magis in se contemni paratus sit, si quos huiusmodi saeculi honores habet.
Omnia autem in quibus improbitatem aliquam patimur, in duo genera dividuntur:
quorum unum est quod restituit non potest, alterum quod potest. Sed in illo
quod restitui non potest, vindictae solatium quaeri solet. Quid enim prodest
quod percussus repercutis? Numquid propterea quod in
corpore laesum est restituitur? Sed tumidus animus talia fomenta desiderat. Chrysostomus super Matth. Numquid autem
si repercusseris eum, compescuisti eum, ut te non percutiat? Sed magis
excitasti eum ut adhuc percutiat. Nam iracundia per iracundiam non
compescitur, sed amplius irritatur. Augustinus de Serm. Dom. Unde dominus
potius misericorditer perferendam alterius infirmitatem iudicat, quam alieno
supplicio suam mitigandam; neque tamen hic ea vindicta prohibetur quae ad
correctionem valet: ipsa enim pertinet ad misericordiam, nec impedit illud
propositum quo quisquam paratus est ab eo quem correctum esse vult plura
perferre. Requiritur tamen ut et ille vindicet cui ordine
rerum potestas data est, et ea voluntate vindicet qua pater in filium
parvulum, quem odisse non potest. Sancti autem viri nonnulla peccata morte
punierunt, quo et viventibus utilis metus incuteretur, et illis qui morte
puniebantur non ipsa mors noceret, sed peccatum quod augeri posset si
viverent. Inde est quod Elias multos morte affecit; de quo cum exemplum
cepissent discipuli, reprehendit in eis dominus non exemplum prophetae, sed
ignorantiam vindicandi, animadvertens eos non amore correctionis, sed odio
desiderare vindictam. Sed postquam eos docuit diligere proximum, infuso etiam
spiritu sancto, non defuerunt tales vindictae: nam et verbis Petri Ananias et
uxor eius exanimes ceciderunt; et Paulus apostolus tradidit quemdam Satanae
in interitum carnis; et ideo quidam adversus corporales vindictas quae sunt
in veteri testamento, nescio qua caecitate saeviunt, quo animo facta sunt,
nescientes. Augustinus ad Bonifacium comitem. Quis autem
mente sobrius regibus dicat: non ad vos pertinet quis velit esse, sive
religiosus sive sacrilegus? Quibus dici non potest: non ad vos pertinet in
regno vestro, quis velit pudicus esse aut impudicus. Melius est quidem ad
Deum colendum doctrina homines duci, quam poena compelli; multis autem
profuit, quod experimentis probavimus, prius dolore vel timore cogi, ut
postea possint doceri, aut quod iam verbis didicerant, opere sectari. Sicut
enim meliores sunt quos dirigit amor, ita plures sunt quos corrigit timor.
Agnoscant in apostolo Paulo prius cogentem Christum, et postea docentem. Augustinus de Serm. Dom. Tenebitur ergo in hoc
iniuriarum genere quod per vindictam luitur, iste modus a Christianis: ut
accepta iniuria non surgat odium, sed paratus sit animus plura perpeti, nec
correctionem negligat qui vel consilio vel auctoritate uti potest. Hieronymus. Secundum autem mysticos
intellectus percussa dextera nostra, non debemus sinistram praebere, sed
alteram, hoc est alteram dexteram: iustus enim sinistram non habet. Si nos
haereticus in disputatione percusserit, et dextrum dogma voluerit vulnerare,
opponatur ei aliud de Scripturis testimonium. Augustinus de Serm. Dom. Aliud autem
iniuriarum genus et quod integrum restitui potest: cuius duae sunt species:
una ad pecuniam, altera ad opera pertinet; unde de primo horum duorum subdit
et ei qui vult tecum in iudicio contendere et tunicam tuam tollere, dimitte
ei et pallium. Sicut ergo quod positum est de percussa maxilla, omnia
significat quae sic ingeruntur ab improbis ut restitui non possint nisi
vindicta, ita quod positum est de vestimento, omnia significat quae possunt
restitui sine vindicta; et hoc etiam ad praeparationem cordis, non ad
ostensionem operis praeceptum recte intelligitur. Et quod de tunica et
vestimento dictum est, in omnibus faciendum est quae aliquo iure temporaliter
nostra esse dicimus. Si enim de necessariis hoc imperatum est, quanto magis superflua
contemnere convenit? Et hoc ipse signat cum dicit qui vult tecum in iudicio
contendere; omnia ergo intelliguntur de quibus in iudicio nobiscum contendi
potest. Sed utrum et de servis accipiendum sit, magna quaestio est: non enim
Christianum oportet sic possidere servum quomodo equum, quamvis fieri possit
ut maiori pretio valeat equus quam servus. Sed si servus rectius a te regitur
quam ab illo qui eum cupit auferre, nescio utrum quisquam audeat dicere eum
ut vestimentum debere contemni. Chrysostomus super Matth. Indigna autem
res est ut homo fidelis stet in iudicio ante conspectum iudicis infidelis. Vel
si fidelis, certe saecularis, et qui te venerari debuerat propter dignitatem
fidei, iudicat te propter necessitatem causae, perdes dignitatem Christi
propter negotium mundi. Deinde omne iudicium irritatio cordis est, et
cogitationum malarum: nam si videris quod causa tua fraudibus aut pecuniis
expugnetur, et similiter tu causae tuae adesse festinas, etsi ab initio hoc
consilium non habuisti. Augustinus Enchir. Et ideo prohibuit hic
dominus suos de saecularibus rebus cum aliis habere iudicium. Tamen cum
apostolus sinit in Ecclesia talia iudicia finiri inter fratres, fratribus
iudicantibus, extra Ecclesiam vero terribiliter vetat; manifestum est quid
secundum veniam concedatur infirmis. Gregorius Moralium. Sed tamen quidam dum
temporalia nobis rapiunt, solummodo sunt tolerandi; quidam vero sunt servata
caritate prohibendi, non sola cura ne nostra subtrahantur, sed ne rapientes
non sua, semetipsos perdant. Plus enim ipsis raptoribus debemus metuere quam
rebus irrationabilibus defendendis inhiare. Cum autem pro terrena re pax a
corde cum proximo scinditur, apparet quod plus res quam proximus amatur. Augustinus de Serm. Dom. Tertium vero iniuriarum
genus quod ad operam pertinet, ex utroque confectum est et cum vindicta, et
sine vindicta potest restitui: nam qui angariat hominem, et cogit se improbe
adiuvari ab invito, et poenam improbitatis potest luere, et operam reddere.
In hoc ergo genere iniuriarum, dominus docet animum Christianum esse
patientissimum, et ad plura perferenda paratum; unde subdit et quicumque te
angariaverit mille passus, vade cum illo alia duo. Et hoc utique monet non
tam ut pedibus agas, quam ut animo sis paratus. Chrysostomus in Matth. Angariare enim est
iniuste trahere et sine ratione vexare. Augustinus de Serm. Dom. Sic ergo dictum
putamus vade cum illo alia duo, scilicet millia, ut tria compleri voluerit,
quo numero significatur perfectio, ut meminerit quisquis hoc facit, perfectam
se implere iustitiam; propter quod et tribus exemplis hoc praeceptum
insinuavit, et in hoc tertio exemplo, simplo duplum additur, ut triplum
compleatur. Vel per hoc accipitur quod in praecipiendo tamquam tolerabilius
incipiens paulatim creverit; nam primo praeberi voluit alteram maxillam, cum
fuerit dextra percussa, ut minus perferre paratus sis quam pertulisti. Deinde
illi qui tunicam vult tollere, iubet et pallium dimitti, vel vestimentum,
secundum aliam litteram; quod aut tantumdem est, aut non multo amplius.
Tertio de mille passibus, quibus addenda dicit duo millia, usque ad duplum
perducit. Sed quoniam parum est non nocere, nisi et beneficium praestes,
consequenter adiungit et dicit qui autem petit a te, da ei. Chrysostomus super Matth. Quia divitiae
nostrae non sunt, sed Dei: Deus enim dispensatores divitiarum suarum voluit
nos esse, non dominos. Hieronymus. Sed si de eleemosynis tantum
intelligamus, in pluribus pauperibus hoc stare non potest; sed et divites si
semper dederint, semper dare non poterunt. Augustinus de Serm. Dom. Dicit ergo: omni
petenti da, non omnia petenti, ut id des quod dare honeste potes et iuste.
Quid enim si pecuniam petat qua innocentem conetur opprimere? Quid si stuprum
petat? Dandum est ergo quod nec tibi nec alteri noceat, quantum ab homine
credi potest; et cum negaveris quod petit, indicanda est iustitia, ut non eum
inanem dimittas, et aliquando melius aliquid dabis, cum petentem iniuste
correxeris. Augustinus ad Vincentium. Utilius enim
esurienti panis tollitur, si de cibo securus iustitiam negligat, quam
esurienti panis frangitur, ut vi iniustitiae seductus acquiescat. Hieronymus. Potest enim intelligi de pecunia
doctrinae quae nunquam deficit, sed quanto plus datur, tanto amplius
duplicatur. Augustinus de Serm. Dom. Quod autem ait et
volenti mutuari a te ne avertaris, ad animam referendum est; hilarem enim
datorem diligit Deus. Mutuatur autem omnis qui accipit, etsi ipse non
soluturus sit, quia misericordibus Deus plura restituit. Aut si non placet
accipere mutuantem nisi eum qui accipit redditurus, intelligendum est dominum
ipsa duo genera praestandi esse complexum: nam aut donamus, aut reddituro
commendamus. Recte ergo ad hoc beneficii genus hortando dicit ne avertaris, idest,
ne propterea voluntatem alienes, quasi Deus non redditurus sit, cum homo
reddiderit: cum enim ex praecepto Dei facis, infructuosum esse non potest.
Chrysostomus super Matth. Ergo iubet nos
Christus mutuum dare, non tamen sub usuris: quia qui sic dat, non sua dat,
sed aliena tollit; de uno vinculo solvit, et multis alligat; et non propter
Dei iustitiam dat, sed propter proprium lucrum. Similis est etiam pecunia
usuraria aspidis morsui: nam sicut venenum aspidis latenter omnia membra
corrumpit, sic usura omnes facultates convertit in debitum. Augustinus ad Marcellinum. Obiciunt autem
quidam, quod haec Christi doctrina rei publicae moribus nulla ex parte
conveniat: nam quis, inquiunt, tolli sibi ab hoste aliquid patiatur, vel
Romanae provinciae depraedatoribus non mala velit belli iure rependere? Sunt
autem ista praecepta patientiae semper in cordis praeparatione retinenda,
ipsaque benevolentia, ne reddatur malum pro malo, semper in voluntate
complenda est. Agenda sunt autem multa etiam cum invitis benigna quadam
asperitate plectendis; ac per hoc si terrena res publica praecepta Christiana
custodiat, et ipsa bella sine benevolentia non gerentur, ut ad pietatis
iustitiaeque pacatam societatem victis facilius consulatur; nam cui licentia
iniquitatis eripitur, utiliter vincitur: quoniam nihil est infelicius
felicitate peccantium, qua poenalis nutritur impunitas, et mala voluntas
velut hostis interior roboratur. |
Versets 39-42.
— La Glose : Après avoir interdit toute
injustice contre le prochain, toute irrévérence envers Dieu, le Seigneur nous
enseigne comment un chrétien doit se conduire à l’égard de ceux qui lui font
quelque injure « Vous avez appris
ce qui a été dit: « oeil pour oeil, dent pour dent » (Ex 21,
24; Lv 24, 20; Dt 19, 21). » —
Saint Augustin : (contre Fauste, 19, 25). Ce commandement a
été donné pour éteindre le feu de ces haines violentes qui éclataient entre
des ennemis acharnés les uns contre les autres, et pour mettre un frein à des
colères sans mesure. Car quel est celui qui se contente d’une vengeance égale
seulement à l’injure qu’il a reçue ? Ne voyons-nous pas au contraire des
hommes légèrement offensés tramer le meurtre, avoir soif du sang et trouver à
peine de quoi l’assouvir dans les maux dont ils accablent leurs ennemis ?
C’est à cette vengeance excessive autant qu’injuste que la loi a posé de
justes bornes en créant la peine du talion,
qui fait payer l’un d’une peine équivalente à ce qu’il a infligé à
l’autre. Le but de cette loi n’est pas de donner une nouvelle force à la fureur,
mais de la contenir; ce n’est pas de rallumer une flamme assoupie, mais de
circonscrire celle qui brûlait déjà. En effet, la vengeance, réglée ici par
la justice, ne dépasse pas les droits que l’injure donne à celui qui en est
offensé. Il peut céder ce qui lui est dû, et c’est bonté de sa part; mais il
peut le demander sans injustice. Or, comme il y a péché à poursuivre une
vengeance sans mesure, tandis qu’il n’y en a aucun à ne vouloir qu’une
vengeance modérée; il est évident que celui qui refuse toute vengeance est le
moins exposé à pécher, et c’est pourquoi Notre Seigneur ajoute: « et moi, je vous dis de ne pas
résister au mal. » Je pourrais traduire ainsi ces paroles « Il
a été dit aux anciens: Vous ne vous vengerez pas injustement; pour moi, je vous
dis: Ne vous vengez pas (ce qui est vraiment accomplir la loi) », si ces
paroles paraissaient être dans la pensée du Christ un complément de la loi.
Mais [il est plus naturel de penser qu’]il n’a eu d’autre but que celui même
que se proposait la loi de Moïse, c’est-à-dire qu’il recommande de ne se
venger en aucune manière, afin d’être plus assuré d’observer ce précepte et
de ne pas dépasser les bornes d’une légitime vengeance. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Sans ce nouveau
commandement, celui de la loi de Moïse ne peut se soutenir, car si nous usons
de cette concession de la loi pour rendre à tous le mal pour le mal, nous
deviendrons tous mauvais, parce que ceux qui nous persécutent sont très
nombreux; tandis que si, d’après le précepte du Christ, on ne résiste pas au
mal, les bons restent bons, quand bien même ils ne pourraient adoucir les
méchants. —
Saint Jérôme : Notre Seigneur, en nous ôtant le
droit de nous venger, tranche donc jusqu’à la racine du péché; dans la loi,
la faute est corrigée; ici, les commencements mêmes du péché sont détruits. — La Glose : On peut dire aussi
que par ces paroles le Seigneur ajoute quelque chose à la justice de
l’ancienne loi. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) La justice des
Pharisiens qui s’appliquait à ne point dépasser la mesure de la vengeance,
est une justice imparfaite, et c’est le commencement de la paix; mais pour
atteindre à la paix parfaite il faut s’interdire toute vengeance. Aussi entre
cet excès que la loi condamne, de rendre plus de mal qu’on n’en a reçu, et la
perfection dont le Seigneur fait un précepte à ses disciples, et qui consiste
à ne pas rendre le moindre mal à ceux qui nous en ont fait, nous trouvons ce
moyen terme qui ne rend que le mal qu’on a reçu. Et c’est par ce moyen terme
que le monde a passé de la plus grande division à l’accord le plus parfait.
En effet, si vous prenez l’initiative de l’offense, vous vous vous écartez le
plus de la justice; si, sans avoir commencé [à faire du mal à quelqu’un],
vous tirez de votre ennemi une vengeance supérieure à l’offense, vous
n’atteignez pas tout à fait le même degré d’iniquité. Si vous ne rendez que
le mal que vous avez reçu, vous vous montrez tant soit peu généreux; car
celui qui a commencé le premier mérite un châtiment supérieur à l’offense
dont il s’est rendu coupable. Mais le Seigneur qui est venu accomplir la loi
a porté à sa perfection cette justice ébauchée, exempte de sévérité. Quant
aux deux degrés intermédiaires, il nous les laisse à comprendre. Car il en
est qui tirent une vengeance non pas égale, mais moindre, et c’est par ce
degré qu’on arrive à ne pas se venger du tout. Mais c’est trop peu encore
pour le Seigneur, il veut que vous soyez disposé à en supporter davantage.
Aussi nous recommande-t-il non seulement de ne pas rendre le mal pour le mal,
mais de ne pas résister au mal, c’est-à-dire non seulement de ne pas rendre
le mal qui nous aurait été fait, mais encore de ne pas empêcher celui qu’on
voudrait nous faire. C’est ce que signifient ces paroles: « Si quelqu’un vous frappe sur la
joue droite, présentez-lui aussi la gauche. » C’est donc un acte de
miséricorde que le Seigneur demande, et c’est ce que comprennent parfaitement
ceux qui acceptent d’être comme les serviteurs de personnes qui leur sont
chères, par exemple des méchants ou ceux qui sont atteints de frénésie, et de
qui ils ont eu beaucoup à souffrir. Et si leur salut le demande, ils sont
disposés à en supporter encore davantage. Le Seigneur souverain médecin des
âmes enseigne donc ici à ses disciples à supporter d’une âme égale les
infirmités de ceux dont ils veulent sauver les âmes, car toute méchanceté
vient de la faiblesse de l’esprit, et personne n’est plus inoffensif que
celui qui pratique la vertu dans sa perfection. —
Saint Augustin : (Du mensonge.) La conduite que les Saints
ont tenue sous la loi nouvelle sert à nous faire comprendre les exemples de
l’Écriture qui nous sont présentés sous forme de préceptes, comme lorsque
nous lisons dans l’Évangile de Luc : « Vous
avez reçu un soufflet, etc... » (Lc
6). Nous ne pouvons certainement trouver de plus parfait exemple de
patience que l’exemple du Seigneur lui-même: or lorsqu’il eut reçu un
soufflet pendant sa passion, il ne dit pas: « Voici l’autre joue, »
mais: « Si j’ai mal parlé, faites
voir le mal que j’ai dit: et si j’ai bien parlé, pourquoi me
frappez-vous ? » Cet exemple nous prouve que c’est
intérieurement qu’il faut être disposé à présenter l’autre joue. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) En effet, Notre
Seigneur était disposé non-seulement à recevoir un soufflet sur l’autre joue
pour le salut des hommes, mais à voir son corps tout entier attaché à la
croix. Mais que signifie cette joue droite ? C’est au visage que l’on
reconnaît un homme; être frappé au
visage c’est donc d’après l’Apôtre devenir l’objet du dédain et du mépris.
Mais on ne peut distinguer le visage en visage droit et en visage gauche, et
cependant on peut avoir une double dignité, l’une selon Dieu, l’autre selon
le monde, de là cette distinction de joue droite et de joue gauche, distinction
qui apprend à tout disciple de Jésus-Christ qui voit mépriser en lui son
caractère de chrétien à se montrer disposé à souffrir les mépris qui
tomberaient sur les honneurs temporels dont il peut être revêtu. Toutes les
offenses auxquelles nous sommes exposés peuvent se diviser en deux classes,
les offenses qu’on ne peut réparer, les offenses qui peuvent l’être. Or c’est
justement dans les offenses où la réparation n’est pas possible, qu’on
cherche ordinairement la consolation de la vengeance. On vous a frappé, à
quoi vous sert de rendre le coup que vous avez reçu ? Avez-vous guéri
par là la blessure qu’on a pu faire à votre corps ? Non sans doute, il
n’y a qu’une âme où la colère déborde qui puisse désirer de pareils
adoucissements. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En rendant à votre ennemi le
coup que vous avez reçu, l’avez-vous apaisé et amené à ne plus vous
frapper ? Bien au contraire, vous l’avez excité à vous porter de
nouveaux coups, car la colère, loin de calmer la colère, ne sert qu’à l’irriter
davantage. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 10, 19, 20, ou 37, 38.)
Aussi le Seigneur veut-il que nous supportions cette faiblesse de la colère
du prochain dans un vrai sentiment de compassion, plutôt que de chercher dans
son châtiment un adoucissement à la nôtre. Et cependant il ne défend pas ici
la vengeance qui a pour but la correction du prochain, car elle concerne la
miséricorde et se concilie très bien avec la disposition de souffrir encore
davantage de celui qu’on veut corriger. Celui qui est revêtu du pouvoir
légitime doit nécessairement tirer vengeance des crimes commis; mais il doit
le faire avec le cœur d’un père qui ne peut haïr son jeune enfant. De saints
personnages ont puni de mort certains crimes pour inspirer aux vivants une crainte
salutaire, et alors ce n’était pas la mort qui était préjudiciable à ceux qui
étaient punis, mais bien leur péché, qui aurait pu s’aggraver s’ils avaient
continué de vivre. C’est ainsi qu’Élie en frappa plusieurs de mort (cf. 3 R
18, 40; 4 R 1, 10; Lc 9, 54), et
les disciples de Jésus-Christ ayant voulu s’autoriser de cet exemple, le
Seigneur les reprit, en blâmant non pas l’action du prophète, mais
l’ignorance qui les poussait à se venger, et en leur faisant remarquer que ce
n’était pas l’amour de la correction fraternelle, mais la haine qui excitait
en eux le désir de la vengeance. Mais après même qu’il leur eut enseigné d’aimer
leur prochain et qu’il eut répandu l’Esprit saint dans leurs âmes, on vit
encore de semblables vengeances; c’est ainsi que la parole de Pierre fit
tomber morts à ses pieds Ananie et sa femme, et que l’apôtre saint Paul livra
un homme à Satan pour mortifier sa chair. C’est pourquoi je ne puis
comprendre le déchaînement aveugle de quelques-uns contre les châtiments
corporels que nous voyons dans l’Ancien Testament, dans l’ignorance où ils
sont de l’intention qui les a fait infliger. —
Saint Augustin : Quel est l’homme de bon sens qui
oserait dire aux rois: « Qu’un de vos sujets choisisse d’être religieux
ou impie, cela ne vous regarde pas » ? On ne peut leur dire
davantage: « Que dans votre royaume on soit débauché ou de moeurs pures,
vous n’avez pas à vous en occuper. » Sans doute il vaut mieux amener les
hommes à honorer Dieu par l’instruction que par des peines coercitives, mais
cependant nous avons pu prouver par des exemples que pour plusieurs il a été
fort utile d’être forcés par la peine ou par la crainte à se faire instruire
ou à pratiquer ce qu’on leur avait déjà enseigné. Ceux qui se laissent
conduire par l’amour sont évidemment les meilleurs, mais c’est le plus grand
nombre qu’on ne ramène que par la crainte. C’est la conduite que Jésus-Christ
tient à l’égard de saint Paul: il le dompte d’abord par la force avant de le
soumettre par ses leçons. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Un chrétien veut-il
observer la juste mesure de vengeance qui lui est ici permise, lorsqu’il a
reçu quelque outrage de ce genre, qu’il accepte l’injustice, que la haine
n’entre pas dans son cœur, qu’il soit disposé à souffrir encore davantage, et
qu’en même temps il ne néglige pas de se servir de l’influence du conseil ou
de l’autorité pour corriger [son frère]. —
Saint Jérôme : Dans le sens mystique, lorsqu’on nous
frappe sur la joue droite, nous devons présenter non pas la joue gauche, mais
l’autre joue (cf. Pv 4, 27; Qo 10, 2; Mt 6, 3), car le juste n’a pas de
gauche. Par exemple, si un hérétique nous frappe dans la discussion, et qu’il
veuille porter atteinte au sens droit d’une vérité dogmatique, nous devons
lui opposer un autre témoignage semblable tiré de l’Écriture. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Il est un autre genre
d’injures qui peuvent se réparer complètement: elles sont de deux espèces,
l’une s’attaque à l’argent, l’autre consiste dans les actions outrageantes.
C’est de la première des deux dont Notre Seigneur ajoute: « Si quelqu’un veut plaider contre
vous pour vous prendre votre tunique, abandonnez lui encore votre
manteau. » Or de même que le soufflet reçu sur la joue exprime tous
les outrages, commis par les méchants, qui ne peuvent être réparés que par le
châtiment, ainsi ce que le Seigneur dit ici du vêtement comprend toutes les
injures qui peuvent être réparées sans recourir à la vengeance; et ce
précepte doit s’entendre de la disposition du cœur, et non de ce qu’il faut
faire en réalité. Ce qui nous est commandé à l’égard de la tunique ou du
manteau, nous devons le faire pour tous les biens temporels dont nous avons la
possession, de quelque manière que ce soit. Car si ce précepte porte sur le
nécessaire, à plus forte raison devons-nous abandonner le superflu ?
C’est ce que Notre Seigneur nous enseigne en disant: « Si quelqu’un veut plaider contre vous ». Ces paroles
comprennent tout ce qu’on peut nous disputer devant les tribunaux. Mais
doit-on y comprendre les esclaves ? C’est une grande question, car un
chrétien ne peut assimiler la propriété d’un esclave à la propriété d’un
cheval, quoiqu’il puisse se faire que le cheval soit d’un prix plus élevé
qu’un esclave. Or si votre esclave trouve en vous un maître plus sage que
celui qui désire vous l’enlever, je ne sais si quelqu’un oserait vous
conseiller de ne pas y attacher plus d’importance qu’à votre vêtement. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est une chose indigne
qu’un chrétien se présente devant le tribunal d’un juge infidèle. Mais quand
même le juge serait chrétien, si vous le mettez dans la nécessité de vous
juger, lui qui devait respecter en vous la dignité de la foi, vous perdez à
ses yeux pour une affaire temporelle cette dignité dont le Christ vous avait
revêtu. D’ailleurs tout procès est une source d’irritation et de pensées
coupables, car si vous voyez qu’on veut l’emporter contre vous par l’intrigue
ou par l’argent, vous vous empressez de recourir aux mêmes moyens dans
l’intérêt de votre cause, et certes ce n’est pas ce que vous vouliez dès le
début. —
Saint Augustin : (Enchirid. chap. 78). C’est pourquoi le
Seigneur défend ici aux chrétiens tout débat avec d’autres devant les
tribunaux pour des affaires temporelles. Si donc l’Apôtre, en défendant sous
les peines les plus sévères tout appel au tribunal des infidèles, permet
cependant que les causes entre fidèles soient jugées entre eux, il est
évident que c’est une concession qu’il fait à leur faiblesse. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 31, 10.) Parmi ceux qui nous
ravissent nos biens temporels nous devons supporter les uns, mais nous devons
nous opposer aux autres, tout en conservant la charité à leur égard. En cela
nous ne nous opposons pas seulement à ce qu’ils nous enlèvent ce qui est à
nous, mais nous les empêchons de se perdre eux-mêmes en ravissant ce qui ne
leur appartient pas; car nous devons beaucoup plus craindre pour les
ravisseurs eux-mêmes, que désirer avidement des biens privés de raison. Or
lorsque nous sacrifions la paix avec le prochain à un bien temporel, il est
évident que nous aimons ce bien plus que le prochain. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) La troisième espèce
d’injures qui consiste dans des actions dommageables est un mélange des deux
premières et peut se réparer par le châtiment ou sans le châtiment. Car celui
qui contraint méchamment un homme, et le force malgré lui à l’aider, peut
porter la peine de sa méchanceté et rendre ce que l’on a fait pour lui. A
l’égard de ces injures le Seigneur veut qu’un cœur chrétien se montre rempli
de patience et disposé à en souffrir encore davantage, c’est pourquoi il
ajoute: « Si quelqu’un veut vous
contraindre à faire mille pas avec lui, faites-en deux mille autres
encore », paroles qui exigent beaucoup moins que nous marchions en
réalité, que d’être disposés à le faire. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16.) Le mot ¢γγαρευσει,
angariaverit, veut dire entraîner
injustement, et tourmenter sans raison. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Nous pensons que par
ces paroles: « Allez avec lui
l’espace de deux autres milles », Notre Seigneur a voulu compléter le
nombre trois, nombre qui exprime la perfection, pour rappeler à celui qui
agit ainsi qu’il fait acte de justice parfaite. C’est pour cela qu’il appuie
ce précepte sur trois exemples et que dans le troisième le nombre deux est
ajouté à l’unité pour compléter le nombre trois. Ou bien, peut-être, faut-il
entendre ici que dans ce précepte, le Seigneur monte par degré de ce qui est
plus facile à ce qui est plus parfait. Il vous commande en premier lieu de
présenter l’autre joue à celui qui vous frappe sur la droite, c’est-à-dire
d’être disposé à supporter un affront moindre que celui que vous avez reçu. A
celui qui veut vous prendre votre tunique, il vous commande d’abandonner
votre manteau ou votre vêtement, suivant un autre texte; c’est vous demander
de supporter une injure égale, ou de bien peu supérieure à celle qui vous a
été faite. Enfin il vous ordonne d’ajouter aux mille premiers pas, l’espace
de deux autres mille, c’est-à-dire de faire le double de ce que vous avez
fait. Mais comme ce serait peu de ne pas rendre le mal pour le mal, si l’on
ne fait positivement le bien, il ajoute: « Donnez
à celui qui vous demande. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Nos richesses ne sont pas à
nous, mais à Dieu, et il a voulu que nous en soyons les dispensateurs, et non
pas les maîtres. —
Saint Jérôme : Si nous restreignons au devoir de
l’aumône ces paroles du Seigneur, on ne peut l’appliquer à un trop grand
nombre de pauvres, car si les riches donnaient constamment, ils ne pourraient
donner toujours. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Le Seigneur nous dit
donc: « Donnez à tout homme qui
vous demande », mais non pas : [donne] tout à celui qui vous
demande, c'est-à-dire : donne ce que tu peux donner en toute justice et
honnêteté. Quoi ! vous donneriez de l’argent à celui qui veut s’en
servir pour opprimer un innocent ou pour corrompre la vertu d’une
femme ! Il ne faut donc donner que ce qui ne peut être nuisible ni pour
vous, ni pour un autre, autant que vous pouvez en juger sur la foi de celui
qui demande. Et lorsque vous croirez devoir lui refuser ce qu’il demande,
expliquez-lui les justes motifs [de votre refus]. De cette manière il ne s’en
ira point sans avoir rien reçu, et en lui faisant comprendre l’injustice de
sa demande vous lui aurez donné quelque chose de bien préférable à ce qu’il
demandait. —
Saint Augustin : (Lettre 48 à Vincent.) Il est plus utile de retirer le pain à celui qui a
faim, et qui, s’il était assuré de sa nourriture, négligerait de pratiquer la
justice, que de faire de ce morceau de pain dont il a besoin, un moyen de
séduction pour le forcer de consentir au mal. —
Saint Jérôme : On peut encore entendre ces paroles
du trésor de la doctrine, qui ne s’épuise jamais, mais qui se remplit
abondamment à proportion de ce qu’on donne. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Les paroles qui
suivent: « et ne vous détournez
point de celui qui veut emprunter de vous » se rapportent aux
dispositions de l’âme, car « Dieu aime celui qui donne gaîment. »
Tout homme qui reçoit, emprunte, dût-il ne rien rendre, parce que Dieu rend à
ceux qui exercent la miséricorde plus qu’ils n’ont donné. Si cependant on ne
veut entendre par emprunteur que celui qui reçoit avec l’intention de rendre,
il faut dire alors que le Seigneur comprend dans ses paroles ces deux
manières de donner, ou le don gratuit, ou le prêt soumis à l’obligation de
rendre. Le Seigneur nous exhorte avec raison à ce genre de bienfait, en nous
disant: « Ne rejetez point »,
c’est-à-dire ne détournez pas votre volonté dans la pensée que Dieu ne vous
serait plus redevable, parce que votre débiteur se serait acquitté à votre
égard, car ce que l’on fait pour obéir à un précepte divin ne saurait
demeurer sans fruit. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le Christ nous fait donc un
devoir de prêter, mais sans condition d’usure, car celui qui prête à cette
condition ne donne pas ce qui est à lui; il prend ce qui ne lui appartient
pas; il brise un des liens de l’emprunteur, pour le charger d’un plus grand
nombre de chaînes; s’il donne, ce n’est point par un principe de justice
divine, c’est dans une pensée toute d’intérêt personnel. L’argent qu’on prête
à usure est semblable à la morsure d’un aspic, de même que le venin de
l’aspic répand secrètement la corruption dans tous les membres, ainsi l’usure
fait de tous les biens autant de dettes. — Saint Augustin : (lettre à Marcellin). On nous objecte que cette doctrine de Jésus-Christ n’est pas compatible avec les moeurs publiques, car qui peut, dira-t-on, se laisser ravir quelque chose par l’ennemi ? qui serait disposé à ne pas exercer contre ceux qui dévastent les provinces romaines les représailles qu’autorise le droit de la guerre ? Nous répondons que ces préceptes de patience doivent toujours se retrouver dans les dispositions de notre cœur, et que cette bienveillance qui défend de rendre le mal pour le mal doit toujours faire le fond de notre âme. On doit d’ailleurs agir envers ceux qui se refusent aux avances de la charité avec une sévérité pleine de douceur, et qui soit pour eux un châtiment salutaire. Si la société se conduisait d’après les préceptes du christianisme, les guerres elles-mêmes ne seraient pas menées sans bienveillance. On n’y chercherait que l’utilité des vaincus en rétablissant l’union entre la piété et la justice, car on gagne à être vaincu quand on perd la liberté de faire le mal. Il n’y a rien, en effet, de plus malheureux que la félicité des pécheurs, car elle alimente l’impunité qui est un châtiment, et fortifie au-dedans de nous cet ennemi intérieur qu’on appelle la volonté du mal. |
Lectio 21 [85395] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Docuit dominus supra,
iniuriam inferenti non esse resistendum, sed ad plura perferenda paratum
esse; nunc autem ulterius docet iniuriam inferentibus impendendum esse
caritatis affectum simul et effectum. Et cum praemissa ad complementum
iustitiae legis pertineant, convenienter hoc ultimum rite pertinet ad
impletionem caritatis, quae, secundum apostolum, est legis plenitudo. Dicit
ergo audistis quia dictum est: diliges proximum tuum. Augustinus de Doctr. Christ. Quod autem nullum
hominem excepit qui praecepit proximum diligere, dominus in parabola semivivi
relicti ostendit, dicens proximum qui erga illum extitit misericors, ut eum
intelligamus proximum cui exhibendum esset misericordiae officium, si
indigeret: quod nulli negandum esse, quis non videat? Domino dicente
benefacite his qui oderunt vos. Augustinus de Serm. Dom. Gradum autem esse in Pharisaeorum iustitia, quae ad legem veterem
pertineret, hinc intelligitur quod multi etiam eos a quibus diliguntur
oderunt. Ascendit ergo aliquem gradum qui proximum diligit, quamvis adhuc
oderit inimicum; unde ad hoc designandum subditur et odio habebis inimicum
tuum: quae vox non est accipienda ut iubentis iusto, sed permittentis infirmo. Augustinus contra Faustum. Quaero autem
a Manichaeis, cur proprium velint esse legis Moysi quod dictum est antiquis
oderis inimicum tuum. An et Paulus non dixit homines quosdam Deo
odibiles? Quaerendum est ergo quomodo intelligatur exemplo Dei, cui dixit
Paulus quosdam odibiles, odio habendos inimicos; et rursus exemplo Dei, qui
facit solem suum oriri super bonos et malos, diligendos inimicos. Haec itaque
regula est qua et oderimus inimicum propter id quod in eo malum est, idest
iniquitatem, et diligamus inimicum propter id quod in eo bonum est, idest
rationalem creaturam. Audito igitur et non intellecto quod antiquis dictum
erat oderis inimicum tuum, ferebantur homines in hominis odium, cum non
deberent odire nisi vitium. Hos ergo corrigit dominus cum subdit ego autem
dico vobis: diligite inimicos vestros; ut qui iam dixerat: non veni solvere
legem sed implere, praecipiendo utique ut diligamus inimicos, cogeret nos
intelligere quomodo possemus unum eumdemque hominem et odisse propter culpam,
et diligere propter naturam. Glossa. Sed sciendum est, in toto corpore
legis non esse scriptum odio habebis inimicum tuum; sed hoc dicitur quantum
ad traditionem Scribarum, quibus visum est hoc addendum, quia dominus
praecepit filiis Israel persequi inimicos et delere Amalech de sub caelo.
Chrysostomus super Matth. Sicut enim quod
dictum est non concupisces, non dictum est ad carnem, sed ad animam, sic in
hoc loco caro quidem inimicum suum diligere non potest, anima autem potest:
quia dilectio vel odium carnis in sensu est, animae vero in intellectu.
Quando ergo nocemur ab aliquo, etsi sentimus odium, non tamen exequi volumus;
cognosce quia caro nostra odit inimicum, anima vero diligit. Gregorius Moralium. Inimici autem dilectio
tunc veraciter custoditur cum non de profectu deiicimur, nec de ruina illius
laetamur. Non enim amat aliquis quem non vult esse meliorem, eumque stantem
voto persequitur quem cecidisse gratulatur. Evenire tamen plerumque solet ut,
non amissa caritate, et inimici nos ruina laetificet, et rursum eius gloria
sine invidiae culpa contristet; cum et redeunte eo quosdam bene erigi
credimus, et proficiente illo plerosque iniuste opprimi timemus. Sed ad hoc
servandum est discretionis examen, ne cum nostra odia exequimur, fallamur sub
specie utilitatis alienae. Oportet etiam pensare quid debemus ruinae
peccatoris, et quid iustitiae ferientis; nam cum perversum quemquam
omnipotens percutit, et congaudendum est iustitiae iudicis, et condolendum miseriae
pereuntis. Glossa. Qui autem sunt contra Ecclesiam,
tribus modis ei adversantur: odio, verbis, cruciatu corporis. Ecclesia contra
diligit, unde dicit diligite inimicos vestros; benefacit, unde sequitur
benefacite his qui oderunt vos; et orat, unde sequitur et orate pro
persequentibus et calumniantibus vos. Hieronymus. Multi praecepta Dei imbecillitate
sua, non sanctorum viribus aestimantes, impossibilia putant esse quae
praecepta sunt; et dicunt sufficere virtutibus, non odisse inimicos; ceterum
diligere plus praecipi quam humana natura patiatur. Sciendum est ergo
Christum non impossibilia praecipere, sed perfecta; quae fecit David in Saul
et Absalon; Stephanus quoque martyr pro lapidantibus deprecatus est, et
Paulus anathema cupit esse pro persecutoribus suis. Hoc autem Iesus et docuit
et fecit, dicens: pater, ignosce illis. Augustinus Enchir. Sed perfectorum sunt
ista filiorum Dei: quo quidem se debet omnis fidelis extendere, et humanum
animum ad hunc affectum, orando Deum secumque luctando, perducere. Tamen
hoc tam magnum bonum, tantae multitudinis non est, quantam credimus exaudiri,
cum in oratione dicitur: dimitte nobis debita nostra, sicut et nos dimittimus
debitoribus nostris. Augustinus de Serm. Dom. Oritur autem hic quaestio,
quod huic praecepto domini in quo nos hortatur orare pro inimicis, multae
aliae Scripturae partes videntur adversae: quia in prophetis inveniuntur
multae imprecationes adversus inimicos, ut est illud Ps. 108, 9: fiant filii
eius pupilli. Sed sciendum, quod prophetae solent figura imprecantis futura
praedicere. Sed illud magis movet quod dicit Ioannes: est autem peccatum ad
mortem, non pro illo dico ut oret quis; aperte enim ostendit esse aliquos
fratres pro quibus orare nobis non praecipitur, per hoc quod praemittit: si
quis scit peccare fratrem suum etc..., cum dominus etiam pro persecutoribus
nos iubeat orare. Nec ista quaestio solvi potest, nisi fateamur aliqua
peccata esse in fratribus, quae inimicorum persecutione sunt graviora. Nam et
Stephanus orat pro eis a quibus lapidatur, quia nondum Christo crediderant;
et apostolus Paulus non orat pro Alexandro, quia frater erat et, per
invidentiam, fraternitatem oppugnando peccaverat. Pro quo autem non oras, iam
non contra illum oras. Sed quid agimus de his contra quos oratum a sanctis
accipimus, non ut corrigerentur (nam hoc modo pro ipsis potius oratum est),
sed illam ultimam damnationem, non sicut contra domini traditorem per
prophetam (nam illa, praedictio futurorum, non optatio supplicii fuit), sed sicut
in Apocalypsi legimus martyres orare ut vindicentur? Sed hinc non oportet moveri. Quis enim audeat
affirmare utrum contra ipsos homines, an contra regnum peccati petierint? Nam
ipsa iustitiae et misericordiae vindicta martyrum, ut evertatur regnum
peccati, quo regnante tanta perpessi sunt. Destruitur
autem partim correctione hominum, partim damnatione perseverantium in
peccato. Nonne tibi videtur Paulus in seipso Stephanum vindicasse cum dicit:
castigo corpus meum et in servitutem redigo? Augustinus de quaest. Nov.
et Vet. Testam. Vel animae occisorum clamant, vindicari se postulantes;
sicut sanguis Abel clamavit de terra non voce, sed ratione. Nam et opus
opificem laudare dicitur per hoc ipsum quod videntem se oblectet; non enim
tam impatientes sunt sancti ut urgeant fieri quod sciunt tempore praefinito
futurum. Chrysostomus in Matth. Vide autem quot gradus
ascendit, et qualiter nos in ipsum virtutis verticem statuit. Primus gradus
est non incipere iniuriam; secundus ut iniuriam ulciscens, aequali supplicio
sis contentus; tertius non facere vexanti quae quis passus est; quartus
exponere seipsum ad patiendum mala; quintus amplius se tribuere quam ille
vult qui fecit mala; sextus non odio habere eum qui hoc operatur; septimus
diligere; octavus benefacere; nonus pro ipso orare. Et quia magnum erat
praeceptum, praeclarum praemium subdit, scilicet fieri similes Deo; unde
dicit ut sitis filii patris vestri qui in caelis est. Hieronymus. Si quis enim praecepta Dei
custodiat, filius Dei efficitur; ergo non in natura filius est, hic scilicet
de quo loquitur, sed arbitrio suo. Augustinus de Serm. Dom. Ex illa autem regula
intelligendum est quod hic dicitur, qua et Ioannes dicit: dedit eis
potestatem filios Dei fieri. Unus enim naturaliter filius est; nos autem
potestate accepta efficimur filii, inquantum illa quae ab eo praecipiuntur
implemus. Itaque non ait: facite ista, quia estis filii; sed: facite ista, ut
sitis filii. Cum autem ad hoc nos vocat, ad similitudinem suam vocat; unde sequitur
qui solem suum facit oriri super bonos et malos, et pluit super iustos et
iniustos. Potest autem per solem intelligi non iste visibilis, sed ille de
quo dicitur: vobis qui timetis nomen domini, orietur sol iustitiae, et per
pluviam irrigatio doctrinae veritatis, quia et bonis et malis apparuit et
evangelizatus est Christus. Hilarius in Matth. Vel in Baptismi et
spiritus Augustinus de Serm. Dom. Vel potest accipi sol
iste visibilis, et pluvia qua fructus gignuntur: quia iniqui in libro
sapientiae plangunt: sol non ortus est nobis. Et de pluvia spirituali
dicitur: mandabo nubibus meis ne pluant super eam. Sed sive hoc sive illud,
magna Dei bonitate fit, quae nobis imitanda praecipitur. Non autem solum ait
qui facit solem oriri, sed addidit suum, idest quem ipse fecit; ut hinc
admoneremur quanta liberalitate ex praecepto eius praestare debemus quod non
creamus, sed ex muneribus eius accipimus. Augustinus ad Vincentium. Sed sicut ista
dona eius laudamus, ita etiam flagella in eos quos diligit cogitemus. Unde
non omnis qui parcit, amicus est, nec omnis qui verberat, inimicus; melius
est enim cum severitate diligere, quam cum lenitate decipere. Chrysostomus super Matth. Caute autem dixit
super iustos et iniustos, non super iustos ut iniustos: quia omnia bona Deus
non propter homines dat, sed propter sanctos, sicut et flagella propter
peccatores; sed in nobis non separat peccatores a iustis, ne desperent; nec
in malis iustos a peccatoribus, ne glorientur; maxime cum malis bona non
prosint quae male viventes ad praeiudicium suum percipiunt; nec bonis mala
noceant, sed magis prosint ad iustitiae lucrum. Augustinus de Civ. Dei. Nam bonus temporalibus
bonis non extollitur, nec malis frangitur. Malus autem ideo huiusmodi
infelicitate punitur, quia felicitate corrumpitur. Vel ideo ista temporalia
bona et mala utrisque voluit esse communia, ut nec bona cupidius appetantur,
quae mali habere cernuntur, nec mala turpiter evitentur, quibus et boni
afficiuntur. Glossa. Amare autem amantem, naturae est;
inimicum vero amare est caritatis; et ideo sequitur si enim diligitis eos qui
vos diligunt, quam mercedem habebitis, scilicet in caelo? Nullam: de his enim
dicitur: recepistis mercedem vestram. Sed tamen haec oportet facere, illa non
omittere. Rabanus. Si ergo peccatores erga dilectores
suos natura duce volunt esse benefici, multo magis vos maioris dilectionis
signo amplecti debetis etiam non amantes; unde sequitur nonne et publicani
hoc faciunt? Idest qui publica vectigalia exigunt, vel qui publica negotia
saeculi vel lucra sectantur. Glossa. Si vero pro his tantum oraveritis qui
aliqua affinitate vobis coniuncti sunt, quid amplius habet beneficium vestrum
quam infidelium? Unde sequitur et si salutaveritis fratres vestros tantum,
quid amplius facitis? Salutatio enim est quaedam species orationis. Nonne et
ethnici hoc faciunt? Rabanus. Idest gentiles: nam ethnos Graece,
Latine gens dicitur, qui tales sunt ut fuerunt geniti, scilicet sub peccato.
Remigius. Quia vero perfectio dilectionis
ultra dilectionem inimicorum non potest procedere, ideo postquam dominus
praecepit diligere inimicos, subiunxit estote ergo et vos perfecti, sicut et
pater vester caelestis perfectus est. Ipse quidem perfectus est ut
omnipotens, homo autem ut ab omnipotente adiutus: nam sicut quandoque in
Scripturis pro veritate et aequalitate accipitur, ut ibi: sicut fui cum
Moyse, ita ero et tecum; aliquando autem pro similitudine, ut hic. Chrysostomus super Matth. Sicut enim filii
carnales similant patres in aliquo corporis signo, ita filii spirituales Deum
in sanctitate. |
Versets 43-47
— La Glose : Le Seigneur nous a enseigné, dans
ce qui précède, à ne pas résister à celui qui nous fait tort, mais à nous
montrer disposé à en supporter davantage. Il va plus loin, et veut nous
apprendre que la charité doit s’étendre, par le cœur et par les actes, même à
ceux qui nous font du mal. Les commandements précédents étaient le complément
de la justice légale, ce dernier précepte est l’accomplissement de la charité
qui, selon l’Apôtre, est la plénitude de la loi. Voilà la raison de ces
paroles du Seigneur: « Vous savez
qu’il a été dit: Vous aimerez votre prochain. » —
Saint Augustin : (Doctr. chrét., chap. 30). Le précepte
d’aimer le prochain n’admet aucune exception; c’est ce que nous apprend le
Seigneur lui-même dans la parabole de cet homme laissé à demi-mort, Il nous
dit que le prochain fut celui qui exerça la miséricorde à son égard, pour
nous faire comprendre que notre prochain c’est tout homme à qui nous devons exercer
le devoir de miséricorde, s’il est dans le besoin. Et qui ne voit que nous ne
devons en excepter personne, devant ces paroles: « Faites du bien à ceux qui vous haïssent » ? —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Il y avait un certain
degré dans la justice pharisaïque, qui relevait de l’ancienne loi; la preuve
c’est qu’il en est qui détestent même ceux qui les aiment. C’est donc
s’élever d’un degré que d’aimer son prochain, tout en haïssant son ennemi, et
c’est pour désigner cette attitude qu’on ajoute : « et vous haïrez votre ennemi », paroles qu’il ne faut
pas regarder comme un commandement pour le juste, mais comme une
condescendance pour le faible. —
Saint Augustin : (contre Fauste, liv. 19, chap. 24). Je demanderai aux Manichéens pourquoi ils
s’obstinent à regarder comme particulier à la loi de Moise ce qui a été dit
aux anciens: « Vous haïrez votre
ennemi. » Et saint Paul lui-même n’a-t-il pas dit qu’il en est qui
sont un objet de haine pour Dieu (Rm 1, 30) ? Il faut donc chercher à
comprendre comment nous pouvons haïr nos ennemis à l’exemple de Dieu pour qui,
selon ce que dit Paul, certains hommes sont haïssables, et comment nous
devons aimer nos ennemis à l’exemple de ce même Dieu qui fait lever son
soleil sur les bons et sur les mauvais. La règle que nous devons suivre,
c’est de haïr dans un ennemi ce qu’il y a de mal en lui, c’est-à-dire
l’iniquité, et d’aimer dans notre ami ce qu’il y a de bon, c’est-à-dire la
créature douée de raison. C’est pour avoir entendu sans la comprendre cette
parole qui avait été dite aux anciens: « Vous
haïrez votre ennemi », que les hommes étaient portés à se haïr
mutuellement les uns les autres, alors qu’ils n’auraient dû haïr que le vice.
C’est donc cette erreur que le Seigneur veut corriger lorsqu’il dit: « Pour moi, je vous dis: Aimez vos
ennemis. » Il avait dit précédemment: « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l’accomplir » ;
en nous ordonnant ici d’aimer nos ennemis, il nous force de comprendre
comment nous pouvons, dans un seul et même homme, haïr le mal qu’il commet et
aimer la nature dont il est revêtu. — La Glose : Remarquons
toutefois que dans nul endroit de la loi on ne trouve ces paroles:
« Vous haïrez votre ennemi. » Elles sont donc citées comme faisant
partie de la tradition des Scribes qui ont cru pouvoir les ajouter, parce que
le Seigneur avait commandé aux enfants d’israel de poursuivre leurs ennemis (Lv 26), et de détruire Amalec de
dessous le ciel (Ex 17). —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ces paroles: « Vous ne convoiterez pas »
n’étaient pas adressées à la chair, mais à l’âme; il en est de même de ce
passage. La chair en effet ne peut aimer son ennemi, l’âme le peut, parce que
la chair place le principe de l’amour ou de la haine dans les sens; l’âme, au
contraire, dans l’intelligence. Si donc quelqu’un nous a nui, et que nous en
ressentions de la haine, sans vouloir cependant en suivre les inspirations,
c’est notre chair qui hait notre ennemi, tandis que notre âme l’aime. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 22, 6). Voulons-nous une marque
certaine que nous aimons réellement notre ennemi, ne nous attristons pas de
sa prospérité, ne nous réjouissons pas de ses malheurs; ce n’est pas aimer
quelqu’un que de ne pas le vouloir dans un état plus prospère, et on fait
certainement des voeux contre sa fortune quand on applaudit à sa ruine.
Toutefois, il arrive souvent que sans nous faire perdre la charité, la chute
d’un ennemi nous cause de la joie, et que sa gloire nous contriste sans que
nous lui portions envie, c’est lorsque nous croyons que son retrait sera la
cause de l’élévation de plus dignes que lui et que sa prospérité nous fait
craindre l’injuste oppression d’un grand nombre. Mais il faut ici une
attention extrême pour ne point satisfaire notre haine sous le fallacieux
prétexte de l’utilité du prochain. Nous devons également savoir faire la
distinction de ce qu’exige de nous la ruine du pécheur et la justice de celui
qui le frappe. Lorsque le Dieu tout-puissant frappe un homme pervers, nous
devons applaudir à la justice du juge, mais compatir en même temps au malheur
de celui qui périt. — La Glose : Les ennemis de
l’Église lui font la guerre de trois manières: par la haine, par leurs
discours, par les supplices. L’Église, au contraire, leur oppose premièrement
l’amour: « Aimez vos
ennemis; » secondement, les bienfaits: « Faites du bien à ceux qui vous haïssent » ; troisièmement, la prière: « Priez pour ceux qui vous
persécutent et vous calomnient. » —
Saint Jérôme : Il en est plusieurs qui mesurent les commandements
de Dieu à leur faiblesse et non pas à la force qui fait les saints, et qui
regardent ces préceptes comme impossibles. Ils disent qu’il suffit, pour
pratiquer la vertu, de ne pas avoir de haine pour ses ennemis, mais que de
les aimer c’est commander plus que ne peut la nature humaine. Qu’ils sachent
donc que Notre Seigneur ne commande pas des choses impossibles, mais
parfaites. Et n’est-ce pas ce que fit David à l’égard de Saul et
d’Absalon ? Le saint martyr Etienne n’a-t-il pas prié pour ceux qui le
lapidaient ? Saint Paul n’a-t-il pas voulu être anathème à la place de
ses persécuteurs ? N’est-ce pas ce que Jésus enseigne et ce qu’il fit
lui-même lorsqu’il dit: « Mon
Père, pardonnez-leur » ? —
Saint Augustin : (Enchirid., chap. 73). Mais ce sont là les
vertus des enfants de Dieu qui ont atteint la perfection; c’est vers ce but
que tout fidèle doit tendre; c’est à cette générosité de sentiments qu’il
doit élever son âme en priant Dieu, en luttant contre lui-même. Cependant une
perfection aussi sublime n’est point le partage d’un aussi grand nombre de
personnes que celui dont Dieu, nous le croyons, exauce cette prière: « Remettez-nous nos dettes comme nous
les remettons à ceux qui nous doivent. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Une difficulté se
présente, c’est qu’un très grand nombre d’autres passages de l’Écriture
paraissent contredire ce précepte de prier pour nos ennemis. En effet, on
trouve dans les prophéties une multitude d’imprécations contre les ennemis,
comme celle-ci: « Que ses enfants
deviennent orphelins. » (Ps 118,
9). La raison en est que les prophètes prédisent ordinairement l’avenir sous
forme d’imprécations. Mais ces paroles de saint Jean offrent encore plus de
difficulté: « Il y a un péché qui
va à la mort, et ce n’est pas pour ce péché là que je dis qu’il faut
prier. » (1 Jn 5, 16.) Par
ce qui précède: « Si quelqu’un
sait que son frère a péché, etc..., » le même apôtre nous enseigne
clairement qu’il en est pour lesquels nous ne devons pas prier. Le Seigneur,
au contraire, nous ordonne de prier pour nos persécuteurs. Cette difficulté
ne peut se résoudre qu’en reconnaissant que nos frères peuvent se rendre
coupables de péchés plus graves que le crime de la persécution. Ainsi saint
Etienne prie pour ceux qui le lapidaient, parce qu’ils ne croyaient pas
encore en Jésus-Christ (Ac 7),
tandis que saint Paul ne prie pas pour Alexandre parce qu’il était du nombre
des fidèles et qu’il avait péché en attaquant, par un sentiment d’envie,
l’union fraternelle (1 Tm 15).
Toutefois ce n’est pas prier contre quelqu’un que de ne pas prier pour lui.
Mais que dirons-nous de ceux contre lesquels nous savons que des saints ont
prié, non pas pour leur conversion, - c’eût été bien plutôt prier pour eux -,
mais pour qu’ils fussent livrés à l’éternelle damnation ? Je ne parle
pas de la prière que le prophète adressait à Dieu contre celui qui a trahi le
Seigneur, - c’était une prédiction de l’avenir et non un souhait de
condamnation -, mais de la prière que nous lisons dans l’Apocalypse (Ap 6) et
où les saints martyrs prient Dieu de venger leur sang répandu. Or, cette prière n’a rien qui doive nous
étonner; car qui oserait affirmer qu’elle est dirigée contre les persécuteurs
eux-mêmes et non contre le règne du péché ? En effet la vengeance pure
des martyrs, vengeance pleine de justice et de miséricorde, c’est de voir
détruire l’empire du péché sous lequel ils ont tant souffert; et ce qui
renverse cet empire, c’est tout à la fois la conversion des uns et la
damnation des autres qui persévèrent dans le péché. Est-ce que saint Paul, à
votre avis, n’a pas suffisamment vengé dans sa personne le martyr saint
Etienne, lorsqu’il dit: « Je
châtie mon corps et je le réduis en servitude. » —
Saint Augustin : (Quest. sur l’Anc. et le Nouv. Test., chap.
68). Ou bien les âmes de ces victimes crient et demandent vengeance comme le
sang d’Abel cria du sein de la terre, non pas d’une voix matérielle, mais par
la force même des choses. C’est dans ce sens qu’on dit d’une oeuvre, qu’elle
loue celui qui l’a faite par cela même qu’elle le réjouit de son seul aspect.
Pourquoi d’ailleurs les saints seraient-ils impatients de presser l’exécution
d’une vengeance qu’ils savent devoir arriver au temps marqué ? — Saint Jean Chrysostome : (hom.
18.) Voyez
par combien de degrés le Seigneur nous fait monter et comme il nous établit
sur le sommet le plus élevé de la vertu. Le premier degré c’est de ne pas
prendre l’initiative de l’injure, le second de ne pas la venger par une
injure égale, le troisième de ne pas faire endurer à celui qui nous a blessé
ce qu’il nous a fait souffrir; le quatrième de s’exposer soi-même à la
souffrance; le cinquième de donner plus ou de se montrer disposé à faire de
plus grands sacrifices que ne le veut notre ennemi; le sixième de ne pas
avoir de haine pour celui qui se conduit de la sorte; le septième de l’aimer;
le huitième de lui faire du bien; le neuvième de prier pour lui, et comme
c’est là un grand commandement il lui donne pour sanction cette magnifique
récompense de devenir semblable à Dieu: « afin
que vous soyez, dit-il, les enfants
de votre Père céleste qui est dans les cieux. » —
Saint Jérôme : Si celui qui garde les commandements
de Dieu devient le fils de Dieu, il ne l’est donc point par nature, mais il
le devient par l’effet de sa libre volonté. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 6, 23 ou 46.) Ces
paroles doivent s’entendre dans le même sens que ces autres de saint Jean: « Il leur a donné le pouvoir de
devenir enfants de Dieu. » Il n’y a qu’un seul Fils de Dieu par
nature; quant à nous, nous recevons le pouvoir de devenir les enfants de
Dieu, lorsque nous accomplissons ses commandements. Aussi ne dit-il pas
« Faites cela, parce que vous êtes les enfants, » mais « faites cela pour devenir les
enfants de Dieu. » En nous appelant à cette sublime dignité, il nous
appelle à lui devenir semblables, c’est pour cela qu’il ajoute « qui fait lever son soleil sur les
bons et sur les méchants, et qui fait pleuvoir sur les justes et sur les
injustes. » Par le soleil, on peut entendre non pas celui qui brille
à nos yeux, mais celui dont le prophète a dit: (Ml 4) « Le soleil de
justice se lèvera sur vous qui craignez le nom du Seigneur » ;
et par la pluie, la rosée que répand dans les âmes la doctrine de la vérité;
parce qu’en effet le Christ s’est manifesté et a été annoncé aux bons et aux
mauvais. —
Saint Hilaire : On peut dire aussi que c’est dans le
baptême et dans le sacrement qui confère l’esprit, qu’il fait luire ce
soleil, et qu’il donne cette pluie. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien encore on peut
entendre ces paroles, et de ce soleil visible, et de la pluie qui fait
croître les fruits; en effet les méchants dans le livre de la Sagesse font entendre cette plainte: « Le soleil ne s’est pas levé pour
nous », et il est dit de la pluie spirituelle: « Je commanderai à mes nuées de ne pas répandre leur rosée sur
elle. » Qu’on admette l’un ou l’autre sens, c’est toujours un effet
de la grande bonté de Dieu qu’il nous est demandé d’imiter. Or il ne dit pas
simplement: « Il fait lever le
soleil » mais « son soleil »,
c'est-à-dire le soleil que lui-même a fait, nous apprenant ainsi avec
quelle largesse nous devons donner, d’après ce précepte, ce que nous n’avons
pas créé, mais ce que nous recevons de sa munificence. —
Saint Augustin : (Lettres 48 à Vincent.) Mais tout en louant sa libéralité, pensons aux
châtiments dont il frappe ceux qu’il aime, et concluons qu’on n’est pas ami
parce qu’on épargne la correction; et qu’on n’est pas ennemi parce qu’on
châtie, car il vaut mieux aimer avec sévérité que de tromper avec douceur (Pv
27, 26). —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est avec dessein que Notre
Seigneur dit: « sur les justes et
sur les injustes », et non pas « sur les justes comme sur les
injustes, » car ce n’est pas à
cause des hommes, mais à cause des Saints que Dieu distribue tous ses biens,
de même que c’est à cause des pécheurs qu’il inflige ses châtiments sur la
terre. Mais, parmi nous, il ne fait pas distinction des pécheurs d’avec les
justes, pour ne pas nous jeter dans le désespoir; de même que dans les châtiments
qu’il envoie, il ne sépare pas les justes des pécheurs, pour qu’ils ne s’en
glorifient pas. Cette conduite est d’autant plus équitable que les biens ne
sont pas d’une grande utilité aux méchants, qui par leur mauvaise vie, les
font tourner à leur perte; et que les maux, loin de causer aucun dommage aux
bons, servent bien plutôt à leur progrès dans la vertu. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 1, 8.) En effet, l’homme de
bien ne se laisse ni enfler par la prospérité, ni abattre par le malheur,
tandis que l’adversité devient un châtiment pour le méchant, parce qu’il se
laisse corrompre par la bonne fortune. Ou bien encore, Dieu a voulu que les
biens et les maux de cette vie fussent communs aux uns et aux autres, pour
nous ôter le désir trop vif de ces biens que nous voyons les méchants
partager avec nous, et la crainte qui nous fait fuir honteusement des maux
que les justes eux-mêmes ne peuvent éviter. — La Glose : Aimer celui qui
nous aime, c’est un sentiment que la nature inspire; aimer notre ennemi c’est
un acte de pure charité, et c’est ce que le Seigneur exprime par les paroles
suivantes: « Si vous n’aimez que
ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? »
(c’est-à-dire au ciel); comme s’il disait: Vous n’en aurez aucune, car c’est
de vous qu’il est dit: « Vous avez
reçu votre récompense. » Cependant il faut accomplir ce premier
devoir et ne pas omettre le second. — Raban : Si donc les
pécheurs sous la seule inspiration de la nature cherchent à se montrer
bienfaisants pour ceux qui les aiment, à combien plus forte raison devez-vous
embrasser dans le sein d’un amour plus étendu, ceux mêmes qui ne vous aiment
pas. C’est pour cela qu’il vous dit: « Les
Publicains ne le font-ils pas ? » c’est-à-dire ceux qui
perçoivent les deniers publics ou qui poursuivent les honneurs et les
richesses de la terre dans le commerce et dans les affaires du siècle. — La Glose : Si vous priez pour
ceux-là seulement qui vous sont unis par une quelconque affinité, en quoi
votre charité est-elle supérieure à celle des infidèles ? Il ajoute: « Si vous ne saluez que vos frères
(le salut est une espèce de prière), que
faites-vous en cela de plus ? Les païens ne le font-ils pas aussi ? » — Raban : Les païens sont
les Gentils (le mot grec ™θνος correspond au mot latin gens,) ainsi appelés
parce qu ils ont été comme engendrés sous la loi du péché. —
Saint Rémi : Comme la perfection de la charité
fraternelle ne peut aller plus loin que l’amour des ennemis, le Seigneur
après en avoir imposé le précepte ajoute: « Soyez
donc parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Il est parfait
comme tout puissant, l’homme devient parfait par le secours du Tout-Puissant.
L’expression comme signifie
quelquefois dans l’Écriture l’égalité et la vérité, par exemple dans ce
passage: « Je serai avec vous,
comme j’ai été avec Moïse. » Quelquefois, cette particule n’exprime
qu’une simple ressemblance comme dans cet endroit. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) De même que les enfants des
hommes portent toujours dans leur corps quelque trait de ressemblance avec
leur père; de même aussi on reconnaît à leur sainteté les enfants spirituels
de Dieu. |
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Caput 6 |
CHAPITRE 6 — [La charte du Royaume]
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Lectio 22 [85396] Catena in Mt.,
cap. 5 l. 22 Glossa. Postquam Christus legem quantum
ad praecepta implevit, incipit nunc eam adimplere quantum ad promissa, ut pro
caelesti mercede praecepta Dei faciamus, non pro terrenis quae lex
promittebat. Omnia autem terrena ad duo potissima reducuntur: scilicet ad
humanam gloriam, et ad terrenorum affluentiam; quorum utrumque in lege
promissum esse videtur. De gloria enim dicitur in Deuteronomio:
faciet te dominus excelsiorem cunctis gentibus quae versantur in terra. De
affluentia vero temporalium ibidem subditur: abundare te faciet dominus in
omnibus bonis. Et ideo dominus haec duo ab intentione fidelium excludit,
scilicet gloriam et terrenorum affluentiam. Sed sciendum quod appetitus gloriae propinquus
est virtuti. Chrysostomus super Matth. Ubi enim res agitur
gloriosa, ibi facilius invenit locum gloriationis occasio; et ideo
intentionem gloriae primo dominus excludit: prae omnibus enim vitiis
carnalibus periculosius hoc esse in hominibus intellexit: cum enim omnia mala
servos Diaboli vexent, concupiscentia vanae gloriae magis vexat servos Dei
quam servos Diaboli. Prosper in libro Sentent. August. Quas etiam
vires nocendi habeat humanae gloriae amor, non sentit nisi qui ei bellum
indixerit: quia etsi cuiquam facile est laudem non cupere dum negatur,
difficile tamen est ea non delectari cum offertur. Chrysostomus super Matth. Intuere autem
qualiter incepit velut de fera aliqua difficile cognita disputans, et apta
furari eum qui non valde vigilat: occulte enim ingreditur, et omnia quae
intus sunt, insensibiliter aufert. Chrysostomus in Matth. Et ideo hoc cautius
cavendum mandat dicens attendite ne iustitiam vestram faciatis coram
hominibus. Cor autem nostrum attendere debemus: invisibilis enim est serpens
quem observare iubemur, et latenter ingreditur et seducit. Sed in corde mundo
si surreptio inimici successerit, mox homo iustus discernit quia spiritu
alieno pulsatur; si autem cor fuerit iniquitatibus plenum, suggestionem
Diaboli non facile intelligit; et ideo praemisit ne irascaris, ne
concupiscas: quia qui malis istis subiectus est, cor suum non potest
attendere. Sed quomodo potest fieri ut non coram hominibus eleemosynam
faciamus? Aut si fiat, quomodo non sentiemus? Si enim praesente aliquo
occurrerit pauper, quomodo dabitur ei absconse? Sed educendo eum in secreto,
videtur quia datur. Sed considera, quia non dixit: ne tantum coram hominibus
faciatis; sed addidit ut videamini ab eis. Qui ergo non ideo facit ut ab
hominibus videatur, etsi coram hominibus fecerit, non tamen coram hominibus
fecisse videtur: qui enim aliquid facit propter Deum, neminem videt in corde
suo nisi Deum propter quem facit; sicut artifex eum semper habet prae oculis
qui sibi opus faciendum commisit. Gregorius Moralium. Si ergo dantis gloriam
quaerimus, et publicata nostra opera in conspectu illius occulta servamus; si
vero per hoc nostram laudem concupiscimus, foras ab eius conspectu iam fusa
sunt, etiam si a multis ignorentur. Sed valde perfectorum est, sic ostenso
opere, auctoris gloriam quaerere, ut de illata laude, privata nesciant
exultatione gaudere, quam infirmi quia perfecte contemnendo non superant,
necesse est ut bonum quod operantur, abscondant. Augustinus de Serm. Dom. In hoc vero quod
dicit ut videamini ab eis, nihil addens, apparet hoc eum prohibuisse ut ibi
finem nostri propositi collocemus. Nam et apostolus qui dicit: si adhuc
hominibus placerem, Christi servus non essem, alio loco dicit: ego omnibus
per omnia placeo. Quod non ideo facit ut placeret hominibus, sed Deo, ad
cuius amorem corda hominum volebat convertere ex eo quod eis placebat; sicut
non absurde loqueretur qui diceret: in hoc opere quo navem quaero, non navem
quaero, sed patriam. Augustinus de Serm. Dom. Dicit autem ut
videamini ab eis, quia sunt quidam qui sic faciunt iustitiam coram hominibus
ut non videantur ab eis, sed ut ipsa opera videantur, et glorificetur pater
qui in caelis est: non enim suam iustitiam deputant, sed eius cuius fide
vivunt. Augustinus de Serm. Dom. In hoc etiam quod
addit alioquin mercedem non habebitis apud patrem vestrum qui in caelis est,
nihil aliud demonstrat, nisi illud, nos cavere oportere ne humanam laudem pro
nostrorum operum mercede quaeramus. Chrysostomus super Matth. Quid autem a Deo
recipies qui Deo nihil dedisti? Nam quod propter Deum fit, Deo datur, et ab
eo recipitur; quod autem propter homines fit, in ventos effunditur. Quae est
autem sapientia res dare, et verba vacua comparare, et mercedem Dei
contemnere? Vel illum aspice a quo laudem expectas, qui te propter Deum
facere putat; alioquin vituperaret te magis. Ille autem qui plena quidem
voluntate propter homines facit, ille propter homines fecisse videtur. Si
autem per alicuius cor cogitatio vana ascendit, desiderans hominibus
apparere, anima autem intelligens contradicit, ille non propter homines
fecisse videtur: quia quod cogitavit, passio carnis est; quod elegit,
iudicium animae. |
Verset 1.
— La Glose : Le Seigneur après avoir accompli la
loi quant aux préceptes, commence à l’accomplir en ce qui concerne les
promesses, car il veut que nous observions les commandements de Dieu en vue
des récompenses célestes, et non pour les récompenses temporelles que
promettait la loi. Or ces récompenses temporelles se rapportent surtout à ces
deux points : la gloire humaine et l’abondance des biens de la terre; la
loi, semble-t-il , promettait l’une et l’autre; la gloire en ces termes du
Deutéronome: « Le Seigneur ton
Dieu t’élèvera au-dessus de toutes les nations qui habitent la terre » ; et un peu plus loin l’abondance de
biens: « Le Seigneur te donnera en
abondance toute sorte de biens » ; et c’est pour cette raison
que Notre Seigneur Jésus-Christ exclut l’une et l’autre (la gloire et l’abondance des biens) de
l’intention des fidèles. — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] (hom.
19.) Admettons
en principe que le désir de la gloire aime à habiter avec la vertu. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Dans une action qui a de
l’éclat, la vaine gloire trouve plus facilement à se glisser, aussi Notre
Seigneur nous prémunit tout d’abord contre ce danger de la gloire: il a
compris qu’il est mille fois plus pernicieux pour les hommes que tous les
vices de la chair: car tandis que toutes les tentations mauvaises assaillent
les serviteurs du démon, le désir ardent de la vaine gloire attaque de
préférence les serviteurs de Dieu. —
Saint Augustin : Or il n’y a que ceux qui ont lutté
contre l’amour de la vaine gloire, qui puissent comprendre quelle puissance
elle exerce contre nous; car s’il vous est facile de ne pas désirer la
louange qu’on vous refuse, il vous est fort difficile de ne pas vous
complaire dans celle qui vous est offerte. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
19.) Considérez
avec attention ses commencements comme si vous aviez à vous prémunir contre
une bête féroce difficile à connaître et prête à dépouiller celui qui n’est
pas sur ses gardes. Elle se glisse imperceptiblement; et nous enlève par le
moyen des sens tout ce que nous possédons à l’intérieur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Aussi Notre Seigneur nous
ordonne d’éviter avec soin ce danger en nous disant: « Prenez garde de faire vos bonnes oeuvres devant les
hommes. » C’est notre cœur qui doit être l’objet de cette vigilance,
car le serpent qu’on nous commande de surveiller est invisible, il pénètre
secrètement dans notre âme et nous séduit. Mais si le cœur dans lequel se
glisse cet ennemi est pur, le juste reconnaît bientôt qu’il est sollicité par
un esprit étranger. Si au contraire le cœur est rempli d’iniquités, il ne se
rend pas facilement compte des suggestions du démon. Voilà pourquoi Notre
Seigneur a commencé par dire: « Ne
vous mettez pas en colère, ne convoitez pas », car un homme esclave
de ses passions n’est pas capable de veiller sur les mouvements de son cœur.
Mais comment est-il possible que nous ne fassions pas l’aumône devant les
hommes, et dans cette hypothèse même, comment pourrons-nous y rester
insensibles ? Car si un pauvre se présente à nous devant une autre
personne, comment lui donner l’aumône en secret, et si vous le tirez à
l’écart, c’est un moyen de trahir votre aumône ? Remarquez que Notre
Seigneur ne dit pas seulement: « Ne
faites pas devant les hommes », mais qu’il ajoute « pour en être considérés. »
Celui donc qui n’agit point dans le dessein d’être vu des hommes, bien qu’il
agisse en leur présence, n’est pas censé faire des bonnes oeuvres devant les
hommes; car celui qui agit pour Dieu, ne voit dans son cœur que Dieu pour
lequel seul il agit; de même que l’ouvrier a toujours devant les yeux celui
qui lui a commandé son travail. — Saint Grégoire le Grand : (Moral.,
liv. 8, chap. 30.) Si nous ne cherchons que la gloire de celui qui nous donne la grâce
de bien faire nos oeuvres, même celles que nous faisons en public demeurent
secrètes sous la protection de ses regards, mais si dans ces oeuvres nous
nous proposons notre propre gloire, elles sont bannies de la présence de
Dieu, quand même elles seraient ignorées du grand nombre. C’est l’effet d’une
haute perfection de chercher dans les oeuvres faites en public la gloire de
l’auteur de tout bien, et de ne pas se complaire intérieurement dans la
gloire individuelle qui peut nous en revenir. Mais comme les âmes encore
faibles ne sont pas capables de ce parfait mépris qui nous fait triompher de
la vaine gloire, ils doivent s’appliquer à dérober aux regards des hommes le
bien qu’ils font. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 2 ou 3.) En disant: « pour être vus par eux »,
sans rien ajouter, Notre Seigneur nous défend évidemment de placer dans
l’opinion des hommes la fin de nos bonnes oeuvres. Car l’apôtre qui d’un côté
fait entendre ces paroles: « Si je
plaisais encore aux hommes, je ne serais plus le serviteur de
Jésus-Christ » dit ailleurs: « Je
m’efforce de plaire à tous en toutes choses. » Or s’il agissait
ainsi, ce n’était pas pour plaire aux hommes, mais à Dieu, et pour convertir
à son amour les cœurs des hommes par là même qu’il leur était agréable; de
même qu’un homme pourrait dire avec raison: je cherche un navire, toutefois
ce n’est pas le navire que j’ai en vue, mais la patrie. — Saint Augustin : (serm. 2 sur les paroles du Seigneur.) Notre Seigneur ajoute: « pour être vus par eux » ;
il en est en effet qui ne font pas leurs oeuvres devant les hommes dans
l’intention que les hommes les voient, eux, mais afin qu’ils voient leurs
bonnes oeuvres et glorifient le Père céleste qui est dans les cieux, car ils
ne s’attribuent pas à eux-mêmes le mérite de leur propre justice, mais [en
renvoient toute la gloire] à Dieu seul dans la foi duquel ils vivent (Ga 2,
29; 3, 1). —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Par ces paroles: « autrement vous n’en recevrez pas la
récompense de votre Père, qui est dans les cieux », le Seigneur veut
nous apprendre surtout à ne point rechercher la gloire humaine comme
récompense de nos bonnes oeuvres. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Que pourrez-vous recevoir de Dieu, vous qui n’avez rien donné à Dieu ? Ce que l’on fait pour Dieu, c’est à Dieu qu’on l’offre, et Dieu le reçoit; ce que l’on fait pour les hommes s’évanouit dans les airs. Or quelle « sagesse » de donner un bien aussi précieux pour de vaines paroles, et de faire mépris des récompenses divines ? Considérez celui de qui vous attendez la louange, il croit que vous agissez pour Dieu, autrement il aurait pour vous un profond mépris. Or celui qui recherche les regards des hommes avec une volonté pleine et entière, agit évidemment pour les hommes. Si au contraire une pensée de vanité s’élève dans votre cœur et y fait naître le désir le paraître aux yeux des hommes, mais que la partie intelligente de votre âme s’oppose à ce désir, on ne peut dire que vous agissez pour les hommes; car cette pensée est une pensée de la chair, mais c’est le jugement de votre âme qui a déterminé votre choix. |
Lectio 23 [85397] Catena in Mt., cap. 5 l. 23 Augustinus
de Serm. Dom. Generaliter supra dominus iustitiam nominavit cum dixit:
attendite ne iustitiam etc...; nunc autem per partes exequitur. Chrysostomus super Matth. Ponit autem tria
fortia bona, scilicet eleemosynam, orationem et ieiunium, contra tria mala
adversus quae dominus tentationis bellum suscepit: pugnavit enim pro nobis
contra gulam in eremo, contra avaritiam supra montem, contra vanam gloriam
supra templum. Est ergo eleemosyna quae dispergit, contra avaritiam quae
congregat; ieiunium contra gulam, quia ei contrarium; oratio vero contra
vanam gloriam, quia cum omne malum ex malo nascatur, sola vana gloria de bono
procedit: ideo non destruitur per bonum, sed magis nutritur: nullum ergo
remedium potest esse contra vanam gloriam nisi oratio sola. Ambrosius. Omnis autem sententia disciplinae
Christianae in misericordia et pietate est; et ideo ab eleemosyna incipit,
dicens cum ergo facis eleemosynam, noli tuba canere ante te. Chrysostomus super Matth. Tuba autem est omnis
actus vel sermo per quem operis iactantia demonstratur; puta, qui facit
eleemosynam quando aliquem videt praesentem vel intercedente aliquo, aut
honestiori personae quae potest retribuere; alias autem non facit. Sed et si
in loco secreto fecerit eo proposito ut laudabilis videatur, tuba est. Augustinus de Serm. Dom. Sic ergo quod dicit
noli tuba canere ante te, ad hoc respicit quod superius ait attendite ne
iustitiam vestram faciatis coram hominibus. Hieronymus in Matth. Qui autem tuba canit
eleemosynam faciens, hypocrita est; et ideo subdit sicut hypocritae faciunt.
Isidorus Etymolog. Nomen hypocritae tractum
est a specie eorum qui in spectaculis contecta facie incedunt, distinguentes
vultum vario colore, ut ad personae, quam simulant, colorem perveniant, modo
in specie viri, modo in feminae, ut fallant populum dum in ludis agunt. Augustinus de Serm. Dom. Sicut ergo
hypocritae, idest simulatores, tamquam imitatores personarum aliarum, agunt
partes illius quod non sunt - non enim qui agit partes Agamemnonis, vere ipse
est, sed simulat eum -, sic et in Ecclesiis in omni vita humana quisquis se
vult videri quod non est, hypocrita est: simulat enim se iustum et non
exhibet, qui totum fructum in laude hominum ponit. Glossa. Et ideo subdit loca publica, cum dicit
in synagogis et vicis; et finem intentum cum subdit ut honorificentur ab
hominibus. Gregorius Moralium. Sciendum vero est, quod
sunt nonnulli qui et sanctitatis habitum tenent, et perfectionis meritum
exequi non valent; quos nequaquam credendum est inter hypocritarum numerum
currere: quia aliud est infirmitate, aliud callida simulatione peccare. Augustinus. Tales autem qui simulatione
peccant, ab inspectore cordis Deo mercedem non capiunt, nisi fallaciae
supplicium; et ideo subditur amen dico vobis, receperunt mercedem suam. Hieronymus. Non Dei mercedem, sed suam:
laudati enim sunt ab hominibus, quorum causa exercuere virtutes. Augustinus de Serm. Dom. Hoc autem respicit ad
illud quod supra posuit alioquin mercedem non habebitis apud patrem vestrum.
Sic ergo non quomodo illi eleemosynam facias, sed quomodo facienda sit, iubet
convenienter, cum dicit te autem faciente eleemosynam, nesciat sinistra tua
quid faciat dextera tua. Chrysostomus in Matth. Hoc autem per
superabundantiam dicitur, ac si dicat: si possibile est teipsum ignorare, et
ipsas manus latere possibile esset, studiosissimum est tibi. Chrysostomus super Matth. Apostoli autem
interpretantur in libro canonum sic: dextera est populus Christianus, qui est
ad dexteram Christi; sinistra autem est omnis populus, qui est ad sinistram.
Hoc ergo dicit, ne Christiano eleemosynam faciente, qui est dextera,
infidelis aspiciat, qui est sinistra. Augustinus de Serm. Dom. Sed secundum hoc
videbitur nulla esse culpa velle placere fidelibus, cum tamen in quorumlibet
hominum laude finem boni operis constituere prohibeamur. Ut autem te
imitentur quibus facta tua placuerint, non tantum fidelibus, sed etiam
infidelibus exhibendum est. Si autem (ut alii dicunt) sinistram inimicum
putaveris, ut nesciat inimicus tuus cum eleemosynam facis, cur ipse dominus
inimicis Iudaeis circumstantibus misericorditer sanavit homines? Deinde
quomodo cum ipso inimico faciemus, ut illud impleamus praeceptum: si
esurierit inimicus tuus, ciba illum? Tertia opinio est ridenda eorum qui dicunt,
sinistrae nomine uxorem significari; ut quoniam in re familiari tenaciores
pecuniarum solent esse feminae, lateat eas cum aliquid viri alienis
impendunt, propter domesticas lites. Non autem solis viris hoc praeceptum
datum est, sed etiam feminis; cui ergo sinistrae iubetur femina occultare
opus misericordiae suae? An etiam vir sinistra erit feminae? Quod si quispiam
putat, cum praeceptum sit talibus, ut se invicem bonis moribus lucrifaciant,
non sibi debent occultare bona opera sua: nec furta facienda sunt ut
promereatur Deus. Quod si occultandum est aliquid quamdiu alterius infirmitas
id aequo animo non potest sustinere, quamvis non illicite fiat, non tamen
femina per sinistram significari facile apparet totius capituli
significatione; et etiam quam sinistram vocet. Quod enim in hypocritis
culpatum est, quod scilicet laudes hominum quaerunt, hoc tu facere vetaris;
quapropter sinistra videtur significare delectationem laudis, dextera autem
significat intentionem implendi praecepta divina. Cum ergo conscientiae
facienti eleemosynam miscet se appetitio laudis humanae, fit sinistra
conscientia dexterae. Nesciat ergo sinistra, idest, non se misceat
conscientiae tuae laudis humanae appetitio. Dominus
autem noster multo magis prohibet solam sinistram in nobis operari, quam eam
miscere operibus dexterae. Quo autem fine hoc dixerit, ostendit cum subdit ut
sit eleemosyna vestra in abscondito, idest in ipsa bona conscientia, quae
humanis oculis demonstrari non potest, nec verbis aperiri, quandoquidem multi
multa mentiuntur. Sufficit autem tibi ad promerendum praemium
ipsa conscientia, si ab eo expectas praemium qui solus conscientiae inspector
est. Et hoc est quod subditur et pater tuus, qui videt in abscondito, reddet
tibi. Multa Latina exemplaria habent reddet tibi palam. Chrysostomus super Matth. Impossibile est enim
ut opus bonum hominis in abscondito dimittat Deus; sed in hoc saeculo
manifestat, et in illo glorificat, quia gloria Dei est; sicut et Diabolus
manifestat malum, in quo malitiae eius virtus ostenditur. Proprie autem
publicat Deus omne bonum in saeculo illo cuius bona non sunt communia bonis
et malis; ideo cuicumque illic bene fecerit Deus, manifestum est quia pro
mercede iustitiae suae meruit illud. Merces autem iustitiae in hoc saeculo
manifesta non est; quia hic non solum boni, sed etiam mali sunt divites. Augustinus de Serm. Dom. Sed in Graecis
exemplaribus, quae propria sunt, non invenimus palam. Chrysostomus in Matth. Si ergo vis habere
inspectores eorum quae facis, ecce habes non solum Angelos aut Archangelos,
sed Deum universorum. |
Versets 2-4.
— Saint Augustin : (serm. sur la mont. 2, 5). Le Seigneur, en disant à ses disciples: « Prenez garde que votre justice », etc..., n’a parlé
de cette vertu que d’une manière générale; il va maintenant en parcourir les
divers degrés. —
Saint Jean Chrysostome : Il oppose trois vertus
d’une force toute divine, l’aumône, le jeûne, la prière, aux trois vices
contre lesquels il a soutenu lui-même les assauts de la tentation. Le Seigneur
a combattu pour nous, en effet, contre la sensualité dans le désert, contre
l’avarice sur la montagne, contre la vaine gloire sur le sommet du temple.
L’aumône qui aime à répandre ses biens (cf. Ps 111, 8) est opposée à
l’avarice qui amasse ; le jeûne à la sensualité, dont il est le contraire ;
la prière à la vaine gloire, parce que la vaine gloire est le seul vice qui
tire son origine du bien, tandis que tous les autres maux sont le produit
d’un principe mauvais; aussi, loin de la détruire, la vertu lui sert
d’aliment. Il n’y a donc d’autre remède contre la vaine gloire que la prière
seule. —
Saint Ambroise : Toute la morale chrétienne se
réduit à la miséricorde et à la piété, et c’est pour cela que le Seigneur
place l’aumône en premier lieu: « Lorsque
vous faites l’aumône, ne faites point sonner la trompette devant vous. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) La trompette c’est toute
parole dite, toute oeuvre faite avec un extérieur d’ostentation visible; par
exemple, voici un homme qui, avec intention, fait l’aumône devant témoins ou
par l’entremise d’un autre, ou à une personne honorable qui pourra
s’acquitter envers lui; dans d’autres circonstances, il n’en fait pas, ou
bien s’il fait l’aumône en secret, il la fait pour s’attirer des louanges,
c’est toujours la trompette. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 1). Ces paroles: « Ne faites pas sonner la trompette
devant vous », se rapportent à ce qu’il a dit plus haut: « Prenez garde de ne pas faire vos
bonnes oeuvres devant les hommes. » —
Saint Jérôme : Celui qui sonne de la trompette en
faisant l’aumône est un hypocrite, et c’est pour cela qu’il ajoute: « comme font les hypocrites. » [ ?] — La
Glose : Peut-être agissaient-ils ainsi pour
rassembler le peuple et pour attirer tout le monde à ce spectacle. — Isidore : Le nom
d’hypocrite vient des acteurs qui, dans les spectacles, ont l’habitude de
dissimuler leurs traits naturels en appliquant sur leur visage diverses
couleurs pour prendre le teint de la personne qu’ils veulent représenter,
tantôt un homme, tantôt une femme, le tout pour faire illusion aux
spectateurs dans les jeux publics. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Les hypocrites,
c’est-à-dire les comédiens, jouent le rôle des personnages qu’ils veulent
imiter sans qu’ils le soient en effet (celui qui joue le rôle d’Agamemnon
n’est pas Agamemnon, mais s’efforce de le paraître). Ainsi, parmi les
chrétiens, celui qui dans toute sa vie veut paraître ce qu’il n’est pas est
un hypocrite, car il se couvre de l’extérieur du juste sans l’être en
réalité, lui qui ne veut que la louange des hommes pour tout fruit de ses
bonnes oeuvres. — La Glose : C’est pour cela que
le Seigneur désigne les lieux fréquentés par le public: « dans les synagogues et dans les carrefours », et
qu’il ajoute: « pour être honoré
des hommes », marquant ainsi le but qu’on se propose. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 21, 8.) Il faut savoir qu’il en est
cependant qui ont l’extérieur de la sainteté, mais qui ne peuvent en
atteindre toute la perfection; on ne doit pas les ranger parmi les
hypocrites, car on ne peut assimiler celui qui pèche par faiblesse à celui
qui pèche par hypocrisie. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Or, ceux qui se rendent
coupables d’hypocrisie n’ont à attendre de Dieu, qui examine le fond du cœur,
d’autre récompense que le châtiment de leur fourberie; c’est pour cela qu’il
ajoute: « Je vous le dis en
vérité, ils ont reçu leur récompense. » —
Saint Jérôme : Ce n’est pas la récompense de Dieu,
mais leur récompense; ils ont fait leurs bonnes oeuvres pour les hommes, ils
ont obtenu les louanges des hommes. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ces paroles se
rapportent à celles qu’il a dites plus haut: « autrement vous n’aurez pas la récompense de votre Père. »
Il ajoute: « Pour vous, lorsque
vous faites l’aumône, que votre main gauche ignore ce que fait votre main
droite », et vous ordonne ainsi de faire l’aumône, non pas comme ils
la font mais comme il veut qu’elle soit faite. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49.) Ces paroles sont dites par
hyperbole : c’est comme si’l disait: S’il est possible, appliquez-vous
avec le plus grand soin à vous ignorer vous-mêmes, et à vous cacher l’oeuvre
de vos propres mains. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Voici l’interprétation que
les Apôtres donnent de ces paroles dans le livre des Canons: La droite est le
peuple chrétien qui est à la droite du Christ; la gauche, tout le peuple qui
est à gauche; Notre Seigneur veut donc que le chrétien qui est la droite ne
se laisse pas voir lorsqu’il fait l’aumône par l’infidèle qui est à la
gauche. — Saint
Augustin : (serm.
sur la mont.) Selon cette interprétation, il semble
qu’il n’y aurait aucun mal à vouloir plaire aux fidèles, et cependant il nous
est défendu de nous proposer comme fin de nos bonnes oeuvres la louange des
hommes quels qu’ils soient. Cependant si vous cherchez à leur plaire dans vos
actions pour les porter à vous imiter, ce n’est pas seulement en présence des
fidèles, mais aussi des infidèles que vous devez accomplir vos bonnes
oeuvres. Si avec d’autres auteurs vous entendez par la gauche votre ennemi,
et que le sens de ces paroles soit que votre ennemi doit ignorer que vous
faites l’aumône, comment expliquer que le Seigneur, dans sa miséricorde, ait
guéri les malades, entouré des Juifs ses plus cruels ennemis ? Comment,
d’ailleurs, accorder ce commandement avec celui qui nous est imposé de faire
l’aumône, même à notre ennemi ? « Si
votre ennemi a faim, donnez-lui à manger » (Rm 12, 20; Pv 21, 21).
Quant à la troisième opinion, qui prétend que la gauche signifie l’épouse,
elle est ridicule. Comme dans le mariage, disent-ils, les femmes laissent
difficilement échapper l’argent de leurs mains, les maris, pour éviter les
querelles domestiques, doivent leur cacher ce qu’ils donnent aux pauvres.
Mais ce précepte n’est pas donné pour les hommes seuls; il concerne aussi les
femmes. Ainsi, la femme étant obligée de cacher ses aumônes à sa main gauche,
dira-t-on que l’homme est la gauche de sa femme ? Si on admet qu’il y a
obligation pour eux de se gagner réciproquement à la vertu par le spectacle de
leurs bonnes oeuvres, ils ne doivent point se les cacher l’un à l’autre,
encore moins commettre un vol pour être agréables à Dieu. Accordons même que
la faiblesse de l’un force l’autre de lui dérober la connaissance d’une
oeuvre dont il ne pourrait supporter la vue, il n’y a rien en cela
d’illicite, mais on ne peut en conclure que la gauche signifie la femme,
alors que tout l’ensemble du chapitre s’oppose à cette interprétation. [Que
vous est-il donc défendu ?] De faire ce que le Seigneur condamne dans les
hypocrites qui recherchent les louanges des hommes. La gauche nous paraît
donc signifier le désir des louanges, et la droite l’intention d’accomplir
les commandements de Dieu. Lorsque le désir de la gloire humaine se glisse
dans votre âme au moment où vous faites l’aumône, votre gauche devine les
secrets de votre droite. Laissez donc votre gauche dans l’ignorance,
c’est-à-dire que le désir des louanges des hommes ne trouve point de place
dans votre âme. Mais Notre Seigneur nous défend bien plus sévèrement de
laisser la gauche agir seule en nous, que de lui permettre de se mêler aux
oeuvres de la droite. Quant au but qu’il s’est proposé dans ce précepte, il
nous le fait connaître en ajoutant: « afin
que votre aumône soit dans le secret », c’est-à-dire dans une bonne
conscience qui ne s’ouvre pas aux regards des hommes, ni à leurs discours si
souvent mensongers. Votre conscience seule vous suffit pour mériter votre
récompense, si vous l’attendez de celui qui seul pénètre dans la conscience,
et c’est ce qu’enseignent les paroles suivantes: « votre Père qui voit dans le secret vous le rendra
lui-même. » Un grand nombre d’exemplaires latins portent: « vous le rendra en public. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il est impossible que Dieu
laisse dans l’obscurité une seule bonne oeuvre: dans la vie présente il se
contente de la produire au grand jour, et il la glorifiera dans l’autre vie,
parce qu’il est la gloire de Dieu. Par la même raison, le démon met le mal en
évidence parce que le mal fait éclater la puissance de sa méchanceté. Mais à
proprement parler, Dieu ne dévoile les bonnes oeuvres que dans cette vie, où
les biens ne sont pas communs aux bons et aux méchants; tous ceux que Dieu y
comble de biens peuvent les considérer comme la récompense méritée de leur
justice; sur la terre, au contraire, on ne peut distinguer clairement cette
récompense de la justice, parce que les richesses y sont le partage des
méchants comme des bons. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Dans les exemplaires
grecs, qui sont antérieurs aux latins, on ne trouve pas le mot palam, en public. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 19.) Si vous voulez des spectateurs de vos actions, voici non seulement les anges et les archanges, mais encore le Dieu souverain maître de toutes choses. |
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Lectio 1 [85398] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 1 Chrysostomus super Matth. Salomon dicit:
ante orationem praepara animam tuam. Quod quidem facit qui faciens
eleemosynam venit ad orationem: bona enim opera excitant fidem cordis et dant
confidentiam animae apud Deum orandi. Ergo eleemosyna
praeparatio est orationis, et idem dominus post eleemosynam convenienter de
oratione nos instruit. Augustinus de Serm. Dom. Non autem hoc
monet nunc ut oremus, sed quomodo oremus; sic nec superius ut faciamus
eleemosynam, sed quo animo faciamus. Chrysostomus super Matth. Est autem oratio
quasi quoddam spiritale tributum, quod anima offert Deo de visceribus suis.
Quanto ergo gloriosior est, tanto cautius est servanda, ne propter homines
facta vilescat; et ideo dicit cum oratis, non eritis sicut hypocritae. Chrysostomus in Matth. Hypocritas vocat, qui
Deum se fingentes orare, homines circumspiciunt; et ideo subdit qui amant in
synagogis orare. Chrysostomus super Matth. Puto autem
quod non ad locum hoc refert dominus, sed ad propositum orantis: in conventu
enim fidelium orare laudabile est, sicut dictum est: in Ecclesiis benedicite
Deum. Qui ergo sic orat ut ab hominibus videatur, non Deum aspicit, sed
homines; et ideo quantum ad propositum suum in synagoga orat. Cuius
autem orantis mens solum aspicit Deum, quamvis in synagoga oret, tamen apud
se in secreto videtur orare. Sequitur et in angulis platearum, ut videantur
absconse orare; et sic dupliciter laudantur: et quia orant, et quia absconse
orant. Glossa. Vel anguli platearum sunt ubi via per
transversum viae ducitur et quadrivium reddit. Chrysostomus super Matth. Eo ergo proposito in
conventu vetat orare, ut a conventu videatur; unde subditur ut videantur ab
hominibus. Orans ergo nihil novum faciat quod aspiciant homines, vel
clamando, vel pectus percutiendo, vel manus extendendo. Augustinus. Non autem videri ab hominibus
nefas est, sed ideo hoc agere ut ab hominibus videaris. Chrysostomus in Matth. A vana enim gloria
ubique erui bonum est, maxime autem in oratione; si enim in hoc
cogitationibus circumferimur, si ad orandum ingressi fuerimus hanc habentes
aegritudinem, qualiter intelligemus ea quae a nobis dicuntur? Augustinus. Sic etiam fugienda est hominum
scientia, si hoc animo aliquid fiat ut fructus expectetur placendi hominibus;
unde subditur amen dico vobis, receperunt mercedem suam. Chrysostomus super Matth. Unusquisque enim ubi
seminat, ibi metit: unde qui propter homines orant, non propter Deum, ab
hominibus, non a Deo laudantur. Chrysostomus in Matth. Dicit autem receperunt,
quia Deus retributionem quae est ab ipso, tribuere vellet; illi autem eam
quae est ab hominibus, usurpant. Quomodo autem orandum sit, subiungit dicens
tu autem cum oraveris, intra in cubiculum tuum, et clauso ostio, ora patrem
tuum in abscondito. Hieronymus. Hoc simpliciter intellectum erudit
auditorem, ut vanam orandi gloriam fugiat. Chrysostomus super Matth. Ut nemo sit ibi nisi
ille qui orat: testis enim orantem gravat, non adiuvat. Cyprianus de Orat. Domin. In abditis etiam
locis orare magis convenit fidei, ut sciamus dominum ubique esse praesentem
et maiestatis suae plenitudine occulta penetrare. Possumus etiam intelligere per ostium domus, os
corporis, ut non clamosa voce oremus Deum, sed tacito corde, propter tria:
primo, quia Deus non voce clamosa pulsandus est, sed conscientia recta
placandus, quia est cordis auditor; secundo, quia secretas orationes tuas non
oportet alterum scire, nisi te et Deum; tertio, quia clamose orans, alterum
iuxta te non permittis orare. Cassianus Collat. Cum summo etiam est orandum
silentio, ut ipsos quoque inimicos nostros, qui orantibus nobis maxime
insidiantur, lateat nostrae petitionis intentio. Augustinus. Vel per cubicula nostra sunt
intelligenda corda nostra, de quibus dicitur: quae dicitis in cordibus
vestris, in cubilibus vestris compungimini. Ostium est carnalis sensus; foris
sunt omnia temporalia, quae per sensum cogitationes nostras penetrant, et
turba vanorum phantasmatum orantibus obstrepunt. Cyprianus. Quae autem segnitia est alienari et
capi ineptis cogitationibus et profanis, cum dominum deprecaris, quasi sit
aliud quod magis debeas cogitare quam quod cum Deo loquaris? Quomodo te
audiri a Deo postulas, cum teipsum non audias? Hoc est ab hoste non cavere,
hoc est Deum negligentia orationis offendere. Augustinus. Claudendum est ergo ostium, idest
carnali sensui resistendum, ut oratio spiritualis dirigatur ad patrem, quae
fit in intimis cordis, ubi oratur pater in abscondito; unde sequitur et pater
tuus, qui videt in abscondito, reddet tibi. Remigius. Et est sensus: sufficiat tibi ut
ille solus noverit tuam orationem qui omnium corda novit occulta, quia ipse
qui est inspector, erit exauditor. Chrysostomus in Matth. Non autem dixit: gratis
dabit, sed reddet tibi; etenim debitorem seipsum tibi constituit. |
Versets 5-6.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Salomon (Si 9, 23) nous fait cette recommandation: « Avant la prière, préparez votre
âme. » C’est ce que fait celui qui donne l’aumône avant de prier.
Les bonnes oeuvres, en effet, réveillent la foi du cœur et donnent à l’âme la
force de s’adresser à Dieu par la prière. L’aumône est donc une préparation à
la prière et c’est pour cela qu’après avoir expliqué les conditions de
l’aumône le Seigneur nous donne ses instructions sur la prière. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Or, il nous exhorte ici
non pas à la prière, mais il nous parle de la manière dont nous devons prier,
de même que plus haut il n’a point parlé de la nécessité de l’aumône, mais de
l’intention avec laquelle on doit la faire. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
La prière est comme un tribut spirituel que l’homme tire du plus intime
de son âme pour l’offrir à Dieu. Plus donc la prière est glorieuse, plus il
faut prendre garde à ce qu’une intention tout humaine ne vienne l’avilir.
Aussi, écoutez le Seigneur: « Lorsque
vous prierez, vous ne serez pas comme des hypocrites. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49.) Il appelle hypocrites ceux qui
font semblant de prier et regardent de tous côtés [si les gens les
considèrent], et c’est pour cela qu’il ajoute « qui aiment à prier dans les synagogues. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Je ne pense pas que le
Seigneur veuille parler ici du lieu où l’on prie, mais de l’intention qui
anime celui qui prie, car c’est une action louable que de prier dans les
assemblées des fidèles, selon cette parole [du roi-prophète]: « Bénissez Dieu dans les
assemblées. » Celui-là donc qui prie pour être vu des hommes, ce
n’est pas vers Dieu, mais vers les hommes qu’il tourne ses regards et, par
son intention, il prie dans la synagogue. Cependant, bien que ce soit dans la
synagogue qu’ils prient, l’esprit de certains est tourné vers Dieu seul, et
ils semblent prier dans le secret de leur cœur. Le texte ajoute: « et dans les coins des rues »,
afin de paraître prier en secret, poursuivant ainsi aux yeux des hommes le
double mérite de la prière et de la prière faite en secret. — La Glose : Ou bien ces coins
de rues sont les endroits où une voie en coupe une autre et forme un
carrefour. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il nous défend donc de prier
dans l’assemblée de nos frères dans l’intention d’en être remarqués; aussi
ajoute-t-il: « pour être vus des
hommes. » Que celui qui se livre à la prière évite donc avec soin
tout ce qui est extraordinaire et qui peut attirer les regards des hommes,
comme d’élever la voix, de se frapper la poitrine ou de tenir les mains
étendues. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ce qui est un mal, ce
n’est pas d’être vu des hommes, mais d’agir pour en être remarqué. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 19). Il est toujours bon de se dérober
au danger de la vaine gloire, mais surtout dans la prière, car si même sans
ce défaut nos pensées nous égarent çà et là pendant la prière, comment
comprenons-nous ce qui nous est dit si nous venons prier avec une âme
travaillée de cette nouvelle infirmité ? —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Nous devons éviter
également de faire voir aux hommes que nous ne voulons pour récompense de nos
actions que leur être agréables, car écoutons ce qui suit: « Je vous le dis en vérité, ils ont
reçu leur récompense. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Chacun ne moissonnera que ce qu’il aura semé; celui donc qui aura prié pour plaire aux hommes plutôt qu’à Dieu recevra les louanges des hommes et non aux louanges de Dieu. — [référence à vérifier] Notre
Seigneur dit: « Ils ont
reçu », car Dieu voulait leur accorder la récompense dont il est
l’auteur, ils ont mieux aimé rechercher celle que donnent les hommes. Mais
comment doit-on prier ? Notre Seigneur nous l’enseigne par ce qui suit: « Pour vous, lorsque vous voudrez
prier, entrez dans votre chambre et, après en avoir fermé la porte, priez
votre Père dans le secret. » —
Saint Jérôme : Ces paroles, dans leur sens naturel,
apprennent à celui qui les entend à fuir la vaine gloire dans la prière. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il faut qu’il n’y ait
absolument là que celui qui prie. Un témoin, loin de vous être alors utile,
ne fait que vous être à charge. — Saint Cyprien : (De l’Oraison Dominicale.) D’ailleurs
il est plus convenable pour notre foi de prier dans les lieux retirés, nous
comprenons mieux alors que Dieu est présent partout et qu’il pénètre les
endroits les plus secrets de la plénitude de sa majesté. —
Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] (sur S. Matth.) Nous pouvons aussi par cette porte de la maison entendre notre
bouche, en ce sens que nous n’avons pas besoin d’élever bien haut la voix,
mais que nous devons prier dans le silence du cœur pour trois raisons: la
première c’est que Dieu qui écoute la voix du cœur ne doit pas être importuné
par des cris, mais apaisé par le spectacle d’une conscience droite; la
seconde, c’est que personne, excepté Dieu et vous ne doit connaître l’objet
de vos prières secrètes; la troisième, c’est que votre prière bruyante est un
véritable empêchement pour celui qui prie à côté de vous. — Cassien, Confér. Nous
devons prier dans le plus grand silence, afin que nos ennemis qui nous
entourent, surtout pendant la prière, ne puissent connaître dans quelle
intention nous prions. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Par « nos chambres »
on peut encore entendre nos cœurs, dont le Psalmiste a dit (Ps 4): « Ce que vous dites dans vos cœurs, repassez-le avec amertume
dans le lieu de votre repos. » La porte ce sont les sens de la
chair; au dehors sont toutes les choses temporelles qui pénètrent par les
sens dans nos pensées, et la multitude des vains fantômes qui viennent nous
étourdir pendant la prière. — Saint
Cyprien (de
l’Or. Dom.) Mais quelle est cette négligence qui vous laisse prendre et
entraîner lorsque vous priez le Seigneur, par des pensées aussi ridicules que
profanes, comme s’il y avait une autre pensée qui doive vous occuper
davantage que celle-ci : c’est à Dieu que je parle. Comment exiger que
Dieu vous écoute, alors que vous ne vous écoutez pas vous-mêmes ? C’est
vraiment là ne pas vous mettre en garde contre votre ennemi, c’est offenser
Dieu par la négligence et la froideur de votre prière. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Il faut donc fermer la
porte, c’est-à-dire résister à l’importunité des sens, afin que la prière
toute spirituelle monte jusqu’au Père après avoir été formée au plus intime
du cœur où l’âme prie Dieu dans le secret, c’est pourquoi il ajoute: « et votre Père, qui voit dans le
secret, vous le rendra. » —
Saint Rémi : Voici donc le sens de ces paroles:
qu’il vous suffise que votre prière soit connue de celui-là seul qui pénètre
jusqu’au plus secret des cœurs, et qui par là même ne peut manquer de
l’exaucer. — Saint Jean Chrysostome : hom. 12.) Remarquez qu’il ne dit pas: « C’est lui qui vous donnera gratuitement, » mais « c’est lui qui vous le rendra, » car Dieu se constitue lui-même votre débiteur. |
Lectio 2 [85399] Catena in Mt., cap. 6 l. 2 Augustinus
de Serm. Dom. Sicut hypocritarum est praebere se spectandos in oratione,
quorum fructus est placere hominibus, ita est ethnicorum, idest gentilium, in
multiloquio se putare exaudiri; et ideo subditur orantes autem nolite multum
loqui. Cassianus Collat. Frequenter enim, sed
breviter est orandum, ne immorantibus nobis, inferre aliquid nostro cordi
insidiator possit inimicus. Augustinus ad Probam. Non tamen, ut quidam
putant, hoc est orare in multiloquio, si diutius oretur. Aliud est sermo
multus, aliud diuturnus affectus. Nam et de ipso domino scriptum est, quod
pernoctaverit in orando et prolixius oraverit, ut nobis praeberet exemplum.
Dicuntur fratres in Aegypto crebras quidem habere orationes, sed eas tamen
brevissimas, et raptim quodammodo iaculatas, ne illa violenter erepta, quae
oranti plurimum est necessaria, per productiores moras hebetetur intentio; ac
per hoc ipsi satis ostendunt hanc intentionem sicut non est obtundenda si
perdurare non potest, ita si perduraverit, non cito esse rumpendam. Absit
autem ab oratione multa locutio; sed non desit multa precatio, si fervens
perseverat intentio: nam multum loqui est in orando rem necessariam
superfluis agere verbis. Multum autem precari, est eum quem precamur diuturna
cordis excitatione pulsare: nam plerumque hoc negotium plus gemitibus quam
sermonibus agitur, plus fletu quam affatu. Chrysostomus in Matth. Dissuadet igitur
per hoc inanem locutionem in orando; puta cum non petimus decentia a Deo, sed
potentatus et glorias, inimicos superare, et pecuniarum abundantiam. Iubet
ergo hic non longas orationes facere. Longas autem dico non tempore, sed
multitudine eorum quae dicuntur. Perseverare tamen oportet eos qui petunt. Orationi
enim ait apostolus, instantes; non tamen iubet decem millium versuum
orationem componere, et corde tenus enuntiare; quod occulte insinuat, cum
dixit nolite multum loqui. Glossa. Damnat autem multiloquium orationis
veniens de infidelitate; unde sequitur sicut ethnici faciunt. Gentilibus enim
erat necessaria verborum multiplicitas, propter Daemones, qui nesciebant quid
illi peterent, nisi illorum verbis instructi; unde sequitur putant enim quod
in multiloquio suo exaudiantur. Augustinus de Serm. Dom. Et revera omne
multiloquium a gentilibus venit, qui exercendae linguae potius quam mundando
animo dant operam, et hoc studii genus, etiam ad Deum prece flectendum
transferre conantur. Gregorius, Moralium. Sed veraciter orare est
amaros in compunctione gemitus, et non composita verba resonare; et ideo
subditur nolite ergo assimilari eis. Augustinus. Si enim verba multa ad id
proferuntur ut instruatur ignarus, quid eis opus est ad rerum omnium
conditorem? Unde sequitur scit enim pater vester quid opus sit vobis, antequam
petatis eum. Hieronymus. Consurgit autem in hoc loco
quaedam haeresis philosophorum quorumdam, dogma perversum dicentium: si novit
Deus quid oremus, et antequam petamus scit quo indigemus, frustra scienti
loquimur. Quibus respondendum est, non narratores esse, sed rogatores. Aliud
est enim narrare ignoranti, aliud scientem petere. Chrysostomus in Matth. Non ergo oras ut
doceas, sed flectas; ut familiaris efficiaris continuitate interpellationis;
ut humilieris; ut rememoreris peccatorum tuorum. Augustinus. Nec etiam verbis nos agere debemus
apud Deum, ut impetremus quod volumus, sed rebus quas animo gerimus, et
intentione cogitationis, cum dilectione pura et supplici affectu. Augustinus ad Probam. Sed ideo per certa
intervalla temporum etiam verbis rogamus Deum, ut illis rerum signis nos
ipsos admoneamus, quantumque in hoc desiderio profecerimus nobisipsis
innotescamus, et ad hoc augendum nosipsos acrius excitemus, ne variis curis
quod tepescere coeperat, omnino frigescat, et penitus extinguatur nisi
crebrius inflammetur. Nobis ergo necessaria sunt verba quibus commoveamur et
inspiciamus quid petemus, non quibus dominum seu docendum seu flectendum esse
credamus. Augustinus de Serm. Dom. Sed rursus quaeri
potest, sive rebus sive verbis orandum sit, quid opus sit ipsa oratione, si
Deus iam novit quid nobis necessarium sit, nisi quia ipsa orationis intentio
cor nostrum serenat et purgat, capaciusque efficit ad excipienda divina
munera, quae spiritualiter nobis infunduntur. Non enim ambitione precum nos
exaudit Deus, qui semper paratus est dare suam lucem; sed nos non semper
parati sumus accipere, cum inclinamur in alia. Fit ergo in oratione conversio
corporis ad Deum et purgatio interioris oculi, cum ea quae cupiebantur,
temporaliter excluduntur, ut acies cordis simplicis ferre possit simplicem
lucem, et in ea manere cum gaudio, quo beata vita perficitur. |
Versets 7-8
— Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Le propre des hypocrites est de se donner en spectacle dans leurs
prières et de n’y chercher d’autres fruits que la louange des hommes; ainsi
le propre des païens (c’est-à-dire des Gentils) est de penser que c’est à
force de paroles qu’ils seront exaucés dans leurs prières. C’est pourquoi
Notre Seigneur ajoute: « Or en
priant, ne parlez pas beaucoup. » — Cassien :
Confér. des Pères : Nos prières doivent être
fréquentes mais courtes, de peur que, si nous nous attardons trop, notre
ennemi n’en prenne occasion pour jeter ses pernicieuses insinuations dans
notre âme. —
Saint Augustin : (Ep. 121 à
Proba., chap. 10.) Cependant ce n’est pas faire de longs discours en
priant, comme plusieurs le pensent, que de prier longtemps. Les longs
discours n’ont rien de commun avec la durée du sentiment intérieur. En effet,
n’est-il pas dit du Seigneur lui-même, qu’il passa la nuit à prier (Lc 6), et ailleurs qu’il redoubla sa
prière pour nous donner l’exemple ? (Lc
22) On dit que nos frères d’Égypte se livrent à de fréquentes mais très
courtes prières qu’ils lancent pour ainsi dire vers le ciel à la dérobée, afin
que la ferveur d’intention si nécessaire à celui qui prie ne soit pas soumise
à une espèce de violence pendant une prière trop prolongée. Par là ils nous
apprennent que de même qu’il ne faut pas fatiguer cette intention, si elle ne
peut durer plus longtemps, on ne doit pas non plus l’interrompre si elle veut
encore continuer. Ne multiplions pas les paroles dans la prière, mais n’y
soyons pas avares de supplications, si la ferveur de l’intention se soutient.
Parler beaucoup dans la prière c’est noyer une demande nécessaire dans un
flot de paroles superflues; tandis que prier beaucoup c’est importuner pour
ainsi dire celui que nous prions par les cris continuels de notre cœur: car
presque toujours cette affaire se traite bien mieux par des gémissements que
par des discours, et plus efficacement avec des larmes qu’avec des paroles. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
49.) Notre
Seigneur condamne ici toutes les paroles vaines dans la prière, comme lorsque
nous demandons à Dieu non pas ce qui est digne de lui et de nous, mais la
puissance, la gloire, la victoire sur nos ennemis, de grandes richesses. Il
nous défend donc ici les longues prières, je ne dis pas longues par leur
durée, mais par la multitude des paroles dont elles sont composées. Cependant
la persévérance dans la prière est nécessaire: « Persévérez dans la prière » nous dit l’apôtre (Rm 12;
Col 4, 2; Ep 6, 18). Ce n’est pas qu’il nous ordonne de faire des prières
composées de dix mille phrases; il veut simplement que nous les prolongions
par les instances de notre cœur; c’est ce que Notre Seigneur nous insinue
indirectement par ces paroles: « N’affectez
pas de parler beaucoup. » — La Glose : Notre Seigneur
condamne la multitude des paroles qui provient de l’incrédulité, ce qu’il
exprime en disant: « ainsi que
font les païens. » Cette abondance de paroles était nécessaire aux
païens à cause des démons qui ne savent pas ce qu’on leur demande si on ne
leur explique pas par beaucoup de paroles, « car, » dit Jésus-Christ, « ils sont persuadés que c’est à force de paroles qu’ils seront
exaucés. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Et en effet toute
abondance superflue de paroles vient des païens, qui, beaucoup plus occupés
du soin d’exercer leur langue que de changer leur cœur, transportent ce flux
habituel de paroles jusque dans les prières qu’ils adressent à Dieu. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., liv. 33, chap. 21.) La prière
véritable consiste dans les gémissements amers de la componction et non dans
des paroles arrangées avec art; aussi Notre Seigneur conclut-il, « Ne vous rendez donc pas semblables
à eux. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Si cette abondance de
paroles a pour objet de dissiper l’ignorance de celui à qui on s’adresse,
qu’en est-il besoin vis-à-vis de celui qui connaît toutes choses ? C’est
pourquoi il ajoute: « Votre Père
céleste sait avant que vous le lui demandiez, ce qui vous est
nécessaire. » —
Saint Jérôme : Quelques philosophes ont pris
occasion de là pour formuler comme un dogme cette impiété: Si Dieu connaît
par avance et l’objet de nos prières, et les besoins que nous voulons lui
exposer, il est inutile de les lui dire. Nous leur répondons que nous faisons
à Dieu non pas un récit mais une prière, et qu’il y a une grande différence
entre raconter à quelqu’un ce qu’il ignore, et lui demander ce qu’il sait
déjà. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 19.) Vous ne priez donc pas pour
instruire Dieu, mais pour le fléchir, pour vous unir intimement à lui par la
continuité de la prière, pour vous humilier, pour réveiller en vous le souvenir
de vos péchés. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ce n’est pas par nos
paroles que nous devons chercher à obtenir de Dieu ce que nous désirons, mais
par les dispositions habituelles de notre âme, par la droiture de notre
intention, la pureté de notre amour, la simplicité de notre cœur. —
Saint Augustin : (Lettre 121 à Proba.) Cependant de
temps à autre nous adressons à Dieu des prières vocales, afin que ces signes
extérieurs nous réveillent, nous fassent connaître quels sont nos progrès
dans le saint désir [de la prière], et nous excitent plus vivement à
l’augmenter en nous. Car ce désir qui s’attiédit au contact de mille soins
divers, finirait par se refroidir et s’éteindre tout à fait, si nous ne
ravivions fréquemment sa flamme. Les paroles nous sont donc nécessaires non
pas pour apprendre à Dieu ce qu’il ne sait pas, ou pour le fléchir, mais pour
nous donner de salutaires avertissements, et nous faire examiner l’objet de
nos prières. — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) On pourrait demander encore en quoi la prière elle-même (qu’elle consiste en paroles ou en sentiments intérieurs) est nécessaire si Dieu sait par avance ce dont nous avons besoin, s’il n’était évident que la seule volonté de la prière est pour l’âme une source de paix et de purification, et la rend plus propre à recevoir les dons spirituels que Dieu répand en nous. Dieu n’exauce pas nos prières par le désir qu’il a d’être prié, car il est toujours prêt à donner sa lumière, mais nous ne sommes pas toujours disposés à la recevoir, inclinés que nous sommes vers d’autres biens. Dans la prière notre corps se tourne donc vers Dieu, et, en excluant le désir des biens temporels, l’oeil intérieur de notre âme se purifie, et ainsi rendu à sa pureté il devient capable de supporter la lumière dans toute sa clarté, et de demeurer dans cette sublime contemplation avec ce sentiment de joie qui est la perfection du bonheur. |
Lectio 3 [85400] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 3 Glossa. Inter salutaria monita et
divina quibus consuluit credentibus, formam orandi proposuit, et orationes
composuit brevibus verbis, ut sit fiducia cito annuendi, quod breviter vult
rogari; unde dicit pater noster qui es in caelis. Cyprianus de Orat. Domin. Qui fecit vivere,
docuit et orare: ut dum oratione quam filius docuit, apud patrem loquimur,
facilius audiamur. Amica et familiaris oratio est dominum de suo rogare.
Agnoscat pater filii sui verba, cum precem facimus; et cum ipsum habeamus
advocatum apud patrem pro peccatis nostris, quando peccatores pro delictis
nostris petimus, advocati nostri verba promamus. Glossa. Non tamen his solis verbis oratur, sed
et aliis sub eodem sensu conceptis, quibus cor nostrum accenditur. Augustinus de Serm. Dom. Cum autem in omni
deprecatione benevolentia concilianda sit eius quem deprecamur, deinde
dicendum quid deprecemur. Per laudem illius ad quem oratio dirigitur, solet
benevolentia conciliari; et hoc in orationis principio poni solet: in quo
dominus noster nihil aliud nos dicere iussit, nisi pater noster qui es in
caelis. Multa quidem dicta sunt in laudem Dei; nusquam tamen invenitur
praeceptum populo Israel, ut dicerent pater noster; sed est eis insinuatus ut
dominus tamquam servis. Sed de populo Christiano apostolus dicit quod
spiritum adoptionis accepit, in quo clamamus abba pater, quod non est
meritorum nostrorum, sed gratiae, quam in oratione ponimus, cum dicimus
pater. Quo nomine et caritas excitatur: quid enim carius debet esse filiis
quam pater? Et supplex affectus, cum homines dicunt Deo pater noster; et
quaedam impetrandi praesumptio: quid enim non det filiis petentibus, cum hoc
ipsum ante dederit ut filii essent? Postremo quanta cura animum tangit, ut
qui dicit pater noster, tanto patre non sit indignus? Admonentur etiam hinc
divites, vel genere nobiles, cum facti fuerint Christiani, non superbire
adversus pauperes vel ignobiles, quoniam simul dicunt Deo pater noster; quod
non possunt pie ac vere dicere, nisi se fratres esse cognoscant. Chrysostomus in Matth. Quod enim nocumentum
est ex inferiori cognatione, cum secundum superiorem omnes simus copulati?
Qui etiam patrem dixit, et peccatorum remissionem et adoptionem et
hereditatem et fraternitatem, quae est ad unigenitum, et spiritus largitionem
per unam hanc confessus est nuncupationem. Non enim possibile est vocare Deum
patrem, nisi eum qui est omnibus istis bonis potitus. Dupliciter orantium
igitur erigit sensum: et dignitate eius qui invocatur, et magnitudine
beneficiorum, quibus orans potitus est. Cyprianus de Orat. Domin. Non autem dicimus
pater meus, sed pater noster, quia pacis et unitatis magister noluit
sigillatim et privatim precem fieri, ut qui eum precatur, pro se tantum
precetur. Publica enim est nobis et communis oratio; et quando oramus, non
pro uno tantum, sed pro populo toto oramus, quia totus populus unum sumus. Sic enim unum orare pro omnibus voluit, quomodo in uno omnes ipse
portavit. Chrysostomus super Matth. Pro se enim
orare necessitas cogit, pro altero autem caritas fraternitatis hortatur.
Dulcior autem est ante Deum oratio non quam necessitas transmittit, sed quam
caritas fraternitatis commendat. Glossa. Dicitur etiam pater noster, quod
commune est omnibus: non pater meus quod soli Christo convenit, qui est
filius per naturam. Chrysostomus super Matth. Addit autem qui es
in caelis, ut sciamus nos habere patrem caelestem, et erubescant se terrenis
rebus substernere qui patrem habent in caelis. Cassianus Collat. Et ut ad illam
regionem in qua patrem nostrum commorari fatemur, summo desiderio properemus.
Chrysostomus in Matth. In caelis ergo
cum dicit, non illic Deum concludens, hoc ait, sed a terra abducens orantem
et excelsis regionibus affigens. Augustinus de Serm. Dom. Vel dicitur esse in
caelis, idest in sanctis et iustis; non enim spatio locorum continetur Deus.
Sunt quidem caeli excellentia mundi corpora; et si in eis locus Dei esse
credatur, melioris meriti sunt aves, quarum vita est Deo vicinior. Non autem
est scriptum: prope est dominus excelsis hominibus, aut eis qui in montibus
habitant; sed contritis corde. Sed sicut terra appellatur peccator, cui
dictum est: terra es, et in terram ibis, sic caelum iustus e contrario dici
potest. Recte ergo dicitur qui es in caelis: tantum enim spiritualiter
interesse videtur inter iustos et peccatores, quantum corporaliter inter
caelum et terram. Cuius rei significandae gratia orantes ad orientem
convertimur, unde caelum surgit; non tamquam Deus ibi sit, ceteras mundi
deserens partes, sed ut admoneatur animus ad naturam excellentiorem se
convertere, id est ad Deum, cum corpus eius, quod terrenum est, ad corpus
excellentius, idest ad corpus caeleste, convertatur. Convenit etiam ut omnium
sensibus et parvulorum et magnorum bene sentiatur de Deo; et ideo qui nondum
possunt incorporeum cogitare, tolerabilior est illorum opinio, si Deum in
caelo potius esse credant quam in terra. Lectio 4 [85401] Catena in Mt., cap. 6 l. 4 Augustinus de Serm. Dom. Dictum est quis sit
qui petitur et ubi habitet; iam videamus quae sint petenda. Primum autem
omnium quae petuntur hoc est: sanctificetur nomen tuum: quod non sic petitur
quasi non sit sanctum Dei nomen, sed ut sanctum habeatur ab hominibus; idest,
ita innotescat Deus ut non aestimetur aliquid sanctius. Chrysostomus in Matth. Vel rogare iubet
orantem, Deum per nostram glorificari vitam; ac si dicat: ita fac nos vivere
ut per nos universa te glorificent. Sanctificetur enim idem est quod
glorificetur. Digna est autem Deum deprecantis oratio, nihil petere ante
patris gloriam, sed omnia eius laudi postponere. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Non
optamus Deo ut sanctificetur orationibus nostris, sed ut nomen eius
sanctificetur in nobis. Quia enim ipse dixit: sancti estote, quia ego sanctus
sum, id petimus et rogamus, ut qui in Baptismo sanctificati sumus, in eo quod
esse coeperimus perseveremus. Augustinus de bono Persev. Cur autem
perseverantia ista poscitur a Deo, si, ut Pelagiani dicunt, non datur a Deo?
An et ista irrisoria petitio est, cum id ab eo petitur quod scitur non ipsum
dare, sed ipso non dante esse in hominis potestate praestare? Cyprianus de Orat. Domin. Et hoc etiam ut
sanctificemur, quotidie deprecamur: opus enim est nobis continua
sanctificatione, ut qui quotidie delinquimus, delicta nostra sanctificatione
assidua purgemus. |
Verset 9.
— La Glose : Parmi les enseignements salutaires
et les conseils divins que Notre Seigneur donne à ceux qui croient en lui, il
leur propose une formule de prière, et cette formule renferme peu de paroles;
il veut que cette brièveté même qu’il nous commande nous inspire la confiance
d’être promptement exaucés. Cette prière commence ainsi: « Notre Père qui êtes dans les cieux. » — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Celui qui nous a donné la vie nous a enseigné aussi à prier, afin qu’en adressant au Père la prière que le Fils nous a lui même apprise, nous soyons plus facilement exaucés. C’est prier Dieu en ami et avec une espèce de familiarité que de se servir de ses propres paroles. Que le Père donc reconnaisse les paroles de son Fils dans nos prières, et puisque nous avons en lui auprès du Père l’avocat qui intercède pour nos péchés, lorsque nous venons demander le pardon de nos péchés, empruntons le langage même de notre avocat. — La Glose :Ce ne sont pas cependant les seules
paroles dont nous puissions nous servir pour prier; il en est d’autres qui
ont le même sens et qui peuvent également enflammer notre cœur. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Dans toute prière il
faut avant tout se concilier la bienveillance de celui qu’on prie, et lui
exposer ensuite l’objet de notre demande. C’est par la louange qu’on se
concilie la bienveillance de Celui que nous prions, et on la place
ordinairement au commencement de la prière. Dans ce commencement, Notre
Seigneur nous a enseigné de ne rien dire d’autre que « Notre Père qui es aux cieux ». La loi contenait bien
des préceptes sur la manière dont Dieu devait être loué, mais on n’en trouve
aucun qui enjoigne au peuple d’Israël d’appeler Dieu notre Père (cf. Is 1, 2;
63, 16; 64, 8; Ps 81, 6; Ml 1, 6; Sg 14, 3; Si 23, 1.4). Car Dieu ne leur
était présenté que comme un maître vis-à-vis de ses serviteurs. Le peuple
chrétien au contraire, d’après le témoignage de l’Apôtre a reçu l’esprit
d’adoption dans lequel nous crions: « Mon
Père, mon Père », non point sans doute par l’effet de nos mérites,
mais par la grâce qui nous fait dire dans la prière: « Mon Père. » Ce nom excite à la fois la charité dans
nos cœurs (car qu’y a-t-il de plus cher à des enfants que leur père), un
sentiment d’affectueuse supplication, qui nous fait dire à Dieu: « Notre Père », et
l’espérance presque certaine d’obtenir ce que nous demandons. Car que peut-il
refuser à ses enfants qui le prient, après le bienfait inestimable de cette
filiation divine ? Enfin avec quelle sollicitude celui qui dit: « Notre Père » doit veiller
à ne pas se rendre indigne d’une si auguste filiation ? Ceux qui ont les
richesses en partage, ou qui se glorifient d’une illustre origine doivent
apprendre, du moment qu’ils sont devenus chrétiens, à ne point se conduire
avec hauteur à l’égard de ceux qui sont pauvres ou de condition obscure,
puisque tous ensemble ils disent à Dieu: « Notre
Père », parole qui ne peut avoir dans leur bouche ni l’accent de la
piété, ni celui de la vérité, s’ils ne les reconnaissent pour leurs frères. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28.) Quel mal peut résulter pour nous
de notre parenté d’ici-bas alors que par une alliance bien plus sublime nous
ne formons tous qu’une même famille ? Par ce nom seul de Père, nous
proclamons le pardon de nos péchés, notre adoption, notre droit à l’héritage,
la fraternité qui nous unit au Fils unique, et l’effusion de l’Esprit saint
dans nos âmes, car personne ne peut appeler Dieu son Père, s’il n’est en
possession de tous ces biens. L’esprit de ceux qui prient ainsi est donc
doublement élevé, et par la dignité de celui qu’il invoque, et par la
grandeur des bienfaits dont il est comblé. — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Nous ne disons
pas: « Mon Père, » mais « Notre Père » ; parce que
le Maître de la paix et de l’unité ne veut pas de ces prières individuelles
et privées, qui ont pour objet exclusif l’intérêt de celui qui prie. Notre
prière a nous doit être publique et commune; lorsque nous prions, ce n’est
pas pour un seul, c’est pour tout le peuple chrétien, car nous ne formons
tous qu’un seul peuple, et Dieu a voulu qu’un seul priât pour tous comme il
nous a lui-même portés tous en un seul. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est la nécessité qui nous
force de prier pour nous, mais c’est la charité fraternelle qui nous inspire
de prier pour les autres. Or la prière qu’inspire l’amour de la fraternité
est plus agréable à Dieu que celle qui est dictée par la nécessité. — La Glose : Nous disons:
« Notre Père, » expression qui est commune à tous les chrétiens, et
non pas: « Mon Père, » ce qui n’appartient qu’à Jésus-Christ seul,
qui est fils par nature. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Notre Seigneur ajoute: « qui
êtes dans les cieux », pour nous apprendre ainsi que nous avons un
Père céleste et nous faire rougir lorsque nous nous abaissons au niveau des
choses de la terre. — Cassien, Conférence des Pères : C’est aussi pour nous inspirer un vif désir de parvenir à cette
région où nous reconnaissons qu’habite notre Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 26.) En disant: « qui êtes dans les cieux » il n’y renferme pas
l’immensité divine, mais il détache simplement de la terre celui qui prie
pour le transporter dans les régions plus élevées. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont. 2, 9). Ou bien ces
paroles: « dans les cieux »
veulent dire: dans les saints et dans les justes, car Dieu ne peut être
renfermé dans l’espace. On entend ordinairement par les cieux les parties de
cet univers dont la nature est plus parfaite, et si l’on admet qu’elles sont
le séjour de Dieu, il faudra dire que les oiseaux sont de meilleure condition
que nous, puisqu’ils vivent dans des lieux plus rapprochés de Dieu. Or, il
n’est pas écrit: « Le Seigneur est proche des hommes qui habitent les
lieux élevés ou les montagnes, » mais: « Il est proche de ceux qui ont le cœur contrit » (Ps
33, 19). Mais de même que le pécheur est appelé terre et que Dieu lui a dit: « Tu es terre et tu retourneras en
terre, » ainsi par une raison contraire le nom de ciel convient
parfaitement aux justes. C’est donc avec raison que nous disons: « qui êtes dans les cieux, »
[c’est-à-dire qui êtes dans les justes], car la distance spirituelle qui
sépare les justes des pécheurs est aussi grande que la distance qui, dans le
monde visible, sépare le ciel de la terre. C’est pour cela que lorsque nous
prions nous nous tournons vers l’orient d’où nous voyons le ciel se lever. Ce
n’est pas que Dieu y soit d’une manière particulière, à l’exclusion des
autres parties du monde, mais c’est pour rappeler à notre âme qu’elle doit se
tourner vers la nature plus parfaite de Dieu, en même temps que notre corps
qui est terrestre se tourne vers un corps céleste qui est aussi plus parfait.
Il est convenable aussi que tous, les petits comme les grands, se servent de
leurs sens pour concevoir des sentiments dignes de Dieu, et pour ceux qui ne
peuvent se faire une idée d’un être incorporel, il est plus acceptable de croire
que Dieu est dans le ciel que sur la terre. Que
votre nom soit sanctifié. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 12). Le Seigneur
nous a fait connaître celui à qui doit s’adresser notre prière et le lieu
qu’il habite, voyons maintenant quel doit être l’objet de nos prières. La
première de toutes les demandes est celle-ci: « Que votre nom soit sanctifié. » Cette demande ne
suppose pas que le nom de Dieu ne soit pas saint par lui-même, mais elle
exprime le désir que la sainteté de ce nom soit reconnue par tous les hommes,
c’est-à-dire que les hommes aient une connaissance si parfaite de Dieu qu’ils
n’estiment rien de plus saint que lui. — Saint
Jean Chrysostome : (Hom. 20.) Ou bien il veut que dans la
prière nous demandions que Dieu soit glorifié par notre vie, comme si nous
disions à Dieu: « Accordez-nous de vivre de manière que notre vie soit
pour toutes les créatures une occasion de vous glorifier », car
l’expression: « Qu’il soit
sanctifié » est la même que celle-ci: « Qu’il soit glorifié ».
Or, pour être digne de Dieu, la prière ne doit rien demander avant la gloire
du Père, et doit subordonner tout à ses louanges. — Saint Cyprien [référence
à vérifier]: (de l’Orais. Dom.) Ou bien encore: Nous ne formons pas le souhait que Dieu soit
sanctifié par nos prières, mais que son nom soit sanctifié en nous-mêmes.
C’est lui qui nous a dit: « Soyez
saint comme je suis saint » ; c’est donc ce que nous lui
demandons en suppliant, lui qui nous a sanctifiés dans le baptême, de nous
faire persévérer dans la sainteté que nous avons reçue. —
Saint Augustin : (Du don de la Persévér., chap. 2). Mais
pourquoi demander cette persévérance à Dieu, si, comme le prétendent les
Pélagiens, Dieu ne peut la donner ? N’est-ce pas une dérision que de lui
demander ce qu’on sait qu’il ne peut donner, et ce qui est au pouvoir de
l’homme sans le concours de sa grâce ? — Saint Cyprien : (De l’Orais. Dom.) C’est tous les jours que nous demandons que son nom soit sanctifié, car nous avons besoin de cette sanctification continuelle pour expier les offenses que nous commettons chaque jour de notre vie. |
Lectio 5 [85402] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Congrue sequitur ut post adoptionem
filiorum, regnum petamus, quod filiis debetur; unde sequitur adveniat regnum
tuum. Augustinus de Serm. Dom. Quod non ita dictum est,
quasi nunc non regnet etiam in terra, semperque in ea regnaverit. Adveniat
ergo accipiendum est ut manifestetur hominibus. Nulli autem licebit ignorare
regnum Dei, cum eius unigenitus non solum intelligibiliter, sed etiam
visibiliter venerit iudicare vivos et mortuos. Tunc autem esse futurum
iudicii diem dominus docet, cum Evangelium praedicatum fuerit in omnibus gentibus;
quae res pertinet ad sanctificationem nominis Dei. Hieronymus. Vel generaliter pro totius mundi
petit regno, ut Diabolus in mundo regnare desistat; vel ut in unoquoque
regnet Deus, et non regnet peccatum in mortali hominum corpore. Chrysostomus super Matth. Vel nostrum regnum
petimus advenire a Deo nobis repromissum et Christi sanguine acquisitum; ut
qui in saeculo ante servivimus, postmodum Christo dominante regnemus. Augustinus ad Probam. Regnum namque Dei
veniet, sive velimus sive nolimus. Sed desiderium nostrum ad illud regnum
excitamus, ut nobis veniat, atque in eo regnemus. Cassianus Collat. Vel quia novit sanctus
testimonio conscientiae suae, cum apparuerit regnum Dei, eius se futurum esse
consortem. Hieronymus attendendum autem quod grandis
audaciae sit et purae conscientiae postulare regnum Dei, et iudicium non
timere. Cyprianus de Orat. Domin. Potest etiam et ipse
Christus esse regnum Dei, quem venire quotidie cupimus, cuius adventus ut
cito nobis repraesentetur optamus; nam cum resurrectio ipse sit, quia in ipso
resurgimus, sic et regnum Dei potest intelligi, quia in illo regnaturi sumus.
Bene autem regnum Dei petimus, idest caeleste, quia est et terrestre regnum.
Sed qui renuntiavit iam saeculo, maior est etiam honoribus eius et regno; et
ideo qui se Deo et Christo dedicat, non terrena, sed caelestia regna
desiderat. Augustinus de bono Persev. Cum autem petitur
adveniat regnum, quid orant qui iam sancti sunt, nisi ut in ea sanctitate
quae iam illis data est perseverent? Neque enim aliter veniet Dei regnum,
quod his qui perseverant usque in finem, certum est esse venturum. Lectio 6 [85403] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 6 Augustinus de Serm. Dom. In illo
beatitudinis regno vita beata perficietur in sanctis, sicut nunc in
caelestibus Angelis. Et ideo post illam petitionem qua dicimus adveniat
regnum tuum, sequitur fiat voluntas tua, sicut in caelo et in terra; idest,
sicut in Angelis, qui sunt in caelo, voluntas tua fit, ut te perfruantur,
nullo errore obnubilante eorum sapientiam, nulla miseria impediente eorum
beatitudinem, ita fiat in sanctis tuis, qui in terra sunt, et de terra,
quantum ad corpus attinet, facti sunt. Item fiat voluntas tua, recte
intelligitur, obediatur praeceptis tuis: sicut in caelo, et in terra; idest,
sicut ab Angelis, ita ab hominibus: non quod ipsi faciant ut velit Deus, sed
quia faciunt quod ille vult; idest, faciunt secundum voluntatem eius. Chrysostomus in Matth. Vide autem
consequentiam optimam: quia enim concupiscere docuit caelestia per hoc quod
dictum est adveniat regnum tuum, antequam ad caelum perveniatur, ipsam terram
iussit fieri caelum, per hoc quod dicit fiat voluntas tua sicut in caelo et
in terra. Hieronymus. Erubescant autem ex hac sententia
qui quotidie ruinas in caelo fieri mentiuntur. Augustinus de Serm. Dom. Vel sicut in caelo et
in terra, idest, sicut in iustis, ita in peccatoribus; tamquam si diceret:
sicut faciunt voluntatem tuam iusti, etiam peccatores, ut ad te convertantur,
sive, ita ut sua cuique tribuantur, quod fiet in extremo iudicio. Vel per
caelum et terram, accipiamus spiritum et carnem. Et quod dicit apostolus:
mente servio legi Dei; videamus factam Dei voluntatem in spiritu. In illa
autem immutatione qua promittitur iustis, fiat voluntas tua sicut in caelo et
in terra, idest, sicut spiritus non resistit Deo, ita et corpus non resistat
spiritui. Vel sicut in caelo et in terra, idest, sicut in ipso Iesu Christo,
ita et in Ecclesia; tamquam in viro, qui patris voluntatem implevit, ita et
in femina, quae illi desponsata est. Caelum enim et terra convenienter
intelligitur quasi vir et femina, quoniam terra caelo fecundante fructifera
est. Cyprianus de Orat. Domin. Non ergo petimus ut
Deus faciat quod vult, sed ut nos facere possimus quod Deus vult: quod ut
fiat in nobis, opus est Dei voluntate, idest opera eius et protectione, quia
nemo suis viribus fortis est, sed Dei misericordia tutus. Chrysostomus in Matth. Virtus enim non
est nostri studii solum, sed superioris gratiae. Rursum autem hic orationem
pro orbe terrarum cuilibet nostrorum iniunxit: neque enim dixit: fiat
voluntas tua in me vel in nobis, sed ubique terrarum, ut solvatur error et
plantetur veritas et expellatur malitia et revertatur virtus, et sic iam non
differat caelum a terra. Augustinus de bono Persev. Ex hoc autem
evidenter ostenditur contra Pelagianos initium fidei esse donum Dei, quando
pro infidelibus, ut habere fidem incipiant, sancta orat Ecclesia. Cum etiam
in sanctis iam sit facta Dei voluntas, cur ut fiat adhuc petunt, nisi ut
perseverent in eo quod esse coeperunt? Chrysostomus super Matth. Communiter
autem accipi debet quod ait sicut in caelo et in terra; idest: sanctificetur
nomen tuum sicut in caelo et in terra; adveniat regnum tuum sicut in caelo,
et in terra; fiat voluntas tua sicut in caelo, et in terra. Et vide quod
caute locutus est; non dixit: pater, sanctifica nomen tuum in nobis; adveniat
regnum tuum super nos; fac voluntatem tuam in nobis. Nec iterum dicit:
sanctificemus nomen tuum; suscipiamus regnum tuum; faciamus voluntatem tuam;
ne hoc aut Dei tantum, aut hominis tantum esse videatur. Sed medie dixit et
impersonaliter: nam sicut homo non potest facere bonum nisi habuerit
adiutorium Dei, sic nec Deus bonum operatur in homine nisi homo voluerit. |
Verset 10.
Que
votre règne arrive — La Glose : Après l’adoption
des enfants, il est juste que nous demandions l’avènement du royaume qui est
promis aux enfants. C’est l’objet de la demande suivante: « Que votre règne arrive. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ces paroles ne veulent
pas dire que Dieu ne règne pas actuellement sur la terre et qu’il n’y ait pas
toujours régné. Cette expression: « qu’il
arrive » signifie donc: « Qu’il soit manifesté aux
hommes. » Or, il n’est personne qui puisse ignorer le royaume de Dieu,
lorsque son Fils unique viendra non plus d’une manière spirituelle, mais
visiblement pour juger les vivants et les morts; c’est alors, comme le
Seigneur l’enseigne, qu’aura lieu le jour du jugement dernier, lorsque
l’Évangile aura été prêché à toutes les nations. Cette demande se rattache à
la sanctification du nom de Dieu. —
Saint Jérôme : Ou bien nous demandons d’une manière
générale que son règne arrive sur toute la surface de la terre et que le
démon cesse de régner dans le monde, ou que Dieu règne dans chacun de nous et
détruise le règne du péché dans notre corps mortel (hom. 6). — Saint
Cyprien : [référence à
vérifier] (de 1’Orais. Dom.) Ou
bien nous demandons l’avènement de ce royaume que Dieu nous a promis, que
Jésus-Christ nous a mérité par son sang, afin qu’après l’avoir servi sur la
terre nous puissions régner avec lui dans le ciel. —
Saint Augustin : (Lettre 121 à Proba, chap. 11). Voulons-le,
ne le voulons pas, le royaume de Dieu ne laissera pas d’arriver, mais nous
nous excitons à le désirer, afin qu’il arrive pour nous et que nous puissions
y régner un jour. — Cassien,
Confér. des Pères : Ou bien le juste s’exprime
ainsi parce qu’il sait, au témoignage de sa conscience, que lorsque
apparaîtra le royaume de Dieu il en sera rendu participant. —
Saint Jérôme : Considérons quelle hardiesse
étonnante et quelle pureté de conscience il faut avoir pour oser demander le
royaume de Dieu, et ne pas craindre ses jugements. — Saint
Cyprien : (de
l’Orais. Dom.) On peut encore entendre le royaume de Dieu de Jésus-Christ
lui-même, dont l’avènement fait tous les jours l’objet de nos désirs et dont
nous souhaitons qu’il nous advienne rapidement. Car, de même qu’il est la
résurrection (Jn 11, 25), parce que c’est en lui que nous ressusciterons, on
peut aussi le prendre pour le royaume de Dieu, parce que c’est en lui que
nous règnerons. C’est avec dessein que le Seigneur nous fait demander le
royaume de Dieu, c’est-à-dire celui qui est dans les cieux, car il y a aussi
un royaume terrestre; mais celui qui a renoncé au monde est supérieur à ses
honneurs et à son royaume. Celui donc qui s’est consacré à Dieu et à
Jésus-Christ ne désire plus les royaumes de la terre, mais le royaume du
ciel. —
Saint Augustin : (Du don de la Persévér.) Par cette demande: « Que votre règne arrive »,
que peuvent désirer ceux qui ont déjà reçu la grâce de la sainteté, si ce
n’est la persévérance dans cette grâce que Dieu leur a faite ? Car le
royaume de Dieu, dont l’avènement est certain pour ceux qui persévèrent
jusqu’à la fin, ne viendra pour eux qu’à cette condition (Mt 10, 22; 24, 13). « Que
votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Dans ce royaume de la
vraie félicité, la vie heureuse aura toute sa perfection dans les saints,
comme elle l’a maintenant dans les anges du ciel: aussi, après cette demande:
« Que votre règne arrive »,
vient celle-ci: « Que votre
volonté soit faite sur la terre comme au ciel », c’est-à-dire:
« De même que les anges dans le ciel accomplissent cette volonté en
jouissant de vous sans qu’aucun nuage d’erreur obscurcisse leur intelligence,
sans qu’aucune misère fasse obstacle à leur bonheur, qu’elle s’accomplisse
également dans les saints qui sont sur la terre et qui ont été, quant à leur
corps, formés de la terre. On peut encore entendre ces paroles: « Que votre volonté soit faite »
dans ce sens: Soyez obéi dans vos commandements, sur la terre comme dans le
ciel, par les hommes comme par les anges, non pas que les anges agissent
eux-mêmes sur la volonté de Dieu, mais parce qu’ils font ce qu’il veut et
qu’ils agissent d’une manière conforme à sa volonté. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
20). Voyez
cet enchaînement admirable: Notre Seigneur nous a enseigné à diriger nos
désirs vers le ciel par ces paroles: « Que
votre règne arrive », en ajoutant: « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel »,
il veut, avant de parvenir au ciel, que nous fassions de la terre un ciel [anticipé]
en accomplissant ces paroles: « Que
votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » —
Saint Jérôme : Qu’ils rougissent ici de leur
opinion, ceux qui prétendent que le péché fait tous les jours des ruines dans
le ciel. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien: « sur la terre comme au ciel »,
c’est-à-dire dans les pécheurs comme dans les justes, ce qui revient à dire:
« De même que les justes font votre volonté, que les pécheurs
l’accomplissent également en se convertissant à vous, » ou bien « de
manière qu’on rende à chacun ce qui lui est dû, ce qui aura lieu au dernier
jugement. » Ou bien encore nous pouvons entendre par le ciel et la terre
l’esprit et la chair, et alors dans ces paroles de l’Apôtre: « Je suis soumis à la loi de Dieu
selon l’esprit » (Rm 7),
nous verrons la volonté de Dieu accomplie en esprit. Dans ce sens, le
merveilleux changement qui est promis aux justes, nous est signifié par ces
paroles: « Que votre volonté soit
faite sur la terre comme au ciel », c’est-à-dire que le corps soit
soumis à l’esprit comme l’esprit est soumis à Dieu. Ou bien enfin « sur la terre comme dans le
ciel », c’est-à-dire dans l’Église comme en Jésus-Christ, dans
l’épouse qu’il s’est unie comme dans l’époux qui a fidèlement exécuté la
volonté de son Père. En effet, le ciel et la terre sont une figure très juste
de l’homme et de la femme, car la terre ne produit des fruits qu’autant
qu’elle est fécondée par le ciel. — Saint Cyprien : (de l’Orais. Dom.) Ainsi nous
ne demandons pas que Dieu fasse ce qu’il veut, mais que, quant à nous, nous
puissions faire ce que Dieu veut. Or, il n’y a que la volonté divine qui
puisse nous en rendre capables, c’est-à-dire sa protection et le secours
qu’il nous donne, car personne n’est fort de ses propres forces et la
miséricorde divine fait seule toute notre sûreté. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 20). La vertu n’est pas seulement le
fruit de nos efforts, mais de la grâce d’en haut. Or, Notre Seigneur prescrit
de nouveau à chacun de nous de prier ici pour l’univers entier, car il n’a
pas dit: « Que votre volonté soit
faite en moi », ou « soit
faite en nous » mais: « Qu’elle
soit faite par toute la terre » ; que l’erreur en soit
arrachée, que la vérité y soit plantée, que le mal en soit banni, que la
vertu y soit ramenée et qu’ainsi il n’y ait plus de différence entre le ciel
et la terre. —
Saint Augustin : (Du don de la Persévér., chap. 3). Nous
avons ici contre les Pélagiens une preuve évidente que le commencement de la
foi est un don de Dieu, puisque la sainte Église prie pour les infidèles,
afin que Dieu leur donne le commencement de la foi. Puisque la volonté de
Dieu est déjà faite dans les saints, en priant qu’elle se fasse de nouveau,
que demandent-ils si ce n’est de persévérer dans la voie où ils sont
entrés ? — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) On doit joindre ces paroles: « sur la terre comme au ciel » aux demandes précédentes: « que votre nom soit sanctifié sur la terre comme dans le ciel; que votre règne arrive sur la terre comme dans le ciel; que votre volonté soit faite dans la terre comme dans le ciel. » Et voyez quelle sagesse dans les paroles du Seigneur; il ne nous fait pas dire: « Père, sanctifiez en nous votre nom, que votre règne arrive pour nous, faites en nous votre volonté, » ou bien: « Sanctifions votre nom; recevons votre royaume; faisons votre volonté », dans la crainte que l’accomplissement de ces commandements parût être l’oeuvre exclusive ou de Dieu ou de l’homme. Il s’exprime donc en général et sans déterminer personne, car de même que l’homme ne peut faire le bien sans le secours de Dieu, de même Dieu ne peut opérer le bien dans l’homme, si l’homme ne lui prête le concours de sa volonté. |
Lectio 7 [85404] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 7 Augustinus Enchir. Haec ergo tria quae in
praemissis petitionibus petuntur, hic inchoantur, et quantumcumque
proficimus, augentur in nobis; perfecte vero, quod in alia vita sperandum
est, semper possidebuntur. Reliquis vero quatuor quae sequuntur, petuntur
temporalia, quae propter aeterna consequenda sunt necessaria; panis enim qui
convenienter petitur hic, est necessarius: sequitur enim panem nostrum
supersubstantialem da nobis hodie. Hieronymus. Quod nos supersubstantialem
exprimimus, in Graeco habetur bis epiousion, quod verbum Lxx interpretes
periousion, frequentissime transferunt. Consideravimus ergo in Hebraeo: et
ubicumque illi periousion, expresserunt, nos invenimus segola, quod Symmachus
exereton, idest praecipuum vel egregium transtulit, licet in quodam loco
peculiarem interpretatus sit. Quando ergo petimus ut peculiarem vel
praecipuum nobis dominus tribuat panem, illum petimus qui dicit in Evangelio:
ego sum panis vivus, qui de caelo descendi. Cyprianus de Orat. Domin. Nam panis vitae
Christus est; et panis hic omnium non est, sed noster est. Hunc autem panem
dari nobis quotidie postulamus, ne qui in Christo sumus et Eucharistiam
quotidie accipimus, intercedente aliquo graviori delicto a caelesti pane
prohibeamur et a Christi corpore separemur. Petimus ergo ut qui in Christo
manemus, a sanctificatione eius et corpore non recedamus. Augustinus de bono Persev. Perseverantiam ergo
a domino sancti poscunt, quando petunt ne a Christi corpore separentur, sed
in ea sanctitate permaneant, ut nullum crimen admittant. Chrysostomus super Matth. Vel panem
supersubstantialem posuit, hoc est quotidianum. Cassianus Collat. Cum enim dicit hodie,
ostendit eum quotidie esse sumendum, omnique tempore haec oratio debet
profundi, quia non est dies qua non opus sit nobis huius panis perceptione
cor interioris hominis confirmare. Augustinus de Serm. Dom. Sed contra hoc illi
movent quaestionem qui in Orientalibus partibus non quotidie coenae domini
communicant: qui de hac re suam sententiam defendunt, vel ipsa auctoritate
ecclesiastica, quod sine scandalo ista faciunt, neque ab eis qui Ecclesiis
praesunt, facere prohibentur. Sed ut de istis nil in aliquam partem
disseramus, illud certe debet occurrere cogitantibus, regulam nos orandi a
domino accepisse, quam transgredi non oportet. Quis ergo audeat dicere semel
tantum nos orare debere orationem dominicam, aut si iterum et tertio, usque
ad eam tantum horam qua corpori domini communicamus? Non enim postea dicere
poterimus da nobis hodie quod iam accepimus. Aut poterit quisque cogere ut
ultima parte diei sacramentum illud celebremus? Cassianus. Licet istud quod dicitur
hodie, ad praesentem vitam possit intelligi; idest dum in saeculo commoramur,
praesta nobis hunc panem. Hieronymus. Possumus supersubstantialem panem
et aliter intelligere, qui super omnes substantias sit, et universas superet
creaturas, scilicet domini. Augustinus de Serm. Dom. Vel quotidianum panem
accipiamus spiritualem, praecepta scilicet divina, quae quotidie oportet
meditari et operari. Gregorius Moralium. Nostrum autem hunc panem
dicimus, et tamen ut detur oramus: quia Dei est ex munere, et noster fit per
acceptionem. Hieronymus. Alii simpliciter putant, secundum
apostoli sermonem dicentis: habentes victum et vestitum, his contenti simus,
de praesenti tantum cibo sanctos curam gerere; unde in posterioribus
praeceptum est: nolite cogitare de crastino. Augustinus ad Probam. Sic ergo hic
sufficientiam petimus a parte quae excellit, idest nomine panis totum
significantes. Chrysostomus super Matth. Non solum autem
oramus ideo, panem nostrum da nobis hodie, ut habeamus quid manducemus, quod
commune est inter iustos et peccatores, sed ut quod manducamus, de manu Dei
accipiamus, quod est tantum sanctorum. Nam illi Deus dat panem qui cum
iustitia praeparat, Diabolus autem ei qui praeparat cum peccato. Vel ita ut
dum a Deo datur, sanctificatus accipiatur; et ideo addidit nostrum, idest
quem nos habemus paratum, illum da nobis, ut a te sanctificetur: sicut
sacerdos panem accipiens a laico, sanctificat, et porrigit ei: panis enim
offerentis est; sed quod sanctificatum est beneficium est sacerdotis. Dicit autem
nostrum propter duo. Primo, quia omnia quae nobis Deus dat, per nos aliis
dat, ut de eo quod accipimus, partem impotentibus faciamus. Qui ergo de
laboribus suis, indigentibus praestat, non tantum panem suum manducat, sed
etiam alienum. Deinde qui de iustitia acquisitum panem manducat, suum panem
manducat; quod autem cum peccato alienum. Augustinus de Serm. Dom. Forte autem aliquis
moveatur cur oremus pro his adipiscendis quae huic vitae sunt necessaria,
sicut est victus et tegumentum, cum dominus dicat: nolite solliciti esse quid
edatis aut quid induamini; non potest autem quisque de ea re, pro qua
adipiscenda orat, non esse sollicitus. Augustinus ad Probam. Sed sufficientiam vitae
non indecenter vult quisquis vult, et non amplius; haec autem sufficientia
non appetitur propter seipsam, sed propter salutem corporis, et congruentem
habitum personae hominis, quo habito non sit inconveniens eis cum quibus
honeste vivendum est. Ista ergo cum habentur, ut teneantur; cum non habentur,
ut habeantur orandum est. Chrysostomus in Matth. Considerandum est autem
quod postquam dixit fiat voluntas tua sicut in caelo, et in terra, quia
hominibus loquebatur in terra carne indutis, et non potentibus habere eamdem
impassibilitatem cum Angelis, condescendit iam infirmitati nostrae, quae
necessario indiget cibo; et ideo pro pane iussit orationem facere, non pro
pecuniis neque pro lascivia, sed solum pro pane quotidiano; et neque hoc
sufficit, sed apposuit da nobis hodie, ut non conteramus nos ipsos sollicitudine
supervenientis diei. Chrysostomus super Matth. Et sic prima facie
videntur haec verba sonare, ut qui hoc dicunt, non habeant in crastinum aut
post crastinum praeparatum. Quod si ita est, oratio ista aut paucis potest
convenire, sicut apostolis, qui docendi gratia omni tempore vagabantur, aut
forsitan nulli. Doctrinam autem Christi
ita debemus aptare, ut omnes in ea proficiant. Cyprianus de Orat. Domin. Divinum ergo cibum
discipulus Christi debet petere, ne in longum desiderium petitionis extendat:
quia contrarium sibi fit et repugnans ut quaeramus in saeculo diu manere, qui
petimus regnum caelorum velociter advenire. Vel addit quotidianum ut tantum quis manducet
quantum ratio naturalis exigit non quantum lascivia carnis impellit. Si enim
in uno convivio tantum expendas quantum sufficere tibi potest centum diebus,
iam non quotidianum cibum manducas, sed multorum dierum. Hieronymus. In Evangelio autem quod appellatur
secundum Hebraeos, pro supersubstantiali pane mohar reperitur, quod dicitur
crastinum; ut sit sensus: panem nostrum crastinum, idest futurum, da nobis
hodie. |
Verset 11.
« Donnez-nous
aujourd’hui notre pain au-dessus de toute substance » — Saint Augustin : (Enchirid.
chap. 15.) Les trois choses contenues dans les demandes précédentes se
commencent ici-bas et elles se développent en nous a proportion de notre
progrès [dans la vie spirituelle]. Elles ne seront parfaites que lorsque nous
les posséderons pour toujours, comme nous l’espérons dans l’autre vie. Les
quatre demandes suivantes ont pour objet les choses du temps qui nous sont
nécessaires pour obtenir les biens éternels. Le pain qui fait l’objet de la
première de ces demandes est une nécessité de la vie: « Donnez-nous aujourd’hui notre pain qui est au-dessus de toute
substance. » —
Saint Jérôme : L’expression que nous traduisons par au-dessus de toute substance est le
mot grec ™πιουσιον, de tous les jours, que les Septante
expriment fréquemment par
περιουσιον, [qui signifie
également au-dessus de toute substance]. Si nous examinons le texte hébreu,
nous trouvons qu’au mot grec
περιουσιον correspond
toujours le mot hébreu sogolla, que
Symmache traduit par le mot ™ξαιρετον, c’est-à-dire, principal ou remarquable, et auquel il donne dans un autre endroit le sens de particulier. Quand donc nous demandons
à Dieu ce pain qui nous est propre ou ce pain d’une nature supérieure, nous
avons en vue le pain dont le Seigneur a dit dans l’Évangile: « Je suis le pain vivant descendu du
ciel. » —
Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] En effet, le Christ
est le pain de vie; ce pain n’appartient pas à tous, mais il est
véritablement notre pain. Nous demandons que ce pain nous soit donné tous les
jours, c’est-à-dire que nous tous, qui sommes en Jésus-Christ et qui recevons
tous les jours l’ Eucharistie, nous ne soyons pas éloignés de ce pain céleste
par quelque faute grave et séparés ainsi du corps de Jésus-Christ. Nous
prions donc Dieu, nous qui avons le bonheur de demeurer en Jésus-Christ, de
n’être pas séparés de son corps et de sa grâce sanctifiante. —
Saint Augustin : (Du don de la Persévér., chap. 4). C’est
donc la persévérance que les saints demandent en priant Dieu de ne pas les
séparer du corps du Christ, mais de les conserver dans cette sainteté qui ne
souffre aucun crime. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Ou bien ce pain au-dessus de toute substance est le pain quotidien. — Cassien, Conférence des Pères : Cette expression « aujourd’hui »
nous apprend que ce pain doit être mangé tous les jours et que nous devons
faire cette prière en tout temps, car il n’est aucun jour dans la vie où nous
ne devions fortifier en recevant cet aliment le cœur de l’homme intérieur. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 7). Ceux qui, dans
les églises d’Orient, ne participent pas tous les jours à la cène du Seigneur
soulèvent ici une difficulté et ils appuient leur sentiment sur l’autorité
ecclésiastique. Cette conduite, disent-ils, ne donne aucun scandale, et ceux
qui gouvernent les églises ne s’opposent pas à cette manière d’agir. Mais, sans
entreprendre aucune discussion sur cette matière, on verra, pour peu qu’on y
réfléchisse, que nous avons reçu du Seigneur lui-même la règle de la prière
et qu’il ne nous est pas permis de la transgresser. Qui donc oserait dire que
nous ne devons réciter qu’une fois l’Oraison dominicale ou, si nous pouvons
la réciter une deuxième et une troisième fois, qu’elle nous est défendue
après que nous avons communié au corps du Seigneur ? Car il semble alors
que nous ne pourrions plus dire: « Donnez-nous
aujourd’hui notre pain, » puisque nous l’aurions déjà reçu. Ou bien
il faudrait admettre qu’on pourrait nous forcer de célébrer le sacrifice dans
la seconde partie du jour. — Cassien, Conférence des Pères,
9. « Aujourd’hui » peut
aussi s’entendre de la vie présente, c’est-à-dire: « Donnez-nous ce pain
tant que nous sommes dans cette vie. » —
Saint Jérôme : Nous pouvons encore entendre dans un
autre sens ce pain supersubstantiel, c’est-à-dire
du pain qui est au-dessus de toutes les substances, qui est supérieur à toutes
les créatures, en un mot du corps du Seigneur. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien, ce pain
quotidien est un pain spirituel, c’est-à-dire les préceptes divins, que nous
devons tous les jours méditer et accomplir. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 24, 5). Nous disons: « Notre
pain, » et cependant nous prions qu’il nous soit donné, parce qu’il est
le pain de Dieu qui nous l’accorde, et qu’il devient notre pain lorsque nous
le recevons. —
Saint Jérôme : D’autres expliquant simplement ce
texte dans le sens des paroles de saint Paul (1 Tm 6): « Ayant de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir,
nous devons être contents, » disent que les saints ne doivent s’occuper
de la nourriture que pour le jour présent. C’est pour cela que plus loin
Notre Seigneur nous donne ce précepte: « Ne
vous inquiétez pas pour le lendemain. » —
Saint Augustin : (Lettre 121 à Proba, chap. 11.) Nous demandons ici toutes les choses qui nous
sont nécessaires dans celle qui passe avant toutes les autres, et nous les
renfermons toutes sous le nom de pain. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Nous ne faisons pas à Dieu cette prière: « Donnez-nous aujourd’hui
notre pain, » seulement pour recevoir notre nourriture, ce qui est
commun aux justes et aux pécheurs, mais pour la recevoir de la main de Dieu,
ce qui est le partage exclusif des Saints: car Dieu donne le pain à celui qui
se prépare à le recevoir par la justice, et le démon à celui qui ne s’y
dispose que par le péché. Ou bien nous demandons que ce pain que Dieu nous donne
soit sanctifié lorsque nous le recevons, et c’est pourquoi il est appelé notre, en ce sens: Ce pain que nous
nous sommes procuré, donnez-le nous pour qu’il reçoive de vous sa
sanctification, de même que le prêtre recevant le pain des mains d’un laïque,
le sanctifie, et le lui rend ensuite. Ce pain appartient sans doute à celui
qui l’offre, mais la sanctification qu’il reçoit vient du prêtre. Notre
Seigneur l’appelle « notre » pour deux raisons: d’abord le dessein
de Dieu dans les biens qu’il nous donne, est de les répandre sur les autres
par notre entremise, et il veut que nous en donnions une part aux indigents.
Celui donc qui refuse de les assister du fruit de son travail ne mange pas
seulement son pain, mais le pain des autres. Une seconde raison, c’est qu’il
n’y a que celui qui a gagné ce pain par des moyens justes qui mange
véritablement son pain; celui qui ne le doit qu’a des voies coupables, mange
le pain des autres. — Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 12.) Peut-être sera-t-on surpris de nous voir demander à Dieu d’obtenir les choses nécessaires au soutien de cette vie, comme la nourriture et le vêtement, alors que le Seigneur nous dit: « Ne vous inquiétez pas comment vous trouverez votre nourriture ou vos vêtements. » Car on ne peut être sans quelque inquiétude à l’égard d’une chose qu’on désire et qu’on demande. — [référence à vérifier] Celui
qui ne désire que les choses nécessaires à la vie reste dans les limites de
la modération et n’est aucunement répréhensible. Nous ne demandons point ce
nécessaire pour lui-même, mais pour satisfaire aux besoins de notre corps,
aux convenances de notre état, et afin de nous conformer honnêtement aux
usages des personnes au milieu desquelles nous vivons. Nous devons prier pour
la conservation de ce nécessaire lorsque nous l’avons, et pour l’obtenir si
nous ne l’avons pas. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
20.) Remarquons
qu’après avoir dit: « Que votre
volonté soit faite sur la terre comme au ciel », Notre Seigneur
s’adressant à des hommes revêtus d’une chair mortelle et qui ne peuvent avoir
la même impassibilité que les anges, veut bien condescendre à notre faiblesse
qui a besoin de nourriture, Il nous commande donc de demander non pas les
richesses, non pas les molles délicatesses de la vie, mais seulement le pain,
et le pain quotidien, et non content de cela, il ajoute: « Donnez-nous aujourd’hui », car il ne veut pas que
nous soyons accablés sous le poids des préoccupations du lendemain. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) A la première vue, d’après
ces paroles, ceux qui font cette prière ne devraient avoir aucune réserve
pour le lendemain et les jours suivants. S’il fallait l’entendre ainsi, cette
prière conviendrait à un bien petit nombre, aux apôtres par exemple, qui
voyageaient continuellement pour prêcher l’Évangile, et peut-être ne
conviendrait-elle à personne. Or nous devons interpréter la doctrine de
Jésus-Christ de manière à ce que la pratique en soit accessible à tous. — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Le disciple de Jésus-Christ
doit donc demander la nourriture divine, et sa prière ne doit pas embrasser
un trop long espace de temps, car il y a contradiction et répugnance à
demander tout à la fois le prompt avènement du royaume des cieux et une
longue vie sur la terre. —
Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] (hom. 14.) Ou bien peut-être ce pain est appelé quotidien parce qu’on doit
en le mangeant, obéir aux exigences de la raison, et non pas à l’entraînement
des désirs sensuels. Si pour un seul repas vous dépensez autant que demanderait
la nourriture de cent jours, ce n’est plus votre pain quotidien que vous
mangez, c’est le pain de plusieurs jours. — Saint Jérôme : Dans l’Évangile selon les Hébreux, à la place du mot super-substantiel, on trouve l’expression mohar, qui signifie lendemain et donne ce sens à cette demande: « Donnez-nous aujourd’hui notre pain de demain », c’est-à-dire pour l’avenir. |
Lectio 8 [85405] Catena in Mt., cap. 6 l. 8 Cyprianus de Orat. Domin. Post subsidium cibi
petitur et venia delicti, ut qui a Deo pascitur, in Deo vivat; nec tantum
praesenti vitae, sed aeternae consulatur, ad quam venire potest, si peccata
donentur, quae debita dominus appellavit, sicut alibi dicit: dimisi tibi omne
debitum, quia rogasti me. Unde sequitur dimitte nobis debita nostra. Quare necessarie
et salubriter admonemur, qui peccatores sumus, quia pro peccatis rogare
compellimur; et ne quis sibi quasi innocens placeat, et se extollendo plus
pereat, instruitur se peccare quotidie dum pro peccatis quotidie iubetur
orare. Augustinus de bono Persev. Hoc autem telo
Pelagiani confodiuntur haeretici, qui audent dicere hominem iustum in hac
vita habere nullum omnino peccatum, et in talibus hominibus esse iam in
praesenti tempore Ecclesiam, non habentem maculam aut rugam. Chrysostomus in Matth. Quoniam vero fidelibus
haec oratio convenit, et leges Ecclesiae docent, et orationis principium,
quod docet Deum patrem vocare. Qui ergo fidelibus iubet remissionem
peccatorum petere, demonstrat quod post Baptismum contingit peccata dimitti,
contra Novatianos. Cyprianus de Orat. Domin. Qui ergo pro
peccatis nos orare docuit, paternam misericordiam promisit; sed plane addidit
legem, certa conditione nos constringens, ut sic nobis debitum dimitti
postulemus, secundum quod et ipsi debitoribus nostris dimittimus; et hoc est
quod dicit sicut et nos dimittimus debitoribus nostris. Gregorius Moralium. Ut profecto bonum,
quod a Deo compuncti petimus, hoc primum proximo conversi faciamus. Augustinus de Serm. Dom. Hoc non de pecunia
dicitur, sed de omnibus quae in nos quisque peccat ac per hoc etiam de
pecunia: peccat namque in te qui pecuniam tibi debitam, cum habeat unde
reddere, non reddit; quod peccatum si non dimiseris, non poteris dicere
dimitte nobis debita nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus nostris.
Chrysostomus super Matth. Cum qua ergo spe
orat qui inimicitiam servat adversus alterum, a quo forsitan laesus est?
Sicut enim ipse orans mentitur, dicit enim: remitto, et non remittit, sic a
Deo petit indulgentiam, et non illi indulgetur. Sed multi nolentes dare veniam peccantibus in se, fugiunt istam
orationem orare. Stulti. Primo, quia qui non sic orat ut
docuit Christus, non est Christi discipulus; secundo, quia nec pater libenter
exaudit orationem quam filius non dictaverit: cognoscit enim pater filii sui
sensus et verba, neque suscipit quae usurpatio humana excogitavit, sed quae
sapientia Christi exposuit. Augustinus Enchir. Tamen quia hoc tam magnum
bonum, scilicet dimittere debita et diligere inimicos, tantae multitudinis non
est quantam credimus exaudiri cum in oratione dicitur dimitte nobis debita
nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus nostris; procul dubio verba
sponsionis huius implentur, si homo nondum ita proficit ut diligat inimicum;
tamen quando rogatur ab homine qui peccavit in eum ut ei dimittat, dimittit
ex corde, qui etiam sibi roganti utique vult dimitti. Iam vero qui eum in
quem peccavit, rogat, si peccato suo movetur ut roget, non adhuc reputandus
inimicus, ut eum diligere sit difficile, sicut difficile erat quando
inimicitias exercebat. |
Verset 12.
— Saint
Cyprien : Après avoir demandé le secours de la
nourriture le chrétien demande le pardon de ses péchés, afin que, nourri de
la main de Dieu, il puisse vivre tout en Dieu et pourvoir ainsi aux besoins
non seulement de la vie présente, mais encore de la vie éternelle, dont
l’entrée lui est ouverte par la rémission des péchés que le Seigneur désigne
sous le nom de dettes. « Remettez-nous
nos dettes » comme dans cet autre endroit: « Je vous ai remis toute votre dette, parce que vous m’en avez
prié ». La doctrine qui nous rappelle que nous sommes pécheurs, en
nous obligeant de prier tous les jours pour nos péchés est aussi salutaire
qu’elle est nécessaire. Pour éviter que nous nous complaisions dans notre
innocence prétendue, et que nous rendions notre chute plus lourde par une
fausse idée d’élévation, le commandement qui nous est fait de prier chaque
jour pour nos péchés, prévient ce danger en nous rappelant que nous tombons
tous les jours dans de nouveaux péchés. —
Saint Augustin : (du don de la persév. chap. 5.) Ces paroles
sont comme un trait mortel qui frappe les Pélagiens, ces hérétiques qui osent
dire que l’homme est juste et ne commet aucun péché dans cette vie, et que
c’est en lui que se réalise, dans le siècle présent, l’Église sans tache et
sans ride. (Ep 5,
27) — Saint Jean Chrysostome : (hom. 20.) Cette prière est la prière des fidèles; c’est ce que nous
enseignent les lois de l’Église, et l’exorde même de cette prière qui nous
apprend à appeler Dieu notre Père. Or en nous faisant un précepte de demander
la rémission de nos péchés, Notre Seigneur prouve aussi contre les Novatiens
que les péchés peuvent être remis après le baptême. — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Celui qui nous a fait un
devoir de prier pour nos péchés nous a promis la miséricorde de son Père.
Mais à ce précepte se trouve jointe une autre loi, une condition rigoureuse.
Nous demandons qu’on nous remette nos dettes, mais selon la mesure du pardon
que nous accordons nous-mêmes a nos débiteurs; c’est la condition exprimée
dans ces paroles: « comme nous les
remettons à ceux qui nous doivent. » —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 10, 11.) Cette grâce que nous
demandons à Dieu dans un sentiment de vrai repentir, Dieu veut que nous
l’accordions d’abord nous-mêmes au prochain dès le premier moment de notre
conversion. —
Saint Augustin : Notre Seigneur n’a point voulu
parler ici exclusivement de l’argent, mais de toutes les choses par
lesquelles quelqu’un peut pécher contre nous, et par là même de l’argent; car
celui qui étant votre débiteur, et qui pouvant vous payer ne le fait pas,
commet une faute à votre égard. Or si vous ne lui remettez pas cette offense,
vous ne pourriez pas dire: « Remettez-nous
nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Quelle peut donc être
l’espérance du chrétien qui prie en conservant des sentiments de haine contre
celui qui l’a peut-être offensé ? En priant Dieu, il fait un mensonge
(car il dit: Je remets, et il ne le fait pas); et Dieu à qui il demande le
pardon ne le lui accorde pas. Mais il en est plusieurs qui ne voulant point
pardonner à leurs ennemis évitent de faire à Dieu cette prière. Ce sont des
insensés, car premièrement celui qui ne prie pas selon la règle donnée par
Jésus-Christ n’est pas son disciple; en second lieu, le Père n’exauce pas
volontiers une prière que le Fils n’a pas dictée; car le Père reconnaît la
pensée et l’expression de son Fils et il rejette les inventions de l’esprit
humain et ne reçoit que des suppliques inspirées par la sagesse de
Jésus-Christ. — Saint Augustin : (Enchirid. chap. 73.) Cependant cette vertu si élevée d’aimer ses ennemis et de leur remettre les dettes [qu’ils ont contractées envers nous], n’est pas le partage de tous ceux en si grand nombre que nous croyons être exaucés, lorsqu’ils font à Dieu cette prière: « Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons à tous ceux qui nous doivent. » Il faut donc admettre que cet engagement pris devant Dieu est fidèlement exécuté lorsqu’un chrétien n’étant pas encore assez parfait pour aimer son ennemi, lui pardonne cependant de tout cœur lorsque celui-ci vient l’en prier, parce qu’il veut que Dieu lui accorde à lui-même le pardon qu’il sollicite. Or celui qui demande pardon à un homme qu’il a offensé (si le repentir de sa faute le porte à cette démarche), ne doit plus être regardé comme ennemi, et il ne doit plus être difficile de l’aimer comme lorsqu’il donnait un libre cours à son inimitié. |
Lectio 9 [85406] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 9 Chrysostomus super Matth. Quia
multa magnifica supra mandavit hominibus, ut Deum patrem suum dicant, ut
regnum Dei petant venire, ideo nunc additur humilitatis doctrina, cum dicitur
et ne nos inducas in tentationem. Augustinus de Serm. Dom. Nonnulli codices
habent et ne nos inferas in tentationem, quod tantumdem valere arbitror: nam
ex uno Graeco verbo isenenkis, utrumque est translatum. Multi autem
interpretando ita dicunt: ne nos patiaris induci in tentationem, exponentes
quomodo dictum sit inducas. Nec enim per seipsum inducit Deus, sed induci
patitur eum quem suo auxilio deseruerit. Cyprianus de Orat. Domin. Qua in parte
ostenditur, contra nos nihil adversarium posse, nisi Deus ante permiserit: ut
omnis timor noster et devotio convertatur ad Deum Augustinus. Aliud est autem induci in
tentationem, aliud tentari: nam sine tentatione probatus esse nemo potest,
sive sibi ipsi, sive alii; Deo autem ante omnes tentationes quisque
notissimus est. Non ergo hic oratur ut non tentemur, sed ut non inferamur in
tentationem; tamquam si quispiam cui necesse est igne examinari, non orat ut
igne non contingatur, sed ut non exuratur. Inducimur enim, si tales
inciderint quas ferre non possumus. Augustinus ad Probam. Cum ergo dicimus ne nos
inducas in tentationem, nos admonemur hoc petere, ne deserti eius adiutorio,
alicui tentationi vel consentiamus decepti vel cedamus afflicti. Cyprianus de Orat. Domin. In quo admonemur
infirmitatis et imbecillitatis nostrae, ne quis se insolenter extollat: ut dum
procedit humilis et submissa confessio, et datur totum Deo quicquid
suppliciter petitur, ipsius pietate praestetur. Augustinus de bono Persev. Cum autem sancti
petunt ne nos inferas in tentationem, quid aliud quam ut in sanctitate
perseverent orant? Hoc autem sibi concesso (quod esse de Dei dono, cum ab
illo poscitur, demonstratur), nemo sanctorum non tenet usque in finem
perseverantiam sanctitatis; neque enim quisquam in proposito Christiano
perseverare desistit, nisi in tentationem primitus inferatur. Ideo ergo
petimus ne inferamur in tentationem, ut hoc non fiat; et si non fit, Deus non
permittit ut fiat: nihil enim fit, nisi quod aut ipse facit, aut fieri
permittit. Potens est ergo a malo in bonum flectere voluntates, et lapsum
convertere, ac dirigere in sibi placitum gressum, cui non frustra dicitur ne
nos inferas in tentationem: nam qui in tentationem suae malae voluntatis non
infertur, in nullam prorsus infertur: unusquisque enim tentatur a
concupiscentia sua. Voluit ergo Deus a se posci ne inferamur in tentationem,
quod poterat nobis et non orantibus dari, quia voluit nos admoneri, a quo
beneficia accipiamus. Attendat ergo Ecclesia quotidianas orationes suas: orat
ut increduli credant; Deus ergo convertit ad fidem; orat ut credentes
perseverent; Deus ergo dat perseverantiam usque in finem. Lectio 10 [85407] Catena in Mt.,
cap. Chrysostomus in Matth. Vel malum hic Diabolum
vocat, propter excellentiam malitiae, non quae ex natura est, sed quae ex
electione. Et quia ad nos implacabile bellum habet, propter hoc dixit libera
nos a malo. Cyprianus de Orat. Domin. Post omnia quidem
supradicta, in consummatione orationis venit clausula universas preces
nostras collecta brevitate concludens: nihil enim remanet quod ultra adhuc
debeat postulari, cum semel protectionem Dei adversus malum petamus, qua
impetrata, contra omnia quae Diabolus et mundus operatur, securi sumus. Quis
enim de saeculo metus est, cuius in saeculo Deus tutor est? Augustinus ad Probam. Et hoc ultimum
quod in oratione dominica positum est, tam late patet, ut homo Christianus in
qualibet tribulatione constitutus, in hoc gemitus edat, et in hoc lacrymas
fundat, hinc exordiatur, in hoc terminet orationem; unde sequitur amen, quo
desiderium orantis exprimitur. Hieronymus. Amen enim, quod in fine
constat scriptum, signaculum est dominicae orationis; quod aquila
interpretatus est fideliter, quod nos vere possumus dicere. Cyprianus de Orat. Domin. Quid mirum, si talis
oratio est quam Deus docuit, qui magisterio suo omnem precem nostram salutari
sermone breviavit? Hinc per Isaiam fuerat ante
praedictum: sermonem breviatum faciet Deus super terram. Nam cum dominus
Iesus Christus omnibus venerit, ut colligeret doctos pariter atque indoctos,
omni sexui atque aetati praecepta salutis ediderit, praeceptorum suorum fecit
grande compendium, ut in disciplina caelesti discentium memoria non
laboraret, sed quod esset simplici fidei necessarium, velociter discerent. Augustinus ad Probam. Quaelibet autem
alia verba dicamus, quae affectus orantis vel praecedendo format ut clareat,
vel consequendo accendit ut crescat, nil aliud dicimus quam quod in ista
oratione dominica positum est, si recte et congruenter oramus. Qui enim
dicit: clarificare in omnibus gentibus sicut clarificatus es in nobis. Quid
aliud dicit quam sanctificetur nomen tuum? Qui dicit: ostende faciem tuam, et
salvi erimus, quid aliud dicit quam adveniat regnum tuum? Qui
dicit: gressus meos dirige secundum eloquium tuum, quid aliud dicit quam fiat
voluntas tua? Qui dicit: paupertatem et divitias ne dederis mihi, quid aliud
dicit quam panem nostrum quotidianum da nobis hodie? Qui dicit: memento,
domine, David, et omnis mansuetudinis eius, et: si reddidi retribuentibus
mihi mala, quid aliud dicit quam dimitte nobis debita nostra, sicut et nos
dimittimus debitoribus nostris? Qui dicit: aufer a me concupiscentias
ventris, quid aliud dicit quam ne nos inducas in tentationem? Qui dicit: erue
me ab inimicis meis, Deus meus, quid aliud dicit quam libera nos a malo? Et si per omnia precationum sanctarum verba
discurras, nihil invenies quod in ista oratione dominica non contineatur.
Quisquis autem id dicit quod ad evangelicam istam precem pertinere non
possit, carnaliter orat; quod nescio quomodo non dicatur illicite quando
renatos dominus, non nisi spiritualiter docet orare. Qui autem dicit in
oratione: domine, multiplica divitias meas, et honores meos auge, et hoc
dicit eorum habens concupiscentiam, non id attendens ut ex his secundum Deum
prosit hominibus, puto eum non invenire in oratione dominica quo possit haec
vota aptare. Quamobrem pudeat saltem petere quod non pudet cupere. Aut si et
hoc pudet, et cupiditas vicit, melius hoc petetur ut etiam ab isto
cupiditatis malo liberet cui dicimus libera nos a malo. Augustinus de Serm. Dom. Videtur etiam
iste numerus petitionum septenario beatitudinum congruere. Si enim timor Dei
est quo beati fiunt pauperes spiritu, quoniam ipsorum est regnum caelorum,
petamus ut sanctificetur in hominibus nomen Dei, timore casto permanente in
saecula saeculorum. Si pietas est qua beati sunt mites, petamus
ut veniat regnum eius, ut mitescamus, nec ei resistamus. Si scientia est qua
beati sunt qui lugent, oremus ut fiat voluntas eius sicut in caelo et in
terra: quia si corpus tamquam terra cum spiritu tamquam caelo consenserit,
non lugebimus. Si fortitudo est qua beati sunt qui esuriunt, oremus ut panis
noster quotidianus detur nobis hodie, quo ad plenissimam saturitatem venire
possimus. Si consilium est quo beati sunt misericordes, quoniam ipsorum
miserebitur, dimittamus debita, ut nobis nostra debita dimittantur. Si
intellectus est quo beati sunt mundo corde, oremus non induci in tentationem,
ne habeamus duplex cor, temporalia et terrena sectando, de quibus tentationes
fiunt in nobis. Si sapientia est qua beati sunt pacifici, quoniam filii Dei
vocabuntur, oremus ut liberemur a malo: ipsa enim liberatio liberos nos
faciet filios Dei. Chrysostomus in Matth. Quia vero sollicitos
nos fecerat inimici memoria in hoc quod dixerat libera nos a malo, rursus
audaciam praebet per hoc quod in quibusdam libris subditur quoniam tuum est
regnum et virtus et gloria: quia si eius est regnum, nullum formidare
oportet, cum et qui praeliatur contra nos, sit ei subiectus. Cum autem virtus
eius et gloria sint infinita, non solum a malis eruere potest, sed etiam
facere gloriosum. Chrysostomus super Matth. Haec etiam ad
praecedentia pertinent: quod enim dicit tuum est regnum, respondet ad illud
quod dixerat adveniat regnum tuum, ne aliquis dicat: ergo Deus non habet
regnum in terra. Quod autem dicit et virtus, respondet ad id quod dixerat
fiat voluntas tua sicut in caelo et in terra; ne aliquis dicat, quod Deus non
potest facere quod vult. Quod vero dicit et gloria, respondet ad omnia quae
sequuntur, in quibus gloria Dei apparet. |
Verset 13.
Et ne
nous laissez pas succomber à la tentation. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Notre Seigneur vient de
donner aux hommes de sublimes préceptes, il leur a commandé d’appeler Dieu
leur Père, de demander l’avènement de son règne; aussi croit-il devoir
ajouter une leçon d’humilité, en disant: « Et
ne nous laissez pas succomber à la tentation. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 14.) Quelques
exemplaires portent: « Et ne nous faites pas entrer dans la
tentation », ce qui me paraît présenter le même sens, ces deux variantes
étant la traduction littérale du grec e„senegkÊj. Plusieurs traduisent de
cette manière: « Ne souffrez pas que nous entrions en tentation », et expliquent ainsi dans quel sens
nous disons: « Ne nous induisez
pas », car ce n’est pas Dieu qui par lui-même fait entrer en
tentation, mais il permet qu’on y entre, en abandonnant l’homme à ses propres
forces. — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Cette vérité
nous apprend que notre ennemi ne peut rien contre nous, à moins que Dieu ne
le permette, et c’est ce qui doit nous faire placer en Dieu toute notre
crainte comme toute notre affection. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 14.) Être induit en
tentation, et être tenté sont deux choses différentes: Aucun homme s’il n’a
été tenté ne peut passer pour éprouvé à ses propres yeux on aux yeux des
autres (cf. Ps 25). Dieu au
contraire connaît à fond tous les hommes avant toute espèce de tentation.
Nous ne prions donc pas Dieu de nous faire échapper à la tentation, mais de
ne pas nous induire en tentation, de même qu’un homme qui devrait être
éprouvé par le feu, demanderait non de ne point en être atteint, mais de n’en
être pas consumé. En effet nous sommes induits en tentation lorsque la
tentation est si forte, que nous ne pouvons y résister. —
Saint Augustin : (Lettre 121 à Proba., chap. 72.) Lors donc que nous disons: « Ne nous induisez pas en
tentation », nous devons demander à Dieu de ne pas permettre que
délaissés de sa grâce, nous succombions à la tentation, séduits par
l’illusion ou vaincus par la souffrance. — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Dieu nous
rappelle ainsi notre faiblesse, notre infirmité et nous prémunit contre les
prétentions arrogantes de l’orgueil; et sa bonté exauce volontiers une prière
qui est précédée d’un aveu humble et modeste qui reconnaît que tout vient de
lui. —
Saint Augustin : (du don de la persév., chap. 5, 6, 7.)
Lorsque les saints font cette prière: « Ne
nous laissez pas succomber à la tentation », que demandent-ils si ce
n’est la persévérance dans la sainteté ? En effet il n’est aucun saint
qui ayant reçu ce don de Dieu (la demande qu’il en fait à Dieu est une preuve
que ce don vient de lui), ne persévère jusqu’a la fin dans la sainteté, car
on ne cesse de persévérer dans la pratique de la vie chrétienne, qu’après
avoir été induit d’abord en tentation. C’est pour prévenir ce malheur que
nous demandons de ne pas entrer en tentation, et si nous l’évitons, c’est
Dieu qui l’a permis, car tout ce qui se fait, c’est Dieu qui le fait, ou qui
le permet. Dieu est donc assez puissant pour détourner les volontés du mal
vers le bien, relever celui qui est tombé, et le conduire dans la voie qui
lui est agréable, car ce n’est pas en vain que nous lui disons: « Ne nous laissez pas entrer en
tentation. » Si on n’est pas exposé aux effets de la tentation par
une volonté abandonnée au mal, on n’en sera jamais victime, « car chacun est tenté par sa propre
concupiscence. » (Jc 1, 14.) Dieu
nous fait donc un devoir de lui demander la grâce de ne point succomber à la
tentation, bien qu’il pût nous l’accorder sans nos prières, parce qu’il a
voulu nous faire reconnaître ainsi de qui nous tenons les bienfaits dont nous
sommes comblés. Que l’Église donc médite attentivement ses prières de tous
les jours, elle demande la foi pour les infidèles, c’est donc Dieu qui les
convertit à la foi; elle prie pour la persévérance des fidèles, c’est donc de
Dieu que vient la persévérance finale. Mais
délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont. 2, 11 ou 16.) Nous
sommes obligés de prier non seulement pour éloigner de nous le mal dont nous
avons été [jusqu’ici] préservés, mais encore pour être délivrés du mal dans
lequel nous sommes tombés. Aussi Notre Seigneur ajoute: « Mais délivrez-nous du mal. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Peut-être que dans ce nom de
mal il veut désigner le démon, tant à cause de sa malice extrême, malice qui
vient de sa volonté et non de sa nature, que parce qu’il nous a déclaré une
guerre implacable, c’est pour cela qu’il nous fait dire: « Délivrez-nous du mal. » — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Après tout ce qui précède la
prière se termine par une demande qui renferme toutes nos autres
supplications dans sa concise brièveté. En effet que pourrons-nous encore
demander après avoir imploré la protection de Dieu contre le mal qui nous
menace ? Après avoir obtenu cette protection nous sommes en sûreté
contre toutes les entreprises du monde et du démon. Que peut-on craindre en
effet du monde, quand on a Dieu pour défenseur contre le monde ? —
Saint Augustin : (Lettre 121 à Proba., chap. 11.) Le sens de cette dernière demande de l’Oraison
dominicale est tellement étendu, que tout chrétien, dans quelque tribulation
qu’il se trouve, peut en faire l’interprète de sa douleur, l’auxiliaire de
ses gémissements et de ses larmes, commencer et finir par elle sa prière.
C’est pour cela que le mot amen, ainsi
soit-il, vient après comme l’expression du désir de celui qui prie. —
Saint Jérôme : Cet amen qui termine l’Oraison dominicale en est comme le sceau;
Aquila traduit cette expression par fidèlement,
ce que nous pouvons rendre par: « En
vérité » — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Qu’y a-t-il d’étonnant que
la prière que Dieu lui-même nous a enseignée soit si excellente, alors que
par un effet de sa divine sagesse, il a voulu qu’elle renfermât tout ce que
nous pouvons demander, dans quelques phrases aussi riches que concises. C’est
ce qu’Isaïe avait prédit en ces termes: « Le
Seigneur a fait un discours abrégé sur la terre. » (Is 10, 22.) Notre Seigneur
Jésus-Christ est venu pour tous les hommes pour réunir en un seul corps les
savants et les ignorants, il a donné aux personnes de tout sexe et de tout
âge les préceptes qui doivent les conduire au ciel; il en a donc fait un
abrégé remarquable pour ne pas fatiguer la mémoire de ceux qui voudraient
apprendre cette doctrine céleste et il leur offre les moyens de s’instruire
rapidement de ce qui est nécessaire à la simplicité de la foi. —
Saint Augustin : Quelles que soient les autres
formules dont nous faisons usage avant ou après notre prière, comme
expression ou comme aliment de notre piété, nous ne pouvons rien dire que ce
que contient l’Oraison Dominicale, si notre prière est conforme à la règle
que nous avons reçue. En disant à Dieu: « Faites
éclater votre gloire parmi les nations, comme vous l’avez fait éclater parmi
nous », (Qo 36) que
disons-nous autre chose que: « Que votre nom soit
sanctifié ? » Celui qui
dit à Dieu: « Montrez-nous votre
face et nous serons sauvés » (Ps
79), fait à Dieu cette demande: « Que votre règne arrive. » Cette
prière: « Dirigez mes pas selon
votre parole » (Ps 118),
ne ressemblent-elles pas à celle-ci: « Que votre volonté soit
faite ? ». Vous dites à Dieu: « Ne
me donnez ni la pauvreté ni la richesse » (Pv 30), c’est lui dire équivalemment: « Donnez-nous
aujourd’hui notre pain de chaque jour. » Cette prière: « Souvenez-vous
Seigneur de David et de toute sa douceur » (Ps 121), et cette autre: « Si
j’ai rendu le mal à ceux qui m’en ont fait » (Ps 7), ne
rentrent-elles pas dans celle-ci: « Remettez-nous
nos dettes, comme nous les remettons à ceux qui nous doivent ? »
Dire à Dieu: « Éloignez de mon
cœur les désirs de l’impureté » (Qo 23), n’est-ce pas lui dire: « Ne nous induisez pas en
tentation ? » Enfin ces paroles: « Délivrez-moi de mes ennemis » (Ps 58),ne reviennent-elles pas à celles-ci: « Délivrez-nous
du mal ? » Et si vous examinez en détail toutes les prières dictées
par l’Esprit saint, vous n’y trouverez rien qui ne soit contenu dans
l’Oraison dominicale. Toute prière en effet qui ne se rapporte pas à cette
prière évangélique, est une prière inspirée par la chair, et que j’ose
appeler coupable, puisque le Seigneur a enseigné à ceux qui sont régénérés à
ne prier qu’en esprit. Celui-là donc qui dans la prière dit à Dieu:
« Seigneur, multipliez mes richesses, augmentez mes honneurs, et qui le
dit dans un sentiment de pure convoitise, sans se proposer le bien spirituel
que les hommes pourraient en retirer, ne trouvera certainement rien dans
l’Oraison dominicale qui puisse appuyer sa demande. Qu’il rougisse donc au
moins de demander ce qu’il ne rougit pas de désirer; ou si la passion
l’emporte sur la honte qu’il éprouve, la meilleure prière qu’il puisse faire
c’est d’être affranchi de ce mal de la cupidité par celui à qui nous disons:
« Délivrez-nous du mal. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 1, 18.) Le nombre de demandes dont se compose
l’Oraison dominale paraît aussi se rapporter aux sept béatitudes. En effet si
c’est la crainte de Dieu, qui rend heureux les pauvres d’esprit, parce que le
royaume des cieux leur appartient, demandons que le nom de Dieu soit
sanctifié parmi les hommes, à l’aide de cette crainte chaste qui demeure dans
les siècles des siècles. Si c’est la piété qui fait le bonheur de ceux qui
sont doux, demandons que son règne nous arrive pour nous communiquer cette
douceur qui ne connaît point la résistance. Si c’est la connaissance qui
donne à ceux qui pleurent le secret du bonheur, prions que sa volonté se
fasse sur la terre comme au ciel, car lorsque le corps qui est figuré par la
terre sera soumis à l’esprit qui représente le ciel, nous ne serons plus dans
les larmes. Si c’est la force qui rend heureux ceux qui ont faim, demandons
que Dieu nous donne aujourd’hui notre pain de chaque jour, afin que nous
puissions parvenir là où nous serons pleinement rassasiés. Si c’est le
conseil qui fait le bonheur de ceux qui sont miséricordieux parce que Dieu
leur fera miséricorde, remettons leurs dettes à ceux qui nous doivent, afin
que Dieu nous remette ce que nous lui devons. Si c’est l’intelligence qui
rend heureux ceux qui ont le cœur pur, demandons à Dieu de ne pas entrer en
tentation, pour ne pas tomber dans la duplicité du cœur, en poursuivant les
biens terrestres et périssables, qui sont pour nous la source de toutes les
tentations. Si c’est enfin la sagesse qui rend heureux les pacifiques parce
qu’ils seront appelés les fils de Dieu, prions pour qu’il nous délivre du
mal, car cette délivrance nous établira dans la sainte liberté des enfants de
Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 20.)
Notre Seigneur avait pu nous attrister par ces paroles: « Délivrez-nous du mal » qui
nous rappelaient le souvenir de notre ennemi, il relève donc notre courage
par ces autres paroles que l’on trouve dans quelques exemplaires [grecs]: « parce qu’à vous seul appartiennent
l’empire, la puissance et la gloire. » En effet si le règne lui
appartient, nous n’avons rien à craindre d’aucune créature puisque celui qui
combat contre nous est son sujet. Et comme sa puissance et sa gloire sont
infinies, non seulement il peut nous arracher au mal, mais encore nous
combler de gloire. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Cette conclusion peut aussi se rapporter à ce qui précède. Ces paroles: « A vous appartient l’empire » se rapportent à celles-ci: « Que votre règne arrive », et font en sorte que personne ne puisse dire: Dieu ne règne donc pas sur la terre. Celles qui suivent: « et la puissance » se rattachent à cette demande: « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », et répondent à ceux qui prétendraient que Dieu ne peut pas faire ce qu’il veut. Enfin cette dernière parole: « et la gloire » se rapporte aux demandes suivantes qui sont une manifestation de la gloire de Dieu. |
Lectio 11 [85408] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 11 Rabanus. Per hoc quod dominus
dixerat amen significat indubitanter illis a domino conferri omnia quae rite
postulant, qui conditionis additae servare pactum non negligunt; unde
subditur si enim dimiseritis hominibus peccata eorum, dimittet et vobis pater
vester caelestis delicta vestra. Augustinus de Serm. Dom. Ubi non est
praetereundum, quod ex omnibus his sententiis, quibus nos dominus orare
praecepit, eam potissimum commendandam esse iudicavit quae pertinet ad
remissionem peccatorum, in qua nos misericordes esse voluit; quod est unum
consilium miserias evadendi. Chrysostomus super Matth. Non autem dixit, ut
prius nobis Deus dimittat, et postea nos debitoribus nostris, scit enim
dominus homines esse mendaces, quoniam etsi acceperint remissionem peccati
sui, ipsi suis debitoribus non dimittunt: ideo sic dicitur, ut prius
dimittamus, postea petamus dimissionem. Augustinus Enchir. Quisquis autem roganti et
peccati sui poenitenti ex corde non dimittit, nullo modo aestimet a domino
sua peccata dimitti: et ideo subdit si autem non dimiseritis hominibus, nec
pater vester dimittet vobis peccata vestra. Cyprianus de Orat. Domin. Excusatio enim tibi
nulla est in die iudicii, cum secundum tuam sententiam iudiceris, et quod
feceris, hoc patiaris. Hieronymus. Si autem hoc quod scriptum est:
ego dixi: dii estis; vos autem sicut homines moriemini, ad eos dicitur qui
propter peccata homines ex diis esse meruerunt, recte ergo et hi quibus
peccata dimittuntur, homines appellati sunt. Chrysostomus in Matth. Ideo autem caelorum et
patris meminit, ut ex hoc provocet auditorem: nihil enim ita te Deo
assimilat, sicut iniuriam tibi facientibus ignoscere. Inconveniens est autem,
si talis patris filius existens, servilis efficitur; et ad caelum vocatus,
terrenum quemdam et vitae huius proprium habet sensum. |
Versets 14-15.
— Raban : Le
mot « Ainsi soit-il » qui
termine cette prière nous apprend sans doute possible que Dieu accordera tout
ce que lui demanderont dans la forme prescrite ceux qui rempliront
l’engagement et la condition qu’il exige; et c’est pour cela qu’il ajoute: « Si vous remettez aux hommes leurs
péchés, votre père céleste vous remettra aussi les vôtres. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Il ne faut pas oublier
ici que de toutes les idées qui composent la prière que le Seigneur nous a
dictée, il a cru devoir insister principalement sur celle qui a pour objet la
rémission des péchés. C’est par là qu’il veut nous former à la miséricorde
comme à l’unique moyen d’échapper à nos misères. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne nous fait pas dire: « Que Dieu nous remette le premier
nos dettes et nous les remettrons ensuite à nos débiteurs », car le Seigneur sait que les hommes
sont sujets au mensonge, et qu’après avoir obtenu la rémission de leurs
péchés, ils ne pardonneraient pas à ceux qui les ont offensés; il exige donc
que nous accordions d’abord ce pardon, avant de le solliciter par nous-mêmes. — Saint Augustin : (Enchirid.
chap. 74.) Celui qui ne pardonne pas du fond du cœur à son frère qui l’en
supplie et qui se repent de sa faute, ne doit espérer en aucune manière le
pardon de ses propres péchés. « Si
vous ne pardonnez point aux hommes » dit le Seigneur, « votre Père céleste ne vous
pardonnera point non plus vos péchés. » — Saint Cyprien : (de l’Or. Dom.) Vous n’aurez aucune
excuse à présenter au jour du jugement, car vous serez jugé d’après vos
propres principes, et vous ne subirez que ce que vous aurez fait éprouver aux
autres. —
Saint Jérôme : Si ces paroles de l’Écriture sainte: « Je l’ai dit, vous êtes des dieux,
mais cependant vous mourrez comme des hommes » (Ps 81, 6; cf. Jn 10,
31) sont adressées à ceux qui par leurs péchés sont tombés du rang des Dieux
à celui des hommes, on peut bien donner le nom d’hommes à ceux à qui les
péchés sont pardonnés. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 20.) Notre Seigneur vous rappelle le souvenir des cieux et de son Père, pour vous pousser à l’écouter, car rien ne vous rend plus semblable à Dieu que de pardonner à ceux qui vous ont offensé. Mais il y a souveraine inconvenance à ce que le fils d’un tel Père se montre cruel, et qu’étant appelé à posséder un jour le ciel, il conserve des sentiments terrestres et tout humains. |
Lectio 12 [85409] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 12 Chrysostomus super Matth. Quia
oratio illa iam fortis est, quae fit in spiritu humili et corde contrito; qui
autem deliciis fruitur, spiritum humilem et cor contritum habere non potest;
manifestum est quoniam oratio sine ieiunio gracilis est et infirma: et ideo
quicumque pro aliqua necessitate voluerunt orare, ieiunium adiutorium est
orationis. Unde consequenter dominus, post doctrinam de oratione, subiungit
doctrinam de ieiunio dicens cum autem ieiunatis, nolite fieri sicut
hypocritae tristes. Sciebat enim dominus gloriam vanam ex omni bono
procedere; ideo spinam vanae gloriae, quae nascitur in terra bona, iubet
praecidere, ne suffocet ieiunii fructum. Non autem potest fieri ut non
sentiatur qui ieiunat; sed melius est ut ieiunium te ostendat, quam tu
ieiunium. Non autem potest fieri ut sit hilaris qui ieiunat; ideo non dixit:
nolite esse tristes; sed nolite fieri tristes: qui enim per imposturas
aliquas pallentes apparent, illi non sunt tristes, sed fiunt; qui autem
naturaliter propter assiduum ieiunium tristis est, non fit tristis, sed vere
est; unde subdit exterminant enim facies suas, ut appareant hominibus
ieiunantes. Hieronymus. Verbum exterminant, quod in
ecclesiasticis Scripturis vitio interpretum tritum est, aliud multo
significat quam vulgo intelligitur. Exterminantur quippe exules, qui
mittuntur extra terminos. Pro hoc ergo sermone,
demoliuntur semper accipere debemus, quod Graece dicitur aphanizousi. Demolitur
autem hypocrita faciem suam, ut tristitiam simulet, et animo forte laetante
luctum gestat in vultu. Gregorius Moralium. Nam ora pallescunt, corpus
debilitate quatitur, pectus interrumpentibus suspiriis urgetur, nihilque
tanto labore aliud nisi aestimatio humana cogitatur. Leo Papa in Serm. 3 de Epiph. Non sunt autem
casta ieiunia quae non de ratione veniunt continentiae, sed de arte fallaciae. Chrysostomus super Matth. Si ergo qui ieiunat
et tristem se facit, hypocrita est, quanto magis iniquior est qui non
ieiunat, sed argumentis quibusdam in facie sua pingit venalem pallorem, quasi
ieiunii signum? Augustinus de Serm. Dom. In hoc autem capitulo
maxime advertendum est, non in solo rerum corporearum nitore atque pompa, sed
etiam in ipsis sordibus luctuosis esse posse iactantiam, et eo
periculosiorem, quo sub nomine servitutis Dei decipit. Qui ergo immoderato
cultu corporis atque vestitus vel ceterarum rerum nitore fulget, facile
convincitur rebus ipsis pomparum saeculi esse sectator, nec quemquam fallit
dolosa imagine sanctitatis; qui autem in professione Christianitatis
inusitato squalore ac sordibus intentos in se hominum oculos facit, cum id
voluntate faciat, non necessitate patiatur, ex ceteris eius operibus potest
cognosci utrum hoc contemptu superflui cultus, an ambitione aliqua faciat.
Remigius. Fructus autem ieiunii hypocritarum
manifestatur cum subinfertur ut pareant hominibus ieiunantes. Amen dico
vobis, receperunt mercedem suam, idest quam desideraverunt. |
Verset 16.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Puisqu’un esprit humble et un cœur contrit donnent à la prière une
véritable puissance (cf. Dn 3, 39),
et que ces deux dispositions ne peuvent se concilier avec une vie de délices;
il est évident que la prière séparée du jeûne, est sans force et sans vertu.
Aussi pour tous ceux qui ont voulu obtenir de Dieu quelque grâce pressante le
jeûne a toujours été le soutien de la prière. Voilà pourquoi Notre Seigneur
fait suivre la doctrine sur la prière, de ses enseignements sur le jeûne: « Lorsque vous jeûnez, dit-il, ne vous rendez pas tristes comme les
hypocrites. » Le Seigneur savait que la vaine gloire prend naissance
au sein même de toute vertu, il nous commande donc de couper l’épine de la
vaine gloire qui pousse dans une bonne terre, pour qu’elle n’étouffe pas le
fruit du jeûne. Il est impossible qu’on ne s’aperçoive pas que vous jeûniez,
mais il vaut mieux que le jeûne vous fasse remarquer plutôt que de faire
remarquer vous-même votre jeûne. Il est bien difficile que celui qui jeûne
soit gai, aussi Notre Seigneur ne dit-il pas: « Ne soyez pas
tristes, » mais « ne vous rendez pas tristes. »
Ceux qui par exemple cherchent à tromper les regards par une pâleur factice,
ceux-ci ne sont pas tristes mais cherchent à le devenir; celui au contraire
qui est triste par un effet naturel d’un jeûne assidu, ne cherche pas à se
rendre triste, mais il l’est en réalité, c’est pour cela que le Seigneur
ajoute: « Ils affectent de
paraître avec un visage défiguré, pour faire paraître aux hommes qu’ils
jeûnent. » —
Saint Jérôme : Le mot exterminer qui est employé fréquemment dans les saintes Écritures
par suite de l’ignorance des interprètes, a un sens plus étendu que celui
qu’on lui donne ordinairement. On dit des exilés qu’ils sont exterminés,
c’est-à-dire envoyés au delà des frontières: nous devons nous, donner à ce
mot le sens de détruire, en grec ¢fanizousi; or l’hypocrite détruit,
exténue son visage pour simuler la tristesse, et tandis que son cœur est
plein de joie, il porte sur sa figure l’apparence du deuil. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., liv. 8, chap. 26.) Vous voyez leur
visage couvert de pâleur, leur corps tremblant de faiblesse, leur poitrine
oppressée par leurs soupirs entrecoupés, et quel est le but de ces laborieux
efforts ? l’opinion des hommes. —
Saint Léon le Grand. (serm. 4 sur l’Epiph.) Les jeûnes qui ne viennent point d’un
principe de mortification, mais qui sont le produit de la fourberie, ne sont
pas des jeûnes purs [aux yeux de Dieu]. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Or si celui qui jeûne et affecte la tristesse n’est qu’un hypocrite, quel
n’est pas le crime de celui qui sans jeûner, a recours à certains moyens pour
imprimer sur son visage, comme signe de jeûne, une pâleur vénale ? —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 19.) Une remarque
importante à faire sur cette matière, c’est qu’on peut mettre de la vanité
non seulement dans l’éclat et le luxe de tout ce qui tient au corps, mais
jusque dans l’extérieur négligé qui exprime le deuil, vanité alors d’autant
plus dangereuse, qu’elle cherche à tromper sous les apparences de la
religion. Celui qui cherche à briller par un soin affecté de son corps et par
une recherche excessive dans ses vêtements ou dans les autres ornements du
corps, est convaincu par ce seul fait d’être partisan des pompes du monde, et
il ne trompe personne par l’apparence d’une sainteté hypocrite. Quant à celui
qui, faisant profession d’une vie chrétienne, cherche à fixer sur lui les
yeux du public par le spectacle d’une maigreur et d’une malpropreté
extraordinaires, s’il le fait avec intention et sans y être réduit par la
nécessité, l’ensemble de sa vie prouvera s’il agit ainsi par le mépris d’un
luxe superflu, ou par un motif quelconque d’ostentation. — Saint Rémi : Les paroles suivantes nous font connaître le fruit du jeûne des hypocrites : pour faire voir aux hommes qu’ils jeûnent. « Je vous le dis en vérité: ils ont reçu leur récompense », c’est-à-dire celle qu’ils ont désirée. |
Lectio 13 [85410] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 13 Glossa. Docuit dominus quid non
est faciendum; modo docet quid est faciendum, dicens tu autem cum ieiunas,
unge caput tuum et faciem tuam lava. Augustinus de Serm. Dom. Quaeri autem solet
quid sit quod hic dicitur: non enim quisquam recte praeceperit (quamvis
faciem quotidiana consuetudine lavemus), unctis quoque capitibus, cum
ieiunamus, nos esse debere; quod turpissimum omnes fatentur. Chrysostomus super Matth. Item si ideo iubet
nos non fieri tristes, ne per tristitiam appareamus hominibus ieiunare; si
unctio capitis et lavatio faciei a ieiunantibus semper serventur; nihilominus
erunt signa ieiunii. Hieronymus. Sed loquitur iuxta ritum
provinciae Palaestinae, ubi diebus festis solent ungere capita. Praecipit
ergo ut quando ieiunamus, laetos et festivos nos esse monstremus. Chrysostomus super Matth. Simplex ergo
interpretatio huius est, quoniam per aggregationem intelligenda sunt ista
sicut cetera ante dicta, tamquam si dicat: sic longe te facere debes ab
ostentatione ieiunii tui, ut, si posset fieri (quod tamen non docet), ea
etiam facias quae ex diverso luxuriae et epulationis videntur esse indicia;
unde sequitur ne videaris hominibus ieiunans. Chrysostomus in Matth. In eleemosyna quidem
non simpliciter hoc posuit; sed dixit eleemosynam non esse faciendam coram
hominibus apponens ut videremur ab eis; in ieiunio autem et oratione nihil
tale addidit: quoniam eleemosynam quidem impossibile est omnino latere,
orationem autem et ieiunium possibile est. Non parvus autem fructus est
humanam gloriam contemnere: per hoc enim aliquis a gravi hominum servitute
liberatur, et proprie virtutis operator efficitur, eam amans non propter
alios, sed propter seipsam. Sicut enim nos contumeliam aestimamus, cum non
propter nos, sed propter alios diligimur, ita nec virtutem oportet propter
alios sequi, nec Deo propter homines obedire, sed propter seipsum. Ideo
sequitur sed patri tuo, qui est in abscondito. Glossa. Idest, patri tuo caelesti qui est
invisibilis, vel qui habitat in corde per fidem; Deo autem ieiunat qui pro
eius amore se macerat, et quod sibi subtrahit, alteri largitur. Et pater
tuus, qui videt in abscondito, reddet tibi. Remigius. Sufficit enim tibi ut qui est
inspector conscientiae, sit et remunerator. Chrysostomus super Matth. Spiritualiter autem
facies animae conscientia intelligitur. Sicut enim in conspectu hominum
gratiosa est facies pulchra, sic in oculis Dei speciosa est munda
conscientia. Has facies hypocritae, qui propter homines ieiunant,
exterminant, fallere volentes Deum et homines: nam semper vulnerata est
conscientia eius qui peccat. Si ergo abstuleris nequitiam ab anima tua,
lavasti conscientiam tuam, et bene ieiunas. Leo Papa in Serm. 6 de Quadrag. Impleri enim
debet ieiunium, non ciborum tantummodo parcitate, sed maxime privatione
vitiorum. Nam cum ob hoc castigatio ista sumatur, ut carnalium desideriorum
fomites subtrahantur, nullum magis sectandum est conscientiae genus quam ut
semper simus ab iniusta voluntate sobrii, et ab inhonesta actione ieiuni;
quae devotio non secernit invalidos, quia etiam in languido corpore potest
animae integritas reperiri. Chrysostomus super Matth. Spiritualiter autem
caput tuum Christus est. Sitientem pota, esurientem ciba; et sic oleo
misericordiae unxisti caput tuum, idest Christum, qui clamat in Evangelio:
quod uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis. Gregorius in Evang. Illud enim ieiunium Deus
approbat quod ante oculos eius manus eleemosynarum lavat.[ou
« levat » ?] Hoc ergo quod tibi
subtrahis, alteri largire; ut unde tua caro affligitur, inde egentis proximi
caro reparetur. Augustinus de Serm. Dom. Vel caput recte
accipimus rationem, quia in anima praeeminet, et cetera hominis membra regit.
Ungere ergo caput ad laetitiam pertinet. Interius ergo gaudeat de ieiunio suo
qui ieiunando se avertit a voluntate saeculi, ut sit subditus Christo. Glossa. Ecce non omnino in novo
testamento ad litteram accipiuntur. Ridiculum enim est in ieiunio oleo
delibari; sed spiritu amoris eius, cuius passionibus debemus participare, nos
macerando, mens debet inungi. Chrysostomus super Matth. Proprie autem
debet faciem quidem lavare; caput autem non lavare, sed ungere. Quamdiu enim
sumus in corpore, conscientia nostra sordida est in peccatis. Caput
autem nostrum, Christus, peccatum non fecit. |
Versets 17-18.
— La Glose : Le Seigneur vient de nous apprendre
ce qu’il fallait éviter, il nous enseigne maintenant ce qu’il faut faire: « Pour
vous, lorsque vous jeûnez, parfumez votre tête et lavez votre visage. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 20.) J’entends
souvent demander quel est le sens de ces paroles. Bien que nous ayons
l’habitude de nous laver tous les jours le visage, il serait hors de raison
de nous commander de parfumer aussi notre tête lorsque nous jeûnons, ce qui,
de l’aveu de tous, est souverainement indigne [d’un chrétien]. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Pourquoi d’ailleurs après
nous avoir défendu d’affecter un extérieur triste pour ne pas découvrir aux
hommes que nous jeûnons, [le Seigneur nous ordonne-t-il de nous laver la
figure et de nous parfumer la tête ?] Car si ceux qui jeûnent observent
ces pratiques, elles deviendront des indices de leur jeûne. —
Saint Jérôme : Notre Seigneur parle donc ici en se
conformant aux usages de la Palestine où on a l’habitude de se parfumer la
tête aux jours de fête, et ce qu’il nous ordonne, c’est tout simplement de
nous montrer nous-mêmes pleins de joie et avec un certain air de fête aux jours
de jeûne. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’interprétation de ce passage est simple : ces paroles, comme les précédentes doivent être entendues dans un sens
tant soit peu hyperbolique, comme si Notre Seigneur voulait nous dire: vous
devez fuir avec tant de soin toute ostentation lorsque vous jeûnez que, s’il
était possible et permis (ce qui ne l’est pas), vous devriez au contraire
affecter les dehors du plaisir et de la bonne chère. Et pourquoi ? « pour
que les hommes ne voient pas que vous jeûnez ». — Saint
Jean Chrysostome : (homél. 20). Pour l’aumône, il ne s’est pas exprimé de la sorte;
il nous a dit qu’il ne fallait pas la faire devant les hommes, en ajoutant: « pour
en être remarqué. » Il n’ajoute rien de semblable pour le jeûne et
pour la prière, parce qu’il est impossible que l’aumône demeure entièrement
secrète, tandis que le jeûne et la prière peuvent très bien rester inconnus.
Or, ce n’est pas un médiocre avantage que de mépriser la gloire humaine, car
alors on est affranchi de l’esclavage accablant des hommes et c’est dans un
sens véritable qu’on pratique la vertu, en l’aimant non pas pour les autres,
mais pour elle-même. Nous regardons comme un outrage d’être aimés par rapport
à d’autres et non pour nous-mêmes; d’après cette règle, nous ne devons point
pratiquer la vertu pour les autres, nous ne devons pas obéir à Dieu à cause
des hommes, mais pour Dieu seul; c’est pour cela que Notre Seigneur ajoute: « mais
à votre Père qui est dans le secret. » — La Glose : C’est-à-dire à
votre Père céleste qui est invisible ou qui habite dans votre cœur par la
foi. Or c’est jeûner pour Dieu que de se mortifier par amour pour lui, et on
donne ainsi à un autre ce qu’on se retranche à soi même. « Et votre Père qui voit dans le
secret, vous le rendra » —
Saint Rémi : Il vous suffit que celui qui voit ce
qui se passe dans la conscience vous en récompense lui-même. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Dans le sens spirituel, la
face de l’âme c’est la conscience; car, de même qu’un beau visage plaît aux
regards des hommes, ainsi une conscience pure est un spectacle agréable aux
yeux de Dieu. Les hypocrites, qui jeûnent pour plaire aux hommes, exténuent
ces deux faces, voulant tromper à la fois Dieu et les hommes. En effet, la
conscience de celui qui pèche est toujours couverte de blessures. Si donc
vous avez fait disparaître le mal de votre âme, vous avez purifié votre
conscience et votre jeûne est louable. —
Saint Léon le Grand. (serm. 6 sur le jeûne). Il faut accomplir la loi du jeûne non seulement
par l’abstinence d’aliments, mais davantage en s’abstenant du vice. Car, quel
est le but de cette mortification ? c’est d’éteindre en nous le foyer
des désirs charnels; le genre de tempérance auquel nous devons nous livrer de
préférence, c’est d’être sobres de toute volonté coupable, c’est de pratiquer
le jeûne à l’égard de toute action criminelle. Cette manière d’accomplir la
loi du jeûne convient également à ceux qui sont malades, car un corps
languissant peut renfermer une âme saine et robuste. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Dans le sens spirituel, le
Christ est votre tête; donnez à boire à celui qui a soif, à manger à celui
qui a faim et vous aurez ainsi répandu sur votre tête le parfum de la
miséricorde, c’est-à-dire sur Jésus-Christ qui vous dit dans l’Évangile (Mt 25): « Ce que vous avez
fait aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi-même que vous l’avez
fait. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 16 sur
les Evang.) Dieu approuve le jeûne, qui lève [ou
« lave » ?] en sa présence des mains riches d’aumônes.
Ce que vous vous retranchez, donnez-le à un autre, afin que le corps de votre
frère qui est dans l’indigence soit soulagé par cette nourriture dont vous
imposez la privation à votre propre corps. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Par la tête, nous
pouvons encore entendre la raison, parce qu’elle est la reine de notre âme et
qu’elle dirige toutes les autres facultés de l’âme et les autres membres du
corps. Or, parfumer sa tête est un signe de joie. Réjouissez-vous donc
intérieurement de votre jeûne, vous qui, en jeûnant, avez rompu avec les
désirs du monde pour vous soumettre à Jésus-Christ. — La Glose : Voici une preuve
que dans l’Évangile il ne faut pas tout prendre à la lettre, car il serait
ridicule de se parfumer la tête lorsqu’on jeûne. Mais nous devons parfumer
notre âme de l’esprit d’amour du Seigneur aux souffrances duquel la
mortification nous fait participer. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est dans un sens très juste qu’on nous commande de laver notre visage et de parfumer seulement notre tête sans la laver, car tant que nous habitons ce corps mortel, notre conscience est souillée par le péché, tandis que notre chef qui est le Christ n’a pu se rendre coupable d’aucun péché. |
Lectio 14 [85411] Catena in Mt., cap.
Augustinus de Serm. Dom. Si enim eo
corde quisque operetur aliquid ut terrenum commodum adipiscatur, quomodo erit
cor mundum quod in terra volutatur? Sordescit enim aliquid cum inferiori
miscetur naturae, quamvis in suo genere non sordidetur, quia etiam de puro
argento sordidatur aurum si misceatur: ita et animus noster terrenorum
cupiditate sordescit, quamvis terra in suo ordine munda sit. Chrysostomus super Matth. Vel aliter.
Quia supra dominus nihil de eleemosyna, vel oratione, vel ieiunio docuerat,
sed simulationem eorum compescuit tantum, nunc secundum tria praedicta, tres consequentias
introducit doctrinae: quarum prima pertinet ad eleemosynam, quae est haec:
nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, ubi primo dat consilium ut
eleemosyna fiat; ut sit ordo narrationis talis: cum facis eleemosynam, noli
tuba canere ante te; et postea subsequitur: nolite thesaurizare vobis
thesauros in terra; secundo ostendit quae sit utilitas in eleemosyna
facienda; tertio ut neque timor inopiae accidentis impediat voluntatem
eleemosynae faciendae. Chrysostomus in Matth. Dicens autem nolite
thesaurizare vobis thesauros in terra, subdit ubi aerugo et tinea demolitur:
ut demonstret thesauri qui est hic, nocumentum, et eius qui est in caelo,
utilitatem, et a loco, et ab his quae nocent; quasi dicat: quid formidas ne
pecuniae consumantur, si eleemosynam dederis? Itaque
da eleemosynam, et additionem accipient: etenim quae in caelis sunt
apponentur; quod si non dederis, pereunt. Et non dixit: aliis derelinquis,
quoniam hoc delectabile est hominibus. Rabanus. Tria autem ponit, secundum tres
diversitates divitiarum. Metalla aerugine, vestes tinea demoliuntur; sunt
autem alia quae neque aeruginem neque tineam timent, sicut lapides pretiosi;
et ideo ponit generale detrimentum, scilicet fures, qui omnes divitias rapere
possunt. Chrysostomus super Matth. Alia littera habet:
ubi tinea et commestura exterminant. Omnia enim bona mundi triplex tollit
interitus. Aut enim a semetipsis veterascunt et tineant, sicut vestimenta;
aut ab ipsis dominis luxuriose viventibus comeduntur; aut ab extraneis vel
dolo, vel vi, vel calumniis, vel alio iniquo modo diripiuntur: qui omnes
fures dicuntur, quia per iniquitatem festinant aliena facere sua. Sed dices:
numquid omnes haec qui habent, perdent ea? Interim quidem dicam, quia etsi
non omnes perdunt, tamen multi perdunt. Vere autem et male servatas divitias,
etsi non corporaliter, spiritualiter tamen perdidisti: quia non proficiunt
tibi ad usum salutis. Rabanus. Allegorice autem aerugo
significat superbiam, quae decorem virtutum obscurat. Tinea, quae vestes
latenter rodit, invidia est, quae bonum studium lacerat, et per hoc
compactionem unitatis dissipat. Fures sunt haeretici et Daemones, qui semper
ad hoc sunt intenti ut spiritualibus spolient. Hilarius in Matth. Ceterum laus
caelestis aeterna est, nec furto surrepenti subtrahenda, nec tinea et
rubigine invidiae excidenda; et ideo sequitur thesaurizate autem vobis
thesauros in caelis, ubi neque aerugo neque tinea demolitur, et ubi fures non
effodiunt neque furantur. Augustinus de Serm. Dom. Caelum autem
hoc loco non corporeum acceperim, quia omne corpus pro terra habendum est.
Totum enim mundum debet contemnere qui sibi thesaurizat in illo caelo de quo
dictum est: caelum caeli domino idest in firmamento spirituali. Caelum enim
et terra transibunt; non autem in eo quod transit collocare debemus thesaurum
nostrum, sed in eo quod semper manet. Chrysostomus super Matth. Quid ergo
melius est, an in terra reponere, ubi incertus est conservationis eventus, an
in caelo, ubi est certa custodia? Quae autem stultitia est
illic relinquere unde exiturus es, et illuc non praemittere quo iturus es? Illic ergo substantiam tuam colloca ubi patriam habes. Chrysostomus in Matth. Quia
tamen non omnis terrenus thesaurus aerugine aut tinea destruitur, aut per
fures aufertur, ideo aliud inducit dicens ubi est thesaurus tuus, ibi est et
cor tuum; ac si dicat: etsi nihil priorum veniat, non parvam sustinebis
iacturam inferioribus affixus, et eorum servus factus, et a caelestibus
cadens, et nihil excelsorum cogitare potens. Hieronymus. Hoc autem non solum de pecunia,
sed de cunctis possessionibus sentiendum est. Gulosi enim Deus venter est;
lascivi thesaurus sunt lubrica; amatoris libido. Hinc fuerit unusquisque a
quo vincitur. Ibi ergo habet cor, ubi et thesaurum. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Ponit
nunc quae sit utilitas in eleemosyna facienda. Qui enim collocat thesauros in
terra, non habet quid speret in caelo. Ut quid ergo aspiciat in caelum, ubi
nihil repositum habet? Unde dupliciter peccat: primo, quia mala congregat;
secundo, quia cor habet in terra; et ex contrariis causis dupliciter bene
facit qui thesaurizat in caelo. |
Versets 19-20.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 21). Après avoir guéri la maladie de la vaine gloire, Notre Seigneur
amène on ne peut plus naturellement son discours sur le mépris des richesses,
car rien ne les fait autant désirer que l’amour de la gloire. Pourquoi, en
effet, les hommes recherchent-ils avec ardeur cette foule de serviteurs et
ces chevaux couverts d’or et ces tables toutes d’argent ? Ce n’est ni
pour leur nécessité, ni pour leur plaisir, mais uniquement pour les étaler
aux yeux de la multitude. C’est contre cette passion des richesses que Notre
Seigneur s’élève en disant: « Ne vous faites pas de trésors sur la
terre. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 2). Si quelqu’un se
propose pour motif de sa conduite un intérêt temporel, son cœur ne peut
demeurer pur en se traînant ainsi sur la terre. Car on dégrade sa nature
quand on l’unit à une nature inférieure, bien que cette nature ne soit pas
souillée dans son espèce. Est-ce que par exemple l’argent, quoique pur
lui-même, ne ternit pas l’or auquel on le mêle ? Ainsi, notre âme est
souillée par le désir des choses terrestres, bien que la terre soit pure en
elle-même dans son genre. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) ou peut encore donner cette
explication; Notre Seigneur, dans ce qui précède, n’a donné aucun précepte
positif de l’aumône, de la prière, du jeûne; il s’est contenté de combattre
la fausse apparence de ces vertus. Il déduit maintenant les conséquences de
sa doctrine qui correspondent à ces trois points: la première regarde
l’aumône: « N’amassez pas de trésors sur la terre,» où d’abord il
donne le conseil de pratiquer l’aumône; voici donc la suite de son discours: « Lorsque
vous faites l’aumône, ne faites pas sonner de la trompette devant
vous, »; ensuite: « N’amassez pas de trésors sur la
terre » ; secondement, il démontre l’utilité de l’aumône, et en
troisième lieu il combat la crainte de la misère qui pourrait entraver la
volonté prête à secourir le pauvre. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
21). Après
ces paroles: « Ne vous amassez pas de trésors sur la terre, » il ajoute: « où la rouille et
les vers les consument, » nous
apprenant ainsi combien sont nuisibles les trésors de la terre, et de quelle
utilité, au contraire, sont les trésors du ciel; et il apporte à l’appui de
son raisonnement le lieu [où sont ces trésors] et ce qu’ils renferment de
nuisible, comme s’il disait: Que craignez-vous que votre argent ne s’épuise,
si vous le donnez en aumône ? Faites donc l’aumône, et Dieu ajoutera à
ce que vous avez déjà, car ce sont les trésors du ciel qui vous seront
donnés. Si vous refusez de donner, vous perdez tout; il ne dit pas: vous les
laissez à d’autres, car cela même est une satisfaction pour les hommes. — Raban : Notre Seigneur
indique ici trois diverses manières dont les richesses peuvent se perdre en
rapport avec leur nature, l’or et l’argent par la rouille, les vêtements par
les vers. Quant aux richesses qui ne craignent ni la rouille ni les vers,
comme les pierres précieuses, il indique une cause générale de danger et de
perte: ce sont les voleurs qui peuvent nous ravir toute sorte de richesses. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Une autre version porte: Les
vers et le manger les consument, car tous les biens de ce monde périssent de
ces trois manières: ou bien ils vieillissent d’eux-mêmes et sont rongés par
les vers, comme les vêtements; ou bien ils sont dévorés par leurs maîtres
amis du plaisir; ou bien ils deviennent la proie des étrangers qui s’en
emparent à l’aide de la ruse, de la violence, de la calomnie ou de tout autre
moyen injuste. Or, tous ceux qui les enlèvent ainsi sont appelés voleurs,
parce que c’est l’iniquité qui les pousse à s’approprier les biens des
autres. Mais, me direz-vous, est-ce que tous ceux qui sont en possession de
ces biens les perdent ? Je réponds: Si ce n’est tous, un grand nombre du
moins. Quant aux richesses que vous gardez par un motif coupable, si vous ne
les perdez pas matériellement, vous les perdez au moins spirituellement,
puisqu’elles vous deviennent complètement inutiles pour le salut. — Raban
: Dans le sens allégorique, la rouille signifie
l’orgueil qui ternit l’éclat des vertus; les vers, c’est l’envie qui met pour
ainsi dire en pièces les bonnes résolutions et détruit ainsi l’étroite
liaison qui forme l’unité chrétienne. Les voleurs, ce sont les hérétiques et
les démons, toujours prêts à nous dépouiller des biens spirituels. —
Saint Hilaire : La gloire céleste au contraire est
éternelle; ni le voleur ne peut s’en emparer par adresse, ni les vers, ni la
rouille de l’envie ne peuvent la consumer. C’est pour cela que Notre Seigneur
ajoute: « Faites-vous des trésors dans le ciel, où ni la rouille, ni les vers
ne les consument, et où il n’y a point de voleurs qui les déterrent et les
dérobent. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 13 ou 21). Il ne
faut pas entendre ici le ciel dans un sens matériel, car tout ce qui est
corporel doit être considéré comme de même nature que la terre. Or, tout
l’univers est digne de mépris aux yeux de celui qui amasse des trésors pour
le ciel dont il est dit (Ps 113): « Le
ciel des cieux appartient au Seigneur, » c’est-à-dire pour le
firmament des esprits. Le ciel et la terre passeront (Mt 24, 35; Mc 13, 31; Lc 21, 33); or, ce n’est pas dans ce
qui passe que nous devons placer notre trésor, c’est-à-dire notre cœur, mais
dans ce qui demeure éternellement. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Que vaut-il donc mieux pour
nous, ou de placer notre trésor sur la terre, où il est fort douteux que nous
puissions le conserver, ou de le placer dans le ciel, où la conservation nous
en est assurée ? Quelle est donc cette folie de laisser ce trésor dans
un lieu que vous devez quitter et de ne pas l’envoyer par avance dans la
patrie vers laquelle vous vous dirigez. Placez donc vos richesses là où vous
avez votre patrie. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
21). Cependant,
comme il y a des trésors de ce monde qui sont inaccessibles à la rouille, aux
vers et aux voleurs, le Seigneur propose cette autre considération: « Où
est votre trésor, là est votre cœur, » paroles qui reviennent à dire: Supposez que vous n’ayez à
craindre aucune des pertes signalées plus haut, vous éprouverez un immense
dommage en restant attachés à ces choses si basses, en vous rendant leurs
esclaves, en perdant tout droit aux biens du ciel, en devenant incapable
d’aucune pensée élevée. —
Saint Jérôme : Tels sont les sentiments que nous
devons avoir à l’égard non-seulement de l’argent, mais encore de tous les
biens qui peuvent venir en notre possession. En effet, le dieu de
l’intempérant, c’est son ventre; le trésor de l’impudique, c’est la débauche;
celui du voluptueux, les passions. Chacun devient l’esclave de la passion qui
le domine; il a donc son cœur là où est son trésor. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Dans un autre sens, Notre Seigneur fait voir ici l’utilité de l’aumône. Celui qui place ses richesses sur la terre n’a plus rien à espérer dans le ciel. Pourquoi jeter ses regards vers le ciel où il ne place aucune réserve ? Il commet donc un double péché, d’abord parce qu’il amasse des richesses pernicieuses, et ensuite parce que son cœur est attaché à la terre. Par une raison contraire, celui qui place son trésor dans le ciel fait une action doublement méritoire. |
Lectio 15 [85412] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 15 Chrysostomus in Matth. Postquam
fecit mentionem de intellectu in servitutem redacto et captivato, quia hoc
non multis facile cognoscibile erat, ad exteriorem doctrinam transponit
dicens lucerna corporis tui est oculus tuus; ac si dicat: si non nosti quid
est iactura intellectus, a corporalibus hoc disce: quod enim est oculus
corpori, hoc est intellectus animae. Sicut ergo oculis orbatis multum operationis
reliquorum membrorum amittitur, lumine eis extincto, ita et mente corrupta,
multis malis vita tua impletur. Hieronymus. Hoc ergo totum transfert ad
sensum: quomodo enim corpus totum est in tenebris, si oculus non fuerit
simplex, ita si anima principalem fulgorem suum perdiderit, universus sensus,
vel sensualis pars animae in caligine commorabitur: unde dicitur si ergo
lumen quod in te est, tenebrae sint, ipsae tenebrae quantae erunt? Idest, si
sensus, qui lumen est animae, vitio caligatur, ipsa putas caligo quibus
tenebris obvolvetur? Chrysostomus super Matth. Videtur autem quod
non de corporali oculo hic loquatur, nec de hoc corpore quod videtur deforis;
alioquin dixisset: si oculus tuus sanus fuerit aut infirmus; nunc autem dicit
simplex et nequam. Si autem benignum oculum habet et infirmum, numquid corpus
eius in lumine est? Aut si malignum et sanum, numquid corpus eius in tenebris
est? Hieronymus. Sed solent lippientes lucernas
videre numerosas; simplex autem oculus et purus simplicia intuetur et pura.
Chrysostomus super Matth. Vel dicitur oculus
non a foris sed ab intus. Lucerna enim est mens, per quam anima videt Deum.
Qui ergo cor habet ad Deum, illius oculus lucidus est; idest illius mens
munda est, non terrenis concupiscentiis sordidata. Tenebrae autem in nobis
sunt sensus carnales, qui semper desiderant quae sunt tenebrarum. Qui ergo
habet oculum mundum, idest mentem spiritualem, corpus suum servat lucidum,
idest sine peccato: etsi enim caro desiderat mala, virtute tamen divini timoris
repercutit eam. Qui autem habet oculum, idest mentem, aut malignitate
tenebrosam, aut concupiscentia turbulentam, tenebrosum possidet corpus: non
enim resistit carni quando concupiscit perversa, quia non habet spem in
caelo, quae praestat nobis virtutem ut concupiscentiis resistamus. Hilarius in Matth. Vel aliter. De officio
luminis oculi, lumen cordis expressit: quod si simplex et lucidum manebit,
claritatem aeterni luminis corpori tribuet, et splendorem originis suae
corruptioni carnis infundet, scilicet in resurrectione; si autem obscurum
peccatis et voluntate erit nequam, vitiis mentis natura corporis subiacebit.
Augustinus de Serm. Dom. Vel aliter. Oculum
hic accipere debemus intentionem nostram; quae si munda fuerit et recta,
omnia opera nostra, quae secundum eam operamur, bona sunt: quae quidem omnia
totum corpus appellavit, quia et apostolus membra nostra dicit quaedam opera,
ubi ait: mortificate membra vestra, fornicationem et immunditiam. Non ergo
quid quisque faciat, sed quo animo faciat considerandum est. Hoc est enim
lumen in nobis, quia hoc nobis manifestum est bono animo nos facere quod
facimus. Omne enim quod manifestatur, lumen est. Ipsa vero facta, quae ad
hominum societatem procedunt, incertum nobis habent exitum; et ideo tenebras
eas vocavit: non enim novi cum pecuniam porrigo indigenti, quid sit inde
facturus. Si ergo ipsa cordis intentio, quae tibi nota est, sordidatur
appetitu temporalium rerum, magis ipsum factum, cuius incertus est exitus,
sordidum erit; quia etsi bene alicui proveniat quod tu non recta intentione
facis, quomodo tu feceris imputabitur tibi, non quomodo illi provenerit. Si
autem simplici intentione, idest fine caritatis, opera nostra fiant, tunc
munda sunt, et placent in conspectu Dei. Augustinus contra mendacium. Sed ea quae
constat esse peccata, nulla velut bona intentione facienda sunt: ea quippe
opera hominum si causas habuerint bonas vel malas, nunc sunt bona nunc mala,
quae non sunt per seipsa peccata; sicut victum praebere pauperibus bonum est,
si fiat misericordiae causa; malum autem si fiat causa iactantiae. Cum vero
opera ipsa peccata sunt, ut furta, stupra et huiusmodi, quis dicat causis
bonis esse facienda, vel peccata non esse? Quis dicat: furemur divitibus, ut
habeamus quid demus pauperibus? Gregorius Moralium. Vel aliter. Si lumen quod
in te est, idest, si hoc quod nos bene agere coepimus, ex mala intentione
offuscamus, ipsa quae mala esse non ignoramus, etiam cum facimus, quantae
tenebrae sunt? Remigius. Vel aliter. Fides lucernae
assimilatur, quia per eam egressus interioris hominis, idest actio,
illuminatur ne offendat: secundum illud Ps. 118, 105: lucerna pedibus meis
verbum tuum; quae si fuerit munda et simplex, totum corpus lucidum erit; si
vero sordida, totum corpus erit tenebrosum. Vel aliter. Per lucernam
intelligitur rector Ecclesiae, qui bene oculus dicitur, quia salutaria plebi
subiectae providere debet, quae per corpus intelligitur. Si ergo rector
Ecclesiae erraverit, quanto magis errabit populus ei subiectus? |
Versets 22-23.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 21). Le Seigneur vient de parler de l’intelligence réduite en
captivité et soumise à l’esclavage; mais cette doctrine n’était pas facile à
comprendre pour un grand nombre; il prend donc les choses extérieures comme
terme de comparaison: « La lampe
de votre corps c’est votre oeil », c’est-à-dire: Si vous ne
comprenez ce que c’est que de perdre son intelligence, apprenez le par cet
exemple tiré du corps. Ce que votre oeil est à votre corps, votre
intelligence l’est à votre âme. Or, de même que la privation de la vue enlève
aux autres membres une grande partie de leur action, parce qu’ils ont perdu
la lumière qui les éclairait, ainsi la corruption de votre intelligence
plonge votre vie tout entière dans un abîme de maux. —
Saint Jérôme : Toute cette comparaison a pour objet
de rendre le sens plus clair; de même en effet que le corps tout entier sera
dans les ténèbres, si l’oeil a cessé de voir correctement, ainsi que l’âme
vienne à perdre sa principale lumière, tous les sens (ou si l’on veut la
partie sensible de l’âme) demeureront dans l’obscurité. Ce qui fait ajouter à
Notre Seigneur: « Si la lumière
qui est en vous n’est que ténèbres, combien seront grandes les ténèbres
elles-mêmes ? » C’est-à-dire si l’intelligence, qui est la
lumière de votre âme, est obscurci par le vice, combien ce qui est obscur
sera lui-même enveloppé de ténèbres ? —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Il est évident que le Seigneur ne veut point parler ici de l’oeil
matériel ni de ce corps qui se voit au dehors, autrement il se serait exprimé
de la sorte: « Si votre oeil
est sain ou malade, » tandis qu’il dit au contraire: « Si votre
oeil est simple ou mauvais. » Qu’on
ait un oeil bienveillant, mais malade, le corps en verra-t-il plus clair ?
Qu’on ait, au contraire, un oeil mauvais, mais sain, le corps en sera-t-il
pour cela dans les ténèbres ? —
Saint Jérôme : Ceux dont les yeux sont malades
voient des lumières multiples; l’oeil simple et pur, au contraire, voit tous
les objets dans leur pureté et leur simplicité. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien il s’agit ici
exclusivement de l’oeil non pas extérieur, mais intérieur. Cette lampe, c’est
l’intelligence par laquelle notre âme voit Dieu. Donc celui dont le cœur est
en Dieu a un oeil lumineux, c’est-à-dire que son âme est pure, et n’est point
ternie par les désirs de la terre. Les ténèbres qui sont en nous, ce sont les
sens de la chair qui se portent toujours vers les oeuvres de ténèbres. Celui
dont l’oeil est pur, c’est-à-dire dont l’âme est toute spirituelle, conserve
son corps lumineux, c’est-à-dire sans péché, car bien que la chair désire le
mal, il réprime ces désirs par la force que lui donne la crainte de Dieu.
Celui, au contraire, qui a l’oeil mauvais, c’est-à-dire dont l’âme est
obscurcie par la malice ou troublée par la concupiscence, a nécessairement
son corps dans les ténèbres. Il ne sait pas résister à la chair lorsqu’elle
convoite le mal, car il ne nourrit pas dans son cœur cette espérance des
cieux qui nous revêt d’une force invincible pour résister à nos passions. — Saint Hilaire : ( —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien encore, nous
devons comprendre cet oeil comme étant notre intention. Si elle est pure et
droite, toutes les oeuvres qu’elle dirige seront bonnes. Or, ce que nous
faisons, c’est notre corps ; en effet l’Apôtre appelle certaines oeuvres
nos membres dans ce passage: « Mortifiez
les membres de l’homme terrestre qui est en vous, la fornication,
l’impureté » (Col 3, 5) Ce qu’il faut considérer dans la vie
d’un homme, ce ne sont donc pas ses actions, mais ses intentions; car c’est
l’intention qui est la lumière de notre âme, puisque nous pouvons savoir
clairement si nous agissons avec une bonne intention, et que « tout ce qui est évident est
lumière. » (Ep 5) Quant
aux actions qui sont une conséquence de nos rapports avec les autres hommes,
leur résultat est pour nous incertain, et c’est pour cela que Notre Seigneur
les appelle ténèbres. Par exemple, lorsque je donne de l’argent à un pauvre,
puis-je savoir l’usage qu’il en va faire ? Si donc l’intention de votre
cœur, qui vous est connue, vient à être ternie par des désirs terrestres, à
plus forte raison cette action dont vous ignorez le résultat. Même si, en
effet, le bien que vous avez fait avec une mauvaise intention soit utile à un
autre, vous serez jugé sur le motif qui vous a fait agir et non sur le
résultat de votre action. Si au contraire nos actions sont faites dans une
intention simple, c’est-à-dire dans un but de charité, alors elles sont pures
et agréables à Dieu. —
Saint Augustin : (cont. le Mens., chap. 7.) Il y a des
actions qui sont évidemment des péchés, on ne doit jamais les faire même avec
une bonne intention; il en est qui ne sont point par elles-mêmes péchés, qui
sont indifférentes et deviennent bonnes ou mauvaises, selon le motif bon ou
mauvais qui les détermine; ainsi nourrir les pauvres, c’est une bonne action
si on la fait par un principe de miséricorde, c’est une mauvaise action si on
la fait pour satisfaire sa vanité. Quand des actions sont évidemment des péchés
en elles-mêmes, comme le vol, les crimes contre la pudeur et autres de ce
genre, qui oserait dire qu’on peut les faire pour un bon motif, sans qu’il y
ait aucune faute ? Qui oserait dire: « Volons les riches, pour
avoir de quoi donner aux pauvres. » —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 28.) Ou bien encore: « Si la lumière qui est en vous », c’est-à-dire, si une intention droite
et bonne au commencement de notre action vient à l’obscurcir en devenant
elle-même mauvaise, combien seront ténébreuses les actions dont nous ne
pouvons nous dissimuler le mal lorsque nous les faisons ? — Saint Rémi : Ou bien c’est la foi qui est ici comparée à une lampe; car c’est elle qui éclaire les pas de l’homme intérieur (c’est-à-dire ses actions), pour les préserver de tout danger selon cette parole du Psalmiste (Ps 118): « Votre parole, Seigneur, est un flambeau pour mes pas. » Si donc notre foi est pure et simple, tout notre corps sera lumineux; si elle est obscure, il sera tout entier dans les ténèbres. Ou bien enfin, par la lumière il faut entendre celui qui est chargé de diriger l’Église, et c’est avec raison qu’il est appelé l’oeil du corps, car il est chargé de veiller à ce que le peuple qui lui est soumis, et qui est ici figuré par le corps, reçoive les choses qui peuvent être utiles à son salut. Si donc celui qui gouverne l’Église vient à s’égarer, combien plus le peuple qui est sous sa conduite sera exposé à une perte certaine. |
Lectio 16 [85413] Catena in Mt., cap.
6 l. 16 Chrysostomus super Matth. Superius
dixerat dominus, quod qui habet mentem spiritalem, ille potest corpus suum
servare sine peccato; qui autem non habet, non potest; cuius rationem
subiungit, dicens nemo potest duobus dominis servire. Glossa. Vel aliter. Quia dictum est supra quod
propter intentionem temporalium, bona mala fiunt; unde posset aliquis dicere:
ego faciam bona et propter temporalia et propter caelestia. Contra quod
dominus ait nemo potest duobus dominis servire. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. In
anterioribus, avaritiae compressit tyrannidem per multa et magna; sed adhuc
alia apponit ampliora. Non enim in hoc solum nobis nocent divitiae quod
latrones adversus nos armant, et quod intellectum obtenebrant; sed etiam a
servitute Dei nos expellunt. Et hoc probat a communibus conceptionibus,
dicens nemo potest duobus dominis servire; duos autem dicit qui contraria
iniungunt: concordia enim multos unum facit: quod ostenditur per hoc quod
subdit aut enim unum odio habebit. Ideo autem duo ponit, ut monstret facilem
esse transmutationem ad melius. Si enim dicas: servus factus sum pecuniarum,
amando scilicet eas, monstrat quod possibile est aliud venire; scilicet non
sustinendo servitutem, sed contemnendo. Glossa. Vel duo tangere videtur servientium
genera. Quidam enim serviunt liberaliter ex amore, quidam serviliter ex
timore. Si ergo aliquis ex amore serviat uni contrariorum dominorum, necesse
est ut alterum odio habeat; si vero ex timore serviat, necesse est ut dum
unum sustinet, alterum contemnat. Res autem terrena, vel Deus, si in corde
hominis dominetur, ad contraria ex utroque trahitur homo: nam Deus trahit ad
superiora sibi servientem, res vero terrena ad inferiora; et ideo quasi
concludens subdit non potestis Deo servire et mammonae. Hieronymus. Mammona sermone Syriaco divitiae
nuncupantur. Audiat ergo hoc avarus, qui censetur vocabulo Christiano, non
posse se simul divitiis Christoque servire. Et tamen non dixit: qui habet
divitias; sed: qui servit divitiis. Qui enim divitiarum servus est, divitias
custodit ut servus; qui autem servitutis excussit iugum, distribuit eas ut
dominus. Glossa. Per mammonam etiam intelligitur
Diabolus, qui praeest divitiis; non quod possit eas dare, nisi quando Deus
permittit; sed quia per eas homines fallit. Augustinus de Serm. Dom. Qui enim servit
mammonae, idest divitiis, illi utique servit qui rebus istis terrenis merito
suae perversitatis praepositus, princeps huius saeculi a domino dicitur. Vel aliter. Qui sint duo domini, ostendit cum
dicitur non potestis Deo servire et mammonae, scilicet Deo et Diabolo. Aut
ergo hunc odio habebit homo, et alterum diliget, idest Deum; aut alterum
patietur, et alterum contemnet. Patitur enim durum dominum quisquis servit
mammonae: sua enim cupiditate implicatus subditur Diabolo, et non eum
diligit. Sicut qui ancillae alienae coniunctus est propter concupiscentiam,
duram patitur servitutem, etsi non diligat eum cuius ancillam diligit. Dixit
autem alterum contemnet, non: odio habebit; nullus enim vera conscientia Deum
potest odisse. Contemnit autem, idest non timet eum, cum quasi de eius
bonitate securus est. |
Verset 24.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le Seigneur venait de dire que celui dont l’âme est soumise à
l’esprit peut conserver tout son corps à l’abri du péché, tandis que cela est
impossible à celui qui n’obéit pas à l’esprit, Il en donne maintenant la
raison: « Personne ne peut servir
deux maîtres. » — La Glose : Voici une autre
manière [de rattacher cette pensée à ce qui précède]: Notre Seigneur a
déclaré plus haut qu’une intention terrestre rendait mauvais ce qui était
bon. On pouvait en conclure qu’il était permis de faire le bien, en vue des
biens de la terre aussi bien qu’en vue des biens du ciel. Le Seigneur
détruit cette erreur en ajoutant: « Personne
ne peut servir deux maîtres à la fois. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22.) On peut encore donner cette
explication: Dans ce qui précède, le Seigneur a combattu la tyrannie de
l’avarice par des raisons fortes et nombreuses, il lui en oppose ici de plus
pressantes encore. En effet, les richesses nous sont nuisibles non seulement
en armant contre nous les voleurs et en répandant les ténèbres sur notre
intelligence, mais encore en nous arrachant au service de Dieu, ce que Notre
Seigneur prouve par cette maxime si connue: « Personne ne peut servir deux maîtres à la fois. » Il
dit : deux maîtres qui donnent des ordres contraires, car la bonne
intelligence ne fait qu’un seul homme de plusieurs. Pour le montrer, Notre
Seigneur ajoute : « Ou il haïra
l’un et aimera l’autre, ou il se soumettra à l’un et méprisera
l’autre. » Il met les deux maîtres en présence pour nous apprendre
que l’on peut facilement quitter le mauvais pour le bon. Vous dites par
exemple: « Je suis l’esclave des richesses par l’affection que j’ai pour
elles, » le Seigneur vous montre qu’il vous est possible de changer de
maître, en vous dérobant à cette servitude, et en n’ayant pour elle que du
mépris. — La Glose : Ou bien encore,
Notre Seigneur paraît ici faire allusion a deux espèces de servitude, l’une
qui est noble et naît de l’amour, l’autre qui est servile et qui vient de la
crainte. Si donc un chrétien sert par un principe d’amour l’un de ces deux
maîtres opposés, il faut nécessairement qu’il ait de la haine pour l’autre;
s’il agit au contraire par un motif de crainte, il ne peut supporter l’un
sans mépriser l’autre. Que ce soit un objet terrestre, que ce soit Dieu, si
l’un ou l’autre domine dans le cœur de l’homme, il se trouve entraîné dans
une direction contraire à l’un des deux, car Dieu attire son serviteur vers
les régions élevées, les choses de la terre l’entraînent vers la terre; et
voilà pourquoi il conclut en disant: « Vous
ne pouvez pas à la fois servir Dieu et l’argent. » —
Saint Jérôme : Mammon est un mot syriaque qui signifie
richesse. Que l’avare qui porte le nom de chrétien apprenne ici qu’il ne peut
à la fois servir Jésus-Christ et les richesses. Et remarquez que le Seigneur
ne dit pas: « Celui qui a des richesses, » mais « celui qui
est l’esclave des richesses, » car celui qui en est l’esclave les garde
comme fait un esclave; celui au contraire qui est affranchi de leur
servitude, les distribue comme en étant le maître. — La Glose : Par Mammon on peut entendre aussi le démon
qui a l’empire sur les richesses, non pas qu’il puisse les distribuer à son
gré, sans que Dieu le lui permette, mais parce qu’il les fait servir à
tromper les hommes. — Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 14 ou 22.) Celui qui est l’esclave de Mammon ou des richesses devient aussi l’esclave de celui qui par sa perversité a été préposé au gouvernement des choses de la terre, et appelé par le Seigneur le prince de ce monde. Ou bien encore par ces paroles: « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent, » le Seigneur nous montre quels sont les deux seigneurs, Dieu et le démon. Or il faut nécessairement que l’homme haïsse l’un et qu’il aime l’autre, c'est-à-dire Dieu ; qu’il se soumette à l’un et méprise l’autre. En effet celui qui est l’esclave de l’argent souffre une dure servitude, car enchaîné par sa cupidité, il subit l’esclavage du démon, mais il ne l’aime pas; de même que celui que sa passion unit à la servante d’un autre, est soumis à une cruelle servitude, sans qu’il ait aucune affection pour celui dont il aime la servante. Remarquez que le Seigneur dit: « et il méprisera l’autre », et non pas « il le haïra. » Car il n’est peut-être pas un homme qui puisse haïr Dieu dans sa conscience. Mais on peut le mépriser, c’est-à-dire ne pas le craindre lorsque sa bonté nous inspire une confiance présomptueuse. |
Lectio 17 [85414] Catena in Mt., cap. 6 l. 17 Augustinus
de Serm. Dom. Quia superius docuerat dominus, quod quisquis vult diligere
Deum, et cavere ne offendat, non se arbitretur duobus dominis posse servire,
ne forte quamvis iam superflua non quaerantur propter ipsa tamen necessaria
cor duplicetur, et ad ea deflectenda torqueatur intentio, subiungit dicens
ideo dico vobis: ne solliciti sitis animae vestrae quid manducetis, neque
corpori vestro quid induamini. Chrysostomus in Matth. Non hoc dicit, quod
anima cibo indigeat, incorporea est enim; sed secundum communem locutus est
consuetudinem: aliter enim non potest morari in corpore, nisi eo cibato. Augustinus. Vel animam in hoc loco pro
animali vita positam noverimus. Hieronymus. In nonnullis codicibus additum est
neque quid bibatis. Ergo quod omnibus natura tribuit, et iumentis et bestiis
hominibusque commune est, huius cura non penitus liberamur; sed praecipitur
nobis ne solliciti simus quid manducemus: quia in sudore vultus praeparamus
nobis panem: labor exercendus est, sollicitudo tollenda. Quod autem hic
dicitur, ne solliciti sitis, de carnali cibo et vestimento accipiamus;
ceterum de spiritualibus cibis et vestimentis spiritus debemus esse solliciti.
Augustinus de Haeres. Dicuntur autem Euchitae
quidam haeretici, opinantes monacho non licere, sustentandae vitae suae
causa, aliquid operari, atque ita seipsos profiteri ut omnino ab operibus
vacent. Augustinus de opere Monach. Inquiunt enim: non
de hoc opere corporali, in quo vel agricolae vel opifices laborant, praecepit
apostolus cum dixit: qui non vult operari, non manducet. Neque enim Evangelio
potuit esse contrarius, ubi ait dominus: ideo dico vobis: ne solliciti sitis.
In verbo ergo apostoli praedicto spiritualia
opera debemus accipere, de quibus alibi dicitur: ego plantavi, Apollo
rigavit. Et ita se arbitrantur apostolicae obtemperare
sententiae, cum Evangelium credunt de non curanda corporali vitae huius
indigentia praecepisse, et apostolum de opere et cibo spiritali dixisse: qui
non vult operari, non manducet. Prius ergo demonstremus apostolum opera
corporalia servos Dei operari voluisse. Praemiserat enim dicens: ipsi scitis
quomodo oporteat nos imitari; quia non inquieti fuimus inter vos neque panem
ab aliquo gratis manducavimus; sed in labore et fatigatione die ac nocte
laborantes, ne quem vestrum gravaremus; non quia non habuimus potestatem, sed
ut nosipsos formam daremus vobis, qua nos imitaremini. Nam et cum essemus
apud vos, hoc denuntiabamus vobis, quoniam si quis non vult operari, non
manducet. Quid ad hoc dici potest, quando exemplo suo docuit quid
praeceperit, scilicet corporaliter operando? Nam quod corporaliter
operaretur, ostenditur in actibus, ubi dicitur quod mansit cum aquila et
uxore eius Priscilla, opus faciens apud illos: erant enim tabernaculorum
artifices. Et tamen apostolo, tamquam praedicatori Evangelii, militi Christi,
plantatori vineae, pastori gregis, constituerat dominus ut de Evangelio
viveret; qui tamen stipendium sibi debitum non exegit, ut se formam daret eis
qui exigere indebita cupiebant. Audiant ergo qui non habent hanc potestatem quam
ille habebat, ut tantummodo spiritaliter operantes manducent panem a
corporali labore gratuitum. Si autem Evangelistae sunt, si ministri altaris,
si dispensatores sacramentorum, habent hanc potestatem, si saltem habebant
aliquid in saeculo, quo facile sine opificio sustentarent hanc vitam, quod
conversi ad Deum indigentibus dispartiti sunt, et credenda est eorum
infirmitas et ferenda. Nec attendendum in quo
loco hoc quod habebant impenderint, cum omnium Christianorum sit una
respublica. Sed qui veniunt ad professionem servitutis Dei ex
vita rusticana, et ex opificum exercitio et plebeio labore, si quo minus
operentur, excusari non possunt. Nullo enim modo decet ut in ea vita ubi
senatores fiunt laboriosi, ibi fiant opifices otiosi; et quo veniunt relictis
deliciis suis qui fuerunt praediorum domini, ibi sint rustici delicati. At
cum dominus ait nolite solliciti esse, non hoc dicit ut ista non procurent,
quantum necessitatis est, unde honeste poterunt; sed ut ista non intueantur,
et propter ista faciant quicquid in Evangelii praedicatione facere iubentur:
eam namque intentionem paulo superius oculum vocaverat. Chrysostomus in Matth. Vel potest aliter
continuari: cum enim docuisset dominus pecuniam despicere, ne aliqui
dicerent: qualiter poterimus vivere, si omnia proiecerimus? Subiungit dicens
ideoque dico vobis: ne solliciti sitis animae vestrae. Glossa. Idest, cura temporali ne retrahamini
ab aeternis. Hieronymus. Praecipitur ergo nobis ne
solliciti simus quid comedamus, quia in sudore vultus praeparamus nobis
panem: ergo labor exercendus est, sollicitudo tollenda. Chrysostomus super Matth. Non enim
sollicitationibus spiritualibus, sed laboribus corporalibus acquirendus est
panis, qui laborantibus pro praemio diligentiae, Deo praestante, abundat, et
negligentibus pro poena, Deo faciente, subducitur. Confirmat autem spem
nostram dominus; et primo de maiori ad minus descendit dicens nonne anima
plus est quam esca, et corpus plus quam vestimentum? Hieronymus. Qui maiora praestitit, utique et
minora praestabit. Chrysostomus super Matth. Nisi enim voluisset
conservari quod erat, non creasset; quod autem sic creavit ut per escam
servetur, necesse est ut det ei escam quamdiu vult esse quod fecit. Hilarius in Matth. Vel aliter. Quia corruptus circa futurorum curam infidelium sensus
est, calumniantium quae in resurrectione corporum species sit futura, quae in
substantia aeternitatis alimonia, ideo subsequenter dicitur nonne
anima plus est quam esca? Non enim patitur spem nostram futuri in
resurrectione cibi et potus et vestitus sollicitudine demorari; ne tanto
pretiosiora reddenti, corpus scilicet atque animam, contumelia in non
efficiendis levioribus inferatur. |
Verset 25.
— Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 22.) Notre Seigneur nous a enseigné plus haut que celui qui veut
aimer Dieu et éviter de l’offenser, ne doit pas se flatter de pouvoir servir
deux maîtres à la fois, dans la crainte que le cœur ne vienne à se partager
par la recherche non du superflu, mais du nécessaire, et que pour se le
procurer, l’intention ne soit détournée de sa véritable fin, il ajoute: « C’est pourquoi je vous le dis, ne
soyez pas inquiets pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni pour votre
corps de quoi vous le vêtirez ». —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 22.) En parlant ainsi le Seigneur ne
suppose pas que l’âme ait besoin de nourriture (car elle est incorporelle),
mais il se sert ici d’un langage commun; d’ailleurs l’âme ne peut rester dans
le corps qu’à la condition pour celui-ci de prendre de la nourriture. —
Saint Augustin : Ou bien nous comprenons que l’âme
est mise ici pour la vie animale. —
Saint Jérôme : Dans quelques exemplaires on lit
cette addition: « ni de ce que vous boirez. » Nous ne sommes donc
pas délivrés entièrement de tout soin en ce qui concerne les biens que la
nature accorde également à tous les êtres, et qui sont communs aux animaux
sauvages et domestiques aussi bien qu’aux hommes. Mais il nous est défendu
d’avoir de l’inquiétude à l’égard de notre nourriture. C’est à la sueur de
notre front que nous préparons notre pain; il faut pour cela du travail, mais
point de sollicitude. Ce qui est dit ici, c'est-à-dire de ne pas avoir
d’inquiétude, doit s’entendre de la nourriture et du vêtement de notre corps.
Quant aux vêtements et à la nourriture de l’âme, ils doivent être l’objet
constant de notre sollicitude. —
Saint Augustin : (des hérés., chap. 57.) On appelle Euchites (εØχιται) certains hérétiques
qui prétendent qu’il n’est pas permis à un moine de travailler pour le
soutien de sa vie, et qu’ils n’embrassent eux-mêmes l’état monastique que
pour s’affranchir de tout travail. —
Saint Augustin : (Du travail des moines, chap. 1.) Ils disent donc: ce n’est pas des
oeuvres corporelles auxquelles se livrent les laboureurs et les artisans dont
l’apôtre a voulu parler lorsqu’il a dit: « Celui
qui ne veut pas travailler ne doit pas manger » (2 Th 2), car il ne pouvait se mettre en
contradiction avec ces paroles du Seigneur dans l’Évangile: « C’est pourquoi je vous dis ne soyez
pas inquiets ». Le travail dont veut parler ici l’Apôtre, ce sont
donc les oeuvres spirituelles dont il a dit ailleurs: « J’ai planté, Apollos a arrosé. » Ces hérétiques
prétendent ainsi obéir à la fois à la recommandation de l’Évangile et à celle
de l’Apôtre, en soutenant que l’Évangile nous a commandé de ne point nous
inquiéter des besoins matériels de cette vie, et que c’est de la nourriture
et des oeuvres spirituelles que l’Apôtre a dit: « Que celui qui ne veut pas travailler ne mange point. »
Il faut donc leur démontrer tout d’abord que ce sont des oeuvres corporelles
que l’Apôtre a voulu recommander aux serviteurs de Dieu. Il venait de leur
dire précédemment: « Vous savez
vous-mêmes ce qu’il faut faire pour nous imiter, puisque nous n’avons point
causé de troubles parmi vous, nous n’avons mangé gratuitement le pain de
personne, mais nous avons travaillé nuit et jour pour n’être à charge à aucun
de vous, non pas que nous n’en eussions le droit, mais nous avons voulu vous
donner en nous un modèle à imiter. C’est pour cela que lorsque nous
étions auprès de vous, nous vous déclarions que celui qui ne veut pas
travailler ne doit pas manger ». Que peut-on répondre à des paroles
si claires, lorsque nous voyons l’Apôtre consacrer cette doctrine par son
exemple, c’est-à-dire par le travail de ses mains. Ne le voyons-nous pas en
effet travailler des mains dans ce passage des Actes des Apôtres (Ac 18), où il est dit: « Il resta auprès d’Aquila et de son épouse Priscilla et
travailla chez eux, car leur métier était de faire des tentes ? » Et
cependant le Seigneur avait établi que ce grand Apôtre, comme prédicateur de
l’Évangile, comme soldat du Christ, comme planteur de la vigne et pasteur du
troupeau, devait vivre de l’Évangile. Toutefois, il n’exigea pas le salaire
auquel il avait droit, pour donner dans sa personne un exemple sans réplique
à ceux qui étaient portés à exiger ce qui ne leur était pas dû. Qu’ils prêtent donc l’oreille ceux qui n’ont
pas le pouvoir dont l’Apôtre était revêtu, et qui ne pouvant présenter qu’une
oeuvre spirituelle, voudraient manger un pain qu’ils n’ont gagné par aucun
travail corporel. Ils ont ce droit, s’ils sont prédicateurs de l’Évangile, ou
ministres de l’autel, ou dispensateurs des sacrements. Si du moins ils
possédaient dans le monde des biens qui pouvaient les faire vivre facilement
sans travail, et qu’au moment de leur conversion à Dieu, ils les aient
distribués aux pauvres, il faut croire à leur faiblesse et la supporter, sans
faire attention à l’endroit qui a profité de leurs dons, puisque les
chrétiens ne forment entre eux qu’une seule société. Mais quant à ceux qui
viennent des champs, ou de l’atelier, ou d’une profession vulgaire pour se
consacrer à Dieu dans l’état religieux, ils n’ont aucune excuse pour se
dispenser du travail des mains. Est-il convenable que les artisans restent
oisifs là où les sénateurs se livrent au travail ? Convient-il que des
campagnards soient délicats là où les possesseurs de grands domaines ne
viennent qu’après avoir quitté toutes les jouissances de la terre ?
Ainsi lorsque Notre Seigneur a dit: « Ne
soyez pas inquiets, » son dessein n’est pas qu’on ne puisse chercher
à se procurer les biens indispensables à une vie honnête, mais il défend
d’avoir l’oeil fixé constamment sur ces biens, et que les prédicateurs de
l’Évangile n’en fassent le but de leurs travaux évangéliques, car c’est cette
intention qu’il avait appelée plus haut l’oeil du corps. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
22.) On
peut encore établir autrement la liaison des paroles du Seigneur. Comme il
venait d’enseigner le mépris des richesses, on pouvait donc dire:
« Comment pourrons-nous vivre si nous abandonnons tout ce que nous
possédons ? » Il répond
en ajoutant: « C’est pourquoi je
vous dis: Ne vous laissez pas préoccuper pour votre âme ». — La Glose : c'est-à-dire, par les soins temporels qui vous détourneraient des biens de
l’éternité. —
Saint Jérôme : Il nous est défendu d’avoir de
l’inquiétude à l’égard de notre nourriture, car c’est à la sueur de notre
front que nous devons assurer notre pain. Il faut donc du travail, mais point
de sollicitude. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ce ne sont pas les
préoccupations de l’esprit, mais le travail de nos bras qui doit nous
procurer notre pain; Dieu le donne libéralement à ceux qui travaillent comme
récompense, mais il le retire aux négligents pour les punir. Le Seigneur
affermit notre espérance à cet égard, premièrement, par ce raisonnement du
plus au moins, en disant: « Est-ce
que la vie n’est pas plus que la nourriture et le corps plus que le
vêtement ? » —
Saint Jérôme : Celui qui vous a donné les choses les
plus élevées vous refuserait-il celles qui sont de moindre importance ? —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) S’il n’avait pas voulu
conserver les êtres qui existent, il ne les aurait pas créés. Or, en leur
donnant l’existence, il a établi qu’elles se conserveraient au moyen de la
nourriture; il doit donc leur procurer cette nourriture, tant qu’il veut que
se prolonge l’existence qu’il leur a donnée. — Saint Hilaire : Ou bien encore, comme les pensées des infidèles sont perverties à l’égard des choses de l’autre vie et qu’ils demandent avec mauvaise foi quelle sera la forme de nos corps à la résurrection, quelle sera leur nourriture pendant l’éternité, le Seigneur ajoute par conséquent: « Est-ce que l’âme n’est pas plus que la nourriture ? » Il ne veut pas que l’espérance que nous avons de la résurrection s’arrête à ces inquiétudes sur le manger, le boire et le vêtement; il ne veut pas qu’on lui fasse outrage en le croyant incapable de nous accorder ces choses si minimes, alors qu’il nous rendra et notre corps et notre âme. |
Lectio 18 [85415] Catena in Mt.,
cap. Augustinus de opere Monach. Quidam se dicunt
propterea operari non debere, quia nec volucres caeli seminant neque metunt.
Cur ergo non attendunt quod sequitur neque congregant in horrea? Cur ergo
isti manus otiosas et plena repositoria volunt habere? Cur denique molunt et
coquunt? Haec enim aves non faciunt. Aut si reperiunt quibus hoc persuadeant,
ut eis per singulos dies escas afferant praeparatas, saltem sibi de fontibus
aquam afferunt et reponunt, quod volatilia non faciunt. Sed si nec aqua sibi
vasa coguntur implere, et iam illos qui tunc erant Hierosolymae novo gradu
iustitiae supergressi sunt, qui de misso sibi ex gratia frumento panem
fecerunt, aut facere curaverunt; quod aves non faciunt. Non possunt autem
ista servare, ut scilicet nihil in crastinum reponant, qui se per multos dies
a conspectu hominum separatos, et nulli ad se praebentes accessum, includunt
seipsos, viventes in magna intentione orationum. An forte quo sunt
sanctiores, eo sunt volucribus dissimiliores? Quod ergo dicit de volatilibus
caeli, ad hoc dicit, ne quisquam putet Deum servorum suorum necessaria non
curare, cum eius providentia usque ad ista gubernanda perveniat. Neque enim non ipse pascit eos qui manibus
operantur; neque etiam quia Deus dixit: invoca me in die tribulationis, et
eruam te, non debuit fugere apostolus, sed expectare ut comprehenderetur, et
eum Deus sicut tres pueros, de mediis ignibus liberaret. Sicut enim qui
fugientibus sanctis huiusmodi quaestionem obiiceret, responderunt non se
oportuisse tentare Deum, sed tunc talia Deum, si vellet, esse facturum, ut
eos liberaret, sicut Danielem a leonibus et Petrum a vinculis, cum ipsi quid
facerent non haberent; cum vero eis fugam in potestatem dedisset, etiam si
liberarentur per illam, non nisi ab ipso liberari: sic servis Dei valentibus
manibus suis victum transigere, si ex Evangelio moverit quaestionem de
volatilibus caeli, quae non seminant, neque metunt, facile respondebunt: si
nos per aliquam infirmitatem vel occupationem non possumus operari, ille nos
pascet sicut aves, quae nihil operantur. Cum autem possumus, non debemus
tentare Deum, quia haec quae possumus, eius munere possumus; et cum hic
vivimus, illo largiente vivimus qui largitus est ut possimus; et ille nos
pascit a quo aves pascuntur, sicut dicitur et pater vester caelestis pascit
illa. Nonne vos magis pluris estis illis? Augustinus de Serm. Dom. Idest carius vos
valetis; quia rationale animal, sicut est homo, sublimius ordinatur in rerum
natura quam irrationalia, sicut sunt aves. Augustinus de Civ. Dei. Plerumque tamen carius
comparatur equus quam servus, et gemma quam famula, non ratione
considerantis, sed necessitate indigentis, seu voluptate cupientis. Chrysostomus super Matth. Omnia enim animalia
Deus propter hominem fecit, hominem autem propter se; quanto ergo pretiosior
est hominis creatio, tanto maior est Dei sollicitudo de ipso. Si ergo aves
non laborantes inveniunt escas, homo non inveniet, cui Deus dedit et operandi
scientiam et fructificandi spem? Hieronymus. Sunt autem quidam qui dum volunt
terminos patrum excedere et ad alta volitare, in ima merguntur. Volatilia
caeli Angelos esse volunt, ceterasque in Dei ministerio fortitudines, quae
absque sui cura, Dei aluntur providentia. Si hoc itaque est, ut intelligi
volunt, quomodo sequitur dictum ad homines nonne vos magis pluris estis illis?
Simpliciter ergo accipiendum, quod si volatilia absque cura et aerumnis, Dei
aluntur providentia, quae hodie sunt et cras non erunt, quanto magis homines,
quibus aeternitas repromittitur? Hilarius in Matth. Potest autem dici, quod sub
nomine volucrum, exemplo nos immundorum spirituum hortatur, quibus sine
aliquo negotio quaerendi et congregandi, vivendi tamen tribuitur de aeterni
consilii potestate substantia; atque ut ad immundos istud spiritus referatur,
opportune adiecit nonne vos pluris estis illis? De comparationis praestantia
differentiam nequitiae et sanctitatis ostendens. Glossa. Non solum autem exemplo avium, sed
experimento docet, quod ad hoc quod sumus et vivimus, nostra cura non
sufficit, sed divina providentia operatur, dicens quis autem vestrum cogitans
potest adicere ad staturam suam cubitum unum? Chrysostomus super Matth. Deus enim est qui
per singulos dies incrementa corporis tui facit, te non intelligente. Si ergo
in teipso quotidie Dei providentia operatur, quomodo in necessariis tuis
cessabit? Si autem vos cogitando modicam partem corpori vestro addere non
potestis, quomodo cogitando salvandi estis in toto? Augustinus de Serm. Dom. Vel potest referri ad
sequentia; ac si diceret: non esse cura nostra factum ut ad hanc staturam
veniret corpus nostrum; ex hoc intelligi potest quod si velletis adiicere
unum cubitum, non possetis. Illi ergo tegendi corporis curam relinquite,
cuius curam factum est ut esset tantae staturae. Hilarius in Matth. Vel aliter. Sicut fidem
vitalis substantiae nostrae de documento spirituum firmavit, ita opinionem
futuri habitus iudicio communis intelligentiae dereliquit. Cum enim
universorum corporum quae vitam hauserunt, diversitatem in unum perfectum
virum sit excitaturus, solusque potens sit ad uniuscuiusque proceritatem
cubitum unum et alterum tertiumve praestare; de vestitu, idest de specie
corporum, cum eius contumelia ambigimus, qui ut aequalem omnem hominem
efficiat, tantum mensurae est humanis corporibus additurus. Augustinus de Civit. Dei. Sed si Christus in
ea mensura corporis in qua mortuus est, resurrexit, nefas est dicere, cum
resurrectionis omnium tempus venerit, accessuram corpori eius eam
magnitudinem quam non habuit, quando in ea discipulis, in qua notus erat,
apparuit, ut longissimis fieri possit aequalis. Si autem dixerimus ad
dominici corporis modum, etiam minorum maiorumque corpora redigenda, peribit
de multorum corporibus perplurimum, cum ipse nec capillum periturum esse
promiserit. Restat ergo ut quisque recipiet suam mensuram, quam vel habuit in
iuventute, si senes est mortuus, vel fuerat habiturus, si est ante defunctus.
Et ideo non est dictum ab apostolo: in mensuram staturae, sed: in mensuram
aetatis plenitudinis Christi; quia resurgent corpora mortuorum in iuvenili aetate
et robore, ad quam Christum pervenisse cognovimus. |
Versets 26-27.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Notre Seigneur vient d’affermir notre espérance par une raison du
plus au moins, il la confirme maintenant par un argument du moins au plus: « Considérez les oiseaux du ciel, ils
ne sèment ni ne moissonnent. » —
Saint Augustin : (Du travail des moines, chap. 23.) Il en est
qui prétendent n’être pas obligés au travail, parce que, disent-ils, les
oiseaux du ciel ne sèment ni ne moissonnent. Pourquoi donc ne pas faire
attention à ce qui suit: « Et ils
n’amassent rien dans les greniers ? » Pourquoi veulent-ils
avoir les mains oisives et leurs greniers pleins ? Pourquoi moudre leur
blé et cuire leur pain ? Car les oiseaux du ciel ne le font pas. S’ils
trouvent des personnes qu’ils persuaderont de leur apporter chaque jour leur
nourriture toute préparée, encore faudra-t-il qu’ils se procurent eux-mêmes
de l’eau en allant la puiser à une fontaine, ce que les oiseaux ne font pas.
S’ils ne sont même pas obligés à remplir d’eau leurs vases, ils ont vraiment
un degré de perfection de plus que les fidèles de Jérusalem qui, ayant reçu
le blé qui leur était envoyé gracieusement, ont pris soin d’en faire du pain
ou au moins d’en faire préparer, ce que ne font pas les oiseaux. On ne peut
pas assujettir à ne rien réserver pour le lendemain ceux qui se séparent pour
longtemps du commerce des hommes sans aucune relation avec eux, et qui
s’enferment pour vivre appliqués tout entiers à la prière. On peut dire même
que plus leur perfection est grande, plus leur conduite diffère de celle des
oiseaux. Si donc Notre Seigneur prend les oiseaux [pour terme de comparaison],
c’est pour que personne ne pense que Dieu puisse refuser le nécessaire à ses
serviteurs, puisque sa providence s’étend jusqu’à s’occuper des oiseaux. Car
il ne faut pas croire que ce n’est pas Dieu lui-même qui nourrit ceux qui
travaillent de leurs propres mains. Ainsi, parce que Dieu dit: « Invoquez-moi au jour de la
tribulation et je vous en délivrerai », on ne doit pas en conclure
que l’Apôtre ne devait pas recourir à la fuite, mais qu’il devait attendre
qu’il fût saisi et que Dieu vînt le délivrer, comme il avait délivré les
trois jeunes hommes de la fournaise. Les saints pourraient répondre à ceux
qui leur feraient cette difficulté, qu’ils ne doivent pas tenter Dieu, mais
que c’est à lui, s’il le veut, de les délivrer, comme il a délivré Daniel des
lions et saint Pierre de ses liens, alors qu’ils étaient eux-mêmes dans
l’impossibilité de le faire. Que si Dieu, au contraire, leur donne les moyens
de fuir et qu’ils échappent ainsi au danger, c’est encore à lui seul qu’ils
attribuent leur délivrance. Pour la même raison, si des serviteurs de Dieu
sont capables de gagner leur vie de leur travail personnel et que l’Évangile
en main on vienne leur objecter l’exemple les oiseaux du ciel qui ne sèment
ni ne moissonnent, ils répondront facilement: « Si nous étions réduits à
l’impuissance de travailler par suite de quelque maladie ou de quelque
occupation, Dieu sans doute nous nourrirait comme les oiseaux du ciel qui ne
travaillent pas. Mais puisque nous pouvons travailler, nous ne devons pas
tenter Dieu, car cette puissance même que nous avons vient de sa bonté; tant
que nous vivons, notre vie vient de la même source que cette puissance, et
nous sommes nourris par celui qui nourrit les oiseaux du ciel, comme Notre
Seigneur le dit: « Et votre Père
céleste les nourrit; n’êtes-vous pas beaucoup plus qu’eux ? » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 22.) C’est-à-dire,
vous êtes d’un prix plus élevé, parce que l’homme, animal raisonnable, occupe
dans la nature un rang supérieur aux animaux sans raison, comme les oiseaux. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 11, chap. 16.) Cependant
un cheval coûte ordinairement plus cher qu’un esclave, et une pierre
précieuse plus cher qu’une servante; mais ce n’est pas une appréciation
raisonnable, c’est la nécessité ou le plaisir qui leur donne cette valeur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Tous les animaux ont été faits pour l’homme; mais l’homme a été fait pour
Dieu et Dieu prend d’autant plus soin de l’homme qu’il occupe un rang plus
élevé dans la création. Si donc les oiseaux trouvent leur nourriture sans
travailler, pourquoi l’homme ne la trouverait-il pas, lui à qui Dieu a donné
la science du travail et l’espérance du succès ? —
Saint Jérôme : Il en est qui, en voulant dépasser
les limites respectées par nos pères et s’élever vers les hauteurs, tombent
dans les abîmes. Ils prétendent que les oiseaux du ciel sont les anges et les
autres puissances célestes qui exécutent les ordres de Dieu et qui sont
nourris par la Providence divine sans aucun souci de leur part. S’il en est
ainsi, comme ils veulent que l’on comprenne, comment expliquer les paroles
suivantes qui s’appliquent nécessairement aux hommes: « Est-ce que
vous n’êtes pas plus qu’eux ? » Il faut donc entendre ce
passage tout simplement en ce sens que si, sans peine et sans préoccupation
de leur part, la Providence de Dieu nourrit les oiseaux qui sont aujourd’hui et
demain ne seront plus, elle fera bien plus pour les hommes à qui l’éternité
est promise. — Saint Hilaire : ( — La Glose : Ce n’est pas
seulement par l’exemple des oiseaux, c’est encore par notre propre expérience
que le Seigneur nous enseigne que pour exister et pour vivre, nos soins
personnels ne suffisent pas, mais qu’il faut encore l’action de la divine
Providence : « Qui donc d’entre vous peut ajouter par son
intelligence une coudée à sa taille ? » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est Dieu qui chaque jour donne
l’accroissement à votre corps sans que vous puissiez vous en rendre compte.
Si donc la Providence de Dieu travaille tous les jours en vous [à
l’accroissement de votre corps], comment restera-t-elle inactive devant de
véritables nécessités ? Mais comment vous-mêmes, si tous les efforts de
votre pensée ne peuvent ajouter la plus petite partie à votre corps,
pourrez-vous par votre pensée le sauver tout entier ? —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 23.) Ou bien ces
paroles se rapportent à ce qui suit de cette manière: « Une preuve que
ce n’est pas notre sollicitude qui a fait parvenir notre corps à sa taille
actuelle, on peut la trouver dans le fait que, même quand vous le voudriez,
vous ne pourriez lui ajouter une coudée;
laissez donc le soin de couvrir votre corps à celui qui a su lui donner
une taille aussi élevée. » —
Saint Hilaire : Ou
autrement : de même qu’il s’est servi de l’exemple
des esprits pour appuyer notre foi [en la Providence] à l’égard des
nécessités de la vie, ainsi c’est en invoquant l’opinion commune qu’il nous
fait connaître l’état qui nous attend après la résurrection. Puisque Dieu
doit un jour ressusciter tous les corps qui ont achevé leur vie et en ramener
la diversité à l’unité d’un homme parfait, et que seul il peut ajouter à la
taille de chacun, une, deux ou trois coudées, n’est-ce pas lui faire outrage
que d’être inquiet à l’égard du vêtement, c’est-à-dire de l’extérieur de
notre corps, alors qu’il doit ajouter à la taille de tous les corps humains
ce qui sera nécessaire pour établir l’égalité entre tous les hommes. — Saint Augustin : (Cité de Dieu, chap. 15.) Si le Christ est ressuscité avec cette taille qu’il avait au moment de sa mort, on ne peut dire qu’au jour de la résurrection générale il paraîtra avec une taille gigantesque, différente de celle qui était connue des Apôtres, pour pouvoir égaler la taille des plus grands. Si, au contraire, nous prétendons que tous les corps d’une taille plus grande ou plus petite seront élevés ou raccourcis à la taille du Seigneur, un grand nombre de corps perdront de leur volume, contrairement à la promesse qu’il nous a faite que pas un cheveu de notre tête ne périrait. Disons donc que chacun ressuscitera avec la taille qu’il avait dans sa jeunesse, s’il est mort dans un âge avancé, et avec celle qu’il aurait eue s’il est mort auparavant. L’Apôtre n’a pas dit: « dans la mesure de la taille », mais: « dans la mesure de l’âge parfait du Christ (Ep 4, 13 ) », parce que, en effet, les corps ressusciteront dans cet âge de jeunesse et de force auquel nous savons que le Christ est parvenu. |
Lectio 19 [85416] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 19 Chrysostomus in Matth. Postquam
monstravit quod non oportet nos pro cibo esse sollicitos, ad id quod levius
est pertransit: neque enim ita necessarium est indumentum sicut cibus: unde
dicit et de vestimentis quid solliciti estis? Non autem hic utitur exemplo
volucrum, ut induceret pavonem et cygnum, a quibus erat similia exempla
accipere; sed utitur exemplo liliorum, dicens considerate lilia agri. Vult ex
duobus monstrare superabundantiam: scilicet a munificentia pulchritudinis, et
a vilitate participantium tali decore. Augustinus de Serm. Dom. Ipsa autem documenta
non sic allegorice discutienda sunt ut quaeramus quid significent aves caeli
aut lilia agri: posita sunt enim ut de rebus minoribus maiora persuadeantur.
Chrysostomus super Matth. Lilia enim statuto
tempore formantur in frondibus, vestiuntur candore, implentur odoribus; et
quod terra radici non dederat, Deus invisibili operatione largitur. In omnibus
autem eadem plenitudo servatur, ut non ab eventu facta putentur, sed Deo
providentia intelligantur esse disposita. Dicendo autem non laborant, viros
confortat; dicendo vero neque nent, mulieres. Chrysostomus in Matth. Haec autem dicens, non
opus prohibuit, sed sollicitudinem, sicut et supra cum de seminatione
loqueretur. Et ut magis Dei providentiam in ipsis commendet
quae omnem superat humanam industriam, subdit dico autem vobis, quoniam neque
Salomon in gloria sua coopertus est sicut unum ex istis. Hieronymus. Revera enim quod sericum, quae
regum purpura, quae pictura textricum potest floribus comparari? Quid ita
rubet ut rosa? Quid ita candet ut lilium? Violae vero purpuram nullo superari
murice, oculorum magis quam sermonis iudicium est. Chrysostomus. Quantum enim veritatis ad
mendacium, tantum vestimentorum et florum differentia est. Si ergo Salomon a
floribus superatus est, qui omnibus regibus fuit praeclarior, quando tu
vestimentis poteris vincere florum decorem? Est autem Salomon superatus a
florum decore non semel tantum neque bis, sed per totum tempus sui regni: et
hoc est quod dicit in omni gloria sua: quia nec in uno die ita decoratus est
ut flores. Chrysostomus super Matth. Vel hoc dicit, quia
Salomon etsi non laborabat quod vestiretur, tamen iubebat. Ubi autem iussio,
illic et ministrantium offensa et iubentis ira frequenter invenitur. Haec autem quando nesciunt, sic ornantur. Hilarius in Matth. Vel lilia
intelligenda sunt Angelorum caelestium claritates, quibus a Deo gloriae
candor indultus est. Non laborant autem, neque nent, quia virtutes Angelorum
ex ea quam adeptae sunt originis suae sorte, ut sint semper accipiunt; et cum
in resurrectione similes homines Angelis erunt, sperare caelestis gloriae
voluit operimentum, exemplo angelicae claritatis. Chrysostomus super Matth. Si autem floribus
terrenis sic occurrit Deus, qui nati sunt ut tantummodo videantur et pereant,
homines negliget, quos sic creavit ut non pro tempore videantur, sed ut
perpetuo sint? Et hoc est quod dicit si autem foenum agri, quod hodie est, et
cras in clibanum mittitur, Deus sic vestit, quanto magis vos modicae fidei?
Hieronymus. Cras autem in Scripturis futurum
tempus intelligitur, dicente Iacob: exaudiet me cras iustitia mea. Glossa. Alii libri habent in ignem, vel in
acervum, qui habet speciem clibani. Chrysostomus in Matth. Non autem lilia
iam ea vocat, sed foenum agri, ut eorum vilitatem ostendat. Sed
et aliam vilitatem apponit dicens quae hodie sunt; et non dixit: cras non
erunt, sed, quod est multo deficientius, quod in clibanum mittitur. Quod
autem dicit quanto magis vos, occulte insinuatur humani generis honor; ac si
diceret: vos quibus animam dedit, corpus plasmavit, prophetas misit, et
unigenitum filium tradidit. Glossa. Dicit autem modicae fidei, quia modica
fides est quae nec de minimis certa est. Hilarius. Vel sub foeni nomine gentes
nuncupantur. Si igitur gentibus idcirco tantum indulgetur aeternitas
corporalis ut mox igni iudicii destinentur, quam profanum est sanctos de
gloria aeternitatis ambigere, cum iniquis aeternitatis opus praestetur ad
poenam? Remigius. Spiritaliter autem per volatilia
sancti viri designantur, qui ex aqua sacri Baptismatis renascuntur, et
devotione terrena despiciunt et caelestia petunt, quibus pluris dicuntur esse
apostoli, qui principes sunt omnium sanctorum. Per lilia sancti viri
intelliguntur, qui absque labore legalium caeremoniarum, sola fide Deo
placuerunt; de quibus dicitur: dilectus meus mihi, qui pascitur inter lilia.
Sancta etiam Ecclesia per lilium intelligitur, propter candorem fidei et
odorem bonae conversationis; de qua dicitur: sicut lilium inter spinas. Per
foenum designantur infideles; de quibus dicitur: aruit foenum et flos eius
cecidit. Per clibanum aeterna damnatio; ut sit sensus: si Deus infidelibus
tribuit bona temporalia, quanto magis tribuet nobis aeterna? |
Versets 28-30.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 23.) Après nous avoir enseigné à bannir toute sollicitude pour la
nourriture, Notre Seigneur passe à une autre nécessité moins importante, [le
vêtement]; car le vêtement n’est pas d’une aussi pressante nécessité que la
nourriture. « Et pourquoi vous inquiétez-vous pour le
vêtement ? » il ne se sert plus ici de la comparaison tirée des
oiseaux, bien que quelques-uns, comme le paon et le cygne, eussent pu lui
servir d’exemple, mais il choisit les lys en disant: « Considérez les
lis des champs. » Il veut faire ressortir l’inépuisable richesse [de
la Providence divine] à l’aide de ces deux choses: la magnificence et l’éclat
des lys, et la faiblesse de ces êtres que Dieu revêt d’une si éclatante
splendeur. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 14 ou 23). Il ne
faut point interpréter trop subtilement ces divins enseignements dans un sens
allégorique et rechercher ce que signifient ici les oiseaux du ciel ou les lys
des champs. Le Seigneur n’a recours aux comparaisons des petites choses de la
nature extérieure que pour nous aider à comprendre des choses d’un ordre plus
élevé. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Au temps marqué [par la
Providence], les lys déploient leurs feuilles, se revêtent de blancheur, se
remplissent de parfums, et ce que la terre n’avait pu donner à la racine,
Dieu le lui communique par une opération invisible. Tous reçoivent avec une
égale abondance, pour qu’on n’y voie pas un effet du hasard, mais le résultat
d’une disposition de la Providence de Dieu. Par ces paroles: « Ils ne
labourent pas », Notre
Seigneur encourage les hommes; par ces autres: « ni ils ne filent
point », il ranime la confiance des femmes (cf. Pv 30). » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
23.) Cette
doctrine du Seigneur ne tend pas à interdire le travail, mais la sollicitude,
comme lorsqu’il a dit plus haut: « Les oiseaux ne sèment
point. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Et pour faire ressortir
davantage cette Providence qui surpasse toutes les inventions de l’industrie
humaine, il ajoute: « Je vous déclare que Salomon, même dans toute sa
gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux ». —
Saint Jérôme : En effet, quelle soierie, quelle
pourpre royale, quel riche tissu peut soutenir la comparaison avec les
fleurs ? Quel rouge plus vif que celui de la rose et quelle blancheur
plus éclatante que celle du lys ? Aucune pourpre ne peut l’emporter sur
la violette, c’est une vérité qui évidente pour les yeux plus que pour le
raisonnement. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 23.) Il y a entre la richesse des
vêtements et celle des fleurs, la différence qui sépare le mensonge de la
réalité. Si donc la magnificence de Salomon, le plus splendide des rois, a
été surpassée par celle des fleurs, comment la richesse de vos vêtements
pourra-t-elle effacer leur éclat ? Et cet éclat des fleurs a triomphé de
la magnificence de Salomon, non pas une ou deux fois, mais pendant toute la
durée de son règne; c’est ce qu’indiquent ces mots: « dans toute sa
gloire », car pas même un
seul jour il ne put atteindre la riche parure des fleurs. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien Notre Seigneur parle
ainsi parce que Salomon, sans travailler pour se procurer des vêtements,
donnait cependant des ordres en conséquence. Or, le commandement est presque
toujours accompagné de colère dans celui qui le fait, et de froissement clans
celui qui l’exécute; les fleurs, au contraire, reçoivent leur riche parure sans
même qu’elles y pensent. — Saint Hilaire : ( —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Si Dieu revêt avec tant de magnificence les fleurs de la terre, qui ne
naissent que pour satisfaire un instant les yeux et périr presque aussitôt
après, pourra-t-il oublier les hommes, qu’il a créés non pour apparaître un
instant, mais pour exister éternellement. C’est cette vérité dont il veut
nous convaincre en ajoutant: « Si donc Dieu prend soin de vêtir ainsi
l’herbe des champs qui est aujourd’hui et qui demain sera jetée au four,
combien prendra-t-il plus soin de vous, hommes de peu de foi ? » —
Saint Jérôme : Le mot demain, dans l’Écriture, signifie le temps qui suit: « Ma
justice m’exaucera demain (Gn 30) », dit Jacob. — La Glose : D’autres
exemplaires portent: « dans le feu », ou dans un de ces tas
d’herbes qui ressemblent à un four. — Saint Jean Chrysostome : (homél. 23.) Le Seigneur ne leur donne déjà plus le nom de lys, c’est l’herbe des champs, pour montrer leur chétive nature. Il la fait encore ressortir davantage, en ajoutant, non pas: « qui sont aujourd’hui », mais, ce qui exprime bien plus leur peu de valeur, « qui seront jetés au four. » Ces paroles: « A combien plus forte raison » nous donnent à entendre ce qui fait l’honneur du genre humain, comme si le Seigneur disait: « Vous à qui Dieu a donné une âme, dont il a formé le corps, à qui il a envoyé ses prophètes et livré son Fils unique. » — La
Glose : Il dit: « de peu de foi, »
car la foi qui ne s’étend pas même à des choses aussi minimes est une foi
bien faible. — Saint Hilaire : ( —
Saint Rémi : Dans le sens spirituel, on peut
entendre ici par les oiseaux du ciel les saints qui sont régénérés dans les
eaux sacrées du sacrement du baptême, et que la piété porte à mépriser les
choses de la terre et à soupirer après celle du ciel. Notre Seigneur dit que
les Apôtres sont plus que les oiseaux du ciel, parce qu’ils sont les chefs de
tous les saints. Les lys figurent encore les saints qui, par la foi seule et
sans le travail des cérémonies légales, ont su plaire à Dieu, et on peut leur
appliquer ces paroles: « Mon bien-aimé qui se nourrit parmi les lys. » Les lys sont encore la figure de la
sainte Église à cause de la blancheur éblouissante de la foi et du parfum de
la bonne vie, et c’est d’elle qu’il est dit: « Elle est comme le lys
parmi les épines. » L’herbe des champs figure les infidèles dont il
est écrit: « L’herbe s’est desséchée et la fleur est tombée » ;
et le four, la damnation éternelle ; alors le sens est: « Si Dieu
n’a pas refusé aux infidèles les biens du temps, à combien plus forte raison
nous accordera-t-il ceux de l’éternité ? » |
Lectio 20 [85417] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 20 Glossa. Postquam sigillatim de
victu et vestitu sollicitudinem excluserat, argumento ab inferioribus sumpto,
hic consequenter utrumque excludit, dicens nolite ergo solliciti esse
dicentes: quid manducabimus aut quid bibemus, aut quo operiemur? Remigius. Ideo autem hoc dominus repetivit, ut
ostenderet hanc rem esse pernecessariam, et ut arctius eam in cordibus
nostris inculcaret. Rabanus. Notandum vero, quod non ait: nolite
quaerere, aut solliciti esse de cibo aut potu aut indumento, sed quid
manducetis aut quid bibatis, aut quid vestiamini; ubi mihi videntur argui qui
spreto victu vel vestimento communi, lautiora sibi vel austeriora his cum
quibus vitam ducunt alimenta vel indumenta requirunt. Glossa. Est etiam alia sollicitudo superflua
ex vitio hominum, quando fructus et pecuniam plusquam necesse est reservant,
et dimissis spiritualibus, illis intenti sunt, quasi de bonitate Dei
desperantes; et hoc prohibetur; unde subditur haec omnia gentes requirunt.
Chrysostomus super Matth. Quia in rebus
humanis fortunam credunt esse, non providentiam; neque iudicio Dei vitas suas
gubernari existimant, sed incerto duci eventu; ideo merito timent et
desperant, quasi qui neminem habent gubernantem. Qui autem credit se Dei
iudicio gubernari, escam quidem suam in manu Dei committit; unde sequitur scit
enim pater vester quia his omnibus indigetis. Chrysostomus in Matth. Non autem dicit: scit
Deus; sed scit pater vester, ut eos in maiorem spem ducat: si enim pater est,
non poterit despicere filios, cum nec homines patres hoc sustineant. Dicit
autem quoniam his omnibus indigetis, ut magis sollicitudinem abiiciatis, quia
necessaria sunt. Qualiter enim est pater qui sustinet etiam necessaria filiis
non dare? Si autem essent superflua, non ita oporteret confidere. Augustinus de Trin. Non autem ista ex aliquo
tempore cognovit Deus, sed futura omnia temporalia; atque in eis etiam quid
et quando ab illo petituri eramus, sine initio ante praescivit. Augustinus de Civ. Dei. Quod autem dicunt
quidam, haec Dei scientia non posse comprehendi, quia infinita sunt, restat
eis dicere, quod non omnes numeros Deus noverit, quos infinitos esse
certissimum est. Infinitas autem numeri non est incomprehensibilis ei cuius
intelligentiae non est numerus. Quapropter, si quicquid scientia
comprehenditur, scientis comprehensione finitur, profecto omnis infinitas
quodam ineffabili modo Deo finita est, quia eius scientiae incomprehensibilis
non est. Gregorius Nyssenus de Hom. Quoniam autem est
providentia, per huiusmodi signa demonstratur: permanentia enim universorum,
et maxime eorum quae sunt in generatione et corruptione, et positio et ordo
eorum quae sunt, semper custoditur secundum eumdem modum; qualiter utique
perficeretur nullo providente? Sed quidam dicunt: Deo curam esse existentium
permanentiae in universali, et huius solius providentiam habere; singularia
vero fieri ut contingit. Tres autem causas solas utique quis dicet non fiendi
providentiam singularium: aut enim hoc quod est ignorare Deum quoniam bonum
est particularium diligentiam habere; aut non velle; aut non posse. Sed
ignorantia omnino aliena est a beata substantia: qualiter enim latebit Deum
quod nec homo sapiens ignorabit, quod singularibus destructis, universalia
destruentur? Nihil autem prohibet omnia individua perire, nulla procurante
potentia. Si autem non vult, propter duas fit causas: aut propter pigritiam,
aut propter indecentiam. Pigritia autem a duobus generatur: aut enim
voluptate aliqua attracti pigritamur, aut propter timorem desistimus: quorum
neutrum fas est cogitare de Deo. Si autem dicant non decere Deum, indignum
enim esse tantae beatitudinis parvis condescendere, qualiter non inconveniens
est artificem quidem procurantem universalia, nihil particularium neque
parvissimum derelinquere sine procuratione, scientem quod ad totum proficit pars;
conditorem vero Deum artificibus enuntiare indoctiorem? Si autem non potest,
imbecillis est Deus, et impotens benefacere. Si vero incomprehensibilis nobis
est singularium providentiae ratio, non propterea oportet dicere quia non est
providentia; ita enim dicerent, quia numerum hominum ignoramus, neque homines
esse. Chrysostomus super Matth. Sic ergo qui credit
se Dei iudicio gubernari, escam suam in manu Dei committat: cogitet autem de
bono et malo; de quo nisi sollicitus fuerit, neque malum fugiet, neque bonum
apprehendet. Et ideo subditur quaerite autem primum regnum Dei et iustitiam
eius. Regnum Dei est retributio bonorum operum; iustitia autem eius, via
pietatis, per quam itur ad regnum. Si ergo cogites qualis erit gloria
sanctorum, necesse est ut aut propter timorem poenae recedas a malo, aut
propter desiderium gloriae festines ad bonum. Et si cogitaveris quae sit Dei
iustitia, quid scilicet odit Deus et quid amat, iustitia ipsa ostendit tibi
vias suas, quae amantes se sequitur. Non autem daturi sumus rationem, si
pauperes sumus aut divites; sed si bene vel male egerimus, quod est in nostro
arbitrio. Glossa. Vel dicit iustitiam eius, quasi dicat:
ut per eum, non per vos iusti sitis. Chrysostomus super Matth. Terra autem etiam propter
peccata hominum maledicitur ut non germinet, secundum illud: maledicta terra
in opere tuo; benedicitur autem cum bona fecerimus. Quaere ergo iustitiam, et
non deerit tibi panis; unde sequitur et haec omnia adicientur vobis. Augustinus de Serm. Dom. Scilicet temporalia;
quae manifeste hic ostendit non esse talia bona nostra propter quae bene
facere debeamus; sed tamen necessaria esse. Regnum vero Dei et iustitia eius
bonum nostrum est, ubi finis constituendus est. Sed quia in hac vita
militamus, ut ad illud regnum pervenire possimus, quae vita sine his
necessariis agi non potest, apponentur, inquit haec vobis. Cum autem dixit
illud primum, significavit quia hoc posterius quaerendum est non tempore, sed
dignitate; illud tamquam bonum nostrum, hoc tamquam necessarium est. Neque
enim (verbi gratia) debemus evangelizare ut manducemus, quia sic vilius
haberemus Evangelium quam cibum, sed ideo manducare ut evangelizemus.
Quaerentibus autem primum regnum Dei et iustitiam eius, idest hoc
praeponentibus ceteris rebus, ut hoc propter cetera quaeramus, non debet
subesse sollicitudo, ne necessaria desint; et ideo ait haec omnia adicientur
vobis, idest consequenter sine ullo vestro impedimento: ne cum ista
quaeritis, illinc avertamini, aut duos fines constituatis. Chrysostomus in Matth. Et non dixit: dabuntur,
sed apponentur, ut discas quia praesentia nihil sunt ad magnitudinem
futurorum. Augustinus de Serm. Dom. Cum autem legimus in
fame et siti apostolum laborasse, non existimemus hic domini promissa
titubasse; quandoquidem ista sunt adiutoria. Medicus iste, cui nos totos
commisimus, novit quando apponat et quando detrahat, sicut nobis iudicat
expedire. Si enim nobis aliquando defuerint (quod plerumque propter nostram
exercitationem Deus sinit), non debilitat propositum nostrum, sed examinatum
confirmat. |
Versets 31-33.
— La Glose : Après avoir successivement exclu
toute sollicitude à l’égard de la nourriture et du vêtement par des raisons
empruntées aux créatures inférieures, Notre Seigneur combat ici cette double
sollicitude: « Ne vous inquiétez
donc point en disant: Que mangerons-nous ou que boirons-nous, ou de quoi nous
vêtirons-nous ? » —
Saint Rémi : Le Seigneur renouvelle cette
recommandation pour nous faire comprendre son absolue nécessité et la graver
plus profondément dans nos cœurs. — Raban : Remarquez qu’il
ne dit pas: « Ne soyez ni inquiet ni soucieux de la nourriture, de la
boisson, du vêtement, » mais: « de ce que vous mangerez, de ce que
vous boirez, de quoi vous pourrez vous vêtir, » il me paraît condamner ici ceux qui, n’ayant que du mépris pour
la manière ordinaire de se nourrir ou de se vêtir de ceux au milieu desquels
ils vivent, affectent de rechercher des aliments ou des vêtements plus
délicats ou plus austères. — La Glose : Il est encore une
autre sollicitude superflue et qui tient à un principe vicieux du cœur humain :
vous voyez des hommes, désespérant pour ainsi dire de la bonté de Dieu,
réserver au delà du nécessaire les richesses et les fruits de la terre et, sacrifiant
les intérêts de leur âme, ne s’intéresser qu’à ce genre de biens. C’est ce
que Notre Seigneur défend, lorsqu’il ajoute: « car les païens recherchent toutes ces choses. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En effet, dans leur opinion,
les choses humaines dépendent de la fortune et non de la Providence; leurs
vies ne sont point gouvernées, pensent-ils, par les justes décrets de Dieu,
mais par le hasard et à l’aventure. Leurs craintes et leurs défiances sont
donc fondées, puisqu’ils ne croient à aucune direction supérieure. Mais pour
celui qui croit à n’en pouvoir douter que c’est la main de Dieu qui gouverne
son existence, il lui abandonne le soin de sa nourriture, c’est pourquoi le Seigneur
ajoute: « car votre Père sait que
vous avez besoin de toutes ces choses. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 23.) Il ne dit pas: « Dieu
sait, » mais « Votre Père
sait, » pour accroître ainsi leur espérance, car si c’est un Père,
pourra-t-il négliger le soin de ses enfants, alors que les hommes qui sont
pères ne se rendent pas coupables de cet oubli. Il ajoute: « que vous manquez de toutes ces
choses », afin que l’on rejette davantage cette inquiétude, car il
s’agit du nécessaire. Quel est le père, en effet, qui accepterait de refuser
le nécessaire à ses enfants ? S’il s’agissait, au contraire, du
superflu, la même confiance serait déplacée. —
Saint Augustin : (De la Trinité, chap. 13.) Ce n’est pas
depuis une époque déterminée que Dieu connaît ces choses; de toute éternité,
il a prévu dans sa prescience toutes les choses futures, le temps aussi bien
que la matière de nos prières. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 12, chap. 15.) Quant à
ceux qui soutiennent que la science de Dieu ne peut embrasser toutes ces
choses, parce qu’elles sont infinies, il leur reste à dire que Dieu ne
connaît point tous les nombres, qui sont très certainement infinis.
L’infinité des nombres ne peut être incompréhensible pour celui dont
l’intelligence n’est point soumise aux lois des nombres. Si donc tout ce que
la science peut embrasser est comme limité par l’intelligence qui comprend,
on peut dire que toute infinité trouve des limites ineffables dans la science
de Dieu pour laquelle rien n’est incompréhensible. —
Saint Grégoire de Nysse : (De l’homme.) C’est par ces signes éclatants
que se fait connaître la Providence divine. Comment expliquer, en effet, sans
une Providence spéciale, la durée de tous les êtres (de ceux en particulier
qui sont soumis aux lois de la génération et de la corruption), la place
qu’ils occupent, le rang qui leur est assigné dans la création d’après un
plan constamment suivi ? Comment imaginer une telle perfection sans une
Providence ? Mais il en est qui prétendent que Dieu ne s’occupe que de
l’existence des créatures en général, que sa providence se borne à maintenir cet
ordre général, mais que les choses particulières sont abandonnées au hasard.
Or, on ne peut donner que trois raisons de cette conduite de la Providence
abandonnant au hasard les choses particulières: ou bien Dieu ignore qu’il est
bon d’étendre sur elles sa providence, ou bien il ne le veut pas, ou c’est
chez lui impuissance. Quant à l’ignorance, elle répugne souverainement à
cette divine et bienheureuse nature Et comment voudrait-on que Dieu ignorât
ce qui ne peut échapper à l’homme sage: que la ruine des choses particulière
entraîne la ruine des choses générales ? Or rien ne peut empêcher cette
destruction des êtres individuels sans une puissance toute providentielle. Dira-t-on
que Dieu ne le veut pas ? Ce ne pourrait être que par négligence ou
parce qu’il regarde comme indigne de lui [cette Providence de détail]. La
négligence ne peut venir que de deux causes: ou de l’attrait d’un plaisir qui
nous captive, ou d’une crainte qui nous détourne d’agir. Or, il n’est pas
permis de supposer en Dieu l’une de ces deux causes. S’ils disent qu’il est
inconvenant pour Dieu et indigne de cette béatitude infinie de descendre aux
petites choses, pourquoi n’est-il pas inconvenant qu’un ouvrier qui s’occupe
de l’ensemble de son ouvrage s’applique en même temps aux plus petits
détails, parce que ces détails contribuent à la perfection du tout ? Et
n’est-ce pas une souveraine inconvenance que de prétendre que le Dieu
créateur du monde est inférieur à un simple artisan ? Si Dieu ne le peut
pas, il y a chez lui faiblesse, impuissance de faire le bien. Que si cette
Providence qui s’étend aux plus petits détails de la création est
incompréhensible pour nous, est-ce une raison pour nier son existence ?
Pourquoi donc aussi ne pas nier qu’il y ait des hommes sur la terre, parce
que nous ignorons leur nombre. —
Saint Jean Chrysostome : Que celui donc qui croit
qu’une Providence divine gouverne son existence, lui abandonne le soin de sa
nourriture, qu’il tourne toutes ses pensées sur ce qui est bien, sur ce qui
est mal; sans cette pensée sérieuse, il ne pourra ni fuir le mal, ni faire le
bien. Aussi Notre Seigneur ajoute-t-il: « Cherchez
d’abord le royaume de Dieu et sa justice. » Le royaume de Dieu c’est
la récompense des bonnes oeuvres; sa justice, c’est la voie de la piété qui
conduit à ce royaume. Si la gloire des saints devient l’objet de vos
méditations, la crainte du supplice vous éloignera nécessairement du mal ou
le désir de la gloire vous fera vous hâter sur la voie du bien. Et si vous
réfléchissez sur la justice de Dieu, c’est-à-dire sur ce qui est l’objet de
sa haine ou de son amour, la justice elle-même, qui suit ceux qui l’aiment,
vous fera connaître ses voies. Nous n’aurons pas à rendre compte de ce que
nous sommes pauvres ou riches, mais de nos bonnes ou de nos mauvaises actions
qui dépendent de notre libre arbitre. — La Glose : Ou bien cette
expression: « la justice » signifie
que c’est par la grâce de Dieu et non par vos efforts que vous êtes justes. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
La terre, à cause des péchés des hommes, a été frappée de malédiction et
de stérilité par cette sentence: « La
terre sera maudite dans ton travail. » Dieu la bénit, au contraire,
lorsque nous faisons le bien. Cherchez donc la justice et le pain ne vous
manquera pas; les paroles suivantes vous en assurent: « et toutes ces choses vous seront données comme par
surcroît. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 24.) C’est-à-dire
les biens temporels: le Seigneur nous enseigne assez clairement que ce ne
sont pas là les véritables biens en vue desquels nous devons pratiquer la
vertu, mais que cependant ils nous sont nécessaires. Le royaume de Dieu et sa
justice, voilà notre bien véritable dans lequel nous devons placer notre fin.
Mais parce que nous avons à combattre en cette vie pour pouvoir conquérir ce
royaume, et que nous ne pouvons la conserver sans le soutien de ces biens
temporels, le Seigneur nous dit: « ils
vous seront donnés comme par surcroît. » Ces paroles: « Cherchez d’abord » ne
veulent pas dire qu’il faut chercher en second lieu les choses de la terre
dans l’ordre du temps, mais selon l’estime que nous devons en faire;
cherchons le royaume de Dieu comme notre bien et les choses de la terre comme
une nécessité de la vie. Ainsi, par exemple, nous ne devons pas annoncer
l’Évangile (par notre prédication de la parole) pour nous procurer de quoi
manger, ce serait faire moins de cas de l’Évangile que de la nourriture; mais
nous devons manger afin de pouvoir annoncer l’Évangile. Or, si nous cherchons
d’abord le royaume de Dieu et sa justice, c’est-à-dire si nous les préférons
à tout et que nous leur rapportions tous les autres biens, n’ayons aucune
crainte que le nécessaire nous manque, car il est dit: « et toutes ces choses vous seront données par surcroît », c’est-à-dire
sans aucune difficulté pour vous et sans crainte qu’en cherchant ces biens
vous ne soyez détournés des premiers ou obligés de vous proposer deux fins à
la fois. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 23.) Il ne dit pas: « elles vous
seront données, » mais:
« elles vous seront ajoutées, »
pour nous apprendre que les choses présentes ne sont rien en comparaison
de la magnificence des biens à venir. — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Lorsque nous lisons que l’Apôtre eut à souffrir de la faim et de la soif, n’allons pas croire que Dieu ait failli à ses promesses; ces biens sont des secours, le divin Médecin, à qui nous nous fions entièrement, sait quand il faut nous les donner ou nous les refuser, selon ce qui nous est le plus utile. S’ils viennent à nous manquer, ce que Dieu permet souvent pour notre épreuve, cela ne doit ébranler en aucune manière le plan de vie que nous avons adopté, mais nous confirmer, au contraire, dans le choix réfléchi que nous en avons fait. |
Lectio 21 [85418] Catena in Mt.,
cap. 6 l. 21 Glossa. Prohibuerat sollicitudinem
praesentium rerum; modo prohibet sollicitudinem futurorum vanam ex vitio
hominum provenientem, cum dicit nolite ergo solliciti esse in crastinum. Hieronymus. Cras in Scripturis futurum
tempus intelligitur, dicente Iacob: exaudiet me cras iustitia mea, et in
Samuelis phantasmate pythonissa loquitur ad Saulem: cras eris mecum. De
praesentibus ergo concessit debere esse sollicitos qui futura prohibet
cogitare. Sufficit enim nobis praesentis temporis cogitatio; futura, quae
incerta sunt, Deo relinquamus. Et hoc est quod dicitur crastinus enim dies
sollicitus erit sibi ipsi, idest ipse affert sollicitudinem suam secum.
Sufficit enim diei malitia sua. Hic malitiam non contrariam virtuti posuit,
sed laborem et afflictionem et angustiam saeculi. Chrysostomus in Matth. Nihil enim ita dolorem
infert animae ut sollicitudo et cura. Cum autem dicat quod crastina dies erit
sollicita de seipsa, volens manifestius facere quod dicitur, prosopopoeiam
facit temporis, secundum multorum consuetudinem, loquens ad plebem
imperfectam: ut enim eos magis moveat, ipsos dies conquerentes inducit pro
superflua cura. Numquid enim dies non sufficiens habet onus, idest curam
suam? Quid igitur eam aggravas magis, curam quae
pertinet ad alium diem apponendo? Chrysostomus super Matth. Vel aliter.
Per hodie haec solum significantur quae habemus in vita praesenti necessaria.
Quia autem dicit cras, quod superfluum est ostendit; dicit ergo nolite
solliciti esse in crastinum, idest, nihil curetis super id habere quod
necessarium est vobis ad vitam quotidianam: quod enim superfluum fuerit, quod
est cras, curabit se. Et hoc est quod dicit: crastinus enim dies
sollicitus erit sibi ipsi; ac si dicat: superflua cum congregaveris, ipsa se
curabunt; te quidem eis non fruente, invenient dominos multos, qui ea
procurent. Quid ergo curas de illis, quorum potestatem aliis es dimissurus?
Sufficit enim diei malitia sua; quasi dicat: sufficit tibi labor quem pateris
propter necessaria; noli de superfluis laborare. Vel aliter. Augustinus de Serm. Dom. Non dicitur crastinus
dies nisi in tempore, ubi praeterito succedit futurum. Ergo cum aliquid boni
operamur, non terrena, sed aeterna cogitemus. Crastinus enim dies sollicitus
erit sibi ipsi, idest, cum oportuerit, sumamus cibum et huiusmodi, scilicet
cum necessitas urgere coeperit. Sufficit enim diei malitia sua; idest,
sufficit quod ista sumere urgebit necessitas; quam malitiam nominat, quia
poenalis est nobis: pertinet enim ad mortalitatem, quam peccando meruimus.
Huic ergo poenae temporalis necessitati noli addere aliquod gravius: ut non
solum eam patiaris, sed etiam propter hanc explendam milites Deo. Hic est
cavendum, ne cum viderimus aliquem servum Dei providere ne ista necessaria
desint vel sibi vel eis quorum cura sibi commissa est, iudicemus eum contra
domini praecepta facere, et de crastino esse sollicitum: nam et ipse dominus
(cui ministrabant Angeli) propter exemplum loculos habere dignatus est. Et in actibus apostolorum scriptum est, quae ad victum sunt
necessaria, procurata esse in futurum propter imminentem famem. Non
ergo hoc dominus increpat, si quis humano more ista procuret; sed si quis
propter ista non militet Deo. Hilarius in Matth. Hoc etiam totum sub
dicti caelestis significantia continetur. Iubemur
igitur non ambigere de futuris. Satis enim vitae nostrae malitia dierum
quibus vivimus, scilicet peccata, sufficiunt, ut circa haec purganda omnis
vitae nostrae meditatio laborque versetur. Cessante autem cura nostra, ipsa
futura sollicita sunt, dum nobis aeternae caritatis profectus Deo procurante
proponitur. |
Verset 34.
— La Glose : Le Seigneur vient de défendre la
sollicitude pour le présent, il nous défend maintenant pour l’avenir, les
vaines inquiétudes qui viennent du vice de notre cœur. « Ne soyez pas inquiets pour le lendemain, nous dit-il. » —
Saint Jérôme : Demain, dans la sainte Écriture, signifie
l’avenir, comme dans ces paroles de Jacob: « Demain mon équité me rendra témoignage », et la
pythonisse, parlant a Saül dans la personne de Samuel qu’elle avait évoqué,
lui dit: « Demain tu seras avec
moi. » En nous défendant la préoccupation de l’avenir, Dieu nous
permet de nous occuper du présent. Cette pensée du temps présent nous suffit,
laissons à Dieu le soin d’un avenir plein d’incertitude; c’est ce que
signifient ces paroles: « Le jour
de demain sera inquiet pour lui-même », c’est-à-dire apportera avec
lui sa part de sollicitude. « A
chaque jour suffit son mal » : Le mot mal n’exprime pas ici une
idée contraire à celle de vertu, mais la peine, l’affliction, les infortunes
de la vie présente. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 23). Rien ne cause, en effet, autant
de douleur à l’âme que les inquiétudes et les soucis. « Le lendemain sera inquiet pour lui-même » : Notre Seigneur veut rendre plus
intelligible ce qu’il dit, il personnifie donc le temps et adopte un langage
reçu pour se faire comprendre d’un peuple sans instruction. Pour les
impressionner davantage, ce sont les jours eux-mêmes qu’il met en place des
soins superflus. Est-ce que chaque jour n’a pas son fardeau suffisant,
c’est-à-dire les préoccupations qui lui sont propres ? Pourquoi donc le
surcharger des sollicitudes qui concernent le lendemain ? —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien l’expression « aujourd’hui » signifie le nécessaire de la vie
présente, et le mot « demain »
le superflu. Il dit donc : « N’ayez
donc aucune sollicitude pour le lendemain », c’est-à-dire ne
cherchez pas à vous procurer au delà de ce qui est nécessaire à votre
nourriture de chaque jour; « ce qui est superflu », c’est-à-dire le
lendemain, aura souci de lui-même. C’est là le sens de ces paroles: « Le lendemain aura soin de
lui-même », paroles qui veulent dire: « Lorsque vous aurez
amassé le superflu, il prendra soin de lui-même », c’est-à-dire:
« Sans que vous en jouissiez, il trouvera de nombreux maîtres qui en
prendront soin. Pourquoi donc vous tourmenter de ce qui doit devenir la
propriété des autres ? A chaque jour suffit son mal, c'est-à-dire :
vous avez assez de vos travaux, de vos préoccupations pour le nécessaire, ne
vous inquiétez pas du superflu. Ou bien autrement encore : —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 25.) Le mot « demain » ne s’emploie que dans le temps, là où
le passé fait place à l’avenir. Quand donc nous faisons quelque bien, pensons
non pas au temps, mais à l’éternité. « Le
lendemain aura soin de lui-même », en d’autres termes: Lorsqu’il le
faudra, que la nécessité s’en fera sentir avec urgence, prenez la nourriture
et autres choses semblables. « A
chaque jour suffit son mal », c’est-à-dire il suffit que vous
preniez ce que demande le besoin. Il appelle ce besoin malice, parce qu’il
est pour nous une peine, et qu’il fait partie de la mortalité que nous avons
méritée par le péché. N’allez pas rendre plus accablante cette peine des nécessités
de la vie; vous la subissez, mais n’en faîtes pas le motif pour lequel vous
servez Dieu. Il faut nous garder ici, lorsque nous voyons un serviteur de
Dieu qui cherche à ce que ne lui fasse pas défaut le nécessaire pour lui, ou
pour ceux dont le soin lui est confié, de l’accuser de désobéissance au
commandement du Seigneur et d’inquiétude pour le lendemain. Est-ce que le Seigneur
lui-même, qui était servi par les
anges, ne s’est pas soumis, pour notre exemple, à la nécessité d’avoir une
bourse ? Et ne lisons-nous pas dans les Actes des Apôtres que pour échapper au danger d’une famine
imminente, on fit les provisions nécessaires pour l’avenir ? Ce que le
Seigneur condamne, ce n’est donc pas qu’on cherche à se donner le nécessaire
par les voies ordinaires, mais qu’on ne s’attache à Dieu que pour se le
procurer. —
Saint Hilaire : Tout cet enseignement peut aussi se
réduire à cette doctrine céleste: Dieu nous défend de nous inquiéter de
l’avenir. Et en effet la malice de notre vie, les péchés qui marquent chacun
de nos jours, n’offrent-ils pas à notre méditation et à tous nos efforts une
ample matière d’expiation ? Délivrés alors de tout souci, l’avenir est
inquiet pour lui-même, alors que la providence de Dieu nous prépare le fruit de
la charité éternelle. |
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Caput 7 |
CHAPITRE 7 —
[La charte du Royaume]
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Lectio 1 [85419] Catena in Mt., cap. 7 l. 1 Augustinus
de Serm. Dom. Quia cum ista temporalia procurantur in futurum, incertum
est quo animo fiat, cum possit simplici corde fieri, et duplici, opportune
hoc loco subiecit nolite iudicare. Vel
aliter. Chrysostomus super Matth. Hucusque
exposuit consequentiam ad eleemosynam pertinentem; nunc autem incipit
exponere consequentiam ad orationem respicientem. Et
est doctrina haec quodammodo pars orationis, ut sit ordo narrationis talis:
dimitte nobis debita nostra; et sequitur nolite iudicare, ut non iudicemini. Chrysostomus super Matth. Sed si iudicare
prohibet, qua consequentia Paulus Corinthium iudicat fornicantem, et Petrus
Ananiam et Saphiram mendacii arguit? Sed quidam hunc locum secundum huiusmodi sensum
exponunt, quia dominus hoc mandato non prohibet Christianos ex benevolentia
alios corripere; sed ne per iactantiam iustitiae suae Christiani Christianos
despiciant, ex solis plerumque suspicionibus odientes ceteros et
contemnentes, et sub specie pietatis proprium odium exequentes. Chrysostomus in Matth. Unde non dixit: ne
quiescere facias peccantem; sed: ne iudicaveris; hoc est: ne amarus fias
iudex: corripe quippe non ut hostis expetens vindictam, sed ut medicus
instituens medicinam. Chrysostomus super Matth. Sed ut non sic
quidam corriperent Christiani Christianos, convenit sermo qui dicit nolite
iudicare. Sed si non sic corripuerint, numquid propter hoc consequentur
indulgentiam peccatorum, quia dictum est non iudicabimini? Quis enim
consequitur indulgentiam mali prioris, quia non addidit alterum malum? Hoc
autem diximus volentes ostendere, quia hic sermo non est positus de proximis
non iudicandis qui peccant in Deum, sed qui in nos peccant. Qui enim non
iudicat proximum propter peccatum in se commissum, illum nec Deus iudicat
propter peccatum; sed dimittit ei debitum, sicut et ipse dimisit. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Non
simpliciter universa peccata iubet non iudicare; sed his qui multis malis
sunt pleni, et alios pro minimis iudicant, hanc prohibitionem facit. Sicut et
Paulus non simpliciter prohibet iudicare eos qui peccant, sed discipulos
iudicantes de magistris redarguit, docens ut eos qui supra nos sunt non
iudicemus. Hilarius in Matth. Vel aliter. Iudicari de
sponsionibus suis Deum vetat: quia ut iudicia ex incertis rebus inter homines
sumuntur, ita et hoc iudicium adversus Deum ex ambiguitate suscipitur: quod
penitus repellit a nobis, ut constans potius fides retineatur: quia non sicut
in ceteris rebus peccatum fit perperam iudicasse; sed si in rebus tantummodo
dedero [de Deo ?]
iudicium, initium fit criminis. Augustinus. Vel aliter. Hoc loco nihil aliud
praecipi existimo, nisi ut ea facta quae dubium est quo animo fiant, in
meliorem partem interpretemur. De his autem quae non possunt bono animo
fieri, sicut sunt stupra, blasphemiae et huiusmodi, nobis iudicare permittit;
de factis autem mediis, quae possunt bono et malo animo fieri, temerarium est
iudicare, maxime ut condemnemus. Duo autem sunt in quibus temerarium iudicium
cavere debemus, cum incertum est quo animo quicquam factum sit, vel cum
incertum est qualis quisque futurus est, qui nunc vel bonus vel malus
apparet. Non ergo reprehendamus ea quae nescimus quo animo fiant; neque ita
reprehendamus quae manifesta sunt ut desperemus sanitatem. Potest autem
movere quod ait in quo iudicio iudicaveritis, iudicabimini. Numquid si nos
temerario iudicio iudicaverimus, temere etiam de nobis Deus iudicabit? Aut
numquid si mensura iniqua mensi fuerimus, et apud Deum est iniqua mensura,
unde nobis remetiatur? Nam mensurae nomine ipsum iudicium significatum
arbitror. Sed hoc dictum est, quoniam temeritas qua punis alium, ipsa te
puniat necesse est. Iniquitas enim saepe nihil nocet ei qui patitur iniuriam,
ei vero qui facit necesse est ut noceat. Augustinus de Civ. Dei. Dicunt aliqui: quomodo
verum est quod ait Christus et in qua mensura mensi fueritis, remetietur
vobis, si temporale peccatum supplicio puniatur aeterno? Nec attendunt non
propter aequale temporis spatium, sed propter vicissitudinem mali (idest ut
qui mala fecerit, mala patiatur) eamdem dictam mensuram fuisse: quamvis in ea
re hoc proprie possit accipi de qua dominus cum hoc diceret loquebatur, idest
de iudiciis et condemnationibus. Proinde qui iudicat et condemnat iniuste, si
iudicatur et condemnatur iuste in eadem mensura recipit, quamvis non hoc quod
dedit: iudicio enim fecit quod iniquum est, iudicio patitur quod iustum est. |
Versets 1-2
—
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 28.) On ne peut
savoir quelle intention nous porte à rechercher les biens temporels pour
l’avenir, et nous pouvons les acquérir avec une intention simple ou avec
duplicité de cœur. Notre Seigneur ajoute donc très à propos: « Ne jugez pas. ». Ou
autrement : —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien si l’on veut une
autre liaison avec ce qui précède jusqu’ici, Notre Seigneur a déduit les
conséquences du précepte de l’aumône, il va maintenant exposer les
conséquences du précepte de la prière. Les enseignements qui suivent font en
un certain sens partie de la prière, de manière que ces paroles: « Ne jugez pas et vous ne serez pas
jugés » feraient suite à celles-ci: « Remettez-nous nos dettes. » —
Saint Jérôme : [référence à vérifier] S’il nous est défendu de juger, comment saint Paul a-t-il pu
légitimement juger l’incestueux de Corinthe, et saint Pierre convaincre de
mensonge Ananie et Saphire ? (Ac 4.) —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) [référence à vérifier] Il en est qui
entendent ce passage dans ce sens que Notre Seigneur ne nous défend pas ici
de reprendre nos frères par un principe de charité, mais qu’il interdit
seulement aux chrétiens de se mépriser les uns les autres par une vaine
affectation de justice, de les prendre en haine et de les condamner sur de
simples soupçons, en couvrant des apparences de la piété les inspirations
d’une haine personnelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24.) Aussi ne dit-il pas:
« N’arrêtez pas celui qui pèche, » mais: « Ne jugez
pas », c’est-à-dire ne soyez pas un juge sévère: reprenez, c’est
bien, mais non pas comme un ennemi qui veut se venger, mais comme un médecin
qui cherche à guérir. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
C’est afin de prévenir cette amertume dans la réprimande que les
chrétiens se font entre eux, que Notre Seigneur a dit: « Ne jugez point. » Mais quoi ! est-ce que par
cela seul qu’ils se seront abstenus de cette réprimande amère ils obtiendront
la rémission de leurs péchés en vertu de ces paroles: « Vous ne serez pas jugés ? » Est-ce qu’on est
digne d’obtenir le pardon du mal qu’on a commis, par cela seul qu’on n’y a
pas ajouté un autre mal ? Non sans doute, et notre dessein en parlant de
la sorte est de faire comprendre que ces paroles du Seigneur ne nous défendent
pas de juger nos proches qui pêchent contre Dieu, mais ceux qui nous
offensent personnellement. Car celui qui ne juge pas son prochain par suite
d’une offense qu’il en a reçue, ne sera pas jugé lui-même pour son péché;
Dieu lui remettra sa dette comme lui-même l’a remise. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24.) Ou bien encore, cette défense de
juger ne s’étend pas à tous les péchés quels qu’ils soient, mais elle
s’adresse à ces hommes qui remplis de vices sans nombre, reprennent
sévèrement les autres pour les moindres fautes. C’est ainsi que saint Paul
lui-même ne défend pas de juger ceux qui commettent une faute, mais il
reprend les disciples qui veulent juger leurs maîtres, et nous apprend par là
à ne pas juger ceux qui sont au-dessus de nous. — Saint Hilaire : ( —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., liv. 2, chap. 23.) Ou
bien enfin je pense que le Seigneur, par ces paroles, ne nous ordonne autre
chose que d’interpréter en bonne part les actions dont nous ne savons pas
dans quelle intention elles ont été accomplies. Il est des actions dont
l’intention ne peut être bonne, comme les outrages à la pudeur, les
blasphèmes et autres crimes semblables, Dieu nous permet de les juger. Il est
au contraire des actions intermédiaires ou indifférentes que l’on peut faire
avec une intention bonne ou mauvaise; c’est une témérité de les juger,
surtout pour les condamner. Il est deux circonstances où nous devons éviter
le jugement téméraire: lorsque l’intention qui a dirigé telle action nous est
inconnue, et quand nous ignorons ce que deviendra par la suite une personne
qui nous paraît être actuellement bonne ou mauvaise. Ne blâmons donc pas des
actions dont nous ne connaissons pas l’intention, et quant à celles qui sont
manifestement mauvaises, ne les reprenons pas de manière à rendre impossible
la guérison. On peut être étonné de ce que dit Notre Seigneur: « Vous serez jugés selon que vous
aurez jugé les autres. » Est-ce que si nous jugeons témérairement,
Dieu nous jugera de la même manière ? Et si nous nous sommes servis d’une
mesure injuste, Dieu nous appliquera-t-il une mesure semblable ? car ces
expressions « mesure » et « jugement » ont ici, je pense,
le même sens. Ces paroles signifient donc que la témérité dont vous aurez puni
les autres, sera elle-même, nécessairement, votre châtiment; car souvent
l’injustice ne nuit en rien à celui qui en est l’objet, mais elle nuit
toujours à celui qui en est l’auteur. — Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 21, chap. 2.) Comment peut-il être vrai, disent quelques-uns, ce que dit Jésus-Christ : que nous serons mesurés selon la mesure avec laquelle nous aurons mesuré les autres, si un péché dont la durée a été limitée est puni d’un supplice éternel ? Ils ne font point attention qu’il ne s’agit pas ici d’une mesure semblable quant à une égale durée temporelle, mais quant à la réciprocité de la peine, en ce sens que celui qui a fait le mal souffre un mal semblable, quoique cependant on pourrait appliquer ces paroles au sujet traité alors par le Seigneur , c’est-à-dire aux jugements et aux condamnations. Donc celui qui juge et condamne injustement reçoit dans la même mesure lorsqu’il est jugé et condamné selon toute justice, quoiqu’il ne reçoive pas ce qu’il a donné; car il s’est servi du jugement pour commettre une injustice, Dieu se sert du jugement pour lui infliger le châtiment qu’il a justement mérité. |
Lectio 2 [85420] Catena in Mt., cap. 7 l. 2 Augustinus
de Serm. Dom. Quia de temerario et iniquo iudicio dominus admonuerat,
maxime autem hi temere iudicant, qui de incertis et facile reprehendunt, qui
magis amant vituperare et damnare, quam emendare atque corrigere, quod vitium
vel superbia est vel invidentia, consequenter subiicit et dicit quid autem
vides festucam in oculo fratris tui, et trabem in oculo tuo non vides? Hieronymus. De his loquitur qui cum mortali
crimine detineantur obnoxii, minora peccata fratribus non concedunt, ut si forte ira ille peccaverit, ut odio
reprehendas. Quantum autem inter festucam et trabem, tantum inter iram distat
et odium: odium enim ira inveterata est. Fieri autem potest ut si irascaris
homini, velis eum corrigi; non autem si eum oderis. Chrysostomus in Matth. Multi etiam hoc
faciunt, qui si viderint monachum superfluum vestimentum habentem, aut
copiosiori cibo potitum, amari fiunt accusatores, quotidie ipsi rapientes et
crapulam patientes. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Hoc quod
hic dicitur, doctoribus convenit. Omne enim peccatum diiudicatur modicum aut
magnum, secundum peccantis personam. Laici enim peccatum modicum est et
festuca quantum ad peccatum sacerdotis, quod trabi comparatur. Hilarius in Matth. Vel aliter. Peccatum
in spiritum sanctum est divinae virtutis potestatem negare, et Christo
substantiam adimere aeternitatis; per quem, quia in hominem venit Deus, homo
rursus veniet in Deum. Ergo quantum inter festucam et trabem discriminis est,
tantum ostendit peccatum in spiritum sanctum cetera crimina excedere: ut cum
infideles delicta corporis aliis exprobrant, onus peccati, quod de promissis
Dei ambigunt, in se ante non videant, in oculo trabe, tamquam in mentis acie,
incidente. Sequitur aut quomodo dices fratri tuo: sine,
eiciam festucam de oculo tuo, et ecce in oculo tuo trabs est? Chrysostomus super Matth. Idest, cum qua facie
arguis peccatum fratris tui, ipse aut in eodem peccato vel in maiori
existens? Augustinus. Primum ergo cogitemus cum aliquem
reprehendere nos necessitas coegerit, utrum tale sit vitium quod numquam
habuimus; et tunc cogitemus, et nos homines esse, et habere potuisse; vel
tale quod habuimus, et iam non habemus; et tunc tangat memoriam communis
fragilitas, ut illam correctionem non odium sed misericordia praecedat. Si
autem invenerimus nos in eodem vitio esse, non obiurgemus, sed congemiscamus,
et ad pariter conandum invitemus. Raro autem et ex magna necessitate
obiurgationes adhibendae sunt; in quibus non ut nobis, sed ut domino
serviatur instemus. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Quomodo
dicis fratri tuo? Idest, quo proposito putas? Ex caritate, ut salves proximum
tuum? Non, quia teipsum ante salvares. Vis ergo non alios sanare, sed per
bonam doctrinam malos actus celare, et scientiae laudem ab hominibus
quaerere, non aedificationem mercedis a Deo; et es hypocrita; unde sequitur
hypocrita, eice primum trabem de oculo tuo. Augustinus. Accusare enim vitia officium est
bonorum; quod cum mali faciunt, alienas partes agunt; sicut hypocritae, qui
tegunt sub persona quod sunt, et ostendunt in persona quod non sunt. Chrysostomus in Matth. Et notandum, quod
ubicumque vult monstrare magnum aliquod peccatum, a contumelia incipit; sicut
ibi: serve nequam, omne debitum dimisi tibi; et ideo hic dicit hypocrita,
eice primum. Etenim quae sui ipsius sunt, magis aliquis novit quam quae sunt
aliorum; et quae maiora sunt, magis videt quam quae minora, et seipsum magis
diligit quam proximum. Et ideo iubet eum qui obnoxius est multis peccatis,
non amarum esse iudicem delictorum alterius, et maxime cum fuerunt parva: non
quidem ab arguendo aut a corrigendo avertens, sed prohibet propria contemnere,
et alienis insistere. Oportet enim ut primo cum diligentia investiges quae
tua sunt, et tunc quae proximi sunt discuties; et ideo sequitur et tunc
videbis eicere festucam de oculo fratris tui. Augustinus. Auferentes enim de oculo nostro
trabem invidentiae vel malitiae vel simulationis, videbimus eicere festucam
de oculo fratris. |
Versets 3-5
— Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 30.) Notre Seigneur vient de nous prémunir contre le jugement
téméraire et injuste, jugement téméraire dont se rendent coupables ceux qui
se prononcent légèrement et avec sévérité dans les choses incertaines, qui
aiment mieux blâmer et condamner que de corriger et de ramener au bien, ce
qui est toujours un effet de l’orgueil et de l’envie. Il poursuit sa pensée
et ajoute: « Pourquoi voyez-vous
une paille dans l’oeil de votre frère, tandis que vous ne voyez pas une
poutre dans le vôtre ? » —
Saint Jérôme : Le Seigneur parle ici de ceux qui,
esclaves qu’ils sont du péché mortel, ne pardonnent pas à leurs frères des
fautes bien plus légères. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 31.) [référence à
vérifier] Ainsi encore
votre frère pèche par colère et vous le reprenez par haine; or entre la
colère et la haine il y a la différence qui existe entre une paille et une
poutre, car la haine c’est la colère invétérée. Il peut se faire qu’en vous
mettant en colère contre un homme, votre intention soit de le ramener au
bien, ce qui vous sera toujours impossible si vous avez pour lui de la haine. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
24.) Il
en est plusieurs qui en voyant un moine porter de riches vêtements ou user
d’une nourriture abondante, le blâment avec amertume, tandis qu’eux-mêmes se
livrent tous les jours à la rapine ou aux excès de la table. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore : Notre
Seigneur s’adresse ici aux docteurs, car la gravité ou la légèreté d’une
faute se mesure sur la personne qui la commet, et le péché d’un simple fidèle
n’est qu’une paille légère auprès du péché d’un prêtre, péché qui est ici comparé
à une poutre. — Saint Hilaire : (can. 5 sur S. Matth.) Ou bien le péché contre le
Saint-Esprit consiste à nier la puissance de la vertu divine, et à refuser de
reconnaître une substance éternelle en Jésus-Christ, par qui l’homme doit
s’élever de nouveau jusqu’à Dieu, parce qu’étant Dieu lui-même il s’est
abaissé jusqu’à se faire homme. D’après Notre Seigneur, il y a donc autant de
différence entre le péché contre le Saint-Esprit et les autres crimes,
qu’entre une poutre et un fêtu de paille, et les infidèles se rendent
coupables de ce péché lorsqu’ils reprochent aux autres leurs fautes
extérieures, sans voir eux-mêmes le crime qui pèse sur eux, c’est-à-dire leur
incrédulité aux promesses de Dieu, parce qu’ils ont l’oeil de l’âme aveugle
comme si une poutre était tombée sur leurs yeux. « Ou comment pouvez-vous dire à votre frère: Laissez-moi tirer
la paille de votre oeil, pendant que vous avez une poutre dans le
vôtre ? » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est-à-dire de quel front
osez-vous reprendre votre frère, vous qui êtes coupable de la même faute et
peut-être plus coupable que lui ? —
Saint Augustin : Lors donc que la nécessité nous
obligera à faire une réprimande, faisons-nous d’abord cette question: N’ai-je
jamais commis cette faute ? et pensons alors qu’étant aussi des hommes
fragiles, nous aurions pu la commettre. Si nous en avons été coupables, et
que nous ayons cessé de l’être, rappelons-nous notre commune fragilité, afin
que notre réprimande soit inspirée non par la haine, mais par la miséricorde.
Mais si nous découvrons en nous ce même péché, abstenons-nous de tout
reproche, confondons nos gémissements et excitons-nous mutuellement à de
courageux efforts pour en sortir. Ce n’est du reste que rarement et lorsqu’il
y a nécessité pressante qu’il faut employer les réprimandes sévères, et
jamais dans des vues personnelles, mais dans l’intérêt de la gloire de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Ou bien dans un autre sens: « Comment
dites-vous à votre frère », c’est-à-dire dans quelle
intention ? Est-ce par charité, pour assurer son salut ? Non, car
alors vous chercheriez tout d’abord à vous sauver vous-même. Ce que vous vous
proposez, ce n’est donc pas de guérir les autres, mais de vous servir de la
saine doctrine comme d’un manteau pour couvrir vos actions coupables; vous
recherchez auprès des hommes une réputation de science, et non pas la
récompense que Dieu accorde à celui qui édifie, et vous êtes hypocrite. Aussi
écoutez ce que vous dit le Seigneur: « Hypocrite,
enlevez plutôt la poutre de votre oeil. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Il n’appartient qu’aux
vertueux de reprendre le vice, et lorsque les méchants essaient de le faire,
ils usurpent un rôle qui leur est étranger. C’est ce que font les comédiens
qui cachent sous un déguisement emprunté ce qu’ils sont, et s’en servent en
même temps pour paraître ce qu’ils ne sont pas. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
24 sur S. Matth.) Il est à remarquer que toutes
les fois que Notre Seigneur veut signaler un péché d’une certaine gravité, il
débute par un terme de reproche. « Mauvais
serviteur, dit-il ailleurs, je vous
ai remis toute votre dette », et ici: « Hypocrite enlevez d’abord », etc... On connaît mieux
ce qui est en soi, que ce qui se passe chez les autres; on voit plus
facilement ce qui est grand que ce qui est petit; et on a pour soi plus
d’affection que pour son prochain. C’est pour cela que Notre Seigneur défend
à celui qui s’est rendu esclave de fautes nombreuses, de juger avec amertume
les péchés des autres, alors surtout qu’ils sont légers. Ce n’est pas qu’il
nous interdise la correction ou la réprimande; mais il ne veut pas qu’en
fermant les yeux sur nos propres fautes, nous poursuivions avec sévérité les
fautes des autres. Commencez par examiner avec soin votre propre conduite,
avant de discuter la conduite du prochain. « Et alors, ajoute Notre Seigneur, vous songerez à ôter le fêtu de l’oeil de votre frère. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 30.) Une fois que
nous aurons ôté de notre oeil la poutre de la jalousie, de la malice, de la
fausseté, nous songerons à enlever la paille de l’oeil de notre frère. |
Lectio 3 [85421] Catena in Mt., cap. 7 l. 3 Augustinus
de Serm. Dom. Quia potest aliquos nomen simplicitatis, ad quam per
superiora induxerat, decipere, ut sic putetur vitiosum esse aliquando verum
occultare, quomodo vitiosum est falsum dicere, recte subiungit nolite sanctum
dare canibus, neque mittatis margaritas vestras ante porcos. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Iusserat
superius dominus diligere inimicos et benefacere his qui peccant in nos. Ne
ergo cogitarent sacerdotes etiam quae Dei sunt eis communicare, talem
cogitationem compescuit, dicens nolite sanctum dare canibus; ac si diceret:
mandavi vobis diligere inimicos, et benefacere eis de vestris corporalibus
bonis, non tamen de meis spiritalibus passim, quoniam in natura vobiscum
communes sunt, non in fide; et Deus carnalia beneficia dignis et indignis
similiter praestat, non autem gratias spiritales. Augustinus. Quaerendum autem est quid sit
sanctum, quid canes, quid margaritae, quid porci. Sanctum est quod corrumpere
nefas est; cuius sceleris voluntas rea tenetur, quamvis illud incorruptibile
maneat. Margaritae autem sunt quaecumque spiritalia magni aestimanda sunt.
Licet itaque una eademque res et sanctum et margarita dici possit; sed
sanctum dicitur ex eo quod non debet corrumpi; margarita vero ex eo quod non
debet contemni. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Sanctum
est sicut Baptismus, gratia corporis Christi et huiusmodi; mysteria autem
veritatis margaritae sunt: quia sicut margaritae inclusae cochleis, positae
sunt in profundo maris, sic mysteria divina verbis inclusa, posita sunt in
altitudine sensus sacrae Scripturae. Chrysostomus in Matth. Quae quidem his qui
bonae mentis sunt et intellectum habent, revelata, honesta apparent; his
autem qui insensibiles sunt, magis videntur reverenda cum ignorantur. Augustinus. Canes autem pro impugnatoribus
veritatis, porcos pro contemptoribus positos non incongrue accipimus. Quapropter,
quia canes exiliunt ad dilacerandum, quod autem dilacerant integrum esse non
sinunt, dixit nolite sanctum dare canibus: quia, quantum in ipsis est, si
fieri posset, conantur perimere veritatem. Porci autem quamvis non ita ut
canes morsu appetant, passim tamen calcando inquinant: et ideo dicit neque
mittatis margaritas vestras ante porcos. Rabanus. Vel canes sunt ad vomitum reversi;
porci nondum conversi, sed in luto vitiorum versati. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Canis et
porcus immunda animalia sunt; sed canis ex omni parte, quia nec ruminat, nec
ungulam findit; porcus autem ex parte; nam ungulam habet fissam, sed non
ruminat. Propter quod canes puto intelligendos gentiles omnino immundos, et
propter actus et propter fidem; porcos autem haereticos, quia nomen domini
invocare videntur. Nolite ergo sanctum dare canibus: quia Baptismum et alia
sacramenta non sunt danda nisi fidem habentibus. Item mysteria veritatis,
idest margaritae non sunt dandae nisi desiderantibus veritatem, et cum ratione
humana viventibus. Si enim porcis eas miseris, idest coenosae vitae
delectatione gravatis, non intelligunt pretiositatem earum; sed aestimant eas
similes ceteris fabulis mundialibus, et eas actibus suis carnalibus
conculcant. Augustinus. Calcari enim dicitur quicquid
contemnitur: et ideo dicitur ne forte conculcent eas pedibus suis. Glossa. Dicit autem ne forte, quia resipiscere
possunt ab immunditia. Augustinus. Quod autem sequitur, et conversi
dirumpant vos, non ait ipsas margaritas: illas enim conculcant, et cum
convertuntur ut adhuc aliquid audiant, disrumpunt eum a quo missas margaritas
conculcant: non enim facile inveneris quod ei gratum esse possit, a quo magno
labore inventa contemnantur. Qui ergo tales docent, quomodo non disrumpantur
indignando et stomachando non video. Chrysostomus super Matth. Vel porci non solum
carnalibus actibus margaritas conculcant, sed etiam post modicum conversi,
per inobedientiam rumpunt praebitores earum. Frequenter autem et scandalizati
calumniantur eos quasi dogmatum novorum seminatores. Canes etiam conculcantes
sancta sordidis actibus, disputationibus suis rumpunt praedicatorem veritatis.
Chrysostomus in Matth. Et bene dixit
conversi: fingunt enim mansuetudinem, ut addiscant; deinde cum didicerint,
detrahunt. Chrysostomus super Matth. Rationabiliter autem
margaritas dari porcis prohibuit: quia si porcis minus immundis mitti
vetantur, quanto magis canibus plus immundis? De sancto autem dando idem
aestimare non possumus; quia frequenter etiam benedictionem damus pecorum
more viventibus Christianis, non quia merentur accipere, sed ne forte plenius
scandalizati dispereant. Augustinus de Serm. Dom. Cavendum est ergo ne
quid aperiatur ei qui non capit; melius enim quaerit id quod clausum est quam
id quod apertum est: aut infestat per odium, ut canis, aut negligit per
contemptum, ut porcus. Non est autem consequens ut si verum occultatur, etiam
falsum dicatur: quia dominus quamvis nihil mentitus sit, vera tamen aliqua
occultavit, secundum illud Ioannis: adhuc habeo vobis multa dicere, quae non
potestis portare modo. Sed si aliquis non capit propter sordes, mundandus est
vel verbo vel opere quantum fieri potest a nobis. Quia autem dominus quaedam
dixisse invenitur quae multi qui aderant, vel resistendo vel contemnendo non
receperunt, non putandus est sanctum dedisse canibus, aut margaritas ante
porcos misisse. Dedit enim eis qui capere poterant, et simul aderant, quos
propter aliorum immunditiam negligi non oportebat; et quamvis tentantes eum in
ipsis quae eis respondebat, contabescerent, alii tamen qui poterant capere,
ex illorum occasione multa utiliter audiebant. Qui ergo novit quid
respondeat, debet respondere, saltem propter illos quibus desperatio
suboritur, si propositam quaestionem solvi non posse crediderint: et hoc de
rebus ad instructionem salutis pertinentibus. De supervacuis autem et noxiis
nihil dicendum est; sed hoc ipsum explicandum est, cur inquirenti talia non
oporteat respondere. |
Verset 6.
— Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 31.) La simplicité que le Seigneur nous recommande par ce qui
précède, pouvait induire quelques esprits en erreur, et leur donner à croire
qu’on pèche en dissimulant quelquefois la vérité, il ajoute pour rectifier
cette erreur: « Ne donnez pas les
choses saintes aux chiens, et ne jetez point vos perles devant les
pourceaux. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore, le Seigneur nous
avait ordonné plus haut d’aimer nos ennemis et de faire du bien à ceux mêmes
qui nous ont offensé. Or les prêtres pouvaient peut-être conclure de là qu’il
fallait aussi les admettre à la participation des choses divines; il combat
cette pensée en disant: « Ne
donnez pas les choses saintes aux chiens », comme s’il disait: Je
vous ai commandé d’aimer vos ennemis, de les assister de vos biens temporels,
mais non pas de leur distribuer indistinctement mes trésors spirituels; car
s’ils ont avec vous une commune nature, ils n’ont pas une même foi; et si
Dieu répand également les biens de la terre sur les méchants comme sur les
bons, il n’en est pas de même des grâces spirituelles. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Examinons ce que sont
ici les choses saintes, les chiens, les pierres précieuses, les pourceaux. Ce
qui est saint, c’est ce qu’on ne peut profaner sans crime, et ce crime, la
volonté s’en rend coupable, alors même que la chose sainte reste inviolable.
Les pierres précieuses sont les choses spirituelles du plus grand prix.
Cependant une seule et même chose peut réunir à la fois ces deux qualités, d’être
sainte et pierre précieuse; sainte, parce qu’on doit prendre garde de la
profaner; pierre précieuse, parce qu’on doit se garder d’en mépriser la
valeur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore, les choses
saintes, c’est le baptême, la grâce du corps de Jésus-Christ, et les autres
trésors spirituels de même nature. Les pierres précieuses sont les mystères
de la vérité, car de même que les perles sont renfermées dans des coquilles,
et cachées au fond de la mer, ainsi les mystères divins sont cachés sous
l’enveloppe des paroles et renfermés dans les profondeurs du sens de la
sainte Écriture. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24.) Pour ceux qui sont doués
d’intelligence et d’une âme vertueuse, la connaissance qu’ils ont des
mystères leur inspire pour eux une plus grande vénération. Ceux au contraire
qui n’ont pas de sentiment, ont plus de respect pour ce qu’ils ignorent. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) D’après une
interprétation assez juste, les chiens sont ceux qui attaquent la vérité, et
les pourceaux ceux qui la méprisent. Comme les chiens s’élancent pour
déchirer leur proie, et qu’ils mettent en pièces, pour ne pas les laisser
intacts, ce qu’ils déchirent, Jésus-Christ nous dit: « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens », car
autant qu’il dépend d’eux, ils mettraient en pièces la vérité, si elle
n’était inaccessible à leurs efforts. Quant aux pourceaux, quoiqu’ils n’aient
pas, comme les chiens, l’habitude de déchirer avec les dents ce qu’ils
rencontrent, ils le souillent en le foulant çà et là dans la fange, et c’est
pour cela que Notre Seigneur ajoute: « Ne
jetez pas vos perles devant les pourceaux. » — Raban : Ou bien, les
chiens sont ceux qui sont retournés à leur vomissement, et les pourceaux ceux
qui n’étant pas encore convertis se vautrent dans la fange du vice. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) On peut encore dire que le
chien et le porc sont des animaux immondes, mais avec cette différence que le
chien l’est sous tous rapports, parce qu’il ne rumine pas et n’a pas la corne
divisée en deux, tandis que le porc n’est immonde que sous un rapport, parce
qu’il porte la corne fendue par le milieu, mais ne rumine pas. Aussi je pense
que les chiens figurent ici les Gentils qui sont tout à fait immondes, et
dans leur vie, et dans leur foi; et les pourceaux, les hérétiques, parce
qu’ils paraissent invoquer le nom du Seigneur. Or on ne doit pas donner les
choses saintes aux chiens, parce que le baptême et les autres sacrements ne
doivent être administrés qu’à ceux qui font profession de la foi chrétienne.
De même les mystères de la vérité figurés par les perles ne doivent être
exposés qu’a ceux qui les désirent, et qui vivent d’une manière conforme à la
raison. Si vous les jetez aux pourceaux, c’est-à-dire à ceux qui sont comme
abrutis dans la fange des plaisirs sensuels, ils n’en comprendront pas le
prix, mais les croiront semblables aux autres fables profanes, et les
fouleront aux pieds par l’indignité d’une vie toute charnelle. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) On foule aux pieds ce
qu’on méprise, et c’est pour cela que Notre Seigneur ajoute: « de peur qu’ils ne les foulent aux
pieds. » — La Glose : Il dit: « de
peur », car ils peuvent se repentir de leur vie impure. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Pour ce qui est de ce
qui suit, « et que s’étant
retournés, ils ne vous déchirent », remarquez qu’il ne dit pas:
« Ils ne déchirent les perles, car pour elles, elles sont foulées aux
pieds » ; et lorsqu’ils
se sont retournés pour entendre encore quelque vérité, ils déchirent celui
dont ils ont foulé les perles aux pieds; car il n’est pas facile de trouver
grâce devant un homme qui méprise ce qui a coûté tant de travaux et de
peines ? Je ne vois donc pas comment ceux qui enseignent de telles gens
ne sont pas comme déchirés par l’indignation et la douleur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien les pourceaux
non-seulement foulent les perles aux pieds, par leur conduite toute
charnelle, mais encore à peine convertis de quelques jours, ils déchirent,
par leur désobéissance, ceux qui les leur ont offertes. Presque toujours on
les voit se scandaliser et calomnier ceux qui les enseignent comme s’ils
annonçaient de nouveaux dogmes. Les chiens aussi foulent les choses saintes
aux pieds en déchirant le prédicateur de la vérité par leurs sentiments, leur
manière d’agir et leurs disputes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24.) Remarquez la justesse de cette
expression: « s’étant
retournés », car ils affectent un certain air de douceur pour se
faire instruire, et déchirent ensuite ceux qui les ont enseignés. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) La défense qui nous est
faite de jeter les perles aux pourceaux est pleine de sagesse, car s’il est
défendu de les jeter aux pourceaux qui sont moins immondes, à plus forte
raison ne doit-on pas les jeter aux chiens qui le sont bien davantage. Quant
à la distribution des choses saintes, nous ne pouvons suivre la même règle de
conduite, car souvent nous répandons nos bénédictions même sur des chrétiens
qui vivent à la manière des bêtes (cf. Za 11, 4), non parce qu’ils les
méritent, mais de peur qu’[en les leur refusant] nous ne les scandalisions et
ne soyons la cause de leur perte. — Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 32.) Il faut donc se garder de rien expliquer à celui qui n’est pas en état de comprendre; car il vaut mieux le laisser chercher ce qui est caché pour lui, que de l’exposer à profaner par la haine comme le chien, ou par le mépris comme le pourceau, ce qui lui aura été découvert. De ce que l’on peut s’abstenir de dévoiler une vérité, il ne faut pas conclure qu’il soit permis de dire un mensonge, car le Seigneur, qui n’a jamais menti, a cependant cru devoir cacher quelques vérités comme le prouvent ces paroles de Jean: « J’ai beaucoup d’autres choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant. » Si quelqu’un se trouve dans l’impossibilité de comprendre les vérités saintes à cause des souillures de son âme, nous devons l’en purifier par la parole ou par les oeuvres, autant qu’il est possible. De ce que le Seigneur ait souvent enseigné des vérités qu’un grand nombre de ceux qui l’écoutaient n’ont pas voulu recevoir, par mépris ou par opposition, il ne faut pas en conclure qu’il donnait les choses saintes aux chiens, ou qu’il jetait les perles devant les pourceaux. Il parlait pour ceux qui pouvaient le comprendre et qui adhéraient [à ses divines leçons], et qu’il n’était pas juste d’abandonner à cause de l’indignité des autres. Ceux qui venaient pour le tenter séchaient de douleur devant la sagesse de ses réponses, mais il y en avait un grand nombre d’autres capables de les comprendre, et qui profitaient de cette occasion pour entendre des leçons utiles. Celui qui est en état de répondre, doit le faire lorsqu’il s’agit de choses nécessaires au salut, dans l’intérêt du moins de ceux qui seraient tentés de désespoir parce qu’ils s’imaginent que la difficulté qu’ils proposent est insoluble. Au contraire, dans les choses vaines et nuisibles, on doit ne rien dire, mais se contenter d’expliquer pourquoi on ne peut répondre à de semblables questions. |
Lectio 4 [85422] Catena in Mt., cap. Augustinus de Serm. Dom. Vel aliter. Cum
praeceptum esset ne sanctum daretur canibus, et ne margaritae ante porcos
mitterentur, potuit auditor suae ignorantiae conscius dicere: quid sanctum me
dare canibus vetas, cum adhuc me habere non videam? Et ideo opportune
subiecit dicens petite et accipietis. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Quoniam
ad sanctificandam orationem quaedam dederat eis mandata, dicens nolite
iudicare, competenter adiungit petite, et dabitur vobis; quasi dicat: si hanc
clementiam servaveritis ad inimicos, quicquid clausum vobis videtur, pulsate,
et aperietur vobis. Petite ergo precibus, die ac nocte orantes; quaerite
studio et labore: nec enim laborantes circa Scripturam acquirimus scientiam
sine gratia Dei, nec gratiam acquirimus nisi studuerimus, ne donum Dei
negligentibus detur. Pulsate autem oratione et ieiuniis et eleemosynis. Sicut
enim qui pulsat ostium, non tantum voce clamat, sed manu, sic et qui bona
opera facit, pulsat operibus bonis. Sed dices: hoc ipsum peto ut sciam et faciam;
quomodo ergo possumus facere priusquam accipiam? Sed quod potest fac, ut
amplius possis; et quod scis serva, ut amplius scias. Vel aliter. Cum dixisset supra omnibus ut
indulgerent inimicis, et postea prohibuerit ne sub obtentu dilectionis sancta
canibus darent, nunc dat eis bonum consilium, ut petant Deum pro illis, et
dabitur eis; quaerant eos qui perierant in peccatis, et invenient; pulsent
eos qui in erroribus sunt conclusi, et aperiet eos Deus, ut habeat sermo
eorum ad animas eorum ingressum. Vel aliter. Quoniam maiora erant mandata superius
posita quam virtus humana, transmittit eos ad Deum, cuius gratiae nihil
impossibile est, dicens petite, et dabitur vobis, ut quod ex hominibus
consummari non potest, per gratiam Dei adimpleatur. Cum enim alia animalia
Deus muniverit veloci pedum cursu, aut velocibus pennis, aut unguibus, aut
dentibus, aut cornibus, hominem solum sic disposuit ut virtus illius sit
ipse, ut infirmitatis suae necessitate coactus, semper necessarium habeat
dominum suum. Glossa. Petimus autem fide, quaerimus spe,
pulsamus caritate. Primum petere debes, ut habeas; post quaerere, ut
invenias; inventa observare, ut introeas. Remigius. Vel aliter. Petimus orando,
quaerimus recte vivendo, pulsamus perseverando. Augustinus. Petitio autem pertinet ad
impetrandam sanitatem animae, ut ea quae praecipiuntur, implere possimus;
inquisitio autem ad inveniendam veritatem. Sed cum quisque veram viam
invenerit, perveniet ad ipsam possessionem; quae tantum pulsanti aperietur.
Augustinus in Lib. Retract. Operose
quidem ista tria quid inter se differant, sic exponendum putavi; sed longe
melius ad instantissimam petitionem omnia referuntur: unde postea concludit
dicens dabit bona petentibus se. Chrysostomus in Matth. Per hoc ergo quod
addidit quaerite et pulsate, cum instantia multa et robore peti iussit. Qui
enim quaerit, omnia alia proicit a mente, et ad illud solum afficitur quod
quaerit; qui autem pulsat, cum vehementia et fervida mente venit. Chrysostomus super Matth. Quia vero dixerat
petite, et accipietis, ne forte peccatores audientes dicerent: ad hoc dominus
dignos hortatur, nos autem indigni sumus; ideo repetit, ut tam iustis quam
peccatoribus misericordiam Dei commendet; et ideo dicit omnis qui petit,
accipit; idest, sive iustus sive peccator, tamen petere non dubitet: ut
constet neminem sperni, nisi qui petere dubitavit a Deo. Non enim credibile
est ut opus pietatis quod exhibetur benefaciendo inimicis, Deus iniungat
hominibus, ipse autem non faciat, cum sit bonus. Augustinus super Ioann. Unde peccatores
exaudit Deus. Si enim peccatores non audiret, frustra publicanus dixisset:
domine, propitius esto mihi peccatori, et ex ista confessione meruit
iustificationem. Prosper in Lib. Sentent. August. Fideliter
autem supplicans Deo pro necessitatibus huius vitae, et misericorditer
auditur, et misericorditer non auditur. Quid enim infirmo sit utile, magis
novit medicus quam aegrotus. Si autem id postulat quod Deus et promittit et
praecipit, fiet omnino quod poscit: quia accipiet caritas quod petit veritas.
Augustinus ad Paulinum et Hierasiam. Bonus
autem dominus, qui non tribuit saepe quod volumus, ut quod mallemus attribuat.
Augustinus de Serm. Dom. Perseverantia etiam
opus est ut accipiamus quod petimus. Augustinus de Verb. Dom. Cum enim Deus
aliquando tardius dat, commendat dona, non negat: diu desiderata dulcius
obtinentur; cito autem data vilescunt. Pete ergo et quaere iusta. Petendo
enim et quaerendo, crescit appetitus ut capias: servat tibi Deus quod non
vult cito dare, ut tu discas magna magne desiderare; ideo oportet semper
orare et non deficere. |
Versets 7-8.
— Saint Jérôme : Notre
Seigneur nous avait défendu plus haut de demander les biens temporels; il
nous apprend ici quel doit être l’objet de nos prières en nous disant: « Demandez et vous recevrez. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien, dans un
autre sens, la défense qu’il nous fait de donner les choses saintes aux
chiens, et de jeter les perles devant les pourceaux, aurait pu faire dire à
quelqu’un de ceux qui l’entendaient, dans la conviction de son ignorance:
« Pourquoi me défendez vous de donner aux chiens des choses saintes que
je ne possède pas encore ? » C’est pour prévenir cette question
qu’il ajoute: « Demandez et vous
recevrez. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore Notre
Seigneur vient de donner à ses disciples quelques préceptes qui ont trait à
la sanctification de la prière, tels que celui-ci: « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés », il ajoute
donc très à propos: « Demandez et
il vous sera donné » ; comme
s’il disait: « Si vous montrez cette clémence à l’égard de vos ennemis,
partout où une porte sera fermée, frappez
et on vous ouvrira. » Demandez par les prières que vous ferez jour
et nuit, cherchez par vos efforts et par votre travail. Ce travail, sans la
grâce de Dieu, ne vous donnera pas la science des Écritures, et cette grâce
vous ne l’aurez pas non plus sans l’application à l’étude, car le don de Dieu
ne s’accorde pas à ceux qui ne font rien pour l’obtenir. Frappez donc par la
prière, par les jeûnes, et par les aumônes. Car de même que celui qui frappe
à une porte, non-seulement élève la voix pour se faire entendre, mais encore
frappe de la main, ainsi celui qui fait des bonnes oeuvres, frappe par ces
bonnes oeuvres elles-mêmes. Mais vous me direz peut-être: Ce que je demande,
c’est de savoir ce que je dois faire, [et la grâce de le faire]; comment donc
puis-je le faire avant d’avoir reçu cette grâce ? faîtes d’abord ce que
vous pouvez, afin de pouvoir plus encore; pratiquez ce que vous savez, pour
savoir encore davantage. Ou bien encore, il avait commandé plus haut à tous
les chrétiens [et surtout aux docteurs], d’être indulgents envers leurs
ennemis; il leur avait ensuite défendu de donner aux chiens les choses
saintes sous prétexte de charité, il leur donne maintenant ce sage conseil:
Priez Dieu pour vos ennemis et vous obtiendrez ce que vous demandez; cherchez
ceux qui sont morts dans leurs péchés, et vous les trouverez; frappez à la
porte de ceux qui sont dans l’erreur, et Dieu vous l’ouvrira, et ainsi vos
paroles pourront entrer dans leur âme. Ou bien enfin comme les préceptes
qu’il a donnés plus haut dépassent les forces humaines, il élève ses
disciples jusqu’à Dieu dont la grâce ne connaît rien d’impossible, en leur
disant: « Demandez et vous recevrez », de
manière que ce qui surpasse les forces de l’homme soit rendu possible par la
grâce de Dieu. Dieu a placé la force des autres animaux ou dans l’agilité de
leur course, ou dans la rapidité de leur vol, dans leurs serres, dans leurs
dents, ou dans leurs cornes; mais il a voulu être lui-même la seule force de
l’homme (cf. Ps 17, 1; 30, 4; 42, 2; 45, 1; 117, 14; 129, 1), afin que pressé
par le sentiment de sa faiblesse, il lui soit toujours indispensable d’avoir
recours à son Seigneur. — La Glose : Nous demandons par
la foi, nous cherchons par l’espérance, nous frappons par la charité. Vous
devez d’abord demander pour avoir, puis chercher pour trouver, puis mettre en
pratique ce que vous avez trouvé, afin de pouvoir entrer. —
Saint Rémi : Ou bien nous demandons en priant, nous
cherchons en vivant chrétiennement, nous frappons en persévérant dans le
bien. —
Saint Augustin : (serm sur la mont. 2, 33.) La demande a pour
objet d’obtenir la santé de l’âme qui nous donne la force d’accomplir les
commandements: la recherche se propose de trouver la vérité, et une fois
qu’on a ainsi trouvé la véritable vie, on parviendra certainement à la
possession du véritable bien qui nous sera ouvert aussitôt que nous
frapperons. —
Saint Augustin : (Retractat., liv. 1, chap. 16.) Je me suis
appliqué à montrer en quoi diffèrent ces trois degrés de la prière. Mais il
est bien plus naturel de n’y voir que la prière elle-même avec ses vives
instances, car Notre Seigneur conclut en disant: « Il donnera les biens à ceux qui les demanderont », [et
non pas « à ceux qui chercheront et qui frapperont.] » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24 sur S. Matth.) En ajoutant: « Cherchez et frappez », le Seigneur
nous fait un devoir de prier avec beaucoup de force et de ferveur, car celui
qui cherche rejette toute autre pensée, et il est occupé exclusivement de ce
qu’il cherche; de même celui qui frappe est animé des plus vifs désirs. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Les pécheurs qui entendaient ces paroles: « Demandez et vous recevrez » pouvaient dire: Elles ne
s’adressent qu’à ceux qui méritent d’être exaucés; pour nous, nous en sommes
indignes. Notre Seigneur renouvelle donc sa promesse pour rappeler aux
pécheurs comme aux justes la grandeur de la miséricorde de Dieu: « Quiconque demande reçoit », c’est-à-dire:
juste ou pécheur, qu’il n’hésite pas à demander, afin qu’il soit bien prouvé
que Dieu ne rejette personne, si ce n’est celui qui a douté que Dieu pût
exaucer sa prière. On ne peut croire, en effet, que Dieu nous commande de faire
du bien à nos ennemis et qu’il n’accomplisse pas lui-même ce devoir de
charité, lui qui est bon. —
Saint Augustin : (Traité 44 sur S. Jean.) il est donc certain que Dieu exauce les pécheurs,
car, s’il ne les exauçait pas, c’est en vain que le publicain aurait dit (Lc 11): « Seigneur, soyez-moi
propice, à moi qui suis un pécheur. » Or cependant c’est par cette
confession qu’il mérita d’être justifié. —
Saint Augustin : (Liv. des Sent. Prosp.) Dieu peut exaucer,
dans sa miséricorde, celui qui le prie avec constance pour les nécessités de
cette vie, comme il peut aussi refuser de l’exaucer par le même principe de
miséricorde. Le médecin sait mieux que le malade ce qui convient à son état.
Si ce qu’il demande est l’objet d’un commandement ou d’une promesse, il
obtiendra certainement ce qu’il demande, et la charité recevra ce que la
vérité tient en réserve. —
Saint Augustin : (Lettre 250 à Paulin et à Therasia). C’est un effet de la bonté de Dieu de
nous refuser souvent ce que nous voulons, pour nous accorder ce que nous
devrions préférer. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 33.) La persévérance
nous est nécessaire, si nous voulons obtenir ce que nous demandons. — Saint Augustin : (serm. 5 sur les paroles du Seign.) Lorsque Dieu diffère de nous exaucer, ce n’est pas qu’il nous refuse ses dons, il veut simplement en relever le prix; les choses que nous avons longtemps désirées ont pour nous bien plus de douceur lorsque nous les obtenons; si elles nous sont données aussitôt, elles perdent pour nous de leur prix. Demandez donc, cherchez ce qui est juste; en demandant et en cherchant, le désir que vous avez de recevoir s’accroît. Dieu tient en réserve ce qu’il ne veut pas accorder immédiatement, pour vous apprendre à désirer grandement d’aussi grandes faveurs; c’est pour cela qu’il faut toujours prier et ne jamais cesser. |
Lectio 5 [85423] Catena in Mt., cap. 7 l. 5 Augustinus
de Serm. Dom. Sicut in superioribus egit de volatilibus caeli et de liliis
agri, ut spes de minoribus ad maiora consurgeret, ita et in hoc loco, cum
dicit aut quis ex vobis homo? Chrysostomus super Matth. Ne forte aliquis
considerans quanta est differentia inter Deum et hominem, et ponderans
peccata sua, dum desperat impetrare, nec incipiat petere, patrum et filiorum
similitudinem introduxit; ut si propter peccata nostra desperamus, propter
bonitatem Dei speremus. Chrysostomus in Matth. Duo autem oportet
adesse oranti: et petere vehementer, et quae oportet petere. Haec autem sunt
spiritualia: etenim Salomon, quia petiit quod petere oportebat, velociter
accepit. Chrysostomus super Matth. Quae autem petere
oportet, sub similitudine panis et piscis ostendit. Panis enim est verbum de
notitia Dei patris. Lapis est omne mendacium quod habet scandalum offensionis
ad animam. Remigius. Piscem autem possumus intelligere
verbum de Christo, serpentem autem, ipsum Diabolum. Vel per panem
intelligitur doctrina spiritualis; per lapidem ignorantia; per piscem unda
Baptismatis sacri, per serpentem astutia Diaboli, sive infidelitas. Rabanus. Vel panis, qui est communis cibus,
caritatem significat, sine qua aliae virtutes nihil valent. Piscis significat
fidem, quae ex aqua Baptismatis orta est, et in mediis fluctibus huius vitae
pulsatur, et tamen vivit. Lucas autem addidit tertium, scilicet ovum, quod
est spes animalis, unde spem significat. Contra caritatem ponit lapidem,
idest odii duritiam; contra fidem, serpentem, idest perfidiae venenum; contra
spem, scorpionem, idest desperationem, quae retro pungit, sicut scorpio. Remigius. Est ergo sensus: non est timendum
quod si petamus a Deo patre panem, idest doctrinam vel caritatem, quod
porrigat lapidem; idest quod permittat cor nostrum constringi aut frigore
odiorum, aut duritia mentis; vel quod si petierimus fidem, ipse nos permittat
perire veneno infidelitatis. Unde sequitur si ergo vos cum sitis mali. Chrysostomus in Matth. Haec autem dixit, non
detrahens humanae naturae, neque malum confitens omne genus humanum, sed ad
differentiam bonitatis suae, dilectionem paternam malitiam vocans: tanta est
superabundantia amoris ipsius ad homines. Quia quantum ad comparationem Dei, qui solus
singulariter bonus est, omnes mali videntur; sicut ad comparationem solis
omne lucidum videtur obscurum. Hieronymus. Vel forte apostolos malos dixit,
quia sub apostolorum persona omne hominum genus damnatur, cuius ab infantia
cor ad malum appositum est, ut in Genesi legitur. Nec mirum huius saeculi
homines dici malos, cum et apostolus memoret quoniam dies mali sunt. Augustinus. Vel malos appellavit huius saeculi
dilectores, unde et bona quae dant, secundum eorum sensum bona dicenda sunt,
quia haec pro bonis habent; quamquam et in rerum natura, ista bona sint,
scilicet temporalia, et ad istam vitam infirmam pertinentia. Augustinus de Verb. Dom. Bonum enim quod facit
bonos, Deus est. Aurum autem et argentum bonum est, non quod te faciat bonum,
sed unde facias bonum. Mali ergo cum simus, et bonum patrem habeamus, non
semper mali remaneamus. Augustinus de Serm. Dom. Si ergo cum simus
mali, novimus id dare quod petimus, quanto magis sperandum est daturum Deum
nobis bona petentibus? Chrysostomus super Matth. Quoniam autem
non omnia petentibus praestat, sed bona tantummodo, ideo convenienter addidit
bona. Glossa. A Deo enim non nisi bona
percipimus, qualiacumque nobis videantur: omnia enim dilectis in bonum
cooperantur. Remigius. Et sciendum, quod ubi
Matthaeus sic dicit dabit bona, Lucas dicit: dabit spiritum bonum. Sed
non debet videri contrarium: quia cuncta bona quae homo a Deo accipit, per
gratiam spiritus sancti dantur. |
Versets 9-11.
— Saint Augustin : Notre
Seigneur, par ces paroles: « Quel
est l’homme parmi vous », suit la même marche que précédemment,
lorsqu’il a parlé des oiseaux du ciel et des lys des champs, voulant ainsi
élever notre espérance de ces moindres choses à des objets plus importants. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Et de peur que le pécheur, en mesurant la distance qui sépare l’homme de
Dieu et en pesant l’énormité de ses péchés, n’en vînt à perdre tout espoir
d’être exaucé et à renoncer à la prière, il apporte cette comparaison d’un
père et de ses enfants, afin que la considération de la bonté paternelle
fasse renaître en nous l’espérance que nos péchés y détruisent. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24.) Deux conditions sont exigées de
celui qui prie: demander avec instance, demander des choses convenables,
c’est-à-dire les biens spirituels, et c’est parce qu’il avait demandé ce
qu’il fallait demander que Salomon obtint promptement ce qu’il avait demandé (3 R 3, 5.9.10). —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Sous cette figure du pain et
du poisson, le Seigneur nous apprend quelles sont les choses que nous devons
demander. Le pain, c’est le Verbe qui nous donne la connaissance du Père; la
pierre, c’est tout mensonge qui devient pour l’âme une pierre de scandale. —
Saint Rémi : Nous pouvons voir aussi dans le poisson
toute parole qui concerne le Christ, et dans le serpent le démon lui-même. Ou
bien par le pain on peut entendre la doctrine spirituelle, et par la pierre,
l’ignorance; par le poisson, l’eau du saint baptême; par le serpent, la
fourberie du démon ou l’infidélité. — Raban : Ou bien par le
pain, qui est la nourriture commune à tous les hommes, on peut entendre la charité,
sans laquelle les autres vertus n’ont aucun prix. Le poisson signifie la foi
qui, née de l’eau du baptême, se trouve ballottée par les flots de ce monde
au milieu desquels, pourtant, elle vit. Saint Luc ajoute une troisième
figure, qui est l’oeuf, espérance de l’animal [qui doit en sortir], et qui
est ici le symbole de l’espérance chrétienne. A la charité il oppose la
pierre, c’est-à-dire la dureté de la haine; à la foi, le serpent, ou le venin
de la perfidie; à l’espérance, le scorpion, c’est-à-dire le désespoir qui
blesse par derrière, comme le scorpion. —
Saint Rémi : Voici donc le sens de ce passage: Si
nous demandons à Dieu le Père le pain, c’est-à-dire la doctrine ou la
charité, nous n’avons pas à craindre qu’il nous donne une pierre,
c'est-à-dire qu’il permette jamais que notre cœur se resserre ou par la
froideur qu’engendrent les haines, ou par la dureté de l’âme; et si nous lui
demandons la foi, il ne nous laissera pas périr victimes du poison de
l’incrédulité; c’est pour cela qu’il ajoute: « Si vous, qui êtes mauvais, … » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24.) En s’exprimant ainsi, Notre
Seigneur ne déverse pas le blâme sur la nature humaine, il ne déclare pas que
tout le genre humain soit mauvais, mais il veut nous montrer combien sa bonté
diffère de la nôtre; il appelle mauvaise la tendresse des pères pour leurs
enfants [en comparaison de celle de Dieu], tant est grand l’excès de son
amour pour les hommes. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) [référence
à vérifier] En effet, tous les hommes paraissent mauvais
si on les compare à Dieu, qui est le seul bon par essence, de même qu’à côté
du soleil toute lumière n’est qu’obscurité. —
Saint Jérôme : Ou bien peut-être dit-il des Apôtres
qu’ils sont mauvais parce que dans la personne des Apôtres il condamne tout
le genre humain dont le cœur est porté au mal dès son enfance, comme nous le
lisons dans la Genèse (Gn 8). Il
n’est point étonnant, du reste, qu’il appelle mauvais les hommes qui vivent
dans le siècle, puisque l’Apôtre nous déclare que les jours qui le composent
sont mauvais. — Saint
Augustin (serm.
sur la mont., 2, 33.) Ou bien il appelle mauvais ceux qui aiment la vie
de ce monde. Or, les biens qu’ils donnent, d’après leur manière de voir,
peuvent être appelés bons parce qu’ils les tiennent pour tels; et encore,
considérés seulement dans leur nature, ces biens temporels ont une bonté
réelle, puisqu’ils sont les soutiens de cette vie misérable. —
Saint Augustin : (serm. 2 sur les paroles du Seign.) Le bien
qui seul peut vous rendre bon, c’est Dieu. L’or et l’argent sont bons, non
pas qu’ils puissent vous rendre bons, mais parce qu’ils vous donnent le moyen
de faire le bien. Puisque donc nous sommes mauvais et que notre Père est bon,
ne demeurons pas toujours dans notre malice. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Si donc nous qui sommes
mauvais nous sommes capables de donner ce qu’on nous demande, à combien plus
forte raison devons-nous espérer que Dieu nous donnera les biens que nous lui
demanderons. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Cependant, comme il ne nous
accorde pas indifféremment tout ce que nous lui demandons, mais seulement ce
qui est bon, Notre Seigneur prend soin d’ajouter: «[ A combien plus forte raison donnera-t-il] les biens. » — La
Glose : Nous ne recevons de Dieu que des biens,
quelle que soit l’idée que nous nous en faisons, car tout contribue au bien
de ceux qui sont aimés de Dieu (Rm 8,
28). — Saint Rémi : Nous lisons dans saint Matthieu: « Il donnera les biens », et dans saint Luc: « Il donnera le bon esprit » ; mais il n’y a pas ici de contradiction, car tous les biens que l’homme reçoit de Dieu lui sont donnés par la grâce de l’Esprit saint. |
Lectio 6 [85424] Catena in Mt., cap. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Supra
propter sanctificandam orationem mandavit ut non iudicent homines eos qui
peccant in ipsos. Et quia ab ordine narrationis suae recedens, introduxit
alia quaedam, nunc ad mandatum quod coeperat rediens, ait omnia quaecumque
vultis; idest, non solum mando: nolite iudicare, sed et omnia quaecumque
vultis ut faciant vobis homines, et facite eis: et tunc impetrabiliter
poteritis orare. Glossa. Vel aliter. Omnium bonorum
spiritualium distributor est spiritus sanctus, ut opera caritatis impleantur;
unde subdit omnia ergo, et cetera. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Vult
dominus demonstrare quoniam oportet homines et superius inquirere auxilium,
et quae a seipsis sunt simul inferre; unde cum dixisset petite, quaerite, et
pulsate docet aperte ipsos homines studiosos esse; et ideo subdit omnia
quaecumque vultis, et cetera. Augustinus de Verb. Dom. Vel aliter.
Promiserat se dominus petentibus bona largiturum. Ut autem ille agnoscat
mendicos suos, agnoscamus et nos nostros. Excepta enim substantia facultatum,
tales sunt qui petunt, quales a quibus petunt. Quam frontem habes petendi ad
Deum tuum, qui non agnoscis parem tuum? Hinc est quod in proverbiis dicitur:
qui obturat aurem suam ad clamorem pauperis, et ipse clamabit, et non
exaudietur. Quid autem petenti proximo debeamus impendere ut et ipsi audiamur
a Deo, ex hoc considerare possumus quod ab aliis volumus nobis impendi. Et
ideo dixit omnia ergo quaecumque vultis. Chrysostomus in Matth. Non simpliciter dicit
omnia, sed addidit ergo; quasi dicat: si vultis audiri, cum illis quae dixi
et haec facite. Non autem dixit: quaecumque vis effici tibi a Deo, haec fac
ad proximum; ut non dicas: qualiter hoc est possibile? Sed ait: quaecumque
volueris effici tibi a conservo, haec et circa proximum ostende. Augustinus de Serm. Dom. Quidam Latini codices
habent additum bona; quod additum puto ad manifestationem sententiae.
Occurrebat enim quod si quisquam flagitiose aliquid erga se fieri velit, et
ad hoc referat istam sententiam, ut hoc prior illi faciat a quo sibi fieri
cupit; ridiculum est hunc putare istam implesse sententiam. Intelligendum est
autem perfectam esse sententiam, etiamsi hoc non addatur. Quod enim dictum
est omnia quaecumque vultis, non usitate ac passim, sed proprie dictum accipi
oportet. Voluntas namque non est nisi in bonis: nam in malis cupiditas
proprie dicitur, non voluntas: non quia sic semper loquantur Scripturae, sed
ubi oportet, ibi omnino proprium verbum tenent, ut non aliud intelligatur.
Cyprianus de Orat. Domin. Cum autem Dei verbum
dominus Iesus Christus omnibus venerit, praeceptorum suorum fecit grande
compendium, cum dixit quaecumque vultis ut faciant vobis homines, et vos
facite eis; unde subdit haec est lex et prophetae. Chrysostomus super Matth. Nam quaecumque lex
et prophetae sparsim in omnibus praeceperunt Scripturis, in hoc compendioso
continentur mandato, quasi innumerabiles arborum rami in una radice. Gregorius Moralium. Qui enim cogitat ut ea
alteri faciat quae ipse sibi ab altero fieri expectat, pensat nimirum ut
malis bona et bonis meliora reddat. Chrysostomus in Matth. Unde manifestum est
quoniam ex nobis quae deceant omnes scimus, et non est possibile ad
ignorantiam refugere. Augustinus de Serm. Dom. Videtur autem hoc
praeceptum ad dilectionem proximi pertinere, non autem ad Dei; cum in alio
loco duo esse praecepta dicat, in quibus lex pendet et prophetae. Cum autem
hic non addit: tota lex, quod ibi addidit, servavit locum alteri praecepto,
quod est de dilectione Dei. Augustinus de Trin. Vel aliter. Ideo Scriptura
tantum dilectionem proximi commemorat, cum dicit omnia quaecumque vultis;
quia qui proximum diligit, consequens est ut et ipsam praecipue dilectionem
diligat; Deus autem dilectio est; consequens est ergo ut praecipue diligat
Deum. |
Verset 12.
— Saint Augustin : (serm. sur la mont., liv. 2, chap. 34.) Une conduite sage et réglée donne à l’homme une
certaine fermeté et la force de marcher dans la voie de la sagesse, et le
font parvenir jusqu’à la pureté, jusqu’à la simplicité du cœur. Notre
Seigneur conclut tous les développements qu’il vient de donner sur cette
matière par ces paroles: « Tout ce
que vous voulez que, etc... » car il n’est personne qui voudrait
qu’on agît à son égard avec duplicité. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) On peut encore établir de
cette manière la liaison avec ce qui précède. Notre Seigneur, voulant rendre
notre prière plus sainte, nous a commandé plus haut de ne pas juger ceux qui
nous ont offensés. Or, comme il s’était écarté de ce sujet pour traiter
d’autres matières, il y revient et complète l’explication de ce précepte en
ajoutant: « tout ce que vous
voudrez », c’est-à-dire non seulement vous ne devrez pas juger, mais
tout ce que vous voudrez que les hommes fassent pour vous, vous devez le
faire pour eux; c’est alors que vos prières pourront être exaucées. — La Glose : Ou bien encore
c’est l’Esprit saint qui distribue tous les biens spirituels qui nous font
accomplir les oeuvres de la charité. C’est pour cela que Notre Seigneur
ajoute: « Faites aux hommes tout
ce que, etc... » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
24.) Ou
bien, enfin, le Seigneur veut établir que les hommes doivent chercher près de
Dieu le secours dont ils ont besoin, et faire en même temps tout ce qui
dépend d’eux pour assurer le succès de leurs prières. C’est ainsi qu’après
avoir dit: « Demandez, cherchez,
frappez… », il enseigne clairement que les hommes doivent
s’appliquer aux oeuvres de la charité: « tout
ce que vous voulez », etc... — Saint Augustin : (serm.
5 sur les
paroles du Seign.)Ou encore : Dieu nous avait promis de nous
accorder les biens que nous lui demanderions; or, si nous voulons qu’il nous
reconnaisse pour ses mendiants, reconnaissons nous aussi les nôtres. En
effet, si on en excepte les richesses matérielles, il n’y a aucune différence
entre ceux qui demandent et ceux à qui ils adressent leur prière. De quel
front osez-vous donc approcher de Dieu pour le prier, vous qui ne voulez
point écouter votre frère ? Aussi est-il écrit dans le livre des
Proverbes: « Celui qui ferme son
oreille au cri du pauvre demandera lui-même, et il ne sera pas exaucé (Pv
21). » Mais que devons-nous accorder à la prière de nos frères si
nous voulons que Dieu exauce la nôtre ? Pour répondre à cette question,
demandons-nous ce que nous voulons que les autres fassent pour nous-mêmes. Et
Jésus dit : « Faites aux
hommes tout ce que vous voulez qu’on vous fasse. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
24.) Notre
Seigneur ne dît pas seulement: « toutes
les choses », mais il ajoute le mot « donc », comme s’il disait: « Si vous
voulez que je vous exauce, joignez cette recommandation à toutes celles qui
précèdent. Et remarquez qu’il ne dit pas: « tout ce que vous voulez que
Dieu fasse pour vous, faites-le aussi pour votre prochain », car vous
pourriez dire: « Cela m’est impossible, » mais: « tout ce que
vous voudriez que vous fasse votre frère, faites-le vous-même pour
lui. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 34.) On lit dans
quelques exemplaires latins: « Faites-leur du bien. » Le mot « bien »
a été ajouté, je pense, pour plus de clarté. On pouvait en effet se demander
si un homme qui désirerait qu’on agît à son égard d’une manière coupable,
pourrait, en s’appuyant sur cette maxime, commettre le premier l’injustice
dont il désire être lui-même l’objet. Il serait absurde de penser que cet
homme accomplit ce précepte. Sans l’addition de ce mot « bien, » le
sens de cette maxime est complet. Car ces paroles: « tout ce que vous voulez » ne doivent pas être prises
ici dans un sens trop général, mais dans le sens propre du mot. Or, la
volonté n’existe que dans les bons; dans les mauvais, la volonté n’est à
proprement parler que la cupidité. Sans doute les Écritures ne s’expriment
pas toujours de la sorte, mais il faut les entendre ainsi alors qu’elles
emploient une expression tellement propre qu’elles ne permettent pas de lui
en substituer une autre. — Saint Cyprien : (de l’Orais. Dom.) Le Verbe de Dieu,
le Seigneur Jésus étant venu pour tous les hommes, a résumé comme dans un
admirable abrégé tous ses commandements dans ces paroles: « Tout ce que vous voulez que les
hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux. » C’est
pour cela qu’il ajoute: « Car
c’est la loi et les prophètes. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En effet, tous les
commandements de la loi et des prophètes disséminés dans les saintes
Écritures, sont renfermés dans ce merveilleux abrégé comme les innombrables
rameaux d’un arbre sont contenus dans une seule racine. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 10, 4; cf. Jb 2). Celui, en effet, qui pense à
faire aux autres ce qu’il voudrait qu’on lui fît à lui-même s’applique à
rendre le bien pour le mal, et le bien au centuple de ce qu’on lui fait. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24 sur
S. Matth.) Il est donc évident que tous nous pouvons trouver en
nous-mêmes la connaissance de ce qu’il nous importe de savoir et que nous ne
pouvons prétexter d’ignorance. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ce précepte paraît
avoir pour objet l’amour du prochain et non l’amour de Dieu, quoique Notre Seigneur
dise dans un autre endroit qu’il y a deux commandements qui renferment toute
la loi et les prophètes. Mais ce dernier passage porte: « toute la
loi », ce que Notre Seigneur ne dit pas ici pour réserver la place
à l’autre commandement qui est celui de l’amour de Dieu. — Saint Augustin : (De la Trinité, liv. 8, chap. 34.) Ou bien encore, la sainte Écriture ne fait mention que du seul commandement de l’amour du prochain en disant: « tout ce que vous voulez, » car celui qui aime son prochain aime nécessairement et premièrement l’amour lui-même. Or, Dieu est amour; donc il aime Dieu lui-même par-dessus toutes choses. |
Lectio 7 [85425] Catena in Mt., cap. 7 l. 7 Augustinus
de Serm. Dom. Admonuerat superius dominus ad habendum cor simplex et
mundum, in quo quaeritur Deus; sed quia hoc paucorum est, iam incipit de
investiganda sapientia loqui, cui investigandae et contemplandae talis oculus
per omnia superiora perductus est, quo videri iam possit arcta via et angusta
porta; unde subdit intrate per angustam portam. Glossa. Vel aliter. Etsi difficile sit ut alii
facias quod tibi vis fieri, tamen sic faciendum est, ut intremus per angustam
portam. Chrysostomus super Matth. Vel aliter.
Tertia haec convenientia ad iustitiam ieiunii pertinet, ut sit ordo narrationis
talis: tu autem cum ieiunas, unge caput tuum; et postea sequitur intrate per
angustam portam. Praecipue enim tres sunt naturales
passiones et intimae carnis: primo esca et potus, deinde amor viri ad
mulierem, tertio loco somnus; et ideo gravius est eas a natura carnali
praecidere quam ceteras passiones. Et ideo nullius passionis abstinentia sic
sanctificat corpus, sicut quod homo sit castus, ieiunus, et in vigiliis
perseverans. Ergo propter omnes has iustitias, et praecipue propter
laboriosissimum ieiunium, dicit intrate per angustam portam. Porta perditionis est Diabolus, per quem
introitur in Gehennam; porta vitae est Christus, per quem introitur in regna
caelestia. Lata autem porta dicitur esse Diabolus, non magnitudine potestatis
extensus, sed effrenatae superbiae licentia dilatatus. Porta autem angusta
dicitur Christus, non parvitate potestatis exiguus, sed humilitatis ratione
collectus: quia quem totus non capit mundus, seipsum intra angustias uteri
virginalis inclusit. Via autem perditionis est omnis iniquitas. Dicitur autem
spatiosa, quia non est intra regulam disciplinae inclusa; et ambulantes in
ea, quicquid eos delectaverit, hoc sequuntur. Via autem vitae dicitur esse
omnis iustitia, et propter contrarias causas esse arcta. Considerandum autem,
quia nisi quis ambulaverit per viam, non potest pervenire ad portam: qui enim
non ambulant per viam iustitiae, impossibile est ut vere Christum cognoscant.
Similiter nec incurrit in manus Diaboli nisi qui in via ambulat peccatorum. Gregorius super Ezech. Quamvis autem caritas
sit lata, tamen per angusta et ardua homines ducit a terra. Satis angustum
est omnia praetermittere, unum solum diligere, prospera non ambire, adversa
non timere. Chrysostomus in Matth. Sed cum postea dicat:
iugum meum suave est, et onus meum leve, qualiter hic angustam esse viam ait
et arctam? Sed et hic monstrat eam levem esse et suavem: quoniam via est et
porta est; sicut et altera, quae lata et spatiosa dicitur, ipsa via et porta
est. Horum autem nihil mansurum est, sed omnia pertranseunt. Transire autem
labores et sudores, et in bonum finem devenire, scilicet in vitam, sufficiens
est mitigare eos qui agones patiuntur. Si enim tempestates nautis et vulnera
militibus levia sunt propter spem praemiorum pereuntium, multo magis cum
caelum praeiacens fuerit, et immortalia praemia, nullum aliquis sentiet
imminentium periculorum. Sed et hoc ipsum quod illam arctam vocavit, maxime
ad faciendam illam facilem conferebat: per hoc siquidem ut semper vigilarent
admonuit: hoc enim dominus dicit erigens nostrum desiderium. Qui enim in
agone certat, cum viderit principem admirantem labores agonum, animosior fit.
Ne igitur moesti simus cum multa nobis hic contigerint tristia, quia arcta
est via, sed non civitas; ideo neque hic quietem oportet expectare, neque ibi
triste aliquid praestolari. Dicens autem quam pauci sunt qui inveniunt eam,
rursus hic multorum desidiam significavit, et audientes erudivit non multorum
prosperitatibus attendere, sed paucorum laboribus. Hieronymus. Significanter igitur de utraque
via locutus dixit, quod per latam multi ambulant, angustam pauci inveniunt:
latam enim non quaerimus, nec inventione opus est, quia sponte se offert, et
errantium via est; angustam vero nec omnes inveniunt, nec qui invenerint,
statim ingrediuntur per eam. Siquidem multi, inventa veritatis via, capti
voluptatibus saeculi, de medio itinere revertuntur. |
Verset 13-14.
— Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 35.) Le Seigneur nous a recommandé plus haut la simplicité et la
pureté du cœur qui font trouver Dieu. Mais c’est le partage d’un petit
nombre. Aussi va-t-il nous parler de la recherche de la sagesse; et tout ce
qui précède avait pour but de rendre l’oeil de l’âme assez pur pour
rechercher et contempler cette divine sagesse, et de pouvoir découvrir la
voie resserrée et la porte étroite dont il est dit: « Entrez par la porte étroite. » — La Glose : Ou bien, quoiqu’il
soit difficile de faire aux autres ce que nous voudrions qu’on nous fît à
nous-mêmes, cependant c’est une condition indispensable si nous voulons
entrer par la porte étroite. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore, cette
troisième conséquence se rapporte au précepte du jeûne, et telle est la suite
des idées: « Pour vous, lorsque
vous jeûnez, parfumez votre tête », et puis ensuite: « Entrez par la porte étroite. »
Il est en effet trois inclinations qui tiennent plus particulièrement à notre
nature, et qui sont étroitement unies à notre corps. La première est celle du
boire et du manger, la seconde l’affection de l’homme pour la femme, la
troisième l’amour du sommeil, et ces trois inclinations sont plus difficiles
à retrancher de notre nature charnelle que toutes les autres passions. Aussi
la mortification d’aucune passion ne sanctifie autant le corps de l’homme
comme d’être chaste, de jeûner, et de persévérer dans les veilles. Notre
Seigneur a donc en vue ces trois actes de vertu et en particulier le jeûne si
rigoureux, lorsqu’il dit: « Entrez
par la porte étroite. » La porte de la perdition c’est le démon, et
c’est par cette porte qu’on entre dans l’enfer. Jésus-Christ, au contraire,
est la porte de vie, porte qui nous ouvre l’entrée du royaume des cieux. Ce
qui fait donner au démon le nom de porte large, ce n’est ni l’étendue, ni la
grandeur de son pouvoir, mais le débordement de son orgueil effréné qui ne
connaît point de bornes. Et si le Christ nous est présenté comme la porte
étroite, ce n’est pas que son pouvoir soit faible et resserré, mais parce que
son humilité lui a inspiré de se renfermer dans les étroites limites du sein
d’une vierge, lui que le monde entier ne peut contenir. La voie de la
perdition, c’est l’iniquité quelle qu’elle soit. Cette voie est appelée large
parce qu’elle n’est pas contenue dans les sages limites de la règle et de la
discipline, et que ceux qui prennent cette voie font profession de poursuivre
tout ce qui a pour eux de l’attrait. Au contraire, tout acte de vertu est la
voie qui conduit à la vie, et on l’appelle étroite pour des raisons opposées [à
celles que nous venons de dire]. Or remarquez qu’il faut nécessairement
marcher par cette voie pour arriver à la porte, car on ne peut arriver à une
véritable connaissance du Christ qu’en suivant la voie de la justice; de même
qu’on ne tombe dans les mains du démon qu’en marchant dans la voie des
pécheurs. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 17 sur
Ezéch.) Quoique la charité mette le cœur au large, elle ne détache les
hommes de la terre qu’en les faisant passer par des sentiers étroits et
escarpés. N’est-ce pas être à l’étroit en effet que de tout mépriser, de
n’aimer qu’une seule chose, de ne pas désirer la prospérité, de ne pas
craindre l’adversité ? —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 24 sur S. Matth.) Mais comment le Seigneur qui bientôt nous dira: « Mon joug est doux, et mon fardeau
léger », peut-il appeler étroite et resserrée la voie qui conduit au
ciel ? Pour comprendre cette douceur et cette suavité, il faut remarquer
que Notre Seigneur parle ici d’une voie et d’une porte, que ce qu’il appelle
large et spacieux est aussi une voie et une porte. Ni l’une ni l’autre ne
doivent toujours durer, elles ne font que passer. Or la pensée qu’on ne fait
que passer par les travaux et les sueurs pour arriver au bonheur,
c’est-à-dire à la vie éternelle, ne suffit-elle pas pour adoucir toutes les
souffrances de ceux qui les subissent ? Car si l’espérance seule d’une
récompense périssable rend les tempêtes légères au matelot, et les blessures
douces au combattant, à plus forte raison la vue du ciel qui nous est ouvert,
et ses récompenses immortelles doivent-ils nous faire oublier les dangers qui
nous menacent. D’ailleurs Notre Seigneur n’appelle cette voie étroite que
pour la rendre plus aisée; par là, en effet, il nous avertit d’être sur nos
gardes, et il dirige nos désirs vers le but qu’il nous propose. N’est-il pas
vrai que celui qui combat dans l’arène puise un nouveau courage quand il voit
son souverain admirer les efforts des lutteurs ? Ne nous laissons donc
pas abattre sous le poids des afflictions qui viendront fondre sur nous: la
voie est étroite, mais non pas la cité. Ne cherchons pas le repos ici-bas, et
ne redoutons pas de tribulations dans l’autre vie. En ajoutant: « car il y en a peu qui la
trouvent », Notre Seigneur fait allusion à la lâcheté d’un trop
grand nombre, et il avertit ses auditeurs de fixer leurs regards non pas sur
la prospérité de la multitude, mais sur les travaux du petit nombre. — Saint Jérôme : Notre Seigneur tient un langage particulier en parlant de ces deux voies. Il dit qu’il en est beaucoup qui marchent par la voie large, et qu’il en est peu qui trouvent la voie étroite. En effet, nous ne cherchons pas la voie large, et nous n’avons aucune peine à la trouver; elle se présente d’elle-même, et c’est le chemin de ceux qui s’égarent. Tous au contraire ne trouvent pas la voie qui est étroite, et ne la suivent pas aussitôt qu’ils l’ont trouvée, car il en est beaucoup qui après avoir trouvé la voie de la vérité, se laissent séduire par les voluptés de la terre, et reviennent sur leurs pas alors qu’ils étaient au milieu de leur course. |
Lectio 8 [85426] Catena in Mt.,
cap. Augustinus de Serm. Dom. Vel aliter. Cum
dixisset dominus, paucos esse qui inveniunt angustam portam et arctam viam,
ne haeretici, qui plerumque se sub nomine paucitatis commendant, se nobis
supponant, statim subicit dicens attendite a falsis prophetis. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Quia dictum
est, angusta est porta; sed et multi sunt, qui pervertunt eam quae illuc fert
viam; ideoque induxit attendite a falsis prophetis; in quo ut maiorem
sollicitudinem habeant, meminit eorum quae in patribus eorum facta sunt,
falsos prophetas vocans, etenim tunc talia contigerunt. Chrysostomus super Matth. Quod autem scriptum
est, quia lex et prophetae usque ad Ioannem, dicitur quia prophetia de
Christo non erat futura post eum. Prophetae autem et fuerunt et sunt: sed non
qui prophetarent de Christo, sed interpretarentur ea quae de Christo ab
antiquis fuerant prophetata, idest doctores Ecclesiarum: nec enim potest quis
propheticos interpretari sensus nisi per spiritum prophetiae. Sciens ergo
dominus futuros esse falsos doctores haeresum diversarum, admonet dicens
attendite a falsis prophetis. Quia enim non erant futuri manifesti gentiles,
sed absconditi sub nomine Christiano, non dixit: aspicite, sed attendite: ubi
enim res certa est, aspicitur, idest simpliciter videtur; ubi autem incerta,
attenditur, idest caute consideratur. Idem dicit attendite, quia firma tutela
salutis est scire quem fugias. Non autem sic admonet attendite, quasi invito Deo
Diabolus haereses introducat, sed eo permittente: quia enim non sine iudicio
vult servos habere, ideo misit tentationem; quia vero non vult eos per
ignorantiam perire, ideo praemonet. Ne autem aliquis haereticus doctor dicat
quia non dixit eos falsos prophetas, sed gentilium et Iudaeorum doctores,
ideo addidit dicens qui veniunt ad vos in vestimentis ovium. Oves enim
Christiani dicuntur; vestimentum autem ovile est species Christianitatis et
simulatae religionis. Nulla autem res sic exterminat bonum, sicut simulatio:
nam malum sub specie boni celatum, dum non cognoscitur, non cavetur. Et ne
adhuc dicat haereticus quia de viris [veris ?] doctoribus
loquitur, qui tamen peccatores sunt, ideo addit intrinsecus autem sunt lupi
rapaces. Catholici autem doctores, etsi fuerint peccatores, servi quidem
carnis dicuntur, non tamen lupi rapaces, quia non habent propositum perdere
Christianos. Manifeste ergo de haereticis doctoribus dicit: quia eo proposito
speciem Christianorum suscipiunt, ut Christianos iniquo seductionis morsu
dilanient; de quibus dixit apostolus: scio quia post discessum meum intrabunt
in vos lupi rapaces, non parcentes gregi. Chrysostomus in Matth. Sed tamen videtur
falsos prophetas hic non haereticos insinuare, sed eos quidem qui vitae sunt
corruptae, sed facie tamen virtutis induuntur; unde dixit a fructibus eorum
cognoscetis eos. Apud haereticos enim est multoties et vitam invenire; apud
hos autem quos dixi, nequaquam. Augustinus de Serm. Dom. Unde rectissime quaeritur,
quos fructus nos attendere voluerit. Multi enim quaedam in fructibus deputant
quae ad vestitum ovium pertinent, et hoc modo de lupis decipiuntur: secuti
enim sunt vel ieiunia vel eleemosynas vel orationes, quae praetendunt
hominibus, placere cupientes eis quibus ista difficilia videntur. Hi ergo non
sunt fructus, de quibus cognosci istos monet. Ista enim quae cum bono animo
fiunt, sunt proprie ovibus vestes; cum autem malo, in errore, non aliud quam
lupos tegunt; sed non ideo debent oves odisse vestimentum suum, quod
plerumque illo se occultant lupi. Qui sunt ergo fructus quibus cognoscamus
arborem malam? Dicit apostolus: manifesta sunt opera carnis, quae sunt
fornicatio, immunditia, et cetera. Qui vero sunt fructus quibus cognoscamus
arborem bonam? Idem apostolus ostendit, dicens: fructus autem spiritus sunt
caritas, gaudium, pax. Chrysostomus super Matth. Fructus etiam eius
ovis est confessio eius fidei: qui enim secundum Deum vocem humilitatis et
verae confessionis emittit, ovis est; qui autem contra veritatem blasphemiis
ululat contra Deum, lupus est. Hieronymus. Etsi ergo potest de omnibus
intelligi quod hic de falsis prophetis dicitur, qui aliud habitu ac sermone
promittunt, aliud opere demonstrant, specialiter de haereticis intelligendum
videtur, qui videntur continentia ac ieiunio quasi quadam pietatis veste se
circumdare; intrinsecus autem habentes animum venenatum, simpliciorum fratrum
corda decipiunt. Augustinus de Serm. Dom. Sed ex operibus
conici potest utrum exteriorem cultum ambitione aliqua faciant. Cum enim
coeperint aliquibus tentationibus ea ipsa vel subtrahi vel negari, quae isto
velamine vel consecuti sunt vel consequi cupierunt, tunc necesse est ut
appareat utrum lupus in ovina pelle sit, an ovis in sua. Gregorius Moralium. Hypocrita etiam sanctae
Ecclesiae pace premitur; idcirco ante oculos nostros religione vestitur. Si
qua vero fidei tentatio erumpat, statim lupi mens rabida habitu se ovinae
pellis expoliat, quantumque contra bonos saeviat, persequens demonstrat. Chrysostomus in Matth. Facile etiam hypocritae
capiuntur: via enim quam iussi sunt ambulare, laboriosa est: hypocrita autem
laborare non utique eliget. Deinde ut non dicas quoniam impossibile est
cognoscere tales, rursum rationem ab humano exemplo ponit, dicens numquid
colligunt de spinis uvas, aut de tribulis ficus? Chrysostomus super Matth. Uva in se mysterium
Christi habet: sicut enim botrus multa in se grana ligno mediante suspendit,
sic et Christus multos sibi fideles per lignum crucis tenet adiunctos. Ficus
autem est Ecclesia, quae multos fideles tenet dulci quodam caritatis amplexu,
sicut ficus multa grana uno tegmine tenet inclusa. Sunt ergo ficus signa
haec, caritatis quidem in dulcedine, unitatis autem in coniunctione granorum.
In uva autem patientiae quidem signum est, quia in torcular mittitur; gaudii
autem, quia vinum laetificat cor hominis; sinceritatis, quia non est aqua
permixtum; suavitatis autem in delectatione. Spinae autem et tribuli sunt
haeretici. Sicut ergo spina vel tribulus ex quacumque parte habet aculeos,
sic servos Diaboli ex quacumque parte consideraveris, iniquitatis pleni sunt.
Non possunt ergo huiusmodi spinae et tribuli ecclesiasticos fructus proferre.
Quod autem particulariter sub similitudine ficus et vitis, spinae et tribuli
dixerat, ostendit consequenter universaliter esse verum cum dicit sic omnis
arbor bona fructus bonos facit, mala autem arbor fructus malos facit. Augustinus de Serm. Dom. In hoc autem loco
illorum error cavendus est, qui de duabus arboribus duas naturas opinantur
esse; quarum una sit Dei, altera vero non. Non autem eos adiuvare duas istas
arbores dicendum est: quia de hominibus eum dicere planum est, si quis
praecedentia et consequentia legerit. Augustinus de Civ. Dei. Hominibus autem praedictis
ipsae naturae displicent, non eas considerantibus secundum utilitatem suam;
non autem ex commodo vel incommodo nostro, sed per seipsam considerata natura
dat artifici suo gloriam. Naturae igitur omnes
quoniam sunt, et ideo habent modum suum, speciem suam et quamdam secum pacem
suam, profecto bonae sunt. Chrysostomus in Matth. Ut autem nullus dicat
quoniam mala arbor fert quidem fructus malos, fert autem et bonos, et sic
difficilis sit cognitio, duplici prolatione existente, ideo subiungit non potest
arbor bona fructus malos facere, neque arbor mala fructus bonos facere. Augustinus de Serm. Dom. Ex hoc verbo putant
Manichaei, neque animam malam fieri posse ut in melius commutetur, neque bona
in deterius; quasi dictum sit: non potest arbor bona mala fieri, neque mala
fieri bona; sed ita dictum est non potest arbor bona fructus malos facere,
nec e converso. Arbor quippe est ipsa anima, idest ipse homo; fructus vero
opera hominis. Non ergo potest malus homo bona operari, neque bonus mala.
Ergo si vult malus bona operari, prius bonus fiat. Quamdiu autem quisque
malus est, non potest facere fructus bonos. Sicut enim potest fieri ut quod
fuit nix, non sit, non autem ut nix sit calida, sic potest fieri ut qui malus
fuit, non sit malus; non tamen fieri potest ut malus bene faciat: quia etsi
aliquando utilis est, non hoc ipse facit, sed fit de illo divina providentia
procurante. Rabanus. Homo autem ipse arbor bona vel mala
dicitur, propter voluntatem bonam vel malam. Fructus autem sunt opera, quae
nec bona malae voluntatis esse possunt, nec mala bonae voluntatis. Augustinus contra Iulianum. Sicut autem
manifestum est ex voluntate mala, tamquam ex arbore mala fructus eius, fieri
omnia opera mala, sic ipsam voluntatem malam unde dices esse exortam, nisi
quia voluntas mala Angeli ex Angelo, ex homine hominis orta est? Quid autem
erant haec duo antequam in eis ista mala orirentur, nisi bonum opus Dei, et
bona atque laudanda natura? Ecce ergo ex bono oritur malum; nec fuit omnino
unde oriri posset, nisi ex bono; ipsam dico voluntatem malam, quoniam nullum
malum praecessit, non opera mala, quae non sunt nisi ex voluntate mala
tamquam ex arbore mala: nec ideo tamquam ex bono potuit oriri voluntas mala,
quia bonum factum est a bono Deo: sed quia de nihilo factum est, non de Deo.
Hieronymus. Quaeramus autem ab haereticis, qui
duas in se contrarias dicunt esse naturas, si iuxta intelligentiam eorum,
arbor bona malos fructus facere non potest, quomodo Moyses arbor bona
peccaverit ad aquam contradictionis, Petrus quoque in passione dominum
negaverit, dicens: nescio hominem. Aut qua consequentia socer Moysi arbor
mala, qui in Deum Israel non credebat, dedit consilium bonum? Chrysostomus in Matth. Quia vero punire non
iusserat falsos prophetas, ideo terret eos secundum poenam quae est a Deo,
dicens omnis arbor quae non facit fructum bonum excidetur, et in ignem
mittetur: quibus verbis et Iudaeos insinuare videtur; ideoque verbum Ioannis
Baptistae meminit, per eadem verba poenam eis subscribens. Etenim et ille hoc
dixit ad Iudaeos, instantem securim, et arborem excidendam, et ignem
inextinguibilem commemorans. Si quis autem diligenter investigabit, duae
poenae sunt: et excidi, et comburi; qui enim comburitur, et a regno exciditur
omnino; quae poena difficilior est. Multi
autem Gehennam solum abhorrent; ego autem casum illius gloriae multo
amariorem poenam, quam ipsius Gehennae supplicium esse dico. Quod
enim parvum vel magnum malum non susciperet pater, ut videat, et potiatur
dulcissimo filio? Hoc itaque in gloria illa putemus: non enim aliquis filius
ita suavis est patri ut illorum bonorum requies, et dissolvi et esse cum
Christo. Intolerabilis quidem poena est Gehenna; sed si quis decem mille
ponat Gehennas, nihil tale dicit quale est a beata gloria illa excidere, et
odio haberi a Christo. Glossa ex praemissa autem similitudine
concludit quod supra iam dixerat, quasi manifestum, dicens igitur ex
fructibus eorum cognoscetis eos. |
Versets 15-20.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Notre Seigneur avait ordonné précédemment à ses disciples de ne point
faire parade devant les hommes de leurs jeûnes, de leurs prières, de leurs
aumônes, comme font les hypocrites. Or, pour leur apprendre que toutes ces
bonnes oeuvres peuvent être faites dans un esprit d’hypocrisie, il leur dit: « Gardez-vous des faux
prophètes. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 36.) Ou bien après
avoir dit qu’il en est peu qui trouvent la petite porte et la voie étroite,
Notre Seigneur voulant nous prémunir contre les hérétiques qui font souvent
de leur petit nombre un titre de recommandation, ajoute aussitôt: « Gardez-vous des faux
prophètes. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
24.) Ou
bien encore : Notre Seigneur avait dit que la porte est étroite, et qu’il en
est beaucoup qui pervertissent la voie qui doit y conduire, il ajoute donc: « Gardez-vous des faux
prophètes. » Il les appelle faux prophètes pour exciter la
sollicitude de ses disciples à cet égard, en leur rappelant, en mentionnant
les faux prophètes ce qui est arrivé à leurs pères, qui ont eu à subir cette
même épreuve. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Nous lisons [dans un des
chapitres suivants], il est vrai, que la loi et les prophètes ont prophétisé
jusqu’à Jean-Baptiste, parce qu’après lui, il ne devait plus y avoir de
prophétie relative au Christ. Il y a eu depuis ce temps, et il y a encore des
prophètes, mais leurs prophéties n’ont point le Christ pour objet et ils
interprètent simplement les prédictions anciennes relatives à Jésus-Christ;
ce sont les docteurs des Églises. Car personne ne peut interpréter le sens
des prophéties, s’il ne participe lui-même à l’esprit prophétique. Le
Seigneur, prévoyant donc qu’il viendrait de faux docteurs, qui enseigneraient
diverses hérésies, nous prémunit contre eux en nous disant: « Gardez-vous des faux
prophètes. » Ces faux prophètes ne devaient pas être des païens
faciles à reconnaître, mais des séducteurs cachés sous le nom de chrétiens;
aussi ne dit-il pas: « Regardez », mais: « Prenez
garde. » En effet, quand une chose est évidente, on la regarde,
c’est-à-dire qu’on la voit naturellement, si au contraire elle offre quelque
incertitude, on y prend garde, c’est-à-dire qu’on l’examine avec précaution.
Il nous dit encore: « Prenez
garde », parce que la plus sûre garantie du salut, est de connaître
ceux que l’on doit fuir. Si Notre Seigneur nous prémunit en disant de prendre
garde, ce n’est pas que le démon puisse introduire les hérésies malgré la
volonté de Dieu, il ne le peut que parce que Dieu le lui permet. Dieu veut
que ses serviteurs soient soumis à l’épreuve, il leur envoie donc la
tentation; mais il ne veut pas que leur ignorance soit cause de leur perte,
et c’est pour cela qu’il les avertit à l’avance. Et afin que les docteurs
hérétiques ne puissent se défendre en disant: Ce n’est pas nous que le
Seigneur appelle faux prophètes, mais les docteurs des Juifs et des Gentils,
il ajoute expressément: « qui
viennent à vous couverts de peaux de brebis. » Les brebis sont les
chrétiens, et les peaux de brebis sont les dehors de christianisme et les
apparences d’une fausse religion. Or rien ne détruit davantage le bien que
l’hypocrisie, car on ne peut connaître, et par conséquent on ne peut éviter
le mal qui se cache sous l’apparence du bien. Et de peur que ces mêmes docteurs
hérétiques ne prétendent qu’il est ici question des vrais docteurs, mais qui
sont dans l’état de péché, il ajoute: « au
dedans ce sont des loups ravisseurs. » Or les docteurs catholiques
qui deviennent esclaves de la chair lorsqu’ils succombent aux péchés, ne sont
pas appelés pour cela des loups ravisseurs, parce qu’ils ne cherchent pas à
perdre les chrétiens. Il est donc évident qu’il veut parler ici des docteurs
hérétiques qui prennent intentionnellement l’extérieur des chrétiens, pour
déchirer plus facilement les fidèles sous les coups d’une séduction
criminelle. C’est d’eux que l’Apôtre a dit: « Je sais qu’après mon départ il entrera parmi vous des loups ravisseurs
qui n’épargneront pas le troupeau. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
22 sur S. Matth.) Cependant il paraît assez
vraisemblable que par ces faux prophètes Notre Seigneur veut désigner non pas
les hérétiques, mais ceux qui mènent une vie corrompue sous les dehors de la
vertu; c’est pour cela qu’il dit: « Vous
les connaîtrez à leurs fruits. » Or on rencontre souvent certains
hérétiques qui ont trouvé la vraie vie, mais jamais ceux dont je viens de
parler. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 36.) C’est donc une
question des plus importantes que de bien connaître quels sont les fruits sur
lesquels le Seigneur veut attirer notre attention. Plusieurs en effet
prennent pour des fruits ce qui n’est que le vêtement des brebis, et c’est
ainsi qu’ils se laissent tromper par les loups. Je veux parler ici des
jeûnes, ou des aumônes, ou des prières qu’ils étalent devant les hommes, sans
autre but que de plaire à ceux qui sont frappés de la difficulté de ces
oeuvres. Ce ne sont pas là les fruits qui peuvent nous aider à les
reconnaître, car si ces actions sont faites dans la vérité avec une intention
droite, elles sont, il est vrai, les vêtements propres aux brebis; mais elles
ne font que couvrir les loups lorsqu’elles partent d’un cœur où l’erreur
règne en maître. Ce n’est pas toutefois une raison pour les brebis d’avoir
horreur de ces vêtements, parce qu’ils servent quelquefois à couvrir les
loups. A quels fruits donc reconnaîtrons-nous un mauvais arbre ?
L’Apôtre nous l’apprend. « Les
oeuvres de la chair sont évidentes, nous dit-il; ce sont la fornication, l’impureté, etc... » (Ga 5) Le même
Apôtre nous apprend à connaître les fruits du bon arbre par ce qui suit: « Les fruits de l’esprit sont la
charité, la joie, la paix, » etc... —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Les fruits que produit cette
brebis, c’est aussi la confession de la foi, car celui qui en suivant
l’inspiration de Dieu, fait en toute humilité une véritable confession de
foi, celui-là est une brebis, tandis que celui qui fait entendre contre la
vérité et contre Dieu les hurlements du blasphème, est un loup. —
Saint Jérôme : Ce que Notre Seigneur dit ici des
faux prophètes qui sont tout autres dans leur conduite qu’ils ne le
paraissent dans leur extérieur et leurs discours, doit s’appliquer d’une
manière toute spéciale aux hérétiques qui se couvrent de la continence et du
jeûne comme du vêtement de la piété, et qui portant au-dedans un esprit
empoisonné par le vice séduisent les cœurs simples de leurs frères. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont. 2, 12.) Mais on peut
savoir, en examinant leurs oeuvres, si tout cet extérieur a pour principe un
désir d’ambition. Lorsqu’en effet, à la suite de certaines épreuves, ils se
voient enlever ou refuser ce qu’ils ont obtenu ou ce qu’ils ont voulu obtenir
à l’aide de ce voile trompeur, on découvre alors nécessairement si c’était un
loup caché sous la peau de la brebis, ou une brebis revêtue de sa propre
peau. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 31, 9.) L’hypocrite est comme
dominé par la paix dont jouit l’Église; voilà pourquoi il veut paraître à nos
yeux couvert du voile de la religion (cf. Jb 39). Mais qu’une tentation se
présente, aussitôt les instincts féroces du loup le dépouillent de la peau de
la brebis, et en persécutant le bien il montre de quelle fureur il est animé
contre lui. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
24 sur S. Matth.) Il est facile de surprendre
les hypocrites, car la voie qu’ils sont forcés de suivre est bien pénible. Or
l’hypocrite ne choisira certainement pas de lui-même le travail. D’ailleurs,
pour que vous ne disiez pas qu’il est impossible de les reconnaître, Notre
Seigneur vous apporte un exemple pris dans la nature humaine en vous disant: « Peut-on
cueillir des raisins sur des épines, ou des figues sur des
ronces ? » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le raisin est une figure
mystérieuse du Christ, car de même que la grappe par l’intermédiaire du bois
de la vigne tient suspendus des grains nombreux, ainsi le Christ, par le bois
de la croix retient dans une étroite union la multitude des fidèles. La
figue, c’est l’Église qui retient aussi la multitude de ses enfants dans les
doux embrassements de sa charité, comme la figue tient cachées une quantité
considérable de graines sous une seule enveloppe. Or la figue est le signe
tout à la fois de la charité par sa douceur, et de l’unité par l’union de ses
graines. Le raisin est tout ensemble le symbole de la patience parce qu’il
est foulé dans le pressoir; de la joie, parce le vin réjouit le cœur de
l’homme; de la sincérité, parce qu’il n’est pas mélangé d’eau, et de la
suavité par le plaisir qu’il donne. Au contraire les épines et les ronces représentent
les hérétiques, car elles présentent des pointes de toutes parts; et c’est
ainsi que les serviteurs du démon sont pleins d’iniquités, de quelque côté
qu’on les considère. Ces ronces et ces épines ne peuvent produire aucun des
fruits que demande l’Église. Notre Seigneur ne se borne pas à cette
comparaison particulière du figuier et de la vigne, des épines et des ronces
pour rendre sensible cette vérité, il la généralise par ces paroles: « C’est
ainsi que tout arbre qui est bon porte de bons fruits, et tout arbre mauvais
en porte de mauvais. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 36.) Il faut se
garder ici de l’erreur des Manichéens qui prétendent que dans ces deux arbres
il faut voir deux natures, l’une qui vient de Dieu, l’autre qui lui est
étrangère. Il nous faut dire, nous, que ces deux arbres ne peuvent servir
d’appui à leur opinion, car il ne s’agit évidemment que des hommes, comme le
prouvent les antécédents et les conséquents. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 12, chap. 4 et 5.) Les
hommes ont souvent de l’aversion pour les natures mêmes des choses, parce
qu’ils les considèrent non pas en elles-mêmes, mais d’après l’utilité qu’ils
peuvent en retirer. Or, toute
nature ne rend gloire à son créateur qu’autant qu’on la considère en
elle-même, et non pas dans l’utilité ou le désavantage qui peuvent en
résulter pour nous. Les natures créées par le seul fait de leur existence ont
leur manière d’être, leur beauté, un certain accord avec elles-mêmes, et par
conséquent elles sont bonnes. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
24.) On pouvait objecter qu’un mauvais arbre porte
sans doute de mauvais fruits, mais qu’il peut aussi en porter de bons et
qu’il est ainsi difficile de le bien connaître à cause de cette double
apparence; le Seigneur prévient cette difficulté en ajoutant: « Un
bon arbre ne peut produire de mauvais fruits, et un mauvais arbre n’en peut
produire de bons. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) De ces dernières
paroles, les Manichéens concluent qu’une âme qui est mauvaise ne peut devenir
meilleure, ni celle qui est bonne devenir mauvaise, comme si Notre Seigneur
avait dit: « Un arbre bon ne peut devenir mauvais, ni un arbre mauvais
devenir bon » ; mais, au contraire, il s’est exprimé de la sorte :
« Un arbre bon ne peut pas produire de mauvais fruits, ni un mauvais
arbre en produire de bons. » Or, l’arbre c’est l’âme, c’est-à-dire
l’homme lui-même; les fruits sont ses oeuvres. L’homme qui est mauvais ne
peut donc faire de bonnes actions, ni celui qui est bon en faire de
mauvaises. Si donc celui qui est mauvais veut faire de bonnes actions, qu’il
commence par devenir bon lui-même. Tant qu’un homme est mauvais, il ne peut
porter de bons fruits. Il peut se faire que ce qui a été de la neige ne soit
plus de la neige, mais il est impossible que la neige soit chaude; ainsi
peut-il arriver que celui qui a été mauvais cesse de l’être, mais jamais en
demeurant mauvais il ne peut faire le bien, et si parfois il paraît faire
quelque chose d’utile, ce n’est pas à lui qu’il faut l’attribuer, mais à la
divine Providence. — Raban : Cet arbre, bon ou mauvais, c’est l’homme, suivant que sa volonté est
bonne ou mauvaise; les fruits, ce sont ses oeuvres, qui ne peuvent être
bonnes si la volonté est mauvaise, de même qu’elles ne peuvent être mauvaises
si la volonté est bonne. —
Saint Augustin : (cont. Julien, liv. 1, chap. 3.) S’il est
certain que la volonté mauvaise produit les actions mauvaises, comme un
mauvais arbre produit de mauvais fruits, d’où vient à votre avis la mauvaise
volonté elle-même, si ce n’est de l’ange considéré dans l’ange, et de l’homme
considéré dans l’homme ? Or, qu’étaient ces deux volontés, avant qu’en
elles ne soit né le mal ? Un ouvrage digne de Dieu, deux natures bonnes
et louables. C’est donc du bien que naît le mal, et on ne peut lui donner un
autre principe d’existence que le bien. Je veux parler ici de la volonté
mauvaise, car elle n’a été précédée ni d’aucun mal ni d’aucunes mauvaises
actions, qui ne sortent que d’une volonté vicieuse comme d’un mauvais arbre.
On ne peut dire cependant que la volonté mauvaise vient du bien en tant que
bien, car c’est Dieu qui est essentiellement bon qui est l’auteur du bien;
mais elle est sortie d’un bien qui a été tiré du néant et non de Dieu. —
Saint Jérôme : Demandons aux hérétiques qui
soutiennent l’existence de deux natures opposées l’une à l’autre, et qui
prétendent qu’un bon arbre ne peut produire de mauvais fruits, comment Moïse,
qui était un bon arbre, a pu pécher aux eaux de la contradiction, et comment
Pierre a pu renier le Seigneur dans sa Passion en disant: « Je ne
connais pas cet homme », ou bien encore comment le beau-père de
Moïse, qui était un mauvais arbre et qui ne croyait pas dans le Dieu
d’Israël, a pu cependant donner un bon conseil ? — Saint Jean Chrysostome : (hom.
28.) Le
Seigneur n’a point ordonné de châtiment contre les faux prophètes; il les
pénètre d’un effroi salutaire en les menaçant du supplice que Dieu leur
réserve: « Tout arbre qui n’est pas bon, dit-il, sera coupé et
jeté au feu. » Ce sont les Juifs qu’il paraît avoir en vue dans ces
paroles; c’est pourquoi il rappelle les paroles de Jean-Baptiste et leur
annonce dans les mêmes termes (cf. Mt 3, 10; Lc 9, 9) le châtiment qui les
attend. Le précurseur, en effet, s’adresse aux Juifs en employant les mêmes
figures de hache, d’arbre et de feu qui ne s’éteint pas. Pour celui qui
examine sérieusement les choses, ce sont deux peines différentes, d’être
coupé et d’être brûlé. Celui qui est jeté au feu est retranché tout à fait du
royaume, peine qui est la plus terrible. Il en est qui ne craignent que
l’enfer; pour moi, je déclare que la perte de cette gloire éternelle est
mille fois plus amère que la peine de l’enfer. En effet, quelles souffrances,
petites ou grandes, n’accepterait pas un père pour jouir de la vue d’un fils
bien-aimé ? Tels doivent être nos sentiments à l’égard de cette gloire,
car il n’est point de fils dont la vue soit si douce pour son père que doit
l’être pour nous le repos au sein des honneurs et la dissolution du corps
pour être éternellement avec Jésus-Christ (cf. Ph 1, 23). C’est un supplice
intolérable que le supplice de l’enfer; mais que l’on ajoute dix mille enfers
à la suite les uns des autres, jamais ce supplice ne sera comparable à la
peine d’être à jamais exclu de la gloire des bienheureux et d’être
éternellement haï de Jésus-Christ. — La Glose : La comparaison qu’il vient de développer amène cette conclusion, dont l’évidence ressortait déjà de tout ce qui précède: « Vous les connaîtrez donc à leurs fruits. » |
Lectio 9 [85427] Catena in Mt., cap. Chrysostomus in Matth. Ubi Iudaeos maxime
tangere videtur, in dogmatibus omnia ponentes: unde et Paulus eos incusat
dicens: si autem tu Iudaeus cognominaris, et requiescis in lege. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Quoniam
falsos prophetas et veros ex fructibus eorum docuit discernendos, hic iam
manifestius docet qui sunt fructus quibus discernuntur probi doctores et
reprobi. Augustinus de Serm. Dom. Cavendum enim est in
ipso Christi nomine ab haereticis vel quibuslibet male intelligentibus et
saeculi huius amatoribus ne decipiamur; et ideo dicit non omnis qui dicit
mihi: domine, domine. Sed merito potest movere
quomodo huic sententiae conveniat illud apostoli: nemo potest dicere dominum
Iesum, nisi in spiritu sancto. Non enim possumus dicere,
illos qui non intrant in regnum caelorum, habere spiritum sanctum. Sed
apostolus proprie posuit hoc verbum dicit, ut significet voluntatem atque
intellectum dicentis. Ille enim proprie dicit qui voluntatem ac mentem suam
sono vocis enuntiat. Dominus autem generaliter hic posuit verbum dicendi:
videtur enim etiam ille dicere qui nec vult nec intelligit quod dicit. Hieronymus. Moris est enim Scripturarum dicta
pro factis accipere, secundum quem sensum dicit apostolus: confitentur scire
Deum, factis autem negant. Ambrosius. Omne etiam verum a quocumque dicatur,
a spiritu sancto est. Augustinus. Non ergo putemus ad illos fructus
de quibus supra dixerat, pertinere si quis domino nostro dicat domine,
domine, et ex eo nobis arbor bona videatur; sed illi sunt fructus facere
voluntatem Dei; unde sequitur sed qui facit voluntatem patris mei qui in
caelis est, ipse intrabit in regnum caelorum. Hilarius in Matth. Caelestis enim regni iter,
obedientia voluntatis Dei, non nuncupatio repertura est. Chrysostomus super Matth. Quae autem est
voluntas Dei, ipse dominus docet: haec est, inquit, voluntas eius qui misit
me, ut omnis qui videt filium, et credit in eum, habeat vitam aeternam. Credulitatis autem verbum et ad confessionem respicit et ad actum. Qui
ergo non confitetur, aut non conversatur secundum verbum Christi, non
intrabit in regnum caelorum. Chrysostomus in Matth. Non autem dixit qui
facit voluntatem meam, sed patris: quoniam interim conveniens erat prius hoc
suscipi ad imbecillitatem eorum; sed et per hoc illud occulte insinuavit; non
est enim alia voluntas filii quam quae est patris. Augustinus de Serm. Dom. Illud autem ad rem
pertinet, ne decipiamur non solum nomine Christi per eos qui nomen habent, et
facta non agunt, sed etiam quibusdam factis atque miraculis, qualia propter
infideles cum fecerit dominus, monuit tamen ne talibus decipiamur,
arbitrantes ibi esse invisibilem sapientiam ubi miraculum visibile videmus;
unde adiungit; et dicit multi dicent mihi in illa die. Chrysostomus in Matth. Vides qualiter latenter
iam seipsum introducit. Quia enim omnem complevit sermonem, monstrat seipsum
iudicem esse. Quae enim poena expectat eos qui peccant, iam ante monstravit.
Quia autem est qui punit, hoc iam revelat, dicens multi dicent mihi in illa
die. Chrysostomus super Matth. Quando scilicet venerit
in maiestate patris sui, quando iam nemo ausurus est garrula contentione
sermonum aut mendacium defendere aut contradicere veritati; quando opera
singulorum loquentur, et ora tacebunt; nec alter pro altero interveniet, sed
singuli sibi timebunt. In illo enim iudicio non erunt testes adulatores
homines, sed Angeli veraces; iudex autem dominus iustus: unde proprie
timentium hominum et angustias patientium vocem expressit, dicens domine,
domine. Non enim semel sufficit illi dicere domine, quem necessitas timoris
astringit. Hilarius in Matth. Gloriam autem sibi ex verbi
intentione praesumunt in doctrinae prophetia et Daemoniorum fuga et operum
virtutibus: atque hinc sibi regnum caelorum pollicentur, dicentes nonne in
nomine tuo prophetavimus? Chrysostomus in Matth. Sed sunt quidam qui
dicunt: quoniam mentientes hi hoc dixerunt, et ideo salvati non sunt; sed non
auderent iudice praesente ad ipsum hoc dicere. Sed et ipsa responsio et
interrogatio ostendit eos talia fecisse. Qui enim hic mirabiles erant apud
omnes, miracula facientes, illic autem vident seipsos punitos, admirantes
dicunt domine, nonne in nomine tuo prophetavimus? Quidam autem dicunt,
quoniam non in tempore in quo haec miracula faciebant, iniqua agebant, sed
postea. Sed si hoc erit, rursus quod dominus volebat monstrare, non constat:
quod scilicet neque fides neque miracula valent, bona vita non existente;
quod et Paulus dicit: si habuero fidem ut montes transferam, caritatem autem
non habuero, nihil sum. Chrysostomus super Matth. Sed considera, quia
in nomine dicunt, non: in spiritu; prophetant enim in nomine Christi, sed in
spiritu Diaboli; quales sunt divinatores. Sed sic discernuntur: quoniam
Diabolus interdum falsa dicit, spiritus sanctus numquam. Concessum est autem
et Diabolo interdum vera dicere, ut mendacium suum rara veritate commendet.
Daemonia autem eiiciunt in nomine Christi habentes spiritum inimici; magi
autem non eiciunt, sed eicere videntur, colludentibus sibi Daemonibus.
Faciunt et virtutes, idest miracula, non utilia et necessaria, sed inutilia
et vacua. Augustinus de Serm. Dom. Legant enim quanta
fecerint resistentes Moysi magi Aegyptiorum. Hieronymus. Vel aliter. Prophetare, virtutes
facere et Daemonia eicere, etiam divina virtute, interdum non est eius meriti
qui operatur; sed vel invocatio nominis Christi hoc agit, vel ob
condemnationem eorum qui invocant, aut utilitatem eorum qui vident et audiunt
conceditur: ut licet homines despiciant facientes, tamen Deum honorent, ad
cuius invocationem fiunt tanta miracula: nam et Saul et Balaam et Caiphas
prophetaverunt, et in actibus apostolorum filii Scevae videbantur eicere
Daemonia, et Iudas apostolus cum animo proditoris multa signa inter ceteros
apostolos fecisse narratur. Chrysostomus in Matth. Quia enim non omnes ad
omnia apte se habebant, sed hi quidem erant vitae purae, fidem autem non
tantam habebant, hi autem contrarium, ideo Deus illos per hos convertebat, ut
multam ostenderent fidem; hos autem per hoc ineffabile signorum donum, ut
fierent meliores evocabat: unde et cum multa copia hanc gratiam eis dabat.
Dicent enim virtutes multas fecimus. Sed quia circa eum qui eos ita
honoravit, ingrati facti sunt, recte sequitur tunc confitebor illis: quia
nunquam novi vos. Hieronymus. Signanter dicit tunc confitebor,
quia multo tempore ante dicere dissimulaverat. Chrysostomus super Matth. Grandem enim iram
grandis dilatio praecedere debet, quae iustius facit Dei esse iudicium, et
digniorem interitum peccatorum. Sciendum autem quod peccatores nescit Deus,
quia non digni sunt ut cognoscantur a Deo: non quia omnino ipsos non
cognoscat, sed quia suos esse illos non cognoscit. Deus enim naturaliter
omnes cognoscit; sed videtur eos non cognoscere, quia non eos diligit; sicut
etiam non videntur Deum cognoscere qui non colunt eum digne. Chrysostomus in Matth. Dicit autem eis nunquam
novi vos; quasi, non solum in tempore iudicii, sed neque tunc cum miracula
faciebatis: multos enim et hic iam odio habet, et ante punitionem avertit.
Hieronymus. Observa etiam hoc quod dicit
nunquam novi vos, esse contra quosdam dicentes, quod omnes homines semper
conversati sunt inter rationabiles creaturas. Gregorius Moralium. Hac autem sententia datur
intelligi, quod in hominibus caritas, humilitas, non autem debeant virtutum
signa venerari; unde nunc sancta Ecclesia etiam si qua sunt haereticorum
miracula, despicit, quia haec sanctitatis speciem non esse cognoscit.
Probatio quidem sanctitatis non est signa facere, sed proximum ut se
diligere, de Deo vera, de proximo meliora quam de seipso sentire. Augustinus contra Advers. legis et Prophet. Absit
autem ut secundum Manichaeos ista de prophetis sanctis dominus dixerit; sed
dictum est de his qui post eius Evangelium praedicatum in eius nomine sibi
loqui videntur, nescientes quid loquantur. Hilarius in Matth. Sic autem hypocritae
gloriati sunt, quasi aliquid proprium sit quod loquuntur aut faciunt, et non
omnia virtus Dei invocata perficiat; cuius doctrinae scientiam lectio
afferat, Daemoniorum fugam Christi nomen exagitet. De nostro igitur est beata
illa aeternitas promerenda; praestandumque est aliquid ex proprio, ut bonum
velimus, malum omne vitemus, agamusque potius quod vult quam quod potest
gloriemur. Repudians igitur eos ac expellens propter opera iniquitatis, dicit
discedite a me, qui operamini iniquitatem. Hieronymus. Non dixit: qui operati estis
iniquitatem, ne videretur tollere poenitentiam; sed: qui operamini; idest,
qui usque in praesentem horam cum iudicii tempus advenerit, licet non
habeatis facultatem peccandi, tamen adhuc habetis affectum. Chrysostomus super Matth. Nam mors quidem
animam a carne separat; animae autem propositum non immutat. |
Versets 21-23.
— Saint Jérôme : Notre
Seigneur nous a commandé d’éviter ceux qui, sous les dehors de la vertu,
professent des doctrines perverses; ici, au contraire, il nous apprend à ne
pas nous confier à ceux dont la doctrine est irréprochable, mais qui la
détruisent par des oeuvres mauvaises. Les serviteurs de Dieu doivent
nécessairement réunir ces deux choses: soutenir leurs oeuvres par leurs
discours, appuyer leurs discours par leurs oeuvres. C’est pour cela qu’il
ajoute: « Ce n’est pas celui qui
me dit: Seigneur, » etc... —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 25.) Le Seigneur paraît ici faire
allusion aux Juifs, pour qui les croyances étaient tout, et que saint Paul
réprimande en ces termes: « Si
vous, qui vous appelez Juifs, et qui vous reposez sur la loi, » etc... —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore, après nous
avoir appris à reconnaître, d’après leurs fruits, les vrais et les faux
prophètes, il nous enseigne ici plus clairement quels sont ces fruits qui
peuvent nous servir à discerner les bons et les mauvais docteurs. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 39.) Il faut prendre
garde, en effet, qu’à la faveur du nom du Christ les hérétiques, ceux qui
comprennent aussi mal [la vérité], ou les partisans de ce monde, ne cherchent
à nous tromper. C’est pour cela qu’il ajoute: « Tous ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur » Mais
ici on peut à bon droit s’inquiéter : comment concilier avec cette
maxime ces paroles de l’Apôtre: « Personne
ne peut dire: Seigneur Jésus, si ce n’est dans l’Esprit Saint; » car
nous ne pouvons admettre que ceux qui n’entrent pas dans le royaume des cieux
aient en eux ce divin Esprit. L’Apôtre saint Paul a employé ici le mot « dire » dans un sens propre pour exprimer la volonté, l’intelligence de
celui qui prononce ces paroles; parce qu’en effet celui-là seul parle dans le
sens vrai du mot dont la parole exprime la pensée et l’intention. Le
Seigneur, au contraire, a pris le mot « dire » dans son sens
général. Celui, en effet, qui ne veut ni ne comprend ce qu’il dit paraît
aussi parler dans un certain sens. —
Saint Jérôme : C’est l’ordinaire des Écritures de
prendre les paroles pour les actions, et c’est dans ce sens que l’Apôtre dit:
« Ils font profession de connaître
Dieu, mais ils le renoncent par leurs oeuvres. » —
Saint Ambroise : (cf. 1 Cor 12) On peut dire aussi
que toute vérité, quelle que soit la bouche qui la profère, vient de l’Esprit
saint. — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) N’allons pas croire que pour produire les fruits dont le Seigneur a parlé plus haut, il suffise de dire à Dieu: « Seigneur, Seigneur, » et d’avoir par là même l’apparence d’un bon arbre. Ces fruits consistent à faire la volonté de Dieu, comme l’indiquent les paroles suivantes: « Mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là entrera dans le royaume des cieux ». — Saint Hilaire : (can.
6 sur S. Matth.) C’est l’obéissance à la volonté de Dieu et non l’emploi répété de son
nom qui nous fait trouver le chemin qui conduit au ciel. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Or, quelle est cette volonté
de Dieu ? Le Seigneur nous l’enseigne lui-même lorsqu’il nous dit:
« La volonté de mon Père qui m’a
envoyé est que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle. »
Le mot croire comprend ici la profession extérieure et les oeuvres de la foi.
Celui donc dont la foi ou dont la vie n’est pas conforme à la parole du
Christ, n’entrera pas dans le royaume de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 25 sur
S. Matth.) Il ne dit pas: « Celui qui fait ma volonté, » mais: « [Celui qui fait la volonté] de mon
Père », car c’était ce qu’il convenait d’abord de proposer à leur
faiblesse; mais par l’une de ces vérités il insinue l’autre indirectement, la
volonté du Fils n’étant pas autre que celle du Père. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 2, 40.) On peut
rattacher à cette question l’avertissement suivant: Nous ne devons pas nous
laisser tromper, d’abord par ceux qui, se couvrant du nom du Christ,
invoquent ce nom sans en pratiquer les oeuvres; mais nous devons encore nous
défier de certains prodiges, de certains miracles tels que le Seigneur en
opère en faveur des infidèles, tout en nous avertissant de ne pas nous
laisser surprendre et de ne pas croire que ces miracles visibles soient
l’indice certain d’une sagesse invisible: c’est pourquoi il ajoute: « Plusieurs
me diront en ce jour-là ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10.) Voyez comme le Seigneur se
produit insensiblement en termes encore voilés. Il a complété son
enseignement [comme maître]; il s’annonce maintenant comme juge. Il a déclaré
plus haut que le châtiment était réservé à ceux qui pèchent; il fait connaître
maintenant celui qui doit infliger ce châtiment par ces paroles: « Plusieurs me diront en ce
jour-là. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est-à-dire : alors
qu’il viendra dans la majesté de son Père (cf. Lc 9, 26), alors que personne
n’osera défendre le mensonge ou contredire la vérité à l’aide de discussions
bruyantes; alors que les oeuvres de tous les hommes parleront et que leurs
bouches seront muettes; alors que personne n’osera intervenir pour un autre,
et que tous trembleront pour leur propre compte. Car dans ce jugement, les
témoins ne seront pas les hommes enclins à la flatterie, mais les anges amis
de la vérité, et le juge sera le Seigneur, la justice même. Le Seigneur a
parfaitement exprimé les angoisses et l’effroi qu’éprouveront alors les
hommes, en leur faisant répéter deux fois: « Seigneur, Seigneur, » car celui qui est en proie à
une forte crainte ne se contente pas de dire une seule fois:
« Seigneur. » —
Saint Hilaire : Ils prétendent que leur droit à la
gloire leur vient de l’efficacité de leur parole, de leur esprit prophétique,
du pouvoir qu’ils avaient de chasser les démons, et d’opérer d’autres
prodiges semblables, et c’est pour cela qu’ils se promettent à eux-mêmes le
royaume des Cieux par ces paroles: « Est-ce que nous n’avons pas
prophétisé en votre nom ? » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il en est qui croient que ce
langage était un mensonge dans leur bouche, et que c’est la raison pour
laquelle ils n’ont pas été sauvés. Mais on ne peut supposer qu’ils aient porté
l’audace jusqu’à mentir devant leur juge; d’ailleurs la question comme la
réponse prouvent qu’ils ont réellement opéré ces prodiges. Tandis qu’ils
avaient été sur la terre l’objet de l’admiration par les miracles qu’ils
opéraient aux yeux de tous, ils se voient punis dans l’autre vie, et dans
leur étonnement ils disent: « Seigneur,
n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en votre nom » ?
(cf. 1 Cor 12, 10) Quelques auteurs prétendent que ce n’est pas dans le
temps qu’ils opéraient des prodiges, qu’ils se rendaient coupables d’iniquité,
mais par la suite. Mais alors que devient cette vérité que le Seigneur veut
établir que sans une vie bonne, ni la foi, ni les miracles n’ont de valeur à
ses yeux ? C’est ce que saint Paul enseigne par ces paroles: « Quand j’aurais toute la foi possible,
jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Remarquez qu’ils ne disent
pas: « dans l’esprit, » mais « au
nom », car s’ils prophétisent au nom du Christ, c’est dans
l’esprit du démon, comme font les devins. Or le signe auquel on peut les
reconnaître, c’est que les oracles du démon sont souvent faux, ceux de
l’Esprit saint jamais. Dieu a permis au démon de dire quelquefois la vérité,
de manière qu’il pût donner par de rares vérités quelque valeur à ses
mensonges. Ils chassent aussi les démons au nom de Jésus-Christ, tout en
ayant l’esprit même de son ennemi; les mages les chassent en apparence et non
en réalité, les démons étant en parfaite intelligence entre eux; ils opèrent
aussi de belles choses, c’est-à-dire des miracles, sans utilité, sans
nécessité, et qui ne sont pas moins nuisibles que frivoles. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Lisez pour vous en
convaincre les prodiges que les Mages d’Égypte ont opérés dans un esprit
d’opposition à Moïse (Ex 7, 11.22; 8, 7). —
Saint Jérôme : Ou bien encore: Prophétiser, faire
des miracles, chasser les démons, même si c’est avec l’aide de la puissance
divine, n’est pas toujours l’effet des mérites de celui qui opère ces
prodiges; c’est à l’invocation du nom de Jésus-Christ qu’il faut les
attribuer, et Dieu les permet ou pour la condamnation de ceux qui invoquent
ce nom, ou pour l’utilité de ceux qui en sont témoins, car tout en méprisant
ceux qui font ces miracles, ils honorent Dieu par l’invocation duquel
s’opèrent d’aussi grands prodiges. Saül (1 R 10), Balaam (Nb 23),
Caïphe (Jn 11), n’ont-ils pas
prophétisé ? Dans les Actes des
Apôtres ne voyons-nous pas les enfants de Sceva chasser les démons (Ac 19), et Judas lui-même n’a-t-il
pas fait, dit-on, plusieurs miracles avec les autres apôtres, quand son âme
était déjà ouverte à la trahison ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 25 sur S. Matth.) Tous n’avaient pas
toutes les qualités au même degré de perfection: les uns menaient il est vrai
une vie pure, mais sans avoir une foi aussi grande; pour les autres, c’était
le contraire. Dieu convertissait donc les premiers par les seconds et les
amenait à faire profession d’une foi plus vive; et par le don ineffable des
prodiges qu’il accordait aux autres, il les appelait à devenir plus vertueux,
et il leur communiquait cette grâce avec une grande libéralité, comme
eux-mêmes le proclament: « Nous
avons fait beaucoup de miracles. » Mais parce qu’ils n’ont eu que de
l’ingratitude pour celui qui les avait ainsi comblés d’honneur, le Seigneur
leur fait ensuite cette déclaration: « Alors
je leur dirai hautement: Je ne vous ai jamais connus. » —
Saint Jérôme : C’est avec intention qu’il se sert de
cette expression: « Je leur dirai
hautement, » car il a gardé le silence pendant bien longtemps. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Une aussi grande colère
devait être précédée par une grande patience, pour rendre ainsi plus juste le
jugement de Dieu, et plus mérité le châtiment des pécheurs. Or il faut se
rappeler que Dieu ne connaît pas les pécheurs en ce sens qu’ils ne sont pas
dignes d’être connus de lui; on ne peut pas dire qu’il ne les connaît pas du
tout, mais il ne les connaît pas pour siens. Dieu par sa nature connaît tous
les hommes, mais il paraît ne pas connaître ceux qu’il n’aime pas, de même
qu’on peut dire de ceux qui ne lui rendent pas le culte qui lui est dû,
qu’ils ne le connaissent pas. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 25.) Il leur dit: « Je ne
vous ai jamais connus », non seulement au jour du jugement, mais alors
même qu’ils faisaient des miracles, car il en est beaucoup qui sont pour Dieu
un objet de haine dès ici-bas, et dont il se détourne avant de les punir. —
Saint Jérôme : Remarquez que ces paroles « Je ne vous ai jamais connus » sont une réfutation de ceux
qui prétendent que tous les hommes ont toujours vécu comme il convient à des
créatures raisonnables. —
Saint Grégoire le Grand : (cf. Jb 30) Cette sentence doit nous faire comprendre que c’est l’humble
charité et non l’éclat des miracles chez les hommes, qui a droit à notre
vénération. Aussi la sainte Église n’a-t-elle que du mépris pour les miracles
des hérétiques, s’il en existe, parce qu’elle sait qu’ils ne sont pas une
marque de sainteté; en effet la preuve de la sainteté n’est pas de faire des
miracles, c’est d’aimer le prochain comme soi-même, d’avoir sur Dieu des
idées vraies et du prochain une opinion plus favorable que de soi-même. —
Saint Augustin : (contre l’ennemi de la loi et des proph., liv.
2, chap. 4.) A Dieu ne plaise que nous admettions avec les Manichéens, que le
Seigneur ait voulu parler des saints prophètes; il n’est ici question que de
ceux qui plus tard, après la prédication de l’Évangile, se sont imaginé
qu’ils parlaient en son nom, alors qu’ils ne savaient ce qu’ils disaient. — Saint Hilaire : (can. 6 sur S. Matth.) Les hypocrites se
glorifient de la sorte comme s’ils étaient les auteurs des choses
merveilleuses qu’ils disent ou qu’ils opèrent, et qu’on ne dût pas les attribuer
tout entières à la puissance divine qu’ils invoquent. La lecture [du saint
Évangile] mettra cette doctrine dans tout son jour, alors qu’on y verra le
nom de Jésus-Christ provoquer la fuite des démons. C’est donc à nous de
mériter cette bienheureuse éternité, et nous devons coopérer à notre salut,
en voulant le bien, en évitant le mal, et en faisant plutôt ce que demande la
volonté de Dieu, que ce que réclame notre gloire personnelle. Il les repousse
donc, il les rejette à cause de leurs oeuvres d’iniquité. « Retirez-vous de moi, vous qui
commettez l’iniquité. » —
Saint Jérôme : Comme il ne veut pas détruire le
mérite du repentir, il ne dit pas: « Vous qui avez commis l’iniquité »,
mais « vous qui la commettez », c'est-à-dire vous qui jusqu’à ce
jour, jusqu’à l’heure même du jugement, conservez encore l’affection du
péché, alors même que vous n’en avez plus le pouvoir. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En effet, la mort sépare l’âme du corps, mais elle ne change pas les dispositions de l’âme. |
Lectio 10 [85428] Catena in Mt.,
cap. 7 l. 10 Chrysostomus in Matth. Quoniam
quidam futuri erant quae dicta sunt a domino admirantes; ostensionem autem
quae est per opera non tribuentes, praeveniens eos terret dicens omnis ergo
qui audit verba mea haec, et facit ea, assimilabitur viro sapienti. Chrysostomus super Matth. Non autem dixit:
aestimabo eum qui audit et facit, virum sapientem; sed: assimilabitur viro
sapienti; ergo qui similatur homo est; cui autem assimilatur? Christo;
Christus autem est sapiens vir, qui aedificavit domum suam, idest Ecclesiam,
supra petram, idest supra fortitudinem fidei. Vir autem stultus est Diabolus,
qui aedificavit domum suam, idest omnes impios, super arenam, idest
inconstantiam infidelitatis, aut super carnales homines: qui dicuntur arena
propter sterilitatem, et quia non cohaerent sibi, sed sunt per diversas
opiniones dispersi, et quia sunt innumerabiles. Pluvia autem est doctrina
quae irrigat hominem; nubes autem sunt a quibus pluvia fluit. Quidam a
spiritu sancto excitantur, sicut apostoli et prophetae, et quidam a spiritu
Diaboli, sicut haeretici. Venti autem boni sunt spiritus diversarum virtutum,
vel Angeli, qui invisibiliter in sensibus hominum operantur, et adducunt ad
bona; venti autem mali sunt spiritus immundi. Flumina autem bona sunt
Evangelistae et doctores populi; flumina mala sunt homines immundo spiritu
pleni, et verbositate instructi, sicut philosophi, et ceteri saecularis
scientiae professores, de quorum ventre exeunt flumina aquae mortuae. Ecclesiam ergo quam Christus fundavit non pluvia
mendacis doctrinae corrumpit, neque diabolicus flatus impellit, neque
violentorum fluminum impetus movet. Nec est contrarium quod quidam de
Ecclesia cadunt: non enim omnes qui Christiani dicuntur, Christi sunt; sed novit
dominus qui sunt eius. Sed contra domum quam aedificavit Diabolus, descendit
pluvia verae doctrinae; venti, idest spiritales gratiae, aut Angeli; flumina,
quatuor Evangelistae, et ceteri sapientes; et sic cecidit domus, idest
gentilitas, ut surgeret Christus; et facta est eius ruina magna, solutis
erroribus, convictis mendaciis, et idolis in toto mundo destructis. Christo
ergo similis est qui audit verba Christi et facit ea: ipse enim aedificat
supra petram, idest Christum, qui est omne bonum: ut in quacumque specie boni
aliquis aedificaverit, supra Christum aedificasse videatur. Sicut autem
Ecclesia aedificata a Christo dirui non potest, sic talem Christianum, qui se
aedificavit super Christum, nulla adversitas deicere potest: secundum illud
ad Rom.: quis nos separabit a caritate Christi? Diabolo autem est similis qui
audit verba Christi et non facit. Verba enim quae audiuntur et non fiunt,
separata sunt, et dispersa; et ideo assimilantur arenae. Arena etiam est
omnis malitia, vel etiam mundialia bona. Sicut autem domus Diaboli destructa
est, ita tales supra arenam fundati destruuntur et cadunt. Et est ruina
magna, si de fundamento fidei aliquid ruinae fuerit passus; non autem si
fornicatus fuerit aut homicidium fecerit; quia habet unde per poenitentiam surgat,
sicut et David. Rabanus. Vel ruina magna intelligenda est, qua
dicturus est dominus audientibus et non facientibus: ite in ignem aeternum.
Hieronymus. Vel aliter. Super arenam, quae
fluida est, et in unam copulam non potest redigi, omnis haereticorum sermo
aedificatur ut corruat. Hilarius in Matth. Vel aliter. In pluviis
blandarum et sensim illabentium voluptatum illecebras significat, quibus
primum fides rivis patentibus immadescit; post quas fluviorum procursus,
idest graviorum cupiditatum motus, incurrit, ut exinde tota ventorum vis
circumstantium desaeviat, idest universus diabolicae potestatis spiritus
inferatur. Augustinus de Serm. Dom. Vel aliter. Pluvia
cum in mali alicuius significatione ponitur, caliginosa superstitio intelligitur;
rumores autem hominum ventis comparantur; fluvius autem carnalibus
concupiscentiis, tamquam fluentibus super terram; et qui prosperitatibus
inducitur, adversitatibus frangitur: quorum nihil metuit qui fundatam habet
domum supra petram, idest qui non solum audit praeceptum domini, sed etiam
facit. Et in his omnibus periculo se subicit qui audit et non facit; non enim
quisque firmat in se quae dominus praecipit vel ipse audit, nisi faciendo.
Considerandum autem est, quia cum dixit qui audit verba mea haec, satis
significat istum sermonem omnibus praeceptis, quibus Christiana vita
formatur, esse perfectum; ut merito qui secundum ea vivere voluerint,
comparentur aedificanti supra petram. |
Versets 24-27.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 25.) Il devait s’en trouver qui tout en admirant la doctrine du Seigneur
refuseraient de se déclarer publiquement ses disciples par les oeuvres; il
leur inspire donc par avance une salutaire frayeur par ces paroles: « Tout homme donc qui entend mes
paroles, et les pratique, sera comparé à l’homme sage. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne dit pas: « Je
tiendrai pour un homme sage celui qui entend ces paroles et les pratique »,
mais « il sera comparé à un homme sage ». Donc celui qui est
comparé, c’est l’homme. A qui est-il comparé ? Au Christ. Le Christ est
donc cet homme sage qui a bâti sa maison, c'est-à-dire son Église, sur la
pierre, c’est-à-dire sur la force de la foi. L’insensé, c’est le démon, qui a
bâti sa maison, à savoir l’assemblée des impies, sur le sable, c’est-à-dire
sur la terre sans consistance de l’infidélité, ou sur les hommes charnels,
qu’il a comparés au sable à cause de leur stérilité, de leur défaut d’union
entre eux, de la diversité des opinions qui les divisent, comme aussi de leur
multitude innombrable. La pluie, c’est la doctrine dont l’homme est comme
arrosé; les nuages sont les sources qui répandent la pluie. Ces nuages sont
souvent poussés par l’Esprit saint comme les apôtres et les prophètes;
d’autres suivent l’impulsion du démon, ce sont les hérétiques. Les vents
favorables sont les esprits qui inspirent les différentes vertus, ou bien les
anges qui agissent d’une manière invisible sur les sens de l’homme pour les
amener à faire le bien. Les vents mauvais sont les esprits impurs, les
fleuves salutaires sont les évangélistes et les docteurs, et les fleuves dont
les eaux sont désastreuses, ceux qui sont remplis de l’esprit immonde, nourris
de discours sans fin, comme les philosophes et les maîtres de la science
profane, du sein desquels coulent des fleuves d’une eau morte. Or l’Église
que le Christ a fondée n’est ni corrompue par la pluie d’une doctrine de
mensonge, ni ébranlée par le souffle du démon, ni agitée par la violence des
fleuves impétueux. On ne peut pas opposer à cette doctrine le fait que
plusieurs de ceux qui sont dans l’Église tombent: car tous ceux qui portent
le nom de chrétiens n’appartiennent pas à Jésus-Christ, mais le Seigneur
connaît ceux qui lui appartiennent (cf. 2 Tm 2, 19). Quant à la maison bâtie
par le démon, au contraire, la pluie de la vraie doctrine est tombée sur
elle; les vents, c’est-à-dire les anges ou les grâces spirituelles; les
fleuves, c’est-à-dire les quatre évangélistes et les autres sages sont venus
fondre sur elle, et cette maison, c’est-à-dire la gentilité, est tombée afin
que surgisse Jésus-Christ; et sa ruine a été grande, toutes les erreurs ayant
été dissipées, les mensonges confondus, et les idoles détruites sur toute la
face de la terre. Celui donc qui écoute les paroles de Jésus-Christ et les
met en pratique est semblable au Christ, car il bâtit sur la pierre,
c’est-à-dire sur le Christ, qui est le principe de tout bien; de manière que
tout homme qui construit sur le bien de quelque nature qu’il soit, construit
sur Jésus-Christ. Or de même que l’Église bâtie par Jésus-Christ ne peut être
renversée, de même le chrétien dont nous parlons qui a construit sur
Jésus-Christ ne peut être renversé par aucune adversité, d’après ces paroles de
l’épître aux Romains: « Qui nous séparera de la charité de
Jésus-Christ. » Au contraire, celui qui entend les paroles du Seigneur
et ne les met pas en pratique, est semblable au démon. Les paroles qu’on
écoute sans les mettre en pratique sont bientôt séparées et dispersées, et
c’est pour cela qu’on les compare au sable. Le sable, c’est toute espèce de
malice, ou encore tous les biens de la terre; or de même que la maison du
démon est bientôt renversée, ainsi tombent et sont détruits ceux qui ont
assis les fondements de leur édifice sur le sable. La ruine est grande si
elle atteint les fondements de la foi; elle est moins grande si on s’est
rendu coupable de fornication et d’homicide, car on peut alors se relever par
la pénitence, à l’exemple de David. — Raban : Ou bien cette grande ruine c’est celle à laquelle Notre Seigneur
condamne ceux qui auront écouté ses enseignements sans les pratiquer,
lorsqu’il leur dira: « Allez au
feu éternel. » (Mt 25) — Saint Jérôme : Ou bien encore, tout enseignement des hérétiques qui ne s’élève que
pour tomber, est bâti sur le sable, qui est mouvant et n’est point capable de
cohésion. — Saint Hilaire : (can. 6 sur S. Matth.) Ou bien les pluies
sont une figure des séductions flatteuses des voluptés qui se glissent
insensiblement par toutes les fentes ouvertes, et commencent par rendre la
foi moins ferme; puis vient le choc impétueux des torrents, c’est-à-dire des
passions plus criminelles; puis enfin les vents se déchaînent dans toute leur
violence, c’est-à-dire que le souffle de la puissance du démon entre tout
entier dans l’âme. — Saint Augustin : (serm. sur la mont.) Ou bien encore la pluie, lorsqu’elle est prise au figuré, en mauvaise part, représente la superstition couverte de ténèbres; les bruits confus des hommes sont comparés aux vents; et les fleuves aux passions charnelles qui s’écoulent aussi sur la terre; et celui qui se laisse entraîner par la prospérité, se laisse aussi briser par l’adversité. Au contraire rien de tout cela n’est à craindre pour celui dont la maison est bâtie sur la pierre, c’est-à-dire qui, non content d’écouter les préceptes du Seigneur, les met en pratique. Dans toutes ces circonstances on s’expose à de grands dangers lorsqu’on écoute la parole de Dieu sans la pratiquer, car on ne peut affermir dans son âme les vérités que Dieu nous fait connaître ou les préceptes qu’il nous donne, que par la pratique. Or remarquez qu’en disant: « Celui qui entend ces paroles que je viens de dire, » Jésus-Christ nous fait suffisamment entendre que ce discours comprend tous les préceptes destinés à former à la vie chrétienne, à toute perfection, de manière que ceux qui voudront en faire la règle de leur vie sont comparés avec raison à celui qui bâtit sur la pierre. |
Lectio 11 [85429] Catena in Mt.,
cap. 7 l. 11 Glossa. Posita doctrina Christi,
effectum doctrinae ipsius in turbis ostendit, dicens et factum est, cum
consummasset Iesus verba haec, admirabantur turbae super doctrina eius. Rabanus in Matth. Consummatio haec ad
perfectionem verborum et integritatem dogmatis pertinet. Quod autem dicitur
turbas admirari, aut infideles in turba significat (qui ob hoc stupebant,
quia non credebant verbis salvatoris); aut omnes generaliter demonstrat, qui
excellentiam tantae sapientiae in eo venerabantur. Chrysostomus super Matth. Placatus
rationabiliter hominis intellectus laudem generat, victus autem admirationem.
Quicquid enim digne laudare non possumus, admiramur. Admiratio tamen eorum
magis ad gloriam Christi pertinebat quam ad fidem ipsorum: si enim crederent
in Christum, non mirarentur. Illud enim movet admirationem quod superat
facientis aut dicentis personam; et ideo quod a Deo factum aut dictum est,
non admiramur, quia omnia minora sunt quam Dei potentia. Turbae
autem erant quae mirabantur, id est populus vulgaris, non principes populi,
qui non discendi studio audire solebant; populus autem simplex simpliciter
audiebat; sed eorum silentium, si illi interfuissent, suis contradictionibus
conturbassent: ubi enim est maior scientia, illic fortior malitia: qui enim
festinat esse prior, non est contentus esse secundus. Augustinus de Cons. Evang. Ex eo autem quod
hic dicitur potest videri discipulorum turbam deseruisse, ex quibus illos
duodecim elegerat in monte ex pluribus quos apostolos nominavit, quod
Matthaeus hic praetermisit. Solis enim discipulis in monte videtur Iesus hunc
habuisse sermonem, quem Matthaeus interposuit et Lucas tacet. Et deinde, cum
descendisset in loco campestri, habuisse alterum similem, de quo Matthaeus
tacet, Lucas non tacet. Quamquam etiam illud possit occurrere quod, sicut
supra dictum est, apostolis ceterisque turbis praesentibus unum habuisse
sermonem quem Matthaeus Lucasque narrarunt diverso narrandi modo, sed eadem
veritate sententiarum; et sic planum est quod hic dicitur de admiratione
turbae. Chrysostomus in Matth. Causam autem admirationis
subdit, dicens erat enim docens eos sicut potestatem habens, et non sicut
Scribae eorum et Pharisaei. Si autem hanc potestatem videntes per opera,
Scribae eum a se abigebant, ubi sola verba erant potestatem manifestantia,
qualiter scandalizati non fuissent? Sed turbae hoc non passae sunt: cum enim
anima benevola fuerit, facile persuadetur a sermonibus veritatis. Erat autem
potestas docentis, ut multos eorum caperet, et in admirationem mitteret; ita
quod propter delectationem eorum quae dicta erant, neque tacentem
dimittebant: unde et secutae sunt eum descendentem de monte. Stupebant autem
eius maxime potestatem, quia non ad alium referens, ut prophetae et Moyses
dixerunt, quae dixit, sed ubique ostendit se eum esse qui habet dominium:
etenim legem ferens, continue apponebat: ego autem dico vobis. Hieronymus. Quia quasi Deus et dominus ipsius
Moysi pro libertate voluntatis suae, vel ea quae minus videbantur addebat in
lege, vel commutans praedicabat in populo, ut supra legimus: dictum est antiquis;
ego autem dico vobis. Scribae autem ea tantum docebant quae scripta sunt in
Moyse et prophetis. Gregorius Moralium. Vel singulariter Christus
ex bona potestate locutus est, quia ex infirmitate mala nulla commisit; nos
autem quia infirmi sumus, ex propria infirmitate pensemus quo docendi ordine
infirmis fratribus consulamus. Hilarius in Matth. Vel in verborum
virtutibus effectum potestatis metiebantur. Augustinus de Serm. Dom. Hoc est enim
quod in Psalmo II significatur: fiducialiter agam in eo. Eloquia domini,
eloquia casta, argentum igne examinatum, terrae probatum, purgatum septuplum,
propter quem numerum admonitus sum omnia ista praecepta ad septem illas
referre sententias quas in principio sermonis huius posuit, scilicet de
beatitudinibus. Quod enim aliquis fratri irascatur sine causa,
vel racha dicat, vel fatuum eum appellet, superbissime admittitur; contra
quod est unum remedium, ut supplici animo veniam deprecetur, qui non
iactantiae spiritu infletur. Beati ergo pauperes spiritu, quoniam ipsorum est
regnum caelorum. Consentit autem adversario, idest verbo Dei
reverentiam exhibendo, quisquis ad testamentum patris aperiendum non litibus
acerbus, sed pietate mitis accesserit: beati ergo mites, quoniam ipsi
hereditate possidebunt terram. Quisquis etiam carnalem delectationem contra
rectam voluntatem quam rebellare sentit, exclamet: infelix ego homo, quis me
liberabit de corpore mortis huius? Et ita lugendo imploret consolatoris
auxilium: unde beati qui lugent, quoniam ipsi consolabuntur. Quid autem laboriosius cogitari potest quam ut in
vitiosa consuetudine superanda praecidat intra se membra impedientia regnum
caelorum, nec dolore frangatur, toleret in coniugali fide omnia quae, quamvis
sint molestissima, crimen tamen fornicationis non habent; verum loquatur,
quod non iurationibus crebris, sed morum probitate commendet? Sed quis tantos labores inire audeat, nisi
flagret amore iustitiae, quasi fame ac siti vehementi accensus? Beati ergo
qui esuriunt et sitiunt, quoniam ipsi saturabuntur. Quis autem potest paratus esse ab infirmis
iniurias sustinere, petentia se tribuere, diligere inimicos, benefacere his
qui se oderunt, orare pro persequentibus, nisi perfecte misericors? Beati
ergo misericordes, quoniam ipsi misericordiam consequentur. Mundum autem cordis oculum habet qui finem
bonorum operum suorum non in eo constituit ut hominibus placeat, neque ut
comparet ea quae huic vitae sunt necessaria, neque temere animum hominis
contemnat; et quicquid exhibet homini, hac intentione exhibet qua sibi vult
exhiberi. Beati ergo mundo corde quoniam Deum videbunt. Oportet etiam ut per mundum cor inveniatur arcta
via sapientiae, cui perversorum hominum deceptiones obstrepunt; quas evadere
est venire ad pacem sapientiae. Beati ergo pacifici, quoniam filii Dei
vocabuntur. Sed sive iste ordo considerandus sit, sive alius, facienda sunt
quae audivimus a domino, si volumus aedificare supra petram. |
Versets 28-29.
— La Glose : Jésus-Christ ayant complété son
enseignement, l’Évangéliste nous montre l’effet de sa doctrine sur la foule
par ces paroles: « Et il arriva lorsqu’il eut achevé ses discours, la
foule fut frappée de sa doctrine ». — Raban : Cette dernière
expression nous représente la perfection des paroles du Seigneur, et
l’excellence de ses préceptes. Cette remarque faite par l’Évangéliste que les
peuples étaient dans l’admiration se rapporte ou bien aux infidèles de la
foule qui étaient dans l’étonnement, parce qu’ils ne croyaient pas aux
paroles du Seigneur, ou bien tous ceux en général qui admiraient en lui la
supériorité d’une sagesse aussi sublime. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si les raisons que l’on
présente à l’esprit de l’homme sont de nature à le satisfaire, elles
obtiennent ses louanges; s’il se sent vaincu par elles, elles excitent son
admiration, car tout ce que nous ne pouvons louer comme il le mérite, nous
l’admirons. Leur admiration cependant était bien plutôt un témoignage de la
gloire de Jésus-Christ que de leur foi, car s’ils avaient cru en
Jésus-Christ, ils ne l’auraient pas tant admiré. En effet ce qui excite
d’ordinaire cette admiration mêlée d’étonnement, c’est ce qui surpasse la
puissance de celui qui agit ou qui parle: aussi ne sommes-nous pas étonnés
des paroles ou des oeuvres de Dieu, car elles sont toutes inférieures à sa
puissance. C’était la foule qui était dans l’admiration, c’est-à-dire le
vulgaire, et non les princes du peuple, qui n’écoutaient pas avec le désir
d’apprendre. Le peuple simple au contraire écoutait avec simplicité, et son
silence eût été troublé par les contradictions des princes du peuple, s’ils
avaient été présents; car plus il y a de science, plus la malice est grande,
celui qui s’empresse trop d’être le premier ne pouvant se contenter d’être au
second rang. —
Saint Augustin : (De l’acc. des Ev., liv. 2, chap. 19.) De ce
qui est dit ici on peut conclure que la foule des disciples avaient abandonné
Jésus ; parmi eux il en avait choisi douze, sur la montagne, à qui il
donna le nom d’Apôtres, circonstance qu’omet saint Matthieu (cf. Lc 6, 12),
car Notre Seigneur Jésus-Christ paraît n’avoir adressé qu’à ses disciples qui
étaient sur la montagne ce discours que saint Matthieu insère ici et sur
lequel saint Luc garde le silence. Et lorsqu’ensuite il fut descendu dans la
plaine, il en tint un autre semblable sur lequel saint Matthieu se tait et
que rapporte saint Luc. On peut dire aussi comme plus haut que Notre Seigneur
n’a prononcé devant les Apôtres et le reste de la foule qu’un seul et même
discours que saint Matthieu et saint Luc rapportent de la même manière, quant
aux vérités qu’il renferme, quoique sous une forme différente. Ainsi
s’explique naturellement l’admiration de la foule. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
26.) L’Évangéliste indique la cause de cette
admiration: « Car il les enseignait, comme quelqu’un
ayant autorité, et non pas comme leurs scribes et les Pharisiens». Si
lorsque cette puissance se manifestait par des oeuvres, les scribes
repoussaient le Christ loin d’eux, combien plus auraient-ils été scandalisés,
alors que cette puissance ne se déclarait que par de simples paroles. Mais la
foule n’éprouva pas cette impression; car, lorsqu’une âme est de bonne
volonté, elle se laisse facilement persuader aux enseignements de la vérité.
Notre Seigneur manifestait cette puissance d’enseignement en captivant un
grand nombre de ceux qui l’écoutaient, et en excitant leur admiration. Aussi
le charme de ses paroles était si grand qu’ils ne voulaient pas le quitter,
alors même qu’il avait cessé de parler, et c’est pourquoi ils le suivirent lorsqu’il
descendit de la montagne. Ce qui les étonnait davantage dans cette puissance,
c’est que Notre Seigneur ne rapportait pas à un autre l’objet de son
enseignement, comme Moïse et les prophètes, mais qu’il déclarait en toute
circonstance qu’il était le souverain Maître; en effet, il ne porte aucune
loi sans cette formule: « Pour moi, je vous dis » —
Saint Jérôme : C’est comme étant le Dieu et le
Maître de Moïse lui-même que, dans la plénitude de sa volonté, il ajoutait à
la loi ce qui devait lui donner plus de clarté, ou même qu’il la changeait
dans ses prédications au peuple, ainsi que nous l’avons vu plus haut: « Il
a été dit aux anciens:… Pour moi, je vous dis. » Les scribes, au
contraire, ne faisaient qu’enseigner ce que contenaient les écrits de Moïse
et des prophètes. — Saint Grégoire le Grand : (cf. Jb
33) (Moral., liv. 23, chap. 7.) Ou bien Jésus-Christ a eu ce privilège spécial de parler avec un
pouvoir légitime, parce qu’il n’y a jamais en chez lui ni faute ni faiblesse.
Pour nous, qui sommes faibles, consultons notre faiblesse pour apprendre
d’elle ce que nous devons enseigner à nos frères faibles comme nous. — Saint Hilaire : (can. 6 sur S. Matth.) Ou
bien ils mesuraient l’effet de son pouvoir sur la vertu de ses paroles. —
Saint Augustin : (serm. sur la mont.) C’est ce qui est ainsi
figuré dans ces paroles des Psaumes: « J’agirai à son égard avec
confiance; les paroles du Seigneur sont des paroles chastes, de l’argent
éprouvé par le feu, passé par le creuset, purifié sept fois. » (Ps.XII) C’est ce nombre sept qui m’a donné la pensée
de rapporter tous ces préceptes aux sept maximes qui forment l’exorde de ce
discours, c’est-à-dire aux béatitudes. En
effet, qu’un homme se mette en colère sans raison contre son frère, qu’il lui
dise raca ou qu’il le traite de
fou, c’est l’effet d’un grand orgueil contre lequel il n’y a qu’un remède,
implorer de Dieu le pardon avec un esprit suppliant qui n’ait aucun sentiment
d’ostentation. « Bienheureux donc les pauvres d’esprit, parce que le
royaume de Dieu leur appartient. » On se montre d’accord avec son
adversaire, c’est-à-dire qu’on rend à la parole de Dieu le respect qui lui
est dû, en s’approchant pour ouvrir le testament du Père céleste non pas avec
amertume et le désir de la chicane, mais avec la douceur qu’inspire la piété:
« Bienheureux donc ceux qui sont doux parce qu’ils posséderont la
terre. » Que celui qui sent l’attrait des voluptés sensuelles se
révolter contre la droite volonté s’écrie: « Malheureux homme que je
suis, qui me délivrera de la mort de ce corps ? » (Rm 7, 24) et que par ses larmes il
implore le secours de Dieu son consolateur. « Bienheureux donc ceux
qui pleurent parce qu’ils seront consolés. » Que peut-on imaginer de
plus dur que de triompher d’une habitude vicieuse en retranchant en soi les
membres qui sont un obstacle à ce royaume des cieux, et cela sans être brisé
par la douleur; de supporter dans l’union conjugale toutes les choses qui
n’ont pas le caractère de la fornication quoiqu’elles soient souverainement
pénibles, de dire toujours la vérité, et de ne point l’appuyer sur des
serments faits à tout propos, mais sur l’intégrité des moeurs ? Mais qui
osera se dévouer à de si grands travaux, sans être enflammé de l’amour de la
justice, et comme dévoré par la faim et par une soif ardente ? « Bienheureux
sont ceux qui ont faim et soif, parce qu’ils seront rassasiés. » Qui
sera toujours prêt à supporter les outrages de ceux qui sont faibles, à
donner à celui qui lui demande, à aimer ses ennemis, à faire du bien à ceux
qui le haïssent, à prier pour ceux qui le persécutent, si ce n’est celui qui
sera parfaitement miséricordieux ? « Bienheureux donc les
miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde. » Pour avoir
l’oeil du cœur pur, il ne faut point se proposer pour fin de ses bonnes oeuvres
le désir soit de plaire aux hommes, soit de pourvoir aux nécessités de la
vie, ni condamner témérairement les intentions du prochain, et dans tout ce
qu’on fait pour lui, il faut agir comme on voudrait qu’il agit à notre égard.
« Bienheureux donc ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ».
Il faut encore qu’à l’aide d’un cœur pur nous trouvions la voie étroite de la
sagesse, que les séductions des esprits pervers veulent nous empêcher
d’atteindre. Si on parvient à les éviter, on est sûr d’arriver à la paix que
donne la sagesse. « Bienheureux donc les pacifiques, ils seront
appelés fils de Dieu. » Mais soit qu’on admette cette liaison
d’idées, soit qu’on en préfère une autre, c’est une obligation pour nous de
mettre en pratique les préceptes que nous avons reçus du Seigneur, si nous
voulons bâtir sur la pierre. |
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Caput 8 |
CHAPITRE 8 —
[Les nombreux miracles qui démontrent la puissance et la grâce du Messie]
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Lectio 1 [85430] Catena in Mt., cap. Chrysostomus super Matth. Quia enim quasi
potestatem habens docebat, ut non aestimaretur ostentatio esse hic doctrinae
modus, operibus hoc idem facit, quasi potestatem habens curare; et ideo dicit
cum autem descendisset Iesus de monte secutae sunt eum turbae multae. Origenes. Docente enim domino in monte,
discipuli erant cum ipso, quibus erat datum caelestis doctrinae nosse
secreta; nunc autem descendente eo de monte, turbae secutae sunt eum, quia in
monte ascendere nequaquam poterant; quia quos delictorum sarcina deprimit, ad
mysteriorum sublimia scandere non valent. Descendente autem domino, hoc est
inclinante se ad infirmitatem et impotentiam ceterorum, quando misertus est
imperfectioni eorum, vel infirmitati, secutae sunt eum turbae multae: quidam
propter claritatem, plerique propter doctrinam, nonnulli propter curationem
et administrationem. Haymo. Vel aliter. Per montem in quo dominus
sedet, caelum intelligitur, de quo scriptum est: caelum mihi sedes est. Sed
cum dominus in monte sedet, soli discipuli ad eum accedunt: quia antequam
fragilitatis nostrae humanitatem assumeret, notus erat tantum in Iudaea Deus;
at vero postquam de monte suae divinitatis descendit, et humanitatis nostrae
fragilitatem assumpsit, magna turba nationum secuta est eum. Demonstratur
autem doctoribus ut in praedicatione sua sermonem habeant temperatum, et
sicut viderint unumquemque capere posse, ita et verbum Dei annuntient.
Ascendunt enim in montem doctores, cum perfectioribus excellentia praecepta
ostendunt; descendunt vero, cum infirmioribus leviora demonstrant. Chrysostomus super Matth. Inter ceteros autem
qui montem non ascenderant, et leprosus sursum ascendere non valebat, quasi
peccatorum baiulans pondus: lepra enim est peccatum animarum nostrarum. Ideo
ergo dominus de altitudine caeli, quasi de excelso monte, descendit, ut
lepram peccatorum nostrorum mundaret: et ideo quasi iam praeparatus
descendenti occurrit: propter quod dicitur et ecce leprosus veniens. Origenes. Deorsum curat, et in monte nihil
facit: quia tempus est omni rei sub caelo: tempus doctrinae, et tempus
curationis. In monte docuit, animas curavit, corda sanavit; quibus completis,
sicut de caelestibus montibus ad salvandos carnales descendente, venit ad eum
leprosus, et adorabat eum. Antequam peteret, adorare coepit, cultum ostendens.
Chrysostomus super Matth. Non enim illum
petebat quasi hominem artificem, sed adorabat eum quasi Deum. Oratio autem
perfecta est fides et confessio: unde leprosus fidei opus adorans implevit;
sed opus confessionis implevit in verbis: unde adorabat eum dicens. Origenes. Domine, per te omnia facta sunt: tu
ergo, si vis, potes me mundare. Voluntas tua opus est, et opera tua voluntati
obediunt. Tu prius Naaman Syrum per Eliseum a lepra mundasti; et modo, si
vis, potes me mundare. Chrysostomus in Matth. Non dixit: si rogaveris
Deum, neque: si adoraveris; sed si volueris, potes me mundare. Neque dixit:
domine, munda; sed ei totum concedit; et dominum eum facit, et potestatem
universorum ei attribuit. Chrysostomus super Matth. Et ita
spirituali medico spiritualem offerebat mercedem: nam sicut medici pecuniis,
iste oratione placatur. Nihil enim dignius offerimus Deo quam orationem
fidelem. In hoc autem quod dicit si vis, non dubitat Christi voluntatem ad
omne opus bonum paratam. Sed quia non omnibus expedit corporalis
integritas, nesciebat utrum ei expediret curatio illa. Dicit ergo si vis; ac
si diceret: credo quia quod bonum est vis; ignoro autem si est mihi, quod
desidero, bonum. Chrysostomus in Matth. Cum autem voluntate ac
sermone purgare posset, manus apposuit tactum, unde sequitur et extendens
manum, tetigit eum: ut ostendat quoniam non subiacet legi, et quoniam mundo
iam nihil est immundum. Eliseus autem observans legis diligentiam, non
exivit, et tetigit Naaman; sed mittit eum ad Iordanem lavandum. Dominus autem
monstrat quoniam non ut servus, sed ut dominus, curat et tangit: non enim
manus a lepra facta est immunda, sed corpus leprosum a manu sancta
constitutum est mundum. Non enim corpora solum curaturus advenit, sed et
animam in veram sapientiam ducturus. Sicut igitur manibus non lotis iam
manducare non prohibebat, ita et hic erudit quoniam oportet animae lepram
formidare solam, quod est peccatum: lepram autem corporis nullum impedimentum
esse ad virtutem. Chrysostomus super Matth. Quamvis autem
litteram legis solverit, propositum tamen eius non solvit. Ideo
enim lex iussit non tangere lepram, quia non poterat facere ut lepra non
sordidaret tangentem; ergo vetuit tangere lepram, non ut leprosi non
sanarentur, sed ut tangentes non inquinarentur. Iste autem tangens non
inquinatus est a lepra, sed ipsam lepram mundavit tangendo. Damascenus de fide Orth. Non enim Deus solum erat, sed homo: unde per tactum et per sermonem
divina signa operabatur: ut enim per organum, ita per corpus divinae
perficiebantur actiones. Chrysostomus in Matth. Cum autem
leprosum tangit, nullus eum incusat, quia nondum invidia detenti erant
auditores. Chrysostomus super Matth. Si autem
tacite eum curasset, quis scire poterat cuius virtute sanatus esset? Igitur
voluntas mundandi facta est propter leprosum, verbum autem propter
spectantes; ideo dixit volo, mundare. Hieronymus. Non autem ut plerique Latinorum
putant, iunctim legendum est volo mundare; sed separatim, ut prius dicatur
volo, deinde ut imperans dicat mundare. Ille enim dixerat si vis; dominus
respondit volo; ille praemiserat potes me mundare; dominus dixit mundare.
Chrysostomus in Matth. Nusquam autem videtur
dicere hoc verbum, quamvis magna signa faciens; sed hic propterea apposuit
volo, ut opinionem plebis et leprosi de eius potestate confirmaret. Chrysostomus. Cessit autem mandanti natura cum
decenti velocitate; et ideo sequitur et confestim mundata est lepra eius. Sed
hoc quod dicit confestim, multum est tardius velocitate quae secundum opus
est facta. Origenes. Quia enim non dubitavit credere, non
tardatur sanatio; quia non distulit confessionem, non differtur mundatio.
Augustinus de Cons. Evang. Huius autem leprosi
mundati etiam Lucas meminit, non sane hoc ordine, sed ut solent praetermissa
recordari, posterius facta praeoccupari, sicut divinitus suggerebantur, ut
antea cognita, postea recordando rescriberent. Chrysostomus in Matth. Curans autem Iesus
corpus, iubet nulli dicere; unde sequitur et ait illi Iesus: vide nemini
dixeris. Quidam igitur aiunt quoniam ideo iussit hoc, ut non malignentur
circa eius purgationem; quod insipienter dicitur: non enim ita mundavit ut
dubitabilis esset mundatio; sed nulli dicere iubet, docens non diligere
ostentationem et honorem. Qualiter igitur alii sanato iubet dicere? Sed in
hoc erudivit nos bonae mentis esse; non enim illic divulgari se iussit, sed
dari gloriam Deo. Per leprosum ergo hunc instruit nos non esse vane
gloriosos: per illum autem non esse ingratos, sed omnia ad laudem Dei referre.
Hieronymus. Et revera quid erat necesse
quod sermone iactaret quod corpore praeferebat? Hilarius in Matth. Vel ut salus haec non
offerretur potius quam quaereretur, silentium imperatur. Sequitur sed vade,
ostende te sacerdoti. Hieronymus. Mittit autem eum ad
sacerdotes, primum propter humilitatem, ut sacerdotibus deferre videatur;
deinde ut videntes leprosum mundatum, si crederent salvatori, salvarentur; si
vero non crederent, inexcusabiles fierent; et simul ne quod in eo saepissime
criminabantur, legem infringere videretur. Chrysostomus. In Matth. Neque enim
ubique eam dissolvebat, neque ubique custodiebat; sed quandoque quidem hoc,
quandoque illud faciebat: in uno quidem futurae sapientiae praeparans vitam,
in altero autem inverecundam Iudaeorum cohibens linguam, et condescendens
imbecillitati eorum. Unde apostoli apparent quandoque quidem
observantes legem, quandoque autem eam praetermittentes. Origenes. Vel mittit ad sacerdotes, ut
cognoscant quia non per legis consuetudinem mundatus est, sed per gratiae
operationem. Hieronymus. Erat autem in lege
praeceptum ut qui mundati fuerant a lepra, offerrent munera sacerdotibus;
unde sequitur et offer munus tuum, quod praecepit Moyses, in testimonium
illis. Chrysostomus super Matth. Non sic
intellige, quia hoc Moyses praecepit in testimonium illis: sed vade tu, offer
in testimonium illis. Chrysostomus in Matth. Praevidens enim
Christus eos ex hoc nihil profecturos, non dixit: in emendationem eorum, sed
in testimonium, idest in accusationem, et attestationem quoniam quae a me
erant fienda, omnia facta sunt. Et licet eos praeviderit
non emendari, non tamen dimisit quae facere oportebat: illi autem in propria
manserunt malitia. Non autem dixit: munus quod ego iubeo, sed quod Moyses
iussit, ut interim transmittat ad legem, et iniquorum obstruat ora: ut enim
non dicant quoniam sacerdotum gloriam rapuit, opus quidem ipse implevit,
probationem autem illis concessit. Origenes. Vel offer munus tuum, ut omnes qui
vident te portare, miraculo credant. Chrysostomus super Matth. Vel ideo iubet
offerri munera, ut si postmodum eum expellere vellent, dicere eis: munera
quasi a mundato accepistis; et quomodo me quasi leprosum expellitis? Hilarius in Matth. Vel legendum est quod
Moyses praecepit in testimonium illis: quia quod Moyses in lege praecepit,
testimonium est, non effectus. Beda in Hom. Dom. 3 post Epiph. Si quem autem
moveat quomodo dominus cum videatur Moysi sacrificium approbare, quare id
Ecclesia non recipiat, meminerit quod nondum Christus corpus suum obtulerat
per passionem in holocaustum. Non autem oportebat auferri significantia
sacrificia prius quam illud quod significabatur, confirmatum esset testimonio
apostolorum praedicantium, et fide credentium populorum. Vir autem iste genus
humanum designat, qui non solum leprosus, verum etiam, iuxta Evangelium
Lucae, plenus lepra fuisse describitur. Omnes enim peccaverunt, et egent
gloria Dei, illa scilicet ut extenta manu salvatoris, hoc est incarnato Dei
verbo, humanamque contingente naturam, ab erroris prisci vanitate mundentur;
et qui diutius abominabiles, et castris populi Dei eiecti, iam aliquando
templo redditi et sacerdoti, queant offerre corpora sua hostiam viventem;
illi scilicet cui dicitur: tu es sacerdos in aeternum. Remigius. Moraliter autem per leprosum
designatur peccator: nam peccatum immundam et variam animam facit; qui ante Christum
procidit, quando de pristinis peccatis confunditur: et tamen debet confiteri,
et remedium poenitentiae postulare: nam leprosus vulnus ostendit, et remedium
postulavit. Extendit autem dominus manum, quando auxilium divinae
miserationis impendit: et statim consequitur remissionem delictorum; nec
debet Ecclesia eidem reconciliari, nisi iudicio sacerdotis. |
Versets 1-4.
—
Saint Jérôme : Après la prédication et l’exposé de
la doctrine, l’occasion se présente de faire des miracles pour confirmer par
leur vertu et par leur éclat les enseignements du Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Notre Seigneur enseignait
comme ayant autorité; mais pour ôter toute apparence d’ostentation à cette
manière d’enseigner, il la continue [littéralement :
« il fait la même chose »] dans ses oeuvres [miraculeuses],
où il fait éclater le pouvoir qu’il avait de guérir; c’est pourquoi
l’Évangéliste dit: « Jésus étant descendu de la montagne, une grande
foule de peuple le suivait. » — Origène : Tandis que le Seigneur enseignait sur la montagne il n’avait avec lui
que ses disciples auxquels il avait été donné de connaître les secrets de la
céleste doctrine; maintenant qu’il descend de la montagne, il est suivi par
la foule qui n’avait pu monter avec lui, car celui qui est accablé du fardeau
de ses péchés ne peut point gravir les sublimes hauteurs des mystères. Mais
lorsque le Seigneur descend et s’abaisse jusqu’à la faiblesse, jusqu’à
l’impuissance des autres hommes, et qu’il a pitié de leurs imperfections et
de leurs infirmités, une grande foule de peuple le suit, les uns à cause de
sa célébrité, la plupart attirés par sa doctrine, quelques-uns parce qu’il
les guérissait et prenait soin d’eux. — Haym. Ou bien encore, par cette montagne sur laquelle le Seigneur s’assied,
il faut entendre le ciel dont il est écrit: « Le ciel est mon
trône. » Lorsque le Seigneur est assis sur la montagne, ses
disciples seuls s’approchent de lui, car avant qu’il se fût revêtu de notre
nature fragile, Dieu n’était connu que dans la Judée. Mais lorsqu’il
descendit des hauteurs de sa divinité pour prendre les faiblesses de notre
humanité, les nations le suivirent en foule. Il apprend ainsi aux docteurs à
suivre dans leurs prédications un genre tempéré, et à toujours annoncer la
parole de Dieu de la manière qu’ils jugeront plus propre à la faire
comprendre par tout un chacun. Les docteurs montent sur la montagne
lorsqu’ils enseignent aux plus parfaits les préceptes les plus sublimes, et
ils en descendent lorsqu’ils développent à ceux qui sont plus faibles, les
devoirs plus faciles [de la vie chrétienne]. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Parmi ceux qui ne purent
gravir la montagne, se trouvait le lépreux qui ne pouvait monter, accablé
sous le poids de ses péchés, car le péché de nos âmes est une véritable
lèpre. Notre Seigneur descend donc des hauteurs du ciel comme d’une montagne
élevée pour guérir la lèpre de nos péchés, et le lépreux se présente à lui comme s’il attendait qu’il fût
descendu; c’est pourquoi il est dit: « Et voici qu’un lépreux venant
à lui. » — Origène : (homél. 51.) Jésus guérit
lorsqu’il est descendu, et il n’opère aucun prodige sur la montagne, car
toute chose a son temps sous le ciel; il y a le temps de la doctrine, et le
temps de la guérison des malades. Sur la montagne il a enseigné, il a pris
soin des âmes, il a guéri les cœurs; après ces oeuvres spirituelles, comme il
est descendu des hauteurs des cieux pour sauver des hommes revêtus d’une
chair mortelle, voici qu’un lépreux vient à lui et l’adore. Avant de rien demander,
il l’adore, et professe ainsi des sentiments religieux. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne demandait point sa
guérison au Seigneur comme à un homme habile dans l’art de guérir, mais il
l’adorait comme Dieu. Ce qui rend la prière parfaite c’est la foi et la
confession que nous en faisons; aussi le lépreux satisfait au précepte de la
foi en adorant, et il accomplit l’obligation de la confession par le langage
qu’il tient. « Il l’adorait en lui
disant » — Origène : (homél. 5.) Seigneur, c’est
par vous que toutes choses ont été faites; si vous voulez, vous pouvez me
guérir; vouloir et faire sont pour vous une même chose, et toutes les oeuvres
obéissent à votre volonté. Vous avez autrefois guéri de la lèpre Naaman le
Syrien par le prophète Élisée, et si vous le voulez maintenant, vous pouvez
aussi me guérir. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 26 sur S. Matth.) Il ne dit pas:
« Si vous le demandez à Dieu, » ou bien « si vous recourez à
la prière, » mais: « si vous
le voulez, vous pouvez me guérir » ; il ne dit pas non plus:
« Seigneur, guérissez-moi, » mais il s’abandonne entièrement à lui,
le proclame maître absolu, et confesse que sa puissance s’étend à toutes
choses. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Au médecin spirituel, il
offre une récompense spirituelle; on reconnaît les services des médecins avec
de l’argent; c’est par la prière qu’on s’acquitte à l’égard de Jésus, car
nous ne pouvons rien offrir à Dieu qui soit plus digne de lui qu’une prière
dictée par la foi. Lorsque le lépreux dit à Jésus: « Si vous voulez », ce n’est pas qu’il doute que la
volonté du Seigneur ne soit disposée à toute sorte de bonnes oeuvres; mais
comme la bonne santé du corps n’est pas utile à tous, il ne savait pas si la
guérison lui serait avantageuse. Il lui dit donc: « Si vous le voulez », c’est-à-dire : je crois que
vous ne pouvez vouloir que ce qui est bon, mais j’ignore si ce que je demande
l’est également. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
26.) Il
pouvait guérir ce lépreux par le seul acte de sa volonté, ou par une seule
parole; cependant il y emploie les mains et le toucher. « Et ayant étendu la main, il le toucha. » C’est ainsi
qu’il fait voir qu’il n’est pas soumis à la loi, et que rien n’est impur pour
celui qui est pur lui-même. Élisée au contraire, pour se conformer aux
prescriptions de la loi, ne sortit pas de sa demeure pour toucher Naaman, il
se contenta de l’envoyer se laver dans le Jourdain. Le Seigneur prouve que ce
n’est pas comme serviteur, mais comme maître qu’il touche et guérit; car sa main
ne devint pas impure par l’attouchement de la lèpre, mais le corps souillé de
lèpre fut purifié par le contact de cette main si sainte. En effet le Seigneur
n’est pas venu seulement pour guérir les corps, mais aussi pour conduire les
âmes vers la véritable sagesse. De même donc qu’il ne défendait plus de
manger sans s’être lavé les mains, de même il nous apprend ici que nous ne
devons redouter que la lèpre de l’âme, c’est-à-dire le péché, et que la lèpre
du corps n’est en aucune façon un obstacle pour la vertu. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Notre Seigneur paraît violer la lettre de la loi, mais il en respecte
l’intention. La loi en effet défendait de toucher la lèpre, parce qu’il était
impossible que celui qui la touchait ne fût pas atteint de la contagion. Le
but de cette défense n’était donc pas de mettre obstacle à la guérison du
lépreux, mais de garantir de cette maladie contagieuse ceux qui seraient
tentés de le toucher. Or le Seigneur en touchant la lèpre n’en fut pas
atteint, au contraire il la guérit par ce contact. — Saint Jean de Damas : Il n’était pas seulement Dieu, il
était homme aussi, et c’est pourquoi il opérait des signes divins par
l’intermédiaire du toucher et de la parole, car son corps lui servait comme
d’instrument pour l’accomplissement de ces actions toutes divines. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24.) Personne encore ne l’accuse de
toucher un lépreux, car l’envie ne s’était pas encore emparée de ceux qui
venaient l’entendre. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) S’il l’avait guéri sans
parler, qui aurait pu savoir à quelle puissance était due cette
guérison ? Notre Seigneur avait la volonté de guérir, c’était pour le
lépreux; il prononce une parole de guérison, c’est pour ceux qui sont
présents: « Je le veux, soyez guéri. » —
Saint Jérôme : La plupart des interprètes latins
unissent ensemble, mais à tort, ces deux mots en leur donnant ce sens:
« Je veux guérir » ; il faut les séparer de cette manière:
Notre Seigneur dit d’abord: « Je
le veux », puis il ajoute cette parole de commandement: « Soyez guéri. » En effet le
lépreux avait dit: « Si vous le
voulez » ; Notre Seigneur lui répond: « Je le veux » ; il avait dit: « Vous pouvez me guérir » ;
le Seigneur répond: « Soyez
guéri. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
26.) Il
n’apparaît nulle part, même dans les actions les plus éclatantes, que le
Seigneur ait jamais prononcé ce mot: « Je
le veux » ; il l’emploie dans cette circonstance pour affermir
l’opinion que le peuple et le lépreux avaient de sa puissance. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 26.) La nature obéit à ce
commandement avec une respectueuse promptitude, comme l’indiquent les paroles
suivantes: « Et aussitôt sa lèpre
fut guérie » ; mais ce mot « aussitôt » ne saurait
exprimer la rapidité de cette guérison, mais bien plutôt la grandeur de
l’acte accompli. — Origène : (homél. 5.) Le lépreux n’a
point hésité à croire, sa guérison ne se fait pas attendre; il n’a point
différé de professer sa foi, il est immédiatement purifié. —
Saint Augustin : (de l’arc. des Evang., liv, 2, chap. 19.)
Saint Luc rapporte aussi la guérison de ce lépreux, mais dans un autre
endroit. Il suit en cela la méthode des Évangélistes qui placent plus loin
dans leur récit ce qu’ils ont omis précédemment, ou qui racontent par
anticipation ce qui n’est arrivé que plus tard, suivant en cela l’inspiration
divine qui leur faisait écrire de souvenir ce qu’ils avaient appris
auparavant. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
26.) Après
avoir opéré cette guérison, Jésus défend au lépreux d’en parler à personne. «Et Jésus lui dit: Gardez-vous de
parler de ceci à personne. » Quelques-uns prétendent qu’il lui fit
cette défense afin que la malignité ne pût s’emparer contre lui de cette
guérison, ce qui n’a pas de sens. En effet en guérissant ce lépreux, il n’a
pas laissé le moindre doute sur sa guérison. Si donc il lui défend d’en
parler, c’est pour nous apprendre à éviter l’ostentation et les honneurs.
Lors donc qu’il commande à un autre malade qu’il avait guéri de publier sa
guérison, c’est pour nous enseigner que nous devons avoir une âme
reconnaissante, car ce n’est pas sa propre gloire, mais celle de Dieu, qu’il
lui ordonne de publier. Par ce lépreux, il nous apprend donc à fuir la vaine
gloire; par l’autre, à éviter l’ingratitude et à tout rapporter à la gloire
de Dieu. —
Saint Jérôme : Et en effet, quelle nécessité de
publier de vive voix ce que la guérison de son corps faisait assez
connaître ? — Saint Hilaire : (can. 7 sur S. Matth.) Ou bien le silence lui
est commandé parce que ce salut ne lui est accordé qu’après qu’il l’a
demandé. Vient ensuite : « Mais allez, montrez-vous au prêtre. » —
Saint Jérôme : Il l’envoie se présenter aux prêtres,
premièrement pour lui faire pratiquer l’humilité par cet acte de déférence à
leur égard; secondement pour sauver les prêtres qui voyaient le lépreux
purifié, s’ils voulaient croire au Seigneur du monde, et les rendre
inexcusables s’ils ne voulaient pas croire; et en même temps pour prévenir le
reproche qu’ils lui firent si souvent de violer la loi. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 26.) Il ne la violait pas toujours,
de même qu’il ne l’observait pas en toute circonstance; mais tantôt il en
négligeait les prescriptions pour ouvrir la voie à la sagesse de l’avenir,
tantôt il les observait pour réprimer les discours insolents des Juifs, et
condescendre à leur faiblesse. C’est pour la même raison que nous voyons les
apôtres garder quelquefois, et quelquefois laisser de côté les observances de
la loi. — Origène : (homél. 5.) Ou bien il envoie
ce lépreux se présenter aux prêtres pour qu’ils reconnaissent que ce n’est
point par la vertu ordinaire de la loi, mais par l’efficacité de la grâce,
qu’il a obtenu sa guérison. —
Saint Jérôme : La loi ordonnait à ceux qui avaient
été guéris de la lèpre d’offrir des présents aux prêtres. C’est pour cela que
Notre Seigneur ajoute: « Et offrez
le don prescrit par Moïse afin qu’il leur serve de témoignage. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il ne faut pas entendre ces
paroles en ce sens que Moïse ait prescrit cette offrande pour servir de
témoignage aux prêtres. Notre Seigneur dit: « Allez et offrez ce don pour qu’il leur serve de témoignage. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 26.) Le Christ prévoyait qu’ils ne
tireraient aucun profit de ce miracle, aussi ne dit-il pas: « pour les
rendre meilleurs », mais « pour être un témoignage »,
c’est-à-dire un chef d’accusation et de preuve, que j’ai fait tout ce que je
devais faire. Il a bien prévu en effet qu’ils ne réformeraient pas leur vie,
il n’a pas omis de faire ce qu’il jugeait nécessaire. Mais pour eux ils ont
persévéré dans la malice qui leur était propre. Il ne dit pas non plus:
« Le don que je prescris, » mais, « le don que prescrit Moïse » ; il les renvoie
ainsi de temps en temps à la loi pour fermer la bouche des méchants. Il ne
veut pas qu’on puisse dire qu’il a ravi aux prêtres la gloire qui leur
appartenait; il accomplit l’oeuvre de la guérison, mais il leur laisse le
soin d’en constater la preuve. — Origène : (homél, 5.) Ou bien, offrez
votre présent, afin que tous ceux qui vous verront accomplir cette
prescription croient au miracle de votre guérison. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore, il lui
ordonne de faire l’offrande prescrite, afin que si plus tard les prêtres
avaient l’intention de le chasser, il pût leur dire: « Vous avez accepté
mon offrande, comme venant d’un homme parfaitement guéri; pourquoi donc me
chassez-vous aujourd’hui comme lépreux ? » — Saint Hilaire : (can. 7 sur S. Matth.) Ou bien encore, on peut admettre ce sens:
« que Moïse a ordonné comme témoignage pour eux », car ce que Moïse
a ordonné dans la loi, n’est pas un effet mais un témoignage. — Saint Bède : (Dimanche 3 après l’Epiph.) Peut-être
sera-t-on surpris de ce que Notre Seigneur paraît ici approuver le sacrifice
prescrit par Moïse et que l’Église n’admet pas; qu’on se rappelle donc que le
Christ n’avait pas encore offert par sa passion son corps en holocauste. Or
il entrait dans les desseins de Dieu que les sacrifices figuratifs fussent
offerts jusqu’au temps où la divinité de celui qu’ils figuraient eût été
annoncée par la prédication des Apôtres, et reconnue par la foi de tous les
peuples. Or cet homme qui était non seulement lépreux, mais d’après saint Luc
tout couvert de lèpre (Lc 5), est
la figure du genre humain; car tous ont péché et ont besoin de la gloire de
Dieu (Rm 3), c’est-à-dire qu’ils
ont besoin que le Seigneur étende sur eux la main (par l’incarnation du Verbe
de Dieu uni à la nature humaine) pour les purifier des vanités de leurs
anciennes erreurs. C’est ainsi qu’après avoir été longtemps un objet
d’abomination et rejetés hors du camp du peuple de Dieu, il leur est enfin
permis d’entrer dans le temple, et de venir offrir leur corps comme une
hostie vivante à celui dont le roi-prophète a dit: « Tu es prêtre pour l’éternité. » (Ps 109). — Saint Rémi : Le lépreux, au sens moral, signifie le pécheur; car le péché rend l’âme impure et la couvre de mille plaies. Le pécheur se prosterne aux pieds de Jésus-Christ, lorsqu’il est confus des péchés qu’il a commis; cependant il doit les confesser, et demander le remède de la pénitence, à l’exemple du lépreux qui découvre ses plaies et en demande la guérison. Le Seigneur étend la main lorsqu’il accorde le secours de sa divine miséricorde, qui est immédiatement suivi de la rémission des péchés. Le pécheur toutefois ne doit être réconcilié à l’Église que par le jugement du prêtre. |
Lectio 2 [85431] Catena in Mt.,
cap. Haymo. Capharnaum enim, quae villa pinguedinis
interpretatur, sive ager consolationis, Ecclesiam quae ex gentibus est
collecta, significat, quae spirituali pinguedine est repleta, secundum illud
Ps. 62, 6: sicut adipe et pinguedine repleatur anima mea. Et inter pressuras
saeculi de caelestibus consolatur, secundum illud Ps. 93, 18: consolationes
tuae laetificaverunt animam meam. Unde
dicitur cum autem introisset Capharnaum, accessit ad eum centurio. Augustinus de Verb. Dom. Iste centurio de
gentibus erat: iam enim Iudaea gens habebat militem Romani imperii. Chrysostomus super Matth. Centurio autem iste
primus fructus ex gentibus ad cuius fidei comparationem omnium Iudaeorum
fides infidelitas est inventa: qui neque Christum audivit docentem, neque
leprosum, cum mundaretur, aspexit, sed audita tantummodo sanitate leprosi,
plus credidit quam audivit: erat enim in mysterio gentium futurarum, quae
neque legem aut prophetas legerant de Christo, neque ipsum Christum mirabilia
facientem viderant. Accessit ergo rogans, et dicens domine, puer meus iacet
in domo paralyticus, et male torquetur. Vide autem bonitatem centurionis, qui
pro salute servi sic sollicite festinabat, quasi non damnum pecuniae sed
salutis passurus in morte illius. Nullam enim differentiam aestimabat inter
servum et dominum: quia etsi dignitas in hoc saeculo diversa est inter illos,
una tamen est illis natura. Fidem autem centurionis vide: quia non dixit:
veni et salva eum; quia ille constitutus in omni loco erat praesens;
sapientiam autem, quia non dixit: hic constitutus salva eum: sciebat enim
quia potens est ad faciendum, sapiens ad intelligendum, misericors ad
exaudiendum: ideo infirmitatem tantum exposuit, remedium autem sanitatis in
potestate misericordiae eius dimisit, dicens et male torquetur: in quo
apparet quia diligebat eum: nam unusquisque quem diligit, etsi modice fuerit
taediatus, gravius eum putat habere quam habet. Rabanus. Omnia ista cum dolore cognominavit:
et iacentem, et paralyticum, et male detentum: ideo ut animae suae angustias
demonstraret, et dominum commoveret; sic debent omnes condolere servis, et
eorum curam habere. Chrysostomus in Matth. Quidam autem dicunt,
quoniam excusans se, hanc causam dixit propter quam non ipsum adduxit. Neque
enim possibile erat dissolutum, cum torqueretur, et ad ultimas esset
expirationes, portari. Ego autem signum hoc esse magnae fidei dico: quia enim
sciebat quod sola iniunctio sufficeret ad restaurationem iacentis, superfluum
aestimabat eum ducere. Hilarius in Matth. Iacentes autem in saeculo
et peccatorum morbis dissolutae spiritualiter gentes aestimandae sunt,
omnibus undique membris fluidis, et ad consistendi officium gradiendique
corruptis; quarum salutis sacramentum in puero centurionis expletur, quem
satis dictum sit principem esse gentium crediturarum. Quis autem sit hic
princeps, canticum Moysi docet, ubi scilicet dicitur: constituit terminos
gentium iuxta numerum Angelorum. Remigius. Vel per centurionem designantur qui
primi ex gentibus crediderunt, et perfecti in virtute fuerunt: centurio enim
dicitur qui centum militibus praeest; centenarius autem numerus perfectus
est. Recte ergo centurio pro puero suo rogat, quia primitiae gentium pro
salute totius gentilitatis Deum rogaverunt. Hieronymus. Videns autem dominus centurionis
fidem, humilitatem et providentiam, statim se iturum et sanaturum esse
promittit; unde sequitur et ait illi Iesus: ego veniam, et curabo eum. Chrysostomus in Matth. Quod numquam
fecit, hic facit Iesus: ubique enim sequitur voluntatem supplicantium, hic
autem praesilit, et non solum curare promittit, sed ire ad domum. Facit
hoc, ut discamus centurionis virtutes. Chrysostomus super Matth. Nisi enim ille
dixisset veniam, et curabo eum, numquam iste responderet non sum dignus.
Deinde quoniam pro servo petebat, ideo ire promisit, ut nos doceat non colere
magnos et contemnere modicos; sed pauperes et divites similiter honorare.
Hieronymus. Sicut autem in centurione
commendamus fidem, eo quod credidit paralyticum a salvatore posse sanari, ita
patet humilitatis in hoc quod se iudicavit indignum cuius tectum dominus
intraret; unde sequitur et respondens centurio, ait illi: domine, non sum
dignus ut intres sub tectum meum. Rabanus. Propter conscientiam enim vitae
gentilis, gravari se magis dignatione putavit, quam iuvari, cuius etsi fide
praeditus, nondum erat tamen sacramentis inunctus. Augustinus de Verb. Dom. Dicendo autem se
indignum, praestitit dignum, non in cuius parietes, sed in cuius cor verbum
Dei Christus intraret. Neque hoc diceret cum tanta fide et humilitate, nisi
illum quem timebat intrare domum suam, corde gestaret: nam non erat magna
felicitas, si Iesus intraret in parietes eius, et non esset in pectore eius.
Severianus. Mystice autem hoc tectum,
corpus est quod tegit animam: quod libertatem mentis caelesti visione in se
concludit. Sed Deus neque habitare carnem, neque tectum
nostri corporis dedignatur intrare. Origenes. Nunc etiam quando sancti a Deo
acceptabiles Ecclesiarum antistites sub tectum tuum intrant, tunc ibidem per
eos dominus ingreditur; et tu sic aestimes quasi dominum suscipiens. Et
quando corpus et sanguinem domini manducas et bibis, tunc dominus sub tectum
tuum ingreditur; et tu ergo humilians teipsum dicas domine, non sum dignus.
Ubi enim indigne ingreditur, ibi ad iudicium ingreditur accipienti.
Hieronymus. Prudentia autem centurionis apparet in hoc quod ultra corporis
tegumen latentem vidit divinitatem, unde subiungit sed tantum dic verbo, et
sanabitur puer meus. Chrysostomus super Matth. Sciebat enim quoniam
astabant illi invisibiliter Angeli ministrantes, qui omne verbum eius vertunt
in opus; et quod si Angeli cessant, tamen infirmitates praeceptis eius
vivacibus expelluntur. Hilarius in Matth. Dicit etiam centurio puerum
verbo posse sanari, quia salus gentium omnis ex fide est, et in praeceptis
domini vita est universorum: et ideo subiungit dicens nam et ego homo sum sub
potestate constitutus, habens sub me milites; et dico huic: vade, et vadit;
et alii: veni, et venit; et servo meo: fac hoc, et facit. Chrysostomus super Matth. Patris et filii
mysterium spiritu sancto suggerente depinxit, ac si diceret: etsi ego sum sub
potestate alterius, tamen habeo potestatem iubendi eis qui sub me sunt; sic
et tu, quamvis sis sub potestate patris, scilicet inquantum homo, habes tamen
potestatem iubendi Angelis. Sed forte dicet Sabellius volens ostendere eumdem
esse patrem qui et filius est, sic hoc esse intelligendum: si ego sub
potestate constitutus possum iubere, quanto magis tu, qui sub nullius es
potestate? Sed hanc expositionem non recipit textus. Non enim dixit: si ergo
homo sub potestate; sed dixit nam et ego homo sum sub potestate: in quo patet
quod inter se et Christum non comparationis differentiam fecit; sed rationem
similitudinis introduxit. Augustinus de Verb. Dom. Si ego, qui sum sub
potestate, iubendi habeo potestatem, quid tu potes, cui omnium serviunt
potestates? Glossa. Potes per Angelorum ministeria sine
corporis praesentia dicere infirmitati ut recedat, et recedet; et sanitati ut
veniat, et veniet. Haymo. Possunt autem per subiectos
centurionis, virtutes naturales intelligi, in quibus plurimi gentilium
pollebant; vel etiam cogitationes bonae aut malae. Malis autem dicamus ut
recedant, et recedent; sed bonas vocemus, et venient; servo quoque nostro,
hoc est corpori, ut subiciatur voluntati divinae. Augustinus de Cons. Evang. Huic autem quod hic
dicitur, videtur repugnare quod ait Lucas: cum audisset centurio de Iesu,
misit ad eum seniores Iudaeorum, rogans eum ut veniret, et salvaret servum
eius; et iterum quod: cum non longe esset a domo misit ad eum centurio amicos
dicens: domine, noli vexari, non enim sum dignus ut sub tectum meum intres.
Chrysostomus in Matth. Quidam autem dicunt,
quoniam non est idem ille et hic; quod multas coniecturas habet. De illo enim
ait Lucas quoniam synagogam nostram construxit, et gentem diligit; de isto
autem ipse Iesus ait neque in Israel tantam fidem inveni; unde videtur
Iudaeum illum esse. Mihi autem videtur idem hic et ille. Sed quando Lucas
dicit quod misit ut veniat, blanditias Iudaeorum insinuavit. Conveniens enim
est credere centurionem volentem abire, prohibitum esse a Iudaeis
blandientibus, et dicentibus quoniam nos abimus et conducimus eum. Sed quando
ab eorum imminentia erutus est, tunc misit, dicens: ne aestimes quod propter
desidiam non veni, sed quia me indignum aestimavi ut te in domum meam
susciperem. Quod autem Matthaeus ait non per amicos, sed per seipsum hoc eum
dixisse, nihil contrarium est: uterque enim desiderium viri repraesentavit,
et quoniam de Christo decentem opinionem habebat. Conveniens autem est
opinari et ipsum, postquam misit amicos, ad venientem per se haec dicere. Si
autem non hoc dixit Lucas, neque illud Matthaeus, non sibi contradicunt, sed
complent quae ab invicem derelinquebantur. Augustinus de Cons. Evang. Matthaeus
ergo accessum centurionis ad dominum per alios factum compendio dicere
voluit, quia fidem eius qua vere ad Deum acceditur laudavit, ut diceret non
inveni tantam fidem in Chrysostomus in Matth. Neque enim est
contrarium quod fabricavit synagogam, secundum Lucam, et quod hic ostenditur
non esse Israelita: possibile enim est Iudaeum non existentem, et synagogam
fabricasse, et gentem diligere. |
Versets 5-9
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Notre Seigneur, après avoir enseigné ses disciples sur la montagne,
et guéri ce lépreux lorsqu’il fut descendu dans la plaine, vient à Capharnaüm
pour y accomplir un mystère, celui de la guérison des Gentils, qui vient
après celle des Juifs. — Haymo : Capharnaüm,
dont le nom signifie « la terre de l’abondance » ou « le champ
de la consolation », figure l’Église formée par la réunion des Gentils.
C’est elle qui est remplie de cette abondance spirituelle dont il est dit (Ps 62): « Que mon âme soit remplie et comme engraissée » ; elle qui
au milieu des tribulations de cette vie reçoit les consolations célestes dont
parle le même roi-prophète: « Vos
consolations ont réjoui mon âme. » (Ps 93.) C’est pour cela que l’Évangéliste nous dit: « Lorsqu’il fut entré à Capharnaüm,
le centurion s’approcha de lui. » — Saint Augustin : (serm.
6 sur les paroles du Seign.) Ce
centurion était Gentil d’origine, car déjà la Judée était occupée par les
armées romaines. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il fut le premier fruit de
la foi chez les Gentils, et en comparaison de sa foi, celle de tous les Juifs
ne fut qu’incrédulité. Il n’avait pas entendu les enseignements du Christ, il
n’avait pas été témoin de la guérison du lépreux, mais à peine eut-il appris cette
guérison que sa foi alla bien au delà de ce qu’on lui racontait. Il était en
cela la figure mystérieuse de ces nations qui devaient croire dans la suite
sans avoir lu ni la loi ni les prophéties qui annonçaient le Christ, et sans
l’avoir vu lui-même opérer des prodiges. Il s’approche donc de lui et lui
fait cette prière: « Seigneur, mon
serviteur est couché et malade de paralysie dans ma maison, et il souffre
extrêmement. » Voyez la bonté du centurion qui se hâte plein de
sollicitude pour la santé de son serviteur. Ce n’est pas un intérêt d’argent,
c’est sa vie même que la mort de son serviteur semble devoir compromettre. Il
ne fait aucune différence entre le maître et le serviteur; car quoiqu’ils
n’aient ni la même dignité, ni le même rang dans le monde, ils ont une même
nature. Mais voyez aussi la foi de ce centurion, qui ne dit pas: « Venez
et sauvez-le », car tout en étant alors dans cet endroit, le Seigneur
était présent en tout lieu; admirez en même temps sa sagesse, car il ne lui
dit pas: « Sauvez-le tout en restant ici. » Il savait en effet que
sa puissance peut tout, que sa sagesse comprend tout, et que sa miséricorde
est toujours prête à nous exaucer. Il se contente donc de lui exposer
l’infirmité de son serviteur en lui disant: « et il souffre extrêmement », et il laisse le choix du
remède à sa puissance miséricordieuse. On voit par là qu’il aimait son
serviteur, car on s’imagine toujours que celui qu’on aime, quelque légère que
soit son indisposition, est plus mal qu’il ne l’est en réalité. — Raban : Il accumule avec
douleur tous ces mots: gisant, paralytique, souffrant, pour exprimer les
angoisses de son âme et émouvoir le Seigneur. C’est ainsi que tous les
maîtres doivent compatir aux souffrances de leurs serviteurs et en prendre
soin. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
27.) Il
en est qui prétendent qu’ainsi le centurion s’excuse et donne la raison pour
laquelle il n’a point amené son serviteur, car il n’était pas possible de
transporter un homme brisé par ses souffrances et presque au dernier soupir.
Pour moi je vois dans ces paroles l’indice d’une grande foi: le centurion
savait qu’une parole seule suffirait pour guérir ce paralytique, et il
regardait comme inutile de l’amener à Jésus. — Saint Hilaire : (can. 7 sur S. Matth.) Au sens spirituel on
doit regarder les Gentils comme des souffrants en ce monde, anéantis sous le
poids des maladies suites de leurs péchés, à qui leurs membres languissants
et sans vigueur ne permettent ni de se soutenir ni de marcher. Le mystère de
leur salut s’accomplit dans le serviteur du centurion, qui, comme nous
l’avons dit suffisamment, est le chef des nations qui devaient embrasser la
foi. Quel est ce chef ? Le cantique de Moïse [dans le Deutéronome] nous l’apprend par ces paroles:
« Il a marqué les bornes des
nations d’après le nombre des anges de Dieu. (Dt 32, 8) —
Saint Rémi : Ou bien le centurion figure les
premiers qui crurent parmi les nations et qui pratiquèrent les vertus
chrétiennes dans la perfection. Car on appelle centurion celui qui commande à
cent hommes, et le nombre cent est un nombre parfait. C’est donc avec raison
que le centurion prie pour son serviteur, de même que les prémices des
nations prièrent le Seigneur pour le salut de toute la Gentilité. —
Saint Jérôme : Notre Seigneur voyant la foi,
l’humilité et la prudence du centurion, promit aussitôt d’aller lui-même
guérir son serviteur. Et Jésus lui dit: « J’irai
et je le guérirai. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27.) Jésus fait ici ce qu’il n’a
jamais fait jusqu’à présent. Partout ailleurs nous le voyons suivre la
volonté de ceux qui s’adressent à lui; ici il la prévient; il promet au
centurion non seulement de guérir, mais d’aller visiter sa maison, voulant
ainsi nous faire connaître les vertus du centurion. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En effet, si le Seigneur ne lui avait pas dit: « J’irai et je le guérirai », jamais le centurion n’eût répondu: « Je ne suis pas digne. » C’est aussi parce qu’il le prie pour son serviteur, que Notre Seigneur promet d’aller le visiter, et il nous apprend ainsi à ne pas cultiver l’amitié des grands en méprisant les petits, mais à honorer également les pauvres et les riches. — Saint
Jérôme : Nous trouvons admirable la foi du
centurion qui crut que son serviteur paralytique pouvait être guéri par le Seigneur;
son humilité n’est pas moins éclatante lorsqu’il se reconnaît indigne que le
Seigneur entre dans sa maison. « Et le
centurion lui répondit: Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez
sous mon toit. » — Raban : (cf. Lc 7) La
conscience qu’il avait de sa vie païenne lui fit craindre que cette
condescendance du Seigneur ne fût pour lui plutôt un fardeau qu’un secours;
car s’il croyait en lui, il n’avait cependant pas encore été renouvelé par
les sacrements. —
Saint Augustin : (serm. 6 sur les paroles du Seign.) En
proclamant son indignité, il s’est rendu digne de voir entrer non pas dans sa
maison, mais dans son cœur, le Christ Verbe de Dieu. Il n’eût point parlé
avec une telle foi et une telle humilité, s’il n’avait déjà porté dans son
cœur celui qu’il craignait de voir entrer dans sa maison, et son bonheur eût
été beaucoup moins grand si Jésus fût entré dans sa maison sans entrer dans
son âme. — Severianus : Dans le sens mystique, ce toit, c’est le corps qui sert
d’enveloppe à l’âme et qui par un dessein du ciel couvre à tous les regards la
liberté de l’âme. Or Dieu ne dédaigne pas de faire sa demeure dans notre
chair mortelle, ni d’entrer sous le toit de notre corps. — Origène : (homél. 5.) Et maintenant
encore lorsque de saints et vertueux chefs de l’Église entrent dans votre
maison, le Seigneur y entre avec eux, et c’est lui-même que vous devez
considérer dans leur personne. Et encore lorsque vous mangez le corps du
Seigneur et que vous buvez son sang, c’est également le Seigneur qui entre
sous votre toit; humiliez-vous donc en sa présence, et dites: « Seigneur, je ne suis pas
digne ». Car lorsqu’il entre dans une âme qui est indigne de le
recevoir, il n’y entre que pour sa condamnation. —
Saint Jérôme : Le centurion nous fait voir la prudence
qui l’anime en pénétrant au delà de l’enveloppe du corps pour voir la
divinité qu’elle recouvrait; c’est pour cela qu’il ajoute: « mais dites seulement une parole, et
mon serviteur sera guéri. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il savait qu’autour de lui
se tenaient invisiblement rangés les anges pour le servir, pour accomplir
chacun de ses ordres, et que, si les anges font défaut, les maladies
disparaissent cependant devant ses paroles pleines de vie. — Saint Hilaire : (can. 7 sur S.
Matth.) Le
centurion dit qu’une seule parole peut guérir son serviteur, parce que le
salut des nations dépend tout entier de la foi, et que la vie de tous les
hommes est dans l’accomplissement des préceptes du Seigneur; aussi
ajoute-t-il: « Car quoique je ne
sois moi-même qu’un homme soumis au pouvoir, ayant des soldats sous mes
ordres, je dis à l’un: allez, et il va; et à l’autre: venez, et il vient; et
à mon serviteur: faites cela, et il le fait ». —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le centurion, sous
l’inspiration de l’Esprit saint, retrace ici le mystère des relations du Père
et du Fils, comme s’il disait: « Quoique je sois placé sous la puissance
d’un autre, j’ai cependant le pouvoir de commander à ceux qui sont sous mes
ordres: et vous aussi, quoique soumis à votre Père en tant qu’homme, vous
avez cependant le pouvoir de commander aux anges. » Sabellius, qui ne
veut pas faire de distinction entre le Père et le Fils, voudrait nous donner
cette explication: « Si moi, qui suis placé sous la puissance d’un
autre, je puis cependant commander; à plus forte raison, vous qui n’êtes sous
la puissance de personne. » Mais le texte lui-même est contraire à cette
interprétation: car le centurion ne dit pas: « Si moi qui suis un homme
soumis à l’autorité, » mais: « car
moi qui suis un homme soumis à la puissance d’un autre, » paroles
qui prouvent qu’il a voulu faire un raisonnement non pas de disparité, mais
bien de similitude entre Jésus-Christ et lui. —
Saint Augustin : (serm. sur les paroles du Seig.) Si moi qui
suis soumis à l’autorité d’un autre, j’ai le pouvoir de commander, que ne
pouvez-vous pas, vous de qui relèvent toutes les puissances ? — La Glose : Vous pouvez, par le
ministère des anges et sans vous rendre présent, dire à la maladie de se
retirer et elle se retirera; à la santé de venir, et elle viendra. — Haymo : On peut voir dans les serviteurs du centurion les vertus naturelles
qui brillaient dans un grand nombre de Gentils, ou bien les pensées bonnes et
les pensées mauvaises. Aux unes nous devons dire: retirez-vous, et elles se
retireront; aux autres: venez, et elles viendront; nous devons également
commander à notre serviteur, c’est-à-dire à notre corps, de se soumettre à la
volonté de Dieu. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang.; liv. 2, chap. 20.)
Le récit de saint Matthieu paraît ici en opposition avec celui de saint Luc (Lc 7), où nous lisons: « Le centurion, ayant entendu parler de
Jésus, lui envoya quelques-uns des anciens d’entre les Juifs, le priant de
venir et de guérir son serviteur; » et plus loin: « comme il était peu éloigné de la
maison, le centurion lui envoya ses amis pour lui dire: ‘ Seigneur, ne vous donnez pas cette peine,
car je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison’. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27.) Quelques interprètes pensent que
ce n’est pas le même personnage dont il est question dans ces deux récits, et
cette opinion ne manque pas de probabilité. En effet, d’après Luc, les Juifs
parlant de l’un, disent à Jésus: « Il a construit notre Synagogue, et il
aime notre nation », tandis que le Seigneur lui-même a fait de l’autre
cet éloge: « Je n’ai pas trouvé
autant de foi dans Israël », paroles qui feraient supposer qu’il
était Juif. Pour moi, je pense que c’est le même dont parlent les deux
Évangélistes. (cf. Jn 4, 43-54) Lorsque saint Luc raconte qu’il envoya prier
Jésus de venir, il a voulu faire ressortir les bonnes dispositions des Juifs
pour cet officier: car on peut croire que le centurion voulant lui-même faire
cette démarche en fut empêché par les Juifs qui s’empressèrent de lui dire:
Nous irons nous-mêmes, et nous vous l’amènerons. Mais lorsqu’il fut
débarrassé de leurs instances il envoya dire au Seigneur: « Ne pensez
pas que c’est par indifférence que je ne suis pas venu en personne, c’est que
je me jugeais indigne de vous recevoir dans ma maison. » Que saint
Matthieu lui fasse tenir ce langage à lui-même sans l’intermédiaire de ses
amis, il n’y a pas de contradiction, les deux Évangélistes expriment le vif
désir de cet homme, et l’idée juste qu’il se faisait du Christ. On peut
encore admettre qu’après avoir envoyé ses amis, il vint en personne exprimer
les mêmes sentiments. Si saint Luc omet un détail, et saint Matthieu un
autre, ils ne sont pas pour cela en contradiction, mais ils complètent
réciproquement leurs récits. —
Saint Augustin : (de l’acc. des Evange., liv. 2, chap. 20.)
Saint Matthieu ne nous a pas raconté la démarche que le centurion avait faite
près de Jésus par l’intermédiaire d’autres personnes, parce que son dessein
était de faire ressortir sa foi (qui donne accès auprès de Dieu) et dont le Seigneur
a fait ce magnifique éloge: « Je
n’ai pas trouvé même dans Israël une si grande foi. » Saint Luc au
contraire raconte le fait exactement comme il s’est passé, pour nous faire
comprendre de quelle manière cet homme vint trouver Jésus selon le récit de
saint Matthieu, qui n’a pu nous tromper. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 27.) Il n’y a point non plus de contradiction à dire d’un côté que cet homme a élevé une synagogue, selon saint Luc, et de l’autre qu’il n’était pas israélite, car il peut très bien se faire que sans être Juif il eût construit une synagogue et qu’il aimât la nation juive. |
Lectio 3 [85432] Catena in Mt.,
cap. 8 l. 3 Chrysostomus in Matth. Sicut
quod leprosus dixerat de Christi potestate, si vis, potes me mundare, Christi
voce confirmatur, dicentis volo, mundare, ita et hic centurionem de Christi
potestate testantem non solum non accusavit, sed etiam commendavit. Sed et
amplius aliquid fecit: intensionem enim laudis Evangelista significans, dicit
audiens autem Iesus miratus est. Origenes. Attende quantum sit aut quale quod
Deus unigenitus miratur. Aurum, divitiae, regna, principatus in conspectu
eius sunt tamquam umbra vel flos decidens: nihil ergo horum in conspectu Dei
mirabile est, quasi magnum vel pretiosum, sed tantum fides: hanc miratur
honorificans, hanc acceptabilem sibi aestimat. Augustinus super Genesim contra Manichaeos. Quis
autem in illo fecerat illam fidem, nisi ipse qui admirabatur? Quod si et
alius eam fecisset, ut quid miraretur qui praescius erat? Quod ergo miratur
dominus, nobis mirandum esse significat, quibus adhuc opus est sic moveri:
omnes enim tales motus eius non perturbati animi signa sunt, sed docentis
magisterium. Chrysostomus in Matth. Unde plebe omni
praesente admiratus esse dicitur, et aliis exemplum dedit, ut eum mirentur;
sequitur enim et sequentibus se dixit: amen dico vobis: non inveni tantam
fidem in Israel. Augustinus contra Faustum. Fidem laudat
illius; non autem desertionem militiae imperavit. Hieronymus. Hoc autem de praesentibus
loquitur, non de omnibus retro patriarchis et prophetis. Chrysostomus super Matth. Credidit enim
Andreas, sed Ioanne dicente: ecce agnus Dei; credidit Petrus, sed
evangelizante sibi Andrea; credidit Philippus, sed legendo Scripturas; et
Nathanael prius signum divinitatis accepit, et sic fidei confessionem obtulit.
Origenes. Iairus Israelis princeps pro filia
sua petens, non dixit dic verbo, sed: veni velociter. Nicodemus de fidei
sacramento audiens ait: quomodo potest hoc fieri? Maria et Martha dicunt:
domine, si fuisses hic, frater meus non fuisset mortuus, quasi dubitantes
quod ubique posset adesse Dei potentia. Chrysostomus super Matth. Aut si volumus
fideliorem putare istum quam apostolos, ita testimonium Christi intelligendum
est quod unumquodque bonum hominis secundum quantitatem personae illius
laudatur: rusticum enim dicere aliquid sapienter, magnum est; quod de
philosopho non est mirum: sic de centurione dictum est in nullo tantam fidem
inveni in Israel. Chrysostomus in Matth. Non enim erit
aequale Iudaeum credere et gentilem. Hieronymus. Vel forte in centurione fides
gentium praeponitur Israeli; unde subdit dico autem vobis, quod multi ab
oriente et occidente venient. Augustinus de Verb. Dom. Non omnes ait, sed
multi; tamen ipsi ab oriente et occidente: istis duabus partibus totus orbis
designatur. Haymo. Vel ab oriente veniunt qui statim
illuminati transeunt; ab occidente hi qui persecutionem usque ad mortem
toleraverunt pro fide; vel ab oriente quis venit, cum ab infantia Deo servire
incipit; ab occidente, dum in ipsa decrepita aetate ad Deum convertitur. Origenes. Sed quomodo alibi dicit, quod pauci
sunt electi? Per diversas enim generationes pauci electi sunt, simul vero
congregati in tempore visitationis multi invenientur. Sequitur et recumbent,
non carnaliter iacentes, sed spiritualiter requiescentes; non temporaliter
potantes, sed aeternaliter epulantes cum Abraham, Isaac et Iacob in regno
caelorum, ubi lux, exultatio, gloria, et longaevitas vitae aeternae. Hieronymus. Quia autem Deus Abraham caeli
conditor, pater Christi est, idcirco in regno caelorum est et Abraham, cum
quo accubiturae sunt nationes quae crediderunt in Christum filium creatoris.
Augustinus de Verb. Dom. Sicut autem videmus
Christianos vocatos ad caeleste convivium, ubi est panis iustitiae, potus
sapientiae, ita videmus et Iudaeos reprobatos; unde sequitur filii autem
regni eicientur in tenebras exteriores: Iudaei scilicet, qui legem
acceperunt, qui celebrant figuras omnium futurorum, qui tamen praesentia non
agnoverunt. Hieronymus. Vel filios regni dicit Iudaeos,
quia in eis Deus ante regnavit. Chrysostomus in Matth. Vel filios regni eos
dicit quibus regnum erat praeparatum; quod et magis eos mordebat. Augustinus contra Faustum. Si ergo non
commendavit Moyses populo Israel Deum, nisi Deum Abraham, Isaac et Iacob,
eumque ipsum Christus commendat; non est conatus illum populum avertere a Deo
suo; sed ideo minatus est eos ituros in tenebras exteriores, quod aversos
videret eos a Deo suo, in cuius regno gentes vocatas ex toto orbe terrarum
recubituras dicit cum Abraham, Isaac et Iacob: non ob aliud quam quod fidem
tenuissent Dei Abraham, Isaac et Iacob: quibus non quasi in morte correctis,
vel post passionem suam iustificatis testimonium dominus perhibeat. Hieronymus. Tenebrae autem exteriores
dicuntur, quoniam qui a domino expellitur foras, relinquit lumen. Haymo. Quid autem ibi passuri sint, manifestat
cum subdit ibi erit fletus et stridor dentium. Per metaphoram enim membrorum poenas describit tormentorum: solent
enim oculi fumo tacti lacrymas producere, dentes vero a nimio frigore
stridere. Ostenditur ergo quod reprobi in Inferno et calorem intolerabilem et
frigus sustinebunt, secundum illud Iob: transient ab aquis nivium ad calorem
nimium. Hieronymus. Si autem fletus oculorum est, et
stridor dentium ossa demonstrat, vera est corporum et eorumdem membrorum quae
ceciderant resurrectio. Rabanus. Vel stridor dentium prodit
indignantis affectum, eo quod sero unumquemque poeniteat, sero sibi
irascatur, quod tam pertinaci improbitate deliquit. Remigius. Vel aliter. Tenebras exteriores
appellat exteras nationes: quantum enim ad historiam attinet, praedicit
dominus his verbis interitum Iudaeorum, quoniam propter infidelitatem ducendi
erant captivi, et dispergendi per diversa regna terrarum: fletus enim ab igne
solet fieri, stridor dentium a frigore. Illis ergo adscribitur fletus qui in
calidioribus locis habitant, sicut in India et Aethiopia; stridor vero
dentium illis adscribitur qui in frigidioribus locis commorantur, sicut est
Hircania et Scythia. Chrysostomus in Matth. Ne quis autem existimet
blanditiarum esse haec verba quae dicta erant, credere facit signo; unde
sequitur et dixit Iesus centurioni: vade, et sicut credidisti fiat tibi. Rabanus. Quasi dicat: secundum mensuram fidei
fiat tibi et ista gratia. Potest autem meritum domini etiam famulis
suffragari, non solum merito fidei, sed etiam studio disciplinae; unde
sequitur et sanatus est. Chrysostomus in Matth. Ubi velocitatem
admirare: neque enim solum curare, sed inopinate et in momento temporis hoc
facere, virtutem Christi ostendebat. Augustinus de Verb. Dom. Sicut enim dominus
domum centurionis corpore non intravit, sed absens corpore, praesens
maiestate, puerum sanavit, sic et in solo Iudaico populo corpore fuit; apud
alias autem gentes, nec de virgine natus est, nec passus est, nec humana
pertulit, nec divina mirabilia fecit; et tamen impletum est quod dictum erat:
populus quem non cognovi, servivit mihi; in auditu auris obedivit mihi.
Iudaea enim gens cognovit, et crucifixit; orbis terrarum audivit, et credidit. |
Versets 10-13.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 27.) Le lépreux avait confessé la puissance de Jésus-Christ en lui
disant: « Seigneur, si vous voulez,
vous pouvez me guérir, » et Notre Seigneur avait confirmé ces
paroles en lui répondant: « Je le
veux, soyez guéri » ; de même ici, non seulement il ne blâme
pas, mais il relève avec éloge le témoignage que le centurion vient de rendre
à sa puissance. Il fait même quelque chose de plus, car l’Évangéliste,
voulant faire ressortir l’étendue de cet éloge, ajoute: « Jésus, entendant ces paroles, fut dans l’admiration ». — Origène : Considérez la
grandeur, l’excellence de ce que le Fils unique de Dieu, Dieu lui-même,
daigne admirer. L’or, les richesses, les royaumes, les empires sont devant
lui comme une ombre ou comme une fleur qui tombe. Aucune de ces choses n’a
droit à l’admiration de Dieu par sa grandeur ou par son prix; la foi seule a
ce privilège, il l’admire, il lui rend hommage, il proclame qu’elle lui est
agréable. — Saint Augustin : (sur la Genése contre
les Manich., liv. 1, chap. 8.) Mais qui avait produit en lui cette foi,
si ce n’est Dieu même qui l’admirait ? Et si un autre que lui en était
l’auteur, pourquoi donc admirer ce qu’il avait dû prévoir ? Si donc le
Seigneur donne ces marques d’admiration, c’est pour nous apprendre à
ressentir nous-mêmes ces sentiments d’admiration dont nous avons encore
besoin. Pour Jésus-Christ, au contraire, tous les mouvements de ce genre n’étaient
pas le signe d’une âme agitée, mais ils tenaient à la forme même de son
enseignement. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27.) Voilà pourquoi l’Évangéliste nous
dit qu’il fut dans l’admiration en présence de tout le peuple, afin de lui
donner l’exemple: « Et il dit à
ceux qui le suivaient; Je vous le dis en vérité, je n’ai pas trouvé une
si grande foi en Israël ». —
Saint Augustin : (contre Fauste, liv. 22, chap. 74.) Il fit
l’éloge de sa foi, mais il ne lui commanda pas d’abandonner la carrière des
armes. —
Saint Jérôme : Notre Seigneur ne parle ici que de
ceux qui vivaient alors, et non pas de tous les patriarches et de tous les
prophètes des temps anciens. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En effet, André crut en Jésus-Christ,
mais à la parole de Jean qui lui disait: « Voici l’Agneau de Dieu. » Pierre crut également, mais sur le
témoignage d’André; Philippe crut aussi, mais après avoir lu les Écritures,
et Nathanaël n’offrit à Jésus l’hommage de sa foi qu’après avoir reçu de lui
une preuve de sa divinité. — Origène : (hom. 25.) Jaïre, un des
princes d’Israël, venant prier Jésus pour sa fille, ne lui dit pas: « Dites
seulement une parole, » mais: « Venez
au plus vite. » Nicodème, écoutant le Seigneur sur le mystère de la
foi, s’écria: « Comment cela
peut-il se faire ? » Marthe et Marie disent à Jésus: « Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère
ne fut pas mort, » et elles semblent douter que la puissance divine
pût s’étendre à tous les lieux. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si nous voulons reconnaître
dans le centurion une foi plus grande que dans les Apôtres, il nous faut
entendre le témoignage de Jésus-Christ en ce sens que le bien dans un homme
doit se mesurer à sa position personnelle; c’est ainsi qu’il est
excep-tionnel d’entendre une parole sage dans la bouche d’un homme sans
instruction, tandis qu’elle n’aura rien d’étonnant dans celle d’un
philosophe. C’est dans ce sens que Jésus a dit du centurion: « Je n’ai trouvé nulle part autant de
foi dans Israël. » —
Saint Jean Chrysostome : En effet, la foi n’avait ni
la même facilité, ni le même mérite pour un juif et pour un païen. —
Saint Jérôme : Ou bien peut-être dans la personne du
centurion, le Seigneur exalte la foi des Gentils au-dessus de celle d’Israël,
aussi ajoute-t-il: « Je vous le
dis en vérité, plusieurs viendront de l’Orient et de l’Occident. » — Saint
Augustin : (serm.
sur les par. du Seig.) Il ne dit pas tous, mais un grand nombre, et de
l’Orient comme de l’Occident, c’est-à-dire de l’univers entier, qui est
désigné par ces deux parties du monde. —
Haymo : Ou bien ceux qui viennent de l’Orient
sont ceux qui abandonnent le monde immédiatement après avoir été éclairés des
lumières de la foi; ceux qui viennent de l’Occident sont ceux qui ont souffert
persécution pour la foi jusqu’à la mort. Ou bien encore, celui-ci vient de
l’Orient parce qu’il a commencé à servir Dieu dès son enfance; celui-là vient
de l’Occident lorsqu’il se convertit à Dieu dans son extrême vieillesse. — Origène : (hom. 5.) Mais comment Notre
Seigneur dit-il ailleurs qu’il y en a peu d’élus ? C’est qu’en effet
dans chaque génération il y a un petit nombre d’élus, mais au jour où Dieu
visitera le monde, lorsque les élus de toutes les générations seront réunis,
le nombre en sera considérable. Et ils « prendront
place », non pas, matériellement, en étendant leurs membres, mais,
spirituellement, en reposant leur âme fatiguée, non pas, temporellement, à
des tables chargées des boissons, mais à la table des festins éternels; ils
prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, où se
trouvent la lumière, l’allégresse, la gloire et la longévité de la vie
éternelle. —
Saint Jérôme : Comme le Dieu d’Abraham, créateur du
ciel, est le Père du Christ, Abraham se trouve dans le royaume des cieux, et
avec lui viendront s’asseoir les nations qui ont cru en Jésus-Christ Fils du
Créateur. — Saint Augustin : (serm.
6 sur les par.
du Seig.) En même temps que nous voyons les chrétiens appelés au festin
du ciel, dont la justice est le pain, la sagesse le breuvage, nous voyons la
réprobation des Juifs annoncée dans ces paroles: « Les enfants du royaume, au contraire, seront jetés dans les
ténèbres extérieures » ; c’est-à-dire les Juifs qui ont reçu la
loi, qui célèbrent dans leurs cérémonies figuratives les mystères futurs, et
qui ne les ont point reconnus lorsqu’ils s’accomplissaient. —
Saint Jérôme : Ou bien il appelle les Juifs les
enfants du royaume, parce que Dieu avait autrefois régné sur eux. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
27.) Ou
bien ces fils du royaume sont ceux pour qui le royaume était préparé, ce qui
devait produire sur eux une plus vive impression. —
Saint Augustin : (cont. Faust, liv. 15, chap. 24.) Si donc
Moïse n’a fait connaître au peuple d’Israël d’autre Dieu que le Dieu
d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et que c’est ce même Dieu que le Christ leur
prêche, on ne peut l’accuser d’avoir détourné ce peuple du culte de son Dieu.
Donc, lorsqu’il les menace d’être précipités dans les ténèbres extérieures,
c’est qu’il les voyait s’éloigner eux-mêmes de leur Dieu, dans le royaume
duquel il nous montre les nations du monde entier appelées à prendre place
avec Abraham, Isaac et Jacob, et ce pour ce seul motif qu’ils ont toujours
gardé la foi au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Et dans ce témoignage
que leur rend le Seigneur, nous ne voyons pas qu’ils aient attendu d’être à
la mort pour se convertir à Dieu, ou qu’ils n’aient été justifiés qu’après sa
passion. —
Saint Jérôme : Il appelle ces ténèbres extérieures,
parce que celui qui est chassé dehors par le Seigneur est abandonné par la
lumière. —
Haymo : Que souffre-t-on dans ces
ténèbres ? Notre Seigneur nous l’apprend dans les paroles suivantes: « Il y aura là des pleurs et des
grincements de dents. » Il décrit les peines des damnés à l’aide
d’une métaphore empruntée aux tourments du corps. En effet, les yeux atteints
par la fumée versent des larmes; de même un froid très vif donne lieu à un
grincement de dents; preuve que les réprouvés dans l’enfer auront à supporter
à la fois et une chaleur intolérable, et un froid des plus aigus, selon cette
parole de Job: « Ils passeront des
eaux de la neige à une excessive chaleur. » —
Saint Jérôme : Si les pleurs ne peuvent sortir que
des yeux, si le grincement de dents prouve l’existence des os, il y aura donc
résurrection véritable des corps et des mêmes membres qui auront été soumis à
la mort. — Raban : Ou bien ce
grincement de dents exprime un sentiment d’indignation, et ce mouvement de
repentir tardif et de colère après coup qu’éprouveront les réprouvés à la vue
de leur opiniâtre persistance dans le mal. —
Saint Rémi : Ou bien ces ténèbres extérieures
figurent les nations étrangères, car, au point de vue historique, Notre
Seigneur prédit par ces mots la ruine des Juifs, qui en punition de leur
infidélité, devaient être emmenés captifs, et dispersés dans les différentes
contrées de la terre. Or, comme les pleurs naissent ordinairement sous
l’impression d’une ardente chaleur, et le grincement des dents sous l’action
d’un froid aigu, les pleurs désignent ceux qui habiteront les contrées
brûlantes de l’Inde et de l’Éthiopie, et le grincement de dents ceux qui
seront exilés dans des pays plus froids comme l’Hircanie et la Scythie. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 27.) Les paroles du Seigneur
ne sont pas un vain éloge de la foi dont il vient de faire voir la nécessité;
aussi sont-elles suivies de ce que Jésus dit au centurion : « Allez, et qu’il vous soit fait
comme vous avez cru. » — Raban : C’est-à-dire, que
cette grâce vous soit accordée dans la mesure de votre foi. Le mérite
du maître peut seconder le mérite du serviteur non seulement sous le rapport
de la foi, mais encore dans l’observance de la loi. Voilà pourquoi
l’Évangéliste ajoute: « et le
serviteur fut guéri dès ce moment. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Admirez cette promptitude,
car ce n’est pas seulement la guérison, mais la guérison imprévue,
instantanée, qui fait éclater la puissance du Christ. — Saint Augustin : (serm. sur les par. du Seigneur.) Le Seigneur n’est pas entré dans la maison du centurion, il en était absent corporellement, et la présence seule de sa majesté a guéri le serviteur; ainsi n’a-t-il paru sous une forme extérieure qu’au milieu du peuple juif; il n’a point renouvelé pour les autres nations les merveilles de sa naissance virginale, de sa passion, de ses souffrances, de ses miracles, et cependant ce qui avait été prédit s’est trouvé accompli: « Le peuple qui ne me connaissait pas m’a servi, il m’a obéi aussitôt qu’il a entendu ma voix. » Le peuple juif l’a connu et l’a crucifié, l’univers n’a fait que l’entendre et a cru en lui. |
Lectio 4 [85433] Catena in Mt.,
cap. 8 l. 4 Rabanus. Postquam ostendit Matthaeus per
leprosum totum genus humanum sanatum, et in servo centurionis gentilis populi
sanationem, consequenter per socrum Petri designat curationem synagogae, cum
dicit et cum venisset Iesus in domum Petri. Prius
autem narrat de servo, quia maius miraculum fuit, et maior gratia in gentili
converso; vel quia in fine saeculi synagoga est plenarie convertenda, cum
plenitudo gentium subintraverit. Domus
autem Petri in Chrysostomus in Matth. Sed cur intravit
in domum Petri? Mihi videtur cibum assumpturus; unde
sequitur et surrexit, et ministrabat eis. Apud discipulos enim divertebat honorans
eos, et avidiores ex hoc faciens. Attende autem Petri ad Christum
reverentiam: habens enim socrum domi febricitantem, non traxit eum in domum,
sed expectavit doctrinam compleri, et alios curari. Ab exordio enim
erudiebatur quae aliorum erant sibi ipsi praeponere. Quocirca neque ipse eum
inducit, sed Christus sponte adivit, postquam dixit centurio: non sum dignus
ut intres sub tectum meum, monstrans quantum largiebatur discipulo. Non est
autem dedignatus sub vilia tuguria piscatorum intrare, erudiens per omnia
humanum conculcare tumorem. Et quandoque solum verbis curat, quandoque autem
etiam manum extendit: unde et hic dicitur et tetigit manum eius, et dimisit
eam febris. Non enim volebat semper cum superabundantia
miracula facere: oportebat enim interim latere. Tangens autem corpus, non
febrem extinxit solum, sed et puram tribuit sanitatem. Quia enim aegritudo
curabilis erat, modo curationis suam virtutem ostendebat, faciendo quod ars
medicinalis non operatur, ut scilicet simul perfectam restituat sanitatem;
unde Evangelista hoc innuens dicit, quod surrexit, et ministrabat eis. Hieronymus. Natura enim hominum istiusmodi est
ut post febrem magis lassescant corpora; et incipiente sanitate,
aegrotationis mala sentiant. Verum sanitas quae confertur a domino, tota
simul redit; nec sufficit esse sanatum, sed ut epitasis fortitudinis
indicetur, additum est surrexit, et ministrabat eis. Chrysostomus in Matth. In hoc ergo quod
dicitur, quod surrexit, et ministrabat eis, et Christi virtutis signum est,
et affectus quem mulier erga Christum ostendebat. Beda. Mystice autem domus Petri, lex vel
circumcisio est: socrus est synagoga, quae quodammodo est mater Ecclesiae
Petro commissae. Haec febricitat, quia invidiae aestibus laborabat,
persequens Ecclesiam: cuius manum dominus tangit, quando carnalia eius opera
in spiritualem usum convertit. Remigius. Vel per socrum Petri potest
intelligi lex, quae secundum apostolum infirmabatur per carnem, idest
carnalem intelligentiam. Sed cum dominus per mysterium incarnationis
visibilis in synagoga apparuit, et opere legem implevit, et spiritualiter
intelligendam docuit, mox ipsa sociata gratiae Evangelii, tantum robur
accepit, ut quae fuerat ministra mortis et poenae, postmodum fieret vitae et
gloriae. Rabanus. Vel unaquaeque anima, quae carnis
concupiscentiis militat, quasi febribus aestuat; sed manu misericordiae
divinae tacta convalescit, et per continentiae frena carnis lasciviam
constringit, et membris quibus servierat immunditiae, servit iustitiae. Hilarius in Matth. Vel in socru Petri vitiosa
infidelitatis aestimatur affectio, cui adiacet libertas voluntatis, quae nos
sibi quadam coniugii societate coniungit. Ergo ingressu domini in Petri
domum, idest in corpus, curatur infidelitas peccatorum calore aestuans, et
salvata officii famulatu ministrat. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem quando
factum sit, idest post quid vel ante quid, non expressit Matthaeus: non enim
post quod narratur, post hoc etiam factum necesse est intelligatur: nimirum
tamen iste hic recoluisse intelligitur quod prius omiserat. Nam id Marcus hic
narrat antequam illud de mundato leproso commemoret, quod post sermonem in
monte habitum, de quo ipse tacuit, videtur interposuisse. Itaque et Lucas hoc
post factum narrat, de socru Petri, post quod et Marcus: ante sermonem etiam
quem prolixum interposuit, qui potest idem videri quem dicit habitum in monte
Matthaeus. Quid autem interest, quis quo loco ponat, sive quod ex ordine
inerit, sive quod omissum recolit, sive quod postea factum ante praeoccupat,
dum tamen non adversetur eadem alia narranti, nec sibi nec alteri? Quia enim
nullius in potestate est res opportune cognitas quo quisquam ordine
recordetur, satis probabile est quod unusquisque Evangelistarum eo se ordine
credidit debuisse narrare, quo voluisset Deus ea quae narrabat, eius
recordationi suggerere. Quapropter ubi ordo temporum non apparet, nihil
nostra interesse debet quem narrandi ordinem quilibet eorum tenuerit. |
Versets 14-15.
— Raban : Après avoir montré dans ce lépreux la guérison du genre humain tout
entier, et dans le serviteur du centurion celle des Gentils, par une suite
naturelle, saint Matthieu nous montre dans la belle-mère de Pierre la
guérison de la synagogue ; l’Évangéliste dit : « Comme Jésus était allé dans la maison de Pierre ». Le
Seigneur a commencé par la guérison du serviteur, parce que la conversion des
Gentils a été à la fois un plus grand miracle et une grâce plus signalée, ou
parce que ce n’est qu’à la fin des siècles après que la plénitude des nations
sera entrée dans l’Église, que la synagogue se convertira tout entière (cf.
Rm 11, 24-26). Or, la maison de Pierre était dans Bethsaïde. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
28.) Mais
pourquoi Jésus entra-t-il dans la maison de Pierre ? Je pense que
c’était pour prendre quelque nourriture, comme paraissent l’indiquer les
paroles suivantes: « Elle se leva
et elle les servait. » Jésus s’arrêtait ainsi chez ses disciples
pour leur faire honneur et rendre plus vif le désir qu’ils avaient de le
suivre. Considérez ici le respect de Pierre pour Jésus-Christ, quoique sa
belle-mère fût malade de la fièvre, il n’entraîna pas Jésus dans sa maison,
mais il attendit qu’il eût terminé ses leçons et qu’il eût guéri les autres
malades, car il avait appris dès le commencement à faire céder ses intérêts à
ceux des autres. Aussi n’est-ce pas lui qui amène le Christ, mais le Christ
qui vient de lui-même après ces paroles du centurion: « Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison »,
montrant ainsi toute sa bonté pour son disciple. Il ne dédaigne pas d’entrer
sous le pauvre toit d’un pêcheur, pour nous apprendre à fouler aux pieds en
toute circonstance l’orgueil et la vanité. Remarquez aussi que tantôt il
guérit par sa seule parole, tantôt il étend simultanément la main; c’est ce
qu’il fait ici: « et il lui toucha
la main, et la fièvre la quitta. » Il ne voulut pas toujours faire
des miracles extraordinaires, et il était nécessaire de voiler quelquefois sa
divinité. En touchant le corps de cette femme, non-seulement il fit cesser la
fièvre, mais encore il lui rendit tout à fait la santé. Cette maladie n’étant
point naturellement incurable, il manifestait sa puissance par la manière
dont il la guérissait, en faisant ce que la science de la médecine ne pouvait
faire, c’est-à-dire en rendant aussitôt à cette femme une santé parfaite;
c’est ce que l’Évangéliste veut nous exprimer en disant: « Elle se leva et elle les servait. » — Saint Jérôme : Telle est la nature des hommes que nous éprouvons ordinairement après la fièvre un surcroît de lassitude, et dans les commencements de la convalescence nous ressentons encore les douleurs de la maladie. Mais la santé que rend le Seigneur revient tout entière en un moment. Il ne suffit pas d’être guéri : la puissance de Jésus est manifestée. — Saint Jean Chrysostome : L’auteur sacré nous
fait remarquer qu’ « elle se
leva et qu’elle le servait »: c’est une preuve tout à la fois de la
puissance de Jésus-Christ et des dispositions de cette femme à son égard. — Saint Bède : Dans le sens mystique, la maison de Pierre figure la loi ou la
circoncision; sa belle-mère est la figure de la synagogue, qui est en quelque
sorte la mère de l’Église confiée à Pierre. C’est elle qui est malade de la
fièvre, de cette fièvre de jalousie dont elle brûlait en persécutant
l’Église. Le Seigneur lui touche la main, en changeant ses oeuvres charnelles
et en leur donnant une direction toute spirituelle. — Saint Rémi : Ou bien encore, par la belle-mère de Pierre, on peut entendre la loi, qui, selon l’Apôtre (Rm 8), était affaiblie par la chair, c’est-à-dire par le sens charnel qu’on lui donnait. Mais lorsque le Seigneur se fut rendu visible au milieu de la synagogue par le mystère de son incarnation, et qu’il eut fait voir dans ses oeuvres l’accomplissement de la loi en même temps qu’il en donnait l’intelligence spirituelle, elle reçut bientôt tant de force de cette union avec la grâce de l’Évangile, qu’après avoir été un instrument de mort et de châtiment, elle devint comme le ministre de la vie et de la grâce (2 Cor 3, 9). — Raban : Ou bien encore, toute âme qui est en lutte avec les passions de la
chair, est comme travaillée par la fièvre; mais à peine a-t-elle été touchée
par la main de la miséricorde divine, elle recouvre la santé, elle réprime,
par la continence, les désirs licencieux de la chair, et fait servir à la
justice les membres qu’elle avait consacrés à l’impureté. —
Saint Hilaire : Ou bien enfin on peut voir dans la
belle-mère de Pierre le vice pernicieux de l’infidélité, auquel se trouve
toujours jointe la liberté de la volonté, et qui nous attache à lui comme par
les liens les plus étroits. Mais aussitôt que le Seigneur entre dans la
maison de Pierre c’est-à-dire dans notre corps, il guérit cette infidélité
toute brûlante des ardeurs du péché, et elle consacre la santé qu’elle
recouvre au service du Seigneur. — Saint Augustin : (de l’accord des Evang. liv. 2, chap. 21.) A quel temps cette guérison a-t-elle eu lieu ? avant ou après quel événement ? Saint Matthieu ne le dit pas, car rien n’oblige à la placer après le récit qui la précède immédiatement. Toutefois saint Matthieu paraît raconter ici ce qu’il avait omis précédemment. En effet, saint Marc raconte cette guérison avant celle du lépreux, qu’il paraît placer après le sermon sur la montagne (dont cependant il ne parle pas). Saint Luc de son côté place la guérison de la belle-mère de Pierre après le même événement que saint Marc, et avant un discours fort long qui paraît être le même que saint Matthieu fait tenir à Jésus sur la montagne. Mais qu’importe la place qu’occupent les faits, ou l’ordre dans lequel ils sont présentés ? Qu’importe qu’un évangéliste raconte un fait qu’il avait omis précédemment, ou qu’il en fasse une narration anticipée, pourvu que ce fait ainsi placé ne contredise en rien d’autres faits racontés par lui ou par un autre ? Il n’est personne qui puisse raconter dans l’ordre où elles se sont passées, les choses qui lui sont le plus connues. Il est donc probable que chaque Évangéliste a cru devoir raconter les événements suivant l’ordre dans lequel Dieu les présentait à son souvenir. Aussi, lorsque la suite chronologique des faits ne nous paraît pas clairement marquée, nous ne devons pas nous préoccuper de l’ordre que chaque Évangéliste a cru devoir adopter dans son récit. |
Lectio 5 [85434] Catena in Mt.,
cap. 8 l. 5 Chrysostomus in Matth. Quia multitudo
credentium erat iam aucta, neque tempore impellente a Christo abscedere
patiebantur, vespere ei infirmos adducunt; unde dicitur vespere autem facto
obtulerunt ei Daemonia habentes. Augustinus de Cons. Evang. Per hoc autem
quod dicit vespere autem facto, ad eiusdem diei tempus hoc pertinere satis
indicatur, quamvis necesse non sit, ubi dicitur vespere facto, eiusdem diei
vesperum accipere. Remigius. Christus autem Dei filius auctor
humanae salutis, fons et origo totius pietatis, caelestem medicinam
tribuebat; unde sequitur et eiciebat spiritus verbo, et omnes male habentes
curavit. Daemones enim et morbos solo verbo repellebat, ut his signis et
virtutibus ostenderet se ad salutem generis humani venisse. Chrysostomus in Matth. Intende autem quantam
multitudinem curatam transcurrunt Evangelistae; non unumquemque curatum
enarrantes, sed uno verbo pelagus ineffabile miraculorum inducentes. Ne autem
magnitudo miraculi incredulitatem immittat, si tantam plebem et varias
aegritudines uno temporis momento curavit, inducit prophetam attestantem his
quae fiebant; unde sequitur ut adimpleretur quod dictum est per Isaiam
prophetam dicentem: ipse infirmitates nostras accepit. Rabanus. Non ut sibi haberet, sed ut nobis
auferret; et aegrotationes nostras portavit, ut quod pro imbecillitate virium
ferre non poteramus, ille pro nobis portaret. Remigius. Quia humanae naturae
infirmitatem ad hoc suscepit ut nos infirmos faceret fortes atque robustos.
Hilarius in Matth. Et
passione corporis sui, secundum prophetarum dicta, infirmitates humanae
imbecillitatis absorbuit. Chrysostomus in Matth. Hoc autem de peccatis
magis a propheta dictum esse videtur. Qualiter igitur Evangelista de
aegritudinibus hoc exponit? Sed sciendum, quod vel historiae hic testimonium
adaptavit, vel ostendit quoniam plures aegritudines ex peccatis sunt
animarum: nam et ipsa mors a peccatis habet radicem. Hieronymus. Attendendum autem, quod omnes non
mane, non meridie, sed ad vesperam curantur, quando sol occubiturus est, et
quando granum tritici in terram moritur, ut multos afferat fructus. Rabanus. Solis enim occubitus passionem et
mortem designat illius qui dixit: quamdiu sum in mundo, lux sum mundi; qui
temporaliter vivens in carne, paucos Iudaeorum docuit; calcato autem regno
mortis, omnibus per orbem gentilibus fidei dona promisit. |
Versets 16-17.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 24.) La multitude de ceux qui croyaient en Jésus-Christ s’était
augmentée, et malgré le temps qui les pressait, ils ne voulaient pas se
séparer du Seigneur; aussi, le soir étant venu, ils lui amènent plusieurs malades.
« Sur le soir, dit
l’Évangéliste, on lui présenta un grand
nombre de possédés. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang, liv, 2, chap. 21.)
Cette expression « le soir étant
venu » indique assez qu’il s’agit ici du même jour, bien qu’il ne
soit pas nécessaire de l’ entendre toujours du soir de la même journée. —
Saint Rémi : Or Jésus-Christ, Fils de Dieu, auteur
du salut des hommes, source et origine de toute miséricorde, appliquait à
tous un remède divin. « et il
chassait les esprits par sa parole, et il guérit tous ceux qui étaient
malades. » Il mettait en fuite les démons et les maladies d’un seul
mot, pour montrer par ces prodiges de sa puissance qu’il était venu pour le
salut du genre humain tout entier. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
28.) Considérez
quelle multitude de guérisons particulières les Évangélistes passent sous
silence; ils ne font pas mention de chaque personne guérie, mais d’un seul
mot ils nous mettent sous les yeux cet océan inexprimable de miracles. Et
afin que la grandeur de ces prodiges ne devienne un motif de ne point
admettre qu’une si grande multitude et tant de maladies aient été guéries en
un instant, l’Évangéliste vous présente le Prophète appuyant de son
témoignage ces faits miraculeux. D’où ces mots : « et ainsi fut accompli ce que le prophète Isaïe avait prédit:
« Il a pris lui-même nos infirmités. » (cf. Is 53, 4; 1 P 2, 24) — Raban : Ce n’est pas sans doute pour les garder, mais pour nous en délivrer,
et il s’est chargé de nos maladies afin de porter lui-même en notre place ce
qui était un fardeau écrasant pour notre faiblesse. —
Saint Rémi : Il s’est revêtu de l’infirmité de notre
nature pour nous rendre forts et robustes, de faibles que nous étions. — Saint Hilaire : (can. 7 sur S. Matth.) Par
les souffrances qu’il a endurées dans son corps (selon les oracles des
prophètes), il a fait disparaître complètement les infirmités de la faiblesse
humaine. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28.) C’est surtout des péchés que le
Prophète semble avoir voulu parler. Comment donc l’Évangéliste peut-il
entendre ces paroles des maladies ? C’est qu’il a voulu les appliquer à
un fait historique, ou bien nous faire comprendre que la plupart des maladies
ont pour cause les péchés de notre âme, et que la mort elle-même trouve sa
source dans le péché. — Saint Jérôme : Remarquons que toutes ces guérisons s’opèrent non pas le matin, non pas au milieu du jour, mais vers le soir, lorsque le soleil est près de se coucher, et que le grain tombe dans la terre pour y mourir et produire des fruits en abondance. — Raban : En effet, le coucher du soleil figure la passion et la mort de celui qui a dit: « Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » ; de celui qui dans le temps de sa vie mortelle n’a enseigné qu’un très petit nombre de Juifs, mais qui, après avoir détruit l’empire de la mort, a promis les dons de la foi à toutes les nations répandues sur la face de la terre. |
Lectio 6 [85435] Catena in Mt.,
cap. Remigius. Vel hoc facit quasi homo volens
turbarum importunitatem declinare. Erant autem ei affixi admirantes eum, et
videre ipsum volentes. Quis enim discederet a talia miracula operante? Quis
non in faciem eius simplicem vellet videre, et os talia loquens? Si enim
Moyses glorificatam faciem habebat, et Stephanus sicut Angeli, intellige
communem dominatorem qualem decens est tunc apparuisse; unde propheta dicit:
speciosus forma prae filiis hominum. Hilarius in Matth. Discipulorum autem nomen
non duodecim tantum apostolis convenire aestimandum est: nam praeter
apostolos plures fuisse discipulos legimus. Augustinus de Cons. Evang. Manifestum est
autem alium esse diem quo iussit ire trans fretum, non eum qui sequitur illum
in quo socrus Petri sanata est, quo die Marcus Lucasque eum in desertum
exisse affirmant. Chrysostomus in Matth. Vide autem qualiter
turbas non simpliciter abicit, ut non offendat. Non enim dixit: recedite, sed
ultro discipulos iussit abire, spem dans turbae eundi etiam illuc. Remigius. Sed quid inter iussionem Dei et
transfretationem gestum sit, Evangelista studuit manifestare, cum ait et
accedens unus Scriba ait illi: magister, sequar te quocumque ieris. Hieronymus. Iste Scriba, qui tantum litteram
noverat occidentem, si dixisset: domine, sequar te quocumque ieris, non
fuisset repulsus a domino; sed quia magistrum unum de pluribus aestimat, et
litterator erat (quod significantius Graece dicitur grammateus), et non
spiritalis auditor, ideo non habet locum in quo possit Iesus reclinare caput
suum. Ostenditur autem nobis, et ob hoc Scribam repudiatum, quod signorum
videns magnitudinem sequi voluerit salvatorem, ut lucra ex operum miraculis
quaereret; hoc idem desiderans quod et Simon magus a Petro emere voluerat.
Chrysostomus in Matth. Vide etiam quantus est
tumor: ita enim advenit et locutus est sicut dedignans cum turba annumerari,
sed ostendens quoniam super multos est ipse. Hilarius in Matth. Vel aliter. Iste Scriba qui
est unus ex doctoribus legis, an sit secuturus interrogat, quasi lege non contineretur
hunc esse quem utiliter sequatur. Igitur infidelitatis affectum sub
diffidentia interrogationis expressit: quia fidei assumptio non interroganda
est, sed sequenda. Chrysostomus in Matth. Respondet autem ei
Christus, non ad interrogationem verborum, sed ad consilium obvians mentis;
unde sequitur et dicit ei Iesus: vulpes foveas habent, et volucres caeli
nidos; filius autem hominis non habet ubi caput suum reclinet; ac si dicat:
Hieronymus. Quid me propter divitias et
saeculi lucra cupis sequi, cum tantae sim paupertatis, ut nec hospitiolum
quidem habeam, et tecto utar non meo? Chrysostomus in Matth. Hoc autem non erat
avertentis, sed arguentis quidem malum consilium, concedentis autem si vellet
cum paupertatis expectatione sequi Christum. Et ut discas eius malitiam,
audiens hoc et correctus non dixit: paratus sum sequi. Augustinus de Verb. Dom. Vel aliter. Filius
hominis non habet ubi caput suum reclinet, scilicet in fide tua. Vulpes enim
habent foveas, in corde tuo, quia dolosus es; volatilia caeli habent nidos,
in corde tuo, quia elatus es. Dolosus et elatus non me sequeris: quomodo enim
dolosus sequitur simplicitatem? Gregorius Moralium. Vel aliter. Vulpes valde
fraudulenta sunt animalia, quae in fossis vel specubus absconduntur; cumque
apparuerint, nunquam rectis itineribus sed tortuosis anfractibus currunt;
volucres vero alto volatu se sublevant. Nomine ergo vulpium dolosa atque
fraudulenta, nomine autem volucrum haec eadem superba Daemonia designantur;
ac si dicat: fraudulenta et elata Daemonia in corde tuo inveniunt
habitationem suam; humilitas autem mea requiem in superba mente non invenit.
Augustinus de quaest. Evang. Intelligitur enim
miraculis motus, propter inanem iactantiam eum sequi voluisse, quam
significant aves; finxisse autem discipuli obsequium, quae fictio vulpium
nomine significata est. Rabanus. Haeretici autem in sua versutia
confidentes significantur per vulpes, et maligni spiritus per volucres caeli,
qui in corde Iudaici populi foveas et nidos, idest domicilia habebant. Sequitur alius autem de discipulis illius ait
illi: domine, permitte me ire primum, et sepelire patrem meum. Hieronymus. Quid simile est inter Scribam et
discipulum? Ille magistrum vocat, hic dominum confitetur. Hilarius in Matth. Iste pietatis occasione ad
sepeliendum patrem ire desiderat, ille secuturum se quolibet ierit,
promittit, non magistrum quaerens, sed ex magistro lucrum. Ille etiam
discipulus non interrogat an sequatur; iam enim sequi se oportere credidit;
sed permitti sibi orat sepelire patrem. Augustinus de Verb. Dom. Dominus autem quando
parat homines Evangelio, nullam excusationem vult interponi carnalis huius
temporalisque pietatis; et ideo sequitur Iesus autem dixit ei: sequere me, et
dimitte mortuos sepelire mortuos suos. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dixit non
iubens contemnere amorem qui est ad parentes, sed monstrans quoniam nihil
caelestibus negotiis nobis magis necessarium esse oportet; quoniam cum toto
studio his iungi debemus, et neque parum tardare, etiam si valde invitabilia
et incitantia fuerint quae attrahunt. Quid enim magis necessarium erat quam
sepelire patrem? Quid etiam facilius? Neque enim tempus multum consumendum
erat. Per hoc etiam eum dominus a multis malis eripuit: puta luctibus et
moeroribus, et ab his quae hic expectantur. Post sepulturam enim necesse iam
erat et testamenta scrutari, et haereditatis divisionem, et alia huiusmodi:
et ita fluctuationes ex fluctuationibus ei succedentes, longe eum a veritatis
abducere portu potuerunt. Si autem adhuc tumultuaris, excogita quoniam multi
infirmos non permittunt scire, nec ad momentum sequi; etiamsi pater aut mater
aut filius sit qui defunctus est; nec ex hoc incusantur crudelitatis; sed
contrarium crudelitatis esse. Et multo maius malum est abducere hominem a
spiritualibus sermonibus, et maxime cum fuerint qui hoc compleant: erant enim
qui completuri erant huius funeris sepulturam; unde dicit dimitte mortuos
sepelire mortuos suos. Augustinus de Verb. Dom. Quasi dicat: pater
tuus mortuus est. Sunt autem alii mortui, qui sepeliant mortuos suos, quia
infideles sunt. Chrysostomus in Matth. In quo monstrat quoniam
hic mortuus non erat eius: etenim qui defunctus erat, sicut aestimo, de
numero infidelium erat. Si autem admiraris iuvenem, quoniam pro negotio ita
necessario interrogavit Iesum, et non spontanee abiit, multo magis admirare
quoniam et prohibitus permansit: quod non erat ingratitudinis, cum non
propter desidiam fecerit, sed ut non intercideret negotium magis necessarium.
Hilarius in Matth. Item quia accepimus in
dominicae orationis exordio ita primum precandum: pater noster, qui es in
caelis, et in discipulo credentis populi persona est, admonetur quod pater
sibi vivus in caelis est; deinde inter fidelem filium patremque infidelem ius
paterni nominis non relinqui. Admonuit etiam non admisceri memoriis sanctorum
mortuos infideles, et etiam eos esse mortuos qui extra Deum vivunt: ut
idcirco mortui sepeliantur a mortuis: quia per Dei fidem vivos vivo oporteat
adhaerere. Si autem mortuum sepelit mortuus, non debemus
curam habere mortuorum, sed viventium; ne dum solliciti sumus de mortuis, nos
quoque mortui appellemur. Gregorius Moralium. Mortui etiam mortuum
sepeliunt, cum peccatores peccatoribus favent. Qui enim peccantem laudibus prosequuntur,
extinctum sub verborum suorum aggere abscondunt. Rabanus. Notandum est etiam in hac
sententia, quia aliquando minora bona praetermittenda sunt pro utilitate
maiorum. Augustinus de Cons. Evang. Quod
autem Matthaeus dicit, tunc istud gestum esse quando iussit ut irent trans
fretum, Lucas vero ambulantibus illis in via, non est contrarium; quia viam
utique ambulabant, ut venirent ad fretum. |
Versets 19-22.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 28.) Comme Jésus-Christ ne guérissait pas seulement les corps, mais
qu’il rendait encore les âmes meilleures en leur faisant connaître la vraie
sagesse, il a voulu montrer dans sa personne non seulement la puissance qui
guérit les maladies, mais encore l’humilité qui fuit toute ostentation; c’est
pour cela que l’Évangéliste ajoute: « Or,
Jésus se voyant environné d’une grande foule de peuple, ordonna à ses
disciples de passer à l’autre bord. » Il agissait de la sorte pour
nous enseigner la modestie dans nos actions, calmer l’envie des Juifs, et
nous apprendre à ne rien faire par amour de la vaine gloire. —
Saint Rémi : Ou bien il agissait ici comme homme,
pour se débarrasser des importunités de la foule. Ce peuple lui était
fortement attaché, plein d’admiration pour sa personne, et ne pouvait se
lasser de le voir. Qui aurait pu, en effet se séparer d’un homme qui opérait
de tels prodiges ? Qui n’aurait voulu contempler l’auguste simplicité de
son visage et la bouche d’où sortaient de tels oracles ? Si Moïse avait
le visage resplendissant de gloire (Ex 34),
et saint Etienne la figure d’un ange (Ac
7), comment le souverain Maître de toutes choses n’aurait-il point paru
avec la majesté qui convenait à son auguste personne, et n’est-ce pas ce que
le Roi-Prophète prédisait en ces termes: « Vous
surpassez en beauté tous les enfants des hommes. » — Saint Hilaire : ( —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang. liv. 2, chap. 22.)
Il est évident que le jour où Jésus ordonna à ses disciples de passer à
l’autre bord ne fut pas le lendemain du jour où il avait guéri la belle-mère
de Pierre, car ce jour là il se retira dans le désert, comme le racontent
saint Marc et saint Luc. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28.) Remarquez qu’il ne renvoie pas
directement la foule, pour ne pas la blesser; en effet, il ne dit pas :
« allez-vous en », mais il ordonne à ses disciples d’aller au delà,
en laissant au peuple l’espérance de pouvoir l’y suivre. —
Saint Rémi : Mais que s’est-il passé entre l’ordre
donné ici par le Seigneur et son exécution ? L’Évangéliste a pris soin
de nous l’apprendre. « Et voici
qu’un scribe lui dit: ‘ Maître, je vous suivrai partout où vous irez.’ » —
Saint Jérôme : Si ce scribe, qui ne connaissait que
la lettre qui tue (cf. Rm 7), avait dit: « Seigneur, je vous suivrai
partout ou vous irez », il n’eût pas été repoussé par le Seigneur; mais
comme il ne le considérait que comme un maître parmi d’autres, qu’il n’était
lui-même qu’un homme attaché à la lettre extérieure (on dit plus clairement
en grec : grammateuj), et n’avait pas les oreilles intérieures de l’âme, il n’a rien en
lui où Jésus puisse reposer sa tête. Nous voyons aussi que ce scribe a été
rejeté, parce qu’à la vue des prodiges étonnants opérés par le Seigneur, il
ne voulait le suivre que pour recueillir du profit de ces oeuvres. Il
désirait ce que Simon le magicien voulait plus tard acheter de saint Pierre. (Ac 8.) — Saint Jean Chrysostome : (hom. 28.) Voyez aussi quel est son orgueil: il arrive, et à son langage, on voit qu’il dédaigne d’être confondu avec la foule, et qu’il veut montrer qu’il lui est supérieur. — Saint Hilaire : (can.
7 sur S. Matth.) Ou bien encore, ce scribe,
qui est un des docteurs de la loi, demande à Jésus s’il doit le suivre, comme
si la loi ne disait pas clairement que c’est le Christ, et qu’il a tout
intérêt de marcher à sa suite. Il révèle donc l’incrédulité de son âme par
cette question de défiance, car on ne doit pas interroger, mais suivre les
inspirations de la foi. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 28.) Le Seigneur répond ici non pas à la question contenue dans ses paroles, mais à la pensée renfermée dans son âme. « Et Jésus lui dit: ‘ Les renards ont leurs tanières et les oiseaux du ciel leurs nids, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête.’ ». Comme s’il disait : — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Pourquoi
voulez-vous me suivre dans l’espérance des richesses et des avantages du
siècle, moi dont la pauvreté est si grande que je ne possède pas même un
petit réduit, et que je couche sous un toit qui ne m’appartient pas. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28.) Notre Seigneur ne lui tient pas
ce langage pour le repousser, mais pour lui reprocher sa mauvaise intention,
et il lui accorderait ce qu’il demande, s’il consentait à pratiquer la
pauvreté en marchant à sa suite. Mais voyez, sa malice est si grande que
cette leçon ne peut le convertir et qu’il ne s’écrie pas: « Je suis prêt
à vous suivre. » —
Saint Augustin : (serm. sur les par. du Seigneur.) Ou bien
encore, le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête dans votre foi; les
renards ont leurs tanières dans votre âme pleine de ruses; les oiseaux du
ciel ont aussi leurs nids dans votre cœur dominé par l’orgueil; avec cet
esprit de ruse et d’orgueil vous ne pouvez me suivre; celui qui est trompeur
peut-il suivre celui qui marche simplement ? —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 19, 1.) Ou bien, les renards sont
des animaux très rusés qui se cachent dans des trous ou dans des cavernes.
Lorsqu’ils en sortent, ce n’est point dans les droits chemins, mais dans les
sentiers détournés qu’on les voit courir; quant aux oiseaux, leur vol est
très élevé au-dessus de terre. Il faut donc entendre par les renards les
démons de la ruse et de la fourberie, et par les oiseaux les démons de
l’orgueil. Voici donc le sens des paroles de Jésus: Les démons de la ruse et
de la vaine gloire trouvent place dans votre cœur, mais mon humilité ne peut
se reposer dans une âme livrée à l’orgueil. —
Saint Augustin : (quest. sur l’Evang.) Il est à croire que,
séduit par l’éclat des miracles du Seigneur, il voulut s’attacher à lui par
un motif de vaine gloire, figurée ici par les oiseaux, et qu’il a joué le
personnage d’un disciple obéissant, hypocrisie qui est représentée par les
renards. — Raban : Les hérétiques
qui mettent toute leur confiance dans leurs subtilités sont ici figurés par
les renards, et les esprits malins par les oiseaux du ciel. Les uns et les
autres avaient leurs tanières et leurs nids, c’est-à-dire leur demeure, dans
le cœur du peuple juif. Un autre de ses disciples lui dit: « Seigneur, permettez-moi d’aller
d’abord ensevelir mon père. » — Saint Jérôme : Qu’y-a-t-il de semblable entre le scribe et ce disciple ! Celui-ci l’appelle simplement maître, celui-là le reconnaît pour son Seigneur. — Saint Hilaire : ( Ce disciple ne demande pas non plus s’il
doit suivre Jésus; il croit que c’est pour lui une obligation, et il demande
simplement qu’il lui soit permis d’aller ensevelir son père. — Saint Augustin : (serm. 7 sur les par. du Seig.) Lorsque le Seigneur prépare les hommes au ministère évangélique, il rejette toutes les excuses que suggèrent les sentiments de la nature et les sollicitudes de cette vie; c’est ce que prouvent les paroles suivantes: « Or Jésus lui dit: Suivez-moi, et laissez les morts ensevelir leurs morts. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
28.) Gardons-nous
de croire que le Seigneur nous commande de refuser à nos parents l’honneur
qui leur est dû; il nous apprend à ne rien voir de plus nécessaire que
l’affaire de nos intérêts éternels, à nous y appliquer avec toute l’ardeur
possible, sans le plus léger retard, quelque inévitables, quelque
irrésistibles que soient les attachements qui nous retiennent. Car quoi de
plus nécessaire, et aussi quoi de plus facile que d’ensevelir son père ?
L’accomplissement de ce devoir ne demandait pas grand temps. Par là encore le
Seigneur a voulu nous arracher à une multitude de maux, par exemple à la
douleur, à l’affliction, et à tout ce à quoi on peut s’attendre dans de
pareils cas. Après les funérailles, en effet, seraient venus l’examen
testament, le partage de la succession, et autres choses de ce genre ; ces
agitations, succédant à d’autres agitations, auraient pu l’éloigner
considérablement de la vérité. Si votre cœur se soulève encore, rappelez-vous
que souvent on laisse ignorer à des malades la mort de leur père, ou de leur
fils, ou de leur mère, et qu’on ne leur permet pas de les accompagner
jusqu’au lieu de leur sépulture. Loin que ce soit là de la cruauté, c’est la
conduite contraire qui mériterait ce reproche. Ce serait un bien plus grand
mal de détourner un homme des enseignements spirituels, alors surtout que
d’autres pourraient le remplacer pour rendre ces derniers devoirs; il y en
avait, en effet, qui s’apprêtaient à s’occuper de ces funérailles; c’est ce
qui fait dire au Seigneur: « Laissez
les morts ensevelir leurs morts. » —
Saint Augustin : (serm. 7 sur les par. du Seig.) C’est-à-dire:
votre père est mort, il y a d’autres morts qui pourront ensevelir leurs
morts, car ils sont dans l’infidélité. — Saint
Jean Chrysostome : (hom. 28.) Ces paroles indiquent que celui qui était mort n’était
pas un de ses disciples, en effet je pense que le mort était du nombre des
infidèles. Vous admirez ce jeune homme qui, en présence d’un devoir aussi
pressant, vient demander à Jésus ce qu’il faut faire, et ne s’en va pas sans
réfléchir; mais il est bien plus admirable d’avoir obéi à la défense qui lui
était faite et d’être resté, non point par un sentiment d’ingratitude ou de
négligence, mais pour ne pas interrompre une affaire plus importante ! —
Saint Hilaire : D’ailleurs, comme nous avons appris
à dire au commencement de l’Oraison dominicale de prier d’abord ainsi: « Notre Père qui êtes dans les
cieux », et que ce disciple représente tout le peuple croyant, le
Seigneur lui rappelle ici qu’il n’y a pour lui qu’un Père qui vit dans les
cieux (Mt 23, 9), et que les droits
que donne ce nom de père ne sont pas laissés au père infidèle à l’égard de
son fils devenu fidèle. Il nous apprend encore à ne pas mêler à la mémoire
des saints le souvenir de ceux qui sont morts dans l’infidélité, et à
regarder comme morts ceux qui vivent en dehors de la vie de Dieu. Que les
morts donc ensevelissent leurs morts; car pour ceux qui sont vivants, ils
doivent s’attacher au Dieu vivant par la foi qu’ils ont en lui. —
Saint Jérôme : [référence à vérifier] Si donc c’est aux morts à ensevelir les morts, nous devons prendre
soin des vivants, et non point des morts, de peur que cette préoccupation
pour les morts ne nous fasse ranger nous-mêmes parmi les morts. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., liv. 4, chap. 25.) On peut dire
encore que les morts ensevelissent leurs morts lorsque les pécheurs se
montrent favorables aux pécheurs, car en prodiguant les louanges à celui qui
pêche, ils enterrent pour ainsi dire ce mort sous le poids de leurs éloges. — Raban : Cette maxime du Seigneur nous apprend aussi qu’il faut quelquefois sacrifier un bien moins important à un bien qui l’est davantage. — Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 23.) Saint Matthieu raconte ce fait comme étant arrivé après que Jésus eut ordonné à ses disciples de passer sur l’autre bord, tandis que saint Luc le place au moment où ils étaient en chemin; il n’y a ici aucune contradiction, puisqu’ils étaient en chemin pour arriver au bord de la mer. |
Lectio 7 [85436] Catena in Mt.,
cap. 8 l. 7 Origenes. Cum multa magna
et miranda ostendisset Christus in terra, transit ad mare, ut ibidem
excellentia opera demonstraret, quatenus terrae marisque dominum se esse
cunctis ostenderet; unde dicitur et ascendente eo in naviculam, secuti sunt
discipuli eius: non imbecilles, sed firmi et stabiles in fide. Hi ergo secuti
sunt eum, non tantum gressus eius sequentes, sed magis sanctitatem comitantes. Chrysostomus in Matth. Accepit autem
discipulos secum et in navi, ut ad utraque eos erigeret: et ad hoc quod in
periculis non stupescerent, et ad hoc quod in honoribus moderata de se
autumarent. Ut enim non magna de se saperent, propter hoc quod aliis dimissis
eos retinuerat, permittit eos fluctuari. Ubi enim miraculorum ostensio erat,
plebem permittit adesse; ubi autem tentationum et timorum arreptio, athletas
orbis terrarum, quos exercitaturus erat, hos solos assumit. Origenes. Ingressus ergo naviculam fecit
turbari mare; unde sequitur et ecce motus magnus factus est in mari, ita ut
navicula operiretur fluctibus. Haec tempestas non ex se orta est, sed
potestati paruit imperantis, qui educit ventos de thesauris suis. Facta est
autem tempestas magna ut magnum opus ostenderetur: quia quanto magis fluctus
naviculae irruebant, tanto magis discipulos timor conturbabat, ut plus
desiderarent se liberari per mirabilia salvatoris. Chrysostomus in Matth. Quia enim viderant
alios Christi beneficia accepisse; non autem similiter aliquis aestimat quae
in alienis corporibus fiunt et quae in seipso; oportuit per familiarem sensum
eos potiri beneficiis Christi. Et
ideo voluit hanc fieri tempestatem, ut per liberationem manifestiorem accipiant
beneficii sensum. Erat autem haec turbatio typus futurarum
tentationum, de quibus Paulus dicit: nolo vos ignorare, fratres, quoniam
gravati sumus supra virtutem. Ut ergo daret tempus formidini, sequitur ipse
vero dormiebat. Si enim vigilante eo facta fuisset tempestas, vel non
rogassent, vel neque posse ipsum tale aliquid facere crederent. Origenes. Est autem res mirabilis et stupenda:
is qui numquam dormit neque dormitat, dormire dicitur. Dormiebat quidem
corpore, sed vigilabat deitate; demonstrans quia verum humanum portabat
corpus, quod corruptibile induerat. Corpore itaque dormiebat, ut apostolos
faceret vigilare, et ne omnes nos unquam animo dormiamus. Tanto autem metu
discipuli fuerant conterriti, et pene animo alienati, ut irruerent in eum; et
non modeste ac leviter suggererent, sed turbulenter suscitarent eum; unde
sequitur et accesserunt ad eum discipuli eius, et suscitaverunt eum dicentes:
domine, salva nos, perimus. Hieronymus. Huius signi typum in Iona legimus,
quando ceteris periclitantibus ipse securus est, et dormit et suscitatur.
Origenes. O veraces discipuli, salvatorem
vobiscum habetis, et periculum timetis? Vita vobiscum est, et de morte
solliciti estis? Sed respondeant: parvuli sumus, et adhuc infirmi, ideoque
timemus; unde sequitur et dicit eis Iesus: quid timidi estis, modicae fidei?
Quasi diceret: si potentem me super terram cognovistis, quare non creditis
quia et in mari potens sim? Et si mors irrueret, nonne debuistis eam
constantissime sustinere? Qui modicum credit, arguetur; qui nihil credit,
contemnetur. Chrysostomus in Matth. Si autem aliquis
dixerit, quoniam non fuit modicae fidei, accedentes excitare Iesum; hoc
signum fuit quod non decentem de ipso opinionem habebant. Noverant enim quod
excitatus poterat mare increpare; nondum autem quod dormiens. Propter hoc
etiam neque praesentibus turbis hoc signum fecit, ut non accusentur modicae
fidei; sed discipulos solum accipiens corrigit; et prius solvit turbationem
aquarum; unde sequitur tunc surgens imperavit ventis et mari, et facta est
tranquillitas magna. Hieronymus. Ex hoc autem loco intelligimus
quod omnes creaturae sentiant creatorem: quibus enim imperatur, sentiunt
imperantem: non errore haereticorum, qui omnia putant animantia sensibilia
esse; sed maiestate conditoris, quae apud nos insensibilia sunt, illi
sensibilia sunt. Origenes. Imperavit ergo ventis et mari; et de
magno vento facta est tranquillitas magna: decet enim magnum magna facere; et
ideo qui prius magnifice conturbavit profundum maris, nunc iterum
tranquillitatem magnam fieri iussit, ut discipuli nimium conturbati magnifice
laetarentur. Chrysostomus in Matth. In hoc etiam ostenditur
quia omnis confestim soluta est tempestas, et neque semita turbationis
remansit; quod quidem extraneum erat: cum enim naturaliter fluctuatio
terminatur, usque ad multum tempus aquae concutiuntur; sed hic simul omnia
solvebantur; ut quod de patre dictum est: dixit, et stetit spiritus
procellae, hoc Christus opere implevit: solo enim verbo et praecepto mare
sedavit et refrenavit. A visu autem et a somno, et ex utendo navigio, qui
aderant, eum hominem aestimabant: propter hoc in admirationem ceciderunt;
unde sequitur porro homines mirati sunt, dicentes: qualis est hic, quia venti
et mare obediunt ei? Glossa, Chrysostomus ponit hanc litteram
qualis est hic homo? Somnus enim, et quod apparebat, hominem demonstrabat;
sed mare et tranquillitas Deum ostendebat. Origenes. Sed qui homines mirati sunt? Non
putes hic apostolos significatos: nusquam enim invenimus praeter honorem
cognominari domini discipulos; sed semper aut apostoli aut discipuli
nominantur. Mirabantur ergo hi homines qui cum eo navigabant, quorum erat
navicula. Hieronymus. Si autem quis contentiose voluerit
eos qui mirabantur fuisse discipulos, respondebimus, recte homines
appellatos, quia necdum noverant potentiam salvatoris. Origenes. Non autem interrogantes dicunt
qualis est iste? Sed asserentes, quia iste talis est, cui venti et mare
obediunt. Qualis ergo est iste? Idest, quantus, quam fortis, quam magnus?
Iubet omni creaturae, et non supergreditur iussionem eius; soli homines
resistunt, et ideo in iudicio damnabuntur. Mystice autem omnes in sanctae Ecclesiae navicula
cum domino per hunc undosum supernatamus mundum. Ipse autem dominus pio obdormit somno, patientiam nostram et impiorum
poenitentiam expectans. Hilarius in Matth. Vel dormit, eo quod
somno nostro consopiatur in nobis. Maxime autem id accidit ut a Deo auxilium
in periculi metu speremus: atque utinam vel spes sera confidat se periculum
posse evadere, Christi intra se vigilantis virtute. Origenes. Alacriter ergo accedamus ad eum, cum
propheta dicentes: exurge, quare obdormis, domine? Et ipse imperabit ventis,
idest Daemonibus, qui concitant fluctus, idest principes huius mundi, ad
persecutiones sanctis immittendas, facietque tranquillitatem magnam circa
corpus et spiritum, pacem Ecclesiae, et serenitatem mundo. Rabanus. Vel aliter. Mare est aestus saeculi;
navicula quam Christus ascendit, intelligitur arbor crucis, cuius auxilio
fideles, transactis mundi fluctibus, perveniunt ad caelestem patriam, quasi
ad littus securum, in qua Christus una cum suis ascendit; unde post ait: qui
vult venire post me, abneget semetipsum, et tollat crucem suam, et sequatur
me. Cum ergo Christus in cruce positus fuisset, motus magnus factus est: quia
commotae sunt mentes discipulorum de eius passione, et navicula operta est
fluctibus: quia tota vis persecutionis circa crucem Christi fuit, ubi
scilicet morte occubuit; unde dictum est ipse vero dormiebat. Suum dormire,
mori est. Excitant autem discipuli dominum, dum turbati morte, maximis votis
resurrectionem quaerunt dicentes salva, resurgendo, quia perimus, turbatione
tuae mortis. Ipse vero resurgens increpat duritiam cordis eorum, ut alibi
legitur. Imperavit autem ventis, quia Diaboli superbiam stravit; imperavit
mari, quia vesaniam Iudaeorum disiecit; et facta est tranquillitas magna,
quia sedatae sunt mentes discipulorum visa resurrectione. Glossa. Vel navicula est Ecclesia praesens, in
qua Christus cum suis mare saeculi transit, aquas persecutorum compescit.
Unde miremur, et gratias agamus. |
Versets 23-27.
— Origène : Notre Seigneur Jésus-Christ ayant fait éclater sur la terre de grands
et d’étonnants prodiges, passe sur la mer pour y opérer des miracles plus
extraordinaires encore, et se faire ainsi reconnaître à tous comme le
Seigneur de la terre et de la mer. « Et
après qu’il fut monté dans une barque, dit l’Évangéliste, il fut suivi de ses disciples »
qui n’étaient plus des disciples faibles, mais fermes et stables dans la foi.
En le suivant, ils étaient moins attachés à ses pas qu’à la sainteté de sa
vie qui les attirait à lui. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29.) Il prend ses disciples avec lui
et les fait monter dans la même barque pour les amener à ces deux
leçons : leur apprendre à ne pas s’effrayer au milieu des dangers, et
leur enseigner à conserver toujours l’humilité au milieu des honneurs, car il
permet qu’ils soient le jouet des flots, afin de prévenir la haute idée
qu’ils auraient pu avoir d’eux-mêmes en voyant que Jésus les avait retenus
après avoir laissé partir les autres. Lorsqu’il opérait des prodiges
éclatants, il permettait à la foule d’en être témoin; mais lorsqu’il s’agit
de se mesurer avec les tentations, avec les craintes, il ne prend avec lui
que les athlètes qu’il devait former à combattre contre l’univers entier. — Origène : Après qu’il fut
entré dans la barque, il commanda à la mer de s’agiter. « Et voici, dit le texte sacré, qu’une grande tempête s’éleva sur la mer », si bien que la
petite embarcation était la proie des flots. Cette tempête ne s’éleva pas
d’elle-même, mais elle obéit à la puissance de celui qui commande et qui fait
sortir les vents de ses trésors. (Ps 134).
La tempête fut grande pour que le miracle le fut également; plus les flots
venaient fondre sur la barque, plus aussi l’effroi bouleversait les
disciples, et leur faisait désirer d’être délivrés par la puissance du Seigneur. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
29.) Ils
avaient été témoins des bienfaits que Jésus répandait [si libéralement] sur
les autres; mais comme nous ne jugeons pas de la même manière de ce qui se
fait dans l’intérêt des autres, et de ce que l’on fait pour nous, Notre
Seigneur voulut les faire jouir de ses bienfaits par une expérience
personnelle; il permit donc cette tempête, pour que leur délivrance leur fît
comprendre plus clairement ce qu’il faisait en leur faveur. Or cette tempête
était la figure des tentations qu’ils devaient éprouver dans l’avenir, et
dont saint Paul a dit: « Je ne
veux pas vous laisser ignorer, mes frères, que nous avons été surchargés
au-dessus de nos forces. » L’Évangéliste nous dit que Jésus dormait,
parce qu’il voulait laisser à la crainte le temps de s’emparer de leur âme.
Car si la tempête était survenue pendant qu’il était éveillé, ou ils
n’auraient pas imploré son secours, ou ils n’auraient pas cru qu’il pût
opérer un semblable miracle. — Origène : Chose étonnante et merveilleuse ! L’Évangéliste nous montre
livré au sommeil celui qui ne dort, qui ne sommeille jamais (Ps 120, 4). Son
corps dormait, mais la divinité veillait, et il prouvait par là qu’il portait
un corps véritable comme le nôtre, et qu’il s’en était revêtu avec toutes ses
faiblesses. Il dormait donc corporellement pour apprendre à ses apôtres à
veiller, et nous apprendre à tous à éviter le sommeil de l’âme. La crainte
qui les bouleversait était si grande, qu’ils avaient presque perdu la tête,
qu’ils se précipitaient près de lui et qu’au lieu de s’adresser à lui avec
modération et avec douceur, ils le réveillent brusquement. Et ses disciples
s’approchèrent, et ils l’éveillèrent en disant: « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons. » —
Saint Jérôme : Nous voyons une figure de cet
événement dans le prophète Jonas, qui, pendant que tous tremblent à la vue du
danger, seul est tranquille, et dort si profondément qu’il faut le réveiller. — Origène : Et vous les vrais
disciples de Jésus-Christ, vous avez le Seigneur au milieu de vous, et vous
craignez le danger ? La vie est avec vous, et la crainte de la mort vous
préoccupe ? Peut-être vont-ils répondre: Nous sommes encore faibles,
pusillanimes; c’est pour cela que la crainte s’empare de nous. « Aussi Jésus leur dit: ‘Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de
foi ?’ » C’est-à-dire: vous avez été témoins de ma puissance
sur la terre, pourquoi doutez-vous que cette puissance s’étende aussi à la
mer ? Et quand la mort elle-même viendrait fondre sur vous, ne
devriez-vous pas la supporter avec courage ? Celui qui croit faiblement
sera repris, celui qui ne croit pas du tout sera condamné. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 20.) Dira-t-on que réveiller Jésus ne
fut pas chez eux un signe de peu de foi ? Au moins est-ce une preuve
qu’ils n’avaient pas de lui une opinion convenable, car ils pensaient qu’il
pourrait apaiser la mer étant éveillé, mais que cela lui serait impossible
pendant son sommeil. Aussi est-ce pour cela qu’il n’opère pas ce miracle en
présence de la foule, pour n’avoir pas à leur reprocher devant elle leur peu
de foi; il les prend seuls avec lui pour leur faire ce reproche et il apaise
ensuite les flots soulevés. « Et
se levant en même temps, il commanda aux vents et à la mer, et il se fit un
grand calme. » —
Saint Jérôme : Cet acte de puissance doit nous faire
conclure que toutes les créatures ont le sens de leur Créateur, car ceux qui
reçoivent un commandement doivent avoir sentiment de celui qui leur commande;
nous ne partageons pas cependant l’erreur des hérétiques qui considèrent tous
les êtres comme animés, mais nous disons que la majesté du Créateur rend pour
ainsi dire sensibles pour lui les créatures qui demeurent insensibles pour
nous. — Origène : Il commanda donc aux
vents et à la mer, et à cette grande agitation succéda un grand calme. Il est
digne de celui qui est grand de faire de grandes choses, et c’est pour cela
qu’après avoir troublé magnifiquement les profondeurs de la mer, il commande
qu’un grand calme se fasse, afin que la joie de ses disciples égale la
crainte qui les a troublés. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
29.) Ces
paroles nous font voir encore que la tempête a été calmée tout d’un coup et
tout entière, sans qu’il restât la moindre trace d’agitation; chose tout à
fait extraordinaire, car lorsque le soulèvement des flots s’apaise selon les
lois ordinaires de la nature, ils restent encore longtemps agités, tandis
qu’ici toute agitation cesse dans un instant. Ainsi Jésus-Christ accomplit en
sa personne ce qui avait été dit de Dieu le Père: « Il a parlé et la tempête s’est apaisée », car d’une
seule parole et par son seul commandement il a calmé la mer et mis un frein à
la fureur des flots. Ceux qui étaient avec lui, à son aspect, à son sommeil,
à l’usage qu’il faisait d’une barque, le regardaient seulement comme un
homme; aussi ce miracle les jette dans l’étonnement. Or les hommes furent
dans l’admiration, et ils disaient: « Quel
est celui-ci, que même les vents et la mer lui obéissent ? ». — La Glose : Saint Chrysostome traduit ainsi: « Quel est cet homme ? » En effet, à ne considérer que son sommeil et son extérieur, c’était un homme; mais la mer et le calme qu’il y ramena montraient qu’il était Dieu. — Origène : Mais quels sont ces hommes qui furent dans l’admiration ? Ne
croyez pas que cette expression désigne les Apôtres, car nous constatons qu’il
n’est jamais parlé d’eux qu’en termes honorables, en tant que disciples du
Seigneur, et ils sont toujours appelés ou apôtres ou disciples. Ceux qui
étaient dans l’admiration furent donc ceux qui étaient avec le Seigneur dans
la barque, et à qui cette barque appartenait. —
Saint Jérôme : Si quelqu’un cependant, par esprit de
contradiction, prétend que ce sont les disciples de Jésus qui furent dans
l’admiration, nous répondrons que c’est à juste titre que l’Évangéliste leur
donne le nom d’hommes, car ils ne connaissaient pas encore la puissance du Seigneur. — Origène : En disant: « Quel est donc celui-ci ? » ils ne font
pas une question, mais ils affirment que c’est à cet homme que les vents et
la mer obéissent. « Quel est donc celui-ci ? » C’est-à-dire
quelle est sa puissance, quelle est sa force, quelle est sa grandeur ?
Il commande à toute créature, et elle ne transgresse pas ses ordres; les
hommes seuls lui résistent, et seront pour cela condamnés au jugement. Dans le sens mystique, nous naviguons tous avec le Seigneur dans la barque de l’Église sur la mer orageuse du monde; le Seigneur cependant dort d’un sommeil de miséricorde, et attend ainsi notre patience dans les maux et le repentir des pécheurs. — Saint Hilaire : ( — Origène : Approchons-nous donc
de lui avec empressement, en lui disant avec le Prophète: « Levez-vous; pourquoi dormez-vous, Seigneur ? »
(Ps 43). Et il commandera lui-même
aux vents, c’est-à-dire aux démons qui soulèvent les flots, c'est-à-dire aux
princes de ce monde qui suscitent les persécutions contre les saints, et le
Christ fera régner un grand calme autour du corps et de l’esprit, en rendant
la paix à l’Église et la tranquillité au monde. — Raban : Ou bien encore la mer, ce sont les flots agités du monde, la barque
dans laquelle monte Jésus-Christ, c’est l’arbre de la croix à l’aide duquel
les fidèles traversent ces flots du monde et parviennent à la céleste patrie
comme à un port assuré. Jésus-Christ monte dans cette barque avec ses
disciples, et c’est pour cela qu’il
dit plus bas: « Que celui qui veut
venir après moi, se renonce lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me
suive. » Lorsque le Christ fut attaché à la croix, il se fit une grande
agitation, parce que l’âme de ses disciples fut troublée par le spectacle de
la passion. La barque fut couverte par les flots, car la violence de la
persécution se déchaîna autour de la croix sur laquelle Jésus-Christ
succomba. C’est pour cela qu’il est dit: « Et
lui cependant dormait. » Son sommeil était la mort. Les disciples
éveillent leur Maître, alors que, bouleversés par sa mort, ils font les voeux
les plus ardents pour sa résurrection, et lui disent: « Sauvez-nous en
ressuscitant, car nous périssons dans le trouble où nous a jetés votre mort.
Lorsqu’il ressuscite, il leur reproche la dureté de leur cœur, comme nous le
voyons ailleurs. Le Seigneur a commandé aux vents, car il a écrasé l’orgueil
du démon; il a commandé à la mer, en dissipant la fureur insensée des Juifs;
et il s’est fait un grand calme, car la frayeur des disciples s’apaisa
lorsqu’ils furent témoins de la résurrection de leur Maître. — La Glose : Ou bien encore, la barque c’est l’Église de la terre, dans laquelle le Christ traverse avec les siens la mer de ce monde et apaise les flots des persécutions, digne objet de notre admiration et de notre reconnaissance. |
Lectio 8 [85437] Catena in Mt.,
cap. 8 l. 8 Chrysostomus in Matth. Quidam
homines Christum hominem esse dicebant: venerunt Daemones divinitatem eius
divulgantes, ut qui mare procellosum et rursus quietum non audierunt,
Daemones audirent clamantes; unde dicitur et cum venisset trans fretum in
regionem Gerasenorum, occurrerunt ei duo homines habentes Daemonia. Rabanus. Gerasa urbs est Arabiae trans
Iordanem, iuncta monti Galaad, quam tenuit tribus Manasse, non longe a stagno
Tiberiadis, in quo porci praecipitati sunt. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem
Matthaeus duos dicit fuisse qui Daemonia patiebantur, Marcus autem et Lucas
unum commemorant, intelligas unum eorum fuisse personae alicuius clarioris et
famosioris, quem regio illa maxime dolebat, et pro cuius salute plurimum
satagebat, de quo facti huius fama praeclarius fragravit. Chrysostomus in Matth. Vel Lucas et Marcus
unum eorum saeviorem elegerunt: unde et eius calamitatem exprimunt. Lucas
enim dicit, quod ruptis vinculis agebatur in deserto; Marcus autem quia et
lapidibus seipsum intercidebat; nec tamen dicunt quoniam unus solus erat, ne
Matthaeo contraria dicere viderentur. Per hoc autem quod subditur, de
monumentis exeuntes, perniciosum dogma imponere volebant, scilicet quod
animae morientium Daemones fiant; unde multi aruspicum occidunt pueros, ut
animam eorum cooperantem habeant; propter quod et daemoniaci clamant, quoniam
anima illius ego sum. Non est autem anima defuncti quae clamat; sed Daemon
hoc fingit, ut decipiat audientes. Si
enim in alterius corpus animam mortui possibile esset intrare, multo magis in
corpus suum. Sed neque habet rationem, iniqua passam animam cooperari iniqua
sibi facienti, vel hominem posse virtutem incorpoream in aliam transmutare
substantiam, scilicet animam in substantiam Daemonis. Neque enim in
corporibus hoc machinari quis potest, ut in hominis corpus transmutet asini
corpus: neque enim rationabile est animam a corpore separatam hic iam
oberrare. Iustorum enim animae in manu Dei sunt; unde et
quae puerorum; neque enim malae sunt. Sed et quae peccatorum sunt, confestim
hinc abducuntur: et hoc manifestum est ex Lazaro et divite. Quia vero nullus eos afferre audebat ad Christum propter saevitiam
horum daemoniacorum, Christus ad eos vadit. Quae quidem eorum saevitia
designatur, cum subditur saevi nimis, ita ut nemo posset transire per viam
illam. Sed quia alios prohibebant pertransire, obstruentem sibi viam
invenerunt. Etenim flagellabantur invisibiliter,
intolerabilia patientes ex Christi praesentia; unde sequitur et ecce
clamaverunt dicentes: quid nobis et tibi, Iesu fili Dei? Hieronymus. Non est autem voluntatis ista
confessio, quam praemium sequitur confitentium: sed necessitatis extorsio,
quae cogit invitos. Velut si servi fugitivi post multum temporis dominum suum
videant, nihil aliud nisi de verberibus deprecantur; sic et Daemones
cernentes dominum in terris repente versari, ad eos iudicandos se venisse
credebant. Ridiculum autem putant quidam Daemonia scire filium Dei, et
Diabolum ignorare, eo quod minoris malitiae sint isti quam ille cuius
satellites sunt, cum omnis scientia discipulorum ad magistrum referenda sit.
Augustinus de Civ. Dei. Tantum autem innotuit
eis Deus, quantum voluit; tantum autem voluit, quantum oportuit. Innotuit
ergo eis non per id quod vita aeterna est, et lumen quod illuminat pios; sed
per quaedam temporalia suae virtutis effecta, et occultissimae praesentiae
signa, quae angelicis spiritibus etiam malignis potius quam infirmitati
hominum possunt esse perspicua. Hieronymus. Sed tamen tam Daemones quam
Diabolus suspicari magis filium Dei quam nosse intelligendi sunt. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Quod
autem Daemones clamant quid nobis et tibi, Iesu fili Dei? Magis ex suspicione
quam ex cognitione dixisse credendi sunt. Si enim cognovissent, numquam
dominum gloriae crucifigi permisissent. Remigius. Sed quotiescumque eius virtute
torquebantur, et signa et miracula facientem videbant, aestimabant eum esse
filium Dei: postquam videbant eum esurire, sitire et his similia pati,
dubitabant, et credebant hominem purum. Considerandum est, quod etiam Iudaei
increduli dicentes Christum in Beelzebub eiecisse Daemonia, et Ariani
dicentes eum esse creaturam, non solum iudicio Dei, sed etiam Daemonum
confessione damnari merentur, qui Christum filium Dei dicunt. Recte autem
dicunt quid nobis et tibi, Iesu fili Dei? Hoc est, nihil commune est nostrae
malitiae et tuae gratiae: quia, secundum apostolum nulla societas est lucis
ad tenebras. Chrysostomus in Matth. Ut autem non videretur
adulationis hoc esse, ab experientia clamabant, dicentes venisti ante tempus
torquere nos. Augustinus de Civ. Dei. Sive quia subitum
illis fuit quod futurum quidem, sed tardius opinabantur; sive quia
perditionem suam hanc ipsam dicebant, quia fiebat ut eorum cognitio
sperneretur; et hoc erat ante tempus iudicii, quo aeterna damnatione puniendi
sunt. Hieronymus. Praesentia etiam salvatoris
tormenta sunt Daemonum. Chrysostomus in Matth. Non autem
poterant dicere se non peccasse, quia eos Christus invenerat mala operantes,
et facturam Dei punientes; unde aestimabant propter superabundantiam malorum
quae fecerant, quod non expectaretur in eis tempus extremae punitionis, quae
erit in die iudicii. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem verba
Daemonum diversimode ab Evangelistis sunt dicta, non habet aliquid scrupuli:
cum vel in unam redigi sententiam, vel omnia dicta possint intelligi: nec
quia pluraliter apud Matthaeum, apud alios autem singulariter loquitur; cum
et ipsi narrent, quod interrogatus quid vocaretur, legionem se esse
respondit, eo quod multa essent Daemonia. Sequitur erat autem non longe ab
eis grex porcorum multorum pascens. Daemones autem rogabant eum, dicentes: si
eicis nos hinc, mitte nos in porcos. Gregorius Moralium. Scit enim Diabolus, quia
quodlibet agere ex semetipso non sufficit; quia nec per semetipsum in eo quod
est spiritus existit. Remigius. Sed ideo non petierunt ut in
homines mitterentur, quia illum cuius virtute torquebantur, humanam speciem
gestare videbant. Nec etiam petierunt ut in pecora mitterentur, quia pecora,
Dei praecepto, munda sunt animalia, et tunc in templo Dei offerebantur. Prae
aliis autem immundis in porcos mitti petierunt, quia nullum animal est
immundius porco: unde et porcus dicitur quasi spurcus, eo quod in spurcitiis
delectetur: sic et Daemones spurcitiis peccatorum delectantur. Non autem
petierunt ut in aerem mitterentur propter nimiam cupiditatem nocendi
hominibus. Sequitur et ait illis: ite. Chrysostomus in Matth. Non autem hoc fecit
Iesus quasi a Daemonibus persuasus, sed multa hinc dispensans: unum quidem ut
instruat magnitudinem nocumenti Daemonum, qui illis hominibus insidiabantur;
aliud, ut discant omnes quoniam neque adversus porcos audent, nisi ipse
concesserit; tertium, ut ostendat quod graviora in illos homines operati
essent quam in porcos, nisi essent homines illi inter calamitates divina
providentia adiuti: magis enim odio habent homines quam irrationalia. Per hoc
autem manifestum est, quoniam nullus est qui non potiatur divina providentia.
Si autem non omnes similiter neque secundum unum modum, et haec etiam
providentiae maxima species est; ad id enim quod unicuique expedit,
providentia ostenditur. Cum praedictis autem et aliud ex hoc discimus:
quoniam non communiter omni providet solum, sed singulariter unicuique: quod
in daemoniacis his aliquis aspiciet manifeste: qui olim suffocati essent,
nisi divina procuratione potiti essent. Propterea etiam concessit abire in
gregem porcorum, ut qui regiones habitabant illas, discant eius virtutem. Ubi
enim nullus eum cognoverat, fulgere faciebat miracula, ut eos in suae
divinitatis cognitionem trahat. Hieronymus. Non ergo ut concederet salvator
Daemonibus quod petebant, dixit ite, sed ut per interfectionem porcorum,
hominibus salutis occasio praeberetur. Sequitur at illi exeuntes, scilicet ab
hominibus, abierunt in porcos; et ecce magno impetu abiit totus grex praeceps
in mare, et mortui sunt in aquis. Erubescat Manichaeus. Si de eadem
substantia et ex eadem origine hominum bestiarumque sunt animae, quomodo ob
unius hominis vel duorum salutem, duo millia porcorum suffocantur? Chrysostomus in Matth. Ideo autem porcos
Daemones occiderunt, quia ubique homines in moestitiam mittere student, et de
perditione laetantur. Damni etiam magnitudo augebat eius quod factum erat
famam: a multis enim divulgabatur: scilicet ab his qui curati erant, a
porcorum dominis, et a pastoribus; unde sequitur pastores autem fugerunt, et
venientes in civitate nuntiaverunt omnia, et de his qui Daemonia habuerant;
et ecce tota civitas exiit obviam Iesus. Sed cum deceret eos adorare et
admirari virtutem, mittebant eum a se; unde sequitur et viso eo rogabant eum
ut transiret a finibus eorum. Intuere autem et Christi mansuetudinem post
virtutem: quia enim beneficia adepti abigebant eum, non restitit, sed
recessit; et eos qui indignos se nuntiaverunt eius doctrina, dereliquit, dans
eis doctores liberatos a Daemonibus, et porcorum pastores. Hieronymus. Vel quod rogant ut transeat fines
eorum, non de superbia hoc faciunt, sed de humilitate, qua se indignos domini
praesentia iudicabant; sicut et Petrus ait. Exi a me, domine, quia vir
peccator sum. Rabanus. Interpretatur autem Gerasa colonum
eiciens, vel advena propinquans, hoc est gentilitas, quae Diabolum a se
eiecit: et quae prius longe, modo facta est prope, post resurrectionem
visitata a Christo per praedicatores. Ambrosius super Lucam. Duo quoque daemoniaci
figuram populi gentilis accipiunt: quoniam cum tres filios Noe generavit,
Cham, Sem et Iaphet, Sem tantummodo familia in possessionem accita est Dei,
ex duobus autem aliis nationum populi pullularunt. Hilarius in Matth. Unde extra urbem, idest
extra legis et prophetarum synagogam, duos homines in monumentis Daemones
detinebant; duarum scilicet gentium origines, intra defunctorum sedes et
mortuorum reliquias obsederant, efficientes praetereuntibus viam vitae
praesentis infestam. Rabanus. Vel non immerito in monumentis illos
habitasse significavit: quid enim aliud sunt corpora perfidorum nisi quaedam
defunctorum sepulchra, quibus non Dei sermo, sed anima peccantis morte
recluditur? Dicit autem ita ut nemo posset transire per viam illam, quia ante
adventum salvatoris in via gentilitas fuit. Vel per duos, Iudaeos et gentes
accipe, qui non habitabant in domo; idest, conscientia sua non requiescebant.
In monumentis manebant, idest in operibus mortuis
delectabantur; nec sinunt per viam fidei, quam viam Iudaei impugnabant,
aliquem transire. Hilarius. Occursu autem eorum,
concurrentium ad salutem voluntas indicatur. Videntes autem Daemones non sibi
iam locum in gentibus derelinqui, ut patiatur habitare se in haereticis
deprecantur; quibus occupati, in mare, idest in cupiditatem saecularem,
Daemonum praecipitantur instinctu; et cum reliquarum gentium infidelitate
moriuntur. Vel porci sunt qui lutulentis delectantur
actibus: nam nisi quis porci more vixerit, non in eum Diaboli accipiunt
potestatem: aut ad probandum tantum, non ad perdendum accipiunt. Quod autem
in stagnum praecipitati sunt porci, significat quod, etiam liberato populo
gentium a damnatione Daemonum, in abditis agunt sacrilegos ritus suos qui
Christo credere noluerunt, caeca et profunda curiositate submersi. Quod autem
pastores porcorum fugientes ista nuntiant, significat quosdam etiam primates
impiorum, qui quamquam Christianam legem fugiant, potentiam tamen Christi
stupendo praedicare non cessant. Quod autem magno timore percussi, rogant ut
ab eis discedat, significat multitudinem vetusta sua vita delectatam,
honorare quidem se nolle Christianam legem, dum dicunt quod eam implere non
possunt. Hilarius. Vel urbs illa Iudaici populi
habuit speciem, quae, Christi operibus auditis, domino suo obviam pergit,
prohibens ne fines suos urbemque contingeret: neque enim Evangelia recepit. |
Versets 28-34.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 29.) Certains hommes ne voyaient dans Jésus-Christ que la nature
humaine; les démons vinrent proclamer sa divinité, afin que ceux qui
n’avaient point écouté la voix de la mer en fureur et soudain redevenue
calme, entendent la voix des démons; c’est l’objet des versets suivants: « Jésus étant passé à l’autre bord,
dans le pays des Géraséniens, vinrent à sa rencontre deux démoniaques ». — Raban : Gérasa est une
ville de l’Arabie, située au delà du Jourdain auprès du mont Galaad; elle
était habitée par la tribu de Manassès et n’était pas éloignée du lac de
Tibériade, dans lequel les pourceaux furent précipités. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv, 2, chap. 24.)
Saint Matthieu parle ici de deux possédés, saint Marc et saint Luc ne parlent
que d’un seul; cette différence s’explique en disant qu’il y en avait un des
deux plus connu et plus renommé, qui affligeait davantage cette contrée et
dont les habitants désiraient plus ardemment la guérison, guérison qui eut
aussi plus de retentissement. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29.) Ou bien saint Luc et saint Marc
ont choisi le plus furieux pour sujet de leur récit, et ils nous retracent
plus en détail ses souffrances. Saint Luc, en effet, dit qu’après avoir brisé
ses liens, il était emporté dans le désert, et saint Marc qu’il se
meurtrissait lui-même avec des cailloux. Cependant ils ne disent pas qu’il
était seul, pour ne pas donner l’impression d’être en contradiction avec
saint Matthieu. Nous voyons par ce qui suit qu’ils sortaient des tombeaux, ce
qu’ils faisaient pour accréditer cette erreur pernicieuse que les âmes de
ceux qui sont morts deviennent des démons. C’est par suite de cette erreur
qu’un grand nombre d’aruspices égorgent des enfants pour associer leur âme à
leurs criminelles opérations. C’est pour cela qu’on entend les possédés
s’écrier: « Je suis l’âme d’un tel ! » Ce n’est pas l’âme de
celui qui est mort qui s’exprime de la sorte, mais le démon qui emprunte sa
voix pour tromper ceux qui l’entendent; car si l’âme d’un mort pouvait entrer
dans un corps étranger, à plus forte raison pourrait-elle rentrer dans celui
qu’elle animait précédemment. Mais il est contraire à la raison de croire
qu’une âme qui souffre des peines injustes prête son concours à celui qui les
lui fait souffrir, ou qu’un homme puisse changer un être incorporel en une
autre substance, c’est-à-dire une âme en la substance du démon; car même pour
les corps, aucun homme ne peut réussir cela, et il ne pourrait par exemple
changer le corps d’un homme en celui d’un âne. D’ailleurs serait-il
raisonnable de penser qu’une âme séparée de son corps soit comme errante sur
la terre ? Les âmes des justes sont dans la main de Dieu (Sg 3); de même
aussi les âmes innocentes des enfants. Quant aux âmes des pécheurs, il est
certain, d’après l’histoire de Lazare et du mauvais riche, qu’elles sont aussitôt
enlevées de ce monde. (Lc 16.) Or
comme personne n’osait amener ces possédés à Jésus-Christ, à cause de la
cruauté de leurs pratiques démoniaques, il va lui-même les trouver.
L’Évangéliste nous donne une idée de leur fureur en ajoutant: « Ils étaient si furieux que personne
n’osait passerpar ce chemin ». Mais ces furieux qui empêchaient les
autres de passer trouvèrent à leur tour quelqu’un qui leur défendit d’aller
plus loin; ils se sentaient flagellés d’une manière invisible, et la présence
seule du Christ leur causait des tourments intolérables, comme nous le voyons
par ce qui suit: « Et ils se
mirent à pousser des cris, en disant : ‘qu’y-a-t-il entre nous et toi,
Jésus, Fils de Dieu ? ». —
Saint Jérôme : Mais ce n’est pas là cette confession
volontaire que Dieu se plaît à récompenser aussitôt, c’est la force de la
nécessité qui malgré eux leur extorque cet aveu. Ainsi lorsque des esclaves
ont pris la fuite, et que bien longtemps après ils se trouvent en présence de
leur maître, ils ne demandent qu’une chose, c’est d’échapper aux coups; ainsi
les démons se trouvant tout à coup devant le Seigneur qu’ils voient descendre
sur la terre, croyaient qu’il était venu pour les juger. Quelques auteurs
trouvent absurde de dire que les démons connaissaient le Fils de Dieu, tandis
que le prince des démons ne le connaissait pas, parce que leur malice est
moins grande et qu’ils ne sont que ses satellites. Est-ce que, en effet,
toute la science des disciples ne doit pas être rapportée au Maître ? —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, chap. 21.) Dieu ne se fit
connaître à eux qu’autant qu’il le voulut, et il ne le voulut qu’autant qu’il
le fallait. Il ne se manifesta donc pas à leurs regards comme la vie
éternelle et comme cette lumière qui éclaire les âmes pieuses, mais seulement
par quelques effets temporels de sa puissance et par quelques-uns de ces
signes secrets de sa puissance, qui sont sensibles pour les esprits
angéliques, même pour ceux qui sont mauvais, plutôt que pour la faiblesse de
notre nature. —
Saint Jérôme : Cependant il faut admettre que les
démons et le diable lui-même ont soupçonné qu’il était le Fils de Dieu, plus
qu’ils ne l’ont connu véritablement. — Saint Augustin : (quest. sur l’Anc. et le Nouir. Test.) Ce cri que poussent les démons: « Qu’y a-t-il de commun entre vous et nous, Jésus, Fils de Dieu » est plutôt l’expression d’un soupçon, que d’une connaissance certaine, car s’ils l’avaient connu, jamais ils n’auraient permis que le Seigneur de gloire fût crucifié. —
Saint Rémi : Toutes les fois qu’ils étaient
tourmentés par les effets de sa puissance, et qu’ils voyaient qu’il opérait
des signes et des miracles, ils croyaient que c’était le Fils de Dieu; mais
lorsqu’ils le voyaient soumis à la faim, à la soif et à d’autres nécessités
semblables, ils en doutaient et ils le regardaient comme un simple mortel.
Remarquons aussi que les Juifs incrédules, qui osaient dire que c’était par
Belzébul que le Seigneur chassait les démons, et les Ariens, qui prétendaient
que c’était une simple créature, méritent d’être condamnés tout à la fois et
par le jugement de Dieu et par la confession des démons qui proclament que
Jésus-Christ est le Fils de Dieu. C’est avec raison qu’ils disent: « Qu’y a-t-il de commun entre vous et
nous ? ». C’est-à-dire il n’y a rien de commun entre notre
malice et votre grâce, car, d’après l’Apôtre (2 Co 6), il n’y a point d’union possible entre la lumière et les
ténèbres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 20.) Ce qui prouve que cet aveu
n’était pas dicté par la flatterie, c’est qu’une douloureuse expérience les
force de s’écrier: « Vous êtes
venu nous tourmenter avant le temps. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, chap. 23.) Peut-être
regardaient-ils comme soudain ce qu’ils pensaient ne devoir leur arriver que
beaucoup plus tard; peut-être considéraient-ils comme leur perte ce qui
allait arriver, d’être dévoilés et couverts de mépris, et cela avant le jour
où ils entendraient l’arrêt de leur damnation éternelle. —
Saint Jérôme : La présence du Seigneur est elle-même
un tourment pour les démons. — Saint
Jean Chrysostome : (hom. 29.) Ils ne pouvaient pas dire qu’ils
n’avaient commis aucune faute, car Jésus-Christ les avait surpris faisant le
mal, en se faisant un jeu de tourmenter une créature de Dieu. Aussi
craignaient-ils qu’en raison de cette multitude de crimes dont ils étaient
coupables, il n’attendît pas, pour les punir, la sentence suprême du dernier
jugement. — Saint
Augustin : (de l’accord des Evang, liv. 2, chap. 24.) Que les paroles des démons aient été rapportées
différemment par les Évangélistes, il n’y a point à s’en inquiéter, car on
peut ramener toutes ces variantes à une seule pensée, ou bien supposer même
que toutes ces paroles ont été prononcées. On ne doit pas non plus s’étonner
que dans saint Matthieu les démons parlent au pluriel, tandis que les autres
Évangélistes les font parler au singulier, car ces derniers rapportent que le
démon à qui l’on demandait quel était son nom, répondit qu’il s’appelait
légion, parce qu’en effet ils étaient plusieurs démons. Ensuite : « Or il y avait non loin d’eux un nombreux troupeau de pourceaux
qui paissaient. Et les démons lui firent cette prière : ‘Si vous nous
chassez, envoyez-nous dans ce troupeau de porcs’ » —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. liv, 2, chap. 6.) Le démon sait fort bien qu’il ne peut rien faire par sa
propre puissance, puisque ce n’est point de lui même qu’il tient son
existence comme esprit. —
Saint Rémi : Ils ne demandèrent pas à entrer dans
d’autres hommes, parce que celui qui les tourmentait paraissait revêtu de la
nature humaine. Ils ne demandèrent pas non plus à entrer dans un troupeau de
moutons, car ces animaux étaient purs, d’après le commandement de Dieu, et
pouvaient être offerts dans le temple de Dieu. Parmi les animaux immondes,
ils choisirent de préférence les pourceaux, parce qu’il n’y a point d’animal
plus immonde. Le mot de pourceau en latin est même synonyme de « couvert
d’ordures », car cet animal se plaît au milieu des immondices. Comme eux
aussi les démons se plaisent dans les souillures du péché. Ils ne demandèrent
pas à être envoyés dans les régions de l’air, à cause de l’extrême désir
qu’ils ont de nuire aux hommes. Et il leur dit: « Allez. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29.) Ce n’est point comme
s’il était convaincu par eux que Notre Seigneur agit de la sorte, mais pour
plusieurs raisons dignes de sa sagesse: d’abord il voulait montrer combien
sont malfaisants les démons qui cherchaient à perdre ces hommes; en second
lieu il voulait nous apprendre que sans sa permission ils n’osent rien
entreprendre, même contre des pourceaux; troisièmement il faisait voir par là
qu’ils auraient fait endurer à ces hommes un traitement plus cruel qu’aux
pourceaux, si la divine providence n’était venue à leur secours dans leur
malheur, car les démons ont bien plus de haine contre les hommes que contre
les animaux. Nous avons encore ici une preuve évidente que chacun de nous est
l’objet des soins de la divine Providence; elle ne suit pas à l’égard de tous
les mêmes voies, elle n’emploie pas les mêmes moyens, et c’est en cela qu’éclate
surtout sa sagesse, car la Providence se révèle en procurant à chacun de nous
ce qui lui est le plus utile. En outre, par ce qui vient d’être dit, nous apprenons
encore autre chose : nous voyons aussi que non seulement elle a soin de
tous en général, mais de chacun de nous en particulier, et nous en serons
convaincus en considérant ce qui serait arrivé à ces possédés qui depuis
longtemps auraient été étouffés si la divine Providence n’avait veillé sur
eux. Jésus leur permit encore d’envahir ce troupeau de pourceaux, pour rendre
sa puissance plus sensible aux habitants de cette contrée. En effet, dans les
endroits où il n’était pas encore connu, il faisait des miracles plus
éclatants pour attirer les hommes à la connaissance de sa divinité. —
Saint Jérôme : Ce n’est donc pas pour accéder à leur
demande, que le Seigneur leur dit: « Allez »,
mais afin que la mort de ces pourceaux devint une occasion de salut pour les
hommes. L’Évangéliste ajoute: « Et
étant sortis (c’est-à-dire des possédés), ils entrèrent dans ces pourceaux,
et aussitôt tout le troupeau courut avec impétuosité se précipiter dans la
mer, et ils moururent dans les eaux. » Que le manichéen rougisse ici
de son opinion ! Si les âmes des hommes et celles des bêtes ont une même
substance et une même origine, comment deux mille porcs ont-ils été sacrifiés
pour sauver un ou peut-être deux hommes ? — Saint Jean Chrysostome : (hom.
29.) Les
démons firent périr ces pourceaux, parce qu’ils passent tout leur temps à
jeter les hommes dans la tristesse et à se réjouir de leurs pertes. La
grandeur du dommage augmentait la renommée de ce prodige. Bien des personnes
allaient le rendre public, ceux qui avaient été guéris, ceux à qui les
pourceaux appartenaient, et leurs gardiens; c’est ce que nous lisons dans la
suite du récit: « Ceux qui les
gardaient s’enfuirent, et étant venus à la ville, ils racontèrent tout ceci,
et ce qui était arrivé aux possédés des mauvais esprits, et aussitôt toute la
ville sortit au devant de Jésus. » Mais alors qu’ils auraient dû l’adorer
et admirer sa puissance, ils le renvoient loin d’eux. « Et l’ayant vu, ils le priaient de se retirer des confins de
leur pays. » Remarquez la douceur de Jésus-Christ après le miracle
de sa puissance. Ces hommes qu’il vient de combler de ses bienfaits le
chassent loin d’eux; il ne résiste pas et il se retire ; il abandonne
ceux qui se jugent indignes de sa doctrine, leur laissant pour docteurs ceux
qu’il vient de délivrer de la possession des démons, et les gardiens des
pourceaux. —
Saint Jérôme : Ou bien on peut dire que ce n’est
point par un sentiment d’orgueil, mais d’humilité, qu’ils prient Jésus de
s’éloigner de leur contrée. Ils se jugent indignes de la présence de Dieu, à
l’exemple de Pierre, qui disait: « Seigneur,
retirez-vous de moi, car je suis un homme pécheur. » — Raban : Le mot Gerasa signifie celui qui repousse son habitant, ou
bien l’étranger qui approche, c’est-à-dire la gentilité qui repousse loin
d’elle le démon, et qui, d’abord éloignée du Christ, s’approche de lui
lorsqu’après sa résurrection il la visite par ses Apôtres. —
Saint Ambroise : (Liv. 6 sur saint Luc, chap. 18.) Ces deux possédés du démon sont aussi
la figure des païens, car Noé ayant eu trois enfants, Sem, Cham et Japhet, et
la famille de Sem ayant seule formé le peuple de Dieu, ses deux frères sont
comme la souche de la multitude des nations païennes. —
Saint Hilaire : (can. 8 sur
S. Matthieu.) Voilà pourquoi les démons retenaient ces deux possédés hors
de la ville, hors de la synagogue, de la loi et des prophètes, parmi les
tombes; en effet, les origines de ces deux nations étaient comme situées au
milieu des demeures des défunts et des cadavres des morts, rendant le chemin
de la vie présente dangereux à tous ceux qui le traversent. — Raban : Ce n’est pas sans
raison que l’Évangéliste nous fait remarquer que ces deux possédés habitaient
dans les tombeaux. Que sont en effet, les corps de ceux qui sont infidèles [à
leur Dieu], si ce n’est des tombeaux où est renfermée non pas la parole de
Dieu, mais l’âme que les péchés ont mise à mort ? L’auteur sacré ajoute
que personne ne pouvait passer par ce chemin, parce qu’avant l’avènement du Seigneur
la gentilité était en marche. Ou bien encore, ces deux hommes représentent
les Juifs et les païens qui n’habitaient plus dans leur maison, c’est-à-dire
qui ne trouvaient plus de repos dans leur conscience, mais qui demeuraient
dans des tombeaux, c’est-à-dire se plaisaientudans des oeuvres mortes, et
personne ne pouvait plus passer par le chemin de la foi, que les attaques des
Juifs rendaient impraticable. — Saint Hilaire : (can.
8.) Ceux
qui viennent au devant de Jésus figurent le concours de ceux qui se portent
volontairement au devant du salut. Quant aux démons, voyant qu’ils ne peuvent
plus demeurer au milieu des Gentils, ils demandent avec instance qu’on leur
laisse habiter le cœur des hérétiques, et à peine s’en sont-ils emparés, que
par 1’instinct qui leur est naturel, ils les précipitent dans la mer,
c’est-à-dire dans les passions du monde, pour les y faire périr avec les
restes des infidèles. — Saint Bède : [référence à vérifier] Ou bien, les pourceaux
sont ceux qui mettent leur jouissance dans la fange du vice, car le démon n’a
de pouvoir sur personne à moins qu’il ne vive à la manière des pourceaux ou
s’il a quelque pouvoir, ce n’est point celui de perdre, mais d’éprouver. Ces
pourceaux qui ont été précipités dans le lac sont une figure de ceux qui
après que les Gentils ont été délivrés de la tyrannie des démons, ont refusé
de croire en Jésus-Christ et pratiquent dans des lieux retirés leurs rites
sacrilèges, aveuglés qu’ils sont et comme submergés dans les abîmes de leur
curiosité. Ces gardiens des pourceaux qui s’enfuient tout en annonçant ce
prodige figurent ces princes des impies qui, tout en ne voulant point se
soumettre à la loi chrétienne, ne cessent cependant de célébrer avec
admiration la puissance de Jésus-Christ. Ceux qui frappés d’une grande
crainte, prient le Seigneur de s’éloigner, représentent la multitude retenue
par la fausse douceur de ses anciennes habitudes, qui ne veut point rendre
honneur à la loi chrétienne, en disant qu’il lui est impossible de
l’accomplir. —
Saint Hilaire : Ou bien encore, cette ville est une
figure du peuple juif; elle entend parler des oeuvres du Christ, et va au
devant de son Seigneur, mais c’est pour lui défendre d’entrer sur les confins
de son territoire et dans ses murs, car elle n’a pas voulu recevoir la
prédication de l’Évangile. |
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Caput 9 |
CHAPITRE 9 —
[Les nombreux miracles qui démontrent la puissance et la grâce du Messie]
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Lectio 1 [85438] Catena in Mt.,
cap. Ioannes episcopus. Creator autem rerum, orbis
terrae dominus, posteaquam se propter nos nostra angustavit in carne, coepit
habere humanam patriam, coepit civitatis Iudaicae esse civis, parentes habere
coepit, parentum omnium ipse parens, ut attraheret caritas quos disperserat
metus. Chrysostomus in Matth. Civitatem autem
suam hic Capharnaum dicit: alia enim eum susceperat nascentem, scilicet
Bethlehem; alia eum nutrivit, scilicet Nazareth; alia autem habuit continue
habitantem, scilicet Capharnaum. Augustinus de Cons. Evang. Vel aliter.
Quod Matthaeus hic scribit de civitate domini, Marcus autem de Capharnaum,
difficilius solveretur, si Matthaeus Nazareth nominaret; nunc vero cum
potuerit ipsa Galilaea dici civitas Christi, quia in Galilaea erat Nazareth,
sicut universum regnum Romanum in tot civitatibus constitutum, dicitur modo
Romana civitas; quis dubitaverit ut veniens in Galilaeam dominus recte
diceretur venisse in civitatem suam, in quocumque esset oppido Galilaeae,
praesertim quia et ipsa Capharnaum extollebatur in Galilaea, ut tamquam
metropolis haberetur? Hieronymus. Vel civitatem eius non aliam
intelligamus quam Nazareth: unde et Nazarenus appellatus est. Augustinus de Cons. Evang. Et secundum hoc,
dicimus Matthaeum praetermisisse quae gesta sunt postea quam Iesus venit in
civitatem suam donec veniret Capharnaum, et hic adiunxisse de sanato
paralytico; sicut in multis faciunt praetermittentes media; tamquam hoc
continuo sequatur, quod sine ulla praetermissionis significatione subiungunt:
et hoc modo hic subditur et ecce offerebant ei paralyticum iacentem in lecto.
Chrysostomus in Matth. Paralyticus autem hic
alter est praeter eum qui in Ioanne patitur. Ille quidem in natatoriis
iacebat, hic autem in Capharnaum; ille famulis carebat, hic autem habebat eos
qui sui curam habebant, qui et portantes eum attulerunt. Hieronymus. Obtulerunt autem ei iacentem in
lecto, quia ipse ingredi non valebat. Chrysostomus in Matth. Non autem ubique ab
aegris solum quaerit fidem, puta cum insaniunt, vel aliter ab aegritudine in
excessu fuerint mentis; unde subditur videns autem Iesus fidem illorum. Hieronymus. Non eius qui offerebatur, sed
eorum qui offerebant. Chrysostomus in Matth. Quia igitur tantam
ostendunt fidem, monstrat et ipse suam virtutem, cum omni potestate solvens
peccata; unde sequitur dixit paralytico: confide, fili, remittuntur tibi
peccata. Ioannes episcopus. Quantum valet apud Deum
fides propria, apud quem sic valuit aliena, ut intus et extra sanaret
hominem? Audit veniam, et tacet paralyticus; nec ullam respondet gratiam,
quia plus corporis quam animae tendebat ad curam. Merito ergo Christus
offerentium recipit fidem, non vecordiam iacentis. Chrysostomus in Matth. Vel erat magna fides
etiam huius infirmi: non enim permisisset se submitti, ut alius Evangelista
dicit, per tectum, non credens. Hieronymus. O mira humilitas. Despectum et
debilem, totis membrorum compagibus dissolutum, filium vocat, quem sacerdotes
non dignabantur attingere; aut certe ideo filium, quia dimittuntur ei peccata
sua: ubi datur nobis intelligentia, propter peccata plerasque evenire
corporum debilitates. Et idcirco forsitan prius dimittuntur peccata; ut
causis debilitatis ablatis, sanitas restituatur. Chrysostomus in Matth. Scribae autem diffamare
volentes, etiam nolentes fecerunt clarere quod factum est; eorum enim aemulatione
ad signi ostensionem usus est Christus: hoc enim est superabundantia eius
sapientiae quod sua per inimicos manifestat; unde sequitur ecce quidam de
Scribis dixerunt intra se: hic blasphemat. Hieronymus. Legimus in propheta: ego sum qui
deleo omnes iniquitates tuas. Consequenter ergo Scribae, quia hominem
putabant, et verba Dei non intelligebant, arguunt eum vitio blasphemiae.
Videns autem cogitationes eorum, ostendit se Deum, qui potest cordis occulta
cognoscere, et quodammodo tacens loquitur: eadem potentia qua cogitationes
vestras intueor, possum et hominibus delicta dimittere. Ex vobis intelligite
quid paralyticus consequatur. Unde sequitur et cum vidisset Iesus
cogitationes eorum, dixit: ut quid cogitatis mala in cordibus vestris? Chrysostomus in Matth. Non quidem eorum
destruxit suspicionem, qua scilicet cogitabant eum praedicta dixisse ut Deum.
Si enim non esset aequalis Deo patri, oportebat eum dicere: longe sum ab hac
potestate, scilicet dimittendi peccata. Nunc autem contrarium firmavit sua
voce, et miraculi ostensione; unde subdit quid est facilius dicere:
dimittuntur tibi peccata tua, an dicere: surge et ambula? Quanto quidem anima
corpore potior est, tanto peccatum dimittere maius est quam corpus sanare.
Sed quia illud quidem non manifestum, hoc autem manifestum, facit minus, quod
est manifestius, ut demonstret maius, et non manifestum. Hieronymus. Utrum enim sint paralytico peccata
dimissa, solus noverat qui dimittebat; surge autem et ambula, tam ille qui
surgebat quam hi qui surgentem videbant, poterant approbare; quamquam eiusdem
virtutis sit et corporis et animae vitia dimittere. Inter dicere autem et
facere, multa distantia est. Sit ergo carnale signum, ut probetur spirituale;
unde sequitur ut autem sciatis quoniam filius hominis habet potestatem in
terra peccata dimittendi. Chrysostomus in Matth. Supra quidem paralytico
non dixit: dimitto tibi peccata, sed: dimittuntur tibi peccata; quia vero
Scribae resistebant, altiorem suam potentiam demonstrat, dicens: quia filius
hominis habet potestatem dimittendi peccata. Et ut ostendat se patri
aequalem, non dixit: filius hominis indiget aliquo ad dimittendum peccata,
sed: quoniam habet. Glossa. Haec autem verba, ut sciatis, possunt
esse Christi, vel Evangelistae; quasi Evangelista diceret: ipsi dubitabant
eum peccata dimittere; sed ut sciatis quoniam filius hominis habet
potestatem, ait paralytico. Si autem Christus dicatur pronuntiasse haec
verba, sic intelligentur: vos dubitatis me posse peccata dimittere; sed ut
sciatis quoniam filius hominis habet potestatem dimittendi peccata: quae
quidem oratio imperfecta est; sed subditur actus loco consequentis; unde
dicitur ait paralytico: surge et tolle lectum tuum. Ioannes episcopus. Ut quod fuit probatio
infirmitatis, sit testimonium sanitatis. Et vade in domum tuam; ne Christiana
fide curatus moriaris in perfidia Iudaeorum. Chrysostomus in Matth. Hoc autem praecepit, ut
non aestimetur phantasia esse quod factum est; unde ad veritatem facti
ostendendam subditur et surrexit, et abiit in domum suam. Sed tamen astantes
homines adhuc deorsum trahuntur; unde sequitur videntes autem turbae,
timuerunt et glorificaverunt Deum qui dedit talem potestatem hominibus. Si
enim bene cogitassent apud se, agnovissent quia filius Dei erat. Interim
autem non parum erat aestimare omnibus hominibus maiorem, et a Deo venire.
Hilarius in Matth. Mystice autem a
Iudaea repudiatus in civitatem suam revertitur. Dei civitas fidelium plebs
est: in hanc ergo introivit per navim, idest Ecclesiam, vectus. Ioannes episcopus. Non autem Christus
indiget navi, sed navis, Christo: quia sine caelesti gubernatione navis
Ecclesiae per mundanum pelagus ad caelestem portum non valet pervenire. Hilarius. In paralytico autem gentium
universitas offertur medenda. Hic itaque Angelis ministrandus offertur; hic
filius nuncupatur, quia Dei opus est; huic remittuntur animae peccata, quae
lex laxare non poterat: fides enim sola iustificat. Deinde virtutem
resurrectionis ostendit, cum sublatione lectuli, infirmitatem corporibus
docuit defuturam. Hieronymus. Iuxta tropologiam autem,
interdum anima iacens in corpore suo virtutibus dissolutis, a perfecto
doctore domino offertur curanda: unusquisque enim aeger petendae salutis
precatores debet adhibere, per quos actuum nostrorum clauda vestigia verbi
caelestis remedio reformentur. Sunt igitur monitores mentis qui animum
auditoris ad superiora erigunt, quamvis exterioris corporis debilitate
torpentem. Ioannes episcopus. Dominus autem in hoc
saeculo insipientium voluntates non quaerit; sed respicit ad alterius fidem;
nec medicus languentium respicit voluntatem, cum contraria requirat infirmus.
Rabanus. Surgere autem est animam a
carnalibus desideriis abstrahere; lectum tollere est carnem a terrenis
desideriis ad voluptatem spiritus attollere; domum ire est ad Paradisum
redire, vel ad internam sui custodiam, ne iterum peccet. Gregorius Moralium. Vel per lectum
voluptas corporis designatur. Iubetur itaque ut hoc sanus portet ubi infirmus
iacuerat: quia omnis qui adhuc vitiis delectatur, infirmus iacet in
voluptatibus carnis; sed sanatus hoc portat, quia eiusdem carnis contumelias
postmodum tolerat, in cuius intus prius desideriis requiescebat. Hilarius in Matth. Videntes autem turbae
timuerunt. Magni enim timoris res est, non dimissis a Christo peccatis, in
mortem resolvi: quia nullus est in domum aeternam reditus, si cui indulta non
fuerit venia delictorum. Cessante autem timore, honor Deo redditur, quod
potestas hominibus hac via data sit per verbum eius, et peccatorum
remissionis, et corporum resurrectionis, et reversionis in caelum. |
Versets 1-8
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30, sur S. Matth.) Notre Seigneur Jésus-Christ a montré précédemment
sa puissance par sa doctrine, lorsqu’il enseignait comme ayant autorité; dans
la guérison du lépreux [qu’il guérit] par ces seules paroles: « Je le veux, soyez guéri » ;
dans la personne du centurion qui lui dit: « Seigneur, dites seulement une parole et mon serviteur sera
guéri » ; sur la mer, dont il a enchaîné d’un seul mot la
fureur, et sur les démons qui ont confessé sa divinité. Ici par une nouvelle
et plus grande manifestation de sa puissance, il force ses ennemis de
reconnaître qu’il est l’égal de son Père en dignité. C’est ce que nous lisons
dans le passage suivant: « Et
Jésus, étant monté dans une barque, traversa la mer, et vint en sa
ville. » C’est dans une barque qu’il traverse le lac, bien qu’il pût
le traverser à pied; mais il ne voulait pas faire continuellement des
miracles pour ne pas détruire la divine économie de son incarnation. —
Jean, évêque. Le Créateur de toutes choses, le
Maître de l’univers, ayant résolu de se resserrer pour nous dans les limites
étroites de la chair, voulut avoir une patrie sur la terre, être citoyen
d’une ville juive; lui de qui vient toute paternité, toute parenté, voulut
avoir ici-bas des parents, afin d’attirer à lui par l’amour ceux que la
crainte en avait éloignés. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 30.) L’Évangéliste appelle Capharnaüm la ville du Seigneur; car il y avait la ville où il était né, qui était Bethléem; celle qui l’avait vu grandir, Nazareth, et la ville dont il fit ensuite son séjour ordinaire, c’est-à-dire Capharnaüm. — Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 25.) Autre chose : il serait plus difficile de
concilier saint Matthieu avec saint Marc, si saint Matthieu donnait le nom de
Nazareth à la ville que saint Marc appelle Capharnaüm, et que saint Matthieu
appelle simplement la cité du Seigneur. On conçoit très bien, au contraire,
que de même que l’empire romain, composé de contrées si diverses est
quelquefois désigné par le nom de cité romaine; ainsi la Galilée a pu être
appelée la cité du Christ, parce que Nazareth en faisait partie. Qui
hésiterait à dire que Notre Seigneur Jésus-Christ étant venu dans la Galilée,
l’Évangéliste a fort bien pu dire qu’il était venu dans sa ville, quelle que
fût la cité de la Galilée où il se trouvât, d’autant plus que Capharnaüm
était de beaucoup la ville la plus célèbre de cette région et en était
considérée comme la métropole ? —
Saint Jérôme : Ou bien il ne faut entendre par la
ville du Christ que la ville de Nazareth, d’où lui est venu le nom de
Nazaréen. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 25.)
D’après cette explication, il faut admettre que saint Matthieu a omis tout ce
que Jésus a fait lorsqu’il fut venu dans sa ville, jusqu’à son arrivée à
Capharnaüm, et qu’il a placé ici la guérison du paralytique. C’est ce que
font souvent les Évangélistes: ils omettent les faits intermédiaires et ils
donnent comme faisant suite à ce qui précède le fait qu’ils racontent
immédiatement, sans marquer la transition. C’est ainsi que l’Évangéliste nous
dit ici: « Et on lui présentait un
paralytique couché sur un lit. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
30.) Ce
paralytique n’est pas celui dont parle saint Jean (Jn 5); car celui-là était étendu dans la piscine, celui-ci se
trouvait à Capharnaüm. Le premier n’avait personne pour le servir; le second
recevait les soins de plusieurs personnes qui l’apportèrent aux pieds de
Jésus. —
Saint Jérôme : On le lui présenta sur un lit, car il
était impossible à cet homme de marcher. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30.) Jésus n’exige pas toujours la foi
des malades qui demandent leur guérison, par exemple, lorsqu’ils ont perdu la
raison, ou que leur âme est absorbée par l’excès de la douleur; c’est pour
cela que 1’Évangéliste ajoute: « Or,
Jésus voyant leur foi ». —
Saint Jérôme : Non pas la foi du paralytique qu’on
lui présentait, mais la foi de ceux qui le lui présentaient. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30.) Pour récompenser cette foi si
grande, il fait éclater lui-même sa puissance, et par la plénitude de son
pouvoir il remet les péchés au paralytique en lui disant: « Ayez confiance, mon fils, vos
péchés vous sont remis. » — Saint
Jean, évêque. Quel prix n’a pas auprès de Dieu la
foi personnelle, puisqu’une foi étrangère en a eu un si grand à ses yeux
qu’il accorde à cet homme la guérison de son âme et de son corps ? Le
paralytique entend le pardon qui lui est accordé, et il se tait, aucune
parole de reconnaissance; la guérison de son corps le préoccupait beaucoup
plus que celle de son âme. C’est donc avec raison que Jésus-Christ considéra
la foi de ceux qui le portaient plutôt que l’insensibilité du paralytique
lui-même. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30.) On peut dire aussi que la foi de
cet homme était grande, car s’il n’avait pas eu la foi, il n’aurait jamais
permis qu’on le descendit par le toit, comme le rapporte un autre
Évangéliste. (Mc 2; Lc 5.) —
Saint Jérôme : Admirable humilité ! Jésus
appelle son fils un homme délaissé, infirme, anéanti dans tous ses membres,
et que les prêtres dédaignent de toucher. Il peut encore l’appeler justement
son fils, parce qu’il lui a remis ses péchés. Nous pouvons apprendre par là que
presque toutes les maladies du corps sont la suite des péchés; et si Jésus
commence par remettre les péchés à cet homme, c’est afin que la santé lui
soit plus facilement rendue lorsqu’il aura fait disparaître les causes de la
maladie. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Les scribes, en cherchant à
diffamer le Seigneur, ne firent, contre leur volonté, que mettre dans un plus
grand jour le miracle qu’il avait opéré, car Jésus se servit de leur jalousie
pour le rendre plus éclatant; c’est là, en effet, un des traits de cette
inépuisable sagesse, de faire servir la malice de ses ennemis à la
manifestation de ses prodiges. C’est ce que l’Évangéliste rapporte en ces
termes: « Et voilà que quelques
scribes dirent en eux-mêmes: Cet homme blasphème. » — Saint
Jérôme : Nous lisons dans le Prophète (Is 43, 25): « C’est moi qui efface toutes vos iniquités. » D’après
ces paroles, les scribes, qui ne voyaient dans Jésus qu’un homme, et qui ne
comprenaient pas la portée des paroles de Dieu, l’accusent de blasphème. Mais
le Seigneur, en dévoilant leurs pensées, leur prouve qu’il est le Dieu qui
seul peut connaître le secret des cœurs, et son silence semble leur dire: En
vertu de la même puissance qui me fait pénétrer vos pensées, je puis remettre
aux hommes leurs péchés; comprenez par vous-mêmes ce que je puis faire pour
ce paralytique. C’est ce que signifient ces paroles: « Et Jésus ayant vu leurs pensées, leur dit: Pourquoi
pensez-vous du mal dans vos cœurs ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30.) Jésus ne détruisit pas le soupçon
qu’ils avaient, que c’était en tant que Dieu qu’il disait: « Vos péchés vous sont remis. »
S’il n’était pas l’égal de Dieu son Père, il devait dire: Je suis loin
d’avoir la puissance de remettre les péchés. Au contraire, il établit l’inverse
et par ses paroles, et par le prodige qu’il opère. Il ajoute donc: « Qu’est-il plus facile de dire: Vos
péchés vous sont remis, ou de dire: Levez-vous et marchez ? »
Plus l’âme est supérieure au corps, plus aussi [la guérison de l’âme par] la
rémission des péchés, l’emporte sur la guérison du corps. Mais ce dernier
prodige étant visible, tandis que le premier ne l’est pas, Jésus l’opère
quoiqu’il soit moindre, pour rendre certain le premier qui est moins évident. —
Saint Jérôme : Celui-là seul qui remettait les
péchés savait s’ils étaient remis au paralytique. Mais quant à l’effet de ces
paroles: « Levez-vous et
marchez », chacun pouvait en juger, celui qui se levait comme ceux
qui le voyaient. Quoiqu’il appartienne à la même puissance de guérir les infirmités
du corps et de l’âme; il y a cependant une grande différence entre dire et
faire. Le Seigneur fait donc un miracle matériel comme preuve de celui qu’il
opère spirituellement. « Or, ajoute-t-il, afin que vous sachiez que le Fils de
l’homme a sur la terre ce pouvoir de remettre les péchés. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30.) Il ne dit pas tout d’abord au
paralytique: « Je vous remets vos péchés », mais « Vos péchés vous sont remis. »
Or, comme les scribes se récriaient, il leur révèle qu’il a une puissance
plus élevée, et leur déclare « que
le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés » ; et
comme preuve qu’il est égal à son Père, il ne dit pas que le Fils de l’homme
a besoin d’un secours étranger pour remettre les péchés, mais qu’il a lui-même
ce pouvoir. — La Glose : Ces paroles: « afin que vous sachiez »
peuvent avoir été dites par Jésus-Christ, ou n’être qu’une réflexion de
l’Évangéliste, comme s’il disait: « Ils doutaient qu’il pût remettre les
péchés; mais afin que vous sachiez bien que le Fils de l’homme a ce pouvoir,
il dit au paralytique », etc... Si au contraire on suppose ces paroles
dans la bouche du Christ, voici le sens qu’on peut leur donner: « Vous
doutez que je puisse remettre les péchés, mais afin que vous sachiez que le Fils
de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés ». La construction
grammaticale de la phrase n’est point parfaite; mais l’Évangéliste remplace
ce qui devait suivre immédiatement par l’acte même que Jésus accomplit. Il
dit au paralytique: « Levez-vous
et emportez votre lit. » — Jean, évêque : Afin
que ce qui a été la preuve de sa maladie devienne un témoignage de sa
guérison. « et allez dans votre
maison. » Vous, guéri par la foi au Christ, ne restez pas davantage
au milieu de la perfidie des Juifs. — Saint
Jean Chrysostome : (hom. 30.) Jésus lui donne cet ordre afin
que l’on ne prenne pas pour une simple apparence la guérison qu’il vient
d’opérer, et c’est pour en démontrer la vérité que l’Évangéliste dit: « Il se leva et il alla dans sa
maison. » Et cependant ceux qui en furent témoins se traînent encore
dans des idées tout humaines. « Et
le peuple voyant cela fut saisi de crainte et glorifia Dieu »d’avoir
donné à des hommes un si grand pouvoir. Si leurs pensées avaient été justes
et droites, est-ce qu’ils n’auraient pas dû reconnaître que Jésus était le
Fils de Dieu ? Toutefois c’était déjà quelque chose que de le regarder
comme supérieur à tous les hommes, et comme l’envoyé de Dieu. —
Saint Hilaire : Il y a une signification mystérieuse
dans la conduite de Jésus revenant dans sa ville, après avoir été rejeté par
la Judée. La cité de Dieu, c’est le peuple fidèle; Jésus-Christ y est entré
porté par une barque, c’est-à-dire par son Église. — Jean, évêque : Il
n’a pas besoin de cette barque, mais la barque a besoin de Jésus-Christ, car
jamais, sans la direction qui vient du Ciel, le vaisseau de l’Église ne
pourrait traverser la mer du monde et arriver au port de l’éternité. —
Saint Hilaire : La personne du paralytique est la
figure de l’universalité des nations dont on demande la guérison; ce
paralytique est présenté au médecin par le ministère des anges, parce qu’il
est l’oeuvre de Dieu; il lui remet les péchés dont la loi ne pouvait le
délivrer, parce que la foi seule justifie le pécheur. Il est une preuve des
merveilleux effets de la résurrection, car en emportant son lit il nous
apprend que notre corps sera un jour affranchi de toute infirmité. —
Saint Jérôme : Dans le sens tropologique, on peut
voir ici l’image d’une âme qui vit sans force au milieu de son corps, après
avoir perdu toutes ses vertus, et que l’on présente au Seigneur, le docteur parfait,
pour être guérie. Tout homme atteint de cette maladie doit intéresser à son
état ceux qui peuvent demander à Dieu son salut, et, par leur intermédiaire,
à l’aide de la doctrine céleste, rendre la force à ses pas chancelants. Il y
a donc des conseillers de notre âme qui élèvent les âmes qui les écoutent
vers les choses supérieures, malgré la langueur où la retient la faiblesse de
son corps mortel. — Jean, évêque : Le
Seigneur sur cette terre ne s’inquiète pas du désir des insensés, mais il a
égard à la foi d’autrui; c’est ainsi que le médecin ne s’arrête point à la
volonté des malades, lorsqu’ils demandent des choses qui leur sont
contraires. — Raban : Se lever, c’est arracher son âme aux désirs de la chair; enlever son
lit, c’est élever son corps des désirs de la terre jusqu’aux aspirations de
l’esprit; aller dans sa maison, c’est retourner au paradis, ou a la garde
intérieure de soi-même, pour ne plus retomber dans le péché. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 23, 15.) Ou bien par le lit on peut
entendre les voluptés sensuelles; on ordonne à celui qui a recouvré la santé
de porter ce lit où il était couché pendant sa maladie; car tout homme qui
trouve encore son plaisir dans le vice, est comme étendu sans force au milieu
des voluptés de la chair. Mais lorsqu’il est guéri, il porte ce lit, parce
qu’il supporte les assauts de cette même chair, au lieu de se reposer comme
auparavant dans ses désirs coupables. — Saint Hilaire : (can. 8 sur S. Matth.) La foule, à la vue de ce miracle, fut saisie de crainte; en effet, c’est un grand sujet d’effroi de tomber entre les mains de la mort avant que Jésus-Christ nous ait pardonné nos péchés, car sans ce pardon il n’y a point de retour possible dans notre éternelle demeure. Lorsque cette crainte vient à cesser, on rend gloire à Dieu de ce que par le moyen de son Verbe il a donné aux hommes le pouvoir de remettre les péchés, de ressusciter les corps et de rouvrir les portes du ciel. |
Lectio 2 [85439] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. Ceteri Evangelistae propter verecundiam et honorem
Matthaei, noluerunt eum nomine appellare vulgato, sed dixerunt levi: duplici
enim vocabulo fuit. Ipse autem Matthaeus (secundum illud Salomonis Prov. 18,
17: iustus accusator est sui) Matthaeum se et publicanum nominat, ut ostendat
legentibus nullum debere salutem desperare, si ad meliora conversus sit, cum
ipse de publicano in apostolum sit repente mutatus. Glossa. Dicit autem sedentem in telonio,
idest in domo ubi vectigalia congregantur. Erat enim telonearius dictus a
telon Graece, quod est vectigal. Chrysostomus in Matth. Per hoc ergo
monstrat vocantis virtutem: quoniam non desistentem a periculoso officio ex
mediis ipsum evulsit Remigius. Humana etiam
pericula, quae ei a principibus accidere poterant, parvipendit, dum officii
sui rationes imperfectas reliquit; unde sequitur et surgens secutus est eum.
Et quia terrena lucra deseruit ideo iure factus est dominicorum talentorum
dispensator. Hieronymus. Arguit autem in hoc loco
Porphyrius et Iulianus Augustus vel imperitiam historici mentientis, vel
stultitiam eorum qui statim secuti sunt salvatorem; quasi irrationabiliter
quemlibet vocantem hominem sunt secuti, cum tantae virtutes tantaque signa
praecesserint, quae apostolos, antequam crederent, vidisse non dubium est.
Certe fulgor ipse, et maiestas divinitatis occultae, quae etiam in facie
refulgebat humana, ad se videntes trahere poterat in primo aspectu. Si enim
in magnete lapide haec esse vis dicitur ut ferrum trahat, quanto magis
dominus omnium creaturarum ad se trahere poterat quos volebat? Chrysostomus in Matth. Sed cur non cum Petro
et Ioanne et aliis eum vocavit? Quoniam durius adhuc dispositus erat; sed
post multa miracula et multam Christi famam, quando aptiorem eum ad
obedientiam scivit qui intima cordis novit. Augustinus de Cons. Evang. Vel probabilius
videtur quod haec praetermissa recordando Matthaeus commemorat: quia ante sermonem
habitum in monte credendum est vocatum esse Matthaeum: in eo quippe monte
tunc Lucas commemorat omnes duodecim electos, quos apostolos nominat. Matthaeus enim vocationem suam refert inter
miracula: magnum enim miraculum fuit quod publicanus factus est apostolus. Chrysostomus in Matth. Quid est autem quod de
aliis apostolis non dicitur qualiter et quando sunt vocati, nisi de Petro et
Andrea et Iacobo et Ioanne et Matthaeo? Hi enim maxime erant in
inconvenientibus, et humilibus studiis: neque enim telonii officio est
aliquid deterius, neque piscatione vilius. Glossa. Congruam autem caelestis beneficii
vicem impendens Matthaeus, Christo magnum convivium in domo sua paravit, ut
illi commodaret sua temporalia a quo expectabat perpetua bona; unde sequitur
et factum est discumbente eo in domo. Augustinus de Cons. Evang. Hic Matthaeus non
expressit in cuius domo discumbebat Iesus; unde posset videri non hoc ex
ordine subiunxisse, sed quod alio tempore factum est recordatus
interposuisse; nisi Marcus et Lucas, qui hoc omnino similiter narrant,
manifestarent, in domo levi, hoc est Matthaei, discubuisse Iesum. Chrysostomus in Matth. Honoratus autem
Matthaeus ingressu Christi in domum eius, omnes publicanos, qui erant eiusdem
artis, convocavit; unde sequitur ecce multi publicani et peccatores venientes
discumbebant cum Iesu et discipulis eius. Glossa. Publicani enim vocantur qui publicis
negotiis implicantur, quae sine peccato aut vix aut nunquam possunt tractari.
Et pulchrum fuit praesagium: quia qui apostolus et doctor gentium erat
futurus, in prima sua conversione peccantium gregem post se trahit ad
salutem; ut iam perficeret exemplo quod perficere debebat et verbo. Hieronymus. Tertullianus hos dicit fuisse
ethnicos, dicente Scriptura: non erit vectigal pendens ex Israel; quasi
Matthaeus non fuerit Iudaeus. Dominus autem non convivatur cum ethnicis, cum
id maxime caveret, ne legem solvere videretur, qui et discipulis praecepit:
in viam gentium ne abieritis. Viderant autem publicanum a peccatis ad meliora
conversum, locum invenisse poenitentiae, et ob id etiam ipsi non desperant
salutem. Chrysostomus in Matth. Unde accesserunt ad
redemptorem nostrum, et non solum ad colloquendum, sed etiam ad convescendum
recepti sunt: non enim solum disputans aut curans aut arguens inimicos, sed
etiam convescens emendabat multoties eos qui male dispositi erant, per hoc
docens nos quoniam omne tempus et omne opus potest nobis tribuere utilitatem.
Hoc autem videntes Pharisaei indignati sunt: de quibus subditur et videntes
Pharisaei dicebant discipulis eius: quare cum publicanis et peccatoribus
manducat magister vester? Notandum, quod cum discipuli visi sunt peccare,
Christum alloquuntur dicentes: ecce discipuli tui faciunt quod non licet
facere in sabbato; hic apud discipulos Christo detrahunt; quae omnia
malignantium erant, et volentium separare a doctore corda discipulorum. Rabanus. Duplici autem errore tenebantur, quia
et se iustos arbitrabantur, qui superbiae fastu a iustitia longe
discesserant, et eos criminabantur iniustos qui resipiscendo a peccatis,
iustitiae appropinquabant. Augustinus de Cons. Evang. Lucas autem
aliquando differentius hoc videtur commemorasse, secundum quem Pharisaei
dicunt discipulis: quare cum publicanis et peccatoribus manducatis et
bibitis? Christo et discipulis eius hoc obiectum insinuantes. Sed cum
discipulis dicebatur, magis magistro obiciebatur, quem sectando imitabantur.
Una est ergo sententia: et tanto melius insinuata, quanto quibusdam verbis,
manente veritate, mutata. Hieronymus. Neque vero in pristinis
permanentes veniunt ad Iesum, ut Pharisaei et Scribae murmurant, sed
poenitentiam agentes; quod et praesens sermo domini significat; unde sequitur
at Iesus audiens ait: non est opus valentibus medicus, sed male habentibus.
Rabanus. Seipsum medicum dicit, qui miro
medicandi genere propter iniquitates nostras vulneratus est, ut vulnus
peccatorum nostrorum sanaret. Sanos quidem eos appellat, qui suam volentes
statuere iustitiam, verae Dei iustitiae subiecti non sunt. Male habentes eos
vocat, qui suae fragilitatis conscientia devicti, nec per legem videntes se
iustificari, poenitendo se submittunt gratiae Dei. Chrysostomus in Matth. Postquam a communibus
opinionibus eos allocutus est, alloquitur eos ex Scripturis, cum dicit euntes
autem discite quid est: misericordiam volo, et non sacrificium. Hieronymus. De propheta, scilicet Osee, sumens
testimonium, sugillat Scribas et Pharisaeos, qui se iustos aestimantes,
peccatorum et publicanorum consortia declinabant. Chrysostomus in Matth. Ac si dicat: cur
accusatis me, quoniam peccatores corrigo? Ergo et Deum patrem ex hoc
incusate. Sicut enim ille vult peccatorum emendationem, ita et ego. Et sic
ostendit non solum non esse prohibitum quod incusabant, sed et secundum legem
maius esse sacrificio: non enim dixit: misericordiam volo et sacrificium; sed
hoc iniunxit, illud autem eiecit. Glossa. Non tamen despicit Deus
sacrificium, sed sacrificium sine misericordia. Faciebant autem Pharisaei
saepe sacrificia in templo, ut iusti apparerent coram populo; sed non
exercebant misericordiae opera, in quibus probatur vera iustitia. Rabanus. Admonet itaque eos, ut per
opera misericordiae sibimetipsis supernae misericordiae praemia requirant; et
non, contemptis pauperum necessitatibus, per oblationem sacrificiorum se Deo
placere confidant; unde dicit euntes, scilicet a temeritate stultae
vituperationis ad diligentiorem Scripturae sanctae meditationem, quae
misericordiam maxime commendat; unde et suum de misericordia exemplum eis
proponit, dicens non enim veni vocare iustos, sed peccatores. Augustinus de Cons. Evang. Lucas
addidit: in poenitentiam; quod ad explanandam sententiam valet, ne quisquam
peccatores ob hoc ipsum quod peccatores sunt, diligi arbitretur a Christo:
cum et illa similitudo de aegrotis bene intimet quid velit Deus vocando
peccatores. Tamquam medicus aegros, utique ut ab iniquitate, tamquam ab
aegritudine, salvi fiant; quod fit per poenitentiam. Hilarius in Matth. Omnibus
autem Christus venerat: quomodo ergo non se iustis venisse dicit? Erant ergo
quibus necesse non erat ut veniret? Sed nemo iustus ex lege est. Ostendit ergo inanem iustitiae iactantiam, quia sacrificia infirmis ad
salutem, misericordia erat universis in lege positis necessaria. Chrysostomus in Matth. Unde ironice
videtur ad eos loquens, sicut cum dicitur: ecce iam Adam factus est quasi
unus ex nobis. Quoniam enim nullus iustus erat in terra,
Paulus significat dicens: omnes peccaverunt, et egent gloria Dei. In hoc
autem et illos mitigavit qui vocati erant; quasi dicat: tantum renuo
abominari peccatores, quin propter eos solos adveni. Rabanus. Vel quia qui iusti erant, sicut
Nathanael et Ioannes Baptista, non erant ad poenitentiam invitandi. Vel non
veni vocari iustos falsos, qui de iustitia sua gloriantur, ut Pharisaeos, sed
illos qui se peccatores cognoscunt. Per Matthaei autem et publicanorum
vocationem fides gentium exprimitur, qui prius mundi lucris inhiabant, et
nunc spiritualiter cum domino reficiuntur; per superbiam Pharisaeorum,
invidia Iudaeorum de salute gentium. Vel Matthaeus significat hominem
terrenis lucris inhiantem, quem videt Iesus, dum oculo misericordiae
respicit. Matthaeus enim interpretatur donatus, levi assumptus: poenitens
autem a massa perditorum assumitur, et gratia Dei Ecclesiae donatur. Et ait
illi Iesus: sequere me, vel per praedicationem, vel per Scripturae
admonitionem, vel per internam inspirationem. |
Versets 9-13
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 31.) Après avoir opéré ce miracle, Jésus ne demeura pas dans ce même
endroit, pour ne pas donner un nouvel aliment à la jalousie des Juifs.
Imitons nous-mêmes cet exemple, et n’opposons pas de résistance obstinée à
ceux qui nous dressent des embûches. C’est pour cela que l’écrivain sacré
ajoute: « Et Jésus partant de là (du
lieu où il avait fait le miracle) vit
un homme assis au bureau des impôts et qu’on appelait Matthieu. » — Saint Jérôme : Les autres Évangélistes n’ont pas voulu, par honneur et par respect pour lui, l’appeler du nom commun de Matthieu; ils l’ont appelé Lévi, car il portait ces deux noms. Mais quant à lui il met en pratique cette maxime de Salomon: « Le juste est son propre accusateur » (Pv 18, 17), et se fait connaître sous le nom de Matthieu comme publicain; il apprend ainsi à ceux qui liront son Évangile, que nul ne doit désespérer de son salut, s’il veut rentrer dans les sentiers de la vertu, puisque lui-même a été changé en un instant de publicain en apôtre. — La Glose : Il était assis au bureau des impôts, c’est-à-dire dans une de ces maisons
où l’on percevait les impôts; car le nom qui lui est donné (teloniarius), receveur des impôts,
vient du mot grec τελος, qui signifie impôt. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 31 sur S. Matth.) Ce qui fait éclater encore davantage la puissance de celui qui l’appelle, c’est qu’il n’attend pas que Matthieu abandonne cette profession pleine de dangers, il l’arrache aux maux qui l’environnaient, comme Paul encore dans la fougue de ses égarements. (Ac 9.) Et il lui dit « Suivez-moi. » Vous avez vu la puissance de Dieu qui l’appelle, admirez aussi l’obéissance de celui qui est appelé. Il n’oppose aucune résistance; il ne demande pas d’aller chez lui pour faire part de son dessein à sa famille. — Saint Rémi :
Il compte même pour rien le danger qu’il courait de la part de ses chefs, en
quittant son emploi sans avoir réglé ses comptes. « Et se levant, il le
suivit. » Il a sacrifié
les gains d’une profession tout humaine; par une juste compensation, il est
devenu le dispensateur des talents du Seigneur. —
Saint Jérôme : Porphyre et l’empereur Julien
accusent ici, ou l’Évangéliste d’avoir menti avec peu d’habileté, ou les
disciples d’avoir suivi tout aussitôt le Seigneur sans aucune réflexion,
comme s’ils s’étaient rangés contre toute raison sous la conduite du premier
venu qui les appelait à le suivre. Mais au contraire, il n’est pas douteux
que les Apôtres avant de croire avaient été les témoins des plus grands
miracles et des plus grands prodiges. Est-ce que d’ailleurs l’éclat et la
majesté de la divinité qui, toute cachée qu’elle était, resplendissait sur la
figure humaine du Seigneur, ne suffisaient pas pour attirer à lui au premier
abord ceux qui le voyaient ? Car si la pierre d’aimant a, dit-on, la
force d’attirer à elle le fer, quelle puissance bien plus grande n’avait pas
le Seigneur de toutes les créatures pour attirer à lui tous ceux qu’il
voulait. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
31 sur S. Matth.) Mais pourquoi Jésus-Christ ne
l’a-t-il pas appelé en même temps que Pierre, Jean et les autres
apôtres ? C’est qu’alors ses dispositions étaient encore imparfaites, et
celui qui voit le fond des cœurs voulut attendre que ses nombreux miracles et
l’éclat de sa réputation lui aient rendu l’obéissance plus facile. — Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 26.) Ou bien il paraît plus probable que saint Matthieu, en parlant ici de sa vocation, rappelle un fait qu’il avait omis précédemment; car on doit admettre que cette vocation précéda le sermon sur la montagne, puisque saint Luc (Lc 6) y fait mention des douze élus auxquels il donne le nom d’apôtres. — La Glose : [référence à vérifier] Saint
Matthieu place sa vocation parmi les miracles; ce fut en effet un grand
miracle qu’un publicain devenu apôtre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31.) Mais pourquoi donc, à l’exception
de Pierre, d’André, de Jacques, de Jean et de Matthieu, ne nous est-il pas
dit comment et à quelle époque eut lieu la vocation des autres apôtres ?
C’est que ceux que nous venons de nommer appartenaient surtout à des
professions basses et obscures; car il n’y avait rien de moins honorable
alors que la profession d’un receveur d’impôts ou le métier de pêcheur. — La Glose : Matthieu voulant
témoigner à Jésus-Christ sa digne reconnaissance pour le céleste bienfait de
sa vocation, lui prépare un grand repas dans sa maison; et il offre ainsi ses
biens de la terre à celui dont il attendait les biens de l’éternité. « Et il arriva, nous dit-il, que comme Jésus était à table dans la
maison. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 27.)
Saint Matthieu n’explique pas ici chez qui Jésus était à table; on pourrait
donc supposer que ce fait ne suit pas immédiatement celui qui précède, mais
qu’il s’est passé antérieurement, et que saint Matthieu ne le raconte ici que
suivant l’ordre de ses souvenirs, si d’ailleurs saint Marc et saint Luc, qui
racontent cet épisode exactement de la même façon, ne nous apprenaient que
c’est dans la maison de Lévi ou de Matthieu que Jésus s’est mis à table. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31.) Matthieu, honoré de ce que
Jésus-Christ daignait entrer dans sa maison, invita avec lui tous les
publicains qui étaient de la même profession. « Et voici, nous dit-il, que beaucoup de publicains et de
pécheurs vinrent y prendre place ». — La Glose : On appelle
publicains ceux dont la vie se passe au milieu des embarras des affaires
publiques, que l’on ne peut jamais ou presque jamais manier sans péché. Et ce
fut là un magnifique présage, de voir celui qui devait être l’apôtre et le
docteur des nations, dès le premier moment de sa conversion, attirer après
lui dans les voies du salut la foule des pécheurs et former déjà par son
exemple à la perfection ceux qu’il devait y conduire par sa parole. — Saint Jérôme : Tertullien prétend que ces publicains étaient des païens, et il appuie son sentiment sur cette parole de l’Écriture: « Il n’y aura point d’impôt en Israël, » comme si saint Matthieu lui-même n’eût pas été juif. Ajoutons que le Seigneur ne mangeait pas avec les païens; car il évitait avec le plus grand soin de paraître détruire la loi, lui qui avait dit à ses disciples: « N’allez pas dans la voie des nations. » Or ces publicains, voyant un des leurs se convertir du péché à une meilleure vie, et obtenir ainsi la grâce du repentir, ne désespèrent plus eux-mêmes de leur salut. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
31.) Ils
s’approchèrent donc de notre Rédempteur, et ils furent admis non seulement à
lui parler, mais encore à manger avec lui. Ce n’était pas seulement en discutant avec
ses ennemis, en guérissant leurs malades, ou en les reprenant de leur malice,
mais en mangeant avec eux qu’il ramenait bien souvent ceux qui étaient mal
disposés à son égard. Il nous apprenait ainsi que chacun des instants comme
chacune des actions de notre vie peut être pour nous l’occasion d’avantages.
Or, les pharisiens à cette vue furent indignés, et c’est d’eux que
l’Évangéliste ajoute: « Ce que
voyant les pharisiens, ils dirent à ses disciples: Pourquoi votre Maître
mange-t-il avec des publicains et les pécheurs ? ». Il est à
remarquer que lorsqu’ils croient surprendre les disciples en faute, ils
s’adressent à Jésus-Christ. « Voyez, lui disent-ils, vos disciples font
ce qu’il n’est pas permis de faire le jour du sabbat. » Ici c’est auprès
des disciples qu’ils accusent le Christ. Toute cette conduite témoignait de
leur malice et du désir qu’ils avaient de séparer du Maître le cœur de ses
disciples. — Raban : Ils étaient sous
le coup d’une double erreur: premièrement ils se croyaient justes, eux que
leur orgueil plein de faste tenait si loin de la justice; en second lieu, ils
regardaient comme coupables les méchants qui renonçaient à leur vie de péché
et se rapprochaient de la vertu. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 27.)
Saint Luc paraît raconter le même fait en termes tant soit peu différents.
D’après son récit, les pharisiens disent aux disciples: « Pourquoi mangez-vous avec les publicains et avec les
pécheurs ? » faisant ainsi tomber à la fois ce reproche sur
Jésus-Christ et sur ses disciples. Mais en adressant ce reproche aux
disciples, ne l’adressent-ils pas au Maître lui-même, dont les Apôtres
faisaient profession de suivre les exemples ? La pensée est donc la
même, et elle est d’autant plus certaine qu’elle est exprimée en termes
différents, avec le même fond de vérité. —
Saint Jérôme : Ceux qui viennent à Jésus ne
persévèrent pas dans leurs habitudes mauvaises, comme le disent en murmurant
les scribes et les pharisiens; mais ils sont conduits par le repentir comme
le Seigneur le fait connaître par ces paroles: « Mais Jésus les ayant entendus leur dit: Ce ne sont pas ceux
qui se portent bien qui ont besoin du médecin, mais les malades ». —
Raban : Jésus se déclare médecin, lui qui par
un traitement vraiment admirable a voulu être blessé pour nos péchés, afin de
guérir les blessures de nos iniquités. Il appelle bien portants ceux qui,
voulant établir leur propre justice, ne sont pas soumis à la véritable
justice de Dieu. (Rm 10.) Il donne
le nom de malades à ceux qui, vaincus par le sentiment de leur propre
fragilité, et qui persuadés d’ailleurs que la loi est impuissante pour les
justifier, se soumettent à la grâce de Dieu par le repentir. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
31.) Après
avoir raisonné avec eux en suivant les principes ordinaires de la raison, il
leur cite l’Écriture, et leur dit: « Allez
et apprenez ce que veut dire cette parole: Je veux la miséricorde et non pas
le sacrifice (Os 6, 6). » —
Saint Jérôme : Il emprunte ce témoignage au prophète
Osée pour condamner la sévérité des scribes et des pharisiens qui, se
regardant comme justes, évitaient tout contact avec les pécheurs et les
publicains. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31.) C’est comme s’il leur disait:
Pourquoi me faites-vous un crime de convertir les pécheurs ? Mais alors
accusez de cela Dieu le Père lui-même. Car je désire la conversion des
pécheurs comme il la désire. C’est ainsi qu’il leur démontre que non-seulement
la loi ne défend pas ce qu’ils lui reprochaient, mais qu’elle place même sa
manière d’agir au-dessus du sacrifice. Car il ne dit pas: Je veux la
miséricorde et le sacrifice; mais il fait un précepte de la miséricorde, en
excluant le sacrifice. — La Glose : Ce n’est pas
cependant que Dieu rejette le sacrifice, mais le sacrifice séparé de la
miséricorde; mais [il condamne ici la conduite] des pharisiens qui offraient
de fréquents sacrifices dans le temple pour paraître justes aux yeux du
peuple, sans pratiquer les oeuvres de miséricorde, qui sont la preuve de la
véritable justice. — Raban : Il leur enseigne
donc à mériter par des oeuvres de miséricorde les récompenses de la
miséricorde divine, et à ne pas se flatter que leurs sacrifices seront
agréables à Dieu, s’ils y joignent le mépris des besoins du pauvre. C’est
pourquoi il ajoute: « Allez, »
c’est-à-dire quittez ces sentiments de blâme aussi téméraire qu’insensé pour
une méditation plus profonde de le la sainte Écriture qui fait ressortir
davantage la miséricorde. Il termine en se proposant lui-même comme exemple
de la miséricorde qu’ils doivent pratiquer. « Car je ne suis pas venu, dit-il, pour appeler les justes, mais les pêcheurs. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 27.)
Saint Luc ajoute: « à la
pénitence, » ce qui explique clairement la pensée du Seigneur, afin
que personne ne croie qu’il aime les pécheurs en tant que pécheurs.
D’ailleurs cette comparaison avec les malades nous fait bien connaître les
desseins de Dieu en appellant les pécheurs; il recherche les pécheurs comme
un médecin recherche les malades, pour les délivrer de leurs iniquités, qui
sont une véritable maladie, ce qui ne peut se faire que par la pénitence. — Saint Hilaire : (can. 9 sur S. Matth.) Est-ce que le Christ
n’était pas venu pour tous les hommes ? Comment donc peut-il dire qu’il
n’est pas venu pour les justes ? Il était donc des hommes pour qui sa
venue n’était pas nécessaire ? Non, mais c’est que personne n’est juste
par la loi; Jésus montre donc le néant de cette prétention à la justice, car
les sacrifices [de l’ancienne loi] étant impuissants pour la justification,
tous ceux qui vivaient sous la loi avaient besoin de la miséricorde. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31 sur
S. Matth.) C’est ce qui nous ferait croire à une ironie de la part de
Jésus-Christ comme dans ces autres paroles de Dieu: « Voici qu’Adam est devenu comme un de nous, »
car saint Paul nous déclare positivement que personne n’est juste sur la
terre: « Tous ont péché, dit-il, et ont besoin de la gloire de Dieu. »
(Rm 3) Par là même aussi, il calme
les inquiétudes de ceux qui étaient appelés, en leur disant: « Je suis
si loin d’avoir en horreur les pécheurs, que ce n’est que pour eux seuls que
je suis venu. » — Raban : Ou bien c’est parce que ceux qui étaient justes (comme Nathanaël et Jean-Baptiste) n’avaient pas besoin qu’on les appelât à la pénitence. Ou bien encore, « je ne suis pas venu appeler les faux justes qui, comme les pharisiens, se glorifient de leur justice, mais ceux qui se reconnaissent pécheurs ». La vocation de saint Matthieu et celle des publicains représente la foi des Gentils qui auparavant soupiraient avec ardeur après les richesses de la terre, et qui maintenant réparent leurs forces dans la compagnie du Seigneur. L’orgueil des pharisiens est la figure de la jalousie des Juifs à la vue de la conversion des Gentils. Ou bien Matthieu signifie l’homme qui poursuit avidement les biens de la terre, et que Jésus regarde, lorsqu’il jette sur lui les yeux de la miséricorde. Le nom de Matthieu signifie donné; celui de Lévi, choisi, car le pénitent est choisi du milieu de la masse de ceux qui se perdent et il est donné à l’Église par la grâce de Dieu. Et Jésus lui dit: « Suivez-moi. » Jésus donne cet ordre au pêcheur, ou par la prédication, ou par la voix des Écritures, ou par une inspiration intérieure. |
Lectio 3 [85440] Catena in Mt.,
cap. 9 l. 3 Glossa. Cum de convivio
peccatorum et de participatione respondisset eis, de comestione eum
aggrediuntur; unde dicitur tunc accesserunt ad eum discipuli Ioannis
dicentes: quare nos et Pharisaei ieiunamus frequenter, discipuli autem tui
non ieiunant? Hieronymus. Superba interrogatio, et ieiunii
reprehendenda iactantia. Nec poterant discipuli Ioannis non esse sub vitio,
qui iungebantur Pharisaeis, quos a Ioanne noverant condemnatos; et
calumniabantur eum quem sciebant magistri vocibus praedicatum. Chrysostomus in Matth. Quod autem dicunt, tale
est: esto tu ut medicus haec facis; sed cur discipuli tui dimittentes
ieiunium, talibus mensis accedunt? Deinde incusationem ex comparatione augere
volentes, primo seipsos ponunt, et deinde Pharisaeos. Ieiunabant illi quidem
a lege discentes, sicut et Pharisaeus dixit: ieiuno bis in sabbato; ipsi
autem a Ioanne. Rabanus. Ioannes enim vinum et siceram non
bibit: quod abstinentiae meritum in eo auget, cui nulla est potentia naturae.
Dominus autem qui peccata potest condonare, cur a peccatoribus manducantibus
declinaret, quos abstinentibus poterat facere iustiores? Ieiunat autem
Christus, ne praeceptum declinet; manducat autem cum peccatoribus, ut gratiam
et potestatem intelligas. Augustinus de Cons. Evang. Sed cum Matthaeus
tantum discipulos Ioannis hoc dixisse perhibeat, verba quae apud Marcum
leguntur, magis indicant alios hoc dixisse de aliis, idest convivas de
discipulis Ioannis et Pharisaeis: quod Lucas evidentius expressit, qui alios
de aliis dixisse narravit. Unde ergo Matthaeus dicit tunc accesserunt ad eum
discipuli Ioannis, nisi quia et ipsi aderant, et omnes certatim, ut quisque
poterat, hoc obiecerunt? Chrysostomus in Matth. Vel Lucas dicit, quod
Pharisaei hoc dixerunt; hic autem dicit, quod discipuli Ioannis: quia
Pharisaei illos secum acceperunt ad dicendum, quod postea in Herodianis
fecerunt. Sed considerandum, quod quando pro extraneis, sicut pro publicanis,
sermo erat, ut eorum turbatam mitiget animam, vehementius exprobrantes
incursavit; ubi autem discipulos convitiabantur, cum mansuetudine respondet;
unde sequitur et ait illis Iesus: numquid possunt filii sponsi lugere, quamdiu
cum illis est sponsus? Primo quidem seipsum medicum vocaverat, hic autem
sponsum, in memoriam reducens verba Ioannis qui dixit: qui habet sponsam
sponsus est. Hieronymus. Sponsus Christus est, sponsa autem
Ecclesia. De hoc spirituali connubio apostoli sunt creati, qui lugere non
possunt quamdiu sponsum in thalamo vident, et sciunt sponsum esse cum sponsa.
Quando vero transierint nuptiae, et passionis ac resurrectionis tempus
advenerit, tunc sponsi filii ieiunabunt. Et hoc est quod subditur venient autem
dies quando auferetur ab eis sponsus; et tunc ieiunabunt. Chrysostomus in Matth. Quod autem dicit, tale
est: gaudii est praesens tempus et laetitiae; non ergo introducenda sunt
tristia: etenim ieiunium triste est non naturaliter, sed istis qui imbecillius
adhuc dispositi sunt: his enim qui sapientiam contemplari desiderant,
delectabile est; unde secundum opinionem illorum hoc dixit. Per hoc autem monstrat quod non gulae erat quod fiebat, sed
dispensationis cuiusdam. Hieronymus. Nonnulli autem putant idcirco dies
quadraginta passionis ieiunia debere committi, licet statim dies Pentecostes
et spiritus sanctus veniens inducat nobis festivitatem. Ex huiusmodi
occasione testimonii Montanus, Prisca et Maximilla, etiam post Pentecosten
faciunt Quadragesimam, quia ablato sponso, filii sponsi debeant ieiunare. Ecclesiae autem consuetudo ad passionem domini et resurrectionem per
humilitatem carnis venit, ut spirituali saginae ieiunio corporis praeparemus. Chrysostomus in Matth. Rursus autem a
communibus exemplis confirmat hunc sermonem, cum subdit nemo autem mittit
commissuram panni rudis in vestimentum vetus: tollit enim plenitudinem eius a
vestimento, et peior scissura fit; quasi diceret: nondum effecti sunt fortes
mei discipuli, sed adhuc multa indigent condescensione: nondum sunt per
spiritum renovati. Sic autem dispositis non oportet gravedinem
imponere praeceptorum. Hoc autem dixit regulam dans suis discipulis, ut
discipulos ex universo orbe terrarum cum mansuetudine suscipiant. Remigius. Vestimentum vetus discipulos vult
intelligi, quia nondum erant per omnia innovati. Pannum rudem, idest novum,
appellat novam gratiam, idest evangelicam doctrinam, cuius quaedam particula
est ieiunium; et ideo non conveniebat ut saeviora praecepta ieiunii illis
committerentur, ne forte austeritate ieiunii frangerentur, et fidem perderent
quam habebant; ideo subdit tollit enim plenitudinem eius a vestimento, et
peior scissura fit. Glossa. Quasi dicat: ideo rudis pannus, idest
novus, non debet poni in vestimento veteri, qui tollit saepe a vestimento
plenitudinem eius, idest perfectionem; et tunc fit peior scissura. Grave enim
onus rudi iniunctum, illud boni quod prius inerat, saepe destruit. Remigius. Duabus autem similitudinibus
positis, scilicet nuptiarum, et de panno rudi et de vestimento veteri, nunc
tertiam addit similitudinem de utribus et de vino: neque mittunt vinum novum
in utres veteres. Utres veteres appellat suos discipulos, qui nondum perfecte
erant innovati. Vinum novum appellat plenitudinem spiritus sancti, et
profunda caelestium mysteriorum, quae tunc discipuli ferre non poterant; sed
post resurrectionem utres novi facti fuerunt, et vinum novum receperunt
quando spiritus sanctus replevit corda eorum. Unde
quidam dixerunt: omnes isti musto pleni sunt. Chrysostomus in Matth. Hinc
et nos causam docuit humilium verborum quae continuo ad eos dicebat propter
imbecillitatem ipsorum. Hieronymus. Vel aliter. Per vestimentum vetus
et utres veteres debemus intelligere Scribas et Pharisaeos; particula
vestimenti novi et vinum novum praecepta evangelica sentienda: quae non
possunt sustinere Iudaei, ne maior scissura fiat. Tale quid et Galatae facere
cupiebant, ut cum Evangelio legis praecepta miscerent, et in utribus
veteribus mitterent vinum novum. Sermo igitur evangelicus apostolis potius
quam Scribis et Pharisaeis est infundendus, qui maiorum traditionibus
depravati, sinceritatem praeceptorum Christi non poterant custodire. Glossa. Per hoc ergo significat quod apostoli
non erant in veteribus observantiis detinendi, quos oportebat gratiae
novitate perfundi. Augustinus in Serm. de Quadrag. vel aliter.
Omnis qui recte ieiunat, aut animam suam in gemitu orationis et castigatione
corporis humiliat, aut illecebras carnales spiritualis sapientiae delectatione
suspendit. De utroque autem ieiunii genere dominus hic respondet: nam de
primo, quod habet animae humiliationem, dicit non possunt filii sponsi
lugere; de illo quod epulum mentis, consequenter locutus est, dicens nemo
mittit commissuram panni rudis. Deinde quia sponsus ablatus utique nobis est,
lugendum est. Et recte lugemus, si flagramus desiderio eius. Beati quibus
licuit eum ante passionem tunc habere praesentem, interrogare sicut vellent,
audire sicut deberent. Illos dies concupierunt videre patres ante adventum
eius, neque viderunt, quia in alia dispensatione sunt ordinati, per quos
venturus annuntiaretur, non a quibus veniens audiretur; in nobis autem illud
impletum est quod ipse dicit: venient dies quando desiderabitis videre unum
de diebus istis, et non poteritis. Quis ergo hic non lugebit? Quis non dicat:
factae sunt mihi lacrymae meae panes die ac nocte, dum dicitur mihi quotidie:
ubi est Deus tuus? Merito ergo apostolus cupiebat dissolvi, et esse cum
Christo. Augustinus de Cons. Evang. Quod ergo dixit
Matthaeus lugere, ubi Marcus et Lucas dicunt ieiunare, significat de tali
ieiunio dominum locutum quod pertinet ad humilitatem tribulationis, ut illud
alterum quod pertinet ad gaudium mentis in spiritualia suspensae, et ob hoc
alienatae a corporalibus cibis, posterioribus similitudinibus significasse
intelligatur; ostendens, quod circa corpus occupatis et ob hoc veterem sensum
habentibus, hoc genus ieiunii non congruat. Hilarius in Matth. Mystice vero, quod
praesente sponso ieiunandi necessitatem discipulis non esse respondet,
praesentiae suae gaudium, et sacramentum sancti cibi edocet, quo nemo se
praesente (idest, in conspectu mentis Christum continens) indigebat; ablato
autem se, ieiunaturos esse dicit; quia omnes non credentes resurrexisse
Christum, habituri non essent cibum vitae. In fide enim resurrectionis
sacramentum panis caelestis accipitur. Hieronymus. Vel cum propter peccata a nobis
recesserit, tunc indicendum est ieiunium, tunc luctus est recipiendus. Hilarius (ut supra). Ponit etiam exempla,
quibus ostendit, infirmatas vetustate peccatorum et animas et corpora novae
gratiae sacramenta non capere. Rabanus. Cum autem datae sint diversae
similitudines ad idem, differunt tamen: vestis enim qua foris tegimur, opera
bona significat, quae foris agimus; vinum quo intus reficimur, fervor est
fidei et caritatis, quo intus reformamur. |
Versets 14-17
— La Glose : A peine Notre Seigneur s’est justifié de fréquenter les pécheurs et de participer à leurs repas qu’on l’attaque sur l’action de manger elle-même. « Alors, dit l’Évangéliste, les disciples de Jean vinrent le trouver, et lui dirent: Pourquoi les Pharisiens et nous, jeûnons-nous, alors que tes disciples ne jeûnent pas ? » —
Saint Jérôme : Question pleine d’orgueil, et
coupable vanité du jeûne ! Les disciples de Jean étaient inexcusables de
s’être joints aux pharisiens que leur Maître avait si hautement condamnés,
ils le savaient bien, et qui calomniaient celui qu’il avait annoncé. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31.) Ce qu’ils disent là, c’est à peu
près ceci : « Soit, vous agissez de la sorte comme médecin; mais
pourquoi vos disciples, laissant là le jeûne, vont-ils s’asseoir à de
pareilles tables ? » Pour rendre l’accusation plus forte par la
comparaison, ils se mettent en regard, eux d’abord, et puis les pharisiens.
Car ces derniers jeûnaient pour obéir à la loi, comme ce pharisien qui
disait: « Je jeûne deux fois dans
la semaine, » et les disciples de Jean, d’après la recommandation de
leur Maître. — Raban : Car Jean ne but
ni vin, ni rien de ce qui peut enivrer, et le mérite de son abstinence est
d’autant plus grand, qu’il n’avait aucune puissance sur la nature. Mais quant
au Seigneur qui peut remettre les péchés, pourquoi s’abstiendrait-il de
manger avec les pécheurs, puisqu’il peut les rendre plus justes que ceux qui
font profession d’abstinence. Jésus-Christ jeûne pour vous apprendre à ne pas
éluder le précepte du jeûne, et il mange avec les pécheurs, pour vous faire
comprendre sa puissance et l’efficacité de sa grâce. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 27.)
Saint Matthieu attribue cette question seulement aux disciples de Jean; le
récit de saint Marc, au contraire (Mc 2),
semblerait indiquer qu’elle fut faite par d’autres, c’est-à-dire par les
convives, objectant l’exemple des disciples de Jean et des pharisiens; ce que
saint Luc (Lc 5) raconte en termes
plus exprès. Si donc saint Matthieu s’exprime ainsi: « Alors les disciples de Jean s’approchèrent », c’est
que ces disciples étaient présents, et que tous à l’envi faisaient autant
qu’ils le pouvaient, cette objection. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31.) Ou bien, si saint Luc place cette
question dans la bouche des pharisiens, tandis que saint Matthieu l’attribue
aux disciples de Jean-Baptiste, c’est que les pharisiens les avaient poussés
à faire cette question, comme ils firent encore plus tard à l’égard des
hérodiens. Il est à remarquer que lorsqu’il s’agit de prendre la défense des
étrangers, des publicains par exemple, Notre Seigneur, pour consoler leur âme
ulcérée par le chagrin, repousse avec force les accusations dont ils sont
l’objet, tandis qu’il répond avec une extrême douceur lorsque le blâme tombe
sur ses disciples. « Et Jésus leur
dit: ‘ Les amis de l’Époux peuvent-ils être dans le deuil pendant que
l’Époux est avec eux’ ? » Il vient de se présenter comme
médecin, ici il se donne le nom d’époux, rappelant ainsi ces paroles de
Jean-Baptiste (Jn 3, 29): « L’époux est celui qui a l’épouse. » —
Saint Jérôme : L’époux, c’est Jésus-Christ;
l’épouse, c’est l’Église. De cette union spirituelle sont nés les Apôtres,
qui ne peuvent pas être dans le deuil tant qu’ils voient l’Époux dans la
chambre nuptiale, et qu’ils savent qu’il est avec l’Épouse. Mais lorsque les
jours des noces seront passés pour faire place au temps de la passion et de
la résurrection, alors les fils de l’Époux jeûneront, comme il est dit: « Viendront des jours où l’Époux leur
sera enlevé, alors ils observeront le jeûne ». — Saint Jean Chrysostome : (hom.
31.) Voici
le sens des paroles du Seigneur: « Le temps présent est le temps de la
joie et de l’allégresse; il ne faut pas y mêler de cause de tristesse. Car le
jeûne est une chose triste, non pas précisément en elle-même, mais pour ceux
dont les dispositions sont imparfaites, c’est-à-dire pour ceux qui n’ont pas
encore atteint la force [de la perfection spirituelle]; car il est plein de
douceur pour ceux qui veulent se livrer à la contemplation de la sagesse.
Notre Seigneur se conforme donc à leurs idées, et il montre par là que la
conduite de ses disciples était l’effet non point de la sensualité, mais
d’une économie pleine de sagesse. —
Saint Jérôme : Quelques-uns se fondent sur ces
paroles pour conclure que l’on doit consacrer au jeûne les quarante jours qui
suivent la passion, quoique les jours de la Pentecôte et la descente de
l’Esprit saint qui suivent immédiatement, nous apportent de nouveaux sujets
de joie. Montan, Prisca et Maximilla prennent occasion des mêmes paroles pour
faire le carême après la Pentecôte, en alléguant que les fils de l’Époux
doivent jeûner lorsque l’Époux a disparu. Mais la coutume de l’Église est de
se disposer à la passion et à la résurrection du Seigneur par l’humiliation
de la chair, et de nous préparer par le jeûne du corps à l’abondance spirituelle
que les mystères tiennent pour nous en réserve. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
31). Le
Seigneur appuie de nouveau sa doctrine sur des exemples empruntés à la vie
ordinaire: « Personne, dit-il, ne
met une pièce de drap neuf à un vieux vêtement, car le morceau rapporté
emporte quelque chose du vêtement, et la déchirure devient pire », paroles dont voici le sens: Mes disciples
ne sont pas encore assez forts, ils ont encore besoin de condescendance,
l’Esprit saint ne les a pas encore renouvelés; dans cette disposition, il ne
faut point leur imposer le lourd fardeau des préceptes. En parlant de la
sorte, il trace à ses apôtres la règle qu’ils devront suivre, de traiter avec
douceur les disciples qui leur viendront de toutes les parties de la terre. —
Saint Rémi : Par ce vieux vêtement il veut désigner
ses disciples, car ils n’étaient pas encore entièrement renouvelés; ce
morceau d’étoffe forte, c’est-à-dire neuve, signifie la grâce de la nouvelle
loi, c’est-à-dire la doctrine de l’Évangile, dont le jeûne est une petite
partie. Il ne convenait donc pas qu’il leur imposât la loi plus pénible du
jeûne, qui aurait pu les briser par sa rigueur et leur faire perdre la foi.
C’est pour cela qu’il ajoute: « car
le neuf emporte une partie du vieux, et la déchirure devient pire. » — La Glose : C’est comme s’il
disait: Une pièce d’étoffe écrue, c’est-à-dire neuve, ne doit pas être cousue
à un vieil habit, car souvent elle emporte tout ce qu’elle recouvre,
c’est-à-dire le vêtement presque tout entier, et la déchirure est plus
grande. C’est ainsi qu’en imposant un lourd fardeau à un homme encore novice,
on détruit souvent le bien qui existait auparavant dans son âme. —
Saint Rémi : A ces deux comparaisons, celle des
noces et celle d’une pièce d’étoffe neuve et d’un vêtement usé, il en ajoute
une troisième, celle des outres et du vin: « Et l’on ne met point, dit-il, du vin nouveau dans de vieilles outres ». Ces vieilles
outres ce sont ses disciples, qui n’étaient pas encore parfaitement
renouvelés; et le vin nouveau signifie la plénitude de l’Esprit saint et les
mystères du ciel, dont les disciples n’étaient pas encore capables de
pénétrer la profondeur. Mais après la résurrection, ils devinrent des outres
neuves; ils reçurent le vin nouveau lorsque l’Esprit saint vint remplir leur
cœur; ce qui fait dire à quelques-uns: « Ils sont tous pleins de vin nouveau. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31.) Le Seigneur nous donne ainsi la
raison de tant de paroles simples qu’il disait à ses apôtres, pour
s’accommoder à leur faiblesse. — Saint Jérôme : Nous pouvons encore entendre par ce vêtement usé et par ces vieilles outres, les scribes et les pharisiens. Ce morceau de drap neuf et le vin nouveau sont les préceptes de l’Évangile que les Juifs ne peuvent pas supporter, dans la crainte d’une déchirure plus grande. Les Galates voulaient faire quelque chose de semblable, en mêlant les prescriptions de la loi avec celles de l’Évangile, et en mettant du vin nouveau dans de vieilles outres. Il fallait donc verser d’abord la doctrine de l’Évangile dans le cœur des Apôtres, avant d’en faire part aux scribes et aux pharisiens qui, étant corrompus par les traditions de leurs ancêtres, ne pouvaient conserver la pureté sans mélange des préceptes du Christ. — La Glose : Par là le Seigneur
nous apprend que les Apôtres ne devaient pas être retenus captifs des
anciennes observances, eux qui devaient être comme inondés des flots d’une
grâce toute nouvelle. —
Saint Augustin : (serm. du Carême). Ou bien encore, tout
chrétien qui jeûne convenablement, ou bien humilie son âme dans les
gémissements de la prière et la mortification du corps, ou bien la détache
des séductions de la chair sous le charme d’une sagesse toute spirituelle.
Or, le Seigneur embrasse dans sa réponse ces deux espèces de jeûne. Il dit du
premier qui tend à humilier notre âme: « Les
fils de l’Époux ne peuvent pas être dans le deuil » ; et de
celui qui offre à l’âme un aliment tout spirituel: « Personne ne met un morceau de drap neuf ». Mais
lorsque l’Époux nous est enlevé, c’est alors qu’il faut pleurer, et notre
douleur sera véritable si nous brûlons du désir de le voir. Heureux ceux qui
ont pu jouir de sa présence avant sa passion, l’interroger suivant leurs
désirs, et l’écouter avec le respect qu’ils devaient à ses paroles. Nos pères
ont désiré voir ces jours-là avant sa venue, et ils ne les ont point vu. Dieu
leur avait donné une autre mission: ils devaient annoncer son avènement, mais
ils ne devaient pas entendre sa parole, lorsqu’il serait descendu sur la
terre. C’est en nous que se sont accomplies ces paroles du Seigneur: « Il viendra un temps où vous
désirerez voir un de ces jours, et vous ne le pourrez pas. » Qui
donc ne consentira à être dans le deuil ici-bas ? Qui ne dira: « Mes larmes sont devenues mon pain le jour
et la nuit, pendant qu’on me dit tous les jours: Où est ton Dieu ? »
C’est donc avec raison que l’Apôtre désirait d’être dégagé des liens du corps
pour être avec Jésus-Christ. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evan g., liv. 2, chap. 12.)
Saint Matthieu emploie le mot « pleurer » là où saint Marc et saint Luc se sont servis de l’expression « jeûner », parce que le jeûne dont parle ici le
Seigneur renferme l’humiliation d’une âme affligée, tandis que les dernières
comparaisons ont pour objet l’autre espèce de jeûne qui consiste dans la joie
de l’âme que les douceurs spirituelles tiennent comme suspendue et détachée
des aliments terrestres. Notre Seigneur nous apprend ainsi que ceux qui sont
trop occupés de leur corps et qui n’ont point dépouillé le vieil homme et ses
inclinations, ne sont pas capables de cette espèce de jeûne. — Saint Hilaire : (can. 9 sur S. Matth.) Dans le sens mystique,
la réponse que Notre Seigneur fait ici, en déclarant que ses disciples ne
doivent point jeûner tant qu’ils jouissent de la présence de l’Époux, nous
apprend la joie dont sa présence est pour nous le principe, et nous rappelle
le sacrement où il nous donne une nourriture sainte, nourriture qui ne fera
défaut à personne pourvu que Jésus-Christ soit présent, c’est-à-dire qu’on le
possède au dedans de soi-même. Mais lorsque l’Époux leur sera enlevé, alors
ils jeûneront, car aucun de ceux qui ne croiront pas à la résurrection du
Christ, ne mangera le pain de vie, puisque le sacrement où nous recevons le
pain du ciel nous est donné comme gage de notre foi en la résurrection. —
Saint Jérôme : Ou bien encore, c’est lorsque nos
péchés ont forcé l’Époux de s’éloigner, qu’il faut recourir au jeûne et nous
abandonner à la tristesse. — Saint Hilaire : ( — Raban : Quoique ces diverses comparaisons n’aient qu’un même objet, elles diffèrent cependant l’une de l’autre. Le vêtement qui couvre notre corps représente les bonnes oeuvres que nous faisons extérieurement; et le vin qui nous fortifie intérieurement signifie la ferveur de la foi et de la charité qui renouvelle l’intérieur de notre âme. |
Lectio 4 [85441] Catena in Mt.,
cap. 9 l. 4 Chrysostomus in Matth. Post
sermones opus adiunxit, in quo amplius Pharisaei obstruerentur eo quod qui
advenit ad miraculum petendum, archisynagogus erat, et luctus magnus, quia
puella unigenita erat, et duodecim annorum, quando incipit esse flos aetatis;
et ideo dicitur haec illo loquente ad eos, ecce princeps unus accessit. Augustinus de Cons. Evang. Dicunt autem hoc et
Marcus et Lucas, sed ab isto ordine iam recedunt: eo enim loco hoc inserunt
ubi post expulsa Daemonia, et in porcos missa, transfretando redit a regione
Gerasenorum. Et per hoc quod Marcus dicit, intelligendum est hoc factum esse
postquam venit rursus trans fretum; sed quantum post, non apparet. Nisi autem
fuisset aliquod intervallum, non esset quando fieret quod narrat Matthaeus in
convivio domus suae. Post hoc factum continuo sequitur de archisynagogi
filia. Si enim loquente eo de panno novo, accessit princeps, nihil aliud
factorum dictorumque eius interpositum est; in narratione autem Marci patet
locus ubi alia interponi potuerunt. Similiter autem et Lucas non renititur
Matthaeo: quod enim adiunxit: et ecce vir cui nomen erat Iairus, non continuo
accipiendum est factum, sed post illud de convivio publicanorum, ut narrat
Matthaeus dicens haec illo loquente ad eos, ecce princeps unus, scilicet
Iairus archisynagogus, accessit et adorabat eum dicens: domine, filia mea
modo defuncta est. Considerandum est autem, ne repugnare videatur, quod alii
duo Evangelistae morti iam proximam, non tamen mortuam eam dicant, usque adeo
ut dicant venisse postea qui mortuam enuntiarent: et ob hoc non debere vexari
magistrum: intelligendum est enim brevitatis causa Matthaeum hoc potius
dicere voluisse, rogatum dominum esse ut faceret, quod ipsum fecisse
manifestum est, ut scilicet et mortuam suscitare. Attendit enim non verba
patris de filia sua, sed, quod potissimum est, voluntatem. Ita enim
desperaverat ut potius eam vellet reviviscere, non credens vivam posse
inveniri, quam morientem reliquerat. Duo itaque posuerunt quid dixerit
Iairus; Matthaeus autem quid voluerit atque cogitaverit. Sane si quisquam
illorum duorum patrem ipsum commemorasset dixisse, ut non vexaretur Iesus,
quod puella mortua fuisset, repugnarent eius cogitationi verba quae posuit
Matthaeus. Nunc vero non legitur quod suis nuntiantibus ille consenserit.
Hinc autem rem pernecessariam discimus: nihil in cuiusque verbis debere
inspicere nisi voluntatem, cui debent verba servire; nec mentiri quemquam, si
aliis verbis dixerit quod ille voluerit cuius verba non dicit. Chrysostomus in Matth. Vel hoc quod princeps
dixit de morte puellae est augere calamitatem. Etenim consuetudo est
rogantibus extollere sermone propria mala, et amplius aliquid eo quod est
dicere, ut magis attrahant eos quibus supplicant; unde subiungit sed veni,
impone manum super eam, et vivet. Vide autem eius crassitiem. Duo enim
expetit a Christo: et accedere ipsum, et manum imponere. Hoc etiam Syrus ille
Naaman a propheta expetebat. Etenim et visu indigent et sensibilibus rebus
qui crassius dispositi erant. Remigius. Miranda est autem pariter atque
imitanda domini humilitas et mansuetudo: nam mox ut rogatus est, rogantem
coepit sequi; unde subdit et surgens Iesus sequebatur eum. Hic subditos et
praelatos pariter instruxit: subditus exemplum obedientiae reliquit,
praelatis vero instantiam et sollicitudinem docendi demonstravit: ut
quotiescumque audierint aliquem mortuum in anima statim adesse studeant. Et
cum eo ibant discipuli eius. Chrysostomus in Matth. Et Marcus quidem et
Lucas dicunt, quoniam tres accepit discipulos, scilicet Petrum, Iacobum et
Ioannem: Matthaeum autem non assumpsit, ampliorem ei concupiscentiam
immittens, et quia imperfectius adhuc dispositus erat; propter hoc enim illos
honorat, ut alii similes illis efficiantur. Sufficiebat enim interim Matthaeo
videre ea quae facta sunt circa sanguinis fluxum patientem, de qua subditur
et ecce mulier quae sanguinis fluxum patiebatur duodecim annis, accessit
retro, et tetigit fimbriam vestimenti eius. Hieronymus. Haec autem mulier sanguine
fluens, non in domo, non in urbe accedit ad dominum quia iuxta legem urbibus
excludebatur; sed in itinere ambulante domino; ut dum pergit ad aliam, alia
curaretur. Chrysostomus in Matth. Ideo autem non
libera propalatione ad Christum venit, quia verecundabatur propter passionem,
immundam se existimans: etenim apud legem multa immunditia aestimabatur esse
haec passio; propter hoc latet et occultatur. Remigius. In quo laudanda est eius
humilitas; quia non ad faciem accessit, sed retro, et indignam se iudicavit
pedes domini tangere; et non plenitudinem vestimenti tetigit, sed tantummodo
fimbriam: habuit enim dominus fimbriam iuxta legis praeceptum. Pharisaei
etiam fimbrias habebant, quas magnificabant, in quibus etiam spinas
appendebant. Sed fimbriae domini non habebant vulnerare, sed potius sanare;
et ideo sequitur dicebat enim intra se: quia si tetigero tantum vestimentum
eius, salva ero: in quo fides eius admiranda est, quia desperans de salute
medicorum in quos sua erogaverat, ut Marcus dicit, intellexit caelestem
adesse medicum, et in eo totam suam intentionem collocavit, et ideo salvari
promeruit; unde sequitur at Iesus conversus et videns eam, dixit: confide,
filia: fides tua te salvam fecit. Rabanus. Quid est quod eam confidere iussit,
quae si fidem non haberet, salutem ab eo non quaereret? Sed robur et
perseverantiam fidei ab ea expostulavit, ut ad certam et veram perveniat
salutem. Chrysostomus in Matth. Vel quia formidolosa
erat haec mulier, propter hoc ait confide. Et filiam eam vocat, quia fides
eam filiam fecerat. Hieronymus. Non autem dixit: quia fides tua te
salvam factura est; sed salvam fecit: in eo enim quod credidisti, iam salva
facta es. Chrysostomus in Matth. Nondum tamen perfectam
de Christo opinionem habebat, quia nequaquam aestimasset eum latere; sed
Christus non dimisit eam latere, non quasi gloriam concupiscens, sed multorum
causa. Primo enim solvit timorem mulieris, ne a conscientia pungatur, quasi
donum furatura; secundo eam emendat de hoc quod aestimat se latere; tertio
omnibus fidem eius ostendit, ut eam aemulentur; quarto dedit in hoc signum,
quod monstravit se nosse omnia, non minus eo quod fontem sanguinis siccavit,
de quo sequitur et salva facta est mulier ex illa hora. Glossa. Intelligendum est ex illa hora ex qua
tetigit fimbriam; non ex illa hora ex qua Iesus conversus est ad eam: iam
enim salva facta erat, ut alii Evangelistae manifeste ostendunt et ex verbis
domini perpendi potest. Hilarius. In Matth. In quo magna virtutis
dominicae admiratio est; cum potestas intra corpus manens, rebus caducis
efficientiam adderet sanitatis, et usque in vestium fimbrias operatio divina
procederet: non enim comprehensibilis erat Deus, ut corpore clauderetur. Assumptio namque corporis non naturam virtutis inclusit, sed ad
redemptionem nostram fragilitatem corporis virtus assumpsit. Mystice autem
princeps hic lex esse intelligitur, quae dominum orat ut plebi, quam ipsa
Christo, eius adventus expectatione praedicata, nutrierat, vitam mortuae
reddat. Rabanus. Vel archisynagogus signat Moysen, et
dicitur Iairus, idest illuminans, sive illuminaturus, quia accepit verba
vitae dare nobis, et per hoc cunctos illuminat ipse a spiritu sancto
illuminatus. Filia igitur archisynagogi, idest ipsa synagoga, velut duodecimo
aetatis anno, idest tempore pubertatis, postquam spiritualem sobolem Deo
generare debebat, errorum languore consternata est. Ad hanc ergo principis
filiam dum properat Dei verbum, ut salvos faceret filios Israel, sancta
Ecclesia ex gentibus congregata, quae interiorum lapsu criminum deperibat,
paratam aliis fide percepit sanitatem. Notandum autem, quod dum archisynagogi filia sit
duodennis, et mulier haec ab annis duodecim sanguine fluxit, eo tempore quo
haec nata est, illa coepit infirmari: una enim pene saeculi aetate et
synagoga ex patriarchis coepit nasci, et gentium exterarum natio idololatriae
sanie foedari. Nam fluxus sanguinis bifariam potest intelligi: hoc est super
idololatriae pollutione, et super his quae carnis et sanguinis delectatione
geruntur: et sic quamdiu synagoga viguit, laboravit Ecclesia; sed illorum
delicto salus gentibus facta est. Accedit autem et tangit dominum Ecclesia,
cum ei per fidem appropinquat. Glossa. Credidit, dixit, tetigit, quia his tribus
fide, verbo et opere omnis salus acquiritur. Rabanus. Accedit autem retro, sive iuxta hoc
quod ipse ait: si quis mihi ministrat, me sequatur, sive quia praesentem
dominum in carne non videns, peractis iam sacramentis incarnationis illius,
ad agnitionis eius gratiam pervenit. Unde et fimbriam vestimenti tangit; quia
cum Christum in carne gentilis populus non vidisset, verba incarnationis
recepit. Vestimentum enim Christi dicitur mysterium incarnationis eius, quo
divinitas induta est; fimbriae vestimenti, verba de incarnatione eius
dependentia. Non autem vestem, sed fimbriam tangit; quia non vidit in carne
dominum, sed suscepit per apostolos incarnationis verbum. Beatus qui extremam
partem verbi fide tangit. Non autem in urbe, sed in itinere pergente domino
sanatur; unde apostoli: quia indignos vos iudicatis vita aeterna, ecce
convertimur ad gentes. Gentilitas autem ex hora dominici adventus coepit
habere salutem. |
Versets 18-22
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 32.) Aux enseignements Jésus-Christ fait succéder les oeuvres, ce qui devait surtout fermer la bouche aux pharisiens; car celui qui venait demander un miracle était un chef de la synagogue, et sa douleur était grande; cette jeune personne était sa fille unique, et dans la première fleur de l’âge, puisqu’elle n’avait que douze ans. « Comme il leur parlait de la sorte, un chef s’approcha. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 28.)
Saint Marc et saint Luc racontent le même fait, mais en suivant un ordre
différent, et ils le placent après que Jésus eut traversé le lac, en quittant
le pays des Gérazéniens, où il avait chassé les démons dans un troupeau de
pourceaux. Selon le récit de saint Marc, ce fait ce serait passé après que
Jésus eut de nouveau traversé le lac; mais combien de temps après ?
c’est ce qu’on ne peut savoir. Cependant s’il n’y avait eu aucun intervalle,
il n’y aurait pas moyen de placer ce que raconte saint Matthieu du repas qui
eut lieu dans sa maison, et c’est immédiatement après que vient l’épisode de
la fille du chef de la synagogue. Car si ce prince s’est présenté lorsque
Jésus proposait la comparaison du drap neuf, on ne doit pouvoir placer aucune
action, aucune parole intermédiaire. Or, dans la narration de saint Marc, on
voit où l’on pourrait intercaler d’autres faits. Saint Luc lui-même n’est pas
contraire à saint Matthieu, car la manière dont il commence son récit: « Et voici qu’un homme qui s’appelait
Jaïre », n’indique pas que ce soit immédiatement après ce qui
précède, mais après ce que saint Matthieu raconte en ces termes du repas
qu’il prenait avec les publicains: « Pendant
qu’il parlait de la sorte, un prince (c’est-à-dire Jaïre, chef de la
synagogue) s’approcha, et il l’adorait
en lui disant: Seigneur, ma fille vient de mourir. » Pour faire
disparaître toute contradiction, il faut remarquer que les deux autres
Évangélistes ne disent pas qu’elle est morte, mais sur le point de mourir,
tellement qu’ils ajoutent que des envoyés vinrent apprendre au père que sa
fille était morte, et qu’il n’eût point à tourmenter davantage le Maître. Il
faut donc admettre que pour abréger, saint Matthieu s’est attaché surtout à
rapporter la prière qui fut adressée au Seigneur de faire ce qu’il fit en
effet, c’est-à-dire de ressusciter celle qui venait de mourir. Il ne s’est donc
pas arrêté à ce que le père dit à Jésus de sa fille, mais, ce qui est
bien plus important, à ce qu’il voulait. En effet, cet homme avait tellement
désespéré de l’état de sa fille, que ce qu’il désirait, c’est qu’elle fût
rendue à la vie, tant il croyait peu qu’il dût retrouver vivante celle qu’il
avait laissée si près de la mort. Les deux autres évangélistes ont donc
rapporté les paroles de Jaïre; saint Matthieu nous fait connaître surtout ses
désirs, ses pensées. Évidemment si l’un de ces deux Évangélistes avait prêté
au père ces paroles, que Jésus n’eût pas à se mettre en peine, parce que sa
fille était morte, le langage que lui fait tenir saint Matthieu serait
contradictoire. Mais rien ne dit que cet homme ait partagé les sentiments de
ses messagers. Nous trouvons ici un des principes d’explication les plus
importants: c’est que dans les paroles d’un homme nous ne devons chercher que
ce qu’il a l’intention de dire, que la volonté dont ses paroles sont
l’expression, et que ce n’est point mentir que de raconter en d’autres termes
ce qu’il a voulu dire sans rapporter les expressions dont il s’est servi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32.) Ou bien encore, ce que ce chef de
la synagogue dit de la mort de sa fille n’est qu’une manière d’exagérer son
malheur. C’est l’ordinaire de tous ceux qui demandent une grâce d’amplifier,
par leur langage, les maux qu’ils souffrent, et d’ajouter à la vérité pour
fléchir plus efficacement ceux dont ils implorent le secours. C’est pourquoi
il dit à Jésus: « Mais venez lui imposer
les mains, et elle vivra. » Voyez quelles idées grossières il avait
encore sur le Seigneur. Il lui demande deux choses: et de venir en personne,
et d’imposer les mains; c’est ce que demandait ainsi Naaman au prophète
Elisée. C’est qu’en effet ceux qui se trouvent dans ces dispositions
imparfaites ont besoin de signes sensibles et frappants. —
Saint Rémi : Admirons ici tout à la fois l’humilité
et la douceur du Seigneur. A peine le centurion l’en a-t-il prié, qu’il se
met à le suivre: « Alors Jésus, se
levant, le suivit. » Le Seigneur instruit tout à la fois les
supérieurs et ceux qui sont placés sous leur direction; à ceux-ci il donne un
exemple d’obéissance; à ceux-là, il fait voir quelle doit être leur
assiduité, leur sollicitude dans l’enseignement, et le zèle avec lequel ils
doivent se transporter là où ils apprennent qu’un homme a perdu la vie de
l’âme. Suite. « Et ses disciples marchèrent avec lui. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
32.) Suivant
saint Marc et saint Luc, Jésus prit avec lui trois de ses disciples, Pierre,
Jacques et Jean; il ne choisit point Matthieu afin d’exciter en lui un désir
plus vif, et aussi parce que ses dispositions étaient encore imparfaites. Il
honore les premiers pour engager les autres à se rendre semblables à eux. C’était
assez pour Matthieu d’être témoin de la guérison de cette femme qui souffrait
d’une perte de sang: « Et voici, nous
dit-il, qu’une femme qui souffrait
d’une perte de sang depuis douze ans, s’approcha par derrière, et toucha la
frange de son vêtement. » —
Saint Jérôme : Ce n’est ni dans la maison où était
le Seigneur ni dans la ville que cette femme, qui souffrait d’hémorragie,
vient le trouver (car la loi lui défendait d’habiter dans les villes) (Lv 19,
25), mais elle se présente à Jésus au milieu du chemin, et c’est ainsi qu’en
allant pour guérir une femme il rend la santé à une autre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32,) Cette femme ne vient pas faire à
Jésus-Christ un aveu public de son infirmité, elle en avait honte dans la
persuasion qu’elle était impure; car la loi considérait cette maladie comme
une très grande impureté; c’est pourquoi elle se cache et veut se dérober à
tous les regards. —
Saint Rémi : Cette humilité est digne de tout éloge;
elle ne se présente pas devant le Seigneur, elle s’approche par derrière, et
se juge indigne de toucher ses pieds. Ce n’est pas même son vêtement tout
entier qu’elle touche, mais la frange seulement; car le Seigneur portait une
frange à son vêtement pour obéir à une prescription de la loi. (Nb 15, 38) Les pharisiens aussi
portaient des franges qu’ils étalaient avec orgueil, et auxquelles ils
ajoutaient des espèces d’épines. Mais les franges des vêtements du Seigneur
n’avaient rien qui pût blesser, et ne pouvaient que guérir. Aussi « cette
femme disait en elle-même: « ‘Si
je touche seulement la frange de sa robe, je serai guérie.’ » Sa foi
est vraiment admirable: elle a perdu tout espoir de la part des médecins qui
lui ont dévoré tout son avoir, comme le dit saint Marc, mais elle comprend
qu’elle a trouvé un médecin descendu du ciel, c’est en lui qu’elle place
toute son espérance, et c’est pour cela qu’elle mérita sa guérison. « Et Jésus se retournant alors, et la
voyant, lui dit: Ma fille, ayez confiance: votre foi vous a guérie. » — Raban : Pourquoi donc lui
recommander la confiance ? Si elle n’avait pas eu la foi, elle ne lui
aurait pas demandé sa guérison. Ce qu’il exige d’elle, c’est la force et la
persévérance de la foi, afin qu’elle parvienne à une guérison certaine et
véritable. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32.) Ou bien, il veut rassurer cette
femme trop craintive, en lui disant: « Ayez
confiance. » Il l’appelle sa fille, car la foi l’avait rendue
véritablement sa fille. —
Saint Jérôme : Il ne lui dit pas: « Votre foi
vous guérira », mais « votre
foi vous a guérie » ; car vous êtes déjà guérie par cela seul
que vous avez cru. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32.) Cependant cette femme n’avait pas
encore une connaissance parfaite du Seigneur, puisqu’elle croyait pouvoir se
dérober à ses regards. Mais le Christ ne permit pas qu’elle demeurât cachée,
non point pour la gloire qui pourrait lui en revenir, mais dans l’intérêt de
tous ceux qui étaient présents. Premièrement, il bannit la crainte du cœur de
cette femme qui aurait pu se reprocher d’avoir dérobé la grâce de sa
guérison; secondement, il rectifie la pensée qu’elle avait eue de pouvoir se
cacher; troisièmement, il révèle à tous sa foi pour les porter à l’imiter.
Enfin, en montrant qu’il savait tout, il nous donne une preuve non moins
grande [de sa divinité] qu’en arrêtant cette perte de sang. « Et cette femme, continue
l’Évangéliste, fut guérie à l’heure
même. » — La Glose : Ce fut au moment
même où elle toucha le bord de sa robe, et non pas au moment qu’il se
retourna vers elle, car alors elle était déjà guérie, comme les autres
Évangélistes le remarquent expressément, et comme on peut le conclure des
paroles mêmes du Seigneur. —
Saint Hilaire : Combien la puissance du Seigneur se
montra ici admirable ! Cette puissance qui résidait dans son corps communiquait
à des choses périssables la vertu de guérir, et l’opération divine s’étendait
jusqu’aux franges de ses vêtements. C’est qu’en effet Dieu ne pouvait être ni
circonscrit dans les limites étroites d’un corps, car en s’unissant à un
corps mortel il n’y a point renfermé la nature de sa puissance, mais cette
même puissance a élevé la fragilité de notre chair pour accomplir l’oeuvre de
notre rédemption. Dans le sens mystique, ce chef représente la
loi qui vient demander à Jésus-Christ de rendre la vie au cadavre de ce
peuple qu’elle lui avait préparé, et qu’elle avait nourri elle-même de
l’espérance de son avènement. — Raban : Ou bien, ce
prince de la synagogue représente Moïse, et il s’appelle Jaïre, c’est-à-dire
qui illumine ou qui sera illuminé; car il a reçu les paroles de
vie pour nous les transmettre, et éclairer ainsi les autres comme il est
éclairé lui-même par l’Esprit saint. La fille du chef de la synagogue
(c’est-à-dire la fille de la synagogue elle-même, âgée de douze ans, âge de
la puberté) est abattue sous le poids des erreurs qui la minent, alors
qu’elle devait enfanter à Dieu une famille toute spirituelle. Pendant que le
Verbe de Dieu s’empresse d’aller trouver cette fille du chef de la synagogue
pour sauver les enfants d’Israël, la sainte Église composée des Gentils, et
dont les forces se perdaient au milieu des crimes qui se commettaient dans
son sein, s’empare par sa foi de la guérison qui était destinée à d’autres. — Raban : Remarquez encore
que la fille du chef de la synagogue est âgée de douze ans, et que cette
femme souffre depuis douze ans de cette perte de sang, en sorte que l’une
avait commencé à souffrir au moment où l’autre venait de naître: or, ce fut à
peu près à la même époque que les patriarches donnèrent le jour à la synagogue,
et que les nations étrangères se plongèrent dans les souillures de
l’idolâtrie. Car la perte de sang dont il est ici question peut s’entendre de
deux manières ou de la fange de l’idolâtrie, ou des plaisirs de la chair et
du sang. Ainsi pendant que la synagogue avait encore toute sa force, l’Église
était languissante; mais le péché de la synagogue est devenu le salut des
Gentils. Or, l’Église s’approche du Seigneur, et le touche, lorsqu’elle vient
à lui par la foi. — La Glose : Elle crut, elle
dit, elle toucha; car c’est par ces trois choses la foi, la parole et les
oeuvres, que l’on obtient le salut. — Raban : Elle s’approcha par derrière, obéissant par avance à cette parole: « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il me suive. » Ou bien c’est parce que n’ayant point vu le Seigneur revêtu d’une chair mortelle, elle est parvenue à la grâce de le connaître après l’accomplissement des mystères de son incarnation: c’est pour cela qu’elle touche la frange de son vêtement; figure en cela du peuple des Gentils qui, sans avoir vu le Fils de Dieu incarné, a reçu la parole qui lui annonçait son incarnation. En effet, on peut dire que le mystère de l’incarnation de Jésus-Christ est comme le vêtement dont la divinité était enveloppée, et la doctrine de l’incarnation comme la frange de ce vêtement. Les Gentils ne touchent pas le vêtement, mais seulement la frange, car ils n’ont point vu le Seigneur incarné, mais ils ont reçu par les Apôtres la doctrine de l’incarnation. Heureux celui qui touche par la foi, ne fût-ce même que les extrémités du Verbe ! Ce n’est pas au milieu de la ville que cette femme est guérie, mais dans le chemin où marche le Seigneur; c’est pour cela que les Apôtres ont dit plus tard: « Parce que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voilà que nous allons vers les Gentils. » Or, ce fut dès l’avènement du Seigneur que la Gentilité reçut les prémices du salut. |
Lectio 5 [85442] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Post mulieris
haemorrhoissae curationem, sequitur de mortuae suscitatione, cum dicitur et
cum venisset Iesus in domum principis, et cetera. Chrysostomus in Matth. Considerandum est
autem, quod propter hoc tardius vadit, et plura loquitur mulieri curatae, ut
permittat mori puellam, et sic manifesta fiat resurrectionis demonstratio. Et
similiter in Lazaro usque ad tertiam diem mansit. Sequitur et cum vidisset
tibicines et turbam tumultuantem: quod est mortis demonstratio. Ambrosius super Lucam. More enim veteri
tibicines ad excitandos luctus in mortuis ferebantur adhiberi. Chrysostomus in Matth. Sed Christus
tibias universas proiecit; parentes autem puellae introduxit, ne posset dici,
quod aliter curavit; sed et ante suscitationem puellae sermone spem erigit:
unde sequitur dicebat: recedite, non est enim mortua puella, sed dormit. Rabanus. Quasi dicat: vobis mortua est;
Deo autem, qui suscitare potest, dormit tam in anima quam in corpore. Chrysostomus in Matth. Per
hoc autem et tumultum mentis removit eorum qui aderant, et ostendit quoniam
facile est ei mortuos suscitare: quod utique in Lazaro fecit dicens: Lazarus
amicus noster dormit. Et simul docuit non formidare mortem: quia enim et ipse
erat moriturus, in aliorum corporibus instruxit discipulos confidere, et
viriliter ferre mortem. Etenim eo accedente, iam mors somnus erat. Hoc autem
domino dicente, deridebant; unde sequitur et deridebant eum. Non autem
increpavit derisionem, ut et ipsa derisio et tibiae, et alia universa
demonstratio fiant mortis: quia enim multoties, postquam facta sunt miracula,
non credunt homines, antea eos convincit propriis responsionibus: quod et in
Lazaro fecit cum dixit: ubi posuistis eum? Ut qui dixerunt: veni et vide, et
quoniam foetet, quatriduanus enim est, non amplius possint non credere
quoniam mortuum suscitavit. Hieronymus. Non autem erant digni ut viderent
mysterium resurgentis qui resuscitantem indignis contumeliis irridebant; et
ideo sequitur et cum eiecta esset turba, intravit, et tenuit manum eius, et
surrexit puella. Chrysostomus in Matth. Non quidem aliam
superinducens animam, eam suscitavit, sed eam quae exierat reinducens, et
velut ex somno erigens, ut ante viam faciat per visum fidei resurrectionis;
et non solum puellam resuscitat, sed et cibum ei iubet dari, ut alii
Evangelistae dicunt, ut non videatur phantasma esse quod factum est. Sequitur
et exiit fama haec in universam terram illam. Glossa. Quod ad magnitudinem et novitatem
miraculi pertinet, et ad manifestam veritatem ipsius, ne confictum putetur.
Hilarius. Mystice autem dominus domum
principis, scilicet synagogam, ingreditur, cui in canticis legis hymnus
luctum personabat. Hieronymus. Usque enim hodie iacet in domo
principis mortua; et qui videntur magistri, tibicines sunt, carmen lugubre
canentes; turba quoque Iudaeorum non est turba credentium, sed tumultuantium.
Sed cum intraverit plenitudo gentium, tunc omnis Hilarius in Matth. Ut autem rarus ex
lege credentium electionis numerus posset intelligi, turba omnis expulsa est;
quam utique salvari dominus optasset; sed irridendo dicta, gestaque eius,
resurrectionis non fuit digna consortio. Hieronymus. Tenuit autem manum eius, et
surrexit puella: quia nisi prius mundatae fuerint manus Iudaeorum, quae
sanguine plenae sunt, synagoga eorum mortua non consurget. Hilarius in Matth. Exeunte autem fama in
universam terram illam, electionis salus, donum Christi, atque opera
praedicantur. Rabanus. Moraliter autem puella in domo
mortua, est anima mortua in cogitatione. Dicit autem quod puella dormit, quia
qui peccant in praesenti, adhuc per poenitentiam resuscitari possunt.
Tibicines sunt adulatores, qui fovent mortuam. Gregorius Moralium. Foras autem turba
eicitur, ut puella suscitetur: quia nisi prius a secretioribus cordis
expellatur saecularium multitudo curarum, anima quae intrinsecus iacet
mortua, non resurgit. Rabanus. In domo autem puella paucis
arbitris surgit, iuvenis extra portam, et Lazarus coram multis; quia publica
noxa publico eget remedio; |
Versets 23-26
— La Glose : Après la guérison de l’hémorroïsse,
vient la résurrection de la jeune fille que l’écrivain sacré raconte en ces
termes: « Et lorsque Jésus fut
arrivé dans la maison du chef de la synagogue, etc... » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32.) Il est à remarquer que Notre
Seigneur semble user ici de lenteur, et qu’il s’entretient avec la femme
qu’il vient de guérir pour laisser à la jeune fille le temps de mourir, et
rendre ainsi plus éclatant le fait de sa résurrection. Il suivit la même
conduite à l’égard de Lazare, qui demeura dans le tombeau jusqu’au troisième
jour. « Et lorsqu’il eut vu les
joueurs de flûte et une foule qui faisait grand bruit » : nous
avons là une preuve évidente que la jeune fille était morte. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc, 6.) En effet, c’était un usage
chez les anciens de faire venir des joueurs de flûte pour exciter la douleur
et faire couler les larmes aux funérailles des morts. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32.) Mais Jésus-Christ chassa tous ces
joueurs de flûte, et fit entrer les parents de la jeune fille afin que l’on
ne pût attribuer à un autre sa résurrection. Avant même de la ressusciter, il
relève leur courage par ces paroles: « Retirez-vous,
car la jeune fille n’est pas morte, mais elle dort. » — Raban : C’est-à-dire :
elle est morte à vos yeux, mais pour Dieu qui peut la ressusciter, elle n’est
qu’endormie dans son corps comme dans son âme. —
Saint Jean Chrysostome : Par ces paroles, le Seigneur
apaise l’agitation intérieure de ceux qui étaient présents, et il leur montre
avec quelle facilité il peut ressusciter les morts. Il tint le même langage à
Lazare (Jn 11): « Notre ami Lazare dort »,
et il nous apprend ainsi à ne pas redouter la mort. Comme il devait mourir
lui-même, il voulut, en rendant la vie à quelques morts, ranimer la confiance
de ses disciples, et leur apprendre à supporter la mort avec courage. Car dès
qu’il s’approche, la mort n’est plus qu’un sommeil. Or, en entendant ces
paroles, ils se moquaient de lui ; le texte dit : « ils se moquaient de
lui » ; mais il ne leur en fait aucun reproche: car il voulait
que cette dérision, les flûtes et toutes les autres circonstances fussent
autant de preuves de la mort de cette jeune fille. Comme il arrive bien
souvent que les hommes refusent de croire aux miracles lorsqu’ils sont
opérés, il veut les convaincre auparavant par leurs propres aveux; c’est ce
qu’il fit encore à la mort de Lazare, lorsqu’il demanda: « Où l’avez-vous mis ? » Afin que ceux qui lui
répondirent: « Venez et
voyez » et « il sent
déjà, c’est déjà le quatrième jour » fussent forcés de croire que
Lazare était véritablement mort, et qu’il l’a ressuscité. —
Saint Jérôme : Mais ceux qui couvraient ainsi
d’indignes outrages le Seigneur qui allait ressusciter cette jeune fille,
n’étaient pas dignes d’assister au fait mystérieux de sa résurrection; c’est
pourquoi l’Évangéliste ajoute: « Et
après qu’on eut fait sortir tout le monde, il entra, lui prit la main, et la
jeune fille se leva. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32.) Il la ressuscite sans introduire
dans son corps une âme nouvelle, mais il y fait rentrer celle qui en était
sortie, et rappelle la jeune fille comme d’un sommeil, pour préparer ainsi
les esprits à croire en la résurrection. Non seulement il ressuscite cette
jeune fille, mais il lui fait encore donner à manger, comme le disent les
autres Évangélistes, pour que tous soient bien convaincus que cette
résurrection n’est pas une chose imaginaire, mais bien une réalité. Suite :
« Et
le bruit s’en répandit dans tout le pays. » — La Glose : Cette circonstance
fait ressortir la grandeur et la nouveauté de ce miracle, en même temps
qu’elle devient une preuve évidente et irréfragable de sa vérité. — Saint Hilaire : (can. 9 sur S. Matth.) Dans le sens mystique,
Notre Seigneur entre dans la maison du chef de la synagogue, c’est-à-dire
dans la synagogue elle-même, au moment ou les cantiques de la loi font
entendre en son honneur des chants funèbres. —
Saint Jérôme : Jusqu’à ce jour la jeune fille repose
morte dans la maison de son père, et ceux qui paraissent être les maîtres
sont les joueurs de flûte qui font entendre des airs lugubres. La foule des
Juifs n’est pas le peuple des croyants, c’est une foule tumultueuse. Mais
lorsque la plénitude des nations sera entrée, alors tout Israël sera sauvé. (Rm 11.) — Saint
Hilaire : Afin qu’il fût bien démontré que le nombre
des croyants était limité, la foule tout entière fut mise dehors. Le Seigneur
aurait bien désiré qu’elle fût sauvée, mais en se moquant de ses paroles et
de ses actions, elle se rendit indigne d’être témoin de la résurrection de
cette jeune fille. —
Saint Jérôme : « Jésus lui prit la main, et la jeune fille se leva », car la synagogue ne peut avoir part à la résurrection avant que les
mains des Juifs n’aient été purifiées du sang dont elles sont souillées. —
Saint Hilaire : Le bruit de cette résurrection se
répand dans toute cette contrée; en effet, après que Jésus a sauvé ceux qu’il
avait élus, ils vont publier les bienfaits du Christ et ses oeuvres. — Raban : Dans
le sens moral, la jeune fille morte dans la maison, c’est l’âme qui est morte
dans ses pensées. Le Seigneur dit qu’elle n’est qu’endormie, parce que ceux
qui pèchent dans la vie présente peuvent encore ressusciter par la pénitence.
Les joueurs de flûte, ce sont les flatteurs qui applaudissent à celle qui est
morte. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 17, 25.) La foule est mise dehors
avant que la jeune fille soit ressuscitée, car tant que la multitude des
intérêts temporels n’est pas chassée des plus secrètes parties du cœur, l’âme
qui est morte au dedans ne peut ressusciter. — Raban : Notre Seigneur ressuscite cette jeune fille dans la maison en présence d’un petit nombre de témoins, le jeune homme en dehors de la porte de la ville, et Lazare devant un grand nombre de spectateurs, parce qu’une faute publique exige un remède public; tandis qu’une faute légère peut être effacée par une pénitence secrète et plus douce. |
Lectio 6 [85443] Catena in Mt., cap. 9 l. 6 Hieronymus.
Priori signo de principis filia et morbosa muliere, consequenter signum de
duobus caecis adiungitur, ut quod ibi mors et debilitas, hic caecitas
demonstraret; et ideo dicitur et transeunte inde Iesu, scilicet a domo
principis, secuti sunt eum duo caeci, clamantes, et dicentes: miserere
nostri, fili David. Chrysostomus in Matth. Non autem parva hic
Iudaeorum accusatio est: cum hi quidem oculis carentes, ex auditu solo fidem
suscipiant; illi autem habentes visum non attestantur miraculis quae fiebant.
Vide autem et eorum desiderium: neque enim simpliciter recesserunt, sed cum
clamore, et nihil aliud quam misericordiam postulantes. Filium autem David
vocabant quia nomen honoris esse videbatur. Remigius. Recte ergo filium David vocant, quia
virgo Maria de stirpe David originem duxit. Hieronymus. Audiant Marcion et Manichaeus, et
ceteri haeretici, qui vetus laniant testamentum: et discant salvatorem
appellari filium David: si enim non est natus in carne, quomodo vocatur
filius David? Chrysostomus in Matth. Considerandum autem
quod multoties dominus noluit rogatus sanare, ut non aliquis aestimet eum
propter captandam honoris magnificentiam ad miracula insilire. Hieronymus. Et tamen rogantes non curantur in
itinere; non transitorie, ut putabant; sed postquam venit in domum illam,
accedunt ad eum, ut introeant; et primum eorum discutitur fides; ut sic verae
fidei lumen accipiant; unde sequitur cum autem venisset dominus, accesserunt
ad eum caeci; et dixit eis Iesus: creditis quia hoc possum facere vobis? Chrysostomus in Matth. Rursum autem hic erudit
nos gloriam multitudinis expellere: quia enim prope erat domus, ducit eos
illuc singulariter curaturus. Remigius. Qui autem caecis reddere poterat
visum, non ignorabat si crederent; sed ideo interrogavit, ut fides eorum,
quae gestabatur corde, dum confiterentur ore, digna fieret ampliori mercede,
secundum illud apostoli: ore confessio fit ad salutem. Chrysostomus in Matth. Et non propter hoc
solum: sed ut ostenderet quoniam digni erant curatione; et ut non aliquis
dicat, quoniam si misericordia solum salvabat, omnes salvari oportebat. Ideo
etiam fidem ab eis expetit, ut ex hoc ad excelsius eos reducat: quia enim
dixerant eum filium David, erudit quod oportet de eo maiora sentire: unde non
dixit: creditis quoniam possum rogare patrem? Sed creditis quoniam possum hoc
facere? De quorum responsione sequitur dicunt ei: utique, domine. Non ultra
filium David eum vocant, sed altius elevantur, et dominationem confitentur.
Ex tunc iam ipse imponit eis manum; unde sequitur tunc tetigit oculos eorum,
dicens: secundum fidem vestram fiat vobis. Dicit autem hoc fidem eorum
affirmans, et contestans quoniam non adulationis erant verba quae dixerant.
Postea curationem subiungit, dicens et aperti sunt oculi eorum. Deinde post
sanationem iubet nulli dicere; et non simpliciter iubet, sed cum multa
vehementia; unde sequitur et comminatus est eis dicens: videte ne quis sciat.
Illi autem exeuntes, diffamaverunt eum in tota terra. Hieronymus. Dominus quidem propter humilitatem
fugiens iactantiae gloriam, hoc praeceperat; et illi propter memoriam gratiae
non possunt tacere beneficium. Chrysostomus in Matth. Quod autem alteri
dixit: vade, et annuntia gloriam Dei, non est contrarium: erudit enim nos
prohibere eos qui volunt nos propter nos laudare. Si autem ad domini gloriam refertur, non debemus prohibere, sed magis
iniungere ut hoc fiat. Hilarius in Matth. Vel
silentium caecis dominus imperat, quia apostolorum proprium erat praedicare. Gregorius Moralium. Quaerendum autem nobis est
quid sit hoc quod ipse omnipotens, cui hoc est velle quod posse, et taceri
virtutes suas voluit, et tamen ab eis qui illuminati sunt quasi invitus
indicatur: nisi quod servis suis se sequentibus exemplum dedit, ut ipsi
quidem virtutes suas occultari desiderent; et tamen ut aliis eorum exemplo
proficiant, prodantur inviti. Occultentur ergo studio, necessitate
publicentur; et eorum occultatio sit custodia propria, eorum publicatio sit
utilitas aliena. Remigius. Allegorice autem per hos duos caecos
duo populi designantur, idest Iudaicus et gentilis vel duo populi Iudaicae
gentis: nam tempore Roboam, regnum eius divisum est in duas partes. De
utroque autem populo in se credentes Christus illuminavit in domo, per quam
intelligitur Ecclesia, quia absque unitate Ecclesiae nullus salvari potest.
Illi autem qui ex Iudaeis crediderunt adventum domini, per universum orbem
diffamaverunt. Rabanus. Domus autem principis synagoga est
subdita Moysi; domus Iesus caelestis est Ierusalem. Domino ergo per hoc
saeculum transeunte, et domum suam revertente, duo caeci secuti sunt eum:
quia praedicato Evangelio per apostolos, multi ex Iudaeis et gentibus
coeperunt eum sequi. Sed postquam in caelum
conscenderat, intravit in domum, idest in Ecclesiam, et ibi illuminati sunt. |
Versets 27-31
— Saint Jérôme : Ces
premiers miracles qui ont pour objet la fille du prince de la synagogue et la
femme malade sont suivis, par une admirable conséquence, de la guérison de
deux aveugles. Il fallait, en effet, que la privation de la vue démontrât ce
que la mort et la maladie venaient elles-mêmes de proclamer; c’est pour cela
qu’il est dit: « Comme Jésus
sortait de ce lieu (c’est-à-dire
s’éloignait de la maison de Jaïre), deux
aveugles le suivirent en criant et en disant: Fils de David, ayez pitié de
nous. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) C’est là un grand sujet
d’accusation contre les Juifs: des hommes privés de la vue reçoivent la foi
par l’ouïe seule, tandis que les Juifs, dont les yeux constataient la vérité
de ces miracles, refusent d’y croire. Voyez encore le désir de ces aveugles;
ils ne se contentent pas d’approcher de Jésus, mais ils le font avec de
grands cris, et en ne lui demandant qu’une seule chose, c’est qu’il ait pitié
d’eux. Ils l’appellent Fils de David, parce que ce nom leur paraissait un
titre d’honneur. —
Saint Rémi : C’est avec raison d’ailleurs qu’ils lui
donnent ce nom, car la Vierge Marie descendait de la race de David. —
Saint Jérôme : Que Marcion, que les Manichéens et
les autres hérétiques se rendent attentifs à ces paroles, eux qui déchirent
l’Ancien Testament, et qu’ils apprennent que le Sauveur est proclamé Fils de
David. Or, s’il n’est pas né dans une chair mortelle, comment peut-il être
appelé Fils de David ? — Saint Jean Chrysostome : (hom.
33.) Il
est à remarquer que dans beaucoup de circonstances ce n’est qu’après qu’on
l’en a prié que le Seigneur guérit les malades, car il ne veut pas laisser
croire qu’il a couru après les miracles pour s’attirer de l’honneur et de la
gloire. —
Saint Jérôme : Et cependant, ce n’est pas dans le
chemin et en passant, comme ils le pensaient, qu’il guérit ces aveugles qui
le prient, mais lorsqu’il est arrivé dans la maison; ils s’avancent pour
entrer, et tout d’abord il examine leur foi, afin de les préparer à recevoir
la lumière de la vraie foi. D’où ces mots : « Lorsqu’il fut entré dans la maison, ces aveugles
s’approchèrent de lui, et Jésus leur dit: « Croyez-vous que je peux
faire ce que vous me demandez ? » —
Saint Jean Chrysostome : Il nous apprend une fois de
plus à fuir la gloire que donne la multitude, car comme la maison n’était pas
éloignée, il y conduit les aveugles pour les y guérir en secret. —
Saint Rémi : Lui qui pouvait rendre la vue aux
aveugles, ne pouvait ignorer s’ils avaient la foi; il les interroge
toutefois, afin qu’en confessant de bouche la foi qu’ils portaient dans leur
cœur, ils puissent obtenir une récompense plus grande, selon ces paroles de
l’Apôtre: « Il faut confesser de
bouche pour obtenir le salut. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Et ce n’est pas la seule raison;
Jésus voulait encore montrer qu’ils étaient dignes d’être guéris, et prévenir
cette difficulté: que si la miséricorde seule assurait le salut, tous
devaient y avoir part. Il exige encore d’eux la foi, afin de les élever plus
haut; ils l’ont appelé Fils de David, il leur apprend qu’ils doivent avoir de
lui de plus hautes idées. Aussi ne leur dit-il pas: « Croyez-vous que je
puisse prier mon Père ? » mais: « Croyez-vous
que je peux faire ce que vous me demandez ? » Ils lui
répondent: « Oui, Seigneur. »
Ils ne l’appellent plus Fils de David, ils s’élèvent plus haut et confessent
sa souveraineté. Il leur imposa alors les mains, dit le texte, et il toucha
leurs yeux en leur disant: « Qu’il
vous soit fait selon votre foi. » Il leur parle de la sorte pour
affermir leur foi et constater en même temps que ce qu’ils venaient de dire
ne leur avait pas été dicté par la flatterie. L’Évangéliste rapporte ensuite
leur guérison, en disant: « Et
aussitôt leurs yeux furent ouverts. » Aussitôt après leur guérison, Jésus
leur défend d’en parler à qui que ce soit; et ce n’est pas une simple
défense, c’est un ordre exprès accompagné de menaces sévères. « Et Jésus leur défendit fortement
d’en parler, en leur disant: « Prenez bien garde que qui que ce soit ne
le sache ! » Mais eux, s’en étant allés, répandirent sa réputation
dans tout le pays. » —
Saint Jérôme : C’est par amour pour l’humilité et
pour fuir l’éclat de la vaine gloire que Jésus leur fait cette défense; mais
la reconnaissance qu’ils éprouvent d’un si grand bienfait, ne leur permet pas
de garder le silence. —
Saint Jean Chrysostome : Ce que Notre Seigneur dit à
un autre dans une circonstance différente: « Va et annonce la gloire de Dieu » (Lc 8), n’est pas contraire [à ce qui est ici raconté]. Jésus
veut nous apprendre à nous opposer à ceux qui cherchent à nous louer, en
rapportant à nous seuls les louanges qu’ils nous donnent. Mais si ces
louanges doivent se rapporter à Dieu, bien loin de les défendre, nous devons
les exciter et les prescrire. —
Saint Hilaire : Ou bien encore le Seigneur commande
à ces aveugles de se taire, parce que c’était aux Apôtres qu’était réservé
l’office de la prédication. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 19, 14.) Examinons ici pourquoi le
Tout-Puissant, pour qui vouloir et pouvoir sont une même chose a voulu que ses
miracles demeurent cachés, et que cependant ils soient dévoilés comme malgré
lui par ceux qui venaient de recouvrer l’usage de la vue. Il veut apprendre aux
disciples qui le suivaient, qu’ils devaient désirer que leurs vertus
demeurent cachées [aussi aux yeux des hommes], et cependant les laisser
publier malgré eux dans l’intérêt de ceux qui pourraient en profiter. Ils
doivent donc rechercher le secret par inclination, et laisser dévoiler leurs
oeuvres par nécessité. Qu’ils aiment à se cacher pour garder plus sûrement
leur âme de tout danger, et qu’ils consentent à se voir divulgués dans
l’intérêt des autres. — Saint Rémi : Dans le sens allégorique, ces deux aveugles sont la figure des deux peuples, du peuple juif, et des Gentils, ou bien des deux fractions du peuple juif ; en effet, à l’époque de Roboam, le royaume fut divisé en deux (cf. 3 R 12). Notre Seigneur Jésus-Christ choisit dans l’un et l’autre peuple qui croyait en lui, ceux qu’il devait éclairer dans la maison, qui est son Église, car en dehors de l’unité de l’Église, personne ne peut être sauvé. Or, ceux d’entre les Juifs qui crurent en Jésus publièrent son avènement dans tout l’univers. — Raban : La maison du chef de la synagogue, c’est la synagogue elle-même qui est soumise à Moïse; la maison de Jésus, c’est la céleste Jérusalem. Pendant que le Seigneur traverse ce monde pour retourner dans sa maison, les deux aveugles se mettent à le suivre; en effet, après la prédication de l’Évangile par les Apôtres, un grand nombre d’entre les Juifs et d’entre les Gentils se sont rangés sous sa conduite. Mais après son ascension dans les cieux, il est entré dans sa maison (c’est-à-dire dans son Église), et là, il leur a rendu l’usage de la lumière. |
Lectio 7 [85444] Catena in Mt.,
cap. 9 l. 7 Remigius. Pulchre,
illuminatis caecis, muto loquelam reddidit, et obsessum a Daemone curavit: in
quo facto ostendit se dominum virtutis, et caelestis medicinae auctorem: nam
per Isaiam dictum est: tunc aperientur oculi caecorum, et aures surdorum
patebunt, et aperta erit lingua mutorum. Unde dicitur egressis autem illis,
ecce obtulerunt ei hominem mutum, Daemonium habentem. Hieronymus. Quod autem dicitur Graece cophos,
magis tritum est sermone communi, ut tam surdus quam mutus intelligatur; sed
moris est Scripturarum cophon, indifferenter vel surdum vel mutum dicere.
Chrysostomus in Matth. Non autem naturae erat haec passio, sed ex Daemonis
insidiis: ideoque et aliis indiguit qui eum adducerent; neque enim per
seipsum rogare poterat sine voce existens, neque aliis supplicare, Daemone
animam cum lingua colligente: propter hoc neque expetit fidem ab eo; sed
confestim aegritudinem sanat; unde sequitur et eiecto Daemonio, locutus est
mutus. Hilarius in Matth. In quo rerum ordo
servatus est: nam Daemon prius eicitur, et tunc reliqua corporis officia
succedunt. Sequitur et miratae sunt turbae dicentes: nunquam apparuit sic in
Israel. Chrysostomus in Matth. Praeponebant
quidem ceteris eum, non quia curabat solum, sed quoniam facile et velociter
infinitas aegritudines et insanabiles sanabat. Hoc autem maxime Pharisaeos
contristabat: quoniam omnibus eum praeponebant, non solum his qui tunc erant,
sed et his qui antea geniti fuerunt in Israel: unde Pharisaei concitati e
contrario detrahebant: propter quod sequitur Pharisaei autem dicebant: in
principe Daemoniorum eicit Daemones. Remigius. Scribae namque et Pharisaei facta
domini negabant quae poterant; et quae non poterant negare, in sinistram
partem interpretabantur, secundum illud Psalmi 65, 3: in multitudine virtutis
tuae mentientur tibi inimici tui. Chrysostomus in Matth. Eorum autem dicto quid
est dementius? Non enim confingi potest, proicere Daemonem alterum Daemonem:
suis enim applaudere consuevit, non dissolvere sua. Christus autem non solum
Daemones eiciebat, sed et leprosos mundabat, et mortuos suscitabat, et
peccata solvebat, et regnum Dei praedicabat, et ad patrem homines adducebat,
quae Daemon neque posset facere neque vellet. Rabanus. Mystice autem, sicut in duobus caecis
signatus est uterque populus, Iudaeorum et gentium, ita in homine muto et
daemoniaco generaliter signatum est omne genus humanum. Hilarius in Matth. Vel in muto surdo et
daemoniaco gentium plebs indigna totius salutis infertur: omnibus enim
undique malis circumsessa, totius corporis vitiis implicabatur. Remigius. Gentilis enim populus mutus erat:
quia in confessione verae fidei et in laude sui creatoris os aperire non
poterat; sive quia mutis idolis cultum impendebat, similis illis factus.
Daemoniacus erat quia per mortem infidelitatis Diaboli imperiis subditus erat.
Hilarius. Dei autem cognitione, superstitionum
omnium vesania effugata, et visus et auditus et sermo salutis invehitur. Hieronymus. Sicut enim caeci lumen recipiunt,
sic et muti ad loquendum lingua laxatur, ut confiteatur eum quem antea
denegabat. In turba autem admirante confessio nationum est. Pharisaei autem per suam calumniam usque hodie Iudaeorum infidelitatem
demonstrant. Hilarius. Admirationem autem turbae
talis confessio subsecuta est: nunquam apparuit sic in Israel: quia is cui
per legem nihil opis afferri potuit, verbi virtute salvatur. Remigius. Illi vero qui mutum sanandum domino
obtulerunt, intelliguntur apostoli et praedicatores, qui aspectibus divinae
pietatis gentilem populum salvandum obtulerunt. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem hic
dicitur de duobus caecis et Daemonio muto, solus Matthaeus posuit. Illi duo
caeci de quibus alii narrant, non sunt isti; sed tamen simile factum est; ita
ut si ipse Matthaeus non etiam illius facti meminisset, posset putari hoc
quod nunc narrat, dictum fuisse etiam ab aliis duobus. Quod commendare
memoriae diligenter debemus, esse quaedam facta similia, quod probatur non
esse idem, cum ipse Evangelista utrumque commemorat; ut, si quando talia
singula apud singulos invenerimus, atque in eis contrarium quod solvi non
possit, occurrat nobis, non esse factum idem, sed aliud simile, vel similiter
factum. |
Versets 32-34
—
Saint Rémi : Par un enchaînement admirable, le Seigneur,
après avoir rendu la vue aux aveugles, délie la langue d’un muet, et guérit
un homme possédé du démon, et il se déclare ainsi le Dieu de toute puissance,
et l’auteur des guérisons divines, selon cet oracle d’Isaïe (Is 35): « Alors les yeux des aveugles et les
oreilles des sourds seront ouverts, et la langue des muets sera
déliée. » « Après leur
départ, dit l’Évangéliste, on lui
présenta un homme muet possédé du Démon. » —
Saint Jérôme : Le mot grec χωφος (cophos), dans le langage ordinaire, signifie autant sourd que muet, mais c’est
l’usage des écrivains sacrés de le prendre indifféremment dans les deux sens. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Cette infirmité n’était pas
naturelle, elle venait de la malignité du démon. C’est pourquoi cet homme eut
besoin d’un secours étranger pour arriver jusqu’à Jésus-Christ, et il ne put
ni le prier par lui-même, n’ayant pas l’usage de la parole, ni le faire prier
par d’autres, le démon tenant liée son âme aussi bien que sa langue. Aussi le
Seigneur n’exige pas de lui la foi, mais il le guérit aussitôt, comme le
rapporte l’écrivain sacré: « Et le
démon ayant été chassé, le muet parla. » — Saint Hilaire : (can. 9 sur S. Matth.) L’ordre naturel des
choses est parfaitement observé, le démon est d’abord chassé, et le corps
reprend immédiatement toutes ses fonctions. Suite :
« Et la
multitude en fut dans l’admiration, et ils disaient: On n’a jamais rien vu de
semblable en Israel ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Ce n’est pas seulement parce
qu’ils admiraient en lui le pouvoir de guérir qu’ils le plaçaient au-dessus
de tous les autres, mais parce qu’il guérissait avec une facilité et une
promptitude merveilleuse une infinité de maladies incurables. Ce qui contristait
surtout les pharisiens, c’est que la multitude le proclamait supérieur non seulement
à ceux qui existaient alors, mais encore à tous ceux qui avaient jamais paru
en Israel. C’est ce qui les excite en sens contraire à calomnier
Jésus-Christ, comme le dit l’Évangéliste: « Les
pharisiens, au contraire, disaient: C’est par le prince des démons qu’il
chasse les démons. » —
Saint Rémi : Les scribes et les pharisiens niaient
les miracles du Seigneur autant qu’il leur était possible de le faire, et ils
interprétaient en mauvaise part ceux qu’ils étaient obligés d’admettre, selon
ce passage du Psaume 65, 3: « La
multitude de vos prodiges convaincra vos ennemis de mensonge. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Quoi de plus insensé que cette
explication ? Peut-on imaginer qu’un démon chasse un autre démon ?
Le démon applaudit à ses succès, mais il ne détruit pas ses oeuvres.
Jésus-Christ, au contraire, ne chassait pas seulement les démons, mais il
guérissait les lépreux, il ressuscitait les morts, il remettait les péchés,
il prêchait le royaume de Dieu, et il amenait les hommes à son Père, ce que
ne pouvait ni ne voulait faire le démon. — Raban : De même que dans le sens mystique les deux aveugles figuraient les
deux peuples juif et gentil, ainsi cet homme muet et possédé est la figure du
genre humain tout entier. — Saint Hilaire : (can. 9 sur S.
Matth.) Ou
bien cet homme à la fois muet, sourd et possédé du démon représente le peuple
des Gentils, indigne d’obtenir totalement le salut, plongé qu’il est dans un
abîme de maux, et comme enlacé dans tous les vices de la chair. — Saint Rémi : Le peuple des Gentils était muet, parce qu’il ne pouvait ouvrir la bouche pour confesser la vraie foi et publier les louanges de son Créateur, ou bien parce que, livré au culte des idoles muettes, il leur était devenu semblable. Il était possédé, parce que la mort de l’infidélité l’avait soumis à l’empire du démon. — Saint Hilaire : (can. 9 sur S. Matth.) La connaissance de
Dieu ayant dissipé toutes les folles superstitions, l’homme recouvre tout à
la fois l’usage de la vue, de l’ouïe, et de la parole du salut. —
Saint Jérôme : De même que les aveugles reçoivent la
lumière, ainsi la langue des muets se délie pour confesser celui qu’ils
avaient auparavant nié. Cette foule qui est dans l’admiration, c’est la
multitude des nations qui confessent [la divinité du Seigneur]. Les
pharisiens qui le calomnient sont une figure de l’infidélité des Juifs qui
persévère jusqu’à ce jour. — Saint Hilaire : (can. 9 sur S. Matth.) L’admiration de la
foule est accompagnée de cet aveu: « Jamais
on n’a rien vu de semblable en Israël », parce qu’en effet la
puissance divine du Verbe sauve aujourd’hui celui qui n’avait pu recevoir
aucun secours de la loi. —
Saint Rémi : Dans ceux qui présentent le muet au
Seigneur pour être guéri, on peut voir la figure des Apôtres et des
prédicateurs qui ont offert aux yeux de la divine miséricorde le peuple des
Gentils pour qu’elle lui accordât le salut. — Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 29.) Saint Matthieu est le seul qui raconte ce double miracle des deux aveugles et du muet. Les deux aveugles dont parlent les autres Évangélistes (Mc 10, 46; Lc 18, 35) ne sont pas les mêmes; cependant le fait est semblable, et si saint Matthieu ne racontait pas ce miracle avec toutes ses circonstances, on pourrait croire que son récit lui a été dicté par saint Marc et saint Luc. Nous ne devons jamais perdre de vue qu’il se rencontre dans les Évangiles des faits qui présentent les mêmes caractères. On a une preuve certaine que ces faits sont différents lorsqu’ils sont rapportés par le même Évangéliste. Lorsque donc nous rencontrons des faits de même nature dans chacun des Évangélistes, et qu’il s’y trouve des particularités impossibles à concilier, nous devons en conclure que ce n’est pas le même fait, mais un fait semblable dans sa nature ou dans ses circonstances. |
Lectio 8 [85445] Catena in Mt.,
cap. 9 l. 8 Chrysostomus in Matth. Voluit dominus
ipso facto redarguere accusationem Pharisaeorum dicentium in principe
Daemoniorum eicit Daemonia: Daemon enim convicium passus non benefacit, sed
nocet eis qui eum inhonorant. Dominus autem contrarium
facit, qui post convicia et contumelias non solum non punit, sed etiam nec
increpavit, quinimmo beneficia praestitit; unde sequitur et circuibat Iesus
omnes civitates et castella. In quo erudit nos accusatoribus nostris
retribuere non accusationes, sed beneficia. Qui enim post accusationem
desistit a beneficio, monstrat quoniam propter hominum laudem benefacit. Si
vero propter Deum benefacis conservis, quicquid illi fecerint, non desistis
benefaciens, ut maior sit merces. Hieronymus. Vides autem quod aequaliter et
vicis et urbibus et castellis, idest et magnis et parvis, Evangelium
praedicaverit, ut non consideraret nobilium potentiam, sed salutem
credentium. Sequitur docens in synagogis eorum: hoc scilicet habens operis
quod mandaverat pater, et hanc esuriem ut doctrina salvos faceret infideles. Docebat autem in synagogis Evangelium regni; unde sequitur et
praedicans Evangelium regni. Remigius. Intelligendum est Dei. Quamvis enim
annuntientur bona temporalia, tamen non dicitur Evangelium. Hinc est quod lex
non nominatur Evangelium: quia suis observatoribus non promittebat bona
caelestia, sed terrena. Hieronymus. Post praedicationem autem et
doctrinam curabat omnem languorem et omnem infirmitatem, ut, quibus sermo non
suaserat, opera persuaderent; unde sequitur curans omnem languorem et omnem
infirmitatem; quod de ipso proprie dicitur, nihil quippe ei impossibile est.
Glossa. Languorem vocat diuturnam
infirmitatem, infirmitatem autem leves morbos. Remigius. Sciendum est
autem quia illos quos corpore sanabat forinsecus, mente sanabat intrinsecus. Alii vero hoc facere non possunt sua potestate, sed per Dei gratiam. Chrysostomus in Matth. Non autem in hoc
stat Christi bonitas, sed et aliam providentiam circa eos ostendit, viscera
misericordiae circa eos expandens; unde sequitur videns autem turbas,
misertus est eis. Remigius. Per quod officium boni pastoris
magis quam mercenarii in se Christus ostendit. Quare autem misertus sit
subiungit quia erant vexati et iacentes sicut oves non
habentes pastorem: vexati quidem a Daemonibus: sive quia a diversis
infirmitatibus et languoribus erant attriti. Rabanus. Vel
vexati per diversos errores, et iacentes, idest torpentes, non valentes
surgere: et cum haberent pastores, erant quasi non haberent pastorem. Chrysostomus in Matth. Haec principum
Iudaeorum excusatio, quoniam pastores existentes, ea quae luporum erant
ostendebant: non solum enim non emendabant multitudinem, sed et nocebant
eorum profectui. Illis enim admirantibus et dicentibus: nunquam apparuit sic
in Israel, e contrario dicebant, quoniam in principe Daemoniorum eicit
Daemonia. Remigius. Postquam autem Dei filius de caelo prospexit
in terram ut audiret gemitus compeditorum, mox multa messis coepit augeri:
turbae namque humani generis fidei non appropinquassent, nisi quia auctor
humanae salutis de caelis prospexit in terram; et ideo sequitur tunc dixit
discipulis suis: messis quidem multa, operarii autem pauci. Glossa. Messis ergo dicuntur homines, qui
possunt meti a praedicatoribus, et de collectione perditorum separari, ut
grana excussa a paleis, postea in horreis reponantur. Hieronymus. Messis multa, populorum signat multitudinem;
operarii pauci, penuriam magistrorum. Remigius. Parvus enim erat numerus
apostolorum ad comparationem tantarum segetum. Hortatur autem dominus suos
praedicatores, idest apostolos, et eorum sequaces, ut quotidie sui numeri
augmentationem exposcant; unde subdit rogate ergo dominum messis ut mittat
operarios in messem suam. Chrysostomus in Matth. Latenter seipsum
dominum ostendit: ipse enim est qui messis est dominus. Si enim metere misit
quae apostoli non seminaverunt, manifestum est quoniam non aliena metere
misit, sed ea quae ipse per prophetas seminavit. Sed cum duodecim apostoli
sint operarii, dixit deprecamini dominum messis ut mittat operarios in messem
suam: et tamen nullum eis adiecit, quia scilicet eos iam duodecim existentes
multiplicavit, non numero adiciens, sed virtutem largiens. Remigius. Vel tunc augmentatus est quando
designavit et alios septuaginta duos, et quando sunt facti multi
praedicatores, spiritu sancto descendente super credentes. Chrysostomus in Matth. Ostendit autem
quia magnum donum sit hoc, scilicet ut aliquis habeat virtutem decenter
praedicandi, per hoc quod dicit hoc esse orandum. Commemorat
autem in hoc loco verborum Ioannis de area et ventilabro et palea et frumento. Hilarius in Matth. Mystice autem, salute
gentibus data, civitates omnes et castella omnia, virtute et ingressu Christi
illuminantur, et omnem infirmitatem veterem languoris evadunt. Immundi autem
spiritus dominante violentia vexatam et sub legis onere aegrotam plebem
dominus miseretur: quia nullus adhuc eis pastor erat custodiam sancti
spiritus redditurus. Erat autem doni istius copiosissimus fructus, cuius
copia haurientium multitudinem vincit; nam quantumlibet assumatur a cunctis,
ad largiendum tamen semper exuberat: et quia plures esse utile est per quos
ministratur, rogari dominum messis iubet, ut ad capessendum quod
praeparabatur donum spiritus sancti messorum copiam Deus praestet: per
orationem enim hoc munus a Deo nobis effunditur. |
Versets 35-38
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Le Seigneur voulut répondre par ses oeuvres à cette accusation
des pharisiens: « C’est par le
prince des démons qu’il chasse les démons. » Car lorsque le démon
reçoit un outrage, il se venge non pas en faisant du bien, mais en cherchant
à nuire à celui qui le déshonore. Le Seigneur tient une conduite contraire:
après les injures et les outrages non seulement il ne punit pas, il ne fait
même pas de reproches; bien plus il répand des bienfaits. C’est ce que
l’Évangéliste ajoute: « Et Jésus
parcourait toutes les villes et les bourgades. » C’est ainsi qu’il
nous apprend à répondre à ceux qui nous accusent non par des accusations
semblables, mais par des bienfaits. Celui qui, victime d’une accusation,
cesse de faire le bien, montre qu’il n’agissait que pour s’attirer les
louanges des hommes. Si au contraire c’est pour Dieu que vous faites du bien
à vos frères, quoiqu’ils entreprennent contre vous, leur conduite
n’interrompra pas le cours de vos bienfaits, et votre récompense n’en sera
que plus grande. —
Saint Jérôme : Vous voyez qu’il prêche également
l’Évangile dans les villages comme dans les villes et dans les bourgs,
c’est-à-dire aux petits comme aux grands; il ne considère pas la puissance
qui vient de la noblesse, il ne voit que le salut de ceux qui croient en lui.
L’Évangéliste ajoute: « Il
enseignait dans leurs synagogues », accom-plissant ainsi l’oeuvre
que son Père lui avait confiée et satisfaisant la faim qu’il éprouvait de
sauver les infidèles par sa parole. Il enseignait dans les synagogues
l’Évangile du royaume, comme le dit expressément le texte sacré: « Et il prêchait l’Évangile du
royaume. » —
Saint Rémi : Par cet évangile du royaume, il faut
entendre l’Évangile de Dieu, car si on n’annonce que des biens temporels, ce
n’est point là l’Évangile; c’est pour cela que ce nom n’est pas donné à la
loi, parce qu’elle ne promettait à ceux qui l’observaient que des biens
temporels, et non ceux de l’éternité. —
Saint Jérôme : Après avoir prêché l’Évangile et
enseigné sa doctrine, il guérissait toutes les langueurs et toutes les
infirmités, persuadant ainsi par ses oeuvres ceux que ses discours n’avaient
pu persuader; c’est ce qu’ajoute l’écrivain sacré: « guérissant toute langueur et toute infirmité. » Ces
paroles lui sont appliquées littéralement, car rien ne lui est impossible. — La Glose : La langueur, ce
sont les longues souffrances; l’infirmité, les maladies les plus légères. —
Saint Rémi : Remarquez qu’il guérissait
intérieurement l’âme de ceux dont il guérissait extérieurement le corps, ce
que les autres hommes ne peuvent faire par eux-mêmes, mais seulement par la
grâce de Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
33.) La
bonté de Jésus-Christ ne s’arrête pas là, il fait preuve à leur égard d’une
autre sollicitude, et il ouvre sur eux les entrailles de sa miséricorde. « Et, voyant ces foules, dit
l’Évangéliste, il en eut
compassion. » —
Saint Rémi : Notre Seigneur nous révèle ici les
sentiments d’un bon pasteur si éloignés de ceux du mercenaire. Mais pourquoi
cette compassion ? La suite nous l’apprend : ils étaient tourmentés
par les Démons et gisaient comme des brebis sans pasteur, ou bien ils étaient
affligés par diverses infirmités et maladies. — Raban : Ou bien ils
étaient tourmentés par diverses erreurs; ils étaient couchés, c’est-à-dire
comme engourdis sans pouvoir se lever, et tout en ayant des pasteurs, ils
étaient comme n’en ayant pas. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Le crime des princes des Juifs,
c’est qu’étant les pasteurs du troupeau, ils se conduisaient à son égard
comme des loups; car non-seulement ils ne travaillaient pas à la réforme du
peuple, mais encore ils nuisaient à son progrès. Le peuple dans l’admiration
s’écriait: « Jamais on n’a rien vu
de semblable dans Israël, » et à ce témoignage ils opposaient cette
calomnie: « C’est par le prince
des démons qu’il chasse les démons. » —
Saint Rémi : Mais du moment que le Fils de Dieu eut
regardé du ciel sur la terre pour entendre les gémissements de ceux qui
étaient enchaînés (Ps 101), la
moisson déjà grande devint plus considérable encore; car jamais la multitude
du genre humain ne fût parvenue à la foi, si l’auteur du salut des hommes
n’eût jeté du ciel un regard de miséricorde sur la terre, et c’est pour cela
que l’Évangéliste ajoute: « Alors
il dit à ses disciples: « La moisson est grande, il est vrai, mais les
moissonneurs sont peu nombreux. — La Glose : La moisson, ce sont
les hommes qui peuvent être moissonnés par les prédicateurs, séparés de la
masse de perdition et conservés dans les greniers comme les grains détachés
de la paille. —
Saint Jérôme : La grande moisson signifie la
multitude des peuples, et le petit nombre d’ouvriers, la rareté de ceux qui
doivent enseigner. —
Saint Rémi : Le nombre des Apôtres était bien petit
en effet, en comparaison de ces vastes moissons. Or, le Seigneur exhorte ses
prédicateurs, c’est-à-dire les Apôtres et leurs successeurs, à demander tous
les jours que leur nombre s’augmente. « Priez
donc le Maître de la moisson, qu’il envoie des ouvriers dans sa maison. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Il déclare ainsi indirectement qu’il est ce Maître dont il parle, car c’est lui-même qui est le Maître de la moisson. En effet, s’il a envoyé les Apôtres moissonner ce qu’ils n’avaient pas semé, il est évident qu’il n’a pu les envoyer recueillir la moisson d’autrui, mais ce que lui-même avait semé par les prophètes (Jn 4, 38). Mais comme ce sont les douze Apôtres qui sont les moissonneurs, il leur dit: « Priez donc le Maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers en sa moisson. » Cependant il ne leur adjoignit personne. Ils restèrent douze, et il ne les multiplia qu’en ajoutant non pas à leur nombre, mais à leur puissance. — Saint Rémi : Ou bien leur nombre a augmenté quand il en a désigné soixante-douze autres, et quand les prédicateurs sont devenus nombreux, l’Esprit Saint descendant sur les croyants. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
33.) Le
Seigneur nous apprend quel don précieux c’est que de pouvoir annoncer
convenablement la parole de Dieu, en nous recommandant de prier à cet effet.
Ces paroles nous rappellent les comparaisons du précurseur, l’aire, le van,
la paille et le blé (Mt 3). —
Saint Hilaire : Dans le sens mystique, au moment où
le salut est donné aux nations, toutes les villes, toutes les bourgades sont
éclairées par l’avènement et la vertu du Christ et abandonnent toutes les
vieilles infirmités de la faiblesse. Le Seigneur a pitié de son peuple
tourmenté par la violence tyrannique de l’esprit impur, et fatigué du lourd
fardeau de la loi, car il n’avait pas encore de pasteur qui pût lui assurer
la garde de l’Esprit saint. Or, le fruit de ce don céleste était on ne peut
plus abondant, et sa source féconde ne pouvait être épuisée par la multitude
de ceux qui venaient y participer; car quel que soit leur nombre, sa
plénitude se répand toujours de la même manière. Et comme il faut un grand
nombre de ministres pour distribuer cette grâce, Notre Seigneur ordonne de
prier le Maître de la moisson d’envoyer un grand nombre de moissonneurs pour
recevoir ce don de l’Esprit saint. En effet, c’est par le moyen de la prière
que Dieu répand sur nous cette grâce. |
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Caput 10 |
CHAPITRE 10 —
[Jésus envoie ses disciples vers Israël]
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Lectio 1 [85446] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 1 Glossa. A curatione socrus Petri usque
huc continuationem habuerunt relata miracula; et fuerunt ante sermonem in
monte habitum facta: quod ex electione Matthaei, quae inter ipsa refertur,
indubitanter habemus: fuit enim unus de duodecim electus in monte ad
apostolatum. Hic autem redit ad ordinem rei, sicut gesta est, post curatum
centurionis servum, dicens et convocatis duodecim discipulis. Remigius. Narraverat enim supra
Evangelista quia cohortatus est dominus discipulos rogare dominum messis ut
mitteret operarios in messem suam; et quod hortatus est, hoc nunc implere
videtur. Duodenarius enim numerus perfectus est: nascitur enim a senario, qui
perfectionem habet, eo quod ex suis partibus, quae sunt unum, duo, et tria,
in seipsum formatur: senarius autem duplicatus duodenarium gignit. Glossa. Quae quidem duplicatio ad duo
praecepta caritatis, vel ad duo testamenta pertinere videtur. Rabanus. Duodenarius etiam numerus, qui
conficitur ex ternario et quaternario, designat eos per quatuor mundi climata
fidem sanctae Trinitatis praedicaturos. Iste
etiam numerus per multas figuras in veteri testamento praesignatus est. Per
duodecim filios Iacob, per duodecim principes filiorum Israel, per duodecim
fontes viventes in Helim, per duodecim lapides in rationali Aaron, per
duodecim panes propositionis, per duodecim exploratores a Moyse missos, per
duodecim lapides unde factum est altare, per duodecim lapides sublatos de
Iordane, per duodecim boves qui sustinebant mare aeneum. In novo etiam
testamento per duodecim stellas in corona sponsae, per duodecim fundamenta
Ierusalem, quae vidit Ioannes, et per duodecim portas. Chrysostomus in Matth. Non solum autem
eos confidere fecit, eorum ministerium vocando missionem in messem, sed et
faciendo eos potentes ad ministerium; unde sequitur dedit illis potestatem
spirituum immundorum, ut eicerent eos, et curarent omnem languorem et omnem
infirmitatem. Remigius. In quo aperte demonstratur quia
vexatio turbarum non fuit tantum una aut simplex, sed varia; et hoc est
misereri turbis, dare discipulis potestatem curandi et sanandi eas. Hieronymus. Benignus etenim, et clemens
dominus ac magister non invidet servis atque discipulis virtutes suas; et
sicut ipse curaverat omnem languorem et infirmitatem, apostolis quoque suis
tribuit potestatem ut curent omnem languorem et omnem infirmitatem. Sed multa
differentia est inter habere et tribuere, donare et accipere. Iste quodcumque
agit, potestate domini agit; illi, si quid faciunt, imbecillitatem suam et
virtutem domini confitentur, dicentes: in nomine Iesu surge et ambula.
Catalogus autem apostolorum ponitur, ut extra hos, qui pseudo apostoli sunt,
excludantur; unde sequitur duodecim autem apostolorum nomina sunt haec:
primus Simon qui vocatur Petrus, et Andreas frater eius. Ordinem quidem
apostolorum et meritum uniuscuiusque, illius fuit distribuere qui cordis
arcana rimatur. Primus scribitur Simon cognomine Petrus, ad distinctionem
alterius Simonis qui appellatur Chananaeus de vico Galilaeae Chana, ubi
dominus aquas convertit in vinum. Rabanus. Idem est autem Graece sive Latine
Petrus, quod Syriace Cephas; et in utraque lingua nomen a petra derivatum
est. Nec dubium quin illa de qua Paulus ait: petra autem erat Christus. Remigius. Fuerunt autem nonnulli qui in hoc
nomine, Graeco scilicet atque Latino, quod est Petrus, quaerentes Hebraicae
linguae interpretationem, dixerunt, quod interpretatur discalcians, sive
dissolvens vel agnoscens. Sed illi qui hoc dicunt, duabus tenentur
contrarietatibus. Prima est ex proprietate Hebraicae linguae, in qua p non
exprimitur, sed loco eius ph ponitur. Unde Pilatum dicunt Philatum. Secunda
ex interpretatione Evangelistae, qui narrat dominum dixisse: tu vocaberis
Cephas, et ipse de suo addit: quod interpretatur Petrus. Simon interpretatur
obediens: obedivit enim verbis Andreae, et cum eo venit ad Christum; sive
quia obedivit praeceptis divinis, et quia ad unius iussionis vocem secutus
est dominum; sive, ut quibusdam placet, interpretatur deponens moerorem, et
audiens tristitiam: domino enim surgente deposuit moerorem dominicae
passionis, et tristitiam audivit, dicente ei domino: alius te cinget, et
ducet quo tu non vis. Sequitur et Andreas frater eius. Chrysostomus in Matth. Non parva autem et haec
laus est. Petrum enim denominavit a virtute, Andream
vero a nobilitate, quae est secundum morem, in hoc quod eum fratrem Petri
dixit. Marcus autem post duos vertices, scilicet Petrum et Ioannem, Andream
numerat; hic autem non ita: Marcus enim secundum dignitatem eos ordinavit. Remigius. Andreas autem interpretatur
virilis. Sicut enim apud Latinos a viro derivatur virilis, ita apud Graecos
ab andros, derivatur Andreas. Bene autem virilis
dicitur, quia relictis omnibus secutus est Christum, et viriliter in mandatis
eius perseveravit. Hieronymus. Evangelista autem paria iuga
apostolorum quaeque consociat. Iungit enim Petrum et Andream fratres, non tam
carne quam spiritu; Iacobum et Ioannem qui patrem corporis relinquentes,
verum patrem secuti sunt: unde sequitur Iacobus Zebedaei et Ioannes frater
eius: Iacobum quoque appellat Zebedaei, quia et alius sequitur Iacobus
Alphaei. Chrysostomus in Matth. Vide autem quia non
secundum dignitatem ordinat. Mihi enim videtur Ioannes non aliis solum, sed
etiam fratre maior esse. Remigius. Interpretatur autem Iacobus
supplantans, sive supplantator: quia non solum vitia carnis supplantavit, sed
etiam eamdem carnem Herode trucidante contempsit. Ioannes interpretatur Dei
gratia, quia prae omnibus diligi a domino meruit: unde ob praecipui amoris
gratiam, super pectus domini in coena recubuit. Sequitur Philippus et
Bartholomaeus. Philippus interpretatur os lampadis, sive lampadarum, quia
lumen quo illuminatus est a domino, mox invento fratri per officium oris
studuit propinare. Bartholomaeus Syrum nomen est, non Hebraeum, et
interpretatur filius suspendentis aquas id est Christi: qui corda suorum
praedicatorum de terrenis ad caelestia sublevat et suspendit, ut quo magis
caelestia penetrat, eo corda suorum auditorum gutta sanctae praedicationis
magis inebriet et infundat. Sequitur Thomas et Matthaeus publicanus. Hieronymus. Ceteri Evangelistae in coniunctione
nominum primum ponunt Matthaeum, postea Thomam; nec publicani nomen
ascribunt, ne antiquae conversationis recordantes sugillare Evangelistam
viderentur; iste vero et post Thomam se ponit, et publicanum appellat: ut ubi
abundavit peccatum, superabundet et gratia. Remigius. Thomas autem interpretatur abyssus,
sive geminus, qui Graece dicitur Didymus. Bene autem Didymus abyssus
interpretatur; quia quo diutius dubitavit, eo profundius effectum dominicae
passionis credidit, et mysterium divinitatis agnovit: unde dixit: dominus
meus et Deus meus. Matthaeus autem interpretatur donatus, quia Dei munere de
publicano Evangelista factus est. Sequitur et Iacobus Alphaei et Thaddaeus.
Rabanus. Iste Iacobus est qui in Evangeliis
frater domini nominatur, et etiam in epistola ad Galatas: quia Maria uxor
Alphaei, soror fuit Mariae matris domini, quam Ioannes Evangelista Mariam
Cleophae nominavit: fortasse quia idem Cleophas et Alphaeus est dictus. Vel ipsa Maria, defuncto Alphaeo, post Iacobum natum, nupsit Cleophae. Remigius. Et bene dicitur filius Alphaei,
idest iusti, sive docti: quia non solum vitia carnis supplantavit, sed etiam
curam carnis contempsit: nam cuius meriti fuerit, testes sunt apostoli qui
eum episcopum Hierosolymitanae Ecclesiae ordinaverunt: unde et ecclesiastica
historia inter cetera de eo dicit, quia carnem nunquam comedit, et vinum et
siceram non bibit, balneis et lineis vestibus non est usus, die noctuque
flexis genibus orabat. Adeo etiam magni meriti fuit ut ab omnibus iustus
vocaretur. Thaddaeus autem ipse est quem Lucas Iudam Iacobi, idest fratrem
Iacobi appellat, cuius epistola in Ecclesia legitur, in qua se fratrem Iacobi
nominat. Augustinus de Cons. Evang. Nonnulli autem
codices habent Lebbaeum. Quis autem unquam prohibuit duobus vel tribus
nominibus unum hominem vocari? Remigius. Iudas autem interpretatur confessus,
eo quod filium Dei confessus sit. Rabanus. Thaddaeus autem sive Lebbaeus
interpretatur corculus, idest cordis cultor. Sequitur Simon Chananaeus, et
Iudas Iscariotes, qui et tradidit eum. Hieronymus. Simon Chananaeus ipse est qui ab
alio Evangelista scribitur Zelotes, Chana quippe zelus interpretatur. Iudas
autem Iscariotes, vel a vico in quo ortus est, vel ex tribu Issachar
vocabulum sumpsit, ut quodam vaticinio in condemnationem sui natus sit.
Issachar enim interpretatus est merces, ut significetur pretium proditoris.
Remigius. Interpretatur autem Iscariotes
memoria domini, quia secutus est dominum; sive memoriale mortis, quoniam
meditatus est in corde suo ut dominum traderet in mortem; seu suffocatio,
quia seipsum strangulavit. Et sciendum, quod duo discipuli hoc nomine sunt
vocati, per quos omnes Christiani designantur: per Iudam Iacobi illi qui in
confessione fidei perseverant; per Iudam Iscariotem illi qui relicta fide
retro convertuntur. Glossa. Duo et duo nominatim exprimuntur, ut
iugalis societas approbetur. Augustinus de Civ. Dei. Elegit ergo hos in
discipulos, quos et apostolos nominavit, humiliter natos, inhonoratos,
illitteratos, ut quicquid magnum essent et facerent, ipse in eis esset et
faceret. Habuit inter eos unum quo malo utens bene, et suae passionis
impleret dispositum, et Ecclesiae suae tolerandorum malorum praeberet
exemplum. Rabanus. Qui etiam non per imprudentiam inter
apostolos eligitur: magna est enim veritas quam nec adversarius minister
infirmat. Voluit etiam a discipulo prodi, ut tu a socio proditus, modeste
feras tuum errasse iudicium, periisse beneficium. |
Versets 1-4
— La Glose : Depuis la guérison de la belle-mère de Pierre jusqu’à cet endroit,
les miracles opérés par Jésus-Christ sont racontés sans interruption, et ils
ont tous eu lieu avant le sermon sur la montagne, ainsi que le prouve jusqu’à
l’évidence la vocation de saint Matthieu qui s’y trouve comprise, car saint
Matthieu a été un des douze que Jésus a élus sur la montagne pour
l’apostolat. Ici l’Évangéliste reprend son récit en suivant l’ordre dans
lequel les faits se sont passés, après la guérison du serviteur du centurion.
« Et Jésus ayant appelé les douze
disciples. » — Saint Rémi : L’Évangéliste venait de raconter que Notre Seigneur avait engagé ses disciples à prier le Maître de la moisson d’envoyer les ouvriers dans sa moisson, et il accomplit lui-même ce qu’il les a engagés à demander. Le nombre douze en effet, est un nombre parfait; puisqu’il vient du nombre six qui est parfait lui-même, parce qu’il se compose de ses fractions qui sont un, deux trois. Or, ce nombre six étant doublé, forme le nombre douze. — La Glose : Cette multiplication par deux peut signifier ou les deux préceptes de
la charité ou les deux Testaments. — Raban : Le nombre
douze, composé du nombre trois multiplié par quatre, signifie que les Apôtres
prêcheront la foi en la sainte Trinité dans les quatre parties du monde. Ce
nombre se trouve aussi figuré par avance de plusieurs manières dans l’Ancien
Testament; dans les douze enfants de Jacob (Gn 35); dans les douze chefs des
enfants d’Israël (Nb 1); dans les
douze sources d’eau vive d’Hélim (Ex 15);
dans les douze pierres précieuses qui brillaient sur le rational d’Aaron (Ex 39); dans les douze pains de
proposition (Lv 24); dans les douze
hommes envoyés par Moïse pour examiner la terre promise (Nb 13); dans les douze pierres qui servirent à élever un autel
(3 R 18); dans les douze autres pierres
qui furent retirées du Jourdain (Jos 4);
dans les douze boeufs qui supportaient la mer d’airain (3 R 7); et pour le Nouveau Testament,
dans les douze étoiles qui forment la couronne de l’épouse (Ap 12); dans les douze pierres
fondamentales; dans les douze portes de la Jérusalem céleste qui fut révélée
à saint Jean (Ap 21). — Saint Jean Chrysostome : (hom.
33.) Ce
n’est pas seulement en leur représentant leur ministère comme une moisson
prête à recueillir que le Seigneur inspire à ses Apôtres une vive confiance,
mais encore en leur donnant d’exercer ce ministère avec puissance. « Et il leur donna puissance sur les
esprits impurs, pour les chasser et pour guérir toutes les langueurs et
toutes les infirmités. » —
Saint Rémi : Nous avons ici une preuve évidente que
l’accablement de cette multitude ne venait pas d’une seule cause, mais que
leurs infirmités étaient nombreuses et variées, et c’est en donnant à ses
disciples le pouvoir de les traiter et de les guérir que Jésus prend pitié
d’elles. —
Saint Jérôme : Car le Seigneur est plein de bonté et
de clémence; c’est un Maître qui n’est pas jaloux de la puissance de ses
serviteurs et de ses disciples; aussi leur donne-t-il libéralement le même
pouvoir qu’il avait exercé de guérir toutes les langueurs et toutes les
infirmités. Mais il y a une grande différence entre posséder et accorder aux
autres ce qu’on possède soi-même, entre donner et recevoir. Tout ce que fait
Jésus-Christ, c’est avec un pouvoir souverain, tandis que les Apôtres, dans
toutes leurs oeuvres, sont forcés de confesser leur propre faiblesse et la
puissance du Seigneur, comme lorsqu’ils disent: « Au nom de Jésus, levez-vous et marchez » (Ac 3, 6; 20, 34.)
L’Évangéliste nous donne ici le nombre des Apôtres pour en exclure comme faux
apôtres ceux qui n’y sont pas compris; c’est pour cela qu’il ajoute: « Or, voici les noms des douze
Apôtres: le premier, Simon qui s’appelle Pierre, et André son frère. »
Il n’appartenait qu’à celui qui pénètre le secret des cœurs d’assigner à
chacun des Apôtres la place qu’il méritait. Le premier nommé, c’est Simon, et
Jésus lui donne le surnom de Pierre pour le distinguer d’un autre Simon, le
Chananéen, du bourg de Cana, ou Jésus changea l’eau en vin. — Raban : Le nom grec Πετρος, en latin Petrus, correspond
au nom syriaque Cephas, dans
chacune de ces trois langues, ce nom est dérivé du mot pierre. Or, il est hors de doute que cette pierre est celle dont
saint Paul a dit: « La pierre
était le Christ. » —
Saint Rémi : Quelques-uns ont voulu trouver dans ce
nom, qui en grec comme en latin veut dire pierre,
la signification d’un mot hébreu qui selon eux signifie dissolvant, ou déchaussant, ou connaissant.
Mais cette interprétation a contre elles deux raisons, qui la rendent
impossible, la première, c’est que dans la langue hébraïque la lettre P
n’existe pas, et qu’elle est remplacée par la lettre F: ainsi on dit Philate [ou
Filate] pour Pilate; la seconde, c’est l’interprétation de l’Évangéliste qui
raconte que le Seigneur dit à Pierre: « Tu t’appelleras Cephas »,
et ajoute de lui-même: « c’est-à-dire Pierre. » (Jn 1) Or Simon signifie obéissant, car il obéit à la voix
d’André, et vint avec lui trouver le Christ. (Jn 1) Peut-être aussi est-ce parce qu’il se montra plein
d’obéissance aux préceptes divins, et que sur une seule parole du Seigneur il
se mit à sa suite. (Mt 4) Ce nom,
selon quelques autres interprètes, peut encore signifier celui qui dépose son chagrin, et qui entend une chose triste. En
effet, à la résurrection du Seigneur, Pierre bannit la tristesse que lui
avaient causé la passion du Seigneur, et il entendit avec tristesse le Seigneur
lui dire: « Un autre te ceindra,
et te conduira là où tu ne veux pas. » Suite : « Et André son frère. » — Saint
Jean Chrysostome : [référence
à vérifier] C’est un grand honneur pour André que cette
dénomination. Pierre est désigné par sa vertu, et André par la noblesse qui,
selon l’usage, lui vient d’être le frère de Pierre. Saint Marc, au contraire,
ne nomme André qu’après Pierre et Jean, les deux sommités du collège des
Apôtres; et en cela différant de saint Matthieu, il les classe suivant leur
dignité. —
Saint Rémi : André signifie viril, car de même que le mot virilis,
en latin, vient du mot vir, ainsi
en grec le nom d’André vient d’¢νηρ. C’est à juste titre qu’on lui donne le nom de viril, parce qu’il a
tout quitté pour suivre le Christ, et qu’il a persévéré avec courage dans la
voie de ses commandements. —
Saint Jérôme : L’Évangéliste nous présente les
Apôtres associés deux par deux. Il joint ensemble les frères Pierre et André,
beaucoup moins unis par les liens du sang que par ceux de l’esprit; Jacques
et Jean qui abandonnèrent leur père selon la nature pour suivre leur
véritable Père. « Jacques, est-il
dit, fils de Zébédée, et Jean son
frère. » Jacques est ainsi désigné à cause d’un autre Jacques qui
est fils d’Alphée. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 33.) Vous voyez que ce n’est point
par rang de dignité qu’il les place, car Jean, me semble-t-il, ne l’emporte
pas seulement sur les autres, mais sur son frère. —
Saint Rémi : Jacques veut dire supplantant, ou celui qui supplante; en effet non seulement il
supplanta les vices de la chair, mais encore il méprisa cette même chair
jusqu’à la livrer au glaive d’Hérode (Ac 12). Jean signifie la grâce de Dieu, parce qu’il mérita
d’être aimé de Dieu plus que tous les autres, et c’est ce privilège d’amour
particulier qui lui valut de reposer pendant la Cène sur la poitrine du Seigneur
(Jn 13). Viennent ensuite Philippe
et Barthélemy: Philippe signifie l’ouverture
de la lampe ou des lampes,
parce qu’il s’empressa de répandre sur son frère, par le ministère de la
parole, cette lumière dont le Seigneur l’avait éclairé lui-même. Barthélemi
est un nom plutôt syriaque qu’hébreu; il veut dire le fils de celui qui suspend le cours des eaux, c’est-à-dire le
fils de Jésus-Christ, qui élève le cœur de ses prédicateurs au-dessus des
choses de la terre et les suspend pour ainsi dire aux choses célestes, afin
que plus ils pénètrent les secrets du ciel, plus aussi la rosée de leur
prédication sainte puisse enivrer et pénétrer les cœurs de ceux qui les
entendent. Suite :
« Thomas et Matthieu le publicain. » — Saint Jérôme : Les autres Évangélistes en réunissant les deux noms mettent d’abord celui de Matthieu, ensuite celui de Thomas, et ils suppriment cette épithète de publicain pour éviter l’apparence même de l’outrage à l’égard de saint Matthieu en rappelant son ancienne profession. Mais lui-même se place après saint Thomas, et se dit hautement publicain, pour montrer que la grâce a surabondé là où le péché avait abondé. (Rm 5). — Saint Rémi : Le nom de Thomas signifie abîme ou gémeau; en grec il se dit Didumoj. Thomas mérite à la fois le nom d’abîme et de Didyme, car plus ses doutes se prolongèrent, plus aussi furent profondes et sa foi dans les effets de la passion du Seigneur et la connaissance qu’il eut de sa divinité, ce qu’il prouva en s’écriant: « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Matthieu signifie donné, car c’est par la grâce de Dieu que de publicain il devint évangéliste. Suite : « Et
Jacques fils d’Alphée, et Thadée. » — Raban : Jacques,
fils d’Alphée, est celui qui dans l’Évangile et dans l’Épître aux Galates est
appelé le frère du Seigneur (Mt 13, 55; Mc 5, 3; Gal 1, 19), parce que Marie
épouse d’Alphée était la soeur de Marie, mère du Seigneur. Saint Jean l’Évangéliste
l’appelle Marie, épouse de Cléophas, peut-être parce qu’Alphée portait aussi
le nom de Cléophas, ou bien parce qu’après la naissance de Jacques, Marie
ayant perdu Alphée, épousa Cléophas en secondes noces. —
Saint Rémi : Ce n’est pas sans raison qu’il est
appelé fils d’Alphée, c’est-à-dire de celui
qui est juste ou savant, car
non-seulement il triompha des vices de la chair, mais encore il méprisa tous
les soins qu’elle réclame; et il eut pour témoins de sa vertu les apôtres qui
l’ordonnèrent évêque de l’Église de Jérusalem. L’histoire ecclésiastique
raconte de lui, entre autres choses que jamais il ne mangea de viande, et
qu’il ne but jamais ni vin ni bière. Il ne prenait pas de bains, ne portait
pas d’habits de lin; nuit et jour il priait, les genoux en terre. Ses vertus
étaient si éclatantes que tous unanimement l’appelaient le Juste. Thaddée est
celui que saint Luc appelle Judas de Jacques, c’est-à-dire frère de Jacques.
Dans son Épître que l’Église reçoit comme canonique, il s’appelle lui-même
frère de Jacques. —
Saint Augustin : (de l’acc. des Evang., 1. 2, ch. 30.)
Quelques manuscrits lui donnent le mon de Lebbée; mais qui empêche que le
même homme porte simultanément deux ou trois noms différents ? —
Saint Rémi : Judas signifie celui qui a confessé, parce qu’il a confessé la divinité du Fils
de Dieu. — Raban : Thaddée ou Lebbée
signifie sensé, ou celui qui s’applique à la culture du cœur. Suite :
« Simon le Chananéen et Judas Iscariote, qui le
trahit. » —
Saint Jérôme : Simon le Chananéen est celui qui est
appelé Zélotés par un autre
Évangéliste, parce que Chana signifie zèle.
Judas Iscariote est ainsi nommé ou du bourg où il est né, ou de la tribu
d’Issachar, et il semble que ce soit par une espèce de prophétie qu’il soit
né pour sa condamnation; car Issachar signifie récompense, et ce nom semble indiquer le prix de sa trahison. —
Saint Rémi : Le nom d’Iscariote signifie souvenir du Seigneur, parce qu’il se
mit à la suite du Seigneur; ou bien mémorial
de la mort, signification qui se rapporte au fait qu’il prémédita la mort
du Seigneur; ou bien suffocation, parce
qu’il s’étrangla de ses propres mains. Il est à remarquer que ce nom de Judas
fut porté par deux des disciples de Jésus, qui sont la figure de tous les
chrétiens: Judas frère de Jacques représente tous ceux qui persévèrent dans
la foi; Judas Iscariote, ceux qui abandonnent la foi pour retourner en
arrière. — La Glose : Les Apôtres sont
nommés deux par deux, comme témoignage d’approbation de la société « conjugale ». —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 18.) Jésus les choisit donc
pour disciples et donna le nom d’apôtres à ces hommes de naissance obscure,
sans distinction, sans instruction, afin que lui seul fût reconnu pour
l’unique auteur de ce qui paraîtrait de grand dans leur personne comme dans
leurs actions. Parmi ces douze apôtres il s’en trouva un mauvais; mais Jésus
fit servir sa méchanceté même au bien, en accomplissant par elle le mystère
de sa passion, et enseignant à son Église à supporter comme lui les méchants
dans son sein. — Raban : Le choix de Judas pour apôtre n’est point le résultat d’une imprudence; [le Seigneur nous apprend par là] combien grande est la vérité qui ne peut être affaiblie par la trahison même d’un de ses ministres. Il a voulu encore être trahi par un de ses disciples, pour vous apprendre lorsque vous serez trahi vous-même par un de vos amis, à supporter avec patience les suites de votre erreur et la perte de vos bienfaits. |
Lectio 2 [85447] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 2 Glossa. Quia manifestatio spiritus, ut
apostolus dicit, ad utilitatem Ecclesiae datur, post datam apostolis
potestatem, mittit eos ut potestatem ad aliorum utilitatem exequantur: unde
dicitur hos duodecim misit Iesus. Chrysostomus in Matth. Attendite autem
opportunitatem missionis. Postquam enim viderunt mortuum suscitantem, mare
increpantem, et cetera huiusmodi, et sufficienter virtutis eius
demonstrationem susceperant per verba et per opera, tunc eos mittit. Glossa. Mittens autem docet eos quo eant, quid
praedicent, et quid faciant. Primo quidem quo eant: unde dicitur praecipiens
eis, et dicens: in viam gentium ne abieritis, et in civitates Samaritanorum
ne intraveritis: sed potius ite ad oves quae perierunt domus Israel. Hieronymus. Non est autem contrarius locus
iste ei praecepto quo postea dicitur: euntes docete omnes gentes: quia hoc
ante resurrectionem, illud post resurrectionem praeceptum est. Et oportebat
primum adventum Christi nuntiare Iudaeis, ne iustam haberent excusationem,
dicentes, ideo a se dominum reiecisse, quia ad gentes et Samaritanos
apostolos miserit. Chrysostomus in Matth. Ideo etiam primo ad
Iudaeos mittit, ut quasi in quadam palaestra in Iudaea exercitati, ad agones
orbis terrarum intrarent, et velut quosdam pullos debiles ad volandum eos
inducens. Gregorius in Evang. Vel quia prius soli
Iudaeae voluit, et postmodum gentibus praedicari, quatenus redemptoris nostri
praedicatio a propriis repulsa, gentiles populos quasi extraneos quaereret.
Erant etiam tunc quidam qui de Iudaeis vocandi essent et de gentilibus
vocandi non essent; qui nec ad vitam reparari mererentur, nec tamen gravius
de contempta praedicatione iudicari. Hilarius in Matth. Legis etiam lectio
obtinere privilegium Evangelii debebat, hoc minus Israel sceleris sui
excusationem habiturus, quod plus sedulitatis in admonitione sensisset. Chrysostomus in Matth. Item ne
aestimarent, quia Christo conviciabantur et daemoniacum eum vocabant, quod
propter hoc eos odio haberet, primum eos emendare studuit, et ab omnibus
aliis discipulos abducens, eis medicos et doctores mittit; et non solum
prohibuit aliis annuntiare antequam Iudaeis, sed neque viam quae ad gentes
fert, pertingere concedebat: quod signat cum dicit in viam gentium ne
abieritis. Et quia Samaritani contrarii erant Iudaeis,
quamvis faciliores essent ut converterentur ad fidem, tamen neque Samaritanis
priusquam Iudaeis praedicari permisit: unde dicit et in civitates
Samaritanorum ne intraveritis. Glossa. Samaritani quidem fuerunt gentiles
dimissi in terra Israel a rege Assyriorum post captivitatem ab eo factam, et
multis periculis coacti ad Iudaismum sunt conversi, circumcisionem, et
quinque libros Moysi recipientes, cetera vero omnino abhorrentes: unde Iudaei
Samaritanis non commiscebantur. Chrysostomus in Matth. Ab his ergo discipulos
avertens, ad filios Israel mittit, quos oves pereuntes vocat, non
abscondentes, undique veniam eis excogitans, et attrahens eorum mentem. Hilarius in Matth. Qui tamen licet oves
vocentur, in Christum luporum ac viperarum linguis et faucibus saevierunt.
Hieronymus. Iuxta tropologiam vero praecipitur
nobis qui Christi censemur nomine, ne in viam gentium, et haereticorum
ambulemus errorem; ut quorum religio separata est, separetur et vita. Glossa. Postquam autem docuit eos quo eant,
insinuat quid praedicent: unde subditur euntes autem praedicate dicentes,
quia appropinquavit regnum caelorum. Rabanus. Hic appropinquare dicitur regnum
caelorum per collatam nobis fidem invisibilis creatoris, non aliqua motione
electorum. Recte autem caeli vocantur sancti, qui Deum fide retinent, et
diliguntur caritate. Chrysostomus in Matth. Vides mysterii
magnitudinem, vides apostolorum dignitatem. Nihil sensibile praecipiuntur
dicere, ut Moyses et prophetae; sed nova quaedam et inopinata; illi enim
terrena bona praedicaverunt, hi autem regnum caelorum, et omnia quae illic
sunt bona. Gregorius in Evang. Adiuncta sunt autem
praedicatoribus sanctis miracula, ut fidem verbis daret virtus ostensa, et
nova facerent qui nova praedicarent: unde sequitur infirmos curate, mortuos
suscitate, leprosos mundate, Daemones eicite. Hieronymus. Ne enim hominibus rusticanis, et
absque eloquii venustate, indoctis et illitteratis nemo crederet
pollicentibus regna caelorum, dat potestatem praedicta faciendi, ut
magnitudinem promissorum probet magnitudo signorum. Hilarius in Matth. Tota autem virtutis
dominicae potestas in apostolis refertur: ut qui in Adam imagine et
similitudine Dei erant figurati, nunc perfectam Christi imaginem sortiantur;
et quicquid malorum Adae corpori Satanae instinctus intulerat, hoc rursum
ipsi de communione dominicae potestatis emendent. Gregorius in Evang. Haec autem signa in
exordio Ecclesiae necessaria fuerunt: ut enim fides cresceret credentium,
miraculis erat nutrienda. Chrysostomus. Postea autem steterunt,
reverentia fidei ubique plantata. Si autem et postea facta sunt, pauca et
rara fuerunt; consuetudo enim est Deo talia facere cum aucta fuerint mala:
tunc enim suam demonstrat potentiam. Gregorius. Sancta tamen Ecclesia
quotidie spiritualiter facit quod tunc per apostolos corporaliter faciebat;
quae nimirum tanto maiora sunt, quanto per haec non corpora, sed animae
suscitantur. Remigius. Infirmi quippe sunt ignavi qui non
habent vires bene vivendi; leprosi sunt immundi opere, vel delectatione
carnali; mortui sunt qui opera mortis agunt; daemoniaci fiunt qui in
potestatem Diaboli sunt redacti. Hieronymus. Et quia semper dona spiritualia,
si merces media sit, viliora sunt, adiungitur avaritiae condemnatio, cum
subdit gratis accepistis, gratis date; quasi dicat: ego magister et dominus
absque pretio vobis hoc tribui: ergo et vos sine pretio date. Glossa. Hoc autem dicit ne Iudas, qui loculos
habebat, de praedicta potestate pecuniam congregare vellet, damnans etiam hic
perfidiam simoniacae haereseos. Gregorius in Evang. Praesciebat namque
nonnullos donum accepti spiritus in usum negotiationis inflectere, et
miraculorum signa ad avaritiae obsequium declinare. Chrysostomus in Matth. Vide autem
qualiter morum diligentiam non minus habet quam signorum, monstrans quoniam
signa sine his nihil sunt. Etenim superbiam eorum
comprimit, dicens gratis accepistis; et ab amore pecuniarum mundos esse
praecipit dicens gratis date. Vel ut non videatur eorum esse beneficium, ait
gratis accepistis; quasi dicat: nihil vos de vestro largimini suscipientibus:
neque enim mercede hoc accepistis, neque laborantes in ea gratia: gratis enim
accepistis; ita igitur aliis date; neque enim est condignum pretium eorum
invenire. |
Versets 5-8
— La Glose : Comme toute manifestation de
l’Esprit, d’après l’Apôtre, est donnée pour l’utilité de l’Église, après
avoir donné ce pouvoir aux Apôtres, le Seigneur les envoie pour qu’ils
puissent l’exercer dans l’intérêt des autres hommes; c’est ce que nous
indique l’Évangéliste par ces mots: « Jésus
envoya ces douze. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Voyez comme Jésus choisit bien le
moment pour leur donner cette mission, il les envoie après qu’ils l’ont vu
ressusciter un mort, commander à la mer et faire d’autres prodiges
semblables, et après qu’il leur a donné par ses paroles et par ses oeuvres
des preuves suffisantes de sa grandeur. — La Glose : En les envoyant, il
leur enseigne où ils devaient aller, ce qu’ils doivent dire, et ce qu’ils
doivent faire. Et d’abord où doivent-ils aller ? Il leur donne les
instructions suivantes: « Vous
n’irez point vers les Gentils, et vous n’entrerez pas dans les villes des
Samaritains; mais allez plutôt aux brebis perdues de la maison d’Israël. » —
Saint Jérôme : Ce commandement n’est pas contraire à
celui qu’il leur donna plus tard: « Allez,
enseignez toutes les nations, » car le premier a été donné avant, et
le second après la résurrection du Seigneur. Il fallait en effet que la venue
du Christ fût d’abord annoncé aux Juifs, pour leur ôter cette excuse qu’ils
avaient rejeté le Seigneur, parce qu’il avait envoyé ses Apôtres aux
Samaritains et aux Gentils. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Une autre raison pour laquelle il
les envoie d’abord vers les Juifs, c’est pour les préparer dans la Judée
comme dans une arène aux combats qu’ils devaient livrer à l’univers entier,
et il les excite à prendre leur vol (cf Dt 32) comme de petits oiseaux encore
faibles. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 4 sur les Evang.) Ou bien il voulut
d’abord être annoncé aux Juifs seuls, et puis ensuite aux Gentils, de manière
que la prédication de notre Rédempteur repoussée par les siens, s’adressât
ensuite aux Gentils comme à des étrangers. Il y en avait cependant parmi les
Juifs qui devaient être appelés, comme il y en avait parmi les Gentils qui ne
devaient avoir part ni à cette vocation, ni au bienfait de la régénération,
sans toutefois mériter un jugement sévère pour le mépris qu’ils avaient fait
de la prédication évangélique. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) La loi devait avoir le privilège des prémices de l’Évangile, et
l’incrédulité d’Israël devait être d’autant moins excusable, que les
avertissements lui avaient été prodigués avec un plus grand zèle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Le Seigneur ne veut pas leur
donner à penser qu’il nourrissait contre eux de la haine, parce qu’ils
l’accablaient d’outrages et l’appelaient possédé du démon; il s’applique donc
à les rendre meilleurs, et il détourne ses disciples de toute autre
occupation pour les leur envoyer comme des médecins et comme des docteurs. Il
ne se contente pas de leur défendre de prêcher à d’autres avant les Juifs, il
ne leur accorde même pas de prendre la route qui les aurait conduits chez les
Gentils, ce qu’il veut dire en ordonnant: « N’allez
pas dans la voie qui mène aux nations. » Et parce que les
Samaritains étaient les ennemis des Juifs, bien qu’ils fussent plus faciles à
convertir à la foi, il ne permet pas à ses disciples de leur annoncer
l’Évangile avant de l’avoir prêché aux Juifs. « Vous n’entrerez pas dans les villes des Samaritains. » — La Glose : Les Samaritains
étaient des Gentils que le roi d’Assyrie laissa dans la terre d’Israël après
en avoir emmené les habitants en captivité. Sous la pression des dangers
auxquels ils furent exposés, ils se convertirent au judaïsme (4 R 13), se soumirent à la circoncision,
admirent les cinq livres de Moïse, mais rejetèrent tout le reste avec
horreur, ce qui empêcha les Juifs de se mêler jamais aux Samaritains. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Jésus détourne donc ses disciples
d’aller vers les Samaritains, et il les envoie aux enfants d’Israël, qu’il
appelle des brebis qui périssent, et non pas des brebis qui s’éloignent
d’elles-mêmes; cherchant ainsi par tous les moyens à leur ménager le pardon
et à gagner leur cœur. — Saint Hilaire : (can. 40 sur S. Matth.) Le
Seigneur les appelle des brebis; mais ils ne s’en déchaînèrent pas moins
contre lui avec la méchanceté des vipères et la férocité des loups. —
Saint Jérôme : Dans le sens tropologique il nous est
ordonné à nous qui portons le nom du Christ, de ne pas suivre la voie des
Gentils et des hérétiques, et de ne point imiter la vie de ceux dont la
religion nous sépare. — La Glose : Après leur avoir
appris où ils doivent aller, il leur enseigne quel doit être le sujet de
leurs prédications. « Allez et
prêchez, en disant que le royaume des cieux approche. » — Raban : Notre Seigneur
dit que le royaume des cieux approche, non pas sans doute par aucun mouvement
extérieur des éléments, mais par la foi qui nous est donnée au Créateur
invisible. C’est à juste titre que les saints sont appelés les cieux parce
qu’ils possèdent Dieu par la foi et qu’ils l’aiment par la charité. —
Saint Jean Chrysostome : (homél. 33.) Vous voyez la sublimité de ce
mystère et la dignité des Apôtres; ce ne sont pas des choses extérieures et
sensibles qu’ils doivent annoncer comme Moïse et les prophètes, mais des
vérités nouvelles et tout à fait inattendues. Moïse et les prophètes avaient
annoncé des biens terrestres; les Apôtres annoncent le royaume des cieux, et
tous les biens qu’il renferme. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 4 sur les Evang.) Au ministère sacré
de la prédication, le Seigneur ajoute le pouvoir de faire des miracles, afin
que la manifestation de cette puissance ouvrît les cœurs à la foi, et qu’une
prédication toute nouvelle fût accompagnée d’oeuvres d’un ordre tout nouveau.
C’est pour cela qu’il leur dit: « Rendez
la santé aux malades, ressuscitez les morts, guérissez les lépreux, chassez
les démons. » —
Saint Jérôme : Dans la crainte que personne ne
voulût croire à ces hommes grossiers, sans science, sans lettres, sans
éloquence, qui venaient promettre le royaume des cieux, il leur donne le
pouvoir d’opérer ces miracles, pour que la grandeur des prodiges fût une
preuve de la grandeur des promesses. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Le
Seigneur communique toute sa puissance, toute sa vertu aux Apôtres, afin que
ceux qui avaient été crées à l’image d’Adam et à la ressemblance de Dieu,
reçoivent maintenant une ressemblance parfaite avec le Christ, et qu’ils
puissent guérir eux-mêmes par cette participation à la puissance divine tous
les maux dont l’instinct infernal du démon avait frappé le corps d’Adam. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 29 sur
l’Evang.) Ces miracles étaient nécessaires alors que l’Église était à son
début, car pour que la foi des croyants pût s’accroître, il fallait la
nourrir avec des prodiges. —
Saint Jean Chrysostome : Plus tard, ces miracles
cessèrent lorsque la foi fut répandue en tous lieux, ou s’il y en eut encore,
ce fut en très petit nombre. Car Dieu opère ordinairement ces prodiges
lorsque le mal est arrivé à son comble, et c’est alors qu’il fait éclater sa
puissance. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 29 sur
l’Evang.) Cependant la sainte Église renouvelle tous les jours spirituellement
ces miracles que les Apôtres accomplissaient alors pour les corps, miracles
d’autant plus grands qu’ils ont pour objet de rendre la vie non pas au corps,
mais à l’âme. —
Saint Rémi : Ces infirmes sont les âmes sans
énergie, qui n’ont pas la force de mener une vie chrétienne; les lépreux ceux
qui sont couverts des souillures des oeuvres et des plaisirs de la chair; les
morts, ceux qui font des oeuvres de mort, les possédés, ceux que le démon a
soumis à son empire. —
Saint Jérôme : Et parce que les dons spirituels
s’avilissent toujours lorsqu’ils deviennent le prix d’une récompense
temporelle, Notre Seigneur condamne cette avarice en ces termes: « Vous avez reçu gratuitement, donnez
gratuitement »; comme s’il disait : moi qui suis votre maître
et votre Seigneur, je vous ai donné cette grâce sans vous la faire payer;
vous devez la donner de même. — La Glose : Son but ici est de
détourner Judas qui portait la bourse de se servir de cette puissance pour
amasser de l’argent, et de condamner en même temps la pernicieuse hérésie des
Simoniaques. —
Saint Grégoire le Grand : (homél. 29.) Car il prévoyait qu’il y en
aurait pour qui les dons de l’Esprit saint seraient un objet de trafic, et
qui mettraient le don des miracles au service de leur avarice. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Voyez comme le Seigneur, en même temps qu’il sauvegarde la dignité des miracles, prend soin de régler la conduite de la vie en faisant voir que sans une vie réglée les miracles ne sont rien. En effet, il étouffe dans leur cœur tout sentiment d’orgueil par ces paroles: « Vous avez reçu gratuitement » ; et par ces autres: « Donnez gratuitement », il leur commande de se garder purs de toute affection pour les richesses. Ou bien en leur disant: « Vous avez reçu gratuitement », il veut leur apprendre qu’ils ne sont pas les auteurs des bienfaits qu’ils répandent; comme s’il leur disait: « Vous ne donnez rien de ce qui vous appartient, » vous ne l’avez reçu ni comme récompense, ni comme prix de votre travail, c’est une grâce que je vous ai accordée, donnez-la donc comme vous l’avez reçue, car jamais vous ne pourrez en trouver un prix qui réponde à sa valeur. |
Lectio 3 [85448] Catena in Mt., cap.
10 l. 3 Chrysostomus in Matth. Quia
spiritualium mercationem supra dominus prohibuerat, consequenter radicem
omnium malorum evellens, ait nolite possidere aurum neque argentum. Hieronymus. Si enim sic praedicant ut pretium
non accipiant, superflua est auri et argenti nummorumque possessio; nam si
haec habuissent, videbantur non causa salutis hominum, sed causa lucri
praedicare. Chrysostomus in Matth. Per hoc ergo praeceptum
primo quidem discipulos facit non esse suspectos; secundo ab omni eos liberat
sollicitudine, ut vacationem omnem tribuant verbo Dei; tertio docet eos suam
virtutem. Hoc nempe eis postea dixit: numquid aliquid defuit vobis quando
misi vos sine sacculo et pera? Hieronymus. Qui autem divitias detruncaverat,
quae per aurum et argentum et aes signantur, propemodum et vitae necessaria
amputat, ut apostoli doctores verae religionis, qui instituebant omnia Dei
providentia gubernari, seipsos ostenderent nihil cogitare de crastino. Unde addit neque pecuniam in zonis vestris. Glossa. Duo enim sunt genera
necessariorum: unum quo emuntur necessaria, quod intelligitur per pecuniam in
zonis; aliud ipsa necessaria, quod intelligitur per peram. Hieronymus. Per hoc autem quod dicit
neque peram in via, arguit philosophos qui vulgo appellantur Bactroperitae,
quod contemptores saeculi et omnia pro nihilo ducentes, cellarium secum
vehant. Sequitur neque duas tunicas. In duabus tunicis duplex mihi videtur
innuere vestimentum: non quod in locis Scythiae et glaciali nive rigentibus,
una quis tunica debeat esse contentus; sed quod in tunica vestimentum
intelligamus, ne alio vestiti, aliud nobis futurorum timore reservemus.
Sequitur neque calceamenta. Et Plato etiam praecipit illas duas corporis
summitates non esse velandas, nec assuefieri debere mollitiei capitis et
pedum: cum enim haec habuerint firmitatem, cetera robustiora sunt. Sequitur
neque virgam: qui enim domini habemus auxilium, baculi praesidium cur
quaeramus? Remigius. Ostendit etiam dominus his verbis,
quia sancti praedicatores revocati sunt ad primi hominis dignitatem: qui
quamdiu caelestes possedit thesauros, ista non concupivit: sed mox ut
peccando illa amisit, ista desiderare coepit. Chrysostomus in Matth. Felix autem est ista
commutatio: nam pro auro et argento et huiusmodi, acceperunt potestatem
curandi infirmos, suscitandi mortuos, et alia huiusmodi: unde non a principio
dixit eis non possideatis aurum vel argentum; sed quando dixerat leprosos
mundate, Daemones eicite. Ex quo patet quod Angelos eos ex hominibus, ut ita
dicam, constituit, ab omni solvens vitae huius sollicitudine: ut una sola
detineantur cura, quae est doctrinae; a qua et eos solvit, dicens: ne
solliciti sitis quid loquamini. Quare quod videtur esse valde onerosum et
grave, hoc maxime leve eis ostendit, et facile: nihil enim est ita iucundum,
ut a cura et sollicitudine erutum esse; et maxime cum possibile fuerit ab hac
erutos in nullo minorari, Deo praesente, et pro omnibus nobis effecto. Hieronymus. Et quia nudos quodammodo et
expeditos ad praedicandum apostolos miserat, et dura videbatur esse conditio
magistrorum, severitatem praecepti sequenti sententia temperavit, dicens
dignus est enim operarius cibo suo; quasi dicat: tantum accipite quantum in
vestitu et victu vobis necessarium est: unde apostolus: habentes victum et
vestitum, his contenti simus; et alibi: communicet is qui catechizatur ei qui
se catechizat in omnibus bonis; ut quorum discipuli metunt spiritalia,
consortes faciant eos carnalium suorum, non in avaritiam, sed in necessitatem.
Chrysostomus in Matth. A discipulis autem
apostolos cibari oportebat: ut neque ipsi magna saperent adversus eos qui
docebantur, sicut omnia praebentes, et nihil accipientes; neque rursus illi
abscedant, quasi ab his despecti. Deinde ut non dicant apostoli: mendicantes
ergo nos iubet vivere, et in hoc verecundarentur, monstrat hoc eis debitum
esse, operarios eos vocans, et quod datur mercedem appellans: non enim quia
apostolorum in sermonibus operatio erat, aestimare debebant parvum esse
beneficium quod praestabant; et ideo dicit dignus est operarius cibo suo. Hoc
autem dixit, non quidem ostendens tanto pretio apostolicos dignos esse
labores, sed apostolis legem inducens, et tribuentibus suadens, quia quod ab
ipsi datur, debitum est. Augustinus de Pastor. Non ergo est venale
Evangelium, ut pro temporalibus praedicetur. Si enim sic vendunt, magnam rem
vili vendunt. Accipiant ergo praedicatores sustentationem necessitatis a
populo, mercedem dispensationis a Deo. Non enim a populo redditur quasi
merces illis qui sibi in caritate Evangelii serviunt; sed tamquam stipendium
datur, quo, ut possint laborare, pascantur. Augustinus de Cons. Evang. Vel aliter. Cum
dixerit dominus apostolis nolite possidere aurum, continuo subiecit dignus
est operarius cibo suo; unde satis ostendit cur eos possidere hoc ac ferre
noluerit: non quod necessaria non sint sustentationi huius vitae, sed quia
sic eos mittebat ut eis hoc deberi demonstraret ab illis quibus Evangelium
credentibus annuntiarent, tamquam stipendia militantibus. Apparet autem hic
non praecepisse dominum ita tamquam evangelice vivere aliunde non debeant,
quam eis praebentibus quibus annuntiant Evangelium: alioquin contra hoc
praeceptum fecit Paulus, qui victum de manuum suarum laboribus transigebat. Sed apparet potestatem dedisse apostolis, domum in qua starent, sibi
ista debere. Cum autem a domino aliquid imperatur, nisi fiat,
inobedientiae culpa est; cum autem a domino potestas datur, licet cuique non
uti, et tamquam de suo iure recedere. Hoc ergo ordinans dominus, quod qui
Evangelium annuntiant, de Evangelio vivant, illa apostolis loquebatur, ut
securi non possiderent, neque portarent huic vitae necessaria, nec magna nec
minima; ideo posuit nec virgam, ostendens a fidelibus suis omnia deberi
ministris suis nulla superflua requirentibus. Hanc ergo potestatem, virgae
nomine significavit, cum dixit, secundum Marcum, ne quid tollerent in via
nisi virgam tantum. Sed et calceamenta cum dicit Matthaeus in via non esse
portanda, curam prohibuit, qua ideo portanda cogitantur ne desint. Hoc et de
duabus tunicis intelligendum est, ne quisquam eorum praeter eam qua esset
indutus, aliam portandam putaret, sollicitus ne opus esset; cum ex potestate
illa possit accipere. Proinde Marcus dicendo calceari eos sandaliis vel soleis,
aliquid hoc calceamentum mysticae significationis habere admonet, ut pes
neque tectus sit desuper, neque nudus ad terram; idest, non occultetur
Evangelium, nec terrenis commodis innitantur. Et quia non portari duas
tunicas, sed expressius indui prohibet, monet non dupliciter, sed simpliciter
ambulare. Ita dominum omnia dixisse nullo modo dubitandum est, partim
proprie, partim figurate; sed Evangelistas alia istum, alia illum inseruisse
scriptis suis. Quisquis autem putat non potuisse dominum in uno sermone
quaedam figurate, quaedam proprie ponere eloquia, cetera eius inspiciat; et
videbit quam temere atque inerudite arbitretur: quia enim dominus monet ut
nesciat sinistra quid facit dextera, ipsas eleemosynas, et quicquid hic aliud
praecipit, figurate accipiendum putabit. Hieronymus. Haec historice dixerimus; cetera
secundum anagogem. Non licet magistris aurum et argentum et pecuniam quae in
zonis est possidere. Aurum saepe legimus pro sensu, argentum pro sermone, aes
pro voce: haec non licet vobis ab aliis accipere, sed data a domino
possidere; neque haereticorum et philosophorum perversae doctrinae suscipere
disciplinas. Hilarius in Matth. Quia vero zona
ministerii apparatus est, et ad efficaciam operis praecinctio; per hoc quod
aeris in zona inhibetur possessio, ne quid in ministerio venale sit,
admonemur. Admonemur etiam nec peram habere in via, curam scilicet saecularis
substantiae relinquendam: quia omnis thesaurus in terra perniciosus est
cordi, illic futuro ubi condatur thesaurus. Dicit autem non duas tunicas:
sufficit enim nobis semel Christus indutus; neve post intelligentiam veram,
altera deinceps vel haeresis vel legis veste induamur. Non
calceamenta, quia in sancta terra, peccatorum spinis atque aculeis non
obsessa, ut Moysi dictum est, nudis pedibus statuti, admonemur non alium
gressus nostri habere, quam quem accipimus a Christo apparatum. Hieronymus. Vel docet dominus pedes nostros
mortiferis vinculis non alligari, sed sanctam terram ingredientes esse nudos,
neque habere virgam quae vertatur in colubrum, neque in aliquo praesidio
carnis inniti: quia huiusmodi virga et baculus arundineus est, quem si
paululum presseris, frangitur, et manum transforat incumbentis. Hilarius. Potestatis autem externae iure non sumus
indigni habentes virgam de radice Iesse. |
Versets 9-10
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Après avoir défendu à ses Apôtres le trafic des choses
spirituelles, le Seigneur veut arracher de leur cœur la racine de tous les
maux. « Ne possédez, dit-il, ni or, ni argent. » —
Saint Jérôme : Si la fin qu’ils se proposent, en
prêchant l’Évangile, n’est point de recevoir une récompense pécuniaire,
pourquoi auraient-ils d’ailleurs de l’or, de l’argent ou d’autre monnaie,
puisque alors ce n’est plus le salut des hommes, mais l’amour de l’argent qui
semblerait être le mobile de leurs prédications ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) En leur donnant ce précepte, il
élève d’abord ses disciples au-dessus de tout soupçon; en second lieu, il les
affranchit de toute sollicitude pour qu’ils puissent se donner tout entiers à
la parole de Dieu, et il leur enseigne enfin jusqu’où va sa puissance, car il
leur dira plus tard: « Lorsque je
vous ai envoyés sans sac et sans bourse, vous a-t-il manqué quelque
chose ? » (Lc 22.) —
Saint Jérôme : Ce n’est pas assez d’avoir coupé
jusque dans sa racine l’amour des richesses représentées par l’or, l’argent
et la monnaie courante, il semble vouloir retrancher jusqu’au soin des choses
nécessaires à la vie. C’est qu’il veut que les Apôtres, prédicateurs de la
vraie religion, qui devaient enseigner que le gouvernement de la providence
divine s’étend à tout, se montrent eux-mêmes sans préoccupation pour le
lendemain: et c’est pour cela qu’il ajoute: « ni monnaie dans vos bourses. » — La Glose : Il y a deux sortes
de choses nécessaires: l’une qui sert à acheter le nécessaire, c’est l’argent
dans la bourse; l’autre le nécessaire lui-même, qui est ici représenté par le
sac. —
Saint Jérôme : Par ces paroles: « ni sac pour la route, » le Seigneur condamne certains
philosophes qu’on appelait Bactropérates, qui méprisant le monde, et comptant
tout pour rien, portaient avec eux toutes leurs provisions. Jésus dit
ensuite : « ni deux
tuniques. » Ces deux tuniques dont parle le Seigneur signifient, à
mon avis, deux vêtements différents. Il ne défend donc pas à ceux qui sont
exposés au froid glacial de la Scythie où qui vivent sous d’autres climats
rigoureux, de porter deux tuniques; mais par la tunique il entend le
vêtement, et dès lors que nous en avons un, il nous défend d’en avoir un
autre en réserve, par un sentiment de crainte pour l’avenir. Ensuite : « ni chaussures. » Platon
lui-même a défendu de couvrir les deux extrémités du corps pour ne pas rendre
trop délicats la tête et les pieds, car lorsque ces deux parties ont de la
vigueur et de la fermeté, les autres parties du corps en deviennent
elles-mêmes plus robustes. Ensuite : « ni
bâton. » Pourquoi chercher l’appui d’un bâton, nous qui avons pour
soutien le Seigneur lui-même ? —
Saint Rémi : Le Seigneur nous montre encore par ces
paroles, qu’il rappelle les saints prédicateurs [de la loi nouvelle] à la
dignité du premier homme, car tant qu’il posséda les trésors du ciel il ne
désira point les trésors de la terre, et il n’y pensa que lorsqu’il eut perdu
les richesses du ciel par son péché. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
33.) Heureux
échange ! au lieu de l’or, de l’argent et d’autres choses de même
nature, ils ont reçu le pouvoir de guérir les malades, de ressusciter les
morts, et de faire d’autres semblables miracles. Aussi le Seigneur ne leur a
pas tout d’abord fait cette défense: « Ne
possédez ni or ni argent », mais il a commencé par leur dire: « Guérissez les lépreux, chassez les
démons. » On voit ici que d’hommes qu’ils étaient, le Seigneur en
fait pour ainsi dire des anges, qu’il affranchit de tout soin de la vie
présente pour ne leur laisser qu’une seule préoccupation, celle de la
doctrine. Et encore veut-il les délivrer de cette sollicitude, lors qu’il
leur dit: « Ne vous mettez pas en
peine de ce que vous direz » (Lc 12, 11). C’est ainsi qu’il leur
rend léger et facile ce que l’on regarde comme une tâche lourde et pénible.
Car quoi de plus agréable que d’être affranchi de tout soin, de toute
inquiétude, surtout lorsque avec cela on n’éprouve aucun dommage, parce que
Dieu est présent et que son action remplace la nôtre ? —
Saint Jérôme : Comme il venait d’envoyer prêcher ses
Apôtres dépouillés de tout, et sans leur rien laisser, et que la condition de
ces maîtres paraissait bien dure, il adoucit la sévérité de ces commandements
en ajoutant: « Car l’ouvrier est
digne de son salaire », ce qui revient à dire: « Recevez tout
ce qui vous est nécessaire pour le vêtement et pour la nourriture. »
C’est ce que recommande aussi l’apôtre saint Paul: « Dès lors que nous avons la nourriture et le vêtement,
soyons-en contents » (1 Tm 6);
et ailleurs: « Que celui que l’on
instruit des choses de la foi fasse part de tous ses biens à celui qui
l’instruit » (Ga 6);
c’est-à-dire que les disciples qui moissonnent les biens spirituels de ceux
qui les enseignent, les fassent participer à leurs biens temporels, non pour
satisfaire à leur avarice, mais pour subvenir à leurs besoins. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
33.) Il
était nécessaire que les Apôtres soient nourris par leurs disciples, car ils
auraient pu s’élever au-dessus de ceux qu’ils enseignaient, parce qu’ils leur
donnaient tout sans en rien recevoir; et les disciples, à leur tour, auraient
pu se croire méprisés, et s’éloigner de leurs maîtres. Il ne veut pas non
plus que les Apôtres rougissent de leur mission et viennent dire: « Il
veut donc que nous vivions comme des mendiants ? » Il leur montre
que cette nourriture leur est due, en leur donnant le nom d’ouvriers, et en
appelant salaire ce qu’ils reçoivent. Les Apôtres ne devaient pas regarder
comme un léger bienfait l’Évangile qu’ils annonçaient, parce que ce ministère
est tout entier dans la parole; et c’est pour cela qu’il ajoute: « L’ouvrier mérite de recevoir sa
nourriture. » Ce n’est pas qu’il veuille cependant leur donner une
idée exagérée de leurs travaux et de la récompense qu’ils méritent; mais son
dessein est de tracer aux Apôtres une règle de conduite, et d’apprendre à
ceux qui fournissent à leurs besoins qu’ils ne font en cela que s’acquitter de
ce qu’ils doivent. — Saint Augustin : L’Évangile n’est pas une chose vénale et on ne doit point l’annoncer pour obtenir des biens temporels. Ceux qui trafiquent ainsi de l’Évangile vendent à vil prix une chose bien précieuse. Les prédicateurs peuvent donc recevoir des peuples qu’ils évangélisent la nourriture nécessaire à leur vie, et attendre de Dieu seul la récompense de leur ministère. Ce n’est pas un salaire que les fidèles donnent à ceux que la charité porte à leur annoncer l’Évangile, c’est une sorte de subside qui leur permet de continuer leurs travaux. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 30.) Autre
explication : après avoir dit à ses Apôtres: « Ne possédez point d’or », le Seigneur ajoute
immédiatement: « L’ouvrier mérite
qu’on le nourrisse » ; paroles qui font connaître la raison
pour laquelle il ne veut pas qu’ils aient ou qu’ils portent avec eux de l’or
ou de l’argent. Ce n’est pas que l’un et l’autre ne soient nécessaires à
l’entretien de la vie; mais il veut, en les envoyant prêcher l’Évangile, que
l’on comprenne bien que ce salaire leur est dû par les fidèles qu’ils
allaient évangéliser, comme la solde est due à ceux qui combattent. Nous
voyons encore ici que l’intention du Seigneur n’est pas de défendre à celui
qui annonce l’Évangile d’avoir d’autres moyens de subsistance que les
offrandes des fidèles, car alors saint Paul aurait été contre cette défense,
lui qui vivait du travail de ses mains (Ac 20, 34; 1 Th 2, 9). Mais il est
clair qu’il leur donne simplement le pouvoir de recevoir ces offrandes comme
une chose qui leur est due. Ne pas faire ce que le Seigneur commande, c’est
une désobéissance formelle; mais il est permis de ne pas user d’un pouvoir
qu’il donne, et d’y renoncer comme à un droit qui nous est acquis. Le Seigneur
veut donc établir que ceux qui annoncent l’Évangile ont le droit de vivre de
l’Évangile, et il recommande à ses Apôtres d’être sans inquiétude lorsqu’ils
ne posséderont ni ne porteront aucune des choses nécessaires à la vie, quelle
que soit leur importance; c’est pourquoi il ajoute: « ni bâton », pour apprendre aux fidèles qu’ils doivent
tout aux ministres de l’Évangile, pourvu qu’ils ne demandent rien de
superflu. D’après l’évangéliste saint Marc, Notre Seigneur leur défend de
rien emporter avec eux pour le chemin, si ce n’est un bâton, et le bâton est
l’emblème de ce pouvoir qu’il leur donne. Lorsque d’après saint Matthieu il
défend de porter même des chaussures, il veut qu’ils soient libres de toute
inquiétude, car on ne songe à s’en pourvoir que dans la crainte qu’on vienne
à en manquer. Il faut entendre dans le même sens ce qu’il dit des deux
tuniques; il leur défend d’en porter d’autre que celle dont ils sont revêtus,
pour se prémunir contre les nécessités du voyage, puisqu’ils ont le droit
d’en recevoir au besoin. Dans saint Marc, Notre Seigneur leur permet d’avoir
pour chaussures des sandales, et cette chaussure a nécessairement une
signification mystique; comme elle laisse le pied découvert par dessus,
tandis qu’elle le garantit par dessous, elle signifie que l’Évangile ne doit
pas être tenu dans le secret, et qu’il ne doit pas s’appuyer sur des intérêts
temporels. Il leur défend expressément dans le même endroit non seulement de
porter deux tuniques, mais même de s’en revêtir; c’est pour les avertir de
fuir toute duplicité, et d’être toujours simples dans leur conduite. Il est
donc incontestable que le Seigneur a dit tout ce que les Évangélistes ont
rapporté, tant au sens littéral, qu’au sens figuré; mais qu’ils ont rapporté
les uns une partie de son discours, les autres une autre. Maintenant que
celui qui prétendrait que le Seigneur n’a pu, dans le même passage, parler
tantôt au sens figuré, tantôt au sens propre, jette les yeux sur d’autres
parties de l’Évangile, et il se convaincra que cette opinion est aussi
téméraire qu’elle est peu éclairée. Car lorsque le Seigneur recommande de
laisser ignorer à la main gauche ce que fait la main droite, il sera forcé de
prendre dans un sens figuré les aumônes et tout ce qui fait la matière de ce
commandement. —
Saint Jérôme : Nous avons donné le sens historique,
voyons maintenant le sens anagogique. Il est défendu aux docteurs de
l’Évangile d’avoir ni or, ni argent, ni monnaie dans leur bourse. Nous voyons
que l’or est souvent pris pour l’intelligence, l’argent pour la parole, la
monnaie pour la voix. Or, vous ne pouvez recevoir ces trois choses de
personne, si ce n’est de Dieu qui vous les donne, ni emprunter rien aux
enseignements des hérétiques, des philosophes ou d’autres doctrines également
perverses. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) La
ceinture est une des choses nécessaires à celui qui remplit quelque office,
et elle rend son action plus libre; nous défendre d’avoir de l’argent dans
nos ceintures, c’est nous défendre toute vénalité dans l’exercice de notre
ministère. Nous ne devons point porter de sac pour le chemin, c’est-à-dire
qu’il nous faut laisser toute préoccupation des soins matériels; car tout
trésor sur la terre ne peut que nous être funeste, parce que notre cœur sera
nécessairement là où notre trésor est enfoui. Il ajoute: « ni deux tuniques » Il nous suffit, en effet, de nous
être revêtus une fois de Jésus-Christ, et après avoir reçu l’intelligence de
la vérité, nous devons rejeter les vêtements que nous présentent l’hérésie ou
la loi ancienne. « Ni
chaussures », c’est-à-dire que, marchant, pieds nus, sur une terre
sainte et débarrassée d’épines et de ronces, ainsi qu’il fut dit à Moïse (Ex 3), nous ne devons couvrir nos
pieds d’autre chaussure que de celle que nous avons reçue de Jésus-Christ. —
Saint Jérôme : Ou bien le Seigneur nous enseigne à
ne pas enchaîner nos pieds dans les liens de la mort, mais à les dépouiller
de tout pour entrer dans la terre sainte, à laisser même ce bâton qui
pourrait se changer en serpent; à ne nous appuyer sur aucun secours charnel,
car un bâton ou une baguette ne sont jamais que des roseaux qui, pour peu
qu’on les presse, se brisent et déchirent la main de ceux qui s’y appuient. — Saint Hilaire : (can. 10.) Nous n’avons besoin, du reste, d’aucun secours étranger, nous qui avons en main le rejeton qui est sorti de la tige de Jessé (Is 11, 1). |
Lectio 4 [85449] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 4 Chrysostomus in Matth. Quia dixerat
superius dominus: dignus est operarius cibo suo, ne crederetur propter hoc
omnium eis ianuam aperire, multam diligentiam hic iubet facere de hospite
eligendo: unde dicitur in quamcumque civitatem aut castellum intraveritis,
interrogate quis in ea dignus sit. Hieronymus. Apostoli novam introeuntes urbem
scire non poterant quis qualis esset: ergo fama hospes eligendus est populi
et iudicio vicinorum; ne praedicatoris dignitas, suscipientis infamia
deturpetur. Chrysostomus in Matth. Qualiter ergo
ipse Christus apud publicanum manebat? Quia scilicet dignus effectus erat ex
conversione; hoc etiam non solum in gloriam eis proderat, sed in cibationem.
Si enim dignus est, omnino dabit cibum; et maxime cum nihil amplius
necessariis peteretur. Intende autem qualiter omnibus eos denudans, omnia eis
dedit, permittens in domibus eorum qui docebantur, manere. Ita enim et ipsi a
sollicitudinibus eruebantur, et aliis suadebant quoniam propter eorum
advenerant salutem solam, in hoc quod nihil deferebant, et nihil amplius
necessariis expetebant. Et non ad omnes simpliciter introibant: non
enim signis solum volebat eos claros apparere, sed magis virtute. Nihil autem
ita virtutem designat, sicut non superfluis uti. Hieronymus. Hospes unus etiam eligitur non
tribuens beneficium ei qui apud se mansurus est, sed accipiens; hic enim
dicitur quis in ea dignus sit, ut magis se noverit accipere gratiam quam dare.
Chrysostomus in Matth. Intende autem quia
nondum omnia eis tribuit; neque enim eis largitur ut sciant quis sit dignus,
sed iubet scrutari; non solum autem dignos iubet quaerere, sed neque de domo
in domum transmutari, cum subdit et ibi manete donec exeatis: ut neque
suscipientem contristent, neque ipsi opinionem accipiant levitatis, aut gulae.
Ambrosius super Lucam. Non ergo otiose domus
quam ingrediantur apostoli, eligenda decernitur, ut mutandi hospitii causa
non suppetat; non tamen eadem cautio receptori mandatur, ne dum hospes
eligitur, hospitalitas minuatur. Sequitur intrantes autem domum, salutate
eam, dicentes: pax huic domui. Glossa. Quasi diceret: pacem hospiti
precamini, ut sopiatur omnis repugnantia contra veritatem. Hieronymus. In hoc etiam occulte salutationem
Hebraei ac Syri sermonis expressit; quod enim Graece dicitur chere, et Latine
ave, hoc Hebraico Syroque sermone appellatur salemlach, sive samalach, idest
pax tecum. Quod autem praecipit tale est: introeuntes autem, pacem
imprecamini hospiti, et quantum in vobis est, discordiae bella sedate. Sin
autem orta fuerit contradictio, vos mercedem habebitis de illata pace; illi
qui habere noluerunt, bellum possidebunt: unde sequitur et si quidem fuerit
domus illa digna, veniet pax vestra super eam; si autem non fuerit digna, pax
vestra ad vos revertetur. Remigius. Quia scilicet aut erit quisque
praedestinatus ad vitam, et caeleste verbum sequitur, quod audit; aut si nullus
audire voluerit, ipse praedicator sine fructu non erit: quia ad eum pax
revertitur, quando ei a domino pro labore sui operis recompensatur. Chrysostomus in Matth. Instruit ergo eos
dominus quod non propter hoc expectent ab aliis praesalutari, quia docebant;
sed antecedere salutatione, alios honorando. Deinde monstrat quod non sola
salutatio, sed benedictio, per hoc quod dicit si fuerit domus illa digna,
veniet pax vestra super eam. Remigius. Docuit ergo dominus discipulos suos
offerre pacem in introitu domus ut salutatione pacis eligeretur domus digna,
vel hospes; ac si patienter diceret: omnibus offerte pacem: quia aut
accipiendo dignos, aut non accipiendo indignos se manifestabunt: quamvis enim
fama populi dignus electus sit hospes, tamen salutandus est, ut magis sua
dignitate praedicatores vocentur, quam ultro se ingerere videantur. Haec autem pax paucorum verborum ad totam explorationem dignae domus
vel hospitis potest referri. Hilarius in Matth. Salutant
ergo apostoli domum cum pacis affectu; sed ita ut potius pax dicta sit quam
data. Porro autem pacem propriam, quae viscera miserationis sunt, non
oportere in eam venire nisi sit digna; quae si digna reperta non fuerit,
sacramentum pacis caelestis intra propriam apostolorum conscientiam est
continendum. In eos autem qui caelestis regni praecepta respuerint, egressu
apostolorum et signo pulveris a pedibus excussi, aeterna maledictio
relinquatur; unde sequitur et quicumque non receperit vos, neque audierit
sermones vestros, exeuntes foras de domo vel de civitate, excutite pulverem
de pedibus vestris. Existenti enim in loco cum loco videtur esse communio.
Totum ergo quod est illius domus, excusso pulvere pedum, relinquitur,
nihilque sanitatis de insistentium apostolorum vestigiis mutuatur. Hieronymus. Pulvis etiam excutitur de pedibus
in testimonium laboris sui, quod ingressi sint civitatem, et praedicatio
apostolica ad illos usque pervenerit. Sive excutitur pulvis, ut si
tolerabilius erit terrae Sodomorum quam illi civitati quae non recipit
Evangelium, nihil ab eis accipiant, nec ad victum quidem necessaria, qui
Evangelium spreverint. Rabanus. Vel aliter. Pedes discipulorum ipsum
opus incessumque praedicationis signant. Pulvis vero quo asperguntur,
terrenae levitas est cogitationis, a qua etiam summi doctores immunes esse
nequeunt, cum pro auditoribus solliciti salubribus curis incessanter
intendunt, et quasi per itinera mundi, uno calcaneo terrae pulverem legunt. Qui ergo spreverint doctrinam docentium, sibi labores et pericula
taediumque sollicitudinum ad testimonium suae damnationis inflectunt. Qui
vero receperint verbum, afflictiones curasque doctorum quas pro se
tolerabunt, in argumentum sibi vertunt humilitatis. Et ne levis culpa
videatur esse apostolos non recipere, subdit amen dico vobis: tolerabilius
erit terrae Sodomorum et Gomorrhaeorum in die iudicii quam illi civitati. Hieronymus. Quia Sodomitis et Gomorrhaeis non
fuit praedicatum; huic autem cum praedicatum sit, non recipit Evangelium.
Remigius. Vel quia Sodomitae et Gomorrhaei
inter vitia carnis et hospitales fuisse leguntur; quamvis non tales hospites
receperint sicut apostoli. Hieronymus. Si autem tolerabilius erit terrae
Sodomorum quam illi civitati quae non recipit Evangelium, ergo inter
peccatores supplicia diversa sunt. Remigius. Specialiter tamen Sodomorum et
Gomorrhaeorum mentionem facit, ut per hoc demonstret quia illa peccata sunt
Deo magis odibilia quae fiunt contra naturam, pro quibus deletus est mundus
aquis diluvii, quatuor civitates subversae, et mundus quotidie diversis malis
affligitur. Hilarius in Matth. Mystice autem instruit nos
dominus non immisceri eorum domibus aut familiaritatibus qui Christum aut
insectantur aut nesciunt; et in quacumque civitate interrogare quis eorum
habitatione sit dignus, idest, sicubi Ecclesia sit, et Christus habitator;
neque quoquam alibi transire, quia haec est domus digna et iustus hospes. Iudaeorum autem plures erant futuri quorum tantus in favorem legis
affectus esset, ut quamvis per admirationem operum in Christum credidissent,
tamen in legis operibus morarentur; alii vero explorandae libertatis, quae in
Christo est, curiosi, transire se ad Evangelia ex lege essent simulaturi;
multi etiam in haeresim per intelligentiae perversitatem traducerentur. Et
quia istiusmodi omnes penes se esse veritatem Catholicam mentiuntur, domo
ipsa, idest Ecclesia, caute utendum est. |
Versets 11-15.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Le Seigneur venait de dire: « L’ouvrier est digne de son
salaire »; mais son intention n’est point d’ouvrir indifféremment
par ces paroles toutes les portes à ses disciples: aussi leur recommande-t-il
d’user de la plus grande prudence dans le choix de ceux dont ils recevront
l’hospitalité ; aussi : « Dans quelque ville, leur dit-il,
ou dans quelque bourg que vous entriez, demandez qui est digne de vous
recevoir. » —
Saint Jérôme : Les Apôtres, en entrant dans une
ville nouvelle pour eux, ne pouvaient connaître celui qui se trouvait dans
ces conditions. Leur choix devait donc se guider sur l’opinion générale et
sur le jugement des voisins, afin que la dignité de l’Apôtre ne fût pas
compromise par la mauvaise réputation de celui qui le recevrait. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Pourquoi donc alors le Seigneur est-il
demeuré lui-même chez un publicain (Lc 1,
27.28.29) ? C’est que ce publicain s’en était rendu digne par sa
conversion. Or, cette manière d’agir ne devait pas seulement tourner à la
gloire des Apôtres, mais encore leur procurer les choses nécessaires à leur
entretien; car si leur hôte était vraiment digne de leur choix, il devait
fournir amplement à tous leurs besoins, alors surtout qu’on ne lui
demanderait que le nécessaire. Remarquez comment en même temps qu’il les
dépouille de tout, il leur donne tout en abondance, en leur permettant de
demeurer dans la maison de ceux qu’ils évangélisaient. Car ils étaient ainsi eux-mêmes
délivrés de toute sollicitude; et comme ils ne portaient rien avec eux,
qu’ils ne demandaient que le nécessaire, et n’entraient pas indistinctement
chez tout le monde, ils persuadaient plus facilement aux autres qu’ils
n’étaient venus que pour les sauver. Le Seigneur voulait que ses Apôtres
brillent plus encore par leur vertu que par leurs miracles, et une marque des
moins équivoques de la vertu, c’est de renoncer aux choses superflues. —
Saint Jérôme : Celui que les Apôtres choisissent
pour lui demander l’hospitalité ne fait pas une grâce à celui qui demeure
chez lui, mais au contraire il en reçoit une faveur; et Jésus exige qu’il
soit digne, pour lui faire comprendre qu’il reçoit plutôt une grâce qu’il n’en
donne. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Remarquez que Notre Seigneur ne
leur accorde pas encore toute faveur, ainsi il ne leur donne pas de savoir
qui est digne, et il leur commande de s’en informer. Non seulement il ordonne
de s’informer de ceux qui sont dignes mais il ajoute de ne pas aller de
maison en maison: « Demeurez-y, dit-il, jusqu’à ce que vous
vous en alliez » ; et cela pour ne pas contrister celui qui les
a reçus, et ne pas encourir le reproche de légèreté ou de sensualité. —
Saint Ambroise : Ce n’est donc pas par fantaisie
qu’il ordonne aux Apôtres de choisir la maison où ils devront demeurer, c’est
afin de ne pas avoir ensuite de raison d’en changer; mais les mêmes
précautions ne sont pas recommandées à celui qui les reçoit, car en choisissant
avec trop de discernement, son hospitalité pourrait perdre de son prix. Suite : « En
entrant dans la maison, saluez-la en disant: Que la paix soit dans cette
maison. » — La Glose : C’est-à-dire,
demandez la paix pour celui qui vous reçoit, afin d’assoupir en lui toute
résistance contre la vérité. —
Saint Jérôme : Ces paroles renferment implicitement
le salut ordinaire des langues hébraïque et syriaque, car le mot à la fois
hébraïque et syriaque salemalach ou
salamalach répond au cαιρε
des Grecs et à l’ave des Latins, et veut dire: « La paix soit
avec vous. » Or voici le sens de cette recommandation: en entrant dans
une maison, demandez la paix pour celui qui l’habite, et autant que vous le
pourrez, apaisez les discordes qui la troublent. Si on s’obstine à vouloir la
dissension, vous recevrez votre récompense pour la paix que vous aurez
offerte, et ceux qui l’ont rejetée auront la guerre en partage, comme
l’indique le texte : « Si cette maison en est digne, votre paix
viendra sur elle; si elle n’en est pas digne, votre paix reviendra sur
vous. » —
Saint Rémi : Ou bien il y aura dans cette maison un
prédestiné à la vie, et il mettra en pratique la parole divine qu’il a
entendue, ou s’il n’y a personne qui veuille l’entendre, le prédicateur ne
demeurera pas sans fruit pour cela, car la paix lui revient, lorsqu’il reçoit
du Seigneur la récompense de son travail et de son zèle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33.) Le Seigneur recommande aux
Apôtres de ne pas attendre que les autres les saluent, parce qu’ils sont
eux-mêmes leurs docteurs, mais de les saluer les premiers et de les prévenir
par ce témoignage d’honneur. En ajoutant: « Mais si cette maison en est
digne, votre paix descendra sur elle », il leur fait voir qu’il
s’agit non pas d’une simple salutation, mais d’une véritable bénédiction. —
Saint Rémi : Le Seigneur veut donc que ses disciples
offrent la paix en entrant dans une maison, afin que ce salut de paix les
aide à reconnaître la maison ou l’hôte qui sont dignes de les recevoir. Il
semble leur dire ouvertement: « Offrez la paix à tous; s’ils la
reçoivent, ils prouveront qu’ils en sont dignes, s’ils la rejettent, ils s’en
déclareront indignes ». Quoique l’opinion générale ait dû les guider
dans le choix de celui qui était digne de les recevoir, ils doivent cependant
lui adresser ce salut, car il faut bien plutôt qu’on appelle les prédicateurs
à cause de leur dignité, que de les voir s’introduire d’eux-mêmes sans être
appelés. Or ce salut de paix renfermé dans ce peu de mots peut servir à
reconnaître parfaitement si une maison ou celui qui l’habite sont dignes de
leur donner l’hospitalité. —
Saint Hilaire : Les Apôtres saluent donc la maison
avec un vif désir de paix, mais leurs paroles expriment plutôt la paix qu’ils
ne la donnent. Quant à la paix proprement dite, qui sort des entrailles de la
miséricorde, elle ne peut descendre sur cette maison qu’autant qu’elle la
mérite; si elle n’en est pas trouvée digne, le mystère de cette paix toute
divine doit rester renfermé dans la conscience des Apôtres. Et ceux qui ont
rejeté les préceptes du royaume des cieux n’ont plus à attendre que la
malédiction éternelle que leur prédisent les apôtres en les quittant, et en
secouant la poussière de leurs pieds. « Lorsque quelqu’un ne voudra
point vous recevoir, ni écouter vos paroles, en sortant de cette maison ou de
cette ville secouez la poussière de vos pieds. » Car lorsqu’on
habite un endroit, il semble qu’on est en rapport, en communion avec lui.
Mais en secouant la terre de ses pieds, on se sépare complètement de cette
maison, qui ne retire aucun avantage pour sa guérison des traces qu’y ont
imprimées les pieds des Apôtres. —
Saint Jérôme : Ils secouent la poussière de leurs
pieds, en témoignage de leur travail, et pour attester qu’ils sont entrés
dans cette ville, et que la prédication évangélique est parvenue jusqu’à ses
habitants. Ou bien cette poussière secouée signifie que cette attitude est
plus tolérable pour les habitants de la terre de Sodome que pour cette cité
qui n’a pas accueilli l’Evangile et qu’ils ne doivent rien recevoir, pas même
le nécessaire, de ceux qui rejettent l’Évangile. — Raban : Ou bien les pieds
des Apôtres figurent l’oeuvre même, le progrès de la prédication apostolique.
Cette poussière dont ils sont couverts est la figure de la légèreté des
pensées de la terre. Les docteurs les plus éminents ne peuvent entièrement
s’en garantir, lorsqu’ils se livrent avec sollicitude aux oeuvres de zèle que
réclame l’utilité de ceux qu’ils enseignent; et en traversant les routes du monde,
la poussière de la terre s’attache nécessairement à leurs pieds. Pour ceux
donc qui méprisent leur doctrine, les travaux, les dangers, les ennuis, les
inquiétudes des docteurs de l’Évangile deviennent un sujet de condamnation.
Ceux au contraire qui reçoivent leur parole savent trouver une leçon
d’humilité dans les soucis et les peines que supportent pour eux ceux qui les
évangélisent. Et pour faire voir que ce n’est pas une faute légère de ne pas
recevoir les Apôtres, le Seigneur ajoute: « Je vous le dis en vérité,
au jour du jugement, Sodome et Gomorrhe seront traitées moins rigoureusement
que cette ville. » —
Saint Jérôme : Car la prédication ne s’est pas fait
entendre à Sodome et à Gomorrhe, tandis que cette ville l’a entendue et n’a
pas voulu la recevoir. —
Saint Rémi : Ou bien c’est parce que les habitants
de Sodome et de Gomorrhe, au milieu des désordres charnels où ils vivaient,
exerçaient volontiers l’hospitalité, bien que ceux qu’ils ont reçus ne
fussent pas des apôtres. —
Saint Jérôme : Si la ville de Sodome est traitée
moins rigoureusement que cette cité qui n’a pas reçu l’Évangile, il y a donc
divers degrés dans les supplices des pécheurs. —
Saint Rémi : Notre Seigneur choisit ici pour exemple
les villes de Sodome et de Gomorrhe, pour montrer que Dieu a surtout en
horreur les péchés contre nature, péchés qui ont attiré sur le monde les eaux
dans lesquelles il a été enseveli, qui ont amené la destruction de quatre
villes entières, et qui tous les jours sont cause des maux incalculables qui
viennent frapper les hommes. —
Saint Hilaire : Dans le sens mystique, le Seigneur
nous enseigne à ne pas fréquenter les maisons, et à ne pas cultiver l’amitié
des personnes qui se déclarent ennemis de Jésus-Christ ou qui ne le
connaissent pas. Dans chaque ville, il nous faut donc demander qui est digne
de nous recevoir, c’est-à-dire demander si l’Église est quelque part, et si
Jésus-Christ a lui-même une habitation; et une fois entrés, n’allons pas
ailleurs, car cette maison et celui qui l’habite sont dignes que nous nous y
arrêtions. Il devait s’en rencontrer beaucoup parmi les Juifs, dont
l’attachement pour la loi serait si grand que tout en croyant en Jésus-Christ
dont ils avaient vu et admiré les prodiges, ils ne pourraient cependant
sortir des oeuvres de la loi. D’autres, curieux d’examiner la liberté dont
Jésus-Christ est l’auteur, devaient user de simulation, en quittant la loi
pour l’Évangile. Plusieurs autres enfin devaient être entraînés dans
l’hérésie par la dépravation de leur intelligence, et comme tous prétendent,
mais bien à tort, qu’ils sont en possession de la vérité catholique, il ne
faut entrer qu’avec précaution dans cette maison qui se dit l’Église
catholique. |
Lectio 5 [85450] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 5 Chrysostomus in Matth. Quia superius apostolorum
removit sollicitudinem, et signorum suorum ostensione eos armavit,
consequenter praedicit eis mala quae debebant eis contingere. Primo quidem ut
discerent praescientiae eius virtutem; secundo ut nullus suspicaretur,
quoniam propter imbecillitatem magistri haec eis supervenirent mala; tertio
ut ipsi sustinentes non obstupescerent, dum inopinabiliter et praeter spem
evenirent; quarto ut hoc audiente non turbentur in tempore crucis; deinde ut
discant quoniam nova haec praelii lex est. Nudos enim mittit, a
suscipientibus iubet cibari; neque in hoc sistit, sed ulterius suam virtutem
ostendit dicens ecce ego mitto vos, sicut oves in medio luporum. Ubi
considerandum, quod non simpliciter ad lupos, sed in medio luporum mittit, ut
sic suam virtutem magis demonstrent, cum oves lupos superaverint, etiam in
medio luporum existentes; et plurimos morsus accipientes ab eis, non solum
non consumuntur, sed et illos convertunt: multo autem mirabilius est et
maius, transmutare mentes eorum quam interficere eos. Inter lupos autem ovium
mansuetudinem eos docet ostendere. Gregorius in Evang. Qui
enim locum praedicatoris suscipit, mala inferre non debet, sed tolerare; ut
ex ipsa sua mansuetudine iram sumentium mitiget, et peccatorum vulnera ipse
in aliis afflictionibus vulneratus sanet. Quoniam et si quando zelus
rectitudinis exigit ut erga subditos saeviat, furor ipse de amore sit, non de
crudelitate: quatenus et iura disciplinae foris exhibeat, et intus paterna
pietate diligat quos foris castigat. Multi autem cum regiminis iura
suscipiunt, ad lacerandos subditos inardescunt, terrorem potestatis exhibent,
domini videri appetunt, patres se esse minime recognoscunt, humilitatis locum
in elationem dominationis immutant, et si quando extrinsecus blandiuntur,
intrinsecus saeviunt: de quibus dicitur: veniunt ad vos in vestimentis ovium,
intrinsecus autem sunt lupi rapaces. Contra quae nobis considerandum est,
quia sicut oves inter lupos mittimur, ut sensum servantes innocentiae, morsum
malitiae non habeamus. Hieronymus. Lupos autem Scribas et Pharisaeos
vocat, qui sunt clerici Iudaeorum. Hilarius in Matth. Lupos etiam
significat omnes hos qui vesano furore in apostolos desaevituri erant. Chrysostomus in Matth. Malorum
autem erat eis consolatio mittentis virtus: et ideo ante omnia posuit dicens
ecce ego mitto vos; quasi dicat: ne turbemini, quoniam in medio luporum
mittimini: possum enim facere ut nihil mali sustineatis; non solum lupis non
suppositi, sed leonibus terribiliores effecti. Sed ita expedit fieri; hoc
enim vos clariores facit, et meam virtutem magis divulgat. Deinde ut aliquid
etiam a seipsis inferant, et non sine causa coronari aestimentur, subdit
estote ergo prudentes sicut serpentes, et simplices sicut columbae. Hieronymus. Ut per prudentiam devitent
insidias, per simplicitatem non faciant malum. Et serpentis astutia ponitur
in exemplum: quia toto corpore occultat caput, ut illud in quo vita est,
protegat. Ita et nos toto periculo corporis caput nostrum, qui Christus est,
custodiamus; idest fidem integram et incorruptam servare studeamus. Rabanus. Solet etiam serpens eligere strictas
rimas, per quas transiens veterem pellem exuat: similiter praedicator
transiens per angustam viam, veterem hominem omnino deponat. Remigius. Pulchre etiam dominus praedicatores
serpentis prudentiam monet habere: quia primus homo per serpentem deceptus
est; ac si diceret: quia hostis callidus fuit ad decipiendum, vos prudentes
sitis ad liberandum: ille laudavit lignum, vos laudate crucis virtutem. Hilarius in Matth. Ille animum primo mollioris
sexus aggressus est, spe deinde illexit, et communionem immortalitatis
spopondit. Pari ergo opportunitate, introspecta uniuscuiusque natura et
voluntate, verborum adhibenda prudentia est, spes futurorum bonorum revelanda;
ut quod ille mentitus est, nos praedicemus ex vero, secundum sponsionem Dei,
Angelis similes futuros esse qui credant. Chrysostomus in Matth. Sicut autem prudentiam
serpentis oportet habere, ut in principalibus non laedamur, sic et simplicitatem
columbae in non vindicando cum iniusta patimur, neque per insidias alicui
nocendo. Remigius. Ideo autem dominus haec duo
sociavit: quia simplicitas absque prudentia facile decipi potest; et
prudentia periculosa est, nisi simplicitate temperetur, alicui non nocendo.
Hieronymus. Simplicitas autem columbarum ex
spiritus sancti specie demonstratur: unde dicit apostolus: malitia parvuli
estote. Chrysostomus in Matth. Quid autem durius his
fiet iussionibus? Non enim sufficiens est pati mala; sed neque turbari
conceditur, quod est columbae: ira enim non per iram, sed per mansuetudinem
extinguitur. Rabanus. Quod autem lupi, de quibus supra
dixerat, sint homines, ostendit cum subdit cavete autem ab hominibus. Glossa. Ideo autem necessarium est ut sitis
sicut serpentes, idest astuti: nam secundum suam consuetudinem tradent vos
primum in Conciliis, prohibendo ne praedicetis in nomine meo; deinde
incorrectos flagellabunt vos; tandem ad reges et praesides ducemini. Hilarius in Matth. Qui extorquere silentium
vestrum, aut conniventiam tentant. Chrysostomus. Mirandum est autem qualiter hoc
audientes non statim abscesserint homines, qui stagnum illud nunquam egressi
fuerant, circa quod piscabantur: quod non virtutis eorum erat solum, sed
sapientiae doctoris. Unicuique enim malorum mitigationem adiungit: unde et
hic dicit propter me: non enim parva consolatio est propter Christum pati:
quoniam non ut perniciosi et nocivi haec patiebantur. Et iterum addit in
testimonium illis. Gregorius in Evang. Qui scilicet persequendo,
mortem intulerunt, vel qui videndo non sunt mutati. Mors quippe sanctorum
bonis est in adiutorium, malis in testimonium: ut inde perversi sine
excusatione pereant, unde electi exemplum capiunt et vivunt. Chrysostomus in Matth. Hoc autem eos
consolabatur, non quia aliorum cupiebant poenam; sed ut confidentiam habeant
quoniam ubique eum habent praesentem et praescientem. Hilarius in Matth. Non solum autem hoc
testimonio excusatio ignoratae divinitatis adimenda est persequentibus; sed
etiam gentibus via pandenda credendi in Christum, pertinaciter, inter
saevientium poenas, confessorum vocibus praedicatum: et hoc est quod
subiungit et gentibus. |
Versets 16-18.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 34.) Après avoir banni toute sollicitude du cœur de ses disciples et
les avoir armés de la puissance de faire des miracles éclatants, il leur
prédit les dangers qu’ils devaient courir. Il le fait, premièrement pour les
convaincre de sa divine prescience; secondement, pour éloigner de leur esprit
le soupçon que ces épreuves leur arrivent à cause de la faiblesse de leur
Maître; troisièmement, pour prévenir l’étonnement mêlé de frayeur que ces
maux leur causeraient, s’ils venaient fondre sur eux à l’improviste et contre
toute espérance; quatrièmement, afin qu’étant ainsi prévenus, le spectacle de
la croix ne les jetât pas dans le trouble. Comme il veut ensuite leur
apprendre les lois nouvelles de ce combat, il les envoie dépouillés de tout
et il veut qu’ils soient nourris par ceux qui les recevront. Il ne s’arrête
pas là, mais il leur donne une nouvelle idée de sa puissance, en ajoutant: « Voici
que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. » Remarquez
que ce n’est pas seulement vers les loups qu’il les envoie, mais au milieu
des loups, afin que sa puissance se manifeste avec plus d’éclat, lorsqu’on
verra les brebis triompher des loups, tout en vivant au milieu d’eux, et
qu’au lieu de périr sous leurs morsures répétées, elles parviendront à les
convertir. Or c’est une oeuvre bien plus grande et plus admirable de changer
leurs âmes que de les mettre à mort. En s’exprimant de la sorte, il leur
apprend à montrer la douceur des brebis au milieu des loups. —
Saint Grégoire le Grand : (homél. 17 sur l’Evang.) Celui qui se charge
du ministère de la prédication, ne doit causer aucun mal, mais supporter [celui
qu’on veut lui faire]. C’est par cette douceur qu’il adoucira la fureur de
ceux qui se déchaînent contre lui, et que ressentant lui-même le contrecoup
des afflictions des autres, il pourra guérir les blessures des pécheurs. Si
quelquefois le zèle de la justice lui commande de sévir contre ceux qui lui
sont soumis, il faut que l’amour et non pas la dureté soit le principe de sa
colère, et que tout en maintenant au dehors les droits de la discipline
outragée, il aime, intérieurement, d’un amour paternel ceux qu’il est obligé
de châtier extérieurement. Il en est beaucoup, au contraire, qui à peine
revêtus de l’autorité du commandement, se montrent ardents à tourmenter leurs
inférieurs, veulent imprimer la terreur du pouvoir, et paraître être les
maîtres; ils oublient tout à fait qu’ils sont des pères, et cette place
qui leur fait un devoir de l’humilité, devient pour eux un sujet d’orgueil et
de domination. Parfois peut-être ils vous flattent au dehors, mais ils
exercent intérieurement leur fureur contre vous, et c’est d’eux qu’il a été
dit: « Ils viennent à vous avec des vêtements de brebis, mais au
dedans ce sont des loups ravisseurs. » Remarquons ici que nous
sommes envoyés comme des brebis au milieu des loups, parce que Dieu veut que
nous conservions la pureté de l’innocence, sans jamais nous rendre coupables
des morsures de la méchanceté. —
Saint Jérôme : Il donne le nom de loups aux Scribes et aux Pharisiens
qui étaient comme les clercs de la religion juive. —
Saint Hilaire : Ces loups figurent aussi ceux qui
dans leur fureur insensée devaient se déchaîner contre les Apôtres. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
34.) Ils
avaient une consolation dans leurs maux, c’était la puissance de Celui qui
les envoyait: aussi le Seigneur cherche-t-il à les bien convaincre avant tout
de cette puissance, lorsqu’il leur dit: « Voici que je vous
envoie », c’est-à-dire: Ne soyez pas effrayés d’être envoyés au
milieu des loups, car j’ai assez de puissance pour vous préserver entièrement
du mal qu’ils pourraient vous faire, non seulement en vous arrachant à leur
dent meurtrière, mais en vous rendant terribles aux lions eux-mêmes.
Cependant il faut que vous passiez par ces épreuves, pour faire briller dans
tout son éclat votre gloire et ma puissance. Toutefois, pour que les Apôtres
puissent contribuer eux-mêmes à cette gloire et qu’on ne croie pas qu’ils ont
été couronnés sans mérite, il ajoute: « Soyez donc prudents comme des
serpents et simples comme des colombes. » —
Saint Jérôme : La prudence leur fera éviter les
embûches, la simplicité les garantira du mal. Notre Seigneur leur donne pour
exemple la finesse du serpent, parce qu’il cache sa tête dans les replis de
son corps afin de mettre à couvert le siége de sa vie. Ainsi devons-nous
sauver au péril de tout notre corps notre tête, qui est Jésus-Christ,
c’est-à-dire nous appliquer à conserver notre foi dans toute sa pureté (Ep 3,
17; 4, 15), dans toute son intégrité. — Raban : Le serpent a
coutume aussi de se frayer un passage dans des ouvertures étroites, pour y
laisser en passant son ancienne peau. C’est ainsi que le prédicateur, en
traversant la voie étroite, doit se dépouiller entièrement du vieil homme. —
Saint Rémi : Le Seigneur donne ici une belle leçon
aux prédicateurs, en leur recommandant d’avoir la prudence du serpent; car
c’est par le serpent que le premier homme fut trompé, et il semble leur dire:
L’ennemi des hommes a été prudent et rusé pour tromper; soyez prudents vous
mêmes pour sauver; il a fait l’éloge de l’arbre de la science; exaltez
vous-mêmes la puissance de la croix. —
Saint Hilaire : Le démon s’est d’abord attaqué à
l’âme du sexe le plus faible, et l’a séduite par l’espérance, en lui
promettant la participation à l’immortalité; ainsi devons-nous choisir
nous-mêmes l’occasion favorable (eu égard à la nature et aux dispositions
d’un chacun) pour n’employer que des paroles de prudence, révéler l’espé-rance
des biens éternels et prédire en toute vérité, en nous fondant sur la
promesse de Dieu lui-même, ce que le démon n’a promis que par un mensonge,
c’est-à-dire que ceux qui croient deviendront semblables aux anges. (Mt 22.) — Saint Jean Chrysostome : (hom.
24.) De
même que nous devons avoir la prudence du serpent pour éviter d’être blessés
dans ce que nous avons de plus cher, ainsi devons-nous avoir la simplicité de
la colombe pour ne pas opposer la vengeance à l’injustice qui nous est faite,
et ne pas dresser aux autres de pernicieuses embûches. —
Saint Rémi : Le Seigneur réunit ces deux vertus, car
la simplicité sans la prudence peut être facilement trompée, et la prudence est
dangereuse lorsqu’elle n’est pas tempérée par la simplicité, afin de ne nuire
à personne. —
Saint Jérôme : La simplicité des colombes nous est
révélée dans la forme sous laquelle l’Esprit saint a voulu paraître, et c’est
pourquoi l’Apôtre a dit: « Soyez petits en malice. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34.) Quoi de plus dur en apparence que
de semblables commandements ? Non seulement il faut souffrir le mal, il
n’est pas même permis de s’en troubler, ce qui est le propre de la colombe;
car la colère n’apaise pas la colère, mais la douceur seule peut l’éteindre. — Raban : Ces
loups dont il vient de parler, ce sont les hommes, comme le prouvent les
paroles suivantes: « Gardez-vous des hommes. » — La Glose : Il est donc nécessaire que vous soyez comme des serpents,
c’est-à-dire pleins de finesse, car tout d’abord, suivant leur coutume, ils
vous traduiront devant leurs tribunaux, et vous défendront de prêcher en mon
nom; et si vous n’obéissez pas, ils vous feront fouetter de verges et vous
conduiront enfin devant les gouverneurs et devant les rois. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Ce
sont eux qui s’efforcent d’arracher un aveu à votre silence ou votre
consentement à leurs projets. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
34.) Il
est vraiment surprenant qu’en parlant de la sorte le Seigneur n’ait pas vu
s’éloigner aussitôt de lui ces hommes qui n’avaient jamais quitté les bords
du lac dans lequel ils jetaient leurs filets. C’est là une preuve
non-seulement de leur vertu, mais de la sagesse du docteur [qui les
enseignait]; car à chacun des maux qu’il leur prédisait il prenait soin de
joindre un adoucissement. C’est pour cela qu’il ajoute: « à cause de
moi. » C’est en effet une
bien grande consolation de souffrir pour Jésus-Christ. Les Apôtres n’étaient
pas persécutés comme des méchants et des scélérats; Notre Seigneur en donne
la raison: « pour leur servir de témoignage. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 31.) C’est-à-dire à ceux qui leur ont
donné la mort en les persécutant ou qui n’ont pas changé eux-mêmes de vie en
les voyant; car la mort des saints est un puissant secours pour les bons
comme elle est un témoignage contre les méchants qui périssent sans excuse là
où les élus trouvent de salutaires exemples qui les conduisent à la vie. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
34.) Ce
qui les consolait dans ces paroles, ce n’est pas le désir de voir le
châtiment de leurs ennemis, mais la vive confiance qu’ils avaient que le Seigneur
était toujours avec eux et prévoyait tout ce qui devait leur arriver. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Ce témoignage non seulement enlève
aux persécuteurs toute excuse d’ignorer la divinité de Jésus, mais encore
ouvre aux nations le chemin de la foi en Jésus-Christ, qui leur fut prêchée
jusqu’au milieu des tourments par la voix ferme et constante des confesseurs;
et c’est pour cela qu’il ajoute: « et aux nations. » |
Lectio 6 [85451] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 6 Chrysostomus in Matth. Cum
praemissis consolationibus non parvam et aliam apponit: ut enim non dicerent:
qualiter suadere poterimus hominibus talibus persequentibus, persecutionibus
existentibus? Iubet eos de responsione confidere dicens cum autem tradent
vos, nolite cogitare quomodo aut quid loquamini. Remigius. Duo autem dicit: quomodo aut
quid; quorum unum refertur ad sapientiam, alterum ad oris officium. Quia
enim et ipse subministrabat verba quae loquerentur, et sapientiam qua ea
proferrent: non fuerat necesse sanctis praedicatoribus cogitare quid loquerentur
aut quomodo. Hieronymus. Cum enim propter Christum
ducamur ad iudices, voluntatem tantum nostram pro Christo debemus offerre. Ceterum
ipse Christus qui in nobis habitat, loquitur pro se, et spiritus sancti in
respondendo gratia ministrabitur. Hilarius in Matth. Fides enim nostra omnibus
praeceptis divinae voluntatis intenta, ad responsionem scientiae instruetur,
in exemplo habens Abraham, cui postulanti ad hostiam Isaac, non defuit aries
ad victimam; et ideo sequitur non enim vos estis qui loquimini, sed spiritus
patris vestri qui loquitur in vobis. Remigius. Et est sensus: vos acceditis ad
certamen, sed ego sum qui praelior; vos verba editis, sed ego sum qui loquor.
Hinc Paulus ait: an experientiam quaeritis eius qui in me loquitur Christus?
Hieronymus. Per hoc autem ad prophetarum
dignitatem eos reduxit, qui scilicet Dei spiritu sunt locuti. Cum autem hic
dicat ne solliciti sitis quid loquamini, alibi dicitur: parati semper ad
satisfactionem omni poscenti vos rationem reddere de ea quae in vobis est
spe. Cum enim in medio amicorum certamen erit, iubemur esse solliciti, cum
autem est iudicium terribile, et plebes insanientes, et timor undique,
auxilium a Christo praebetur, ut confidenter loquantur, et non obstupescant. |
Versets 19-20.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 34.) Aux consolations qui précèdent, le Seigneur en ajoute une non
moins grande. Les Apôtres auraient pu lui dire: Comment pourrons-nous
persuader les esprits au milieu de tant de persécuteurs ? Jésus leur
commande de ne point se préoccuper de ce qu’ils auront à répondre. « Lorsqu’on
vous livrera, leur dit-il, ne vous mettez point en peine comment vous leur
parlerez; ni de ce que vous leur direz. » — Saint Rémi : [référence
à vérifier] Il distingue ici deux choses: la réponse
et la forme qu’on peut lui donner; l’une qui a pour principe la sagesse, et
l’autre qui est du ressort de la parole. Or, comme c’était de lui que
venaient et les paroles qu’ils devaient dire, et la sagesse qui les
inspirait, les prédicateurs de l’Évangile n’avaient nullement à se préoccuper
soit de ce qu’ils diraient, soit de comment ils le diraient. —
Saint Jérôme : Lorsque nous sommes traduits devant
les juges de la terre pour la cause de Jésus-Christ, nous n’avons qu’une
chose à lui offrir : notre volonté. Pour le reste, Jésus-Christ, qui
lui-même habite en nous, parlera pour lui-même, et le Saint-Esprit nous
prêtera son secours divin pour répondre. —
Saint Hilaire : Car si notre foi se donne tout
entière à l’accomplissement de la volonté divine, Dieu de son côté lui
donnera la science nécessaire pour répondre; elle en a pour garant l’exemple
d’Abraham à qui Dieu, après lui avoir demandé le sacrifice de son fils Isaac,
fit trouver le bélier nécessaire au sacrifice. (Gn 22.) Aussi prend-il soin d’ajouter: « Car ce n’est
pas vous qui parlez, c’est l’Esprit de votre Père qui parle en vous. » —
Saint Rémi : Voici le sens de ces paroles: C’est
vous qui marchez au combat, mais c’est moi qui en soutiens tout l’effort;
c’est vous qui prononcez les paroles, mais c’est moi-même qui parle par votre
bouche. C’est ce qui faisait dire à saint Paul: « Est-ce que vous
voulez faire l’expérience de Jésus-Christ qui parle par ma
bouche ? » — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] (hom. 34.) C’est ainsi qu’il revêt les Apôtres de la dignité des prophètes qui ont parlé sous l’inspiration de l’Esprit saint. Or, ce qu’il leur dit ici: « Ne soyez pas en peine de ce que vous direz », n’est pas contraire à ce qui est dit ailleurs: « Soyez toujours prêts à répondre pour votre défense à tous ceux qui vous demanderont raison de l’espérance qui est en vous. » Lorsque la discussion s’engage entre nous et nos amis, nous devons nous préoccuper [de ce que nous répondrons]; mais devant le tribunal effrayant des persécuteurs, au milieu d’un peuple en furie, alors que nous ne voyons de tous côtés que des sujets d’effroi, Jésus-Christ vient à notre secours et nous donne la force de parler avec confiance et d’être inaccessible à la crainte. |
Lectio 7 [85452] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 7 Glossa. Praemissa consolatione
subdit graviora pericula: unde dicitur tradet autem frater fratrem in mortem,
et pater filium; et insurgent filii in parentes, et morte eos afficient. Gregorius in Evang. Minorem enim dolorem
ingerunt mala quae ab extraneis, maiorem quae ab illis patimur, de quorum
mentibus praesumebamus: quia cum damno corporis mala nos cruciant caritatis
amissae. Hieronymus. Hoc autem in persecutionibus fieri
crebro videmus: nec ullus est inter eos fidus affectus quorum diversa est
fides. Chrysostomus in Matth. Deinde quod est multo
horribilius apposuit, dicens et eritis odio omnibus hominibus. Ut enim
communes orbis terrarum hostes, ita eos expellere tentabant. Hinc etiam
rursus apponitur consolatio, cum dicit propter nomen meum. Et cum hoc rursus
aliud consolatorium ponitur, cum subditur qui autem perseveraverit usque in
finem, hic salvus erit. Quoniam enim consueverunt multi in principio quidem
esse vehementes, postea vero dissolvi, propter hoc ait: quoniam finem
requiro. Quae enim utilitas est seminum in principio quidem florescentium,
postmodum autem tabescentium? Propter hoc autem sufficientem perseverantiam
expetit ab ipsis. Hieronymus. Non enim coepisse sed perfecisse
virtutis est. Remigius. Nec inchoantibus, sed perseverantibus
praemium tribuitur. Chrysostomus in Matth. Ne autem aliquis dicat,
quia omnia Christus in apostolos fecit, nihil mirabile est tales illos esse
effectos, nihil patientes onerosum, propter hoc ait quod perseverantia eis
est opus. Etsi enim ex primis eruti fuerint periculis, aliis difficilioribus
conservantur; et post illa rursus alia succedent, et non stabunt quin
insidias patiantur donec vivunt: et hoc occulte insinuat, dicens qui
perseveraverit usque in finem, hic salvus erit. Remigius. Idest qui praecepta fidei non
deseruerit, et in persecutionibus non defecerit, salvus erit: quia pro
persecutionibus terrenis percipiet praemia regni caelestis. Et notandum, quia
finis non semper signat consumptionem, sed aliquando perfectionem, iuxta illud:
finis legis Christus est. Unde etiam potest esse sensus: qui perseveraverit
usque in finem, idest in Christo. Augustinus de Civ. Dei. In Christo namque
perseverare, est in fide eius permanere, quae per dilectionem operatur. |
Versets 21-22.
— La Glose : Notre Seigneur a parlé auparavant
de la consolation, il prédit maintenant de plus grands dangers: « Le
frère livrera son frère à la mort, et le père son fils, et les fils
s’élèveront contre leurs parents et les feront mettre à mort. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 35 sur
les Evang.) Les peines que nous causent ceux dont l’affection et la
fidélité nous paraissaient acquises, nous sont beaucoup plus sensibles que
les épreuves qui nous viennent de personnes qui nous sont étrangères; car
alors, outre la douleur du corps, nous sommes déchirés par le regret de
l’affection que nous avons perdue. —
Saint Jérôme : C’est ce qui arrive souvent dans les
persécutions, nous le voyons, et il n’y a point à compter sur l’affection de
ceux qui n’ont point la même foi. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
34.) Voici
une épreuve beaucoup plus terrible encore: « Et vous serez haïs de
tous les hommes. » Et en effet on les poursuivait, et on voulait les
chasser comme les ennemis communs du genre humain. Aussi leur présente-t-il
de nouveau cette double consolation: « à cause de mon nom », et cette autre: « Celui qui
persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. » Il en est beaucoup, en
effet, qui, pleins d’ardeur dans les commencements, perdent insensiblement
toute leur force; c’est pourquoi le Seigneur demande la persévérance jusqu’à
la fin. Car de quelle utilité peuvent être les semences qui donnent d’abord
des fleurs, et qu’on voit ensuite se dessécher sur leur tige ? Aussi
exige-t-il de ses disciples une persévérance constante. — Saint
Jérôme : Le caractère propre de la vertu, ce n’est
pas de commencer, c’est d’achever. —
Saint Rémi : Et ce n’est pas à ceux qui commencent,
mais à ceux qui persévèrent, que la récompense est donnée. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
34.) Notre
Seigneur prévient ici cette difficulté: Le Christ est l’auteur de tout ce que
nous admirons dans les Apôtres; il n’est donc pas surprenant qu’ils soient
devenus ce qu’on les a vus, puisqu’ils n’avaient rien à supporter de pénible;
c’est pourquoi il ajoute que la persévérance leur est nécessaire. Car lors
même qu’il les aurait arrachés aux premiers dangers, ils étaient réservés à
d’autres plus grands encore, auxquels de nouveaux devaient succéder,
puisqu’ils ne devaient pas vivre un instant sans avoir à redouter les piéges
qu’on leur dressait, vérité qu’il leur révèle d’une manière indirecte, en
leur disant: « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera
sauvé. » —
Saint Rémi : C’est-à-dire celui qui n’abandonnera
pas les préceptes de la foi, qui ne faiblira pas dans les persécutions,
celui-là sera sauvé, et les persécutions de la terre lui mériteront les
récompenses du royaume des cieux. Remarquez que le mot « fin » ne signifie pas toujours la destruction d’une chose, mais
quelquefois sa perfection, comme dans ce passage: « Le Christ est la
fin. » (Rm 10.) On peut
donc adopter ce sens: « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, »
c’est-à-dire dans le Christ. — Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 21, chap. 25.) En effet, persévérer dans le Christ, c’est persévérer dans la foi que nous avons en lui et qui agit par la charité. |
Lectio 8 [85453] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 8 Chrysostomus in Matth. Postquam
praedixit terribilia quae post crucem et resurrectionem et ascensionem, eis
erant ventura, rursus ducit eos ad mansuetiora; non enim iussit eos ad
persecutionem audacter ire, sed fugere: unde dicit cum autem persequentur vos
in civitate ista, fugite in aliam. Quia enim interim principium erat
conversionis eorum, condecente utitur sermone. Hieronymus. Hoc enim ad illud tempus referendum
est, cum ad praedicationem apostoli mittebantur, quibus et proprie dictum
est: in viam gentium ne abieritis; quod persecutionem timere non debeant, sed
declinare. Quod quidem videmus in principio fecisse credentes, quando orta
Hierosolymis persecutione, dispersi sunt in universam Iudaeam, ut
tribulationis occasio fieret Evangelii seminarium. Augustinus contra Faustum. Neque tamen
salvator non poterat tueri discipulos suos, quibus fugere praecipit; et huius
rei prior exemplum praebuit; sed instruebat hominis infirmitatem, ne Deum
tentare audeat quando habet quid faciat, ut quod cavere oportet, evadat. Augustinus de Civ. Dei. Potuit autem eos
admonere ut sibi manus inferrent, ut non in manus persequentium devenirent.
Porro si hoc ille non iussit aut monuit, ut hoc modo sui ex hac vita
emigrarent, quibus migrantibus se mansionem aeternam praeparaturum esse
promisit: quaelibet exempla opponant gentes quae ignorant Deum, manifestum
est hoc non licere credentibus unum verum Deum. Chrysostomus. Ne autem dicant: quid igitur si
persecutionem passi fugerimus, et rursus hinc nos abiecerint? Hunc destruens
timorem ait amen dico vobis, non consummabitis, idest non pervenietis ad me,
circumeuntes Palaestinam, donec vos assumam. Rabanus. Vel praedicit quod non ante
praedicationibus suis ad fidem perducent omnes civitates Israel, quam
resurrectio domini fuerit perpetrata, et in toto orbe terrarum praedicandi
Evangelium potestas concessa. Hilarius in Matth. Vel aliter. Ex una in
aliam fugam suadet: quia praedicatio eius primum a Iudaea effugata transit ad
Graeciam; deinde diversis intra Graeciae urbes apostolorum passionibus
fatigata, tertio in universis gentibus demoratur. Sed ut ostenderet gentes
quidem apostolorum praedicationi credituras; verum ut reliquum Israel
crederet esse adventui suo debitum, ait non consummabitis civitates Israel;
idest, post plenitudinem gentium, quod erit reliquum Israel ad implendum
numerum sanctorum, futuro claritatis Christi adventu est in Ecclesia
convocandum. Augustinus ad Honor. Faciant ergo servi
Christi quod praecepit vel permisit: sicut ipse fugit in Aegyptum, fugiant
omnino de civitate in civitatem, quando eorum quisquam specialiter a
persecutoribus quaeritur: ut ab aliis qui non ita requiruntur, non deseratur
Ecclesia; sed praebeant cibaria conservis, quos aliter vivere non posse
noverunt. Cum autem omnium, idest episcoporum, clericorum
et laicorum, est commune periculum, hi qui aliis indigent non deserantur ab
his quibus indigent. Aut igitur ad loca munita omnes transeant; aut qui
habent necessitatem remanendi, non relinquantur ab eis per quos illorum
ecclesiastica est supplenda necessitas: ut vel pariter vivant, vel pariter
sufferant quod eos paterfamilias volet pati. Remigius. Praeterea sciendum est, quod sicut
praeceptum perseverandi in persecutionibus specialiter ad apostolos pertinet
et ad eorum successores viros fortes, sic licentia fugiendi satis convenit
infirmis in fide, quibus condescendit pius magister: ne si se ultro ad
martyrium obtulissent, fortassis positi in tormentis negarent: levius enim
erat fugere quam negare. Sed quamvis fugiendo perfectae fidei constantiam in
se non ostenderent, tamen magni meriti erant; quoniam omnia pro Christo
parati erant deserere, scilicet fugiendo. Nisi autem illis licentiam fugiendi
dedisset, dicerent eos aliqui alienos esse a gloria regni caelestis. Hieronymus. Spiritualiter autem possumus
dicere cum persecuti vos fuerint in una civitate, hoc est, in uno
Scripturarum libro vel testimonio, non fugiamus ad alias civitates, idest ad
alia volumina: quamvis enim contentiosus fuerit persecutor, ante praesidium
salvatoris adveniet quam adversariis victoria concedatur. |
Verset 23.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Après avoir prédit à ses Apôtres les épreuves terribles qui
devaient leur arriver après son crucifiement, sa résurrection et son
ascension, il ramène leur pensée sur des considérations moins sévères; il ne
leur fait pas un devoir d’affronter audacieusement la persécution, mais leur
ordonne même de la fuir. « Lorsqu’ils
vous persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre. » Le Seigneur
use à leur égard de cette condescendance, parce qu’ils étaient nouvellement
convertis. —
Saint Jérôme : Il faut rapporter ces paroles au
temps où il envoyait les Apôtres prêcher l’Évangile en leur disant: « N’allez pas dans la voie des
Gentils », c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas craindre la
persécution, mais l’éviter, c’est ce que nous voyons faire aux croyants de la
primitive Église; la persécution s’étant élevée à Jérusalem, ils se
dispersèrent dans toute la Judée (Ac 8),
et c’est ainsi que la persécution devint elle-même le principe de la
propagation de l’Évangile. — Saint
Augustin : (contre
Faust, liv. 22, chap. 39.) Si le Sauveur leur ordonne de fuir, et si lui-même
le premier leur en a donné l’exemple, ce n’est point par impuissance de
défendre ses disciples, mais c’est pour enseigner à la faiblesse de l’homme à
ne pas tenter Dieu, quand il est en son pouvoir de fuir le danger qu’il doit
éviter. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. 1, chap. 23.) Il aurait
pu leur conseiller de mettre fin à leurs jours pour ne pas tomber entre les
mains des persécuteurs. Or, puisqu’il n’a donné ni l’ordre ni le conseil de
sortir ainsi de cette vie à ceux qu’il a promis de recevoir dans les demeures
éternelles qu’il est allé leur préparer, quels que soient les exemples que
puissent nous opposer les nations qui ne connaissent pas Dieu, il est évident
que se donner la mort est un crime pour ceux qui croient en un seul et vrai
Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
35.) Les
Apôtres pouvaient lui objecter: Mais que ferons-nous si après avoir fui la
persécution qui nous menace, on nous chasse encore de la contrée que nous
aurons choisie ? Le Seigneur bannit cette crainte de leur cœur en
ajoutant: « Je vous dis en vérité,
vous n’aurez pas achevé toutes les demeures d’Israël, c’est-à-dire en
parcourant la Palestine, jusqu’à ce que
je vienne» vous prendre avec moi. — Raban : Ou bien il leur
prédit qu’ils ne convertiront pas à la foi par leurs prédications toutes les
villes d’Israël avant la résurrection du Seigneur, et aussi avant qu’ils
aient reçu le pouvoir de prêcher l’Évangile par toute la terre. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Ou
bien encore il leur conseille de fuir d’une ville dans une autre, parce que
la prédication de l’Évangile, repoussée par la Judée, s’est fait entendre
dans la Grèce. Elle s’est ensuite répandue dans toutes les villes de cette
contrée par les persécutions multipliées des Apôtres, et de là elle s’est fixée,
pour y demeurer, dans l’universalité des nations. Mais le Seigneur, voulant
montrer que si les nations seraient amenées à la foi par la prédication des
Apôtres, les restes d’Israël ne devraient leur conversion qu’à son avènement,
il ajoute: « Vous n’achèverez pas
toutes les villes, » c’est-à-dire qu’après la plénitude des nations,
ce qui restera d’Israël pour consommer le nombre des saints sera réuni à
l’Église par l’éclat du dernier avènement de Jésus-Christ. —
Saint Augustin : (Lettre 180 à Honorat.) Que les serviteurs de Jésus-Christ ne craignent donc
pas de faire ce qu’il a commandé ou permis, et ce qu’il a fait lui-même en
fuyant en Egypte; ils doivent donc fuir aussi de ville en ville lorsque l’un
d’entre eux sera l’objet particulier d’une persécution; ceux au contraire qui
ne sont pas personnellement recherchés, ne doivent pas abandonner leur
Église, mais rester pour soutenir ceux de leurs frères qu’ils savent ne
pouvoir vivre sans eux. Mais lorsque le danger devient général et qu’il
menace également les évêques, les clercs et les fidèles, que ceux qui doivent
aux autres le secours de leur ministère n’abandonnent pas les fidèles qui ont
droit de le réclamer, ou qu’ils fuient tous ensemble dans des lieux sûrs. Que
ceux qui sont obligés de rester ne soient point abandonnés par ceux qui
doivent subvenir à leurs besoins spirituels, mais qu’ils vivent ensemble, ou
qu’ensemble ils partagent les épreuves auxquelles le père de famille veut les
soumettre. —
Saint Rémi : Il ne faut pas oublier d’ailleurs que
si le précepte de la persévérance dans les persécutions regarde spécialement
les Apôtres et les hommes courageux qui leur ont succédé, la permission de
fuir est donnée à ceux qui sont faibles dans la foi. Le bon Maître a voulu
ainsi condescendre à leur faiblesse, dans la crainte qu’en se présentant
d’eux-mêmes au martyre, ils ne fussent exposés à renoncer à la foi au milieu
des tourments; car il vaut mieux fuir qu’apostasier. Et bien qu’en fuyant ils
ne fassent pas preuve d’une foi constante et parfaite; cependant ils avaient
un grand mérite, car ils étaient prêts, en prenant la fuite, à tout quitter
pour Jésus-Christ. Or, si le Seigneur ne leur avait pas accordé la permission
de fuir la persécution, il y aurait eu des hommes qui les auraient déclarés
indignes de la gloire du royaume des cieux. — Saint Jérôme : En prenant ces paroles dans le sens spirituel, nous pouvons dire: Lorsqu’ils nous persécuteront dans une ville, c’est-à-dire dans un livre, ou dans un texte de la sainte Écriture, fuyons vers d’autres villes, c’est-à-dire vers d’autres livres; et quelque ami de la dispute que soit notre persécuteur, le secours du Sauveur nous arrivera avant qu’il ait remporté la victoire. |
Lectio 9 [85454] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 9 Chrysostomus in Matth. Quia futurum erat
ut discipuli cum praemissis persecutionibus etiam diffamati malam opinionem
paterentur, quod multis onerosius esse videbatur, hic eos consolatur a
seipso, et ab his quae de ipso sunt dicta; cui consolationi nulla poterat
esse aequalis. Hilarius in Matth. Dominus enim lumen
aeternum, dux credentium, et immortalitatis parens, discipulis suis futurarum
passionum solatium ante praemisit, ut gloriae loco amplectamur, si domino
nostro vel passionibus adaequemur; unde dicit non est discipulus super
magistrum, nec servus super dominum suum. Chrysostomus in Matth. Intelligendum, donec
fuerit discipulus et servus: non est, inquam, super magistrum et dominum,
secundum honoris naturam. Nec mihi ea quae raro
contingunt hic obicias; sed ab his quae sunt in pluribus, suscipe hunc
sermonem. Remigius. Magistrum autem et dominum
semetipsum appellat; per servum et discipulum, suos vult intelligi apostolos.
Glossa. Quasi dicat: ne indignemini tolerare
quae tolero, quia dominus sum, faciens quod volo, et magister, docens quod
utile scio. Remigius. Et quia haec sententia minus
videbatur superioribus verbis congrua, quo tendant verba, manifestatur cum
subditur si patremfamilias Beelzebub vocaverunt, quanto magis domesticos
eius? Chrysostomus in Matth. Non dixit: servos, sed:
domesticos, ut multam ad eos familiaritatem ostenderet; sicut et alibi dixit:
non dicam vos servos sed amicos meos. Remigius. Quasi dicat: vos ergo temporales
honores et humanam gloriam non quaeratis, dum me videtis per irrisiones et
opprobria genus humanum redimere. Chrysostomus in Matth. Non solum autem
dixit: si domus dominum conviciati sunt; sed ipsam speciem convicii, quoniam
Beelzebub eum vocaverunt. Hieronymus. Beelzebub idolum est
Accaron, quod vocatur in regum volumine idolum muscae: Beel, ipse est Bel,
sive Baal; zebub autem musca dicitur. Principem ergo
Daemoniorum ex spurcissimi idoli appellabant vocabulo, qui musca dicitur
propter immunditiam, quae exterminat suavitatem olei. |
Versets 24-25.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Aux persécutions dont il vient de parler devaient se joindre la
diffamation et la calomnie, qui seraient pour les Apôtres le supplice le plus
pénible en les atteignant jusque dans leur réputation; il leur apporte donc
pour consolation son propre exemple, et leur rappelle tout ce qu’on a osé
dire de lui, consolation qui, pour eux, était sans égale. —
Saint Hilaire : En effet, le Seigneur, la lumière
éternelle, le chef des croyants, le père de l’immortalité, révèle par avance
à ses disciples les consolations qui adouciront un jour leurs épreuves, afin
de nous faire embrasser avec ardeur comme un titre de gloire cette carrière
qui nous rend les égaux du Seigneur par les souffrances. C’est pour cela
qu’il ajoute: « Le disciple n’est
pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de son Seigneur ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Il faut entendre ces paroles dans
ce sens: tant qu’il reste disciple et serviteur. Alors, dis-je, il n’est pas
au-dessus de son maître et de son seigneur, quant à l’honneur auquel il peut
aspirer. Et ne m’objectez pas ici de rares exceptions, ces paroles doivent
s’entendre de ce qui arrive le plus ordinairement. —
Saint Rémi : Le maître et le seigneur c’est
lui-même; par le serviteur et le disciple, il veut désigner ses Apôtres. — La Glose : Telle est la leçon
qu’il veut faire à ses disciples: « Ne vous irritez pas de souffrir ce
que je souffre, car je suis votre Maître, je fais ce que je veux et, étant
votre Maître je vous enseigne ce qui doit vous être utile. —
Saint Rémi : Comme cette maxime ne paraissait pas se
rapporter parfaitement à ce qui précède, il leur fait connaître le but qu’il
s’y est proposé en ajoutant: « S’ils
ont appelé Béelzébub le père de famille, à combien plus forte raison
traiteront-ils ses domestiques de la même manière. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
35.) Il
ne dit pas ses serviteurs, mais les gens de sa maison, pour exprimer dans
quelle intimité il est avec eux, comme il le dit ailleurs: « Je ne vous appellerai plus mes
serviteurs, mais mes amis. » —
Saint Rémi : Il semble leur dire par ces paroles:
« Ne cherchez donc ni les honneurs de la terre, ni la gloire qui vient
des hommes, vous qui me voyez racheter le monde en supportant tous les
outrages et tous les opprobres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Il ne se contente pas de dire: « S’ils
ont outragé le Maître », mais il spécifie l’outrage: « s’ils l’ont
appelé Béelzébub. » — Saint Jérôme : Béelzébub était l’idole d’Accaron, qui est appelée dans le livre des Rois l’idole de la mouche. Béel est la même chose que Bel ou Baal, et Zébub signifie mouche. Les Juifs donnaient au prince des démons le nom de l’idole la plus impure, qu’on appelait mouche, à cause de ce qu’elle a d’immonde, car la mouche en tombant dans un parfum en détruit la bonne odeur. |
Lectio 10 [85455] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 10 Remigius. Post praemissam
consolationem, aliam non minorem subiungit, dicens non ergo timueritis eos
scilicet persecutores. Quare autem non esset timendum manifestat cum
subiungit nihil enim est opertum quod non reveletur et occultum quod non
sciatur. Hieronymus. Quomodo ergo in praesenti saeculo
multorum vitia nesciuntur? Sed de futuro tempore scribitur, quando iudicabit
Deus occulta hominum, et illuminabit latebras tenebrarum, et manifesta faciet
consilia cordium. Et est sensus: nolite timere persecutorum saevitiam, et
blasphemantium rabiem: quia veniet dies iudicii, in quo et vestra virtus, et
illorum nequitia demonstrabitur. Hilarius in Matth. Igitur non minas, non
convicia, non potestates insectantium monet esse metuendas; quia dies iudicii
nulla haec fuisse atque inania revelabit. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Figura
quidem eorum quae dicuntur, universalem videtur enuntiationem habere; verum
non de omnibus, sed de praemissis solum dictum est: quasi dicat: si doletis
audientes convicia, hoc cogitate, quia et ab hac suspicione post parum
eruemini. Vocant quidem vos ariolos et magos et seductores; sed expectate
parum, et salvatores vos orbis terrarum universi dicent; cum per res ipsas
apparueritis benefactores: nec illorum attendent sermonibus homines, sed
rerum veritati. Remigius. Quidam autem dicunt, quod his verbis
promiserit dominus discipulis suis quod per eos essent revelanda omnia
occulta mysteria, quae sub velamine litterae legis latebant: unde apostolus
dicit: cum conversi fuerint ad Christum, tunc auferetur velamen. Et est
sensus: quare debetis timere vestros persecutores, cum tantae sitis
dignitatis ut per vos occulta mysteria legis et prophetarum sint manifestata?
Chrysostomus. Deinde quia eos ab omni timore
liberaverat, et altiores opprobriis fecerat, nunc opportuno tempore eis
loquitur de libera propalatione, quae est in praedicatione, dicens quod dico
vobis in tenebris, dicite in lumine; et quod in aure auditis, praedicate super
tecta. Hilarius in Matth. Non legimus dominum solitum
fuisse noctibus sermocinari, aut doctrinam in tenebris tradidisse; sed hoc
dicit, quia omnis sermo eius carnalibus tenebrae sunt, et verbum eius
infidelibus nox est. Itaque quod ab eo dictum est, cum libertate fidei et
confessionis est loquendum. Remigius. Est ergo sensus: quod dico vobis in
tenebris, idest inter Iudaeos incredulos, vos dicite in lumine, idest
fidelibus praedicate; et quod in aure auditis, idest quod dico vobis secrete,
praedicate super tecta, idest palam coram omnibus. Solemus enim dicere: in
aurem loquitur illi, idest secrete. Rabanus. Sane quod ait praedicate super tecta,
iuxta morem provinciae Palaestinae loquitur, ubi solent in tectis residere:
quia non sunt cacuminata, sed aequalia. Ergo praedicabitur in tectis quod
cunctis audientibus palam dicetur. Glossa. Vel aliter. Quod dico vobis in
tenebris, idest dum adhuc in timore carnali estis, dicite in lumine, idest in
fiducia veritatis, cum a spiritu sancto eritis illuminati; et quod in aure
auditis, idest solo auditu percipitis, praedicate, opere complendo, super
tecta existentes, idest corpora vestra quae sunt domicilia animarum. Hieronymus. Vel aliter. Quod dico vobis in
tenebris, dicite in lumine; idest, quod auditis in mysterio, apertius
praedicate; et quod in aure auditis, praedicate super tecta, idest, quod vos
erudivi in parvulo Iudaeae loco, universis urbibus in toto mundo audacter
edicite. Chrysostomus in Matth. Sicut autem quando
dicebat: qui credit in me, opera quae ego facio et ille faciet, et maiora his
faciet, ita et hic monstrat quoniam omnia per eos operatur, etiam plusquam
per seipsum; quasi dicat: principium ego dedi; sed quod plus est, per vos
explere volo. Hoc autem non iniungentis est solum, sed et futurum
praedicentis et ostendentis quoniam omnia superabunt. Hilarius in Matth. Constanter ergo ingerenda
est Dei cognitio, et profundum doctrinae evangelicae secretum lumine
praedicationis revelandum, non timendo eos quibus cum sit licentia in corpora
tantum, in animam ius nullum est: et ideo subditur et nolite timere eos qui
occidunt corpus, animam autem non possunt occidere. Chrysostomus. Vide qualiter omnibus eos
statuit superiores: non sollicitudinem solum et maledictionem, neque pericula,
sed et ipsam quae omnibus videtur terribilior, mortem suadens propter Dei
timorem contemnere: unde subdit sed potius eum timete qui potest et animam et
corpus perdere in Gehennam. Hieronymus. Nomen Gehennae in veteribus libris
non invenitur; sed primo a salvatore ponitur. Quaeramus ergo quae sit huius
sermonis occasio. Idolum Baal fuisse iuxta
Ierusalem ad radices montis Moria, in quibus Siloa fluit, non semel legimus. Haec
vallis et parva campi planities irrigua erat et nemorosa, plenaque deliciis,
et lucus in ea idolo consecratus. In tantam autem populus Israel dementiam
venerat ut, deserta templi vicinia, ibi hostias immolaret, et rigorem
religionis deliciae vincerent, filiosque suos incenderent Daemoni: et
appellabatur locus ipse Gehennon, idest vallis filiorum Hennon. Hoc regum
volumen, et Paralipomenon et Ieremias scribunt plenissime; et comminatur Deus
se locum ipsum impleturum cadaveribus mortuorum, ut nequaquam vocetur Tophet
et Baal, sed vocetur polyandrion, idest tumulus mortuorum. Futura ergo
supplicia et poenae perpetuae quibus peccatores cruciandi sunt, huius loci
vocabulo denotantur. Augustinus de Civ. Dei. Hoc autem non antea
fiet quam anima corpori fuerit copulata, ut nulla direptione separentur; et
tamen tunc recte mors animae dicitur, quia non vivit ex Deo; mors autem
corporis, quia in damnatione novissima quamvis homo sentire non desinat,
tamen quia sensus ipse nec voluntate suavis, nec quiete salubris, sed dolore
poenalis est, mors potius appellata quam vita. Chrysostomus in Matth. Vide autem rursus, quia
non promittit eis liberationem a morte, sed suadet contemnere mortem; quod
multo maius est quam erui a morte; et quod hoc sermone ea quae de
immortalitate sunt dogmata eis infigit. |
Versets 26-28.
—
Saint Rémi : A cette première consolation, le Seigneur
en ajoute une autre qui n’est pas moins grande: « Ne les craignez donc pas », c’est-à-dire les
persécuteurs. Et pourquoi ne doivent-ils pas les craindre ? « parce qu’il n’y a rien de caché qui
ne doive être découvert. » — Saint
Jérôme : Comment donc alors les vices d’un si grand
nombre demeurent-ils cachés pendant cette vie ? Notre Seigneur veut
parler ici du temps à venir. Lorsque le Seigneur jugera ce qui est caché dans
le cœur des hommes (1 Co 4, 5), il
portera la lumière dans les retraites les plus ténébreuses, et découvrira les
plus secrètes pensées des cœurs. Tel est donc le sens de ces paroles:
Ne craignez ni la cruauté des persécuteurs, ni la rage des
blasphémateurs, car viendra le jour du jugement qui mettra en évidence votre
vertu et leur malice. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Il
leur recommande donc de ne craindre ni les menaces, ni les outrages, ni la
puissance des persécuteurs, parce que le jour du jugement dévoilera le néant
et la faiblesse de leurs entreprises. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Ou bien encore, au premier abord,
les paroles du Seigneur présentent un sens général; toutefois, on ne doit pas
les entendre de tout, mais seulement de ce qui précède, dans ce sens:
« S’il vous est pénible d’être en butte aux outrages, pensez que vous ne
tarderez pas à être délivrés de cette épreuve. Ils vous prodigueront les noms
injurieux de devins, de magiciens et de séducteurs; mais attendez un peu, et
tous vous proclameront à l’envi les sauveurs de l’univers, alors que par vos
oeuvres vous en paraîtrez les bienfaiteurs, et les hommes cesseront de
s’arrêter à leurs discours pour ne plus s’occuper que de la vérité des faits.
— Saint Rémi : Il en est qui prétendent que Notre Seigneur promet ici à ses disciples de révéler par eux tous les mystères cachés qui demeuraient voilés sous la lettre de la loi; ce qui faisait dire à l’Apôtre: « Lorsqu’ils seront convertis à Jésus-Christ, le voile sera levé. » Tel serait donc le sens de ces paroles: Pourquoi craindriez-vous vos persécuteurs, vous dont la dignité est si grande, puisque Dieu vous a choisis pour dévoiler les mystères de la loi et des prophètes. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Après les avoir délivrés de toute crainte, et les avoir placés au-dessus des opprobres, le moment est venu de leur parler de la liberté de la prédication; c’est ce qu’il fait, en leur disant « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le au grand jour ; et ce que vous entendez à l’oreille, dites-le sur les toits ». —
Saint Hilaire : Nous ne lisons nulle part que le
Seigneur eût pour habitude de discourir pendant la nuit, et d’enseigner sa
doctrine dans les ténèbres; si donc il s’exprime ainsi, c’est que tous ses
discours sont ténèbres pour les hommes charnels, et que sa parole est comme
la nuit pour les infidèles. Il faut donc prêcher ses divins enseignements
avec toute la liberté de la foi et de la prédication. —
Saint Rémi : Voici donc le sens de ces paroles: « Ce que je vous dis dans les
ténèbres, » c’est-à-dire au milieu des Juifs incrédules, « dites-le à la lumière »,
c’est-à-dire devant les fidèles; et « ce
que vous entendez à l’oreille », c’est-à-dire ce que je vous dis en
secret, « prêchez-le sur les
toits », c’est-à-dire en public et devant tout le monde.
L’expression parler à l’oreille, dans
le langage ordinaire, veut dire parler en secret. — Raban : Ces paroles: « Prêchez sur
les toits, » sont une allusion à ce qui se fait dans la Palestine,
où les toits servent d’habitation, parce qu’ils ne sont point terminés en pointe
[comme les nôtres], mais présentent une surface plane. Prêcher sur les toits,
c’est donc prêcher publiquement, devant un grand nombre d’auditeurs. — La Glose : Ou bien encore: « Ce que je vous dis dans les
ténèbres », c’est-à-dire pendant que vous êtes encore sujets à une
crainte toute humaine, « dites-le
en plein jour », c’est-à-dire avec la confiance que donne la vérité
lorsque l’Esprit vous aura inondé de sa lumière; « et ce que l’on vous dit à l’oreille », c’est-à-dire
ce que vous percevez par l’ouïe seule, « prêchez-le
par les oeuvres, tandis que vous habitez sur les toits, »
c’est-à-dire dans vos corps qui sont la demeure de vos âmes. —
Saint Jérôme : Ou bien encore: « Ce que je vous dis dans les ténèbres, prêchez-le en plein
jour », c’est-à-dire ce que vous entendez dans le mystère,
prêchez-le à découvert; « et ce
que vous entendez à l’oreille, prêchez-le sur les toits »,
c’est-à-dire ce que je vous ai enseigné dans cet endroit limité de la Judée,
annoncez-le sans crainte à toutes les villes du monde entier. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
35.) Le
Seigneur nous montre ici que c’est lui qui opère toutes ces oeuvres par ses
Apôtres, et de beaucoup plus grandes qu’il n’en a faites lui-même, comme il
le dit ailleurs: « Celui qui croit
en moi fera les oeuvres que je fais, et il en fera même de plus
grandes, » ce qui revient à dire: J’ai commencé par agir moi-même,
mais c’est par vous que je veux accomplir ce qu’il y a de plus grand, paroles
qui ne renferment pas seulement un commandement, mais une prédiction de
l’avenir, et apprennent aux Apôtres qu’ils triompheront de tous les
obstacles. —
Saint Hilaire : Il faut donc répandre
continuellement la connaissance de Dieu, et révéler par la lumière de la
prédication le profond secret de la doctrine évangélique, sans craindre
nullement ceux qui n’ont de puissance que sur nos corps, et n’en ont aucune
sur nos âmes; c’est pour cela que le Seigneur ajoute: « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer
l’âme ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Voyez comme il les rend
supérieurs à tout, en leur persuadant de mépriser non seulement toute
sollicitude, les calomnies, les périls, mais encore ce qui semble à beaucoup
le plus terrible, la mort elle-même, et de tout sacrifier à la crainte de
Dieu. « Craignez plutôt, ajoute-t-il, celui qui peut envoyer votre corps et
votre âme dans l’enfer. » —
Saint Jérôme : Le nom de géhenne ne se trouve pas dans les livres de l’ancienne loi, et
c’est le Sauveur qui l’a employé le premier; examinons à quelle occasion. Nous
lisons en plusieurs endroits de l’Écriture (2 Par 24; 3 R 16) qu’il y avait
une idole de Baal près de Jérusalem, au pied du mont Moria, là où coule la
fontaine de Siloë. Cette vallée, qui forme une petite plaine, était arrosée
de plusieurs ruisseaux, ombragée et pleine de charmes; elle renfermait un
bois consacré à cette idole. Le peuple d’Israël en était venu à cet excès de
folie d’abandonner les parvis du temple pour venir immoler des victimes dans
cette vallée, oublier au milieu de ses délices la rigueur de la vraie
religion, et brûler ses enfants offerts comme victimes au démon. Ce lieu
s’appelait Géhennon ou la vallée des fils d’Ennon (4 R 23, 10; 2 Par 16, 3;
Jos 15, 8; Jr 7, 31; 19, 2.6). Ce nom se trouve souvent répété dans les
livres des Rois, dans les Paralipomènes et dans Jérémie. Dieu y
menace son peuple de remplir de cadavres ce lieu, qu’on n’appellera plus Tophet et Baal, mais Polyandrium, c’est-à-dire
le tombeau des morts. Notre Seigneur se sert donc de ce nom pour exprimer les
supplices et les châtiments éternels dont seront frappés les pécheurs. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 13, 2.) Ces supplices ne
commenceront pour le corps et pour l’âme à la fois, que lorsque l’âme sera
réunie au corps d’une union qui ne pourra plus être brisée. Et cependant cet
état est justement appelé la mort de l’âme, parce qu’alors elle ne vivra plus
de la vie de Dieu, et la mort du corps, parce que sous le coup de cette
éternelle damnation, bien que l’homme conserve le sentiment, ce sentiment
n’étant plus pour son cœur la source d’aucune douceur, d’aucun repos, mais un
principe de douleur et de peine, cet état mérite d’être appelé bien plutôt un
état de mort qu’un état de vie. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Remarquez encore qu’il ne leur promet pas de les affranchir de la mort, mais qu’il leur conseille de la mépriser, ce qui est bien plus grand que d’en être délivré, et que dans ce même discours il imprime dans leur âme le dogme de l’immortalité. |
Lectio 11 [85456] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. Et est sensus: si parva animalia
absque Deo non decidunt auctore, et in omnibus est providentia, et quae in
his peritura sunt, sine voluntate Dei non pereunt, vos qui aeterni estis, non
debetis timere quod absque Dei vivatis providentia. Hilarius in Matth. Mystice autem quod
venditur, corpus atque anima est; et cui venditur, peccatum est. Qui ergo
duos passeres asse vendunt, seipsos peccato minimo vendunt, natos ad
volandum, et ad caelum pennis spiritualibus efferendos; sed capti pretiis
praesentium voluptatum, et ad luxum saeculi venales totos se talibus
actionibus nundinantur. Dei autem voluntatis est ut unus ex illis magis
evolet; sed lex constitutione Dei perfecta decernit unum ex eis potius
decidere. Quemadmodum enim si evolarent, unum essent, fieretque corpus
spiritale, ita peccatorum pretio venditis, anima terrenam contrahit ex
vitiorum sorde materiam, fitque unum ex illis quod tradatur in terram. Hieronymus. Quod autem ait vestri autem
capilli capitis omnes numerati sunt, immensam Dei erga homines ostendit
providentiam, et ineffabilem signat affectum, quod nihil nostrorum Deum
lateat. Hilarius in Matth. In numerum enim
aliquid colligi, diligentiae est. Chrysostomus in Matth. Unde hoc dixit, non
quod pilos Deus numeret; sed ut diligentem cognitionem et multam circa eos
providentiam ostendat. Hieronymus. Derident autem intelligentiam
ecclesiasticam in hoc loco qui carnis resurrectionem negant; quasi nos et
capillos qui numerati sunt, et a tonsore decisi, omnes dicamus resurgere, cum
salvator non dixerit: vestri autem et capilli omnes salvandi sunt, sed
numerati sunt. Ubi numerus est, scientia numeri demonstratur, non eiusdem
numeri conservatio. Augustinus de Civ. Dei. Quamvis et de ipsis
capillis possit inquiri, utrum redeat quicquid tondentibus decidit: quod si
rediturum est, quis non exhorreat illam deformitatem? Semel autem intellecto,
ita nihil periturum esse de corpore, ita ut deforme nihil sit in corpore,
simul intelligitur, ea quae deformem factura fuerant enormitatem, massae ipsi
accessura esse, non locis quibus membrorum forma turbetur: velut si de limo
vas fieret quod rursus in eumdem limum redactum, totum de toto iterum fieret;
non esset necesse ut illa pars limi quae in ansa fuerat, ad ansam rediret; aut
quae fundum fecerat, ipsa rursus faceret fundum; dum tamen totum reverteretur
in totum; idest, totus ille limus in totum vas, nulla sui parte perdita,
remearet. Quapropter, si capilli toties tonsi ad sua loca deformiter redeunt,
non redibunt, quia in eamdem carnem, ut quemcumque locum ibi corporis
teneant, servata partium congruentia, materiae in utilitatem vertentur.
Quamvis quod dicit: capillus capitis vestri non peribit, non de longitudine,
sed de numero capillorum posset intelligi: unde hic dicitur capilli capitis
vestri numerati sunt. Hilarius in Matth. Neque enim dignum
negotium est peritura numerare: ut igitur nihil ex nobis periturum esse
cognosceremus, ipso capillorum nostrorum supputatorum numero indicatur. Nullus
igitur corporum nostrorum casus est pertimescendus: et ideo subditur nolite
ergo timere: multis passeribus meliores estis vos. Hieronymus. In quo manifestius superior
expositionis sensus expressus est, quod timere non debeant eos qui possunt
corpus occidere: quoniam si sine Dei scientia, parva quoque animalia non
decidunt, quanto magis homo, qui apostolica fultus sit dignitate? Hilarius. Vel cum dicit plurimis eos antestare
passeribus, ostendit multitudini infidelium electionem fidelium praeesse:
quia his casus in terra est, illis volatus in caelum. Remigius. Mystice autem Christus caput est,
apostoli capilli; qui pulchre numerati dicuntur, quia nomina sanctorum
scripta sunt in caelis. |
Versets 29-31.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Après avoir banni de leur âme la crainte de la mort, le Seigneur
ne veut pas que ses Apôtres pussent se croire abandonnés de Dieu s’ils
venaient à succomber; il ramène de nouveau son discours sur la providence de
Dieu, et leur dit: « Est-ce que
deux passereaux ne se vendent pas un as ? Et cependant pas un ne tombe à
terre sans la permission de votre Père. » —
Saint Jérôme : Voici le sens de ces paroles: Si de
petits animaux ne périssent pas sans la permission de Dieu, si sa providence
s’étend à toutes les créatures, et si celles d’entre elles qui sont sujettes
à la mort ne peuvent périr sans la volonté de Dieu, vous dont la destinée est
éternelle, vous ne devez pas craindre que la providence vous abandonne dans
le cours de cette vie. —
Saint Hilaire : Dans le sens mystique, ce qui est vendu,
c’est le corps et l’âme, et celui auquel on le vend, c’est le péché. Ceux qui
vendent deux passereaux pour un as sont ceux qui étaient nés pour prendre
leur essor et s’élever jusqu’au ciel sur les ailes de la grâce, et qui se
vendent pour un misérable péché. Séduits par l’attrait des voluptés de cette
vie, et acquis par avance aux vanités du siècle, ils se prostituent tout
entiers et se vendent à ce vil prix. Or, la volonté de Dieu c’est que l’une
de ces deux substances s’élève par son essor au-dessus de l’autre; mais une
loi qui a également Dieu pour auteur veut que l’autre soit plus portée à
tomber qu’à s’élever. De même que s’ils avaient pris leur vol ensemble, ils
n’auraient fait qu’un, et que le corps serait ainsi devenu spirituel; de même
lorsqu’ils sont tous deux vendus au péché, l’âme devient terrestre et
matérielle au milieu des souillures du vice, et les deux substances n’en font
plus qu’une seule que les inclinations de la chair font tomber violemment à
terre. —
Saint Jérôme : Ces paroles: « Tous les cheveux de votre tête sont comptés »
montrent l’immense providence de Dieu à l’égard des hommes, et sont une
preuve de cet amour ineffable de notre Dieu pour lequel il n’y a rien de
caché. —
Saint Hilaire : L’action de compter indique le soin
que l’on prend d’une chose. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Si Notre Seigneur s’exprime de la
sorte, ce n’est pas que Dieu compte littéralement nos cheveux, mais il veut
nous apprendre la connaissance parfaite que Dieu a de nos besoins, et
l’étendue de sa providence pour y subvenir. —
Saint Hilaire : Ceux qui nient la résurrection de la
chair se moquent de l’interprétation de l’Église, comme si nous disions que
les cheveux qui ont été comptés, et qui sont tombés sous les ciseaux, doivent
ressusciter. Mais le Sauveur ne dit pas: « Tous
vos cheveux seront conservés, mais
« seront comptés. » Cette manière de parler prouve que Dieu
connaît le nombre de nos cheveux, mais non pas qu’il les conservera tous. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, liv. dern. chap. 19.) On
pourrait aussi faire cette question à propos des cheveux : tous les
cheveux qui ont été coupés, reviendront-ils, et s’ils doivent repousser, qui
n’aurait horreur de cette difformité ? Mais dès lors que l’on comprend
et que l’on admet en principe que le corps ne perdra rien de ce qui peut lui
donner de la beauté, on doit comprendre également que ce qui serait de nature
à produire une hideuse difformité viendra se joindre à la masse du corps et
non pas aux membres dont la forme en serait défigurée. Ainsi, qu’un vase de
terre soit réduit en poussière et qu’il soit ensuite rendu à sa première
forme avec la même matière, il ne serait pas nécessaire que la partie
d’argile qui formait l’anse fût rendue à l’anse elle-même, ou que ce qui en
formait le fond revînt au même endroit, il faudrait seulement que le tout
revînt dans le tout, c’est-à-dire la totalité de la matière dans la totalité
du vase, et qu’ainsi aucune partie ne fût perdue. Si donc les cheveux coupés
tant de fois devaient rendre la tête difforme en reprenant leur place, ils ne
lui seront pas rendus; car grâce à la mutabilité naturelle de la matière, ils
prendront la forme de la chair pour occuper n’importe quel endroit du corps,
suivant que l’exigera l’harmonie des parties qui le composent. On pourrait
d’ailleurs entendre cette parole: « Pas
un cheveu de votre tête ne périra », non de la longueur, mais du
nombre des cheveux; comme paraissent l’indiquer ces paroles: « Les cheveux de votre tête sont
comptés. » — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) En
effet, il ne serait pas digne de Dieu de compter ce qui doit périr. Aussi,
afin que nous sachions bien que rien de ce qui compose notre être ne doit
périr, il nous assure que nos cheveux eux-mêmes ont été comptés. Nous n’avons
donc à craindre aucun danger pour nos corps, et [Notre Seigneur nous confirme
dans cette assurance par] les paroles qui suivent: « Ne craignez pas, vous valez plus que beaucoup de
passereaux. » —
Saint Jérôme : Ces paroles rendent plus clair le
sens de ce qui précède, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas craindre ceux qui
ne peuvent que tuer le corps; car si les plus petits animaux ne peuvent périr
sans que Dieu le sache, combien moins l’homme que Dieu a revêtu de la sublime
dignité d’apôtre ? —
Saint Hilaire : Ou bien, en leur disant qu’ils
valent mieux qu’un grand nombre de passereaux, Notre Seigneur montre qu’il
préfère les fidèles qu’il a élus à la multitude des infidèles, parce que
ceux-ci tombent sur la terre, tandis que ceux-là prennent leur vol vers les
cieux. — Saint Rémi : Dans le sens mystique, Jésus-Christ est la tête, les Apôtres sont les cheveux; et c’est avec raison qu’il assure que ces cheveux ont été comptés, parce que les noms des saints sont écrits dans le ciel (Jr 17, 13). |
Lectio 12 [85457] Catena in Mt.,
cap. 10 l. 12 Chrysostomus in Matth. Eiciens dominus
timorem qui discipulorum concutiebat animam, per ea quae consequuntur rursus
eos confortat, non solum timorem eiciens, sed et spe praemiorum maiorum eos
erigens in liberam propalationem veritatis, dicens omnis ergo qui
confitebitur me coram hominibus, confitebor et ego eum coram patre meo qui
est in caelis. Considera autem diligenter, quod non dixit
qui confitebitur me, sed, quemadmodum Graece legitur, qui confitebitur in me;
ut tibi ostenderet non propria virtute, sed gratia superiore adiutum,
confiteri eum qui confitetur. Hilarius. Hoc concludendo dicit, quia
doctrinis talibus confirmatos oportet liberam Dei confitendi habere
constantiam. Remigius. Confessio autem hic illa
intelligenda est de qua dicit apostolus: corde creditur ad iustitiam, ore fit
confessio ad salutem. Ne ergo aliquis putaret se absque oris confessione
posse salvari, non solum ait qui me confessus fuerit, sed addit coram
hominibus; et iterum addit qui autem negaverit me coram hominibus, negabo et
ego eum coram patre meo qui est in caelis. Hilarius. In quo ostendit, quales nos testes
hominibus fuerimus, tales apud Deum patrem testimonio eius usuros. Chrysostomus in Matth. Ubi considerandum est,
quia in poena amplius est supplicium, et in bonis maior retributio. Quasi
dicat: superabundasti prius, me hic confitendo aut negando; superabundabo et
ego, ineffabiliter tibi maiora dando: illic enim ego te confitebor aut
negabo. Propter hoc si feceris aliquod bonum, et non susceperis retributionem,
ne turberis: cum additamento enim in futuro tempore retributio te expectat.
Et si feceris aliquod malum, et non exsolveris vindictam, non contemnas;
illic enim te excipiet poena, nisi transmuteris, et melior fias. Rabanus. Et sciendum, quod negare quod Deus
non sit, nec Pagani possunt; sed quod non sit Deus filius et pater, negari ab
infidelibus potest. Confitebitur ergo aliquem filius apud patrem, quia per
filium habebit accessum ad patrem, et quia filius dicet: venite, benedicti
patris mei. Remigius. Negabit autem negantem se, quia per
ipsum non habebit accessum ad patrem, et a conspectu suae divinitatis et
patris repelletur. Chrysostomus in Matth. Ideo autem non solum
fidem quae est secundum mentem, sed et confessionem exigit oris, ut erigat nos
in liberam propalationem et ampliorem amorem, excelsos nos faciens. Haec
autem verba ad universos loquitur: et neque in persona apostolorum loquitur
solum: non enim solos apostolos, sed et discipulos eorum facit viriles. Qui
nunc hoc servat, non solum cum libera propalatione docebit, sed et omnibus
facile suadebit: huius enim verbi observatio multos ad apostolos adduxit.
Rabanus. Vel confitetur quis Iesum ea fide
quae per dilectionem operatur, mandata eius fideliter implendo; negat qui
praeceptis non obedit. |
Versets 32-33.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Notre Seigneur, en bannissant la crainte qui troublait l’âme de ses disciples, leur donne une nouvelle force par les paroles qui suivent. Non seulement il les délivre de toute crainte. Mais il leur propose de plus grandes récompenses, et leur inspire ainsi le courage de prêcher hautement et librement la vérité: « Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai moi-même devant mon Père qui est dans les cieux. » Considérez avec attention qu’il ne dit pas : « Quiconque me confessera », mais, comme on le lit dans le texte grec : « qui aura confiance en moi », afin de montrer que celui qui confesse ne le fait pas de sa propre force, mais aidé par une grâce d’en haut ». — Saint Hilaire : (can. 40 sur S. Matth.) C’est
la conclusion de ce qui précède, car une fois qu’on a puisé la force dans
d’aussi sublimes enseignements, on doit confesser librement et avec constance
le vrai Dieu. —
Saint Rémi : C’est cette confession dont l’Apôtre a
dit (Rm 10): « Il faut croire de cœur pour obtenir la justice, et confesser
de bouche pour obtenir le salut. » Ainsi, ne pensez pas pouvoir être
sauvé sans la confession des lèvres, car Notre Seigneur ne dit pas seulement:
« Celui qui m’aura confessé »,
mais il ajoute: « devant les
hommes », et encore: « Celui
qui m’aura renoncé devant les hommes, je le renoncerai moi-même devant mon
Père qui est dans les cieux. » —
Saint Hilaire : Il nous apprend par là qu’il nous rendra devant son Père le même
témoignage que nous lui aurons rendu devant les hommes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Remarquons ici que le châtiment
comme la récompense sont supérieurs, l’un au mal, l’autre au bien. En effet,
le Seigneur semble dire: Vous n’avez rien épargné les premiers, soit pour me
confesser, soit pour me renoncer. Je n’épargnerai rien moi-même, et je serai
magnifique en vous donnant davantage; car c’est moi-même qui vous
reconnaîtrai ou qui vous renoncerai. Si donc vous avez fait quelque bien sans
en recevoir la récompense, ne vous en troublez pas, une récompense
surabondante vous attend dans l’avenir. Si, au contraire, vous vous êtes
rendu coupable sans en avoir été puni, ne vous laissez pas aller à un mépris
insolent, car le châtiment vous est également réservé, à moins que vous ne
changiez et que vous ne deveniez meilleurs. — Raban : Et il faut savoir que les païens eux-mêmes ne peuvent nier
l’existence d’un Dieu, mais qu’ils peuvent fort bien ne pas reconnaître
l’existence d’un Dieu Père et Fils. Or, le Fils reconnaîtra quelqu’un devant
son Père, soit en lui donnant accès auprès de lui, et en lui disant: « Venez, les bénis de mon
Père. » —
Saint Rémi : Et il renoncera celui qui l’aura
renoncé, en lui refusant tout accès auprès de Dieu le Père, et en le rejetant
de la présence de sa divinité et de celle de son Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35.) Il exige non seulement la foi
intérieure de l’âme, mais encore la confession extérieure des lèvres, afin de
nous inspirer une liberté plus grande pour la prédication et un amour plus
fort pour lui, en nous rendant supérieurs à tout. Or, ce n’est pas seulement
à ses Apôtres, mais à tous qu’il adresse cette recommandation, car il veut
inspirer ce courage non seulement à ses Apôtres, mais encore à leurs
disciples. Celui qui sera fidèle à ce commandement non seulement enseignera
publiquement avec une sainte hardiesse, mais il portera facilement la
persuasion dans les cœurs, car l’observation de ce précepte en a converti un
grand nombre à la doctrine des Apôtres. — Raban : Ou bien on confesse Jésus par la foi qui opère par l’amour, en accomplissant fidèlement ses commandements; et on le renonce lorsqu’on ne craint pas de transgresser ses préceptes. |
Lectio 13 [85458] Catena in Mt., cap. 10 l. 13 Hieronymus.
Supra dixerat: quod dico vobis in tenebris, dicite in lumine; nunc infert
quid post praedicationem sequatur, dicens nolite arbitrari quia venerim pacem
mittere in terram. Non veni pacem mittere, sed gladium. Glossa. Vel aliter continua: sicut timor
mortis non debet attrahere, sic nec carnalis affectus. Chrysostomus in Matth. Qualiter eis iniunxit
ut in unamquamque domum ingredientes pacem indicerent, qualiter etiam et
Angeli dixerunt: gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus, quoniam
haec maxime est pax, cum id quod aegrotat, inciditur; cum id quod litem
infert, separatur: ita enim possibile erit caelum terrae copulari. Nam et
medicus ita reliquum conservat corpus, cum id quod insanabiliter se habet
absciderit. Ita quidem et in turri Babel gestum est: malam enim pacem bona
dissonantia solvit. Ita et Paulus eos qui adversus eum consonabant, divisit.
Non enim ubique concordia bonum est: nam et latrones consonant. Hoc autem
praelium non est sui propositi, sed illorum consilii. Hieronymus. Ad fidem enim Christi totus orbis
contra se divisus est. Unaquaeque domus et infideles habuit et credentes, et
propterea bellum missum est bonum, ut rumperetur pax mala. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dixit quasi
discipulos consolans; ac si diceret: ne turbemini, quasi praeter spem his
contingentibus: propter hoc enim veni, ut praelium mittam. Et non dixit:
praelium; sed, quod difficilius est, gladium. Voluit enim asperitate
verborum eorum excitare auditum, ut non in difficultate rerum deficiant: ne
aliquis dicat, quod blanda suasit, sed difficilia occultavit. Melius est enim
in rebus mansuetudinem videre, quam in verbis; et propter hoc in his non
stetit, sed exponens praelii speciem, ostendit hoc esse civili bello
difficilius, dicens veni enim separare hominem adversus patrem suum, et
filiam adversus matrem suam, et nurum adversus socrum suam. In quo ostendit
quod non solum in familiaribus erit hoc praelium, sed in amantissimis et
valde necessariis: quod maxime Christi virtutem ostendit: quia discipuli haec
audientes et ipsi susceperunt, et aliis suaserunt. Quamvis autem non ipse Christus hanc separationem
fecerit, sed illorum malitia; tamen dicit se facere, secundum Scripturae
consuetudinem. Scriptum est enim: dedit eis Deus oculos ut non videant. Hoc
autem maxime ostendit, vetus testamentum novo esse cognatum. Etenim in
Iudaeis unusquisque proximum interficiebat, quando vitulum fecerunt, et
quando Beelphegor immolaverunt: unde, ut monstraret eumdem esse cui haec et
illa placuerunt, prophetiae meminit, dicens et inimici hominis, domestici
eius. Et in Iudaeis tale aliquid contigit: erant enim prophetae et
pseudoprophetae; et plebes scindebatur, et domus dividebantur; et hi quidem
his credebant, alii autem illis. Hieronymus. Hic autem locus prope iisdem
verbis in Michaea propheta scribitur. Et notandum, ubicumque de veteri
testamento testimonium ponitur, utrum sensus tantum, an et verba consentiant.
Hilarius in Matth. Mystice autem gladius
telorum omnium acutissimum est, in quo est ius potestatis, et iudicii severitas,
et animadversio peccatorum. Dei igitur verbum nuncupatum meminerimus in
gladio; qui gladius missus est in terram; idest, praedicatio eius hominum
cordibus infusa. Hic igitur quinque habitantes in una domo dividit, tres in
duos, et duos in tres: et tria ad hominem referimus; idest, corpus et animam
et voluntatem: nam ut corpori anima data est, ita et potestas homini utendi
utroque ut vellet, indulta est; atque ob illud lex est proposita voluntati.
Sed hoc tantum in illis deprehenditur qui primi a Deo figurati sunt. Sed ex
peccato atque infidelitate primi parentis, sequentibus generationibus coepit
esse corporis nostri pater peccatum, mater animae infidelitas. Voluntas autem
sua unicuique adiacet: ergo iam unius domus quinque sunt. Cum ergo innovamur
Baptismi lavacro, per virtutem verbi ab originis nostrae peccatis separamur,
recisique quadam absectione gladii Dei, a patris et matris affectionibus
dissidemus, fitque gravis in domo una dissensio, et domestica novo homini
erunt inimica: quia ille manere in spiritus novitate gaudebit; ea vero quae a
prosapiae antiquitate deducta sunt, consistere in his quibus oblectantur
concupiscunt. Augustinus, de quaest. Evang. Vel aliter. Veni
separare hominem adversus patrem suum: quia renuntiat quis Diabolo qui fuit
filius eius; et filiam adversus matrem suam, idest, plebem Dei adversus
mundanam civitatem, hoc est perniciosam societatem generis humani, quam nunc
Babylonia, nunc Aegypto, nunc Sodoma, nunc aliis atque aliis nominibus
Scriptura signat. Nurum adversus socrum
suam: Ecclesiam adversus synagogam, quae secundum carnem Christum peperit
sponsum Ecclesiae. Dividuntur autem in gladio spiritus, quod
est verbum Dei. Et inimici hominis domestici eius, cum quibus ante
consuetudine implicatus erat. Rabanus. Nulla apud eos iura custodiri possunt
inter quos fidei bellum est. Glossa. Vel aliter. Hoc dicit, quasi dicat:
non ad hoc inter homines veni ut carnales affectus confirmem, sed spiritali
gladio dissecem; unde recte dicitur et inimici hominis domestici eius. Gregorius Moralium. Callidus namque
adversarius, cum a bonorum cordibus repelli se conspicit, eos qui ab illis
valde diliguntur, exquirit; et per eorum verba blandiens loquitur qui plus
ceteris amantur: ut dum vis amoris cor perforat, facile persuasionis eius
gladius ad intimae rectitudinis munimina irrumpat. |
Versets 34-36.
— Saint Jérôme : Notre
Seigneur avait dit plus haut: « Ce
que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour » ;
il apprend ici à ses Apôtres quels seront les effets de leur prédication: « Ne pensez pas que je sois venu
apporter la paix sur la terre ; car je suis venu apporter non la paix
mais le glaive. » — La Glose : Ou bien ces paroles
sont la suite de ce qui précède, c’est-à-dire qu’ils doivent être
inaccessibles aux affections charnelles comme à la crainte de la mort. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 36.) Comment donc leur a-t-il ordonné
de souhaiter la paix dans chaque maison où ils entreraient ? Comment les
anges eux-mêmes ont-ils pu chanter cet hymne: « Gloire à Dieu dans les hauteurs des cieux, et paix aux hommes
sur là terre ? » C’est que la paix consiste surtout à
retrancher ce qui est malade, à séparer ce qui est une source de division;
c’est alors seulement qu’il sera possible d’unir le ciel avec la terre. Le
médecin ne coupe-t-il pas ainsi le membre qui est incurable pour sauver le
reste du corps ? C’est ce qui est arrivé à la tour de Babel, où une
heureuse division vint mettre fin à une paix qui était mauvaise. (Gn 11.) C’est ainsi que saint Paul
divisa ceux qui s’étaient déclarés contre lui. (Ac 23.) La concorde n’est pas toujours une bonne chose, car on
les voit régner même parmi les voleurs. Or cette guerre, ce n’est pas
Jésus-Christ qui la rend nécessaire, mais bien la volonté de ses ennemis. —
Saint Jérôme : En effet, à peine la foi en
Jésus-Christ fut-elle annoncée, que tout l’univers s’est trouvé divisé. Dans
chaque maison on trouva des croyants et des infidèles, et cette division fut
la cause d’une guerre heureuse qui fit cesser une paix pernicieuse [dans ses
résultats]. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
35.) En
parlant de la sorte il veut consoler ses disciples, et il semble leur dire:
« Ne vous troublez pas comme si ces événements devaient tromper votre
attente, car je suis venu pour apporter la guerre. » Et ce n’est pas
seulement « la guerre, » mais ce qui est plus effrayant, « le
glaive. » Il a voulu par la dureté même de son langage exciter leur
attention, les empêcher de faiblir au milieu du danger, et prévenir ce qu’on
aurait pu dire que sous des expressions pleines de douceur, il avait caché
les plus grandes difficultés; car il vaut mieux éprouver la douceur dans les
choses que dans les paroles. Il ne s’arrête pas à cette déclaration, il
explique la nature de cette guerre et fait voir qu’elle est plus terrible
même que la guerre civile: « Je
suis venu séparer l’homme d’avec son père, la fille d’avec sa mère, et la
belle-fille d’avec sa belle-mère. » Ainsi ce n’est pas seulement
entre les amis que cet état de guerre existera, c’est entre ceux qui sont
unis par les affections les plus vives et par les liens les plus étroits. Une
des preuves les plus évidentes de la puissance du Christ, c’est que les
Apôtres écoutèrent ces dures leçons et qu’ils les firent à leur tour recevoir
et mettre en pratique. — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] (hom.
35.) Ce
n’est pas Jésus-Christ lui-même qui opérait cette séparation, mais la malice
des hommes. Cependant il s’en déclare l’auteur, d’après la manière de
s’exprimer de l’Écriture, par exemple dans ce passage: « Dieu leur a donné des yeux pour ne point voir. » (Is 6; Rm 11.) Nous avons ici une
preuve du rapport intime qui existe entre l’Ancien et le Nouveau-Testament.
C’est ainsi que nous voyons les Juifs mettre à mort leurs frères lorsqu’ils
eurent fabriqué le veau d’or (Ex 32,)
et lorsqu’ils eurent immolé des victimes à Beelphegor. (Nb 25.) Or pour montrer que c’est toujours le même Dieu qui sous
la loi nouvelle comme sous la loi ancienne a pour agréables ces mêmes
sentiments, Notre Seigneur cite un passage de la prophétie [de Michée]: « L’homme aura pour ennemis ceux de
sa propre maison. » (Mi 7.)
La société juive présentait un spectacle semblable, il y avait de vrais et de
faux prophètes, et le peuple était divisé, et les familles étaient partagées;
les uns croyaient aux premiers, les autres suivaient les seconds. —
Saint Jérôme : Ce passage se trouve presque mot pour
mot dans le prophète Michée. Il faut observer du reste que toutes les fois
que le Seigneur emprunte un témoignage à l’Ancien Testament, il importe peu
s’il donne seulement le sens de ce passage, ou s’il rapporte textuellement
les paroles. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Dans
le sens mystique, le glaive, qui est l’arme la plus aiguisée, est l’emblème
de la souveraineté et du pouvoir judiciaire, de la sévérité et du droit de
punir les coupables. Rappelons-nous donc que ce glaive figure la parole de
Dieu; il a été apporté sur la terre, c’est-à-dire que la prédication l’a fait
pénétrer dans le cœur des hommes. Ce glaive a donc divisé entre eux les cinq
habitants d’une même maison, trois contre deux et deux contre trois. Ces
trois habitants nous les trouvons dans l’homme: c’est son corps, son âme et
sa volonté. Car de même que l’âme a été donnée au corps, ainsi le pouvoir
d’user de l’un et de l’autre à son gré à été donné à l’homme, et c’est pour
cela que Dieu a imposé des lois à la volonté, comme nous le voyons dans ceux
qui sont sortis les premiers de sa main. Mais par suite du péché et de la
désobéissance de notre premier père, le péché devint pour les générations
suivantes le père de notre corps, l’infidélité la mère de notre âme, et la
volonté adhère à l’un et à l’autre; c’est ainsi que l’on trouve cinq
habitants dans la même maison. Mais lorsque nous sommes renouvelés dans les
eaux du baptême, la puissance de la parole nous sépare des péchés de notre
origine, et ces retranchements qu’opère le glaive de Dieu rompent tous les
liens d’affection qui nous attachaient à notre père et à notre mère. C’est
ainsi qu’on voit éclater dans une même maison de sérieuses divisions; l’homme
régénéré trouve des ennemis dans ce qu’il y a de plus intime en lui, car il
met toute sa joie dans la sainte nouveauté de son esprit, tandis que les
restes de son ancienne origine veulent conserver ce qui faisait l’objet de
leur bonheur. —
Saint Augustin : (Quest. évang. sur S. Matth., quest. 3.) Ou
bien dans un autre sens: « Je suis venu séparer l’homme d’avec son père
parce qu’il renonce au démon dont il était le fils, et « la fille d’avec sa mère », c’est-à-dire le peuple de
Dieu d’avec la cité du monde, qui n’est autre que la société corrompue du
genre humain, représentée dans l’Écriture tantôt par Babylone, tantôt par
Sodome, tantôt par l’Égypte et sous plusieurs autres dénominations. (Ap 11, 8; 14, 8). « La belle-fille d’avec sa belle-mère », c’est l’Église
opposée à la synagogue qui a enfanté selon la chair le Christ, époux de
l’Église. Tous sont divisés par le glaive de l’Esprit, qui est le Verbe de
Dieu, et les ennemis de l’homme sont ceux de sa maison avec lesquels il était
lié par une intimité des plus étroites. — Raban : On est incapable
de respecter aucun droit lorsqu’on est divisé sur le point de la foi. — La Glose : On peut encore
interpréter ces paroles dans ce sens: Je ne suis pas venu parmi les hommes pour
donner une nouvelle force aux affections de la chair, mais pour séparer par
un glaive tout spirituel ceux qu’elles retiennent étroitement unis; c’est
pour cela qu’il ajoute: « et
l’homme aura pour ennemi ceux de sa propre maison. » — Saint Grégoire le Grand : (Moral. 3, 5.) Lorsque l’ennemi du salut, plein de ruse, se voit chassé des cœurs vertueux, il s’adresse à ceux pour lesquels ils ont une vive affection, et leur met sur les lèvres un langage d’autant plus insinuant qu’ils sont aimés plus tendrement, et c’est ainsi qu’en même temps que la force de l’amitié pénètre au plus intime du cœur, le glaive de la persuasion franchit les retranchements de la droiture intérieure. |
Lectio 14 [85459] Catena in Mt., cap. 10 l. 14 Hieronymus.
Quia ante praemiserat: non veni pacem mittere, sed gladium, et dividere
hominem adversus patrem et matrem et socrum, ne quis pietatem religioni
auferret, subiecit, dicens qui amat patrem aut matrem plusquam me, non est me
dignus. Et in cantico legimus canticorum: ordinavit
in me caritatem. Hic enim ordo in omni affectu necessarius est. Ama
post Deum, patrem aut matrem aut filios. Si autem necessitas venerit ut amor
parentum aut filiorum Dei amori comparetur, et non possit utrumque salvari,
odium in suos, pietas in Deum est. Non ergo prohibuit amari patrem aut
matrem; sed signanter addidit plusquam me. Hilarius in Matth. Illi enim qui domesticas
hominum caritates dilectioni eius praetulerint, futurorum bonorum indigni
erunt hereditate. Chrysostomus in Matth. Si autem Paulus iubet
per omnia parentibus obedire, non mireris: in illis enim solum dicit
obediendum quae non nocent pietati: etenim sanctum est omnem eis alium
reddere honorem. Cum autem plus debito exegerint, non oportet assentire. Sunt
autem haec veteri testamento consonantia: etenim illic eos qui idola
colebant, non odio habere solum, sed et lapidare dominus iubet: et in
Deuteronomio dicitur: qui dixerit patri suo, et matri suae: nescio vos; et
fratribus suis: ignoro illos; hi custodierunt eloquium tuum. Glossa. Videtur autem id in pluribus accidere
ut parentes plus diligant filios, quam filii diligant eos: et ideo gradatim
postquam suum amorem amori parentum esse praeponendum docuit, docet
consequenter praeferendum esse filiorum amori, dicens et qui amat filium aut
filiam super me, non est me dignus. Rabanus. Per quod signat illum divino
consortio esse indignum qui consanguinitatis carnalem amorem praeponit
spiritali amori Dei. Chrysostomus in Matth. Deinde ut non moleste
ferant illi, scilicet quibus amor Dei praefertur, ad altiorem adducit
sermonem. Anima enim nihil est familiarius alicui, sed tamen et hanc non
simpliciter eam haberi odio iussit, sed ut eam quis tradat in occisiones et
sanguines; ostendens quod non solum ad mortem oportet esse paratum, sed ad
mortem violentam et reprobatissimam, scilicet mortem crucis; unde sequitur et
qui non accipit crucem suam et sequitur me, non est me dignus. Nihil autem
adhuc eis de propria dixerat passione; sed interim in his eos erudit ut
sermonem de passione eius magis suscipiant. Hilarius in Matth. Vel qui Christi sunt,
crucifixerunt corpus suum cum vitiis et concupiscentiis; et indignus est
Christo qui non crucem suam, in qua compatimur, commorimur, consepelimur,
consurgimus, accipiens, dominum sit secutus, in hoc sacramento fidei spiritus
novitate victurus. Gregorius in Evang. Crux quippe a cruciatu
dicitur: et duobus modis crucem domini baiulamus: cum aut per abstinentiam
carnem affligimus, aut per compassionem proximi, necessitatem illius nostram
putamus. Sciendum vero est, quod sunt nonnulli qui carnis abstinentiam non
pro Deo, sed pro inani gloria exhibent; et sunt nonnulli qui compassionem
proximo non spiritaliter, sed carnaliter impendunt, ut ei non ad virtutem,
sed quasi miserando ad culpas faveant. Hi itaque crucem videntur ferre sed
dominum non sequuntur: et ideo ait et sequitur me. Chrysostomus in Matth. Quia vero praecepta
haec quae iniunguntur, onerosa videbantur, ponit et utilitatem eorum maximam
existentem, dicens qui invenit animam suam, perdet eam; quasi dicat: non
solum haec quae praemisi, non nocent, sed maxime proderunt; contraria vero
nocebunt. Et hoc ubique facit. Ab his enim quae homines concupiscunt inducit,
sicut si dicat: propter quid non vis contemnere animam tuam? Quia diligis
eam? Quocirca propter hoc contemne, et tunc ei maxime proderis. Remigius. Anima autem in hoc loco non
substantia est intelligenda, sed haec vita praesens; et est sensus: qui
invenit animam suam, scilicet hanc praesentem vitam; idest, qui hanc lucem et
eius dilectionem et voluptates ad hoc desiderat ut semper invenire possit,
istam quam semper servare cupit, perdet, et animam suam aeternae damnationi
praeparat. Rabanus. Vel aliter. Qui salutem animae suae
quaerit aeternam, eam perdere, hoc est in mortem dare, non dubitat. Utrique
autem sensui congruit apte quod sequitur et qui perdiderit animam suam
propter me, inveniet eam. Remigius. Idest, qui hanc temporalem lucem, et
eius dilectiones et voluptates tempore persecutionis propter confessionem
nominis mei contempserit, animae suae inveniet aeternam salutem. Hilarius in Matth. Sic ergo proficit
lucrum animae in mortem, et damnum in salutem: detrimento enim brevis vitae,
fenus immortalitatis acquiritur. |
Versets 37-39.
— Saint Jérôme : Après avoir
dit: « Je ne suis pas venu
apporter la paix, mais le glaive, et séparer l’homme d’avec son père, d’avec
sa mère, d’avec sa belle-mère », Notre Seigneur, ne voulant pas que
les sentiments naturels l’emportent jamais sur la religion, ajoute: « Celui qui aime son père ou sa mère
plus que moi n’est pas digne de moi. » Nous lisons dans le Cantique
des Cantiques: « Il a réglé en moi
la charité. » (Ct 2.) Dans
toute affection nous devons conserver cet ordre. Aimez après Dieu votre père
et votre mère, aimez après lui vos enfants. Mais si la nécessité vous force
de mettre en balance l’amour de vos parents et de vos enfants, et que vous ne
puissiez satisfaire en même temps à l’un et à l’autre, rappelez-vous qu’alors
la haine pour les siens devient un véritable amour de Dieu. Il ne défend donc
pas d’aimer son père ou sa mère, mais il ajoute d’une manière expressive: « plus que moi. » — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Ceux
en effet qui donneront la préférence à ces affections sur l’amour de Dieu se
rendront indignes de l’héritage des biens futurs. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
36.) Ne
soyez pas étonné si par ailleurs, saint Paul fait un commandement exprès
d’obéir en tout à ses parents: il ne veut parler que de l’obéissance dans les
choses qui ne sont pas contraires à la religion; et c’est en effet un devoir
sacré que de rendre alors à nos parents toute sorte d’honneur; mais s’ils
exigent au delà de ce qui leur est dû, il faut s’y refuser. Cette doctrine
est conforme à l’Ancien Testament, où Dieu ordonne non-seulement de haïr,
mais même de lapider ceux qui adoraient les idoles. (Lv 20.) Nous lisons encore dans le Deutéronome: « Celui qui dira à son père et à sa
mère: Je ne vous connais pas, et à ses frères: Je vous ignore, ceux-là auront
gardé votre parole. » — La Glose : On voit souvent les
parents aimer leurs enfants plus qu’ils n’en sont aimés; aussi Notre Seigneur
va-t-il par degrés, et après avoir enseigné que son amour doit passer avant
l’amour des parents, il enseigne naturellement qu’il doit aussi l’emporter
sur l’amour des enfants, en ajoutant: « et
celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de
moi. » — Raban : Ce qui signifie
qu’on est indigne de toute union avec Dieu quand on préfère les affections de
la chair et du sang à l’amour spirituel qu’on doit avoir pour Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
36.) Ces
paroles pouvaient blesser ceux dont l’amour se trouve ainsi sacrifié à
l’amour de Dieu; Notre Seigneur, [pour leur faire supporter patiemment ce
sacrifice], tient un langage plus élevé. En effet, rien n’est plus intime à
l’homme que son âme, et cependant si vous ne haïssez votre âme, [les plus
grands maux vous attendent]. Et il ne vous ordonne pas seulement de haïr
votre âme, mais encore de la livrer à la mort et aux supplices les plus
sanglants. Ainsi nous enseigne-t-il qu’il ne suffit pas d’être prêt à subir
une mort quelconque, mais qu’il faut être disposé à souffrir la mort la plus
violente, la plus ignominieuse, c’est-à-dire la mort de la croix, et c’est
pour cela qu’il ajoute: « et celui
qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi. »
Il ne leur a pas encore parlé de sa passion, mais de temps en temps il les
prépare à recevoir ce qu’il doit plus tard leur en dire. — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Ou
bien encore, ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur corps
avec ses vices et ses convoitises (Ga 5),
et on est indigne de Jésus-Christ quand on ne marche pas à sa suite en
prenant sa croix (par laquelle nous souffrons avec lui, nous mourons avec
lui, nous sommes ensevelis avec lui, nous ressuscitons avec lui), pour vivre
par ce mystère de la foi dans une sainte nouveauté d’esprit. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 35.) Le mot croix vient d’un mot latin (cruciatus) qui signifie tourment; or
nous portons la croix du Seigneur de deux manières, ou bien en mortifiant
notre chair par la privation, ou par un sentiment de compassion qui nous fait
regarder comme nôtres les misères du prochain. Mais il faut savoir qu’il en
est quelques-uns qui font profession de mortifier leur chair, non pour plaire
à Dieu, mais par un sentiment de vaine gloire; et d’autres qui témoignent à
leur prochain une compassion qui n’a rien de spirituel, mais qui est toute
charnelle, et qui, loin de les porter à la vertu, favorise par ce sentiment
de fausse pitié leur penchant au vice. Ils semblent porter leurs croix, mais
ils ne suivent pas le Seigneur, et c’est pour cela qu’il ajoute: « et qui me suit. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
36.) Les
commandements qu’il fait ici pouvaient paraître accablants; il en fait donc
ressortir les avantages immenses: « Celui
qui conserve sa vie le perdra; et celui qui aura perdu sa vie pour l’amour de
moi, la retrouvera. » Comme s’il disait: « Non-seulement ces
sacrifices que je vous impose ne vous causeront aucun tort, mais vous en
recueillerez les fruits les plus précieux, tandis qu’une conduite opposée
vous serait infiniment nuisible. Ici comme partout, le Seigneur prend ses exemples
dans ce que les hommes désirent le plus : Pourquoi refusez-vous de faire
peu de cas de votre vie ? semble-t-il leur dire. Parce que vous l’aimez ?
Mais c’est justement pour cela que vous devez la sacrifier, si vous voulez
lui procurer les plus grands avantages. —
Saint Rémi : L’âme ne signifie pas ici la substance
même de l’âme, mais la vie présente, et tel est le sens de ces paroles: Celui
qui cherche son âme en cette vie, c’est-à-dire celui qui désire cette vie
avec son côté brillant, ses attachements et ses plaisirs, et qui cherche à la
trouver toujours, parce qu’il veut la conserver toujours, la perdra,
c’est-à-dire qu’il prépare son âme à la damnation éternelle. — Raban : Ou bien encore,
celui qui cherche à sauver son âme pour l’éternité, n’hésitera pas à la
perdre, c’est-à-dire à s’exposer à la mort. Ce qui suit est également
favorable à l’un et à l’autre sens. « et
celui qui aura perdu sa vie pour moi la trouvera. » —
Saint Rémi : C’est-à-dire, celui qui au temps de la
persécution s’exposera, pour confesser mon nom, à perdre cette vie mortelle,
ses affections et ses plaisirs, trouvera le salut éternel de son âme. — Saint Hilaire : C’est ainsi qu’on perd sa vie en voulant la sauver, et qu’on la sauve en consentant à la perdre, car le sacrifice d’une vie qui passe si rapidement nous met en possession d’une vie qui ne finira jamais. |
Lectio 15 [85460] Catena in Mt., cap. 10 l. 15 Hieronymus.
Dominus ad praedicationem discipulos mittens, docet pericula non timenda,
et affectum subicit religioni; aurum supra tulerat, aes de zona excusserat:
dura Evangelistarum conditio. Unde ergo sumptus, unde victus, unde
necessaria, et cetera? Et ideo austeritatem praeceptorum spe temperat
promissorum, inquiens qui recipit vos, me recipit: ut in suscipiendis
apostolis unusquisque credentium Christum se suscepisse arbitretur. Chrysostomus in Matth. Sufficientia siquidem
erant praemissa ad persuadendum eis qui erant apostolos suscepturi. Quis enim
eos qui ita erant fortes, et omnia contemnebant ut alii salvarentur, non
susciperet omni cum desiderio? Et superius quidem poenam comminatus est his
qui non reciperent; hic autem retributionem promittit recipientibus. Et primo
quidem repromittit honorem suscipientibus apostolos, ut Christum suscipiant,
et etiam patrem; unde subdit et qui me recipit, recipit eum qui me misit.
Quid autem huic honori fiet aequale, ut quis patrem et filium recipiat? Hilarius in Matth. In quibus verbis docet
etiam in se mediatoris officium; qui cum sit receptus a nobis, atque ipse
profectus ex Deo sit, Deus per illum transfusus in nobis sit; et per hunc
ordinem gratiarum non est aliud apostolos recepisse quam Deum: quia et in
illis Christus, et in Christo Deus habitat. Chrysostomus in Matth. Promittit autem post
haec et aliam retributionem, dicens qui recipit prophetam in nomine
prophetae, mercedem prophetae accipiet. Non autem simpliciter dixit qui
suscipit prophetam, aut qui suscipit iustum; sed addit in nomine prophetae,
et in nomine iusti; hoc est, si non propter vitae huius eminentiam, neque
propter aliud temporalium susceperit, sed quia vel propheta est vel iustus.
Hieronymus. Vel aliter. Quia ad susceptionem
magistrorum discipulos provocaverat, poterat credentium occulta esse
responsio: ergo et pseudoprophetas, et Iudam proditorem debemus suscipere.
Unde dominus dicit, non personas suscipiendas esse, sed nomina; et mercedem
non perire suscipientis, licet indignus fuerit qui susceptus sit. Chrysostomus in Matth. Dicit autem mercedem
prophetae et mercedem iusti accipiet; idest qualem decens est accipere eum,
qui suscipit prophetam vel iustum; vel qualem propheta aut iustus est
accepturus. Chrysostomus in Matth. Non enim ait
mercedem de propheta, vel iusto, sed mercedem prophetae vel iusti. Iste enim
fortasse iustus est; et quanto in hoc mundo nihil possidet, tanto loquendi
pro iustitia fiduciam maiorem habet. Hunc cum ille sustentat qui in hoc mundo
aliquid possidet, illius iustitiae libertatem sibi participem facit, et cum
eo pariter iustitiae praemia recipiet quem sustentando adiuvit. Ille
prophetiae spiritu plenus est, sed tamen corporeo eget alimento: et si corpus
non reficitur, certum est quod vox ipsa subtrahatur. Qui igitur prophetae
alimenta tribuit, vires illi ad loquendum dedit; cum propheta ergo mercedem
prophetae accipiet qui hoc ante Dei oculos exhibuit quod adiuvit. Hieronymus. Mystice autem qui prophetam
recipit ut prophetam, et intelligit eum de futuris loquentem, hic prophetae
mercedem accipiet. Igitur Iudaei carnaliter intelligentes prophetas, mercedem
non accipient prophetarum. Remigius. Nonnulli vero prophetam intelligunt
dominum Iesum Christum, de quo Moyses dicit: prophetam vobis suscitabit Deus;
quem similiter per iustum intelligunt, quia incomparabiliter iustus est. Qui
ergo in nomine iusti et prophetae, scilicet Christi, prophetam vel iustum
suscipit, ab eo recipiet remunerationem pro cuius amore recipit. Hieronymus. Poterat autem aliquis causari et
dicere: paupertate prohibeor ut hospitalis esse non possim; et hanc
excusationem levissimo exemplo diluit, ut calicem aquae frigidae toto animo
porrigamus, dicens et quicumque potum dederit uni ex minimis istis, aquae
frigidae calicem tantum in nomine discipuli, amen dico vobis, non perdet
mercedem suam. Frigidae, inquit, non calidae; ne et in calida paupertatis et
penuriae lignorum occasio quaereretur. Remigius. Dicit autem minimis, idest non
prophetae, non iusto, sed alicui ex minimis. Glossa. Ubi nota, Deum magis ad pium
affectum dantis respicere quam ad quantitatem rei exhibitae. Vel
minimi sunt qui nihil penitus habent in hoc mundo, et iudices erunt cum
Christo. Hilarius in Matth. Vel praevidens plures
futuros tantum apostolatus nomine gloriosos, omni vero vitae suae opere
improbabiles, obsequium quod ipsis sub religionis opinione delatum est,
mercede non fraudat: nam licet et ipsi minimi essent, idest peccatorum omnium
ultimi, non inania tamen in eos, etiam levia, sub frigidae aquae nomine
designata, officia esse decernit. Non enim peccatis hominis, sed discipuli
nomini honor praestitus est. |
Versets 40-42.
— Saint Jérôme : Notre
Seigneur, en envoyant ses disciples prêcher 1’Évangile, leur apprend à ne
craindre aucun danger, et à sacrifier toutes leurs affections aux devoirs de
sa religion. Déjà, il s’en est déclaré, il ne veut pas d’or, il ne veut pas
d’argent dans leurs bourses: c’est une condition bien dure que celle des
Évangélistes. Mais comment pourvoir aux dépenses nécessaires, à la
nourriture, aux choses nécessaires à la vie, à tout le reste ? Notre
Seigneur adoucit donc la sévérité de ses préceptes par l’espérance des
promesses. « Celui qui vous
reçoit, leur dit-il, me reçoit. » Ainsi chaque fidèle doit être
persuadé qu’il a reçu Jésus-Christ en recevant ses Apôtres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 36.) Ce qui précède suffisait pour persuader
ceux qui devaient recevoir les Apôtres. Car en voyant ces hommes héroïques
qui méprisaient tout ce qui les concernait pour sauver leurs frères, qui ne
les aurait accueillis avec le plus vif empressement ? Plus haut, Notre
Seigneur a menacé de punir ceux qui ne les recevraient point; ici il promet de
récompenser ceux qui les recevront. Et d’abord il leur promet cet honneur
insigne de recevoir dans la personne des Apôtres Jésus-Christ et même son
Père : « et celui qui me
reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. » Que peut-on comparer à cet
honneur de recevoir Dieu le Père et le Fils ? — Saint Hilaire : (can. 10 sur S. Matth.) Ces paroles nous
apprennent en même temps son office de médiateur, car après que nous l’avons
reçu, lui qui est sorti de Dieu, il nous fait entrer en communication avec
Dieu lui-même, et d’après cet ordre que suit la grâce, recevoir les Apôtres, ce
n’est rien d’autre que recevoir Dieu, parce que le Christ est en eux, et que
Dieu est dans le Christ. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 36.) A cette récompense qu’il promet il en ajoute une autre: « Celui qui reçoit un prophète au nom du prophète, recevra la récompense du prophète ». Il ne dit pas simplement: Celui qui reçoit un prophète, ou celui qui reçoit un juste, mais: Celui qui reçoit un prophète, un juste, au nom du prophète, au nom du juste, c’est-à-dire parce qu’il est prophète, parce qu’il est juste, et non pas à cause de la dignité dont il peut-être revêtu en ce monde, ou en vue de quelque autre avantage temporel. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Ou bien
dans un autre sens, comme il avait recommandé aux disciples de recevoir les
maîtres qui les enseignent, les fidèles pouvaient lui faire secrètement cette
réponse: Nous devons donc recevoir tes faux prophètes et Judas le
traître ? Le Seigneur prend donc soin de leur rappeler qu’ils ne doivent
pas considérer les personnes, mais les noms qu’elles portent, et qu’on ne
perdra pas sa récompense parce que celui qu’on aurait reçu en serait indigne. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30.) Notre Seigneur dit: « Il recevra la récompense du
prophète et la récompense du juste », c’est-à-dire la récompense qui
convient à celui qui reçoit le prophète ou le juste, ou celle que le prophète
et le juste devront recevoir eux-mêmes. —
Saint Grégoire le Grand : (homél. 20 sur les Evang.) [référence à vérifier] Il
ne dit pas: C’est des mains du juste ou du prophète qu’ils recevront la
récompense, mais: « la récompense du prophète et du juste; »
peut-être celui qu’ils reçoivent est-il juste, et plus il est dépouillé de
tout en ce monde, plus grande aussi sera sa constance à défendre les intérêts
de la justice. Or celui qui possède les biens de la terre et qui pourvoit aux
besoins du prophète et du juste, participera au mérite de son indépendance,
et partagera la récompense de justice de celui qu’il a secouru et nourri sur
la terre. Cet apôtre est plein de l’esprit de prophétie, mais son corps a
besoin d’aliments, et si ses forces ne sont pas réparées, il est certain que
la voix lui fera défaut. Or celui qui pourvoit à la nourriture du prophète,
lui donne la force de parler: il recevra donc avec le prophète la récompense
du prophète, parce qu’il a subvenu à ses besoins dans l’intention de plaire à Dieu. —
Saint Jérôme : Dans le sens mystique, celui qui
reçoit le prophète comme prophète, et qui comprend ce qu’il lui enseigne des
choses futures, partagera sa récompense. Les Juifs donc, qui ne comprenaient
les prophètes que dans un sens charnel, ne recevront pas la récompense des
prophètes. —
Saint Rémi : Dans ce prophète et dans ce juste,
quelques-uns veulent voir Notre Seigneur Jésus-Christ, de qui Moïse a dit: « Dieu vous suscitera un
prophète, » (Dt 18), et
qui est juste aussi d’une manière incomparable. Celui donc qui recevra le
prophète et le juste au nom du prophète et du juste, recevra la récompense
des mains de celui pour l’amour duquel il a fait cette action. — Saint Jérôme : Mais on pouvait lui alléguer cette excuse: Ma pauvreté me défend de donner l’hospitalité; il la détruit en nous proposant la chose la moins coûteuse qui soit au monde, c’est-à-dire de donner de tout cœur un verre d’eau froide. « Et celui qui donnera à l’un de ces plus petits en sa qualité de disciple, un verre d’eau froide, je vous le dis en vérité, il ne perdra pas sa récompense » Il dit un verre d’eau froide, et non d’eau chaude, de peur que s’il s’agissait d’eau chaude, on ne prétextât encore sa pauvreté et l’impossibilité de se procurer du bois pour la faire chauffer. —
Saint Rémi : Il ajoute: « au plus petit », c’est-à-dire non pas seulement aux
justes ou aux prophètes, mais à l’un des plus petits et des plus misérables. — La Glose : Remarquez ici comme
Dieu regarde beaucoup plus à la disposition du cœur de celui qui donne qu’à
la valeur de la chose que l’on donne. Ou bien les plus petits sont ceux qui
ne possèdent rien absolument en cette vie, et qui jugeront un jour le monde
avec Jésus-Christ. — Saint Hilaire : (can. 40 sur S. Matth.) Ou
bien il prévoyait qu’il y en aurait plusieurs dont toute la gloire
consisterait dans le nom d’apôtre qu’ils déshonoreraient par tout le reste de
leur vie; il ne veut donc pas priver de récompense l’honneur qui leur est
rendu au nom de la religion, car bien qu’ils soient les plus petits de tous,
c’est-à-dire les derniers des pécheurs, les services qu’on leur rend, même
les plus légers, et qui sont exprimés par ce verre d’eau froide, ne seront
pas perdus, car ce n’est pas aux péchés de l’homme, mais à son titre d’apôtre
qu’est rendu cet honneur. |
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CHAPITRE 11 —
[Opposition croissante et rejet]
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Lectio 1 [85461] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 1 Rabanus. Postquam discipulos suos
dominus ad praedicandum mittens, praemissis verbis eos instruxit, ipse etiam
quod docuerat verbis, factis implevit, offerens primam praedicationem
Iudaeis; et hoc est quod dicitur et factum est cum consummasset Iesus. Dicit
autem transiit inde. Chrysostomus in Matth. Quia enim eos misit,
subtraxit seipsum dans locum eis et tempus facere quae iniunxerat: eo enim
praesente et curante, nullus ad discipulos vellet accedere. Remigius. Pulchre autem de speciali doctrina,
qua scilicet apostolos instruxerat, ad generalem transit, in civitatibus
praedicando; quia in hoc de caelis ad terras descendit, ut omnes illuminaret:
in quo facto monentur etiam sancti praedicatores ut omnibus prodesse studeant. |
Verset 1.
— Raban : Le Seigneur avait donné à ses disciples qu’il envoyait prêcher
l’Évangile les instructions nécessaires; il accomplit maintenant lui-même ce
qu’il leur avait enseigné en allant porter aux Juifs les prémices de sa
prédication. Et c’est pourquoi il dit : « Après que Jésus eut achevé de donner ces instructions à ses
douze disciples, il partit de là ». — Saint Jean Chrysostome : (hom.
37.) L’Évangéliste
dit qu’il partit de là, c’est-à-dire qu’ayant donné à ses Apôtres leur
mission, il s’éloigna afin de leur laisser toute latitude pour le lieu et
pour le temps où ils accompliraient ce qu’il venait de leur recommander. Car
s’il avait continué à être présent au milieu d’eux et à guérir les malades,
personne n’aurait eu recours à ses disciples. — Saint Rémi : C’est par suite d’un dessein plein de sagesse que le Seigneur passe de ces enseignements particuliers qui concernaient les apôtres, à des instructions qui s’adressent à tous et qu’il fait au milieu des cités, car il était descendu des cieux sur la terre pour éclairer tous les hommes, et il donne en cela aux prédicateurs remplis de l’esprit de Dieu l’exemple de s’appliquer à être utile à tous sans distinction. |
Lectio 2 [85462] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 2 Glossa. Posuerat supra
Evangelista quomodo per miracula et doctrinam Christi tam discipuli quam
turbae instruebantur; nunc ostendit quomodo haec instructio usque ad
discipulos Ioannis perveniret, qui ad Christum aemulationem habere
videbantur: unde dicit Ioannes autem cum audisset in vinculis opera Christi,
mittens duos ex discipulis suis, ait illi: tu es qui venturus es, an alium
expectamus? Gregorius in Evang. Quaerendum autem nobis
est: Ioannes propheta, et plusquam propheta, qui venientem ad Baptismum
dominum ostendit, dicens: ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi, cur
in carcere positus mittens discipulos requirit tu es qui venturus es, an
alium expectamus? Tamquam si ignoraret quem ostenderat; et an ipse sit
nesciat quem ipse prophetando, baptizando, ostendendo, ipsum esse clamaverat.
Ambrosius super Lucam. Nonnulli autem hoc sic
intelligunt. Magnum quidem ita prophetam esse Ioannem, ut Christum
agnosceret, annuntiaret remissionem peccatorum futuram; sed tamen, tamquam
pium vatem, quem venturum crediderat, non credidisse moriturum. Non igitur
fide, sed pietate dubitavit. Dubitavit etiam Petrus dicens: propitius tibi
esto, domine: non fiat hoc. Chrysostomus in Matth. Sed non utique hoc
habet rationem. Ioannes enim neque hoc ignorabat: sed hoc primum testatus est
dicens: ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi. Agnum enim vocans,
crucem divulgat: nec aliter quam per crucem peccatum abstulit mundi. Qualiter
autem maior propheta est hic si neque quae prophetarum sunt noscit? Etenim Isaias dicit: sicut ovis ad occisionem ductus est. Gregorius in Evang. Sed aliter haec
quaestio solvitur, si gestae rei tempus pensatur. Ad Iordanis enim fluenta
positus, quia ipse redemptor mundi esset, asseruit; missus vero in carcerem,
an ipse veniat, requirit: non quia ipsum esse mundi redemptorem dubitat; sed
quaerit, ut sciat si is qui per se in mundum venerat, per se etiam ad Inferni
claustra descendat. Hieronymus. Unde non ait: tu es qui venisti?
Sed tu es qui venturus es? Et est sensus: manda mihi, quia ad Inferna
descensurus sum, utrum te etiam Inferis debeam nuntiare, an alium ad haec
sacramenta missurus es? Chrysostomus in Matth. Sed qualiter et hoc
habet rationem? Cuius enim gratia non dixit: tu es qui venturus es in
Infernum? Sed simpliciter: qui venturus es? Quamvis et derisibilius videatur
quod propter hoc ei dixerit, ut et illuc abiens praedicaret: praesens enim
vita, gratiae tempus est; post obitum autem iudicium est et poena: quare in
nullo opus erat praecursore illic. Sed aliter. Si infideles post mortem credentes
essent salvandi, nullus peribit aliquando: omnes enim poenitebunt tunc, et
adorabunt. Omne enim genu flectetur, caelestium, terrestrium, et Infernorum. Glossa. Considerandum autem est, quod non ideo
Hieronymus et Gregorius dixerunt, quod Ioannes adventum Christi in Infernum
praenuntiaturus esset, quia eius praedicatione aliqui non credentes
converterentur ad fidem; sed ut iustis in expectatione Christi manentibus ex
vicino adventu consolationem afferret. Hilarius in Matth. Certum est tamen quod qui
venturum ut praecursor nuntiavit, consistentem ut propheta agnovit, adeuntem
ut confessor veneratus est, eius abundanti scientiae error non obrepsit. Nec
sane credi potest, spiritus sancti gratiam in carcere posito defuisse, cum
apostolis virtutis suae lumen esset in carcere positis ministraturus. Hieronymus. Non ergo quasi ignorans
interrogat, sed quomodo salvator interrogat ubi sit Lazarus positus; ut qui
locum sepulcri indicabant, saltem sic pararentur ad fidem, ut viderent
mortuum resurgentem; sic et Ioannes interficiendus ab Herode discipulos suos
mittit ad Christum, ut per hanc occasionem videntes signa atque virtutes,
crederent in eum, et magistro interrogante sibi discerent. Quod autem
haberent discipuli Ioannis aliquid mordacitatis ex invidia adversus dominum,
superior quoque interrogatio demonstravit, cum dixerunt: quare nos et
Pharisaei ieiunamus frequenter, discipuli tui non ieiunant? Chrysostomus in Matth. Donec igitur Ioannes
erat cum ipsis, suadebat eis continue de Christo: quia autem iam erat
obiturus, amplius studium facit. Etenim formidabat, ne relinquat in
discipulis suis perniciosi dogmatis conditionem, et maneant abiecti a
Christo, cui et a principio omnes suos afferre studuit. Si autem dixisset
eis: abite ad ipsum, quia melior me est, non utique persuasisset, sed
aestimaretur humilia de se sentiens hoc dicere; et sic magis essent ei
affixi. Quid igitur facit? Expectat ab eis audire quod Christus miracula
facit. Neque omnes misit; sed duos quosdam, quos noverat fortassis aliis
persuasibiliores existentes, ut insuspicabilis interrogatio fieret, et ex
rebus ipsis discerent distantiam inter eum et Iesum. Hilarius in Matth. Ioannes igitur non suae,
sed discipulorum ignorantiae consulit: ut enim scirent non alium a se
praedicatum, ad opera eius intuenda discipulos suos misit, ut auctoritatem
dictis suis illius opera conferrent; nec Christus alius expectaretur quam cui
testimonium opera praestitissent. Chrysostomus in Matth. Idem Christus autem mentem noscens Ioannis, non dixit: quoniam ego
sum, quia per hoc rursus obsisteret audientibus: excogitassent enim, etsi non
dixissent, quod Iudaei ad ipsum dixerunt: tu de teipso testimonium
perhibes. Et propter hoc a miraculis fecit eos discere, insuspicabilem
doctrinam faciens et manifestiorem. Testimonium enim quod est a rebus,
credibilius est testimonio quod est a verbis. Unde confestim curavit caecos
et claudos et alios multos, non ut doceret Ioannem scientem, sed hos qui
dubitabant: et ideo sequitur et respondens Iesus ait illis: euntes renuntiate
Ioanni quae audistis et vidistis. Caeci vident, claudi ambulant, leprosi
mundantur, surdi audiunt mortui resurgunt, pauperes evangelizantur. Hieronymus. Quod praemissis non minus est.
Pauperes autem evangelizatos intellige, vel pauperes spiritu, vel certe
opibus pauperes: ut nulla inter nobiles et ignobiles, inter divites et egenos
in praedicatione distantia sit: haec magistri rigorem, haec praeceptoris
comprobant veritatem, quando omnis apud eum qui salvare potest aequalis est.
Chrysostomus in Matth. Quod autem ait: et
beatus est qui non fuerit scandalizatus in me, internuntios percutit: quia
enim scandalizabantur in ipso, dubitationem eorum non divulgans, et soli
eorum conscientiae derelinquens, redargutionem eorum latenter induxit. Hilarius. Itaque cui rei Ioannes cavisset,
ostendit dicens beatos eos in quibus aliquid in se scandali non fuisset: quia
metu eius, scilicet ne scandalizarentur, discipulos suos Ioannes, ut Christum
audirent, misit. Gregorius in Evang. Vel aliter. Infidelium
mens grave in Christo scandalum pertulit, cum eum etiam post tot miracula
morientem vidit: unde Paulus dicit: nos praedicamus Christum crucifixum,
Iudaeis quidem scandalum. Quid ergo est dicere: beatus qui non fuerit
scandalizatus in me, nisi aperta voce abiectionem mortis suae humilitatemque
signare? Ac si patenter dicat: mira quidem facio, sed abiecta perpeti non
dedignor. Quia ergo moriendo te subsequor, cavendum valde est hominibus ne in
me mortem despiciant qui signa venerantur. Hilarius. Praebetur etiam mystice in his quae
in Ioanne gesta sunt, intelligentia amplior, ut propheta ipso conditionis
suae genere prophetizaret, quia in eo forma legis lata est: Christum enim lex
annuntiavit, et remissionem peccatorum praedicavit, et regnum caelorum
spopondit; et Ioannes totum hoc opus legis explevit. Igitur, cessante iam
lege (quae peccatis plebis inclusa, ne Christus posset intelligi, quasi
vinculis et quasi carcere continebatur), ad Evangelia contuenda lex mittit,
ut infidelitas fidem dictorum contempletur in factis. Ambrosius super Lucam. Et fortasse isti
discipuli quos misit, sunt duo populi: unus qui ex Iudaeis credidit, alter
qui ex gentibus. |
Versets 2-6.
— La Glose : L’Évangéliste vient d’exposer
comment Notre Seigneur, par ses miracles et par sa doctrine, avait instruit
ses disciples aussi bien que le peuple; il nous apprend maintenant comment
ces enseignements parvinrent jusqu’aux disciples de Jean, qui paraissaient
avoir quelque jalousie contre le Christ. « Or
Jean ayant appris dans la prison les œuvres du Christ, lui envoya dire par
deux de ses disciples : ‘Êtes-vous celui qui doit venir ou devons-nous
en attendre un autre ? » —
Saint Grégoire le Grand : (homél. 6 sur les Evang.) Il nous faut
rechercher pourquoi Jean-Baptiste, prophète et plus que prophète, qui avait
fait connaître le Seigneur, lorsqu’il vint se faire baptiser, en lui rendant
ce témoignage: « Voici l’Agneau de
Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde » envoie de la
prison où il est enfermé ses disciples pour demander: « Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un
autre ? » Comme s’il ignorait celui qu’il a lui-même manifesté [au
peuple], et ne connaissait pas le Seigneur qu’il a proclamé si hautement dans
ses prédictions, lors de son baptême, et quand il le voyait venir à lui. —
Saint Ambroise : (liv. 5, sur
S. Luc.) Il en est qui expliquent cette difficulté en disant que Jean
était un grand prophète qui connut le Christ, et annonça la rémission future
des péchés; mais qu’en prédisant sa venue comme un saint prophète, il n’avait
pas cru qu’il devait être soumis à la mort. Ce n’est donc pas sa foi qui
doute, mais sa piété; et saint Pierre lui-même partagea ce doute lorsqu’il
dit au Seigneur: « Épargnez-vous,
Seigneur, cela ne vous arrivera pas. » (Mt 16, 11) — Saint Jean Chrysostome : (hom.
37.) Mais
cette explication n’est pas fondée, car Jean ne pouvait pas ignorer même
cette circonstance, puisque c’est la première chose à laquelle il a rendu
témoignage par ces paroles: « Voici
l’Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde. » En lui donnant le
nom d’Agneau, il dévoile le mystère de la croix, puisque ce n’est que par la
croix qu’il a effacé les péchés du monde. Comment d’ailleurs serait-il plus
qu’un prophète s’il ignorait ce que les prophètes eux-mêmes ont connu et
annoncé ? En effet Isaïe n’a-t-il pas dit (Is 53): « Il a été conduit à la mort comme une brebis ? » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 6 sur les Evang.) On peut donner à
cette question une solution différente en réfléchissant sur le temps où ce
fait s’est passé. Sur les bords du Jourdain, Jean-Baptiste a déclaré que
Jésus était le rédempteur du monde; mais dans sa prison il envoie demander
s’il doit venir. Ce n’est pas qu’il doute que Jésus soit le Rédempteur
promis, mais il demande si celui qui est venu sur la terre en se faisant
annoncer par lui, suivra le même ordre pour descendre dans les enfers. —
Saint Jérôme : C’est pour cela qu’il ne dit pas:
« Est-ce vous qui êtes venu ? » mais: « Est-ce vous qui viendrez ? » Et tel est le sens
de ces paroles: Faites-moi savoir, à moi qui dois descendre aux enfers, si je
dois aussi vous y annoncer, ou si vous devez confier ce ministère à un autre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 37.) Mais comment cette opinion même
peut-elle être soutenue ? Car pourquoi Jean n’a-t-il pas dit:
« Est-ce vous qui devez venir dans les enfers ? » mais dit-il
simplement: « qui devez
venir ? » D’ailleurs n’est-il pas ridicule qu’il ait demandé
s’il devait en allant dans les enfers l’annoncer dans ce lieu ? La vie
présente seule est le temps de la grâce, et après la mort il ne reste que le
jugement et la peine; quel besoin donc d’envoyer un précurseur en ce
lieu ? Mais encore, si les infidèles pouvaient être sauvés par la foi
après leur mort, aucun d’eux ne périrait; car tous alors se repentiront et
adoreront le Fils de Dieu, puisqu’alors tout genou fléchira devant lui, dans
le ciel, sur la terre et dans les enfers. — La Glose : Remarquons que
saint Jérôme et saint Grégoire n’ont pas dit que Jean-Baptiste devait
annoncer la venue du Christ dans les enfers pour convertir à la foi un
certain nombre de ceux qui ne croient pas en lui, mais pour consoler par
l’espérance de son avènement prochain les justes qui s’y trouvaient en
attendant la venue du Christ. — Saint Hilaire : (can. 11 sur S. Matth.) Il
est cependant certain que l’erreur ne s’est point mêlée à cette connaissance
parfaite qu’avait saint Jean, lui qui avait annoncé comme précurseur la venue
du Messie, qui comme prophète le reconnut au milieu de la foule, et comme
confesseur, rendit hommage au Seigneur qui venait à lui. On ne peut admettre
que la grâce de l’Esprit saint lui ait fait défaut dans la prison, alors que
plus tard l’apôtre devait répandre la lumière de sa puissance sur ceux qui
partageaient ses fers. —
Saint Jérôme : Ce n’est point par ignorance qu’il
interroge, mais de la même manière que le Seigneur demandait en quel endroit
le corps de Lazare avait été déposé, afin de préparer ainsi à la foi ceux qui
lui indiquaient le lieu de sa sépulture, et de les rendre témoins de la
résurrection d’un mort. C’est ainsi que Jean-Baptiste, sur le point d’être
mis à mort par Hérode, envoie ses disciples à Jésus-Christ, pour qu’ils aient
l’occasion de voir ses miracles et ses prodiges, et qu’ils puissent croire en
lui, et s’instruire eux-mêmes en l’interrogeant au nom de leur maître. Que
les disciples de Jean aient nourri quelque sentiment d’envie contre le
Christ, la question qu’ils lui ont faite précédemment le démontre
suffisamment. « Pourquoi les
Pharisiens et nous jeûnons-nous souvent, tandis que vos disciples ne jeûnent
pas ? » (Mt 9.) — Saint Jean Chrysostome : (hom. 37.) Tant que Jean-Baptiste était avec eux, il leur recommandait de
croire en Jésus-Christ ; mais sentant sa mort prochaine, il redouble de zèle,
car il craint de laisser dans ses disciples un levain de dangereuse erreur,
et il redoute qu’ils ne demeurent éloignés de Jésus-Christ, à l’école duquel
il a voulu les renvoyer tous dès le commencement. S’il leur avait dit: Allez
à lui, parce qu’il est bien au-dessus de moi, il ne les aurait pas persuadés;
ils auraient cru qu’il parlait ainsi par un profond sentiment d’humilité, et
ils lui seraient restés plus attachés qu’auparavant. Que fait-il donc ?
Il attend que ses disciples viennent lui rapporter eux-mêmes que le Christ
fait des miracles; et parmi eux tous il n’en envoie que deux qu’il regardait
peut-être comme plus faciles à être convaincus. Il les envoie afin que sa
demande ne prête à aucun soupçon et qu’ils apprennent par les faits eux-mêmes
la distance qui les sépare de Jésus-Christ. — Saint Hilaire : (can. 11 sur S. Matth.) Jean-Baptiste
n’agit donc pas ici pour éclairer son ignorance, mais pour dissiper celle de
ses disciples; il les envoie considérer les oeuvres de Jésus afin de leur
apprendre qu’il n’en a point annoncé un autre que lui, que ses prodiges
donnent une nouvelle autorité à ses paroles, et qu’ils n’attendent pas un
autre Christ que celui qui avait pour lui le témoignage des oeuvres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 37.) Notre Seigneur Jésus-Christ, qui
connaissait la pensée de Jean, ne dit pas « C’est moi » ; car
cette réponse aurait indisposé ceux qui l’entendaient; ils auraient pu
penser, même s’ils ne l’avaient pas dit, ce que les Juifs lui objectèrent
plus tard: « Vous vous rendez donc
témoignage à vous-même ? » Il veut donc les instruire à l’école
de ses miracles, pour donner ainsi à sa doctrine une autorité plus éclatante
et plus irrécusable; car le témoignage des oeuvres est plus digne de foi que
le témoignage des paroles. Il guérit donc sous leurs yeux des aveugles, des
boiteux, et beaucoup d’autres malades, non pour l’enseignement de
Jean-Baptiste, qui n’en avait pas besoin, mais pour l’instruction de ses
disciples qui étaient dans le doute. « Et
Jésus leur répondit: Allez, rapportez à Jean ce que vous avez entendu, et ce
que vous avez vu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont
guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont
évangélisés. » —
Saint Jérôme : Ce dernier trait n’est pas inférieur
à ceux qui précèdent; les pauvres évangélisés sont ou les pauvres d’esprit,
ou ceux qui sont réellement pauvres des biens de la terre; ainsi la
prédication ne met aucune différence entre la noblesse et l’obscurité de la
condition, entre les riches et les pauvres; et c’est là une preuve de la
rigoureuse justice du maître, et de la vérité de ce divin précepteur: tous
ceux qui peuvent être sauvés sont égaux à ses yeux. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
37.) Ce
qu’il ajoute: « et heureux est
celui qui ne prendra pas de moi un sujet de scandale », tombe sur
les envoyés qui étaient scandalisés à son sujet; Notre Seigneur ne dévoile
pas leurs doutes intérieurs, il les abandonne au jugement de leur conscience,
et leur adresse ce reproche indirect. — Saint Hilaire : (can. 2 sur S. Matth.) En disant: « Bienheureux celui qui ne prendra point de lui un sujet de
scandale », il montre l’écueil contre lequel Jean a voulu les
prémunir, car il n’a envoyé ses disciples vers le Christ que dans la crainte
qu’ils ne fussent scandalisés à son sujet. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 6 sur les Evang.) Ou autrement : Jésus-Christ
a été pour les infidèles un grand sujet de scandale lorsqu’après tant de
miracles, ils le virent expirer [sur la croix]; c’est ce que saint Paul
exprime lorsqu’il dit: « Nous
prêchons Jésus-Christ crucifié, qui est un scandale pour les Juifs. »
(1 Co 1) Que signifient donc ces
paroles: « Heureux est celui qui
n’aura pas été scandalisé à mon sujet », si elles ne sont une
déclaration manifeste de l’ignominie et des humiliations de sa mort ?
N’est-ce pas comme s’il disait clairement à Jean-Baptiste: Je fais des choses
admirables, mais je ne rougis pas d’en souffrir d’ignominieuses, et puisque
ma mort doit suivre la vôtre, il faut que les hommes se gardent de la
mépriser, après avoir admiré les prodiges que j’ai opérés ? —
Saint Hilaire : Le sens mystique nous offre encore
une intelligence plus large de ce fait de la vie de Jean-Baptiste. C’est que
comme prophète, et par la nature même de sa mission prophétique, il annonce
que la loi est pour ainsi dire ensevelie dans sa personne. La loi, en effet,
avait annoncé Jésus-Christ, prêché la rémission des péchés, promis le royaume
des cieux, et Jean avait accompli toute cette oeuvre de la loi. Au moment
donc où cesse la loi (qui, retenue captive par les péchés du peuple, était
comme chargée de chaînes, renfermée dans un cachot, et ne pouvait par
conséquent reconnaître le Christ), elle envoie considérer le spectacle que
présente l’Évangile, afin que l’incrédulité soit forcée de reconnaître la
vérité de la doctrine dans la vérité des faits. — Saint Ambroise : On peut voir aussi dans ces deux disciples les deux peuples, ceux des Juifs qui étaient croyants et les Gentils. |
Lectio 3 [85463] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 3 Chrysostomus in Matth. Quantum
ad discipulos Ioannis, satis actum erat: certificati enim de Christo per
signa quae viderant, recesserunt. Sed oportebat etiam turbas sanari, quae ex
interrogatione discipulorum Ioannis multa inconvenientia subintellexerint,
ignorantes mittentis consilium. Poterant utique dicere: qui tanta testatus
est de Christo, aliter persuasus est nunc et dubitat utrum sit ipse. Numquid ergo altercans ad Iesum hoc dicit? Numquid timidior a carcere
factus? Numquid vane et inaniter priora dixit? Hilarius in Matth. Ac ne illud quod
immediate praemiserat, referri posset ad Ioannem, tamquam scandalizatus esset
de Christo, subditur illis autem abeuntibus, coepit Iesus dicere ad turbas de
Ioanne. Chrysostomus in Matth. Propter hoc autem
abeuntibus eis, ut non videatur homini adulari. Corrigens autem et plebem,
non ducit in medium suspicionem eorum, sed solutionem cogitationum eorum
inducit, quae eos in dubitationem mittebant, demonstrans se nosse occulta. Neque
enim dixit sicut Iudaeis: quis cogitatis mala? Etsi mala cogitaverint; non
tamen ex malitia, sed ex ignorantia; unde non loquitur eis dure, sed
respondet pro Ioanne, ostendens quod non excidit a priore opinione. Hoc autem
docet, non solum proprio verbo, sed eorum testimonio; non tantum per ea quae
dixerunt, sed per ea quae egerunt: ideoque ait quid existis in desertum
videre? Ac si diceret: propter quid civitates dimittentes convenistis in
desertum? Non enim plebs tanta cum tanto desiderio in eremum venisset, nisi
magnum quemdam et mirabilem et petra solidiorem se videre existimans. Glossa. Non autem tunc exierant in
desertum ad hoc ut viderent Ioannem: nec enim erat tunc in deserto, sed in
carcere: sed praeteritum refert, quia frequenter exierat populus in desertum
videre Ioannem, cum adhuc esset in deserto. Chrysostomus in Matth. Et vide quia,
omnem aliam malitiam praetermittens, removet a Ioanne levitatem, de qua
turbae dubitabant, dicens arundinem vento agitatam? Gregorius in Evang. Quod videlicet non
asserendo, sed negando intulit. Arundinem quippe, mox ut aura
contingit, in partem flectit; per quam carnalis animus designatur, qui mox ut
favore et detractione tangitur, in partem quamlibet declinatur. Arundo ergo
vento agitata Ioannes non erat, quem a status sui rectitudine nulla rerum
varietas inflectebat. Ac si dominus diceret Hieronymus: numquid ob hoc existis in desertum
ut videretis hominem calamo similem, qui omni vento circumfertur, et levitate
mentis de eo ambigeret quem antea praedicaret? An forsitan stimulis invidiae
contra me cogitur, et praedicatio eius vanam sectatur gloriam, ut ex ea
quaerat lucra? Cur divitias cupiat? Ut affluat dapibus? Locustis vescitur et
melle silvestri. An ut mollibus vestiatur? Pili
camelorum sunt tegmen eius; et ideo subdit sed quid existis videre? Hominem
mollibus vestitum? Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Quod
non sit Ioannes similis calamo mobili per vestrum studium significastis,
scilicet in desertum exeuntes. Non tamen potest aliquis dicere, quod Ioannes
quidem constans erat, sed postea lasciviae serviens factus est mobilis: sicut
enim aliquis est iracundus natura, alius per infirmitatem longam, ita aliqui
sunt mobiles per naturam, alii vero lasciviae serviendo mobiles fiunt. Ioannes
autem neque natura mobilis erat; propter quod dixerat num existis videre arundinem
vento agitatam? Neque lasciviae dans se ipsum, perdidit quam habebat
excellentiam: quod enim non servierit lasciviae, monstrat stola, solitudo et
carcer. Si enim vellet mollibus vestiri, non eremum inhabitasset, sed regum
palatia: unde sequitur ecce qui mollibus vestiuntur, in domibus regum sunt. Hieronymus. Ex hoc ostenditur rigidam vitam et
austeram praedicationem vitare debere aulas regum, et mollium hominum palatia
declinare. Gregorius in Evang. Nemo autem existimet in
luxu atque studio pretiosarum vestium peccata deesse: quia si hoc culpa non
esset, nullo modo Ioannem dominus de vestimenti sui asperitate laudasset. Et
nequaquam Petrus feminas a pretiosarum vestium appetitu compesceret, dicens:
non in veste pretiosa. Augustinus de Doctr. Christ.
Cum in omnibus talibus non usus rerum, sed libido utentis in culpa est. Quisquis
enim rebus restrictius utitur quam se habent mores eorum cum quibus vivit,
aut temperans, aut superstitiosus est. Quisquis vero sic utitur, ut metas
consuetudinis bonorum inter quos versatur excedat, aut aliquid significat,
aut flagitiosus est. Chrysostomus in Matth. A loco autem et
vestimentis, et a concursu hominum, eius moribus designatis, inducit iam et
prophetam eum esse, dicens sed quid existis videre? Prophetam? Dico vobis etiam plus quam prophetam. Gregorius in Evang. Prophetae enim
ministerium est Hieronymus. In quo etiam ceteris
prophetis maior est, et quia ad privilegium prophetale etiam Baptismi
accessit praemium, ut suum dominum baptizaret. Chrysostomus. Deinde monstrat secundum quid
est maior, dicens hic est enim de quo scriptum est: ecce mitto Angelum meum
ante faciem tuam. Hieronymus. Ut enim meritorum Ioannis
augmentum faceret, de Malachia testimonium infert, in quo etiam Angelus
praedicatur. Angelum autem hic dici Ioannem non putemus naturae societate,
sed officii dignitate; idest nuntium qui venturum dominum nuntiavit. Gregorius in Evang. Qui enim Graece
Angelus, hic Latine nuntius dicitur. Recte ergo qui nuntiare supernum nuntium
venerat, Angelus vocatur, ut dignitatem servet in nomine, quam explet in
operatione. Chrysostomus. Monstrat igitur secundum quid
est maior Ioannes prophetis, secundum id scilicet quod est prope Christum: et
ideo dicit mitto ante faciem tuam, hoc est prope te: sicut enim qui prope
currum regis incedunt, aliis sunt clariores, ita et Ioannes prope Christi
praesentiam. Glossa. Deinde alii prophetae missi sunt ut
adventum Christi annuntiarent; iste autem, ut praepararet viam ipsius: unde
sequitur qui praeparabit viam tuam ante te: idest, pervia reddet tibi corda
auditorum, poenitentiam praedicando et baptizando. Hilarius in Matth. Mystice autem desertum
spiritu sancto vacuum est sentiendum, in quo habitatio Dei nulla sit; in
arundine homo talis ostenditur de gloria saeculi vitae suae inanitate
speciosus, in se autem fructu veritatis cavus, exterior placens, et nullus
interior, ad omnem ventorum motum, idest, immundorum spirituum flatum,
movendus, neque ad consistendi firmitatem valens, et animae medullis inanis.
Veste autem, corpus quo induitur anima signatur, quod luxu ac lasciviis
mollescit. In regibus transgressorum Angelorum nuncupatio est: hi enim
saeculi sunt potentes, mundique dominantes. Ergo vestiti mollibus in domibus
regum sunt; idest illos quibus per luxum fluida et dissoluta sunt corpora,
patet esse Daemonum habitationem. Gregorius in Evang. Ioannes etiam mollibus
vestitus non fuit, quia vitam peccantium non blandimentis fovit, sed rigore
asperae invectionis increpavit, dicens: genimina viperarum, et cetera. |
Versets 7-10.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 37.) C’en était assez pour les disciples de Jean, et ils se
retirèrent convaincus par les miracles opérés sous leurs yeux que Jésus était
le Christ; mais il fallait guérir les esprits de la multitude qui ne
connaissait pas l’intention de Jean-Baptiste, et pour qui la question de ses
disciples avait soulevé plus d’une difficulté. Car elle pouvait dire: Celui
qui a tant témoigné du Christ a-t-il donc changé de sentiment et doute-t-il
aujourd’hui qu’il soit le Messie ? Est-ce par un esprit d’opposition à
Jésus qu’il lui fait adresser cette question ? La prison aurait-elle
affaibli sa grande âme ? Est-ce que les premiers témoignages n’étaient
que de vaines paroles ? — Saint Hilaire : (can. 11 sur S. Matth.) Afin
donc qu’on ne pût appliquer à Jean-Baptiste ce qu’il venait de dire, comme si
le précurseur avait été scandalisé au sujet de Jésus-Christ, l’Évangéliste
ajoute: « Lorsqu’ils s’en furent
allés, Jésus commença à parler de Jean aux peuples. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 37.) Il attend que les disciples de
Jean soient partis, pour qu’on ne l’accuse pas de flatterie à son égard; il
redresse les idées de la multitude sans dévoiler leurs soupçons, et en leur
donnant simplement la solution de leurs difficultés, et il fait naître des
doutes dans leur âme en leur montrant qu’il connaît les secrets de leur cœur.
Cependant il ne leur dit pas comme aux Juifs: « Pourquoi pensez-vous le
mal dans vos cœurs ? » Car s’ils pensaient le mal, c’était par
ignorance, et non par méchanceté. Aussi ne les reprend-il pas avec sévérité,
il se contente de justifier Jean, en leur montrant qu’il n’a point perdu ses
droits à la haute opinion qu’ils avaient de lui. C’est ce qu’il fait, non
seulement par le témoignage qu’il lui rend, mais par celui de la multitude
elle-même, dont il invoque non seulement le témoignage verbal, mais le
témoignage de la conduite; c’est pour cela qu’il leur dit: « Qu’avez-vous été voir dans le
désert ? » c’est-à-dire: « Pourquoi avez vous abandonné
vos cités et vous êtes-vous réunis dans le désert ? » Car une
multitude si nombreuse ne se serait pas rendue dans le désert avec un si
grand empressement, si elle n’avait cru y rencontrer un personnage important,
extraordinaire et plus ferme qu’un rocher. — La Glose : Ce n’est pas qu’ils
fussent venus alors dans le désert pour y voir Jean-Baptiste, puisqu’il n’était
pas au désert mais en prison; mais le Seigneur leur rappelle ce qu’ils
avaient fait autrefois, lorsqu’ils allaient fréquemment dans le désert pour y
voir Jean-Baptiste qui s’y trouvait encore. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
38.) Et
voyez comment, sans s’arrêter à justifier Jean-Baptiste de tout autre défaut,
il éloigne de lui le reproche de légèreté que le peuple pouvait lui faire
intérieurement en leur disant: « Est-ce
un roseau agité par le vent ? » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 6 sur les Evang.) Ce n’est point ici
une affirmation, mais une interrogation; le roseau, aussitôt qu’il est
effleuré par le moindre souffle, plie de l’autre côté, image de l’âme
charnelle qui plie dans un sens ou dans l’autre sous le vent de la faveur ou
de la contradiction. Jean n’était donc pas un roseau agité par le vent, car
aucune vicissitude des choses humaines ne pouvait faire fléchir la droiture
de sa conduite. Voici donc le sens de ces paroles du Seigneur: —
Saint Jérôme : Avez-vous été dans le désert pour
voir un homme semblable à un roseau tour à tour agité par tous les vents, et
dont l’esprit léger douterait maintenant de celui auquel il a rendu un
éclatant témoignage ? Est-ce que peut-être l’aiguillon de l’envie
l’exciterait contre moi, est-ce qu’il poursuivrait la vaine gloire dans ses
prédications ? Chercherait-il à en tirer profit ? Pourquoi
désirerait-il les richesses ? pour s’asseoir à des tables splendidement
servies ? Mais il se nourrit de sauterelles et de miel sauvage. Est-ce
pour se vêtir avec mollesse ? son vêtement est fait avec des poils de
chameau; et c’est pour cela que le Seigneur ajoute: « Mais qu’êtes-vous allés voir ? un homme vêtu
mollement ? » —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien, dans un autre
sens, en allant dans le désert, vous avez prouvé par votre empressement que
Jean n’était pas semblable à un roseau mobile. Et on ne peut dire que Jean,
ferme et inébranlable de sa nature, est devenu inconstant en s’abandonnant à
une vie de plaisirs; car de même qu’un homme est naturellement colérique, et
qu’un autre le devient par suite de longues souffrances, ainsi il en est qui
sont inconstants par nature, et d’autres qui le deviennent en se livrant à
leurs passions. Or, Jean-Baptiste n’était pas inconstant par nature, et c’est
pour cela que le Seigneur leur fait cette question: « Êtes-vous allés voir un roseau agité par le vent ? »
Ce n’est pas non plus en devenant l’esclave de la volupté qu’il a perdu cette
élévation de caractère: le désert qu’il habitait, la prison où il est
renfermé prouvent le contraire. S’il avait voulu se vêtir avec mollesse, il
n’eût pas choisi pour habitation le désert, mais les palais des rois, car: « Ceux qui sont vêtus mollement, sont
dans la maison des rois. » —
Saint Jérôme : Apprenons ici que la vie austère et
la sévérité de la prédication doivent fuir les cours des rois et éviter les
palais des hommes livrés à la mollesse. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 6 sur les Evang.) Que personne ne
s’imagine que la recherche des vêtements riches et précieux puisse être exempte
de pêché; car si cela n’était pas une faute, Notre Seigneur n’aurait point
loué Jean-Baptiste de porter un vêtement grossier, et saint Pierre n’aurait
pas combattu dans les femmes l’amour des vêtements somptueux par ces paroles:
« Ne recherchez pas les habits
précieux. » —
Saint Augustin : (Doct. chrét., liv. 3, chap. 12.) Cependant,
ce n’est pas dans l’usage qu’on fait de toutes ces choses, mais dans
l’attachement immodéré de celui qui en use que se trouve le péché. Par
conséquent, si l’on se conduit à cet égard avec plus de parcimonie que ne le
comportent les usages des personnes au milieu desquelles on vit, c’est
retenue excessive ou crainte superstitieuse; mais si l’on dépasse en cela les
limites posées par la coutume des personnes vertueuses avec qui l’on vit,
c’est mauvais signe, c’est dérèglement. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
38.) Après
avoir donné comme preuve de la vertu du précurseur, le lieu qu’il habitait,
ses vêtements, et le concours du peuple, il le leur présente comme un
prophète: « Qu’êtes-vous allés
voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 6 sur les Evang.) Le ministère du
prophète c’est de prédire les choses à venir, et non de les montrer; donc
Jean-Baptiste est plus qu’un prophète, car il annonçait comme présent, celui
qu’il avait prédit en sa qualité de précurseur. —
Saint Jérôme : C’est par là qu’il était plus grand
que les autres prophètes, et aussi parce qu’aux privilèges de la dignité de
prophète il joignit la gloire de baptiser son Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38.) Jésus fait voir ensuite en quoi
il est supérieur aux autres, en ajoutant: « C’est
de lui qu’il est écrit: Voici que j’envoie mon messager devant votre
face. » —
Saint Jérôme : Pour relever le mérite de
Jean-Baptiste, il emprunte le témoignage de Malachie qui l’avait annoncé
comme un ange. Or, comprenons bien que le nom d’ange est donné ici à
Jean-Baptiste, non pas qu’il ait eu avec eux une même nature, mais parce
qu’il a rempli le même ministère, c’est-à-dire celui de messager, en
annonçant le Seigneur qui devait venir. —
Saint Grégoire le Grand : En grec, le mot ange correspond au mot latin messager: c’est donc avec raison que
celui qui venait apporter à la terre un message des cieux reçoit le nom
d’ange et qu’il porte ce titre glorieux que justifient ses oeuvres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38.) Il montre donc en quoi
Jean-Baptiste est plus grand que les prophètes, c’est parce qu’il a eu
l’honneur d’être près du Christ. Ces paroles: « devant votre face », signifient « auprès de vous ».
Car de même que ceux qui marchent auprès du char du roi sont les seigneurs
les plus distingués de sa cour, ainsi Jean reçut un nouvel éclat de la
présence du Christ. — La Glose : Ajoutons enfin que
les autres prophètes ont eu pour mission d’annoncer l’avènement du Christ, et
Jean-Baptiste de lui préparer les voies, et c’est pour cela qu’il est écrit: « Il vous préparera la voie où vous
devez marcher », c’est-à-dire qu’il vous rendra les cœurs
accessibles en leur prêchant la pénitence et en leur donnant le baptême. — Saint Hilaire : (can. 11 sur S. Matth.) Dans
le sens mystique, il faut entendre le désert comme le lieu qui est privé de
la présence de l’Esprit saint, et que Dieu n’habite en aucune façon. Le
roseau c’est l’homme tout resplendissant de la gloire du monde, c’est-à-dire
par la futilité de sa vie, mais qui ne porte en lui-même aucun fruit de
vérité; ses dehors sont agréables, mais il est nul à l’intérieur; le moindre
vent, c’est-à-dire le moindre souffle des esprits immondes l’agite, il n’a
aucune consistance, aucune fermeté, aucune force intérieure. Le vêtement
représente le corps dont l’âme est revêtue, que le luxe et la volupté
amollissent; les rois sont l’image des anges prévaricateurs, car ils sont les
puissants du Siècle et les maîtres du monde. Ceux donc qui sont vêtus avec
mollesse habitent dans la maison des rois, c’est-à-dire que ceux dont le
corps est amolli et a perdu sa force au sein des voluptés deviennent
l’habitation des démons. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 6 sur les Evang.) On peut dire encore
que Jean ne fut pas vêtu avec mollesse, parce qu’il n’a point encouragé par
un langage flatteur les vices des pécheurs, mais qu’il les a pressés de ses
réprimandes énergiques et de ses reproches les plus sévères, jusqu’à les
appeler: « Race de vipère,
etc... » (Mt 3) |
Lectio 4 [85464] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 4 Chrysostomus in Matth. Praemissa
commendatione Ioannis ex prophetae testimonio, non hic stetit, sed iam
sententiam propriam de ipso inducit, dicens amen dico vobis, non surrexit
maior inter natos mulierum Ioanne Baptista. Rabanus. Ac si diceret: quid dicere per
singula de commendatione Ioannis? Amen dico vobis, inter natos mulierum, et
cetera. Inter natos, inquit, mulierum, non virginum: mulieres enim proprie
corruptae vocantur. Si autem Maria aliquando mulier in Evangelio nuncupatur,
sciendum est, interpretem, mulierem pro femina posuisse, sicut ibi: mulier,
ecce filius tuus. Hieronymus. His ergo praefertur hominibus qui
de mulieribus nati sunt et de concubitu viri, et non ei qui natus est ex
virgine et spiritu sancto; quamvis in eo quod dicit non surrexit inter natos
mulierum maior Ioanne Baptista, non ceteris prophetis et patriarchis
cunctisque hominibus Ioannem praetulit, sed Ioanni ceteros exaequavit: non
enim statim sequitur ut si alii maiores eo non sunt, ille maior aliorum sit.
Chrysostomus super Matth. Sed tanta cum sit
iustitiae altitudo ut in illa nemo possit esse perfectus nisi solus Deus,
puto quia omnes sancti quantum ad subtilitatem divini iudicii invicem sibi
inferiores sunt aut priores. Ex quo intelligimus quoniam qui maiorem se non
habet, maior omnibus est. Chrysostomus in Matth. Ne autem rursus
superabundantia laudum pariat aliquod inconveniens Iudaeis Ioannem praeferentibus
Christo, convenienter hoc removet dicens qui autem minor est in regno
caelorum hic maior est illo. Augustinus contra Advers. legis et Prophet. Argumentatur
autem ex hoc haereticus ita, velut ratiocinando, tamquam Ioannes non
pertineat ad regnum caelorum, et ob hoc multo minus ceteri prophetae illius
populi, quibus maior est Ioannes. Haec autem verba domini duobus modis
possunt intelligi: aut enim regnum caelorum appellavit hoc quod nondum
accepimus, de quo in fine dicturus est: venite, benedicti patris mei,
percipite regnum; et quia ibi sunt Angeli, quilibet in eis minor maior est
quolibet iusto portante corpus quod corrumpitur. Aut si regnum caelorum
intelligi voluit Ecclesiam, cuius filii sunt ab institutione generis humani
usque nunc omnes iusti, dominus seipsum signavit: qui nascendi tempore minor
erat Ioanne, maior autem divinitatis aeternitate et dominica potestate.
Proinde secundum priorem expositionem, ita distinguitur: qui minor est in
regno caelorum, ac deinde subinfertur maior est illo. Secundum hanc autem
posteriorem, ita: qui autem minor est, ac deinde subinfertur in regno
caelorum maior est illo. Chrysostomus in Matth. Dicit autem in
regno caelorum, idest in spiritualibus, et universis quae sunt secundum
caelum. Quidam autem dicunt quoniam de apostolis hoc
dixit Christus. Hieronymus. Nos autem simpliciter
intelligamus, quia omnis sanctus qui iam cum domino est, sit maior illo qui
adhuc consistit in praelio: aliud est enim victoriae coronam possidere, aliud
adhuc in acie dimicare. |
Verset 11.
— Saint Jean Chrysostome : (hom.
38.) Notre
Seigneur ne se contente pas de faire l’éloge de Jean-Baptiste, en rappelant
le témoignage que lui rend le prophète, il fait connaître la haute opinion
qu’il a personnellement de lui en disant: « Je vous le dis en vérité,
il n’y en a point eu de plus grand parmi ceux qui sont nés de femmes ». — Raban : Pourquoi,
semble-t-il dire, faire un éloge détaillé de Jean-Baptiste: « Je vous
le dis en vérité, entre ceux qui sont nés des femmes », etc... Il
dit: Entre les enfants des femmes, et non des vierges. Le mot femmes exprime dans le sens propre
celles qui n’ont plus leur virginité. Si Marie est quelquefois appelée femme
dans l’Évangile, il faut se rappeler que cette expression n’est employée que
pour désigner son sexe, comme dans ce passage: « Femme, voici votre
fils. » —
Saint Jérôme : Notre Seigneur élève donc
Jean-Baptiste au-dessus des hommes qui sont nés des femmes et de leur union
avec l’homme; mais non pas au-dessus de celui qui est né de la Vierge et de
l’Esprit saint. D’ailleurs, en disant: « Nul d’entre les enfants des
femmes n’a été plus grand que Jean-Baptiste », il ne le place pas
précisément au-dessus des patriarches, des prophètes, et des autres hommes,
mais il les met simplement sur le même rang; car de ce que les autres ne sont
pas plus grands que lui, il ne s’ensuit pas qu’il soit plus grand qu’eux. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Mais comme la justice est si
élevée, qu’il n’y a que Dieu seul qui puisse en atteindre la perfection, je
pense que les saints, aux yeux si pénétrants du divin juge, sont dans un
degré plus ou moins élevé les uns que les autres, et nous devons en conclure
que celui au-dessus duquel il n’y en a point de plus grand est lui-même plus
grand que tous les autres. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
38.) Mais
de peur que cette surabondance de louanges n’entraînât quelque inconvénient
pour les Juifs, qui avaient de Jean-Baptiste une plus haute estime que de
Jésus-Christ, le Seigneur prévient toute impression fâcheuse en ajoutant: « Mais
celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que
lui. » —
Saint Augustin : (cont. l’advers. de la loi et des prophètes, liv. 4, chap. 5.) Les hérétiques, en raisonnant sur ce texte, veulent
en conclure que Jean-Baptiste n’appartient pas au royaume des cieux, et
encore moins les prophètes de ce peuple, auxquels Jean-Baptiste est
supérieur. Or, ces paroles de Notre Seigneur peuvent s’entendre de deux
manières: ou bien ce royaume des cieux, c’est celui dont nous ne sommes pas
encore en possession, et dont Notre Seigneur doit dire à la fin du monde: « Venez,
les bénis de mon Père, possédez le royaume », et comme les anges
sont les habitants de ce royaume, le moindre d’entre eux est plus grand que
le juste, qui, sur cette terre, porte un corps sujet à la corruption. Ou
bien, si par le royaume des cieux il a voulu signifier 1’Église, dont tous
les justes qui ont existé depuis la naissance du genre humain sont les
enfants, c’est de lui-même qu’il a voulu parler, car il était au-dessous de
Jean par son âge, et il lui était supérieur par son éternité divine et par sa
puissance souveraine. Dans le premier sens, il faut donc diviser ainsi la
phrase: « Celui qui est le plus petit dans le royaume des
cieux », et ensuite: « est plus grand que lui » ;
et dans le second sens: « Celui qui est le plus petit »,
et puis: « est plus grand que lui dans le royaume des cieux. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38.) « dans le royaume des
cieux », c’est-à-dire dans toutes les choses spirituelles et
célestes. Il en est qui pensent que Jésus-Christ a voulu parler ici de ses
Apôtres. — Saint Jérôme : Pour nous, nous entendons tout simplement ces paroles, en ce sens, que tout homme juste qui est déjà réuni au Seigneur, est plus grand que celui qui se trouve encore au milieu des combats; car il y a une grande différence entre celui qui a déjà reçu la couronne de la victoire, et celui qui lutte encore sur le champ de bataille. |
Lectio 5 [85465] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 5 Glossa. Quia dixerat superius: qui minor
est in regno caelorum, est maior Ioanne, ne videretur Ioannes a regno
caelorum esse alienus, hoc removet subdens a die autem Ioannis Baptistae
usque nunc regnum caelorum vim patitur, et violenti rapiunt illud. Gregorius in Evang. Per regnum caelorum
supernum solium signatur, quo cum peccatores quolibet facinore polluti ad
poenitentiam redeunt, et semetipsos corrigunt, quasi praedatores in locum
alienum intrant et violenter regnum caelorum rapiunt. Hieronymus. Si autem primus Ioannes
Baptista poenitentiam populis nuntiavit dicens: poenitentiam agite,
appropinquabit enim regnum caelorum, convenienter a diebus illius regnum
caelorum vim patitur et violenti rapiunt illud. Grandis est enim violentia,
in terra nos esse generatos, et caelorum sedem quaerere, et possidere per
virtutem quae non tenuimus per naturam. Hilarius in Matth. Vel aliter. Dominus
apostolos ire ad oves perditas Chrysostomus in Matth. Vel rapiunt regnum Dei
per fidem Christi omnes qui cum festinatione veniunt: unde dicit a diebus
autem Ioannis usque nunc; et ita impellit et festinare facit ad fidem suam,
simul autem et his quae antea dicta sunt a Ioanne opitulatur. Si enim usque
ad Ioannem omnia completa sunt, ipse est qui venturus est: unde subdit omnes
enim prophetae et lex usque ad Ioannem prophetaverunt. Hieronymus. Non quod post Ioannem excludat
prophetas; legimus enim in actibus apostolorum et Agabum prophetizasse et
quatuor virgines filias Philippi; sed quod lex et prophetae quos scriptos
legimus, quicquid prophetizaverunt, de domino vaticinati sunt. Quando ergo
dicitur usque ad Ioannem prophetaverunt, Christi tempus ostenditur; et quem
illi dixerunt esse venturum, Ioannes venisse ostendit. Chrysostomus. Deinde aliam coniecturam sui
adventus ponit, dicens et si vultis recipere, ipse est Elias, qui venturus
est. Dicit dominus in Malachia: mittam vobis
Eliam Thesbitem; et de isto dicit ecce ego mitto Angelum meum ante faciem
tuam. Hieronymus. Elias ergo Ioannes dicitur,
non secundum stultos philosophos, et quosdam haereticos, qui metempsychosin,
idest animae ex uno in aliud corpus migrationem introducunt; sed quod, iuxta
aliud testimonium Evangelii, venerit in spiritu et virtute Eliae, et eamdem
spiritus sancti vel gratiam habuerit vel mensuram. Sed
et vitae austeritas rigorque mentis Eliae et Ioannis pares sunt: uterque in
eremo, uterque zona pellicea cingebatur: ille, quoniam regem Achab et Iezabel
impietatis arguit, fugere compulsus est; iste, quia Herodis et Herodiadis
illicitas arguit nuptias, capite truncatur. Chrysostomus in Matth. Et bene dixit si vultis
recipere, libertatem ostendens, et voluntariam expetens mentem. Est enim ille
hic, et hic ille: quia praecursores facti sunt utrique. Hieronymus. Hoc autem quod dictum est, ipse
est Elias, mysticum esse, et egere intelligentia, sequens domini sermo
demonstrat, dicens qui habet aures audiendi audiat. Remigius. Ac si diceret: qui habet aures
cordis audiendi, idest intelligendi, intelligat: quia non dixit Ioannem Eliam
esse in persona, sed in spiritu. |
Versets 12-15.
— La Glose : Les paroles qui précèdent: « Celui
qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que
Jean-Baptiste » pouvaient faire penser que Jean-Baptiste était
étranger au royaume des cieux. Notre Seigneur éloigne donc cette idée en
ajoutant: « Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le
royaume des cieux est forcé et ce sont les violents qui s’en emparent ». —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 20 sur
S. Matth.) Le royaume des cieux signifie le trône qui nous est préparé
dans le ciel, et lorsque des pécheurs souillés de quelques crimes reviennent
à Dieu par la pénitence et réforment leur conduite, ils entrent comme des
prédateurs dans un lieu qui leur est étranger, et ils ravissent avec violence
le royaume des cieux. —
Saint Jérôme : Si Jean-Baptiste a le premier prêché
la pénitence au peuple en ces termes: « Faites pénitence, car le
royaume des cieux approche », il est juste que depuis ce temps le
royaume des cieux souffre violence, et que les violents seuls le ravissent.
Il faut en effet que nous nous fassions une grande violence, nous dont la
naissance est toute terrestre, pour chercher à mériter le trône des cieux et
conquérir par notre vertu ce que nous ne pouvons tenir de notre nature. —
Saint Hilaire : (can. 11.) Ou bien dans un autre sens, Notre
Seigneur avait ordonné à ses Apôtres d’aller vers les brebis perdues d’Israël
(Mt 11), mais leur prédication
tournait au profit des publicains et des pécheurs. C’est ainsi que le royaume
des cieux souffre violence, et que les violents le ravissent, parce que la
gloire qui était due aux patriarches d’Israël, que les prophètes avaient
annoncée, et que Jésus-Christ est venu offrir, a été enlevée et ravie par la
foi des nations. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38.) Ou bien encore, ceux qui
s’empressent de se convertir sont ceux qui ravissent le royaume de Dieu par
la foi en Jésus-Christ; voilà pourquoi il dit: « Depuis les jours de
Jean-Baptiste jusqu’à présent ». C’est ainsi qu’il les excite et les
presse de croire en lui; en même temps il confirme lui-même tout ce que
Jean-Baptiste avait dit précédemment. Car si toutes choses ont été accomplies
jusqu’à Jean-Baptiste, il est donc celui qui doit venir, et c’est pour cela
qu’il ajoute: « Tous les prophètes et la Loi ont prophétisé jusqu’à
Jean. » —
Saint Jérôme : Ce n’est pas qu’il veuille dire
qu’après Jean il n’y a plus eu de prophète, car nous lisons dans les Actes des Apôtres (Ac 11; Ac 21),
qu’Agabus et les quatre vierges, filles de Philippe, prophétisèrent; mais ces
paroles signifient que toutes les prophéties de la loi et des prophètes ont
eu Jésus-Christ pour objet. Ces paroles donc: « Ils ont prophétisé
jusqu’à Jean » indiquent le temps où devait venir le Christ, et où
Jean-Baptiste a signalé la présence de Celui dont ils avaient prédit la
venue. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
38.) Il
donne ensuite une autre explication de son avènement: « Et si vous
voulez le comprendre, lui-même est cet Élie qui doit venir. » Le Seigneur dit en effet par la
bouche du prophète Malachie (Ml 4):
« Je vous enverrai Élie de Thesba », et il dit de
Jean-Baptiste: « J’enverrai mon ange devant vous. » —
Saint Jérôme : Jean est donc appelé Élie, non pas
dans le sens de quelques philosophes insensés, et de certains hérétiques qui
enseignent la métempsychose, c'est-à-dire le retour des âmes dans de nouveaux
corps, mais parce selon un autre témoignage de l’Évangile lui-même, il est
venu dans la vertu et dans l’esprit d’Élie, et qu’il a reçu la même grâce ou
la même mesure de l’Esprit saint. Ajoutez que l’austérité de la vie et la
sévérité des principes sont les mêmes dans Élie et dans Jean-Baptiste: ils
habitaient tous les deux le désert, tous les deux ils portaient une ceinture
de poils de chameau; le premier fut obligé de fuir, parce qu’il avait
reproché à Achab et à Jésabel leur impiété, le second eut la tête tranchée
parce qu’il avait condamné l’union criminelle d’Hérode et d’Hérodiade. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38.) Le Seigneur dit avec raison: « Et
si vous voulez le comprendre », leur montrant ainsi qu’ils sont
libres et qu’il exige une adhésion volontaire: or Jean est Élie, et à son
tour Élie est Jean, parce que tous deux sont précurseurs. —
Saint Jérôme : Ces paroles: « Lui-même est
Élie » sont mystérieuses et ont besoin d’une intelligence
particulière, comme le prouve ce qu’il ajoute: « Que celui qui a des
oreilles pour entendre, entende. » — Saint Rémi : C’est-à-dire: Que celui qui a les oreilles du cœur pour entendre, c'est-à-dire pour comprendre, qu’il entende, qu’il comprenne, parce qu’en effet il a dit non pas que Jean-Baptiste ait été Élie en personne, mais seulement par l’esprit. |
Lectio 6 [85466] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 6 Hilarius in Matth. Totus
hic sermo infidelitatis opprobrium est, et de affectu superioris querimoniae
descendit: quia insolens plebs per diversa sermonum genera docta non fuerit. Chrysostomus in Matth. Unde et interrogatione
utitur, monstrans quoniam nihil quod deberet fieri ad salutem eorum,
derelictum est, dicens cui autem similem aestimabo generationem istam? Glossa. Quasi dicat: tantus est Ioannes; sed
vos nec sibi nec mihi voluistis credere: et ideo cui vos similes aestimabo?
Per generationem accipit communiter et Iudaeos, et se cum Ioanne. Remigius. Mox autem sibi ipsi respondet,
subiungens similis est pueris sedentibus in foro, qui clamantes coaequalibus
dicunt: cecinimus vobis, et non saltastis; lamentavimus, et non planxistis.
Hilarius in Matth. In pueris prophetae
signantur, qui in simplicitate sensus, ut pueri, praedicaverunt, et in medio
synagogae tamquam in publico fori conventu coarguunt, quod cantantibus sibi
officio corporis non obsecundaverint, et quod dictis suis non paruerint: ad
cantantium enim modum saltantium motus aptatur. Prophetae enim ad confessionem psallendi Deo provocaverunt, ut cantico
Moysi tenetur, ut Isaiae, ut David. Hieronymus. Dicunt ergo cecinimus vobis et non
saltastis: idest, provocavimus vos ut ad nostrum canticum bona opera
faceretis, et noluistis. Lamentati sumus, et vos ad poenitentiam provocavimus;
et nec hoc quidem facere voluistis, spernentes utramque praedicationem, tam
exhortationis ad virtutes, quam poenitentiae post peccata. Remigius. Quid est autem quod dicit
coaequalibus? Numquid infideles Iudaei coaequales erant sanctis prophetis?
Sed hoc dicit, quoniam de una stirpe orti fuerunt. Hieronymus. Pueri etiam sunt de quibus Isaias
loquitur: ecce ego et pueri mei quos dedit mihi dominus. Isti ergo pueri
sedent in foro, ubi multa venalia sunt, et dicunt Chrysostomus in Matth.: cecinimus vobis, et
non saltastis; hoc est, remissam vitam ostendi, et non persuasi estis;
lamentavimus, et non planxistis: hoc est, Ioannes duram sustinuit vitam, et
non attendistis. Non autem dicit ille illud et ego hoc, sed communiter: quia
una intentio utriusque erat; unde sequitur venit enim Ioannes neque manducans
neque bibens; et dicunt: Daemonium habet. Venit filius hominis, et
cetera. Augustinus contra Faustum. Vellem autem ut
mihi Manichaei dicerent quid manducabat et quid bibebat Christus, qui in comparatione
Ioannis non manducantis neque bibentis, hic se dixit manducantem ac bibentem.
Non enim dictum est quod Ioannes omnino non biberet; sed quod vinum et
siceram non biberet: bibebat ergo aquam. Cibus autem eius non omnino nullus
erat, sed locustae, et mel silvestre. Unde ergo dictus est non manducans
neque bibens, nisi quia illo victu quo Iudaei utebantur, non utebatur? Hoc
ergo dominus nisi uteretur, non in eius comparatione manducans bibensque
diceretur. Mirum autem si non manducans dicitur qui locustas et mel comedit,
et manducans dicitur qui pane et olere contentus est. Chrysostomus. Dicit ergo venit Iesus; ac si
dicat: per contrariam viam venimus ego et Ioannes et idem fecimus: sicut si
venatores per duas contrarias vias aliquod animal insequantur, ut in alterum
incidat. Universum autem hominum genus ieiunium et duram viam admiratur; et
propter hoc dispensatum est a prima aetate ita nutriri Ioannem, ut per hoc
digna fide essent quae dicerentur ab ipso. Incessit siquidem dominus per hanc
viam quando quadraginta diebus ieiunavit; sed tamen et aliter docuit quod
sibi esset credendum; multo enim maius erat quod testaretur pro eo Ioannes
qui per hanc viam incesserat, quam quod ipse per hanc viam incederet. Aliter
Ioannes nihil plus ostendit praeter vitam et iustitiam; Christus autem et a
miraculis testimonium habebat. Dimittens ergo Ioannem ieiunio fulgere, ipse
contrariam incessit viam, ad mensam intrans publicanorum, et manducans et
bibens. Hieronymus. Si ergo ieiunium vobis placet, cur
Ioannes displicuit? Si saturitas, cur filius hominis? Quorum alterum
Daemonium habentem, alterum voracem et ebrium nuncupastis. Chrysostomus. Qualem igitur iam excusationem
accipient? Propter hoc subdit et iustificata est sapientia a filiis suis: hoc
est, etsi vos persuasi non estis, sed me iam incusare non habetis: quod et de
patre ait propheta: ut iustificeris in sermonibus tuis: etsi enim nihil in
vobis expleatur a procuratione Dei, quae est circa vos; omnia quae sunt ex
parte sua, complet, ut inverecundis neque umbram relinquat ingratae
dubitationis. Hieronymus. Iustificata est ergo sapientia a
filiis suis; idest, Dei dispensatio atque doctrina, vel ipse Christus, qui
est Dei virtus et Dei sapientia, iuste fecisse, ab apostolis suis filiis
comprobatus est. Hilarius in Matth. Est autem ipsa sapientia
non ex effectu, sed ex natura. Plures enim dictum apostolicum, quod ait:
Christum Dei sapientiam et Dei virtutem, his modis solent eludere, quod in eo
ex virgine creando efficax Dei sapientia et virtus extiterit. Sed ne tale
posset intelligi, ipsum se sapientiam nuncupavit, eam in se, non quae sunt
eius ostendens. Non enim idem opus virtutis et virtus; et efficiens
discernitur ab effectu. Augustinus de quaest. Evang. Vel iustificata
est sapientia a filiis suis: quia sancti apostoli intellexerunt regnum Dei
non esse in esca et potu, sed in aequanimitate tolerandi; quos nec copia
sublevat, nec deprimit egestas; unde et Paulus dicebat: scio abundare et
penuriam pati. Hieronymus. In quibusdam libris legitur
iustificata est sapientia ab operibus suis: sapientia namque non quaerit
vocis testimonium, sed operum. Chrysostomus in Matth. Si autem exempla vilia
sunt de pueris, non mireris: ad imbecillitatem enim audientium loquebatur:
sicut Ezechiel multa dicit exempla Iudaeis convenientia, Dei magnitudine
indigna. Hilarius. Mystice autem Iudaeos nec Ioannis
praedicatio inflexit, quibus et lex gravis visa est, potibus cibisque
praescriptis, et difficilis et molesta peccatum in se, quod Daemonium nuncupat,
habens: quia per observantiae difficultatem necesse eis esset in lege
peccare: rursusque in Christo Evangelii praedicatio vitae libertate non
placuit, per quam difficultates legis et onera laxata sunt, et ad eam
publicani peccatoresque crediderunt. Atque ita tot et tantis admonitionum
generibus frustra habitis, nec per gratiam iustificantur, et a lege sunt
abdicati: et iustificata est sapientia a filiis suis, ab his scilicet qui
regnum caelorum fidei iustificatione diripiunt, confitentes iustum sapientiae
opus, quod munus suum ad fideles a contumacibus transtulerit. |
Versets 16-19.
— Saint Hilaire : (can. 11.) Tout ce discours est à la honte de l’incrédulité; c’est
l’expression d’un profond sentiment de mécontentement de ce que ce peuple
arrogant avait résisté aux divers genres d’instructions qui lui avaient été
faites. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38.) Le Seigneur procède avec raison
par interrogation, pour montrer que rien n’a été oublié de ce qui devait
contribuer à leur salut: « A qui comparerai-je cette
génération ? » — La Glose : Comme s’il disait:
Jean était un grand prophète, mais vous n’avez voulu croire ni à sa parole ni
à la mienne; à qui donc vous comparerai-je ? Dans ce mot de génération
il comprend les Juifs, Jean-Baptiste lui-même. —
Saint Rémi : Il se fait aussitôt cette réponse: « Elle
est semblable à des enfants assis sur la place publique qui crient à leurs
compagnons: Nous avons chanté pour vous, et vous n’avez pas dansé; nous avons
chanté des airs lugubres, et vous n’avez point témoigné de tristesse. » —
Saint Hilaire : (Can. 11.) Par ces enfants, Notre Seigneur
entend les prophètes qui ont prêché comme des enfants dans la simplicité de
leur âme, et qui, au milieu des synagogues comme au milieu d’une place
publique, ont reproché aux Juifs de n’avoir pas conformé leurs oeuvres
extérieures aux chants qu’ils leur adressaient, et de n’avoir pas obéi à
leurs paroles; car le mouvement de la danse doit se conformer à la mesure du
chant. Or, les prophètes ont appelé le peuple à louer Dieu dans leurs chants,
comme nous le voyons dans les cantiques de Moïse, d’Isaïe et de David (Ex 15; Dt 32; Is 12; 26; 2 R 26;
Ps 17, etc...), etc... —
Saint Jérôme : Voici donc ce qu’ils reprochent aux
Juifs: « Nous avons chanté pour vous, et vous n’avez pas dansé »,
c’est-à-dire nous vous avons excités par nos chants à la pratique des bonnes
oeuvres, et vous n’en avez rien fait; nous avons pleuré pour vous appeler à
la pénitence, et vous n’avez pas voulu non plus, vous avez méprisé toute
espèce de prédication, et celle qui vous exhortait à la vertu, et celle qui
vous appelait à faire pénitence de vos péchés. —
Saint Rémi : Comment peut-il dire: « à leurs
compagnons ? » Est-ce que les Juifs infidèles étaient les égaux des
saints prophètes ? Non, mais il parle ainsi parce qu’ils étaient tous
sortis d’une souche commune. —
Saint Jérôme : Les enfants sont encore ceux dont
Isaïe a dit: « Me voici, moi et mes enfants, ceux que le Seigneur m’a
donnés » ; ces enfants s’arrêtent sur la place publique où l’on
fait trafic de tout, et ils disent: « Nous avons chanté pour vous, et
vous n’avez pas dansé. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38.) Je vous ai donné l’exemple d’une
vie plus douce que sévère, et vous n’avez pas été persuadés; nous nous sommes
lamentés et vous n’avez pas manifesté de tristesse ; Jean s’est soumis à une vie austère, et
vous n’y avez pas fait plus attention; il ne dit pas: Jean a suivi cette
ligne de conduite, et moi cette autre; mais il ne sépare pas leur cause,
parce que leur intention était la même, et il ajoute: « Jean est
venu, ne mangeant, ni ne buvant, et vous avez dit: Il est possédé. Le Fils de
l’homme est venu, mangeant et buvant, » etc... —
Saint Augustin : (cont. Faust. liv. 16, chap. 31.) Je
voudrais bien que les Manichéens me disent ce que mangeait et ce que buvait
Jésus-Christ, lui qui se disait mangeant et buvant, en comparaison de
Jean-Baptiste qui ne mangeait ni ne buvait. Car il n’est pas dit que Jean ne
buvait pas du tout, mais qu’il ne buvait ni vin ni rien de ce qui pouvait
enivrer, il ne buvait donc que de l’eau; on ne peut pas dire non plus qu’il
ne mangeait rien absolument, mais il ne mangeait que du miel sauvage et des
sauterelles. Pourquoi donc Notre Seigneur dit-il qu’il ne mangeait ni ne
buvait, si ce n’est parce qu’il n’usait pas des aliments ordinaires des
Juifs ? Et si le Seigneur n’en avait pas lui-même fait usage, il
n’aurait pu dire par comparaison avec Jean-Baptiste qu’il mangeait et buvait.
Or, n’est-il pas étonnant qu’on dise de celui qui mangeait des sauterelles et
du miel, qu’il ne mangeait pas, et qu’on présente comme mangeant celui qui se
contentait de pain et de légumes ? — Saint Jean Chrysostome : (hom.
38.) « Le Fils de l’homme est venu » ,
c’est-à-dire nous avons suivi, Jean et moi, des routes différentes, mais qui
aboutissaient au même but, comme deux chasseurs qui poursuivent un animal par
deux chemins différents pour le faire arriver sur l’un des deux. Les hommes
sont généralement portés à admirer le jeûne et l’austérité de la vie; c’est
pour cela que Dieu voulut que dès son enfance Jean pratiquât ce genre de vie,
pour donner ainsi par la suite plus d’autorité à ses paroles. Notre Seigneur
marcha lui-même dans cette voie lorsqu’il jeûna pendant quarante jours; mais
cependant il prit d’autres moyens pour persuader aux Juifs de croire en lui;
car il était bien plus important que Jean-Baptiste lui rendît témoignage en
marchant dans cette voie, qu’il ne l’était pour lui-même de suivre ce genre
de vie. En effet, Jean ne fit éclater en lui que l’austérité de sa vie et
l’amour de la justice, tandis que Jésus-Christ avait encore le témoignage des
miracles. Il laissa donc Jean-Baptiste briller par le jeûne, et il suivit une
voie différente en ne refusant pas de s’asseoir à la table des publicains
pour manger et boire avec eux. —
Saint Jérôme : Si le jeûne vous est agréable,
pourquoi Jean-Baptiste ne vous plaît-il pas ? Si c’est la vie normale qui
a pour vous plus d’attrait, pourquoi le Fils de l’homme ne peut-il vous
plaire ? Pourquoi avez-vous traité l’un de possédé, et l’autre d’ivrogne
et d’intempérant ? —
Saint Jean Chrysostome : Quelle sera donc désormais
leur excuse ? c’est pour cela que Jésus ajoute: « La sagesse a
été justifiée par ses enfants », c’est-à-dire: si vous n’êtes pas
persuadés, vous n’avez pas, du moins, de raison de m’accuser. C’est ce que le
Prophète dit de Dieu le Père: « afin que vous soyez justifié dans vos
paroles. » (Ps 50.)
Quoique vous n’ayez tiré aucun profit de l’économie de la divine providence à
votre égard, de son côté elle a fait tout ce qu’elle devait, de manière à ne
laisser pas même l’ombre d’un doute à l’impudence et à l’ingratitude. —
Saint Jérôme : La sagesse a été justifiée par ses
enfants, c’est-à-dire la doctrine et la conduite de Dieu. Ou bien le Christ
qui est la vertu et la sagesse de Dieu a été justifiée par les Apôtres qui
sont ses enfants. —
Saint Hilaire : Or, il est lui-même la sagesse, non
par les effets merveilleux qu’elle a produits en lui, mais par nature. Il en
est plusieurs qui cherchent à éluder la force de ces paroles de l’Apôtre qui
proclament le Christ la puissance et la sagesse de Dieu (1 Co 1), en disant que la vertu de cette
sagesse et de cette puissance divine s’est montrée dans l’oeuvre de sa
naissance d’une Vierge; mais pour détruire par avance cette interprétation,
il a déclaré qu’il était lui-même la sagesse, montrant ainsi que ce n’étaient
pas seulement les oeuvres de la sagesse, mais la sagesse elle-même qui
résidait en lui; car l’oeuvre de la vertu n’est pas la vertu elle-même, et
l’effet demeure distinct de celui qui le produit. —
Saint Augustin : (Quest. Evang., liv. 2, chap. 11.) « La
sagesse a été justifiée par ses enfants », en ce sens que les saints
Apôtres comprirent que le royaume des cieux n’était point dans le boire et
dans le manger, mais dans la patience à supporter les épreuves; aussi
l’abondance ne leur inspirait aucun orgueil, et la pauvreté ne pouvait les
abattre. C’est ce qui faisait dire à saint Paul: « Je sais être dans
l’abondance, et je sais supporter la pauvreté. » — Saint Hilaire : On lit dans quelques exemplaires: « La sagesse a été justifiée par ses oeuvres. » La sagesse, en effet, ne cherche pas le témoignage des paroles, mais celui des oeuvres. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
38.) Si
cette comparaison empruntée aux enfants vous paraît vulgaire, n’en soyez pas
surpris, car Jésus s’adressait à des auditeurs grossiers; c’est ainsi
qu’Ézéchiel se sert de plusieurs comparaisons en rapport avec l’intelligence
des Juifs, mais qui ne convenaient nullement à la grandeur de Dieu, [si
toutefois l’on peut dire qu’une chose qui est utile aux hommes n’est pas
digne de Dieu]. — Saint Hilaire : (can. 11.) Dans le sens mystique, la prédication elle-même de Jean-Baptiste fut impuissante pour convertir les Juifs, parce que la loi leur avait paru pénible, difficile et gênante à cause de ses prescriptions sur les aliments et sur les boissons. Elle renfermait pour ainsi dire en elle-même le péché auquel il donne le nom de démon, parce que la difficulté que présentait son observation en rendait presque inévitable la transgression. A son tour, la prédication de l’Évangile de Jésus-Christ ne leur fut pas agréable, malgré la liberté qu’elle leur rendait, en allégeant tout ce que la loi avait de difficile et d’accablant. Les publicains et les pécheurs embrassèrent la foi, mais pour les Juifs, après tant et de si grands avertissements, ils ne furent pas justifiés par la grâce, et ils furent abandonnés par la loi. C’est alors que la sagesse fut justifiée par ses enfants, c’est-à-dire par ceux qui ravissent le royaume des cieux par la justification qui vient de la foi, et en proclamant la justice des opérations de la sagesse de Dieu qui prive de ses grâces les esprits rebelles pour en faire part aux cœurs fidèles. |
Lectio 7 [85467] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 7 Glossa. Hucusque Iudaeos communiter
increpaverat; nunc autem quasi nominatim quasdam civitates increpat, quibus
specialiter praedicaverat, nec tamen converti volebant: unde dicitur tunc
coepit exprobrare civitatibus in quibus factae sunt plurimae virtutes eius,
quia non egissent poenitentiam. Hieronymus. Exprobratio enim civitatum
Corozaim et Bethsaidae et Capharnaum, capituli huius titulo panditur, quod
ideo exprobraverit eis, quia post factas virtutes et signa quamplurima, non
egerint poenitentiam: unde subdit vae tibi, Corozaim, vae tibi, Bethsaida.
Chrysostomus in Matth. Ut autem non dicas a
natura ipsos esse malos, ponit nomen civitatis, scilicet Bethsaida, a qua
quandoque processerunt apostoli; etenim Philippus et duo binarii principalium
apostolorum hinc fuerunt: scilicet Petrus et Andreas, Iacobus et Ioannes.
Hieronymus. Sed per hoc quod dicit vae, hae
urbes Galilaeae a salvatore planguntur, quod post tanta signa atque virtutes
non egerint poenitentiam. Rabanus. Corozaim autem, quae interpretatur
mysterium meum, et Bethsaida, quae domus fructuum, vel domus venatorum
dicitur, civitates sunt Galilaeae sitae in littore maris Galilaeae. Plangit
ergo dominus civitates quae quondam mysterium Dei tenuerunt, et virtutum iam
fructum gignere debuerunt, et in quas spiritales venatores sunt missi. Hieronymus. Et praeferuntur eis Tyrus et Sidon
urbes idololatriae et vitiis deditae; et ideo sequitur quia si in Tyro et
Sidone factae essent virtutes quae factae sunt in vobis, olim in Cilicio et
cinere poenitentiam egissent. Gregorius Moralium. In Cilicio quidem
asperitas, quae punctio peccatorum, in cinere autem pulvis ostenditur
mortuorum: et idcirco utrumque hoc adhiberi ad poenitentiam solet, ut in
punctione Cilicii cognoscamus quid per culpam fecimus, et in favilla cineris
perpendamus quid per iudicium facti sumus. Rabanus. Tyrus autem et Sidon sunt urbes
Phoenicis. Interpretatur autem Tyrus angustia, et Sidon venatio; et
significat gentes quas venator Diabolus in angustia peccatorum comprehendit,
sed salvator Iesus per Evangelium absolvit. Hieronymus. Quaerimus autem ubi scriptum sit
quod in Corozaim et Bethsaida dominus signa fecerit. Supra legimus: et
circuibat civitates omnes et vicos, curans omnem infirmitatem, et reliqua;
inter ceteras ergo urbes et viculos existimandum est in Corozaim et in
Bethsaida dominum signa fecisse. Augustinus de bono Persev. Non ergo verum est
quod his temporibus et his locis Evangelium eius praedicatum non est, in
quibus tales omnes futuros esse praesciebat, quales multi in eius corporali
praesentia fuerunt, qui in eum nec suscitatis ab eo mortuis credere
voluerunt. Ecce enim dominus attestatur quod Tyrii et Sidonii acturi essent
magnae humilitatis poenitentiam, si in eis facta essent divinarum signa
virtutum. Porro si etiam secundum facta quae facturi essent si viverent,
mortui iudicantur; profecto quia fideles futuri erant isti, si eis cum tantis
miraculis Evangelium fuisset praedicatum, non sunt utique puniendi, et tamen
in die iudicii punientur: sequitur enim verumtamen dico vobis, et cetera.
Severius ergo punientur illi, isti remissius. Hieronymus. Quod ideo est, quia Tyrus et Sidon
naturalem tantum legem calcaverant: istae vero civitates post transgressionem
naturalis legis et scriptae, etiam signa quae apud eos facta sunt, parvi
duxerunt. Rabanus. Impletum autem hodie videmus dictum
salvatoris: quia scilicet Corozaim et Bethsaida praesente domino credere
noluerunt; Tyrus autem et Sidon, postea evangelizantibus discipulis
crediderunt. Remigius. Capharnaum autem metropolis erat
Galilaeae, et insignis civitas illius provinciae: et ideo dominus specialiter
mentionem illius facit, dicens et tu, Capharnaum, numquid usque in caelum
exaltaberis? Usque ad Infernum descendes. Hieronymus. In altero exemplari reperimus: et
tu, Capharnaum, quae usque ad caelum exaltata es, usque ad Inferna descendes;
et est duplex intelligentia. Vel ideo ad Inferna descendes, quia contra
praedicationem meam superbissime restitisti; vel ideo quia exaltata usque in
caelum meo hospitio, et meis signis atque virtutibus tantum habens
privilegium, maioribus plecteris suppliciis, quod his quoque credere noluisti.
Remigius. Non solum autem Tyri et Sidonis, sed
ipsa Sodomorum et Gomorrhaeorum fuerunt levia peccata per comparationem: et
ideo sequitur quia si in Sodomis factae essent virtutes quae factae sunt in
te, forte mansissent usque in hunc diem. Chrysostomus in Matth. In quo augetur eorum
accusatio: etenim maxima malitiae demonstratio est, cum non solum his qui
tunc erant, sed his qui unquam fuerant mali, apparent deteriores. Hieronymus. In Capharnaum autem, quae
interpretatur villa pulcherrima, condemnatur Ierusalem, cum dicitur per
Ezechielem: iustificata est Sodoma ex te. Remigius. Ideo autem dominus, qui omnia novit,
in hoc loco verbum dubitativum posuit, scilicet forte, ut demonstraret quia
liberum arbitrium concessum est hominibus. Sequitur verumtamen dico vobis,
quia terrae Sodomorum remissius erit in die iudicii quam vobis. Et sciendum
est, quod nomine civitatis vel terrae, non aedificia vel domorum parietes
dominus increpat, sed homines in eis commorantes; secundum speciem tropi,
quae est metonymia, in qua per hoc quod continet id quod continetur
ostenditur. Per hoc autem quod dicit remissius erit in die iudicii, aperte demonstrat
quia diversa sunt supplicia in Inferno, sicut et diversae sunt mansiones in
regno caelorum. Hieronymus. Quaerat autem prudens lector, et
dicat: si Tyrus et Sidon et Sodoma potuerunt agere poenitentiam ad
praedicationem salvatoris, signorumque miracula, non sunt in culpa, quia non
crediderunt; sed vitii silentium in eo est qui acturis poenitentiam noluit
praedicare. Ad quod facilis et aperta est responsio: ignorare nos iudicia
Dei, et singularium eius dispensationum sacramenta nescire. Propositum fuerat
domino Iudaeae fines non excedere, ne iustam Pharisaeis et sacerdotibus
occasionem persecutionis daret: unde et apostolis praecepit: in viam gentium
ne abieritis. Corozaim et Bethsaida damnantur, quod praesente domino credere
noluerunt; Tyrus et Sidon iustificantur, quod apostolis illius crediderunt.
Non quaeras tempora, cum credentium intuearis salutem. Remigius. Solvitur autem et aliter. Fortassis
erant plurimi in Corozaim et Bethsaida qui credituri erant; et erant multi in
Tyro et Sidone qui non erant credituri; et ideo non erant digni Evangelio.
Dominus ergo ideo habitatoribus Corozaim et Bethsaidae praedicavit, ut illi
qui credituri erant, crederent; et habitatoribus Tyri et Sidonis praedicare
noluit, ne forte illi qui non erant credituri, contemptu Evangelii deteriores
facti atrocius punirentur. Augustinus de bono Persev. Quidam autem
disputator Catholicus non ignobilis hunc Evangelii locum sic exposuit ut
diceret, praescisse dominum Tyrios et Sidonios a fide fuisse postea
recessuros, cum factis apud se miraculis credidissent; et misericordia potius
non eum illic ista fecisse, quoniam graviori poenae obnoxii fierent, si fidem
quam tenuerant reliquissent, quam si eam nullo tempore tenuissent. Vel aliter. Praescivit profecto Deus beneficia
sua, quibus nos liberare dignatur. Haec autem est praedestinatio sanctorum,
praescientia scilicet et praeparatio beneficiorum Dei, quibus certissime
liberantur quicumque liberantur. Ceteri autem non nisi in massa perditionis
iusto divino iudicio relinquuntur, ubi Tyrii relicti sunt et Sidonii, qui
etiam credere poterant, si multa Christi signa vidissent; sed quoniam ut
crederent non eis erat datum, et unde crederent est negatum. Ex quo apparet
habere quosdam in ipso ingenio divinum naturaliter munus intelligentiae, quo
moveantur ad fidem, si congrua suis mentibus vel audiant verba vel signa
conspiciant: et tamen si Dei altiore iudicio a perditionis massa non sunt
gratiae praedestinatione discreti, nec ipsa eis adhibentur vel dicta divina
vel facta, per quae possent credere, si audirent utique talia vel viderent.
In eadem perditionis massa relicti sunt etiam Iudaei, qui non potuerunt
credere factis in conspectu suo tam magnis clarisque virtutibus. Cur enim non
poterant credere, non tacuit Evangelium dicens: dum autem tanta signa
fecisset coram eis, non poterant credere, quia dixit Isaias: excaecavi oculos
illorum, et induravi cor eorum. Non erant ergo sic excaecati oculi nec sic
induratum cor Tyriorum et Sidoniorum: quia credidissent, si qualia viderunt isti,
signa vidissent. Sed nec illis profuit quod poterant credere quia
praedestinati non erant, nec istis obfuisset quod non poterant credere, si
ita praedestinati essent ut eos caecos dominus illuminaret, et induratis cor
lapideum vellet auferre. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem quod hic
dicitur, etiam Lucas commemorat, continuatim cuidam sermoni domini etiam hoc
ex ipsius ore coniungens; unde magis videtur ipse hoc ordine illa commemorare
quo a domino dicta sunt; Matthaeus autem suae recordationis ordinem tenuisse.
Aut illud quod Matthaeus ait tunc coepit exprobrare civitatibus, sic
accipiendum putant ut punctum ipsum temporis voluisse credatur exprimere, in
hoc quod est tunc; non autem ipsum tempus aliquanto latius quo hic multa
gerebantur et dicebantur. Quisque ergo hoc credit, credat hoc esse bis
dictum. Cum enim apud unum Evangelistam inveniantur quaedam quae bis dixerat
dominus, sicut apud Lucam de non tollenda pera in via; quid mirum si aliquid
aliud bis dictum sigillatim a singulis dicitur eodem ordine quo dictum est?
Et ideo diversus ordo apparet in singulis: quia et tunc quando ille, et tunc
quando iste commemorat, dictum est. |
Versets 20-24.
— La Glose : Jusqu’ici les reproches du Seigneur
s’étaient adressés indistinctement à tous les Juifs, maintenant il les fait
tomber en particulier sur quelques villes qu’il avait évangélisées d’une
manière plus spéciale, et qui, cependant, n’avaient pas voulu se convertir. « Alors,
dit l’Évangéliste, il commença à faire des reproches aux villes, dans
lesquelles avaient eu lieu la plupart de ses miracles, parce qu’elles ne
s’étaient pas repenties. » —
Saint Jérôme : Ce chapitre s’ouvre par les reproches
qu’il fait aux villes de Corozaïm, de Bethsaïde et de Capharnaüm, de ce
qu’après tant de prodiges et de miracles opérés au milieu d’elles, elles
n’ont pas fait pénitence. « Malheur à vous, Corozaïm ! malheur à
vous, Bethsaïde ! » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38.) C’est pour vous apprendre que les
habitants de ces villes n’étaient pas mauvais par leur nature qu’il nomme la
ville de Bethsaïde, qui avait donné le jour à plusieurs d’entre les Apôtres.
En effet, Philippe, et les deux principaux couples du collège apostolique,
Pierre et André, Jacques et Jean, étaient de Bethsaïde. —
Saint Jérôme : Cette expression, « malheur ! »
nous montre que le Sauveur déplore le triste sort de ces villes, de ce
qu’après tant de miracles et de prodiges opérés sous leurs yeux, elles n’ont
pas fait pénitence. — Raban : Corozaïm qui veut
dire mon mystère, et Bethsaïde, la maison des fruits ou la maison des chasseurs, sont des
villes de Galilée sises sur les bords de la mer de Galilée. Le Seigneur
déplore le triste sort de ces villes, à qui le mystère de Dieu a été révélé,
qui auraient dû produire des fruits de vertu, et dans lesquelles il avait
envoyé des chasseurs spirituels. —
Saint Jérôme : Le Seigneur leur préfère Tyr et
Sidon, villes adonnées à l’idolâtrie et à tous les vices. « Car,
ajoute-t-il, si les merveilles qui ont été opérées au milieu de vous avaient
été faites au milieu de Tyr et de Sidon, il y a longtemps qu’eues auraient
fait pénitence dans la cendre et le cilice. » —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 35, 2.) Le cilice signifie la
componction et l’austérité de la pénitence; la cendre, la poussière des morts.
Tous deux sont mis en usage dans la pénitence, afin que les pointes du cilice
nous rappellent ce que nous avons fait en péchant, et que la cendre nous
fasse réfléchir sur ce que nous sommes devenus par le jugement de Dieu. — Raban : Tyr et Sidon sont
des villes de Phénicie. Tyr veut dire angoisse,
et Sidon, chasse; elles
représentent les nations que le démon a prises comme un chasseur dans les
détroits resserrés du péché, mais que le Sauveur Jésus a délivrées par son
Évangile. —
Saint Jérôme : Nous nous demandons où il est écrit
que le Seigneur ait fait des miracles dans Corozaïm et dans Bethsaïde ?
Nous lisons dans un des chapitres précédents: « Il parcourait toutes
les villes et les villages, guérissant toutes les maladies, » etc...
Il est donc à croire que Corozaïm et Bethsaïde étaient du nombre de ces
villes et bourgades dans lesquelles le Seigneur avait opéré des miracles. —
Saint Augustin : (de la persév., chap. 9.) Il n’est donc pas
vrai de dire que l’Évangile n’ait pas été prêché dans les temps et dans les
lieux où le Seigneur prévoyait l’inutilité de ses prédications pour tous ceux
qui l’entendraient, aussi bien que pour un grand nombre de ceux qui n’ont pas
voulu croire en lui, même après qu’ils l’eurent vu ressusciter des morts; car
voici le Seigneur qui nous assure que les habitants de Tyr et de Sidon
eussent fait une pénitence pleine d’humilité, s’ils avaient été témoins des
miracles de la puissance divine. Or, si les morts sont jugés sur ce qu’ils
auraient fait s’ils avaient vécu, comme les habitants de ces villes se
seraient convertis à la foi si l’Évangile leur avait été annoncé et confirmé
par tant de miracles éclatants, il faudrait en conclure qu’ils seront exempts
de tout châtiment; et cependant ils seront punis au jour du jugement, d’après
les paroles qui suivent: « Néanmoins je vous le dis, Tyr et Sidon,
etc... » La peine des derniers sera donc plus légère, et le
châtiment des autres plus rigoureux. —
Saint Jérôme : Et la raison, c’est que Tyr et Sidon
ont foulé aux pieds la loi naturelle seule, tandis que ces villes, à la
transgression de la loi naturelle écrite, ont joint le mépris des miracles
qui ont été faits au milieu d’elles. — Raban : Nous sommes
aujourd’hui témoins de l’accomplissement des paroles du Sauveur: Corozaïm et
Bethsaïde ne voulurent pas croire en lui lorsqu’il les honorait de sa
présence, tandis que Tyr et Sidon crurent plus tard à la prédication des
Apôtres. —
Saint Rémi : Capharnaüm était la métropole de la
Galilée, et la ville la plus célèbre de cette province; c’est pour cela que
le Seigneur en fait une mention spéciale: « Et toi Capharnaüm,
t’élèveras-tu jusqu’au ciel ? tu seras abaissée jusqu’aux enfers. » —
Saint Jérôme : Dans
un autre manuscrit, on trouve : « Et toi, Capharnaüm, qui as été
exaltée jusqu’au ciel, tu descendras aux Enfers. » On peut entendre ces paroles de deux manières: ou bien tu descendras
jusqu’aux enfers, parce que tu as résisté avec orgueil à mes prédications; ou
bien, parce que élevée jusqu’au ciel parce que tu m’as offert l’hospitalité,
aussi bien que par les prodiges et par les merveilles que j’ai opérés dans
ton sein, tu seras condamnée à de plus grands supplices pour avoir abusé de
grâces si privilégiées, en refusant de croire en moi. —
Saint Rémi : Ce ne sont pas seulement les péchés de Tyr
et de Sidon, mais les crimes de Sodome et de Gomorrhe qui sont légers en
comparaison. Car, ajoute-t-il, si les merveilles qui ont été opérées au
milieu de toi eussent été faites dans Sodome, peut-être cette ville
existerait encore. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) C’est ce qui rend leur accusation
plus rigoureuse, car la plus forte preuve de méchanceté, c’est d’être plus
mauvais non seulement que les méchants qui existent, mais que ceux qui ont
jamais existé. —
Saint Jérôme : Dans la ville de Capharnaüm, qui veut
dire très belle maison de plaisance, se
trouve condamnée Jérusalem, à qui Ézéchiel a dit: « Sodome a été
trouvée juste auprès de toi. » —
Saint Rémi : Le Seigneur qui connaît toutes choses,
s’est servi ici du mot dubitatif peut-être,
pour montrer que les hommes ont reçu de lui le don du libre arbitre. Il
ajoute: « C’est pourquoi je vous déclare qu’au jour du jugement le
pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que vous. » Il faut
se rappeler que sous le nom d’une ville ou d’une contrée, les reproches du
Seigneur s’adressent non pas aux édifices ou aux murailles des maisons, mais
aux hommes qui les habitent, d’après la figure appelée métonymie, qui exprime
le contenu pour le contenant. Les paroles suivantes: « La peine sera
plus légère au jour du jugement », démontrent jusqu’à l’évidence qu’il y a dans l’enfer divers
degrés de peines, de même qu’il y a divers degrés de gloire dans le royaume
des cieux. —
Saint Jérôme : Un lecteur attentif me dira
peut-être: Si les villes de Tyr, de Sidon et de Sodome auraient pu faire
pénitence en entendant les prédications du Sauveur et devant l’éclat de ses
miracles, elles ne sont pas coupables de n’avoir pas cru, mais la faute doit
être imputée au silence de celui qui n’a pas voulu leur prêcher dans le temps
où elles étaient disposées à faire pénitence. La réponse à cette difficulté
est facile et claire: c’est que nous ignorons les jugements de Dieu, et les
mystérieuses dispositions de sa providence. Notre Seigneur s’était proposé de
ne point sortir des frontières de la Judée, ne voulant pas fournir aux
pharisiens et aux prêtres un motif légitime pour le persécuter. C’est pour
cela qu’il fait cette recommandation aux Apôtres: « Vous n’irez pas
dans le chemin des nations. » Or, Corozaïm et Bethsaïde sont condamnées,
parce qu’elles ont refusé de croire à la parole du Seigneur lui-même présent
au milieu d’elles; Tyr et Sidon sont justifiées pour avoir cru à la parole de
ses Apôtres. Pourquoi faire ici une question de temps alors que vous voyez
que ceux qui croient sont sauvés ? —
Saint Rémi : Voici une autre solution de cette
difficulté: dans Corozaïm, il y en avait probablement plusieurs qui devaient
croire, de même que dans Tyr et dans Sidon il en était plusieurs qui devaient
rester dans l’incrédulité, et qui, par conséquent, n’étaient pas dignes de
1’Évangile. Notre Seigneur a donc évangélisé les habitants de Corozaïm et de
Bethsaïde, afin que ceux qui devaient croire pussent embrasser la foi; et il
ne voulut pas prêcher aux habitants de Tyr et de Sidon, dans la crainte que
ceux qui refuseraient de croire, devenus plus coupables par le mépris de
l’Évangile, ne soient aussi plus rigoureusement punis. —
Saint Augustin : (de la persévér., chap. 10.) Un
controversiste catholique qui n’est pas à dédaigner explique ce passage de
l’Évangile en disant que le Seigneur avait prévu que les Tyriens et les
Sidoniens devaient plus tard abandonner la foi qu’ils auraient embrassée sur
l’autorité des miracles opérés sous leurs yeux; et c’est par miséricorde
qu’il n’a point voulu faire de miracles au milieu d’eux, parce que en
abandonnant la foi qu’ils avaient professée, ils se seraient rendus dignes de
châtiments plus rigoureux que s’ils ne l’avaient jamais reçue. (Evang., chap. 12.) On peut dire
encore que le Seigneur prévoit avec certitude les grâces auxquelles il a
daigné attacher notre délivrance: c’est la prédestination des saints,
c’est-à-dire la prescience et la préparation des grâces qui doivent
infailliblement sauver ceux qui doivent l’être; les autres, par un juste jugement
de Dieu, sont laissés dans la masse de perdition, comme les habitants de Tyr
et de Sidon qui auraient pu croire également s’ils avaient été témoins des
nombreux miracles de Jésus-Christ; mais comme le don de la foi ne leur a pas
été accordé, les moyens de croire leur ont été refusés. On peut conclure de
là qu’il y a des hommes qui ont naturellement dans leur esprit un don
particulier d’intelligence qui leur vient de Dieu et qui les porterait vers
la foi, s’ils voyaient des miracles ou s’ils entendaient des paroles
conformes aux dispositions de leur âme; et cependant si, par un profond
jugement de Dieu, ils ne sont pas séparés de la masse de perdition par la
grâce de la prédestination, ils n’entendront jamais ces paroles divines, ils
ne verront jamais ces faits miraculeux qui deviendraient pour eux, s’ils en
étaient témoins, des moyens assurés de parvenir à la foi. C’est dans cette
masse de perdition que furent laissés les Juifs eux-mêmes qui ne purent
croire aux miracles si éclatants qui furent opérés sous leurs yeux, et
l’Évangile ne nous a pas caché la raison pour laquelle ils n’ont pu croire: « Bien
que le Seigneur eût opéré sous leurs yeux d’aussi grands miracles, ils ne
pouvaient pas croire, selon ce qu’Isaïe a dit: « Il a aveuglé leurs yeux
(Is 6, 9; Ac 28, 18), et il a endurci leurs cœurs. » (Jn 12.) Les yeux des Tyriens et des
Sidoniens n’étaient donc pas aveuglés de manière à ne pouvoir croire, s’ils
avaient vu de semblables miracles; mais comme ils n’étaient pas prédestinés,
il ne leur servit de rien d’avoir pu croire, de même que ce n’eût pas été
pour eux un obstacle de ne pouvoir croire si Dieu les eût prédestinés à
recevoir la lumière de la loi malgré leur aveuglement, et s’il avait voulu
leur ôter leur cœur le pierre, cause de leur endurcissement. — Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 32.) Saint Luc rapporte ces mêmes paroles, en les donnant comme la suite d’un discours prononcé par le Seigneur lui-même. Cet Évangéliste paraît avoir suivi dans sa narration l’ordre dans lequel ces paroles ont été dites, tandis que saint Matthieu ne suit d’autre ordre que celui de ses souvenirs. Ou bien, la manière dont saint Matthieu s’exprime: « Alors il commença à faire des reproches », devrait être entendue en ce sens que le mot « alors » indiquerait le moment précis du temps où ces paroles ont été prononcées, et non l’espace de temps plus long dans lequel on pourrait placer un grand nombre d’autres actions, ou d’autres discours du Seigneur. En admettant cette opinion, il faut admettre que ces paroles ont été dites deux fois; car, puisque dans un seul et même Évangile on trouve répétées comme dites dans deux circonstances différentes les mêmes paroles du Seigneur, par exemple, chez Luc, la recommandation qu’il fait de ne pas porter de sac en voyage (Lc 9 et 10), qu’y a-t-il d’étonnant que des paroles dites deux fois par le Seigneur soient rapportées par deux Évangélistes dans l’ordre où elles ont été prononcées ? Et la raison pour laquelle cet ordre est différent, c’est justement parce que chacun d’eux rattache ces paroles au temps où elles ont été dites. |
Lectio 8 [85468] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 8 Chrysostomus super Matth. Quia
sciebat dominus multos de superiori quaestione dubitaturos, scilicet quod
Iudaei Christum non receperunt, quem gentilitas tam prona suscepit, respondet
his cogitationibus eorum; et ideo dicit respondens Iesus dixit: confiteor
tibi, pater domine caeli et terrae. Glossa. Idest, qui facis caelos, et relinquis
in terrenitate quos vis. Vel ad litteram. Augustinus de Verb. Dom. Si Christus dixit
confiteor, a quo longe est omne peccatum, confessio non est solius
peccatoris, sed aliquando etiam laudatoris. Confitemur ergo sive laudantes
Deum, sive accusantes nosmetipsos. Dixit ergo confiteor tibi; idest, laudo
te, non accuso me. Hieronymus. Audiant ergo qui salvatorem non
natum, sed creatum calumniantur, quod patrem suum vocet caeli et terrae
dominum. Si enim et ipse creatura est, et creatura conditorem suum patrem
appellare potest, stultum fuit non et sui, et caeli, et terrae dominum, vel
patrem similiter appellare. Gratias autem agit, quod apostolis adventus sui
aperuerit sacramenta, quae ignoraverunt Scribae et Pharisaei, qui sibi
sapientes videntur et in conspectu suo prudentes: et ideo sequitur quia
abscondisti haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. Augustinus de Verb. Dom. Nomine sapientum et
prudentum superbos intelligi posse ipse exposuit, cum ait revelasti ea
parvulis: quid enim est parvulis, nisi humilibus? Gregorius Moralium. Quod enim non subiungit:
revelasti ea stultis, sed parvulis, tumorem se damnasse innuit, non acumen.
Chrysostomus in Matth. Vel dicens sapientes,
non veram sapientiam dicit, sed eam quam videbantur Scribae et Pharisaei ab
eloquentia habere. Propter hoc neque dixit: revelasti ea stultis, sed
parvulis, idest informibus aut rusticis; in quo erudit nos per omnia ab
elatione erui, humilitatem autem zelare. Hilarius in Matth. Caelestium ergo verborum
arcana atque virtutes sapientibus absconduntur, et parvulis revelantur;
parvulis malitia, non sensu; sapientibus vero stultitiae suae praesumptione,
non sapientiae causa. Chrysostomus in Matth. Revelatum autem esse
his, dignum est laetitia; occultari autem his, non laetitia, sed lacrymis
dignum est. Non ergo propter hoc laetatur, sed quoniam quae sapientes non
cognoverunt, cognoverunt hi. Hilarius. Facti autem huius aequitatem dominus
paternae voluntatis iudicio confirmat; ut qui indignantur parvuli in Deo
fieri, stulti deinceps in sapientia sua fiant: et ideo subditur ita, pater,
quoniam sic placitum fuit ante te. Gregorius Moralium. Quibus verbis exempla
humilitatis accipimus, ne temere discutere superna consilia de aliorum
vocatione, aliorum vero repulsione praesumamus: ostendens quod iniustum esse
non potest quod placuit iusto. Hieronymus. In his etiam verbis
blandientis affectu loquitur ad patrem, ut coeptum in apostolis compleatur
beneficium. Chrysostomus in Matth. Haec autem quae dominus
discipulis dixit, studiosiores eos fecerunt: quia enim consequens erat eos de
se magna sapere, quia Daemones abigebant, ideo hic eos reprimit: revelatio
enim erat quod eis factum est, non illorum studium; ideoque Scribae,
sapientes et prudentes existimantes se esse, exciderunt propter proprium
tumorem; unde si propter hoc ab eis abscondita sunt Dei mysteria: timete,
dicit, et vos, et manete parvuli: hoc enim fecit vos revelatione potiri.
Sicut autem cum Paulus dicit: tradidit illos Deus in reprobum sensum, non hoc
dicit inducens Deum hoc agentem, sed illos qui causam tribuerunt, ita et hic
abscondisti haec a sapientibus et prudentibus. Et propter quid abscondita
sunt ab illis? Audi Paulum dicentem quoniam quaerentes propriam iustitiam
statuere, iustitiae Dei non sunt subiecti. |
Versets 25-26.
— Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] Le Seigneur savait qu’un grand nombre douteraient de la vérité qu’il venait de leur révéler, c’est-à-dire que les Juifs ont rejeté le Christ, tandis que les Gentils l’ont retenu avec empressement; il répond donc à ces doutes intérieurs: « Et Jésus, répondant, dit ces paroles: Je vous rends gloire, Père du ciel et de la terre ». — La Glose :
C’est-à-dire vous qui faites les cieux, et qui laissez dans l’attachement aux
choses de la terre ceux que vous voulez. Ou bien dans le sens littéral: —
Saint Augustin : (serm. 9 sur les paroles du Seig.) Puisque
Jésus-Christ dit: « Je vous confesse, » lui si éloigné de
tout péché, la confession n’est donc pas toujours l’aveu des péchés, mais
quelquefois aussi l’expression de la louange. Nous confessons donc soit en
louant Dieu, soit en nous accusant nous-mêmes; et ces mots: Je vous confesse,
signifient non pas: je m’accuse, mais: je vous loue, je vous rends gloire. —
Saint Jérôme : Que ceux qui osent calomnier le Sauveur
en niant sa naissance éternelle et en soutenant qu’il a été créé [dans le
temps], entendent ces paroles. Ils appuient leur opinion sur ce qu’il appelle
ici son Père le Seigneur du ciel et de la terre. Mais s’il n’est qu’une
simple créature, et qu’une créature puisse donner le nom de Père à son
Créateur, il a fait une chose déraisonnable en ne l’appelant pas son Maître
ou son Père comme il l’appelle le Maître et le Père du ciel et de la terre.
Or il rend grâces à Dieu de ce qu’il révèle le mystère de son avènement aux
Apôtres, mystère qu’il a laissé ignorer aux scribes et aux pharisiens qui
étaient sages et prudents à leurs propres yeux. C’est le sens de ces paroles:
« de ce que vous avez caché ces
choses aux sages et les avez révélées aux petits ». —
Saint Augustin : (serm. 9 sur
les paroles du Seig.) Sous le nom de ces sages et de ces prudents on peut
entendre les orgueilleux, comme Notre Seigneur l’explique lui-même, en
ajoutant: « et que vous les avez
révélées aux petits. » En effet, que veut dire « aux
petits, » si ce n’est aux humbles ? — Saint Grégoire le Grand : (Moral. 27, 7.) Il n’ajoute pas: vous les avez révélés aux insensés, mais aux petits, pour nous montrer qu’il ne condamne pas la pénétration, mais seulement l’enflure de l’esprit. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
39.) Ou
bien encore, en nommant ici des sages, il n’a point voulu parler de la
véritable sagesse, mais de celle que les scribes et les pharisiens ne
tenaient que de leur éloquence; c’est pour cela qu’il ne dit pas: « Vous
les avez révélés aux insensés, » mais: « aux petits », c’est-à-dire aux gens sans instruction
et sans éducation. C’est ainsi qu’il nous apprend à fuir en tout l’orgueil,
et à rechercher la pratique de l’humilité. —
Saint Hilaire : (can. 11.) Les secrets et la vertu des
paroles célestes demeurent cachés pour les sages, c’est-à-dire pour ceux qui
sont pleins d’une folle présomption, et dont la sagesse n’est pas le fruit de
la prudence; et ces mêmes secrets sont révélés aux petits, c’est-à-dire à
ceux qui sont petits en malice, et non en intelligence. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) Que ces mystères aient été
révélés aux uns, c’est un légitime sujet de joie, mais qu’ils restent cachés
pour les autres, cela justifie non la joie, mais les larmes Aussi la joie du Seigneur
vient-elle exclusivement de ce que les petits ont connu ce que les sages ont
ignoré. — Saint Hilaire : (can.
11.) Il
confirme l’équité de cette conduite par le jugement de la volonté de son
Père; suivant ce jugement, ceux qui refusent d’être petits devant Dieu
deviennent insensés dans leur propre sagesse; c’est pour cela qu’il ajoute: « Oui, je vous bénis, ô mon Père,
parce qu’il vous a plu ainsi. » —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., liv. 25, chap. 13.) Ces paroles
renferment pour nous une leçon d’humilité, et nous apprennent à ne pas
discuter témérairement les jugements de Dieu sur la vocation des uns, et sur
la réprobation des autres, en nous montrant qu’il ne peut y avoir d’injustice
dans ce qui a plu à celui qui est souverainement juste. —
Saint Jérôme : Notre Seigneur tient encore ce
langage affectueux à son Père, pour l’engager à consommer l’oeuvre qu’il a
commencée dans ses Apôtres. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) Ces paroles de Jésus-Christ à ses Apôtres leur inspirèrent une plus grande vigilance; le pouvoir qu’ils avaient reçu de chasser les démons était de nature à leur donner une haute idée d’eux-mêmes, il réprime donc cette idée en leur apprenant que les faveurs qui leur ont été accordées ne sont pas le fruit de leurs efforts, mais l’effet d’une révélation divine. Aussi les scribes et les pharisiens, infatués de leur sagesse et de leur prudence, sont-ils tombés victimes de leur orgueil. Si donc ils ont mérité pour cela que les mystères de Dieu demeurent cachés pour eux, craignez, dit-il, vous aussi, et appliquez-vous à rester petits, car c’est ce qui vous a donné droit à la révélation de ces mystères. Ces paroles: « Vous avez caché ces choses aux sages, » doivent être entendues dans le sens de ces autres de saint Paul: « Dieu les a livrés au sens réprouvé. » L’intention de l’Apôtre n’est pas d’attribuer à Dieu immédiatement cet effet, mais à ceux qui en ont posé la cause. C’est dans le même sens qu’il faut entendre ces paroles du Seigneur « Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents. » Et pourquoi ces vérités sont-elles demeurées cachées pour eux ? Écoutez saint Paul qui vous répond: « Parce que, s’efforçant d’établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. » |
Lectio 9 [85469] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 9 Chrysostomus in Matth. Quia
dixerat: confiteor tibi, pater, quoniam abscondisti haec a sapientibus, ut
non existimes quoniam ita gratias agit patri, sicut si ipse sit hac virtute
privatus, consequenter adiungit omnia mihi tradita sunt a patre meo. Cum
autem audieris quoniam tradita sunt, nihil humanum suspiceris: ut enim non
duos deos ingenitos esse aestimes, hanc ponit dictionem. Simul enim cum
genitus est, omnium dominator fuit. Hieronymus. Alioquin si iuxta nostram
fragilitatem sentire volumus, cum coeperit habere qui accepit, incipiet non
habere qui dedit. Vel tradita sibi omnia, non caelum et terra et elementa
intelligenda sunt, et cetera quae ipse fecit et condidit; sed hi qui per
filium accessum habent ad patrem. Hilarius. Vel hoc dixit ne quid in illo
minus quam quod in Deo est, aestimaretur. Augustinus contra maximum. Nam si minus
habet in potestate aliquid quam pater, non sunt eius omnia quae habet pater:
gignendo enim dedit pater potentiam filio, sicut omnia, quae habet in
substantia sua, gignendo dedit ei quem genuit de substantia sua. Hilarius in Matth. Deinde in mutua
cognitione patris et filii dat intelligere non aliud in filio quam quod in
patre extitisse: sequitur enim et nemo novit filium nisi pater, neque patrem
quis novit nisi filius. Chrysostomus in Matth. Ex eo enim quod
solus patrem novit, latenter ostendit eiusdem se esse substantiae; ac si
diceret: quid mirum est, si omnium sum dominator, cum aliquid aliud maius
habeam, scilicet scire patrem, et eiusdem esse substantiae? Hilarius in Matth. Eamdem enim utriusque
in mutua cognitione docet esse substantiam; cum qui filium cognosceret,
patrem quoque cogniturus esset in filio, quia omnia ei a patre sunt tradita.
Chrysostomus super Matth. Cum autem dicat
neque patrem aliquis cognoscit nisi filius, hoc ait non quoniam eum omnes
omnino ignorent, sed quoniam cognitione qua ipse eum novit, nullus eum scit;
quod et de filio dicendum est. Neque etiam de ignoto quodam Deo hoc dixit,
sicut Marcion ait. Augustinus de Trin. Denique propter substantiae
inseparabilitatem sufficienter aliquando nominatur vel solus pater vel solus
filius: nec inde separatur utriusque spiritus, qui proprie dicitur spiritus
veritatis. Hieronymus. Erubescat ergo Eunomius haereticus
tantam sibi notitiam patris et filii quantam ad alterutrum inter se habent,
vindicans. Quod si inde contendit, et suam consolatur insaniam, quia sequitur
et cui voluerit filius revelare; aliud est naturae aequalitate nosse quod
noveris, aliud revelantis dignatione. Augustinus de Trin. Revelatur autem pater per
filium, idest per verbum suum. Si enim hoc verbum quod nos proferimus
temporale et transitorium, et seipsum ostendit, et illud de quo loquimur,
quanto magis verbum Dei, per quod facta sunt omnia, quod ita ostendit patrem
sicuti est pater, quia et ipsum ita est et hoc est quod pater? Augustinus de quaest. Evang. Cum autem diceret
nemo novit filium nisi pater, non dixit: et cui voluerit pater filium
revelare; sed cum diceret nemo novit patrem nisi filius, addidit et cui
voluerit filius revelare: quod non ita intelligendum est quasi filius a nullo
possit agnosci nisi a patre solo, pater autem non solum a filio, sed etiam ab
eis quibus revelaverit filius: sic enim potius dictum est, ut intelligamus
patrem et ipsum filium per filium revelari, quia ipse est mentis nostrae
lumen; et quod postea intulit et cui voluerit filius revelare, non tantum
patrem, sed etiam filium accipiamus: ad totum enim quod dixit, illatum est:
verbo enim suo se pater declarat; verbum autem non solum id quod per verbum
declaratur, sed etiam seipsum declarat. Chrysostomus super Matth. Si ergo patrem
revelat, et seipsum revelat. Sed hoc quidem ut manifestum dimisit; illud
autem posuit, quia scilicet poterat esse dubium. Per hoc etiam instruit quod
adeo concordat patri quod non est possibile aliquem venire ad patrem nisi per
filium: hoc enim maxime scandalizabat, quod videbatur Deo contrarius; et ideo
per omnia hoc destruere studuit. |
Verset 27.
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) Ce que le Seigneur vient de dire:
« Je vous rends gloire, mon Père,
de ce que vous avez caché ces choses aux sages » pouvait laisser
penser qu’il rendait grâces à son Père, comme s’il était lui-même privé de
cette puissance; il ajoute donc pour prévenir cette idée: « Mon Père m’a mis toutes choses
entre les mains. » Que ces paroles: « Toutes choses m’ont été données par mon Père, » ne
vous fassent soupçonner rien d’humain; Notre Seigneur ne s’en est servi que
pour détruire la pensée qu’il existe deux dieux non engendrés; car c’est en
même temps qu’il a été engendré qu’il est devenu le Maître de toutes choses. —
Saint Jérôme : Si nous entendions ces paroles
d’après nos faibles idées, il faudrait admettre que celui qui donne cesse
d’avoir au moment où celui qui reçoit commence à posséder. Ou bien par les
choses qui lui sont remises entre les mains, il faut entendre non pas le
ciel, la terre, les éléments, et toutes les autres choses qu’il a faites et
créées, mais ceux qui, par le Fils, ont accès auprès du Père. —
Saint Hilaire : (can. 11.) Ou bien encore, il s’exprime de
la sorte, pour prévenir toute pensée qu’il soit en rien inférieur à son Père. —
Saint Augustin : (cont. Maximin.) S’il était en quelque chose
moins puissant que son Père, il n’aurait pas à lui tout ce qu’à son Père; mais
le Père, en engendrant son Fils, lui a donné la puissance, comme aussi par le
même acte il a donné tout ce qui fait partie de sa substance à celui qu’il a
engendré de sa propre substance. — Saint Hilaire : (can.
11.) Ensuite,
dans cette mutuelle connaissance du Père et du Fils, il nous donne à
comprendre qu’il n’y a pas autre chose dans le Fils que dans le Père qui soit
resté inconnu. « Et personne ne
connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est
le Fils. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) En disant que seul il connaît le
Père, il nous démontre indirectement qu’il lui est consubstantiel, comme s’il
disait: « Qu’y a-t-il d’étonnant que je sois le Maître de toutes choses,
alors que j’ai en moi quelque chose de plus grand encore, c’est-à-dire que je
connais mon Père, et que j’ai avec lui une seule et même substance ? —
Saint Hilaire : Il nous enseigne que l’identité de substance,
dans l’un et dans l’autre, est renfermée dans cette mutuelle connaissance de
l’un et de l’autre, de manière que celui qui connaît le Fils connaîtra le
Père dans le Fils; car toutes choses lui ont été données par le Père. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ces paroles: « Personne ne connaît le Père si ce
n’est le Fils », signifient non pas que tous ignorent le Père
absolument, mais que personne ne le connaît de cette connaissance dont il le
connaît lui-même, ce que l’on doit dire du Fils également; car il n’est pas
question ici d’un Dieu inconnu, comme le prétend Marcion. —
Saint Augustin : (de la Trinité, liv. 1, chap. 8.) Enfin,
comme la nature divine est inséparable, il suffit quelquefois de nommer le
Père seul, ou le Fils seul, sans qu’on sépare pour cela l’Esprit de l’un et
de l’autre, Esprit qu’on appelle proprement Esprit de vérité (Jn 14, 17; 15, 26; 16, 13). —
Saint Jérôme : Que l’hérétique Eunomius rougisse
donc de son orgueilleuse prétention, qu’il a lui-même du Père et du Fils une
connaissance aussi étendue que le Père et le Fils l’ont eux-mêmes l’un de
l’autre; qu’il cherche à soutenir et à consoler sa folle prétention, en
s’appuyant sur les paroles suivantes: « et
celui à qui le Fils aura voulu le révéler » ; en tout cas autre
chose est de connaître par égalité de nature, autre chose de ne connaître que
par la grâce d’une révélation. —
Saint Augustin : (de la Trinité, liv. 7, chap. 3.) Or, le
Père se révèle par son Fils, c’est-à-dire par son Verbe; car si ce verbe que
nous proférons, tout passager et transitoire qu’il est, se révèle lui-même et
révèle l’objet de notre parole, à combien plus forte raison le Verbe de Dieu
par qui toutes choses ont été faites ! Il fait donc connaître le Père
tel qu’il est, parce qu’il est lui-même ce qu’est le Père. —
Saint Augustin : (Quest. évang., liv. 2, chap. 1) En
prononçant ces paroles: « Personne
ne connaît le Fils, si ce n’est le Père », il n’a pas dit: et celui
à qui le Père aura voulu le révéler; mais après avoir dit: « Personne ne connaît le Père, si ce
n’est le Fils », il ajoute: « et
celui à qui le Fils aura voulu le révéler » ; paroles qu’il ne
faut pas entendre dans le sens que le Fils ne puisse être connu autrement que
par le Père. Quant au Père, il peut être connu non seulement par le Fils,
mais encore par ceux à qui le Fils l’aura révélé. S’il a choisi de préférence
cette manière de s’exprimer, c’est pour nous faire comprendre que le Père et
le Fils nous sont connus par la révélation du Fils, parce qu’il est lui-même
la lumière de notre intelligence. Les paroles suivantes: « et celui à qui le Fils aura voulu le révéler »,
doivent s’entendre non seulement du Père, mais encore du Fils; car elles se
rapportent à tout ce qui précède. C’est par son Verbe, en effet, que le Père
se fait connaître; mais le Verbe ne révèle pas seulement ce qu’il est chargé
de faire connaître, il se révèle encore lui-même. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) Si donc il fait connaître le Père, il se fait connaître en même temps lui-même, mais il passe sous silence comme assez claire cette dernière vérité, et il s’attache à la première sur laquelle il pouvait y avoir des doutes. Il nous enseigne en même temps qu’il est tellement d’accord avec son Père, qu’il n’est pas possible d’arriver au Père si ce n’est par le Fils; car ce qui scandalisait surtout les Juifs, c’est qu’il leur paraissait en opposition avec Dieu, et il s’applique de toute manière à détruire cette erreur. |
Lectio 10 [85470] Catena in Mt.,
cap. 11 l. 10 Chrysostomus in Matth. Per ea quae dicta
sunt, in desiderium sui discipulos constituerat, ostendens ineffabilem suam
virtutem; nunc autem eos ad se vocat, dicens venite ad me, omnes qui
laboratis et onerati estis. Augustinus de Verb. Dom. Quare enim omnes
laboramus, nisi quia sumus homines mortales, lutea vasa portantes, quae
faciunt invicem angustias? Sed si angustiantur vasa carnis, dilatentur spatia
caritatis. Ad quid ergo dicit venite ad me, omnes qui laboratis, nisi ut non
laboretis? Hilarius in Matth. Legis etiam difficultatibus
laborantes et peccatis saeculi oneratos ad se advocat. Hieronymus. Gravia
enim esse onera peccati, et Zacharias propheta testatur iniquitatem dicens
sedere super talentum plumbi. Et Psalmista complevit: iniquitates meae
aggravatae sunt super me. Gregorius Moralium. Asperum etiam iugum et
durum servitutis pondus est subesse temporalibus, ambire terrena, retinere labentia,
velle stare in non stantibus, appetere quidem transeuntia, sed cum
transeuntibus nolle transire. Dum enim contra votum cuncta fugiunt, quae
prius mentem ex desiderio adeptionis afflixerant, post ex pavore amissionis
premunt. Chrysostomus in Matth. Non autem dicit: venite
ille et ille; sed omnes qui in sollicitudinibus, qui in tristitiis, qui in
peccatis estis; non ut expetam noxas, sed ut solvam peccata. Venite, non
quoniam indigeo vestra gloria, sed quia volo vestram salutem: unde dicit et ego
reficiam vos; non dixit: salvabo solum; sed, quod multo amplius erat,
reficiam vos; idest, in omni quiete constituam. Rabanus. Non solum exonerabo, sed interna
refectione saturabo. Remigius. Venite, dicit, non pedibus, sed
moribus; non corpore, sed fide. Iste namque est spiritualis accessus, quo
quisque Deo appropinquat; et ideo sequitur tollite iugum meum super vos. Rabanus. Iugum Christi est Evangelium Christi,
quod Iudaeos et gentes in unitate fidei coniungit et sociat. Hoc autem super
nos iubemur sumere, idest in honore habere, ne forte subtus ponentes, idest
illud prave contemnentes, lutulentis pedibus vitiorum conculcemus: unde
subditur discite a me. Augustinus de Verb. Dom. Non mundum fabricare,
non in ipso mundo miracula facere; sed quia mitis sum et humilis corde.
Magnus esse vis? A minimo incipe. Cogitas magnam fabricam constituere
celsitudinis? De fundamento prius cogita humilitatis. Et quanto quisque vult
superponere maius aedificium, tanto altius fodiat fundamentum. Quo autem perventurum
est cacumen nostri aedificii? Usque ad conspectum Dei. Rabanus. Discendum ergo nobis est a salvatore
nostro ut simus mites moribus et humiles mentibus: neminem laedamus, neminem
contemnamus, et virtutes quas foris ostendimus in opere, intus teneamus in
corde. Chrysostomus in Matth. Et ideo incipiens
divinas leges, ab humilitate incipit; et maximum praemium ponit, dicens et
invenietis requiem animabus vestris. Hoc maximum est praemium: non enim
alteri efficeris utilis solum, sed teipsum requiescere facis; et ante futura
hanc tibi dat promissionem; in futuro autem perpetua gaudebis requie. Chrysostomus. Et ne formidarent quia dixerat
onus et iugum, subdit iugum enim meum suave est, et onus meum leve. Hilarius. Iugi autem suavis et levis oneris
blandimenta proponit, ut credentibus eius boni scientiam praestet quod ipse
solus novit in patre. Gregorius Moralium. Quid grave mentis nostrae
cervicibus imponit qui vitare omne desiderium quod perturbat praecipit, qui
declinare laboriosa mundi huius itinera monet? Hilarius in Matth. Et quid iugo ipso
suavius, quid onere levius? Probatiorem fieri,
scelere abstinere, bonum velle, malum nolle, amare omnes, odisse nullum,
aeterna consequi, praesentibus non capi, nolle inferre alteri quod sibi perpeti
sit molestum. Rabanus. Sed quomodo iugum Christi suave, cum
supra dicatur: arcta est via quae ducit ad vitam? Sed quod angusto initio
incipitur, processu temporis ineffabili dilectionis dulcedine dilatatur. Augustinus de Verb. Dom. Item qui iugum domini
intrepida cervice subierunt, tam difficilia pericula patiuntur, ut non a
laboribus ad quietem, sed a quiete ad laborem vocari videantur. Sed profecto
aderat spiritus sanctus, qui in exterioris hominis corruptione interiorem
renovaret de die in diem; et gustata requie spirituali in affluentia
deliciarum Dei in spe futurae beatitudinis, omnia praesentia deliniret
aspera, et omnia gravia relevaret. Secari et uri se homines patiuntur, ut
dolores non aeterni, sed aliquanto diuturnioris ulceris, acriorum dolorum
pretio redimantur. Quibus tempestatibus vel poenis importuni sunt mercatores,
ut divitias perituras acquirant? Sed qui has non amant, eadem gravia
patiuntur; qui vero amant, eadem quidem, sed non gravia patiuntur. Omnia enim
saeva et immania, prorsus facilia et prope nulla efficit amor; quanto ergo
facilius ad veram beatitudinem caritas facit quod ad miseriam, quantum
potuit, cupiditas fecit? Hieronymus. Quomodo etiam levius est lege
Evangelium, cum in lege homicidium et adulterium, in Evangelio ira
concupiscentiaque puniantur; in lege enim multa praecepta sunt, quae
apostolus non posse compleri plenissime docet: in lege opera requiruntur; in
Evangelio voluntas quaeritur, quae etsi effectum non habuerit, tamen praemium
non amittit. Evangelium ea praecipit quae possumus, ne scilicet
concupiscamus: hoc in nostro arbitrio est; lex cum voluntatem non puniat,
punit effectum, ne adulterium facias. Finge
in persecutione aliquam virginem prostitutam: haec apud Evangelium, quia
voluntate non peccat, virgo suscipitur; in lege quasi corrupta repudiatur. |
Versets 28-30.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) Le discours qui précède, et qui est plein de l’ineffable
puissance du Seigneur, avait excité dans le cœur de ses disciples un vif
désir de s’unir à lui; il les appelle maintenant lui-même en leur disant: « Venez à moi, vous tous qui êtes
fatigués et qui êtes chargés. » —
Saint Augustin : (serm. 10 sur les paroles du Seig.) Pourquoi tous, tant que nous sommes,
nous fatiguons-nous ? C’est parce que nous sommes des hommes mortels,
portant des vases de boue (2 Co 4,
7), cause pour nous de mille anxiétés. Mais si ces vases de chair nous
tiennent à l’étroit, dilatons du moins en nous les espaces de la charité. Car
pourquoi vous dit-il: « Venez à
moi, vous tous qui êtes fatigués », si ce n’est pour que vous ne
soyez plus fatigués ? —
Saint Hilaire : (can. 11.) Il appelle aussi à lui ceux qui
souffraient des difficultés de la loi, et qui étaient accablés sous les
lourds fardeaux du péché. —
Saint Jérôme : Que le péché soit un fardeau
accablant, le prophète Zacharie l’atteste lorsqu’il nous représente
l’iniquité assise sur une masse de plomb (Za 5); et le Psalmiste le confirme
par son exemple (Ps 27), quand il
dit: « Mes iniquités se sont
appesanties sur moi. » —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 30, 12.) C’est un joug bien rude,
c’est un bien dur esclavage que de se soumettre [volontairement] aux choses
du temps, de rechercher avec empressement les biens de la terre, de
s’efforcer de retenir ce qui nous échappe, de vouloir se fixer sur un terrain
sans consistance, de désirer les choses passagères, et de ne pas vouloir
passer avec elles. Car, tandis qu’elles fuient toutes contre notre volonté,
nous sommes profondément affectés et accablés de leur perte, après avoir été
tourmentés du désir de les posséder. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
39.) Il
ne dit pas: Que celui-ci ou celui-là vienne à moi, mais: Venez, vous tous qui
vivez dans l’anxiété, dans la tristesse, dans le péché; venez, non pour
recevoir le châtiment de vos péchés, mais pour en être délivrés; venez, non
pas que j’ai besoin de la gloire que vous pouvez me procurer, mais parce que
je veux votre salut; c’est pour cela qu’il ajoute: « et je vous rétablirai. » Il ne dit pas simplement: « Je
vous sauverai », mais ce qui est beaucoup plus : « je vous rétablirai »,
c’est-à-dire je vous ferai jouir d’un repos complet. — Raban : Non seulement je
vous déchargerai, mais je vous rassasierai de mes consolations intérieures. —
Saint Rémi : « Venez, » nous dit-il, non
en dirigeant vos pas vers moi, mais toute votre vie, par le mouvement de la
foi et non par celui du corps; car l’accès que Dieu nous donne près de lui
est tout spirituel. Il ajoute: « Prenez
mon joug sur vous. » — Raban : Le joug du Christ, c’est son Évangile qui réunit et associe les Juifs et les Gentils dans l’unité de la foi. Il nous ordonne de prendre ce joug sur nous, c’est-à-dire de le traiter avec honneur, de peur qu’en le mettant au-dessous de nous, c’est-à-dire en n’ayant que du mépris pour lui, nous ne venions à le fouler sous les pieds fangeux des vices; c’est pour cela qu’il ajoute: « Apprenez de moi. » — Saint Augustin : (serm.
10 sur les
paroles da Seig.) [Apprenez de moi], non pas à créer l’univers, à faire
des miracles dans ce monde, mais apprenez que je suis doux et humble de cœur.
Voulez-vous devenir grand ? commencez par les plus petites choses. Vous
proposez-vous de construire un édifice d’une hauteur prodigieuse ?
occupez-vous tout d’abord d’asseoir les fondements à une grande profondeur;
plus l’édifice doit être élevé, plus les fondements que l’on creuse doivent
être profonds. Or, jusqu’où doit s’élever le sommet de l’édifice que nous
voulons construire ? Jusque sous les regards de Dieu. — Raban : Il
nous faut donc apprendre de notre Sauveur à avoir des moeurs douces et des
sentiments humbles, à ne blesser personne, à ne mépriser personne et à
posséder dans le fond de notre cœur les vertus dont nous pratiquons les
oeuvres au dehors. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) C’est pour cela que Notre
Seigneur a commencé l’exposition de ses lois divines par l’humilité, et qu’il
lui promet une magnifique récompense en
ajoutant: « et vous trouverez
le repos de vos âmes. » C’est là, en effet, la plus grande
récompense; car c’est ainsi que non seulement vous deviendrez utiles aux
autres, mais que vous vous procurerez à vous-mêmes le repos intérieur. Il
vous donne dès maintenant cette récompense, en attendant le repos éternel
qu’il vous réserve dans l’avenir. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39.) Pour bannir tout sentiment de
crainte que pourrait inspirer l’idée seule de joug et de fardeau, il
s’empresse d’ajouter: « Mon joug
est doux, et mon fardeau léger. » —
Saint Hilaire : (can.
11.) Il nous propose l’image souriante d’un joug suave et d’un fardeau
léger, pour donner à ceux qui croiront en lui comme un pressentiment du
bonheur que lui seul a vu dans le sein de son Père. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 4.) Quel fardeau si lourd
impose-t-il donc à nos âmes en nous commandant de fuir tout désir qui porte
le trouble dans notre cœur, et en nous avertissant d’éviter les sentiers si
difficiles de ce monde ? —
Saint Hilaire : Qu’y a-t-il, au contraire, de plus
doux que ce joug, de plus léger que ce fardeau: devenir plus estimé, s’abstenir
de tout crime, vouloir le bien, repousser le mal, aimer tous les hommes,
n’avoir de haine pour personne, chercher à mériter les biens éternels, ne pas
se laisser séduire par les choses présentes, et ne jamais faire à un autre ce
qu’on ne voudrait pas souffrir soi-même ? — Raban : Mais
comment le joug du Christ peut-il être plein de douceur, alors que lui-même
nous dit plus haut (Mt 7): « La voie qui conduit à la vie est
étroite » ? C’est que ce sentier étroit dans le commencement,
s’élargit avec le temps par les ineffables délices de la charité. —
Saint Augustin : (serm. sur les paroles du Seig.) Disons encore que ceux qui ont pris sur leurs
épaules avec courage le joug du Seigneur, ont à courir des dangers si
considérables, qu’on peut dire avec vérité qu’ils ne passent jamais du
travail au repos, mais toujours du repos au travail. (2 Co 6.) Cependant l’Esprit saint était avec lui pour renouveler de
jour en jour l’homme intérieur, au milieu des ruines toujours croissantes de
l’homme extérieur, et grâce au repos spirituel qu’il fait goûter à l’âme, à
l’abondance des délices toutes divines qu’il répand dans les cœurs, à
l’espérance du bonheur éternel qu’il nous donne, il adoucissait pour lui
toutes les rigueurs, et allégeait tous les fardeaux accablants [de la vie
présente]. Les hommes consentent à être déchirés ou brûlés pour racheter, au
prix de douleurs aiguës, non seulement les douleurs éternelles, mais les
souffrances prolongées de cette vie. Quelles tempêtes, quelles tourmentes
n’ont pas affrontées les marchands pour acquérir des richesses périssables ?
D’ailleurs ceux qui ne les aiment pas ont à supporter les mêmes peines, et
ceux qui les aiment, tout en les supportant, ne s’en trouvent pas accablés.
Il en est ainsi de toutes les autres épreuves; car l’amour rend facile et
réduit presque à rien ce qu’il y a de plus terrible et de plus affreux.
Combien plus sera-t-il donc vrai de dire que la charité rend facile le chemin
qui conduit au vrai bonheur, lorsque la cupidité rend facile autant qu’elle
le peut celui qui n’aboutit qu’à la misère ? —
Saint Jérôme : Comment peut-on dire que l’Évangile
est un joug plus léger que la loi, alors qu’il punit la colère et la simple
convoitise, tandis que la loi n’atteint que l’homicide et l’adultère ?
C’est que la loi renferme un grand nombre de préceptes dont l’Apôtre déclare
ouvertement l’accom-plissement impossible. La loi exige les oeuvres;
l’Evangile demande surtout la volonté, et, n’eût-elle pas son effet, elle ne
perd pas sa récompense. L’Evangile nous commande ce qui nous est possible,
c’est-à-dire de ne pas nourrir de mauvais désirs, ce qui dépend de notre
volonté; la loi, qui n’atteint pas la volonté, punit seulement le fait pour
vous détourner de l’adultère. Supposez qu’une vierge soit outragée dans une
persécution, l’Évangile la recevra comme vierge, parce que sa volonté n’a pas
consenti au péché, tandis que la loi la rejettera comme ayant perdu son
honneur. |
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Caput 12 |
CHAPITRE 12 —
[Opposition croissante et rejet]
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Lectio 1 [85471] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 1 Glossa. Narrata praedicatione cum
miraculis unius anni ante quaestionem Ioannis factis, transit ad ea quae
facta sunt in alio anno, scilicet post mortem Ioannis, quando iam in omnibus
Christo contradicitur; unde dicitur in illo tempore abiit Iesus per sata
sabbato. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem
quod hic sequitur, sine ulla repugnantiae quaestione commemoratur a Marco et
a Luca; sed illi non dicunt in illo tempore: unde fortassis Matthaeus rei
gestae hic ordinem tenuit; illi autem recordationis suae: nisi latius
accipiatur quod dictum est, in illo tempore, idest quo haec multa et diversa
gerebantur; unde concipitur ista omnia post mortem Ioannis completa esse. Cum
enim Ioannes discipulos suos ad Christum misisset, creditur post paululum
decollatus fuisse: unde cum dicitur in illo tempore, interminatum tempus
ponere videtur. Chrysostomus in Matth. Quare autem per sata
sabbato eos ducebat qui omnia praescivit, nisi quia volebat solvere sabbatum?
Volebat quidem, sed non simpliciter; ideoque non sine causa id solvit, sed
dans occasionem rationabilem, ut et legem cessare faciat, et legem non
offendat: et ideo hic, ut Iudaeos mitiget, naturae necessitatem praemittit;
et hoc est quod dicitur discipuli autem eius esurientes coeperunt vellere
spicas, et manducare. Quamvis in peccatis quae manifesta sunt, nulla sit
excusatio: neque enim occidens, ad sui excusationem potest furorem
praetendere, neque qui adulterat, concupiscentiam, sed nec ullam aliam
causam, hic tamen famem inducens, discipulos ab omni accusatione liberat.
Hieronymus. Ut autem in alio Evangelista
legimus, propter nimiam importunitatem, nec vescendi quidem habebant locum;
et ideo quasi homines esuriebant. Quod autem segetum spicas manibus
confricant, et in eisdem consolantur, vitae austerioris indicium est; non
praeparatas epulas, sed simplicem cibum quaerentium. Chrysostomus in Matth. Tu autem admirare
discipulos, qui ita erant oppressi quod nullam corporalium habebant curam,
sed contemnebant carnalem mensam; et fame oppugnabantur, nec tamen desistebant
a Christo: nisi enim eos cogeret vehementer esuries, nequaquam hoc fecissent.
Quid autem Pharisaei ad hoc dicerent, subditur Pharisaei autem videntes,
dixerunt ei: ecce discipuli tui faciunt quod non licet facere sabbatis. Augustinus de Oper. Monach. De sabbato autem
potius quam de furto discipulos domini Iudaei calumniati sunt: quia populo
Israel per legem praeceptum est ut in agris suis furem nullum tenerent, nisi
qui secum aliquid vellet auferre: nam qui nihil aliud attigisset quam id quod
comedisset, liberum impunitumque abire sinerent. Hieronymus. Nota vero quod primi apostoli
salvatoris litteram sabbati destruunt adversus Ebionitas, qui cum ceteros
recipiant apostolos, Paulum tamquam transgressorem legis repudiant. Deinde ad
excusationem eorum subditur at ille dixit eis: non legistis quid fecerit
David, quando esuriit? Ad confutandam siquidem calumniam Pharisaeorum,
veteris recordatur historiae: quando David fugiens Saulem, venit in Nobe, et
ab Abimelech sacerdote susceptus postulavit cibos, qui cum panes laicos non
haberet, dedit eis consecratos panes, quibus non licebat vesci nisi solis
sacerdotibus et Levitis: melius arbitratus de famis periculo homines
liberare, quam Deo sacrificium offerre: hostia enim Deo placabilis est
hominum salus. Opponit ergo dominus, et dicit: si et David sanctus est, et
Abimelech pontifex a vobis non reprehenditur, et legis utrique mandatum
probabili excusatione transgressi sunt, et fames in causa est, cur eamdem
famem non probatis in apostolis quam probatis in ceteris? Quamquam et in hoc
multa distantia sit. Isti spicas in sabbato manu confricant; illi panes
comederunt leviticos, et ad sabbati solemnitatem accedebant Neomeniarum dies,
quibus requisitus in convivio fugit ex aula regia. Chrysostomus in Matth. Excusans autem
discipulos, David in medium adducit. Etenim multa prophetae huius erat gloria
apud Iudaeos. Nec potest responderi, quod David propheta erat: quia nec
propter hoc ei licebat, sed sacerdotibus solis. Tanto
autem magis discipulos ab accusatione liberat, quanto maior invenitur qui hoc
fecit, sed etsi David propheta erat, non tamen qui cum ipso erant. Hieronymus. Observa tamen, quod panes
propositionis nec David nec pueri eius acceperunt, antequam mundos se a
mulieribus esse responderint. Chrysostomus in Matth. Sed dicet aliquis: quid
est exemplum hoc ad id quod quaeritur? Non enim David sabbatum transgressus
est. Sed in hoc ostenditur Christi sapientia, qui exemplum fert sabbatis
maius. Neque enim est aequale transgredi sabbati diem, quod multoties factum
est, et sacram illam tangere mensam, quod nulli fas erat. Deinde rursus et
aliter solvit, principaliorem inducens solutionem, cum dicit aut non legistis
in lege, quia sabbatis sacerdotes in templo sabbatum violant, et sine crimine
sunt? Hieronymus. Ac si diceret: calumniamini
discipulos meos cur sabbato spicas triverint, famis necessitate cogente, cum
ipsi sabbatum violetis in templo immolantes victimas, caedentes tauros,
holocausta super lignorum struem incendio concremantes; et iuxta alterius
Evangelii fidem, circumciditis parvulos in sabbato, ut dum aliam legem
servare cupitis, sabbatum destruatis. Numquam autem leges Dei sibi contrariae
sunt; et prudenter, ubi discipuli sui argui poterant transgressionis, et
Abimelech et David dicit exempla sectantes; veram autem, et absque
necessitatis obtentu, sabbati praevaricationem in ipsos refert qui calumniam
fecerant. Chrysostomus in Matth. Ne autem mihi dicas,
quoniam afferre in medium alium peccantem, non est erui ab accusatione: cum
enim non accusatur qui fecit, excusatio fit circa id, quod factum est. Verum
hoc non sufficit, sed quod maius est dixit quod sine crimine sunt. Vide autem
quanta posuit. Locum, ubi dicit in templo; tempus, cum dicit sabbatis; legis
remissionem, cum dicit violant, et non solum solvunt; et quod non solum
liberantur a poena, sed a culpa liberati sunt: unde dicit sine crimine sunt.
Neque autem hoc secundum simile est priori quod dixerat de David; illud enim
et semel factum est, et a David non sacerdote, et necessitatis causa fuit;
hoc autem secundum singulo sabbato, et a sacerdotibus, et secundum legem. Et
ideo non secundum veniam, ut in primo exemplo; sed secundum legem sunt
discipuli ab accusatione liberati. Sed numquid discipuli sunt sacerdotes?
Immo sunt sacerdotibus maiores: ipse enim aderat, qui templi est dominus, qui
veritas est, et non typus: et ideo subditur dico autem vobis, quia templo
maior est hic. Hieronymus. Hic non pronomen, sed adverbium
loci legendum est, quod maior templo sit locus qui dominum templi teneat.
Augustinus de quaest. Evang. Notandum autem,
unum exemplum datum esse regiae potestatis de David, alterum sacerdotalis, de
his qui propter ministerium templi sabbata violant; ut multo minus ad ipsum
evulsarum sabbato spicarum crimen pertineat, qui verus rex et verus sacerdos
est. Chrysostomus in Matth. Deinde, quia grave
audientibus videbatur esse quod dixerat, rursus convolat ad misericordiam,
sermonem cum quadam vehementia inducens, cum dicit si autem sciretis quid est
misericordiam volo, et non sacrificium, nunquam condemnassetis innocentes.
Hieronymus. Quid autem est misericordiam volo,
et non sacrificium, supra diximus. Quod autem dicit nunquam condemnassetis
innocentes, de apostolis intelligendum est; et est sensus: si misericordiam
comprobastis Abimelech, eo quod periclitantem fame David refocillavit, quare
meos discipulos condemnatis? Chrysostomus in Matth. Vide autem rursus
qualiter ad veniam ducens sermonem, discipulos rursus venia superiores
ostendit in hoc quod dicit eos innocentes; quod quidem supra et de
sacerdotibus dixerat. Deinde et aliam causam dicit quare sunt innocentes,
dicens dominus est filius hominis etiam sabbati. Remigius. Filium autem hominis seipsum
appellat; et est sensus: ille quem vos purum hominem putatis, Deus est omnium
creaturarum dominus, et etiam sabbati; et ideo potest legem mutare pro sua
voluntate, quia fecit eam. Augustinus contra Faustum. Discipulos autem
suos vellere spicas sabbato non prohibuit, ut inde convinceret et praesentes
Iudaeos et futuros Manichaeos, qui herbam non evellunt, ne homicidium
perpetrent. Hilarius in Matth. Mystice autem in principio
est contuendum, sermonem hunc ita coeptum esse: in illo tempore, quo scilicet
Deo patri gratiam, data gentibus salute, confessus est. Ager autem mundus
est, sabbatum otium est, seges crediturorum profectus in messem: ergo sabbato
in agrum profectus in legis otio, domini progressus in hunc mundum est;
esuries fames est salutis humanae. Rabanus. Spicas vellunt dum singulos homines a
terrena intentione retrahunt; fricant dum a concupiscentia carnis mentes
exuunt; grana comedunt dum emendatos in corpus Ecclesiae traiciunt. Augustinus de quaest. Evang. Nullus autem
transit in corpus Christi nisi carnalibus spoliatus fuerit indumentis,
secundum illud apostoli: exuite vos veterem hominem. Glossa. Sabbato hoc agunt, scilicet spe
quietis aeternae, ad quam alios invitant. Rabanus. Item ambulant per sata cum
domino, qui in Scripturarum meditatione delectantur; esuriunt dum panem
vitae, idest Dei amorem, in eis invenire desiderant; vellunt spicas et terunt
dum testimonia discutiunt, donec inveniant quod latebat in littera; et hoc,
sabbato, dum a turbis cogitationibus vacant. Hilarius. Pharisaei, qui penes se clavem
caelorum esse existimabant, illicita agere discipulos arguunt; quos dominus
factorum, in quibus sub rerum argumento prophetiae ratio continetur,
admonuit; atque ut ostenderet omnium rerum efficaciam, speciem futuri operis
continere, adiecit si autem sciretis quid est misericordiam volo: opus enim
salutis nostrae non in sacrificio legis, sed in misericordia est; et lege
cessante, in Dei bonitate salvamur. Cuius rei donum si intellexissent,
nunquam condemnassent innocentes, idest apostolos suos, quos insimulaturi
erant transgressae legis invidia, cum sacrificiorum vetustate cessante,
universis per eos misericordiae novitas subveniret. |
Versets 1-8.
— La Glose : Après avoir raconté les prédications et les miracles qui eurent lieu
l’année qui précéda le supplice de Jean-Baptiste, 1’Évangéliste passe aux
événements de l’année qui suivit la mort de Jean, alors que Jésus-Christ
commence à être en butte à toutes sortes de contradictions, et il ouvre son
récit par ces paroles: « Dans ce
temps-là, Jésus traversait des moissons un jour de sabbat ». —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., liv. 2, chap. 34.)
Ce qui suit est raconté par saint Marc (Mc 2) et par saint Luc (Lc 6) sans
l’ombre même de contradiction; mais ils ne disent pas: « En ce temps
là » ; d’où l’on peut conclure que saint Matthieu suit dans sa
narration l’ordre des faits, et les autres l’ordre de leurs souvenirs, à
moins qu’on ne donne un sens plus large à ces paroles: « En ce temps là », c’est-à-dire dans le temps où
toutes ces choses et une foule d’autres faits avaient lieu. Toutes ces choses
se seraient donc passées après la mort de Jean; car on croit qu’il fut
décapité peu de temps après qu’il eut envoyé ses disciples consulter
Jésus-Christ. Cette locution: « Dans ce temps-là, » exprimerait alors
un temps indéterminé. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
40.) Mais
pourquoi le Seigneur, dont la prescience s’étendait à tout, conduisait-il ses
Apôtres le long des blés un jour de sabbat si son intention n’était pas que
le sabbat fût violé ? Il le voulait en effet, mais non pas absolument,
c’est-à-dire sans raison, et il choisissait une occasion légitime de mettre
fin à la loi, sans paraître la violer. Aussi pour adoucir les esprits des
Juifs prévenus contre lui, il met en avant une nécessité naturelle: « Ses disciples ayant faim commençèrent
à arracher les épis et à les manger ». Ce n’est pas, sans doute,
qu’il puisse y avoir jamais d’excuse, pour ce qui est évidemment péché; ainsi
ni l’homicide ne peut s’excuser par l’excès de la colère, ni l’adultère par
la violence de ses désirs ; ici néanmoins, en alléguant la nécessité de la
faim et non toute autre cause, il
délivre ses disciples de toute culpabilité. —
Saint Jérôme : Nous lisons chez un autre
Évangéliste, que les disciples, importunés par la foule, n’avaient même pas
le temps de manger: ils avaient donc naturellement faim. Ils apaisent cette
faim en broyant entre leurs mains des épis de blé et ils s’en contentent,
preuve de l’austérité de leur vie; ils n’ont pas besoin d’aliments
recherchés, la plus simple nourriture leur suffit. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 40.) Admirez ces disciples, qui dans
une aussi dure nécessité, n’ont aucun souci de leur corps, oublient la
nourriture qu’il réclame, et qui, bien que pressés par la faim, ne se
séparent pas de Jésus-Christ; car ils n’auraient pas eu recours à ce moyen
s’ils n’y avaient été poussés par une faim violente. Que trouvèrent donc à
reprendre les pharisiens dans cette action ? L’Évangéliste nous
l’apprend: « Ce que les pharisiens
voyant, ils lui dirent : Voilà que vos disciples font ce qu’il n’est pas
permis de faire le jour du sabbat. » —
Saint Augustin : (du trav. des moines, chap. 23.)
L’accusation des Juifs contre les disciples du Seigneur porte plutôt sur la
violation du sabbat que sur le vol qu’ils auraient commis; car la loi
défendait aux enfants d’Israël, de ne saisir comme voleur dans leurs champs,
que celui qui voulait emporter quelque chose avec lui, et ils devaient
laisser aller en liberté, et sans lui infliger aucune peine, celui qui n’y avait
pris que ce qu’il voulait manger (cf. Dt 23). —
Saint Jérôme : Remarquez que les premiers Apôtres du
Sauveur, en détruisant l’observation littérale du sabbat, condamnent les
Ébionites, qui reçoivent tous les Apôtres à l’exception de saint Paul, qu’ils
rejettent comme transgresseur de la loi. Or, quelle excuse le Seigneur
donne-t-il ensuite de leur conduite: « N’avez-vous
pas lu ce que fit David lorsqu’il avait faim ? » Pour détruire
l’accusation calomnieuse des pharisiens, il leur rappelle ce fait de l’histoire
ancienne, alors que David, fuyant Saül, vint à Nobé, où il fut reçu par le
grand-prêtre Abimélech, et lui demanda de lui donner à manger. (1 R 21.) Abimélech, n’ayant pas de
pain ordinaire, lui donna les pains sanctifiés, qu’il n’était permis de
manger qu’aux prêtres seuls et aux lévites (Lv 24); il jugea qu’il valait mieux arracher des hommes au
danger de la faim que d’offrir un sacrifice à Dieu, car le salut des hommes,
c’est une hostie qui lui est on ne peut plus agréable. C’est cette raison que
le Seigneur leur oppose par ce raisonnement: si vous regardez David comme un
saint, si vous n’osez incriminer la conduite du grand-prêtre Abimélech, alors
que tous deux ont transgressé la loi pour une raison plausible, tirée de la
faim qu’il éprouvait, pourquoi ne pas accepter en faveur de mes disciples le
motif d’excuse que vous approuvez dans les autres ? Il y avait
d’ailleurs une grande différence entre ces deux faits: les uns ne faisaient
que broyer quelques épis entre leurs mains le jour du sabbat, tandis que les
autres avaient mangé des pains destinés aux seuls lévites dans un jour où les
fêtes des Néoménies (cf. Nomb., 28, 11.15; 10, 10) venaient s’ajouter à la
solennité du sabbat. C’était, en effet, à l’occasion de ces fêtes que David,
qui devait s’asseoir à la table du roi, s’était enfui de la cour. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
40.) Notre
Seigneur cite l’exemple de David pour excuser ses disciples, car l’autorité
du Prophète était grande parmi les Juifs. Et ils ne pouvaient lui objecter
que David était prophète, car ce titre ne lui donnait aucun droit de manger
des pains réservés aux prêtres seuls. Or, plus l’exemple qu’il choisit est
grand, plus le motif d’excuse qu’il invoque en faveur de ses disciples est
péremptoire. D’ailleurs si David était prophète, les gens de sa suite ne
l’étaient pas. —
Saint Jérôme : Remarquez cependant que ni David ni
les gens de sa suite ne mangèrent des pains de proposition qu’après avoir
affirmé qu’ils étaient purs de tout contact avec les femmes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41.) Mais on me dira: Que fait cet
exemple à la question qui nous occupe ? car David n’a pas transgressé le
sabbat. Notre Seigneur nous montre ici sa sagesse, en choisissant l’exemple
d’une transgression plus grande que la violation du sabbat, car on est
beaucoup moins coupable de transgresser le sabbat, ce qui est bien souvent
arrivé, que de toucher à cette table sainte, ce qui n’était permis à
personne. Il donne ensuite une solution différente et plus directe en
ajoutant: « Est-ce que vous n’avez
pas lu dans la loi que les prêtres violent le sabbat dans le temple, et ne
sont pas néanmoins coupables ? » —
Saint Jérôme : Comme s’il disait: Vous accusez mes
disciples de ce qu’étant pressés par la faim ils ont broyé quelques épis le
jour du sabbat, lorsque vous-mêmes vous violez le sabbat dans le temple en
immolant des victimes, en égorgeant des taureaux, en brûlant des holocaustes
sur des bûchers enflammés; et d’après le témoignage d’un autre Évangéliste (Jn 7), vous donnez la circoncision à
vos enfants le jour du sabbat, violant ainsi la loi du sabbat pour en
observer une autre. Les lois de Dieu ne s’opposent jamais les unes aux autres,
et c’est avec une sagesse vraiment admirable que pour justifier ses Apôtres
de les avoir transgressées, il montre qu’ils n’ont fait que suivre les
exemples d’Abimélech et de David. Il fait voir en même temps que les auteurs
de cette calomnie sont eux-mêmes coupables d’une transgression du sabbat bien
plus réelle, sans avoir pour eux l’excuse de la nécessité. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
40.) Et
ne me dites pas que ce n’est pas se justifier d’une accusation que de
s’appuyer sur l’exemple d’un autre qui est également coupable; car lorsque
l’auteur d’un fait n’est pas accusé, ce fait peut être invoqué comme moyen de
justification. Mais Notre Seigneur ne se contente pas de cette raison, et il
en apporte une bien plus forte en ajoutant que ceux qu’il a choisis pour
exemples ne sont point coupables. Et voyez que de circonstances réunies: le
lieu, c’est dans le temple; le temps, c’est le jour du sabbat; le fait
lui-même, ce n’est pas une simple infraction, c’est une violation de la loi,
et cependant non seulement ils ne sont soumis à aucune peine, mais ils sont
exempts de toute faute; ce qu’il exprime en ces termes: « et ils ne sont pas coupables. » Or, ce second exemple
n’est cependant point semblable au premier qui concernait David. Le premier
n’a eu lieu qu’une fois, il a été donné par David qui n’était pas prêtre, et
qui avait pour lui l’excuse de la nécessité; le second, au contraire, se
reproduit tous les jours du sabbat dans la personne des prêtres, et il est
selon la loi, et ainsi ce n’est plus seulement par indulgence, comme dans le
premier exemple, mais en suivant la rigueur de la loi, que la conduite de ses
disciples est justifiée. Mais est-ce que les disciples sont prêtres ?
Ils sont plus que prêtres, car ils avaient avec eux le Seigneur du temple,
qui n’est plus une figure, mais bien la vérité; c’est pour cela qu’il ajoute:
« Je vous dis qu’il y a ici quelqu’un
plus grand que le temple. » —
Saint Jérôme : Le mot hic doit être pris ici non pas comme pronom, mais comme adverbe
de lieu, c’est-à-dire que le lieu où se trouvait le maître du temple était
plus grand que le temple lui-même. —
Saint Augustin : (Quesi. évang., liv. 2, chap. 40.) Il faut
remarquer que Notre Seigneur emprunte le premier exemple à la puissance
royale dans la personne de David, et le second au ministère sacerdotal dans
la personne des prêtres qui violent le sabbat pour le service du temple.
L’accusation tirée des épis froissés le jour du sabbat ne pouvait donc en
aucune manière peser sur lui, qui était vrai roi et le prêtre véritable. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40.) Ce qu’il venait de dire pouvait
paraître dur à ceux qui l’entendaient; il les ramène de nouveau à la pensée
de la miséricorde, et en parle avec une certaine force de langage en leur
disant: « Si vous saviez bien ce
que signifie cette parole: Je veux la miséricorde et non le sacrifice, vous
n’auriez jamais condamné des innocents. » —
Saint Jérôme : Nous avons déjà expliqué plus haut
(Mt 9, 13) ce que signifient ces paroles: « J’aime
mieux la miséricorde que le sacrifice. » Quant à celles qui suivent:
« Jamais vous n’auriez condamné
des innocents », elles doivent s’entendre des Apôtres dans ce sens:
si vous approuvez la commisération d’Abimélech qui donne du pain à David
pressé par la faim, pourquoi condamnez-vous mes disciples ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40.) Voyez comment il revient de
nouveau sur la nécessité du pardon, et comment il prouve que les disciples
sont au-dessus du pardon, en déclarant qu’ils sont innocents, comme il l’avait dit plus haut des
prêtres. Il donne ensuite une nouvelle raison de leur innocence, en ajoutant:
« Le Fils de l’homme est maître
même du sabbat. » —
Saint Rémi : Or, le Fils de l’homme, c’est lui-même,
et voici le sens de ces paroles: Celui que vous regardez comme un simple
mortel est Dieu, le Seigneur de toutes les créatures, et le maître du sabbat;
il peut donc changer la loi à son gré, puisque c’est lui qui l’a faite. —
Saint Augustin : (cont. Faust, 16, 28.) Il ne défend pas à
ses disciples de broyer des épis le jour du sabbat, pour condamner les Juifs
d’alors et les Manichéens qui devaient venir plus tard, et qui n’osent
arracher l’herbe, de peur de commettre un homicide. — Saint Hilaire : (can. 12 sur S. Matth.) Dans
le sens mystique, remarquons tout d’abord que ce discours commence par ces
paroles: « Dans ce temps-là »,
c’est-à-dire dans le temps où il rendit grâces à Dieu son Père du salut
auquel il appelait les Gentils. Ce champ que traversent les disciples, c’est
le monde; le sabbat, c’est le repos; la moisson, le progrès de ceux qui
doivent embrasser la foi et s’avancer vers la maturité. Donc cette entrée
dans le champ le jour du sabbat, c’est l’avènement du Seigneur dans le monde,
lorsque la loi était comme frappée d’inactivité; cette faim, c’est le désir
qu’il avait du salut des hommes. — Raban : Ils cueillent des
épis, lorsqu’ils arrachent tous les hommes aux désirs de la terre; ils
broient ces épis lorsqu’ils dépouillent les âmes de la concupiscence de la
chair; ils mangent les grains, lorsqu’ils incorporent à l’Église les âmes
qu’ils viennent de purifier. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 2, 2.) Personne ne peut
faire partie du corps de Jésus-Christ, s’il ne s’est dépouillé de ses
vêtements charnels, selon cette recommandation de l’Apôtre: « Dépouillez-vous du vieil
homme. » (Col 3.) — La Glose : Les Apôtres font cette action le jour du sabbat, c’est-à-dire dans
l’espérance du repos éternel auquel ils invitent tous les hommes. — Raban : On peut dire
aussi que ceux qui trouvent leurs délices dans la méditation des Écritures,
marchent à travers les blés avec le Seigneur; ils ont faim, parce qu’ils ont
le désir d’y trouver le pain de vie, c’est-à-dire l’amour de Dieu; ils
arrachent les épis et ils les broient lorsqu’ils discutent les témoignages [de
l’Écriture] pour y trouver ce qui est caché sous la lettre, et ils font cela
le jour du sabbat, alors qu’ils sont plus libres des pensées tumultueuses du
monde. — Saint Hilaire : Les pharisiens, qui croyaient avoir entre leurs mains la clef des cieux, reprochent aux disciples d’avoir fait ce que la loi leur défendait. Le Seigneur leur répond en leur donnant un avertissement qui contient une espèce de prophétie; et pour montrer que ce genre d’actions renfermait une souveraine efficacité, il ajoute: « Si vous saviez ce que signifient ces paroles: Je préfère la miséricorde au sacrifice. » En effet, l’oeuvre de notre salut ne dépend pas du sacrifice, mais de la miséricorde; et, la loi cessant d’exister, nous sommes sauvés par la bonté de Dieu. Or, s’ils avaient compris la grandeur de ce don, jamais ils n’auraient condamné des innocents, c’est-à-dire les Apôtres, qu’ils accusaient par jalousie d’avoir transgressé la loi. Car les anciens sacrifices étant abrogés, la loi nouvelle, loi de miséricorde, venait au secours de tous les hommes par le moyen des Apôtres. |
Lectio 2 [85472] Catena in Mt., cap. 12 l. 2 Hieronymus.
Quia destructionem sabbati, qua discipulos arguebant, probabili exemplo
excusaverat, ipsum calumniari volunt: unde dicitur et cum inde transisset,
venit in synagogam eorum. Hilarius in Matth. Haec enim quae
praemissa sunt, in campo dicta gestaque sunt, et post haec synagogam ingreditur.
Augustinus de Cons. Evang. Posset autem putari eodem die factum et
de spicis et de isto sanato, quoniam et sabbatum hic commemoratur; nisi Lucas
aperuisset, alio sabbato factum fuisse. Proinde quod dicit Matthaeus et cum
inde transisset venit in synagogam eorum, non quidem venit nisi cum inde
transisset; sed post quot dies in synagogam eorum venerit posteaquam a segete
illa transiit, an recte continuoque illuc ierit, non expressum est: ac per
hoc locus datur narrationi Lucae, qui dicit alio sabbato huiusmodi manum
fuisse sanatam. Hilarius. Ingresso autem synagogam, hominem
aridae manus offerunt, interrogantes an curare sabbatis liceret, occasionem
arguendi eum ex responsione quaerentes; unde sequitur et ecce homo manum
habens aridam, et interrogabant eum dicentes: si licet sabbato curare? Chrysostomus in Matth. Non autem interrogant
ut addiscant, sed ut accusent eum: unde sequitur ut accusarent eum. Quamvis
et ipsum opus sufficeret si accusare volebant; sed et per verba volebant
captionem invenire, maiorem copiam arguitionum sibi praeparantes. Hieronymus. Et interrogant, utrum liceat
curare sabbatis: ut si non curaverit, crudelitatis aut imbecillitatis; si
curaverit, transgressionis vitio eum accusent. Augustinus de Cons. Evang. Sed potest movere
quomodo Matthaeus dixerit, quod ipsi interrogaverunt dominum si licet sabbato
curare? Cum Marcus et Lucas illos potius a domino interrogatos esse
perhibeant: licet sabbato bene facere, an male? Itaque intelligendum, quod
illi prius interrogaverunt dominum si licet sabbato curare? Deinde
intelligens cogitationes eorum, aditum accusandi quaerentium, constituit in
medio illum quem erat sanaturus, et interrogavit quae Marcus et Lucas eum
interrogasse commemorant: et tunc illis tacentibus, proposuit similitudinem
de ove, et conclusit quod licet sabbato benefacere; unde sequitur ipse autem
dixit illis: quis erit ex vobis homo, qui habens ovem unam? et cetera. Hieronymus. Ubi sic solvit propositam
quaestionem, ut interrogantes avaritiae condemnaret. Si vos, inquit, in
sabbato ovem et aliud quodlibet animal in foveam decidens eripere festinatis,
non animali sed vestrae avaritiae consulentes, quanto magis ego hominem, qui
multo melior est ove, debeo liberare? Rabanus. Competenti ergo exemplo solvit quaestionem
eorum, ut eos ostendat sabbatum violare in opere cupiditatis, qui eum violare
arguunt in opere caritatis; legem male interpretantes, qui dicunt in sabbato
a bonis feriandum in quo a malis tantum feriandum est. Unde Levitico: opus
servile non facietis in eis, hoc est peccatum. Sic in aeterna requie a malis
tantum feriabitur, non a bonis. Augustinus de Cons. Evang. Proposita autem
similitudine de ove, concludit, quod liceat sabbato benefacere, dicens itaque
licet sabbatis benefacere. Chrysostomus in Matth. Intende autem qualiter
varias excusationes de solutione sabbati inducit. Sed quia iam insanabiliter
aegrotabat, ad opus processit; unde sequitur tunc ait homini: extende manum
tuam; et extendit, et restituta est sanitati sicut altera. Hieronymus. In Evangelio quo utuntur Nazaraei
et Ebionitae (quod nuper in Graecum de Hebraico sermone transtulimus, et quod
vocatur a plerisque Matthaei authenticum) homo iste qui aridam habet manum,
caementarius scribitur, istiusmodi vocibus auxilium precans: coementarius
eram manibus victum quaeritans; precor te, Iesu, ut mihi restituas sanitatem,
ne turpiter mendicem cibos. Rabanus. Sabbatis autem praecipue docet et
operatur Iesus, non solum propter spirituale sabbatum, sed etiam propter
celebriorem populi conventum, quaerens salutem omnium. Hilarius in Matth. Mystice autem post reditum
de segete, ex qua iam apostoli fructus sationis acceperant, ad synagogam
venit, iam illic messis suae opus paraturus: quia plures postmodum una cum
apostolis extiterunt qui curabantur. Hieronymus. Usque autem ad adventum domini
salvatoris arida manus in synagoga Iudaeorum fuit, et Dei opera non fiebant
in ea; postquam autem ille venit in terras, reddita est in apostolis
credentibus dextera, et operi pristino restituta. Hilarius. Curatio autem omnis in verbo est: et
manus sicut altera redditur: idest, similis ministerio apostolorum in
officium dandae salutis efficitur; docetque Pharisaeos aegre ferre non
oportere operationem humanae salutis in apostolis, cum ipsis ad officii
eiusdem ministerium manus sit reformanda, si credant. Rabanus. Vel aliter. Homo qui habebat
manum aridam, humanum genus indicat, sterilitate boni operis arefactum per
manum ad pomum extensam, quam sanavit manus innocens in cruce extensa. Et
bene manus in synagoga erat arida; quia ubi maius donum scientiae, ibi
gravius est inexcusabilis noxae periculum. Sananda autem manus arida iubetur
extendi; quia infructuosae debilitas animae nullo melius ordine quam
eleemosynarum largitate curatur. Habebat autem homo dexteram manum languidam,
quia ab eleemosynis torpebat; sinistram sanam, quia suae utilitati
intendebat. Sed veniente domino, dextera sanatur ut sinistra: quia quod
congregaverat avide, modo distribuit caritative. |
Versets 9-13.
— Saint Jérôme : Comme
Notre Seigneur avait, d’une manière convaincante, justifié ses disciples du
reproche qu’on leur faisait d’avoir violé le jour du sabbat, les pharisiens
s’attachent à le calomnier lui-même. « Étant parti de là, dit
l’écrivain sacré, il vint dans leur synagogue. » —
Saint Hilaire : (can. 12.) Ce qui précède s’était passé au
milieu des champs, et ce n’est qu’après qu’il entre dans la synagogue. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 35.) On
pourrait croire que l’épisode des épis et la guérison que saint Matthieu
raconte à la suite ont eu lieu le même jour, puisque dans ce dernier cas il
fait encore mention du jour du sabbat, si d’ailleurs saint Luc ne nous
apprenait qu’il opéra cette guérison un autre jour de sabbat. Cette manière
de s’exprimer de saint Matthieu: « Et partant de là, il vint dans
leur synagogue, » signifie
donc seulement qu’il ne vint dans la synagogue qu’après avoir quitté le
champ, sans indiquer si c’est immédiatement ou plusieurs jours après; et cela
suffit pour donner raison au récit de saint Luc, qui rattache cette guérison
à un autre jour de sabbat. — Saint Hilaire : (can.
12.) A
peine est-il entré dans la synagogue, qu’ils lui présentent un homme dont la
main est desséchée, et lui demandent s’il est permis de guérir le jour du sabbat,
pour trouver dans sa réponse une occasion de le condamner. « Et il se
trouva là un homme qui avait une main desséchée, et ils l’interrogeaient :
est-il permis de le guérir un jour de sabbat ? » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
41.) Ils
interrogent non pour s’instruire, mais pour trouver occasion de l’accuser,
comme l’Évangéliste le dit clairement: « afin de pouvoir
l’accuser. » Le fait seul suffisait s’ils voulaient l’accuser, mais
ils veulent le prendre dans ses paroles pour se ménager contre lui un plus
grand nombre de sujets d’accusation. —
Saint Jérôme : Ils lui demandent s’il est permis de
guérir le jour du sabbat, afin de l’accuser de cruauté, d’impuissance s’il
s’en abstient, et de transgression de la loi s’il guérit cet homme. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 35.) On peut
être surpris de ce que saint Matthieu dit que ce sont les pharisiens
eux-mêmes qui demandent au Seigneur s’il est permis de guérir le jour du
sabbat, tandis que saint Marc et saint Luc racontent que c’est le Seigneur
lui-même qui leur fait cette question: « Est-il permis de faire du
bien le jour du sabbat ou de faire du mal ? » Il faut donc comprendre qu’ils
l’interrogèrent les premiers, en lui demandant: « Est-il permis de
guérir le jour du sabbat ? » Le Seigneur, voyant dans leur
pensée qu’ils cherchaient une occasion de l’accuser, place au milieu d’eux
celui qu’il devait guérir, et leur adresse la question rapportée par saint
Marc et saint Luc (Mc 3, 4; Lc 6, 9); et comme ils gardent le
silence, il leur propose la comparaison de la brebis, et il conclut en leur
disant: « Il est donc permis de faire du bien les jours du
sabbat. » Il leur répond donc en ces termes: « Quel est
celui qui, parmi vous, ayant une brebis, » etc... —
Saint Jérôme : La réponse qu’il fait à cette
question est une condamnation de leur avarice. Comment, leur dit-il, vous
vous hâtez, le jour du sabbat, de retirer une brebis ou un autre animal de la
fosse où ils sont tombés, et cela non point par compassion pour cet animal,
mais par un sentiment de vil intérêt, et moi je ne devrais pas délivrer un
homme qui vaut mille fois plus qu’une brebis ! — Raban : Cet exemple est
parfaitement choisi pour répondre à leur question et pour leur prouver qu’ils
violent continuellement le sabbat par esprit de cupidité, eux qui lui
reprochent de le violer pour une oeuvre de charité, et qui, par une fausse
interprétation de la loi, prétendent que les bonnes oeuvres sont interdites
le jour du sabbat, tandis qu’on ne doit s’abstenir que des mauvaises; c’est
pour cela qu’il est dit au Lévitique: « Vous ne ferez pas ces
jours-là d’oeuvres serviles », c’est-à-dire de péchés. C’est ainsi
que dans le repos éternel il y aura cessation du mal et non pas du bien. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 35.) Ayant donc
proposé la comparaison de la brebis, il conclut qu’il est permis de faire de
bonnes oeuvres le jour du sabbat. « Donc, leur dit-il, il est permis
de faire du bien les jours du sabbat. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
41.) Remarquez
que d’excuses différentes il apporte pour justifier la violation du sabbat;
mais comme la maladie de cet homme était incurable, il en vient à sa
guérison. Alors il dit à cet homme: « Étendez votre main. Il
l’étendit, et elle redevint saine comme l’autre.» —
Saint Jérôme : Dans l’Évangile dont se servent les
Nazaréens et les Ébionites, que nous avons traduit récemment de l’hébreu en
grec et que plusieurs regardent comme l’Évangile authentique de saint
Matthieu, il est dit que cet homme, dont la main était desséchée, était
maçon, et qu’il pria Jésus en ces termes: « J’étais maçon, demandant ma
nourriture au travail de mes mains; je vous en prie, ô Jésus, rendez-moi la
santé, afin que je ne sois pas réduit à mendier honteusement mon pain. » — Raban : Jésus choisit le
jour du sabbat de préférence pour enseigner et pour guérir, non seulement en
vue du sabbat spirituel, mais aussi à cause du grand concours de peuple parce
qu’il désirait le salut de tous. —
Saint Hilaire : Dans le sens mystique, après le
retour des champs où les Apôtres avaient cueilli les fruits de la moisson,
Jésus vient dans la synagogue pour y préparer l’oeuvre d’une nouvelle
moisson; car plusieurs de ceux qui furent guéris se joignirent plus tard aux
Apôtres. —
Saint Jérôme : Jusqu’à l’avènement du Dieu Sauveur,
la main dans la synagogue des Juifs demeura desséchée et les oeuvres de Dieu ne
s’y produisaient pas; mais lorsqu’il fut venu sur la terre, les Apôtres
rendirent l’usage de cette main droite à ceux qui embrassèrent la foi, et
elle recouvra la même force d’action qu’auparavant. —
Saint Hilaire : Toute guérison se fait par la
parole, et la main redevient semblable à l’autre, c’est-à-dire qu’elle
devient propre au ministère du salut comme celle des Apôtres. Aussi le Seigneur
apprend-il aux pharisiens à ne pas voir avec peine l’oeuvre du salut des
hommes confiée aux Apôtres, puisque, pour l’œuvre de ce même ministère, leur
main à eux aussi sera guérie. — Raban : Ou bien cet homme, dont la main est desséchée, c’est le genre humain qui est devenu complètement stérile en bonnes oeuvres pour avoir étendu vers le fruit défendu cette main qu’a guérie une autre main innocente étendue sur la croix. C’est dans la synagogue que se trouve cette main desséchée, parce que la science, lorsqu’elle est départie avec abondance, expose à des fautes plus graves et sans excuse. Jésus commande d’étendre cette main desséchée qu’il veut guérir; car l’infirmité d’une âme qui ne porte pas de fruit ne peut être guérie par un remède plus efficace que par d’abondantes aumônes. Cet homme avait la main droite desséchée, parce qu’elle était comme engourdie pour les oeuvres de charité; sa main gauche était saine, parce qu’elle servait ses intérêts. A l’arrivée du Seigneur, la main droite devient saine comme la gauche, parce qu’elle distribue par un sentiment de charité ce qu’elle avait amassé par esprit d’avarice. |
Lectio 3 [85473] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 3 Hilarius in Matth. Invidia autem facti
Pharisaeos commovet: quia contuentes hominem in corpore, Deum in operibus non
intelligebant; unde dicitur exeuntes autem Pharisaei consilium faciebant
adversus eum, quomodo eum perderent. Rabanus. Exeuntes dicit, quia eorum mens a
domino aversa fuit. Consilium fecerunt quomodo vitam perderent, non quomodo
ipsi vitam invenirent. Hilarius. Sciensque eorum consilia secessit,
ut a consiliis malignantium procul abesset; unde sequitur Iesus autem sciens
secessit inde. Hieronymus. Sciens, inquam, eorum insidias
recessit, ut Pharisaeis contra se occasionem impietatis auferret. Remigius. Sive secessit inde quasi homo
fugiens insidias suorum persequentium; sive quia non erat tempus neque locus
patiendi; non enim capit perire prophetam extra Ierusalem, sicut ipse dicit.
Declinavit etiam dominus odio se persequentes, et pervenit illuc ubi invenit
plurimos se per amorem diligentes; unde sequitur et secuti sunt eum multi.
Quem Pharisaei unanimi consilio perdere quaerunt, turba indocta unanimi
dilectione sequitur: unde mox sui desiderii consequuntur effectum: nam
sequitur et curavit eos omnes. Hilarius in Matth. His autem quos curavit,
silentium imperavit: unde sequitur et praecepit eis ne manifestum eum
facerent: nam salus unicuique reddita, erat sibi ipsi testis. Sed iubendo
silentium teneri, et gloriandi de se iactantiam declinat, et nihilominus
cognitionem sui praestat in eo ipso, cum admonet de se taceri; quia
observatio silentii ex re quae sit silenda proficiscitur. Rabanus. In hoc etiam nos instruit, ne cum
aliquid magni fecerimus, laudem foris quaeramus. Remigius. Ideo etiam praecipit ut non
manifestarent eum, ne persequentes ipsum deteriores fierent. Chrysostomus in Matth. Deinde ut non turberis
in his quae fiunt insania inopinabili Pharisaeorum, inducit prophetam hoc
praedicentem; tanta erat enim prophetarum diligentia, ut neque hoc
derelinquerent; sed et vias eius et transitus prophetizarent, et intentionem
cum qua hoc faciebat; ut discas quoniam omnia a spiritu sancto loquebantur:
si enim cogitationes hominum impossibile est scire, multo magis Christi
intentionem, nisi spiritus sanctus revelaret. Sequitur
ergo ut impleretur quod dictum est per Isaiam prophetam dicentem: ecce puer
meus quem elegi. Remigius. Dominus quidem Iesus Christus puer
omnipotentis Dei dictus est, non secundum divinitatem, sed secundum assumptae
carnis dispensationem: quia cooperante spiritu sancto carnem suscepit ex
virgine absque macula peccati. Quidam libri habent: electus, quem elegi:
electus enim fuit a Deo patre, idest praedestinatus, ut esset filius Dei
proprius, non adoptivus. Rabanus. Quem elegi, dicit, ad opus quod nemo
alius fecit, ut redimeret genus humanum, et pacificaret mundum cum Deo. Sequitur dilectus meus, in quo bene complacuit
animae meae: quia ipse solus est agnus sine macula peccati, de quo pater
dicit: hic est filius meus dilectus, in quo mihi bene complacui. Remigius. Quod autem dicit animae meae, non
ita intelligendum est quod Deus pater animam habeat; sed translative anima in
Deum ascribitur, ut per eam demonstretur Dei affectus. Nec mirum si anima translative in Deo dicitur, cum etiam cetera corporis
membra ei ascribantur. Chrysostomus in Matth. Hoc autem in
principio propheta ponit, ut discas quia hoc quod hic dicitur, fuit secundum
consilium patris: dilectus enim secundum consilium eius qui diligit facit.
Sed iterum electus, non ut adversarius solvit legem, neque ut inimicus
existens legislatori, sed ei concordans. Quia ergo dilectus est, ponam
spiritum meum super eum. Remigius. Tunc etiam Deus pater posuit
spiritum suum super eum, cum operante spiritu sancto suscepit carnem ex
virgine, et mox ut homo factus est, plenitudinem spiritus sancti suscepit.
Hieronymus. Ponitur autem spiritus sanctus non
super Dei verbum, sed super unigenitum, qui de sinu patris processit,
scilicet super eum de quo dictum est ecce puer meus. Quid autem per ipsum
facturus sit, subditur: et iudicium gentibus nuntiabit. Augustinus de Civ. Dei. Quia scilicet iudicium
praenuntiavit futurum, quod gentibus erat occultum. Chrysostomus. Deinde humilitatem eius
manifestans, dicit non contendet; quia sicut illi placuit oblatus est, et
manibus persequentium se ultro obtulit; neque clamabit: quia sicut agnus
coram tondente se obmutuit; neque audiet aliquis in plateis vocem eius. Hieronymus. Lata enim est et spatiosa via quae
ducit ad perditionem, et multi ingrediuntur per eam; qui multi non audiunt
vocem salvatoris, quia non sunt in arcta via, sed in spatiosa. Remigius. Platea namque Graece, Latine
latitudo dicitur. In plateis ergo vocem eius nemo audivit: quia suis
dilectoribus non delectabilia in hoc mundo promisit, sed aspera. Chrysostomus in Matth. Volebat autem
dominus per huiusmodi mansuetudinem curare Iudaeos. Sed
licet isti renuerent, non tamen eis restitit, eos destruendo: unde et eius
virtutem et illorum imbecillitatem propheta ostendens dicit: arundinem quassatam
non confringet, et linum fumigans non extinguet. Hieronymus. Qui peccatori non porrigit manum
nec portat onus fratris sui, iste quassatum calamum confringit; et qui
modicam scintillam fidei contemnit in parvulis, hic linum extinguit fumigans.
Augustinus de Civ. Dei. Unde persecutores
Iudaeos, qui calamo quassato, perdita integritate, et lino fumanti, amisso
lumine, comparati sunt, non contrivit, non extinxit: quia pepercit eis, quod
nondum venerat eos iudicare, sed iudicari ab eis. Augustinus de quaest. Evang. In lino etiam
fumigante notandum est, quia deserto lumine facit putorem. Hilarius. Vel in hoc quod dicit arundinem
quassatam non confringet ostendit quod ita facile erat ei omnes eos frangere,
sicut arundinem; et non simpliciter arundinem, sed iam contritam. In hoc
autem quod dicit linum fumigans non extinguet, demonstrat et illorum furorem
accensum, et virtutem Christi potentem ad extinguendum huiusmodi furorem cum
omni facultate: unde in hoc multa mansuetudo Christi ostenditur. Rabanus. Vel per hoc quod dicit, arundinem
quae quassata est, non esse confractam, ostendit caduca et quassata gentium
corpora non fuisse contrita, sed in salutem potius reservata. Per hoc autem
quod dicit linum fumigans non extinguet, ostendit exiguitatem ignis iam
tantum fumigantis in lino non extinctam, idest Israel ex reliquiis veteris
gratiae spiritum non ablatum, quia resumendi totius luminis in tempore
poenitentiae sit facultas. Rabanus. Vel e converso, arundinem quassatam
vocat Iudaeos, quod a vento agitatos, et quasi ab invicem dissipatos, non
statim dominus condemnavit, sed patienter supportavit; linum autem fumigans
vocat populum de gentibus congregatum, qui, extincto naturalis legis ardore,
fumi amarissimi et oculis noxii, tenebrosaeque caliginis involvebantur
erroribus; quem non solum extinxit et redegit in cinerem, sed e contrario de
parva scintilla et pene moriente maxima suscitavit incendia. Chrysostomus in Matth. Sed posset aliquis
dicere: quid igitur? Semper haec erunt; et feret usque in finem eos qui sic
insidiantur et insaniunt? Absit: sed cum sua omnia facta erunt tunc et illa
operabitur. Et hoc signavit dicens donec eiciat ad victoriam iudicium; ac si
dicat: cum ea quae ex se sunt, omnia compleverit, tunc perfectam ultionem
inducet; tunc enim punientur cum claram fecerit suam victoriam, ut non
relinquatur eis inverecunda contradictionis occasio. Hilarius in Matth. Vel donec eiciat ad
victoriam iudicium; sublata scilicet mortis potestate, iudicium et claritatis
suae reditum introducat. Rabanus. Vel donec illud iudicium quod
in eo agebatur, ad victoriam perveniret: quia postquam mortem resurgendo
superavit, expulso principe huius mundi, victor ad regnum rediit in patris
dextera sedens, donec ponat sub pedibus omnes inimicos suos. Chrysostomus in Matth. Sed non in hoc
stabunt ea quae sunt dispensationis, ut solum puniantur qui non crediderunt;
sed et orbem terrarum ad se trahet; unde sequitur et in nomine eius gentes
sperabunt. Augustinus de Civ. Dei. Hoc autem ultimum iam videmus
impletum: et sic per hoc quod negari non potest, creditur et illud quod
imprudenter a quibusdam negatur, novissimum iudicium, quod ponet in terra,
cum venerit ipse de caelo. Quis enim speraret gentes in Christi nomine
speraturas, quando tenebatur, ligabatur, caedebatur, illudebatur et
crucifigebatur; quando et ipsi discipuli spem perdiderant, quam in illo
habere iam coeperant? Quod tunc vix unus latro speravit in cruce,
nunc sperant gentes longe lateque diffusae. Et ne in aeternum moriantur, ipsa
in qua ille mortuus est cruce signantur. Nullus igitur dubitet per Iesum
Christum novissimum futurum esse iudicium. Remigius. Sciendum est autem, quia non solum
istius loci sensus, sed et multorum aliorum hoc testimonio confirmatur: nam
quod dicit ecce puer meus, ad illum locum refertur ubi dixerat pater: hic est
filius meus; quod vero ait ponam spiritum meum super eum, ad hoc refertur
quod spiritus sanctus descendit super dominum baptizatum; quod autem
subiungit iudicium gentibus nuntiabit, refertur ad id quod infra dicitur: cum
sederit filius hominis in sede maiestatis suae; quod autem subdit non
contendet neque clamabit, ad hoc refertur quod dominus pauca respondit
principi sacerdotum et Pilato, Herodi vero nulla; quod vero dicitur arundinem
quassatam non confringet, ad hoc pertinet quod dominus suos persecutores
declinavit, ne fierent deteriores; quod vero dicit in nomine eius gentes
sperabunt, ad hoc refertur quod ipse dixit: euntes docete omnes gentes. |
Versets 14-21.
— Saint Hilaire : (can. 12.) L’envie soulève contre Jésus l’esprit des pharisiens, parce
qu’ils ne voyaient en lui que l’homme, et qu’ils ne voulaient pas y découvrir
Dieu dans les oeuvres qu’il opérait. L’Évangéliste ajoute donc: « Mais
les pharisiens, étant sortis, délibéraient contre lui pour savoir comment le
perdre. » etc... — Raban : Ils sortent,
parce que leur âme s’est détournée de Dieu; ils tinrent conseil pour prendre
les moyens de perdre la vie et non de la trouver pour eux-mêmes. —
Saint Hilaire : (can. 42.) Jésus, connaissant leurs
desseins, se retire pour s’éloigner de ce conseil d’iniquité. « Or,
Jésus, le sachant, s’éloigna de ces lieux.» —
Saint Jérôme : Il se retire, parce qu’il connaît les
piéges qu’ils veulent lui tendre, et qu’il veut ôter aux Pharisiens l’occasion
d’exercer contre lui leurs projets impies. —
Saint Rémi : Ou bien il se retire comme homme pour
se dérober aux embûches de ses persécuteurs, ou bien encore parce que ce
n’était ni le temps ni le lieu où il devait souffrir; car il ne convenait pas
qu’un prophète fût mis à mort hors de Jérusalem, comme il le dit lui-même. (Lc 13.) Il s’éloigne encore de ceux
qui le haïssent et le persécutent, pour aller où il trouvera un grand nombre
de cœurs qui l’aiment et qui lui sont dévoués. C’est ce que l’Évangéliste nous
indique en disant: « Et beaucoup de personnes le suivirent. » Ainsi,
tandis que les pharisiens réunissent tous leurs efforts pour le perdre, une
multitude sans instruction le suit, en professant pour lui un attachement
unanime. Aussi ne tarde-t-il pas à récompenser leurs désirs; il est dit, en
effet: « et il les guérit tous. » —
Saint Hilaire : Il commande à ceux qu’il guérit de
garder le silence sur leur guérison. « Et il leur commanda de ne
point le faire connaître. » La santé qu’il avait rendue à chacun
d’eux était un témoignage en sa faveur; mais en commandant le silence, il
évite toute occasion de vaine gloire; et cependant il se fait connaître par
cela seul qu’il commande le secret, puisqu’on ne garde le silence qu’à
l’égard d’une chose dont on ne doit point parler. — Raban : [référence à vérifier] Il nous apprend aussi,
lorsque nous avons fait quelque action importante, à ne point rechercher les
louanges des hommes. —
Saint Rémi : Un autre motif pour lequel il leur
commande de ne point le découvrir, c’est afin de ne point rendre ses
persécuteurs plus coupables. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41.) De peur que ces actes de folie,
incroyables dans les pharisiens, ne vous jettent dans le trouble, Jésus
apporte le témoignage du Prophète. Car l’exactitude des prophètes est si
grande en ce qui concerne le Christ, qu’ils n’ont rien laissé dans
l’ombre : ils ont rapporté ses voyages, ses marches, et jusqu’aux
intentions qui le faisaient agir, pour vous montrer que toutes ces choses
leur étaient dictées par l’Esprit saint. Il est impossible, en effet, de
connaître les pensées d’un homme, à plus forte raison les intentions du
Christ, à moins que l’Esprit saint ne les révèle. L’Évangéliste ajoute donc: « Afin
que cette parole du prophète Isaïe fût accomplie: « Voici mon serviteur que
j’ai choisi. » —
Saint Rémi : Notre Seigneur Jésus-Christ est appelé
le serviteur du Dieu tout-puissant, non pas comme Dieu, mais suivant
l’économie de son incarnation; car par la coopération du Saint-Esprit il a
pris dans le sein de la Vierge une chair exempte de la tache du péché.
Quelques exemplaires portent: « l’élu que j’ai choisi » ; car
il a été choisi, c’est-à-dire prédestiné par Dieu le Père, pour être non pas
son fils adoptif, mais son propre fils. — Raban : Il dit: « Je
l’ai choisi » pour une oeuvre que nul autre n’a faite, pour racheter
le genre humain, et rétablir la paix entre le monde et Dieu. Suite. « Mon bien-aimé, en qui j’ai mis mon
affection », car lui seul est cet Agneau sans la tache du
péché dont le Père a dit: « Voici mon Fils bien-aimé en qui mon âme a
mis ses complaisances. » —
Saint Rémi : Ces paroles: « mon âme »
ne doivent pas être entendues en ce sens que Dieu le Père ait une âme [comme
la nôtre]; c’est par métaphore que le prophète lui attribue une âme pour
exprimer son affection. Et en cela rien d’étonnant, puisque nous lui
attribuons de la même manière les différents membres de notre corps. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41.) Le Prophète a commencé par
l’énumération de ces deux caractères, pour vous indiquer que tout ce qui suit
s’est fait selon le bon plaisir du Père; car celui qui est aimé agit
conformément à la volonté de celui qui l’aime. De même celui qui est élu ne
détruit pas la loi par opposition à celui qui l’a choisi, il ne se présente
pas comme l’ennemi du législateur, mais comme en parfaite harmonie avec lui.
Or, c’est parce qu’il est mon bien-aimé que « je ferai reposer mon
esprit sur lui. » —
Saint Rémi : Dieu le Père fit reposer son esprit sur
lui, lorsque par l’opération du Saint-Esprit il prit un corps dans le sein de
la Vierge Marie, et lorsqu’étant fait homme, il fut inondé de la plénitude de
l’Esprit saint. —
Saint Jérôme : L’Esprit saint repose non pas sur le
Verbe de Dieu, sur ce Fils unique qui sort du sein du Père (Jn 1, 18; 8, 4), mais sur celui dont
il a été dit: « Voici mon serviteur. » Que doit-il opérer
par son ministère ? Écoutez la suite: « Il annoncera la justice
aux nations. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 21, 30.) C’est qu’en effet,
il est venu annoncer le jugement à venir à ceux qui l’ignoraient. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41.) Il fait ensuite connaître son
humilité, en ajoutant: « Il ne disputera point », car il
s’est offert selon le bon plaisir de son Père, et il s’est livré de lui-même
entre les mains de ses persécuteurs. « Il ne criera point », car il s’est tu comme un agneau
devant celui qui le tond. « Personne n’entendra sa voix sur les
places publiques. » —
Saint Jérôme : La voie qui conduit à la perdition
est large et spacieuse, et il en est beaucoup qui la prennent; or il en est
beaucoup qui n’entendent pas la voix du Sauveur, parce qu’ils sont non dans
la voie étroite, mais dans la voie large (Mt
7, 13). —
Saint Rémi : Le mot grec πλατεια, correspondant au mot latin platea,
place publique, veut dire étendue; personne
donc n’a entendu sa voix dans les lieux spacieux, parce qu’il a promis à ceux
qui l’aiment, non pas les jouissances dans cette vie, mais de rigoureuses
privations. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
41.) Le
Seigneur voulait, par cette douceur, guérir l’esprit des Juifs; mais bien
qu’ils l’aient rejeté, il ne voulut pas leur résister en les détruisant.
Aussi le Prophète nous fait-il connaître à la fois sa puissance et leur
faiblesse dans les paroles suivantes: « Il ne brisera pas le roseau
cassé, et il n’éteindra pas la mèche qui fume encore. » — Saint Hilaire : Celui qui ne tend pas la main au pécheur, et qui ne porte point le fardeau dont son frère est chargé, achève de briser le roseau cassé; et celui qui méprise la plus petite étincelle de foi dans le plus petit des croyants, éteint la mèche qui fume encore. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 20, 30.) Il ne voulut donc ni
briser ni éteindre les Juifs ses persécuteurs, comparés ici au roseau brisé,
parce qu’ils n’avaient plus leur intégrité, et à la mèche qui fume, parce
qu’ils avaient perdu la lumière; cependant il leur pardonne, car il n’était
pas encore venu pour les juger, mais pour être jugé par eux. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 2, 3.) A l’occasion de cette
mèche qui fume, remarquez qu’en perdant sa lumière, elle exhale une mauvaise
odeur. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
41.) Ou bien par ces paroles: « Il
n’achèvera pas de briser le roseau cassé », il leur fait voir qu’il
lui était facile de les briser tous, comme on brise un roseau, et non pas un
roseau quelconque, mais un roseau déjà cassé. Ce qui suit: « Il
n’éteindra pas la mèche qui fume encore », nous montre leur fureur allumée contre lui, et la
toute-puissance de Jésus-Christ pour éteindre cette fureur avec la plus
grande facilité, et c’est en cela qu’il fait paraître l’excès de sa douceur. —
Saint Hilaire : (can. 12.) Ou bien par ce roseau qu’il
n’achève pas de briser, il nous apprend que les nations fragiles et déjà
brisées, n’ont pas été broyées entièrement, mais qu’elles ont été réservées
pour le salut; et en ajoutant: « Il n’éteindra pas la mèche qui fume
encore », il nous montre
que la dernière étincelle de feu n’est pas éteinte dans cette mèche qui fume
encore, c’est-à-dire que l’esprit de la grâce ancienne n’a pas entièrement
disparu du milieu des restes d’Israël, parce qu’elles ont conservé, avec la
faculté de faire pénitence, le pouvoir de recouvrer la lumière dans tout son
éclat. — Raban : Ou bien, au
contraire, ce roseau brisé, ce sont les Juifs agités par le vent, et dispersés
bien loin les uns des autres. Cependant le Seigneur ne les condamne pas
immédiatement, mais il les supporte avec patience. Cette mèche qui fume
encore serait alors le peuple, formé des nations, qui, après avoir éteint
dans son cœur la chaleur de la loi naturelle, était enveloppé de toutes parts
d’erreurs. ténébreuses, semblables à une épaisse fumée qui blesse les yeux.
Or, non seulement le Seigneur n’éteignit pas cette mèche fumante, et ne la
réduisit pas en cendres, mais au contraire il fit jaillir de cette petite étincelle
presque morte le feu le plus ardent. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
41.) On pourra peut-être objecter: Quoi donc, en
sera-t-il toujours ainsi ? supportera-t-il jusqu’à la fin ceux qui se
laissent emporter à cet excès de malignité et de folie ? Non; mais
lorsque sa mission sera terminée, il passera à un autre ordre de choses, et
c’est ce qu’il nous déclare par ces mots: « jusqu’à
ce qu’il fasse triompher la justice de sa cause. » Comme s’il
disait: Lorsqu’il aura accompli l’objet de sa mission, ce sera le tour de la
vengeance absolue; car alors ses ennemis seront sévèrement châtiés, lorsqu’il
aura rendu son triomphe si éclatant qu’il n’y aura plus de place pour leurs
insolentes contradictions. —
Saint Hilaire : (can. 12.) Ou bien jusqu’à ce qu’il fasse
triompher le jugement en dépouillant la mort de toute sa puissance et en
faisant revenir avec lui la justice dans son retour triomphant. — Raban : Ou bien encore
jusqu’à ce que le jugement dont il était l’objet aboutisse à la victoire, car
après avoir triomphé de la mort par sa résurrection, après avoir chassé le
prince de ce monde, il est rentré triomphant dans le royaume des cieux et
s’est assis à la droite de son Père, jusqu’à ce qu’il ait réduit tous ses
ennemis sous ses pieds (1 Co 1, 15.) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41.) Mais sa puissance ne se bornera pas à punir ceux qui
auront refusé de croire en lui, il entraînera encore après lui tout
l’univers: « et les nations
espéreront en son nom. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 20, 30.) Nous voyons déjà
l’accomplissement de cette dernière partie de la prophétie, et cet
accomplissement qui est incontestable nous garantit l’accomplissement du
jugement dernier, que quelques-uns ont la témérité de nier, jugement qui aura
lieu sur la terre parce que le Christ descendra lui-même du haut des cieux.
En effet, qui aurait jamais envisagé que les nations espéreraient dans le nom
du Christ, alors qu’il était au pouvoir de ses ennemis, chargé de chaînes,
frappé de verges, bafoué et attaché sur une croix, et quand ses disciples
eux-mêmes avaient perdu le peu d’espérance qu’ils avaient placée en lui. Ce
qu’alors un voleur seul avait à peine espéré sur la croix, est devenu l’objet
de l’espérance de toutes les nations répandues sur la face de la terre, et
tous les hommes recourent au signe de cette croix sur laquelle il est mort
pour se garantir eux-même de la mort éternelle. Que personne donc ne doute
que Jésus-Christ n’accomplisse un jour ce dernier jugement tel qu’il a été
prédit. — Saint Rémi : Remarquons que ce témoignage du prophète ne vient pas confirmer seulement la vérité de ce passage, mais la vérité d’une multitude d’autres. Ainsi ces paroles: « Voici mon serviteur » se rapportent à cet endroit où le Père dit: « Celui-ci est mon Fils » (Mt 3); et ces autres: « Je placerai mon esprit en lui », au miracle de l’Esprit saint descendant sur le Seigneur au moment de son baptême. (Lc 3.) Ce qu’il ajoute: « Il annoncera la justice aux nations » se rapporte à ce que saint Matthieu dit ailleurs: « lorsque le Fils de l’homme s’assiéra sur le trône de sa gloire. » (Mt 25) Ces autres paroles: « Il ne disputera ni ne criera » se sont vérifiées lorsque le Seigneur ne répondit presque rien au prince des prêtres et à Pilate (Mt 26, 27), et qu’il garda un silence absolu devant Hérode (Lc 23). Ce qui suit: « Il n’achèvera pas de briser le roseau cassé » se rapporte à ce trait de la vie du Seigneur où il se dérobe à la fureur de ses ennemis pour leur éviter un plus grand crime (Jn 7 et 8); enfin ces paroles: « Les nations espéreront en son nom » peuvent se rapporter à ce passage de saint Matthieu: « Allez, enseignez toutes les nations. » (Mt 28.) |
Lectio 4 [85474] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 4 Glossa. Confutaverat superius dominus
Pharisaeos Christi miracula calumniantes ex hoc quod sabbatum solvere
videbatur: sed quia maiori nequitia ipsa Christi miracula divina virtute
facta pervertebant, attribuentes ea immundo spiritui, ideo Evangelista
praemittit miraculum ex quo blasphemandi occasionem sumpserunt, dicens tunc
oblatus est ei Daemonium habens, caecus et mutus. Remigius. Quod autem dicit tunc, ad superiora
refertur, quando sanato homine qui habebat manum aridam, exivit de synagoga.
Sive quod dicit tunc, potest referri ad latius atque prolixius tempus; ut sit
sensus: tunc quando haec vel illa dicebantur vel gerebantur. Chrysostomus in Matth. Miranda est autem
nequitia Daemonis. Utrumque ingressum oppilavit per quem ille erat
crediturus, scilicet et auditum et visum. Sed Christus utrumque aperuit; unde
sequitur et curavit eum ita ut loqueretur et videret. Hieronymus. Tria autem signa simul in uno
homine perpetrata sunt: caecus videt, mutus loquitur, possessus a Daemone
liberatur. Quod et tunc quidem carnaliter factum est; sed quotidie completur
in conversione credentium: ut expulso Daemone, primum fidei lumen aspiciant,
deinde in laudes Dei tacentia prius ora laxentur. Hilarius in Matth. Non autem sine ratione cum
turbas omnes curatas in communi dixisset, nunc seorsum Daemonium habens,
caecus et mutus offertur. Oportebat enim ut postquam manus aridae homo
oblatus est, qui in synagoga curabatur, in unius huiusmodi hominis forma
gentium salus fieret; ut qui erat habitatio Daemonii, et caecus et mutus, Deo
capax pararetur, et Deum contineret in Christo, et Christi opera Dei
confessione laudaret. Augustinus de quaest. Evang. Daemonium enim
habens, caecus et mutus est qui non credit, et subditus est Diabolo qui non
intelligit et non confitetur ipsam fidem, vel non dat laudem Deo. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem non isto
ordine, sed post multa alia Lucas commemorat; et mutum dicit tantum et non
caecum. Sed non ex eo quod aliquid tacet, de alio dicere putandus est: ea
enim sequentia et ipse contexit quae Matthaeus. Hilarius. Stupuerunt facti istius omnes
turbae; sed Pharisaeorum ingravescit invidia: unde sequitur et stupebant
omnes turbae et dicebant: numquid iste est filius David? Glossa. Ob misericordiam et beneficia filium
David praedicant. Rabanus. Turbis autem quae minus eruditae
videbantur, domini semper facta mirantibus, illi contra vel negare hoc, vel
quae negare nequiverant sinistra interpretatione pervertere laborabant; quasi
haec non divinitatis, sed immundi spiritus opera fuissent, idest Beelzebub,
qui Deus erat Accaron: unde sequitur Pharisaei autem audientes dixerunt: hic
non eicit Daemones nisi in Beelzebub principe Daemoniorum. Remigius. Beelzebub autem, ipse est Beel et
Baal et Beelphegor. Beel fuit pater Nini regis Assyriorum; Baal dictus est,
quia in excelso colebatur; Beelphegor a loco, idest a monte Phega; zebub
servus fuit Abimelech filii Gedeonis, qui occisis septuaginta fratribus
aedificavit templum Baal, et constituit eum sacerdotem in ipso ad abigendas
muscas quae ibi congregabantur propter nimium cruorem victimarum. Zebub
namque musca dicitur, Beelzebub ergo vir muscarum interpretatur: unde propter
spurcissimum ritum colendi, dicebant eum esse principem Daemoniorum. Nihil ergo sordidius invenientes quod domino obicerent, dicebant eum
in Beelzebub eicere Daemonia. Et sciendum quod non est
legendum per d vel t in fine, ut quaedam mendosa exemplaria habent, sed per b. |
Versets 23-24.
— La Glose : Le Seigneur venait de réfuter les calomnies des pharisiens qui lui
reprochaient de faire des miracles le jour du sabbat; mais comme, par une
méchanceté plus noire encore, ils dénaturaient les miracles eux-mêmes qu’il
opérait par une vertu toute divine en les attribuant à l’esprit impur,
1’Évangéliste raconte le prodige qui fut pour eux l’occasion de ce blasphème:
« Alors on lui présenta un posséd,
aveugle et muet. » —
Saint Rémi : Ce mot alors se rapporte au moment où il sortait de la synagogue après
avoir guéri cet homme dont la main était desséchée. Ou bien cette expression alors
signifie un espace de temps plus étendu et plus général, et voudrait
dire alors qu’il prononçait tous les discours, ou qu’il faisait les
oeuvres qui sont ici racontés. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41.) Quelle malice surprenante dans le
démon ! il avait fermé les deux passages par lesquels la foi aurait pu
entrer dans cet homme, c’est-à-dire la vue et l’ouïe; mais le Seigneur va
ouvrir l’un et l’autre: « et il le
guérit, de sorte que le muet parlait et voyait » ajoute l'Evangéliste. — Saint Jérôme : Nous voyons ici trois prodiges opérés dans un seul homme:
l’aveugle voit, le muet parle, le possédé est délivré du démon ; ce
miracle fut extérieur et sensible, mais il se renouvelle tous les jours dans
la conversion de ceux qui embrassent la foi; après que le démon est chassé de
leur âme ils voient la lumière de la foi, et leur bouche, jusqu'alors muette,
s’ouvre pour proclamer les louanges de Dieu. — Saint Hilaire : (can. 12 sur S. Matth.) Ce n'est pas sans un dessein particulier de Dieu
qu’après avoir parlé d'une multitude de personnes guéries en commun, l’Évangéliste
nous raconte la guérison particulière d'un homme qui était tout à la fois
possédé, aveugle et muet. Il convenait en effet qu'après la guérison dans la
synagogue de l’homme dont la main était desséchée, celui dont il est ici
question devînt la figure de la guérison spirituelle des nations, et qu'après
avoir été possédé du démon, aveugle et muet, il devint l'habitation de Dieu,
vît et reconnut le vrai Dieu dans la personne du Christ et rendît gloire à
Dieu pour les œuvres qu’il opérait. — Saint Augustin : (Quest. Evang., 2, 4.) Celui qui ne croit point et qui est l’esclave du
démon est tout à la fois possédé, aveugle et muet; il ne comprend pas, il ne
confesse pas la foi ou il ne rend pas gloire à Dieu. — Saint Augustin : (De l’accord des Evang., 2, 37.) Ce n’est pas dans le même ordre que saint Luc
raconte ce fait : il le place après beaucoup d’autres (Lc 11); il parle d’un muet seulement,
sans ajouter qu'il fût aveugle; mais de ce qu'il omet une circonstance de ce
genre, on ne peut conclure qu’il veut raconter une guérison différente, car
la suite de son récit revient à celui de saint Matthieu. — Saint Hilaire : (can. 12.)
A la vue de ce miracle, la foule est
dans l'étonnement, mais l’envie des pharisiens ne fait que s’accroître: « et tout le peuple étonné disait:
N’est-ce point là le fils de David ? » — La Glose : Ils
l'appellent le Fils de David à cause de sa bonté et de ses bienfaits. — Raban : Tandis que le peuple moins
instruit ne cessait d'admirer les prodiges du Seigneur, ceux-ci s’appliquaient
toujours à les nier, ou, lorsqu'ils ne le pouvaient, à les révoquer du moins
en doute, à les dénaturer par
des interprétations malveillantes, comme s'ils étaient l'œuvre non pas de la
divinité, mais de l’esprit immonde, de Beelzébub qui passait pour le dieu
d’Accaron. C’est ce qu’ils firent dans cette circonstance. « Les pharisiens entendant cela dirent:
Cet homme ne chasse les démons que par Beelzébub, prince des démons. » — Saint Rémi : Beelzébub n’est autre chose que Beel ou Baal, ou Beelphégor. Beel fut
le père de Ninus, roi des Assyriens; il fut appelé Baal parce qu’on l’adorait
sur les hauteurs, et Beelphégor à cause de la montagne de Phéga, [où son
idole était placée]. Zébub fut un serviteur d’Abimélech, fils de Gédéon.
C’est cet Abimélech qui, après le meurtre de ses soixante-dix frères, éleva
un temple à Baal et y établit prêtre Zébub pour chasser les mouches qui s’y
rassemblaient en grand nombre à cause de la grande quantité de sang des
victimes immolées (cf. Jg 9, 28);
car Zébub signifie mouche et Beelzébub veut donc dire l’homme des mouches.
Ils l’appelaient prince des démons à cause des impuretés qui déshonoraient
son culte. Ne trouvant donc rien de plus infâme à objecter contre le Seigneur,
ils disaient que c’était par Beelzébub qu’il chassait les démons. Il faut
remarquer que ce nom doit être écrit avec un b à la fin et non avec un t
ou avec un d, comme on le voit
dans quelques exemplaires fautifs. |
Lectio 5 [85475] Catena in Mt., cap. 12 l. 5 Hieronymus.
Pharisaei opera Dei principi Daemoniorum deputabant; quibus dominus non ad
dicta, sed ad cogitata respondit, ut vel sic compellerentur credere potentiae
eius qui cordis videbat occulta: unde dicitur Iesus autem sciens cogitationes
eorum, dixit eis. Chrysostomus in Matth. Superius quidem et de
hoc Christum accusaverant, quia in Beelzebub eiceret Daemonia; sed tunc
quidem eos non increpavit, concedens eis et a pluribus signis cognoscere eius
virtutem, et a doctrina discere eius magnitudinem. Sed quia permanebant eadem
dicentes, iam increpat eos, quamvis eorum accusatio valde irrationabilis
esset. Invidia autem non quaerit quid dicat, sed solum ut dicat. Neque tamen
Christus eos contempsit, sed respondet cum decenti mansuetudine, docens nos
mites esse inimicis, et non turbari, etiam si talia dicant quae nos in nobis
non recognoscimus, neque habent aliquam rationem. In quo etiam ostendit
mendacia esse quae ab ipsis sunt dicta: neque enim est Daemonium habentis,
tantam ostendere mansuetudinem, et cogitationes scire. Et quia valde
irrationabilis erat eorum suspicio, et multitudinem timebant, non audebant
publicare Christi accusationem, sed in mente volvebant: propter quod dicit
sciens cogitationes eorum. Ipse autem accusationem quidem in respondendo non
ponit, neque divulgat eorum nequitiam; solutionem autem inducit: studium enim
eius erat prodesse peccantibus, non publicare. Non autem respondet eis a
Scripturis, quia non attenderent aliter exponentes; sed a communibus
opinionibus: non enim ita exteriora praelia corrumpunt, sicut ea quae interiora:
hoc enim fit in corporibus, et in omnibus rebus; sed interim a magis cognitis
exempla ducit, dicens omne regnum contra se divisum desolabitur. Nihil enim est in terra regno potentius; sed tamen per altercationem
perit. Quid autem dicendum est de civitate, vel de domo?
Sive magnum sive parvum fuerit, contra seipsum pugnans perit. Hilarius in Matth. Unde domus, et civitatis
eadem est hic ratio quae est regni: propter quod sequitur et omnis civitas
vel domus divisa contra se, non stabit. Hieronymus. Quomodo enim concordia parvae res
crescunt, sic discordia maximae dilabuntur. Hilarius. Sermo autem Dei dives est; et vel
simpliciter intellectus, vel inspectus interius, ad omnem profectum est
necessarius. Relictis ergo his quae ad communem intelligentiam
patent, causis interioribus immoremur. Responsurus enim dominus ad id quod de
Beelzebub dictum erat, in ipsos quibus respondebat, responsionis conditionem
retorsit: lex enim a Deo est, et regni Israel pollicitatio ex lege est: si
regnum legis contra se dividitur, dissolvatur necesse est; et sic Israel
amisit legem, quando impletionem legis in Christo plebs legis impugnat. Sed
civitas hic Ierusalem indicatur, quae postquam in dominum suum furore plebis
exarsit, et apostolos eius cum credentium turbis fugavit, post divisionem non
stabit; atque ita (quod per hanc divisionem mox consecutum est) civitatis
illius denuntiatur excidium. Deinde assumit et si
Satanas Satanam eicit, adversus se divisus est: quomodo ergo stabit regnum
eius? Hieronymus. Ac si diceret: si Satanas pugnat
contra se, et Daemon inimicus est Daemoni, deberet iam mundi venire
consummatio; nec habent in eo locum adversariae potestates, quarum inter se
bellum, pax hominum est. Glossa. Necessaria ergo complexione eos
arguit. Vel enim Christus in virtute Dei Daemones eicit, vel in principe
Daemoniorum. Si virtute Dei, frustra calumniantur; si in
principe Daemoniorum, regnum eius divisum est nec stabit: et ideo a regno
eius recedant; quod innuit sibi eos elegisse, dum in se non credunt. Chrysostomus in Matth. Vel sic: si divisus
est, imbecillior factus est, et perit; si autem perit, qualiter potest alium
proicere? Hilarius in Matth. Vel aliter. Si ad
divisionem suam coactus est Daemon, ut Daemones perturbaret, hinc quoque aestimandum
est plus in eo qui diviserit, quam in his qui divisi sunt, esse virtutis;
ergo regnum Diaboli, divisione facta, a Christo est dissolutum. Hieronymus. Si autem putatis, o Scribae et
Pharisaei, quod recessio Daemonum obedientia sit in principem suum, ut
homines ignorantes fraudulenta simulatione deludantur, quid potestis dicere
de corporum sanitatibus quas dominus perpetravit? Aliud est, si membrorum
quoque debilitates, et spiritualium virtutum insignia Daemonibus assignetis. |
Versets 25-26.
— Saint Jérôme : Les
pharisiens attribuaient au prince des démons les oeuvres de Dieu; Notre
Seigneur répond non à ce qu’ils disaient mais à ce qu’ils pensaient au-dedans
d’eux-mêmes (cf. Ps 7, 9; Jr 17, 10), pour les forcer de croire à la
puissance de Celui qui voyait le fond des cœurs. « Or Jésus connaissant leurs pensées, leur dit ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42 sur S. Matth.) Ils avaient déjà
accusé plus haut le Seigneur de chasser les démons par Beelzébub, sans qu’il
les en eût repris; il voulait laisser à la multitude de ses miracles de leur
faire connaître sa puissance, et à sa doctrine de révéler sa grandeur; mais
comme ils persévéraient dans cette interprétation calomnieuse, il leur en
fait des reproches sévères, bien que cette accusation n’eût pas le moindre
fondement, car l’envie n’examine pas la nature de ses accusations, pourvu
qu’elle accuse. Cependant Jésus ne leur répond point avec mépris, mais ses
paroles sont pleines de douceur et de dignité pour nous apprendre à être doux
envers nos ennemis, à ne point nous troubler alors même qu’ils nous
accuseraient de choses que nous ne reconnaissons pas en nous et qui n’ont
aucun fondement. Cette conduite fait même ressortir l’odieux de leurs
calomnies, car un possédé du démon n’aurait pu faire ni paraître une aussi
grande douceur, ni connaître les pensées des cœurs. C’est du reste parce que
leurs soupçons étaient dépourvus de toute raison, qu’ils redoutaient la
multitude, et qu’ils n’osaient rendre publique cette accusation contre le
Christ; ils se contentaient de l’agiter au fond de leur cœur. C’est pour cela
que l’Évangéliste dit: « Or, Jésus
connaissant leurs pensées. » Le Seigneur, dans sa réponse, ne relève
point cette volonté qu’ils avaient de l’accuser; il ne divulgue pas leur
méchanceté, il se contente de leur répondre, car son désir était d’être utile
aux pécheurs et non pas de dévoiler leurs crimes. Il ne se justifie point non
plus à l’aide de témoignages de 1’Écriture, car ils n’y auraient fait aucune
attention et les auraient expliqués dans un autre sens, mais il tire sa
réponse des choses qui arrivent ordinairement. Les guerres qui viennent de
l’extérieur sont bien moins funestes que les guerres civiles: c’est ce qui se
vérifie également pour tous les corps comme pour tous les êtres. Mais le
Seigneur emprunte ses exemples aux choses qui sont plus connues: « Tout royaume divisé contre lui-même
sera ruiné ». Rien n’est plus puissant sur la terre qu’un royaume,
cependant la division est pour lui un principe certain de ruine; que dire
après cela d’une ville, d’une maison, divisées contré elles-mêmes. Grand ou
petit, tout ce qui combat contre soi-même se détruit nécessairement. —
Saint Hilaire : (can. 12.) Le sort d’une maison ou d’une
cité est ici le même que celui d’un royaume; c’est pour cela qu’il ajoute: « Toute ville ou toute maison divisée
contre elle-même ne pourra subsister. » —
Saint Jérôme : De même que la concorde fait croître
les plus petites choses, ainsi la division fait tomber les plus grandes. —
Saint Hilaire : (can. 12) La parole de Dieu est riche, et
soit qu’on l’entende dans le sens le plus simple, soit qu’on pénètre dans ses
profondeurs, elle est indispensable à tout progrès [de l’âme]. Laissons donc
de côté l’interprétation commune assez claire d’elle-même, et arrêtons-nous
au sens intime de ces paroles. Le Seigneur, ayant à repousser l’accusation de
faire des miracles par Béelzébub, fait retomber cette accusation sur ses
auteurs. En effet, la loi vient de Dieu et la promesse du royaume d’Israël
découle de la loi: si le royaume de la loi est divisé contre lui-même, il
faut nécessairement qu’il se détruise, et c’est ainsi que le royaume d’Israël
a perdu la loi, alors que le peuple de la loi attaquait dans le Christ
l’accomplissement de la loi. C’est la ville de Jérusalem qui est ici
désignée, elle qui, après avoir dirigé contre son Seigneur tous les flots de
la fureur populaire et mis en fuite les Apôtres avec la multitude des
croyants, ne tiendra pas contre cette division, et le Seigneur prédit ici la
ruine de cette ville, qui suivit de près cette division. Il ajoute ensuite: « Et si Satan chasse Satan, il est
divisé contre lui-même ; comment son royaume subsistera-t-il ? » —
Saint Jérôme : C’est-à-dire: Si Satan combat contre
lui-même et si le démon se déclare l’ennemi du démon, la fin du monde devrait
être proche, car il n’y aurait plus de place pour ces puissances ennemies
dont les divisions assurent la paix aux hommes. — La Glose : Le Seigneur les
renferme donc dans un dilemme dont ils ne peuvent sortir: ou bien le Christ
chasse le démon par la puissance de Dieu, ou bien par la vertu du prince des
démons. Si c’est par la puissance de Dieu, leurs calomnies tombent à faux; si
c’est par le prince des démons, le royaume des démons est donc divisé contre
lui-même, et il ne peut subsister. C’est pour cela que les pharisiens se
retirent de son royaume, et le Seigneur insinue que c’est de leur propre
choix, parce qu’ils ont refusé de croire en lui. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42.) Ou bien si ce royaume est divisé, il s’est
affaibli [par cette division] et il est perdu; et, s’il est perdu, comment
peut-il en renverser un autre ? —
Saint Hilaire : (can. 12.) Ou bien encore si le démon est
forcément l’auteur de cette division intestine, et qu’il porte le trouble
parmi les démons eux-mêmes, il faut en conclure que celui qui est parvenu à
les diviser a plus de puissance que ceux qu’il a divisés; donc le royaume du
démon, devenu le théâtre d’une telle division, est détruit par le Christ. — Saint Jérôme : Si vous pensez, scribes et pharisiens, que les démons se retirent pour obéir à leur chef, pour tromper par cette démarche simulée les hommes ignorants, que pouvez-vous dire de ces guérisons miraculeuses dont le Seigneur est l’auteur ? A moins que vous ne reconnaissiez aussi dans les démons la puissance de guérir les infirmités du corps et le pouvoir d’opérer des prodiges spirituels. |
Lectio 6 [85476] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 6 Chrysostomus in Matth. Post primam
solutionem, venit ad secundam prima manifestiorem, dicens et si ego in
Beelzebub eicio Daemones, filii vestri in quo eiciunt? Ideo ipsi iudices
vestri erunt. Hieronymus. Filios Iudaeorum vel
exorcistas gentis illius, ex more signat, vel apostolos ex eorum stirpe
generatos. Si exorcistas, qui ad invocationem Dei eiciebant
Daemones, coarctat Pharisaeos interrogatione prudenti, ut confiteantur
spiritus sancti esse opus eorum. Quod si expulsio, inquit, Daemonum in filiis
vestris, Deo, non Daemonibus deputatur, quare in me idem opus non eamdem
habeat et causam? Ergo ipsi vestri iudices erunt, non potestate, sed
comparatione; dum illi expulsionem Daemonum Deo assignant, vos principi
Daemoniorum. Sin autem et de apostolis dictum est (quod et magis intelligere
debemus), ipsi erunt iudices eorum: quia sedebunt in duodecim soliis,
iudicantes duodecim tribus Israel. Hilarius in Matth. Idcirco autem digne iudices
sunt in eos constituti, quibus id dedisse Christus adversus Daemones
potestatis reperitur quod ipse est negatus habuisse. Rabanus. Vel quia apostoli bene sibi conscii
erant, nihil malae artis se ab eo didicisse. Chrysostomus in Matth. Non autem dixit:
discipuli mei, neque apostoli, sed filii vestri: ut si quidem voluerint
reverti ad illorum dignitatem, multam hinc accipiant occasionem; si autem
ingrati fuerint, neque inverecundam habeant excusationem. Eiciebant autem
apostoli Daemones, quia acceperant potestatem ab ipso, et tamen nihil eos
incusabant: non enim rebus, sed personae Christi adversabantur. Volens igitur
monstrare quoniam invidiae erant quae dicebantur de ipso, apostolos in medium
ducit. Rursus autem ad sui cognitionem inducit eos, demonstrans quoniam
propriis adversantur bonis, et contrariantur suae saluti; cum deceret eos
laetari, quod magna bona illis advenerat donaturus; unde sequitur si autem
ego in spiritu Dei eicio Daemones, igitur pervenit in vos regnum Dei. Per hoc
autem demonstrat quod magnae virtutis opus est Daemones eicere, et non
cuiuslibet gratia. Et ob hoc quidem syllogizat dicens ergo pervenit in vos
regnum Dei; ac si dicat: si hoc est, profecto filius Dei advenit. Hoc autem
obumbrate dicit, ut non illis sit grave. Deinde ut illos alliciat, non dixit
simpliciter pervenit regnum, sed in vos; quasi dicat: vobis veniunt bona:
propter quid vestram impugnatis salutem? Hoc enim est signum a prophetis
traditum praesentiae filii Dei, tanta fieri potestate divina. Hieronymus. Regnum enim Dei seipsum signat, de
quo in alio loco scriptum est: regnum Dei intra vos est; et: medius stat
intra vos quem nescitis. Vel certe illud regnum quod et Ioannes et ipse
dominus praedicaverant: poenitentiam agite: appropinquabit enim regnum
caelorum. Est et tertium regnum Scripturae sanctae, quod auferetur a Iudaeis,
et tradetur genti facienti fructus eius. Hilarius in Matth. Si ergo discipuli operantur
per Christum, et ex spiritu Dei Christus operatur, adest regnum Dei iam in
apostolos mediatoris officio transfusum. Diminutio etiam regni Diaboli, est augmentatio
regni Dei. Augustinus de quaest. Evang. Unde potest etiam
hic esse sensus: si ego in Beelzebub eicio Daemones, etiam secundum vestram
sententiam pervenit in vos regnum Dei: quia regnum Diaboli stare non potest,
quem adversum se divisum fatemini. Regnum enim Dei nunc dixit quo damnantur
impii, et a fidelibus de peccatis suis poenitentiam nunc agentibus decernuntur. |
Versets 27-28.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 42.) A cette première réponse, Notre Seigneur en ajoute une seconde
beaucoup plus évidente encore: « Et
si c’est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos enfants les
chasseront-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. » — Saint Jérôme : [référence
à vérifier] Par les enfants des Juifs, il entend les
exorcistes païens établis par la coutume ou les Apôtres sortis de la nation
juive. S’il veut parler des exorcistes qui chassaient les démons en invoquant
le nom de Dieu, il force les pharisiens par cette question adroite à
reconnaître en eux l’oeuvre de l’Esprit saint ? Si le pouvoir de chasser
les démons, leur dit-il, est dans vos enfants l’oeuvre de Dieu, et non pas
des démons, pourquoi cette puissance aurait-elle en moi un autre
principe ? Ils seront donc eux-mêmes vos juges, non par la puissance
qu’ils exerceront sur vous, mais par l’opposition [de leur conduite avec la
vôtre], puisque c’est à Dieu qu’ils font remonter le pouvoir de chasser les
démons, tandis que vous l’attribuez au prince des démons. Si au contraire ces
paroles doivent s’entendre des Apôtres, ce qui est plus probable, ils seront
leurs juges, parce qu’ils siégeront sur douze siéges pour juger les douze
tribus d’israël. (Mt 19.) — Saint Hilaire : (can. 12.) Or, c’est à juste titre que les Apôtres seront établis leurs
juges, eux qui ont été revêtus par Jésus-Christ du pouvoir de chasser les
démons, pouvoir que les pharisiens ont refusé de reconnaître dans le Christ
lui-même. — Raban : Ou bien encore,
c’est parce que les Apôtres avaient la conscience que le Christ ne les avait
initiés à aucune science funeste. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
42.) Le
Seigneur ne dit pas ici: Mes disciples, ni mes Apôtres, mais « vos enfants », afin de
leur donner toutes facilités de retrouver leur dignité, ou, s’ils
persévéraient dans leur ingratitude, d’ôter toute excuse à leur impudence.
Or, les Apôtres chassaient les démons en vertu du pouvoir que le Seigneur
lui-même leur avait donné; cependant les pharisiens ne songeaient pas à les
accuser, car ce n’était pas le fait lui-même qu’ils attaquaient, mais la
personne du Christ. Il prend les Apôtres pour exemple, afin de leur prouver
que c’était sous l’inspiration de l’envie qu’ils parlaient ainsi de lui. Il
les conduit ensuite de nouveau à la connaissance de lui-même, en leur
démontrant qu’ils sont les ennemis déclarés de leur propre bonheur, et qu’ils
s’opposent à leur salut, tandis qu’ils devraient se réjouir de ce qu’il était
venu pour leur communiquer des biens ineffables. Or, poursuit-il, « si c’est par l’Esprit de Dieu que
je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu’à
vous. » Il leur montre par là que chasser les démons n’est pas
l’effet d’une grâce ordinaire; mais un acte de puissance extraordinaire, et
c’est pour établir cette vérité qu’il tire cette conclusion: « Donc le royaume de Dieu est parvenu
jusqu’à vous. » Comme s’il disait: S’il en est ainsi, c’est que,
bien certainement, le Fils de Dieu est venu sur la terre. Mais il laisse
cette conséquence dans l’obscurité, pour ne pas leur être insupportable. Au
contraire, comme il veut les attirer à lui, il ne se contente pas de dire: Le
royaume de Dieu est arrivé, mais « il
est arrivé jusqu’à vous. » Il semble leur dire: Les biens vous
arrivent; pourquoi donc vous déclarer contre ce qui doit être votre
salut ? Ces oeuvres si grandes de la puissance divine ont été prédites
par tous les prophètes comme le signe de la présence du Fils de Dieu sur la
terre. —
Saint Jérôme : Il se désigne lui-même comme ce
royaume de Dieu, dont il est dit ailleurs: « Le royaume de Dieu est au milieu de vous. » (Lc 17;)
Et encore: « Il y en a un au
milieu de vous que vous ne connaissez pas. » (Jn 1.) Ou bien encore,
c’est ce royaume que Jean-Baptiste et le Seigneur lui-même ont annoncé en ces
termes: « Faites pénitence, car le
royaume des cieux est proche. » (Mt
3.) Il est un troisième royaume de la sainte Écriture qui est enlevé aux
Juifs pour être donné à une nation qui lui fera porter des fruits. (Mt 21.) — Saint Hilaire : (can.
12.) Si
donc les disciples agissent par la vertu du Christ, et que le Christ agisse
lui-même par la vertu de l’Esprit saint, le royaume de Dieu arrive, puisqu’il
a été communiqué aux Apôtres par le ministère du médiateur lui-même. — La Glose : [référence
à vérifier] On peut dire aussi que l’affaiblissement
du pouvoir du démon est une augmentation du royaume de Dieu. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 5.) On peut donc donner aussi cette explication: Si je chasse les démons par Béelzébub, même dans votre pensée, le royaume de Dieu est parvenu jusqu’à vous; car ce royaume du démon qui, de votre aveu, est divisé contre lui-même, ne peut subsister. Ce royaume de Dieu dont il parle, c’est celui où les impies subissent leur condamnation, et où ils sont séparés des fidèles qui font maintenant pénitence de leurs péchés. |
Lectio 7 [85477] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 7 Chrysostomus in Matth. Posita
secunda solutione, inducit et tertiam, dicens aut quomodo potest quisquam intrare
in domum fortis? Quod enim non potest Satanas Satanam eicere, manifestum ex
dictis est. Sed quoniam neque alius potest eum eicere nisi prius eum
superaverit, omnibus est manifestum. Constituitur ergo quod et antea ex
manifestiori abundantia: dicit enim: tantum absisto ab hoc quod utar Diabolo
coadiutore, quod praelier cum eo et ligem eum: et huiusmodi coniectura est
quod vasa eius diripio. Et sic contrarium eius quod illi tentabant dicere,
demonstrat. Illi enim volebant ostendere quod non propria virtute eicit
Daemones, ipse autem ostendit quod non solum Daemones, sed et eorum principem
ligavit: quod manifestum est ab his quae facta sunt. Qualiter enim principe
non victo, hi qui subiacent Daemones direpti sunt? Hoc autem mihi prophetia
videtur esse, quod dicitur: non enim solum Daemones eicit, sed et errorem
universi orbis terrarum abiget et machinationem Diaboli dissolvet. Et non
dixit: rapiet, sed diripiet, ostendens quod hoc cum potestate fiat. Hieronymus. Domus illius mundus est, in
maligno positus, non creatoris dignitate, sed magnitudine delinquentis.
Alligatus est fortis, et religatus in Tartarum, et domini pede contritus. Non
autem debemus esse securi: adversarius noster fortis victoris quoque vocibus
comprobatur. Chrysostomus in Matth. Fortem autem eum vocat,
antiquam eius ostendens tyrannidem, quae ex nostra desidia orta est. Augustinus de quaest. Evang. Quos scilicet
ipse tenebat, ne possent viribus suis ab illo se homines eruere, sed per
gratiam Dei. Vasa eius dicit omnes infideles. Alligavit
autem fortem, quia potestatem illi ademit impediendi voluntatem fidelium a
sequendo Christo et obtinendo regno Dei. Rabanus. Domum ergo eius diripuit; quia
ereptos a Diaboli laqueis eos quos suos esse praevidit, Ecclesiae adunavit;
vel quia omnes mundi partes apostolis et eorum successoribus convertendas
distribuit. Ostendit igitur per manifestam parabolam, dicens, quia non
concordat in fallaci operatione cum Daemonibus ut calumniabantur, sed virtute
divinitatis homines a Daemonibus liberavit. |
Verset 29.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 42.) A cette seconde réponse, Notre Seigneur en ajoute encore une
troisième: « Comment quelqu’un
peut-il entrer dans la maison du fort ? » etc... Que Satan ne
puisse chasser Satan, c’est chose évidente d’après ce qui précède, et il est
également hors de doute que personne ne peut le chasser sans l’avoir tout
d’abord vaincu. Notre Seigneur reproduit donc, mais avec une nouvelle force,
la raison qu’il a donnée précédemment: Je suis si loin de demander au démon son
appui, que je suis en guerre avec lui et que je le tiens captif, et la
preuve, c’est que j’enlève tout ce qu’il possède. C’est ainsi qu’il établit
le contraire de ce que ses ennemis cherchaient à lui reprocher. Que
voulaient-ils en effet ? Persuader que ce n’était point par sa propre
puissance qu’il chassait les démons. Or, il leur démontre qu’il a fait
captifs, non seulement les démons, mais leur chef lui-même. Ce qu’il a fait
le prouve suffisamment. Car comment, sans l’avoir réduit le premier, aurait-il
pu se rendre maître des démons qui sont sous ses ordres ? Ces paroles
contiennent, à mon avis, une prophétie; car non seulement il chasse
actuellement les démons, mais il fera disparaître l’erreur de toute la face
de la terre, et détruira tous les artifices du démon. Il ne dit pas: Il
enlèvera, mais: « Il
arrachera », pour montrer la puissance avec laquelle il agit. —
Saint Jérôme : La maison du démon, c’est le monde
qui est soumis à l’empire du malin esprit, non par la volonté de son
Créateur, mais par la grandeur de sa faute. Le fort a été chargé de chaînes,
relégué dans l’enfer et brisé sous les pieds du Seigneur. Toutefois nous ne
devons pas être sans crainte; car notre adversaire est proclamé « le
fort » par la bouche même de son vainqueur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42.) Il l’appelle le fort, pour
exprimer son antique tyrannie, due tout entière à notre lâcheté. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 5.) Satan tenait les
hommes captifs, et ils ne pouvaient s’arracher de ses mains par leurs propres
forces, mais ils le pouvaient par la grâce de Dieu. Ce qu’il appelle ses
armes, ce sont les infidèles. Il a lié le fort en lui enlevant le pouvoir
qu’il avait de s’opposer à la volonté des fidèles qui veulent suivre le
Christ, et conquérir le royaume de Dieu. — Raban : Il a pillé sa maison, parce qu’il a délivré des pièges du démon, pour les réunir à son Église, ceux qu’il avait prévus devoir être à lui, ou bien lorsqu’il a donné le monde entier à convertir à ses Apôtres et à leurs successeurs. Par cette comparaison si claire, il leur montre donc qu’il n’est point associé aux opérations mensongères du démon, comme ils l’en accusaient faussement, mais que c’est par la puissance divine qu’il a délivré les hommes de la tyrannie des démons. |
Lectio 8 [85478] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 8 Chrysostomus in Matth. Posita
tertia solutione, hic ponit quartam, dicens qui non est mecum, contra me est. Hilarius in Matth. In quo ostendit longe a se
esse ut aliquid a Diabolo mutuatus sit potestatis; et ex hoc ingentis periculi
res intelligitur male de eo opinari, cum quo non esse, idipsum est quod
contra esse. Hieronymus. Non tamen putet hoc quisquam de
haereticis dictum et schismaticis; quamquam et ita ex superfluo posset
intelligi; sed ex consequentibus textuque sermonis ad Diabolum refertur, eo
quod non possint opera salvatoris Beelzebub operibus comparari. Ille cupit animas hominum tenere captivas, dominus liberare; ille
praedicat idola, hic unius Dei notitiam; ille trahit ad vitia, hic revocat ad
virtutes. Quomodo ergo possunt inter se habere concordiam quorum opera sunt
diversa? Chrysostomus in Matth. Qui ergo non
mecum congregat, neque mecum est, non erit mihi comparandus, ut mecum
Daemones eiciat: sed magis desiderat quae mea sunt spargere. Sed
dic mihi: si oportuerit cum aliquo praeliari, qui non vult tibi auxiliari,
hoc ipso non est adversum te? Ipse etiam dominus alio loco dixit: qui non est
adversum vos, pro vobis est. Sed non est contrarium hoc quod hic dicitur. Hic
enim loquitur de Diabolo adversario existente, ibi autem de homine qui in
parte erat cum eis, de quo dictum erat: vidimus quemdam in nomine tuo
eicientem Daemonia. Videtur autem Iudaeos hic occulte insinuare, cum Diabolo
statuens eos: ipsi enim adversus eum erant, et spargebant quae ipse congregabat.
Sed et decens est credere hoc de seipso dixisse: quia adversus Diabolum erat,
et quae illius sunt dispergebat. |
Verset 30.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 42.) A cette troisième raison en succède une quatrième: « Celui qui n’est pas avec moi est contre
moi. » —
Saint Hilaire : (can. 12.) Jésus fait connaître combien il
s’en faut qu’il ait emprunté la moindre puissance au démon, et il nous laisse
entrevoir combien il est dangereux de se faire une mauvaise idée de lui,
puisque ne pas être avec lui c’est être contre lui. —
Saint Jérôme : Il ne faut pas croire cependant que
ces paroles se rapportent aux hérétiques et aux schismatiques, quoiqu’on
puisse les leur appliquer par extension; car le contexte et la suite du récit
nous forcent de les entendre du démon, en ce sens qu’on ne peut comparer les
oeuvres du Seigneur aux oeuvres de Béelzébub. Le désir du démon, c’est de
tenir les âmes des hommes captives; le désir du Seigneur, c’est de les
délivrer; l’un prêche le culte des idoles, l’autre la connaissance du vrai
Dieu; le démon entraîne au mal, le Seigneur rappelle à la pratique des
vertus. Or, quel accord est possible entre ceux dont les oeuvres sont si
contraires ? — Saint Jean Chrysostome : (hom. 42.) Celui qui n’amasse pas avec moi et qui n’est pas avec moi, ne peut être d’accord avec moi pour chasser les démons ? il désire bien plutôt disperser ce qui m’appartient. Mais, dites-moi, si vous aviez un combat à livrer, celui qui ne voudrait pas venir à votre secours ne serait-il point par là même contre vous ? Car le Seigneur lui-même a dit dans un autre endroit: « Celui qui n’est pas contre vous est pour vous. » Il n’y a point ici de contradiction entre ces deux passages: d’un côté le Seigneur veut parler du démon qui est en guerre ouverte avec lui; de l’autre, d’un homme qui était en partie avec les disciples, et dont ils disaient: « Nous avons vu un homme chasser les démons en votre nom. » Ce sont les Juifs qu’il paraît surtout avoir ici en vue, sans le dire, et qu’il range dans le parti du démon; ils étaient en effet contre lui, et ils dispersaient ce qu’il cherchait à réunir. On peut admettre aussi qu’il veut parler de lui-même, car il était l’ennemi déclaré du démon, et s’efforçait de détruire ses oeuvres. |
Lectio 9 [85479] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 9 Chrysostomus in Matth. Quia
dominus Pharisaeis excusando respondebat, iam eos terret. Est enim hoc
correctionis non parva pars, non solum excusando respondere, sed et comminari. Hilarius in Matth. Pharisaeorum enim
sententiam, et eorum qui ita cum his sentiunt, perversitatem severissima
definitione condemnat; peccatorum omnium veniam promittens, et blasphemiae
spiritus indulgentiam abnegans: ideo dico vobis: omne peccatum et blasphemia
remittetur hominibus. Remigius. Sciendum est tamen, quod non passim
quibuscumque dimittuntur; sed illis qui pro suis reatibus dignam poenitentiam
egerint. Destruitur autem his verbis error Novatiani, qui dicebat, quod
fideles post lapsum per poenitentiam non possunt surgere, neque peccatorum
suorum veniam promereri; maxime illi qui in persecutione positi negabant.
Sequitur spiritus autem blasphemiae non remittetur. Augustinus de Verb. Dom. Quid enim interest ad
rem utrum dicatur spiritus blasphemiae non remittetur, an dicatur: qui
blasphemaverit in spiritum sanctum, non ei remittetur, ut Lucas dicit, nisi
forte quod eadem sententia apertius isto modo quam illo dicitur; et alium
Evangelistam non destruit alius, sed exponit? Spiritus enim blasphemiae
clause dictum est, quia non est expressum cuius spiritus; et ideo ad huiusmodi
expositionem subditur et quicumque dixerit verbum contra filium hominis,
remittetur ei. Ideo post universalem commemorationem omnis blasphemiae,
eminentius voluit exprimere blasphemiam quae dicitur contra filium hominis,
quam in Evangelio secundum Ioannem valde gravem ostendit, ubi ait de spiritu
sancto: ille arguet mundum de peccato, de iustitia, et de iudicio: de peccato
quidem, quia non credunt in me. Sequitur qui autem dixerit contra spiritum
sanctum verbum, non remittetur ei neque in hoc saeculo neque in futuro. Non
ergo hoc dicitur propterea quia in Trinitate maior est filio spiritus
sanctus: quod nullus unquam vel haereticus dixit. Hilarius in Matth. Quid autem tam extra veniam
est quam in Christo negare quod Dei est, et consistentem in eo paterni
spiritus substantiam adimere, cum in spiritu Dei omne opus consummet, et in
eo Deus sit mundum reconcilians sibi? Hieronymus. Vel ita locus iste est
intelligendus. Qui verbum dixerit contra filium hominis, scandalizatus carne
mea, et me hominem tantum arbitrans; talis opinio atque blasphemia, quamquam
culpa non careat erroris, tamen habet veniam propter corporis vilitatem. Qui
autem manifeste intelligens opera Dei, cum Dei virtutem negare non possit,
eadem calumniatur stimulatus invidia, et Christum Dei verbum et opera
spiritus sancti dicit esse Beelzebub, isti non remittitur neque in hoc
saeculo, neque in futuro. Augustinus de Verb. Dom. Sed si hoc propterea
dictum esset, profecto de omni blasphemia taceretur, et haec sola
remissibilis videretur quae contra filium hominis dicitur, quasi cum homo
solum putatur. Cum vero praemissum sit omne peccatum et blasphemia remittetur
hominibus, proculdubio et illa blasphemia quae contra patrem dicitur, ista
generalitate concluditur; et tamen haec sola irremissibilis definitur quae
dicitur contra spiritum sanctum. Numquidnam et pater formam servi accepit,
quasi sit maior spiritus sanctus? Quis etiam non convincitur dixisse verbum
contra spiritum sanctum antequam Christianus vel Catholicus fieret? Primo ipsi
Pagani, cum dicunt Christum magicis artibus fecisse miracula, nonne similes
sunt his qui dixerunt eum in principe Daemoniorum eiecisse Daemonia? Iudaei
etiam, et quicumque haeretici qui spiritum sanctum confitentur, sed negant
eum esse in corpore Christi, quod est Ecclesia Catholica, similes sunt
Pharisaeis, qui negabant spiritum sanctum esse in Christo. Quidam etiam
haeretici ipsum spiritum sanctum vel creaturam esse contendunt, sicut Ariani,
Eunomiani et Macedoniani; vel eum prorsus ita negant ut Deum negent esse
Trinitatem; sed solum patrem esse Deum asseverant; et ipsum aliquando vocari
filium, aliquando spiritum sanctum, sicut Sabelliani. Photiniani quoque
patrem solum esse dicentes Deum, filium vero non nisi hominem, negant omnino
tertiam esse personam spiritum sanctum. Manifestum est igitur, a Paganis,
Iudaeis et haereticis blasphemari spiritum sanctum. Numquid ergo deserendi
sunt, et sine ulla spe deputandi? Quibus si non est dimissum verbum quod
dixerunt contra spiritum sanctum, inaniter eis promittitur quod in Baptismo
sive in Ecclesia remissionem accipiant peccatorum. Non enim dictum est: non
remittetur ei in Baptismo; sed neque in hoc saeculo neque in futuro: et sic
illi soli aestimandi sunt ab huiusmodi gravissimi peccati reatu liberi qui ab
infantia sunt Catholici. Nonnullis autem videtur eos tantummodo peccare in
spiritum sanctum qui lavacro regenerationis abluti in Ecclesia, et accepto
spiritu sancto, velut tanto postea dono salvatoris ingrati, mortifero aliquo
peccato se immerserunt; qualia sunt vel adulteria, vel homicidia, vel ipsa
discessio a nomine Christiano, sive Catholica Ecclesia. Sed iste sensus unde
probari possit ignoro; cum et poenitentiae quorumcumque criminum locus in
Ecclesia non negetur, et ipsos haereticos ad hoc utique corripiendos dicat
apostolus: ne forte det illis Deus poenitentiam ad cognoscendam veritatem.
Postremo non ait dominus: qui fidelis Catholicus dixerit verbum contra
spiritum sanctum; sed qui dixerit, hoc est quicumque dixerit, non remittetur
ei neque in hoc saeculo neque in futuro. Augustinus de Serm. Dom. Vel aliter. Dicit
Ioannes apostolus: est peccatum ad mortem, non pro eo dico, ut roget quis.
Peccatum autem fratris ad mortem dico esse, cum post Dei agnitionem per
gratiam domini nostri Iesu Christi quisquam oppugnat fraternitatem, aut
adversus ipsam gratiam qua reconciliatus est Deo, invidentiae facibus
agitatur. Huius peccati tanta labes est ut deprecandi humilitatem subire non
possit, etiam si peccatum suum mala conscientia et agnoscere et annuntiare
cogatur. Quam mentis affectionem propter peccati magnitudinem iam de
damnatione aliquos habere credendum est: et hoc fortasse est peccare in
spiritum sanctum; idest, per malitiam et invidiam, fraternam impugnare
caritatem, post acceptam gratiam spiritus sancti; quod peccatum dominus neque
hic, neque in futuro saeculo dimitti dicit. Unde quaeri potest utrum in
spiritum sanctum Iudaei peccaverint, quando dixerunt, quod in Beelzebub
principe Daemoniorum dominus Daemonia expellebat. Utrum enim hoc in ipsum
dominum dictum accipiamus, quia de se dicit alio loco: si patremfamilias
Beelzebub vocaverunt, quanto magis domesticos eius? An quoniam de magna
invidentia dixerant, ingrati tam praesentibus beneficiis, quamvis nondum
Christiani fuerint, tamen propter ipsam invidentiae magnitudinem in spiritum
sanctum peccasse credendi sunt? Non enim hoc colligitur de verbis domini.
Videri tamen potest adhuc eos monuisse, ut accedant ad gratiam, et post
acceptam gratiam non ita peccent ut nunc peccaverunt. Neque enim in filium
hominis dixerunt verbum nequam; et potest eis dimitti, si conversi fuerint et
ei crediderint. Si autem postquam spiritum sanctum acceperint, fraternitati
invidere, et gratiam quam acceperunt, oppugnare voluerint, non eis dimittitur
neque in hoc saeculo, neque in futuro. Nam si eos sic haberet condemnatos ut
nulla spes reliqua illis esset, non adhuc monendo indicaret, cum addidit
dicens aut facite arborem bonam, et cetera. Augustinus in Lib. Retract. Hoc autem non
confirmavi, quia hoc putare me dixi; sed tamen addendum fuit: si in hac tamen
scelerata mentis perversitate finierit hanc vitam: quoniam de quocumque
pessimo in hac vita constituto non est utique desperandum; nec pro illo
imprudenter oratur de quo non desperatur. Augustinus de Verb. Dom. Est autem magnum
secretum huius quaestionis. Lumen ergo expositionis a domino quaeratur. Dico
autem caritati vestrae, forte in omnibus Scripturis sanctis nulla maior
quaestio, nulla difficilior invenitur. Prius ergo ut advertatis admoneo, non
dixisse dominum: omnis blasphemia spiritus non remittetur; neque dixisse: qui
dixerit quodcumque verbum contra spiritum sanctum; sed qui dixerit verbum. Quapropter non est necesse ut omnem blasphemiam
et omne verbum quod dicitur contra spiritum sanctum, remissionem quisquam
existimet non habere; sed necesse est plane ut sit aliquod verbum quod si
dicatur contra spiritum sanctum, nullam remissionem mereatur. Solent enim
Scripturae ita loqui, ut quando aliquid sic dicitur ut neque ex toto, neque
ex parte dictum sit, non sit necesse ut ex toto fieri possit, ut ex parte non
intelligatur: sicut cum dominus dixit Iudaeis: si non venissem, et locutus
eis non fuissem, peccatum non haberent. Non enim ita dictum est ut sine ullo
omnino peccato vellet intelligi futuros fuisse Iudaeos; sed esse aliquod
peccatum quod non haberent nisi Christus venisset. Quis autem sit iste modus contra spiritum
sanctum, ordo postulat ut dicamus. Insinuatur siquidem nobis in patre
auctoritas, in filio nativitas, in spiritu sancto patris filiique communitas.
Quod ergo commune est patri et filio et per hoc nos voluerunt habere
communionem et inter nos et secum. Caritas enim Dei diffusa est in cordibus
nostris per spiritum sanctum qui datus est nobis, et quia peccatis
alienabamur a possessione bonorum verorum, caritas operit multitudinem
peccatorum. Quod enim Christus in spiritu sancto peccata dimittat, hinc
intelligi potest quod cum dixisset discipulis: accipite spiritum sanctum,
continuo subiecit: si cui dimiseritis peccata, dimittentur illis. Primum itaque credentium beneficium est in spiritu sancto remissio
peccatorum. Contra hoc donum gratuitum loquitur cor impoenitens: ipsa ergo
impoenitentia est spiritus blasphemiae; quae non remittetur neque in hoc
saeculo, neque in futuro. Contra enim spiritum
sanctum, quo peccata dimittuntur, verbum valde malum, sive cogitatione sive
lingua sua dicit qui secundum duritiam cordis sui et cor impoenitens
thesaurizat sibi iram in die irae. Haec
omnino impoenitentia non habet remissionem neque in hoc saeculo, neque in
futuro: quia poenitentia impetrat remissionem in hoc saeculo, quae valeat in
futuro. Sed ista impoenitentia, quamdiu quisque in hac
carne vivit, non potest iudicari: de nullo enim desperandum est quamdiu
patientia Dei ad poenitentiam adducit. Quid enim, si isti quos in quocumque
genere erroris notas et tamquam desperatissimos damnas, antequam istam vitam
finiant, agant poenitentiam et inveniant veram vitam in futuro? Haec autem
blasphemia, quamvis prolixa, et pluribus verbis contexta sit, solet tamen
Scriptura etiam multa verba verbum appellare: neque enim unum verbum locutus
est dominus cum propheta; et tamen legitur: verbum quod factum est ad illum,
vel ad illum prophetam. Hic autem fortassis aliquis quaerat utrum
tantummodo spiritus sanctus peccata dimittat, an et pater et filius.
Respondemus, quia et pater et filius: ipse enim filius de patre dicit:
dimittet vobis pater vester peccata vestra; et de se ait: filius hominis
potestatem habet in terra dimittendi peccata. Cur ergo illa impoenitentia
quae numquam dimittitur, solum ad spiritus sancti blasphemiam dicitur
pertinere? Tamquam ille qui in hoc impoenitentiae peccato fuerit obligatus,
dono spiritus sancti resistere videatur, quod eo dono fiat remissio
peccatorum. Sed peccata, quia praeter Ecclesiam non
dimittuntur, in eo spiritu dimitti oportebat quo in unum Ecclesia
congregatur. Remissio ergo peccatorum, quam tota Trinitas facit, proprie ad
spiritum sanctum dicitur pertinere: ipse enim est spiritus adoptionis
filiorum, in quo clamamus: abba pater, ut ei possimus dicere: dimitte nobis
debita nostra. Et hinc cognoscimus, sicut dicit Ioannes,
quoniam Christus manet in nobis, de spiritu sancto quem dedit nobis. Ad ipsum
etiam pertinet societas qua efficimur unum corpus unici filii Dei: quia quodammodo societas patris et filii est ipse
spiritus sanctus. Quisquis ergo reus fuerit impoenitentiae contra
spiritum sanctum in quo unitas et societas communionis congregatur Ecclesiae,
numquam illi remittitur. Chrysostomus in Matth. Vel aliter secundum
primam expositionem: Iudaei quidem ignorabant Christum quis esset; spiritus
autem sancti sufficiens acceperunt experimentum; etenim prophetae per eum
locuti sunt. Quod ergo dicit hoc est: esto quia me offendistis propter carnem
circumpositam; numquid et de spiritu sancto habetis dicere: quoniam ignoramus
eum? Propter hoc non ignoscibilis est vobis haec blasphemia, et hic et illic
dabitis vindictam; quia enim Daemones eicere et sanitates perficere spiritus
sancti est: non ergo mihi contumelias infertis solum, sed spiritui sancto;
ideoque vobis inevitabilis erit condemnatio et hic et illic. Etenim hominum
hi quidem hic solum puniuntur, sicut qui indigni participaverunt mysteriis
apud Corinthios; hi autem illic solum, sicut dives in Inferno; hi autem hic
et illic, sicut et ipsi Iudaei, qui et hic intolerabilia passi sunt,
Ierusalem capta, et ibi difficillimam sustinent poenam. Rabanus. In hac autem auctoritate extinguitur
haeresis Origenis, qui asserit, post multa saecula omnes peccatores veniam
consecuturos; quae refellitur per hoc quod dicitur, quod non remittetur neque
in hoc saeculo, neque in futuro. Gregorius in dialogo. Datur enim intelligi
quasdam culpas in hoc saeculo, quasdam vero in futuro relaxari: quod enim de
uno negatur, de quibusdam conceditur. Sed tamen hoc de parvis minimisque
peccatis fieri posse credendum est; sicut est assiduus otiosus sermo,
immoderatus risus, vel peccatum curae rei familiaris, quae vix sine culpa vel
ab ipsis agitur qui culpam qualiter debeant declinare sciunt; aut in non
gravibus culpis error ignorantiae, quae etiam post mortem gravant, si nobis
in hac vita adhuc positis minime fuerint relaxata. Hoc tamen sciendum est,
quia illic saltem de minimis nil quisque purgationis obtinebit nisi qui hoc
bonis actibus in hac vita positus ut obtineat, promeretur. |
Versets 31-32.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 42.) Le Seigneur a répondu aux pharisiens en justifiant sa conduite;
il leur inspire maintenant de la crainte. Car une partie importante de la
correction, c’est non seulement de justifier sa manière d’agir, mais aussi
d’y ajouter les menaces. —
Saint Hilaire : (can. 12.) Il prononce un jugement sévère contre
l’opinion des pharisiens et contre la perversité de ceux qui la partagent, en
promettant le pardon de tous les péchés, mais en le refusant au blasphème
contre l’Esprit. « C’est pourquoi
je vous déclare que tout péché et tout blasphème sera remis. » —
Saint Rémi : Remarquons, toutefois, que le pardon
n’est pas accordé indistinctement à tout le monde, mais à ceux qui auront
fait une pénitence proportionnée à leurs péchés. Ces paroles sont la
condamnation de l’erreur de Novatien, qui prétendait que les fidèles ne
pouvaient se relever de leurs chutes par la pénitence, ni mériter le pardon
de leurs péchés, surtout ceux qui avaient renoncé la foi dans les
persécutions. Suite : « mais le blasphème contre le Saint-Esprit ne leur sera point
remis. » —
Saint Augustin : (serm. sur les paroles du Seig.) Quelle
différence entre cette expression: « Le
blasphème contre l’Esprit ne sera pas pardonné », et cette autre que
nous lisons dans saint Luc: « Si
quelqu’un blasphème contre l’Esprit saint, il ne lui sera pas remis » (Lc 11), si ce n’est que la même pensée
est rendue plus clairement d’une façon que de l’autre, et que le second
Évangéliste explique le premier sans le contredire ? En effet, cette
expression: le blasphème de l’Esprit, a quelque obscurité, parce qu’on ne dit
pas de quel esprit il s’agit, et c’est pour la faire disparaître que Notre
Seigneur ajoute: « et pour quiconque
aura dit une parole contre le Fils de l’homm, il y aura rémission. »
Après avoir parlé en général de toute espèce de blasphème, il veut spécifier
en particulier le blasphème contre le Fils de l’homme, blasphème qui nous est
représenté comme un péché très grave dans l’Évangile de saint Jean, où nous
lisons à propos de l’Esprit Saint: « Il
convaincra le monde de péché, de justice et de jugement; de péché, parce
qu’ils n’ont pas cru en moi. » (Jn 16.) Le Seigneur ajoute: « Mais celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, il ne
lui sera point pardonné, ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir. »
Ces paroles ne signifient donc pas que dans la Trinité l’Esprit saint est
supérieur au Fils, erreur que n’a jamais soutenue personne, pas même les
hérétiques. — Saint Hilaire : (can.
12.) Qu’y a-t-il de plus impardonnable que de nier
la nature divine dans le Christ, que de le dépouiller de la substance de
l’Esprit du Père qui demeure en lui, alors qu’il opère toutes ses oeuvres par
l’Esprit de Dieu, et que Dieu est en lui pour se réconcilier le monde ? —
Saint Jérôme : Ou bien ce passage doit être entendu
ainsi: Si quelqu’un dit une parole contre le Fils de l’homme, scandalisé
qu’il est par la chair dont je suis revêtu, et ne voyant en moi qu’un homme,
cette opinion, bien qu’elle soit un blasphème et une erreur coupable, sera
cependant digne de pardon, à cause de la faiblesse de la nature humaine [qui
paraît en moi]; mais celui qui, en présence d’oeuvres incon-testablement
divines dont il ne peut nier la puissance, osera cependant me calomnier sous
l’inspiration de l’envie, et dire que le Christ, le Verbe de Dieu, et les
oeuvres de l’Esprit saint doivent être attribuées à Béelzébub, ne peut
espérer de pardon ni dans ce monde ni dans l’autre. —
Saint Augustin : (serm. 2 sur
les paroles du Seig.) Si tel était le sens de ces paroles, il ne serait
question d’aucun autre blasphème, et le seul qui serait irrémissible serait
le blasphème contre le Fils de l’homme, c’est-à-dire celui qui ne veut voir
en lui qu’un homme. Mais comme il a commencé par dire: « Tout péché et tout blasphème sera remis aux hommes »,
il est hors de doute que le blasphème contre le Père lui-même est compris
dans cette proposition générale; et le seul blasphème qu’il déclare irrémissible
est celui qui attaque l’Esprit saint. Est-ce que le Père lui-même a pris la
forme d’un esclave, de manière que sous ce rapport l’Esprit saint lui soit
supérieur ? Et quel est celui qu’on ne pourrait convaincre d’avoir parlé
contre l’Esprit saint avant qu’il devint chrétien et catholique ? Est-ce
que d’abord les païens, lorsqu’ils osent attribuer les miracles de
Jésus-Christ à des opérations magiques, ne sont pas semblables à ceux qui lui
reprochaient de chasser les démons au nom du prince des démons ? Et les
Juifs eux-mêmes, et tous les hérétiques qui confessent l’Esprit saint, mais
qui nient sa présence perpétuelle dans le corps du Christ, qui est l’Église
catholique, ressemblent aux pharisiens qui niaient que l’Esprit saint fût en
Jésus-Christ. D’ailleurs, il y a eu des hérétiques, comme les Ariens, les
Eunomiens et les Macédoniens, qui ont osé soutenir que l’Esprit saint n’était
qu’une créature, ou qui ont nié son existence et ont affirmé que Dieu n’était
pas Trinité, jusqu’à prétendre que le Père seul était Dieu, et qu’on lui
donnait tantôt le nom de Fils, tantôt le nom de l’Esprit saint; ce sont les
Sabelliens. Les Photiniens soutiennent aussi que le Père seul est Dieu, que
le Fils n’est qu’un homme, et ils nient complètement l’existence de la
troisième personne, de l’Esprit saint. Il est donc évident que les païens,
les hérétiques et les Juifs blasphèment contre l’Esprit saint. Faut-il donc
les abandonner et les considérer comme n’ayant plus d’espérance ? Si le
blasphème qu’ils ont proféré contre l’Esprit saint, ne doit pas leur être
remis, c’est donc inutilement qu’on leur promet qu’ils recevront la rémission
de leurs péchés dans le baptême, ou par leur entrée dans l’Église. Car Notre
Seigneur ne dit pas: Ce péché ne lui sera remis que dans le baptême, mais: « Il ne lui sera remis ni dans ce
monde ni dans l’autre », et ainsi il n’y aurait pour être exempts de
ce crime énorme que ceux qui sont catholiques dès leur enfance. — [Et au chap. 15]: Il en est quelques-uns qui prétendent que le
blasphème contre l’Esprit saint est le péché exclusif de ceux qui, après
avoir été purifiés dans l’Église par l’eau régénératrice, et après avoir reçu
l’Esprit saint, répondent par l’ingratitude, à ce bienfait inestimable du Seigneur,
et se plongent de nouveau dans l’abîme du péché mortel, tels que les
adultères, les homicides, ou les apostats du nom chrétien ou de l’Église
catholique. Mais je ne sais quelle preuve on peut apporter à l’appui d’un
pareil sentiment, alors que l’Église ne ferme à aucun crime les portes de la
pénitence, et que l’Apôtre nous avertit de reprendre les hérétiques eux-mêmes
(2 Tm 2), dans l’espérance que Dieu
les amènera par la pénitence à la connaissance de la vérité. Enfin le
Seigneur n’a pas dit: « Le fidèle catholique qui aura proféré une parole
contre l’Esprit saint, mais: « Celui
qui aura dit », c’est-à-dire: Quiconque
aura dit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans l’autre. » —
Saint Augustin : (serm. sur la mont., 1, 43.) Ou
encore : nous lisons dans l’apôtre saint Jean (1 Jn 5): « Il est un
péché qui conduit à la mort; je ne dis pas que quelqu’un doive prier pour ce
péché. » Or, je dis que ce péché du frère qui engendre la mort, est
le péché de celui qui, après avoir connu Dieu par la grâce de Notre Seigneur
Jésus-Christ, attaque la sainte fraternité, ou qui, poussé par une ardente
jalousie, se déclare contre la grâce elle-même à laquelle il doit sa
réconciliation avec Dieu. L’énormité de ce crime est telle, qu’elle ne laisse
plus de place à l’humilité de la prière, alors même que les remords de la
conscience forcent le pécheur de reconnaître et d’avouer son crime. Il faut
croire que cette disposition de l’âme, à cause de la grandeur du péché,
produit déjà quelque chose de la damnation, et c’est peut-être là ce qu’on
peut appeler pécher contre l’Esprit saint, c’est-à-dire par malice et par
envie, attaquer la charité fraternelle après avoir reçu la grâce de l’Esprit
saint. C’est ce péché qui, selon la déclaration du Seigneur, ne sera remis ni
dans ce monde ni dans l’autre. Cette explication nous amène à examiner si les
Juifs commirent ce péché contre l’Esprit saint lorsqu’ils accusèrent Notre
Seigneur de chasser les démons au nom de Béelzébub, prince des démons,
c’est-à-dire si nous devons regarder cette accusation comme dirigée
personnellement contre le Seigneur, parce qu’il dit de lui-même dans un autre
endroit: « S’ils ont appelé le
père de famille Béelzébub, à combien plus forte raison ses serviteurs. »
Ou bien, comme ils ne parlaient de la sorte que par un excès de jalousie, et
qu’ils n’avaient que de l’ingratitude pour de si grands bienfaits, ne peut-on
pas croire que par l’excès même de leur jalousie ils ont péché contre
l’Esprit saint, quoiqu’ils ne fussent pas encore chrétiens ? Cette
explication ne ressort pas des paroles du Seigneur, mais on peut dire
cependant qu’il les avertit de recevoir la grâce qui leur est offerte, et
après l’avoir reçue, de ne plus retomber dans le péché qu’ils avaient déjà
commis. Ils avaient proféré contre le Fils de l’homme une parole pleine de
méchanceté; elle aurait pu leur être pardonnée s’ils avaient voulu se
convertir et croire en lui; mais si après avoir reçu l’Esprit saint ils
avaient continué à porter envie à leurs frères, et à se déclarer contre la
grâce qu’ils avaient reçue, ce péché ne leur sera pardonné ni dans ce monde
ni dans l’autre. Et en effet, si le Seigneur les avait considérés comme déjà
condamnés, sans nulle espérance de retour, il n’aurait pas continué de leur
donner des conseils en ajoutant immédiatement: « Ou admettez qu’un arbre est bon, » etc... —
Saint Augustin : (Rétract., 1, 19.) Je n’ai pas appuyé cette
interprétation, parce que j’ai dit que tel était mon sentiment, en ajoutant,
toutefois, pourvu que l’on arrive à la fin de cette vie dans cette
disposition d’esprit si criminelle. Il ne faut, en effet, désespérer pendant
cette vie d’aucun pécheur, quelque dépravé qu’il soit, et ce ne sera jamais
témérité de prier pour celui dont il est permis encore d’espérer le salut. — Saint Augustin : (serm.
2 sur les
paroles du Seig., chap. 1 et 5.) Ce passage renferme un grand mystère, et
il faut demander à Dieu la lumière nécessaire pour bien l’exposer. Je vous le
déclare, mes très chers frères, peut-être dans toutes les saintes Écritures
ne trouve-t-on pas une question plus importante et plus difficile. Je vous
demande donc de remarquer d’abord que Notre Seigneur n’a pas dit: Aucun
blasphème contre l’Esprit saint ne sera remis, ni: Celui qui aura dit une
parole quelconque contre l’Esprit saint, mais: « Celui qui aura dit la parole. » — [Et au chap. 6]: Il n’est donc point nécessaire de regarder comme
irrémissible tout blasphème, toute parole contre l’Esprit saint, il faut
seulement reconnaître qu’il y a une parole qui dite contre l’Esprit saint, ne
peut obtenir de pardon. Les saintes Écritures ont, en effet, l’habitude de
s’exprimer de manière que lorsqu’une chose n’a été dite ni du tout ni de la
partie, il n’est pas nécessaire qu’elle puisse s’appliquer à la totalité pour
nous défendre de l’entendre de la partie. Ainsi le Seigneur dit aux Juifs (Jn 15): « Si je n’étais pas venu, et si je ne leur avais point parlé,
ils ne seraient pas coupables » ; Notre Seigneur n’a pas voulu
nous dire que les Juifs auraient été absolument sans péché, mais qu’il y
avait un péché que les Juifs n’auraient pas eu si le Christ n’était pas venu. — [Et au chap. 18]: L’ordre que nous nous sommes prescrit nous fait un
devoir d’expliquer quelle est donc cette espèce de blasphème contre l’Esprit
saint. Le caractère particulier sous lequel nous est représenté le Père,
c’est l’autorité; pour le Fils, c’est la naissance; pour le Saint-Esprit,
c’est l’union du Père et du Fils. Or le lien qui unit le Père et le Fils est
aussi dans leurs desseins, celui qui doit nous unir tous ensemble entre nous
et avec eux: « Car sa charité a
été répandue en nos cœurs par l’Esprit saint qui nous a été donné. »
Nos péchés nous ayant privés de la possession des biens véritables, la
charité couvre la multitude des péchés. (1 P 1.) Que ce soit, en effet, dans l’Esprit saint que Jésus-Christ
nous remette les péchés, nous pouvons le conclure de ce qu’après avoir dit à
ses Apôtres: « Recevez l’Esprit
saint », il ajoute aussitôt: « Les
péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. » Le premier
bienfait que reçoivent ceux qui croient, c’est donc la rémission des péchés
dans l’Esprit saint; c’est contre ce don gratuit que s’élève le cœur
impénitent. Donc l’impénitence est ce blasphème contre l’Esprit saint qui ne
sera remis ni dans ce monde ni dans l’autre. Car celui qui, « par sa dureté et par l’impénitence
de son cœur, amasse un trésor de colère pour le jour de la colère » (Rm 2), celui-là, soit dans sa pensée,
soit verbalement, prononce une parole criminelle contre l’Esprit saint par
lequel les péchés sont remis. Or, cette impénitence ne peut espérer aucun
pardon, ni dans ce monde ni dans l’autre, parce que la pénitence obtient dans
ce monde le pardon qui nous ouvre les portes de l’autre vie. — [Et au chap. 13]: Or, cette impénitence ne peut être définitivement
jugée tant que nous sommes dans cette vie charnelle, car on ne doit
désespérer de personne tant que la patience de Dieu peut l’amener à se
repentir. (Rm 2.) Car enfin
qu’arrivera-t-il si ceux que vous voyez livrés à toute sorte d’erreurs, et
que vous condamnez comme ayant perdu tout espoir, font pénitence avant le
moment de leur mort et trouvent ainsi la vraie vie future ? Quoique ce
blasphème se compose de plusieurs paroles et qu’il puisse être très étendu,
l’Écriture, suivant sa coutume, en parle comme si ce n’était qu’une seule parole.
Ainsi, bien que Dieu n’ait pas adressé une seule parole par les prophètes, on
lit cependant: « Parole qui fut
adressée à tel ou à tel prophète. » — [Et au chap. 15]: Si l’on nous fait ici cette question: Est-ce
l’Esprit saint qui seul remet les péchés, ou est-ce le Père et le Fils ?
nous répondrons que c’est également le Père et le Fils, car le Fils dit du
Père: « Votre Père vous remettra
vos péchés » (Mt 6,) et il
dit de lui-même: « Le Fils a sur
la terre le pouvoir de remettre les péchés. » Pourquoi donc cette
impénitence qui demeure sans pardon n’a-t-elle pour cause que le blasphème
contre l’Esprit saint, comme si celui qui se trouve lié par ce péché
d’impénitence résistait au don de l’Esprit saint, don qui nous confère la
rémission des péchés ? — [Et au chap. 17]: C’est que les péchés qui ne peuvent être remis en
dehors de l’Église ne doivent être remis que par la vertu de cet Esprit qui
est le principe de l’unité de l’Église. Donc la rémission des péchés, qui est
l’oeuvre de la Trinité tout entière, est attribuée spécialement à l’Esprit
saint; car il est cet Esprit d’adoption des enfants dans lequel nous crions: « Mon
Père, mon Père » (Rm 8), afin
que nous puissions lui dire: « Pardonnez-nous
nos offenses. » Et comme le dit saint Jean, c’est en cela que nous
connaissons que le Christ demeure en nous, parce qu’il nous a rendus
participants de son Esprit (1 Jn 4,
13.) C’est ce même Esprit qui est l’auteur de cette société qui fait de nous
un seul corps, le corps du Fils unique de Dieu. — [Et au chap. 20]: Car l’Esprit saint est lui-même en quelque sorte la société du Père et du Fils. — [Et au chap. 22]: Celui donc qui se rendra coupable d’impénitence
contre l’Esprit saint, qui réunit toute l’Église dans les liens d’une même
communion et d’une seule unité, il ne lui sera jamais pardonné. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
43.) On
peut encore dire, suivant la première interprétation, que les Juifs ne savaient
pas qui était vraiment le Christ, mais ils avaient de l’Esprit saint une
connaissance suffisante, car c’est lui qui avait inspiré les prophètes. Voici
donc le sens des paroles du Seigneur: J’admets que la chair dont je suis
revêtu soit pour vous une cause de scandale; mais quant à l’Esprit saint,
pouvez-vous dire: Nous ne le connaissons pas ? C’est pourquoi vous ne
pouvez pas dire que vous ignorez ce blasphème et vous en subirez le châtiment
dans cette vie et dans l’autre; car chasser les démons et guérir les maladies
est une oeuvre de l’Esprit saint; ce n’est donc pas à moi seul que vous
faites outrage, mais à l’Esprit saint: c’est pourquoi votre condamnation est
inévitable dans ce monde et dans l’autre. Il en est qui ne sont punis que
dans cette vie, comme ceux qui ont participé indignement aux saints mystères
chez les Corinthiens (1 Co 11,
29.30); il en est qui ne reçoivent leur châtiment que dans l’autre monde,
comme le mauvais riche dans l’enfer. Il en est enfin qui sont punis dans ce
monde et dans l’autre, comme les Juifs qui souffrirent de manière intolérable
lors de la prise de Jérusalem, et qui auront encore à endurer d’affreux
supplices dans l’enfer. — Raban : L’autorité divine de ces paroles condamne l’erreur d’Origène, qui
assure qu’après bien des siècles, tous les pécheurs obtiendront leur pardon;
et Notre Seigneur l’a détruite par ces seuls mots: « Il ne lui sera pardonné ni dans cette vie ni dans
l’autre. » — Saint Grégoire le Grand : (Dialog. 4, 34.) Ce passage nous donne à entendre que certaines fautes sont pardonnées en ce monde, tandis que d’autres ne sont remises que dans l’autre; car ce qui n’est nié que pour une seule chose est affirmé pour quelques autres. Et cependant il faut croire que ce pardon n’est accordé que pour les fautes les plus légères, comme des paroles oiseuses, des rires immodérés, ou les fautes que l’on commet dans la gestion de ses affaires, fautes que peuvent à peine éviter, ceux même qui savent comment on doit se garder de tout péché; ou bien enfin l’ignorance en matière légère. Il est encore d’autres fautes dont nous demeurons chargés après la mort, si elles ne nous ont pas été remises pendant cette vie. Mais il faut savoir que personne n’obtiendra le pardon de ses fautes légères après la mort, à moins d’avoir mérité dans cette vie par ses bonnes oeuvres que ce pardon lui soit accordé. |
Lectio 10 [85480] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 10 Chrysostomus in Matth. Post
priores redargutiones rursus eos aliter confundit. Hoc autem facit non ut
seipsum accusatione liberet (ad hoc enim sufficiebant priora), sed eos
corrigere volens: unde dicit aut facite arborem bonam et fructum eius bonum;
aut facite arborem malam et fructum eius malum; ac si dicat: nullus vestrum
dixit quod malum est aliquos a Daemone liberare. Sed quia operibus non
maledicebant, sed Diabolum dicebant hoc operantem, demonstrat quod haec
accusatio est praeter consequentiam rerum, et praeter communes conceptiones.
Talia autem confingere est immensae verecundiae. Hieronymus. Constringit ergo eos syllogismo
quem Graeci vocant aphycton, nos inevitabilem possumus appellare: quia
interrogatos hinc inde concludit et utroque cornu premit. Si, inquit,
Diabolus malus est, bona opera facere non potest; si autem bona sunt quae
facta cernitis, sequitur ut non sit Diabolus qui illa fecit; neque enim fieri
potest ut ex malo bonum, aut ex bono oriatur malum. Chrysostomus in Matth. Etenim arboris
diiudicatio a fructu apparet, non fructus ab arbore: unde sequitur siquidem
ex fructu arbor cognoscitur. Etsi enim arbor fructus est causa, sed tamen
fructus arboris est demonstrativus. Vos autem contrarium facitis: in operibus
enim nihil accusare habentes, contrariam de arbore fertis sententiam, me
daemoniacum appellantes. Hilarius in Matth. Sic ergo in praesens
Iudaeos refellit: quia cum intelligerent Christi opera ultra humanam esse
virtutem, noluerunt tamen ea quae Dei sunt confiteri. Futuram vero omnem
fidei perversitatem coarguit, eorum scilicet qui divinitatem et communionem
paternae substantiae domino detrahentes, in diversa haeresum studia
ceciderunt, neutrum facientes: nec inter gentes sub venia ignorationis
habitantes, nec in veritatis cognitione versantes. Arborem se in corpore positum signat; quia per interiorem virtutis
suae fecunditatem exeat ubertas omnis in fructus. Igitur
arbor bona facienda cum fructibus bonis est, aut mala constituenda cum malis
fructibus: non quia arbor mala possit constitui quae bona est, nec e
converso; sed ut per hanc significantiam intelligeremus Christum tamquam
inutilem relinquendum, aut tamquam bonorum fructuum utilitate retinendum.
Ceterum medium se agere, et in Christum aliqua deferre, negare quae maxima
sunt, venerari tamquam Deum, Dei communione spoliare, blasphemia spiritus
est: ut cum per admirationem tantorum operum Dei nomen detrahere non audeas,
per malevolentiam mentis generositatem eius, abnegata paternae substantiae
communione, deturpes. Augustinus de Verb. Dom. Vel in hoc admonuit
nos dominus ut bonae arbores simus, ut bonos fructus producere possimus: ubi
enim ait facite enim arborem bonam, et fructum eius bonum, est praeceptum
salubre, cui obedientia est necessaria. Quod autem dicit facite arborem
malam, et fructum eius malum, non praeceptum est ut faciatis, sed monitio ut
caveatis: contra hos enim dixit qui putabant se cum mali essent, bona loqui
posse, vel bona opera habere: hoc dominus dicit esse non posse. Prius enim
est mutandus homo, ut opera mutentur: si enim manet homo in eo quod malus
est, bona opera habere non potest; si manet in eo quod bonus est, mala opera
habere non potest. Omnes ergo malas arbores
Christus invenit; sed dedit potestatem filios Dei fieri credentibus in nomine
eius. Chrysostomus in Matth. Quia vero non pro
seipso, sed pro spiritu sancto fecit sermonem, eos convenienter increpat
dicens progenies viperarum, quomodo potestis bona loqui, cum sitis Rabanus. Vel progenies viperarum, idest filios
et imitatores Diaboli, eos appellat: quia scienter bonis operibus detrahunt,
quod diabolicum est; unde sequitur ex abundantia enim cordis os loquitur.
Ille homo ex abundantia cordis loquitur qui non ignorat ex qua intentione
verba promantur; quod apertius ostendere volens, subiungit bonus homo de bono
thesauro profert bona, et malus homo de malo thesauro profert mala. Thesaurus
cordis intentio est cogitationis, ex qua interius arbiter iudicat proventum
operis, ut aliquando maiora minorem habeant mercedem, aliquando ob incuriam
cordis tepidi, maiorum virtutum opera ostentantes, minora a domino praemia
sortiantur. Chrysostomus in Matth. Ex his etiam
demonstrat suam deitatem scientem cordis occulta: quoniam non verborum solum,
sed etiam malarum cogitationum exsolvent vindictam. Est autem naturae
continentia supereminentis, inter nequitiae verba per os extra effundi. Quare
cum audieris hominem male loquentem, multo ampliorem aestimes nequitiam quam
verba demonstrant. Quod enim exterius dicitur, est
supereffluentia eius quod intus est; in quo eos vehementer tetigit. Si enim
quod dictum est ab eis, ita est malum, excogita radix verborum quam maligna
est. Contingit autem hoc decenter; lingua enim confusa multoties non repente
effundit nequitiam: cor autem nullum hominum habens testem, sine timore
quaecumque vult parturit mala: Dei enim non multa cura est ei. Sed cum
augetur multitudo malorum quae intus sunt, quae interim occultabantur, extra
per verba proveniunt: et ideo dicit ex abundantia cordis os loquitur; eo quod
homo de thesauris cordis loquitur. Hieronymus. In hoc autem quod dicit bonus homo
de bono thesauro profert bona, etc..., vel ipsos Iudaeos Deum blasphemantes
ostendit, de quali thesauro blasphemiam proferant. Vel cum superiori
quaestione haeret sententia, quod quomodo non possit bonus homo proferre
mala, nec malus bona, sic non possit Christus mala, nec Diabolus bona opera
facere. |
Versets 33-35.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 43.) Notre Seigneur ne se contente pas de cette première réfutation,
il veut les confondre par de nouvelles raisons. Ce n’est pas sans doute pour
se justifier à leurs yeux, il l’avait fait suffisamment, mais pour changer
les dispositions de leur cœur. Il leur dit donc: « Ou dites qu’un arbre est bon et que son fruit est bon ;
ou admettez que l’arbre est mauvais et que son fruit est mauvais »,
paroles qui veulent dire: Personne d’entre vous n’a osé dire qu’il était mal
de délivrer les hommes du démon. Toutefois, comme ils n’attaquaient pas les
oeuvres elles-mêmes, mais qu’ils prétendaient que le démon en était l’auteur,
il leur démontre que cette accusation est contraire à toutes les règles du
raisonnement ainsi qu’à toutes les idées reçues, et que de pareilles
inventions sont le comble de l’impudence. —
Saint Jérôme : Il les tient resserrés dans un
raisonnement que les Grecs appellent ¢φυχτον et que nous
pouvons appeler raisonnement qu’on ne peut éluder. Il les renferme comme dans
un cercle d’où ils ne peuvent sortir et les presse par les deux faces de cet
argument: « Si le démon est mauvais, leur dit-il, il ne peut faire des
actions qui soient bonnes; et si les actions dont vous avez été témoins sont
bonnes, le démon ne peut en être l’auteur, car il n’est pas possible que le
bien puisse naître du mal ou le mal venir du bien. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43.) En effet, on juge l’arbre à son
fruit, et non pas le fruit par l’arbre, comme le dit Notre Seigneur lui-même:
« Car c’est par le fruit que l’on
connaît l’arbre. » Bien que ce soit l’arbre qui produise le
fruit, c’est cependant le fruit qui détermine l’espèce de l’arbre. Mais pour
vous, vous faites le contraire. Vous ne trouvez rien à reprendre dans les
oeuvres, et vous portez contre l’arbre un jugement défavorable en m’appelant
possédé du démon. — Saint Hilaire : (can.
12.) Il
réfute donc les calomnies des Juifs qui, tout en comprenant que les oeuvres
du Christ exigeaient une puissance plus qu’humaine, ne voulurent pas
cependant reconnaître qu’elles étaient de Dieu; mais en même temps il
condamne tous ceux dont la foi pervertie devait dans la suite embrasser avec
ardeur les différentes hérésies qui ont nié sa divinité et son unité de
nature avec le Père, malheureux qui ne pouvaient, comme les Gentils,
s’excuser de leur ignorance, et qui cependant n’avaient pas la connaissance
de la vérité. Cet arbre, c’est le Seigneur lui-même revêtu de la nature
humaine, parce qu’en effet la fécondité intérieure de sa puissance se répand
au dehors en fruits abondants et variés. Il faut donc faire un bon arbre avec
de bons fruits, ou un arbre mauvais avec de mauvais fruits, non pas qu’un bon
arbre puisse être mauvais ou qu’un mauvais arbre puisse être bon, mais par
cette comparaison le Seigneur veut nous faire comprendre qu’il faut
abandonner le Christ comme étant inutile, ou s’attacher à lui comme étant la
source féconde de tout bon fruit. Vouloir prendre un moyen terme, attribuer
quelques privilèges au Christ et nier ses qualités essentielles, le vénérer
comme Dieu, et le dépouiller de son union substantielle avec Dieu, c’est un
blasphème contre l’Esprit saint. Saisi d’admiration à la vue de la grandeur
de ses oeuvres, vous n’osez pas lui refuser le nom de Dieu, et par je ne sais
quelle mauvaise disposition de votre esprit vous lui contestez la noblesse de
son origine en niant son unité de nature avec le Père. —
Saint Augustin : (serm. 12 sur les paroles du Seigneur.) Ou bien encore le Seigneur nous
rappelle ici l’obligation d’être de bons arbres si nous voulons produire de
bons fruits, car ces paroles: « Faites
un bon arbre et que ses fruits soient bons » renferment un précepte
salutaire auquel nous devons obéir, tandis que les paroles suivantes: « Faites un arbre mauvais et que ses
fruits soient mauvais » ne nous imposent pas l’obligation d’agir de
la sorte, mais nous avertissent d’éviter une pareille conduite. Notre
Seigneur avait ici en vue des hommes qui, tout mauvais qu’ils étaient,
prétendaient pouvoir dire de bonnes choses ou faire de bonnes actions; il
leur déclare que cela est impossible, car il faut changer l’homme si l’on
veut changer ses oeuvres; si l’homme persiste dans ce qui le rend mauvais, il
ne peut faire de bonnes oeuvres; s’il persévère dans ce qui le rend bon, il
ne peut en faire de mauvaises. Or, le Christ a trouvé tous les arbres
mauvais, mais il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à tous ceux
qui croyaient en lui. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
43.) Comme
il défendait ici non pas ses intérêts, mais les oeuvres de l’Esprit saint, il
leur adresse ces reproches justement mérités: « Race de vipères, comment pouvez-vous dire de bonnes choses,
vous qui êtes mauvais ? » En leur parlant de la sorte, il
accuse leur conduite et tout à la fois il la fait servir de preuve de ce
qu’il vient de dire. Vous qui êtes de mauvais arbres, semble-t-il leur dire,
vous ne pouvez pas porter de bons fruits: je ne suis donc pas étonné que vous
parliez de la sorte, car vous avez été mal éduqués par des parents mauvais,
et vous avez une âme portée au mal. Remarquez qu’il ne dit pas:
« Comment pouvez-vous dire de bonnes choses alors que vous êtes une race
de vipères ? » car voici la construction naturelle de la phrase:
« Comment pouvez-vous dire de bonnes choses, étant mauvais comme vous
l’êtes ? » Il les appelle race de vipères parce qu’ils se
glorifiaient de leurs ancêtres et, pour anéantir leur orgueil, il les sépare
de la race d’Abraham et leur déclare que leurs aïeux avaient les mêmes mœurs
qu’eux. — Raban : Ou bien en les
appelant race de vipères il veut dire qu’ils sont les enfants et les
imitateurs du démon, eux qui interprètent ses actions en mauvaise part, ce
qui est le propre du démon. Suite : « La bouche parle de l’abondance du cœur. » Un homme
parle de l’abondance du cœur quand il n’ignore pas l’intention qui le fait
parler, vérité que le Seigneur développe plus clairement en ajoutant: « L’homme qui est bon tire de bonnes
choses de son bon trésor, et celui qui est mauvais tire de mauvaises choses
d’un trésor mauvais. » Le trésor du cœur c’est l’intention que l’âme
se propose et d’après laquelle le juge intérieur détermine le mérite de
l’action; c’est elle qui fait que des actions éclatantes ne reçoivent
quelquefois qu’une légère récompense, et que, par suite de la négligence d’un
cœur tiède, des actes de vertus héroïques sont faiblement récompensés par le
Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43.) Il donne encore ici une preuve de
sa divinité qui pénètre le fond des cœurs, et il nous apprend que non seulement
les paroles coupables, mais les mauvaise pensées, recevront leur châtiment.
Du reste, c’est une conséquence naturelle que l’excès de la malice du cœur se
répande au dehors par les paroles qui sortent de la bouche. Aussi, lorsque
vous entendez un homme proférer de mauvais discours, tenez pour certain que
la malice de son âme est bien plus grande que ne l’indiquent ses paroles, car
les paroles qui sont exprimées à l’extérieur ne sont que l’exubérance de la
corruption de son cœur; c’est en cela que ce reproche est plus sévère et plus
sensible pour les Juifs, car si leurs paroles sont si mauvaises, jugez
combien la source d’où elles découlent doit être corrompue. Voici en effet ce
qui arrive ordinairement: c’est que la langue, retenue par la honte, ne
répand pas immédiatement tout son venin, tandis que le cœur, qui n’a aucun
homme pour témoin de ses actes, se livre sans crainte à tout le mal qui se
présente à la volonté, car Dieu est son moindre souci, et lorsque le mal
déborde à l’intérieur, il se répand à l’extérieur par les paroles, ce qui
fait dire au Seigneur: « C’est de
l’abondance du cœur que la bouche parle » ; et encore: « L’homme tire ses paroles du trésor
de son cœur. » — Saint Jérôme : En disant: « L’homme qui est bon tire de bonnes choses d’un bon trésor », le Seigneur fait voir aux Juifs coupables de blasphème à l’égard de Dieu dans quel trésor ils ont puisé ces blasphèmes; ou bien cette pensée se rapporte à ce qui précède et leur montre que de même qu’un homme qui est bon ne peut dire de mauvaises choses, de même celui qui est mauvais ne peut en dire de bonnes; ainsi le Christ ne peut faire de mauvaises oeuvres et le démon ne peut en faire de bonnes. |
Lectio 11 [85481] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 11 Chrysostomus in Matth. Post praemissa,
eis dominus multum timorem incutit, ostendens quod ultimam dabunt vindictam
qui talia deliquerunt: unde dicit dico enim vobis, quod omne verbum otiosum
quod locuti fuerint homines, reddent rationem de eo in die iudicii. Hieronymus. Et est sensus: si otiosum verbum,
quod nequaquam aedificat audientes, non est absque periculo eius qui
loquitur, et in die iudicii reddet unusquisque rationem sermonum suorum,
quanto magis vos, qui opera sancti spiritus calumniamini, et dicitis me in
Beelzebub eicere Daemonia, reddituri estis rationem calumniae vestrae? Chrysostomus in Matth. Non autem dixit: quod
locuti estis vos, simul quidem omne hominum erudiens genus; simul autem minus
onerosum faciens suum sermonem. Otiosum autem verbum est quod mendax est,
quod calumniam habet. Quidam autem dicunt quoniam et vanum quale est quod
risum movet inordinatum, vel turpe, vel inverecundum. Gregorius in Evang. Vel otiosum verbum est
quod aut utilitate rectitudinis, aut ratione iustae necessitatis caret: quod scilicet sine utilitate et loquentis dicitur
et audientis: si omissis seriis, de rebus frivolis loquamur, et fabulas
narremus antiquas. Ceterum qui scurrilia replicat, et cachinnis ora
dissolvit, et aliquid profert turpitudinis, hic non otiosi verbi, sed
criminosi tenebitur reus. Remigius. Ex superioribus autem verbis adhuc
sequens dependet sententia, cum dicitur ex verbis enim tuis iustificaberis,
et ex verbis tuis condemnaberis. Non est autem dubium quia unusquisque de
verbis suis malis quae loquitur condemnabitur; verumtamen ex bonis verbis non
iustificatur quis, nisi ex intimo corde et devota intentione ea proferat.
Chrysostomus in Matth. Vide autem quia non est
onerosum hoc iudicium. Non ex quibus alius dixit de te, sed ex quibus ipse
locutus es, sententiam iudex feret. Non igitur accusatos timere oportet, sed
accusantes: non enim illi coguntur accusare se pro his malis quae audierunt,
sed hi pro his quae male dixerunt. |
Versets 36-37.
— Saint Jean Chrysostome : (hom.
43.) A
la suite de ces reproches, le Seigneur cherche à inspirer aux Juifs une
grande crainte en leur apprenant que ceux qui se seront rendus coupables de
crimes semblables seront punis du dernier supplice: « Or, je vous déclare que les hommes rendront compte au jour du
jugement de toute parole inutile qu’ils auront dite. » —
Saint Jérôme : Voici le sens de ces paroles: Si une
parole oiseuse qui n’édifie en rien ceux qui l’entendent n’est point sans
danger pour celui qui la dit, et si au jour du jugement chacun doit rendre
compte de ses discours, à combien plus forte raison vous qui calomniez les
oeuvres de l’Esprit saint, et qui dites que je chasse les démons par
Beelzéhub, devrez-vous rendre compte de semblables calomnies. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43.) Il ne dit pas: « La parole
inutile que vous aurez dite »,
car son dessein est d’enseigner tout le genre humain et de rendre son
discours moins dur pour les Juifs. Or, la parole oiseuse est celle qui
contient un mensonge ou une calomnie; quelques-uns l’étendent à la parole
vaine, à celle par exemple qui excite un rire immodéré ou qui est contraire à
la décence et à la pudeur. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 9, sur les Evang.) Ou bien la parole
oiseuse est celle qui n’est motivée ni par une véritable utilité, ni par une
juste nécessité. —
Saint Jérôme : [référence à vérifier] C’est une parole qui
est sans utilité pour celui qui parle comme pour celui qui écoute; par
exemple, lorsqu’au lieu d’entretiens sérieux nous nous entretenons de choses
frivoles ou que nous racontons les récits fabuleux de l’antiquité. Quant à
celui qui se livre aux bouffonneries, rit à gorge déployée et blesse la
pudeur dans ses discours, il n’est pas seulement coupable d’une parole
oiseuse, mais de discours criminels. —
Saint Rémi : A cette vérité se rattache la maxime
suivante: « C’est d’après vos
paroles que vous serez condamnés; c’est d’après vos paroles que vous serez
justifiés. » Nul doute qu’on ne soit condamné pour les mauvaises
paroles qu’on aura dites; mais quant aux bonnes paroles, elles ne pourront
justifier que celui qui les aura dites avec une conviction intime et une
intention vertueuse. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 43.) Remarquez que ce jugement n’a rien de trop sévère: vous serez jugés non point sur ce qu’un autre aura dit de vous, mais sur ce que vous aurez dit vous-même; ce ne sont donc pas ceux qui sont accusés qui doivent craindre, mais ceux qui accusent les autres, car personne ne sera forcé de s’accuser du mal qu’il aura entendu, il ne sera responsable que du mal qu’il aura dit lui-même. |
Lectio 12 [85482] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 12 Chrysostomus in Matth. Quia
dominus superius multoties verbis inverecundam Pharisaeorum obstruxerat
linguam, rursus ad opera veniunt: quod admirans Evangelista dicit tunc
responderunt ei quidam de Scribis et Pharisaeis, dicentes: magister, volumus
a te signum videre; tunc scilicet cum flecti oportebat, cum admirari, cum
obstupescere; sed tunc a malitia non desistunt. Dicunt enim volumus a te
signum videre, ut eum capiant. Hieronymus. Sic signa postulant, quasi quae
viderant signa non fuerint; sed in alio Evangelista quid petant plenius
explicatur: volumus a te signum videre de caelo; vel in morem Eliae ignem de
sublimi venire cupiebant; vel in similitudinem Samuelis tempore aestivo
contra naturam loci mugire tonitrua, coruscare fulgura, imbres ruere; quasi
non possint et illa calumniari, et dicere ex occultis et variis aeris
passionibus accidisse: nam qui calumniaris ea quae oculis vides, manu tenes,
utilitate sentis; quid facturus esses in his quae de caelo veniunt? Utique
respondebis et magos in Aegypto multa signa fecisse de caelo. Chrysostomus in Matth. Verba autem eorum
adulatione et ironia sunt plena. Et prius quidem conviciabantur, daemoniacum
eum dicentes; nunc autem adulantur, vocantes eum magistrum. Propter hoc et
dominus eos vehementer arguit: unde sequitur qui respondens ait illis:
generatio mala et adultera signum quaerit. Et quidem cum ei conviciabantur,
mansuete eis respondebat; cum autem adulabantur, conviciose, demonstrans quod
utraque passione erat superior: et neque conviciis in iram deducitur, neque
ab adulatione mollitur. Quod autem dicit, tale est. Quid mirum, si hoc in me
facitis, qui ignotus sum vobis; cum in patrem, cuius tantam accepistis
experientiam, hoc idem fecistis, derelicto eo, ad Daemones currentes? Propter
hoc autem eos dicit generationem malam, quia ingrati semper facti sunt circa
benefactores, et bene patientes deteriores fiunt; quod est ultimae malitiae.
Hieronymus. Egregie autem dixit et adultera,
quia dimiserat virum, et iuxta Ezechielem, multis se amatoribus copulavit.
Chrysostomus in Matth. Unde et monstrat se
patri aequalem, si ei non credere generationem adulteram facit. Rabanus. Deinde respondere incipit, non eis
signum de caelo, quod indigni erant videre, sed de profundo Inferni tribuens.
Discipulis autem suis signum de caelo dedit, quibus aeternam beatitudinis
gloriam et prius in monte figuraliter et post veraciter in caelum
superelevatus ostendit; unde sequitur et signum non dabitur ei, nisi signum
Ionae prophetae. Chrysostomus in Matth. Quia non ut eos
induceret signa faciebat (sciebat enim eos lapideos esse), sed ut alios
emendaret; aut quoniam non acciperent signum, quale est illud quod petebant:
signum enim eis factum est quando per propriam poenam cognoverunt eius
virtutem. Hoc igitur occulte insinuans dicit signum non dabitur ei; ac si
diceret: multa beneficia demonstravi; nihil horum vos allexit ad venerandum
meam virtutem, quam cognoscetis per poenam quando civitatem vestram in terram
proiectam videbitis. Interim autem sermonem de resurrectione interponit, quem
cognituri erant per ea quae postea erant passuri, dicens nisi signum Ionae
prophetae. Crux enim profecto credita non esset, nisi signa testantia
habuisset. Haec autem non credita, et resurrectio utique credita non esset.
Propter hoc et signum hoc vocat, et figuram in medium fert, ut veritas
credatur: unde sequitur sicut fuit Ionas in ventre ceti tribus diebus et
tribus noctibus. Rabanus. Ostendit Iudaeos ad instar
Ninivitarum criminosos, et nisi poeniterent, subversioni proximos. Sed sicut
illis denuntiatur supplicium et demonstratur remedium, ita Iudaei non debent
desperare veniam, si saltem post Christi resurrectionem egerint poenitentiam.
Ionas enim, idest columba, vel dolens, signum est eius super quem descendit
spiritus sanctus in specie columbae, et qui dolores nostros portavit. Piscis
qui Ionam devoravit in pelago, significat mortem quam Christus passus est in
mundo. Tribus diebus et noctibus fuit ille in ventre ceti, et iste in
sepulchro; ille eiectus est in aridam, iste resurrexit in gloriam. Augustinus de Cons. Evang. Quidam autem modum
locutionis Scripturae nescientes, noctem voluerunt advertere tres illas horas
a sexta usque ad nonam, quibus sol obscuratus est; et diem tres horas alias,
quibus iterum terris est redditus, idest a nona usque ad eius occasum.
Sequitur enim nox futura sabbati, qua cum suo die computata, erunt iam duae
noctes et duo dies. Porro autem post sabbatum sequitur nox primae sabbati,
idest illucescentis diei dominici, in qua tunc dominus resurrexit. Erunt ergo
duae noctes et duo dies et una nox, etiam si tota posset intelligi; nec
ostenderemus quod illud diluculum pars eius extrema sit; quapropter nec
annumeratis illis sex horis quarum tribus tenebratus est et tribus illuxit,
constabit ratio trium dierum et trium noctium. Restat ergo ut hoc inveniatur
illo Scripturarum usitato loquendi modo, quo a parte totum intelligitur. Hieronymus. Non quod omnes tres dies et tres
noctes in Inferno fuerit, sed quod in parte parasceves, et dominicae, et tota
die sabbati, tres dies et tres noctes intelligantur. Augustinus de Trin. Ipsum enim triduum non
plenum et totum fuisse Scriptura testis est, sed primus dies a parte extrema
totus annumeratus est; dies vero tertius a parte prima et ipse totus; medius
autem inter eos, idest secundus dies, absolute totus vigintiquatuor horis
suis, duodecim nocturnis et duodecim diurnis: nox enim usque ad diluculum, quo
domini resurrectio declarata est, ad tertium pertinet diem. Sicut enim primi dies propter futurum hominis lapsum a luce in noctem,
ita isti propter hominis reparationem a tenebris in lucem computantur. Chrysostomus in Matth. Non autem manifeste dixit
quod resurgeret, quia eum derisissent; sed occulte insinuat, ut et illi
crederent quod praescivit. Non autem dixit: in terra, sed in corde terrae, ut
et sepulchrum ostenderet, et quod nullus solam mortis apparentiam suspicetur.
Et tres dies propter hoc posuit, ut credatur quod mortuus est. Sed ipsa figura veritatem demonstrat: non enim fuit Ionas in ventre
ceti in phantasia, sed in veritate; neque figura fuit in veritate, et veritas
in imaginatione. Propter quod manifestum est quod filii sunt
Diaboli Marcionem sequentes, qui Christi passionem phantasticam esse
asseruit; et quod pro eis esset passurus, licet eis non proficeret, ostendit
per hoc quod innuit quod illi generationi signum daretur Ionae prophetae. |
Versets 38-40.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 44.) Le Seigneur avait bien des fois réduit les pharisiens au silence et
mis un frein à leur impudence; ils se rejettent donc de nouveau sur ses
oeuvres, ce que l’Évangéliste étonné nous raconte en ces termes: « Alors quelques-uns des scribes lui
dirent : ‘Maître, nous voulons voir un signe de vous’ ». Alors,
c’est-à-dire quand ils auraient dû se rendre, pleins d’admiration et
d’étonnement; mais ils persévèrent dans leur malice et ils lui disent pour le
surprendre: « Nous voudrions que
vous nous fassiez voir un prodige », pour le prendre en défaut. —
Saint Jérôme : Ils demandent des prodiges, comme si
les faits qu’ils ont vus jusqu’ici n’étaient pas des prodiges. Mais dans un
autre Évangile, on explique plus clairement quelle espèce de miracle ils lui
demandent: « Nous voudrions que vous nous fassiez voir un prodige dans
le ciel » (Lc 11). Ils
voulaient que comme Elie il fît descendre le feu du ciel, ou qu’à l’exemple
de Samuel (4 R 1), il fît en plein
été et contrairement à ce qui arrive dans ces contrées, il fit gronder le
tonnerre, briller les éclairs et tomber la pluie (1 R 7 et 12). Mais n’auraient-ils pas trouvé le moyen de calomnier
ces prodiges en disant qu’ils étaient le résultat de causes secrètes et
variées qui agissent sur l’atmosphère ? Car, puisque vous calomniez ce
que vous voyez de vos yeux, ce que vous touchez de la main, ce dont vous
ressentez l’utilité, que ne diriez-vous pas d’un miracle qui viendrait du
ciel ? Vous répondriez sans doute que les magiciens en Egypte ont fait
eux-mêmes beaucoup de prodiges dans les airs. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
43.) Leurs
paroles sont pleines à la fois d’adulation et d’ironie. Ils avaient commencé
par outrager le Seigneur en le traitant de possédé du démon; ils cherchent à
le flatter maintenant en l’appelant Maître. Aussi leur répond-il avec
sévérité: « Il leur
répondit : ‘Cette génération méchante et adultère réclame un signe ».
Lorsqu’ils le chargeaient d’injures, il leur répondait avec douceur; mais
lorsqu’ils veulent le prendre par la flatterie il leur fait les plus vifs
reproches; il prouve ainsi qu’il était supérieur à toute faiblesse, incapable
de s’irriter des outrages ou de faiblir devant la flatterie. Or, voici le
sens de ces paroles: « Qu’y a-t-il d’étonnant que vous agissiez ainsi contre
moi qui suis pour vous un inconnu, quand vous vous êtes conduit de la même
manière à l’égard de mon Père dont vous aviez éprouvé tant de fois la
puissance et que vous avez abandonné pour courir aux autels du
démon ? » Il les appelle « génération méchante » parce
qu’ils n’ont jamais eu que de l’ingratitude pour leurs bienfaiteurs. Les
bienfaits ne font que les rendre plus mauvais, ce qui est le comble de la
perversité. —
Saint Jérôme : Le mot « adultère » qu’il
ajoute est parfaitement choisi, parce que cette génération avait abandonné
son mari et que, suivant Ezéchiel, elle s’était livrée à plusieurs amants (Ez 16, 15.24.25.33). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43.) Il se déclame ainsi l’égal de
Dieu son Père, puisque c’est pour n’avoir pas voulu croire en lui que cette
génération est devenue adultère. — Raban : Il va maintenant leur répondre non pas en leur faisant voir un
prodige dans le ciel, car ils n’en étaient pas dignes, mais en le tirant des
profondeurs de la terre. Il a donné ce signe dans le ciel, mais à ses
disciples, en leur dévoilant la gloire de l’éternelle félicité, d’abord en
figure sur la montagne (Mt 18), et
puis en réalité lorsqu’il s’éleva dans les cieux. (Mc 16.) Il ajoute: « On
ne lui donnera pas d’autre signe, si ce n’est le signe du prophète Jonas. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43.) Il parle ainsi, parce que ce
n’était pas pour les amener à lui qu’il faisait des miracles, car il savait
qu’ils étaient plus durs que la pierre, mais c’était pour en convertir
d’autres. Ou bien c’est parce qu’ils ne devaient pas être témoins d’un signe
tel qu’ils le demandaient. En effet, il leur donna plus tard un signe, alors
qu’ils apprirent à connaître sa puissance par leur propre châtiment, et c’est
ce qu’il leur fait entendre à mots couverts en leur disant: « On ne lui donnera pas de
signe, » paroles dont voici le sens: J’ai répandu sur vous mes
bienfaits à profusion, aucun d’eux ne vous a portés à rendre hommage à ma
puissance; vous la connaîtrez donc par le châtiment qui vous attend, lorsque
vous verrez la destruction de votre cité. Il entremêle ici une prédiction de
sa résurrection, qu’ils devaient aussi connaître un jour par leur supplice, « si ce n’est le signe du prophète
Jonas. » La croix n’aurait jamais été l’objet de la foi si elle
n’avait eu pour elle le témoignage des miracles, et si elle n’avait pas été
crue, la résurrection ne l’aurait pas été davantage; c’est pour cela qu’il
l’appelle un signe, et que pour en faire reconnaître la vérité il en rappelle
une figure prophétique, d’où: « Car,
de même que Jonas fut dans le ventre de la baleine trois jours et trois nuits, »
etc... — Raban : Il fait voir aux
Juifs qu’ils sont aussi coupables que les Ninivites, et que leur ruine est
imminente s’ils ne font pénitence; mais de même que Jonas, en annonçant le
châtiment, indique les moyens de l’éviter, ainsi les Juifs ne doivent pas
désespérer de leur pardon, si du moins, après la résurrection de
Jésus-Christ, ils font pénitence. Jonas, dont le nom signifie colombe et celui qui gémit, figure celui sur lequel l’Esprit saint descendit
en forme de colombe (Lc 3), et qui
s’est chargé de nos souffrances. (Is 53.)
La baleine qui engloutit Jonas au milieu de la mer (Jon 2) signifie la mort que Notre Seigneur Jésus-Christ a
endurée dans notre monde. Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre
de la baleine, le Christ demeura le même temps dans le tombeau. Jonas fut
jeté sur le rivage, le Christ a ressuscité dans sa gloire. —
Saint Augustin : (De l’acc. des Evang., 3, 24.) Quelques auteurs qui paraissent ignorer la manière de
s’exprimer de l’Écriture, ont voulu compter pour une nuit les trois heures
qui s’écoulèrent de la sixième à la neuvième et pendant lesquelles le soleil
fut obscurci, et pour un jour les trois autres heures, depuis la neuvième
jusqu’au coucher du soleil, pendant lesquelles il éclaira de nouveau la
terre. Vint ensuite la nuit du sabbat, et en la comptant avec le jour qui
suivit on a deux nuits et deux jours. Après le jour du sabbat vient la nuit
du premier jour de la semaine (c’est-à-dire la nuit qui précède le dimanche)
dans laquelle le Seigneur est ressuscité. Nous avons donc deux nuits et deux
jours et de plus une nuit, alors même qu’on devrait la comprendre tout
entière, et que nous ne prouverions pas que le point du jour était la partie
extrême de cette nuit. C’est ainsi que sans compter ces six heures (dont
trois heures de nuit et trois heures de jour), nous avons réellement trois
jours et trois nuits, et il ne nous reste plus qu’à démontrer que cette
explication est conforme à l’usage de l’Écriture, qui prend souvent la partie
pour le tout. —
Saint Jérôme : Ce n’est pas que Jésus-Christ ait été
les trois jours entiers et les trois nuits dans les enfers, mais on entend
que ces trois jours et ces trois nuits sont formés d’une partie du jour de la
Pâque, d’une partie du dimanche et du jour du sabbat tout entier. —
Saint Augustin : (De la Trinité, 4, 9.) L’Écriture elle-même
nous témoigne que ces trois jours ne furent pas complets; mais la seconde
partie du premier jour et la première partie du troisième jour sont comptées
pour des jours entiers; quant au jour intermédiaire, c’est-à-dire le deuxième
jour, il est complet et a ses vingt-quatre heures, douze de nuit et douze de
jour. La nuit qui précéda la première aurore où la résurrection du Seigneur
eût lieu appartient au troisième jour. Car de même que les premiers jours de
l’homme sur la terre se comptent du jour à la nuit comme symbole de sa chute
future, de même les jours se comptent ici de la nuit au jour comme figure de
la réparation de l’homme. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 44.) Il ne leur dit pas clairement qu’il ressusciterait, car ils se seraient moqués de lui; mais il le leur donne à entendre pour qu’ils pussent croire par la suite ce qu’il avait prédit par avance. Il ne dit pas simplement: « Dans la terre, » mais « dans les entrailles de la terre » pour exprimer une véritable sépulture, et afin que personne ne pût soupçonner que sa mort n’était qu’apparente. Il dit clairement qu’il y restera trois jours, afin que l’on ne pût douter de la réalité de sa mort. D’ailleurs la figure de la résurrection est une preuve de sa réalité, car Jonas ne fut pas seulement en apparence, mais bien réellement dans le ventre de la baleine. Or la vérité n’aurait-elle existé qu’en apparence, tandis que la figure a existé en réalité ? Les disciples de Marcion sont donc de véritables enfants du démon, en affirmant avec leur maître que la passion du Christ n’a été qu’imaginaire; ajoutons que le signe du prophète Jonas, qui devait être donné à cette génération est une preuve que le Seigneur devait souffrir la mort pour les Juifs, quoiqu’ils n’en dussent tirer aucun profit (cf. Jon 1, 5). |
Lectio 13 [85483] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 13 Chrysostomus in Matth. Ne aliquis
aestimaret quod talia deinceps futura essent in Iudaeis qualia Ninivitis
contigerant, ut sicut Ionas illos convertit, et civitas fuit a periculo
liberata, ita isti post resurrectionem converterentur; dominus nunc totum
contrarium ostendit, quoniam scilicet ex beneficio passionis nullum fructum perceperunt;
sed et gravia patientur, ut infra ostendit per exemplum Daemonis. Interim
autem ostendit quod iuste patientur, dicens viri Ninivitae surgent in iudicio
cum generatione ista. Remigius. Ostendit autem dominus his
verbis unam esse malorum et bonorum resurrectionem futuram, contra quosdam
haereticos, qui dixerunt unam esse resurrectionem bonorum, et alteram
malorum. Destruitur etiam his verbis fabula Iudaeorum, qui solent dicere,
quod ante iudicium mille annis celebretur resurrectio; aperte his verbis
ostendens quia mox ut celebrabitur resurrectio, celebrabitur et iudicium. Et
condemnabunt eam. Hieronymus. Non sententiae potestate,
sed comparationis exemplo: unde subditur quia poenitentiam egerunt in
praedicatione Ionae; et ecce plusquam Ionas hic. Hic adverbium loci, non
pronomen intelligas. Ionas, secundum Septuaginta interpretes, triduum
praedicavit: ego tanto tempore; ille Assyriis genti incredulae, ego Iudaeis
populo Dei. Ille voce locutus est simplici, nihil signorum faciens, ego tanta
faciens, Beelzebub calumniam sustineo. Chrysostomus in Matth. Non autem hic
stat dominus, sed et aliam Annuntiationem adiungit dicens Hieronymus. Eodem ergo modo condemnabit
regina Austri populum Iudaeorum, quo condemnabunt viri Ninivitae Israelem
incredulum. Ista est regina Saba, de qua in regum volumine et
in Paralipomenon legimus, quae per tantas difficultates, gente sua et imperio
derelictis, venit in Iudaeam sapientiam audire Salomonis, et ei multa munera
obtulit. In Ninive autem et in regina Saba occulte fides nationum praefertur
Israeli. Rabanus. Ninivitae significant eos qui peccare
desistunt, regina vero eos qui peccare nesciunt: poenitentiam enim peccatum
abolet, sapientia cavet. Remigius. Pulchre autem Ecclesia de gentibus
congregata regina dicitur, quia mores suos regere novit: de qua Psalmista:
astitit regina a dextris tuis. Austri autem regina est, quia ardore spiritus
sancti superabundat: Auster enim ventus calidus significat spiritum sanctum.
Salomon autem, qui interpretatur pacificus, significat ipsum de quo dictum
est: ipse est pax nostra. |
Versets 41-42.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 44.) On aurait pu croire que les Juifs auraient un jour le même sort que
les Ninivites, et qu’ils se convertiraient après la résurrection du Seigneur,
comme les Ninivites s’étaient convertis à la voix de Jonas et avaient ainsi
sauvé leur ville de la destruction qui la menaçait. Notre Seigneur déclare
ici qu’un sort tout différent leur est réservé; et loin que le bienfait de sa
passion leur soit utile, elle ne fera qu’aggraver leur supplice, comme il le
prouvera plus bas par l’exemple du démon. Il montre d’abord ici que leur
condamnation est juste: « Les
habitants de Ninive se lèveront, dit-il, au jour du jugement contre cette génération. » —
Saint Rémi : Le Seigneur, en s’exprimant de la
sorte, établit clairement qu’il n’y aura qu’une seule résurrection pour les
bons et pour les méchants, contre quelques hérétiques qui ont prétendu qu’il
y aurait une résurrection pour les bons et une pour les méchants. Il détruit par
ces mêmes paroles cette opinion fabuleuse des Juifs qui disent que la
résurrection aura lieu mille ans avant le jugement, et il déclare
ouvertement, au contraire, que le jugement suivra immédiatement la
résurrection: « Et ils
condamneront cette génération. » —
Saint Jérôme : Ce ne sera pas en prononçant contre
elle le jugement souverain, mais par la simple opposition de leur conduite;
c’est pour cela qu’il ajoute: « Parce
qu’ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et voilà plus que Jonas
ici. » Le mot hic doit
être pris comme adverbe de lieu, et non pas comme pronom. Jonas (selon la
version des Septante) ne prêcha que pendant trois jours; j’ai prêché pendant
un temps beaucoup plus long; il s’adressait aux Assyriens, nation infidèle;
je m’adresse aux Juifs, peuple de Dieu; il ne fit que prêcher sans opérer de
miracles, et moi, après tant et de si grands prodiges, je suis accusé
calomnieusement de connivence avec Béelzébub. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
44.) Le
Seigneur, non content de cet exemple, en ajoute un autre: « La reine du Midi se lèvera au jour
du jugement,avec cette génération, et la fera condamner, car elle est venue
des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon ».
Cet exemple est plus frappant encore que le premier. Jonas alla trouver les
Ninivites; la reine du Midi n’attendit pas que Salomon se rendit près d’elle,
mais elle alla le trouver elle-même, et c’était une femme, une barbare; elle
n’était pas dominée par la crainte de la mort, mais par le seul désir
d’entendre les paroles de la sagesse. Cette femme s’est donc rendue ici, moi
j’y suis venu; elle est arrivée des extrémités de la terre, et moi je
parcours les villes et les campagnes; elle discuta sur les arbres et sur les
plantes, et moi j’enseigne d’ineffables mystères. —
Saint Jérôme : Cette reine du Midi condamnera le
peuple juif, de la même manière que les Ninivites condamneront les Israélites
incrédules. Cette reine est la reine de Saba dont il est question au livre 3
des Rois et au 2 des Paralipomènes. Elle abandonna son
peuple et son royaume et à travers mille difficultés elle vint dans la Judée
pour entendre la sagesse de Salomon, et lui offrit une multitude de présents
(3 R 10 et 11; Paralip., 9). Les Ninivites et la reine de Saba sont la figure
des nations qui ont embrassé la foi et qui ont été préférées au peuple
d’Israël. — Raban : Les Ninivites
représentent ceux qui renoncent au péché; la reine de Saba, ceux qui ne
connaissent pas le péché; car la pénitence efface le péché, mais la sagesse
apprend à l’éviter. —
Saint Rémi : Le nom de reine convient admirablement
à l’Église, réunion des nations, parce qu’elle sait diriger sa conduite;
c’est d’elle que le Psalmiste a dit: « La
reine s’est tenue debout à votre droite. » (Ps 44.) C’est la reine du Midi, parce qu’elle est pleine du feu
de l’Esprit saint. Le vent brûlant du Midi est une figure de l’Esprit saint.
Salomon, dont le nom signifie le pacifique,
représente celui dont il est dit « C’est
lui qui est notre paix. » (Ep 2.) |
Lectio 14 [85484] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 14 Chrysostomus in Matth. Quia dominus
dixerat Iudaeis: viri Ninivitae surgent in iudicio, et condemnabunt
generationem istam, ne propter temporis tardationem contemnerent et fierent
pigriores, ostendit quod non solum in futuro saeculo, sed et hic gravissima
patientur, futuram in eis poenam sub quodam aenigmate subdens; unde dicit cum
autem immundus spiritus exierit ab homine. Hieronymus. Quidam istum locum de haereticis
dictum putant: quod immundus spiritus, qui in eis ante habitaverat, quando
gentiles erant, ad confessionem verae fidei eiciatur; postea vero cum se ad
haeresim transtulerint, et simulatis virtutibus ornaverint domum suam, tunc
aliis septem nequam spiritibus adiunctis, revertatur ad eos Diabolus, et
habitet in illis; fiantque novissima eorum peiora prioribus. Multo quidem
peiori conditione sunt haeretici quam gentiles: quia in illis spes fidei, in
istis est pugna discordiae; cum haec intelligentia plausum quemdam et colorem
doctrinae praeferat, nescio an habeat veritatem; ex eo enim quod, finita vel
parabola vel exemplo, sequitur, sic erit generationi huic pessimae,
compellimur non ad haereticos et quosque homines, sed ad Iudaeorum populum
referre parabolam, ut contextus loci non passim et vagus in diversum fluctuet
atque insipientium more turbetur, sed haerens sibi vel ad priora vel ad
posteriora respondeat. Unde immundus spiritus exiit a Iudaeis quando
acceperunt legem; expulsus autem a Iudaeis, ambulavit per gentium
solitudines: unde sequitur ambulat per loca arida, quaerens sibi requiem.
Remigius. Loca arida appellat corda gentium ab
omni humore salutarium aquarum, hoc est sanctarum Scripturarum et
spiritualium donorum, et ab infusione sancti spiritus aliena. Rabanus. Vel loca arida sunt corda fidelium,
quae a mollitie fluxae cogitationis expurgata, callidus insidiator explorat,
si quos gressus ibi figere possit; sed castas mentes effugiens Diabolus in
solo corde pravorum gratam sibi potest invenire quietem; unde sequitur et non
invenit. Remigius. Putabat autem Diabolus se perpetuam
quietem posse habere in gentili populo: sed subditur et non invenit, quia
apparente Dei filio per mysterium incarnationis suae, gentilitas credidit.
Hieronymus. Quae cum domino credidisset, ille
non invento loco in nationibus, dixit revertar in domum meam unde exivi.
Habeo Iudaeos quos ante dimiseram. Et veniens invenit eam vacantem, scopis
mundatam et ornatam. Vacabat enim templum Iudaeorum et Christum hospitem non
habebant dicentem: surgite et abeamus hinc. Quia igitur et Dei et Angelorum
praesidia non habebant, et ornati erant superfluis observationibus legis, et
traditionibus Pharisaeorum, revertitur Diabolus ad sedem suam pristinam, et
septenario numero sibi addito Daemonum, habitat pristinam domum: et fiunt
novissima illius populi peiora prioribus; multo enim nunc maiore Daemonum
numero possidentur, blasphemantes in synagogis suis Christum Iesum, quam in
Aegypto possessi fuerant ante legis notitiam: quia aliud est venturum non
credere, aliud non suscepisse qui venerit. Septenarium autem numerum
adiunctum Diabolo, vel propter sabbatum intellige, vel propter numerum
spiritus sancti: ut quomodo in Isaia super florem qui de radice Iesse
descendit, septem spiritus virtutum descendisse narrantur, ita e contrario
vitiorum numerus in Diabolo consecratus sit. Pulchre ergo septem spiritus
assumi dicuntur, vel propter violationem sabbati, vel propter criminalia
peccata quae contraria sunt septem donis spiritus sancti. Chrysostomus in Matth. Vel hic poenam eorum
demonstrat: dicit enim quod sicut cum daemoniaci liberati fuerint ab
infirmitate, si desidiores efficiantur, graviorem attrahunt adversus se
phantasiam, ita et in vobis fiet: etenim ante detinebamini a Daemone, quando
idola adorabatis, et filios vestros Daemonibus occidebatis; sed tamen non
dereliqui vos; sed expuli Daemonem illum per prophetas, et per memetipsum
rursus veni, amplius expurgare vos volens. Quia igitur non vultis attendere,
sed in maiorem excidistis nequitiam (gravius enim est occidere Christum quam
prophetas), propter hoc difficiliora patiemini. Quae enim sub Vespasiano et
Tito contigerunt eis, multo graviora fuerunt his quae passi sunt in Aegypto
et in Babylone et sub Antiocho. Nec hoc solum ostendit, sed quoniam ab omni
virtute erunt desolati, et Daemonum actibus occupabiles magis quam ante. Haec
autem non solum ad illos, sed ad nos etiam dicta esse, rationem habet; si
illuminati et a prioribus eruti malis, rursus ab eadem possideamur nequitia:
etenim difficilior iam erit poena posteriorum peccatorum: propter quod
paralytico Christus dicit: ecce sanus factus es: noli peccare, ne deterius
tibi aliquid contingat. Rabanus. Homo enim quilibet ad fidem conversus
est, a quo Diabolus per Baptismum eicitur, qui eiectus inde loca arida
peragrat, idest corda fidelium. Gregorius Moralium. Loca enim arentia
atque inaquosa sunt corda iustorum, quae per disciplinae fortitudinem ab omni
carnalis concupiscentiae humore siccantur. Loca vero humentia sunt terrenorum
hominum mentes, quas humor carnalis concupiscentiae, quia replet, fluidas
facit: in quibus Diabolus iniquitatis suae vestigia tanto altius imprimit
quanto in eisdem mentibus per transitus illius, quasi in fluxa terra,
descendit. Rabanus. Rediens autem ad domum suam
unde exierat, invenit eam vacantem a bonis actibus per negligentiam; scopis
mundatam, scilicet a vitiis pristinis per Baptismum; ornatam simulatis
virtutibus per hypocrisim. Augustinus de quaest. Evang. Unde per
haec verba signat dominus quosdam ita credituros, ut non possint ferre
laborem continentiae, et ad saeculum redituri sint. Quod dicit assumit secum
alios septem, intelligitur, quia cum quis ceciderit de iustitia, etiam
simulationem habebit. Cupiditas enim carnis expulsa per poenitentiam
consuetis operibus, cum non invenerit in quibus delectationibus conquiescat,
avidius redit, et rursus occupat mentem hominis, si negligentia subsecuta
est, ut non introduceretur tamquam habitator mundatae domus sermo Dei per
sanam doctrinam; et quoniam non solum habebit illa septem vitia quae septem
virtutibus sunt contraria spiritualibus, sed etiam per hypocrisim se ipsas
habere virtutes simulabit, propterea assumptis secum septem aliis
nequioribus, hoc est ipsa septenaria simulatione, redit ipsa concupiscentia,
ut sint novissima hominis illius peiora prioribus. Gregorius Moralium. Plerumque etiam fit ut cum
mens ex ipso exordio sui profectus extollitur, cumque se iam quasi de
virtutibus erigit, saevienti contra se adversario aditum pandat: tantoque se
vehementius in eius confractione exhibet, quanto et gravius, quia vel ad
modicum fuerat proiectus, dolet. |
Versets 43-45
— Saint Jean Chrysostome : (hom.
44.) Le Seigneur avait dit aux Juifs: « Les habitants de Ninive s’élèveront
au jour du jugement et condamneront cette génération. » Mais dans la
crainte que le temps si éloigné de cette condamnation ne la leur fit mépriser
et n’encourageât leur négligence, il leur apprend qu’ils auront à souffrir
des châtiments très sévères non seulement dans l’autre vie, mais dans
celle-ci, et il leur fait connaître sous le voile d’une parabole le supplice
qui leur est réservé: « Lorsque
l’esprit impur est sorti d’un homme, » etc... —
Saint Jérôme : Il en est quelques-uns qui prétendent
que ce passage s’applique aux hérétiques. L’esprit immonde qui habitait
d’abord en eux, lorsqu’ils étaient encore infidèles, disent-ils, a été chassé
par la confession de la vraie foi; mais lorsqu’ils ont embrassé le parti de
l’hérésie, et qu’ils ont orné de fausses vertus la maison intérieure de leur
âme, le diable revient les trouver après avoir pris avec lui sept autres
esprits, il fixe en eux son séjour, et rend leur dernier état pire que le
premier. Le sort des hérétiques est, en effet, plus déplorable que celui des
infidèles; car dans les infidèles vous pouvez rencontrer l’espérance de la
vraie foi, mais dans les hérétiques vous ne trouverez que les luttes de la
discorde. Cette explication a pour elle quelque probabilité et quelque
apparence de science, cependant je ne sais si elle est fondée sur la vérité.
En effet, la conclusion de cette parabole (ou de cet exemple): « C’est ce qui arrivera à cette
génération criminelle », nous force de l’appliquer, non aux
hérétiques, ou à n’importe quels autres hommes, mais au peuple juif, si nous
voulons que l’ensemble de ce passage ne reste pas vague, indéterminé,
susceptible de sens divers, et ne perde de sa clarté par des interprétations
sans fondement, mais qu’il forme un tout parfaitement en rapport avec les
antécédents et les conséquences. L’esprit impur est donc sorti des Juifs
lorsque la loi leur fût donnée et lorsqu’ils l’eurent chassé, il a erré dans
les solitudes des nations, comme l’indiquent les paroles suivantes: « Il va par des lieux arides, cherchant
du repos. » —
Saint Rémi : Les lieux arides, ce sont les cœurs des
Gentils que n’ont jamais arrosés les eaux salutaires, c’est-à-dire les
saintes Écritures, les dons spirituels, et qui sont étrangers à l’effusion du
Saint Esprit. — Raban : Ou bien, ces
lieux arides, ce sont les cœurs des fidèles qui, après avoir été purifiés de
la mollesse des pensées dissolues, sont explorés par l’ennemi perfide de
notre salut qui cherche à y fixer son séjour; mais il s’éloigne des âmes
chastes, et ne peut trouver que dans le cœur des méchants un repos qui lui
soit agréable. C’est pour cela que le Seigneur ajoute: « et il ne le trouve pas. » —
Saint Rémi : Le démon pensait avoir trouvé dans le
cœur des Gentils un repos éternel, mais Notre Seigneur ajoute: « et il ne le trouve pas », parce
que les Gentils ont embrassé la foi, lorsque le Fils de Dieu se fut rendu
visible par le mystère de l’incarnation. —
Saint Jérôme : Après la conversion des Gentils, le
démon, ne trouvant plus en eux de repos, dit: « Je reviendrai dans la maison d’où j’étais sorti, chez les
Juifs que j’avais quittés en premier lieu, et, en y revenant, il trouve cette
maison vide, nettoyée et parée. » En effet, ce temple des Juifs
était vide, et le Christ n’y demeurait plus, lui qui avait dit: « Levez-vous, sortons d’ici. »
(Jn 14.) Les Juifs n’étant plus
sous la garde de Dieu et de ses anges, et n’ayant pour ornement que les
observances superflues de la loi, et les traditions des pharisiens, le démon
revient dans sa première demeure, il en prend possession avec sept autres
esprits, et le dernier état de ce peuple devient pire que le premier. En
effet, les Juifs qui blasphèment contre Jésus-Christ dans les synagogues sont
les esclaves d’un bien plus grand nombre de démons que ne l’étaient leurs
ancêtres dans l’Egypte avant d’avoir reçu la loi; car on n’était pas aussi
coupable de ne pas croire en celui qui devait venir, que de ne pas le
recevoir lorsqu’il était venu. Ce nombre de sept autres esprits que le démon
prend avec lui est mis ici ou à cause des jours de la semaine, ou à cause du
nombre des dons de l’Esprit saint. Ainsi de même que dans Isaïe sept esprits
de vertus différentes viennent se reposer sur la fleur de la tige de Jessé,
de même, à l’opposé, nous voyons un nombre égal de vices consacré dans la
personne du démon. C’est donc avec dessein que Jésus dit du démon qu’il prend
sept esprits avec lui, ou à cause de la violation du sabbat, ou à cause des
péchés mortels qui sont contraires aux sept dons du Saint-Esprit. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
44.) Ou
bien le Seigneur veut faire comprendre aux Juifs la grandeur du châtiment qui
les attend. Voyez, leur dit-il, ceux qui, étant possédés du démon, sont
délivrés de cette tyrannie; s’ils tombent ensuite dans le relâchement, ils
s’attirent de plus terribles épreuves; ainsi en sera-t-il de vous-mêmes. Vous
étiez autrefois les esclaves du démon, lorsque vous adoriez les idoles, et
que vous immoliez vos enfants aux démons; cependant je ne vous ai pas
abandonnés, j’ai chassé le démon par les prophètes, et je suis venu moi-même
en personne pour vous délivrer d’une manière plus complète. Mais loin de
répondre [à de si grands bienfaits], vous n’en êtes devenus que plus mauvais
(car c’est un plus grand crime de mettre à mort le Christ qu’un prophète),
c’est pourquoi de plus terribles châtiments vous sont réservés. Et en effet,
ce qu’ils eurent à souffrir sous Vespasien et Titus fut mille fois plus
affreux que ce qu’ils avaient enduré en Égypte, à Babylone, et sous Antiochus
(1 M 1, et 2 M 5, 6, 7). Il va plus loin encore, et leur fait voir le triste
état de leur âme dépouillée de toutes vertus, et devenue pour le démon une
proie bien plus facile qu’auparavant. Or, ce n’est pas seulement dans les
Juifs, mais dans nous-mêmes que cette parabole trouve son application. Si
après avoir reçu la lumière de la foi et la rémission de nos premières
fautes, nous y retombons de nouveau, la peine des fautes suivantes sera
beaucoup plus sévère; c’est pour cela que Notre Seigneur dit au paralytique: « Vous voilà guéri, ne péchez plus,
de peur qu’il ne vous arrive quelque chose de pis. » — Raban : Lorsqu’un homme
se convertit à la foi, le démon, chassé de son âme par le baptême, parcourt
les lieux arides, c’est-à-dire les cœurs des fidèles. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 33, 3.) Les lieux arides et sans eau
sont les cœurs des justes; la règle forte et sévère qu’ils s’imposent
dessèche dans leur âme les eaux des concupiscences charnelles. Les lieux
humides, au contraire, sont les âmes des hommes attachés à la terre; la
concupiscence de la chair, en les pénétrant de ses eaux corrompues, les rend
molles, et le démon y imprime d’autant plus profondément les traces de son
iniquité, qu’il marche dans ces âmes comme sur une terre détrempée et sans
consistance. — Raban : Or, en rentrant dans sa maison d’où il était sorti, il la trouve vide
de bonnes actions par suite de sa négligence, purifiée de toutes souillures,
c’est-à-dire de ses anciens vices, par le baptême; ornée de fausses vertus
par l’hypocrisie. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 8.) Le Seigneur nous
apprend encore par ces paroles qu’il en est dont la foi sera si faible,
qu’ils retourneront au monde, incapables qu’ils seront des peines de la
mortification. En nous faisant remarquer que le démon prend avec lui sept
autres esprits, il veut nous faire comprendre que celui qui tombe des
hauteurs de la justice devient en même temps hypocrite. En effet, lorsque la
concupiscence de la chair, chassée par les oeuvres ordinaires de la
pénitence, ne trouve pas un lieu d’agréable repos, elle revient avec plus
d’empressement, et s’empare de nouveau du cœur de l’homme, pour peu qu’il se
soit laissé aller à la négligence. Alors la parole de Dieu ne peut plus avoir
d’accès par la saine doctrine pour habiter cette maison une fois nettoyée [de
ses souillures]; et comme cette concupiscence de la chair ne prend pas
seulement avec elle les sept vices qui sont opposés aux sept dons de l’Esprit
saint, mais qu’elle fera semblant par hypocrisie d’avoir ces mêmes vertus, on
peut dire qu’elle revient avec sept démons plus méchants, c’est-à-dire avec
les sept démons de l’hypocrisie, de manière que l’état de cet homme devienne
pire que le premier. — Saint Grégoire le Grand : (Moral. 7, 7.) Il arrive souvent aussi que, lorsque l’âme vient à s’enorgueillir de ses premiers pas dans la perfection, et veut en être louée comme de véritables vertus, elle donne entrée à son ennemi furieux contre elle, et qui s’acharne avec d’autant plus de violence à sa ruine, qu’il a éprouvé de douleur d’en avoir été chassé, ne fût-ce que pour quelque temps. |
Lectio 15 [85485] Catena in Mt.,
cap. 12 l. 15 Hilarius in Matth. Quia
praedicta omnia in paternae maiestatis virtute loquebatur, nuntianti sibi,
quod foris a matre atque fratribus expectaretur, quid responderit Evangelista
demonstrat subdens adhuc eo loquente ad turbas, ecce mater eius et fratres
foris stabant, quaerentes loqui ei. Augustinus de Cons. Evang. Hoc sine dubio
convenienter gestum intelligere debemus: praemisit enim cum ad hoc narrandum
transiret adhuc eo loquente ad turbas. Quid est autem adhuc, nisi quando
illud loquebatur? Nam et Marcus post illud quod de blasphemia spiritus sancti
retulerat, dixit: et veniunt mater eius et fratres. Lucas autem non huius rei
gestae ordinem tenuit, sed praeoccupavit hoc, et recordatum ante narravit.
Hieronymus contra Helvidium. Hinc Helvidii una
propositio sumitur, ex hoc quod fratres domini in Evangelio nominantur. Unde,
inquit, fratres domini dicti sunt qui non erant fratres? Sed iam nunc
sciendum est quatuor modis in Scripturis divinis fratres dici: natura, gente,
cognatione, et affectu. Natura, ut Esau et Iacob. Gente, ut omnes Iudaei
fratres inter se vocantur, ut in Deuteronomio: non poteris constituere super
te hominem alienum qui non est frater tuus. Porro cognatione fratres vocantur
qui sunt de una familia, sicut in Genesi: dixit Abraham ad Lot: non sit rixa
inter te et me, quoniam fratres sumus. Affectu etiam fratres dicuntur: quod
in duo dividitur: in speciali et in communi: in speciali, quia omnes
Christiani fratres dicuntur, ut salvator dicit: vade, dic fratribus meis;
porro in communi, quia omnes homines ex uno patre nati, pari inter nos
germanitate coniungimur, sicut ibi: dicite his qui oderunt vos: fratres
nostri vos estis. Interrogo
ergo, iuxta quem modum fratres domini in Evangelio appellentur. Iuxta
naturam? Sed Scriptura non dicit, nec Mariae eos vocans filios, nec Ioseph.
Iuxta gentem? Sed absurdum est ut pauci ex Iudaeis vocati sint fratres, cum
omnes qui ibi fuerunt Iudaei, fratres potuerint appellari. Iuxta affectum
humani iuris, et spiritus? Verum sit: qui magis erant fratres quam apostoli,
quos dominus docebat intrinsecus? Aut si omnes quia homines, sunt fratres,
stultum fuit nuntiare quasi proprium: ecce fratres tui quaerunt te. Restat
igitur ut fratres eos intelligas appellatos cognatione, non affectu, non
gentis privilegio, non natura. Hieronymus super Matth. Quidam vero fratres
domini de alia uxore Ioseph filios suspicantur, sequentes deliramenta
apocryphorum, et quamdam Escham mulierculam confingentes. Nos autem fratres
domini, non filios Ioseph, sed consobrinos salvatoris, sororis Mariae
materterae domini filios intelligimus: quae esse dicitur mater Iacobi minoris
et Ioseph et Iudae, quos in alio Evangelii loco fratres domini legimus
appellatos. Fratres autem consobrinos dici omnis Scriptura demonstrat. Chrysostomus in Matth. Vide autem et fratrum
eius elationem: cum enim deceret eos ingredi, et audire cum turba; vel si hoc
non vellent, expectare finem sermonis, et tunc eum adire: hi extra eum vocant;
et coram omnibus hoc faciunt; et superfluum honoris amorem ostendentes, et
monstrare volentes quod cum omni potestate Christo aliquid iniungunt: quod et
Evangelista ostendit, hoc ipsum obscure insinuans, cum dicit adhuc eo
loquente; ac si diceret: numquid non erat tempus aliud ? Quid autem et loqui
volebant? Si pro veritatis dogmatibus, communiter hoc proponere oportebat, ut
et alios lucrarentur; si autem de aliis sibiipsis pertinentibus, non
oportebat ita festinanter vocare: unde manifestum est quoniam solum ex vana
gloria hoc faciebant. Augustinus de natura et gratia. Sed quidquid
dicatur de fratribus, de sancta virgine Maria, propter honorem Christi,
nullam prorsus, cum de peccatis agitur, habere volo quaestionem. Inde enim
scimus quod ei plus gratiae collatum fuerit ad vincendum omni ex parte
peccatum, quod concipere et parere meruit eum quem constat nullum habuisse
peccatum. Sequitur dixit autem ei quidam: ecce mater tua et fratres tui foris
stant, quaerentes te. Hieronymus. Videtur mihi iste qui nuntiat, non
fortuito et simpliciter nuntiare, sed insidias tendere, utrum spirituali
operi carnem et sanguinem praeferat: unde et dominus non quod matrem negaret
et fratres, exire contempsit, sed quod responderet insidianti. Chrysostomus in Matth. Neque autem dixit:
vade, dic ei quoniam non est mater mea; sed ad eum qui nuntiaverat extendit
sermonem: sequitur enim at ipse respondens dicenti sibi ait: quae est mater
mea et qui sunt fratres mei? Hilarius in Matth. Non autem fastidiose de matre
sua sensisse existimandus est, cui in passione positus maximae sollicitudinis
tribuit affectum. Chrysostomus in Matth. Quod si negare vellet
matrem, tunc utique negasset quando Iudaei exprobrabant ei de matre. Hieronymus. Non ergo, iuxta Marcionem et
Manichaeum, matrem negavit, ut natus de phantasmate putaretur, sed apostolos
cognationi praetulit, ut et nos in comparatione dilectionis, carni spiritum
praeferamus; nec maternum refutat obsequium pietatis, cuius
praeceptum est: honora patrem tuum et matrem tuam, sed paternis se mysteriis
vel affectibus amplius quam maternis debere demonstrat: unde sequitur et
extendens manum in discipulos dixit: ecce mater mea et fratres mei. Gregorius in Evang. Fideles quidem discipulos
fratres nominare dignatus est dominus, dicens: ite, nuntiate fratribus meis.
Qui ergo frater domini fieri ad fidem veniendo potuit, quaerendum est quomodo
etiam esse possit mater. Sed sciendum nobis est, quia qui Christi frater vel
soror est in credendo, mater efficitur praedicando: quasi enim parit dominum,
quem cordi audientis infundit; et mater eius efficitur, si per eius vocem
amor domini in proximi mente generatur. Chrysostomus in Matth. Cum his autem quae
dicta sunt et aliud nos docuit: videlicet in nulla cognatione confidentes,
virtutem negligere. Si enim matri nihil prodest matrem esse, nisi virtus
adesset, quis utique alius per cognationem salvabitur? Una enim nobilitas
sola est Dei facere voluntatem: et ideo sequitur quicumque enim fecerit
voluntatem patris mei, qui in caelis est, et cetera. Multae mulieres
beatificaverunt sanctam virginem illam et eius uterum, et optaverunt tales
fieri matres. Quid est igitur quod prohibeat? Ecce latam vobis constituit
viam; et licet non mulieribus solum, sed et viris fieri matrem Dei. Hieronymus. Dicamus autem et aliter. Salvator
loquitur ad turbas: intrinsecus erudit nationes; mater eius et fratres, hoc
est synagoga et populus Iudaeorum foris stant. Hilarius. Cum itaque ingrediendi ad eum
haberent, ut ceteri, potestatem, quia tamen in sua venit, et sui eum non
receperunt, ingressu eius atque aditu abstinent. Gregorius in Evang. Unde et mater eius cum
quasi non agnoscitur, foris stare perhibetur: quia videlicet synagoga idcirco
ab auctore suo non recognoscitur, quia legis observationem tenens,
spiritualem intellectum perdidit, et se ad custodiam litterae foris fixit.
Hieronymus. Cumque rogaverint et quaesierint
et nuntium miserint, responsum accipient, liberos eos esse arbitrii, et
intrare posse, si velint et ipsi credere. |
Versets 46-50.
— Saint Hilaire : (can.
12 sur S. Matth.) Comme il avait dit tout ce
qui précède au nom de la puissance et de la majesté de son Père,
1’Évangéliste nous apprend ce qu’il répondit lorsqu’on vint lui annoncer que
ses frères et sa mère l’attendaient au dehors. « Pendant qu’il parlait encore au peuple, voici que sa mère
et ses frères se tenaient dehors, cherchant à lui parler». —
Saint Augustin : (de l’accord des évang., 2, 40.) Nous devons
penser que Notre Seigneur fit cette réponse dans des circonstances qui la
motivaient; car avant de la rapporter l’Evangéliste fait cette remarque :
« Lorsqu’il parlait encore au
peuple. » Que veut dire ce mot « encore » si ce n’est au
moment même où il tenait ce discours ? Saint Marc (Mc 3) place également ce fait après avoir rapporté ce qui
concerne le blasphème sur le Saint-Esprit, et il ajoute: « Et ses frères et sa mère étant venus. » Saint Luc n’a
pas gardé ici l’ordre historique; mais il a raconté ce fait par anticipation,
d’après l’ordre de ses souvenirs. —
Saint Jérôme : (contre Helvid.) Helvidius veut appuyer une
de ses erreurs sur ce passage, sur ce que nous voyons dans l’Évangile des
frères de Notre Seigneur. Pourquoi, demande-t-il, les aurait-on appelés les
frères du Seigneur s’ils n’avaient pas été réellement ses frères ? Or,
il faut savoir que dans la Sainte Écriture le nom de frères est entendu de
quatre manières différentes. Il y a les frères de nature, les frères de
nation, les frères de parenté, et les frères d’affection: les frères de
nature, comme Esaü et Jacob, les frères de nation, tous les Juifs, par
exemple, qui se donnent entre eux le nom de frères, comme nous le voyons dans
le Deutéronome: « Vous ne pourrez
placer à votre tête un étranger qui ne soit point votre frère » (Dt 17); les frères de parenté,
c’est-à-dire ceux qui sont d’une même famille; c’est dans ce sens qu’Abraham
dit à Loth dans la Genèse (Gn 13): « Qu’il n’y ait point de débat entre
vous et moi, car nous sommes frères. » Enfin il y a les frères
d’affection, qui le sont d’une manière ou particulière, ou générale:
particulière, comme le sont tous les chrétiens d’après ces paroles du Sauveur:
« Allez, dites à mes frères »
(Jn 20); générale, comme tous les
hommes nés d’un même père sont unis entre eux par les liens d’une même fraternité,
et c’est dans ce sens qu’il est dit [dans Isaïe]: « Dites à ceux qui vous haïssent: Vous êtes nos frères (Is 66,
5). » Or, je vous le demande, dans quel sens l’Évangile prend-il les
frères du Seigneur ? Est-ce selon la nature ? Mais l’Écriture ne
les appelle ni les enfants de Marie ni ceux de Joseph. Est-ce comme ayant une
même nationalité ? Mais il serait absurde de donner ce nom à un petit
nombre de Juifs, alors que tous les Juifs qui étaient présents pouvaient être
appelés frères. Est-ce d’après l’affection qu’inspire la nature ou la
grâce ? Mais à ce titre, qui méritait mieux ce nom de frères que les
Apôtres, qui recevaient les instructions les plus secrètes du Seigneur ?
Ou bien si tous les hommes sont ses frères par cela qu’ils sont hommes, c’était
une absurdité de donner ici ce nom comme propre et personnel en disant: « Voici que vos frères vous
cherchent. » Il ne reste donc plus de possible que [la dernière
interprétation], qui explique ce nom de frères dans le sens de la parenté et
non point dans le sens de l’affection, de la nationalité ou de la nature. —
Saint Jérôme : (sur S. Matth.) Il en est qui ont supposé
que ces frères du Seigneur étaient des enfants que Joseph avait eus d’une
première épouse; ils suivent en cela les extravagances des Évangiles
apocryphes et imaginent l’existence de je ne sais quelle femme qu’ils
appellent Escha. Pour nous, nous voyons dans ces frères du Seigneur, non pas
les enfants de Joseph, mais les cousins du Sauveur, enfants de la soeur de
Marie, tante du Seigneur, qui est appelée mère de Jacques le Mineur, de
Joseph et de Jude, auxquels l’Évangile, dans un autre endroit, donne le nom
de frères du Seigneur. Or, toute l’Écriture atteste qu’on étend ce nom de
frères jusqu’aux cousins. —
Saint Jean Chrysostome : (homélie 45.) Or, voyez quel est l’orgueil
des frères du Seigneur ! Leur devoir était d’entrer et de se mêler à la
foule pour écouter ses enseignements, ou, si telle n’était pas leur
intention, d’attendre qu’il eût terminé son instruction pour venir le trouver.
Mais non, ils l’appellent au dehors, et ils l’appellent en présence de tous,
faisant ainsi preuve d’un amour des honneurs bien superflu, et voulant
montrer qu’ils commandaient au Christ avec autorité. C’est ce que
l’Évangéliste semble vouloir nous indiquer indirectement par ces mots: « Lorsqu’il parlait encore », comme
s’il voulait dire: Est-ce qu’ils n’auraient pu choisir un autre moment ?
Mais que voulaient-ils lui dire ? Si c’était une question de doctrine
qu’ils voulaient lui proposer, ils devaient le faire devant le peuple pour
que tous pussent en profiter; et s’ils n’avaient à l’entretenir que de leurs
affaires particulières, il ne fallait pas l’appeler en toute hâte: il est
donc évident qu’ils n’agissaient ainsi que par un motif de vaine gloire. — Saint
Augustin : (De
la nat. et de la grâce, 36.) Mais quoi que l’on
puisse dire des frères du Seigneur, lorsqu’on parle de péché, pour l’honneur
du Christ, je ne veux pas qu’il soit question en aucune manière de la Vierge
Marie ; quant il s’agit de péché, je pose une question, car nous savons
qu’elle a reçu une grâce plus abondante pour triompher en tout du péché,
parce qu’elle devait concevoir et enfanter celui qui, bien certainement, ne
fut jamais souillé d’aucun péché. Suite : « Et quelqu’un lui dit: Voici que votre mère et vos frères sont
dehors et veulent vous parler. » —
Saint Jérôme : Celui qui vient lui annoncer cette
nouvelle ne me paraît pas l’avoir fait avec simplicité et naturellement, mais
pour lui tendre un piége et voir s’il sacrifierait aux affections de la
nature une oeuvre toute spirituelle. Le Seigneur refuse donc de sortir, non
qu’il méconnaisse sa mère et ses frères, mais parce qu’il veut répondre à
ceux qui cherchent à le prendre en défaut. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) Il ne dit pas: Allez, et
dites-lui qu’elle n’est pas ma mère, il adresse la parole à celui qui vient
de lui porter cette nouvelle: « Mais
s’adressant à celui qui lui parlait, il lui dit: Quelle est ma mère, quels
sont mes frères ? » —
Saint Hilaire : (can. 12.) N’allons pas croire qu’il ait
éprouvé un sentiment de dédain pour sa mère, lui qui du haut de la croix lui
témoigna tant d’affection et une si tendre sollicitude. (Jn 19.) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) S’il avait voulu renier sa mère,
il l’aurait fait lorsque les Juifs lui faisaient un reproche de la condition
de sa mère. —
Saint Jérôme : Il n’a donc pas renié sa mère, comme
le prétendent Marcion et les Manichéens, pour nous faire croire que sa
naissance n’était qu’imaginaire, mais il a voulu montrer qu’il préférait les
Apôtres à sa famille, pour nous apprendre à préférer nous-mêmes les
affections de l’esprit aux affections de la chair. —
Saint Ambroise : (sur S. Luc., liv. 6.) [référence à vérifier] Il ne condamne pas les
devoirs de piété filiale (car tel est le commandement : « honore
ton père et ta mère »), mais il veut nous apprendre qu’il se doit bien
plus aux devoirs mystérieux qui l’attachent à son père, et à l’amour qu’il a
pour lui, qu’à son affection pour sa mère; aussi l’Évangéliste ajoute: « et, étendant la main vers ses
disciples, il dit: Voici ma mère, et voici mes frères. » —
Saint Grégoire le Grand : (homélie 31 sur les Evang.) Notre Seigneur a daigné appeler les fidèles ses
frères lorsqu’il a dit: « Allez,
annoncez à mes frères. » (Mt 28.) On peut donc se demander comment
celui qui est devenu le frère du Seigneur en embrassant la foi, peut devenir
aussi sa mère. C’est que celui qui est devenu le frère et la soeur de
Jésus-Christ par la foi, mérite de devenir sa mère par la prédication, car il
enfante le Seigneur en le produisant dans le cœur de ses auditeurs, et il
devient sa mère s’il fait naître par ses paroles l’amour du Seigneur dans
l’âme du prochain. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
45.) Aux
leçons qui précèdent, il en ajoute encore une autre, c’est que la confiance
que peut nous inspirer notre parenté ne doit pas nous faire négliger la
pratique de la vertu, car s’il ne servait de rien à la mère de Jésus d’être
sa mère, sans l’éminente vertu qui la distinguait, qui peut se flatter d’être
sauvé grâce à sa parenté ? Il n’y a qu’une seule noblesse, c’est de
faire la volonté de Dieu, comme il nous l’apprend dans les paroles suivantes:
« Quiconque fera la volonté de mon
Père qui est au ciel, celui-là, etc...» Bien des mères ont proclamé le bonheur
de la sainte Vierge et de son chaste sein; elles ont désiré d’être mères
comme Elle. Qui les empêche d’obtenir ce bonheur ? Le Seigneur vous a
ouvert une large voie, et il est permis non seulement aux femmes, mais encore
aux hommes de devenir mère de Dieu (cf. Ga
4, 19). —
Saint Jérôme : Nous pouvons encore donner une autre
explication. Le Sauveur parle à la foule et enseigne les nations dans
l’intérieur de la maison; sa mère et ses frères, c’est-à-dire la synagogue et
le peuple juif, se tiennent dehors. —
Saint Hilaire : (can. 12.) Ils avaient cependant comme les
autres la faculté d’arriver jusqu’à lui; mais comme il est venu parmi les
siens, et que les siens ne l’ont pas reçu (Jn
12), ils refusent d’entrer et d’approcher de lui. — Saint Grégoire le Grand : (hom.
31.) Pourquoi
la mère du Seigneur reste-t-elle dehors, comme s’il ne la connaissait
pas ? Parce que la synagogue n’est plus reconnue par celui qui l’a
établie, car en s’attachant exclusivement à l’observation de la loi, elle a
perdu l’intelligence spirituelle et s’est condamnée elle-même à être au
dehors la gardienne de la lettre. —
Saint Jérôme : Après qu’ils auront demandé, prié et
envoyé un messager, il leur sera répondu qu’ils sont libres d’entrer et de
croire eux-mêmes, s’ils le veulent. |
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Caput 13 |
CHAPITRE 13 —
[Une autre forme du Royaume à cause du rejet d’Israël]
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Lectio 1 [85486] Catena in Mt.,
cap. Augustinus de Cons. Evang. Cum dicit in illo
die, satis indicat aut hoc consequenter gestum post praemissa, aut non multa
interponi potuisse, nisi forte dies more Scripturarum tempus significet. Rabanus. Non solum autem verba et facta
domini, verum etiam itinera ac loca in quibus virtutes operatur et praedicat,
caelestibus sunt plena sacramentis. Post sermonem quippe in domo habitum, ubi
nefanda blasphemia Daemonium habere dictus est, egrediens docebat ad mare, ut
ostenderet se, relicta ob culpam perfidiae Iudaea, ad gentes salvandas esse
transiturum. Gentilium enim corda diu superba et incredula merito tumidis
amarisque fluctibus maris assimilantur; domum vero domini per fidem fuisse
Iudaeam quis nesciat? Hieronymus. Considerandum etiam, quod populus
domum Iesu non poterat intrare, nec esse ibi ubi apostoli audiebant mysteria:
idcirco miserator dominus egreditur de domo sua, et sedet iuxta huius saeculi
mare, ut congregentur ad eum multae turbae, et audiant in littore quae intus
non merebantur audire: unde sequitur et congregatae sunt ad eum turbae
multae, ita ut in naviculam ascendens sederet; et omnis turba stabat in
littore. Chrysostomus in Matth. Hoc autem non
simpliciter Evangelista posuit, sed ut monstraret quod dominus hoc fecerit,
volens cum diligentia hoc spectaculum statuere, ut nullum dimittat post
dorsum, sed omnes coram facie habeat. Hilarius in Matth. Sedisse autem dominum in
navi, et turbas foris stetisse, ex subiectis rebus est ratio. In parabolis
enim erat locuturus; et facti ipsius genere significat eos qui extra
Ecclesiam positi sunt, nullam divini sermonis posse capere intelligentiam.
Navis enim Ecclesiae typum praefert, intra quam verbum vitae positum est, et
praedicatum his qui extra sunt, et arenae modo steriles intelligere non
possunt. Hieronymus. Iesus etiam in mediis fluctibus
est: hinc inde mari tunditur, et in sua maiestate securus appropinquare facit
terrae naviculam suam, ut populus nequaquam periculum sustinens, non
tentationibus circumdatus, quas ferre non poterat, stet in littore fixo
gradu, ut audiat quae dicuntur. Rabanus. Vel quod ascendens navem sedebat in
mari, significat quod Christus per fidem ascensurus erat in mentes gentilium
et Ecclesiam collecturus in mari, idest in medio nationum contradicentium. Turba vero quae stabat in littore, quae neque in navi neque in mari
erat, gerit figuram recipientium verbum Dei, et iam fide a mari, idest a
reprobis, separatorum, sed necdum mysteriis caelestibus imbutorum. Sequitur
et locutus est eis multa in parabolis. Chrysostomus in Matth. Quamvis in monte
ita non fecerit: non enim per parabolas sermonem contexit. Tunc
enim turbae solae erant, et plebs incomposita; hic autem et Scribae et
Pharisaei. Non propter hoc autem solum in parabolis loquitur, sed ut
manifestiorem sermonem faciat, et ampliorem memoriam imponat, et sub visum
res reducat. Hieronymus. Est notandum, quod non omnia
locutus sit eis in parabolis, sed multa: si enim dixisset cuncta in
parabolis, absque emolumento populi recessissent. Perspicua miscet obscuris:
ut per ea quae intelligunt, provocentur ad eorum notitiam quae non
intelligunt. Turba etiam non unius sententiae est, sed diversarum in singulis
voluntatum: unde loquitur ad eam in multis parabolis: ut iuxta varias
voluntates, diversas recipiant disciplinas. Chrysostomus in Matth. Primam autem parabolam
ponit eam quae faciebat auditorem attentiorem: quia enim sub aenigmate erat
tractaturus, erigit mentes audientium per primam parabolam, dicens ecce exiit
qui seminat seminare semen suum. Hieronymus. Significatur autem sator iste qui
seminat, esse filius Dei, et patris in populis seminare sermonem. Chrysostomus in Matth. Unde autem exiit qui
ubique praesens est, vel qualiter exiit? Non loco, sed incarnatione
propinquior factus nobis per habitum carnis: quia enim nos intrare non
poteramus ad eum, peccatis nostris prohibentibus nobis ingressum, ipse ad nos
egreditur. Rabanus. Vel exiit cum, relicta Iudaea, per
apostolos ad gentes transivit. Hieronymus. Vel intus erat dum domi
versabatur, et loquebatur discipulis sacramenta. Exiit ergo de domo sua, ut
seminaret in turbis. Chrysostomus. Cum autem audieris, quoniam
exiit qui seminat ut seminet, non aestimes esse identitatem sermonis.
Egreditur enim multoties qui seminat et ad aliam rem: vel ut scindat terram,
vel ut malas incidat herbas, vel ut spinas evellat, vel ut aliam talem
quamdam diligentiam exhibeat: hic autem ad seminandum exivit. Quid igitur fit
de semine isto? Tres depereunt partes, et una salvatur; et hoc non
aequaliter, sed cum differentia quadam: unde sequitur et dum seminat, quaedam
ceciderunt secus viam. Hieronymus. Hanc parabolam ad probandam
haeresim suam Valentinus assumit, tres introducens esse naturas: spiritualem,
naturalem vel animalem, atque terrenam; cum hic quatuor sint, una iuxta viam,
alia petrosa, tertia plena spinis, quarta terra bona. Chrysostomus in Matth. Sed secundum hoc,
qualiter haberet rationem inter spinas seminare, et super petram, et in via? In
seminibus quidem et terra materialibus non haberet utique rationem: non enim
est in potestate petrae fieri terram, neque viae non esse viam, neque spinae
non esse spinam. In animabus autem et doctrinis multam habet hoc laudem:
possibile enim est petram fieri terram pinguem, et viam non ultra conculcari
et spinas destrui. Quod igitur plus seminis periit, non est ab eo qui seminat,
sed a suscipiente terra, idest ab anima. Ipse enim qui seminat, non divitem,
non pauperem discernit, non sapientem neque insipientem; sed omnibus
loquebatur, quae a seipso erant complens, praevidens tamen quae futura erant,
ut liceat ei dicere: quid me oportuit facere, et non feci? Ideo autem non
dicit manifeste, quoniam haec susceperunt desides, et perdiderunt: haec autem
divites, et suffocaverunt; haec autem molles, et perdiderunt: quia non voluit
eos vehementer tangere, ut non in differentiam mittat. Per hanc etiam
parabolam discipulos erudit, etsi plures audientium eos fuerint qui pereunt,
ut non propter hoc desides sint: quia nec propter hoc dominus, qui omnia
praevidit, destitit a seminando. Hieronymus. Observa autem hanc esse primam parabolam,
quae cum interpretatione sua posita est: et cavendum est ubicumque dominus
exponit sermones suos, ne vel aliud, vel quid plus, vel minus praesumas
intelligere, quam ab eo expositum est. Rabanus. Quae vero tacita nostrae
intelligentiae dereliquit, perstringenda sunt breviter. Via est mens sedulo
malarum cogitationum meatu trita atque arefacta: petram, duritiam protervae
mentis; terram, levitatem animae obedientis; solem dicit fervorem
persecutionis saevientis. Altitudo terrae est probitas animae disciplinis
caelestibus institutae. In qua expositione diximus quia nequaquam ipsae res
in una eademque significatione semper allegorice ponuntur. Hieronymus. Provocamur autem ad dictorum
intelligentiam quoties his sermonibus commonemur qui sequuntur: qui habet
aures audiendi, audiat. Remigius. Aures audiendi sunt aures mentis,
scil. intelligendi et faciendi quae iussa sunt. |
Versets 1-9.
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) Après avoir donné cette leçon à
celui qui lui avait annoncé la présence de sa mère et de ses frères, Jésus se
rend cependant à leurs désirs et il sort de la maison. C’est ainsi qu’après
avoir guéri d’abord dans ses frères le mal de la vaine gloire, il rend
ensuite à sa mère l’honneur qui lui était dû. « Ce jour-là même,
Jésus étant sorti de la maison, s’assit au bord de la mer ». —
Saint Augustin : (De l’acc. des Evang., 11, 41.) Cette
expression: « Ce jour-là » indique suffisamment que ce fait eut
lieu immédiatement après ce qui précède ou peu de temps après, à moins que
l’on ne donne ici au mot jour le sens qu’il a quelquefois dans l’Écriture,
c’est-à-dire qu’on le prenne pour un temps indéfini (Jn 14; 16, 23.25). — Raban : Non seulement les paroles et les actions du Seigneur, mais encore ses
itinéraires et les lieux témoins de ses prédications et de ses miracles sont
pleins d’enseignements venus du ciel. Après le discours qu’il avait prononcé
dans cette maison où d’horribles blasphémateurs l’avaient appelé possédé du
démon, il sort pour enseigner sur le bord de la mer; il montre ainsi qu’il
abandonne la Judée pour la punir de sa perfidie et qu’il va porter le salut
aux nations. En effet, les cœurs des infidèles, longtemps dominés par
l’orgueil et l’incrédulité, sont comparés à juste titre aux flots amers et
soulevés de l’Océan. Quant à la maison du Seigneur, qui ne sait que c’était
la Judée qui l’était devenue pour la foi ? —
Saint Jérôme : Remarquons encore que le peuple ne
pouvait entrer dans la maison de Jésus, ni s’y joindre aux Apôtres pour y
entendre ses mystérieuses leçons. C’est pour cela que le Seigneur, plein de
miséricorde, sort de la maison et s’assied sur le rivage de la mer de ce
siècle pour réunir autour de lui la foule, pour lui adresser sur le rivage
les enseignements qu’elle n’était pas digne d’entendre dans l’intérieur de la
maison. « Et il s’assembla autour de lui des foules si nombreuses
qu’il monta dans une barque, où il s’assit, tandis que toute la foule se
tenait sur le rivage. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) Ce n’est pas sans raison que
l’Évangéliste rapporte cette circonstance; il veut nous faire remarquer
l’intention expresse du Seigneur, qui voulait réunir une grande multitude et
l’avoir tout entière devant les yeux, sans laisser une seule personne
derrière lui. —
Saint Hilaire : (can. 13.) La suite du récit nous explique
pourquoi Notre Seigneur s’assied dans la barque, tandis que le peuple reste
sur le rivage. Il allait parler en paraboles, et, en agissant de la sorte, il
nous apprend d’une manière figurée que ceux qui sont hors de l’Église ne peuvent
avoir aucune intelligence de la parole divine. Cette barque représente
l’Église, la parole de la vie qu’elle renferme dans son sein est prêchée à
ceux qui sont au dehors; mais, semblables au sable stérile, ils ne peuvent la
comprendre. —
Saint Jérôme : Jésus est au milieu des flots, la mer
vient battre tout autour de lui; tranquille dans sa majesté, il fait
approcher la barque du rivage, afin que le peuple, libre de toute crainte et
affranchi des épreuves qui eussent été au-dessus de ses forces, se tienne
ferme sur le rivage pour entendre de là ses paroles. — Raban : Ou bien il monte
dans cette barque et s’y assied au milieu de la mer pour figurer que le
Christ devait monter par la foi dans les âmes des Gentils et rassembler son
Église au milieu de la mer, c’est-à-dire au milieu des peuples qui devaient
le contredire. Cette foule qui se tient sur le rivage et qui n’est ni sur la
mer ni dans la barque, nous représente ceux qui reçoivent la parole de Dieu
et qui sont séparés par la foi des flots de la mer, c’est-à-dire des
réprouvés, sans être encore pénétrés des mystères du royaume des cieux. Suite : « Et il leur dit
beaucoup de choses en paraboles. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) Il n’avait pas suivi cette
méthode dans son discours sur la montagne, qui n’était point ainsi composé de
paraboles, car il ne s’adressait alors qu’à la multitude seule et à des
esprits sans déguisement, tandis qu’il comptait ici parmi ses auditeurs des
scribes et des pharisiens. Mais ce n’est pas le seul motif pour lequel il
parle en paraboles, il veut encore donner plus de clarté à ses enseignements,
les graver plus profondément dans la mémoire en les plaçant pour ainsi dire
sous les regards. —
Saint Jérôme : Remarquez que tous ses enseignements
ne sont pas en paraboles, mais une grande partie seulement, car s’il n’avait
parlé qu’en paraboles, le peuple n’en eût retiré aucun fruit; mais en mêlant
des choses claires à des choses moins évidentes, l’intelligence des unes
excite à pénétrer l’obscurité des autres. La foule, d’ailleurs, n’est pas
animée d’un sentiment unique, mais elle est composée de volonté diverses: il
lui adresse donc un grand nombre de paraboles pour satisfaire par la
diversité de l’enseignement à la diversité des désirs et des besoins. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
45.) Il
commence par la parabole qui devait rendre ses auditeurs plus attentifs; car,
comme il devait leur parler en figures, il éveille tout d’abord l’attention
des auditeurs par cette première parabole: « Celui qui sème sortit
pour semer. » — Saint
Jérôme : Or, ce semeur qui répand sa semence, c’est
le Fils de Dieu qui est venu semer parmi les peuples la parole de son Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) Mais d’où a pu sortir celui qui
est présent en tous lieux, et comment est-il sorti ? Il n’est pas sorti
comme on sort d’un endroit que l’on quitte, mais il s’est rapproché de nous
par son incarnation et par la nature humaine dont il s’était revêtu. Nous ne
pouvions arriver jusqu’à lui, nos péchés étaient pour nous un obstacle
insurmontable; il est venu jusqu’à nous. — Raban : Ou bien il est
sorti lorsque dans la personne de ses Apôtres, il a abandonné la Judée pour
aller évangéliser les Gentils. —
Saint Jérôme : Ou bien encore il était au dedans,
lorsque, dans l’intérieur de la maison il dévoilait à ses disciples les
mystères [du royaume des cieux]. Il sort donc de sa maison pour répandre la
semence au milieu de la foule. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) Lorsque vous entendez Notre
Seigneur vous dire: « Celui qui sème sortit pour semer, » ne
considérez pas que le Seigneur dit deux fois la même chose. Le semeur sort
bien souvent, et pour d’autres motifs; par exemple, pour labourer la terre,
pour couper les mauvaises herbes, pour arracher les épines ou pour d’autres
travaux semblables. Mais ici il sort pour semer. Et que deviendra cette
semence ? Trois parties sont perdues, une seule est conservée, non pas
d’une manière égale, mais avec quelque différence: « Et pendant qu’il
sème, une partie de la semence tomba sur le chemin. » —
Saint Jérôme : Valentin se sert de cette parabole
pour établir son hérésie et appuyer son système des trois natures: la nature
spirituelle, la nature naturelle ou animale, et la nature terrestre. Or nous
voyons ici quatre espèces différentes de terre: l’une qui est le long du
chemin, l’autre qui est un terrain pierreux, la troisième couverte d’épines,
et la quatrième qui est une bonne terre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45.) Mais quelle apparence de raison
dans la conduite de celui qui sèmerait au milieu des épines, sur les pierres
ou le long du chemin ? Si l’on prend la semence et la terre dans leur
sens matériel et ordinaire, ce serait folie d’agir de la sorte, car il n’est
au pouvoir ni de la pierre de devenir terre, ni du chemin de ne pas être un
chemin, ni des épines de ne pas être des épines. Mais lorsqu’on entend la
terre et la semence de la terre des âmes et de la semence de la parole de
Dieu, cette conduite est on ne peut plus louable, car dans ce sens il est
possible à la pierre de devenir une terre fertile, au chemin de ne plus être
foulé aux pieds, et aux épines d’être arrachées. Quant au surplus de la
semence qui est perdu, la faute n’en est pas à celui qui sème, mais à la
terre qui reçoit la semence, c’est-à-dire à l’âme, car le semeur ne fait
aucune distinction entre le pauvre et le riche, entre le sage et l’ignorant;
il s’adresse à tous, faisant de son côté tout ce qui dépend de lui, tout en
prévoyant ce qui doit arriver et motiver ce reproche: « Qu’ai-je dû
faire que je n’aie pas fait ? » Or, s’il ne dit pas clairement
qu’une partie de la semence est tombée sur les âmes négligentes qui l’ont
laissé enlever, une autre sur les riches qui l’ont étouffée, une autre sur
les âmes molles qui l’ont perdue, c’est qu’il ne veut pas blesser trop
vivement les Juifs et les jeter dans le découragement. Cette parabole apprend
encore à ses disciples à ne point négliger le ministère de la prédication,
bien qu’un grand nombre de leurs auditeurs ne laissent pas de se perdre,
puisque ce triste résultat n’a pas empêché le Seigneur qui prévoyait toutes
choses, de répandre la semence de sa parole dans les cœurs. —
Saint Jérôme : Remarquez encore que c’est ici la
première parabole que Notre Seigneur fait suivre de son explication, et
toutes les fois qu’il explique lui-même ses paroles, gardez-vous de les
entendre autrement ou de leur donner un sens plus ou moins étendu que
l’explication donnée par le Seigneur lui-même. — Raban : Disons quelques
mots de ce que le Seigneur nous laisse libres d’interpréter puisqu’il n’en
dit rien. Le chemin c’est l’âme pleine de zèle foulée et desséchée sous les
pas des mauvaises pensées; la pierre, c’est la dureté d’une âme audacieuse;
la terre, c’est la douceur d’une âme obéissante; le soleil, c’est l’ardeur de
la persécution qui sévit. La profondeur de la terre, c’est la droiture de
l’âme formée par les célestes enseignements. Nous avons déjà fait observer
que les choses n’ont pas toujours un seul et même sens dans l’interprétation
allégorique. —
Saint Jérôme : Toutes les fois que Notre Seigneur nous
donne cet avertissement: « Que celui qui a des oreilles pour
entendre, qu’il entende », nous sommes prévenus de donner toute
notre attention pour comprendre ses paroles. — Saint Rémi : Les oreilles pour entendre, ce sont les oreilles de l’âme qui doivent servir à l’intelligence et à l’accomplissement des commandements de Dieu. |
Lectio 2 [85487] Catena in Mt.,
cap. 13 l. 2 Glossa. Intelligentes discipuli
esse obscura quae a domino populo dicebantur, voluerunt domino intimare ne
parabolice loqueretur: unde dicitur et accedentes discipuli dixerunt ei:
quare in parabolis loqueris eis? Chrysostomus in Matth. Ubi dignum est admirari
discipulos, quare discere cupientes, sciunt quando interrogare oporteat; non
enim coram omnibus hoc faciunt. Et hoc ostendit Matthaeus cum dicit et
accedentes; Marcus autem manifestius demonstrat dicens, quod singulariter
accesserunt. Hieronymus. Quaerendum est autem quomodo
accedant tunc ad eum, cum Iesus in navi sedeat: nisi forte intelligatur, quod
dudum cum ipso navem conscenderint, et ibi stantes super interpretatione
parabolae sciscitati sint. Remigius. Dicit ergo Evangelista accedentes,
ut ostenderet quo sollicitati sunt; sive poterant accedere corpore, quamvis
esset aliquod vel breve spatium inter eos. Chrysostomus in Matth. Consideranda est autem
et eorum rectitudo: qualiter multam pro aliis habent curam, et prius quae
aliorum sunt quaerunt, et tunc quae sunt ipsorum: non enim dixerunt: in
parabolis loqueris nobis; sed in parabolis loqueris illis. Qui respondens ait
illis: quia vobis datum est nosse mysterium regni caelorum. Remigius. Vobis, inquam, qui mihi adhaeretis,
et in me creditis. Mysterium autem regni caelorum appellat evangelicam
doctrinam. Illis autem, scilicet qui foris sunt, et in eum credere nolunt,
Scribis scilicet et Pharisaeis, et ceteris in infidelitate perseverantibus,
non est datum. Accedamus ergo cum discipulis ad dominum puro corde, ut nobis
evangelicam doctrinam interpretari dignetur, iuxta illud: qui appropinquant
pedibus eius, accipient de doctrina ipsius. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dixit, non
necessitatem inducens, neque fatum, sed monstrans quoniam illi quibus non est
datum, causa sibi sunt universorum malorum; et ostendere volens quoniam
cognoscere divina mysteria donum Dei est, et gratia desuper data. Non tamen
propter hoc liberum arbitrium destruitur: et hoc ex his quae sequuntur
manifestum est: ut enim neque isti desperent neque illi pigritentur,
audientes quoniam eis datum est: demonstrat a nobis principium horum esse, cum
subdit qui enim habet, dabitur ei, et abundabit; qui autem non habet, et quod
habet auferetur ab eo; ac si diceret: cum aliquis desiderium habuerit et
studium, dabuntur ei universa quae a Deo sunt; cum autem his vacuus fuerit,
et quae ad se pertinent non inferat, neque quae a Deo sunt, ei dantur; sed et
quod habet auferetur ab eo, non Deo auferente, sed se indignum faciente his
quae habet. Unde et nos si viderimus aliquem desidiose audientem, et
exhortantes quod attendat, non ei persuaserimus, sileamus: quia si magis
immorati fuerimus, intendetur ei desidia. Studentem autem discere allicimus,
et multa effundimus. Et bene dixit, secundum Evangelistam, quod videtur
habere: neque enim habet ipsum quod habet. Remigius. Qui etiam habet studium legendi,
dabitur ei et facultas intelligendi; et qui non habet legendi studium, hoc
quod per naturae bonum videtur habere, auferetur ab eo. Vel qui habet
caritatem, dabuntur ei ceterae virtutes; et qui non habet, auferetur ab eo;
quia absque caritate nullum bonum esse potest. Hieronymus. Vel apostolis in Christo
credentibus conceditur; Iudaeis vero, qui non crediderunt in filium Dei,
etiam si quid per naturae bonum possident, tollitur: neque enim possunt
aliquid sapienter intelligere, quia sapientiae non habent caput. Hilarius in Matth. Fidem etiam Iudaei non
habentes, legem quoque quae habuerant perdiderunt; et ideo perfectum fides
evangelica habet donum: quia suscepta, novis fructibus ditat; repudiata vero
etiam veteris substantiae opes detrahit. Chrysostomus in Matth. Ut autem manifestius
quod dixerat fiat, subdit ideo in parabolis loquor eis, quia videntes non
vident, et audientes non audiunt neque intelligunt. Et si quidem naturae haec
excaecatio esset, aperire eorum oculos oportebat; quia vero voluntaria est
haec excaecatio, propter hoc non dixit simpliciter: non vident; sed videntes
non non vident. Viderunt enim Daemones exeuntes, et dixerunt: in Beelzebub
eicit Daemonia. Audiebant quod ad Deum omnes attrahebat; et dicunt: non est
hic homo a Deo. Quia ergo contraria his quae videbant et audiebant,
enuntiabant, propter hoc ipsum videre et audire eis aufertur: nihil enim
proficiunt, sed in iudicium magis incidunt: unde et a principio non eis
parabolice loquebatur, sed cum multa certitudine. Quia autem audita et visa
pervertunt, iam in parabolis loquitur. Remigius. Et notandum est, quia non solum quae
loquebatur, verum etiam quae faciebat, parabolae fuerunt, idest signa
spiritualium rerum; quod liquido ostendit cum dicit ut videntes non videant;
verba namque videri non poterant, sed audiri. Hieronymus. Haec de his loquitur qui stant in
littore, et dividuntur a Iesu, et sonitu fluctuum perstrepente non audiunt ad
liquidum quae dicuntur. Chrysostomus. Deinde ut non dicerent quoniam
ut inimicus noster nobis detrahit, prophetam inducit eadem sentientem: unde
sequitur ut impleatur in eis prophetia Isaiae dicentis: auditu audietis, et
non intelligetis; et videntes videbitis, et non videbitis, idest auditu
audietis verba, sed non intelligetis verborum arcana; videntes videbitis,
carnem scilicet, et non videbitis: hoc est, non intelligetis divinitatem.
Chrysostomus. Hoc autem dixit, quia ipsi sibi
abstulerunt videre et audire, aures et oculos sibi claudentes, et cor
incrassantes. Non enim solum non audiebant, sed et graviter audiebant: unde
sequitur incrassatum est cor populi huius, et auribus graviter audierunt.
Rabanus. Incrassatum est enim cor Iudaeorum
crassitudine malitiae, et abundantia peccatorum graviter verba domini
audierunt, quia ingrati susceperunt. Hieronymus. Ac ne forte arbitremur
crassitudinem cordis et gravitatem aurium naturae esse, non voluntatis,
subiungit culpam arbitrii, et dicit et oculos suos clauserunt. Chrysostomus in Matth. In hoc autem
intensam eorum nequitiam ostendit, et aversionem cum studio. Ut
autem attrahat eos, subdit et convertantur, et sanem eos. In quo demonstrat
quia si converterentur, sanarentur; sicut si aliquis diceret: si rogatus
essem, confestim donaturus eram, ostendit qualiter aliquis sibi reconcilietur,
ita et hic cum dicit ne quando convertantur, et sanem eos, demonstrat quoniam
et converti possibile est et poenitentiam agentes salvari. Augustinus de quaest. Evang. Vel aliter.
Oculos suos clauserunt, ne quando oculis videant; idest, ipsi causa fuerunt
ut Deus eis oculos clauderet. Alius enim Evangelista dicit: excaecavit oculos
eorum. Sed utrum ut numquam videant, an vero ne vel sic aliquando videant,
caecitate sua sibi displicentes, et se dolentes, et ex hoc humiliati atque
commoti ad confitendum peccata sua, et pie quaerendum Deum? Si enim Marcus
hoc dicit: ne quando convertantur, et dimittantur eis peccata. Ubi
intelliguntur peccatis suis meruisse ut non intelligerent; et tamen hoc ipsum
misericorditer eis factum ut peccata sua cognoscerent, et conversi veniam
mererentur. Quod autem Ioannes hunc locum ita dicit: propterea non poterant
credere, quia iterum dixit Isaias: excaecavit oculos eorum, et induravit cor
eorum, ut non videant oculis, et non intelligant corde, et convertantur et
sanem eos, adversari videtur huic sententiae, et omnino cogere ut quod hic
dictum est, ne quando oculis videant, non accipiatur, ne vel sic aliquando
oculis videant, sed prorsus ut non videant: quandoquidem aperte dicit: ita ut
oculis non videant. Et quod ait: propterea non poterant credere, satis
ostendit, non ideo factam excaecationem, ut ea commoti et dolentes se non
intelligere, converterentur aliquando per poenitentiam: non enim possent hoc
facere nisi prius crederent, ut credendo converterentur, et conversione sanarentur,
et sanati intelligerent; sed ideo potius excaecatos ut non crederent: dicit
enim apertissime: propterea non poterant credere. Quod si ita est, quis non exurgat in defensionem
Iudaeorum, ut eos extra culpam fuisse proclamet, quod non crediderunt?
Propterea enim non poterant credere, quia excaecavit oculos eorum. Sed
quoniam potius Deus extra culpam debet intelligi, cogimur fateri aliis
quibusdam peccatis ita eos excaecari meruisse, qua tamen excaecatione non
poterant credere: verba enim Ioannis ista sunt: non poterant credere, quia
iterum dixit Isaias: excaecavit oculos eorum. Frustra itaque conantur
intelligere ideo fuisse caecatos ut converterentur; cum ideo converti non
poterant, quia non credebant, et ideo credere non poterant, quia excaecati
erant. An forte non absurde dicimus, quosdam Iudaeorum fuisse sanabiles; sed
tanto tamen tumore superbiae periclitatos, ut eis expedierit primo non
credere, ut non intelligerent dominum loquentem parabolas, quibus non
intellectis non in eum crederent; non credentes autem cum ceteris desperatis
crucifigerent eum; atque ita post eius resurrectionem converterentur, quando
iam de reatu mortis domini amplius humiliati diligerent eum, a quo sibi
tantum scelus dimissum esse gauderent: quoniam tanta eorum superbia tali
humiliatione esset deicienda? Quod incongrue dictum esse quilibet arbitretur,
si non ita contigisse in actibus apostolorum manifeste legerit. Non ergo
abhorret quod ait Ioannes: propterea non poterant credere, quia excaecavit
oculos eorum, ut non videant, ab ea sententia qua intelligimus, ideo
excaecatos ut converterentur; hoc est, ideo eis per obscuritates parabolarum
occultatas sententias domini, ut post eius resurrectionem salubriori
poenitentia resipiscerent; quia per obscuritatem sermonis excaecati, dicta
domini non intellexerunt; et ea non intelligendo, non in eum crediderunt; non
credendo, eum crucifixerunt; atque ita post resurrectionem miraculis, quae in
eius nomine fiebant, exterriti, maioris criminis reatu compuncti sunt, et
prostrati ad poenitentiam; deinde accepta indulgentia ad obedientiam
flagrantissima dilectione conversi: quibusdam autem non profuit illa caecitas
ad conversionem. Remigius. Et quantum ad hoc potest haec
sententia sic intelligi, ut in omnibus subaudiatur non hoc modo: ne quando
oculis videant, et ne quando auribus audiant, et ne quando corde intelligant,
et ne quando convertantur, et sanem eos. Glossa. Sic ergo oculi eorum qui vident, et
nolunt credere, sunt miseri; vestri autem beati: unde sequitur vestri autem
beati oculi quia vident, et aures vestrae quia audiunt. Hieronymus. Nisi autem supra legissemus
auditores ad intelligentiam provocatos, salvatore dicente: qui habet aures
audiendi, audiat, putaremus nunc oculos et aures, qui beatitudinem accipiunt,
corporales intelligi. Sed mihi videntur oculi illi beati qui Christi possunt
agnoscere sacramenta, et illae beatae aures de quibus Isaias loquitur:
dominus apposuit mihi aurem. Glossa. Mens enim est oculus, quia naturali
vigore ad intelligendum aliquid dirigitur; auris, quia alio docente discit.
Hilarius in Matth. Vel apostolici temporis
beatitudinem docet, quorum oculis atque auribus contingit Dei salutare videre
et audire, prophetis atque iustis cupientibus videre et audire in plenitudine
temporum destinatum: unde sequitur amen quippe dico vobis, quia multi
prophetae et iusti cupierunt videre quae vos videtis, et non viderunt; et
audire quae vos auditis, et non audierunt. Hieronymus. Videtur autem huic loco illud esse
contrarium quod alibi dicitur: Abraham cupivit videre diem meum: vidit et
gavisus est. Rabanus. Isaias quoque et Michaeas et multi
alii prophetae viderunt gloriam domini: qui etiam propterea videntes
appellati sunt. Hieronymus. Non autem dixit: prophetae et
iusti, sed multi: inter multos enim potest fieri ut alii viderint, alii non
viderint, licet et in hoc periculosa sit interpretatio, ut inter sanctorum
merita discretionem quamlibet facere videamur, scilicet quantum ad fidem de
Christo habitam; ergo Abraham vidit in aenigmate, non vidit in specie. Vos
autem impraesentiarum tenetis et habetis dominum vestrum, et ad voluntatem
interrogatis, et convescimini ei. Chrysostomus in Matth. Haec ergo quae apostoli
viderunt et audierunt, praesentiam suam dicit, miracula, vocem et doctrinam.
In hoc autem non solum malis, sed his qui boni fuerant eos praeponit: etenim
antiquis iustis beatiores eos dicit: quoniam non solum quae Iudaei non
viderant hi vident, sed et quae iusti et prophetae cupierunt videre et non
viderunt. Illi enim fide solum consideraverunt; hi autem visu, et multo
manifestius. Vides autem qualiter vetus testamentum copulat novo: non enim si
prophetae alieni cuiusdam, et contrarii Dei servi fuissent, Christum
cupivissent. |
Versets 10-17.
— La Glose : Les disciples, remarquant qu’il y avait de l’obscurité dans le
discours que le Seigneur adressait au peuple, voulurent lui conseiller de ne
plus parler en paraboles: « Et ses disciples, s’approchant de lui,
lui dirent : ‘Pourquoi leur parlez-vous en paraboles ?’ » — Saint
Jean Chrysostome : (hom. 46.) La conduite des Apôtres est
vraiment digne d’admiration; malgré le désir qu’ils ont de s’instruire, ils
choisissent le moment pour interroger, et ils ne le font pas publiquement, ce
que saint Matthieu nous indique par ces paroles: « Alors ses
disciples s’approchant ». Saint
Marc est encore plus explicite, et dit clairement qu’ils vinrent le trouver
en particulier. —
Saint Jérôme : On peut se demander comment ils
purent s’approcher du Seigneur, puisqu’il se trouvait alors dans la barque.
Il faut l’entendre dans ce sens qu’ils étaient montés avec lui dans cette
barque, et que c’est là qu’ils lui demandèrent l’explication de la parabole. —
Saint Rémi : L’Évangéliste dit qu’ils s’approchèrent
pour marquer qu’ils l’interrogèrent; ou bien ils ont pu s’approcher
réellement de lui, bien qu’il n’y eût qu’une légère distance qui les en
séparât. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
46.) Remarquez
aussi la justesse de leur attitude : avec quelle vive affection ils se
préoccupent du soin et des intérêts du prochain, avant de penser à ce qui les
concerne, car ils ne lui disent pas: « Pourquoi nous parlez-vous en
paraboles, » mais: « Pourquoi leur parlez-vous en
paraboles ? » « C’est, leur répond-il, que pour
vous autres, il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des
cieux. » —
Saint Rémi : Pour vous, dis-je, qui me suivez, et
qui croyez en moi. Les mystères du royaume des cieux, c’est la doctrine
évangélique; mais pour eux, c’est-à-dire pour ceux qui sont au dehors et ne
veulent pas croire en lui (les scribes, les pharisiens et tous les autres qui
persévèrent dans leur infidélité), il ne leur a pas été donné de les
comprendre. Joignons-nous donc aux disciples pour approcher du Seigneur avec
un cœur pur, afin qu’il daigne nous expliquer la doctrine de I’Évangile,
selon cette parole [du Deutéronome (Dt 33)]:
« Ceux qui se tiennent à ses pieds recevront sa doctrine. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46.) En parlant de la sorte, Notre
Seigneur n’établit pas le système de la nécessité ou de la fatalité; il veut
simplement montrer que ceux qui n’ont pas reçu cette faveur sont eux-mêmes la
cause de tous leurs maux, et que la connaissance des mystères divins est un
don de Dieu et une grâce qui descend du ciel. Cependant le libre arbitre n’est
pas pour cela détruit, ces paroles et celles qui suivent le prouvent
évidemment. En effet, pour ne pas jeter dans le désespoir ceux qui n’ont pas
reçu cette grâce, ou dans la négligence ceux à qui elle a été donnée, il nous
dit clairement que la raison première de ces dons vient de nous, quand il
ajoute: « Celui qui a déjà, on lui donnera encore, et il y aura pour
lui surabondance ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il
a », paroles dont voici le sens: Celui qui est plein d’ardeur et de
zèle recevra en abondance tous les dons de Dieu, mais s’il en est dépourvu et
qu’il ne prête en aucune manière son concours dans la mesure où il le peut,
il ne recevra pas les dons de Dieu, et il perdra même ce qu’il a; non pas que
Dieu le lui enlève, mais parce qu’il se rend indigne de conserver ce qu’il
possède. Si donc nous voyons un de nos frères entendre la parole de Dieu avec
négligence, et que nos efforts soient impuissants pour réveiller son
attention, gardons le silence; car en insistant davantage, nous ne ferions
qu’accroître sa négligence. Mais pour celui qui a le désir de s’instruire,
nous l’attirons facilement, et nous ne craignons pas de prolonger nos
discours. Notre Seigneur a bien raison de dire, d’après l’Evangéliste: « ce
qu’il paraît avoir » ; car
il ne possède pas même ce qu’il a. —
Saint Rémi : Celui qui a le désir de la lecture
recevra le don de l’intelligence, et celui qui n’a pas ce désir, se verra
enlever jusqu’aux dons qu’il tenait de la nature. Ou bien, celui qui a la
charité recevra toutes les autres vertus; mais celui qui n’a pas la charité
en sera dépouillé, parce qu’il n’y a pas de bien possible sans la charité. —
Saint Jérôme : Ou bien encore, aux Apôtres qui ont
cru en Jésus-Christ, il sera encore donné; mais les Juifs, qui n’ont pas
voulu croire en lui, bien qu’il fût le Fils de Dieu, se verront enlever même
les biens naturels qu’ils paraissent avoir; car ils ne peuvent rien
comprendre avec sagesse, parce qu’ils n’ont pas en eux le principe de la
sagesse. —
Saint Hilaire : (can. 13.) Ajoutons que les Juifs, n’ayant
pas la foi, ont perdu aussi la loi qu’ils avaient reçue; car la foi évangélique
renferme tout don parfait; dès qu’on l’a reçue, elle s’enrichit de nouveaux
fruits; mais si on la rejette, elle enlève jusqu’aux dons qu’on avait reçus
précédemment. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
46.) Notre
Seigneur veut rendre encore plus claire cette vérité, et il ajoute: « Je leur parle en paraboles, parce
qu’en voyant ils ne voient point et, entendant, ils n’entendent ni ne
comprennent. » Si cet aveuglement venait de la nature, le Seigneur
aurait dû leur ouvrir les yeux; mais comme il était volontaire, il ne dit pas
simplement: Ils ne voient pas, mais « en
voyant, ils ne voient pas. » Ils l’ont vu, en effet, chasser les
démons, et ils ont dit: « C’est
par Béelzébub qu’il chasse les démons. » (Mt 12.) Ils entendaient dire qu’il attirait tout le monde à
Dieu, et ils disaient: « Cet homme
ne vient pas de Dieu. » (Jn 9.) Mais comme ils affirmaient le
contraire de ce qu’ils voyaient et de ce qu’ils entendaient, ils perdent la
faculté de voir et d’entendre. En effet, cette faculté, ne leur a servi de
rien qu’à rendre leur condamnation plus terrible. Aussi dans le commencement
il ne leur parlait pas en paraboles, mais en termes clairs, et il ne se sert
de paraboles que parce qu’ils dénaturent tout ce qu’ils voient et tout ce
qu’ils entendent. —
Saint Rémi : Et remarquez que non seulement ses
paroles, mais encore ses actions elles-mêmes, étaient autant de paraboles,
c’est-à-dire des symboles des choses spirituelles, ce que prouvent évidemment
les paroles suivantes: « parce
qu’en voyant ils ne voient point » ; car on ne peut voir les
paroles, mais seulement les entendre. —
Saint Jérôme : Notre Seigneur parle ainsi de ceux
qui sont sur le rivage, et qui, autant par suite de la distance qui les
sépare de Jésus, que du bruit des flots, n’entendaient pas clairement ce
qu’il disait. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
46.) Afin qu’ils ne pussent dire: C’est notre ennemi
qui nous accuse, il leur cite le Prophète qui exprime les mêmes sentiments: « Et la prophétie d’Isaïe s’accomplit
en eux: vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez pas, et en
voyant, vous ne verrez pas », c’est-à-dire vous entendrez de vos
oreilles des paroles, mais vous n’en comprendrez pas le sens caché; vous
verrez de vos yeux mon humanité, et vous ne verrez pas, c’est-à-dire vous ne
comprendrez pas ma divinité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46.) Il leur parle de la sorte, parce
qu’ils se sont privés eux-mêmes de la faculté de voir et d’entendre en
fermant leurs oreilles et leurs yeux, et en laissant leur cœur s’appesantir;
car leur crime n’était pas seulement de ne pas entendre, mais d’être
contrariés d’entendre; c’est pour cela qu’il ajoute: « Le cœur de ce peuple s’est appesanti et ils sont durs
d’oreille. » — Raban : Le cœur des Juifs
s’est appesanti sous le poids de leur malice, et c’est la multitude de leurs
péchés qui leur a fait entendre avec peine les paroles du Seigneur qu’ils
recevaient avec ingratitude. —
Saint Jérôme : De peur que nous ne pensions que cet
appesantissement du cœur et cette surdité de l’ouïe étaient un vice de la
nature et non de la volonté, il prouve que c’était la suite du mauvais usage
de leur liberté en ajoutant: « Et
ils ont fermé les yeux. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
46.) Jusqu’ici
il a fait voir l’étendue de leur malice et leur éloignement affecté [à
l’égard de Dieu]; mais comme son désir est de les attirer à lui, il ajoute: « et que s’étant convertis, je ne les
guérisse », paroles qui prouvent que s’ils voulaient se convertir,
il les guérirait. Ainsi lorsqu’on dit d’une personne quelconque: S’il m’en
avait prié, je lui aurais immédiatement pardonné, on déclare à quelles
conditions le pardon est offert; de même en disant: « de peur que s’étant convertis je ne les guérisse », Notre
Seigneur montre et qu’il leur est possible de se convertir, et qu’en faisant
pénitence ils seront sauvés. —
Saint Augustin : (Quest. évang.). Ou bien encore, ils ont
fermé les yeux afin de ne pas voir de leurs yeux, c’est-à-dire qu’eux-mêmes
ont été cause que Dieu leur a fermé les yeux, comme le dit un autre
Évangéliste (Jn 12): « Il a aveuglé leurs yeux. »
Est-ce de telle sorte qu’ils ne voient jamais, ou bien est-ce afin qu’ils ne
voient point en regrettant et en déplorant leur aveuglement, de manière
qu’étant profondément humiliés de cet état, ils soient amenés à confesser
leurs péchés et à chercher Dieu avec amour ? C’est ainsi que saint Marc
l’entend: « de peur qu’ils ne
viennent à se convertir, et que leurs péchés ne leur soient pardonnés. »
(Mc. 4.) Nous voyons donc
clairement que par leurs péchés ils se sont rendus indignes de comprendre, et
que cependant, par un effet de la miséricorde de Dieu, ils ont pu connaître
leurs péchés, et en obtenir le pardon par leur conversion. Mais la manière
dont saint Jean rapporte ce passage: « Ils
ne pouvaient croire, parce que, Isaïe a dit encore: Il a aveuglé leurs yeux,
et il a endurci leur cœur, de peur qu’ils ne voient de leurs yeux, et ne
comprennent du cœur, et qu’ils se convertissent, et que je les
guérisse », paraît contredire cette explication, et nous force
d’entendre ces paroles: « de peur
qu’ils ne voient de leurs yeux », non pas d’un aveuglement qui leur
permettra de voir un jour, mais dans ce sens que cet aveuglement sera
perpétuel. En effet, saint Jean dit clairement: « afin qu’ils ne voient pas de leurs yeux », et en
ajoutant: « C’est pour cela qu’ils
ne pouvaient pas croire », il montre assez que cet aveuglement n’a
pas eu lieu, afin que, vivement touchés de cet état et regrettant de ne pas
comprendre, ils se convertissent en faisant pénitence (car c’est ce qu’ils ne
pourraient faire sans croire tout d’abord, puisque la foi est ce principe de
leur conversion, comme la conversion est le principe de leur guérison, et
leur guérison la condition nécessaire pour comprendre); mais cet Évangéliste
nous déclare, au contraire, qu’ils ont été aveuglés, de manière que la foi
leur fût impossible, puisqu’il dit ouvertement: « C’est pour cela qu’ils ne pouvaient croire. » Or, s’il
en est ainsi, qui ne se lèverait pour prendre la défense des Juifs et ne
proclamerait qu’ils ne sont nullement coupables de n’avoir pas cru ? Car
s’ils n’ont pas cru, c’est que Dieu a aveuglé leurs yeux. Mais comme nous ne
devons point supposer l’ombre de faute en Dieu, il nous faut reconnaître que
certains autres péchés ont été causes de cet aveuglement qui leur a rendu la
foi impossible. Car voici comme s’exprime saint Jean: « Ils ne pouvaient croire, parce qu’Isaïe a dit encore: Il a
aveuglé leurs yeux. » C’est donc en vain que nous nous efforçons de
comprendre qu’ils ont été aveuglés à cette fin qu’ils puissent se convertir,
puisqu’au contraire ils ne pouvaient pas se convertir parce qu’ils ne
croyaient pas, et qu’ils ne pouvaient croire parce qu’ils étaient aveugles.
Toutefois on peut dire, avec quelque apparence de raison, qu’un certain
nombre de Juifs auraient pu être guéris, mais que cependant l’excès de leur
orgueil était monté à un tel point, qu’il leur était avantageux de ne pas
croire tout d’abord. Ils ont donc été aveuglés pour ne pas comprendre les
paraboles du Seigneur; ne les comprenant pas, ils ne crurent pas en lui, et
ne croyant pas en lui, ils le crucifièrent avec les autres Juifs qui étaient
perdus sans espoir. Mais après la résurrection ils se convertirent, alors que
profondément humiliés du crime du déicide qu’ils avaient commis, ils aimèrent
avec plus d’ardeur celui qu’ils reconnaissaient avec joie leur avoir pardonné
un si grand crime; car il fallait que la grandeur de leur orgueil fût abattue
par cet excès d’humiliation. Cette explication pourrait paraître singulière
si les faits ne lui donnaient raison, comme nous le lisons expressément au
livre des Actes (2, 37). La manière dont saint Jean s’exprime: « C’est pour cela qu’ils ne pouvaient
croire, parce qu’il a aveuglé leurs yeux, afin qu’ils ne voient point » ne
lui est pas contraire; nous disons, en effet, qu’ils ont été aveuglés, afin
qu’ils pussent se convertir, c’est-à-dire que les paroles du Seigneur leur
furent d’abord cachées sous le voile des paraboles, afin qu’après sa
résurrection, ils fussent ramenés à lui par une pénitence salutaire. Aveuglés
d’abord par l’obscurité de ce langage, ils ne comprirent pas les paroles du
Seigneur; ne les comprenant pas, ils ne crurent pas en lui, et ne croyant pas
en lui, ils le crucifièrent. Mais après sa résurrection, saisis d’épouvante à
la vue des miracles qui se faisaient en son nom, ils furent touchés jusqu’au
fond du cœur de l’énormité d’un si grand crime, et donnèrent les preuves de
repentir, et lorsqu’ils eurent reçu le pardon de leurs péchés, leur
obéissance fut d’autant plus grande que leur amour était plus ardent; mais
cet aveuglement ne fût pas ainsi pour tous le principe de leur conversion. —
Saint Rémi : Cette phrase peut être entendue en ce
sens qu’à chaque membre on sous-entende la particule négative; afin qu’ils ne
voient pas de leurs yeux, qu’ils n’entendent pas de leurs oreilles, qu’ils ne
comprennent pas de leur cœur, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les
guérisse. — La Glose : Les yeux de ceux
qui voient et ne veulent pas croire sont donc bien malheureux. Mais vous,
vous êtes heureux : « Mais
pour vous, vos yeux sont heureux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce
qu’elles entendent. » —
Saint Jérôme : Si nous n’avions pas lu plus haut
que, pour exciter l’attention de ceux qui l’écoutaient, le Sauveur avait dit:
« Que celui-là entende qui a des
oreilles pour entendre », nous aurions pu croire que ce sont les
yeux et les oreilles du corps qu’il proclame bienheureux. Mais pour moi, ces
yeux sont heureux qui peuvent connaître les mystères de Jésus-Christ, et
heureuses ces oreilles dont Isaïe a dit: « Le
Seigneur m’a donné une oreille pour l’écouter. » — La Glose : En effet, l’âme est véritablement un oeil, parce qu’elle s’applique
par son énergie naturelle à l’intelligence des choses; l’âme est aussi
l’oreille parce qu’elle peut recevoir les enseignements des autres. —
Saint Hilaire : (can. 43.) Ou bien il veut parler ici du
bonheur des Apôtres, à qui il fut donné de voir de leurs yeux et d’entendre
de leurs oreilles le salut de Dieu, que les prophètes et les justes avaient
désiré voir et entendre, et qui ne devait être révélé que dans la plénitude
des temps, comme Notre Seigneur le dit: « Car
je vous dis en vérité, que beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir
ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne
l’ont point entendu. » —
Saint Jérôme : Ce que le Seigneur dit ici paraît
contraire à ce qu’il dit ailleurs: « Abraham
a désiré voir mon jour, et il l’a vu, et il en a été réjoui. » — Raban : Isaïe lui-même,
Michée et d’autres prophètes ont vu la gloire du Seigneur, et c’est pour cela
qu’ils ont été appelés voyants. —
Saint Jérôme : Aussi ne dit-il pas: Tous les
prophètes et tous les justes, mais beaucoup, car dans ce nombre, les uns ont
pu voir, et les autres être privés de cette faveur. Toutefois cette
interprétation n’est pas sans danger, car elle paraît établir entre les
saints différents degrés de mérite (quant à la foi qu’ils avaient en
Jésus-Christ). Abraham vit sous des figures, non en réalité; mais vous avez
sous vos yeux et vous possédez votre Seigneur, vous l’interrogez comme vous
voulez, et vous vivez avec lui. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 46.) Ce que les Apôtres voient et entendent, c’est sa présence, ses miracles, sa voix, sa doctrine, et en cela il proclame leur sort préférable non seulement à celui des méchants, mais encore à celui des bons qui les ont précédés, et il les déclare plus heureux que les anciens justes, parce qu’ils voient non seulement ce que les Juifs ne voient point, mais encore ce que les prophètes et les justes ont désiré voir et n’ont pas vu. En effet, les anciens justes n’ont vu le Christ que par la foi, tandis que les Apôtres le voient de leurs yeux et d’une manière beaucoup plus manifeste. Admirez le parfait accord de l’Ancien Testament avec le Nouveau. Si les prophètes avaient été les serviteurs d’un dieu étranger ou opposé au vrai Dieu, jamais ils n’auraient désiré voir le Christ. |
Lectio 3 [85488] Catena in Mt.,
cap. 13 l. 3 Glossa. Dixerat superius, quia
Iudaeis non est datum nosse regnum Dei, sed apostolis, et ideo concludit
dicens vos ergo audite parabolam seminantis, quibus scilicet committuntur
caeli mysteria. Augustinus super Genesim. Quod narravit
Evangelista, factum est, dominum scilicet talia locutum fuisse; ipsius autem
domini narratio parabola fuit, de qua nunquam exigitur ut etiam ad litteram
facta monstrarentur quae sermone proferuntur. Glossa. Unde parabolam exponens subdit omnis
qui audit verbum regni, idest praedicationem meam quae ad regnum caelorum
adipiscendum valet, et non intelligit. Quomodo autem non intelligit,
subiungit venit enim malus, idest Diabolus, et rapit quod seminatum est in
corde eius. Omnis, inquam, qui talis est, hic est qui secus viam seminatus
est. Notandum est autem, quod seminatum diversis modis accipitur. Dicitur
enim et semen seminatum, et ager seminatus: quod utrumque hic invenitur. Ubi
enim ait rapit quod seminatum est, de semine intelligendum est; ubi autem
sequitur secus viam seminatus est, non de semine, sed de loco seminis
intelligendum est, idest homine, qui est quasi ager divini verbi semine
seminatus. Remigius. His autem verbis exponit dominus
quid sit semen: verbum scilicet regni, idest evangelicae doctrinae. Sunt enim
nonnulli qui verbum Dei nulla cordis devotione suscipiunt; et ideo semen
verbi Dei quod in eorum cordibus seminatur, Daemones quasi semen viae tritae
subito auferunt. Sequitur qui autem est seminatus supra petram, hic verbum
audit et cetera. Semen enim, seu verbum Dei, quod in petra, idest corde duro
et indomito seminatur, fructificare non potest quia multa est eius duritia,
et parvum caeleste desiderium: unde propter nimiam duritiam non habet in se
radicem. Hieronymus. Attende autem quod dictum sit
continuo scandalizatur. Est ergo aliqua distantia inter eum qui multis
tribulationibus poenisque compellitur Christum negare, et eum, qui ad primam
persecutionem statim scandalizatur et corruit: de qua hic loquitur. Sequitur
qui autem seminatus est in spinis. Mihi videtur et illud quod iuxta litteram
ad Adam dicitur: inter spinas et tribulos panem tuum manducabis, hic
significare mystice, quod quicumque saeculi se dederit voluptatibus, curisque
istius mundi, panem caelestem et cibum verum inter spinas comedit. Rabanus. Recte autem spinae vocantur, quia
cogitationum suarum punctionibus mentem lacerant, et quasi strangulando,
spirituales virtutum fructus gignere non permittunt. Hieronymus. Et eleganter adiunxit fallacia
divitiarum suffocat verbum: blandae enim sunt divitiae, aliud agentes, aliud
pollicentes. Lubrica est illarum possessio, dum huc illucque circumferuntur,
et instabili gradu vel habentes deserunt, vel non habentes reficiunt. Unde et
dominus divites asserit difficulter intrare in regnum caelorum, suffocantibus
divitiis verbum Dei, et vigorem virtutum emollientibus. Remigius. Et sciendum, quia his tribus
generibus terrae nequam comprehenduntur omnes qui verbum Dei audire possunt,
sed tamen ad salutem perducere non valent. Excipiuntur gentiles, qui nec
audire meruerunt. Sequitur qui vero in terram bonam seminatus est.
Terra bona est fidelis conscientia electorum, sive mens sanctorum, quae
verbum Dei cum gaudio et desiderio et cordis devotione suscipit, et inter
prospera et adversa viriliter conservat, et ad fructum perducit: unde
sequitur et facit fructum, aliud centesimum, aliud sexagesimum, aliud vero
tricesimum. Hieronymus. Et notandum, quod sicut in terra
mala tres fuere diversitates, scilicet secus viam, et petrosa, et spinosa
loca; sic in terra bona trina diversitas est, centesimi, sexagesimi, et
fructus tricesimi. Et in illa autem et in ista non mutatur substantia, sed
voluntas; et tam incredulorum quam credentium corda sunt qui semen recipiunt:
unde primo dixit venit malus, et rapit quod seminatum est in corde eius; et
secundo et tertio ait hic est qui verbum audit. In expositione quoque terrae
bonae, iste est qui audit verbum. Primum ergo debemus audire, deinde
intelligere, post intelligentiam fructus reddere doctrinarum, et facere vel
centesimum fructum vel sexagesimum sive tricesimum. Augustinus de Civ. Dei. Quidam putant hoc sic
esse intelligendum quod sancti pro suorum diversitate meritorum, alii
tricenos homines liberent, alii sexagenos, alii centenos: quod in die iudicii
futurum suspicari solent, non post iudicium. Qua opinione quidam cum videret
homines impunitatem perversissime pollicentes, eo quod omnes isto modo ad
liberationem pertinere posse videantur, respondit bene potius esse vivendum,
ut inter eos quisque reperiatur qui pro aliis intercessuri sunt liberandis:
ne tam pauci sint, ut cito ad numerum suum pervenientes, multi remaneant qui
erui iam de poenis illorum intercessione non possint, et in eis inveniatur
quisquis sibi spem fructus alieni temeritate vanissima pollicetur. Remigius. Tricesimum ergo fructum facit qui
fidem sanctae Trinitatis docet; sexagesimum vero qui perfectionem bonorum
operum commendat (senario enim numero omnis mundi ornatus completus est);
centesimum autem fructum facit qui vitam aeternam promittit: centenarius enim
de laeva transit ad dexteram: per laevam autem vita praesens designatur, per
dexteram futura. Aliter: semen verbi Dei tricesimum fructum facit, quando
bonam cogitationem gignit; sexagesimum quando bonam locutionem, centesimum
quando ad fructum boni operis perducit. Augustinus de quaest. Evang. Vel aliter.
Centesimus fructus est martyrum propter sanctitatem vitae, vel contemptum
mortis; sexagenarius virginum propter otium interius, quia non pugnant contra
consuetudinem carnis: solet enim otium concedi sexagenariis post militiam,
vel post actiones publicas; tricesimus vero coniugatorum, quia haec est aetas
praeliantium, et ipsi habent acriorem conflictum, ne libidinibus superentur.
Vel aliter. Confligendum est cum amore temporalium bonorum, ut ratio vincat;
aut etiam edomitus subditusque esse debet, ut cum surgere coeperit, facile
reprimatur; aut ita extinctus ut se omnino nulla ex parte commoveat. Ex quo
fit ut ipsam etiam mortem propter veritatem alii fortiter spernant, alii
aequanimiter, alii libenter: quae tria genera fructus sunt terrae, tricesimi
et sexagesimi et centesimi. In horum aliquo genere inveniendus est tempore
mortis suae, si quis de hac vita recte cogitat emigrare. Hieronymus. Vel centesimus fructus virginibus,
sexagesimus viduis et continentibus, tricesimus sancto matrimonio deputatur.
Idem. Nam ipsa digitorum coniunctio, et quasi
molli se osculo complectens et foederans, maritum pingit et coniugem.
Sexaginta ad viduas: eo quod in angustia et tribulatione sint positae: unde
et inferiori digito deprimuntur; quia quanto maior est difficultas expertae
quondam voluptatis illecebris abstinere, tanto maius est praemium. Porro
centesimus numerus a sinistra transit ad dexteram; et iisdem quidem digitis,
non eadem manu circulum faciens exprimit virginitatis coronam. |
Versets 18-23.
— La Glose : Notre Seigneur avait déclaré plus
haut qu’il n’a pas été donné aux Juifs, mais seulement aux Apôtres, de
connaître le royaume de Dieu. Comme conséquence de ces paroles, il leur dit: « Pour vous, écoutez donc la parabole
de celui qui sème », vous à qui sont communiqués les mystères du
ciel. —
Saint Augustin : (sur la Genèse, 8, 4.) Ce que l’Évangéliste
raconte, c’est-à-dire que le Seigneur a parlé de la sorte, a véritablement eu
lieu; mais le récit du Seigneur n’a été qu’une parabole, et dans ce genre de
récit on n’exige pas que toutes les circonstances qui le composent aient leur
application littérale. — La Glose : Notre Seigneur explique
ensuite cette parabole: « Celui
qui écoute la parole du royaume et ne la comprend pas », phrase
qu’il faut entendre ainsi: « Tout homme qui entend la parole, »
c’est-à-dire ma prédication, laquelle donne les moyens de mériter le royaume
des cieux, et qui ne comprend pas. Or, pourquoi ne comprend-il pas ? Voici:
« L’esprit malin, c’est-à-dire le
démon, vient, et il enlève ce qui avait été semé dans son cœur. Or, tout
homme à qui ce malheur arrive, c’est celui qui a été semé le long du chemin. »
Remarquez aussi que le mot semer s’entend de différentes manières: on dit
d’une semence qu’elle a été semée, et aussi d’un champ qu’il a été semé, et
nous voyons ici cette double signification. Dans cette phrase: « Il enlève ce qui a été semé »,
c’est de la semence qu’il est question; dans cette autre: « Celui qui a été semé le long du
chemin, » ce n’est pas de la semence, mais du lieu où elle été
répandue, c’est-à-dire de l’homme, qui est le champ ensemencé par la parole
de Dieu. —
Saint Rémi : Dans ces paroles, Notre Seigneur nous
explique ce que c’est que la semence, c’est-à-dire la parole du royaume ou de
la doctrine évangélique. Il en est qui reçoivent la parole de Dieu sans
aucune dévotion du coeur; aussi les démons enlèvent aussitôt la semence de la
parole divine répandue dans leur cœur, comme une semence tombée sur un chemin
battu. Ensuite : « Celui qui
est semé sur la pierre écoute la parole, etc...» En effet, la semence ou
la parole de Dieu qui tombe sur la pierre, c’est-à-dire sur un cœur dur et
indompté, ne peut fructifier; sa dureté est trop grande, son désir du ciel
trop faible, et cette excessive dureté ne lui permet pas d’avoir de racines. —
Saint Jérôme : Faites attention à cette parole: « Il est aussitôt scandalisé. »
Il y a donc une différence entre celui que l’excès des tribulations et
de la douleur force pour ainsi dire de renier Jésus-Christ, et celui que le
premier vent de la persécution scandalise et fait tomber. Suite : « Celui qui est semé au milieu des épines, » etc... Ce
qui a été dit autrefois à Adam dans un sens littéral: « Tu mangeras ton pain au milieu des ronces et des épines (Gn
2) » s’entend ici, me semble-t-il, dans le sens allégorique de tout
homme qui se livre aux voluptés du siècle et aux soins de ce monde et qui par
là mange le pain céleste et l’aliment de la vérité au milieu des épines. — Raban : C’est avec raison
que Notre Seigneur appelle ces plaisirs des épines, parce qu’ils déchirent
l’âme avec les pointes aiguës de leurs pensées, étouffent dans leur germe les
fruits spirituels des vertus et ne leur permettent pas de se développer. —
Saint Jérôme : Cette expression: « La séduction des richesses étouffe
la parole » est aussi élégante que vraie, car les richesses sont
séduisantes, et elles font une chose, en promettent une autre. Rien de plus
fragile que leur possession; elles portent tantôt d’un côté, tantôt de
l’autre leur faveur inconstante, ou bien elles abandonnent celui qui les
possédait, ou bien elles viennent enrichir ceux qui en étaient dépourvus:
aussi le Seigneur affirme-t-il qu’il est difficile aux riches d’entrer dans
le royaume des cieux (Mc 10, 23; Lc 15, 34), parce que les richesses
étouffent la parole de Dieu et amollissent la vigueur des vertus. — Saint Rémi : Ces trois natures de terre différentes représentent tous ceux qui peuvent entendre la parole de Dieu, mais qui ne peuvent lui faire produire des fruits pour le salut, à l’exception des Gentils, qui n’ont pas même mérité de l’entendre. « Enfin celui qui reçoit la semence dans la bonne terre. » La bonne terre, c’est la conscience pure des élus, l’âme des saints qui reçoit la parole de Dieu avec joie, avec désir, avec amour, qui la conserve courageusement dans la prospérité comme dans l’adversité, et lui fait produire des fruits. « Et
il porte du fruit, et rend cent, ou soixante, ou trente pour un. » —
Saint Jérôme : Remarquez que comme il y a trois
sortes de mauvaises terres, le long du chemin, la pierre et le champ couvert
d’épines, il y a de même trois espèces différentes de bonnes terres: celle
qui rend cent pour un, celle qui rend soixante, celle qui rend trente. Et ce
qui fait cette différence, ce n’est pas la nature de la terre, [qui est la
même d’un côté comme de l’autre], mais la volonté. Or, dans les incrédules
comme dans ceux qui croient, c’est le cœur qui reçoit la semence; c’est pour
cela que Notre Seigneur a dit de la première espèce de terre: « L’esprit malin vient et enlève ce
qui a été semé dans son cœur », et des deux autres: « C’est celui qui reçoit la
parole. » Lorsqu’il en vient à la bonne terre, il dit également: « C’est celui qui reçoit la
parole. » Nous devons donc d’abord entendre, puis comprendre, et,
après avoir compris, produire les fruits des enseignements que nous avons
reçus, et rendre ou cent, ou soixante, on trente pour un. — Saint
Augustin : (Cité de
Dieu, 2, chap. dern.) Il en est qui entendent ce passage dans ce sens que
les saints, suivant la diversité de leurs mérites, pourront délivrer, les uns
trente âmes, les autres soixante, d’autres enfin cent, au jour du jugement,
et non dans les temps qui suivront. Or, un sage, voyant que les hommes
abusaient pour faire le mal de cette opinion et se promettaient l’impunité au
jour du jugement, parce que tous pourraient être sauvés par cette voie, leur
répondit qu’il était bien plus prudent de vivre de manière à se trouver parmi
ceux dont l’intercession devait délivrer les autres. En effet, ils pourraient
être si peu nombreux que, lorsque chacun d’eux aurait délivré le nombre qui
lui est assigné, il en restât un plus grand nombre qui ne pourraient être
sauvés par leur intercession, et parmi ces derniers se trouveraient tous ceux
qui, par une témérité sans fondement, avaient mis toute leur confiance dans
les mérites des autres. —
Saint Rémi : Celui qui prêche la foi en la sainte
Trinité rend trente pour un; soixante pour un, celui qui recommande la
perfection dans les bonnes oeuvres, car c’est en six jours que l’oeuvre de la
création fut achevée (Gn 2); et
cent pour un, celui qui promet la vie éternelle, car le nombre cent passe de
la gauche à la droite. Or, par la gauche, il faut entendre la vie présente,
et par la droite la vie future. Dans un autre sens, la parole de Dieu rend
trente pour un lorsqu’elle fait germer les bonnes pensées; soixante,
lorsqu’elle produit les bonnes paroles; cent, lorsqu’elle fait arriver
jusqu’aux fruits des bonnes oeuvres. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 10.) Ou bien le nombre
cent, c’est le fruit que produisent les martyrs ou par la sainteté de leur
vie ou par le mépris qu’ils font de la mort; le nombre soixante, c’est le
fruit que rendent les vierges qui, goûtant les douceurs du repos intérieur,
n’ont plus à soutenir les combats de la chair; en effet, on donne la retraite
après l’âge de soixante ans aux soldats ou aux fonctionnaires publics; le
nombre trente est celui des époux, car c’est l’âge de ceux qui sont appelés à
combattre, et ils ont en effet les plus rudes assauts à soutenir pour ne pas
être vaincus par leurs passions. Ou bien il faut lutter contre l’amour des
biens temporels pour que la raison soit victorieuse; ou bien il faut le tenir
dompté et soumis pour réprimer avec facilité ses moindres mouvements,
lorsqu’il veut se soulever; ou enfin, il faut l’éteindre entièrement de
manière à ce qu’il ne puisse plus exciter la moindre émotion dans notre âme.
Voilà pourquoi nous voyons les uns affronter la mort avec courage pour la
défense de la vérité, les autres sans s’émouvoir, d’autres enfin avec joie.
Ces trois degrés de vertu correspondent aux fruits que peuvent donner les
trois espèces de terre: l’une trente, l’autre soixante, l’autre cent pour un,
et il faut au moment de la mort faire partie d’une de ces trois espèces de
terre si l’on veut sortir de cette vie dans les conditions convenables. — Saint Jérôme : Ou bien encore la terre qui rend cent pour un, signifie les vierges; celle qui rend soixante, les veuves; celle qui rend trente ceux qui mènent une vie chaste dans l’état du mariage. Ou bien enfin le nombre trente est une figure du mariage, parce que ce nombre, qui s’exprime par le rapprochement des doigts qui s’unissent par un doux embrassement, représente l’union de l’homme et de la femme. Le nombre soixante représente les veuves qui vivent dans les larmes et dans la tribulation (aussi le nombre soixante s’exprime en abaissant le doigt inférieur), car leur récompense est d’autant plus grande qu’il leur est plus difficile de résister aux séductions de la volupté dont elles ont déjà fait l’épreuve. Enfin, le nombre cent, pour lequel la main droite remplace la main gauche et qui s’exprime par le cercle que forment les mêmes doigts de cette main, représente la couronne de la virginité. |
Lectio 4 [85489] Catena in Mt.,
cap. 13 l. 4 Chrysostomus in Matth. In
praecedenti parabola locutus est dominus his qui verbum Dei non suscipiunt:
hic autem de his qui suscipiunt corruptivum sermonem: etenim hoc est
diabolicae machinationis veritati semper errorem inserere: unde dicitur aliam
parabolam proposuit illis dicens. Hieronymus. Proposuit autem aliam parabolam,
quasi dives paterfamilias invitatos diversis reficiens cibis, ut unusquisque
secundum naturam sui stomachi varia alimenta susciperet. Non autem dixit
alteram, sed aliam: si enim proposuisset alteram, expectare tertiam non
poteramus. Praemisit aliam ut plures sequantur. Quae autem sit parabola,
ostenditur cum subditur simile factum est regnum caelorum. Remigius. Regnum caelorum appellat ipsum
filium Dei: quod regnum simile dicitur esse homini qui seminavit bonum semen
in agro suo. Chrysostomus in Matth. Deinde modum insidiarum
Diaboli ostendit, dicens cum autem dormirent homines, venit inimicus eius, et
superseminavit zizania in medio tritici, et abiit. Demonstrat hic quod error
post veritatem existit: quod et rerum exitus testatur: etenim post prophetas
fuerunt pseudoprophetae, et post apostolos pseudoapostoli, et post Christum
Antichristus. Nisi enim Diabolus viderit quid imitetur, vel quibus
insidietur, non tentat. Quia igitur vidit quod hic reddit in fructu centum,
ille sexaginta, alius triginta, et non poterat rapere et suffocare quod
radicatum erat, per aliam deceptionem insidiatur, interserens sua, multis ea
similitudinibus colorans, ut facile surripiat his qui habiles sunt ad
deceptionem. Propter hoc non dicit quod seminet aliquod aliud semen, sed
zizania, quae secundum visum assimilantur quodammodo frumento. Hinc etiam
apparet Diaboli malignitas: tunc enim seminavit quando universa erant
completa, ut magis noceret agricolae studio. Augustinus de quaest. Evang. Dicit autem cum
dormirent homines: quia cum negligentius agerent praepositi Ecclesiae, aut
dormitionem mortis acciperent apostoli, venit Diabolus, et superseminavit eos
quos malos filios dominus interpretatur. Sed recte quaeritur utrum haeretici
sint, aut male viventes Catholici. Sed quod dicit eos in medio tritici
seminatos, quasi videntur illi significari qui unius communionis sunt.
Verumtamen quoniam agrum ipsum non Ecclesiam, sed hunc mundum interpretatus
est, bene intelliguntur haeretici, qui in hoc mundo permiscentur bonis; ut
illis qui in eadem fide mali sint, palea potius quam zizania deputentur: quia
palea etiam fundamentum habet cum frumento radicemque communem. Schismatici
autem videntur spicis corruptis etiam similiores vel paleis aristarum fractis
vel scissis, et de segete abiectis. Nec tamen consequens est ut omnis haereticus
vel schismaticus ab Ecclesia corporaliter separetur: multos enim portat
Ecclesia, quia non ita defendunt falsitatem sententiae suae, ut intentam
multitudinem faciant; quod si fecerint, tunc pelluntur. Cum ergo Diabolus sparsis pravis erroribus
falsisque opinionibus superseminasset, hoc est praecedente nomine Christi,
haereses superiecisset, magis ipse latuit, atque occultissimus factus est:
hoc est enim quod dicit et abiit: quamquam in hac parabola dominus, sicut in
expositione conclusit, non quaedam, sed omnia scandala, et eos qui faciunt
iniquitatem, zizaniorum nomine significasse intelligatur. Chrysostomus in Matth. Ex posterioribus autem
diligenter haereticorum formam describit, dicens cum autem crevisset herba,
et fructum fecisset, tunc apparuerunt et zizania. In principio enim haeretici
obumbrant seipsos; cum autem multam acceperint libertatem, et sermone aliquis
cum eis participaverit, tunc venenum effundunt. Augustinus de quaest. Evang. Vel aliter. Cum
homo spiritalis esse coeperit diiudicans omnia, tunc ei errores incipiunt
apparere: discernit enim quidquid audierit aut legerit abhorrere a regula
veritatis; sed donec in eisdem perficiatur spiritualibus, potest eum movere
quare sub nomine Christiano tam multae haereticorum extitere falsitates; unde
sequitur accedentes autem servi patrisfamilias dixerunt ei: domine, nonne
bonum semen seminasti in agro tuo? Unde ergo habet zizania? Utrum autem ipsi
sint servi quos postea messores appellat, an quia in expositione parabolae
messores dicit esse Angelos; nec quisquam dicere facile ausus fuerit Angelos
nescisse quis zizania superseminaverit; magis oportet intelligi, homines
ipsos fideles servorum nomine hoc loco signatos. Nec mirum si et bonum semen
ipsi dicuntur: ex diversis enim significationibus una res diversas
similitudines recipit: sicut et de se ait, quod ipse sit ianua, quod ipse sit
pastor. Remigius. Accedunt autem ad Deum sine corpore,
sed corde et mentis desiderio: quo docente intelligunt, Diaboli calliditate
hoc esse factum: unde sequitur et ait illis: inimicus homo hoc fecit. Hieronymus. Diabolus propterea inimicus homo
appellatur, quia Deus esse desiit: et in Psalmo 9, 20 scriptum est de eo:
exsurge, domine, non confortetur homo. Quamobrem non dormiat qui Ecclesiae
praepositus est, ne per illius negligentiam inimicus homo superseminet
zizania, hoc est haereticorum dogmata. Chrysostomus in Matth. Inimicus autem vocatur
propter iacturam quam infert hominibus: vexatio enim Diaboli adversus nos
est: principium autem vexationis factum est non ab inimicitia quae est ad
nos, sed quae est ad Deum. Augustinus de quaest. Evang. Cum autem servi
Dei cognoverint hanc excogitasse Diabolum fraudem, cum contra tanti nominis
auctorem nihil se valere sentiret, ut fallacias suas eodem nomine obtegeret;
potest sibi suboriri voluntas ut tales homines de rebus humanis auferant, si
aliquam temporis habeant facultatem; sed utrum facere debeant, iustitiam Dei
consulunt: unde sequitur servi autem dixerunt: vis imus et colligimus ea?
Chrysostomus. Ubi intuenda est servorum
diligentia et dilectio: etenim festinant zizania evellere: quod monstrat
eorum de semine sollicitudinem: ad hoc enim solum respiciunt, non ut aliquis
puniatur, sed ut seminata non pereant. Quid autem dominus responderit
subditur et ait: non. Hieronymus. Datur enim locus poenitentiae; et
monemur, ne cito amputemus fratrem: quia fieri potest ut ille qui hodie noxio
depravatus est dogmate, cras resipiscat, et defendere incipiat veritatem:
unde subditur ne forte colligentes zizania, eradicetis simul et triticum.
Augustinus de quaest. Evang. In quo eos
patientissimos et tranquillissimos reddit: hoc enim dicitur, quia boni dum
adhuc infirmi sunt, opus habent in quibusdam malorum commixtione; sive ut per
eos exerceantur, sive ut eorum comparatione magna illis exhortatio fiat, et
invitentur ad melius. Aut forte simul eradicatur triticum cum auferuntur
zizania: quia multi primo zizania sunt, et postea triticum fiunt; qui nisi
patienter, cum mali sint, tolerentur, ad laudabilem mutationem non
perveniunt. Itaque si evulsi fuerint, simul eradicatur et triticum, quod
futuri essent, si eis parceretur. Ideo dicit tales non esse auferendos de hac
vita, ne cum malos conatur interficere, bonos interficiat, quod forte futuri
sint; aut bonis obsit, quibus et invitis utiles sunt. Sed tunc opportune hoc
fiet cum iam in fine non restat vel tempus commutandae vitae, vel proficiendi
ad veritatem ex occasione atque comparatione alieni erroris: et ideo subdit
sinite utraque crescere usque ad messem, idest usque ad iudicium. Hieronymus. Videtur autem hoc esse contrarium
illi praecepto: auferte malum de medio vestrum. Si enim prohibetur
eradicatio, et usque ad messem tenenda est patientia, quomodo eiciendi sunt
quidam de medio nostrum? Sed inter triticum et zizania (quod nos appellamus
lolium) quamdiu herba est et nec dum calamus venit ad spicam, grandis
similitudo est, et in discernendo aut nulla, aut difficilis distantia. Primo
monet ergo dominus, ne verbi, quod ambiguum est, cito sententiam proferamus,
sed Deo iudici reservemus: ut cum dies iudicii venerit, ille non suspicionem
criminis, sed manifestum reatum de sanctorum coetu eiciat. Augustinus contra Epist. Parmeniani. Cum enim
quisque Christianorum intus in Ecclesia constitutorum in aliquo tali peccato
fuerit deprehensus ut anathemate dignus habeatur, fiat hoc (ubi periculum
schismatis non timetur) cum dilectione non ad eradicandum, sed ad
corrigendum. Quod si se non agnoverit, neque poenitendo correxerit, ipse
foris exiet, et per propriam voluntatem ab Ecclesiae communione dirimetur:
unde dominus, cum dixisset sinite utraque crescere usque ad messem, subiunxit
causam, dicens ne forte cum vultis colligere zizania, eradicetis simul et
triticum; ubi satis ostendit, cum metus iste non subest, sed omnino de
frumentorum stabilitate certa securitas manet; idest, quando ita cuiusque
crimen notum est et omnibus execrabile apparet ut vel nullos prorsus vel non
tales habeat defensores per quos possit schisma contingere; non dormiat severitas
disciplinae: in qua tanto est efficacior emendatio pravitatis, quanto
diligentior fuerit observatio caritatis. Cum vero idem morbus plurimos
occupaverit, nihil aliud boni restat quam dolor et gemitus. Sic igitur
misericorditer corripiat homo quod potest; quod autem non potest, patienter
ferat, et ex dilectione gemat atque lugeat, donec ille desuper emendet et
corrigat; atque usque ad messem differat eradicare zizania, et paleam
ventilare. Turba autem iniquorum, cum facultas est in populis promendi sermonem,
generali obiurgatione ferienda est; et maxime si occasionem atque
opportunitatem praebuerit aliquod domini desuper flagellum, quo eos appareat
pro suis meritis vapulare: tunc enim aures humiles praebet emendantis sermoni
calamitas auditorum, et facilius in gemitum confitendi, quam in murmura
resistendi afflicta corda compellit; quamquam etsi nulla calamitas
tribulationis premat, cum facultas detur, utiliter corripitur in multitudine
multitudo: nam sicut separata saevire, sic in ipsa congregatione obiurgata
gemere consuevit. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dixit dominus
prohibens occisiones fieri: neque enim oportet interficere haereticum: quia
praelium inexplicabile in orbe terrarum induceretur: et ideo dicit ne
eradicetis simul cum eis frumentum; idest, si moveritis arma, et occideritis
haereticos, necesse est multos sanctorum simul submitti. Non ergo detinere
haereticos et abscindere liberam eorum propalationem et synodos et studia
dissolvere prohibet, sed interficere et occidere. Augustinus ad Vincentium. Haec autem primitus
mea sententia erat, neminem ad unitatem Christi esse cogendum: verbo enim
agendum, disputatione pugnandum, ratione vincendum, ne fictos Catholicos
haberemus quos apertos haereticos noveramus. Sed haec opinio mea non
contradicentium verbis, sed demonstrantium superabatur exemplis: harum enim
legum terror quibus promulgandis reges serviunt domino in timore, ita
profuit, ut nunc alii dicant: iam hoc volebamus; sed Deo gratias, qui nobis
occasionem praebuit, et dilationum morulas amputavit. Alii dicant: hoc esse
verum iam sciebamus; sed nescio qua consuetudine tenebamur: gratias Deo, qui
vincula nostra disrupit. Alii dicant: nesciebamus hoc esse veritatem, nec eam
discere volebamus, sed ad eam cognoscendam metus fecit intentos: gratias
domino, qui negligentiam nostram stimulo terroris excussit. Alii dicant: nos
falsis rumoribus terrebamur intrare, quos falsos esse nesciremus nisi
intraremus, nec intraremus nisi cogeremur: gratias Deo qui praedicationem
nostram flagello abstulit, expertos docuit, quam vana et inania de Ecclesia
sua mendax fama iactaverit. Alii dicant: putabamus quidem nihil interesse,
ubi fidem Christi teneremus; sed gratias domino, qui nos a divisione
collegit, et hoc uni Deo congruere ut in unitate colatur, ostendit. Serviant ergo reges terrae Christo, leges edendo pro Christo. Augustinus ad Bonifacium comitem. Quis
autem vestrum velit non solum aliquem haereticorum perire, verum etiam
aliquid perdere? Sed aliter non meruit habere pacem domus David, nisi Absalon
filius eius in bello quod contra patrem gerebat, fuisset extinctus: quamvis
magna cura mandaverit suis ut eum quantum possent vivum salvumque servarent,
et esset cui poenitenti paternus affectus ignosceret. Quid autem ei restitit
nisi perditum flere, et sui regni pace acquisita, suam moestitiam consolari?
Sic ergo Catholica mater Ecclesia, si aliquorum perditione tam multos ceteros
colligit, dolorem materni cordis lenit, et sanat tantorum liberatione
populorum. Ubi est autem quod isti clamare consueverunt: liberum est credere
vel non credere? Cui vim Christus intulit? Quem coegit? Ecce habent apostolum
Paulum: agnoscant in eo prius cogentem Christum, et postea docentem; prius
ferientem, et postea consolantem. Mirum autem est quomodo ille qui poena
corporis ad Evangelium coactus intravit, plus illis omnibus qui solo verbo
vocati sunt, in Evangelio laboravit. Cur ergo non cogeret Ecclesia perditos
filios ut redirent, si perditi filii coegerunt alios ut perirent? Sequitur et
in tempore messis dicam messoribus: colligite primum zizania, et alligate ea
in fasciculos ad comburendum. Remigius. Messis autem appellatur tempus
metendi; per messem vero designatur dies iudicii, in quo separandi sunt boni
a malis. Chrysostomus in Matth. Sed propter quid
dicit colligite primum zizania? Ut non timeant boni,
quasi simul cum zizaniis tollatur frumentum. Hieronymus. Quod autem dicit zizaniorum
fasciculos igni tradi, et triticum congregari in horrea, manifestum est,
haereticos quosque et hypocritas Gehennae ignibus concremandos; sanctos vero,
qui appellantur triticum, horreis, idest caelestibus mansionibus, recipi.
Augustinus de quaest. Evang. Quaeri autem
potest cur non unum fascem aut unum acervum zizaniorum fieri dixerit; nisi
forte propter varietatem haereticorum, non solum a tritico, sed etiam a
seipsis discrepantium, ipsas uniuscuiusque haereses, in quibus sigillatim sua
communione disiuncti sunt, nomine fasciculorum designavit: ut etiam tunc
incipiant alligari ad comburendum, cum a Catholica communione segregati, suas
proprias quasi Ecclesias habere coeperint, ut combustio eorum sit in fine
saeculi, non alligatio fasciculorum. Sed si ita esset non tam multi
resipiscendo, et in Catholicam Ecclesiam remeando ab errore discederent.
Quapropter alligatio fasciculorum in fine profutura est, ut non confuse, sed
pro modo perversitatis suae uniuscuiusque erroris pertinacia puniatur. Rabanus. Et notandum, quod ubi dicit seminavit
bonum semen, notat bonam voluntatem, quae in electis est; ubi vero dicit
inimicus venit, etc..., cautelam habendam intimare voluit; quando autem
crescentibus zizaniis, quasi patienter ferens ait inimicus homo hoc fecit,
patientiam nobis commendavit; ubi vero ait ne forte colligentes zizania,
donavit nobis discretionis exemplum; quando autem subiungit sinite utraque
crescere usque ad messem, commendavit longanimitatem; ad ultimum iustitiam,
cum dicit alligate ea in fasciculos ad comburendum. |
Versets 24-30.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 47 sur S. Matth.) Dans la parabole précédente, le Seigneur s’est proposé ceux qui ne
reçoivent pas la parole de Dieu; ici il veut parler de ceux qui reçoivent une
parole de corruption, car c’est un des artifices du démon de mêler toujours
l’erreur à la vérité, d’où ces paroles: « Il
leur proposa une autre parabole ». —
Saint Jérôme : Notre Seigneur proposa une autre
parabole ; il agit comme un homme riche qui sert à ses invités une table
couverte de mets variés, où chacun peut choisir dans cette variété ce qui
convient à son estomac. L’Évangéliste ne dit pas « l’autre
parabole, » mais « une autre
parabole », car s’il avait dit « l’autre, » nous n’aurions
pu en espérer une troisième, tandis qu’en disant « une autre, » il
nous fait entendre que d’autres paraboles doivent la suivre. Il nous explique
ensuite le sujet de cette parabole en disant: « Le royaume des cieux est semblable, etc...» —
Saint Rémi : Le royaume des cieux, c’est le Fils
même de Dieu, et le royaume est semblable à un homme qui a semé de bon grain
dans son champ. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47.) Il nous apprend ensuite de quelle
manière le démon tend ses embûches, en disant: « Pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sema de
l’ivraie au milieu du blé, et il s’en alla. » Notre Seigneur nous
enseigne par là que l’erreur ne vient qu’après la vérité, ce que l’expérience
ne prouve que trop. En effet, ce n’est qu’après les prophètes que sont venus
les faux prophètes; après les Apôtres, les faux apôtres; après le Christ,
l’Antéchrist. Si le démon ne voit rien qu’il puisse imiter, s’il ne voit
personne qu’il puisse faire tomber dans le piége, il s’abstient de tenter;
mais comme il voit ici que l’un rend cent pour un, l’autre soixante, l’autre
trente, et qu’il n’a pu enlever ou étouffer ce qui a pris racine, il a
recours à d’autres artifices, il mêle les erreurs à la vérité; il leur en
donne autant qu’il peut la couleur et la ressemblance pour tromper plus
facilement ceux qui se laissent facilement tromper. C’est pour cela que Notre
Seigneur ne dit pas qu’il y sème une autre semence, mais de l’ivraie, parce
qu’elle a quelque ressemblance, à la vue, avec le grain de froment. Le démon
fait éclater encore sa malignité en ne répandant l’ivraie que lorsque les
semailles étaient terminées, afin de nuire davantage aux travaux du
laboureur. —
Saint Augustin : (Quest. évang.) Il ajoute: « Lorsque les hommes
dormaient. » C’est en effet lorsque les premiers pasteurs de
l’Église se laissèrent aller à la négligence, ou bien lorsque les Apôtres se
sont endormis du sommeil de la mort, que le démon est venu et qu’il a semé
par-dessus la bonne semence ceux que le Seigneur appelle les mauvais enfants.
On peut demander avec raison s’il a voulu désigner par là les hérétiques, ou
bien les catholiques dont la vie n’est pas conforme à leur foi. Il nous dit
qu’ils ont été semés au milieu du froment, il semble donc qu’il a voulu
désigner ceux qui appartiennent à une même communion. Cependant, comme
lui-même nous déclare que ce champ est non [seulement] l’Église, mais le
monde entier, on peut très bien voir dans cette ivraie les hérétiques qui
dans ce monde se trouvent mêlés aux justes. Ceux qui conservent la vraie foi
tout en la déshonorant par leur vie sont plutôt semblables à la paille qu’à
l’ivraie, parce que la paille a la même origine et la même racine que le
froment. Quant aux schismatiques, ils ressemblent bien plus aux épis abîmés
ou aux pailles brisées ou coupées que l’on sépare de la moisson. Il ne faut
pas en conclure cependant que tout hérétique et tout schismatique soient extérieurement
séparés de l’Église; l’Église en renferme un grand nombre dans son sein qui
n’attirent pas l’attention de la multitude en défendant leurs erreurs d’une
manière éclatante. S’ils le faisaient, l’Église les retrancherait de la
communion. — Et plus bas: Lors donc que le démon en répandant ses détestables
erreurs et ses fausses doctrines eut semé de l’ivraie au milieu du blé,
c’est-à-dire eut jeté les hérésies sur la vérité en se couvrant du nom du
Christ, il se cacha avec plus de soin et se rendit invisible; c’est ce que
Notre Seigneur veut exprimer par ce mot: « Et
il s’en alla. » Il faut cependant admettre, comme il l’explique
lui-même, que sous le nom d’ivraie il a voulu comprendre non pas seulement
quelques scandales, mais tous les scandales et tous ceux qui opèrent
l’iniquité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47.) Notre Seigneur, dans ce qui suit,
nous trace avec soin le portrait des hérétiques: « Lorsque l’herbe eut poussé et qu’elle fut montée en épis,
alors l’ivraie parut elle-même. » Les hérétiques dissimulent d’abord
leur présence, mais lorsque leur liberté s’est accrue, qu’ils sont parvenus à
se faire écouter, et qu’ils ont fait quelques prosélytes, ils répandent leur
venin. —
Saint Augustin : (Quest. évang.) (cf.
1 Co 2, 15). Ou
bien dans un autre sens, lorsque l’homme spirituel commence à juger toutes
choses, alors les erreurs se dessinent à ses yeux, il voit clairement que ce
qu’il a entendu, ce qui a fait l’objet de ses lectures s’éloignait de la
règle de la vérité; mais tant qu’il n’a pas atteint la perfection
spirituelle, la vue de tant d’erreurs, de tant d’hérétiques qui se sont
couverts du nom du Christ, peut faire impression sur lui, comme nous le
voyons dans la suite de la parabole: « Alors
les serviteurs du père de famille vinrent le trouver, et lui dirent:
Seigneur, n’avez-vous pas semé de bon grain dans votre champ ? D’où
vient donc qu’il y a de l’ivraie ? » Ces serviteurs sont-ils
les moissonneurs dont il sera bientôt question ? Notre Seigneur
lui-même, dans l’explication de la parabole, nous dit que les moissonneurs
sont les anges, et comme on ne peut dire que les anges ignoraient quel était
celui qui avait semé l’ivraie au milieu du blé, il faut entendre par ces
serviteurs les fidèles eux-mêmes; et il n’y a rien d’étonnant s’il les
désigne en même temps comme étant la bonne semence, car une même chose peut
être représentée sous différentes figures, suivant le rapport sous lequel on
la considère; c’est ainsi que le Seigneur a dit de lui-même qu’il était la
porte, et aussi qu’il était le pasteur. —
Saint Rémi : Ils s’approchent de Dieu, non par le
mouvement du corps, mais par le cœur et par le désir de l’âme, et Notre
Seigneur leur apprend que cela est arrivé par la malice du démon: « C’est un ennemi qui a fait
cela. » —
Saint Jérôme : Le démon est appelé l’homme ennemi,
parce qu’il a cessé d’être Dieu; et c’est de lui qu’il est écrit au psaume
neuvième (Ps. IX, 20): « Levez-vous,
Seigneur, que l’homme ne s’affermisse pas dans sa puissance. » Aussi
celui qui est placé à la tête de l’Église ne doit pas se laisser aller au
sommeil, de peur que l’homme ennemi ne profite de sa négligence pour semer
par dessus le bon grain l’ivraie, c’est-à-dire les erreurs des hérétiques. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47.) Notre Seigneur l’appelle l’homme
ennemi, à cause du mal qu’il fait aux hommes. C’est sur nous que tombent les
effets de sa haine, quoique la cause du mal qu’il nous fait soit non pas son
inimitié contre nous, mais son opposition contre Dieu. —
Saint Augustin : (Quest. évang.) Lorsque le serviteur de Dieu
aura compris que le démon n’avait recours à cette manoeuvre frauduleuse que
parce qu’il sentait qu’il ne pouvait rien contre la puissance d’un nom si
grand, et qu’il était obligé de couvrir ses fourberies du prestige de ce nom,
il peut sentir en lui la volonté de faire disparaître de tels hommes du
commerce des choses humaines, s’il en avait le temps; mais il consulte la
justice de Dieu, pour savoir s’il doit le faire. « Les serviteurs lui dirent : ‘Voulez-vous que nous allions
l’arracher ?’ » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47.) Nous pouvons admirer ici le zèle
et la charité de ces serviteurs: ils ont hâte d’aller arracher l’ivraie,
preuve de leur sollicitude pour la semence; ils n’ont en vue qu’une chose, ce
n’est pas de faire punir qui que ce soit, mais que les semences ne soient pas
perdues. Quelle fut la réponse du Seigneur ? « Et il leur répondit: Non. » —
Saint Jérôme : Dieu veut laisser le temps au
repentir, et il nous enseigne à ne pas nous hâter de retrancher un de nos
frères [de la communion des fidèles], car il peut arriver que celui-là même,
dont l’esprit est perverti aujourd’hui par une erreur dangereuse, se
convertisse demain et devienne un zèlé défenseur de la vérité; c’est pour
cela qu’il ajoute: « de crainte
qu’en arrachant l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le froment. »
—
Saint Augustin : (Quest. évang.) Cette réponse est des plus
propres à les calmer et à leur inspirer une grande patience. Le père de
famille répond de la sorte, parce que les bons qui sont encore faibles ont
besoin dans certaines circonstances d’être mêlés aux méchants, soit afin que
ce mélange serve d’épreuve à leur vertu, ou afin que ce rapprochement soit
pour les méchants une exhortation puissante à devenir meilleurs. Ou bien
peut-être le blé est déraciné lorsqu’on arrache l’ivraie, parce qu’il en est
beaucoup qui ne sont d’abord que de l’ivraie et qui deviennent ensuite
froment. Or, si on ne les supportait avec patience lorsqu’ils sont mauvais,
on ne verrait jamais en eux ce changement admirable; si donc on les arrache,
on déracine en même temps le froment, puisqu’ils devaient devenir froment si
on les avait épargnés. Jésus dit donc que de tels gens ne doivent pas être
arrachés de cette vie, car en s’efforçant de faire périr les méchants on s’exposerait
à faire périr les bons, puisqu’ils deviendront peut-être bons; ou à nuire aux
bons eux-mêmes puisque les méchants sont pour eux une occasion involontaire
de vertu. Ce retranchement se fera donc bien plus à propos lorsqu’à la fin
ils n’auront plus le temps de changer de vie, et que le spectacle de leurs
erreurs ne pourra plus être, par comparaison, pour les bons une occasion de
progrès dans la vérité; c’est pour cela qu’il ajoute: « Laissez croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson »,
c’est-à-dire jusqu’au jugement. —
Saint Jérôme : Cette recommandation paraît en
opposition avec ce précepte: « Faites
disparaître le mal du milieu de vous. » (1 Co 5.) Car s’il nous est défendu d’arracher, et si nous devons
attendre avec patience la moisson, comment pouvons-nous en retrancher
quelques-uns du milieu de nous ? Le froment et l’ivraie (en latin lolium) se ressemblent beaucoup tant
qu’ils sont en herbe et que leur tige n’est pas encore couronnée d’épis, et
il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de les distinguer. Le
Seigneur nous recommande donc de ne pas nous hâter de prononcer la sentence
sur ce qui est douteux, et de laisser le jugement à Dieu, qui, au jour du
jugement, rejettera de l’assemblée des saints, non pas sur de simples
conjectures, mais pour des crimes évidents. —
Saint Augustin : (contre la lettre de Parmen., 3, 2.)
Lorsqu’un chrétien, dans le sein de l’Église, est reconnu coupable d’un quelconque
crime qui mérite anathème, et qu’on n’a pas à craindre le schisme, qu’il soit
soumis à l’anathème, avec un sentiment de charité qui se propose, non pas de
le déraciner, mais de le corriger. S’il ne reconnaît pas sa faute, s’il ne
s’amende pas en faisant pénitence, il sera mis hors de l’Église, et séparé
par sa propre volonté de la communion des fidèles. C’est pour cela que le
Seigneur, après avoir dit: « Laissez
croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson », en donne cette raison:
« de crainte qu’en arrachant
l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le froment. » Il est donc
évident que, lorsqu’on n’a pas à craindre cet inconvénient, et qu’on est tout
à fait certain que le bon grain ne court aucun danger, c’est-à-dire lorsque
le crime est connu de tous, et qu’il inspire une telle horreur qu’il ne
trouve point de défenseur, ou au moins de défenseur qui puisse devenir
l’auteur d’un schisme, on ne doit pas laisser dormir la sévérité de la
discipline. La répression du crime sera d’autant plus efficace, que les lois
de la charité auront été plus respectées; mais si le mal a gagné la
multitude, la seule chose utile à faire, c’est de s’affliger et de gémir. Il
faut donc reprendre avec miséricorde ce qu’on peut corriger; et ce qui est
incorrigible, il faut le supporter avec patience, pleurer et gémir par un
sentiment de charité jusqu’à ce que Dieu lui-même se charge de reprendre et
de corriger, et attendre jusqu’à la moisson pour arracher l’ivraie et pour
jeter la paille au vent. Mais lorsqu’on peut élever la voix au milieu du
peuple, il faut atteindre la multitude des coupables par des reproches généraux,
surtout si un fléau envoyé du Ciel nous offre l’occasion favorable de leur
rappeler qu’ils ont reçu le châtiment qu’ils méritaient. Alors le malheur qui
les frappe leur fait écouter avec humilité la parole qui leur démontre la
nécessité de changer de vie, et cette parole inspire à leurs cœurs affligés
les gémissements d’une confession pleine de repentir plutôt que les murmures
de la résistance. Mais alors même qu’aucune calamité ne serait venu frapper
les coupables, on peut, toutes les fois que l’occasion s’en présente,
reprendre les vices de la multitude en s’adressant à elle directement; car de
même que les hommes s’irritent de ce qui leur est reproché en particulier,
les reproches qui sont adressés à la multitude dont ils font partie excitent
en eux des gémissements salutaires. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
47.) Le
Seigneur fait cette recommandation pour empêcher les meurtres; car mettre à
mort les hérétiques, ce serait donner naissance à une guerre implacable dans
l’univers. Et c’est pour cela qu’il a dit: « de peur que vous n’arrachiez le blé avec l’ivraie », c’est-à-dire
si vous recourez aux armes, si vous mettez à mort les hérétiques, vos coups
atteindront nécessairement un grand nombre de saints. Ce qu’il défend, ce
n’est donc point de jeter en prison les hérétiques, et de s’opposer à la
licence de leurs prédications, à la réunion de leurs synodes, et de rendre
inutiles leurs efforts, mais de les mettre à mort. —
Saint Augustin : (Lettre 18 à Vinc.) C’était d’abord mon sentiment qu’il ne fallait forcer
personne d’embrasser l’unité du Christ, mais agir simplement par la parole,
combattre par la discussion, vaincre par la raison, afin d’éviter d’avoir
pour catholiques hypocrites ceux que nous avions pour hérétiques déterminés.
Cependant mon opinion était combattue, sinon par des raisons, du moins par
des exemples contraires. En effet, la frayeur qu’inspirent ces lois
promulguées par des rois qui servent le Seigneur avec crainte, produit les
plus heureux effets (cf. Ps 2, 10.11). Ainsi les uns disent: C’était depuis
longtemps notre volonté, mais grâces soient rendues à Dieu qui nous a fourni
l’occasion favorable, et ôté tout prétexte de différer; d’autres: Nous
savions que c’était la vérité, mais nous étions retenus par je ne sais
quelles habitudes; grâces à Dieu qui a brisé nos liens; d’autres: Nous ne
savions pas que telle était la vérité et nous n’avions aucun désir de
l’apprendre, mais la crainte nous a forcés d’être attentifs et de prendre les
moyens de la connaître; grâces au Seigneur qui a secoué notre négligence avec
l’aiguillon de la terreur; d’autres encore: Nous craignions d’entrer dans
l’Église, retenus par de faux bruits dont nous n’aurions pas reconnu la
fausseté si nous n’y étions pas entrés, et nous n’y serions pas entrés si nous
n’y avions pas été forcés; grâces à Dieu qui par cette sévérité a fait cesser
nos hésitations et nous a fait connaître par expérience la futilité et la
fausseté des bruits que des voix trompeuses répandaient sur son Église;
d’autres enfin: Nous pensions qu’il importait peu de croire en Jésus-Christ
dans une religion ou dans une autre; mais grâces au Seigneur qui a mis un
terme à notre séparation et nous a enseigné que le seul culte agréable à Dieu
est celui qui lui est rendu dans l’unité. Que les rois de la terre se
montrent donc les serviteurs du Christ en publiant des lois en faveur de la
religion du Christ. —
Saint Augustin : (Lettre 50 au comte Bonif.) Quel est celui d’entre vous qui voudrait, je ne
dis pas qu’un hérétique périsse, mais qu’il éprouvât même la moindre
perte ? Cependant la maison de David ne put recouvrer la paix qu’après
que son fils Absalon eut été enseveli dans la guerre impie qu’il faisait
contre son père (2 R 18); quoique
David eût recommandé avec le plus grand soin aux chefs de son armée de
prendre tous les moyens pour conserver la vie à son fils et que son cœur de
père n’attendît que son repentir pour lui pardonner. Mais lorsqu’il fut tombé
[victime de sa rébellion], que resta-t-il à son père que de pleurer sa mort
et de se consoler par la pensée que son royaume avait recouvré la paix ?
C’est ainsi que notre mère, la sainte Église catholique, lorsqu’elle
rassemble dans son sein un grand nombre de ses enfants au prix de la perte de
quelques-uns, adoucit et calme la douleur de son cœur maternel par le
spectacle de tant de peuples affranchis et délivrés de l’erreur. Que veut
donc dire ce qu’ils ne cessent de crier: N’est-on pas libre de croire ou de
ne pas croire ? A qui donc le Christ a-t-il fait violence ? Quel
est celui qu’il a contraint [d’embrasser la vérité] ? Qu’ils aient
devant les yeux l’exemple de l’apôtre saint Paul, qui les force de
reconnaître que Jésus-Christ a usé de violence à son égard avant de
l’enseigner, qu’il l’a frappé avant de le consoler. Et il est remarquable que
celui que Dieu a forcé par un châtiment extérieur de se soumettre à
l’Évangile a travaillé à la propagation de l’Évangile plus que ceux dont la
vocation n’avait été déterminée que par une seule parole. Pourquoi donc
l’Église ne forcerait-elle pas ses enfants égarés de revenir dans son sein,
alors que ces mêmes enfants en ont forcé tant d’autres à périr ? Suite : « Et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs: Ramassez
d’abord l’ivraie et liez-la en bottes pour la brûler. » —
Saint Rémi : La moisson c’est le temps où l’on
recueille, c’est-à-dire le jour du jugement où les bons seront séparés d’avec
les mauvais. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47.) Mais pourquoi dit-il: « Arrachez d’abord
l’ivraie ? » C’est pour ôter aux bons toute crainte que le blé
ne partage le sort de l’ivraie. —
Saint Jérôme : Or, en commandant d’arracher l’ivraie
pour la jeter au feu, et d’amasser le blé dans les greniers, il déclare
ouvertement que les hérétiques et les hypocrites sont destinés à brûler dans
les feux de l’enfer, et que les saints qu’il appelle le blé seront recueillis
dans les greniers, c’est-à-dire dans les demeures éternelles. —
Saint Augustin : (Quest. évang.) On peut demander pourquoi il
ne commande pas de faire une seule botte ou un seul tas de toute l’ivraie;
c’est peut-être à cause des différentes sortes d’hérétiques qui non seulement
sont séparés du bon grain, mais qui sont encore séparés entre eux. Il a donc
voulu exprimer par ces bottes d’ivraie les conventicules de chaque hérésie,
dont tous les membres sont unis entre eux par des liens communs. Or, ils sont
liés ensemble et destinés au feu du moment qu’ils se séparent de la communion
catholique et qu’ils commencent à former des Églises particulières. Mais ils
ne seront jetés au feu qu’à la fin des temps, bien que depuis, longtemps ils
soient réunis en bottes. Cependant s’il en était ainsi, il n’y en aurait pas
un si grand nombre qui regretteraient leurs erreurs et les abjureraient pour
rentrer dans l’Église catholique. Ce n’est donc qu’à la fin que les bottes seront
liées, afin que leur opiniâtreté ne soit point punie sans discernement, mais
que chacun d’eux soit puni d’une manière proportionnée à sa perversité. — Raban : Remarquez
qu’en disant: « Il a semé du bon
grain », il nous fait connaître la bonne volonté dont les élus sont
l’objet et qui est en eux; en ajoutant: « L’ennemi
vient, » etc..., il nous avertit d’avoir à nous tenir sur nos
gardes; lorsque l’ivraie ayant crû, il dit: « C’est l’homme ennemi qui a fait cela », il nous
recommande la patience; et en ajoutant plus bas: « de peur qu’en arrachant l’ivraie », il nous donne
l’exemple du discernement [dont nous devons faire usage]. Les paroles
suivantes: « Laissez-les croître
l’un et l’autre jusqu’à la moisson » nous font un devoir de la
longanimité, et il nous recommande la justice par celles qui terminent: « Liez-la en bottes pour la
brûler. » |
Lectio 5 [85490] Catena in Mt.,
cap. 13 l. 5 Chrysostomus in Matth. Quia
dominus dixerat, quod de semine tres partes pereunt, et salvatur una; et in
ipsa rursus quae salvatur, multa efficitur iactura, propter zizania quae
superseminantur; ne dicerent: qui ergo erunt et quanti fideles? Consequenter
hunc timorem aufert per parabolam sinapis: et ideo dicitur aliam parabolam
proposuit eis, dicens: simile est regnum caelorum grano sinapis. Hieronymus. Regnum caelorum praedicatio
Evangelii est, et notitia Scripturarum quae ducit ad vitam: de qua dicitur ad
Iudaeos: auferetur a vobis regnum Dei. Huiusmodi ergo regnum caelorum est
simile grano sinapis. Augustinus de quaest. Evang.
Granum namque sinapis ad fervorem fidei pertinet, vel eo quod dicatur
venena expellere. Sequitur quod accipiens homo seminavit in agro suo. Hieronymus. Homo qui seminat in agro
suo, a plerisque salvator intelligitur, qui in animis credentium seminat; ab
aliis ipse homo seminans in agro suo, idest in corde suo. Quis
autem est iste qui seminat nisi sensus noster et animus, qui suscipiens
granum praedicationis, et fovens sementem humore fidei, facit in agro sui
pectoris pullulare? Sequitur quod minimum quidem est omnibus
seminibus. Praedicatio Evangelii minima est omnibus disciplinis: ad primam
quidem doctrinam fidem non habet veritatis, hominem Deum, Deum mortuum, et
scandalum crucis praedicans. Confer huiusmodi doctrinam dogmatibus philosophorum,
et libris eorum, et splendori eloquentiae, compositionique sermonum; et
videbis quanto minus sit ceteris seminibus semen Evangelii. Chrysostomus in Matth. Vel minimum est semen
Evangelii, quia discipuli universis erant imbecilliores; sed tamen quia magna
erat virtus in eis, expansa est eorum praedicatio ubique terrarum: et ideo
sequitur cum autem creverit, maius est omnibus oleribus, idest dogmatibus.
Augustinus de quaest. Evang. Dogmata autem
sunt placita sectarum, idest ut placuit sectis. Hieronymus. Philosophorum enim dogmata cum
creverint, nihil mordax, nihil vitale demonstrant: totum flaccidum
marcidumque ebullit in olera et in herbas, quae cito arescunt et corruunt.
Praedicatio autem evangelica, quae parva videbatur in principio, cum vel in
animam credentis, vel in totum mundum sata fuerit, non exurgit in olera, sed
crescit in arborem, ita ut volucres caeli (quas vel animas credentium, vel
fortitudines Dei servitio mancipatas sentire debemus) veniant, et habitent in
ramis eius: unde sequitur et fit arbor, ita ut volucres caeli veniant et
habitent in ramis eius. Ramos puto evangelicae arboris, qui de grano sinapis
creverunt, dogmatum esse diversitates, in quibus supradictarum volucrum
unaquaeque requiescit. Assumamus et nos pennas columbae, ut ad altiora
volitantes, possimus habitare in ramis huius arboris, et nidos nobis facere
doctrinarum, terrenaque fugientes ad caelestia festinare. Hilarius in Matth. Vel grano sinapis seipsum
dominus comparavit, acri semini, et omnium seminum minimo, cuius virtus
pressuris accenditur. Gregorius Moralium. Ipse quidem est granum
sinapis, qui in horto sepulturae plantatus, arbor magna surrexit: granum
namque fuit cum moreretur, arbor cum resurgeret; granum per humilitatem
carnis, arbor per potentiam maiestatis. Hilarius in Matth. Granum igitur hoc postquam
in agro seminatum fuit, idest ubi a populo comprehensus et traditus morti,
tamquam in agro fuit satione quadam corporis consepultus, ultra mensuram
omnium olerum excrevit et universam prophetarum gloriam excedit. Oleris enim
vice tamquam aegroto Israel data est praedicatio prophetarum; sed iam in
ramis arboris caeli volucres inhabitant. Apostolos scilicet ex Christi
virtute protensos, et mundum inumbrantes in ramis intelligimus, in quo gentes
in spem vitae advolabunt, et aurarum turbine, idest Diaboli spiritu flatuque
vexatae, tamquam in ramis arboris conquiescent. Gregorius Moralium. In istis etiam ramis
volucres requiescunt; quia sanctae animae, quae quibusdam virtutum pennis a
terrena cogitatione se sublevant, in eorum dictis atque consolationibus ab
huiusmodi fatigatione vitae respirant. |
Versets 31-32.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 47.) Notre Seigneur venait de dire que trois parties de la semence
étaient perdues et qu’une seule produisait du fruit et que dans cette
dernière la perte est encore considérable à cause de l’ivraie qu’on a semée
par dessus. Ses disciples pouvaient lui dire: Mais quels seront donc les
fidèles, et quel sera leur nombre ? Il va au-devant de cette crainte en
leur proposant la parabole du grain de sénevé: « Il leur dit encore cette autre parabole: Le royaume des cieux
est semblable à un grain de sénevé ». —
Saint Jérôme : Le royaume des cieux, c’est la
prédication de 1’Évangile et la connaissance des Écritures, qui conduisent à
la vie et dont Notre Seigneur dit aux Juifs: « Le royaume de Dieu vous sera enlevé. » Or, ce royaume du ciel est semblable à un grain de sénevé. —
Saint Augustin : (Quest. Evang., liv. 1, quest. 2.)
Le grain de sénevé figure la ferveur de la foi, à cause de la vertu qu’on lui
attribue d’expulser le poison. Suite : « qu’un homme prend et sème dans son champ. » —
Saint Jérôme : Cet homme qui sème dans son champ,
c’est, d’après le sentiment le plus commun, le Sauveur qui sème la vérité
dans l’âme des fidèles. Selon quelques autres, c’est l’homme lui-même qui
sème dans son champ, c’est-à-dire dans son cœur. Or, quel est celui qui sème
en nous si ce n’est notre intelligence et notre sentiment ? Ils
reçoivent le grain de la prédication, et le nourrissant avec le suc de la
foi, ils lui donnent la force de se développer dans le champ de notre cœur. Suite : « Ce grain est la plus petite de toutes les semences. » La
prédication de l’Évangile est la plus humble de toutes les doctrines, car au
premier coup d’oeil elle n’obtient pas la croyance due à la vérité, en
prêchant un homme-Dieu, un Dieu mort, et le scandale de la croix.
Rapprochez-la des doctrines et des écrits des philosophes, de l’éclat de leur
éloquence, de leurs discours étudiés, et vous reconnaîtrez combien la semence
de 1’Évangile est inférieure aux autres semences. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
47.) Ou bien la semence de l’Évangile est la plus
petite, parce que les disciples étaient les plus faibles des hommes; mais
comme ils avaient en eux une grande vertu, leur prédication s’est répandue
par toute la terre ; ainsi: « Mais
lorsqu’il a crû, il est le plus grand de tous les légumes, »
c’est-à-dire de tous les dogmes. —
Saint Augustin : (Quest. évang.) Les dogmes des sectes sont
leurs propres sentiments, c’est-à-dire les opinions dont elles sont
convenues. —
Saint Jérôme : La doctrine des philosophes,
lorsqu’elle se développe, ne présente rien de piquant et n’a aucune apparence
de vie, et sa nature molle et languissante ne produit que des plantes et des
herbes que l’on voit bientôt se dessécher et périr. Au contraire, la
prédication évangélique, qui paraissait peu de chose dans ses commencements
lorsqu’elle fut semée, soit dans l’âme des fidèles, soit dans tout l’univers,
n’a point produit de simples plantes, mais s’est élevée jusqu’à la hauteur
d’un arbre, et sur les branches sont venus habiter les oiseaux du ciel,
c’est-à-dire les âmes des fidèles ou les vertus qui sont consacrées au
service de Dieu. « Et il devient
un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent se reposer sur ses
branches. » Je suis porté à croire que ces branches de l’arbre
évangélique, qui sont sorties du grain de sénevé, figurent la variété des
dogmes, sur lesquels chacun des oiseaux dont nous avons parlé vient se reposer.
Prenons donc aussi nous-mêmes les ailes de la colombe (cf. Ps 54, 7) et élevons-nous bien haut,
afin de pouvoir habiter sur les branches de cet arbre, nous construire un nid
au milieu des vérités divines, et nous hâter de fuir la terre et de gagner le
ciel. — Saint Hilaire : (can.
43.) Ou
bien encore le Seigneur se compare lui-même à ce grain de sénevé qui est d’un
goût très piquant, la plus petite de toutes les semences, et dont la force
augmente lorsqu’il est broyé. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 19, 1.) Il est en effet ce grain de
sénevé qui, après avoir été semé dans le jardin de sa sépulture, s’est élevé
comme un grand arbre; c’était un grain lorsqu’il mourut, ce fut un arbre
lorsqu’il ressuscita; c’était un grain par l’humilité de la chair, il devint
un arbre par la puissance de sa majesté. —
Saint Hilaire : (can. 43.) Lorsque ce grain eut été semé
dans la terre, c’est-à-dire lorsque le Seigneur fut tombé au pouvoir de la
multitude, qu’il eut été livré par elle à la mort et que son corps eut été
enseveli dans le tombeau comme un grain qu’on sème dans un champ, il devint
plus grand que tous les légumes et surpassa de beaucoup la gloire des
prophètes. La prédication des prophètes fut donnée comme une herbe salutaire
au peuple d’Israël encore faible et infirme, mais aujourd’hui les oiseaux du
ciel se reposent sur les branches de l’arbre. Ces branches de l’arbre, ce
sont les Apôtres qui par la puissance du Christ se sont étendus sur toute la
surface du monde pour lui donner un doux ombrage. C’est sur ces branches que
toutes les nations de la terre viendront dans l’espérance d’y trouver la vie
et un lieu de repos comme sur les branches d’un arbre, contre la violence des
vents, c’est-à-dire contre les orages que soulève le souffle du démon. — Saint Grégoire le Grand : (Moral., 19, 1.) Sur ces branches se reposent les oiseaux du ciel; en effet, les saintes âmes qui s’élèvent au-dessus des pensées de la terre sur les ailes des vertus, se reposent des fatigues de la vie dans leurs saintes conversations et dans les consolations dont elles sont la source. |
Lectio 6 [85491] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. Satum autem est genus mensurae
iuxta morem provinciae Palaestinae, unum modium et dimidium accipiens. Augustinus de quaest. Evang. Vel fermentum
dicit dilectionem, eo quod fervescere facit, et excitat; mulierem, sapientiam
dicit. In farinae autem satis tribus intelligitur vel tria illa in homine, ex
toto corde, ex tota anima, et ex tota mente; vel tria illa fructifera,
centesimum, sexagesimum, et tricesimum; vel tria illa genera hominum: Noe,
Daniel et Iob. Rabanus. Dicit autem donec fermentatum est
totum, quia caritas in nostra mente recondita eo usque crescere debet ut
totam mentem in sui perfectionem commutet: quod hic quidem inchoatur, in
futuro vero perficitur. Hieronymus. Vel aliter. Mulier ista, quae
fermentum accipit et abscondit, praedicatio mihi videtur apostolica, vel
Ecclesia de diversis gentibus congregata. Haec tollit fermentum,
intelligentiam scilicet Scripturarum, et abscondit illud in farinae satis
tribus, ut spiritus, anima et corpus in unum redacta, non discrepent inter
se. Vel aliter. Legimus in Platone tria esse in
anima: rationale, irascibile et concupiscibile; et nos ergo si acceperimus
fermentum evangelicum sacrarum Scripturarum, in ratione possideamus
prudentiam, in ira odium contra vitia, in desiderio cupiditatem virtutum: et
hoc totum fiet per evangelicam doctrinam, quam nobis mater Ecclesia
praestitit. Dicam et quorumdam intelligentiam: mulierem istam et ipsi
Ecclesiam interpretantur, quae fidem hominis farinae satis tribus commiscuit,
scilicet credulitati patris et filii et spiritus sancti: cum in unum fuerit
fermentata, non nos ad triplicem Deum, sed ad unius divinitatis perducit
notitiam. Pius quidem sensus: sed nunquam parabolae
et dubia aenigmatum intelligentia possunt ad auctoritatem dogmatum proficere. Hilarius in Matth. Vel aliter. Fermento se
dominus comparavit: fermentum enim de farina est, quod virtutem acceptam
acervo sui generis reddit. Hoc autem fermentum acceptum mulier, synagoga
scilicet, per iudicium mortis abscondit: hoc autem in farinae mensuris
tribus, idest legis, prophetarum, Evangeliorum aequalitate coopertum, omnia
unum fecit: ut quod lex constituit, prophetae nuntiaverunt, idipsum
Evangeliorum profectionibus expleatur, quamquam ad trium gentium vocationem,
ex Sem, Cham et Iaphet, tres mensuras farinae esse referendas sensisse multos
memini. Sed nescio an hoc ita opinari ratio
permittat; cum etsi omnium gentium vocatio sit, in his tamen Christus non
absconsus sit, sed ostensus; et in tanta infidelium multitudine non
fermentatum sit totum. |
Verset 33.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 47.) C’est pour établir la même vérité que Notre Seigneur propose la
parabole du levain: « Il leur dit encore cette autre parabole: Le
royaume des cieux est semblable au levain, » c’est-à-dire: de même que le levain change et modifie une grande
quantité de farine, en lui communiquant sa saveur; ainsi vous changerez le
monde entier. Et remarquez ici la sagesse du Seigneur; il emprunte ses
comparaisons à des faits naturels et il montre ainsi que de même qu’il est
impossible que ces faits ne se produisent pas suivant leur nature, ainsi en
est-il du royaume des cieux. Or, il ne dit pas simplement: Le levain qu’elle
place, mais « qu’elle cache, qu’elle mêle, » paroles dont voici le sens: C’est ainsi que vous-mêmes vous
triompherez de vos persécuteurs après vous être mêlés avec eux. Car de même
que le levain, bien qu’il soit comme perdu dans la masse, n’est point
détruit, mais communique insensiblement sa force à toute la pâte, ainsi en
sera-t-il de votre prédication. Ne craignez donc pas les nombreuses persécutions
que je vous ai prédites, car elles ne serviront qu’à vous rendre plus
éclatants et à vous faire triompher de tous vos ennemis. Notre Seigneur prend
ici les trois mesures de farine pour une grande quantité, et il donne au
nombre trois la signification d’un nombre considérable et indéterminé. —
Saint Jérôme : La mesure dont il est ici question
est un genre de mesure en usage dans la Palestine et qui représente un
boisseau et demi. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 12.) Ou bien le levain
c’est la charité, parce qu’elle excite et qu’elle échauffe: la femme
représente la sagesse. Ces trois mesures de farine sont ces trois choses qui
se trouvent dans l’homme et qui sont exprimées par ces paroles: « de
tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit. » (Mt 22.) Ou bien elles représentent
les trois récoltes qui donnent: l’une cent, l’autre soixante et l’autre
trente; ou bien les trois espèces d’hommes [dont il est parlé dans Ezéchiel]:
Noé, Daniel et Job (Ez 14, 14.16). — Raban : Il
dit: « jusqu’à ce que toute la pâte soit levée », parce que
la charité cachée dans notre âme doit s’y développer jusqu’à ce qu’elle ait
communiqué sa perfection à l’âme tout entière, ce qui se commence dans cette
vie et s’achève dans l’autre. —
Saint Jérôme : Ou bien encore cette femme qui prend
du levain et le met [dans trois mesures de farine], c’est la prédication des
Apôtres, ou l’Église qui réunit différentes nations. Elle prend le levain,
c’est-à-dire l’intelligence des Écritures, et elle le cache dans trois
mesures de farine: l’esprit, l’âme et le corps, afin de les ramener à
l’unité, et qu’il n’y ait entre eux aucun désaccord. Ou bien encore, nous
lisons dans Platon qu’il y a trois parties dans l’âme: la partie raisonnable,
la partie irascible et la partie concupiscible; si donc nous avons reçu le
levain évangélique des saintes Écritures, nous devons posséder la prudence
dans la partie raisonnable, la haine contre le mal dans la partie irascible,
le désir des vertus dans la partie concupiscible, et tout cela doit être le
fruit de la doctrine évangélique que notre mère la sainte Église nous a
communiquée. Je crois devoir rapporter également l’interprétation de quelques
auteurs, d’après laquelle cette femme est aussi l’Église, qui a mêlé la foi de
l’homme à trois mesures de farine, c’est-à-dire à la croyance dans le Père,
dans le Fils et dans le Saint-Esprit, et lorsque ce levain de la foi a fait
fermenter toute la masse, elle nous conduit à la connaissance non pas de
trois Dieux, mais d’un seul et même Dieu. C’est une pieuse interprétation;
mais ni les paraboles, ni l’explication douteuse d’un discours énigmatique ne
peuvent servir d’appui et de preuve aux dogmes de la foi. — Saint Hilaire : (can. 13.) Ou bien encore le Seigneur se compare lui-même au levain; le levain est fait avec de la farine et il rend à la masse d’où il est sorti la vertu qu’il en a reçue. Or, c’est ce levain qu’une femme, la synagogue, a pris et a caché par la condamnation à mort [qu’elle a prononcée contre le Seigneur]. Ce levain, mélangé avec trois mesures de farine, c’est-à-dire mêlé dans des proportions égales à la loi, aux prophètes, à l’Évangile, ne fait qu’une seule chose de ces trois éléments, parce que la propagation de l’Évangile vient accomplir les prescriptions de la loi et les prédictions des prophètes. Je me rappelle cependant en avoir entendu plusieurs qui interprétaient ces trois mesures de farine de la vocation des nations sorties de Sem, de Cham et de Japhet. Mais je ne sais si cette interprétation est fondée en raison, car quoique cette vocation concerne toutes les nations, on ne peut dire que Jésus-Christ y ait été caché; puisqu’au contraire il s’y est manifesté avec éclat; et d’ailleurs ce céleste levain n’a point communiqué sa vertu à toute la masse des infidèles. |
Lectio 7 [85492] Catena in Mt.,
cap. 13 l. 7 Chrysostomus in Matth. Post praemissas
parabolas, ne aliquis opinaretur quod Christus nova induceret, induxit
Evangelista prophetam etiam hunc praedicentem doctrinae modum; et ideo dicit
haec omnia locutus est Iesus in parabolis ad turbas. Marcus
autem ait: quoniam sicut poterant audire, loquebatur eis sermonem in
parabolis. Unde non mireris si de regno disputans, grani et fermenti meminit:
hominibus enim loquebatur idiotis et indigentibus ab his induci. Remigius. Parabola Graece, Latine dicitur
similitudo, per quam veritas demonstratur. Ostendit quippe in ipsa
similitudine quasdam figuras verborum, et imagines veritatis. Hieronymus. Non autem discipulis, sed turbis
parabolas loquebatur: et usque hodie turbae in parabolis audiunt: et ideo
dicitur et sine parabolis non loquebatur eis. Chrysostomus in Matth. Quamvis enim multa sine
parabolis non turbis dixerit, sed tamen tunc nihil. Augustinus de quaest. Evang. Vel hoc dicitur
non quia nihil proprie locutus est: sed quia nullum fere sermonem explicavit,
ubi non per parabolam aliquid significaverit; quamvis in eo aliqua et proprie
dixerit: ita ut saepe inveniatur totus sermo eius parabolis explicatus, totus
autem proprie dictus nullus inveniatur. Explicatos autem sermones dico,
quando ex aliqua occasione rerum incipit loqui quousque terminet quidquid ad
ipsam rem pertinet, et transeat ad aliud. Nonnunquam sane alius Evangelista
contexit quod alius diversis temporibus dictum indicat: non enim omnino
secundum rerum gestarum ordinem, sed secundum suae quisque recordationis
facultatem, narrationem quam exorsus est, ordinavit. Quare autem in parabolis
loqueretur, manifestat Evangelista, cum subdit ut adimpleretur quod dictum
est per prophetam dicentem: aperiam in parabolis os meum, eructabo abscondita
a constitutione mundi. Hieronymus. Hoc testimonium de Psalmo 77, 2
sumptum est. Legi in nonnullis codicibus eo loco ubi nos posuimus et vulgata
editio habet ut adimpleretur quod dictum est per prophetam dicentem, ubi
scriptum est: per Isaiam prophetam dicentem. Remigius. Unde Porphyrius obiecit fidelibus:
Evangelista vester tantae insipientiae fuit ut quod reperitur in Psalmis,
ipse deputaverit Isaiae. Hieronymus. Quia ergo minime inveniebatur in
Isaia, arbitror postea a prudentibus viris esse sublatum; sed mihi videtur in
principio ita editum: quod scriptum est per Asaph prophetam dicentem:
septuagesimus enim septimus Psalmus de quo sumptum est hoc testimonium, Asaph
prophetae inscribitur, et primum scriptorem non intellexisse Asaph, et
putasse scriptoris vitium, atque emendasse nomen Isaiae, cuius vocabulum
manifestius erat. Sciendum est itaque, quod non solum David, sed etiam ceteri
(quorum in Psalmis et hymnis et canticis Dei, praescripta sunt nomina)
prophetae sunt appellandi, Asaph videlicet et Idithum, et Heman Ephraites, et
reliqui quos Scriptura commemorat; quodque in persona domini dicitur aperiam
in parabolis os meum, considerandum attentius et inveniendum describi
egressum Israelis ex Aegypto, et omnia signa narrari quae in Exodi
continentur historia. Ex quo intelligimus universa illa quae ibi scripta
sunt, parabolice sentienda, et manifestare abscondita sacramenta: hoc enim
salvator edicturum se esse promittit, dicens aperiam in parabolis os meum.
Glossa. Quasi dicat: qui prius locutus sum per
prophetas, modo in propria persona aperiam os meum in parabolis, et eructabo
de thesauro mei secreti; emittam mysteria quae abscondita erant a
constitutione mundi. |
Versets 34-35.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) Après avoir rapporté ces paraboles, l’Évangéliste, voulant
prouver que Notre Seigneur n’introduisait pas en cela de nouveautés, cite le
prophète qui avait prédit ce mode d’enseignement, et il dit : « Or
Jésus dit toutes ces choses en paraboles aux foules ». Saint Marc
dit qu’il parlait en paraboles pour se mettre à la portée de leur
intelligence (Mc 4). Ne soyez donc
pas surpris si, en parlant du royaume des cieux, il emprunte les comparaisons
de la semence et du levain; il s’adressait à des hommes ignorants et qui
avaient besoin [de cette méthode simple] pour être amenés à la vérité. —
Saint Rémi : Le mot parabole, en grec comme en
latin, signifie comparaison qui sert à démontrer la vérité, car elle nous
découvre dans les différentes parties de la comparaison des expressions
figurées et des images de la vérité. —
Saint Jérôme : Ce n’est pas aux disciples, mais au
peuple qu’il parlait en paraboles, et encore aujourd’hui c’est le langage que
le peuple entend volontiers; aussi l’Évangéliste ajoute-t-il: « et
il ne leur parlait point sans paraboles. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) Cependant il a parlé souvent au
peuple sans paraboles, mais dans cette circonstance il ne leur parla qu’en
paraboles. — Saint
Augustin : (Quest.
év.) Ou bien l’Évangéliste s’exprime ainsi, non que
le Seigneur n’ait jamais parlé dans le sens littéral, mais parce qu’il n’a
presque jamais fait de discours où il n’ait enseigné quelque vérité sous le
voile de la parabole, bien qu’il y ait parlé en même temps dans le sens
littéral; c’est-à-dire que souvent son discours est tout entier composé de
paraboles, tandis qu’on n’en trouve aucun qui soit tout entier dans le sens
littéral. Par discours entiers et complets, j’entends ceux que le Seigneur
faisait suivant que l’occasion se présentait, jusqu’à ce que la matière qu’il
traitait, étant terminée, il passait à un autre sujet. On ne peut nier du
reste que souvent un évangéliste présente en un seul discours ce qu’un autre
évangéliste rapporte comme ayant été dit en plusieurs circonstances
différentes, parce qu’il s’attache dans sa narration, non pas à l’ordre
historique des faits, mais à l’ordre dans lequel ils se présentent à son
souvenir. Or, l’auteur sacré nous apprend pourquoi il
parlait en paraboles: « C’est afin que cette parole du Prophète fût
accomplie : ‘J’ouvrirai ma bouche en paraboles, je proférerai des choses
cachées depuis la fondation du monde’. » —
Saint Jérôme : Ce témoignage est emprunté au Ps 77, 2. Dans quelques manuscrits, au
lieu de la traduction de la Vulgate que nous avons rapportée: « Afin que
cette parole du prophète fut accomplie, » on lit: « Cette parole du prophète Isaïe. » —
Saint Rémi : Porphyre prend occasion de là pour
faire cette objection aux chrétiens: Votre Évangéliste a poussé la sottise
jusqu’à attribuer à Isaïe ce qui se trouve dans les psaumes et à citer ce
témoignage comme venant du prophète Isaïe. —
Saint Jérôme : Comme cette citation ne se trouvait
nullement dans Isaïe, j’avais d’abord pensé que des hommes instruits avaient
fait disparaître le nom du prophète. Mais je crois maintenant que le texte
portait primitivement: « Ce qui a été écrit par le prophète
Asaph. » En effet, le Ps
72, auquel est emprunté ce témoignage, a pour exergue: « Au prophète
Asaph. » Le premier copiste
n’aura pas compris ce nom d’Asaph et, croyant que c’était une faute
d’écriture, il aura remplacé ce nom par le nom plus connu d’Isaïe; car il
faut se rappeler que non seulement David, mais tous les autres dont les noms
se trouvent en tête des psaumes, des hymnes et des divins cantiques, tels
qu’Asaph, Idithun, Eman, Ezarite et d’autres dont l’Écriture fait mention,
méritent le nom de prophète. Quant à ce qui est dit de la personne du Christ:
« J’ouvrirai ma bouche en paraboles », si nous considérons
attentivement ces paroles, nous y verrons la description de la sortie
d’Israël de la terre d’Égypte, et le récit de tous les miracles qui sont
contenus dans l’Exode; d’où nous devons conclure que tout ce qui se trouve
écrit dans ce livre doit être pris dans un sens allégorique et nous révèle
des mystères cachés. Ce sont ces vérités mystérieuses que le Sauveur promet
de dévoiler, lorsqu’il dit: « J’ouvrirai ma bouche en
paraboles. » — La Glose : Ces paroles veulent dire: J’ai parlé autrefois par les prophètes; je parlerai maintenant moi-même en paraboles, et je ferai sortir du trésor de mes secrets des mystères qui s’y trouvaient cachés depuis la création du monde. |
Lectio 8 [85493] Catena in Mt.,
cap. 13 l. 8 Chrysostomus in Matth. Locutus
fuerat dominus turbis in parabolis, ut eos ad interrogandum induceret; et
quamvis multa in parabolis dixisset, nullus tamen eum interrogavit; et ideo
eos dimisit: unde sequitur tunc dimissis turbis venit in domum. Nullus autem
eum Scribarum sequitur: unde manifestum est quod propter nihil aliud prius
sequebantur quam ut eum caperent in sermone. Hieronymus. Dimittit autem turbas Iesus, et
domum revertitur, ut accedant ad eum discipuli, et secreto interrogent quae
populus nec merebatur audire nec poterat. Rabanus. Mystice autem dimissa turba
tumultuantium Iudaeorum, ingreditur Ecclesiam gentium, et ibi fidelibus
exponit sacramenta caelestia: unde sequitur et accesserunt ad eum discipuli
eius dicentes: edissere nobis parabolam zizaniorum agri. Chrysostomus in Matth. Cum aliquando volentes
discere formidaverint interrogare, nunc libere interrogant, et confisi sunt,
quoniam audierant: vobis datum est nosse mysterium regni Dei; ideoque
singulariter interrogant, non multitudinem aemulantes, quibus non erat datum.
Dimittunt autem parabolam fermenti et sinapis, ut manifestiores; interrogant
autem de parabola zizaniorum, quia habet convenientiam ad praemissam
parabolam de semine, et aliquid amplius ostendit. Dominus autem quae esset
parabola exponit: unde sequitur qui respondens ait eis: qui seminat bonum
semen, est filius hominis. Remigius. Ideo autem dominus se filium hominis
appellavit, ut hoc indicio nobis exemplum humilitatis relinqueret; sive quia
futurum erat ut haeretici negarent eum verum hominem esse; sive ut per
humanitatis fidem possimus conscendere ad divinitatis cognitionem. Sequitur ager autem est mundus. Glossa. Cum autem ipse sit qui seminat agrum
suum, manifestum est quia praesens mundus est eius. Sequitur bonum vero semen hi sunt filii regni. Remigius. Idest sancti et electi viri, qui
inter filios regni computantur. Augustinus contra Faustum. Zizania autem
exponit dominus non aliqua falsa veris Scripturis immissa, sicut Manichaeus
interpretatur; sed omnes filios maligni, idest, imitatores diabolicae
falsitatis: unde sequitur zizania autem sunt filii nequam; per quos omnes
impios et malignos vult intelligi. Augustinus de quaest. Evang. Omnis autem
immunditia in segete zizania dicuntur. Sequitur inimicus autem qui seminavit ea, est
Diabolus. Chrysostomus in Matth. Etenim hoc
diabolicae est machinationis, veritati semper inserere errorem. Sequitur messis vero consummatio saeculi est.
Alio autem loco ait, de Samaritanis loquens: levate oculos vestros, et
considerate regiones, quoniam iam albae sunt ad messem; et rursus: messis
quidem multa, operarii autem pauci: in quibus verbis messem dicit iam adesse.
Qualiter ergo hic eam dicit esse futuram? Sed sciendum, quod in alia
significatione messem dicit: unde et ibi dicit, quod alius est qui seminat,
et alius qui metit; hic autem eumdem dicit esse qui seminat et qui metit:
quoniam ibi non ad sui differentiam, sed apostolorum, prophetas induxit:
etenim ipse Christus per prophetas seminavit in Iudaeis et Samaritanis. Idem
ergo nominat semen et messem secundum aliud et aliud. Cum enim de obedientia
loquatur, et persuasione ad fidem, tunc vocat messem, sicut in quo totum
perficitur: sed cum inquirit de fructu auditionis verbi Dei, tunc
consummationem dicit messem, sicut hic. Remigius. Per messem enim designatur dies
iudicii, in quo separandi sunt boni a malis; quod fiet ministerio Angelorum:
unde infra dicitur, quod veniet filius hominis cum Angelis suis iudicare:
propter quod sequitur messores autem Angeli sunt. Sequitur sicut ergo zizania colliguntur et igni
comburuntur, sic erit in consummatione saeculi: mittet filius hominis Angelos
suos, et colligent de regno eius omnia scandala et eos qui faciunt
iniquitatem. Augustinus de Civ. Dei. Numquid de regno illo
ubi sunt nulla scandala? De regno ergo isto eius quod est hic, scilicet
Ecclesia, colligentur. Augustinus de quaest. Evang. Quod autem primo
separantur zizania, hoc est quia tribulatione praecedente separabuntur impii
a piis: quod per bonos Angelos intelligitur fieri, quia officia vindictae
possunt implere boni bono animo, quomodo lex, quomodo iudex; officia vero
misericordiae mali implere non possunt. Chrysostomus in Matth. Vel potest intelligi de
regno caelestis Ecclesiae; et tunc ostenditur hic duplex poena: videlicet
quod excidunt a gloria, in hoc quod dicit et colligent de regno eius omnia
scandala, scilicet ne scandala in regnum eius intrent; et quod comburuntur,
in hoc quod subdit et mittent eos in caminum ignis. Hieronymus. Omnia autem scandala referuntur ad
zizania. Hoc autem quod dicit et colligent de regno eius omnia scandala et
eos qui faciunt iniquitatem, inter haereticos et schismaticos qui faciunt
iniquitatem, voluit distinguere: ut per eos qui faciunt scandala
intelligantur haeretici; per eos vero qui faciunt iniquitatem, intelligantur
schismatici. Glossa. Vel aliter. Per scandala possunt
intelligi illi qui praebent proximo occasionem offensionis, aut ruinae; per
facientes iniquitatem quoscumque peccantes. Rabanus. Observa quod dicit et eos qui faciunt
iniquitatem: non qui fecerunt, quia non qui conversi sunt ad poenitentiam,
sed solum qui permanent in peccatis, aeternis cruciatibus mancipandi sunt.
Chrysostomus in Matth. Vide autem
ineffabilem Dei amorem ad homines; est enim ad beneficia promptus, et ad
poenam tardus: cum enim seminat, per seipsum seminat; cum autem punit, per
alios: mittit enim ad hoc Angelos suos. Sequitur ibi erit fletus et stridor
dentium. Remigius. His verbis demonstratur vera
corporum resurrectio: nihilominus ostenditur per hoc duplex poena Inferni,
scilicet nimii caloris, et nimii frigoris. Sicut autem scandala referuntur ad
zizania, ita iusti reputantur in filios regni; de quibus sequitur tunc iusti
fulgebunt sicut sol in regno patris eorum. In praesenti enim saeculo fulget
lux sanctorum coram hominibus, post consummationem autem mundi ipsi iusti
fulgebunt sicut sol in regno patris sui. Chrysostomus in Matth. Non quia ita
solum sicut sol; sed quia hoc sidere aliud magis luculentum non noscimus,
cognitis nobis utitur exemplis. Remigius. Quod autem dicit tunc fulgebunt,
intelligendum est quia et nunc fulgent in exemplum aliorum; sed tunc
fulgebunt sicut sol ad laudandum Deum. Sequitur qui habet aures audiendi audiat. Rabanus. Idest, qui habet intellectum intelligat,
quia mystice haec omnia intelligenda sunt. |
Versets 36-43.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) Le Seigneur avait parlé au peuple en paraboles pour lui donner
l’occasion de l’interroger; mais quoiqu’il leur eût dit beaucoup de choses en
paraboles, personne cependant ne l’interrogea. Il renvoya donc la multitude,
comme le remarque l’Évangéliste: « Alors, ayant renvoyé le peuple, il
revint dans la maison. » Aucun
des scribes ne l’y suit, ce qui prouve clairement qu’ils ne le suivaient
auparavant que pour le prendre en défaut dans ses discours. —
Saint Jérôme : Or, Jésus renvoie le peuple et rentre
dans la maison pour donner à ses disciples la facilité de s’approcher de lui,
et de lui faire en secret des questions sur ce que le peuple ne méritait ni
n’était capable d’entendre. — Raban : Dans
le sens mystique, c’est après avoir congédié la foule tumultueuse des Juifs
qu’il entre dans l’Église formée des nations, et c’est là qu’il expose aux
fidèles les mystères du royaume des cieux: « Et alors ses disciples
s’approchèrent de lui et dirent :
‘Expliquez-nous la parabole de l’ivraie du champ’ ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) Autrefois, pleins du désir
d’apprendre, ils craignaient de l’interroger; maintenant, ils le font
librement et avec confiance, parce qu’il leur a dit: « Il vous a été
donné de connaître les mystères du royaume des cieux. » C’est pour cela qu’ils l’interrogent
en particulier, et non point par un sentiment de jalousie contre la multitude
qui n’avait pas reçu la même faveur. Ils laissent de côté la parabole du
levain et celle du sénevé comme plus claire, et ils l’interrogent sur la
parabole de l’ivraie, parce qu’elle a de l’analogie avec la parabole de la
semence et qu’elle contient quelques particularités de plus. Le Seigneur leur
explique donc cette parabole: « Et leur répondant, il leur dit: Celui
qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme. » —
Saint Rémi : Notre Seigneur s’est appelé le Fils de
l’homme pour nous laisser un exemple d’humilité, ou bien parce qu’il devait
se rencontrer des hérétiques qui prétendraient qu’il n’était pas vraiment
homme. Ou bien encore, c’est afin que par la foi à son humanité, nous
puissions nous élever jusqu’à la connaissance de sa divinité. Suite : « Le champ, c’est le
monde ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) [référence à vérifier] Comme c’est lui-même qui sème son champ, il faut en conclure que le monde actuel lui appartient. Suite : « La bonne semence, ce
sont les enfants du royaume. » —
Saint Rémi : C’est-à-dire les saints et les élus qui
sont mis au nombre des enfants de Dieu. —
Saint Augustin : (Contre Fauste, 18, 7.)
L’ivraie, d’après l’explication du Seigneur, ce ne sont pas quelques erreurs
mêlées à la vérité des saintes Écritures (suivant l’interprétation des
Manichéens), mais ce sont tous les enfants de l’esprit mauvais, c’est-à-dire
les imitateurs des mensonges du démon. « L’ivraie, dit Notre
Seigneur, ce sont les enfants d’iniquité », dénomination qui
comprend tous les impies et tous les méchants. — Saint Augustin : (Quest. évang., liv. 6, quest. 2.) Toutes les mauvaises herbes qui se trouvent dans les moissons reçoivent le nom d’ivraie. Suite : L’ennemi qui la sème, c’est le
démon. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) C’est en effet une des ruses du démon de mêler toujours l’erreur à la vérité. Suite : « La moisson, c’est la
fin du monde. » Notre Seigneur dit dans un autre endroit, mais en
parlant des Samaritains: « Levez vos yeux et regardez les campagnes
comme elles blanchissent déjà pour la moisson. » (Jn 4.) Et ailleurs: « La moisson est grande, mais il y
a peu d’ouvriers », paroles qui signifient que le temps de la
moisson est arrivé. Pourquoi donc déclare-t-il qu’elle n’aura lieu que plus
tard ? C’est qu’il l’entend ici dans un autre sens. Aussi, tandis que
dans les paroles qui précèdent il dit que l’un sème et que l’autre moissonne,
il déclare ici que c’est le même qui sème et qui moissonne; car [lorsqu’il
dit que celui qui sème n’est pas celui qui moissonne], ce n’est pas entre lui
et les prophètes, mais entre les prophètes et les Apôtres qu’il veut établir
une distinction, puisque c’est le Christ qui a semé lui-même par les
prophètes dans la Judée et dans la Samarie. C’est donc sous deux sens
différents qu’il prend dans ces deux circonstances les mots de semence et de
moisson. Lorsqu’il parle d’obéissance et de soumission à la foi, il se sert
du nom de moisson, parce qu’elle est le principe de toute perfection; mais
lorsqu’il est question du fruit qu’on doit retirer de la parole de Dieu,
comme dans cet endroit, il appelle la moisson la consommation de toutes
choses. —
Saint Rémi : La moisson désigne le jour du jugement
où les bons seront séparés des méchants par le ministère des Anges, ainsi
qu’il le dira plus bas: « Le Fils de l’homme viendra juger le monde
avec ses anges » ; et c’est pour cela qu’il dit: « Les
moissonneurs sont les anges. » Suite : « De même que les
moissonneurs ramassent l’ivraie et la brûlent dans le feu, ainsi en sera-t-il
à la consommation du siècle : le Fils de l’homme enverra ses anges et
ils feront disparaître de son royaume tous les scandales et ceux qui
commettent l’iniquité. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 9.) Est-ce donc de ce royaume
où il n’y a plus de scandales ? Non, c’est de ce royaume qui est sur la
terre, c’est-à-dire de l’Église, qu’ils les feront disparaître. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 10.) L’ivraie qu’on met
d’abord de côté signifie que c’est après que les persécutions se seront
produites que les bons seront séparés des méchants; ce sont les bons anges
qui feront cette séparation, car ils peuvent s’acquitter de cette oeuvre de
justice avec une intention droite et pure, (comme le ferait la loi, comme le
ferait un juge), tandis que les méchants sont incapables d’accomplir le
ministère de la miséricorde. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) Ou bien on peut entendre par ce
royaume l’Église du ciel, et Notre Seigneur nous révèle ici la double peine
des réprouvés, la privation de la gloire, par ces paroles: « et ils
enlèveront tous les scandales de son royaume », pour les en bannir à
tout jamais, et le supplice du feu par ces autres: « et ils les
précipiteront dans la fournaise du feu. » —
Saint Jérôme : Tous les scandales sont figurés ici
par l’ivraie; mais en disant: « Ils enlèveront de son royaume tous
les scandales, et tous ceux qui font l’iniquité », Notre Seigneur veut distinguer entre
les hérétiques et les schismatiques qui commettent l’iniquité. Ceux qui sont
une cause de scandale sont les hérétiques, ceux qui commettent l’iniquité
représentent les schismatiques. — La Glose : Ou bien dans un
autre sens, il faut entendre par les scandales tous ceux qui sont pour le
prochain une occasion de chute ou de ruine, et par ceux qui commettent
l’iniquité, les pécheurs quels qu’ils soient. — Raban : Remarquez que
Notre Seigneur dit: « Ceux qui font et non pas ceux qui ont
fait l’iniquité »; car ce ne sont pas ceux qui font pénitence,
mais ceux qui persévèrent dans leurs péchés qui seront livrés aux supplices
éternels. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
48.) Considérez
ici l’amour ineffable de Dieu pour les hommes, il est toujours prêt à
répandre sur nous ses bienfaits et il ne punit qu’à la dernière extrémité.
Lorsqu’il s’agit de semer, c’est lui-même qui sème, et lorsqu’il faut qu’il
punisse, il se décharge de ce soin sur les anges. Suite : « C’est là qu’il y aura
des pleurs et des grincements de dents. » —
Saint Rémi : Ces paroles sont une preuve de la
résurrection véritable des corps et nous y voyons annoncés la double peine de
l’enfer, une excessive chaleur et un froid des plus rigoureux. Or, de même
que l’ivraie représente tous les scandales, ainsi tous ceux dont Notre
Seigneur dit ici: « Alors les justes brilleront comme le soleil dans
le royaume de leur Père », seront
mis au nombre des enfants du royaume. Dans ce monde, la lumière que répandent
les saints brille aux yeux des hommes; après la consommation des siècles, les
justes brilleront eux-mêmes comme le soleil dans le royaume de leur Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) Notre Seigneur ne veut pas dire que leur
éclat sera tout juste égal à l’éclat du soleil, mais il se sert de cette
comparaison parce que parmi les astres qui nous éclairent, il n’en est point
qui brille d’un plus vif éclat que le soleil. —
Saint Rémi : Ces paroles: « Alors ils
brilleront » signifient que les saints brillent sur cette terre par
leurs exemples, mais qu’ils brilleront alors comme le soleil pour la plus
grande gloire de Dieu. Suite : « Que celui-là entende
qui a des oreilles pour entendre. » — Raban. C’est-à-dire que celui qui a de l’intelligence comprenne, parce que toutes ces paroles doivent être entendues dans un sens mystérieux. |
Lectio 9 [85494] Catena in Mt.,
cap. Hilarius in Matth. Hic quidem thesaurus gratis
invenitur. Evangeliorum enim praedicatio in abscondito est; sed utendi et
possidendi huiusmodi thesauri cum agro potestas non potest esse sine pretio:
quia caelestes divitiae non sine damno saeculi possidentur. Hieronymus. Quod autem abscondit, non de
invidia facit; sed more servantis et nolentis prodere, abscondit in corde,
quem pristinis praetulit facultatibus. Gregorius in Evang. Vel aliter. Thesaurus in
agro absconditus est caeleste desiderium; ager vero in quo thesaurus
absconditur, est disciplina studii caelestis: quem scilicet thesaurum cum
invenit homo abscondit, scilicet ut servet: quia studium caelestis desiderii
a malignis spiritibus custodire non sufficit ei qui hoc ab humanis laudibus
non abscondit. In praesenti etenim vita
quasi in via sumus, qua ad patriam pergimus. Maligni
autem spiritus iter nostrum quasi quidam latrunculi obsident. Depraedari ergo
desiderant qui thesaurum publice portant in via. Hoc autem dico, non ut
proximi nostri opera nostra non videant; sed ut per hoc quod agimus, laudes
exterius non quaeramus. Caelorum autem regnum idcirco terrenis rebus simile
dicitur, ut ex his quae animus novit, surgat ad incognita; ut per hoc quod
scit notum diligere, discat ignotum amare. Sequitur et prae gaudio illius vadit, et vendit
universa quae habet et emit agrum illum. Agrum profecto venditis omnibus
comparat qui voluptatibus carnis renuntians, cuncta sua terrena desideria per
disciplinae caelestis custodiam calcat. Hieronymus. Vel thesaurus iste, in quo sunt
omnes thesauri sapientiae et scientiae absconditi, aut Deus verbum est, qui
in carne Christi videtur absconditus; aut sanctae Scripturae, in quibus
reposita est notitia salvatoris. Augustinus de quaest. Evang. Hunc autem
thesaurum dixit in agro absconditum, scilicet duo testamenta in Ecclesia;
quae cum quis ex parte intellectus attigerit, sentit illic magna latere; et
vadit, et vendit omnia sua, et emit illum; idest, contemptu temporalium
comparat sibi otium, ut sit dives cognitione Dei. |
Verset 44.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) Les paraboles précédentes du levain et du grain de sénevé
avaient pour objet de faire ressortir la puissance de la prédication
évangélique qui a triomphé du monde entier; Notre Seigneur veut faire
connaître maintenant tout le prix et la magnificence de cette doctrine, et il
se sert pour cela de la parabole du trésor et de la pierre précieuse: « Le royaume des cieux est semblable
à un trésor caché dans un champ. » La prédication de l’Évangile est
cachée dans le monde, et si vous ne vendez pas tout ce que vous possédez,
vous ne pourrez l’acheter. Il faut de plus faire ce sacrifice avec joie. « Lorsqu’un homme le trouve, il le
cache. » —
Saint Hilaire : Ce trésor se trouve sans qu’il en
coûte rien, car la prédication de l’Évangile est sans condition; mais il faut
nécessairement acheter le droit d’user de ce trésor et d’en devenir le
possesseur ainsi que du champ qui le renferme, car on ne peut posséder les
richesses du ciel sans être disposé à leur sacrifier les biens de la terre. —
Saint Jérôme : Il cache ce trésor, ce n’est point
par un sentiment d’envie, mais il le cache dans son cœur par le désir de
conserver et par la crainte de perdre ce trésor qu’il a su préférer aux
richesses qu’il possédait. — Saint Grégoire le Grand : (hom. 12 sur les Evang.) Ou bien ce trésor caché dans un champ, c’est le désir du ciel: le champ dans lequel il est caché, c’est la perfection de la vie qui conduit au ciel. Lorsqu’un homme a trouvé ce trésor, il le cache pour le conserver, car le désir ardent des biens célestes ne suffisent pas pour défendre ce trésor contre les esprits mauvais, si celui qui le possède ne s’efforce pas de le cacher loin des attaques des louanges des hommes. En effet, la vie présente est semblable à une route que nous parcourons pour arriver à la patrie [céleste]; mais cette route se trouve assiégée par les esprits mauvais comme par autant de voleurs de grand chemin. Ceux donc qui portent ce trésor à découvert semblent vouloir devenir la proie des voleurs. Je ne veux pas dire que notre prochain ne doive pas être témoin de nos bonnes oeuvres, mais simplement qu’il ne faut pas dans nos actions nous proposer les louanges des hommes. Or, le royaume des cieux est comparé aux choses de la terre, pour que notre esprit puisse s’élever de ce qu’il connaît vers ce qu’il ne connaît pas [encore], et que de l’amour qu’il donne aux choses dont il a la connaissance, il apprenne à aimer ce qu’il ne connaît pas. Suite : « et dans la joie qu’il en ressent, il va vendre tout ce qu’il a
et achète le champ». On achète le champ avec le prix de tous les biens
qu’on a vendus, lorsqu’on renonce aux voluptés charnelles et qu’on foule aux
pieds tous les désirs terrestres par une obéissance entière aux lois qui
conduisent au ciel. —
Saint Jérôme : Ou bien encore ce trésor dans lequel
sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science (cf. Col 2, 3), c’est ou le Verbe Dieu qui
est comme caché dans la nature humaine de Jésus-Christ, ou bien les saintes
Écritures dans lesquelles est renfermée la connaissance du Sauveur. — Saint Augustin : (Quest. Evang., liv. 1, chap. 13.) Ce trésor caché dans le champ, ce sont les deux Testaments qui se trouvent dans l’Église; lorsqu’un homme parvient à les atteindre par une partie seulement de son intelligence, il comprend que ce champ renferme de grandes richesses, il s’en va, il vend tout ce qu’il possède et il l’achète, c’est-à-dire que par le mépris des choses temporelles il s’achète le repos, afin de s’enrichir ainsi du trésor de la connaissance de Dieu. |
Lectio 10 [85495] Catena in Mt.,
cap. 13 l. 10 Chrysostomus in Matth. Evangelica
praedicatio non solum lucrum multiplex praebet ut thesaurus, sed et pretiosa
est ut margarita: unde post parabolam de thesauro ponit parabolam de
margarita, dicens iterum simile est regnum caelorum homini negotiatori, et
cetera. In praedicatione enim duo oportet adesse: scilicet ab huius vitae
negotiis separari, et vigilantes esse; quod negotiatio designat. Una autem
est veritas et non partita; et propter hoc una margarita dicitur inventa. Et
sicut qui margaritam habet, ipse quidem novit quod dives est, aliis vero non
est cognitus, multoties eam manu detinens propter eius parvitatem, ita est in
praedicatione Evangelii: qui enim eam detinent, sciunt se divites esse;
infideles autem hunc thesaurum nescientes, divitias nostras ignorant. Hieronymus. Bonae autem margaritae possunt
intelligi lex et prophetae. Audi ergo, Marcion et Manichaee, quod bonae
margaritae sunt lex et prophetae. Una ergo pretiosissima margarita est
scientia salvatoris, et sacramentum passionis et resurrectionis illius; quod
cum invenerit homo negotiator, similis Pauli apostoli, omnia legis
prophetarumque mysteria, et observationes pristinas, in quibus inculpate
vixerat, quasi purgamenta contemnit, ut Christum lucrifaciat; non quod
inventio bonae margaritae condemnatio sit veterum margaritarum; sed quod
comparatione eius omnis alia gemma sit vilior. Gregorius in Evang. Vel per margaritam
pretiosam intelligitur caelestis vitae dulcedo, quam inventam omnia vendens
emit: quia qui caelestis vitae dulcedinem, inquantum possibilitas admittit,
perfecte cognoverit, ea quae in terris amaverat, libenter cuncta derelinquit:
deforme conspicitur quicquid de terrenae rei placebat specie, quia sola
pretiosae margaritae claritas fulget in mente. Augustinus de quaest. Evang. Vel homo cum
quaerat bonas margaritas, invenit unam pretiosam: quia quaerens homines
bonos, cum quibus utiliter vivat, invenit unum sine peccato Iesum Christum;
aut praecepta quaerens, quibus servatis, cum hominibus recte conversetur,
invenit dilectionem proximi (in quo uno dicit apostolus omnia contineri); aut
bonos intellectus quaerens, invenit illud verbum quo cuncti continentur: in
principio erat verbum, quod est lucidum candore veritatis, et solidum
firmitate aeternitatis, et undique sibi simile pulchritudine veritatis; qui
Deus penetrata testudine intelligendus est. Quodlibet illorum vero trium sit,
vel si aliud occurrere potuerit quod margaritae unius pretiosae nomine
significetur; pretium eius est nos ipsi, qui ad eam possidendam non sumus
liberi, nisi omnibus pro nostra liberatione contemptis quae temporaliter
possidentur. Venditis enim rebus nostris, nullum aliud pretium maius
accipimus quam nos ipsos (quia talibus implicati, nostri non eramus), ut
rursus nos pro illa margarita demus: non quia tantum valet, sed quia plus
dare non possumus. |
Versets 45-46.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) La prédication de l’Évangile n’est pas seulement une source de
richesses multipliées, comme l’est un trésor, mais elle est précieuse encore
comme une perle, et c’est pour cela qu’après la parabole du trésor, Notre
Seigneur propose la parabole de la pierre précieuse. « Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand,
etc... » Pour la prédication de l’Évangile, deux choses sont
nécessaires: la séparation des affaires de la terre, et la vigilance, deux
conditions qui se trouvent exprimées dans cette comparaison du commerce. Or,
la vérité est une et ne peut être divisée en plusieurs parties; c’est pour
cela qu’il n’est question que d’une seule pierre précieuse, et de même que
celui qui possède une perle d’un grand prix connaît bien sa richesse, tandis
que tous les autres l’ignorent, car cette perle est si petite qu’elle tient
tout entière dans sa main; de même dans la prédication de l’Évangile, ceux
qui ont le bonheur de la recevoir savent quelles richesses ils ont acquises,
richesses complètement ignorées de ceux qui ne connaissent pas la valeur de
ce trésor. —
Saint Jérôme : Dans les bonnes perles, on peut voir
figurés la loi et les prophètes. Comprenez donc, Marcion, et vous autres
Manichéens que la loi et ces prophètes sont de bonnes perles. La perle qui
est d’un très grand prix, c’est la science du Sauveur, le mystère de sa
passion et de sa résurrection. Lorsque l’homme qui est dans le commerce a
trouvé cette perle, à l’exemple de l’Apôtre saint Paul, il méprise comme de
la boue, pour gagner Jésus-Christ (Ph 3),
tous les mystères de la loi et des prophètes, et ces observances anciennes au
milieu desquelles il avait vécu d’une manière irréprochable. Ce n’est pas que
la découverte de cette perle précieuse détruise le prix et la valeur des
perles qu’il possédait auparavant; mais auprès d’elles toutes les autres sont
d’un prix inférieur. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 12 sur
les Evang.) Ou bien encore cette pierre précieuse c’est la douceur de la
vie céleste, celui qui l’a trouvée vend pour l’acheter tout ce qu’il possède.
Celui qui a pu goûter parfaitement, autant qu’on le peut, la suavité de cette
vie céleste, abandonne bien volontiers pour elle tout ce qu’il avait aimé sur
la terre. Il trouve désormais sans beauté tous les objets créés qui l’avaient
séduit par leur apparence, parce que l’éclat seul de cette perle précieuse
brille maintenant aux yeux de son âme. — Saint Augustin : (Quest. évang. sur S. Matth., chap. 13.) Ou bien enfin cet homme qui cherche de belles perles et qui en trouve une de grand prix, est celui qui recherche la compagnie des hommes vertueux pour mener avec eux une vie sainte, et trouve le seul homme qui soit sans péché, Notre Seigneur Jésus-Christ. Ou bien celui qui, cherchant à connaître les préceptes dont l’observation le fera vivre saintement au milieu des hommes, trouve le précepte de la charité fraternelle qui renferme tous les autres au témoignage de l’Apôtre. Ou bien celui qui cherche de bonnes pensées et trouve cette parole qui renferme toutes choses : « Au commencement était le Verbe » (Jn 1), Verbe qui brille de tout l’éclat de la vérité, qui est ferme de toute la force de l’éternité, et qui, semblable de toutes parts à lui-même, resplendit de la beauté même de la vérité; Verbe dans lequel il faut reconnaître un Dieu sous l’enveloppe de chair dont il est revêtu. Quelle que soit parmi ces trois choses ou parmi d’autres (s’il s’en trouve), celle qui est signifiée par cette perle précieuse, c’est nous qui en sommes le prix, et nous ne sommes libres de l’acquérir qu’en méprisant pour obtenir cette heureuse délivrance tout ce que nous possédons sur la terre. Car, après avoir tout vendu, nous n’avons pas de biens d’un plus grand prix que nous-mêmes (puisque nous n’étions pas à nous lorsque ces biens nous enlaçaient comme autant de chaînes), et c’est nous-mêmes qu’il faut donner pour acquérir cette perle précieuse, non pas que nous soyons d’une valeur égale, mais parce que nous ne pouvons donner davantage. |
Lectio 11 [85496] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. Impleto enim Ieremiae vaticinio
dicentis: ecce ego mittam ad vos piscatores multos, postquam autem audierunt
Petrus et Andreas, Iacobus et Ioannes: sequimini me: faciam vos piscatores
hominum, contexuerunt sibi ex veteri et ex novo testamento sagenam
evangelicorum dogmatum, et miserunt eam in mare huius saeculi; quae usque
hodie in mediis fluctibus tenditur, capiens de salsis et amaris gurgitibus
quicquid inciderit, idest bonos homines et malos; et hoc est quod subdit ex
omni genere piscium congreganti. Gregorius in Evang. Vel aliter. Sancta
Ecclesia sagenae comparatur, quia et piscatoribus est commissa, et per eam
quisque ad aeternum regnum a praesentis saeculi fluctibus trahitur, ne
aeternae mortis profundo mergatur: quae ex omni genere piscium congregat,
quia ad peccatorum veniam sapientes et fatuos, liberos et servos, divites et
pauperes, fortes et infirmos vocat: quae sagena scilicet tunc universaliter
impletur, cum in fine suo humani generis summa concluditur: unde sequitur
quam, cum impleta esset educentes et secus littus sedentes, elegerunt bonos
in vasa, malos autem foras miserunt. Sicut enim mare saeculum, ita saeculi finem
significat littus maris: in quo scilicet fine, boni pisces in vasis
eliguntur, mali proiciuntur foras: quia et electus quisque in tabernacula
aeterna recipitur, et interni regni luce perdita, ad exteriores tenebras
reprobi protrahuntur. Nunc enim malos bonosque communiter quasi permixtos pisces
fidei sagena continet; sed littus indicat sagena Ecclesiae quid trahebat. Hieronymus. Dum enim sagena extrahetur ad
littus, tunc verum secernendorum piscium indicium demonstrabitur. Chrysostomus in Matth. Quid autem distat haec
parabola a parabola zizaniorum? Etenim illic hi quidem salvantur, hi autem
pereunt, sicut et hic. Sed illic quidem propter pravorum dogmatum haeresim,
et in anteriori parabola de semine, quia non attendebant quae dicebantur; hic
autem propter vitae nequitiam, propter quam quamvis et piscatione capti,
idest cognitione Dei fruentes, non possunt salvari. Ne autem audiens quoniam
malos foras miserunt, aestimes hanc poenam non esse periculosam, per
expositionem eius gravitatem ostendit, dicens: sic erit in consummatione
saeculi: exibunt Angeli, et cetera. Quamvis alibi dicat, quod ipse segregabit
eos sicut separat pastor oves, hic Angelos hoc facere dicit, sicut et in
parabola zizaniorum. Gregorius in Evang. Timendum est autem hoc
potius quam exponendum: aperta enim voce tormenta peccantium dicta sunt, ne
quis ad ignorantiae suae excusationem recurreret, si quid de aeterno
supplicio obscure diceretur. Rabanus. Cum enim venerit finis mundi, tunc
verum secernendorum piscium indicium demonstrabitur; et quasi in quodam quietissimo
portu boni mittentur in vasa caelestium mansionum; malos autem torrendos et
exsiccandos, Gehennae flamma suscipiet. |
Versets 47-50.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 48.) Notre Seigneur, craignant que nous ne mettions toute notre
confiance dans la prédication seule, et que nous ne croyions que la foi seule
suffit pour le salut, après avoir relevé le prix de la prédication
évangélique dans les paraboles qui précèdent, en ajoute une autre qui est
effrayante: « Le royaume des cieux
est encore semblable à un filet qu’on a jeté dans la mer. » —
Saint Jérôme : Après que cette prophétie de Jérémie
fut accomplie: « Je vous enverrai
un grand nombre de pécheurs » (Jr 16); après que Pierre, André,
Jacques et Jean eurent entendu ces paroles: « Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes »
(Mt 4), ils se firent à l’aide de
l’Ancien et du Nouveau Testament un filet entrelacé des vérités de
l’Évangile; ils le jetèrent dans la mer de ce monde, et il est resté tendu
jusqu’à présent au milieu des flots pour prendre dans ces gouffres amers et
trompeurs tout ce qui se présente, c’est-à-dire les hommes bons et mauvais: « et qui prend toute sorte de
poissons. » —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 10 sur
les Evang.) Ou bien la sainte Église est comparée à un filet parce
qu’elle est confiée à des pêcheurs, et que c’est par elle que chacun de nous
est tiré des flots de ce monde sur le rivage du royaume des cieux et arraché
aux abîmes de la mort éternelle. Ce filet recueille des poissons de toute
espèce, car l’Église appelle à la rémission des péchés les sages et les
ignorants, les hommes libres et les esclaves, les riches et les pauvres, les
forts et les faibles. Ce filet, [c’est-à-dire la sainte Église], sera tout à
fait rempli lorsqu’à la fin des temps la destinée du genre humain sera
consommée. C’est pour cela qu’il est dit: « Lorsqu’il
fut plein, les pêcheurs le tirèrent au rivage et, s’étant assis, ils
recueillirent les bons dans des paniers et rejetèrent les mauvais. » — De même que la mer figure le monde, ainsi le rivage de la mer
représente la fin du monde. C’est alors que les bons poissons seront
recueillis dans des paniers et les mauvais jetés au loin, c’est-à-dire que
les élus seront reçus dans les tabernacles éternels, tandis que les méchants,
privés de la lumière qui éclaire le royaume intérieur, seront traînés dans
les ténèbres extérieures. Pendant cette vie, les filets de la foi contiennent
indifféremment les bons et les mauvais, comme des poissons mêlés ensemble;
mais le rivage fera reconnaître ceux que contenait le filet de l’Église. —
Saint Jérôme : En effet, lorsque ce filet sera tiré
sur le rivage, alors on verra comment doit s’opérer la séparation des bons
avec les mauvais. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
48.) Quelle
différence y a-t-il entre cette parabole et celle de l’ivraie ? De part
et d’autre, les uns sont sauvés et les autres périssent; mais dans la
parabole de l’ivraie, c’est la perversité des dogmes hérétiques qui est la
cause de leur perte; dans la parabole de la semence, c’est le défaut d’attention
à la parole de Dieu, et dans celle-ci c’est la vie criminelle des hommes qui
sera pour eux un obstacle à leur salut, bien qu’ils aient été pris dans le
filet, c’est-à-dire bien qu’ils aient reçu la connaissance de Dieu. Et ne
soyez pas tenté de regarder comme un supplice peu rigoureux pour les mauvais
d’être jetés dehors, car écoutez Notre Seigneur qui vous fait connaître dans
l’explication de cette parabole combien ce supplice sera terrible: « Il en sera de même à la fin des
temps. Les Anges viendront, etc...» Il dit ailleurs que c’est lui-même
qui les séparera comme un pasteur sépare les brebis [d’avec les boucs]. Ici
ce sont les Anges qui font cette séparation, comme dans la parabole de
l’ivraie. — Saint Grégoire le Grand : (hom.
10.) Il
faut bien plutôt trembler en entendant ces paroles, que chercher à les
expliquer, car les tourments des pécheurs y sont prédits ouvertement et
personne ne peut s’excuser ici sur son ignorance en prétextant l’obscurité du
dogme des supplices éternels. — Raban : Lorsque la fin du monde sera venue, on connaîtra les véritables signes qui doivent servir à séparer les poissons entre eux, et là comme dans un port, à 1’abri de toute agitation, les bons seront placés dans les paniers des célestes demeures, et les mauvais jetés dans les flammes de l’enfer qui doivent les brûler et les tourmenter pendant l’éternité. |
Lectio 12 [85497] Catena in Mt.,
cap. 13 l. 12 Chrysostomus in Matth. Recedentibus
turbis, dominus discipulis in parabolis loquitur; ex quibus sapientiores sunt
facti, ita quod intelligunt quae dicuntur: quocirca dicit eis intellexistis
haec omnia? Dicunt ei: etiam. Hieronymus. Ad apostolos enim proprie sermo
est, quos non vult audire tantum ut populum, sed etiam intelligere ut
magistros futuros. Chrysostomus in Matth. Deinde quia
intellexerunt, rursus eos laudat: unde sequitur ait illis: ideo omnis Scriba
doctus in regno caelorum similis est homini patrifamilias, qui profert de
thesauro suo nova et vetera. Augustinus de Civ. Dei. Non dixit: vetera et
nova: quod utique dixisset, nisi maluisset meritorum ordinem servare quam
temporum. Manichaei etiam dum sola Dei promissa nova tenere se arbitrantur,
remanent in vetustate carnis, et novitatem inducunt erroris. Augustinus de quaest. Evang. Utrum autem ista
conclusione exponere voluit quem dixerit thesaurum in agro absconditum
(quoniam sanctae Scripturae intelliguntur, quae nomine duorum testamentorum
novi et veteris concluduntur); an ostendere voluit, eum doctum habendum in
Ecclesia qui etiam Scripturas veteres parabolis explicatas intellexerit, ab
istis novis accipiens regulas, quia et ista dominus per parabolas enuntiavit;
ut si ipse, in quo illa complentur et manifestantur, per parabolas adhuc
loquitur, donec passio eius velum discindat, ut nihil sit occultum quod non
reveletur; multo magis illa quae tam longe de illo scripta sunt, parabolis
operta esse noverimus: quae cum Iudaei ad litteram accipiant, noluerunt esse
docti in regno caelorum. Gregorius in Evang. Sed si per novum et vetus
quod dicitur, utrumque testamentum accipimus, Abraham doctum fuisse
denegamus, qui novi et veteris testamenti etsi facta novit, minime verba
nuntiavit. Moysen quoque docto patrifamilias comparare non possumus: quia
etsi testamentum edocuit vetus, novi tamen dicta non protulit. Sed in eo quod
hic dicitur, intelligi valet quia non de his qui fuerant, sed de his qui esse
in Ecclesia poterant, loquebatur; qui tunc nova et vetera proferunt, cum
utriusque testamenti praedicamenta vocibus et moribus loquuntur. Hilarius in Matth. Discipulis enim est
locutus, quos Scribas propter scientiam nuncupat, eo quod intellexerint ea
quae ille nova et vetera, idest in Evangeliis et lege protulit, quae sunt et
eiusdem patrisfamilias, uniusque utraque thesauri: ipsos etiam sub
patrisfamilias nomine sibi comparat, eo quod doctrinam de spiritus sancti
thesauro suo novorum ac veterum sunt adepti. Hieronymus. Vel apostoli instructi Scribae
dicuntur, quasi notarii salvatoris, qui verba illius et praecepta signabant
in tabulis cordis carnalibus rerum caelestium sacramentis, et pollebant
opibus patrisfamiliae, eicientes de thesauro doctrinarum suarum nova et
vetera: ut quicquid in Evangelio praedicabant, legis et prophetarum vocibus
comprobarent. Unde et sponsa dicit in cantico canticorum: nova cum veteribus,
dilecte mi, servavi tibi. Gregorius in Evang. Vel aliter. Vetus est ut
pro culpa humanum genus in aeterna poena intereat, et novum ut conversus in
regnum vivat. Prius autem de regni similitudine thesaurum inventum ac
margaritam bonam protulit; postmodum Inferni poenas de malorum combustione
narravit: atque in conclusione subiungit ideo doctus Scriba, etc...; ac si
dicat: ille in sancta Ecclesia doctus praedicator est qui et nova scit
proferre de suavitate regni, et vetusta dicere de terrore supplicii: ut vel
poenae terreant quos praemia non invitant. |
Versets 51-52.
— Saint Jean Chrysostome : (Hom.
48.) Après
que le peuple s’est retiré, le Seigneur continue de parler à ses disciples en
paraboles, parce que cette méthode d’enseignement a ouvert leur intelligence
et leur a fait comprendre les paroles du Seigneur. Il leur demande donc: « Avez-vous compris toutes ces
choses ? Ils lui répondent: Oui. » —
Saint Jérôme : Il s’adresse particulièrement aux
Apôtres, car il ne veut pas seulement qu’ils entendent comme le peuple, mais
comme des hommes qui doivent un jour enseigner les autres. —
Saint Jean Chrysostome : Il les félicite de nouveau
de ce qu’ils ont compris par les paroles suivantes: « C’est pourquoi tout docteur, devenu disciple du royaume des
cieux, ressemble à un maître de maison qui tire de son trésor des choses
nouvelles et des choses anciennes. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 20, 4.) Il ne dit pas des
choses anciennes et des choses nouvelles, ce qu’il n’eût pas manqué de faire,
s’il n’avait préféré suivre l’ordre que prescrivait le mérite de ces choses
plutôt que l’ordre des temps. Les Manichéens qui prétendent n’être en
possession que des promesses nouvelles de Dieu, restent ensevelis dans la
vétusté de la chair et introduisent en même temps la nouveauté de l’erreur. —
Saint Augustin : (Quest. évang.) Notre Seigneur a-t-il voulu,
par cette conclusion, expliquer ici quel est ce trésor caché dans le champ et
que l’on peut entendre des saintes Écritures composées de l’Ancien et du
Nouveau Testament; ou bien son dessein est-il de nous apprendre qu’on doit
regarder comme un homme docte dans l’Église celui qui comprend les anciennes
Écritures, même sous la forme de paraboles, en puisant dans les nouvelles les
principes d’une bonne interprétation (puisque le Seigneur lui-même a parlé en
paraboles dans le Nouveau Testament) ? Car s’il est celui en qui toutes
les Écritures reçoivent leur accomplissement et leur manifestation, et que
cependant il parle encore en paraboles jusqu’à ce que sa passion ait déchiré
le voile et qu’il n’y ait rien de caché qui ne soit révélé, nous devons en
conclure que ce qui avait été prédit de lui si longtemps avant sa venue sur
la terre était plus que tout le reste caché sous le voile des paraboles. Et
en voulant entendre ces prédictions à la lettre, les juifs ont refusé de
devenir instruits de ce qui concerne le royaume des cieux. — Saint Grégoire le Grand : (hom.
13.) Si
par ces choses nouvelles et anciennes nous entendons les deux Testaments,
nous serons forcés de ne point regarder Abraham comme docte et instruit, lui
qui connaissait sans doute les faits de l’Ancien et du Nouveau Testament,
mais qui n’en a point parlé. Nous ne pourrons pas non plus comparer Moïse à
ce docte père de famille, car s’il a enseigné les préceptes de l’Ancien
Testament, il n’a point promulgué les vérités de la loi nouvelle. Nous devons
donc entendre que Notre Seigneur ne parlait que de ceux qui existaient
autrefois, mais de ceux qui pouvaient faire partie de l’Église. Ce sont ces derniers
qui tirent de leur trésor des choses nouvelles et des choses anciennes
lorsque par leur vie comme par leurs paroles, ils annoncent les vérités
renfermées dans les deux Testaments. —
Saint Hilaire : (can. 14.) Jésus parle ici à ses disciples
et il les appelle scribes à cause de leur science, parce qu’ils ont compris
ce qu’il leur a enseigné de nouveau et d’ancien, c’est-à-dire son Évangile,
et ce qu’il leur a expliqué de la loi. La loi et l’Évangile ont tous les deux
pour auteur le même père de famille et sortent tous les deux du même trésor.
Sous ce nom de père de famille, il établit aussi une comparaison entre ses
disciples et lui-même, parce qu’ils ont puisé la doctrine des vérités
anciennes et des vérités nouvelles dans le trésor de l’Esprit saint. —
Saint Jérôme : Ou bien il donne aux Apôtres le nom
de scribes instruits, parce qu’ils étaient comme les secrétaires du Sauveur,
et qu’ils écrivaient ses paroles et ses préceptes sur les tables de chair du
cœur humain. (2 Co 3.) Riches des
mystères du royaume des cieux et des richesses du père de famille, ils
tiraient du trésor de leur doctrine des choses nouvelles et des choses
anciennes, c’est-à-dire qu’ils appuyaient toutes les vérités de l’Évangile
sur des témoignages de la loi et des prophètes. C’est pour cela que l’épouse
dit dans le Cantique des cantiques (Ct 7): « Mon bien-aimé, je vous ai réservé les choses nouvelles avec
les choses anciennes. » — Saint Grégoire le Grand : (hom. 12.) Ou bien encore, la chose ancienne, c’est que le genre humain, par suite de ses crimes, devait périr victime d’un supplice éternel, et la chose nouvelle, c’est qu’il se convertisse et qu’il vive dans le royaume des cieux. Il nous a donné d’abord comme figure du royaume le trésor trouvé et la pierre précieuse; il nous a fait connaître ensuite les peines de l’enfer où les méchants brûleront éternellement, et il conclut par ces paroles: « C’est pourquoi tout scribe instruit, etc... », paroles dont voici le sens: Celui-là doit être regardé dans l’Église comme un prédicateur instruit qui sait dire des choses nouvelles sur les douceurs ineffables du royaume des cieux, et des choses anciennes sur la rigueur des supplices éternels, afin que les châtiments épouvantent ceux qui demeurent insensibles à l’attrait des récompenses. |
Lectio 13 [85498] Catena in Mt., cap. 13 l. 13 Hieronymus.
Post parabolas quas dominus ad populum est locutus, et quas soli apostoli
intelligunt, transit in patriam suam, ut ibi apertius doceat: et hoc est quod
dicitur et factum est, cum consummasset Iesus parabolas istas transiit inde;
et veniens in patriam suam docebat eos in synagogis eorum. Augustinus de Cons. Evang. A superiori sermone
parabolarum istarum sic transit ut non ostendat consequentis ordinis
necessitatem; praesertim quia Marcus ab istis parabolis non in quod
Matthaeus, sed in aliud intendens, in quod et Lucas, ita contexuit
narrationem ut credibilius ostendatur hoc esse potius consequenter gestum
quod ipsi duo consequenter adiungunt, de navi scilicet in qua dormiebat
Iesus, et de miraculo expulsorum Daemoniorum; quae Matthaeus superius
recolens interposuit. Chrysostomus in Matth. Patriam autem eius hic
Nazareth vocat: non enim fecit ibi virtutes multas, ut infra dicitur, sed in
Capharnaum fecit multa signa; sed doctrinam eis ostendit non minorem
admirationem habentem quam signa. Remigius. In synagogis autem docebat, ubi
plurimi conveniebant: quia propter multorum salutem de caelis descendit ad
terras. Sequitur ita ut mirarentur et dicerent: unde huic
sapientia haec et virtutes? Sapientia refertur ad
doctrinam; virtutes vero ad miraculorum operationem. Hieronymus. Mira
stultitia Nazaraeorum. Mirantur unde habeat sapientiam sapientia, et virtutes
virtus; sed error in promptu est, quia fabri filium suspicantur: unde et
dicunt nonne hic est fabri filius? Chrysostomus in Matth. Per omnia ergo erant
insensati, vilipendentes eum ab eo qui aestimabatur esse pater; quamvis multa
horum exempla habentes in antiquis temporibus, et patrum ignobilium nobiles
videntes filios: etenim David cuiusdam agricolae Iesse fuit filius, et Amos
cuiusdam pastoris, et ipse pastor. Oportebat enim propter hoc maxime eum
honorare, quoniam a talibus existens talia loquebatur. Et hoc enim manifestum
quoniam non ex humana diligentia erat, sed ex divina gratia. Augustinus in Serm. Dom. infra Oct. Epiph. Est
autem pater Christi faber Deus, qui totius mundi opera fabricatus est, arcam
Noe disposuit, Moysi tabernaculum ordinavit, arcam testamenti instituit.
Fabrum dixerim, qui mentem rigidam explanat, ac cogitationes superbas excidit.
Hilarius in Matth. Fabri etiam hic erat
filius, ferrum ignea vincentis ratione, saeculi virtutem iudicio decoquentis,
massamque formantis in omne opus utilitatis humanae; formam scilicet corporum
nostrorum in diversa membrorum ministeria, et ad omnia aeternae vitae opera
fingentis. Hieronymus. Cum autem errent in patre, non est
mirandum si errent in fratribus: unde subditur nonne eius mater dicitur
Maria, et fratres eius Iacobus et Ioseph et Simon et Iudas? Et sorores eius
nonne apud nos omnes sunt? Hieronymus contra Helvidium. Fratres domini
hic appellantur filii materterae eius Mariae; et haec est mater Iacobi et
Ioseph, idest Maria Cleophae uxor Alphaei; et haec dicta est Maria mater
Iacobi minoris. Augustinus de quaest. Evang. Non ergo mirum
est dictos esse fratres domini ex materno genere quoscumque cognatos: cum
etiam ex cognatione Ioseph dici potuerint fratres eius ab illis qui eum
patrem domini esse arbitrabantur. Hilarius in Matth. Inhonoratur ergo dominus a
suis; et quamquam docendi prudentia et operandi virtus admirationem
commoveret, non tamen credunt haec in nomine domini agere, et paternae artis
quodam opprobrio lacessunt. Inter tot ergo magnifica quae gerebat, corporis
eius contemplatione commovebantur; et ideo dicunt unde huic omnia ista?
Sequitur et sic scandalizabantur in eo. Hieronymus. Error Iudaeorum salus nostra est,
et haereticorum condemnatio: intantum enim cernebant hominem Iesum Christum
ut putarent filium fabri. Chrysostomus in Matth. Intuere enim Christi
mansuetudinem: conviciatus est; sed cum multa mansuetudine respondit: unde
sequitur Iesus autem dixit eis: non est propheta sine honore nisi in patria
sua et in domo sua. Remigius. Prophetam seipsum appellat; quod et
Moyses manifestat cum dicit: prophetam suscitabit Deus de fratribus vestris
vobis. Et hoc sciendum, quia non solum Christus, qui est caput omnium
prophetarum, sed etiam Ieremias, Daniel, et ceteri minores prophetae maioris
honoris et dignitatis fuerunt apud exteros quam apud suos. Hieronymus. Propemodum enim naturale est cives
semper civibus invidere: non enim considerant praesentia viri opera, sed
fragilis recordantur infantiae: quasi non et ipsi per eosdem aetatum gradus
ad maturam aetatem venerint. Hilarius in Matth. Inhonorabilem etiam
prophetam in patria sua esse respondit, quia in Iudaea esset usque ad crucis
sententiam condemnandus, et quia penes solos fideles Dei virtus est: et
propter eorum incredulitatem operibus divinae virtutis abstinuit: unde
sequitur et non fecit ibi virtutes multas propter incredulitatem eorum. Hieronymus. Non quod etiam incredulis illis
facere non potuit virtutes multas; sed quod ne multas faciens virtutes, cives
incredulos condemnaret. Chrysostomus in Matth. Si autem admiratio ei
adveniebat ex miraculis, quare non multa fecit? Quia non ad ostentationem suam inspiciebat, sed ad ea quae aliis erant
utilia. Hoc igitur non proveniente, despexit quod erat
sui ipsius, ut non poenam eis augeat. Cur igitur vel pauca fecit signa? Ut
non dicant: si utique facta essent signa, nos credidissemus. Hieronymus. Potest etiam aliter intelligi:
quod Iesus despiciatur in domo, et in patria sua, hoc est in populo
Iudaeorum; et ideo ibi pauca signa fecerit, ne penitus inexcusabiles fierent;
maiora autem signa quotidie in gentibus per apostolos facit non tam in
sanatione corporum quam in animarum salute. |
Versets 53-58.
—
Saint Jérôme : Après ces paraboles que Notre
Seigneur avait proposées au peuple et que les apôtres seuls avaient
comprises, il vint dans sa patrie pour y enseigner plus ouvertement. C’est ce
que l’Évangéliste rapporte en ces termes: « Lorsque Jésus eut achevé
ces paraboles, il partit de là ; et étant venu dans sa patrie, il les
enseignait dans leur synagogue ». —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 45.) Saint
Matthieu passe de ces discours en paraboles à un autre sujet sans indiquer
qu’il suit un ordre rigoureux d’autant plus que saint Marc (Mc 4) et saint
Luc (Lc 8), en cela différents de saint Matthieu, paraissent avoir disposé
leur narration d’une manière plus conforme à l’ordre chronologique des faits,
en plaçant après ces paraboles les deux miracles du sommeil de Jésus dans la
barque pendant la tempête et des démons chassés, miracles que saint Matthieu
a entremêlés précédemment dans son récit. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
49.) L’Évangéliste
appelle ici Nazareth sa patrie; il n’y fit pas beaucoup de miracles, ainsi
qu’il le dit plus bas, mais il les multiplia dans Capharnaüm, où il développa
en même temps sa doctrine qui ne devait pas moins les frapper d’admiration
que ses miracles. —
Saint Rémi : Il enseignait dans les synagogues où
les Juifs se rassemblaient en foule, parce qu’il était descendu du ciel sur
la terre pour le salut d’un grand nombre. Suite : « de sorte qu’étant saisis d’étonnement, ils disaient: D’où
lui est venue cette sagesse et cette puissance ? » La sagesse se rapporte à sa doctrine,
la puissance aux miracles qu’il opérait. —
Saint Jérôme : Aveuglement inconcevable des
Nazaréens, ils s’étonnent que la sagesse possède la sagesse, et que la
puissance fasse éclater la puissance (cf. 1
Co 1, 24). La cause de leur erreur est évidente; ils ne voient dans Jésus
que le fils d’un charpentier. D’où : N’est-ce pas le fils du
charpentier ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49.) Leur aveuglement s’étend à tout,
ils cherchent à le rabaisser par celui qu’ils regardent comme son père;
cependant l’histoire des temps anciens leur offrait un grand nombre
d’exemples d’enfants illustres nés de parents sans distinction: David était
fils de Jessé, simple laboureur; Amos était fils de bergers et berger
lui-même. C’était au contraire une raison de lui témoigner plus d’honneur,
puisque, malgré sa naissance si humble, il prêchait une doctrine si élevée,
car il était évident quelle n’était pas le résultat d’une éducation tout
humaine, mais un effet de la grâce divine. —
Saint Augustin : (Serm. pour la Nativ. de Notre-Seign.). Le
Père du Christ est en effet ce divin charpentier qui a fait l’univers avec
tout ce qu’il renferme, qui a donné le plan de l’arche de Noé et fait
connaître à Moïse l’ordonnance du tabernacle, établi l’arche d’alliance;
divin charpentier, dis-je qui aplanit les intelligences raboteuses et
retranche toutes les pensées orgueilleuses. —
Saint Hilaire : (can. 14.) Il était aussi le Fils de cet
ouvrier qui dompte le fer par le feu de sa raison, qui dissout toute la
puissance du monde dans les ardeurs de son jugement, qui plie la matière aux
usages de l’homme et qui donne à nos corps leur forme pour que les membres
puissent remplir leurs divers offices et concourir aux oeuvres de la vie
éternelle. —
Saint Jérôme : Après s’être trompés sur le père de
Jésus, il n’est point surprenant qu’ils se trompent également sur ses frères:
« Est-ce que sa mère ne s’appelle pas Marie et ses frères Jacques et
Joseph, Simon et Judas ? Et ses sœurs, ne sont-elles pas toutes chez
nous ? » —
Saint Jérôme : (contre Helvid.) Ceux qu’ils appellent les
frères du Seigneur sont les enfants de sa tante, Marie de Cléophas, femme
d’Alphée et mère de Jacques et de Joseph: Cette Marie était aussi la mère de
Jacques le Mineur. —
Saint Augustin : (Quest. évang., quest. 17 sur S. Matth.) Il n’est pas étonnant
qu’on ait appelé frères du Seigneur tous ses parents du côté maternel,
puisque ceux qui pensaient que Joseph était son père, appellent également ses
frères tous ceux qui étaient parents de Joseph. —
Saint Hilaire : Le Seigneur se voit donc méprisé à
cause de ses parents, et quoique la sagesse de son enseignement et l’éclat de
ses miracles dussent exciter leur admiration, ils ne peuvent croire que Jésus
agit au nom de son Père, parce qu’ils cherchent à l’outrager en lui rappelant
le métier de son père. Au milieu donc de tant de merveilles qu’il opérait
sous leurs yeux, son humanité seule fait impression sur eux, et ils disent: « D’où
lui viennent toutes ces choses ? » Suite : « Et il leur était un
sujet de scandale. » —
Saint Jérôme : Cette erreur des Juifs est la cause
de notre salut et en même temps la condamnation des hérétiques; ils
s’obstinaient tellement à ne voir qu’un homme en Jésus-Christ, qu’ils le
regardaient comme le fils d’un charpentier. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49.) Mais admirez ici la douceur de
Jésus-Christ: il a été injurié, mais leur répond avec la plus grande
modération: « Et Jésus leur dit: Un prophète n’est sans honneur que
dans son pays et dans sa maison. » —
Saint Rémi : Il se donne le nom de prophète et c’est
le nom que Moïse lui avait donné, lorsqu’il disait: « Dieu vous
suscitera un prophète du milieu de vos frères. » (Dt 18) Remarquons ici que ce n’est
pas seulement Jésus-Christ, le chef de tous les prophètes, mais encore
Jérémie et Daniel, et les autres petits prophètes qui ont reçu plus d’honneur
et de gloire parmi les étrangers qu’au milieu de leurs concitoyens. —
Saint Jérôme : En effet, il est presque dans la
nature que les habitants d’un même pays se jalousent mutuellement; ils ne
considèrent pas les oeuvres actuelles de l’homme fait, ils ne se rappellent
que les faiblesses de son enfance, comme s’ils n’avaient point eux-mêmes passé
par les mêmes degrés pour arriver à la maturité de l’âge. — Saint Hilaire : (can.
14.) Il
déclare qu’un prophète n’est pas honoré dans sa patrie, parce qu’il ne devait
recevoir que des mépris dans la Judée jusqu’au jour où il devait être
condamné à la mort de la croix, et que ce n’est qu’au milieu des fidèles
qu’il a été reconnu comme la puissance de Dieu. Il ne voulut point faire de
miracles par suite de leur incrédulité, comme le remarque l’Évangéliste: « Et
il ne fit pas là beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité. » —
Saint Jérôme : Ce n’est pas que leur incrédulité
rendît ces miracles impossibles, mais il ne voulait pas que ces nombreux
miracles fussent une cause de condamnation pour ses concitoyens. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49.) Mais puisqu’ils ne pouvaient
s’empêcher d’admirer les prodiges qu’il opérait, pourquoi ne les a-t-il pas
multipliés parmi eux ? C’est que le Seigneur n’agissait point par
ostentation et ne recherchait que l’intérêt des autres; or, il ne voyait pas
ici cet intérêt, il néglige donc ce qui lui est personnel pour ne pas
augmenter leur culpabilité et leur châtiment. Mais pourquoi donc en fit-il
quelques-uns ? Afin de leur ôter tout prétexte de dire: « Si vous
aviez fait des miracles, nous aurions cru. » —
Saint Jérôme : On peut encore entendre ces paroles
dans un autre sens, c’est-à-dire que Jésus a été méprisé dans sa maison et
dans sa patrie (par le peuple juif), et qu’il n’y a fait que peu de miracles,
afin qu’ils ne fussent pas entièrement inexcusables. Tous les jours, au
contraire, il opère par ses Apôtres de plus grands prodiges au milieu des
nations, moins pour la guérison des corps que pour le salut des âmes. |
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Caput 14 |
CHAPITRE 14 —
[Rejet de plus en plus fort]
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Lectio 1 [85499] Catena in Mt.,
cap. 14 l. 1 Glossa. Quia supra Evangelista
ostenderat quomodo Pharisaei Christi miracula calumniabantur, concives autem
eius haec admirantes, Christum tamen contemnebant, refert nunc quam opinionem
ex auditis miraculis Herodes de Christo conceperat: unde dicitur in illo
tempore audivit Herodes tetrarcha famam Iesu. Chrysostomus in Matth. Non absque causa
hic tempus Evangelista designat, sed ut discas tyranni superbiam et
negligentiam: neque enim a principio didicit ea quae erant de Christo, sed
post plurimum tempus: sic etiam multi qui in potestatibus sunt multa elatione
circumdati, huiusmodi tarde addiscunt, quia non multam horum faciunt curam.
Augustinus de Cons. Evang. Dixit autem
Matthaeus in illo tempore, non: in illo die, vel ipsa hora: nam et Marcus
quidem hoc eodem modo dicit, sed non eodem ordine; sed postquam discipulos ad
praedicandum misit; nulla tamen facta necessitate, qua hoc consequenter
gestum esse intelligeretur. Lucas etiam narrandi eum ordinem tenet quem et
Marcus; nec ipse tamen rerum gestarum ordinem fuisse eumdem credi cogit. Chrysostomus in Matth. Vide
ergo quam magnum quid est virtus: nam et defunctum Ioannem Herodes
formidavit, et de resurrectione philosophatur: et ideo sequitur et ait pueris
suis: hic est Ioannes Baptista: ipse surrexit a mortuis, et ideo virtutes
operantur in eo. Rabanus. Sed quanta est invidia Iudaeorum, ex
isto loco docemur. Ioannem enim a mortuis potuisse resurgere nullo attestante
Herodes alienigena pronuntiavit; Iudaei vero Christum quem prophetae
praedixerant, non resurrexisse, sed furtim ablatum esse credere maluerunt. In quo insinuatur, quod promptior est animus gentium ad credulitatem
quam Iudaeorum. Hieronymus. Quidam autem
ecclesiasticorum interpretum quaerit quare Herodes ista sit suspicatus, ut
putet Ioannem a mortuis resurrexisse: quasi alieni erroris nobis reddenda sit
ratio, aut ex his verbis habeat occasionem haeresis metempsychoseos, quae
post multos annorum circulos in diversa corpora dicit animas insinuari: cum
eo tempore quo Ioannes decollatus est, dominus triginta annorum esset. Rabanus. Bene autem de resurrectionis
virtute omnes senserunt, quod maioris potentiae sunt sancti futuri cum a
mortuis resurrexerint, quam fuere dum adhuc carnis infirmitate gravarentur:
propterea dicit et ideo virtutes operantur in eo. Augustinus de Cons. Evang. Lucas autem dicit:
et ait Herodes: Ioannem ego decollavi. Quid est iste de quo audio talia? Quia
ergo haesitantem Lucas commemoravit Herodem, intelligendum est, aut post hanc
haesitationem confirmasse in animo suo quod ab aliis dicebatur, cum dixit
pueris suis, sicut hic Matthaeus narrat, hic est Ioannes Baptista; aut ita
pronuntianda sunt haec verba ut haesitantem adhuc indicent: utroque enim modo
pronuntiari potest: ut aut confirmatum eum ex aliorum verbis accipiamus, aut
adhuc eum haesitantem, ut Lucas commemorat. Remigius. Forte autem quaeret aliquis quare
dicat Matthaeus in illo tempore audivit Herodes, cum longe superius dicat,
quod mortuo Herode, reversus est dominus ex Aegypto. Sed haec quaestio solvitur,
si intelligatur duos fuisse Herodes: mortuo namque priore Herode, successit
ei Archelaus filius eius, qui post decem annos relegatus est exilio apud
Viennam urbem Galliae. Deinde Caesar Augustus iussit dividi illud regnum in
tetrarchias, et tres partes dedit filiis Herodis. Iste ergo Herodes qui
Ioannem decollavit, est filius maioris Herodis, sub quo dominus natus est; et
ut hoc ostenderet Evangelista, addit tetrarcha. Glossa. Quia vero dixerat de opinione
resurrectionis Ioannis, cum nihil de morte dixisset, ideo revertitur, et
narrat qualiter obierit. Chrysostomus in Matth. Et hanc historiam nobis
Evangelista non principaliter inducit, quia totum studium fuit ei dicere de
Christo, et nihil aliud, nisi ad hoc conferre deberet. Dicit ergo Herodes
tenuit Ioannem et alligavit eum. Augustinus de Cons. Evang. Lucas quidem non
eodem ordine recordatur, sed circa Baptismum quo dominus baptizatus est; unde
hoc praeoccupasse intelligitur, ut narret quod multo post factum est. Cum
enim commemorasset Ioannes verba de domino, quod ventilabrum in manu eius
sit, continuo hoc subiecit, quod non continuo factum esse Ioannes Evangelista
exponit, cum commemoret, postea quam baptizatus est Iesus, iisse eum in
Galilaeam, et post rediisse in Iudaeam, et ibi baptizasse circa Iordanem,
antequam Ioannes in carcerem missus esset. Sed nec Matthaeus nec Marcus eo
ordine de Ioanne in carcerem misso in sua narratione posuerunt: quod factum
apparet in eorum scriptis: nam et ipsi dixerunt, tradito Ioanne dominum iisse
in Galilaeam; et post multa quae fecit ibi, ex occasione famae venientis ad
Herodem de Christo, narrant omnia quae de Ioanne fuerunt incluso et occiso.
Causam autem quare positus sit in carcerem, ostendit cum dicit propter
Herodiadem uxorem fratris sui. Dicebat enim illi Ioannes: non licet tibi
habere eam. Hieronymus. Vetus narrat historia, Philippum
Herodis maioris filium, fratrem huius Herodis, duxisse uxorem Herodiadem
filiam Arethae regis Arabum; postea vero socerum eius, exortis quibusdam
contra generum simultatibus, tulisse filiam suam, et in dolorem prioris
mariti, Herodis inimici eius nuptiis copulasse. Ergo Ioannes Baptista, qui
venerat in spiritu et virtute Eliae, eadem auctoritate qua ille Achab
corripuerat et Iezabel, arguit Herodem et Herodiadem, quod illicitas nuptias
fecerint, et non liceat fratre vivente germano, uxorem eius ducere; malens
periclitari apud regem, quam propter adulationem esse immemor praeceptorum
Dei. Chrysostomus in Matth. Non tamen uxori
loquitur, sed viro eius, quoniam principalior erat hic; forsan enim legem
Iudaeorum tenebat; et ideo Ioannes eum ab adulterio prohibuit. Sequitur et
volens eum occidere timuit populum. Hieronymus. Seditionem quidem populi verebatur
propter Ioannem, a quo sciebat turbas in Iordane plurimas baptizatas; sed
amore vincebatur uxoris, ob cuius ardorem etiam Dei praecepta neglexerat.
Glossa. Timor enim Dei corrigit; timor hominum
differt, sed voluntatem non aufert: unde et avidiores reddit ad crimen quos
aliquando suspendit a crimine. |
Versets 1-5.
— La Glose : L’Évangéliste, après nous avoir raconté l’interprétation calomnieuse
que les pharisiens donnaient des miracles de Jésus-Christ et comment ses
concitoyens, tout en les admirant, n’avaient cependant que du mépris pour
lui, rapporte l’opinion qu’Hérode avait conçue du Christ au récit des
prodiges qu’il opérait: « En ce
temps-là, Hérode le tétrarque apprit ce qui se disait de Jésus ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49.) Ce n’est pas sans raison que
l’Évangéliste désigne ici le temps d’une manière précise; il veut vous
apprendre tout à la fois l’orgueil du tyran et son indifférence. En effet, ce
n’est point tout d’abord et un des premiers, mais beaucoup plus tard, qu’il
apprend les prodiges opérés par le Christ; c’est ainsi que la plupart des
puissants du monde, séduits par le faste qui les environne, tardent à
s’instruire des vérités du salut, parce qu’ils n’y attachent pas grande
importance. —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 43.) Saint
Matthieu dit: « En ce
temps-là, » et non pas: « Dans ce jour-là, » ou « A
cette heure »; c’est qu’en effet saint Marc, qui raconte le même fait de
la même manière (Mc 6), ne suit pas le même ordre. Il le place après que
Notre Seigneur a envoyé ses disciples prêcher l’Évangile et sans faire supposer
qu’il y ait une liaison rigoureuse entre ces deux faits. Saint Luc (Lc 9)
suit le même ordre que saint Marc, mais sans nous forcer d’admettre que c’est
l’ordre dans lequel les faits se sont passés. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
49.) Voyez
quelle est la puissance de la vertu: Hérode redoute Jean-Baptiste, bien qu’il
soit mort, et s’entretient de sa résurrection: « Et il dit à ses courtisans: C’est Jean-Baptiste. Il est
ressuscité des morts et il accomplit des choses merveilleuses en celui-là. » — Raban : Nous pouvons
juger ici combien grande était la jalousie des Juifs. Hérode, qui n’est qu’un
étranger, déclare que Jean-Baptiste est peut-être ressuscité d’entre les
morts, et cela sans que personne le lui ait attesté, et les Juifs ont mieux
aimé croire que le Christ, dont les prophètes avaient annoncé la
résurrection, n’était pas ressuscité, qu’il avait été enlevé frauduleusement
de son tombeau, preuve que les Gentils étaient bien mieux disposés à
embrasser la foi que les Juifs. —
Saint Jérôme : Un interprète ecclésiastique demande
ici comment Hérode a pu soupçonner que Jean était ressuscité d’entre les
morts. Comme si c’était à nous de rendre raison d’une erreur qui nous est
étrangère !, et l’hérésie de la métempsycose ne peut s’appuyer sur ce
passage pour soutenir qu’après bien des années révolues les âmes viennent
animer des corps différents, puisque Notre Seigneur avait trente ans lorsque
Jean fut décapité. — Raban : Tous
ceux qui croient à la résurrection des morts ont admis en même temps avec
raison que les saints jouiront alors d’une puissance plus grande que celle
qu’ils avaient lorsqu’ils étaient appesantis par l’infirmité de la chair.
C’est pour cela qu’Hérode dit: « Et
il se fait des miracles par lui. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang.) Dans saint Luc, au
contraire, nous lisons: « Et
Hérode dit: J’ai fait mourir Jean; quel est donc celui-ci dont j’apprends de
telles choses ? » Puisque saint Luc nous représente Hérode
étant encore dans le doute, il faut admettre que ce doute fit place à la
conviction dans son esprit sur ce qu’on lui avait rapporté, lorsqu’il dit à
ses courtisans, d’après saint Matthieu: « Celui-ci
est Jean-Baptiste; » ou bien il faut voir dans ces paroles
l’expression d’un esprit qui doute encore, car elles sont susceptibles de ces
deux sens et peuvent signifier ou bien qu’Hérode était convaincu par le
rapport des autres, ou qu’il doutait encore, comme saint Luc paraît
l’indiquer. —
Saint Rémi : Peut-être nous demandera-t-on ici
pourquoi saint Matthieu s’exprime de la sorte: « En ce temps-là Hérode apprit, » etc..., tandis qu’il
raconte bien auparavant que ce n’est qu’après la mort d’Hérode que le Seigneur
revint d’Egypte, Cette difficulté n’existe plus dès qu’on admet qu’il y eut
deux Hérodes. Le premier Hérode étant mort, eut pour successeur Archélaüs,
son fils, qui dix ans après fut exilé à Vienne, dans les Gaules.
César-Auguste divisa alors ce royaume en quatre tétrarchies, et en donna
trois parties aux enfants d’Hérode. Cet Hérode qui fit décapiter
Jean-Baptiste est donc le fils d’Hérode le Grand sous le règne duquel naquit
Notre Seigneur, et c’est pour bien marquer cette différence que l’Évangéliste
lui donne le nom de tétrarque. — La Glose : L’Évangéliste ayant
rapporté ce que pensait Hérode de la résurrection de Jean, sans rien dire de
sa mort, revient sur ses pas pour raconter la manière dont mourut Jean-Baptiste. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49.) Il n’a point donné à ce récit une
très grande importance, car tout son dessein était de nous transmettre ce qui
avait rapport à Jésus-Christ et rien d’autre, si ce n’est ce qui pouvait
concourir au même but. Il le commence donc en ces termes: « Hérode ayant fait arrêter Jean,
l’avait fait charger de chaînes. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 44.) Saint Luc ne
rapporte pas ce fait dans le même ordre, mais il le joint au récit qu’il fait
du baptême de Notre Seigneur. C’est donc la narration anticipée d’un
événement qui n’arriva que longtemps après, puisqu’il le place immédiatement
après les paroles de Jean-Baptiste qui nous montrent le Seigneur le van à la
main. Or, d’après l’Évangéliste saint Jean, cet événement n’arriva pas
aussitôt le baptême de Jésus, puisqu’il nous raconte qu’aussitôt son baptême,
Jésus alla dans la Galilée, puis revint dans la Judée, y baptisa sur les
bords du Jourdain, et tout cela avant que Jean fût mis en prison. Ni saint
Matthieu, ni saint Marc n’ont raconté dans cet ordre la captivité de
Jean-Baptiste, comme le prouvent leurs écrits, car ils rapportent que lorsque
Jean fut arrêté, le Seigneur se trouvait dans la Galilée, et après avoir
raconté les nombreux miracles qu’il y opéra, à l’occasion de la renommée du
Christ qui parvint jusqu’aux oreilles d’Hérode, ils racontent tout ce qui a
rapport à la prison et à la mort de Jean-Baptiste: Quant à la cause pour
laquelle il fut jeté en prison, saint Matthieu nous la fait connaître, par ce
qu’il ajoute: « A cause
d’Hérodiade, épouse de son frère; car Jean lui disait: Il ne vous est pas
permis d’avoir cette femme. » —
Saint Jérôme : Une ancienne histoire nous apprend
que Philippe, fils d’ Hérode le Grand, et frère de celui-ci, épousa
Hérodiade, fille d’Aretas, roi d’Arabie. Plus tard son beau-père, par suite
de certains débats qu’il eut avec son gendre, reprit sa fille, et pour punir
son premier mari la donna pour femme à Hérode, ennemi de Philippe. Or,
Jean-Baptiste qui était venu dans l’esprit et la vertu d’Elie, reprit Hérode
et Hérodiade de cette union criminelle avec la même autorité dont Elie avait
fait preuve à l’égard d’Achab et de Jézabel (3 R 21, 14. 15. 16. 19). Il lui déclara que du vivant de son frère,
il ne pouvait épouser sa femme; et il aima mieux encourir la haine implacable
du roi que de sacrifier par une basse flatterie les commandements de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49.) Cependant ce n’est pas à cette
femme qu’il s’adresse, mais à celui qui l’a épousée, parce qu’il était le
chef; d’ailleurs il professait probablement la loi judaïque, et c’est au nom
de cette loi que Jean lui défend l’adultère. Suite :
« Et il
voulait le faire mourir, mais il craignait le peuple. » —
Saint Jérôme : Il craignait que la réputation de
Jean qui avait baptisé un grand nombre de juifs n’excitât une sédition
populaire; mais il était esclave de sa passion pour cette femme, et cette
passion lui faisait perdre de vue les préceptes de la loi divine. — La Glose : La crainte de Dieu réforme [la volonté coupable]; la crainte des hommes l’arrête pour un instant, mais ne la change pas; elle rend plus ardents pour le crime ceux dont elle a enchaîné quelque temps les violents désirs. |
Lectio 2 [85500] Catena in Mt.,
cap. 14 l. 2 Chrysostomus in Matth. Postquam
enarravit Evangelista incarcerationem Ioannis, prosequitur de occisione
ipsius, dicens die autem natalis Herodis saltavit filia Herodiadis in medio.
Hieronymus. Nullum
invenimus alium observasse diem natalis sui, nisi Herodem et Pharaonem: ut
quorum erat par impietas, esset una solemnitas. Remigius. Et sciendum, quod consuetudo est non
solum divitum, sed etiam pauperum mulierum, ita pudice filias suas nutrire ut
vix ab extraneis videantur. Haec autem impudica mulier impudice filiam suam
nutrivit, quam non docuit pudorem, sed saltationem. Nec minus reprehendendus
est Herodes, qui oblitus est domum suam esse aulam regiam, quam praedicta
mulier fecerat theatrum: unde sequitur et placuit Herodi: unde cum iuramento
pollicitus est ei dare quodcumque postulasset ab eo. Hieronymus. Ego autem non excuso Herodem quod
invitus et nolens propter iuramentum homicidium fecerit, qui ad hoc forte
iuravit ut futurae occisionis machinas praepararet: alioquin, si ob
iusiurandum fecisse se dicit, si matris, si patris postulasset interitum,
facturus fuerat, an non? Quod in se ergo
repudiaturus fuit, contemnere debuit in propheta. Isidorus. In malis ergo promissis rescinde
fidem. Impia est promissio quae scelere adimpletur. Illud non est observandum
sacramentum quo malum incaute promittitur. Sequitur at illa praemonita a
matre sua, da mihi, inquit, hic in disco caput Ioannis Baptistae. Hieronymus. Herodias enim timens ne Herodes
aliquando resipisceret, vel Philippo fratri amicus fieret, atque illicitae
nuptiae repudio solverentur, monet filiam ut in ipso statim convivio Ioannis
caput postulet: digno operi saltationis dignum sanguinis praemium. Chrysostomus in Matth. Duplex est autem hic
puellae accusatio: et quoniam saltavit, et quoniam ita ei placuit ut
occisionem expeteret in mercedem. Vide autem qualiter crudelis et qualiter
mollis est Herodes: seipsum enim obnoxium iuramento facit, illam autem
dominam petitionis constituit. Quia ergo scivit quod ex eius petitione malum
eveniebat, tristatus est: unde sequitur et contristatus est rex. Virtus enim
etiam apud malos admiratione et laudibus digna est. Hieronymus. Vel aliter. Consuetudinis
Scripturarum est ut opinionem multorum sic narret historicus quomodo eo
tempore ab omnibus credebatur. Sicut Ioseph ab ipsa quoque Maria appellabatur
pater Iesu, ita et nunc Herodes dicitur contristatus, quia hoc discumbentes
putabant. Dissimulator enim mentis suae, et artifex homicidii, tristitiam
praeferebat in facie, cum laetitiam haberet in mente. Sequitur propter
iusiurandum, et propter eos qui pariter recumbebant iussit dari. Scelus
excusat iuramento, ut sub occasione pietatis impius fieret. Quod autem
subicit et propter eos qui pariter discumbebant, vult omnes sceleris sui esse
consortes, ut in luxurioso convivio cruentae epulae deferrentur. Chrysostomus in Matth. Si autem testes habere
periurationis formidavit, quanto magis timuisse oportebat tam iniquae
occisionis tantos testes habere? Remigius. Sed in eo minus peccatum factum est
causa maioris peccati: nam quia libidinosam voluntatem non extinxit, idcirco
ad luxuriam usque pervenit; et quia luxuriam non coercuit, ideo ad reatum
homicidii descendit: unde sequitur misitque et decollavit Ioannem in carcere;
et allatum est caput eius in disco. Hieronymus. Legimus in Romana historia,
Flaminium ducem Romanorum, quod accubanti iuxta meretriculae, quae nunquam
vidisse se diceret hominem decollatum, assensus sit ut reus quidam capitalis
criminis in convivio truncaretur, a censoribus pulsum curia, quod epulas
sanguini commiscuerit, et mortem, quamvis noxii hominis, in alterius delicias
praestiterit, ut libido et homicidium pariter miscerentur. Quanto sceleratior
Herodes et Herodias, ac puella quae saltavit: in pretium sanguinis petiit
caput prophetae, ut haberet in potestate linguam, quae illicitas nuptias
arguebat. Sequitur et datum est puellae et attulit matri suae. Glossa. Ut habeat in potestate linguam quae
illicitas nuptias arguebat. Gregorius Moralium. Sed non sine admiratione
gravissima perpendo, quod ille prophetiae spiritu intra matris uterum
impletus, quo inter natos mulierum nemo maior surrexit, ab iniquis in
carcerem mittitur; et pro puellae saltu capite truncatur; et vir tantae
severitatis pro risu turpium moritur. Numquidnam credimus aliquid fuisse quod
in eius vita illa sic despecta mors tergeret? Sed idcirco Deus suos sic
premit in infimis, quia videt quomodo remuneret in summis. Hinc ergo unusquisque
colligat quid illi passuri quos reprobat, si sic cruciat quos amat. Gregorius Moralium. Neque autem Ioannes de
confessione Christi, sed de iustitiae veritate requisitus occubuit. Sed quia
Christus est veritas, usque ad mortem pro Christo quasi pro veritate
pervenit. Sequitur et accedentes discipuli eius tulerunt
corpus eius et sepelierunt illud. Hieronymus. In quo
ipsius Ioannis et salvatoris discipulos intelligere possumus. Rabanus. Narrat autem Iosephus vinctum Ioannem
in castellum Mecheronta adductum, ibique truncatum; ecclesiastica vero narrat
historia sepultum eum in Sebastia urbe Palaestinorum, quae quondam Samaria
dicta est. Chrysostomus in Matth. Intende autem qualiter
discipuli Ioannis iam magis familiares facti sunt Iesu: ipsi enim sunt qui
annuntiaverunt ei quod factum est de Ioanne: unde sequitur et venientes
nuntiaverunt Iesu. Etenim universos dimittentes ad ipsum confugiunt; et ita
paulatim post calamitatem et responsionem a Christo datam directi sunt. Hilarius in Matth. Mystice autem Ioannes
praetulit formam legis: quia lex Christum praedicavit, et Ioannes profectus
ex lege est, Christum ex lege praenuntians. Herodes vero princeps est populi,
et populi princeps subiectae sibi universitatis nomen causamque complectitur.
Ioannes ergo Herodem monebat ne fratris sui uxorem sibi iungeret. Sunt enim
atque erant duo populi: circumcisionis et gentium. Hi igitur fratres ex eodem
sunt humani generis parente; sed Israelem lex admonebat ne opera gentium et
infidelitatem sibi iungeret, quae ipsis tamquam vinculo coniugalis amoris
annexa est. Die autem natalis, idest rerum corporalium gaudiis, Herodiadis
filia saltavit: voluptas enim tamquam ex infidelitate orta, per omnia Israel
gaudia totis illecebris suae cursibus efferebatur, cui se etiam sacramento
venalem populus addixit: sub peccatis enim et saeculi voluptatibus Israelitae
vitae aeternae munera vendiderunt. Haec matris suae, idest infidelitatis,
instinctu oravit deferri sibi caput Ioannis, idest gloriam legis; sed populus
boni eius quod in lege erat conscius, voluptatis conditionibus non sine
periculi sui dolore concedit; scitque se talem praeceptorum gloriam non
oportuisse concedere; sed peccatis tamquam sacramento coactus, et principum
adiacentium metu atque exemplo depravatus et victus, illecebris voluptatis
moestus obtemperat. Igitur inter reliqua dissoluti populi gaudia, in disco
Ioannis caput offertur: damnum scilicet legis, voluptas corporum, et
saecularis luxus augetur. Igitur per puellam ad matrem defertur; ac sic
probrosus Israel etiam voluptati et infidelitati suae gloriam legis addixit.
Finitis igitur legis temporibus, et cum Ioanne sepultis, discipuli eius res
gestas domino annuntiant, ad Evangelia scilicet ex lege venientes. Hieronymus. Vel aliter. Nos usque hodie
cernimus in capite Ioannis prophetae, Iudaeos Christum, qui caput prophetarum
est, perdidisse. Rabanus. Sed et linguam et vocem apud eos
perdidit propheta. Remigius. Vel aliter. Decollatio Ioannis
signat minorationem famae illius quae aestimatur a populo Christus, sicut
exaltatio domini in cruce signat profectum fidei: unde Ioannes dixerat: illum
oportet crescere, me autem minui. |
Versets 6-12.
— La Glose : [référence à vérifier] Après avoir raconté
l’emprisonnement de Jean-Baptiste, l’Évangéliste nous fait le récit de sa
mort: « Or, le jour de la
naissance anniversaire de la naissance d’Hérode, la fille d’Herodias
dansa au milieu des convives». —
Saint Jérôme : Nous ne voyons dans 1’Écriture que
Pharaon et Hérode qui aient célébré l’anniversaire de leur naissance; il
était juste qu’ils fussent unis pour la célébration de cette fête comme ils
l’étaient par leur impiété. —
Saint Rémi : Il faut se rappeler que non-seulement
les femmes riches, mais encore les plus pauvres ont coutume d’élever leurs
filles dans de si grands sentiments de pudeur, qu’elles demeurent presque
invisibles pour les étrangers. Mais cette femme impudique apprit à sa fille à
braver toute pudeur, et loin de lui donner des leçons de modestie, lui
enseigna la danse. Hérode ne fut pas moins coupable d’avoir oublié que sa
maison était une maison royale et d’avoir permis à cette femme d’en faire une
salle de spectacle. « Et elle plut
à Hérode de sorte qu’il promit avec serment de lui donner ce qu’elle
demanderait ». —
Saint Jérôme : Je ne puis excuser Hérode, d’avoir
commis cet homicide malgré lui et contre sa volonté, et par respect pour son
serment; car peut-être ne l’avait-il fait que pour préparer les voies à ce
meurtre affreux. Mais puisqu’il veut se justifier en alléguant son serment, l’aurait-il
exécuté si on lui eût demandé la mort de son père ou de sa mère ? Il
n’aurait fait aucun cas de ce serment [s’il se fût agi de personnes qui le
touchaient de si près]; ne devait-il pas le respecter davantage quand on lui
demandait la tête d’un prophète ? — Isidore : Lorsque vos promesses sont mauvaises, reprenez
votre parole; la pro-messe qui ne peut s’accomplir que par un crime est une
impiété, et on ne doit pas observer un serment par lequel on s’est
imprudemment engagé à commettre le mal. Suite :
« Celle-ci
ayant été instruite auparavant par sa mère dit: Donnez-moi présentement dans
un bassin la tête de Jean-Baptiste. » —
Saint Jérôme : Hérodiade, craignant qu’Hérode ne
vint à se repentir ou ne se réconciliât avec son frère Philippe, et que les
liens criminels qui l’unissaient à Hérode ne fussent rompus par une
répudiation, commande à sa fille de demander immédiatement et au milieu du
repas la tête de Jean. Le sang était le digne prix des pas d’une infâme
danseuse. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
49). Cette
fille est doublement coupable, par sa danse lascive, et pour avoir séduit
Hérode à ce point qu’elle pût demander un meurtre pour récompense. Voyez
quelle cruauté dans cette danseuse, et quelle faiblesse dans Hérode: il se
lie par un serment, et il la rend maîtresse de la demande [qu’elle voudra lui
faire]. Lorsqu’il vit le crime qui allait résulter de cette demande, il
s’attriste, dit l’Évangéliste: « et
le roi fut attristé. » Car la vertu force les méchants eux-mêmes à
lui payer le tribut de leur admiration et de leurs louanges. — Saint Jérôme : Ou bien dans un autre sens, c’est la coutume des Écritures que l’écrivain sacré rapporte comme la vérité l’opinion la plus commune parmi les contemporains. Ainsi, de même que Marie elle-même appelle Joseph le père de Jésus (Lc 2, 48), ainsi l’Évangéliste nous dit qu’Hérode fut contristé, parce que telle fut l’opinion des convives. Car ce fourbe, habile à dissimuler les sentiments de son âme, cet artisan d’homicide affectait un air triste pendant que son cœur était dans la joie. « A
cause du serment, et à cause des convives, il commanda qu’on la lui
donnât.» Il fait servir son serment d’excuse à son
crime et devient impie en se couvrant du manteau de la religion.
L’Évangéliste ajoute: « Et à cause
de ceux qui étaient à table avec lui. » C’est-à-dire qu’Hérode veut
les rendre tous complices de son crime, et, dans un festin où préside
l’impureté, leur servir des mets ensanglantés. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
49.) Mais
s’il craignait d’avoir des témoins de son parjure, ne devait-il pas craindre
beaucoup plus d’avoir tant de témoins de ce meurtre impie ? —
Saint Rémi : C’est ainsi qu’un premier crime l’a
entraîné dans un crime plus grand encore, il n’a point étouffé un désir
impudique, il est tombé dans la débauche, et pour n’avoir pas mis de frein à
sa passion voluptueuse, il s’est précipité dans le crime affreux de
l’homicide. « Et il envoya décapiter
Jean, dans sa prison. Sa tête fut apportée sur un plat.» —
Saint Jérôme : Nous lisons dans l’histoire romaine
que Flaminius, général romain, ayant près de lui, dans un festin, une
courtisane qui lui disait qu’elle n’avait jamais vu d’homme décapité,
commanda qu’un criminel condamné à mort fût exécuté sous ses yeux, au milieu
même du banquet. Les censeurs le chassèrent du sénat pour avoir osé associer
l’horreur du sang répandu aux joies d’un festin, et donné comme un spectacle
agréable la mort d’un homme, bien que coupable, joignant ainsi le libertinage
à l’homicide. Mais combien plus grand fut le crime d’Hérode, d’Hérodiade et
de cette jeune fille qui, comme prix d’une danse, demande la tête d’un
prophète, pour avoir en sa puissance cette langue qui avait condamné un
commerce criminel. Suite : « Et la tête de Jean fut donnée à cette fille, qui la porta à sa
mère. » — La
Glose : pour
avoir en sa puissance la langue qui avait condamné son commerce illicite. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 3, 5). Ce n’est pas sans un
étonnement profond que je considère cet homme, rempli de l’esprit de
prophétie dès le sein de sa mère (Lc 1),
et qui n’en eut point de plus grand que lui parmi ceux qui sont nés des
femmes, jeté en prison par les méchants, décapité pour récompenser la danse
lascive d’une jeune fille, et mourant, lui d’une sainteté si éminente, pour
l’amusement de gens infâmes ! Pourrions-nous penser, en effet, que cette
mort ignominieuse a été la peine de quelques fautes de sa vie ? Non,
Dieu n’abaisse et n’humilie ainsi ses élus sur la terre, que parce qu’il sait
comment il les récompensera dans les cieux; concluons de là ce que
souffriront un jour ceux qu’il réprouve, s’il tourmente ainsi ceux qu’il
aime. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 29, 16). Jean-Baptiste n’a pas été
mis à mort pour avoir confessé le nom du Christ, mais comme victime de la
vérité et de la justice. Or, comme le Christ est la vérité, c’est pour le
Christ qu’il a combattu jusqu’à la mort. Suite :
« Ses
disciples vinrent ensuite prendre son corps et l’ensevelir ». —
Saint Jérôme : Nous pouvons entendre ici les
disciples de Jean aussi bien que ceux du Sauveur. — Raban : Josèphe raconte
que Jean fut amené chargé de chaînes au château de Machéronte, et que ce fut
là qu’il fut décapité. L’histoire ecclésiastique nous apprend d’ailleurs
qu’il fut enseveli dans Sébaste, ville de Palestine, appelée autrefois
Samarie. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
50.) Remarquez
comment les disciples de Jean sont entrés dans une plus grande intimité avec
Jésus; ce sont eux qui viennent le trouver pour lui annoncer la mort du Baptiste:
« Et ils vinrent l’annoncer à Jésus. »
Ils abandonnent tous les autres pour se réfugier auprès de Jésus-Christ,
après avoir été amenés à lui peu à peu, et par la réponse qu’il leur avait
faite, et par le malheur qu’ils venaient d’éprouver. — Saint Hilaire : (can.
12.) Dans le sens mystique, Jean est la figure de la
loi, parce que c’est la loi qui a prédit le Christ, et c’est en prenant son
point de départ dans la loi qu’il annonçait lui-même le Christ. Hérode est le
roi du peuple, et en cette qualité, il représente seul la personne et la cause
de tout le peuple qui lui est soumis. Jean-Baptiste rappelait à Hérode qu’il
lui était défendu d’épouser la femme de son frère; car le peuple de la
circoncision et les Gentils formaient et forment deux peuples distincts. Ces
peuples sont frères et descendent de la souche commune du genre humain. Mais
la loi défendait au peuple d’Israël de se mêler aux oeuvres des Gentils et
d’imiter leur incrédulité, qui leur était étroitement unie comme par les
liens intimes du mariage. Or, le jour de sa naissance, c’est-à-dire au milieu
des joies profanes de la terre, la fille d’Hérodiade dansa; car la volupté
qui est comme la fille de l’infidélité, se mêlait à toutes les joies d’Israël
avec tous les mouvements désordonnés de ses charmes séducteurs, et le peuple
lui était vendu comme par un serment. En effet, les Israélites vendirent
honteusement les biens ineffables de la vie éternelle en se livrant aux
péchés et aux voluptés du siècle. Cette volupté, sous l’inspiration de sa
mère, c’est-à-dire de l’incrédulité, a demandé qu’on lui apportât la tête de
Jean-Baptiste, c’est-à-dire la gloire de la loi; mais le peuple, convaincu du
bien que renfermait la loi, ne consent pas aux exigences de la volupté sans
ressentir une vive douleur du danger auquel il s’expose; il sait qu’il
n’aurait pas dû sacrifier la gloire des commandements qui lui ont été donnés,
mais enchaîné par ses péchés comme par un serment, dépravé et vaincu par la
crainte et par l’exemple des princes qui l’entourent, il obéit avec tristesse
aux séductions de la volupté. La tête de Jean est donc apportée dans un plat
à la fin des joies dissolues de ce peuple impudique. C’est toujours au
détriment de la loi qu’on voit se développer et s’accroître la volupté des
sens et le luxe des mondains. Cette tête passe des mains de la fille dans
celles de la mère; c’est ainsi que le peuple d’Israël, par une honteuse
lâcheté, livre la gloire de la loi à la débauche et à l’incrédulité. Les
temps que devait durer la loi étant expirés et ensevelis avec Jean-Baptiste,
ses disciples viennent annoncer au Seigneur ce qui vient d’avoir lieu, et
passent ainsi de la loi à l’Évangile. —
Saint Jérôme : Ou bien encore, nous voyons jusqu’à
ce jour dans cette tête de Jean-Baptiste, qui était prophète, les Juifs qui
ont perdu Jésus-Christ, la tête et le chef des prophètes. — Raban : C’est parmi eux
que le prophète a perdu la langue et la voix. — Saint Rémi : Ou bien la décollation de Jean-Baptiste signifie l’amoindrissement que subit sa réputation dans l’opinion des Juifs, qui s’étaient imaginés qu’il était le Christ (Lc 3, 15); de même que l’élévation du Seigneur sur la croix représente le progrès de la foi, et c’est dans ce sens que Jean avait dit (Jn 1): « Il faut qu’il croisse, et moi que je diminue. » |
Lectio 3 [85501] Catena in Mt.,
cap. 14 l. 3 Glossa. Salvator, audita nece sui
Baptistae, secessit in locum desertum: unde sequitur quod cum audisset Iesus,
secessit inde in navicula in locum desertum seorsum. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem
continuo post Ioannis passionem Evangelista factum esse commemorat: unde post
haec, facta sunt illa quae primo narrata sunt; quibus motus Herodes dixit:
hic est Ioannes. Illa enim posteriora debent intelligi quae ad Herodem
pertulit fama, ut moveretur, et haesitaret quisnam iste esse posset de quo audiret
talia, cum Ioannem ipse occidisset. Hieronymus. Non autem secedit in locum
desertum, ut quidam arbitrantur, timore mortis; sed parcens inimicis suis, ne
homicidium homicidio iungerent; vel in diem Paschae suum interitum differens,
in quo propter sacramentum immolandus est agnus, et postes credentium
sanguine respergendi: sive ideo secessit ut nobis praeberet exemplum
temeritatis ultro se tradentium vitandae: quia non omnes eadem constantia
perseverant in tormentis qua se torquendos offerunt. Ob hanc causam in alio
loco praecipit: cum persecuti vos fuerint in ista civitate, fugite in aliam.
Unde eleganter quoque Evangelista non dicit: fugit in locum desertum, sed
secessit, ut persecutores vitaverit magis quam timuerit. Potest etiam aliam
ob causam, audito Ioannis interitu, secessisse in desertum locum, ut
credentium probaret fidem. Chrysostomus in Matth. Vel ideo hoc fecit quia
plura humanitus vult dispensare, nondum tempore existente denudandi suam
manifeste deitatem; propter quod et discipulis dixit, quod nulli dicerent
quod ipse esset Christus. Post resurrectionem autem volebat hoc fieri
manifestum. Ideo autem quamvis per se noverit quod factum est, tamen antequam
nuntiaretur ei, non secessit, ut demonstraret per omnia incarnationis veritatem:
non enim solo visu, sed operibus hoc credi volebat. Recedens vero non abiit in civitatem, sed in desertum in navigio, ut
nullus sequeretur. Turbae autem neque ita desistunt, sed
sequuntur; et neque quod gestum est de Ioanne eos terruit: unde sequitur et,
cum audissent turbae, secutae sunt eum pedestres de civitatibus. Hieronymus. Secutae sunt autem eum pedestres,
non in iumentis, non in vehiculis, sed proprio labore pedum, ut ardorem
mentis ostenderent. Chrysostomus in Matth. Et propter hoc statim
retributionem acceperunt: unde sequitur et exiens vidit turbam multam et
misertus est eis et curavit languidos eorum: etsi enim multa erat affectio
eorum qui civitates dimittebant, et diligenter eum quaerebant, sed tamen quae
ab ipso fiebant, omnis studii superexcedunt retributionem. Ideoque causam
talis curationis misericordiam ponit. Est autem magna misericordia quod omnes
curat, et fidem non expetit. Hilarius in Matth. Mystice autem Dei verbum,
lege finita, navem conscendens, Ecclesiam adiit, in desertum descendit:
relicta quippe conversatione Israel, in vacua divinae cognitionis pectora
transit. Turba autem hoc audiens, dominum de civitate sequitur in desertum,
de synagoga videlicet ad Ecclesiam tendens: quam videns misertus est, et
omnem languorem infirmitatemque curat, obsessas scilicet mentes et corda
infidelitatis vitio ad intelligentiam novae praedicationis emundat. Rabanus. Illud quoque notandum, quod postquam
dominus in desertum venerit, secutae sunt eum turbae multae: nam antequam
veniret in solitudinem gentium, ab uno tantum populo colebatur. Hieronymus. Relinquunt autem civitates suas,
hoc est pristinas conversationes et varietates dogmatum. Egressus autem Iesus
signat quod turbae quidem habebant eundi voluntatem, sed perveniendi vires
non habuerunt; ideo salvator egreditur de loco, et obviam pergit. |
Versets 13-14.
— La Glose : Le Sauveur ayant appris la mort de celui qui l’avait baptisé, se retira dans la solitude: « Jésus l’ayant appris, il monta dans une barque et se retira dans un lieu désert. » —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 45.) L’Évangéliste place cette
retraite du Seigneur immédiatement après le martyre de Jean-Baptiste: donc ce
n’est qu’après la mort du précurseur qu’est arrivé ce fait qu’il a raconté
d’abord: « Hérode, troublé de ce
qu’on lui apprenait de Jésus, dit: C’est Jean-Baptiste ! » On
doit donc regarder comme arrivés postérieurement les faits racontés par saint
Luc, que le bruit public porte jusqu’aux oreilles d’Hérode, et qui lui font
demander avec inquiétude quel est celui dont il apprend de telles choses,
après qu’il a fait lui-même mourir Jean-Baptiste. —
Saint Jérôme : S’il se retire dans un lieu désert,
ce n’est point par crainte de la mort, comme se l’imaginent quelques-uns,
mais pour épargner à ses ennemis d’ajouter un second homicide au premier.
Peut-être aussi voulait-il différer sa mort jusqu’à la fête de Pâques, jour
où l’agneau figuratif devait être immolé, et où les portes des croyants
devaient être marquées de son sang. Peut-être encore se retira-t-il pour nous
donner l’exemple de ne point nous exposer avec témérité à la persécution; car
tous ne supportent pas les tourments avec la même constance qu’ils mettent à
les affronter. C’est pour cela qu’il nous dit dans un autre endroit: « Lorsqu’ils vous persécuteront dans une
ville, fuyez dans une autre. » (Mt
10) L’expression dont se sert l’Évangéliste est d’ailleurs parfaitement
choisie; car il ne dit pas: Il s’enfuit dans un lieu désert, mais: « Il
se retira », de manière qu’il se dérobe plutôt à ses persécuteurs
qu’il ne les craint. Il a pu aussi, en apprenant la mort de Jean-Baptiste, se
retirer dans le désert pour un autre motif, c’est-à-dire pour éprouver la foi
de ceux qui croyaient en lui. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50.) Ou bien encore, c’est qu’il
voulait agir comme homme dans plus de choses, le temps n’étant pas encore
arrivé de dévoiler clairement sa divinité; c’est pour cela qu’il défend
ailleurs à ses disciples de dire à personne qu’il est le Christ, tandis
qu’après sa résurrection il veut qu’on le publie hautement. C’est pour le
même motif qu’il ne voulut pas se retirer avant qu’on lui eût appris ce qui
venait d’arriver, bien qu’il le sût parfaitement de lui-même, pour établir en
toute circonstance la vérité de son incarnation, et la faire croire non seulement
par le témoignage des yeux, mais par celui des oeuvres. Or, il se retire, non
pas dans une ville, mais dans le désert, et en montant dans une barque, afin
que personne ne pût le suivre. Mais le peuple ne l’abandonne pas, et le suit,
sans être effrayé de ce qui est arrivé à Jean-Baptiste. « Et le peuple l’ayant su, sortit des villes et le suivit à
pied, » etc... —
Saint Jérôme : Le peuple suit le Seigneur non sur
des chars ou sur des bêtes de somme, mais en se soumettant aux fatigues d’un
long voyage à pied, pour montrer le désir qu’il avait de s’attacher à Jésus. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50.) Cette sainte ardeur fut aussitôt
récompensée. « Lorsqu’il sortait,
dit l’Évangéliste, il vit une grande multitude et il en eut compassion, et il
guérit leurs malades. » L’affection de ce peuple, qui abandonnait
ses demeures pour le chercher avec tant d’empressement, était bien grande;
mais ce qu’il faisait en leur faveur était bien supérieur aux efforts de leur
zèle: aussi l’Évangéliste donne-t-il comme cause de ces guérisons la
miséricorde. Quelle plus grande miséricorde, en effet, que celle qui guérit
tous les malades qu’on lui présente, sans exiger d’eux la foi ! — Saint Hilaire : (can.
14.) Dans le sens mystique, le Verbe de Dieu,
lorsque la loi a cessé d’exister, monte dans une barque pour se réunir à
l’Église et se dirige vers le désert; il rompt tout commerce avec le peuple
d’Israël et passe dans les cœurs qui étaient vides de la connaissance de
Dieu. Le peuple, l’ayant appris, sort de la ville pour suivre le Seigneur au
désert, et quitte ainsi la synagogue pour entrer dans l’Église. A cette vue,
le Seigneur a pitié d’eux et guérit toutes leurs langueurs et toutes leurs
infirmités, c’est-à-dire qu’il purifie les âmes et les corps plongés dans la
léthargie de l’incrédulité, pour les rendre capables de comprendre la
doctrine de la loi nouvelle. — Raban : Remarquons encore
que c’est après qu’il s’est retiré dans le désert que de grandes foules le
suivent, car il n’était adoré que par un seul peuple avant qu’il se rendît
dans la solitude des nations. — Saint Jérôme : Ils abandonnent leurs villes, c’est-à-dire leurs anciennes habitudes de vie et leurs diverses croyances. Jésus va à leur rencontre et nous apprend par là que si ce peuple avait la volonté de venir le trouver il n’en avait pas la force, et c’est pour cela que le Sauveur sort lui-même et le prévient. |
Lectio 4 [85502] Catena in Mt.,
cap. 14 l. 4 Chrysostomus in Matth. Turbarum fidem
ostendit quod dominum etiam famem patientes expectabant usque ad vesperam:
ideo sequitur vespere autem facto, accesserunt ad eum discipuli eius
dicentes: desertus est locus, et hora iam praeteriit. Cibaturus
quidem eos dominus expectat rogari, quasi ubique non insiliens prior ad
miracula, sed vocatus. Ideo autem nullus de turba accedit: venerabantur enim
eum abundanter, et neque famis sensum accipiebant amore instantiae. Sed neque
discipuli accedentes dicunt: ciba eos; adhuc enim imperfectius erant
discipuli dispositi; sed dicunt desertus est locus: quod enim videbatur
Iudaeis in eremo esse miraculum, cum dicerent: numquid potest parare mensam
in deserto? Hoc et per opera ostendit. Propter hoc autem et in desertum eos
ducit, ut sine omni suspicione sit hoc miraculum, et nullus aestimet ex castello
aliquo prope existenti inferri aliquid ad mensam. Sed quamvis desertus sit
locus, tamen qui nutrit orbem terrarum, adest; etsi hora iam praeteriit, ut
dicunt, tamen qui non erat horae suppositus, loquebatur. Et quamvis
praeveniens discipulos dominus multos infirmos curaverit, tamen interim ita
imperfecti erant quod neque quid de panibus facturus erat, poterant
aestimare: unde subdunt dimitte turbas, ut euntes in castella emant sibi
escas. Vide autem magistri sapientiam: non enim statim dixit eis: ego cibabo
eos (neque enim hoc facile suscepissent); sed subditur Iesus autem dixit eis:
non habent necesse ire; date illis vos manducare. Hieronymus. In quo provocat apostolos ad
fractionem panis, ut illis se non habere testantibus, magnitudo miraculi
notior fieret. Augustinus de Cons. Evang. Potest autem
movere, si dominus, secundum narrationem Ioannis, prospectis turbis,
quaesivit a Philippo unde illis escae dari possent, quomodo sit verum quod
Matthaeus hic narrat prius dixisse domino discipulos ut dimitteret turbas,
quo possent alimenta emere de proximis locis. Intelligitur ergo, post haec
verba dominum inspexisse multitudinem, et dixisse Philippo quod Ioannes
commemorat, Matthaeus autem et alii praetermiserunt. Et omnino talibus
quaestionibus neminem moveri oportet, cum ab aliquo Evangelistarum dicitur
quod ab alio praetermittitur. Chrysostomus in Matth. Discipuli vero neque
per praemissa verba directi sunt, sed adhuc ut homini loquuntur: unde
sequitur responderunt ei: non habemus hic nisi quinque panes et duos pisces.
Addiscimus autem in hoc discipulorum philosophiam, qualiter contempserunt
escam. Duodecim enim existentes, quinque panes habebant et duos pisces:
contemptibilia enim illis erant corporalia, et a spiritualibus possidebantur.
Quia igitur discipuli adhuc ad terram trahebantur, iam dominus inducere
incipit quae ab ipso erant: unde sequitur qui ait eis: afferte illos mihi
huc. Propter quid autem non facit panes ex nihilo, quibus turbam pascat? Ut
scilicet obstruat Marcionis et Manichaei os, qui creaturas alienant a Deo; et
per opera doceat quoniam omnia quae videntur, eius opera et creationes sunt,
et ut ostendat quoniam ipse est qui fructus tradidit, qui dixit a principio:
terra germinet herbam virentem; neque enim hoc minus illo est. Non enim minus
est de quinque panibus facere panes tantos, et de piscibus similiter, quam de
terra educere fructum, et ab aquis reptilia, et alia animata; quod
demonstrabat eum esse dominum terrae et maris. Oportet autem erudiri
discipulorum exemplo: quoniam etsi pauca habuerimus, oportet ea retribuere
indigentibus. Iussi namque discipuli afferre quinque panes, non dicunt: unde
mitigabimus famem nostram? Sed obediunt confestim: unde sequitur et cum
iussisset turbam discumbere super faenum, acceptis quinque panibus et duobus
piscibus, aspiciens in caelum benedixit ac fregit. Quare autem aspexit in
caelum et benedixit? Oportebat namque credi de eo quoniam a patre est; et
quoniam ei aequalis est, aequalitatem demonstrabat, cum potestate omnia
faceret. A patre autem esse se monstrabat per hoc quod ad ipsum omnia
referens faciebat, invocans eum ad ea quae fiebant: et ideo ut utrumque
ostendat, nunc quidem potestate, nunc autem orans miracula facit. Deinde
considerandum, quod in minoribus quidem respicit in caelum, in maioribus
autem potestate omnia facit. Quando enim peccata dimisit, mortuos suscitavit,
mare refrenavit, occulta cordium redarguit, oculos condidit caeci nati, quae
solius Dei sunt, nequaquam videtur orans; quando autem panes multiplicans
fecit quod his omnibus minus est, tunc respexit in caelum; ut discas quoniam
et in minoribus non aliunde virtutem habet quam a patre. Simul autem erudit
nos non prius tangere mensam, donec gratias egerimus ei qui cibum dat nobis.
Propter hoc etiam et in caelum respicit: aliorum enim signorum multorum
exempla habebant discipuli, huius autem nullum. Hieronymus. Frangente autem domino, seminarium
fit ciborum; si enim fuissent integri, et non in frusta discerpti, et non
divisi in multiplicem segetem, tantam multitudinem alere non poterant. Turbae
autem a domino per apostolos alimenta suscipiunt: unde sequitur et dedit
discipulis panes, discipuli autem turbis. Chrysostomus in Matth. In quo quidem non solum
eos honoravit, sed voluit ut hoc miraculo facto, non increduli fiant, neque
obliviscantur cum praeterierit, manibus ipsis testantibus. Ideoque turbas
dimittit prius famis sensum accipere, et discipulos accedere et interrogare:
et ab ipsis accepit panes ut multa essent testimonia eius quod fiebat, et
multas rememorationes haberent miraculi. Ex hoc autem quod nihil amplius quam
panes et pisces eis dedit, et ex hoc quod omnibus communiter ea apposuit,
humilitatem, parsimoniam, et caritatem qua omnia aestimarent communia, eos
erudivit; quod et a loco docuit, cum super faenum eos discumbere fecit: non
enim nutrire solum corpora volebat, sed et animam erudire. Panes autem et
pisces in discipulorum manibus augebantur: unde sequitur et manducaverunt
omnes et saturati sunt. Sed neque usque ad hoc stetit miraculum: sed et
superabundare fecit, non panes integros, sed fragmenta; ut ostendat quoniam
illi panes neque quantum reliquiae erant, et ut absentes discant quod factum
est, et ne ullus quod factum est aestimet esse phantasiam; unde sequitur et
tulerunt reliquias duodecim cophinos plenos fragmentorum. Hieronymus. Unusquisque enim apostolorum de
reliquiis salvatoris implet cophinum suum, ut ex reliquiis doceat vero fuisse
panes qui multiplicati sunt. Chrysostomus in Matth. Propter hoc duodecim
cophinos superabundare fecit, ut et Iudas suum cophinum portaret. Accipiens
autem fragmenta, dedit discipulis et non turbis quae adhuc imperfectius
dispositae erant quam discipuli. Iuxta numerum quinque panum, et comedentium
virorum quinque millium multitudo est: unde sequitur manducantium autem fuit
numerus quinque millia virorum, exceptis mulieribus et parvulis. Chrysostomus in Matth. Hoc enim erat plebis
maxima laus; quoniam mulieres et viri astabant, quando hae reliquiae factae
sunt. Hilarius in Matth. Non autem quinque panes
multiplicantur in plures, sed fragmentis fragmenta succedunt. Crescit deinde materies, nescio utrum in mensarum loco, aut in
sumentium manibus. Rabanus. Hoc autem miraculum scripturus
Ioannes praemisit quia proximum esset Pascha; Matthaeus vero et Marcus hoc,
interfecto Ioanne, continuo factum esse commemorant: unde colligitur
imminente paschali festivitate fuisse decollatum, et anno post sequente, cum
paschale tempus rediret, mysterium dominicae passionis esse completum. Hieronymus. Omnia autem haec plena mysteriis
sunt; hoc enim facit dominus non mane, non meridie, sed vespere, quando sol
iustitiae occubuit. Remigius. Per vesperam enim mors domini
designatur: quia postquam ille verus sol in ara crucis occubuit, famelicos
satiavit. Vel per vesperum ultima aetas saeculi designatur, in qua filius Dei
veniens, turbas in se credentium refecit. Rabanus. Quod autem discipuli rogant dominum
ut dimittat turbas, ut emant sibi cibos per castella, signat fastidium
Iudaeorum contra turbas gentium, quos iudicabant magis aptos ut quaererent
sibi cibum in conventiculis Pharisaeorum, quam divinorum librorum uterentur
pastu. Hilarius in Matth. Sed dominus respondit non
habent necesse ire, ostendens eos quibus medetur, venalis doctrinae cibo non
egere neque necessitatem habere regredi ad Iudaeam, cibosque mercari:
iubetque apostolis ut escam darent. Numquid autem ignorabat non esse quod
dari posset? Sed erat omnis typica ratio explicanda: nondum enim concessum
apostolis erat ad vitae aeternae cibum caelestem panem perficere ac
ministrare: quorum responsio ad spiritualis intelligentiae ordinem tendit:
quia adhuc sub quinque panibus, idest quinque libris legis, continebantur; et
piscium duorum, idest prophetarum et Ioannis praedicationibus alebantur. Rabanus. Vel per duos pisces et prophetias et
Psalmos habemus: totum enim vetus testamentum in his tribus completur: lege,
prophetis et Psalmis. Hilarius. Haec igitur primum, quia in
his adhuc erant, apostoli obtulerunt; sed ex his Evangeliorum praedicatio in
maiorem suae virtutis abundantiam crescit. Accumbere post hoc supra faenum
populus iubetur, non iam in terra iacens, sed lege suffultus: et tamquam
terrae faeno, fructibus operis sui unusquisque substernitur. Hieronymus. Vel discumbere iubentur
super faenum, et secundum alium Evangelistam, per quinquagenos et centenos,
ut postquam calcaverint carnem suam, et saeculi voluptates quasi arens faenum
sibi subiecerint, tunc per quinquagenarii numeri praesentiam, ad perfectum
centesimi numeri culmen ascendant. Aspicit autem ad caelum, ut illuc
dirigendos oculos doceat. Frangitur autem lex cum prophetis, et in eius medio
proferuntur mysteria; ut quod integrum non alebat, divisum per partes alat
gentium multitudinem. Hilarius. Dantur autem apostolis panes,
quia per eos erant divinae gratiae dona reddenda. Idem autem edentium numerus
invenitur qui futurus fuerat crediturorum: nam, sicut in libro actuum
continetur, ex Hieronymus. Comederunt autem quinque millia
virorum, qui in perfectum virum creverant; mulieres autem et parvuli, sexus
fragilis et aetas minor, numero indigni sunt: unde et in numerorum libro,
servi, mulieres, et parvuli, et vulgus ignobile absque numero praetermittitur.
Rabanus. Turbis autem esurientibus, non nova
creat cibaria; sed acceptis eis quae habebant discipuli, benedixit: quia
veniens in carne, non alia quam quae praedicta sunt, praedicabat; sed legis
et prophetarum scripta mysteriis gravida esse demonstrat. Quod autem superest
turbis, a discipulis tollitur; quia secretiora mysteria, quae a rudibus capi
nequeunt, non sunt negligenter habenda, sed a duodecim apostolis; qui per
duodecim cophinos signantur, et ab eorum successoribus diligenter inquirenda.
Cophinis enim servilia opera aguntur; et Deus infirma mundi elegit, ut
confundat fortia. Quinque autem millia, pro quinque sensibus corporis, hi
sunt qui in saeculari habitu exterioribus recte uti noverunt. |
Versets 15-21.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 50.) Ce qui montre la foi de ce peuple, c’est que malgré la faim
qu’il éprouve, il persévère avec le Seigneur jusqu’au soir. « Le soir étant venu, ses disciples
s’approchèrent de lui et lui dirent: Ce lieu-ci est désert et l’heure est
déjà avancée. » Notre Seigneur, qui a le dessein de donner à manger
à cette multitude, attend cependant qu’il en soit prié. C’est ainsi que
jamais Il ne s’empresse de faire des miracles, mais qu’il attend toujours
qu’on lui en fasse la demande. Mais pourquoi donc n’en est-il pas un seul
dans toute cette multitude pour s’approcher de lui ? C’est par un
profond sentiment de respect, et le désir ardent d’être toujours avec lui
leur fait oublier le besoin de la faim. Les disciples eux-mêmes ne viennent
pas lui dire: Donnez-leur à manger, car leurs dispositions étaient encore
trop imparfaites; mais ils lui font remarquer que le lieu est désert. Ce que
les Juifs avaient regardé comme un miracle impossible dans le désert,
lorsqu’ils disaient: « Est-ce
qu’il pourra nous dresser une table dans le désert ? » (Ps 77) c’est ce que Jésus se propose
de faire. Il conduit ce peuple dans le désert, afin que ce miracle ne laisse
aucune place au doute et que personne ne puisse penser que c’est un des
bourgs voisins qui a fourni le pain qu’il distribue à ce peuple. Ce lieu est
désert, il est vrai, mais celui qui nourrit l’univers entier le remplit de sa
présence, et quoique l’heure soit passée, comme le font remarquer les
Apôtres, celui qui parle ici n’est pas soumis aux heures [dont se composent
nos journées]. Bien que pour préparer ses disciples à ce miracle il eût
commencé par guérir un grand nombre de malades, ils étaient encore si
imparfaits qu’ils ne pouvaient soupçonner le miracle qu’il devait opérer en
multipliant les pains, et c’est pour cela qu’ils lui disent: « Renvoyez le peuple, afin qu’il
aille dans les villages pour s’acheter des vivres.» Remarquez la sagesse
du divin Maître: il ne leur dit pas immédiatement: « Je les
nourrirai, » car ils ne
l’auraient pas cru facilement, mais il leur répond: « Il n’est pas nécessaire qu’ils s’en aillent, donnez-leur
vous-mêmes à manger. » —
Saint Jérôme : Il les presse ainsi de distribuer du
pain à la multitude, pour que la grandeur du miracle devînt plus éclatante
par l’aveu qu’ils feraient eux-mêmes qu’ils n’avaient pas de pain à lui
donner. —
Saint Augustin : (De l’accord des Evang., 2, 46.) On peut
être embarrassé pour concilier la narration de saint Jean, d’après laquelle
Notre Seigneur, à la vue de toute cette multitude, demande à Philippe comment
on pourrait donner à manger à tout ce peuple, avec ce que raconte ici saint
Matthieu, que les disciples prièrent Notre Seigneur de renvoyer le peuple
pour qu’il pût acheter des aliments dans les villages voisins. Pour résoudre
cette difficulté, il suffit de dire que c’est après ces paroles que le
Seigneur, ayant vu cette grande multitude, adresse à Philippe les paroles que
saint Jean rapporte et qu’ont omises saint Matthieu et les autres
évangélistes. Et en général, disons qu’un évangéliste peut raconter ce qu’un
autre a passé sous silence, sans qu’on doive se laisser arrêter par de
semblables difficultés. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
50.) Cette
réponse du Seigneur ne suffit pas pour donner aux disciples de plus hautes
idées; ils continuent de lui parler comme s’il n’était qu’un homme: « Et
ils lui répondirent: Nous n’avons ici que cinq pains et deux poissons ».
Cependant les disciples nous donnent ici une preuve de leur sagesse dans le
peu de souci qu’ils prennent de la nourriture. Ils étaient douze et n’avaient
que cinq pains et deux poissons. Ils méprisaient les besoins du corps, et ils
étaient tout entiers aux choses spirituelles. Mais comme leurs pensées se
tramaient encore sur la terre, le Seigneur les amène insensiblement au
miracle qu’il veut opérer: « Et il
leur dit: Apportez-moi ces pains. » Pourquoi donc n’a-t-il pas tiré
du néant ces pains avec lesquels il doit nourrir la foule ? C’est pour
fermer la bouche à Marcion et aux Manichéens, qui soutiennent que les
créatures sont complètement étrangères à Dieu, et pour montrer par ses
oeuvres que toutes les choses visibles sont sorties de sa main et ont été
créées par lui. C’est ainsi qu’il prouve quel est celui qui produisit les
fruits et qui a dit au commencement: « Que la terre produise les plantes verdoyantes. » (Gn 1.) Le miracle qu’il va faire
n’est pas moins grand, car il ne faut pas une moindre puissance pour faire
une quantité de pains avec cinq pains et de même avec quelques poissons que
pour faire sortir les fruits de la terre, et du sein des eaux les reptiles et
les animaux qui ont la vie et le mouvement, double création qui le proclame
le Seigneur de la terre et de la mer. L’exemple des disciples nous apprend
que le peu même que nous possédons nous devons le distribuer aux pauvres. En
effet, aussitôt que le Seigneur leur ordonne d’apporter leurs cinq pains, ils
obéissent aussitôt sans songer à répondre: « Comment pourrons-nous
apaiser notre faim ? » « Et
après avoir commandé au peuple de s’asseoir sur l’herbe, il prit les cinq
pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il les bénit, les
rompit. » Pourquoi lever les yeux au ciel et bénir ces pains ?
C’était pour déclarer qu’il venait du Père et qu’il était son égal. Il
prouvait qu’il était égal à son Père en agissant en tout avec puissance, et
il montrait qu’il venait du Père en lui rapportant tout ce qu’il faisait et
en l’invoquant avant toutes ses oeuvres. C’est comme preuve de cette double
vérité que tantôt il opérait ses miracles avec puissance, tantôt il priait
avant de les faire. Il faut de plus remarquer que pour les miracles moins
importants il lève les yeux vers le ciel, et que pour les plus éclatants, il
agit avec une puissance absolue. Ainsi, lorsqu’il remet les péchés, lorsqu’il
ressuscite les morts, quand il met un frein à la fureur des flots, quand il
juge les pensées secrètes des cœurs, quand il ouvre les yeux de l’aveugle-né,
oeuvres qui ne peuvent avoir que Dieu pour auteur, nous ne le voyons pas
recourir à la prière; mais lorsqu’il multiplie les pains (miracle inférieur à
ceux qui précèdent), il lève les yeux au ciel pour vous apprendre que même
dans les prodiges moins importants il n’agit point par une puissance
différente de celle de son Père. Il nous apprend en même temps à ne jamais
prendre nos repas avant d’avoir rendu grâces à Celui qui nous donne la
nourriture. C’est pourquoi il lève les yeux vers le ciel. Car s’ils avaient
déjà été témoins d’un grand nombre de miracles, ils n’en avaient pas encore
vu de semblable. —
Saint Jérôme : Le Seigneur rompt le pain, et le pain
se multiplie. Si ces pains étaient restés entiers et qu’ils n’avaient pas été
partagés par morceaux, ni multipliés en si grande quantité, jamais ils
n’auraient pu rassasier une si grande multitude. Or, remarquons que c’est par
l’intermédiaire des Apôtres que le peuple reçoit du Seigneur cette
nourriture. « Et il les donne à
ses disciples, et ceux-ci à la foule. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50.) Il veut en cela non seulement
leur faire honneur, mais rendre impossible et l’incrédulité, et l’oubli à
l’égard d’un miracle auquel leurs mains elles-mêmes rendaient témoignage. Il
permet que la multitude éprouve d’abord le besoin de la faim, que les
disciples s’approchent de lui, l’interrogent et lui remettent les pains entre
les mains pour multiplier les preuves de ce qui se passait et les
circonstances qui devaient en conserver le souvenir. En ne donnant aux
peuples que des pains et des poissons, et en les leur distribuant à tous d’une
manière égale, il leur enseigne l’humilité, la tempérance et la charité qui
devait leur faire regarder toutes les choses comme communes entre eux. Le
lieu même où il les nourrit, l’herbe sur laquelle il les fait asseoir,
contiennent un enseignement, car il ne veut pas seulement apaiser leur faim,
mais aussi nourrir leur âme. Or, les pains et les poissons se multipliaient
entre les mains des disciples, comme l’indique la suite du récit: « Et tous en mangèrent et furent
rassasiés ». Le miracle ne s’arrêta pas là et la multiplication
s’étendit au delà du nécessaire, de manière qu’après avoir multiplié les
pains entiers, il permit qu’il restât une grande quantité de morceaux. Le
Seigneur veut prouver ainsi que ce sont vraiment les restes des pains qu’il a
multipliés, convaincre les absents de la vérité du miracle et montrer à tous
que ce n’est pas un prodige imaginaire: « Et
ils emportèrent douze paniers pleins des morceaux qui étaient restés. » —
Saint Jérôme : Chacun des apôtres remplit son panier
avec les restes des pains [multipliés miraculeusement] par le Sauveur, et ces
restes prouvent que ce sont de vrais pains qu’il a multipliés. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50.) Il voulut qu’il restât douze
corbeilles pleines, afin que Judas pût aussi porter la sienne. Il fait aussi
emporter ces restes par ses disciples, et non par la foule, dont les
dispositions étaient moins parfaites. —
Saint Jérôme : [référence à vérifier] Le nombre de ceux qui furent rassasiés était de cinq mille et
correspondait aux cinq pains qui furent distribués: « Or, le nombre de ceux qui mangèrent était de cinq mille hommes,
sans les femmes et les enfants. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50.) Un trait à la louange de ce
peuple, c’est que les femmes comme les hommes suivaient Jésus-Christ quand le
miracle fut opéré. —
Saint Hilaire : Les cinq pains ne se multiplient pas
en d’autres pains entiers, mais aux premiers morceaux en succèdent d’autres,
et la matière se multiplie soit dans l’endroit qui sert de table, soit dans
les mains de ceux qui s’en nourrissent. — Raban : Saint
Jean, avant de raconter ce miracle (Jn 6), nous fait observer que la Pâque
était proche. Saint Matthieu et saint Marc le placent immédiatement après le
martyre de Jean-Baptiste, d’où nous devons conclure que le Précurseur fut
décapité aux approches de la fête de Pâques et que c’est l’année suivante, au
retour de la même fête, que s’accomplit le mystère de la passion du Seigneur. —
Saint Jérôme : Toutes les circonstances de ce
miracle sont pleines de mystères. Notre Seigneur l’opère non le matin, ni au
milieu de la journée, mais le soir, lorsque le soleil de justice est couché. —
Saint Rémi : Le soir signifie la mort du Seigneur,
car c’est lorsque le soleil de vérité se coucha sur l’autel de la croix qu’il
rassasia ceux qui étaient tourmentés par la faim. Ou bien le soir est la
figure du dernier âge du monde, cet âge où le Fils de Dieu vint nourrir la
multitude de ceux qui croyaient en lui. — Raban : Les disciples
prient le Seigneur de renvoyer le peuple pour qu’il achète de quoi manger
dans les villages voisins; c’est le dégoût que les Juifs ont pour les
Gentils, qu’ils regardent comme plus propres à chercher leur nourriture dans
les écoles de Pharisiens que dans les divins pâturages des livres sacrés. — Saint Hilaire : (can.
14.) Mais le Seigneur répond: « Il n’est point nécessaire qu’ils y aillent; » il nous
apprend ainsi que ceux qu’il a guéris n’ont pas besoin de se nourrir d’une
doctrine vénale et qu’il n’est pas nécessaire de retourner dans la Judée pour
s’y procurer des aliments. Il commande donc à ses disciples de leur donner
eux-mêmes à manger. Est-ce donc qu’il ignorait qu’ils n’avaient rien à leur
donner ? Mais toutes les circonstances de ce miracle demandent à être
expliquées dans un sens figuré. Les Apôtres n’avaient pas encore reçu le
pouvoir de consacrer et de distribuer le pain du ciel qui devait être la
nourriture de la vie éternelle. Leur réponse doit être entendue dans le sens
spirituel; ils étaient réduits à n’avoir que cinq pains, c’est-à-dire les
cinq livres de la loi, et deux poissons, c’est-à-dire qu’ils n’avaient d’autre
nourriture que la prédication de Jean-Baptiste et des prophètes. — Raban : Ou bien par ces
deux poissons il faut entendre les psaumes et les prophéties; car la totalité
de l’Ancien Testament comprend ces trois choses la loi, les prophètes et les
psaumes. — Saint Hilaire : (can.
14.) Les
Apôtres ne purent d’abord donner au peuple que ces trois choses qui étaient
en leur possession; mais la prédication de l’Évangile, en venant s’y ajouter,
y puisa le principe de cette force divine qui va toujours croissant. Le Seigneur
fait ensuite asseoir le peuple sur le gazon, ce n’est plus sur la terre qu’il
se repose, mais sur le lit que lui présente la loi, et comme l’herbe repose
sur la terre, chacun s’assied et se repose sur les fruits de ses oeuvres. —
Saint Jérôme : Ou bien il les fait asseoir sur le
gazon, et d’après un autre Évangéliste (Mc
6), par groupe de cinquante et de cent, afin qu’après avoir foulé aux
pieds les inclinations de la chair, et placé au-dessous d’eux les voluptés du
siècle comme un gazon desséché, ils s’élèvent par la pénitence, représentée
par le nombre cinquante, à la perfection du nombre cent. Il lève les yeux
vers le ciel, pour leur apprendre à diriger leurs regards de ce côté; il leur
rompt le pain de la loi avec celui des prophètes, et leur en expose les
mystères, afin que ce qui ne pouvait servir de nourriture en demeurant dans
son entier, pût rassasier la multitude des nations, lorsqu’il serait divisé
en plusieurs parties. — Saint Hilaire : (can. 14.) Les pains
sont remis entre les mains des Apôtres, car c’était par eux que les dons de
la grâce divine devaient être distribués. Le nombre de ceux qui mangèrent fut
le même que le nombre de ceux qui devaient embrasser la foi; car nous lisons
dans le livre des Actes (Ac 4), que
sur la multitude presque innombrable du peuple juif, cinq mille se
convertirent à la foi. —
Saint Jérôme : Parmi ceux qui mangèrent de ces
pains, il y eut cinq mille hommes parvenus à la plénitude de l’âge; les
femmes et les enfants, (c’est-à-dire la faiblesse du sexe et celle de l’âge),
ne sont pas dignes d’être compris dans ce nombre. Aussi dans le livre des Nombres (Nb 1), les esclaves, les
femmes, les enfants et le bas peuple ne sont pas compris dans le
dénombrement. — Raban : Pour nourrir cette multitude affamée, le Seigneur ne créé pas de nouveaux aliments, mais il prend ceux qui étaient entre les mains de ses disciples, et il les bénit; il nous apprenait ainsi qu’en venant dans une chair mortelle, il n’annonçait pas d’autres vérités que celles qui avaient été prédites, et il montrait que la loi et les prophètes renfermaient dans leur sein les plus grands mystères. Les disciples emportent les morceaux qui restent; ce sont les mystères les plus secrets, qui ne peuvent être compris des esprits grossiers; ils ne doivent pas être reçus avec négligence, mais devenir l’objet de l’étude la plus sérieuse de la part des douze Apôtres et de leurs successeurs, figurés ici par les douze paniers. Les paniers ou corbeilles servent à des usages communs, et Dieu a choisi ce qui est vil et bas aux yeux du monde, pour confondre ce qui est fort (1 Co 1). On peut voir dans ces cinq mille hommes les cinq sens du corps humain, et une figure de ceux qui, sous la livrée du monde, ont appris à faire un bon usage des choses extérieures. |
Lectio 5 [85503] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. Quo sermone ostenditur invitos eos
a domino recessisse, dum amore praeceptoris ne ad punctum quidem temporis ab
eo volunt separari. Chrysostomus in Matth. Considerandum autem,
quod cum dominus magna operatur, dimittit turbas, docens nos nusquam gloriam
multitudinis prosequi, neque attrahere multitudinem. Et iterum docet, non
debere turbis nos commiscere continuo, neque fugere multitudinem semper; sed
alterutrum utiliter facere: unde sequitur et, dimissa turba, ascendit in
montem solus orare: in quo nos docet quia solitudo bona est, cum nos Deum
interpellare oporteat. Propter hoc etiam ad desertum vadit, et ibi pernoctat
dum orat, erudiens nos in oratione tranquillitatem quaerere et a tempore et a
loco. Hieronymus. Quod autem ascendit solus orare,
non ad eum referas qui de quinque panibus quinque millia hominum satiavit,
sed ad eum qui audita morte Ioannis secessit in solitudinem: non quod
personam domini separemus, sed quod opera eius inter Deum hominemque divisa
sunt. Augustinus de Cons. Evang. Potest autem hoc
videri contrarium quod Matthaeus dimissis turbis eum dicit ascendere in
montem, ut illic solus oraret; Ioannes autem in monte fuisse, cum easdem
turbas pavit. Sed cum et ipse Ioannes dicat, post illud miraculum fugisse eum
in montem, ne a turbis teneretur quae eum volebant facere regem, utique
manifestum est quod de monte in planiora descenderat, quando illi panes
ministrati sunt. Nec illud repugnat quod Matthaeus dixit ascendit in montem
solus orare; Ioannes autem: cum cognovisset, inquit, quod venturi essent ut
facerent eum regem, fugit iterum in montem ipse solus: neque enim causa
orandi contraria est causae fugiendi: quandoquidem et hinc dominus docet hanc
esse nobis magnam causam orandi quando est causa fugiendi. Nec illud
contrarium est quod Matthaeus prius dixit, eum iussisse ascendere discipulos
in naviculam, ac deinde dimissis turbis ascendisse in montem solus orare;
Ioannes vero prius eum fugisse commemorat solum in montem, ac deinde: ut
autem sero factum est, inquit, descenderunt discipuli eius ad mare, et cum
ascendissent, etc...; quis enim non videat hoc recapitulando Ioannem postea
dixisse factum a discipulis quod iam Iesus iusserat antequam fugisset in
montem? Hieronymus. Recte autem quasi inviti et
detrectantes apostoli a domino recesserant, ne illo absente naufragia
sustinerent: sequitur enim vespere autem facto, solus erat ibi, idest in
monte; navicula autem in medio mari iactabatur fluctibus; erat enim ventus
contrarius. Chrysostomus in Matth. Rursus autem discipuli
tempestatem sustinent sicut et prius; sed tunc quidem habentes eum in
navigio, hoc passi sunt, nunc autem soli existentes. Paulatim enim ad maiora
eos ducit, et ad ferendum omnia viriliter instruit. Hieronymus. Domino quidem in montis cacumine
commorante, statim ventus contrarius oritur, et turbat mare, et periclitantur
apostoli; et tamdiu imminens naufragium perseverat quamdiu Iesus veniat. Chrysostomus in Matth. Tota autem nocte
dimittit eos fluctuari, erigens eorum cor post timorem, in maius sui
desiderium immittens eos, et in memoriam continuam: propter hoc non confestim
eis astitit: unde sequitur quarta autem vigilia noctis venit ad eos ambulans
supra mare. Hieronymus. Stationes enim et vigiliae
militares in trina horarum spatia dividuntur. Quando ergo dicit quarta
vigilia noctis venisse ad eos dominum, ostendit tota nocte periclitatos. Chrysostomus in Matth. Erudiens eos non
cito solutionem inquirere advenientium malorum, sed ferre ea quae contingunt
viriliter. Quando autem putaverunt erui, tunc intensus est
timor; unde sequitur et videntes eum supra mare ambulantem turbati sunt
dicentes quia phantasma est, et prae timore clamaverunt. Semper enim hoc
dominus facit: cum soluturus sit mala aliqua, difficilia et terribilia
inducit. Quia enim non est longo tempore tentari, cum finiendi sunt agones
iustorum, volens amplius eos lucrari, auget eorum certamina; quod et in
Abraham fecit, ultimum certamen tentationem filii ponens. Hieronymus. Confusus autem clamor et incerta
vox, magni timoris indicium est. Si autem, iuxta Marcionem et Manichaeum,
dominus noster non est natus ex virgine, sed visus in phantasmate, quomodo
nunc apostoli timent ne phantasma videant? Chrysostomus in Matth. Christus ergo non prius
se revelavit discipulis donec clamaverunt: quanto enim magis intendebatur
timor, tanto magis laetati sunt in eius praesentia: unde sequitur statimque
Iesus locutus est eis dicens: habete fiduciam: ego sum, nolite timere. Hoc
autem verbum et timorem solvit, et fiduciam praeparavit. Hieronymus. Quod autem dicit ego sum, nec
subiungit quis sit; vel ex voce sibi nota poterant intelligere eum qui per
obscuras noctis tenebras loquebatur, vel ipsum esse scire poterant quem
locutum ad Moysen noverant: haec dices filiis Israel: qui est, misit me ad
vos. In omnibus autem locis ardentissimae fidei ardore invenitur Petrus.
Eodem igitur fidei ardore quo semper, nunc quoque, tacentibus ceteris, credit
se posse facere per voluntatem magistri quod non poterat per naturam: unde
sequitur respondens autem Petrus dixit: domine, si tu es, iube me venire ad
te super aquas; quasi dicat: tu praecipe, et illico solidabuntur: unde et
leve fiet corpus quod per se grave est. Augustinus de Verb. Dom. Non enim possum hoc
in me, sed in te. Agnovit Petrus quid sibi esset a se, quid ab illo, cuius
voluntate se credidit posse quod nulla humana infirmitas posset. Chrysostomus in Matth. Vide autem quantus est
fervor, quanta fides. Non dixit: ora et deprecare; sed iube; non enim solum
credidit quoniam potest Christus ambulare super mare, sed quoniam potest et
alios inducere; et concupiscit velociter ad eum ire: hoc enim tam magnum
quaesivit propter amorem solum, non propter ostentationem. Non enim dixit:
iube me ire super aquas; sed iube me venire ad te. Patet autem quod cum in
miraculo supra posito ostenderit quod dominatur mari, nunc ad mirabilius
signum eos inducit: unde sequitur at ille ait: veni. Et descendens Petrus de
navicula, ambulabat super aquas ut veniret ad Iesum. Hieronymus. Qui putant domini corpus ideo non
esse verum, quia super molles aquas quasi molle et aereum incesserit,
respondeant quomodo ambulaverit Petrus, quem utique verum hominem non
negabunt. Rabanus. Denique Theodorus scripsit corporale
pondus non habuisse dominum secundum carnem, sed absque pondere super mare
ambulasse; sed contrarium fides Catholica praedicat: nam Dionysius dicit,
quod non infusis pedibus corporale pondus habentibus et materiale onus,
deambulabat super undam. Chrysostomus in Matth. Petrus autem quod maius
est superans, scilicet undam maris, a minori turbatur, scilicet a venti impulsu:
unde sequitur videns autem ventum validum timuit. Talis est enim natura
humana ut multoties in magnis recte se habens, in minoribus reprehendatur.
Hic autem quod Petrus timuit, differentiam monstrabat magistri et discipuli;
sed et alios discipulos mitigabat. Si enim in duobus fratribus sessuris ad
dexteram molestati sunt, multo magis hic molestati fuissent: nondum enim
erant spiritu pleni; postea vero spirituales effecti, ubique Petro primatum
concedunt, et in concionibus eum praemittunt. Hieronymus. Paululum etiam relinquitur
tentationi, ut augeatur fides, et intelligat se non facultate postulationis,
sed potentia domini conservatum. Ardebat
enim in animo eius fides; sed humana fragilitas in profundum trahebat. Augustinus de Verb. Dom. Praesumpsit
ergo Petrus de domino, titubavit ut homo, sed redivit ad dominum: unde
sequitur et, cum coepisset mergi, clamavit dicens: domine, salvum me fac.
Numquid autem dominus desereret titubantem, quem audierat invocantem? Unde
sequitur et continuo Iesus extendens manum apprehendit eum. Chrysostomus in Matth. Ideo autem non
iniunxit ventis quiescere, sed extendens manum, apprehendit eum, quoniam
illius fide opus erat. Cum enim quae a nobis sunt defecerint, tunc ea quae a
Deo sunt, stant. Ut igitur monstraret quia non venti
immissio, sed illius modica credulitas periculum operabatur, subditur et ait
illi: modicae fidei, quare dubitasti? In quo manifestat quia neque ventus
nocere potuisset, si fides firma fuisset. Sicut autem pullum ante tempus ex
nido exeuntem et casurum, mater alis portans, rursus ad nidum reducit, ita et
Christus facit: unde sequitur et, cum ascendissent in naviculam, cessavit
ventus. Qui autem erant in navicula venerunt et adoraverunt eum dicentes:
vere filius Dei es. Rabanus. Quod quidem de nautis intelligendum
est, sive de apostolis. Chrysostomus in Matth. Vide autem qualiter
paulatim ad id quod est excelsius universos ducebat: supra enim increpavit
mare; nunc autem magis virtutem suam demonstrat, super mare ambulando, et
alii hoc idem facere iubendo, et periclitantem salvando; ideoque dicebant ei
vere filius Dei es: quod supra non dixerant. Hieronymus. Si ergo ad unum signum
tranquillitate maris reddita, quae post nimias procellas interdum et casu
fieri solet, nautae atque rectores vere filium Dei confitentur, cur Arius
ipsum in Ecclesia praedicat creaturam? Augustinus de Verb. Dom. Mystice autem mons
altitudo est. Quid autem altius caelo in hoc mundo? Quis vero in caelum
ascendit, novit fides nostra. Cur autem solus ascendit in caelum? Quia nemo
ascendit in caelum nisi qui de caelo descendit: quamvis et cum in fine
venerit, et nos in caelum levaverit, etiam tunc solus ascendet; quia caput
cum corpore suo unus est Christus; nunc autem solum caput ascendit. Ascendit autem orare, quia ascendit ad patrem pro nobis interpellare. Hilarius in Matth. Vel quod vespere
solus est, solitudinem suam in tempore passionis ostendit, ceteris
trepidatione dilapsis. Hieronymus. Ascendit etiam in montem
solus, quia turba ad sublimia sequi non potest, nisi docuerit eam iuxta mare
in littore. Augustinus de Verb. Dom. Verumtamen dum
Christus orat in excelso, navicula turbatur magnis fluctibus in profundo; et
quia insurgunt fluctus, potest ista navicula turbari; sed quia Christus orat,
non potest mergi. Naviculam quippe istam, Ecclesiam cogitate; turbulentum
mare, hoc saeculum. Hilarius in Matth. Quod
autem navem conscendere discipulos iubet, et ire trans fretum, dum turbas
ipse dimittit, et dimissis turbis ascendit in montem orare; esse intra Ecclesiam
iubet, et periculum fieri usque in id tempus quo revertens in claritatis
adventu populo omni qui ex Israel erit reliquus salutem reddat, eiusque
peccata dimittat; dimissoque eo, vel in caeleste regnum potius admisso, agens
Deo patri gratias, in gloria eius et maiestate consistat. Sed inter haec
discipuli vento ac mari deferuntur; et totius saeculi motibus, immundo
spiritu adversante, iactantur. Augustinus de Verb. Dom. Quando enim aliquis
impiae voluntatis, maximae potestatis, persecutionem indicit Ecclesiae, super
naviculam Christi grandis unda consurgit. Rabanus. Unde bene dicitur, quia navis erat in
medio mari, et ipse solus in terra: quia nonnumquam Ecclesia tantis pressuris
est afflicta ut eam dominus deseruisse videatur ad tempus. Augustinus de Verb. Dom. Venit autem dominus
ad visitandos discipulos suos, qui turbabantur in mari, quarta vigilia
noctis, idest extrema parte noctis: vigilia enim una tres horas habet, ac per
hoc nox quatuor vigilias habet. Hilarius. Prima igitur vigilia fuit legis,
secunda prophetarum, tertia corporalis adventus, quarta in reditu claritatis.
Augustinus de Verb. Dom. Quarta igitur vigilia
noctis, hoc est pene iam nocte finita, veniet in fine saeculi, iniquitatis
nocte transacta, ad iudicandum vivos et mortuos. Venit autem mirabiliter.
Surgebant enim fluctus, sed calcabantur: quantumlibet enim potestates saeculi
consurgant, premit earum caput nostrum caput. Hilarius. Veniens autem Christus in fine
invenit Ecclesiam fessam, et Antichristi spiritu et totius saeculi motibus
inveniet circumactam. Et quia de Antichristi consuetudine ad omnem
tentationum novitatem solliciti erunt, etiam ad domini adventum expavescent,
falsas rerum imagines metuentes. Sed bonus dominus timorem depellet dicens
ego sum; et adventus sui fide metum naufragii imminentis repellet. Augustinus de quaest. Evang. Vel quod dixerunt
discipuli phantasma esse, signat quia quidam qui cesserint Diabolo, de
Christi adventu dubitabunt. Quod autem Petrus implorat auxilium a domino ne
mergatur, signat quibusdam tribulationibus, etiam post ultimam persecutionem,
purgaturum Ecclesiam: quod et Paulus signat dicens: salvus erit, sic tamen
quasi per ignem. Hilarius in Matth. Vel quod Petrus ex omni
consistentium in navi numero respondere audet, et iuberi sibi ut supra aquas
ad dominum veniat precatur, passionis tempore voluntatis suae designat
affectum, dum vestigiis domini inhaerens, ad contemnendam mortem conatus est.
Sed infirmitatem futurae tentationis timiditas
eius ostendit: per metum enim mortis, usque ad negandi necessitatem coactus
est. Clamor autem eius poenitentiae suae gemitus est. Rabanus. Respexit dominus, et ad poenitentiam
convertit; manum extendit et indulgentiam tribuit: et sic discipulus salutem
invenit: quia non est volentis neque currentis, sed miserentis Dei. Hilarius. Quod autem trepidante Petro virtutem
perveniendi ad se dominus non inducit, sed manu apprehensum sustinuit, haec
est ratio: solus enim passurus pro omnibus omnium peccata solvebat; nec
socium admittit quicquid universitati praestatur ab uno. Augustinus de Verb. Dom. In uno etiam
apostolo, idest Petro, in ordine apostolorum primo et praecipuo, in quo
figurabatur Ecclesia, utrumque genus significandum fuit; idest firmi in hoc
quod super aquas ambulavit, et infirmi in hoc quod dubitavit: nam et
unicuique sua cupiditas tempestas est. Amas Deum? Ambulas supra mare: sub
pedibus tuis est saeculi timor. Amas saeculum? Absorbet te. Sed cum fluctuat
cupiditate cor tuum, ut vincas cupiditatem, invoca Christi divinitatem. Rabanus. Aderit autem dominus, si sopitis
tentationum periculis, protectionis suae fiduciam retribuat; et hoc, diluculo
appropinquante: cum enim humana fragilitas pressuris obsita suarum virium
parvitatem considerat, erga se tenebras cernit; cum autem mentem ad supernum
praesidium erexerit, repente exortum Luciferi conspicit, qui totam vigiliam
matutinam illuminat. Nec mirandum, si ascendente in naviculam domino
ventus cessavit: in quocumque enim corde dominus per gratiam adest, mox
universa bella quiescunt. Hilarius. Ascensu etiam Christi in navim,
ventum et mare esse sedatum, post claritatis suae reditum aeterna Ecclesiae
pax et tranquillitas indicatur: et quia tunc manifestius adveniet, recte
admirantes universi locuti sunt: vere filius Dei es. Confessio enim universorum tunc absoluta et publica erit: Dei filium
non iam in humilitate corporea, sed in gloria caelesti pacem Ecclesiae
reddidisse. Augustinus de quaest. Evang. Signatur
enim, claritatem eius tunc manifestam futuram per speciem iam videntibus qui
per fidem nunc ambulant. |
Versets 22-33.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 50.) Notre Seigneur, voulant livrer à un examen sérieux le miracle
qu’il vient d’opérer, ordonne à ceux qui en ont été les témoins de se séparer
de lui; car en supposant que, lui présent, on pût prétendre qu’il n’avait
fait ce miracle qu’en apparence, on ne pourrait en porter le même jugement
lorsqu’il aurait disparu. C’est pour cela que l’Évangéliste ajoute: « Et
aussitôt Jésus obligea ses disciples d’entrer dans une barque et de le
précéder, pendant qu’il renverrait la foule. » —
Saint Jérôme : Nous avons ici une preuve que c’était
malgré eux que les disciples se séparaient du Seigneur, et que dans
l’affection qu’ils avaient pour ce divin Maître, ils ne voulaient même pas le
quitter un seul instant. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50 et 51). Remarquons que toutes les
fois que le Seigneur a opéré de grandes choses, il renvoie le peuple, et nous
engeigne ainsi à ne pas rechercher la gloire qui vient des hommes, et à ne pas attirer le peuple après nous.
Il nous apprend aussi à ne pas nous mêler continuellement à la multitude et à
ne pas la fuir non plus toujours, mais à faire alternativement l’un ou
l’autre. « Après avoir renvoyé la foule, il monta seul sur la montagne,
pour prier à l’écart. » Il nous enseigne ici que la solitude est
bonne lorsque nous voulons nous entretenir avec Dieu. Jésus se rend dans le
désert, et il y passe la nuit en prières, pour nous apprendre à choisir les
temps et les lieux où nous pourrons nous livrer dans le calme à la prière. —
Saint Jérôme : Ces paroles: « Il monta seul
pour prier » ne doivent pas être rapportées à la nature divine qui
vient de rassasier cinq mille tommes avec cinq pains, mais à la nature
humaine qui se retire dans la solitude en apprenant la mort de Jean-Baptiste.
Ce n’est pas que nous divisions la personne du Seigneur, mais il faut
admettre une distinction entre les oeuvres qui viennent de Dieu, et celles
qui ne viennent que de l’homme. —
Saint Augustin : (De l’acc. des Evang., liv. 2, chap. 47.) Il
semble qu’il y ait ici contradiction entre saint Matthieu, d’après lequel
Jésus, après avoir renvoyé le peuple, monte seul sur la montagne pour y
prier, et saint Jean, qui rapporte qu’il était sur la montagne lorsqu’il nourrit
la multitude. Mais comme saint Jean raconte qu’après ce miracle il s’enfuit
sur la montagne pour ne pas être retenu par le peuple qui voulait le faire
roi, il est évident qu’il était descendu de la montagne dans la plaine
lorsqu’il fit distribuer les pains à la foule. Ce que dit saint Matthieu: « il
monta sur la montagne pour prier » n’est pas contraire à ce que dit
saint Jean: « Lorsqu’il sut qu’ils allaient venir pour le faire roi,
il s’enfuit tout seul sur la montagne. » Le désir de prier n’exclut pas l’intention qu’il avait de fuir;
au contraire, le Seigneur nous apprend ici que nous avons une raison
pressante de prier lorsque nous sommes obligés de fuir. Il n’y a pas plus de
contradiction entre le récit de saint Matthieu, où Notre Seigneur ordonne d’abord
à ses disciples de monter dans la barque, et congédie ensuite le peuple avant
de monter seul sur la montagne pour y prier, et le récit de saint Jean, où
nous lisons: « Il s’enfuit seul sur la montagne. Et
lorsque le soir fut venu, ses disciples descendirent au bord de la mer, et
lorsqu’ils furent montés dans la barque, » etc... Car qui ne
voit que saint Matthieu raconte par récapitulation, tandis que saint Jean ne
rapporte qu’ensuite ce que firent les disciples, c’est-à-dire ce que Notre
Seigneur leur avait ordonné avant de s’enfuir sur la montagne. —
Saint Jérôme : C’est avec bien de la raison que les
disciples ne se séparent du Seigneur que malgré eux, et contre leur volonté,
dans la crainte d’être exposés à un naufrage en son absence, car, ajoute l’Évangéliste:
« Le soir étant venu, il était là, seul (c'est-à-dire sur la
montagne) ; la barque, déjà au milieu de la mer, était battue par les
flots, car le vent était contraire. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51.) Les disciples essuient de nouveau
une tempête, comme la fois précédente, mais la première fois ils avaient le Seigneur
avec eux dans leur barque; et maintenant ils sont seuls; c’est ainsi qu’il
les conduit par degrés à de plus grandes épreuves, et qu’il leur apprend à
tout supporter avec courage. —
Saint Jérôme : Pendant que le Seigneur est sur le
sommet de la montagne, soudain un vent contraire s’élève, agite la profondeur
de la mer, et met les apôtres en danger, et ils sont menacés du naufrage
jusqu’au moment où Jésus arrive. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
51.) Pendant
toute la nuit il les laisse ballottés par les flots, il veut, par là, relever
leur âme abattue par la crainte, leur inspirer un vif désir de sa personne
qui le rende continuellement présent à leur souvenir. C’est pour cela qu’il
ne vient pas immédiatement à leur secours; car l’Évangéliste ajoute: « Or,
à la quatrième veille de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. » — Saint Jérôme : Les heures de la nuit sont divisées en trois parties d’après les veilles où l’on relevait les postes militaires établis pour la nuit, et en rapportant que le Seigneur ne vint à eux qu’à la quatrième veille, c’est nous indiquer qu’ils furent en danger toute la nuit. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
51.) Il
leur apprend ainsi à ne pas chercher avec trop d’empressement à échapper aux
maux qui les menacent, mais supporter avec courage les épreuves qui leur
arrivaient. Or, c’est justement au moment où ils espéraient être délivrés,
que leur crainte est à son comble. « Et lorsqu’ils le virent marcher
sur les flots, ils furent troublés, et ils dirent : ‘c’est un
fantôme’ ; et dans leur frayeur, ils poussèrent des cris.» Telle est
la conduite du Seigneur lorsqu’il est sur le point de mettre fin à une
épreuve. C’est alors qu’il fait naître de nouveaux dangers, et inspire de
plus grandes appréhensions; car le temps de l’épreuve ne devant pas être bien
long, lorsque les combats des justes touchent à leur fin, il augmente leurs
dangers pour augmenter leurs mérites; c’est ce qu’il fit pour Abraham, dont
la dernière épreuve fut l’immolation de son fils. —
Saint Jérôme : Ces cris confus, ces voix sans
expression sont l’indice d’une crainte excessive. Or, s’il est vrai, comme le
prétendent Marcion et les Manichéens, que Notre Seigneur ne soit pas né d’une
vierge, et qu’il n’ait qu’une apparence fantastique, comment les Apôtres
craignent-ils de voir un fantôme. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51.) Ce n’est qu’après qu’ils ont jeté
ces cris que le Seigneur se révèle à ses disciples; car plus leur frayeur
avait été grande, plus aussi leur joie fut vive en le voyant au milieu d’eux.
« Aussitôt Jésus leur parla et leur dit: ‘Rassurez-vous, c’est moi;
ne craignez pas.’ » Cette
parole dissipe leurs craintes, et ouvre leur âme à la confiance. —
Saint Jérôme : Il dit: « C’est moi »,
et il n’explique pas qui il est; mais comme sa voix leur était connue, ils
pouvaient le reconnaître malgré la profonde obscurité de la nuit. Ou bien
encore, ils reconnurent en lui celui qu’ils savaient avoir ainsi parlé à
Moïse (Ex 3): « Voilà ce
que vous direz aux enfants d’Israël: Celui qui est m’a envoyé vers
vous. » En tous lieux on retrouve la foi vive de Pierre; c’est cette
foi vive, qui dans cette circonstance comme dans toutes les autres, lui fait
espérer, alors que tous les autres gardent le silence, qu’il pourra faire par
la volonté du Maître ce qui lui était naturellement impossible. « Or,
Pierre, prenant la parole, lui dit: « Seigneur, si c’est vous,
commandez-moi d’aller à vous sur les eaux. » Comme s’il
disait : Commandez-moi, et soudain les flots s’affermiront, et mon corps
pesant par sa nature, deviendra léger. — Saint Augustin : (serm. 13 sur les par. du Seig.) Je ne le puis de moi-même, mais par votre puissance. Pierre reconnut ainsi ce qu’il avait de lui-même, et ce qu’il tenait de lui : par la volonté de Jésus, il croit qu’il lui est possible de faire ce que la faiblesse humaine ne peut faire. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51.) Voyez combien grande est sa
ferveur, combien grande est sa foi, il ne dit pas: Demandez, priez, mais: « Ordonnez. »
Il ne s’est pas borné à croire que le Christ pouvait marcher sur les flots,
mais il a cru qu’il pouvait communiquer cette puissance aux autres, et il
désire vivement aller le rejoindre, non point par ostentation, mais par amour
pour son divin Maître. En effet, il ne dit pas: Commandez que je marche sur
les eaux, mais: « Commandez que je vienne à vous. » Il est
évident qu’après avoir montré par le premier miracle qu’il vient d’opérer que
la mer lui est soumise, il en fait maintenant un plus grand et plus admirable
encore: « Et Jésus lui dit: Venez. » Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l’eau pour
aller à Jésus. — Saint Jérôme : [référence à
vérifier] Que ceux qui prétendent que le corps du Seigneur n’est pas
véritable, parce qu’il a marché comme une substance aérienne et légère sur
les eaux qui cèdent si facilement, expliquent comment Pierre a pu marcher sur
ces mêmes eaux, bien qu’ils soient obligés de reconnaître en lui un homme
véritable. — Raban : Théodore a
soutenu aussi que le corps du Seigneur était sans pesanteur, et qu’il avait
marché sur la mer sans peser sur elle; mais cette opinion est contraire à la
foi catholique; car saint Denis a écrit que Notre Seigneur marchait sur l’eau
sans que ses pieds fussent mouillés, bien qu’ils fussent pesants et matériels
comme tous les corps (liv. des Noms
divins, chap. 1.) — Saint Jean Chrysostome : (hom.
51.) Pierre,
qui vient de triompher de la plus grande difficulté en marchant sur les eaux
de la mer, se laisse troubler par un obstacle beaucoup moindre, par le
souffle du vent. « Mais, voyant la violence du vent, il eut
peur.» Telle est la nature
humaine, elle déploie souvent un courage admirable au milieu des grandes
épreuves, et elle faiblit dans les circonstances ordinaires. Cette crainte
qu’éprouve Pierre, montre la différence qui séparait le maître du disciple,
et en même temps elle calmait les autres Apôtres. Car s’ils furent contrariés
de la demande faite par les deux frères de s’asseoir à la droite du Seigneur (Mt 20), ils l’eussent été bien
davantage dans ce cas-ci. Ils n’étaient pas encore remplis de l’Esprit saint,
ce n’est que plus tard que devenus tout spirituels, ils accordent en toute
circonstance la primauté à Pierre, et lui donnent la première place dans
toutes leurs assemblées. —
Saint Jérôme : Dieu laisse un peu d’action à la
tentation, pour augmenter la foi de Pierre, et lui faire comprendre que ce
qui l’a sauvé du danger, ce n’est point la prière qu’il lui adresse si
facilement, mais la puissance divine. Sa foi était vive, mais la fragilité
humaine l’entraînait dans l’abîme. — Saint Augustin : (serm.
13 sur les
paroles du Seig.) Pierre mit donc sa confiance dans le Seigneur, il
chancela par suite de la faiblesse de l’homme, mais il revint aussitôt au
Seigneur. « Et lorsqu’il commençait à enfoncer, il s’écria : Seigneur,
sauvez-moi ! » Est-ce
que le Seigneur laisserait chanceler celui dont il a entendu la prière ?
« Et aussitôt Jésus étendant la main, le saisit, etc... » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
51.) Jésus
ne commande pas aux vents de s’apaiser, mais il étend la main pour le
soutenir, parce qu’il fallait que Pierre fasse un acte de foi. Lorsque tous
nos moyens humains font défaut, c’est alors que Dieu fait paraître sa
puissance. Et pour le convaincre que ce n’est pas la violence du vent, mais
son peu de foi qui l’a mis en danger, il lui dit: « Homme de peu de
foi, pourquoi avez-vous douté ? » Preuve que le vent n’aurait rien
pu contre lui, si sa foi avait été plus ferme. Notre Seigneur Jésus-Christ
fait ici ce que fait la mère qui voit le petit oiseau sortir du nid avant
d’être assez fort, et sur le point de tomber, elle le prend sur ses ailes, et
le reporte dans son nid. « Et lorsqu’il fut monté dans la barque, le
vent tomba. Ceux qui étaient là se jetèrent à ses pieds, en disant: Vous êtes
vraiment le Fils de Dieu. » — Raban : Paroles qu’on
peut entendre des matelots ou des Apôtres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51.) Voyez comme il les conduisait
tous par degrés vers ce qui est plus élevé. Il a commandé précédemment à la mer,
mais sa puissance paraît bien plus grande lorsqu’il marche sur la mer, qu’il
commande à un autre d’en faire autant, et qu’il le sauve du danger qui le
menace. Aussi s’empressent-ils de reconnaître sa divinité: « Vous
êtes vraiment le Fils de Dieu »,
ce qu’ils n’avaient pas fait auparavant. —
Saint Jérôme : En voyant Jésus rendre à la mer par
un seul signe le calme qu’elle ne recouvre ordinairement qu’après de
violentes secousses, les matelots et les passagers le proclament le vrai Fils
de Dieu. Pourquoi donc Arius ose-t-il enseigner dans l’Église qu’il n’est
qu’une créature ? — Saint Augustin : (serm.
14 sur les
par. du Seig.) Dans le sens mystique, la montagne, c’est l’élévation;
mais qu’y a-t-il dans l’univers de plus élevé que le ciel ? Or, notre
foi connaît celui qui monte au ciel. Mais pourquoi y monte-t-il seul ?
Parce que personne ne monte au ciel que celui qui est descendu du ciel (Jn 3). Lors même qu’à la fin des
temps il viendra pour nous faire monter avec lui jusqu’au ciel, il y montera
seul encore, car la tête avec le corps ne forment qu’un seul Christ.
Maintenant le chef seul y est monté, et pour prier, parce qu’il y est monté
afin d’intercéder pour nous. —
Saint Hilaire : (can. 14.) Il est seul vers le soir, figure
de l’abandon où il doit être au temps de sa passion lorsque la crainte aura
dispersé tous les autres disciples. —
Saint Jérôme : Il monta encore seul sur la montagne,
parce que la foule ne peut s’élever avec lui vers les choses sublimes, avant
qu’il ne l’ait enseigné près de la mer, sur le rivage. —
Saint Augustin : (serm. 14 sur les par. du Seig.) Cependant dans le temps où le Christ prie
sur la montagne, la barque est agitée sur la mer par une violente tempête, et
les vagues qui la couvrent peuvent la submerger. Mais, parce que le Christ
prie, elle ne peut couler. Dans cette barque, vous devez voir l’Église, et
dans cette mer agitée, le monde présent. —
Saint Hilaire : (can. 14.) Il ordonne à ses Apôtres de
monter dans la barque, et de traverser le détroit pendant qu’il congédie la
foule, et, après l’avoir renvoyée, il monte sur la montagne pour prier;
c’est-à-dire [au sens figuré], qu’il nous commande de rester dans le sein de
l’Église et d’affronter les dangers du monde jusqu’au temps où il reviendra
dans la gloire pour sauver les restes d’Israël et leur pardonner leurs
péchés. Après avoir renvoyé le peuple d’Israël, ou plutôt après l’avoir admis
dans le royaume céleste, il s’assiera dans sa gloire et dans sa majesté en
rendant à Dieu le Père d’éternelles actions de grâces. Mais en attendant, les
disciples sont le jouet des vents et de la mer, et livrés à ces agitations du
monde que soulève contre eux l’esprit du mal. —
Saint Augustin : (serm. 14 sur les par. du Seig.) Lorsqu’un homme qui joint à une volonté
impie une grande puissance, cherche à persécuter l’Église, c’est la mer en
furie qui se soulève contre la barque du Christ. — Raban : Aussi est-ce avec
raison que l’Évangéliste nous représente la barque au milieu de la mer,
tandis que Jésus est seul sur la terre, car souvent l’Église gémit sous le
poids de telles afflictions, que le Seigneur paraît l’avoir abandonnée pour
un moment. — Saint Augustin : (serm.
14 sur les
paroles du Seigneur.) Le Seigneur vint trouver ses disciples battus par
les flots, à la quatrième veille, c’est-à-dire vers la fin de la nuit, car la
veille est de trois heures et la nuit est divisée en quatre veilles. —
Saint Hilaire : La première veille fut celle de la
loi; la seconde, celle des prophètes; la troisième, celle de l’avènement
corporel du Seigneur; la quatrième sera celle de son retour dans la gloire. —
Saint Augustin : (serm. 14 sur les paroles du Seigneur.) Il vient à la quatrième veille de
la nuit, lorsque la nuit touche à sa fin, et c’est aussi à la fin du monde,
lorsque la nuit de l’iniquité aura disparu, qu’il viendra juger les vivants
et les morts. Il vient les trouver d’une manière merveilleuse; les flots se
soulevaient, mais il les foulait aux pieds; ainsi, quel que soit le
soulèvement des puissances de ce monde, leur tête se trouve foulée aux pieds
de celui qui est notre tête. —
Saint Hilaire : (can. 14.) Lorsque le Christ reviendra à la
fin des temps, il trouvera l’Église fatiguée et comme assiégée de tous côtés,
et par l’esprit de l’Antéchrist, et par les agitations du monde entier. Et
comme les fourberies de l’Antéchrist inspireront aux fidèles une juste
défiance contre toute nouveauté, ils seront effrayés même de l’avènement du
Seigneur, craignant d’être le jouet de fausses représentations. Mais le bon
Maître dissipera toutes leurs craintes en leur disant: « C’est
moi », et par la foi qu’ils auront en son avènement, il les
délivrera du naufrage qui les menace. —
Saint Augustin : (Quest. évang., liv. 1, quest. 14.) Ou bien
les disciples, en croyant que c’est un fantôme, sont la figure de ceux qui se
sont laissé vaincre par le démon et qui douteront de l’avènement du Christ.
Pierre, au contraire, qui implore le secours du Seigneur pour ne pas être
submergé, représente l’Église qui, après la dernière persécution, aura encore
besoin d’être purifiée par quelques tribulations, vérité qu’exprime l’apôtre
saint Paul, lorsqu’il dit: « Il ne laissera pas d’être sauvé, mais
comme par le feu. » (1 Co 3.) — Saint Hilaire : Ou
bien encore Pierre qui, de tous ceux qui sont dans la barque, est le seul qui
ose adresser la parole au Seigneur et lui demander l’ordre d’aller à lui sur
les eaux, semble prédire les dispositions de son âme au temps de la passion,
alors que s’attachant aux pas du Seigneur, il voulut le suivre jusqu’à la
mort. Mais la crainte qui s’empare de lui annonce aussi la faiblesse qu’il a
montrée dans cette épreuve, lorsque la crainte de la mort le porta jusqu’à
renier son divin Maître. Le cri qu’il jette exprime les gémissements de sa
pénitence. — Raban : Le Seigneur jeta
sur lui un regard et l’amène à se repentir; il étendit la main et lui accorda
le pardon de sa faute; et c’est ainsi que ce disciple trouva le salut qui ne
dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait
miséricorde. —
Saint Hilaire : Jésus n’accorda pas à Pierre plein
d’inquiétude le pouvoir de venir jusqu’à lui; il se contenta de le soutenir
en lui tendant la main, et en voici la raison: c’est que lui seul devait
souffrir pour tous les hommes et pouvait les délivrer de leurs péchés, et il
ne veut partager avec personne l’oeuvre du salut qu’il accomplit seul pour
l’universalité du genre humain. —
Saint Augustin : (serm. 13 et 14 sur les paroles du
Seigneur.) Dans ce seul apôtre (c’est-à-dire dans Pierre, le premier, le
chef du collège apostolique et qui figure l’Église), nous sont représentées
les deux sortes d’hommes: les forts, lorsqu’il marche sur les eaux; les
faibles, lorsque le doute s’empare de son âme. La tempête, c’est la passion
qui domine chacun de nous. Vous aimez Dieu ? Vous marchez sur la mer et
vous foulez aux pieds la crainte du monde. Vous aimez le monde ? Il vous
submerge. Mais lorsque votre cœur est agité par les flots des passions, si
vous voulez en triompher, invoquez la divinité du Seigneur. —
Saint Rémi : [référence à vérifier] Le Seigneur viendra certainement à votre secours, lorsqu’après avoir
apaisé les flots des tentations, il vous donnera l’espoir [d’échapper au
danger] par la protection dont il vous couvre; c’est ce qu’il fera aux
approches de l’aurore, car, lorsque la fragilité humaine, comme assiégée par
les épreuves, considère son peu de force, elle ne voit que ténèbres autour
d’elle, mais si alors elle élève sa pensée vers le secours qui vient d’en
haut, elle aperçoit aussitôt le lever du jour qui éclaire toute la veille du
matin. — Raban : [référence à vérifier] Il n’est point étonnant
que le vent cesse au moment où le Seigneur monte dans la barque, car toutes
les guerres s’apaisent bientôt dans tout cœur où le Seigneur est présent par
sa grâce. —
Saint Hilaire : (can. 14.) Le calme que Jésus rend aux vents
et à la mer en montant dans la barque est une figure de cette paix et de
cette tranquillité éternelles qu’il doit rendre à 1’Église en revenant dans
sa gloire. Et comme cet avènement sera beaucoup plus éclatant que le premier,
tous s’écrient pleins d’admiration: « Vous êtes vraiment le Fils de
Dieu », car tous proclameront alors d’une manière absolue et
publique que le Fils de Dieu descendu sur la terre non plus dans l’humilité
de la chair, mais au milieu de là gloire dont il est environné dans les
cieux, a rendu la paix à son Église. — Saint Augustin : (Quest. évang., 2, 14.) Nous voyons encore ici une figure de la manifestation éclatante qu’il fera de lui-même à ceux qui marchent ici-bas dans la foi et qui le verront alors tel qu’il est. |
Lectio 6 [85504] Catena in Mt.,
cap. 14 l. 6 Remigius. Narraverat superius
Evangelista, dominum iussisse discipulos suos ascendere in naviculam, et
praecedere eum trans fretum; nunc autem in coepta intentione perseverans, dicit
quo in transfretando pervenerint, dicens et, cum transfretassent, venerunt in
terram Genesareth. Rabanus. Terra Genesar iuxta stagnum
Genesareth a loci ipsius natura nomen trahens, qua crispantibus aquis de
seipso sibi excitare auram perhibetur: Graeco enim vocabulo quasi generans
sibi auram dicitur. Chrysostomus in Matth. Monstrat autem
Evangelista quod post multum tempus ad partes illas Christus venerat: et ideo
sequitur et, cum cognovissent eum viri loci illius, miserunt in universam
regionem illam. Hieronymus. Cognoverunt autem eum rumore, non
facie; vel certe pro signorum magnitudine quae perpetrabat in populis, vultu
plurimis notus erat. Et vide quanta fides sit hominum terrae Genesareth, ut
non praesentium tantum salute contenti sint, sed mittant ad alias per
circuitum civitates. Chrysostomus in Matth. Neque enim similiter ut
prius ad domos trahebant, et tactum manus inquirebant; sed cum maiori fide
eum alliciebant: unde sequitur et obtulerunt ei omnes male habentes et
rogabant eum ut vel fimbriam vestimenti eius tangerent. Mulier enim quae
fluxum sanguinis patiebatur, universos hanc sapientiam docuit, ut scilicet
tangendo fimbriam vestimenti Christi, salvarentur. Patet etiam quod tempus
quo Christus absens fuit, non solum fidem eorum non dissolvit, sed et maiorem
reddidit, cuius virtute omnes salvati sunt: et ideo sequitur et quicumque
tetigerunt salvi facti sunt. Hieronymus. Si autem sciremus quid in nostra
lingua resonat Genesareth, intelligeremus quomodo Iesus per typum apostolorum
et navis, Ecclesiam de persecutionis naufragio liberatam transducat ad
littus, et in tranquillissimo portu faciat requiescere. Rabanus. Genesar enim interpretatur ortus
principium. Tunc autem plena nobis tribuetur tranquillitas, quando Paradisi
per Christum nobis restituetur hereditas ac primae stolae iucunditas. Hilarius. Vel aliter. Finitis legis
temporibus, et ex Israel quinque millibus virorum intra Ecclesiam collocatis,
iam credentium populus occurrit: iam ipse ex lege per fidem salvus, reliquos
ex suis infirmos aegrotosque offert domino; oblatique fimbrias vestimentorum
contingere optabant, salvi per fidem futuri; sed ut ex veste tota fimbriae,
ita ex domino nostro Iesu Christo sancti spiritus gratiae virtus exiit, quae
apostolis data, ipsis quoque tamquam ex eodem corpore exeuntibus, salutem his
qui contingere cupiunt subministrat. Hieronymus. Vel fimbriam vestimenti eius
minimum mandatum intellige; quod qui transgressus fuerit, minimus vocabitur
in regno caelorum; vel assumptionem corporis, per quam venimus ad verbum Dei.
Chrysostomus in Matth. Nos autem non solum
fimbriam aut vestimentum Christi habemus, sed etiam corpus eius, ut
comedamus. Si ergo qui fimbriam vestimenti eius tetigerunt, tantam acceperunt
virtutem, multo magis qui totum ipsum sument. |
Versets 34-36.
—
Saint Rémi : L’Évangéliste nous a fait connaître
précédemment l’ordre donné par le Seigneur à ses disciples de monter dans la
barque et de le devancer au delà du détroit. Il poursuit son intention et
nous apprend où ils abordèrent après cette traversée: « Et ayant
traversé le lac, ils vinrent dans la terre de Génézareth. » — Raban : La
terre de Genezar, qui s’étend sur les bords du lac de Génézareth, tire son
nom de la nature même du lieu. Ce nom vient d’un mot grec qui signifie s’engendrant à elle-même le vent, parce
que la surface du lac, toujours ridée, produit une brise continuelle. — Saint Jean Chrysostome : L’Évangéliste nous apprend que ce fut après une longue absence que Jésus vint dans ce pays, en ajoutant: « Et lorsqu’ils le connurent, les habitants de cet endroit, envoyèrent des messagers dans tous les environs.» — Saint
Jérôme : Ils apprirent son arrivée par la
renommée et non en le voyant de leurs yeux, quoique certainement par suite
des grands miracles qu’il opérait dans ces contrées, un grand nombre de
personnes le connaissaient de vue. Et voyez quelle est la foi de ces
habitants de la terre de Génézareth: ils ne se contentent pas du salut de
ceux qui vivent au milieu d’eux; mais ils envoient aux villes d’alentour [pour
les presser d’accourir toutes au souverain médecin.] —
Saint Jean Chrysostome : Ils ne l’entraînent plus
dans leurs maisons comme auparavant et ne lui demandent plus d’imposer les
mains, mais ils méritent ses faveurs par une foi plus grande: « Et ils
lui présentèrent tous les malades, le priant qu’il leur permît seulement de
toucher le bord de son vêtement. » Cette femme qui souffrait d’une
perte de sang leur avait enseigné à tous cette haute sagesse, qu’en touchant
seulement la frange des vêtements du Christ ils seraient sauvés. On voit
d’après cela que l’absence du Seigneur non seulement ne leur fit point perdre
la foi, mais au contraire la rendit plus vive, et c’est par la vertu de cette
foi qu’ils furent tous sauvés: « Et tous ceux qui le touchaient
étaient guéris. » —
Saint Jérôme : Si nous connaissions la signification
du mot Génézareth dans notre langue, nous comprendrions comment, sous cette
figure des Apôtres et de leur barque, Jésus veut nous représenter l’Église
qu’il fait aborder au rivage après l’avoir sauvée du naufrage de la
persécution et qu’il fait reposer dans le port, à l’abri de toute agitation. — Raban : Genezar signifie
le principe de la naissance; or, nous jouirons d’une tranquillité entière et
parfaite quand Jésus-Christ nous rendra l’héritage du Paradis et le vêtement
de joie que nous avions porté autrefois. —
Saint Hilaire : Ou bien, dans un autre sens, les
temps de la loi étant expirés et cinq mille hommes d’Israël entrés dans
l’Église, le peuple des croyants sauvé par la foi, quoique sorti de la loi,
présente au Seigneur ce qui lui reste d’infirmes et de malades, qui tous
désirent toucher les franges de ses vêtements, et doivent être sauvés par la
foi. Mais de même que les franges pendent du vêtement tout entier, ainsi la vertu
de l’Esprit saint sortait de Notre Seigneur Jésus-Christ, et cette vertu
communiquée aux Apôtres, comme sortis eux-mêmes du même corps, apporte le
salut à tous ceux qui désirent s’en approcher. —
Saint Jérôme : ou bien encore, par cette frange de sa
robe, vous pouvez entendre les plus petits commandements; celui qui les
transgresse sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; ou bien
encore le corps qu’il a revêtu pour nous faire parvenir jusqu’au Verbe de
Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Pour nous, non seulement
nous pouvons toucher le vêtement ou la frange de Jésus-Christ, mais même son
corps qu’il nous donne à manger. Or, si ceux qui touchèrent seulement la
frange de son vêtement en ressentirent une influence si salutaire, que
n’éprouverons- nous pas, nous qui le recevons tout entier ? |
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Caput 15 |
CHAPITRE 15 —
[Rejet de plus en plus fort]
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Lectio 1 [85505] Catena in Mt.,
cap. 15 l. 1 Rabanus. Homines Genesareth et minus
docti credunt; sed qui sapientes videntur, ad pugnam veniunt: iuxta illud:
abscondisti haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis; unde
dicitur tunc accesserunt ad eum ab Hierosolymis Scribae et Pharisaei. Augustinus de Cons. Evang. Ita autem
conserit Evangelista narrationis suae ordinem, dicens tunc accesserunt: ut
quantum ipse transitus indicat, rerum etiam consequentium ordo servetur. Chrysostomus in Matth. Propter hoc autem
Evangelista hic tempus designat ut ostendat ineffabilem illorum nequitiam
nulli cedentem: tunc enim venerunt quando plurima signa operatus est, quando
infirmos ex tactu fimbriae curaverat. Quod autem ab
Hierosolymis venisse dicuntur Scribae et Pharisaei, sciendum est, quod per
omnes tribus erant disseminati; sed qui in metropoli habitabant, peiores
aliis erant, velut ampliori fruentes honore, et maiorem superbiam possidentes. Remigius. Duabus autem de causis
reprehenduntur: et quia ab Hierosolymis venerant, idest a loco sancto
descenderant; et quia seniores populi et legis doctores erant; et non ad
discendum, sed ad reprehendendum dominum venerant: subditur enim dicentes:
quare discipuli tui transgrediuntur traditionem seniorum? Hieronymus. Mira Pharisaeorum Scribarumque
stultitia. Dei filium arguunt, quare traditiones hominum et praecepta non
servet. Chrysostomus in Matth. Vide autem qualiter et
a sua interrogatione capiuntur: non enim dicunt: quare transgrediuntur legem
Moysi; sed traditionem seniorum: unde manifestum est, quod multa nova
inducebant sacerdotes, quamvis Moyses dixerit: non adicietis ad verbum quod
ego propono vobis hodie, et non auferetis ab eo; et quando oportebat eos ab
observationibus liberari, tunc amplioribus observationibus se alligabant,
timentes ne aliquis eorum principatum auferret; terribiliores esse volentes,
quasi et ipsi essent legislatores. Remigius. Quae autem fuerint traditiones,
manifestat Marcus cum ait: Pharisaei et omnes Iudaei, nisi crebro lavent
manus suas, non manducant panem. Unde et hic discipulos reprehendunt,
dicentes non enim lavant manus suas cum panem manducant. Beda. Verba enim prophetarum carnaliter
accipientes, quod dictum erat: lavamini, et mundi estote, de corpore solum
lavando servabant; et ideo statuerant nonnisi lotis manibus manducandum esse.
Hieronymus. Manus autem, idest opera non
corporis sed animae lavandae sunt ut fiat in illis verbum Dei. Chrysostomus in Matth. Ideo autem discipuli
non lotis manibus manducabant, quia iam superflua despiciebant, ea solum quae
sunt necessaria attendentes, et neque lavari, neque non lavari pro lege
habentes, sed ut contingebat alterutrum facientes. Qui enim et ipsum
necessarium cibum contemnebant, qualiter circa hoc studium haberent? Remigius. Vel reprehendebant Pharisaei
discipulos domini, non de ista lavatione, quae consueto more congruit, et
necessariis temporibus agitur; sed de illa superflua quae de superstitiosa
traditione seniorum fuerat reperta. Chrysostomus in Matth. Christus autem non
excusavit, sed confestim reaccusavit, demonstrans quoniam eum qui magna
peccat, pro parvis peccatis aliorum sollicitum esse non oportet: unde
sequitur ipse autem respondens ait illis: quare et vos transgredimini
mandatum Dei propter traditionem vestram? Non autem dicit quod bene faciunt
transgredientes, ut non det eis occasionem calumniae; neque tamen vituperat
quod ab apostolis factum est, ne approbet eorum traditiones; neque rursus
accusat seniores, ne tamquam iniuriatorem eum repulissent, sed increpat eos
qui advenerant, tangens etiam seniores qui talem traditionem statuerant,
dicens (Hieronymus): cum vos propter traditionem hominum
praecepta Dei negligatis, quare discipulos meos arguendos creditis, quod
seniorum iussa parvipendant, ut Dei praecepta custodiant? Nam Deus dixit:
honora patrem et matrem. Honor in Scripturis non tantum in salutationibus et
officiis deferendis, quantum in eleemosynis ac munerum oblatione sentitur.
Honora, inquit apostolus, viduas quae vere viduae sunt. Hic enim honor donum
intelligitur. Praeceperat ergo dominus, vel imbecillitates vel aetates vel
penurias parentum considerans, ut filii honorarent etiam in vitae necessariis
ministrandis parentes suos. Chrysostomus in Matth. Voluit autem monstrare
quod parentes essent valde honorandi, per hoc quod adiunxit et praemium et
poenam. Sed dominus hic praemium praetermittens quod honorantibus repromittitur,
scilicet esse longaevum super terram, ponit quod terribilius est, scilicet
poenam: ut et ipsos stupefaceret, et alios attraheret: unde addit et qui
maledixerit patri vel matri, morte moriatur: in quo demonstrat eos morte
dignos esse. Si enim qui verbo dehonorat parentem, morte punitur, multo magis
vos qui opere: et non solum dehonoratis parentes, sed et alios hoc docetis.
Qui igitur neque vivere debetis, qualiter meos discipulos incusatis? Quomodo
autem Dei mandatum transgrediantur, manifestat cum subdit vos autem dicitis:
quicumque dixerit patri vel matri: munus quodcumque est ex me, tibi proderit.
Hieronymus. Praemissam enim providentissimam
Dei legem volentes Scribae Pharisaeique subvertere, ut impietatem sub nomine
pietatis inducerent, docuerunt pessimos filios, ut si quis ea quae parentibus
offerenda sunt, Deo voluerit vovere, qui verus est pater, oblatio domini
praeponatur parentum muneribus. Glossa. Ut sit sensus: quod ego offero Deo, et
mihi et tibi proderit; et ideo non debes sumere, scilicet res meas in tuos
usus; sed pati ut Deo offeram. Hieronymus. Vel certe ipsi parentes, qui Deo
consecrata cernebant, ne sacrilegii crimen incurrerent, declinantes, egestate
conficiebantur; atque ita fiebat ut oblatio liberorum sub occasione templi et
Dei in lucra cederet sacerdotum. Glossa. Ut sit sensus: quicumque, idest
quisquis vestrum, o iuvenes, dixerit, idest dicere poterit vel dicet, patri
vel matri: o pater, munus quod est ex me, Deo iam devotum, proderit tibi.
Admirando; quasi diceret: non debes sumere, ne sis reus sacrilegii. Vel
potest legi per defectum hoc modo: quicumque dixerit patri, etc..., subaudi:
faciet Dei mandatum, vel complebit legem, vel erit dignus vita aeterna. Hieronymus. Potest autem et hunc breviter
habere sensum. Compellitis, inquit, filios, ut dicant parentibus suis:
quodcumque donum oblaturus eram Deo, in tuos consumis cibos, tibique prodest,
o pater et mater; quasi diceret: non. Glossa. Et sic propter istas persuasiones
avaritiae vestrae, ille iuvenis non honorificabit patrem et matrem: unde
sequitur et non honorificabit patrem et matrem; quasi diceret: vos filiis
ista pessima suasistis; et propter hoc filius postea patrem et matrem non
honorificabit; et ita mandatum Dei de sustentandis parentibus fecistis irritum
propter traditionem vestram, scilicet avaritiae vestrae servientes. Augustinus contra Advers. Leg. et Proph. Evidenter
autem hic Christus ostendit, et illam esse Dei legem quam haereticus
blasphemat, et Iudaeos habere suas traditiones a libris propheticis et
legitimis alienas; quas apostolus appellat profanas fabulas et viles. Augustinus contra Faustum. Multa etiam nos hic
dominus docet: et Iudaeos a Deo suo se non avertere, et eius mandata non
tantum se non infringere, verum etiam illos a quibus infringerentur arguere,
et non nisi per Moysen ista mandasse. Augustinus de quaest. Evang. Vel aliter. Munus
quodcumque est ex me, tibi proderit; idest, munus quod offers causa mei, ad
te iam pertinebit: quibus verbis significant filii iam sibi non necesse esse
parentum pro se oblationem, quod ad eam aetatem pervenissent ut possent iam
ipsi offerre pro se. In hac ergo aetate constitutos, ut possent parentibus
suis hoc dicere, cum hoc dixissent, negabant Pharisaei reos esse, si
parentibus non praestarent honorem. |
Versets 1-6.
— Raban : Les
habitants de Génézareth et les esprits les plus simples croient en
Jésus-Christ, tandis que ceux qui paraissent sages à leurs propres yeux
viennent pour lui livrer combat, selon ces paroles: « Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous
les avez révélées aux petits. » C’est ce que 1’Évangéliste veut
exprimer lorsqu’il dit: « Alors
des scribes et des pharisiens, qui étaient venus de Jérusalem s’approchèrent
de Jésus. » —
Saint Augustin : (De l’accord des Evang., 2, 49.) Saint
Matthieu a disposé l’ordre de son récit de manière que ces paroles: « Alors des scribes et des pharisiens
s’approchèrent, » servent à la fois de transition et indiquent la
suite chronologique des événements. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
52.) L’Évangéliste
nous marque ici le temps pour dévoiler l’excès de leur méchanceté sans égale,
car ils choisissent [pour l’attaquer] le moment où il vient de faire une
multitude de miracles et de guérir les malades par le contact de la frange de
sa robe. Ces scribes, ces pharisiens viennent, dit-on, de Jérusalem; ce n’est
pas qu’ils ne fussent disséminés dans toutes les tribus, mais ceux qui
habitaient la métropole étaient pires que les autres à cause des grands
honneurs qui leur étaient rendus et de l’orgueil excessif qu’ils
manifestaient. —
Saint Rémi : Ils sont doublement coupables, parce
qu’ils venaient de Jérusalem, la ville sainte, et parce qu’ils étaient les
anciens du peuple et les docteurs de la loi et que leur intention n’était pas
de consulter le Seigneur, mais de trouver à le reprendre: « Et ils lui dirent: Pourquoi vos
disciples violent-ils la tradition des anciens ? » —
Saint Jérôme : Étonnante folie des pharisiens et des
scribes ! Ils reprochent au Fils de Dieu de ne point garder les
traditions et les préceptes des hommes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Voyez comme ils sont pris dans
leurs propres questions: ils ne demandent point : pourquoi
transgressent-ils la loi de Moïse, mais « pourquoi
violent-ils les traditions des anciens ? » preuve évidente que
les prêtres introduisaient un grand nombre de nouveautés, malgré cette
défense de Moïse: « Vous
n’ajouterez rien aux paroles que je vous dis aujourd’hui et vous n’en
retrancherez rien. » C’est alors qu’ils devaient s’affranchir de ces
pratiques, qu’ils se liaient par un plus grand nombre de vaines observances,
parce qu’ils craignaient qu’on ne vînt leur enlever l’autorité souveraine, et
qu’ils voulaient se rendre redoutables en leur qualité de législateurs. —
Saint Rémi : Quelles étaient ces traditions ?
Saint Marc nous l’apprend: « Les
pharisiens et tous les Juifs ne mangent point de pain qu’ils ne se lavent
fréquemment les mains. » (Mc 7.)
Voilà pourquoi ils adressent ce reproche aux disciples de Jésus: « Ils ne lavent pas leurs mains lorsqu’ils
mangent. » — Bède : (sur S. Matth.) Comme ils entendaient
les paroles des prophètes dans un sens charnel, ils n’observaient ce précepte
que Dieu donne par Isaïe: « Lavez-vous
et soyez purs » qu’en lavant leurs corps, et ils avaient donc établi
qu’on ne pouvait manger qu’après s’être lavé les mains. —
Saint Jérôme : On doit se laver les mains,
c’est-à-dire purifier les oeuvres non du corps, mais de l’âme, pour qu’elles
puissent accomplir la parole de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52.) Les disciples mangeaient sans
s’être lavé les mains, parce qu’ils rejetaient les observances superflues
pour ne s’attacher qu’au nécessaire; ils ne se croyaient obligés ni à se
laver, ni à ne se pas laver les mains, et ils faisaient l’un et l’autre
suivant les occasions. Car, comment auraient-ils pu attacher de l’importance
à une semblable tradition, eux qui n’avaient même aucun souci de la
nourriture qui leur était nécessaire ? —
Saint Rémi : Ou bien ce que les pharisiens
reprochent aux disciples du Seigneur n’est pas de manquer à l’usage reçu de
se laver les mains lorsqu’il en est besoin, mais de ne pas observer ici les
coutumes inutiles, introduites par les traditions superstitieuses des anciens
(cf. Mc 7). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 52.) Jésus-Christ n’excuse pas [directement] ses disciples; mais, prenant aussitôt le rôle d’accusateur, il fait voir [aux scribes et aux pharisiens] que ce n’est pas à ceux qui se rendent coupables de fautes énormes qu’il appartient de reprendre les fautes légères que peuvent commettre les autres. « Mais il leur répondit: Pourquoi vous-mêmes violez-vous le commandement de Dieu par votre tradition ? » Il ne dit pas que ses disciples font bien pour ne pas donner aux. Juifs occasion de les calomnier; mais il ne les blâme pas non plus, pour ne point paraître approuver leurs traditions Il n’accuse pas non plus les anciens, ce qu’ils auraient repoussé comme un outrage, mais il reprend ceux qui sont venus le trouver, tout en blâmant aussi [indirectement] les anciens qui avaient établi cette tradition. —
Saint Jérôme : C’est-à-dire: Comment, vous violez
les Commandements de Dieu pour une tradition tout humaine, et vous reprochez
à mes disciples d’attacher peu d’importance aux prescriptions des anciens
pour observer les commandements de Dieu ? car Dieu a fait ce
commandement: « Honore ton père et
ta mère. » Cet honneur dont parle l’Écriture consiste moins en
marques de déférence, de respect, que dans l’assistance et dans les secours
effectifs qu’on leur donne: « Honorez
les veuves qui sont vraiment veuves », dit saint Paul (1 Tm 5), honneur qu’il faut entendre des
secours qui leur sont donnés. Dieu, en faisant ce commandement, avait eu en
vue les infirmités, l’âge ou l’indigence des parents, et voulait que les
enfants honorent leurs parents en leur procurant les choses nécessaires à la
vie (cf. Ex 20; Dt 5; Qo 3). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52.) Dieu a voulu montrer combien les
parents devaient être très honorés par leurs enfants, en sanctionnant ce
précepte par la récompense et par le châtiment. Mais Notre Seigneur, passant
sous silence la récompense promise à ceux qui honorent leurs parents,
c’est-à-dire une longue vie sur la terre, s’arrête de préférence à ce qui est
davantage de nature à les effrayer, c’est-à-dire au châtiment, pour inspirer
une vive crainte aux uns et convertir les autres. C’est pour cela qu’il
ajoute: « Que celui qui aura
outragé son père ou sa mère soit puni de mort. » Il leur prouve par
là qu’ils sont vraiment dignes de mort; car si celui qui outrage en paroles
son père ou sa mère est puni de mort, combien plus méritez-vous ce châtiment,
vous qui les outragez par vos actions. Et non seulement vous manquez à
l’honneur qui est dû à vos parents, mais encore vous enseignez aux autres à
le leur refuser. Comment donc osez-vous accuser mes disciples, vous qui ne
méritez pas même de vivre ? Notre Seigneur leur fait connaître la
manière dont ils violent ce commandement de Dieu, en ajoutant: « Mais vous, vous dites: Quiconque
aura dit à son père ou à sa mère: Tout don que j’offre de mon bien, tourne à
votre profit. » —
Saint Jérôme : Les scribes et les pharisiens,
voulant détruire cette loi divine et providentielle, pour couvrir leur
impiété sous l’apparence de la religion, enseignèrent aux enfants dénaturés que
s’ils avaient l’intention de consacrer à Dieu, qui est le Père véritable, ce
qui était destiné à leurs parents, ils devaient préférer ce sacrifice aux
secours destinés à leurs parents. — La Glose : Voici donc le sens
de ces paroles: Ce que j’offre à Dieu vous servira aussi bien qu’à moi; vous
ne devez donc pas prendre pour votre usage ce qui m’appartient, mais permettre
que je l’offre à Dieu. — Saint Jérôme : Ou bien il est probable que les parents, dans la crainte d’encourir le crime de sacrilège, n’osaient prendre ce qu’ils voyaient consacré à Dieu, et qu’ils étaient réduits à la pauvreté; il arrivait ainsi que l’offrande faite par les enfants sous le prétexte du temple et de Dieu, tournait au profit des prêtres. — La Glose : Le sens serait donc celui-ci: Quiconque, c’est-à-dire dire celui
d’entre vous, jeunes gens, qui aura dit (ou qui aura pu dire, ou qui dira) à
son père ou à sa mère: Mon père, le don que j’offre à Dieu de mon bien,
tournera à votre profit; étonnant ! c’est comme s’il disait : vous
ne devez pas le prendre, pour ne pas vous rendre coupable de sacrilège. Ou
bien encore, on peut dire, en suppléant à ce qui manque: Quiconque dira à son
père, etc..., sous-entendez, accomplira le commandement de Dieu, ou
accomplira la loi, ou sera digne de la vie éternelle. —
Saint Jérôme : On peut encore donner cette
explication abrégée: Vous forcez les enfants de dire à leurs parents: Le don
que j’allais offrir à Dieu, je l’emploie par là même à votre entretien, et il
tourne à votre profit, mon père et ma mère; mais non, il n’en est pas ainsi. — La Glose : Et c’est ainsi que
par suite des conseils que lui aura donnés votre avarice, ce fils n’aura
aucun respect pour son père et sa mère, comme il le dit en propres termes: « Et il n’honorera ni son père ni sa mère »,
comme s’il disait: Voila les mauvais conseils que vous donnez aux enfants, et
vous êtes cause que ce fils, plus tard, ne rendra ni à son père ni à sa mère
l’honneur qu’il leur doit. C’est ainsi que ce commandement de Dieu qui fait
un devoir aux enfants d’assister leurs parents, vous l’avez rendu inutile à
cause de votre tradition en servant les intérêts de votre avarice. —
Saint Augustin : (contre l’ennemi de la loi et des prophètes,
2, 1) Jésus-Christ nous montre ainsi avec évidence, que c’est la loi de Dieu
même dont l’hérétique fait l’objet de ses blasphèmes, et que les Juifs ont
des traditions étrangères aux livres prophétiques et légaux, et que l’Apôtre
appelle des fables profanes et des contes de vieilles femmes (1 Tm 4.) —
Saint Augustin : (cont. Faust., 16, 24.) Notre Seigneur nous
enseigne ici plusieurs choses, d’abord qu’il ne détournait pas les Juifs du
Dieu qu’ils adoraient; et que bien loin de violer lui-même ses comman-dements,
il condamnait ceux qui se rendaient coupables de cette transgression, et
qu’enfin ce n’était que par Moïse qu’il avait donné ces préceptes. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 15.) Ou bien dans un autre sens: « Le présent que j’offre de mon bien tournera à votre profit », c’est-à-dire: Le présent que vous offrez pour moi, vous appartiendra désormais; paroles qui signifient que les enfants n’avaient plus besoin des sacrifices que leurs parents offraient pour eux, lorsqu’ils étaient arrivés à l’âge où ils pouvaient les offrir eux-mêmes pour eux-mêmes. Parvenus à cet âge, où ils pouvaient tenir ce langage à leurs parents, les pharisiens niaient qu’ils fussent coupables de manquer à l’honneur qu’ils leur devaient. |
Lectio 2 [85506] Catena in Mt.,
cap. 15 l. 2 Chrysostomus in Matth. Monstraverat
dominus quod Pharisaei non erant digni accusare transgredientes mandata
seniorum, cum Dei legem destruerent; rursus autem demonstrat hoc ipsum et a
propheta: unde dicit hypocritae, bene prophetavit de vobis Isaias dicens:
populus hic labiis me honorat; cor autem eorum longe est a me. Remigius. Hypocrita dicitur simulator, quia
aliud opere simulat, et aliud corde gestat. Isti ergo bene hypocritae
dicuntur, quia sub honore Dei terrena sibi lucra accumulare cupiebant. Rabanus. Praevidit autem Isaias simulationem
Iudaeorum, quod in dolo pugnarent contra Evangelium; et ideo dixit ex persona
domini populus hic labiis me honorat, et cetera. Remigius. Iudaeorum namque populus labiis et
ore Deo appropinquare et honorare eum videbatur, quia unius Dei cultum se
habere gloriabatur; sed corde longe a Deo recessit: quia visis signis atque
miraculis, nec divinitatem eius cognoscere, nec eum suscipere voluerunt. Rabanus. Item labiis eum honorabant quando
dicebant: magister, scimus quia verax es; sed cor eorum longe ab eo fuit
quando miserunt insidiatores, ut eum caperent in sermone. Glossa. Vel commendando exteriorem munditiam
eum honorabant, sed dum interiori, quae vera est, carebant, cor eorum longe
erat a Deo, et illis talis honor inutilis erat: unde sequitur sine causa
autem colunt me docentes doctrinas et mandata hominum. Rabanus. Non enim habebunt mercedem cum veris
cultoribus, docentes doctrinas et mandata hominum, contemptis praeceptis
divinis. Chrysostomus in Matth. Augmentata ergo
accusatione Pharisaeorum a testimonio prophetae, et illis non emendatis, iam
eis non loquitur, sed turbis: unde dicit et, convocatis ad se turbis, dixit
eis: audite et intelligite. Quia turbis dogma excelsum et multa philosophia
plenum propositurus erat, non simpliciter hoc enuntiat, sed susceptibilem
facit sermonem. Primo quidem et honore et sollicitudine exhibita circa
turbas; quod ostendit Evangelista dicens et convocatis ad se turbis. Deinde
etiam susceptibilem facit sermonem ex tempore: quia post mortuos suscitatos,
post victoriam contra Pharisaeos habitam, tunc legem proponit, ut facilius
suscipiatur. Et non solum simpliciter turbas advocavit; sed etiam eos
attentiores fecit in hoc quod dixit audite et intelligite; idest, attendite
et erigimini mente ad hoc audiendum. Non autem dixit eis: nihil est
observatio escarum, neque quod Moyses male iniunxerat; sed per modum
admonitionis et consilii a rerum ipsarum natura testimonium accipiens ait non
quod intrat in os, coinquinat hominem; sed quod procedit ex ore, hoc
coinquinat hominem. Hieronymus habet communicat. Hieronymus. Verbum communicat proprie
Scripturarum est, et publico sermone non teritur. Populus autem Iudaeorum
partem Dei se esse iactans, communes cibos vocat quibus omnes utuntur
homines; verbi gratia, suillam carnem, ostreas, lepores et istiusmodi
animantia, quae ungulam non findunt, nec ruminant, nec squamosa in piscibus
sunt. Unde et in actibus apostolorum scriptum est: quod Deus sanctificavit,
tu ne commune dixeris. Commune ergo quod ceteris hominibus patet, et quasi
non de parte Dei, pro immundo appellatur. Augustinus contra Faustum. Testamento autem
veteri non est contraria ista sententia, qua dominus dicit non quod intrat in
os; in qua apostolus: omnia munda mundis et: omnis creatura Dei bona est. Si
possunt, hoc apostolum de ipsis dixisse naturis, intelligant Manichaei; illas
autem litteras, propter quasdam praefigurationes tempori congruentes,
animalia quaedam non natura, sed significatione immunda dixisse. Itaque,
verbi gratia, si de porco et agno requiratur, utrumque natura mundum est,
quia natura omnis creatura Dei bona est; quadam vero significatione agnus
mundus, porcus immundus est; tamquam si stultum et sapientem diceres,
utrumque hoc verbum natura vocis et litterarum et syllabarum quibus constat,
utique mundum est; significatione autem unum horum verborum, quod dicitur
stultus, immundum dici potest, non natura sui, sed quoniam quoddam immundum
significat. Et fortasse quod est in rerum figuris porcus, hoc est in hominum
genere stultus: et tam illud animal quam istae duae syllabae, quod dicitur
stultus, quoddam unum idemque significant. Immundum quippe illud animal in
lege positum est, eo quod non ruminet; non autem hoc eius vitium, sed natura
est. Sunt autem homines, qui per hoc animal significantur, immundi proprio vitio,
non natura; qui cum libenter audiant verba sapientiae, postea de his omnino
non cogitant. Quod enim utile audieris, velut ab intestino memoriae, tamquam
ad os cogitationis recordandi dulcedine revocare, quid aliud est quam
spiritualiter ruminare? Quod qui non faciunt, illorum animalium genere
figurantur. Hae autem similitudines rerum in locutionibus vel observationibus
figuratis rationales mentes utiliter et suaviter movent; sed priori populo
multa talia non tantum audienda, verum etiam observanda praecepta sunt.
Tempus enim erat quo non tantum dictis, sed etiam factis prophetizari
oportebat ea quae posteriore tempore fuerant revelanda: quibus per Christum
atque in Christo revelatis, fidei gentium onera observationum non sunt
imposita, prophetiae tamen est auctoritas commendata. Requiro autem a
Manichaeis, utrum ista domini sententia qua dixit, non inquinari his hominem
quae in os eius intrant, vera aut falsa sit. Si falsam dicunt, cur eam eorum
doctor Adimantus a Christo prolatam dicens, ad expugnandum vetus testamentum
obiecit? Si autem vera est, cur adversus eam credunt se coinquinari? Hieronymus. Opponat autem prudens lector, et
dicat: si quod intrat in os, non coinquinat hominem, quare idolothytis non
vescimur? Sciendum igitur, quod ipsi quidem cibi, et omnis Dei creatura per
se munda sit; sed idolorum et Daemonum invocatio ea facit immunda; apud eos
scilicet qui cum conscientia idoli idolothytum manducant, et conscientia
eorum, cum sit infirma, polluitur, ut apostolus dicit. Remigius. Quicumque autem tantae fidei est ut
intelligat creaturam Dei nullo modo inquinari posse, sanctificetur cibus per
verbum Dei et orationem, et comedat quicquid vult: ita tamen quod haec
licentia offendiculum non fiat infirmis, ut apostolus dicit. |
Versets 7-11.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 52.) Le Seigneur vient de prouver aux pharisiens qu’ils n’avaient pas
droit d’accuser ceux qui transgressaient la tradition des anciens, alors
qu’ils violaient eux-mêmes la loi de Dieu. Il établit encore la même vérité
par le témoignage du prophète: « Hypocrites,
leur dit-il, Isaïe a bien
prophétisé de vous quand il a dit : ‘Ce peuple m’honore des lèvres, mais
son cœur est loin de moi’. » — Saint Remi : Un
hypocrite est un homme qui feint, et qui affecte de paraître au dehors tout
autre qu’il n’est au fond du cœur. C’est avec raison qu’il les appelle
hypocrites, eux, qui sous prétexte d’honorer Dieu, ne cherchaient qu’à
amasser les biens de la terre. — Raban : Isaïe a prévu
cette hypocrisie des Juifs qui les porterait à combattre artificieusement
l’Évangile; et c’est pour cela qu’il a dit au nom du Seigneur: « Ce peuple m’honore des
lèvres », etc... —
Saint Rémi : Le peuple juif paraissait s’approcher
de Dieu, et l’honorer des lèvres et de la bouche; car il se faisait gloire de
n’adorer qu’un seul Dieu; mais son cœur s’éloigna de lui, parce qu’après
avoir vu les prodiges et les miracles, il ne voulut ni reconnaître sa
divinité, ni le recevoir. — Raban : Ils l’honoraient
des lèvres, lorsqu’ils disaient: « Maître, nous savons que vous êtes
vrai » ; mais leur cœur était bien loin de lui, lorsqu’ils
envoyèrent des hommes pour lui tendre des pièges et le surprendre dans ses
discours. — La Glose : Ou bien ils
l’honoraient en recommandant les purifications extérieures, mais comme ils
n’avaient point la pureté intérieure, qui est la vraie pureté, leur cœur
était loin de Dieu, et l’honneur qu’ils lui rendaient était sans fruit pour
eux, comme l’ajoute le Seigneur: « Et
c’est en vain qu’ils m’honorent, enseignant des maximes et des ordonnances
humaines. » — Raban : Ils n’auront
point de part à la récompense des vrais adorateurs, eux qui enseignent des
doctrines et des préceptes purement humains, au mépris des commandements qui
viennent de Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
52.) Après
avoir donné un nouveau poids à l’accusation dirigée contre les pharisiens, en
l’appuyant de l’autorité du prophète, sans qu’il ait pu les amener à de
meilleurs sentiments, il cesse de leur parler, et il s’adresse au peuple: « Puis, ayant appelé le peuple, il
leur dit: Écoutez, et comprenez bien ceci. » Comme il doit exposer à
la foule une vérité élevée et pleine de sagesse, il ne se contente pas de
l’énoncer, il prépare les esprits à la recevoir, en témoignant d’abord des
égards et de la sollicitude pour ce peuple; ce que l’Évangéliste nous indique
par ces paroles: « Puis, ayant
appelé le peuple. » Les circonstances sont d’ailleurs on ne peut
plus favorables pour ce qu’il valeur dire; car ce n’est qu’après avoir
ressuscité des morts et triomphé des pharisiens qu’il propose sa loi pour la
faire plus facilement accepter. Il ne se contente pas d’appeler la foule,
mais il la rend plus attentive par ces paroles: « Entendez, et comprenez », c’est-à-dire prêtez votre
attention, et élevez votre esprit pour comprendre mes paroles. Il ne leur dit
pas: Il ne faut pas faire de distinction entre les aliments, ou c’est à tort
que Moïse a prescrit cette distinction; mais, puisant ses preuves dans la
nature même des choses, il parle sous forme d’avertissement et de conseil, et
il dit: « Ce n’est pas ce qui
entre dans la bouche qui souille l’homme, c’est ce qui sort de se bouche
qui souille l’homme.» La traduction de saint Jérôme porte: « qui
rend commun » (cf. Mc 7, 15). —
Saint Jérôme : Le mot communicat est une expression particulière aux Écritures, et qui
n’est point employé dans le langage ordinaire. Le peuple juif qui se vantait
d’être l’héritage de Dieu, donnait le nom de nourriture commune aux viandes
dont se nourrissent tous les hommes, comme la viande de porc, les huîtres, le
lièvre, et d’autres animaux qui n’ont pas le sabot fendu, qui ne ruminent
pas, et parmi les poissons, ceux qui n’ont point d’écailles. C’est dans ce
sens que nous lisons dans les Actes des
Apôtres (Ac 10): « Ne regardez pas comme commun ce que
Dieu a sanctifié. » Ainsi le mot « commun », qui exprime
ce qui est permis aux autres hommes, comme ne faisant point partie de
l’héritage de Dieu, est pris ici dans le sens d’impur. —
Saint Augustin : (cont. Faust., 6, 7.) L’Ancien Testament, [qui défend certains aliments], n’est
nullement en opposition avec ce que le Seigneur dit ici: « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille »,
ni avec ces autres paroles de l’Apôtre: « Tout
est pur pour ceux qui sont purs » (Tt 1), et encore: « Toute créature de Dieu est
bonne. » (1 Tm 4.) Que les
Manichéens, s’ils le peuvent, comprennent que l’Apôtre a voulu parler ici des
substances considérées en elles-mêmes, tandis que la sainte Écriture, pour
établir certaines figures qui étaient en rapport avec l’époque, considère
certains animaux comme impurs, non pas de leur nature, mais par la
signification qui s’y trouve attachée. Ainsi, par exemple, que l’on demande
si le porc et l’agneau sont purs de leur nature, il faudra répondre
affirmativement, parce que « toute créature de Dieu est bonne. »
Mais si on les considère sous un certain rapport significatif, l’agneau est
pur, le porc ne l’est pas. Il en est de même pour les mots fou et sage: l’un et l’autre sont purs, si on les considère dans le son
de la voix qui les prononce, aussi bien que dans les lettres et les syllabes
qui les composent; mais considérés dans leur signification, le nom de fou,
peut recevoir la qualification d’impur, non pas dans sa nature, mais parce
qu’il signifie quelque chose d’impur. Peut-être aussi que le fou est dans
l’ordre des réalités ce que le porc est dans l’ordre des figures. Ainsi cet
animal et ce mot latin de deux syllabes (stultus), que nous traduisons par
fou, auraient une seule et même signification; car la loi répute le porc
immonde, parce qu’il ne rumine pas, ce qui tient à sa nature, et n’est point
un vice en lui. Il est des hommes qui sont figurés par cet animal, et qui
sont impurs par leur propre faute et non par nature, parce qu’après avoir
écouté volontiers les leçons de la sagesse, ils n’y pensent plus en aucune
façon. Car si après avoir reçu des enseignements utiles, vous les rappelez
comme des entrailles de votre mémoire, et que vous reportiez la douceur de ce
souvenir comme dans la bouche de la pensée, que faites-vous en cela, sinon
ruminer spirituellement ? Ceux qui agissent différemment sont figurés
par les animaux impurs. Or, cette multitude de choses qui nous sont proposées
ou dans des expressions allégoriques, ou dans des observances figuratives,
font sur les esprits raisonnables une douce et salutaire impression. Mais un
grand nombre de ces choses étaient pour le peuple juif autant de préceptes
qu’il devait non seulement écouter, mais encore mettre en pratique. C’était
le temps où les mystères, dont Dieu réservait la révélation aux siècles qui
suivirent, devaient être prophétisés non seulement par des paroles, mais
encore par des faits. Lorsque plus tard ces mystères ont été révélés par le
Christ, et dans le Christ, ces observances n’ont pas été imposées comme un
joug aux nations qui embrassèrent la foi, mais l’autorité de la prophétie
qu’elles contenaient a conservé toute sa force. Or, je demanderai aux
Manichéens si cette maxime du Seigneur: « Ce qui entre dans la bouche ne
souille pas » est vraie ou
fausse; s’ils prétendent qu’elle est fausse, pourquoi leur docteur Adimantus,
qui reconnaît qu’elle vient de Jésus-Christ, s’en fait une arme pour battre
en brèche l’Ancien Testament ? Si elle est vraie, comment peuvent-ils
admettre contre sa déclaration que la nourriture souille l’homme ? —
Saint Jérôme : Un lecteur attentif pourra nous faire
cette difficulté: Si ce qui entre dans la bouche de l’homme ne le souille
pas, pourquoi ne pas manger des viandes offertes aux idoles ? Nous
répondons que les aliments et toute créature de Dieu sont purs par eux-mêmes;
mais que l’invocation des idoles et des démons rend impures ces viandes
immolées aux idoles pour ceux qui les mangent avec la conviction qu’ils font
un acte idolâtrique, et ainsi leur conscience qui est faible, en est
souillée, suivant la parole de l’Apôtre (1 Co 8). — Saint Rémi : Mais celui qui est doué d’une foi assez grande pour comprendre que ce que Dieu a créé ne peut être souillé en aucune manière, sanctifie sa nourriture par la prière et par la parole de Dieu, et il peut manger ce qu’il voudra, à moins, toutefois, que cette liberté ne devienne un scandale pour les personnes faibles, comme le fait remarquer le même Apôtre. |
Lectio 3 [85507] Catena in Mt., cap. 15 l. 3 Hieronymus.
Ex uno sermone domini, omnis superstitio observationum Iudaicarum fuerat
Elisa, qui in cibis sumendis abominandisque religionem suam sitam
arbitrabantur. Chrysostomus in Matth. Praemissa itaque cum
audissent Pharisaei, nihil contradixerunt illi, quia vehementer eos
convicerat, non redarguendo solum, sed et dolum illorum propalando: sed
scandalizati sunt, Pharisaei scilicet, non autem turbae: unde dicitur tunc
accedentes discipuli eius, dixerunt ei: scis quia Pharisaei, audito hoc
verbo, scandalizati sunt? Hieronymus. Quia crebro teritur in
ecclesiasticis Scripturis scandalum, breviter dicendum quid significat
scandalum. Nos offendiculum vel ruinam et impactionem pedis possumus dicere. Quando ergo legimus: quicumque scandalizaverit, hoc intelligimus: qui
dicto vel facto occasionem ruinae dederit. Chrysostomus in Matth. Christus
autem non solvit Pharisaeorum scandalum, sed magis eos increpavit: unde
sequitur at ille respondens ait: omnis plantatio quam non plantavit pater
meus caelestis eradicabitur. Hoc autem Manichaei de lege dictum esse dicunt;
sed confutant eos quae antea dicta sunt. Si enim de lege dixisset, qualiter
superius pro lege pugnasset, dicens: quare transgredimini mandatum Dei
propter traditionem vestram? Qualiter etiam prophetam induxisset in medium?
Si etiam Deus dixit: honora patrem et matrem, qualiter hoc quod in lege
dictum est, non est Dei plantatio? Hilarius in Matth. Dicens ergo omnem
plantationem quae non a patre sit, docet traditionem hominum eradicandam,
cuius favore legis praecepta transgressi sunt. Remigius. Omnis etiam falsa doctrina, et
superstitiosa observatio cum suis actoribus permanere non potest; et quia a
Deo patre non est, cum eisdem eradicabitur. Illa ergo sola permanebit quae a
Deo patre est. Hieronymus. Numquid ergo eradicabitur et illa
plantatio, de qua apostolus ait: ego plantavi, Apollo rigavit? Sed solvitur
quaestio ex eo quod sequitur: Deus autem incrementum dedit. Dicit et ipse:
Dei agricultura, Dei aedificatio estis; et alibi: cooperatores Dei sumus. Si
autem cooperatores Dei, igitur plantante Paulo et rigante Apolline, Deus cum
operatoribus suis plantat et rigat. Abutuntur autem hoc loco qui diversas
naturas introducunt, dicentes: si plantatio quam non plantavit pater,
eradicabitur, ergo quam ille plantavit, non potest eradicari. Sed audiant
illud Ieremiae: ego vos plantavi vineam veram: quomodo versi estis in
amaritudinem vitis alienae? Plantavit quidem Deus, et nemo potest eradicare
plantationem eius. Sed quoniam ista plantatio in voluntate proprii arbitrii
est, nullus alius eam eradicare poterit, nisi ipsa tribuerit assensum. Glossa. Vel plantatio ista doctores legis
significat cum sequacibus suis, qui Christum non habebant fundamentum. Quare
autem sunt eradicandi, subditur sinite illos: caeci sunt, et duces caecorum.
Rabanus. Caeci quidem sunt, idest luce
mandatorum Dei privati; et sunt duces caecorum, quia alios in praecipitium
trahunt, errantes, et in errorem mittentes; unde subditur caecus autem si
caeco ducatum praestet, ambo in foveam cadunt. Hieronymus. Hoc etiam est quod apostolus
praeceperat: haereticum hominem post primam et alteram correptionem devita,
sciens quod perversus sit huiuscemodi. In hunc sensum et salvator praecepit
doctores pessimos dimittendos arbitrio suo, sciens eos difficulter ad veritatem
posse trahi. |
Versets 12-14.
— Saint Jérôme : Une
seule parole du Seigneur vient de détruire toute cette superstition des
observances légales auxquelles tenaient tant les Juifs, persuadés que toute
leur religion consistait à prendre telle nourriture ou à rejeter telle autre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52.) Les pharisiens, ayant entendu la
doctrine que Jésus vient d’enseigner, n’osent plus le contredire, car il les
avait fortement convaincus non seulement en repoussant leurs accusations,
mais encore en dévoilant leurs fourberies, mais ils furent scandalisés (les
pharisiens et non le peuple). « Alors
les disciples s’approchant lui dirent: Savez-vous bien que les pharisiens,
ayant entendu ce que vous venez de dire, s’en sont scandalisés ? » —
Saint Jérôme : Comme le mot scandale est souvent
employé dans la sainte Écriture, il nous faut expliquer en peu de mots ce
qu’il signifie. Nous pouvons le définir, une pierre d’achoppement, une cause
de chute ou un choc des pieds. Lors donc que nous lisons: « Quiconque aura scandalisé », nous
devons l’entendre dans ce sens: Celui qui en paroles ou en action aura été
pour son frère une occasion de chute ou de ruine. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
52.) Notre
Seigneur Jésus-Christ ne cherche pas à faire disparaître le scandale des
pharisiens; au contraire, il leur fait davantage de reproches: « Il répondit : Toute plante que
n’a pas plantée mon Père céleste sera arrachée. » Les Manichéens
prétendent qu’il veut parler ici de la Loi, mais cette opinion se trouve
réfutée par ce qu’il a dit plus haut; car, s’il avait ici la Loi en vue,
comment aurait-il pris plus haut la défense de la Loi en leur disant: « Pourquoi transgressez-vous la loi
de Dieu, à cause de votre tradition ? » Comment aurait-il pu
citer à l’appui l’autorité du prophète ? Si c’est Dieu qui a fait ce
commandement: « Honorez votre père
et votre mère », comment ce précepte, qui fait partie de la Loi, ne
serait-il pas la plantation de Dieu ? —
Saint Hilaire : (can. 14.) Donc ces paroles: « Toute plante qui n’a pas été
plantée par mon Père céleste sera arrachée » signifient que toute
tradition humaine qui sert de prétexte à la violation de la loi doit être
arrachée. —
Saint Rémi : Toute fausse doctrine, toute observance
superstitieuse ne peuvent subsister, non plus que leurs auteurs, et comme
elles ne viennent pas du Père, elles seront déracinées avec eux; celle-là
seule demeurera qui a été plantée par Dieu le Père. —
Saint Jérôme : Est-ce que cette plantation dont
l’Apôtre a dit: « J’ai planté,
Apollos a arrosé » serait aussi déracinée ? La réponse à cette
question se trouve dans les paroles suivantes: « C’est Dieu qui a donné l’accroissement ». L’Apôtre
ajoute encore: « Vous êtes le
champ que Dieu cultive, vous êtes l’édifice que Dieu bâtit », et ailleurs:
« Nous sommes les coopérateurs de
Dieu » ; or, si nous sommes ses coopérateurs, lorsque Paul
plante et qu’Apollos arrose, c’est donc Dieu qui plante et arrose avec ses
coopérateurs. Ceux qui soutiennent le système de plusieurs natures
différentes abusent de ce passage en disant: « Si la plantation que n’a
pas faite le Père doit être arrachée, donc celle qu’il a faite ne sera jamais
déracinée. » Jérémie leur répond: « Je
vous ai planté comme une vigne choisie, comment êtes-vous devenus pour moi
une vigne étrangère et pleine d’amertume ? » Dieu a planté, il
est vrai, et personne ne peut déraciner ce qu’il a plante; mais, comme cette
plantation a ses racines dans le libre arbitre, aucun autre ne pourra la
déraciner si elle ne donne son consentement. — La Glose : Ou bien cette
plantation signifie les docteurs de la loi et leurs disciples, qui n’avaient
pas Jésus-Christ pour fondement. Le Seigneur donne la raison pour laquelle
ils seront déracinés: « Laissez-le;
ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles. » — Raban : Ils sont
aveugles, c’est-à-dire privés de la lumière des commandements de Dieu, et ils
sont conducteurs d’aveugles parce qu’ils entraînent les autres dans le
précipice; ils suivent eux-mêmes les sentiers de l’erreur et ils y égarent
les autres. (1 Tm 3.) C’est pour
cela qu’il ajoute: « Si un aveugle
conduit un autre aveugle, ils tombent tous deux dans la fosse. » — Saint Jérôme : C’est le commandement que l’Apôtre avait fait [à son disciple]: « Fuyez celui qui est hérétique après le premier ou le second avertissement, en vous rappelant qu’un tel homme est perverti. » (Tt 3.) C’est dans le même sens que le Sauveur nous ordonne d’abandonner les docteurs de mensonge à leur volonté dépravée, convaincu qu’il était qu’on ne pouvait que difficilement les ramener à la vérité. |
Lectio 4 [85508] Catena in Mt.,
cap. 15 l. 4 Remigius. Consueverat
dominus parabolice loqui; et ideo Petrus cum audisset: quod intrat in os, non
coinquinat hominem, putavit illum parabolice fuisse locutum; et ideo
interrogavit, ut subditur respondens autem Petrus dixit ei: edissere nobis
parabolam istam. Et quia ex persona ceterorum hoc dixerat, idcirco simul cum
aliis a domino reprehensus est: unde sequitur at ille dixit: adhuc et vos
sine intellectu estis? Hieronymus. Corripitur autem a domino, quare
parabolice dictum putet quod perspicue locutus est. Ex quo animadvertimus,
vitiosum esse auditorem qui obscura manifeste, aut manifeste dicta, obscure
velit intelligere. Chrysostomus in Matth. Vel ideo dominus
increpat eum, quia non erat ex incertitudine quod quaesierat, sed ex scandalo
quo scandalizatus erat. Turbae enim non intellexerant quod dictum erat;
discipuli autem scandalizati fuerant; unde a principio quasi pro Pharisaeis
interrogare volebant; sed quia audierant eum magna dicentem: omnis plantatio etc...,
repressi fuerunt. Sed Petrus, qui ubique fervens erat, neque ita silet; quem
dominus increpat, et increpationi rationem addidit dicens non intelligitis
quia omne quod in os intrat, in ventrem vadit et in secessum emittitur? Hieronymus. Ex hac sententia quidam
calumniantur quod dominus physicae disputationis ignarus, putet omnes cibos
in ventrem ire, et in secessum digeri, cum statim infusae escae per artus et
venas ac medullas nervosque fundantur. Sed sciendum, quod tenuis humor et
liquens esca, cum in venis et artubus concocta fuerit et digesta, per
occultos meatus corporis quos Graeci poros, vocant, ad inferiora dilabitur et
in secessum vadit. Augustinus de vera Relig. Alimenta carnis
corrupta, idest amittentia formam suam in membrorum fabricam migrant, et
corrupta reficiunt, in aliam formam per convenientiam transeuntia, et per
vitalem motum diiudicantur quodammodo, ut ex eis in structuram huius pulchri
visibilis, quae apta sunt, assumantur, non apta vero per congruos meatus
abiciantur: quorum aliud faeculentissimum redditur terrae ad alias formas
assumendas, aliud per totum corpus exhalat, aliud totius animalis latentes
nervos accipit et inchoatur in prolem. Chrysostomus in Matth. Cum autem hoc dominus
dicit, adhuc discipulis secundum Iudaicam infirmitatem respondet: dicit enim,
quoniam cibus non manet, sed egreditur; quamvis etsi maneret, non faceret
immundum. Sed nondum haec audire poterant. Propter hoc autem et Moyses per
tantum tempus dicit esse immundos, quantum cibus intus manet: in vespere enim
iubet lavari et mundum esse, quasi tempus digestionis et egestionis dimetiens.
Augustinus de Trin. Duo autem quaedam hominis
ora dominus complexus est: unum corporis, aliud cordis: nam cum dicit omne
quod in os intrat, non coinquinat hominem, apertissime demonstravit os
corporis; at in eo quod sequitur, os cordis ostendit, dicens quae autem
procedunt de ore, de corde exeunt, et ea coinquinant hominem. Chrysostomus in Matth. Quae enim cordis sunt,
intus in homine manent, et exeuntia inquinant, non manentia solum, immo tunc
magis cum exierint; unde subiunxit de corde enim exeunt cogitationes malae:
quas primo ponit, quia hoc erat Iudaicum vitium, qui scilicet ei
insidiabantur. Hieronymus. Principale igitur animae non,
secundum Platonem, in cerebro est, sed iuxta Christum in corde: et arguendi
sunt ex hac sententia qui cogitationes a Diabolo immitti putant, et non ex
propria nasci voluntate. Diabolus adiutor esse, et incentor malarum
cogitationum potest esse; auctor esse non potest. Si autem semper in insidiis
positus levem cogitationum nostrarum scintillam suis fomitibus inflammaverit,
non debemus opinari, eum quaeque occulta cordis rimari: sed ex corporis
habitu et gestibus aestimare quid versemus intrinsecus. Verbi gratia, si
pulchram mulierem nos crebro viderit inspicere, intelligit cor ab oculis
vulneratum. Glossa. Ex cogitationibus autem malis
proveniunt et mala facta et mala verba, quae lege prohibentur: unde subdit
homicidia, quae prohibentur illo legis praecepto: non occides; adulteria,
fornicationes, quae intelliguntur prohiberi illo praecepto: non moechaberis;
furta, quae prohibentur illo praecepto: non furtum facies; falsa testimonia,
contra illud praeceptum: non dices adversus proximum tuum falsum testimonium;
blasphemiae, contra illud praeceptum: non assumes nomen Dei in vanum. Remigius. Nominatis autem vitiis quae divina
lege prohibentur, pulchre dominus subiungit haec sunt quae coinquinant
hominem; idest, immundum et impurum reddunt. Glossa. Et quia huiusmodi verba domini ex
Pharisaeorum nequitia occasionem sumpserant, qui traditiones suas divinis
praeceptis praeferebant, consequenter concludit inconvenientiam traditionis
praemissae, dicens non lotis autem manibus manducare non coinquinat hominem.
Chrysostomus in Matth. Non autem dixit: escas
in lege prohibitas manducare non coinquinat hominem, ut non possent illi
contradicere, sed concludit de illo de quo disputatio erat. |
Versets 15-20.
—
Saint Rémi : Notre Seigneur avait l’habitude de
parler en paraboles. Pierre, ayant donc entendu ces paroles: « Ce n’est pas ce qui entre dans la
bouche qui souille l’homme » crut que c’était une expression
parabolique, et il fit au Seigneur la question suivante: « Expliquez-nous cette parabole. » Il parlait ainsi au
nom de tous; aussi le Seigneur fait tomber le reproche à la fois sur lui et
sur les autres: « Et vous aussi,
vous êtes encore sans intelligence ? » —
Saint Jérôme : Le Seigneur fait un reproche à Pierre
de regarder comme une parabole une vérité exprimée sans la moindre figure.
Apprenons de là qu’on n’est pas un bon disciple lorsqu’on veut entendre avec
clarté ce qui est obscur, ou regarder comme obscur ce qui est d’une clarté
évidente. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52.) Ou bien le Seigneur le reprend,
parce que ce n’était pas pour dissiper ses doutes que Pierre l’interrogeait,
mais parce qu’il se scandalisait comme les pharisiens. Le peuple, en effet,
n’avait pas compris ce qu’avait dit le Seigneur; mais pour les disciples, ils
en avaient été scandalisés. Aussi avaient-ils voulu d’abord l’interroger
comme au nom des pharisiens; mais ils en furent empêchés par cette grande
vérité qu’ils entendent sortir de la bouche de Jésus: « Toute plante que , etc... » Mais Pierre, dont l’ardeur
éclate partout, ne peut garder le silence. Aussi Jésus le reprend vivement et
motive ainsi ses reproches: « Vous
ne comprenez donc pas que ce qui entre dans la bouche descend dans le ventre
et est jeté ensuite au lieu secret ? » —
Saint Jérôme : Il en est qui ont pris occasion de
ces paroles pour reprocher au Seigneur d’avoir ignoré les lois physiques de
la nutrition en pensant que tous les aliments descendent dans le ventre et
sont jetés ensuite dans un lieu secret, tandis que la nourriture, soumise
immédiatement à une espèce de dissolution, est distribuée dans les membres,
dans les veines, dans les nerfs et jusque dans la moëlle des os. Mais ils
doivent savoir aussi que lorsque les aliments ont subi, sous l’action d’un
fluide délié, une opération qui les rend liquides et qu’ils ont été comme
cuits et digérés dans les membres, ils descendent vers les parties
inférieures du corps, que les Grecs appellent pores, et sont jetés ensuite
dans un lieu secret. — Saint
Augustin : (De
la vraie relig., chap. 40.) Les aliments, après qu’ils ont été soumis à
la dissolution et qu’ils ont perdu leur forme, sont distribués dans toutes
les parties du corps et y deviennent des éléments réparateurs. Par une loi de
la nature, ils changent de forment et le mouvement vital les sépare en deux
parties distinctes en quelque sorte: l’une, parfaitement préparée, sert à
développer l’admirable organisation de notre corps; l’autre, dépouillée de
tout principe nutritif, est rejetée par les canaux destinés à cet usage.
Ainsi une partie, la plus grossière, est rendue à la terre pour y prendre de
nouvelles formes; une autre s’exhale par tous les pores du corps; une autre
enfin se répand dans toute l’économie intérieure du corps animal et devient
un des principes de la génération. —
Saint Jean Chrysostome : En parlant de la sorte à
ses disciples, Notre Seigneur se conforme encore aux idées imparfaites du
judaïsme, il dit en effet: La nourriture ne reste pas, mais elle s’en va,
bien qu’elle ne pût souiller, même en restant dans le corps. Mais ils ne
pouvaient encore comprendre cette doctrine, car Moïse leur avait enseigné
qu’ils étaient impurs tant que la nourriture était dans leur ventre, et de se
laver et de se purifier le soir, qui est comme le temps où la digestion est
faite et où le corps se débarrasse du reste des aliments. —
Saint Augustin : (De la Trinité, 15, 18.) Le Seigneur, sous
une même dénomination, a compris deux sortes de bouches dans l’homme: la
bouche du corps et la bouche de l’âme. Dans ces paroles: « Tout ce qui entre dans la bouche ne souille pas l’homme »,
il entend clairement qu’il s’agit de la bouche du corps, tandis que c’est de
la bouche du cœur que Notre Seigneur veut parler dans le passage suivant: « Ce qui sort de la bouche part du
cœur, et c’est ce qui souille l’homme. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52.) Les choses qui sont au fond du
cœur restent dans l’homme et le souillent non seulement lorsqu’elles y
restent, mais surtout lorsqu’elles en sortent; c’est pour cela qu’il ajoute: « C’est du cœur que sortent les
mauvaises pensées. » Il met les mauvaises pensées en première ligne,
parce que c’était le vice particulier des Juifs qui lui tendaient des
embûches. —
Saint Jérôme : La faculté principale de l’âme n’est
donc pas, comme le veut Platon, dans le cerveau, mais dans le cœur, d’après
Jésus-Christ, et cette doctrine condamne l’opinion de ceux qui prétendent que
les pensées nous sont suggérées par le démon et ne sont pas le fruit de notre
propre volonté. Le démon peut devenir l’auxiliaire et le fauteur des
mauvaises pensées, mais non pas en être l’auteur. Car bien que cet ennemi,
qui se tient toujours en embuscade, puisse développer par son souffle
l’étincelle de nos pensées et en produire un grand incendie, nous devons en
conclure non pas qu’il scrute les secrets cachés de notre cœur, mais que sur
l’apparence extérieure et d’après nos actions, il conjecture ce qui se passe
au fond de notre âme. Ainsi, par exemple, s’il nous voit jeter souvent les
yeux sur une femme d’un extérieur agréable, il comprend que notre cœur a été
blessé par ces regards. — La Glose : Les pensées
mauvaises produisent aussi les mauvaises actions et les paroles coupables
défendues par la loi. C’est pour cela que Notre Seigneur ajoute les homicides
que la loi proscrit par ce commandement: « Vous
ne tuerez pas » ; les adultères et les fornicateurs par cet
autre: « Vous ne commettrez pas
d’adultère » ; les vols, par celui-ci: « Vous ne déroberez pas » ; les faux témoignages,
par cet autre: « Vous ne ferez pas
de faux témoignage contre votre prochain » ; les blasphèmes
enfin, par ce précepte: « Vous ne
prendrez pas le nom de Dieu en vain. » —
Saint Rémi : Après avoir énuméré les vices que
défend la loi divine, le Seigneur ajoute avec raison: « Voilà ce qui souille l’homme », c’est-à-dire qui le
rend immonde et impur. — La Glose : Et, comme pour
développer cette doctrine, il a pris occasion de la méchanceté des pharisiens
qui préféraient leurs traditions aux préceptes divins, il conclut en
insistant sur le peu de raison de cette tradition, en disant: « Mais manger sans avoir lavé ses
mains ne souille pas l’homme. » — Saint Jean Chrysostome : (homélie 52.) Il ne dit pas: Manger les viandes défendues par la loi ne souille pas l’homme, pour ne point soulever de nouvelles contradictions; il ne comprend dans sa conclusion que ce qui avait été l’objet de la discussion. |
Lectio 5 [85509] Catena in Mt., cap. 15 l. 5 Hieronymus.
Scribis et Pharisaeis et calumniatoribus derelictis, transgreditur in
partes Tyri et Sidonis, ut Tyrios Sidoniosque curaret: et ideo dicitur et
egressus inde Iesus, secessit in partes Tyri et Sidonis. Remigius. Tyrus et Sidon civitates fuere
gentilium: nam Tyrus metropolis fuerat Chananaeorum, Sidon terminus
Chananaeorum respiciens ad Aquilonem. Chrysostomus in Matth. Considerandum autem,
quod quando ab escarum observatione Iudaeos eripuit, tunc et gentibus ianuam
aperuit, sicut et Petrus prius in visione iussus est hanc legem solvere, et
post ad Cornelium mittitur. Si quis autem quaerat, cum discipulis suis
dixerit: in viam gentium ne abieritis, qualiter hanc ambulat viam, primum
quidem illud dicemus, quia non erat obnoxius praecepto quod discipulis
dederat. Secundo autem quia neque ut praedicaturus abiit: unde et Marcus
dicit quoniam occultavit seipsum. Remigius. Ivit autem, ut Tyrios Sidoniosque
curaret; sive ut huius mulieris filiam liberaret a Daemonio; quatenus per
eius fidem, Scribarum et Pharisaeorum nequitiam condemnaret: de qua quidem
muliere subditur et ecce mulier Chananaea a finibus illis egressa. Chrysostomus in Matth. Dicit autem Evangelista
eam esse Chananaeam, ut ostendat virtutem praesentiae Christi. Chananaei
enim, qui expulsi fuerant ut non perverterent Iudaeos, hi Iudaeis apparuerunt
prudentiores, ut exirent a terminis suis, et accederent ad Christum. Cum
autem haec mulier accessisset, nihil aliud quam misericordiam poposcit; unde
sequitur clamavit dicens ei: miserere mei, domine fili David. Glossa. Magna fides Chananaeae hic notatur:
Deum credit, ubi dominum vocat; hominem, ubi dicit filium David. Nihil ex
merito postulat, sed solam misericordiam Dei efflagitat, dicens miserere. Nec
dicit: miserere filiae, sed miserere mei: quia dolor filiae dolor est matris;
et ut magis eum ad compassionem moveat, totum ei dolorem enarrat: unde
sequitur filia mea male a Daemonio vexatur: in quo vulnera medico detegit, et
magnitudinem et qualitatem morbi: magnitudinem, cum dicit male vexatur;
qualitatem cum dicit a Daemonio. Origenes. Vide autem prudentiam feminae: non
ivit ad homines seductores; non quaesivit inanes ligaturas; sed omnes
relinquens Diaboli cultus, venit ad dominum. Non petivit Iacobum, non rogavit
Ioannem, non accessit ad Petrum: sed suscepit in se poenitentiae patrocinium,
et sola cucurrit ad dominum. Sed vide inexpertum negotium. Petit, et lamentum
suum producit in clamorem; et amator hominum Deus non respondet verbum: unde
sequitur qui non respondit ei verbum. Hieronymus. Non autem de superbia pharisaica,
nec de Scribarum supercilio, sed ne ipse sententiae suae contrarius
videretur, per quam iusserat: in viam gentium ne abieritis: nolebat enim
occasionem calumniantibus dare, perfectamque salutem gentium passionis et
resurrectionis tempori reservabat. Glossa. Differendo etiam et non respondendo,
patientiam mulieris et perseverantiam nobis ostendit. Ideo etiam non
respondit, ut discipuli pro ea rogarent: ostendens per hoc, necessarias esse
preces sanctorum ad aliquid impetrandum: unde sequitur et accedentes
discipuli eius, rogabant eum dicentes: dimitte eam, quia clamat post nos.
Hieronymus. Discipuli adhuc illo tempore
mysteria domini nescientes, vel misericordia moti, rogabant pro Chananaea
muliere, vel importunitate eius carere cupientes. Augustinus de Cons. Evan. Affert autem aliquam
repugnantiae quaestionem quod Marcus in domo dicit fuisse dominum cum ad
illum venit mulier pro filia sua rogans, Matthaeus autem posset intelligi de
domo tacuisse, eamdem tamen rem commemorasse. Sed quoniam dicit discipulos
domino ita suggessisse, dimitte illam, quoniam clamat post nos, nihil videtur
aliud significare quam post ambulantem dominum, mulierem istam deprecatoriam
vocem misisse. Intelligendum est ergo, dixisse quidem Marcum quod intraverit
ubi erat Iesus, cum eum praedixisset fuisse in domo. Sed quia Matthaeus ait
non respondit ei verbum, dedit agnoscere, quod tacuerunt ambo, et in eo
silentio egressum fuisse Iesum de domo illa; atque ita cetera contexuntur
quae iam in nullo discordant. Chrysostomus in Matth. Aestimo autem et
discipulos ad calamitatem mulieris esse tristatos, sed tamen non sunt ausi
dicere: da ei hanc gratiam, sed dimitte eam: sicut et nos cum volumus alicui
persuadere, multoties contraria dicimus. Ipse autem respondens ait: non sum
missus nisi ad oves quae perierunt domus Israel. Hieronymus. Non autem hoc dicit quin ad gentes
non missus sit, sed quod primum ad Israel missus est, ut illis non
recipientibus Evangelium, iusta fieret ad gentes transmigratio. Remigius. Specialiter enim missus est ad
salutem Iudaeorum, ut etiam corporali praesentia eos doceret. Hieronymus. Signanter autem dixit ad oves
perditas domus Israel, ut etiam ex hoc nunc erroneam ovem de alia parabola
intelligamus. Chrysostomus in Matth. Sed quia mulier vidit
nihil posse apostolos, inverecunda effecta est bona inverecundia: ante enim
neque in conspectum venire audebat: unde dictum est clamat post nos. Quando
autem videbatur ut angustiata recederet, tunc proprius venit: unde sequitur
at illa venit et adoravit eum. Hieronymus. Nota, quod ista Chananitidis
perseveranter primum filium David, deinde dominum vocat, et ad extremum, Deum
adoravit. Chrysostomus in Matth. Ideoque non dixit: roga
vel deprecare Deum; sed domine, adiuva me. Quanto ergo magis mulier
multiplicabat supplicationem, tanto et ipse multiplicabat negationem: et non
adhuc Iudaeos oves vocat, sed filios, illam autem canem: unde sequitur qui
respondens ait: non est bonum sumere panem filiorum, et dare canibus. Glossa. Filii sunt Iudaei generati et nutriti
sub cultu unius Dei per legem; panis est Evangelium, miracula, et alia quae
ad salutem nostram pertinent. Non est ergo conveniens ut a filiis auferantur,
et dentur gentibus, qui sunt canes, donec Iudaei repudient. Rabanus. Canes autem gentiles propter
idololatriam dicuntur, qui esui sanguinis dediti, et cadaveribus mortuorum,
vertuntur in rabiem. Chrysostomus in Matth. Vide autem mulieris
prudentiam, qualiter neque contradicere ausa est, neque tristata in aliorum
laudibus, neque molestata in proprio convicio: unde sequitur at illa dixit:
etiam, domine: nam et catelli edunt de micis quae cadunt de mensa dominorum
suorum. Ille dixit non est bonum, haec autem dixit utique, domine; ipse
Iudaeos filios vocat, haec autem dominos; ipse canem eam nominavit, haec
autem et opus canis adiecit; ac si dicat: si canis sum, non sum aliena: canem
me dicis; ergo nutri me ut canem: non possum relinquere mensam domini mei.
Hieronymus. Mira autem huius mulieris fides,
patientia et humilitas praedicantur: fides, qua credebat sanari posse filiam
suam; patientia, qua toties contempta in precibus perseverat; humilitas, quod
se non canibus, sed catulis comparat. Scito
me, inquit, filiorum panem non mereri, nec integros capere posse cibos, nec
sedere ad mensam posse cum patre; sed contenta sum reliquiis catulorum, ut
per humilitatem micarum ad panis integri veniam magnitudinem. Chrysostomus in Matth. Propter hoc autem
Christus tardabat: praesciebat enim eam hoc dicturam, nec occultari volebat
tantam mulieris virtutem: unde sequitur tunc respondens Iesus ait illi: o
mulier, magna est fides tua: fiat tibi sicut vis; ac si dicat: fides tua
maiora his audire potest; verum interim fiat tibi sicut vis. Vide
autem qualiter non parum et haec mulier intulit in filiae medicinam: propter
hoc enim neque Christus dixit: sana sit filia tua; sed magna est fides tua:
fiat tibi sicut vis; ut discas quoniam simpliciter loquebatur, et non
adulationis, sed multae fidei erant verba ipsius. Haec autem Christi vox
similis est illi voci qua dixit: fiat firmamentum: et factum est; unde
sequitur et sanata est filia eius ex illa hora. Intende autem qualiter
apostolis non impetrantibus impetrat ipsa: tam magnum quid est instantia
orationis: etenim pro nostris noxis a nobis vult magis rogari, quam ab aliis
pro nobis. Remigius. His etiam verbis datur nobis
exemplum catechizandi et baptizandi pueros: quoniam haec mulier non ait:
salva filiam meam, aut adiuva eam; sed miserere mei et adiuva me. Hinc etenim
descendit consuetudo in Ecclesia ut fideles pro suis parvulis fidem Deo
promittant, quando ipsi non sunt tantae aetatis et rationis ut per se fidem
Deo promittere valeant; quatenus sicut fide istius mulieris sanata est filia
eius, ita et fide virorum Catholicorum peccata parvulis relaxentur.
Allegorice autem haec mulier sanctam Ecclesiam significat de gentibus
congregatam. Per hoc enim quod dominus, relictis Scribis et Pharisaeis, venit
in partes Tyri et Sidonis, praefigurabatur quia relicturus erat Iudaeos, et
transiturus ad gentes. Est autem haec mulier egressa a finibus suis, quoniam
Ecclesia sancta recessit a pristinis erroribus et vitiis. Hieronymus. Filiam autem Chananaeae puta
animas esse credentium, quae male a Daemonio vexabantur, ignorantes
creatorem, et adorantes lapidem. Remigius. Filios autem dominus appellat
patriarchas et prophetas illius temporis. Per mensam designatur sacra
Scriptura; per micas vero minima praecepta, vel interna mysteria, quibus
sancta Ecclesia pascitur; per crustas vero carnalia praecepta, quae Iudaei
observant. Micae autem sub mensa comedi dicuntur, quia Ecclesia humiliter se
submittit ad implenda divina praecepta. Rabanus. Non autem crustas, sed micas de pane
puerorum edunt catelli: quia conversi ad fidem, qui erant despecti in
gentibus, non litterae superficiem in Scripturis, sed spiritualem sensum quo
in bonis actibus proficere valeant, inquirunt. Hieronymus. Mira autem rerum conversio. Israel
quondam filius, nos canes: pro diversitate fidei ordo nominum commutatur: de
illis postea dicitur: circumdederunt me canes multi; nos audivimus cum
muliere fides tua te salvam fecit. Rabanus. Quae merito magna dicitur: quia cum
gentes nec lege fuerint imbutae, nec vocibus prophetarum instructae, ad
praedicationem mox apostolorum, in auditu auris obedierunt; ideoque salutem
impetrare meruerunt. Verum si ad primas Ecclesiae rogantis lacrymas dominus
salutem animae differt dare, non est desperandum, vel a petendo cessandum;
sed magis precibus insistendum. Augustinus de quaest. Evang. Quod et puerum
centurionis et filiam Chananaeae mulieris, non veniens ad domos eorum sanat,
significat gentes ad quas non venit, salvas fore per verbum suum. Quod ipsis
rogantibus filii sanantur, intelligenda est persona Ecclesiae, quae sibi est
et mater et filii: nam simul omnes quibus constat Ecclesia, mater dicitur;
singuli autem iidem ipsi filii appellantur. Hilarius in Matth. Vel haec mulier
proselytorum formam praefert, fines suos egreditur, et ex gentibus, scilicet
in populi alterius nomen excedens: quae pro filia, videlicet gentium plebe,
dominatu immundorum spirituum occupata, orat; et quia dominum cognovit ex
lege, David filium nuncupat. Rabanus. Item si quis conscientiam habet
alicuius vitii sorde pollutam, filiam habet male a Daemonio vexatam. Item si
quis bona quae gessit, peccatorum peste foedavit, filiam habet immundi
spiritus furiis agitatam; ideoque necesse est ut ad preces lacrymasque
confugiat, sanctorumque intercessiones et auxilia quaerat. |
Versets 22-28.
— Saint Jérôme : Notre
Seigneur laisse là les Juifs, les pharisiens et les calomniateurs et il se
rend dans le pays de Tyr et dans celui de Sidon pour étendre ses bienfaits
jusqu’aux habitants de cette contrée: « Et
Jésus, étant parti de là, se retira dans le pays de Tyr et de Sidon. » —
Saint Rémi : Tyr et Sidon étaient des villes
habitées par des Gentils; Tyr était la métropole des Chananéens, Sidon était
situé sur les frontières de leur pays, du côté du nord. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53.) Remarquons que c’est au moment
qu’il affranchit les Juifs des observances qui leur interdisaient certaines
nourritures, qu’il ouvre aux Gentils la porte de l’Évangile. C’est ainsi que
Pierre reçut dans une vision l’ordre de s’affranchir de cette loi, et qu’il
fut envoyé immédiatement vers le centurion Corneille (Ac 10.) Si l’on demande pourquoi le Seigneur, qui avait dit à
ses disciples: « Vous n’irez pas
vers les nations », y a été lui-même, nous répondrons d’abord qu’il
n’était pas soumis aux préceptes qu’il donnait à ses disciples, et, en second
lieu, qu’il n’y alla point pour prêcher 1’Évangile, puisque saint Marc nous
apprend (Mc 7) qu’il désirait que personne ne le sût. —
Saint Rémi : Il y alla aussi pour guérir les
habitants de Tyr et de Sidon, c’est-à-dire pour délivrer du démon la fille de
cette pauvre femme et confondre, par l’exemple de sa foi, la méchanceté des
scribes et des pharisiens. C’est cette femme, dont l’Évangéliste dit: « Voici qu’une femme chananéenne, qui
éait sortie de ce pays ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53.) L’évangéliste nous fait remarquer
qu’elle était Chananéenne pour nous faire voir l’efficacité de la présence de
Jésus-Christ [dans cette contrée]. Les Chananéens, en effet, qui avaient été
chassés de la Judée dans la crainte qu’ils ne viennent à pervertir les Juifs,
font ici preuve d’une plus grande sagesse que les Juifs en sortant de leur
pays et en venant trouver Jésus-Christ. Or, cette femme, en s’approchant de
Jésus, n’implore que sa miséricorde. Elle se met à crier à haute voix: « Ayez pitié de moi, Seigneur, fils
de David. » — La Glose : Nous voyons ici la
grande foi de la Chananéenne; elle reconnaît un Dieu dans celui qu’elle
appelle son Seigneur, elle confesse en même temps son humanité en l’appelant
fils de David. Elle avoue qu’elle n’a aucun droit, aucun mérite, c’est la
seule miséricorde de Dieu qu’elle implore en disant: « Ayez pitié de moi ». Elle ne dit pas : Ayez
pitié de ma fille, mais ayez pitié de moi, car la douleur de la fille est la
douleur de la mère. Pour toucher davantage le cœur du Seigneur, elle lui fait
le tableau du malheur qui l’afflige: « Ma
fille est misérablement tourmentée par le démon », paroles qui
découvrent au médecin les plaies qu’il doit guérir et qui lui font connaître
la grandeur et la nature du mal: sa grandeur, lorsqu’elle dit: « Elle est tourmentée
misérablement », sa nature, lorsqu’elle ajoute: « par le démon. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur divers textes de S. Matth.) [référence à vérifier] Voyez la
sagesse de cette femme: elle n’a pas été trouver les hommes qui auraient pu
la tromper; elle n’a point eu recours à de vaines amulettes; mais, abjurant
toutes les pratiques du culte des démons, elle vient trouver le Seigneur.
Elle ne s’adresse pas à Jacques, elle ne choisit pas Jean pour médiateur,
elle ne vient pas trouver Pierre; elle se couvre de la protection du repentir
et accourt seule se jeter aux pieds du Seigneur. Mais quel résultat
inattendu ! elle prie, elle fait retentir l’air de ses lamentations et
de ses cris, et ce Dieu si bon, si tendre pour les hommes, ne lui répond pas
un mot, comme le rapporte l’Évangéliste: « Et
il ne lui répondit pas un mot. » —
Saint Jérôme : Ce n’est point sans doute par
orgueil, comme les pharisiens; ce n’est point par arrogance, comme les
scribes, mais pour ne point paraître contredire cet ordre qu’il avait donné: « Vous n’irez point vers les
nations. » Il ne voulait pas donner lieu à la calomnie et il
réservait aux temps qui devaient suivre sa passion et sa résurrection la
parfaite conversion des Gentils. — La Glose : S’il diffère de
l’exaucer, s’il ne lui répond pas, c’est pour faire éclater la patience et la
persévérance de cette femme. Disons encore qu’il ne répond pas pour donner
lieu à la médiation des Apôtres et nous apprendre ainsi la nécessité de
l’intercession des saints pour obtenir les grâces que nous demandons, d’où: « Et ses disciples s’approchant de
lui, le priaient, disant : Renvoyez-la, car elle nous poursuit de
ses cris.» —
Saint Jérôme : Les disciples, qui ne connaissaient
pas encore, à cette époque, la
conduite mystérieuse du Seigneur, le priaient pour cette Chananéenne, soit
par un sentiment de compassion soit par le désir de se débarrasser de ses
importunités. —
Saint Augustin : (De l’acc. des Evang., 2, 49.) Il semblerait
qu’il y a ici une certaine contradiction entre le récit de saint Matthieu et
celui de saint Marc, qui raconte que cette femme vint trouver Notre Seigneur et
l’implorer pour sa fille dans une maison où il se trouvait alors. Or, on peut
dire que saint Matthieu n’a point parlé de cette circonstance, tout en
racontant le même fait; mais comme il rapporte que les Apôtres ont dit au
Seigneur: « Renvoyez-la, parce
qu’elle crie après nous », il paraît indiquer clairement que cette
femme adressait ses supplications au Seigneur en marchant à sa suite. Saint
Marc, de son côté, raconte que cette femme entra dans la maison où était
Jésus, parce qu’il avait dit précédemment que le Seigneur était dans cette
maison, tandis que saint Matthieu, en disant: « Il ne lui répondit pas », donne à entendre ce que ni
l’un ni l’autre n’ont rapporté, que Jésus sortit de la maison en gardant le
silence, et ainsi tout le reste se lie parfaitement sans l’ombre même de
contradiction. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
53.) Je
présume que les disciples furent attristés du malheur de cette femme,
cependant ils n’osèrent dire au Seigneur: « Accordez-lui cette
grâce, » ils se contentent de lui dire: « Renvoyez-la. » C’est
ainsi que souvent, lorsque nous voulons persuader quelqu’un, nous lui disons
le contraire de ce que nous désirons. « Jésus
leur répondit: Je ne suis envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël. » — Saint Jérôme : Il ne dit pas d’une manière absolue qu’il n’est pas envoyé aux Gentils, mais il déclare qu’il a été envoyé premièrement au peuple d’Israël, et, ce peuple rejetant l’Évangile [qui lui était offert], c’était avec justice que Dieu en faisait part aux Gentils. —
Saint Rémi : Il est aussi envoyé particulièrement
pour le salut des Juifs, en ce sens qu’il devait les enseigner lui-même
visiblement et en personne. —
Saint Jérôme : C’est avec intention qu’il dit: « aux brebis perdues de la maison
d’Israël », pour nous faire comprendre qu’il est ici question de
cette brebis égarée dont il parle dans une autre parabole. (Lc 15.) — Saint Jean Chrysostome : (hom.
53.) Mais
lorsque cette femme vit que les Apôtres ne pouvaient rien pour elle, elle devint
impudente, mais d’une bonne impudence; car elle n’avait osé d’abord se
présenter devant lui, comme l’indiquent ces paroles des disciples: « Elle crie après nous », et
c’est au moment où il semble qu’elle va se retirer dans de mortelles
angoisses, qu’elle s’approche de plus près: « Mais elle s’approcha de lui et l’adora. » —
Saint Jérôme : Remarquez que cette Chananéenne
commence par appeler à plusieurs reprises le Seigneur « Fils de David »,
puis ensuite, Seigneur, et qu’elle finit par l’adorer comme Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53.) Aussi ne lui dit-elle pas:
« Priez ou intercédez auprès de Dieu, » mais « Seigneur,
secourez-moi. » Mais plus cette femme multiplie ses supplications,
plus aussi Jésus multiplie ses refus. Ce n’est plus le nom de brebis, mais
celui d’enfants, qu’il donne aux Juifs; tandis qu’il ne donne à cette femme
que le nom de chienne. « Et il lui
répondit: Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants pour le donner aux
chiens ». — La Glose : Les enfants, ce
sont les Juifs engendrés et nourris par la loi dans le culte d’un seul Dieu;
le pain, c’est l’Evangile, les miracles, et tout ce qui concourt à notre
salut. Or, il n’est pas convenable que toutes ces grâces soient enlevées aux
enfants et données aux Gentils qui sont ici désignés par les chiens, jusqu’à
ce que les Juifs aient rejeté [les biens qui leur sont offerts]. — Raban : Les Gentils sont
appelés chiens à cause de leur idolâtrie, parce que semblables aux chiens qui
se nourrissent de sang et qui dévorent les cadavres, ils sont atteints d’une
espèce de rage. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
53.) Admirez
ici la prudence de cette femme: ni elle n’ose contredire le Seigneur, ni elle
ne s’attriste des louanges qu’il donne aux autres, ni elle ne se laisse
abattre par cette parole outrageante. « Mais
elle répliqua: ‘Il est vrai, Seigneur; mais les petits chiens mangent
au moins des miettes qui tombent de la table de leur maître.’ »
Jésus lui avait dit: « Il
n’est pas juste; » elle répond: « Il
est vrai, Seigneur. » Il appelle les Juifs les enfants, elle
enchérit et les appelle maîtres. Il lui a donné le nom de chienne, elle
ajoute à cette qualification en rappelant ce que font les chiens, et semble
dire au Seigneur: Si je suis un chien, je ne suis point étrangère. Vous me
donnez le nom de chien, nourrissez-moi donc comme un chien, je ne puis
m’éloigner de la table de mon Maître. —
Saint Jérôme : Quel exemple de foi, de patience,
d’humilité dans cette femme; de foi, elle croit fermement que sa fille peut
obtenir sa guérison; de patience, si souvent rebutée, elle continue de prier;
d’humilité, elle se compare, non pas aux chiens, mais aux petits des chiens:
« Sache, dit-elle, que je ne suis pas digne de manger le pain des
enfants, ni de recevoir une portion entière, ni de m’asseoir à table avec le
père de famille; mais je me contente des restes que l’on donne aux petits
chiens, afin de m’élever par l’humilité de ces miettes jusqu’à l’honneur de
m’asseoir à la table où on sert le pain tout entier. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53.) Voici la raison du retard que
Jésus mettait [à l’exaucer]: il savait qu’elle lui tiendrait ce langage, et
il ne voulait pas que la si grande vertu de cette femme demeurât cachée, « Alors Jésus, lui répondant, lui
dit: O femme, votre foi est grande, qu'il vous soit fait comme vous le
désirez. » Ne semble-t-il pas lui dire: « Votre foi mériterait
d'obtenir bien davantage, mais en attendant, qu'il vous soit fait comme vous
le désirez. » Remarquez ici la part considérable qui revient à cette
femme dans la guérison de sa fille. Aussi Jésus ne lui dit pas: « Que
votre fille soit guérie, » mais: « Votre
foi est grande, qu'il vous soit fait comme vous le désirez », pour
vous apprendre qu'elle parlait avec simplicité, sans flatterie, et que sa
prière était animée par la foi la plus vive. Or, cette parole du Seigneur est
semblable à cette autre que Dieu prononça au commencement du monde: « Que le firmament soit fait, et il
fut fait » ; car l'Évangéliste ajoute: « Et sa fille fut guérie à l’heure même. » Remarquez
encore qu'elle obtient elle-même ce que les Apôtres n'ont pu obtenir, tant
la prière persévérante a de puissance ! Dieu, en effet, aime mieux que
nous le prions beaucoup nous-mêmes pour nos péchés, que d'avoir recours aux
prières des autres. —
Saint Rémi : Nous avons encore ici un exemple de la
nécessité d'instruire et de baptiser les enfants. Cette femme, en effet, ne
dit pas: « Sauvez ma fille, ou secourez-la, » mais: « Ayez pitié de moi, et secourez-moi. »
De là est venue, dans l'Église, la coutume que les fidèles engagent leur foi
pour leurs enfants, alors que ceux-ci n'ont ni l'âge ni la raison pour
l'engager eux-mêmes à Dieu; et de même que c'est par la foi de cette femme
que sa fille fut guérie, de même aussi c'est par la foi des parents
catholiques que les péchés sont remis à leurs enfants. Dans le sens allégorique, cette femme est la
figure de la sainte Église, formée et rassemblée de toutes les nations. Le
Seigneur, en abandonnant les scribes et les pharisiens pour venir dans le
pays de Tyr et de Sidon, figurait l'abandon où il devait laisser les Juifs
pour porter l'Évangile aux Gentils. Cette femme a passé les frontières de son
pays, de même la sainte Église a quitté ses anciennes erreurs et ses vices
d'autrefois. —
Saint Jérôme : Cette fille de la Chananéenne, ce
sont les âmes des fidèles cruellement tourmentées par le démon, alors
qu'elles étaient privées de la connaissance de leur Créateur et qu'elles
adoraient des idoles de pierre. —
Saint Rémi : Les enfants, ce sont les patriarches
et les prophètes de ce temps-là; la table figure la sainte Écriture; les
miettes, les préceptes secondaires, ou les mystères intérieurs dont se
nourrit la sainte Église; les croûtes de pain, les préceptes extérieurs et
charnels qu'observaient les Juifs. Les miettes sont mangées sous la table,
parce que l'Église se soumet avec humilité à l'accomplissement des préceptes
divins. — Raban : Les petits chiens
ne mangent pas les croûtes, mais les miettes du pain des enfants. Ainsi
lorsque ceux qui étaient l'objet du mépris parmi les nations se convertissent
à la foi, ils ne cherchent pas l'écorce de la lettre dans les saintes
Écritures, mais le sens spirituel qui peut hâter leur progrès dans les bonnes
œuvres. —
Saint Jérôme : Quel étonnant changement s'est
opéré ! Autrefois les Israélites étaient les enfants et nous étions les
chiens; mais la foi si différente dans les uns et dans les autres a changé
cette dénomination. Plus tard, [alors que s'accomplissait ce mystère au temps
de la passion], il est dit des Juifs: « Un
grand nombre de chiens dévorants m'ont entouré. » Pour nous, au
contraire, nous avons entendu avec la Chananéenne cette parole: « Votre foi vous a sauvée. » — Raban : C'est à juste
titre que le Seigneur déclare que cette foi est grande; car sans avoir été ni
pénétrés des enseignements de la loi, ni instruits par les oracles des
prophètes, les Gentils ont obéi à la prédication des Apôtres aussitôt qu'ils
ont entendu leur voix, et ont ainsi mérité la grâce du salut. Mais si le
Seigneur diffère d'accorder le salut d'une âme aux premières larmes de
l'Église suppliante, il ne faut ni désespérer, ni cesser de demander, mais
redoubler de persévérance dans la prière. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 16 ou 17.) Le serviteur
du centurion et la fille de la Chananéenne ont été guéris sans que le
Seigneur soit entré dans leurs maisons, et figurent les nations, qui, sans
être visitées extérieurement par Jésus-Christ, seront sauvées par sa parole.
C'est à la prière du centurion et de la Chananéenne que leurs enfants sont
guéris, et ils sont en cela la figure de l'Église, qui est tout à la fois
pour elle-même et la mère et les enfants; car la réunion de tous ceux qui
composent l'Église, porte le nom de mère, et chacun des membres reçoit le nom
d'enfant. —
Saint Hilaire : Ou bien encore, cette femme, qui
franchit les frontières de son pays, est la figure des prosélytes; elle sort
du milieu des nations, pour venir au milieu d'un peuple qui lui est étranger;
elle prie pour sa fille, c'est-à-dire pour le peuple des Gentils, soumis à la
domination des esprits immondes, et comme la loi lui a fait connaître le
Seigneur, elle l'appelle fils de David. — Raban : Disons encore que celui dont la conscience est souillée de la tache du péché a sa fille tourmentée cruellement par le démon; de même celui qui empoisonne ses bonnes œuvres par le venin du péché, a également sa fille agitée par les fureurs de l'esprit impur, et ils doivent tous deux avoir recours aux prières et aux larmes, et réclamer le recours et l'intercession des saints. |
Lectio 6 [85510] Catena in Mt., cap. 15 l. 6 Hieronymus.
Sanata Chananaeae filia, revertitur dominus ad Iudaeam: unde dicitur et
cum transisset inde Iesus, venit secus mare Galilaeae. Remigius. Hoc mare diversis vocabulis
appellatur: dicitur enim mare Galilaeae propter Galilaeam adiacentem; mare
Tiberiadis propter Tiberiadem civitatem. Sequitur et ascendens in montem,
sedebat ibi. Chrysostomus in Matth. Considerandum autem,
quod aliquando dominus circuit ut sanet infirmos: aliquando autem sedet
expectans eos: et ideo convenienter hic subditur et accesserunt ad eum turbae
multae, habentes secum mutos, claudos, caecos, debiles, et alios multos. Hieronymus. In eo loco ubi Latinus interpres
transtulit debiles, in Graeco scriptum est cyllous, quod non debilitatis
generale, sed unius infirmitatis nomen est: ut quomodo claudus dicitur, qui
pede claudicat uno, sic cyllos, appelletur qui unam manum debilem habet. Chrysostomus in Matth. Hi autem in
duobus fidem suam demonstrabant; et in ascendendo montem, et in hoc quia
aestimabant se nullo alio indigere nisi ut proicerentur ad pedes Iesu; neque
etiam adhuc tangunt fimbriam vestimenti, sed et ad altiorem fidem ascendunt
unde dicitur et proiecerunt eos ad pedes eius. Et mulieris quidem filiam cum
multa tarditate curavit, ut eius virtutem ostenderet: his autem, non quia
meliores erant, sed ut infidelium Iudaeorum ora obstrueret, confestim
sanationem praebet: unde sequitur et curavit omnes. Multitudo autem eorum qui
curabantur, et facilitas sanationis eos in stuporem mittebat: unde sequitur ita
ut turbae mirarentur, videntes mutos loquentes. Hieronymus. De debilibus tacuit, quia quid e
contrario diceret uno verbo non habebat. Rabanus. Mystice autem, cum filia Chananaeae
praefigurasset salutem gentium, venit in Iudaeam: quia cum plenitudo gentium
intraverit, tunc omnis Israel salvus erit. Glossa. Mare autem iuxta quod venit Iesus,
turbida huius saeculi volumina signat: quod est Galilaeae, cum homines a
vitiis ad virtutes transmigrant. Hieronymus. Ascendit autem in montem, ut quasi
avis teneros fetus provocet ad volandum. Rabanus. Ut scilicet auditores suos erigat ad
superna et caelestia meditanda. Sedebatque ibi, ut demonstraret, non nisi in
caelestibus requiem esse quaerendam. Eo autem sedente in monte, idest in
caelorum arce, accedunt turbae fidelium, devota mente illi appropinquantes,
ducentes secum mutos et caecos etc..., eosque ad pedes Iesu proiciunt: quia
peccata confitentes ipsi soli curandos subiciunt: quos ita curat ut turbae
mirentur et magnificent Deum Israel; quia fideles, quando viderint eos qui
spiritualiter aegrotaverant, diversis operibus virtutum ditatos, laudem Deo
decantant. Glossa. Muti autem sunt qui non laudant Deum;
caeci qui non intelligunt viam vitae; surdi qui non obtemperant; claudi per
devia boni operis non recte euntes; debiles sunt qui infirmi sunt in bonis
operibus. |
Versets 29-31.
— La Glose : [référence à vérifier] Après avoir guéri la
fille de la Chananéenne, Notre Seigneur retourne dans la Judée: « Jésus, étant sorti de là, vint le
long de la mer de Galilée. » —
Saint Rémi : Cette mer porte différents noms; elle
s'appelle mer de Galilée, parce qu'elle est proche de la Galilée, et mer de
Tibériade, parce que la ville de Tibériade est bâtie sur ses bords. « Et, étant monté sur la montagne, il
s'y assit. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.) Remarquons que tantôt le Seigneur parcourt le pays pour
guérir les malades, tantôt il s'assied pour les attendre. C'est donc avec
raison que l'Évangéliste ajoute: « Et
de grandes foules de peuple vinrent le trouver, ayant avec elles des muets,
des boiteux, des aveugles, des estropiés, et beaucoup d’autres. » —
Saint Jérôme : Le mot grec
κυλλους, que le traducteur latin a rendu
par infirmes, ne signifie pas infirmité en général, mais une infirmité
particulière; et de même qu'on appelle boiteux celui qui boite d'un pied,
ainsi on appelle κυλλίς ou manchot celui qui
est privé de l'usage d'une main. —
Saint Jean Chrysostome : Or, ces infirmes
manifestaient leur foi de deux manières et en gravissant la montagne, et en
étant convaincus qu'il leur suffisait pour être guéris d'être jetés aux pieds
de Jésus. Ils ne cherchent pas encore à toucher la frange de ses vêtements,
mais ils font preuve d'une foi plus grande, comme le remarque l'Évangéliste: « et ils les mirent à ses
pieds. » Il a guéri la fille de la Chananéenne après l'avoir fait
longtemps attendre, pour faire éclater la vertu de cette femme, tandis qu'il
guérit immédiatement tous ces infirmes, non pas qu'ils fussent meilleurs,
mais afin de fermer la bouche aux Juifs incrédules: « et il les guérit tous. » Le grand nombre de ceux qui
étaient guéris, et la facilité avec laquelle il les guérissait les jetaient
dans l'étonnement, « de telle
sorte », dit le texte sacré, « que
ces peuples étaient dans l'admiration en voyant les muets qui
parlaient, » etc... —
Saint Jérôme : Il ne dit rien de ceux qui étaient
estropiés, parce qu'il ne pouvait exprimer leur guérison en un seul mot. — Raban : Dans
le sens mystique, Notre Seigneur, après avoir donné une figure de la
conversion des Gentils dans la guérison de la fille de la Chananéenne, vient
dans la Judée, parce qu'en effet, après que la plénitude des nations sera
entrée [dans l'Église], tout Israël sera sauvé. » (Rm 11.) — La Glose : La mer, sur les bords de laquelle arrive Jésus, est la figure du
trouble et de l'agitation de cette vie; c'est la mer de Galilée, parce que
les hommes passent de la pratique des vices a celle des vertus. —
Saint Jérôme : Il monte sur le sommet de la montagne
comme l'oiseau qui provoque ses petits encore faibles à prendre leur essor. — Raban : C'est afin
d'élever l'esprit de ses auditeurs jusqu'à la méditation des vérités sublimes
et célestes. Il s'assied sur le sommet, pour nous montrer qu'on ne doit
chercher le repos que dans les choses du ciel. Pendant qu'il est assis sur la
montagne, c'est-à-dire dans la citadelle des cieux, une multitude de fidèles
s'approchent de lui avec un saint empressement, conduisant avec eux les muets
et les aveugles, etc..., et ils les mettent aux pieds de Jésus, parce
que c'est à lui seul qu'ils présentent pour être guéris ceux qui confessent
leurs péchés. La manière dont il les guérit excite l'admiration de la foule,
et ils rendent gloire au Dieu d'Israël; c'est ainsi que les fidèles chantent
les louanges de Dieu, lorsqu'ils voient ceux dont l'âme était malade spirituellement,
s'enrichir des diverses œuvres des vertus chrétiennes. — La Glose : Les muets sont ceux qui ne louent jamais Dieu; les aveugles, ceux qui ne comprennent pas les voies de la véritable vie; les sourds, ceux qui n'obéissent pas à sa parole; les boiteux, ceux qui ne marchent pas droit dans le chemin du devoir; les estropiés, ceux qui sont comme frappés d'impuissance par les bonnes œuvres. |
Lectio 7 [85511] Catena in Mt., cap. 15 l. 7 Hieronymus.
Prius Christus infirmorum debilitates abstulerat, postea vero sanatis
offert cibos. Convocat quoque discipulos suos, et quod facturus est loquitur:
unde dicitur Iesus autem convocatis discipulis suis dixit: misereor turbae.
Hoc autem facit ut magistris exemplum tribuat, cum minoribus atque discipulis
communicandi consilia; vel ut ex confabulatione intelligant signi magnitudinem.
Chrysostomus in Matth. Turbae enim cum ad
sanationem venissent, non audebant petere panes: unde ipse amator hominum, et
omnium curam gerens, etiam non petentibus dat: propter quod dicit misereor
turbae. Ne autem dicatur quoniam venientes viaticum portaverant, dicit quia
triduo iam perseverant mecum, et non habent quod manducent. Etsi enim quando
venerunt, cibos habuerunt, tamen iam consumpti erant: et propter hoc non in
prima aut secunda die hoc fecit, sed in tertia, quando iam omnia erant
consumpta: ut prius ipsi in necessitate constituti, cum ampliori desiderio
susciperent quod fiebat. Monstrat autem et quod de longe venerant, et nihil
eis reliquum fuerat, in hoc quod dicit et dimittere eos ieiunos nolo, ne
deficiant in via. Cum autem nolit eos ieiunos dimittere, ideo tamen non
statim signum facit, ut ex hac interrogatione et responsione attentiores
discipulos faciat, et fidem suam ostendant, dicentes: fac panes. Et quamvis
Christus plurima fecerit ut miraculi prius facti recordarentur, quia fecit eos
ministros et partiti sunt cophinos, adhuc tamen imperfectius dispositi erant:
quod patet per hoc quod sequitur et dicunt ei discipuli: unde ergo nobis in
deserto panes tantos ut saturemus turbam tantam? Ipsi quidem infirma cogitatione hoc dixerunt; per
hoc tamen miraculum futurum insuspicabile facientes: ne aliquis enim
suspicaretur quod ab aliquo propinquo castello accepti sunt cibi, propter hoc
miraculum istud in solitudine fit, multum a castellis distante. Ipse autem
Christus, ut discipulorum erigat mentem, eos interrogat; ut ex modo
interrogationis eos commemoret illorum quae prius facta sunt: unde sequitur
et ait illis Iesus: quot panes habetis? At illi dixerunt: septem, et
pisciculos paucos. Non autem addunt: sed haec quid sunt inter tantos? Sicut
antea dixerant; iam enim paulatim profecerant, licet non totum apprehendatur
ab eis. Admirare autem in apostolis veritatis amorem, qualiter ipsi
scribentes non occultant suos etiam magnos defectus; non enim est quantalibet
accusatio, parum ante tali signo facto confestim oblivisci. Admirare autem et
aliam sapientiam eorum, qualiter ventrem superabant, non multam mensae curam
facientes; in eremo enim existentes, et per tres dies ibi morantes, solum
septem panes ibi habebant. Alia vero similiter prioribus fecit: etenim
recumbere eos fecit in terra, et in manibus discipulorum crescere panes: unde
sequitur et praecepit turbae ut discumberent super terram. Hieronymus. De hoc autem supra diximus, et
eadem repetere otiosi est: tantum in his quae discrepant immoremur. Chrysostomus in Matth. Finis autem utriusque
miraculi non similis est: sequitur enim et quod superfuit de fragmentis,
tulerunt septem sportas plenas. Erant autem qui manducaverant quatuor millia
hominum, extra parvulos et mulieres. Quare autem minores fuerunt reliquiae in
hoc miraculo quam in primo etsi non tot fuerint qui comederunt? Aut igitur
hoc est, quia sportae cophinis maiores erant; aut ut ex diversitate
rememorentur et illius et huius miraculi: et propter hoc tunc quidem fecit cophinos
reliquiarum numero aequales discipulis, nunc autem sportas panibus aequales.
Remigius. In hac autem evangelica lectione
consideranda est in Christo operatio divinitatis et humanitatis: per hoc enim
quod turbis miseretur, ostendit se humanae fragilitatis affectionem habere:
in eo vero quod panes multiplicavit et turbas pavit, ostenditur divinitatis
operatio. Destruitur ergo hic error Eutychetis, qui in Christo dicebat unam
naturam. Augustinus de Cons. Evang. Sane non abs re est
admonere in hoc miraculo; quod si aliquis Evangelistarum hoc dixisset, qui de
quinque panibus non dixisset, contrarius ceteris putaretur. Sed quia illi qui
miraculum de septem panibus narraverunt, nec illud de quinque tacuerunt;
neminem movet, et utrumque factum homines intelligunt. Hoc ideo diximus, ut
sicubi simile reperitur factum a domino, quod in aliquo alter alteri
Evangelistae ita repugnare videatur ut omnino solvi non possit, nihil aliud
intelligatur quam utrumque factum esse, et aliud ab alio commemoratum. Glossa. Notandum autem, quod prius dominus
aufert debilitates, et postea cibat: quia prius sunt removenda peccata, et
postea anima verbis domini nutrienda. Hilarius in Matth. Sicut autem illa
turba quam prius pavit, Iudaicae credentium convenit plebi, ita haec populo
gentium comparatur. Quod vero quatuor millia virorum
congregantur, multitudo innumerabilium ex quatuor orbis partibus intelligitur. Hieronymus. Isti etiam non sunt quinque
millia, sed quatuor millia, qui numerus semper in laudibus ponitur; et
quadrangulus lapis non fluctuat, non est instabilis: et ob hanc causam etiam
Evangelia in hoc numero consecrata sunt. In superiori ergo signo, quia
propinqui erant et vicini quinque sensuum, non ipse dominus eorum recordatur,
sed discipuli; hic autem ipse dominus misereri se dicit eorum quia triduo iam
perseverant cum eo: quia scilicet patri, filio spirituique sancto credebant.
Hilarius. Vel quia omne passionis dominicae
tempus cum domino agunt; sive quia venturi ad Baptismum confitentur se credere
in passione ac resurrectione eius; sive quia toto passionis dominicae tempore
ieiuniis domino quadam compassionis societate iunguntur. Rabanus. Vel hoc dicitur quia in toto
saeculo triplex tempus est quo gratia datur: primum ante legem, secundum sub
lege, tertium sub gratia, quartum est in caelo, ad quod tendens reficitur in
via. Remigius. Vel quia peccata commissa per
poenitentiam corrigentes, cogitatione, locutione et opere convertuntur ad
dominum. Has turbas noluit dominus dimittere ieiunas, ne deficerent in via:
quia peccatores per poenitentiam conversi, in cursu labentis saeculi pereunt,
si absque sacrae doctrinae pabulo dimittantur. Glossa. Septem panes sunt Scriptura novi
testamenti, in quo gratia spiritus sancti et revelatur et datur; neque sunt
hordeacei, ut supra, quia non hic, ut in lege, vitale alimentum figuris quasi
tenacissima palea tegitur; hic non duo pisces, ut in lege duo ungebantur,
scilicet rex et sacerdos; sed pauci, idest sancti novi testamenti, qui de
fluctibus saeculi erepti, et sustinent turbulentum mare, et exemplo suo nos
reficiunt, ne in via deficiamus. Hilarius. Turbae autem in terra
recumbunt: nullis enim legis operibus fuerant ante substratae; sed peccatorum
et corporum suorum inhaerebant. Glossa. Vel ibi super faenum, ut desideria
carnis comprimantur, hic super terram, ubi et ipse mundus relinqui
praecipitur. Vel mons in quo dominus reficit, est altitudo Christi; ibi ergo
faenum super terram, quia ibi celsitudo Christi, propter carnales, carnali
spe et desiderio tegitur: hic remota omni cupiditate carnali, convivas novi
testamenti spe permanentes solidatosque continet; ibi quinque millia, qui
carnales quinque sensibus subdit: hic quatuor, propter quatuor virtutes
quibus spiritualiter muniuntur: temperantiam, prudentiam, fortitudinem et
iustitiam: quarum prima est cognitio rerum appetendarum et vitandarum;
secunda, refrenatio cupiditatis ab his quae temporaliter delectant; tertia,
firmitas contra molesta saeculi; quarta, quae per omnes diffunditur, dilectio
Dei et proximi: et ibi et hic mulieres et parvuli excepti sunt: quia in
veteri et novo testamento non admittuntur ad dominum qui non perdurant
occurrere in virum perfectum, vel infirmitate virium, vel levitate mentis.
Utraque refectio in monte celebrata est, quia utriusque testamenti Scriptura
et altitudinem caelestium praeceptorum mandat et praemium. Utraque
altitudinem Christi praedicat. Altiora mysteria, quae non capit communis
turba, apostoli sufferunt et implent, scilicet perfectorum corda septiformis spiritus
gratia ad intelligendum illustrata. Sportae iunco et foliis palmarum solent
contexi; et significant sanctos, qui radicem cordis in ipso fonte vitae
collocant ne arescant ut iuncus in aqua, et palmam aeternae retributionis in
corde retinent. |
Versets 32-38.
— Saint
Jérôme : Notre Seigneur Jésus-Christ a commencé par rendre la santé aux
infirmes, il nourrit maintenant ceux qu’il vient de guérir: Il réunit ses
disciples et leur apprend ce qu’il va faire: « Et Jésus, ayant convoqué les disciples, leur dit :
‘J’ai pitié de cette foule’» Il agit ainsi pour enseigner aux maîtres,
par son exemple, a communiquer leurs desseins à leurs inférieurs et à leurs
disciples, et aussi pour que cet entretien rende plus éclatant le miracle
qu’il va faire. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Cette multitude,
qui n’était venue que pour obtenir sa guérison, n’osait demander du pain;
mais Jésus, qui est l’ami des hommes et qui prend soin de tous, leur en donne
sans attendre qu’ils en demandent: « J’ai
compassion de ce peuple », leur dit-il. Et pour qu’on ne puisse pas
dire qu’ils avaient apporté leur nourriture avec eux, il ajoute: « Car voilà trois jours qu’ils
demeurent continuellement avec moi et ils n’ont rien à manger. »
Quand même ils auraient eu des vivres avec eux lorsqu’ils arrivèrent, ils
étaient déjà consommés; aussi ne fait-il pas ce miracle le premier ou le
second jour, mais le troisième, alors que toutes les provisions étaient
épuisées, afin que le sentiment du besoin leur fit recevoir avec un désir
plus ardent le prodige qu’il allait opérer. Il fait voir qu’ils étaient venus
de loin et qu’il ne leur restait plus rien en disant: « Je ne veux pas les renvoyer qu’ils n’aient mangé, de peur que
les forces ne leur manquent en chemin. » Il ne veut pas les renvoyer
sans qu’ils aient mangé; cependant il n’opère pas tout de suite de miracle,
car il veut, par cette question et par la réponse qui doit la suivre, rendre
ses disciples plus attentifs et les forcer à manifester leur foi, en lui
demandant de faire des pains. Mais quoique Jésus-Christ eût réuni dans le
premier miracle les circonstances qui devaient en rendre toujours présent le
souvenir à leur esprit, comme de distribuer eux-mêmes le pain, de recueillir
les restes dans les corbeilles, cependant leurs dispositions étaient encore
bien imparfaites, ainsi que le prouve la réponse qu’ils font à Jésus: « Comment pourrons-nous trouver dans
le désert assez de pains pour nourrir une si grande foule ? »
Cette réponse, qui indique une foi faible, met cependant à l’abri de tout
soupçon le miracle qui va s’opérer. Car, afin qu’on ne puisse supposer que
les provisions ont été apportées de quelque bourg voisin, le miracle se fait
dans la solitude, à une grande distance de tout endroit habité. Cependant, le
Seigneur, pour élever leur âme, leur adresse une question dont la nature
seule doit leur rappeler le premier miracle: « Et Jésus leur dit: Combien avez-vous de pains ? — Sept, lui dirent-ils, et quelques
petits poissons. » Mais ils n’ajoutent pas comme la première fois: « Qu’est-ce que cela pour un si grand
nombre ? » comme ils l’avaient dit la première fois. Ils
avaient fait quelques progrès, quoiqu’il y eût encore bien des choses qu’ils
ne puissent comprendre. Admirez toutefois leur amour pour la vérité ils ne
songent pas, dans un récit dont ils sont les auteurs, à cacher leurs plus
grands défauts; car ce n’est pas une accusation ordinaire, ce n’est pas une
faute légère que l’oubli si rapide d’un aussi grand prodige. Admirez encore
un autre trait de leur sagesse: comme ils savent dompter le besoin de la
faim, et ils n’ont pas un grand souci de la nourriture. Ils sont dans le
désert et ils y restent trois jours, n’ayant seulement avec eux que sept
pains. Notre Seigneur suit la même marche que pour le premier miracle: il
fait asseoir la foule sur la terre et multiplie les pains dans les mains de
ses disciples: « Et il ordonna à
la foule de s'asseoir par terre ». — Saint Jérôme : Il est inutile de rappeler ici ce que nous avons dit plus haut;
arrêtons-nous seulement aux circonstances qui nous offrent quelque
différence. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Ces deux miracles
ne se terminent pas de la même manière. « Ils
emportent ici sept corbeilles pleines des morceaux qui étaient restés. Or,
ceux qui en mangèrent étaient au nombre de quatre mille hommes, sans
compter les femmes et les enfants.»
Pourquoi les restes furent-ils moins considérables dans ce miracle
que dans le premier, alors que ceux qui mangèrent étaient en plus petit
nombre ? C'est peut-être que les corbeilles étaient plus grandes que
les paniers, ou bien le Seigneur voulut-il que la différence de ces deux
miracles en rendît le souvenir plus facile. Voilà pourquoi dans le premier il
y avait autant de paniers que de disciples, tandis que dans celui-ci il y a
autant de corbeilles qu'il y avait de pains. —
Saint Rémi : Dans ce récit de l'Évangile, nous
devons considérer la double opération de la divinité et de l'humanité dans
Jésus-Christ. La compassion qu'il ressent pour ce peuple est une preuve
qu'il a pris les sentiments de notre nature fragile, et le miracle qu'il fait
en multipliant les pains et en nourrissant cette multitude fait éclater en
lui la toute-puissance divine. Ainsi se trouve renversée l'erreur d'Eutychès,
qui ne voulait reconnaître en Jésus-Christ qu'une seule nature. —
Saint Augustin : (De l’acc. des Evang., 2, 50.) Il n'est certesUpas
inutile de remarquer ici que si l'un des Évangélistes avait raconté ce
miracle sans avoir rapporté celui de la multiplication des cinq pains, on
pourrait le supposer en contradiction avec les autres. Mais comme ce sont les
mêmes qui ont raconté à la fois le miracle des cinq et celui des sept pains,
il n'y a plus de difficulté et il faut admettre la vérité de ces deux
miracles. Nous faisons cette remarque afin que lorsque l'on trouve dans un
Évangéliste un fait de la vie de Notre Seigneur qui paraît contredire dans
une de ses circonstances un fait semblable raconté par un autre Évangéliste,
sans qu'on puisse les concilier, on en conclue que ces deux faits distincts ont
eu lieu et que l'un a été raconté par un Évangéliste et l'autre par un autre. — La Glose : Remarquons encore
que Notre Seigneur commence par guérir les infirmités et qu'il donne ensuite
à manger [à ceux qu'il a guéris], parce qu'en effet il faut d'abord faire
disparaître les péchés de l'âme avant de la nourrir de la parole du Seigneur. —
Saint Hilaire : (can. 13.) Ce peuple qu'il a nourri en
premier lieu représentait les Juifs qui embrassèrent la foi; ainsi cette
nouvelle multitude est une figure du peuple des Gentils, et dans ces quatre
mille personnes rassemblées nous voyons représentée cette multitude
innombrable réunie des quatre parties du monde. —
Saint Jérôme : Nous ne comptons pas ici cinq mille
personnes, mais quatre mille seulement. Le nombre quatre a toujours une
signification heureuse: la pierre qui est carrée ne vacille pas, elle n'est
point sujette à chanceler, et c'est pourquoi les Évangiles se trouvent
consacrés par ce nombre quatre. Dans le miracle précédent, comme le chiffre
de la multitude se rapproche du nombre des cinq sens, ce n'est pas le
Seigneur qui paraît y faire attention, mais ses disciples; ici, au contraire,
c'est le Seigneur lui-même qui déclare qu'il a compassion de ce peuple qui
depuis trois jours persévère avec lui, parce qu'en effet ils croyaient au
Père, au Fils et au Saint-Esprit. —
Saint Hilaire : (can.
3.) Ou bien ils passent avec le Seigneur un temps égal à celui de sa passion;
ou bien encore, avant de recevoir le baptême, ils confessent qu'ils croient
à sa passion et à sa résurrection; ou bien enfin, par un mouvement de
sympathique compassion, ils veulent jeûner tout le temps qu'a duré la passion
du Seigneur. — Raban : Ou bien, dans un
autre sens, cette circonstance nous rappelle les trois époques où, pendant
toute la durée des siècles, la grâce nous est donnée; la première avant la
loi, la seconde sous la loi, la troisième sous la grâce, la quatrième
s'accomplira dans le ciel vers lequel nous tendons pendant notre vie ici-bas. — Saint
Remi : Ou bien enfin, c'est qu'en faisant
pénitence des péchés qu'on a commis, on se convertit au Seigneur dans les
pensées, dans les paroles et dans les actions. Le Seigneur ne voulut pas
renvoyer ce peuple sans qu'il eût mangé, de peur qu'il ne tombât en
défaillance dans le chemin, car c'est ainsi que les pécheurs convertis par la
pénitence sont exposés a périr dans le cours de cette vie qui passe, si on
les renvoie privés de la nourriture de la sainte doctrine. — La Glose : Les sept pains sont
les écrits du Nouveau Testament qui nous révèle et nous donne à la fois la
grâce de l'Esprit saint. Ce ne sont point des pains d'orge, comme
précédemment, parce que, dans le Nouveau Testament, l'aliment qui donne la
vie n'est pas le même que sous la loi, enveloppé de figures, comme d'une
paille qui adhère fortement. Nous n'avons point ici deux poissons, figure des
deux seules personnes qui, sous la loi, recevaient l'onction sainte, le
grand-prêtre et le roi, mais quelques poissons, figure des saints du Nouveau
Testament, qui, arrachés aux flots du siècle, supportent les agitations de la
mer et, nous ranimant par leur exemple, nous empêchent de défaillir dans le
chemin. —
Saint Hilaire : Or, la multitude s'asseoit sur la
terre, car elle n'avait pu se reposer sur aucune des œuvres de la loi, et
elle tenait encore fortement à l'origine de son corps et à la source de ses
péchés. — La Glose : Ou bien on peut dire que dans le premier miracle elle s'asseoit sur le gazon pour comprimer les désirs de la chair: ici elle est assise sur la terre, car il lui est ordonné d'abandonner le monde. La montagne sur laquelle le Seigneur nourrit ce peuple, c'est la hauteur du Christ. D'un côté, la terre est recouverte de gazon, parce que la hauteur du Christ s'y trouve recouverte, pour les hommes charnels, d'espérance et de désirs terrestres; ici, au contraire, tout désir charnel est éloigné, et la fermeté d'une espérance permanente soutient les convives du Nouveau Testament. Là il y a cinq mille hommes, parce que les hommes charnels sont esclaves de leurs cinq sens; ici, quatre mille, figure des quatre vertus qui donnent à l'âme la vie spirituelle, c'est-à-dire la tempérance, la prudence, la force, la justice. De ces quatre vertus, la première donne la connaissance de ce qu'il faut rechercher et de ce qu'il faut éviter; la deuxième met un frein à la cupidité des plaisirs qui charment les sens ici-bas; la troisième nous donne la fermeté pour supporter toutes les épreuves de la vie; la quatrième, qui se répand dans toutes les autres, est l'amour de Dieu et du prochain. De part et d'autre, les femmes et les enfants ne sont point comptés, car, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, ceux qui ne peuvent atteindre l'état de l'homme parfait, soit par faiblesse, soit par légèreté d'esprit, ne peuvent être admis près du Seigneur. Ces deux collations ont eu lieu sur la montagne, car les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament nous rappellent à la fois la sublimité des préceptes divins et des récompenses célestes et proclament la grandeur et l'élévation du Christ. Quant aux mystères plus sublimes que la multitude ne peut comprendre, les Apôtres les soulèvent et les accomplissent, et ils sont en cela la figure des cœurs parfaits que la grâce de l'Esprit aux sept dons a remplis d'intelligence. Les corbeilles sont ordinairement tressées avec des joncs et des feuilles de palmier; elles représentent les saints qui enfoncent la racine de leur cœur dans la source même de la vie; semblables au jonc dans l'eau, ils ne sont point exposés à se dessécher et ils portent dans leur cœur la palme de la récompense éternelle. |
Lectio 8 [85512] Catena in Mt.,
cap. 16 l. 1 Chrysostomus in Matth. Sicut
post miraculum quinque panum, dominus turbas dimisit, ita et nunc; nec autem
pedes recedit, sed navigio, ne turba eum sequatur: unde dicitur et dimissa
turba, ascendit in naviculam, et venit in fines Mageddan. Augustinus de Cons. Evang. Marcus autem dicit,
quod in Dalmanutha; nec est dubitandum eumdem locum esse sub utroque nomine:
nam plerique codices non habent, etiam secundum Marcum, nisi Mageddan. Rabanus. Est autem Mageddan regio contra
Gerasam, et interpretatur poma, vel nuntia; et significat hortum, de quo
dicitur: hortus conclusus, fons signatus, in quo crescunt poma virtutum, et
ubi nuntiatur nomen domini. Docet autem, quod praedicatores, ministrato verbo
turbae, ipsi intra cubiculum cordis virtutum pomis debent refici. |
Verset 39.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Le Seigneur renvoie maintenant le peuple, comme il a fait
après le miracle des cinq pains, et il ne prend pas pour se retirer le chemin
de terre, mais il monte dans une barque pour que la foule ne puisse le
suivre. « Après cela, Jésus ayant
renvoyé la foule, monta dans une barque et vint sur les confins de Mageddan. » —
Saint Augustin : (De l'acc. des Evang., 2, 51.) Saint Marc (Mc 8) dit: « dans le pays de Dalmanutha » ;
mais il est évident qu'il s'agit du même lieu sous les deux appellations,
car, même dans plusieurs exemplaires de saint Marc, on ne trouve que le mot
Mageddan. — Raban : Mageddan est un
pays situé en face de Gerasam; il signifie fruits ou nouvelles et
il est une figure de ce jardin dont il est dit: « Jardin fermé, fontaine scellée » (Ct 4), jardin qui produit les fruits des vertus et où le nom du
Seigneur est annoncé. Cette interprétation apprend aux prédicateurs qu'après
avoir distribué au peuple la parole sainte, ils doivent, dans le secret de
leurs cœurs, reprendre de nouvelles forces en se nourrissant des fruits des
vertus. |
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Caput 16 |
CHAPITRE 16 —
[Rejet de plus en plus fort]
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Sequitur et accesserunt ad eum Pharisaei et
Sadducaei tentantes et rogaverunt eum ut signum de caelo ostenderet eis. Remigius. Admiranda quippe est caecitas
Pharisaeorum et Sadducaeorum: sic enim postulabant signum de caelo, quasi ea
non essent signa quae facere videbatur. Quod autem signum postularent,
Ioannes manifestat: refert enim post refectionem de quinque panibus, turbam
accessisse ad dominum et dixisse: quod signum facis, ut videamus, et credamus
tibi? Patres nostri manna in deserto comederunt, sicut scriptum est: panem de
caelo dedit eis manducare. Ideoque et hic dicunt: ostende nobis signum de
caelo; idest, fac ut uno vel duobus diebus manna pluat, ut totus populus
pascatur, sicut multo tempore factum est in deserto. Ipse vero inspiciens
cogitationes eorum, ut Deus, et sciens quod si etiam signum de caelo eis
ostenderet, non crederent, noluit eis dare signum quod postulabant: unde
sequitur at ille respondens ait illis: facto vespere dicitis: serenum erit,
et cetera. Hieronymus. Hoc apud Graecos in plerisque codicibus
non habetur. Sensus autem manifestus est, quod ex elementorum ordine et
consonantia possunt et sereni et pluviosi dies praenosci. Scribae autem et
Pharisaei, qui videbantur legis esse doctores, ex prophetarum vaticinio non
poterant cognoscere salvatoris adventum. Augustinus de quaest. Evang. Potest etiam
intelligi quod dixit dominus: facto vespere dicitis: serenum erit, etenim
rubicundum est caelum: idest sanguine passionis Christi, primo adventu
indulgentia peccatorum datur. Et mane: hodie tempestas, rubet enim cum
tristitia caelum; illud est quod secundo adventu igne praecedente venturus
est. Glossa. Vel aliter. Rutilat triste caelum;
idest, patiuntur apostoli post resurrectionem; post quos me iudicare in
futuro scire potestis; quia cum non parco meis bonis quin patiantur, non
parcam aliis in futuro. Faciem ergo caeli diiudicare nostis, signa autem
temporum non potestis. Signa temporum dixit de adventu suo vel passione,
cui simile est roseum caelum vespere; et idem de tribulatione, ante adventum
suum futura, cui simile est mane roseum cum tristitia caelum. Chrysostomus in Matth. Sicut ergo in
caelo aliud quidem est signum serenitatis, aliud pluviae, ita et in me putare
oportet: nunc enim, scilicet in primo adventu, his signis quae in terra sunt,
opus est; quae autem in caelo sunt, conservantur tempori secundi adventus.
Nunc enim sicut medicus veni; tunc sicut iudex adero: propter hoc nunc
occultus veni; tunc autem cum multa divulgatione quando virtutes caelorum
movebuntur. Sed non est nunc tempus horum signorum: quia veni
mori, et quae abiecta sunt pati: et ideo sequitur generatio mala et adultera
signum quaerit; et signum non dabitur ei, nisi signum Ionae prophetae. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem et alibi
iam dixit Matthaeus: unde retinendum est, eadem dominum saepe dixisse; ut
quod existente contrario solvi non poterit, bis dictum intelligatur. Glossa. Dicit autem generatio mala et
adultera, idest incredula, pro spirituali carneum habens intellectum. Rabanus. Non ergo generationi illi tentantium
dominum signum caeleste datur, quale quaerebant, quibus multa signa dedit in
terra; sed generationi quaerentium dominum, idest apostolis; quibus
cernentibus, ascendit in caelum, et spiritum sanctum misit. Hieronymus. Quid autem sibi velit signum
Ionae, iam supra dictum est. Chrysostomus in Matth. Cum autem hoc Pharisaei
audissent, oportebat interrogare, et dicere: quid est quod dicitur? Sed ipsi
non desiderio discendi, hoc a domino quaesierunt; et ideo dominus eos relinquit;
unde sequitur et relictis illis, abiit. Rabanus. Idest relicta generatione mala
Iudaeorum, abiit trans fretum, et gentium secutus est populus. Nota, quod
non, sicut in aliis legitur locis, dimissis turbis abiit; sed quia
infidelitatis error insolentium animos obtinebat, dicitur quod eos reliquit. |
Versets 1-4.
— Saint Rémi : [référence à vérifier] « Les pharisiens et les sadducéens s'approchèrent de lui, et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandèrent de leur faire voir un signe venant du ciel.» Etonnant aveuglement des pharisiens et des
sadducéens ! Ils demandent un prodige dans le ciel, comme si les faits
dont ils étaient témoins n'étaient pas de véritables prodiges. Saint Jean
nous apprend (Jn 6) quelle espèce de miracle ils lui demandaient, en rapportant
qu'après que Jésus eut nourri le peuple avec cinq pains, le peuple s'approcha
de lui, et lui dit: « Quel miracle
faites-vous, afin que nous le voyions et que nous croyions en
vous ? » « Nos pères
ont mangé la manne dans le désert, ainsi qu'il est écrit: Il leur a donné à
manger le pain du ciel. » (Ps. 77.) C'est dans ce même sens que les
pharisiens lui disent ici: « Faites-nous
voir un prodige dans le ciel », c'est-à-dire faites tomber la manne
un ou deux jours de suite, afin que tout le peuple soit rassasié, comme cela
s'est fait si longtemps dans le désert. Mais le Seigneur qui, comme Dieu,
pénétrait leurs pensées, et savait bien qu'alors même qu'il ferait paraître à
leurs yeux un prodige dans le ciel,
ils ne croiraient pas davantage, ne voulut pas leur donner le signe qu'ils
demandaient. « Il leur répondit:
Le soir vous dites: Il fera beau », etc... —
Saint Jérôme : Cette phrase manque dans plusieurs
des manuscrits grecs. Le sens, d'ailleurs, en est clair, c'est-à-dire que
d'après les phénomènes réguliers des éléments, on peut prédire d'avance le
beau temps et les jours de pluie. Mais les scribes et les pharisiens qui
paraissaient être les docteurs de la loi, ne pouvaient reconnaître dans les
oracles des prophètes le temps de la venue du Sauveur. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 20.) Ces paroles du Seigneur: « Le soir vous dites: Il fera beau,
car le ciel est rouge, » peuvent signifier que la rémission des
péchés est accordée dans le premier avènement par le sang que Jésus-Christ a versé
dans sa passion; et les autres: « Le
matin vous dites: il y aura de l'orage aujourd'hui, car le ciel est d'un
rouge sombre », que dans le second avènement le Christ sera précédé
par le feu. — La Glose : Ou bien dans un
autre sens, le ciel est sombre et rougeâtre, c'est-à-dire les Apôtres auront
à souffrir après ma résurrection, et vous pouvez savoir qu'après eux, je dois
exercer mon jugement; car si je n'épargne pas les souffrances à mes amis, à
plus forte raison ne les épargnerai-je pas aux autres un jour à venir. « Vous
savez donc discerner les différentes apparences du ciel, et vous ne savez pas
reconnaître les signes des temps ? » — Raban : [référence à vérifier] Ces signes des temps sont
dans la pensée du Seigneur, son avènement ou sa passion qui nous sont
représentés par un ciel qui est rouge le soir; et la tribulation qui
précédera son second avènement, figurée par un ciel qui, le matin, est sombre
et rougeâtre. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) De même que
dans le ciel les signes qui annoncent le beau temps sont différents de ceux
qui présagent la pluie, ainsi en est-il de ce qui me concerne. Maintenant,
dans mon premier avènement, il est nécessaire que j'opère ces prodiges qui
éclatent sur la terre, ceux qui auront le ciel pour théâtre sont réservés
pour mon second avènement. Je suis venu actuellement comme un médecin alors
je viendrai comme un juge. C'est pour cela qu'aujourd'hui je suis venu en
voilant ma divinité; alors je viendrai avec un grand éclat, et toutes les
puissances du ciel seront ébranlées. Mais le temps de ces prodiges n'est pas
encore arrivé; car je suis venu pour mourir, et souffrir auparavant toutes
les ignominies. « Cette génération
corrompue et adultère demande un prodige, et il ne lui sera pas donné, si ce
n’est le signe de Jonas. » —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang.) Saint Matthieu a déjà rapporté ces mêmes
paroles (Mt 12), ce qui doit nous convaincre que le Seigneur a souvent dit
plusieurs fois la même chose; et lorsque nous ne pouvons faire disparaître la
contradiction qui existe entre deux récits, nous devons en conclure que ces
paroles ont été dites dans deux circonstances différentes. — La Glose : Il les appelle
génération corrompue et adultère, c'est-à-dire incapable de comprendre [les
choses spirituelles], n'ayant qu'une intelligence charnelle,. — Raban : Le Seigneur ne
donnera donc point à cette génération qui le tente de prodige dans le ciel,
comme ils le demandent, eux à qui il a donné tant de prodiges sur la terre;
mais il réserve ces prodiges pour la génération de ceux qui cherchent le
Seigneur (Ps 23, 6; Ps 99, 9.10), c'est-à-dire pour les
Apôtres qui le virent monter au ciel, et auxquels il envoya l'Esprit saint. —
Saint Jérôme : Nous avons dit plus haut ce que
signifie ce prodige de Jonas (Mt 12.) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Or, les pharisiens qui entendaient
cette réponse auraient dû interroger le Seigneur, et lui demander quel était
le sens de ces paroles. Mais ils se sont gardés de faire cette demande au
Seigneur dans le désir de s'instruire. C'est pourquoi Notre Seigneur se
sépare d'eux. « Et, les laissant
là, il s'en alla. » — Raban : C'est-à-dire ayant quitté cette mauvaise génération des Juifs, il passa au- delà du lac, et le peuple des Gentils le suivit. Et remarquez qu'il n'est point dit qu'il se retira après avoir renvoyé le peuple comme dans les autres circonstances, mais qu'il les abandonna, parce que l'erreur de l'incrédulité s'était emparée de leurs esprits orgueilleux. |
Lectio 2 [85513] Catena in Mt.,
cap. 16 l. 2 Glossa. Sicut dominus Pharisaeos
reliquerat propter eorum infidelitatem, ita consequenter et doctrinam eorum a
discipulis cavendam esse docet: unde sequitur et cum venissent discipuli eius
trans fretum, obliti sunt accipere panes. Remigius. Tanto enim amore magistri
detinebantur ut nec etiam ad punctum vellent ab eo recedere. Animadvertendum
est ergo quantum alieni essent ab appetitu deliciarum, cum tam parvam
haberent de necessariis curam ut etiam obliti sint panes accipere, sine
quibus humana fragilitas subsistere non potest. Sequitur qui dixit illis:
intuemini et cavete a fermento Pharisaeorum et Sadducaeorum. Hilarius in Matth. In quo monentur apostoli
non admisceri Iudaeorum doctrinae: quia legis opera in effectum fidei et
praefigurationem rerum consequentium constituta sunt: et in quorum tempora
atque aetatem veritas contigisset, nihil ultra in veritatis similitudinem
positum arbitrarentur: ne doctrina Pharisaeorum Christum nesciens, effectum
evangelicae veritatis rumperet. Hieronymus. Qui enim cavet a fermento
Pharisaeorum et Sadducaeorum, legis ac litterae praecepta non servat,
traditiones hominum negligit, ut faciat Dei mandata. Hoc est fermentum de quo
apostolus ait: modicum fermentum totam massam corrumpit. Istiusmodi fermentum
etiam omni ratione vitandum est, quod habuit Marcion, Valentinus et omnes
haeretici. Fermentum enim hanc habet vim ut, si farinae mixtum fuerit, quod
parum videbatur, crescat in maius, et ad saporem suum universam conspersionem
trahat: ita et doctrina haeretica, si vel modicam scintillam iecerit in tuum
pectus, in brevi ingens flamma concrescit, et totam hominis passionem ad se
trahit. Chrysostomus in Matth. Quare non dixit:
attendite a doctrina Pharisaeorum manifeste? Quia vult commemorare ea quae
facta sunt, scilicet de multiplicatione panum: etenim noverat eos esse
oblitos. Simpliciter autem de hoc eos incusare non videtur rationem habere:
occasione autem ab eis recepta eos increpare, susceptibilem faciebat
incusationem; et ideo quae cogitabant discipuli, Evangelista in medium
introducit, dicens at illi cogitabant intra se dicentes quia panes non
accepimus. Hieronymus. Quomodo autem panes non habebant
qui statim impletis septem sportis, ascenderunt in naviculam, et venerunt in
fines Mageddan? Ibi audiunt navigantes quod cavere debeant a fermento
Pharisaeorum et Sadducaeorum. Sed
Scriptura testatur, quod obliti sunt eos secum tollere. Chrysostomus in Matth. Quia
vero discipuli circa observationes Iudaicas adhuc repebant, ideo dominus
vehementer eos increpat ad utilitatem omnium: unde sequitur sciens autem
Iesus, dixit eis: quid cogitatis intra vos, modicae fidei, quia panes non
habetis? Glossa. Quasi dicat: quid cogitatis me dixisse
de terrenis panibus, de quibus non est vobis dubitandum, cum de tam paucis
tantas feci abundare reliquias? Chrysostomus in Matth. Hoc autem facit,
ut sollicitudinem escarum ab eis abiciat. Sed quare non arguit eos, cum
dixerunt: unde nobis in solitudine panes tanti? Etenim opportunius videbatur
hoc dici. Sed ideo tunc non reprehendit eos, ne videretur se ingerere ad
signa facienda, et nolebat ante turbas eos increpare. Tunc
etiam rationabilior haec accusatio fuit quando iam duplici miraculo de
panibus facto tales erant ut adhuc de escis dubitarent. Vide autem et
increpationem cum mansuetudine: velut enim excusando respondet, pro his quos
increpaverat dicens nondum intelligitis neque recordamini quinque panum? Glossa. Quasi dicat: neque mysterium
intelligitis, neque virtutem in memoria habetis. Chrysostomus in Matth. Per quod in
memoriam eis reducit ea quae praeterierunt, et ad futura attentiores facit.
Hieronymus. Per hoc autem quod dicit
quare non intelligitis? Ecce per occasionem docet eos quid significent
quinque panes et septem, quinque millia hominum et quatuor millia, quae pasta
sunt in eremo. Si enim fermentum Pharisaeorum et
Sadducaeorum non corporalem panem, sed traditiones perversas et haeretica
significat dogmata; quare cibi quibus nutritus est populus Dei, non veram
doctrinam integramque significent? Chrysostomus in Matth. Ut autem discas quantum
in discipulis potuit increpatio Christi, et qualiter eorum mentem erexerit
dormientem, audi quid Evangelista dicat: tunc intellexerunt quod non dixit
cavendum a fermento panum, sed a doctrina Pharisaeorum et Sadducaeorum,
quamvis eo hoc non interpretante. Interpretatio ergo domini eos a Iudaicis
observationibus abduxit, desides existentes attentiores fecit, et a parva
fide eos eripuit, ut non timeant si quando paucos panes habere videantur,
neque pro pane solliciti sint, sed haec despiciant universa. |
Versets 5-11.
— La Glose : Notre Seigneur avait abandonné les
pharisiens en punition de leur incrédulité; par une conséquence naturelle, il
enseigne à ses disciples qu'ils doivent éviter leur doctrine. « Or, ses disciples étant passés au
delà du lac, avaient oublié de prendre des pains. » —
Saint Rémi : Ils étaient attachés à leur Maître d’un
si grand amour, qu'ils ne pouvaient s'en séparer, même un instant. Remarquons
encore combien les disciples de Jésus étaient loin de rechercher les délices
de la vie, eux qui se préoccupaient si peu du nécessaire, qu'ils oubliaient
même de prendre du pain, nourriture indispensable de notre faible nature. Ensuite :
« Il leur dit: Ayez soin de vous
garder du levain des pharisiens et des Sadducéens ». —
Saint Hilaire : Le Seigneur avertit ici les Apôtres
de n'avoir aucun commerce avec la doctrine des Juifs; car les œuvres de la
loi n'avaient été ordonnées que pour recevoir leur accomplissement par la
foi, et comme figure de ce qui devait se réaliser dans l'avenir. Ceux donc
qui avaient le bonheur de vivre dans les temps et dans le siècle où la vérité
se manifestait [sur la terre], devaient regarder comme désormais inutiles les
figures de la vérité, de peur que la doctrine des pharisiens, qui ne reconnaissaient
pas le Christ, ne vînt à corrompre les effets de la vérité de l'Évangile. —
Saint Jérôme : Celui qui se garde du levain des
pharisiens et des sadducéens, ne s'attache pas aux préceptes de la loi et de
la lettre, et ne se met pas en peine des traditions humaines; son unique
souci c'est d'accomplir les commandements de Dieu. C'est là ce levain dont
l'Apôtre a dit: « Un peu de levain
corrompt toute la masse. » (1 Co
5; Ga 5.) Il faut à tout prix
se garder d'un tel levain, qui est celui de Marcion, de Valentin, et de tous
les hérétiques. Le levain a une force telle, que si on le mêle à la farine en
petite quantité, il se développe bientôt, et communique la saveur qui lui
est propre à toute la pâte à laquelle il se trouve mêlé; il en est de même de
la doctrine des hérétiques: quelque faible que soit l'étincelle qu'elle aura
jetée dans votre cœur, vous la verrez bientôt produire un grand incendie qui
envahit l'homme tout entier. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Mais pourquoi le Seigneur ne leur
dit-il pas ouvertement: « Gardez-vous
de la doctrine des pharisiens » ? parce qu'il veut leur
rappeler le miracle de la multiplication des pains qui vient d'avoir lieu. Il
savait qu'ils l'avaient oublié, et comme il ne jugeait pas à propos de leur
reprocher directement cet oubli, il profite de l'occasion qu'ils lui
présentent pour leur rendre ce reproche plus supportable. C'est pour cela que
l'Évangéliste nous dévoile ce que pensaient les disciples: « Et ils pensaient entre eux, et
disaient: Nous n'avons pas pris de pains. » —
Saint Jérôme : Comment se fait-il qu'ils étaient
sans pain, eux qui, après en avoir rempli sept corbeilles, montent dans la
barque, viennent sur les frontières de Magedan et entendent Jésus leur dire
pendant la traversée, qu'ils doivent se garder du levain des pharisiens et
des sadducéens ? [Nous répondons à cette question que] l'Écriture
affirme qu'ils avaient oublié de prendre des pains avec eux. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
54.) Comme les Apôtres se traînaient encore dans
l'attachement aux observances judaïques, Notre Seigneur leur en fait un vif
reproche dans la pensée d'être utile à tous les autres. « Ce que Jésus connaissant, il leur dit: Pourquoi vous
entretenez-vous ensemble que vous n'avez point de pain, hommes de peu de
foi ? » — La Glose : C'est-à-dire
pourquoi pensez-vous que j'ai voulu parler de ces pains matériels, au sujet
desquels vous ne devez avoir aucun doute après qu'un si petit nombre de pains
a produit des restes si considérables ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Son dessein, ici, est de les
affranchir de toute inquiétude pour la nourriture. Mais pourquoi ne leur
a-t-il pas adressé ce reproche lorsqu'ils lui exprimèrent cette pensée de
défiance: « Comment pourrons-nous
trouver un si grand nombre de pains dans le désert ? » Il
semble qu'il eût été mieux placé dans cette circonstance. Cependant Notre
Seigneur ne les reprend pas alors, pour ne point paraître prendre
l'initiative des miracles qu'il opère, et aussi pour que le peuple ne soit
pas témoin des reproches qu'il leur adressait. Ces reproches, d'ailleurs,
furent bien plus motivés lorsque après le double miracle de la multiplication
des pains, il les voit encore inquiets de leur nourriture. Mais voyez quelle
douceur dans ce reproche. Il répond lui-même comme pour excuser ceux qu'il
vient de reprendre, en ajoutant: « Ne
comprenez-vous point encore, et ne vous souvient-il point que cinq pains ont
suffi… » — La Glose : C'est-à-dire:
« Est-ce que vous ne comprenez pas ce mystère ? Est-ce que vous n'avez
pas conservé le souvenir de ma puissance ? » —
Saint Jean Chrysostome : Il leur remet ainsi en
mémoire les miracles qui avaient eu lieu auparavant, et les rend plus
attentifs à ceux qui doivent suivre. —
Saint Jérôme : En leur adressant ce reproche; « Pourquoi ne comprenez-vous
pas ? » il veut leur apprendre en même temps ce que signifient
les cinq pains, et ensuite les sept autres [qui furent multipliés]; et encore
les cinq mille hommes, et après les quatre mille qu'il nourrit dans le
désert. Car si le levain des pharisiens et des sadducéens ne signifie pas le
pain matériel, mais les traditions corrompues et les dogmes des hérétiques,
pourquoi les pains qui servirent à nourrir le peuple de Dieu ne
figureraient-ils pas la doctrine pure et véritable ? — Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Si vous voulez connaître l'efficacité du reproche de Jésus sur ses disciples, et comment il réveilla leur âme endormie, écoutez ce que dit l'Évangéliste: « Ils comprirent alors qu'il ne leur avait pas dit de se garder du levain qu'on met dans le pain, mais de la doctrine des pharisiens et des sadducéens », bien que Jésus ne leur ait pas donné cette explication. Le reproche du Seigneur les éloigne des observances judaïques, leur fait secouer leur indifférence, les rend plus attentifs, et fortifie leur foi encore si faible. Et s'il leur arrive maintenant d'être presque sans pain, ils seront sans crainte, et apprendront à mépriser jusqu'aux nécessités de la vie. |
Lectio 3 [85514] Catena in Mt.,
cap. 16 l. 3 Glossa. Postquam discipulos a
Pharisaeorum doctrina removerat dominus, convenienter evangelicae doctrinae
altitudinem in eis fundat: et ut maior solemnitas designetur, locus
describitur cum dicitur venit autem Iesus in partes Caesareae Philippi. Chrysostomus in Matth. Ideo autem non
simpliciter Caesaream nominat, sed Caesaream Philippi: quia est et alia
Caesarea quae est Stratonis: non autem in illa, sed in hac discipulos
interrogavit; longe eos a Iudaeis abducens, ut ab omni timore eruti, libere
dicant quae habebant in mente. Philippus autem iste, frater fuit Herodis
tetrarchae Ithureae et Trachonitidis regionis, qui in honorem Tiberii
Caesaris Caesaream Philippi, quae nunc Paneas dicitur, appellavit. Glossa. Confirmaturus autem in fide
discipulos, prius opiniones et errores aliorum a mentibus eorum voluit
removere: unde sequitur et interrogavit discipulos suos dicens: quem dicunt
homines esse filium hominis? Origenes in Matth. Interrogat Christus
discipulos, ut ex apostolorum responsionibus nos discamus diversas opiniones
fuisse tunc apud Iudaeos de Christo; et ut nos semper scrutemur qualis opinio
sit apud homines de nobis: ut si quid male dicitur de nobis, occasiones
illius praecidamus: si quid autem boni, eius occasiones augeamus. Sed et
discipuli episcoporum, apostolorum instruuntur exemplo, ut qualescumque
opiniones audierint foris de episcopis suis, referant eis. Hieronymus. Pulchre autem interrogat quem
dicunt homines esse filium hominis? Quia qui de filio hominis loquuntur,
homines sunt; qui vero divinitatem eius intelligunt, non homines sed dii
appellantur. Chrysostomus in Matth. Non autem dicit: quem
me dicunt Scribae et Pharisaei esse? Sed: quem me dicunt homines esse? Plebis
mentem quae ad malum inflexa non erat, investigans. Etsi enim multo humilior
quam oportebat eorum erat de Christo opinio, sed tamen a nequitia libera
erat; Pharisaeorum autem opinio de Christo erat plena multa malitia. Hilarius in Matth. Dicendo ergo quem
dicunt homines esse filium hominis? Significavit, praeter id
quod in se videbatur, esse aliud sentiendum: erat enim hominis filius. Quod
igitur de se opinandi iudicium desiderabat, non illud arbitramur quod de se
ipse confessus est; sed occultum erat de quo quaerebatur, in quod se
credentium fides debeat extendere. Est autem haec confessionis tenenda ratio:
ut sicut Dei filium, ita et filium hominis meminerimus: quia alterum sine
altero nihil spei tribuit ad salutem; et ideo signanter dixit quem dicunt
homines esse filium hominis? Hieronymus. Non enim dixit: quem me esse
dicunt homines? Sed quem dicunt esse filium hominis? Ne iactanter de se
quaerere videretur. Et nota, quod ubicumque in veteri testamento scriptum est
filius hominis, in Hebraeo positum est filius Adam. Origenes in Matth. Diversas autem Iudaeorum
opiniones de Christo discipuli referunt: unde dicitur at illi dixerunt: alii
Ioannem Baptistam, aestimationem scilicet secuti Herodis; alii autem Eliam,
videlicet aestimantes, quod aut secundam nativitatem susceperit Elias, aut ex
eo tempore in corpore vivens, in tempore apparuit illo; alii vero Ieremiam,
quem dominus in gentibus prophetam constituit: non intelligentes quoniam
Ieremias typus fuerat Christi; aut unum ex prophetis, ratione simili, propter
illa quae Deus ad ipsos locutus est per prophetas, non tamen in ipsis, sed in
Christo sunt impleta. Hieronymus. Sed tamen turbae sic errare
potuerunt in Elia et Ieremia, quomodo Herodes erravit in Ioanne: unde miror
quosdam interpretes causas errorum inquirere singulorum. Chrysostomus in Matth. Quia vero discipuli
opinionem turbae recitaverant, evocat eos per secundam interrogationem ad
opinandum aliquid maius de ipso: et ideo sequitur dicit illis Iesus: vos
autem quem me esse dicitis? Vos, inquam, qui simul mecum estis semper, quia
maiora signa vidistis quam turbae, non oportet vos in opinione convenire cum
turbis: et propter hoc non a principio praedicationis eos de hoc
interrogavit, sed postquam multa signa fecit, et multa locutus est de sua
deitate. Hieronymus. Attende autem, quod ex hoc textu
sermonis apostoli nequaquam homines sed dii appellantur; cum enim dixisset
quem dicunt homines esse filium hominis? Subiecit vos autem quem me esse
dicitis? Ac si dicat: illis, quia homines sunt, humana opinantibus, vos, qui
dii estis, quem me esse existimatis? Rabanus. Non autem quasi nesciens, de se
sententiam discipulorum, vel extraneorum inquirit; sed ideo discipulos quid
de se sentiant interrogat, ut confessionem rectae fidei digna mercede
remuneret. Ideo quid alii de se sentiant inquirit, ut expositis primo sententiis
errantium, discipuli probarentur veritatem suae confessionis non de opinione
vulgata, sed de ipso percepisse dominicae revelationis arcano. Chrysostomus in Matth. Quando vero dominus de
plebis opinione interrogat, omnes respondent; sed omnibus discipulis
interrogatis, Petrus tamquam os apostolorum et caput, pro omnibus respondet:
unde sequitur respondens Simon Petrus, dixit: tu es Christus filius Dei vivi.
Origenes in Matth. Denegavit quidem Petrus
aliquid eorum esse Iesum quae arbitrabantur Iudaei, confessus est autem tu es
Christus, quod nesciebant Iudaei; sed, et quod maius est, filius Dei vivi,
qui et per prophetas dixerat: vivo ego, dicit dominus; et ideo dicebatur
vivus, sed secundum supereminentiam, quia supereminet omnibus habentibus
vitam: quoniam solus habet immortalitatem et est fons vitae, quod proprie
dicitur Deus pater; vita autem est quasi de fonte procedens, qui dixit: ego
sum vita. Hieronymus. Deum etiam vivum appellat, ad
comparationem eorum deorum qui putantur dii, sed mortui sunt. Saturnum dico,
Iovem, Venerem, et Herculem, et cetera idolorum portenta. Hilarius in Matth. Est autem haec vera et
inviolabilis fides, ex Deo Deum filium profectum esse, cui sit ex aeternitate
patris aeternitas. Hunc igitur assumpsisse corpus et hominem factum esse,
perfecta confessio est. Complexus est itaque omnia qui et naturam et nomen
expressit: in quo summa virtutum est. Rabanus. Mira autem distinctione factum est ut
dominus ipse humilitatem assumptae humanitatis profiteatur, discipulus
excellentiam divinae aeternitatis ostendat. Hilarius. Dignum autem confessio Petri
praemium consecuta est, quia Dei filium in homine vidisset: unde sequitur
respondens autem Iesus dixit ei: beatus es, Simon Bar Iona: quia caro et
sanguis non revelavit tibi, sed pater meus qui est in caelis. Hieronymus. Reddit enim Christus apostolo
vicem pro testimonio quod de se Petrus dixerat tu es Christus filius Dei
vivi. Dominus autem dixit ei beatus es, Simon Bar Iona. Quare? Quia non
revelavit tibi caro et sanguis; sed revelavit pater. Quod caro et sanguis
revelare non potuit, spiritus sancti gratia revelatum est. Ergo ex
confessione sortitur vocabulum quod revelationem ex spiritu sancto habeat,
cuius et filius appellandus sit: siquidem Bar Iona in lingua nostra sonat
filius columbae. Alii simpliciter accipiunt, quod Simon, scilicet Petrus,
filius sit Ioannis, iuxta alterius loci interrogationem: Simon Ioannis,
diligis me? Et volunt scriptorum vitio depravatum: ut pro Bar Ioanna, idest
filius Ioannis, Bar Iona scriptum sit, una detracta syllaba; Ioanna vero
interpretatur Dei gratia. Utrumque autem nomen mystice intelligi potest: quod
et columba spiritum sanctum, et gratia Dei donum significet spiritale. Chrysostomus in Matth. Vanum est enim dicere:
tu es filius Ionae, vel Ioanna, nisi ut ostendat quoniam ita naturaliter est
Christus filius Dei sicut Petrus filius Ionae, eiusdem substantiae cum eo qui
genuit. Hieronymus. Illud autem quod ait quia caro et
sanguis non revelavit tibi, apostolicae narrationi compara, in qua ait:
continuo non acquievi carni et sanguini: carnem ibi et sanguinem Iudaeos
significans: ut hic quoque sub alio sensu demonstretur, quod ei non per
doctrinam Pharisaeorum, sed per Dei gratiam Christus Dei filius revelatus sit.
Hilarius in Matth. Vel aliter. Beatus hic,
quia ultra humanos oculos et intendisse et vidisse laudatus est, non id quod
ex carne et sanguine est contuens, sed Dei filium caelestis patris
revelatione conspiciens: dignusque iudicatus est ut primus agnosceret quod
divinitas esset in Christo. Origenes in Matth. Est autem in hoc loco
quaerendum utrum cum prius mitterentur, iam cognoscebant discipuli quoniam
ipse erat Christus. Hic enim sermo demonstrat, quoniam tunc primum confessus
fuerit eum Petrus Christum filium Dei vivi. Et vide, si potes huiusmodi
quaestionem solvere, dicens, quoniam credere Iesum esse Christum, minus est
quam cognoscere: ut dicamus, quod quando mittebantur ad praedicandum,
credebant quidem Iesum esse Christum; postea autem proficientes etiam
cognoverunt. Aut ita est respondendum ut dicamus quoniam tunc
quidem apostoli initia cognitionis habebant Christi, et exigua cognoscebant
de illo; postea autem profecerunt in agnitione ipsius, ut possent capere
scientiam Christi revelatam a patre: sicut et Petrus qui beatificatur, non
solum in eo quod dicit tu es Christus; sed in eo magis quod addidit filius
Dei vivi. Chrysostomus in Matth. Nimirum autem, si non
confessus esset Petrus Christum proprie ex patre natum, non esset hic
revelatione opus: neque aestimare Christum unum ex multis filiis adoptivis,
beatitudine dignum esset: nam et ante hoc illi qui erant in navi dixerunt:
vere filius Dei est hic. Sed et Nathanael dixit: Rabbi, tu es filius Dei. Non
tamen beati dicti sunt, quia non talem confessi sunt filiationem qualem
Petrus: sed unum ex multis eum aestimabant, non vere filium; vel etsi
praecipuum quidem prae multis, non autem ex substantia patris. Vides autem
qualiter et filium revelat pater et patrem filius. Non enim ab alio est
dicere filium quam a patre, nec ab alio patrem quam a filio: quare et hinc
manifestum est quod filius est consubstantialis et coadorandus patri.
Ostendit autem Christus ex hinc iam multos credituros quod fuerat Petrus
confessus; unde subdit et ego dico tibi quia tu es Petrus. Hieronymus. Ac si dicat: quia tu mihi dixisti
tu es Christus filius Dei vivi, et ego dico tibi, non sermone casso et nullum
opus habente; sed dico tibi (quia meum dixisse, fecisse est), quia tu es
Petrus; sicut enim ipse lumen apostolis donavit ut lumen mundi appellentur,
et cetera quae a domino sortiti vocabula sunt; ita et Simoni qui credebat in
petram Christum, Petri largitus est nomen. Augustinus de Cons. Evang. Nullus tamen
arbitretur quod hic Petrus nomen acceperit: non enim accepit hoc nomen nisi
ubi Ioannes commemorat ei dictum esse: tu vocaberis Cephas; quod
interpretatur Petrus. Hieronymus. Secundum autem metaphoram petrae,
recte dicitur ei: aedificabo Ecclesiam meam super te; et hoc est quod
sequitur et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. Chrysostomus in Matth. Idest in hac fide
et confessione aedificabo Ecclesiam meam. Hinc ostendit multos iam credituros
quod Petrus confessus fuerat, et erigit eius sensum, et pastorem ipsum facit.
Augustinus in Lib. Retract.
Dixi in quodam loco de apostolo Petro, quod in illo tamquam in petra
aedificata est Ecclesia; sed scio me postea saepissime sic exposuisse quod a
domino dictum est tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam
meam, ut super hunc intelligeretur quem confessus est Petrus dicens tu es
Christus filius Dei vivi; ac si Petrus ab hac petra appellatus, personam
Ecclesiae figuraret, quae super hanc petram aedificatur; non enim dictum est
illi: tu es petra, sed tu es Petrus; petra autem erat Christus, quem confessus
Simon, sicut ei tota Ecclesia confitetur, dictus est Petrus. Harum autem duarum sententiarum quae sit probabilior, eligat lector. Hilarius in Matth. Est autem in
nuncupatione novi nominis felix Ecclesiae fundamentum, dignaque aedificatione
illius petra, quae infernales leges et Tartari portas et omnia mortis
claustra dissolveret: unde ad ostendendam firmitatem Ecclesiae supra petram
fundatae, subditur et portae Inferi non praevalebunt adversus eam. Glossa. Idest, non separabunt eam a caritate
mea et fide. Hieronymus. Ego portas Inferi, vitia reor
atque peccata; vel certe haereticorum doctrinas, per quas illecti homines
ducuntur ad Tartarum. Origenes in Matth. Sed et singulae spirituales
nequitiae in caelestibus portae sunt Inferorum, quibus contrariantur portae
iustitiae. Rabanus. Portae quoque Inferi, etiam tormenta
et blandimenta sunt persecutorum; sed et prava infidelium opera ineptaque
colloquia portae sunt Inferi, quia iter perditionis ostendunt. Origenes. Non autem exprimit utrum petrae non
praevalebunt in qua aedificat Christus Ecclesiam, aut Ecclesiae quam
aedificat supra petram; tamen manifestum est quia nec adversus petram, nec
adversus Ecclesiam portae praevalent Inferorum. Cyrillus in Lib. thesauri. Secundum autem hanc
domini promissionem, Ecclesia apostolica Petri ab omni seductione
haereticaque circumventione manet immaculata, super omnes praepositos et
episcopos, et super omnes primates Ecclesiarum et populorum in suis
pontificibus, in fide plenissima et auctoritate Petri. Et cum aliae
Ecclesiae, quorumdam errore sint verecundatae, stabilita inquassabiliter ipsa
sola regnat, silentium imponens, et omnium obturans ora haereticorum: et nos
necessario salutis, non decepti superbia, neque vino superbiae inebriati,
typum veritatis et sanctae apostolicae traditionis una cum ipsa confitemur et
praedicamus. Hieronymus. Nemo autem putet haec de morte
dici, quod apostoli conditioni mortis subiecti non fuerint, quorum martyria
videat coruscare. Origenes in Matth. Si ergo et nos, patre nobis
revelante qui est in caelis, quando scilicet conversatio nostra in caelis
est, confessi fuerimus Iesum Christum esse filium Dei vivi: et nobis dicetur:
tu es Petrus: petra enim est omnis qui imitator est Christi. Adversus quem
autem portae praevalent Inferorum, ille neque petra dicendus est, supra quam
aedificat Christus Ecclesiam; neque Ecclesia, neque pars Ecclesiae, quam
Christus aedificat supra petram. Chrysostomus in Matth. Deinde et alium Petri
dicit honorem, cum subditur et tibi dabo claves regni caelorum; quasi dicat:
sicut pater tibi dedit me cognoscere, ita et ego tibi aliquid dabo, scilicet
claves regni caelorum. Rabanus. Qui enim regem caelorum maiori prae
ceteris devotione confessus est, merito prae ceteris ipse collatis clavibus
regni caelestis donatus est; ut constaret omnibus, quia absque ea confessione
ac fide regnum caelorum nullus posset intrare. Claves autem regni caelorum
ipsam discretionem et potentiam nominat: potentiam, qua liget et solvat;
discretionem, qua dignos vel indignos discernat. Glossa. Unde sequitur et quaecumque ligaveris,
idest quemcumque indignum remissione iudicaveris dum vivit, indignus apud
Deum iudicabitur; et quodcumque solveris, idest quemcumque solvendum
iudicaveris dum vivit, remissionem peccatorum consequetur a Deo. Origenes in Matth. Vide autem quantam
potestatem habet petra super quam aedificatur Ecclesia, ut eius etiam iudicia
maneant firma, quasi Deo iudicante per eam. Chrysostomus in Matth. Vide autem
qualiter Christus reducit Petrum ad excelsam de ipso intelligentiam. Haec
enim ei se promittit daturum quae sunt propria Dei solius: scilicet peccata
solvere, et Ecclesiam immutabilem facere inter tot persecutionum et
tentationum procellas. Rabanus. Haec autem ligandi atque solvendi potestas
quamvis soli Petro data videatur a domino, tamen et ceteris apostolis datur,
nec non etiam nunc in episcopis ac presbyteris omni Ecclesiae. Sed ideo
Petrus specialiter claves regni caelorum et principatum iudiciariae
potestatis accepit, ut omnes per orbem credentes intelligant quia quicumque
ab unitate fidei vel societatis illius quolibet modo semetipsos segregant,
tales nec vinculis peccatorum absolvi, nec ianuam possunt regni caelestis
ingredi. Glossa. Specialiter etiam eam Petro
concessit, ut ad unitatem nos invitaret. Ideo
enim eum principem apostolorum constituit, ut Ecclesia unum principalem
Christi haberet vicarium, ad quem diversa membra Ecclesiae recurrerent, si
forte inter se dissentirent. Quod si diversa capita essent in Ecclesia,
unitatis vinculum rumperetur. Quidam autem dicunt, quod ideo dicit super
terram: non enim data est potestas hominibus ligandi vel solvendi mortuos,
sed vivos. Qui autem mortuos solveret vel ligaret, non super terram, sed post
terram hoc faceret. Ex sententiis Constantin. Concilii. Quomodo
autem praesumunt quidam dicere de vivis tantummodo haec dicta esse? An
ignorant quia iudicium anathematis nihil est aliud quam separatio? Evitandi
sunt autem illi qui pessimis culpis detinentur, sive in vivis sint, sive non.
A nocente enim semper refugere necessarium est. Sed et Augustini religiosae
memoriae, qui inter Africanos episcopos splenduit, diversae epistolae
recitatae sunt, significantes quod oporteret haereticos et post mortem
anathematizare. Talem autem ecclesiasticam traditionem et alii Africani
episcopi servaverunt. Sed et sancta Romana Ecclesia quosdam episcopos post
mortem anathematizavit, licet pro fide in vita sua non essent accusati. Hieronymus. Istum locum episcopi et presbyteri
non intelligentes, aliquid sibi de Pharisaeorum assumunt supercilio, ut vel
damnent innocentes, vel solvere se noxios arbitrentur; cum apud dominum non
sententia sacerdotum sed reorum vita quaeratur. Legimus in Levitico de
leprosis, ubi iubentur ostendere se sacerdotibus; et si lepram habuerint,
tunc a sacerdote immundi fiant: non quod sacerdotes leprosos faciant et
immundos, sed quod habeant notitiam leprosi et non leprosi, et possint
discernere qui mundus quive immundus sit. Quomodo ergo ibi leprosum sacerdos
immundum facit, sic et hic alligat vel solvit episcopus vel presbyter, non
eos qui insontes sunt vel innoxii; sed pro officio suo, cum peccatorum
audierit varietates, scit qui ligandus sit, qui solvendus. Origenes. Sit ergo irreprehensibilis qui
alterum ligat vel solvit, ut inveniatur dignus ligare vel solvere in caelo.
Sed et ei qui potuerit virtutibus portas obstruere Inferorum, quasi praemium
dantur claves regni caelorum: omnis enim species virtutis, cum quis eam
coeperit operari, quasi ipsa se adaperit ante eum, domino videlicet aperiente
eam per gratiam suam, ut inveniatur eadem virtus et porta esse et clavis
portae. Forsitan autem et unaquaeque virtus est regnum caelorum. |
Versets 13-19.
— La Glose : Après avoir inspiré à ses disciples un profond éloignement pour la doctrine des pharisiens, Notre Seigneur choisit ce moment favorable pour jeter dans leurs âmes les fondements profonds de la doctrine évangélique, et pour donner à son enseignement plus de solennité, l'Évangéliste nous désigne l'endroit où elle se passa: « Or, Jésus vint dans les environs de Césarée de Philippe. » — Saint
Jean Chrysostome : [référence
à véifier] Il ne dit pas simplement Césarée, mais Césarée de Philippe;
car il y a une autre ville de Césarée, celle de Straton. Ce n'est point dans
celle-là, mais dans la première, que Jésus fait cette question à ses
disciples; il les emmène loin des Juifs, afin que, sans crainte aucune, ils
disent librement ce qu'ils ont dans le cœur. — Raban : [référence à véifier] Ce Philippe était frère
d'Hérode, il était tétrarque de l'Iturée et de la Trachonitide. Il avait
appelé Césarée, en l'honneur de Tibère, la ville qui est maintenant connue
sous le nom de Panéas. — La Glose : Le Seigneur veut
confirmer ses disciples dans la foi, il commence donc par éloigner de leur
esprit les opinions et les erreurs que d'autres pouvaient y avoir jetées. « Et il interrogea ses disciples en
leur demandant: Que disent les hommes qu'est le Fils de l'homme ? » — Origène : En interrogeant
ainsi ses disciples, il veut nous apprendre par leurs réponses qu'il y avait
alors sur le Christ diverses opinions parmi les Juifs, et aussi nous faire
rechercher nous-mêmes l'opinion que les hommes peuvent avoir de nous. S'ils
en disent du mal, nous devons cesser de leur en donner occasion, et s'ils en
disent du bien, nous devons redoubler nos efforts pour mériter leur approbation.
Les disciples des évêques doivent apprendre aussi, à l'exemple des Apôtres, à
informer leurs supérieurs de ce qu'ils entendent dire au dehors sur leur
personne. —
Saint Jérôme : L'expression dont il se sert: « Que disent les hommes qu'est le
Fils de l'homme ? » est parfaitement choisie, car ceux qui
parlent du Fils de l'homme sont des hommes; mais ceux qui comprennent sa
divinité sont appelés, non pas des hommes, mais des dieux. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Il ne leur demande pas: Que
disent de moi les pharisiens et les scribes ? mais: « Que disent les hommes ? » Car il cherche à
connaître la pensée du peuple, qui n'était pas tourné au mal. L'idée que le
peuple avait du Christ était sans doute bien au-dessous de la réalité, mais
au moins elle était pure de toute malice, tandis que l'opinion que les
pharisiens se formaient de sa personne était pleine de méchanceté. — Saint Hilaire : (can. 16 sur S. Matth.) « Que disent les hommes
qu'est le Fils de l'homme ? » Il nous
apprend par ces paroles que l'on doit voir en lui autre chose que ce qui
paraît au dehors, car il était vraiment le Fils de l'homme. Quelle idée
voulait-il donc qu'on eût de lui ? Non pas, pensons-nous, celle qu'il
avait fait connaître lui-même; la vérité qui faisait l'objet de cet examen
était cachée, et c'est cette vérité que la foi des chrétiens doit embrasser.
Or, telle doit être notre profession de foi: nous devons croire qu'il est le
Fils de Dieu comme il est le Fils de l'homme; car l'une de ces deux
croyances, sans l'autre, ne peut en rien nous donner l'espérance du salut;
aussi est-ce avec intention qu'il dit: « Que
disent les hommes du Fils de l'homme ? » —
Saint Jérôme : Il ne dit pas: Que disent-ils
que je suis, mais: « Que
disent-ils qu'est le Fils de l'homme ? » pour éviter dans cette
question toute apparence de recherche personnelle. Remarquons encore que
partout où nous lisons dans l'Ancien Testament: Fils de l'homme, le texte
hébreu porte: Fils d'Adam. — Origène : Les disciples rapportent les différentes opinions qu'on se formait du
Christ, « Et ils lui répondirent:
Les uns disent Jean-Baptiste, c'est-à-dire ceux qui partageaient
l'opinion d'Hérode; les autres, Élie,
et ceux-là pensaient ou bien qu'Élie avait reçu une seconde naissance, ou que
n'ayant point été autrefois soumis à la mort du corps, il se manifestait dans
le temps présent; les autres, Jérémie,
que le Seigneur avait établi prophète parmi les nations, et ils ne
comprenaient pas que Jérémie était la figure du Christ; ou l'un des prophètes, pour une raison semblable, à cause des
choses que Dieu leur avait révélées par les prophètes, bien qu'elles n'aient
pas reçu leur accomplissement en eux, mais seulement dans Jésus-Christ. — Saint
Jérôme : Cependant le peuple a bien pu se tromper en
prenant le Christ pour Élie et pour Jérémie, de même qu'Hérode qui le prenait
pour Jean-Baptiste; aussi suis-je étonné de voir quelques interprètes
rechercher les causes de toutes ces erreurs. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Après que les
disciples lui ont fait connaître l'opinion du peuple, il les presse par une
seconde question de se former une plus haute idée de lui; « Et Jésus leur dit: Et vous, qui
dites-vous que je suis ? » Vous, dis-je, qui êtes toujours avec
moi, qui avez été témoins de plus grands miracles que le peuple, vous ne
devez point partager sa manière de voir. Aussi ne leur fît-il pas cette
question au début, de sa prédication, mais après avoir fait un grand nombre
de miracles, et leur avoir souvent parlé de sa divinité. —
Saint Jérôme : Remarquez que d'après ce langage du Seigneur,
les Apôtres ne sont pas appelés des hommes, mais des dieux, car après avoir
dit: « Les hommes, que disent-ils
qu'est le Fils de l'homme ? » il ajoute: « Et vous, que dites-vous que je suis ? »
c'est-à-dire les hommes qui ne sont que des hommes ont de moi une opinion
tout humaine; mais vous qui êtes des dieux, que pensez-vous que je
suis ? — Raban : Ce
n'est point sans doute par ignorance que le Seigneur s'informe de l'opinion
que ses disciples et le peuple peuvent avoir de sa personne; s'il demande à
ses disciples ce qu'ils pensent de lui, c'est pour récompenser dignement leur
confession de foi, conforme à la vérité. Aussi s'informe-t-il d'abord de l'opinion
des autres, afin qu'après avoir rapporté les jugements de ceux qui se
trompent, on soit obligé de reconnaître que les disciples ont puisé la vérité
de leur profession de foi, non pas dans les idées du peuple, mais dans une
révélation particulière du Seigneur. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Lorsque Notre
Seigneur demande quelle opinion le peuple a de lui, tous répondent; mais
lorsqu'il demande à ses disciples quelle est leur opinion personnelle, Pierre
répond au nom de tous comme étant la bouche et la tête du collège
apostolique: « Simon Pierre,
prenant la parole, lui dit: Vous êtes le Christ Fils du Dieu vivant. » — Origène : Pierre rejette
toutes les fausses idées que les Juifs se faisaient de Jésus, et il confesse
hautement cette vérité qu'ignoraient les Juifs: « Vous êtes le Christ », et ce qui est bien plus grand:
« le Fils du Dieu vivant »,
qui avait dit par les prophètes: « Moi
je vis, dit le Seigneur » (Is 49,
18; Jr 22, 24; Ez 5, 11; 14, 16.18.20; 17, 19; 18, 3; 33, 11.27; 34, 8). On
l'appelait vivant, mais d'une manière éminente, parce qu'il est supérieur à
tous les êtres qui ont la vie; car seul il possède l'immortalité, et il est
la source de la vie. C'est lui que nous appelons dans un sens véritable Dieu
le Père. Or, celui qui dit: « Je
suis la vie » (Jn 11), est
lui-même la vie qui sort comme de la source. —
Saint Jérôme : Pierre dit: « du Dieu vivant », par opposition avec ces dieux qu'on
regarde comme des dieux, et qui ne sont que des morts: je veux parler de
Saturne, de Jupiter, de Vénus, d'Hercule, et des autres divinités. —
Saint Hilaire : Au contraire, la foi vraie et
inviolable, c'est que le Fils est sorti Dieu de Dieu, et que de toute
éternité il a possédé l'éternité du Père. Croire et confesser qu'il a pris un
corps semblable au nôtre, et qu'il s'est fait homme, c'est la perfection de
la foi. Aussi la déclaration de l'Apôtre embrasse tout, en formulant aussi
clairement la nature et le nom du Christ, et résume toutes les vertus. — Raban : Par un admirable
contraste, c'est Notre Seigneur lui-même qui confesse les humiliations de la
nature humaine dont il s'est revêtu, tandis que le disciple proclame les
grandeurs de son éternelle divinité. —
Saint Hilaire : La confession de Pierre mérita une
récompense digne d'elle, parce qu'il avait reconnu le Fils de Dieu sous les
dehors de l'homme: « Jésus lui
répondit: Vous êtes heureux, Simon, fils de Iona, parce que ce n'est ni le
sang ni la chair qui vous ont révélé ceci. » —
Saint Jérôme : Le Seigneur paie d'un juste retour le
témoignage que lui a rendu son apôtre. Pierre lui avait dit: « Vous êtes le Christ, le Fils du
Dieu vivant » ; Jésus-Christ lui répond: « Vous êtes heureux, Simon, fils de Iona. »
Pourquoi ? parce que ce n'est ni la chair ni le sang, mais mon Père qui
vous a révélé cette vérité. Ce que la chair ni le sang n'ont pu révéler, l'a
été par la grâce de l'Esprit saint. Cette confession lui a donc mérité le nom
qui lui est donné de fils de l'Esprit saint, à qui il devait cette
révélation; car dans notre langue, Bar Jona veut dire fils de la colombe.
Quelques-uns l'entendent simplement en ce sens que Simon (c'est-à-dire
Pierre), était fils de Jean, d'après cette question que le Seigneur lui
adressa dans un autre endroit: « Simon,
fils de Jean, m'aimez-vous ? » Ils prétendent que c'est par
une erreur des copistes qu'au lieu de Bar-joanna, c'est-à-dire: fils de Jean,
nous lisons Bar Jona, avec une syllabe de moins. Or, Joanna signifie grâce
de Dieu, et ces deux noms peuvent recevoir une interprétation spirituelle,
c'est-à-dire que la colombe représente le Saint-Esprit, et la grâce de Dieu,
les dons spirituels. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) Il eût été inutile
de dire: Vous êtes le fils de
Jona, ou de Joanna, si le Seigneur n'avait eu l'intention de montrer que le
Christ est aussi naturellement le Fils de Dieu que Pierre est fils de Jona,
c'est-à-dire de la même substance que celui qui l'a engendré. —
Saint Jérôme : Comparez ces paroles: « Ce n'est point la chair ni le sang
qui vous l'ont révélé », à ces autres de l'Apôtre: « Aussitôt j'ai cessé de prendre
conseil de la chair et du sang » (Ga 1); ce sont les Juifs qu'il veut désigner sous le nom de la
chair et du sang, et nous y trouvons une preuve que dans cet endroit, ce
n'est point par la doctrine des pharisiens, mais par la grâce de Dieu, que
le Christ, Fils de Dieu, a été révélé à Pierre. —
Saint Hilaire : Ou bien dans un autre sens, Pierre
est heureux parce qu'il a eu le mérite d'étendre ses regards au delà de ce
qui est humain, et que sans s'arrêter à ce qui venait de la chair et du sang,
il a contemplé le Fils de Dieu par un effet de la révélation du Père céleste,
et a été jugé digne de reconnaître le premier que la divinité était dans le
Christ. — Origène : (traité 1 sur S. Matth.,
16.) C'est ici le lieu de demander si, lorsque le Seigneur envoya ses
disciples prêcher l'Évangile, ils savaient déjà qu'il était le Christ, car
d'après ce passage, Pierre confesse ici pour la première fois que le Seigneur
était le Christ, le Fils du Dieu vivant. Comprenez donc, si vous pouvez résoudre
ce genre de problème, que c'est une grâce bien moindre de croire que de
connaître que Jésus est le Christ, et nous dirons alors que lorsqu'il
envoyait ses disciples prêcher l'Évangile, ils croyaient qu'il était le
Christ, mais qu'ensuite ils en vinrent à le connaître. Ou bien nous
répondrons que les Apôtres n'avaient alors que le commencement de la
connaissance du Christ et que cette connaissance était très restreinte, mais
qu'ensuite ils firent tant de progrès dans cette connaissance, qu'ils
comprirent ce que le Père avait révélé du Christ, comme Pierre, que Jésus
proclame bienheureux, non seulement pour avoir dit: « Vous êtes le Christ », mais surtout pour avoir
ajouté: « le Fils du Dieu
vivant. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.)
Or, si Pierre n'avait pas confessé que le Christ est
réellement né du Père, il n'aurait pas eu besoin de révélation, et il
n'aurait pas été proclamé bienheureux pour avoir cru que le Christ était un
des nombreux enfants adoptifs de Dieu. En effet, bien auparavant, ceux qui
étaient dans la barque lui avaient dit: « Vous
êtes vraiment le Fils de Dieu » (Mt
14); Nathanaël lui-même lui avait dit: « Maître, vous êtes le Fils de Dieu. » (Jn 1.) Cependant ils n'ont pas été
déclarés bienheureux, parce qu'ils n'ont pas confessé la même filiation que
Pierre. Ils croyaient que le Christ était semblable à beaucoup d'autres, mais
non pas qu'il fût vraiment le Fils de Dieu; ou bien s'ils lui reconnaissaient
une supériorité réelle sur tous les autres, ils ne le regardaient cependant
pas comme étant né de la substance même du Père. Vous voyez donc comme le
Père révèle le Fils, et comment le Fils révèle le Père; car on ne peut
connaître le Fils que par le Père, comme on ne peut connaître le Père que par
le Fils, ce qui établit clairement que le Fils est consubstantiel au Père, et
doit recevoir les mêmes adorations. Or, Jésus prend occasion de cela pour
enseigner à ses Apôtres que plusieurs croiront un jour ce que Pierre vient de
confesser: « Et moi, je vous dis
que vous êtes Pierre. » — Saint Jérôme :
C'est-à-dire parce que vous avez fait cette confession de foi: « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu
vivant », moi je vous dis non point par un discours vain et sans
objet, mais je vous dis (car pour moi, dire c'est faire): « Vous êtes Pierre. » De
même que précédemment lui qui est la véritable lumière avait donné à ses
Apôtres le nom de lumière du monde et d'autres noms qui avaient été donnés
par le Seigneur; ainsi il a donné le nom de Pierre à Simon, qui croyait que
Jésus-Christ était la pierre par excellence. —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang., 2, 53.) Il ne faut pas croire cependant
que ce fut dans cette circonstance que Pierre reçut son nom; ce nom lui fut
donné dans une autre circonstance rapportée par saint Jean, alors que
Jésus-Christ lui dit: « Vous vous
appellerez Céphas », ce qui veut dire Pierre. —
Saint Jérôme : C'est en suivant cette métaphore de
la pierre que le Seigneur lui dit: C'est sur vous que je bâtirai mon Église,
comme il l'ajoute en effet: « Sur
cette pierre, je bâtirai mon Église. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54.) C'est-à-dire, sur cette foi et sur cette confession, je
bâtirai mon Église. Nous apprenons de là qu'un grand nombre croiront ce que
Pierre vient de confesser, et il élève en même temps son intelligence et lui
donne la charge de suprême pasteur. —
Saint Augustin : (Liv. de Retract., 1, 21.) J'ai dit quelque
part, de l'apôtre saint Pierre, que l'Église avait été bâtie sur lui comme
sur la pierre; mais je me rappelle avoir plus tard expliqué cette parole: « Vous êtes Pierre, et sur cette
pierre je bâtirai mon Église », en ce sens que d'après ces paroles
du Seigneur, l'Église est bâtie sur celui que Pierre a confessé en ces
terme : « Vous êtes le
Christ, Fils du Dieu vivant. » De cette manière, l'Apôtre aurait
reçu son nom de cette pierre et il représenterait l'Église qui est bâtie sur
cette pierre. En effet, le Seigneur ne lui dit pas: Vous êtes la pierre
(petra), mais « Vous êtes
Pierre » (Petrus); la pierre, c'était le Christ (1 Co 10) dont Simon a confessé la
divinité, comme toute l'Église le confesse, et c'est pour cela qu'il a reçu
le nom de Pierre. Le lecteur peut choisir entre ces deux opinions celle qui
lui paraîtra la plus probable. —
Saint Hilaire : Dans ce nouveau nom donné au prince
des Apôtres, nous trouvons un présage heureux de la solidité des fondements
de l'Église et une pierre digne de cet édifice qui devait réduire eu poudre
les lois et les portes de l'enfer et tous les cachots de la mort, et c'est
pour montrer la force de l'Église bâtie sur cette pierre que Jésus ajoute: « et les portes de l'enfer ne
prévaudront point contre elle. » — La Glose : c'est-à-dire : elles ne l’éloigneront pas de mon amour et de la foi en moi. — Saint
Jérôme : Les portes de l'enfer sont, à mon avis, les
vices et les péchés des hommes, ou du moins les doctrines des hérétiques qui
séduisent les hommes et les entraînent dans l'abîme. — Origène : Tous les esprits de malice répandus dans les airs sont aussi les
portes de l'enfer auxquelles sont opposées les portes de la justice (Ps 97, 19). — Raban : Les portes de
l'enfer sont encore les tourments et les séductions que mettent en oeuvre les
persécuteurs. Ce sont aussi les œuvres mauvaises des incrédules, et leurs
discours absurdes, parce qu'ils font connaître le chemin de la perdition. — Origène : Notre Seigneur ne
précise pas si c'est contre la pierre sur laquelle le Christ a bâti son
Église ou si c'est contre l'Église elle-même, bâtie sur la pierre, que ces
portes de l'enfer ne prévaudront pas. Mais il est évident qu'elles ne
prévaudront ni contre la pierre, ni contre l'Église. — Saint
Cyrille : D'après cette promesse du Seigneur,
l'Église apostolique, placée au-dessus de tous les évêques, de tous les
pasteurs, de tous les chefs des Églises et des fidèles, demeure pure de
toutes les séductions et de tous les artifices des hérétiques dans ses
pontifes, dans sa foi toujours entière et dans l'autorité de Pierre. Tandis
que les autres Églises sont déshonorées par les erreurs de certains
hérétiques, seule elle règne, appuyée sur des fondements inébranlables,
imposant silence et fermant la bouche à tous les hérétiques; et nous, si nous
ne sommes ni égarés par une téméraire présomption de notre salut, ni enivrés
du vin de l'orgueil, nous confessons et nous prêchons en union avec elle la
règle de la vérité et de la sainte tradition apostolique. —
Saint Jérôme : Qu'on ne s'imagine pas que ces
paroles doivent s'entendre de la mort, en ce sens que les Apôtres n'ont pas
été soumis à la mort, quand on sait la gloire éclatante de leur martyre. — Origène : Et à nous aussi il
sera dit: « Vous êtes
Pierre. » Aussitôt que nous aurons confessé que Jésus-Christ est le
Fils du Dieu vivant grâce à la révélation du Père qui est dans les cieux,
c’est-à-dire lorsque nous-mêmes nous vivrons déjà pour ainsi dire dans le
ciel. Car la pierre, c’est tout fidèle imitateur du Christ; mais celui contre
lequel prévalent les portes de l’enfer n’est ni la pierre sur laquelle le
Christ bâtit son Église, ni cette Église, ni aucune partie de cette Église,
dont le Seigneur asseoit les fondements sur la pierre. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
54.) Le Seigneur donne ensuite une autre prérogative
à Pierre, en ajoutant: « Et je
vous donnerai les clefs du royaume des cieux. » C’est-à-dire: De
même que mon Père vous a fait la grâce de me connaître, je vous accorderai
aussi une faveur particulière, c’est-à-dire les clefs du royaume des cieux. — Raban : Celui qui a
reconnu et confessé le roi des cieux avec plus d’ardeur que tous les autres
reçoit aussi d’une manière plus particulière que tous les autres les clefs du
royaume des cieux, afin qu’il fût bien démontré pour tous que sans cette
confession et sans cette foi, personne ne peut entrer dans le royaume des
cieux. Les clefs du royaume des cieux sont la puissance et le droit de juger:
la puissance, pour lier et délier, le pouvoir de juger, de discerner ceux qui
sont dignes et ceux qui ne le pas. — La Glose : « Et ce que vous lierez », c’est-à-dire celui que vous aurez jugé indigne d’absolution pendant
sa vie, en sera jugé indigne devant
Dieu lui-même. » « Et ce
que vous aurez délié », c’est-à-dire celui que vous aurez jugé digne
d’être absous ici-bas, recevra de Dieu
la rémission de ses péchés. » — Origène : Voyez quelle grande
puissance a été donnée à cette pierre sur laquelle l’Église est bâtie; ses
jugements sont irrévocables, comme si Dieu lui-même les avait prononcés par
sa bouche. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 54.) Voyez aussi comme Jésus-Christ
inspire à Pierre une haute compréhension de sa personne ; il promet de
lui donner ce qui n’appartient qu’à Dieu seul, c’est-à-dire le pouvoir de
remettre les péchés et de rendre l’Église immuable au milieu de toutes les
tempêtes, des persécutions et des épreuves. — Raban : Quoique
le Seigneur paraisse donner exclusivement à Pierre ce pouvoir de lier et de
délier, il l’accorde également aux autres Apôtres (Mt 18, 18) et maintenant encore à toute l’Église dans la personne
des évêques et des prêtres; mais Pierre a reçu d’une manière plus
particulière les clefs du royaume des cieux et la primauté du pouvoir
judiciaire, afin que tous les croyants répandus dans l’univers comprennent
que du moment où, de quelque manière que ce soit, on se sépare de l’unité de
la foi ou de la société de Pierre, on ne peut être délivré des liens du
péché, ni voir ouvrir devant soi les portes du royaume du ciel. — La Glose : Notre Seigneur a
donné d’une manière particulière ce pouvoir à Pierre pour nous inviter à
l’unité; il l’a établi prince des Apôtres afin que l’Église eût au-dessus de
tous les autres un seul vicaire de Jésus-Christ, auquel tous les membres de
l’Église puissent recourir si la division venait à s’introduire parmi eux;
s’il y avait plusieurs chefs dans 1’Église, le lien de l’unité serait rompu.
Quelques-uns prétendent que cette expression: « sur la terre » signifie que ce pouvoir de lier et de
délier ne lui a été donné que sur les vivants et non sur les morts, car celui
qui exercerait ce pouvoir sur les morts ne l’exercerait pas sur la terre,
mais après. — Conc. de Constant. Comment s’en trouve-t-il qui osent dire que ce pouvoir ne doit
s’exercer que sur les vivants ? Ignorent-ils donc que la sentence
d’anathème n’est autre chose qu’une sentence de séparation ? On doit
toujours éviter tout commerce avec ceux qui sont esclaves de crimes énormes,
qu’ils soient du nombre des vivants ou parmi les morts, car on doit toujours
se séparer de ce qui est coupable et nuisible. D’ailleurs nous avons
d’Augustin, de pieuse mémoire, et qui jeta un si vif éclat parmi les évêques
d’Afrique, plusieurs lettres où il enseigne qu’il faut anathématiser les
hérétiques même après leur mort. Les autres évêques d’Afrique ont conservé
cette tradition ecclésiastique, et la sainte Église romaine elle-même a
anathématisé aussi quelques évêques après leur mort, quoique leur foi n’eût
pas été incriminée pendant leur vie. —
Saint Jérôme : Quelques évêques et quelques prêtres
qui n’ont pas l’intelligence de ce passage, affectent en quelque sorte
d’imiter la conduite orgueilleuse des pharisiens en condamnant les innocents
et en s’imaginant qu’ils peuvent absoudre les coupables, lorsqu’ils devraient
savoir que Dieu tient compte non tant de la sentence des prêtres que des
dispositions des coupables. Nous lisons, dans le passage du Lévitique qui
ordonne aux lépreux de se présenter devant les prêtres (chap. 13 et 14), que,
s’ils sont atteints de la lèpre, ils soient alors déclarés impurs par le
prêtre, non pas que ce soient les prêtres qui les rendent lépreux et impurs,
mais parce qu’ils connaissent les caractères qui distinguent le lépreux de
celui qui ne l’est pas, celui qui est pur de celui qui est impur. De même
donc que dans l’ancienne loi le prêtre déclarait le lépreux impur, ainsi
l’évêque ou le prêtre exercent le pouvoir de lier et de délier, non pas à
l’égard de ceux qui sont innocents et purs, mais dans ce sens que, en vertu
de leur charge, après avoir entendu la confession des diverses espèces de
péchés, ils savent quels sont ceux qu’ils doivent lier et ceux qui méritent
d’être déliés. — Origène : Celui donc qui exerce le pouvoir de lier et de délier de manière à être jugé vraiment digne d’exercer ce pouvoir dans le ciel est irrépréhensible. Or, les clefs du royaume des cieux sont données aussi comme récompense à celui qui par ses vertus peut fermer les portes de l’enfer. En effet, lorsqu’un homme commence à pratiquer toutes les vertus chrétiennes, il s’ouvre à lui-même la porte du royaume des cieux, c’est-à-dire que le Seigneur la lui ouvre par sa grâce, de manière que la même vertu est tout à la fois la porte et la clef de la porte. Peut-être même pourrait-on dire que chacune des vertus est le royaume des cieux. |
Lectio 4 [85515] Catena in Mt.,
cap. 16 l. 4 Origenes in Matth. Postquam
Petrus confessus est Christum filium Dei vivi, quia noluit hoc eos interim
praedicare, subdit tunc praecepit discipulis suis ut nemini dicerent quia
ipse esset Iesus Christus. Hieronymus. Sed cum supra mittens discipulos
ad praedicandum iusserit eis ut annuntiarent adventum suum, videtur esse
contrarium quod hic praecipit ne se dicant esse Iesum Christum. Mihi videtur
aliud esse Christum praedicare, aliud Iesum Christum. Et Christus commune
dignitatis est nomen, Iesus proprium vocabulum salvatoris. Origenes in Matth. Vel tunc leviter quidem de
eo annuntiabant, quasi de magno et mirabili viro; Christum autem esse eum
nondum annuntiabant. Qui autem vult etiam Christum eum praedicatum prius ab
apostolis, dicet, quoniam leviter praemittere voluit eos mentionem nominis
sui, ut interim facto silentio praedicationis huius, hoc ipsum quod leviter
de Christo auditum fuerat, digeratur in sensibus auditorum. Aut ita est
solvenda quaestio: ut videantur ea quae superius de annuntiando Christo sunt
dicta, non ad tempus pertinere quod fuit ante Christi resurrectionem, sed ad
tempora post futura. Haec autem quae mandat ut nemini dicant, tunc apostolis
convenire: inutile enim est ipsum quidem praedicare, crucem autem eius
tacere. Propterea praecepit eis ut nemini dicerent quia ipse est Christus, et
praeparabat eos, ut postmodum dicant, quoniam ipse est Christus, qui
crucifixus est, et resurrexit a mortuis. Hieronymus. Quod ne quis putet nostrae tantum
esse intelligentiae quod sequitur, causas tunc prohibitae praedicationis
exponit: sequitur enim exinde coepit Iesus ostendere discipulis suis quia
oportebat eum ire Hierosolymam, et multa pati a senioribus et Scribis et
principibus sacerdotum, et occidi, et tertia die resurgere. Est autem sensus:
tunc me praedicate cum ista passus fuero: quia non prodest Christum publice
praedicari, et eius vulgare in populis maiestatem, quem post paululum
flagellatum visuri sunt et crucifixum. Chrysostomus in Matth. Quod enim semel
radicatum est et postea evulsum, si iterum plantetur, difficile retinebitur
apud multos: quod autem infixum semel est, et mansit postea immobile, facile
provehitur ad augmentum. Propter hoc autem immoratur tristibus praedicendis,
et sermonem multiplicat, ut aperiat discipulorum mentes. Origenes. Et vide quia non dixit: coepit
dicere vel docere, sed ostendere; quia sicut corporalia ostendi dicuntur, sic
ostendi dicuntur a Christo ea quae loquebatur. Non autem sic puto eis qui
corporaliter eum multa patientem viderunt, ostensa fuisse ea quae videbantur,
quomodo discipulis ostensus est rationabilis sermo de mysterio passionis et
resurrectionis Christi: et tunc quidem coepit ostendere; consequenter autem
postea capacioribus factis plenius demonstravit: quia omne quod coepit Iesus,
hoc perfecit. Oportebat autem eum ire in Ierusalem, ut
occidatur quidem in Hierosolymis quae sunt deorsum, regnet autem resurgens in
Ierusalem caelesti. Postquam enim resurrexit Christus, et alii consurrexerunt
ei, iam non deorsum quaeritur Ierusalem, vel domus orationis in ea, sed
sursum. Patitur autem multa a senioribus Ierusalem terrenae, ut glorificetur
ab his qui capiunt beneficia eius caelestibus senioribus. Tertia
autem die resurrexit a mortuis, ut eripiens maligno, acquirat eis qui
liberati fuerint hoc donum, ut baptizentur spiritu et anima et corpore in
nomine patris et filii et spiritus sancti, qui sunt tres dies simul perpetuo
instantes eis qui per eos facti fuerunt filii lucis. |
Versets 20-21
— La Glose : [référence à vérifier] Après que Pierre a
confessé que Jésus était le Christ, Fils du Dieu vivant, le Seigneur ne
voulant pas que ses disciples publient pour le moment cette vérité, l’Évangéliste
ajoute : « Alors il leur
commande de ne dire à personne qu’il était le Christ. » —
Saint Jérôme : Lorsqu’il a envoyé précédemment ses
disciples prêcher l’Évangile, il leur a commandé d’annoncer son avènement.
Comment concilier cet ordre avec celui qu’il leur donne ici de ne pas publier
qu’il est le Christ. Je crois donc qu’il y a une différence entre prêcher le
Christ et prêcher Jésus-Christ; le nom de Christ exprime en général la
dignité, celui de Jésus est le nom propre du Sauveur. — Origène : Ou bien on peut dire
que les Apôtres parlaient très peu de Jésus et seulement comme d’un homme
étonnant et extraordinaire, mais sans annoncer qu’il était le Christ. Si l’on
prétend que les Apôtres aient publié dès alors cette vérité, il faudra dire
que le dessein du Seigneur était que les Apôtres ne donnent d’abord de temps
à autre qu’une légère idée de ce qu’il était, afin que dans l’intervalle,
puisqu’on ne disait rien de sa vraie nature, ces premières notions du Christ aient
le temps de pénétrer dans l’esprit de leurs auditeurs. Ou bien il faut
résoudre cette difficulté en disant que l’ordre qu’ils avaient reçu
d’annoncer le Christ devait être accompli, non avant la résurrection, mais
dans les temps qui suivirent sa résurrection. La défense, au contraire, qu’il
fait ici aux Apôtres de n’en parler à personne est pour le temps actuel, car
il était inutile de prêcher le Christ sans parler de sa croix. Il leur défend
donc de dire à personne qu’il fut le Christ, et cependant il les préparait à
prêcher plus tard qu’il était le Christ qui a été crucifié et qui est
ressuscité d’entre les morts. —
Saint Jérôme : Que personne ne suppose que cette
explication n’est que le fruit de notre invention, car le Seigneur lui-même
nous indique dans ce qui suit les raisons de cette défense: « Dès lors Jésus commença à découvrir
à ses disciples qu’il fallait qu’il aille à Jérusalem et qu’il souffrît beaucoup
de la part des Scribes et des princes des prêtres, qu’il soit mis à mort et
qu’il ressuscite le troisième jour. » Voici le sens de ces paroles: Vous prêcherez
mon nom lorsque j’aurai souffert ces tourments, car il ne servirait de rien
d’annoncer publiquement le Christ et de faire connaître sa majesté au milieu
des peuples qui seraient témoins quelque temps après de sa flagellation et de
sa mort sur la croix. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
54.) Si
on arrache ce qui a déjà poussé des racines et qu’on veuille le planter de
nouveau, il tiendra difficilement dans l’esprit d’un grand nombre; mais, au
contraire, si une vérité qui a jeté une fois ses racines et ensuite demeure
fermement, on lui voit prendre bientôt de grands accroissements. Or, le Seigneur
s’étend longuement sur ces tristes prédictions pour ouvrir l’intelligence de
ses disciples. — Origène : Remarquez que l’Évangéliste ne dit pas: Il commença à leur dire ou à leur enseigner, mais: « Il commença à leur découvrir », car de même qu’on montre les choses extérieures, ainsi Notre Seigneur rend sensibles les choses dont il parle. Or, je suis persuadé que le mystère de sa passion ne fut pas découvert aussi clairement à ceux qui virent de leurs yeux ses innombrables souffrances, qu’il le fut aux disciples dans le discours que Jésus leur adresse sur le mystère de sa passion et de sa résurrection. Et cependant il ne fit alors que commencer à leur découvrir ce mystère, et ce ne fut que plus tard, lorsqu’ils furent devenus capables, qu’il le leur développa tans sa plénitude, car tout ce que Jésus commence il le perfectionne. Il fallait qu’il allât à Jérusalem pour être immolé dans la Jérusalem d’ici-bas (dans la Jérusalem terrestre), mais il devait régner par sa résurrection dans la Jérusalem céleste (Ga 4); car, après que Jésus-Christ fut ressuscité et beaucoup d’autres avec lui, ce n’est plus sur la terre, mais dans le ciel qu’il faut chercher Jérusalem, c’est-à-dire la maison de la prière. Il a beaucoup à souffrir de la part des anciens de la Jérusalem terrestre avant d’être glorifié par ceux qui jouissent de ses bienfaits, c’est-à-dire les anciens de la Jérusalem céleste (Ap 4, 40; 5, 8.19.14; 13, 16; 19, 4). Le troisième jour, il ressuscite d’entre les, morts et obtient à ceux qu’il a délivrés en les arrachant au démon la grâce d’être baptisés dans leur esprit, dans leur âme et dans leur corps, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, de manière que ces trois jours soient perpétuellement présents à la mémoire de ceux qu’ils ont rendu enfants de lumière. |
Lectio 5 [85516] Catena in Mt.,
cap. 16 l. 5 Origenes in Matth. Adhuc
initia eorum quae ostendebantur dicente Christo, Petrus indigna haec filio
Dei vivi arbitrabatur; et quasi oblitus quoniam filius Dei vivi nihil dignum
increpatione facit aut agit, coepit increpare; et hoc est quod dicitur et
assumens eum Petrus, coepit increpare illum. Hieronymus. Saepe diximus nimii ardoris
amorisque quam maximi fuisse Petrum in dominum salvatorem. Qui ergo post
confessionem suam et praemium salvatoris quod audierat, non vult destrui
confessionem suam, nec putat posse fieri ut Dei filius occidatur, assumit eum
in affectum suum vel separatim ducit, ne praesentibus ceteris condiscipulis
videatur magistrum arguere; et coepit illum increpare amantis affectu, et
obstans dicere absit a te, domine. Vel, ut melius habetur in Graeco, ileos si
kyrie, u mi este si tuto; hoc est, propitius sis tibi, domine; non erit tibi
hoc; quasi necessariam haberet propitiationem. Cuius
affectum quidem suscipiens Christus, ignorantiam exprobrat; unde sequitur qui
conversus dixit Petro: vade post me, Satana; scandalum mihi es. Hilarius in Matth. Sciens enim dominus
diabolicae artis instinctum, Petro ait vade retro post me, idest ut exemplum
suae passionis sequatur. In eum vero per quem opinio haec suggerebatur,
conversus, adiecit Satana, scandalum mihi es. Non enim convenit existimare
Petro Satanae nomen et accusationem scandali deputari, post indulta illa
beatitudinis et potestatis tanta praeconia. Hieronymus. Sed mihi error apostolicus de
pietatis affectu veniens, nunquam incentivum videbitur Diaboli. Prudens ergo lector consideret, Petro illam beatitudinem ac potestatem
in futuro promissam, non in praesenti datam; quam si statim dedisset ei,
nunquam in eo pravae confessionis error invenisset locum. Chrysostomus in Matth. Quid etiam mirabile est
haec pati Petrum, qui de his revelationem non suscepit? Ut enim discas, quia
neque illa quae de Christo confessus fuerat, ex se locutus est, vide qualiter
in his quae non revelata sunt ei, turbationem patiatur: humana enim et
terrestri cogitatione, quae sunt Christi considerans, aestimabat turpe et
indignum esse ei quod pateretur. Et ideo dominus subiecit quia non sapis ea
quae Dei sunt, sed ea quae hominum. Hieronymus. Quasi dicat: meae voluntatis est
et patris, ut pro hominum salute moriar; tu tuam tantum considerans voluntatem,
non vis granum tritici cadere in terram ut multos afferat fructus; et ideo,
quia contraria loqueris voluntati meae, debes adversarius appellari. Satanas
enim interpretatur adversarius, sive contrarius. Non tamen ut plerique
putant, eadem Satanas et Petrus sententia condemnantur: Petro enim dicitur
vade retro me, Satana; idest: sequere me, qui contrarius es voluntati meae;
ille audit: vade, Satana; et non ei dicit retro, ut subaudiatur: vade in
ignem aeternum. Origenes in Matth. Dixit ergo Petro vade post
me, quasi desistenti per ignorantiam ire post Christum. Satana autem dixit
ei, quasi per ignorantiam aliquid habenti contrarium Deo. Beatus autem ad
quem convertitur Christus, etiam si corripiendi causa convertitur. Sed quare
dixit ad Petrum scandalum mihi es, cum in Psalmo 118, 165 dicatur: pax multa
diligentibus legem tuam, et non est illis scandalum? Sed respondendum est,
quoniam non solum Iesus non scandalizatur, sed nec omnis homo qui in
dilectione Dei perfectus est. Sed quantum ad se, qui tale aliquid vel agit
vel loquitur, scandalum est alteri; licet ille inscandalizabilis sit. Aut
certe omnem discipulum peccantem scandalum sibi appellat, sicut et Paulus
dicebat: quis scandalizatur, et ego non uror? |
Versets 22-23.
— Origène : Jésus ne faisait encore que découvrir à ses Apôtres le commencement
de ces mystères, que déjà Pierre les regardait comme indignes du Fils du Dieu
vivant, et comme s’il oubliait que le Fils du Dieu vivant ne peut faire
aucune action qui mérite le blâme, il ose le reprendre de ce qu’il vient de
dire: « Et Pierre, le prenant à
part, se mit à lui faire des reproches. » —
Saint Jérôme : Nous avons souvent rappelé que Pierre
fait preuve d’une ardeur excessive et d’un amour extraordinaire pour le Sauveur.
Or, comme il ne veut pas voir détruit l’effet de sa confession et de la
récompense qu’il en a reçue du Sauveur, et qu’il ne croit pas que le Fils de
Dieu puisse être mis à mort, il le prend dans son affection et le conduit à
l’écart pour ne point paraître blâmer son Maître en présence des autres
disciples. Il commence donc à le reprendre par un sentiment d’amour, et à le
contredire en lui disant: « A Dieu
ne plaise, Seigneur. » Ou suivant le texte grec qui est préférable: « ‰lewj soi, kurie, oÙ
mh ™stai soi touto » (Soyez
vous favorable, cela ne vous arrivera pas.) — Origène : [référence
à vérifier] Comme si le Seigneur avait besoin de
cette disposition favorable à son égard. Jésus, tout en acceptant ce
témoignage d’affection, lui reproche son ignorance. « Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre : ‘Retirez-vous
derrière moi, Satan. Vous m’êtes un scandale’. » —
Saint Hilaire : Le Seigneur, qui connaît la nature
des artifices du démon, dit à Pierre: « Retirez-vous
derrière moi », c’est-à-dire suivez l’exemple de ma passion. Il se
retourne vers celui qui avait suggéré à Pierre cette pensée, et il ajoute: « Satan, vous m’êtes un sujet de
scandale », car il n’est pas convenable de rapporter à Pierre ce nom
de Satan, et de faire tomber sur lui ce reproche de scandale après les promesses
magnifiques de bonheur et de puissance qui lui ont été faites. —
Saint Jérôme : Pour moi, je ne verrai jamais une
suggestion du démon dans l’erreur de l’Apôtre, erreur qui a pour cause un
sentiment d’affection. Que le lecteur prudent veuille bien remarquer que
cette béatitude et cette puissance ne lui sont pas données en ce moment, mais
seulement promises pour l’avenir; car si Jésus lui eût accordé immédiatement
cette faveur, jamais cette grossière erreur n’eût trouvé accès dans son
esprit. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
54.) Qu’y
a-t-il de surprenant que Pierre soit dans ces dispositions, puisque ce
mystère ne lui avait pas été révélé. Voulez-vous être convaincu que la
profession de foi qu’il vient de faire à l’égard du Christ n’est pas le fruit
de ses propres pensées ? Voyez quel trouble lui inspire la perspective
des choses qui ne lui ont pas été révélées. Il ne considère tout ce qui a
rapport au Christ qu’à un point de vue tout terrestre et tout humain, et il
lui semble que c’est une honte et une indignité pour le Seigneur d’être
soumis aux souffrances et à la mort, et c’est pour cela que le Seigneur
ajoute: « Vous ne goûtez pas les
choses de Dieu, mais celles des hommes. » —
Saint Jérôme : C’est-à-dire c’est la volonté de mon
Père et la mienne, que je meure pour le salut des hommes. Pour vous, vous ne
considérez que votre volonté, vous ne voulez pas que le grain de froment
tombe dans la terre pour produire beaucoup de fruits (Jn 12, 24), et puisque votre langage est opposé à ma volonté,
vous méritez d’être appelé mon ennemi. En effet, le mot Satan signifie
adversaire ou ennemi. Ce n’est pas cependant, comme plusieurs le pensent, que
Pierre soit frappé de la même condamnation que Satan. Jésus dit à Pierre: « Retirez-vous derrière moi,
Satan », c’est-à-dire: Suivez-moi, vous qui êtes opposé à ma volonté.
Il dit au contraire à Satan: « Retire-toi,
Satan », sans qu’il ajoute: derrière, de manière que l’on puisse
sous-entendre: va dans le feu éternel. — Origène : (traité 1 sur S. Matth.) Jésus dit donc à Pierre: « Retirez-vous derrière moi », parce qu’il avait cessé,
par son ignorance, de marcher à la suite du Christ. Il l’appelle Satan à
cause de cette même ignorance qui l’a mis en opposition avec Dieu. Cependant,
heureux celui vers lequel se tourne le Christ, quand même ce serait pour le
réprimander ! Mais pourquoi dit-il à Pierre: « Vous m’êtes un sujet de scandale », alors que nous
lisons dans le Psaume 118: « Une
paix abondante est le partage de ceux qui aiment votre loi, et il n’y a point
de scandale pour eux. » Nous répondons que Jésus n’est pas le seul
qui ne puisse être scandalisé, mais encore tout homme qui a dans le cœur la
charité parfaite de Dieu; et cependant on peut être par ses actions ou par
ses paroles un sujet de scandale pour cet homme, bien qu’il ne puisse en être
victime. Ou bien on peut dire qu’il appelle un sujet de scandale pour lui, tout fidèle qui pèche; dans le sens de saint Paul, qui disait (2 Co 11): « Qui est scandalisé sans que je sois brûlé de douleur ? » |
Lectio 6 [85517] Catena in Mt.,
cap. 16 l. 6 Chrysostomus in Matth. Postquam
Petrus dixerat: propitius esto tibi; nequaquam erit tibi hoc, et audivit:
vade retro me, Satana, non fuit dominus hac solum increpatione contentus; sed
ex superabundantia voluit ostendere inconvenientiam dictorum a Petro, et
fructum suae passionis: unde subditur tunc Iesus dixit discipulis suis: si
quis vult post me venire, abneget semetipsum, et tollat crucem suam, et
sequatur me; quasi dicat: tu dicis mihi: propitius esto tibi; ego autem dico
tibi, quoniam non solum me prohibere a passione nocivum tibi est; sed neque
salvari poteris, nisi patiaris et moriaris, et vitae abrenunties semper. Et
vide quia non coactivum facit sermonem; non enim dixit: si nolueritis,
oportet vos hoc pati, sed si quis vult. Hoc autem dicens magis attrahebat:
qui enim libertati auditorem dimittit, magis attrahit; qui vero violentiam
infert, multoties impedit. Non autem solis discipulis suis; sed commune hoc
dogma orbi terrarum proponit, dicens si quis vult, idest, si mulier, si vir,
si rex, si liber, si servus. Tria autem sunt quae dicuntur: abneget
semetipsum, et tollat crucem suam, et sequatur me. Gregorius in Evang. Quia nisi quis a semetipso
deficiat, ad eum qui super ipsum est, non appropinquat. Sed si nos ipsos relinquimus,
quo ibimus extra nos? Vel quis est qui vadit, si se deseruit? Sed aliud sumus per peccatum lapsi, aliud per naturam conditi. Tunc
ergo nosmetipsos relinquimus et abnegamus, cum vitamus quod per vetustatem
fuimus, et ad hoc nitimur ad quod per novitatem vocamur. Gregorius super Ezech. Semetipsum etiam
abnegat quicumque mutatur ad meliora, et incipit esse quod non erat, et
desinit esse quod erat. Gregorius Moralium. Semetipsum etiam abnegat
qui calcato typo superbiae, ante Dei oculos se esse a se alienum demonstrat.
Origenes. Quamvis autem videatur aliquis a
peccato abstinere, tamen nisi in crucem Christi crediderit, non potest dici
Christo confixus, sive cruci: unde sequitur et tollat crucem suam. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Qui negat
alium, vel fratrem, vel famulum, vel quemcumque, et si flagellatum viderit,
et quodcumque patientem, non assistit, non adiuvat: ita vult corpori nostro
nos non ignoscere, ut si flagellaverint, vel quodcumque aliud fecerint,
corpori non parcamus. Hoc enim est parcere: sicut patres tunc ignoscunt
filiis, cum magistris eos tradentes, iusserint, ut non parcant. Ne autem
aestimes quod usque ad verba tantum et contumelias oportet abnegare seipsum,
ostendit usque ad quantum abnegare seipsum oporteat; quia usque ad mortem,
etiam turpissimam, scilicet crucis: quod significat in hoc quod dicit et
tollat crucem suam, et sequatur me. In Matth. Hilarius. Sequendus enim est
dominus, cruce assumpta passionis suae; et si non sorte, tamen voluntate
comitandus est. Chrysostomus in Matth. Quia etiam latrones
multa gravia patiuntur, ut non aestimes quod passio malorum sufficiat,
adiungit causam patiendi cum dicit et sequatur me, ut propter eum omnia
sustineas, et alias eius virtutes addiscas: hoc est enim sequi Christum ut
oportet, diligentem esse circa virtutes, et pati omnia propter ipsum. Gregorius in Evang. Duobus etiam modis crux
tollitur, cum aut per abstinentiam affligitur corpus, aut per compassionem
proximi affligitur animus. Sed quia ipsis virtutibus quaedam vitia mixta
sunt, dicendum nobis est, quod abstinentiam carnis nonnumquam vana gloria
obsidet: quia dum tenuitas in corpore, dum pallor in vultu respicitur, virtus
patefacta laudatur. Compassionem vero animi plerumque latenter obsidet pietas
falsa, ut hanc nonnumquam usque ad condescendendum vitiis pertrahat: unde ad
haec excludenda, subdit et sequatur me. Hieronymus. Vel aliter. Tollit crucem suam qui
mundo crucifigitur; cui autem mundus crucifixus est, sequitur dominum
crucifixum. Chrysostomus in Matth. Deinde, quia grave
videbatur quod dictum est, per ea quae consequuntur id mitigat, praemia
ponens supereminentia laboribus, et malitiae poenas: unde sequitur qui enim
voluerit animam suam salvam facere, perdet eam. Origenes in Matth. Quod dupliciter potest
intelligi. Primum sic: si quis amator vitae praesentis, parcit animae suae,
timens mori, et putans animam suam per hanc mortem perire; iste volens hoc
modo salvare animam suam, perdet eam, alienam illam faciens a vita aeterna. Si quis contemnens vitam praesentem, usque ad mortem pro veritate
certaverit, perdet quidem animam suam quantum ad vitam praesentem; sed
quoniam propter Christum perdet eam, magis eam salvam faciet in vitam
aeternam. Alio modo sic: si quis intelligit quae est vera salus, et acquirere
vult eam ad salutem animae suae, iste abnegans semetipsum, perdit quantum ad
voluptates carnales animam suam propter Christum; et perdens animam suam hoc
modo, salvat eam per opera pietatis: dicendo enim qui voluerit, praecedentem
et sequentem unum sensum esse ostendit. Si ergo quod
superius dixit abneget semetipsum, de morte corporali dixit, consequenter hoc
de sola morte intelligere debemus dictum esse. Si autem abnegare seipsum est
carnalem conversationem reicere, et perdere animam est deponere voluptates
carnales. |
Versets 24-25.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 56.) Après que Pierre eut dit au Seigneur: « Soyez-vous favorable, cela ne vous arrivera pas », et
qu’il en a reçu cette réponse: « Retirez-vous
derrière moi, Satan », Notre Seigneur, non content de lui avoir fait
ce reproche, veut lui démontrer pleinement toute l’inconvenance de son
langage et les fruits de sa passion: « Alors
Jésus dit à ses disciples « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se
renonce lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive », paroles dont
voici le sens: Vous me dites: Épargnez-vous, Seigneur, et moi je vous dis que
non seulement c’est une chose funeste pour vous de me dissuader de souffrir,
mais que vous-mêmes vous ne pourrez être sauvés sans souffrir et mourir, et
sans un renoncement continuel à votre vie. Remarquez, du reste, qu’il
n’impose pas ici de nécessité. Il ne dit pas: Quand même vous ne voudriez
pas, il vous faut souffrir, mais: « Si
quelqu’un veut », paroles qui étaient pour ses disciples un attrait
bien plus puissant, car en laissant toute liberté à celui qui vous écoute,
vous l’attirez plus sûrement, tandis que vous l’éloignez davantage si vous
lui faites violence. Ce n’est pas, du reste, à ses disciples seuls qu’il
propose ces conditions, c’est en général à tout l’univers: « Si quelqu’un veut »,
c’est-à-dire si une femme, si un homme, si un roi, si un esclave, etc... Or,
ces conditions sont au nombre de trois: Qu’il se renonce lui-même, qu’il
porte sa croix, et qu’il me suive. — Saint
Grégoire le Grand : (hom. 32 sur
les Evang.) Si nous ne commençons, en effet, par nous détacher de
nous-mêmes, nous ne pouvons nous approcher de celui qui est au-dessus de
nous; mais si nous nous laissons nous-mêmes, où pourrons-nous aller en dehors
de nous ? Ou bien, que devient celui qui s’en va, s’il s’abandonne
lui-même ? [Rappelons-nous ici que] le péché nous a fait déchoir de
l’état où Dieu nous avait créés dans l’origine; nous nous laissons donc
nous-mêmes, nous nous renonçons nous-mêmes lorsque nous évitons ce que nous
suggérait le vieil homme, et que nous tendons vers cette sainte nouveauté à
laquelle Dieu nous appelle. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 40 sur
Ezéch.) On se renonce encore soi-même quand on réforme sa conduite pour
s’améliorer, et que l’on commence d’être ce qu’on n’était pas en cessant
d’être ce qu’on était. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 33, 6.) C’est encore se renoncer soi-même que de fouler aux pieds
l’enflure de l’orgueil et de se montrer aux yeux de Dieu tout à fait dépouillé
de soi-même. — Origène : (traité 11 sur S. Matth.) Mais
quand même nous paraîtrions nous abstenir de tout péché, si nous n’embrassons
par la foi la croix de Jésus-Christ, on ne peut pas dire que nous sommes
crucifiés avec lui. D’où : « qu’il
prenne sa croix ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 55.) Ou bien encore, celui qui renie
autrui, son frère, ou son serviteur,
ou n’importe quel autre homme, c’est celui qui ne l’assiste pas et ne lui
porte aucun secours lorsqu’il le voit déchiré sous les coups de fouets, ou
soumis à d’autres tourments. Ainsi le Seigneur veut-il que nous ne ménagions
pas davantage notre corps, soit qu’on nous frappe de verges, soit qu’on nous
accable d’autres mauvais traitements; car c’est l’épargner en réalité, de
même que les pères épargnent véritablement leurs enfants, lorsque les
confiant aux soins de leurs maîtres, ils leur recommandent de n’avoir pour
eux aucun ménagement. Et ne croyez pas que ce renoncement à soi-même ne doive
s’étendre qu’aux paroles injurieuses et aux outrages. Notre Seigneur nous
découvre clairement jusqu’où il faut porter ce renoncement, jusqu’à la mort
la plus honteuse, jusqu’à la mort de la croix, comme il nous l’exprime par
ces paroles: « Qu’il porte sa
croix, et qu’il me suive. » —
Saint Jérôme : [référence à vérifier] Il faut suivre le Seigneur en prenant sur nous la croix de sa
passion, et l’accompagner, sinon en réalité, du moins par l’intention. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
55.) Mais
comme les voleurs eux-mêmes sont exposés à de nombreuses et à de rudes
épreuves, Notre Seigneur, ne voulant pas vous laisser croire qu’il suffit de
souffrir en général, vous fait connaître la cause pour laquelle vous devez
souffrir, en ajoutant: « et qu’il
me suive. » C’est-à-dire qu’il vous faut tout supporter pour l’amour
de lui, et pratiquer à son exemple toutes les vertus; car la seule manière
légitime de suivre Jésus-Christ, c’est d’être plein de zèle pour les vertus,
et de tout supporter pour l’amour de lui. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 32.) Il y a aussi deux manières de
porter sa croix, lorsqu’on mortifie son corps par l’abstinence, ou lorsqu’on
afflige son âme en compatissant aux misères du prochain. Mais comme les
vertus sont toujours entremêlées de quelques vices, il faut nous avouer à
nous-mêmes que la vaine gloire vient quelquefois attaquer la mortification de
la chair; car la maigreur extérieure du corps, la pâleur du visage,
découvrent la vertu et l’exposent aux louanges des hommes. D’un autre côté,
la compassion dégénère presque toujours secrètement en une fausse tendresse,
qui l’entraîne quelquefois jusqu’à la condescendance pour les vices; et c’est
pour nous faire éviter ce danger qu’il ajoute: « et qu’il me suive. » —
Saint Jérôme : Ou bien encore, celui qui est
crucifié au monde porte sa croix, et celui pour lequel le monde est crucifié
marche à la suite du Seigneur attaché sur la croix. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
55.) Notre
Seigneur adoucit par les paroles qui suivent ce que ce langage pouvait avoir
de trop sévère [pour ceux qui l’entendaient]; il promet des récompenses
supérieures aux peines endurées pour son nom, en même temps qu’il prédit les
châtiments réservés à la méchanceté et à la négligence. « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra. » — Origène : Ces paroles peuvent s’entendre de deux manières: premièrement, si quelqu’un, par affection pour la vie présente, épargne son âme dans la crainte de la mort, et parce qu’il croit que cette mort est la perte de son âme, en voulant sauver son âme, de cette manière, il la perdra, et la rendra inapte à la vie éternelle. Mais celui, au contraire, qui méprise la vie présente et qui aura combattu jusqu’à la mort pour la vérité (cf. Si 4, 23), celui-là perdra son âme pour cette vie, mais comme il la perd pour Jésus-Christ, il la sauve infailliblement pour la vie éternelle. Ou bien encore, dans un autre sens : Si quelqu’un comprend en quoi consiste le salut véritable, et veut procurer ce salut à son âme, en se renonçant lui-même, il perd son âme pour Jésus-Christ, quant à la jouissance des plaisirs charnels; et en perdant son âme de cette manière, il la sauve par les oeuvres de piété. Cette expression: « Celui qui voudra » indique que cette proposition et celle qui précède n’ont qu’un seul et même sens. Si donc ce que Jésus a dit plus haut: « Qu’il se renonce lui-même » doit s’entendre de la mort du corps, nous devons conclure que tout doit s’entendre de cette mort seule. Si, au contraire, se renoncer soi-même c’est se dépouiller de toute habitude de vie sensuelle, perdre son âme, c’est vivre entièrement séparé des plaisirs de la chair. |
Lectio 7 [85518] Catena in Mt.,
cap. 16 l. 7 Chrysostomus in Matth. Quia
dixerat: qui vult salvare, perdet, et: qui perdet, salvabit, utrobique
salutem et perditionem ponens, ne aliquis aestimet aequalem esse hinc inde perditionem
et salutem, subiungit quid enim prodest homini si mundum universum lucretur,
animae vero suae detrimentum patiatur? Quasi dicat: ne dicas, quod qui
pericula quae propter Christum imminent, effugit, salvet animam suam, idest
vitam temporalem. Sed pone etiam cum anima, idest vita temporali, totum orbem
terrarum: quid ex his homini erit amplius, anima in perpetuum pereunte? Si
enim famulos tuos videres in laetitia, te autem in malis ultimis constitutum:
quid lucrareris ex eorum dominio? Hoc etiam in anima tua reputa, cum carne
lasciviente, ipsa futuram perditionem expectat. Origenes in Matth. Puto etiam quod mundum
lucratur qui non abnegat semetipsum, nec perdit animam suam quantum ad
voluptates carnales, et ipse facit animae suae detrimentum; ideo duobus nobis
propositis, magis est eligendum ut mundum perdamus, et lucremur animas
nostras. Chrysostomus in Matth. Sed si regnaveris
super universum orbem terrarum, non poteris animam tuam emere: unde sequitur
aut quam dabit homo commutationem pro animam sua? Ac si dicat: divitias si
perdideris, poteris dare divitias alias ad eas redimendas; animam autem
perdens, non poteris animam aliquam dare, sed neque aliquid aliud. Quid autem
mirabile est si in anima hoc contingit? Etenim in corpore hoc videtur contingere.
Etsi enim decem millia diademata corpori insanabiliter aegroto
circumposueris, non curatur. Origenes. Et prima quidem facie
commutatio animae est in substantia, ut det substantiam suam homo pauperibus,
et salvet animam suam. Sed puto quod non habet aliquid homo quod
dans quasi commutationem animae suae, liberet eam de morte. Deus autem pro animabus hominum dedit commutationem pretiosum
sanguinem filii sui. Gregorius in Evang. Vel aliter potest
continuari: quia sancta Ecclesia aliud habet tempus persecutionis, et aliud
pacis; redemptor noster ipsa eius tempora distinguit in praeceptis: nam
persecutionis tempore ponenda est anima; pacis autem tempore ea quae amplius
dominari possunt, frangenda sunt desideria terrena: unde dicitur quid enim prodest
homini? Hieronymus. Provocatis autem discipulis ut
abnegarent se et tollerent crucem suam, grandis fit error audientium. Idcirco
tristibus laeta succedunt, et dicit filius enim hominis venturus est in
gloria patris sui cum Angelis suis. Times
mortem? Audi gloriam triumphantis. Vereris crucem? Ausculta Angelorum
ministeria. Origenes. Quasi dicat: nunc quidem filius
hominis venit, sed non in gloria: non enim decebat eum in gloria constitutum
peccata nostra portare; sed tunc veniet in gloria cum ante praeparaverit
discipulos suos, factus sicut illi, ut illos faceret sicut et ipse, conformes
gloriae suae. Chrysostomus in Matth. Non autem dixit in tali
gloria in quali est pater, ne alteritatem gloriae suspiceris; sed ait gloria
patris, ut eadem gloria ostendatur. Si autem gloria una est, manifestum quod
et substantia una est. Quid ergo times, Petre, mortem audiens? Tunc me
videbis in gloria. Si autem ego in gloria, et vos. Sed tamen dicens gloriam,
terribilia immiscuit, in medium iudicium introducens: unde sequitur et tunc
reddet unicuique secundum opera eius. Hieronymus. Non est enim distinctio Iudaei et
gentilis, viri et mulieris, pauperum et divitum, ubi non personae, sed opera
considerantur. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dixit, non solum
peccatoribus poenas commemorans, sed iustis bravia et coronas. Hieronymus. Poterat autem apostolorum tacita
cogitatio istiusmodi scandalum sustinere. Occisionem et mortem nunc dicis
esse futuram; quod autem promittis te affuturum in gloria, in tempora longa
differtur. Praevidens ergo occultorum cognitor quid possent obicere,
praesentem timorem praesenti compensat praemio, dicens amen dico vobis: sunt
quidam de hic stantibus qui non gustabunt mortem, donec veniat filius hominis
in regno suo. Chrysostomus in Matth. Volens ergo monstrare
quid est illa gloria in qua postea venturus est, eis in praesenti vita
revelavit, sicut possibile erat eos discere, ut neque in domini morte iam
doleant. Remigius. Quod ergo hic dicitur, impletum est
in tribus discipulis, quibus dominus transfiguratus in monte, gaudia aeternae
repromissionis ostendit; qui viderunt eum in regno suo venientem, idest in ea
claritate fulgentem, in qua, peracto iudicio, videbitur ab omnibus sanctis.
Chrysostomus in Matth. Propter hoc autem non
praedicit nomina eorum qui ascensuri erant in montem, quia reliqui valde
concupiscerent sequi, exemplum illius gloriae visuri, et graviter tulissent
velut despecti. Gregorius in Evang. Vel regnum Dei, praesens
Ecclesia vocatur: et quia nonnulli ex discipulis eius usque adeo in corpore
victuri erant ut Ecclesiam Dei constructam conspicerent, et contra huius
mundi gloriam erectam, consolatoria promissione nunc dicitur sunt quidam de
hic stantibus. Origenes. Moraliter autem verbum Dei his qui noviter
inducuntur ad fidem, formam habet servi; perfectis autem venit in gloria
patris sui. Angeli autem illius sunt prophetarum sermones, quos non est
possibile ante spiritualiter intelligere nisi cum spiritualiter intellectum
fuerit verbum Christi, ut videantur simul apparere in maiestate. Tunc autem
dabit unicuique de gloria sua secundum actum eius: quia quanto quis melior
fuerit in actibus suis, tanto spiritualius intelligit Christum vel prophetas
ipsius. Stantes autem ubi stat Iesus, sunt qui fundatas habent apud Iesum
animae bases: ex quibus qui melius stant dicuntur non gustare mortem, donec
videant verbum Dei quod venit in regno suo, videntes eminentiam Dei, quam
videre non possunt qui diversis involuti sunt peccatis; quod est mortem
gustare, qua peccans anima moritur. Sicut enim vita est et panis vivus qui de
caelo descendit, sic et inimica eius mors panis est mortuus. Ex istis autem
panibus quidam modicum manducant, tantum gustantes; quidam autem abundantius:
qui enim raro et modicum peccant, tantummodo gustant mortem; qui autem
perfectius susceperint spiritualem virtutem, non gustant eam, sed vivo pane
semper vescuntur. Quod autem dicit donec videant, non definit tempus, ut
postquam transierit illud donec, fiat quod ante non fuerat factum; sed rem quae
necessaria est, exponit: qui enim semel videt eum in gloria eius, iam
nequaquam gustabit mortem. Rabanus. Sanctos autem mortem gustare
testatur, a quibus mors corporis quasi libando gustatur, vita vero animae
possidendo tenetur. |
Versets 26-28.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 55.) Notre Seigneur avait dit: « Celui
qui veut sauver, perdra; et celui qui perdra, sauvera », mettant
ainsi des deux côtés le salut et la perdition; mais afin qu’on ne puisse
supposer que le salut et la perdition sont les mêmes dans les deux cas, il
ajoute: « et que servirait-il à
l’homme de gagner le monde entier, et de perdre son âme. »
C’est-à-dire: Ne m’alléguez pas que celui qui a échappé aux dangers qui le
menacent pour la cause du Christ, sauve son âme, c'est-à-dire la vie
temporelle ; mettez même avec son âme, c'est-à-dire la vie temporelle, l’univers tout entier, que lui en
reviendra-t-il si son âme vient à périr pour l’éternité ? Si vos
serviteurs étaient dans la joie, sous vos yeux, tandis que vous, au contraire,
vous seriez plongé dans des maux extrêmes, quel avantage vous reviendrait-il
d’être leur maître ? Appliquez cette considération à votre âme,
puisqu’elle est destinée avec la chair coupable à une perte éternelle. — Origène : Je pense que c’est
gagner le monde que de ne pas se renoncer soi-même, et de ne pas perdre son
âme en la privant des plaisirs de la chair, et on perd alors véritablement
son âme. Aussi entre ces deux partis qui nous sont proposés, ne devons-nous
pas hésiter à perdre plutôt le monde entier pour gagner nos âmes. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
55.) Mais
quand bien même vous régneriez sur l’univers entier, vous ne pourriez pas
racheter votre âme, et c’est pour cela que le Seigneur ajoute « et qu’est-ce que l’homme donnera en
échange de son âme ? » c’est-à-dire si vous perdiez vos
richesses, vous pourriez donner d’autres richesses pour rentrer en possession
des premières; mais si vous perdez votre âme, vous ne pouvez donner ni une
autre âme, ni quoi que ce soit [pour la racheter]. Qu’y a-t-il d’étonnant
qu’il en soit ainsi pour votre âme ? Est-ce qu’il n’en est pas de même
pour votre corps ? Car vous auriez beau placer dix mille diadèmes sur un
corps atteint d’une maladie incurable, ils seraient impuissants pour le guérir. — Origène : Au premier abord, il
semble que l’homme pourrait donner, en échange de son âme, ses richesses en
les distribuant aux pauvres pour la sauver; mais l’homme n’a rien qu’il
puisse donner en échange pour délivrer sort âme de la mort. Dieu, au
contraire, a donné comme prix d’échange pour les âmes des hommes, le sang
précieux de son Fils. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 32 sur
les Evang.) Ou bien encore, on peut établir de la sorte la liaison dans
le discours du Seigneur. La sainte Église traverse des temps de paix et des
temps de persécution, et pour ces temps si divers, le Rédempteur nous donne
des préceptes différents. Dans les temps des persécution, nous devons
sacrifier notre vie, et dans les temps de paix, dompter et réduire les désirs
terrestres qui peuvent nous tyranniser davantage; c’est pour cela qu’il dit: « Que sert à l’homme ? »
—
Saint Jérôme : L’exhortation qu’il vient de faire à
ses disciples de se renoncer eux-mêmes, et de porter leur croix, a rempli
d’effroi ceux qui l’ont entendue. A cette doctrine sévère il fait donc
succéder des prédictions plus agréables: « Le Fils de l’homme
viendra, dit-il, dans la gloire de son Père avec ses anges.» Vous
craignez la mort ? écoutez quelle sera la gloire du triomphateur; vous
redoutez la croix ? entendez quel sera le ministère des anges. — Origène : C’est-à-dire:
Maintenant le Fils de l’homme est venu sur la terre, mais ce n’est pas dans
la gloire; car il ne convenait pas qu’il se chargeât de nos péchés, étant
environné de gloire. Mais alors il viendra dans toute sa gloire, lorsqu’il
aura préparé ses disciples, et après qu’il s’est fait semblable à eux, pour
les rendre semblables à lui, c’est-à-dire participants de sa propre gloire. —
Saint Jean Chrysostome : Il ne dit pas: [Le Fils de
l’homme viendra] dans une gloire semblable à celle de son Père, pour ne pas
laisser supposer que ce sont deux gloires différentes, mais: « dans
la gloire du Père », montrant ainsi qu’il s’agit absolument de la
même gloire. Or, si la gloire est une, il est évident qu’il n’y a également
qu’une substance. Que craignez-vous donc, Pierre, en entendant parler de
mort ? Vous me verrez alors dans la gloire; et si je suis dans la
gloire, vous y serez aussi vous-même. Mais cependant à ces prédictions de
gloire il entremêle une pensée effrayante, c’est celle du jugement. « et
alors il rendra à chacun selon ses oeuvres. » —
Saint Jérôme : Il n’y a point de distinction entre
les Juifs et les Gentils, entre les hommes et les femmes, entre les pauvres
et les riches, là où l’on tient compte non des personnes, mais des oeuvres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 55.) Notre Seigneur s’exprime de la
sorte, non seulement pour rappeler aux pécheurs les supplices qui les
attendent, mais aussi aux justes les récompenses et les couronnes qui leur
sont réservées. —
Saint Jérôme : Les Apôtres pouvaient se scandaliser
intérieurement de ces paroles et se dire en eux-mêmes: Vous nous annoncez une
mort éternelle dans un avenir prochain, mais la promesse que vous nous faites
de venir dans votre gloire, ne doit s’accomplir que dans des temps bien
éloignés. Celui qui pénètre les secrets des cœurs, prévoyant cette objection,
oppose à la crainte des maux présents la perspective d’une récompense
prochaine: « Je vous le dis en vérité, il y en a de ceux qui sont ici
présents, qui n’éprouveront pas la mort avant qu’ils aient vu le Fils de
l’homme venant en son règne. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 55.) Il veut leur apprendre quelle
était cette gloire dans laquelle il doit venir plus tard, et il la leur
révèle en cette vie, autant qu’ils en étaient capables, afin que la pensée de
sa mort ne fût pas déjà pour eux un sujet de tristesse. —
Saint Rémi : Cette prédiction du Seigneur eut son
accomplissement pour les trois disciples, devant lesquels il fut transfiguré
sut la montagne où il leur découvrit les joies des récompenses éternelles.
Ils le virent venant dans son règne, c’est-à-dire resplendissant de cette
gloire dans laquelle, après le jugement, il apparaîtra aux yeux de tous les
saints. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 55.) Il ne leur fait pas connaître les
noms de ceux qui doivent le suivre sur la montagne, car les autres auraient
vivement désiré l’accompagner pour être témoins de cette manifestation de sa
gloire, et auraient supporté difficilement d’être ainsi méprisés. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 32.) Ou bien encore, il appelle le
royaume de Dieu l’Église actuelle; et comme plusieurs de ses disciples
devaient vivre assez longtemps pour voir établie cette Église que Dieu
opposait à la gloire du monde, il leur fait cette promesse consolante: « Plusieurs
de ceux qui sont ici présents, » etc... — Origène : Dans le sens moral,
on peut dire que le Verbe de Dieu a pour ceux qui sont nouveaux dans la foi
l’apparence d’un esclave, tandis que pour ceux qui sont parfaits, il paraît
dans la gloire de son Père. Les anges sont les discours des prophètes qu’il
est impossible de comprendre dans le sens spirituel avant d’avoir
l’intelligence spirituelle du Verbe du Christ, de manière qu’on les voit
apparaître en même temps dans la majesté. C’est alors qu’il donnera de la
gloire à chacun suivant ses actes, car plus on est vertueux dans ses actes,
plus aussi on a l’intelligence spirituelle de Jésus-Christ et de ses
prophètes. Ceux qui se tiennent où est Jésus sont ceux qui ont jeté près de
lui les fondements de leur âme. Ceux qui sont plus solidement assis ne
goûtent pas la mort avant qu’ils aient vu le Verbe de Dieu dans son règne.
Ils verront la grandeur sublime de Dieu qui reste invisible pour ceux qui
sont enfermés dans leurs nombreux péchés, ce sont ces derniers qui goûtent la
mort; car l’âme pécheresse est frappée de mort. De même, en effet, que le
Christ est la vie et le pain vivant qui est descendu du ciel, ainsi son
ennemi, c’est-à-dire la mort, est le pain de mort. Il en est qui mangent très
peu de ces pains, qui ne font que les goûter; d’autres au contraire, s’en
nourrissent abondamment. Ceux qui ne commettent que des fautes rares et peu
nombreuses, ne font que goûter la mort; ceux, au contraire, qui pratiquent
dans leur perfection les vertus spirituelles, ne goûtent pas la mort, mais se
nourrissent continuellement du pain de vie. Ces paroles: « jusqu’à ce
qu’ils voient », ne précisent pas l’époque après laquelle doit
arriver ce qui n’avait pas encore reçu son accomplissement; elles expriment
simplement une chose qui se fera nécessairement. Celui, en effet, qui aura
une fois vu Jésus dans sa gloire, ne goûtera jamais la mort. — Raban : Au
témoignage du Seigneur, les saints ne font que goûter et comme effleurer la
mort du corps; mais la vie de l’âme demeure toujours en leur possession. |
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Caput 17 |
CHAPITRE 17 —
[Préparation des disciples]
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Lectio 1 [85519] Catena in Mt.,
cap. 17 l. 1 Remigius. Claritatem suae
visionis, quam promiserat dominus discipulis suis, in hac transfiguratione
habita in monte post sex dies complevit: unde dicitur et post sex dies
assumpsit Petrum et Iacobum et Ioannem fratrem eius. Hieronymus. Quaeritur autem quomodo post sex
dies assumpsit eos, cum Lucas Evangelista octonarium numerum ponat. Sed
facilis est responsio: quia hic medii ponuntur dies, ibi primus additur et
extremus. Chrysostomus in Matth. Ideo autem non
confestim facta promissione eos sursum ducit, sed post sex dies, ut reliqui
discipuli nihil patiantur humanum, idest aliquem invidiae motum; vel ut horum
dierum spatio vehementiori concupiscentia repleti, qui assumendi erant,
sollicita mente accederent. Rabanus. Merito autem post sex dies gloriam
illam ostendit, quia post sex aetates futura est resurrectio. Origenes. Vel quia in sex diebus totus factus
est visibilis mundus; qui transcendit omnes res mundi, potest ascendere super
montem excelsum, et gloriam aspicere verbi Dei. Chrysostomus in Matth. Ideo autem hos
tres assumpsit, quoniam aliis potiores erant. Intende
autem qualiter Matthaeus non occultat eos qui sibi praepositi sunt: hoc enim
et Ioannes facit, praecipuas Petri laudes commemorans. Ab aemulatione enim et vana gloria mundus fuit apostolorum chorus. Hilarius in Matth. In
tribus autem assumptis, de trium origine: Sem, Cam et Iaphet, futura electio
populi ostenditur. Rabanus. Vel tres solummodo discipulos secum
ducit, quia multi sunt vocati, pauci vero electi. Vel quia qui nunc fidem
sanctae Trinitatis incorrupta mente servant, tunc aeterna eius visione
laetantur. Remigius. Ostensurus autem dominus gloriam
suae claritatis discipulis, duxit eos in montem: unde sequitur et duxit illos
in montem excelsum seorsum: in quo docet quia necesse est omnibus qui Deum
contemplari desiderant, ut non in infimis voluptatibus iaceant, sed amore
supernorum semper ad caelestia erigantur; et ut ostendat discipulis quatenus
gloriam divinae claritatis non in huius saeculi profundo quaerant, sed in
caelestis beatitudinis regno. Ducuntur autem seorsum, quia sancti viri toto
animo et fidei intentione separati sunt a malis, funditusque separabuntur in
futuro; vel quia multi vocati, pauci vero electi. Sequitur. Et transfiguratus
est ante eos. Hieronymus. Qualis enim futurus est tempore
iudicandi, talis apostolis apparuit. Nemo autem putet pristinam eum formam et
faciem perdidisse, vel amisisse corporis veritatem, et assumpsisse corpus
spirituale vel aereum; sed quomodo transfiguratus sit, Evangelista
demonstrans dicit et resplenduit facies eius sicut sol, vestimenta autem eius
facta sunt alba sicut nix. Ubi splendor faciei ostenditur, et candor
describitur vestium, non substantia tollitur, sed gloria commutatur. Certe
transformatus est dominus in eam gloriam qua venturus est postea in regno
suo. Transformatio splendorem addidit, faciem non subtraxit, etsi corpus
spirituale fuerit: unde et vestimenta mutata sunt, quae intantum fuere
candida, ut alius Evangelista dixerit, qualia fullo super terram non posset
facere; huiusmodi autem corporale est et tactui subiacet, non spirituale et
aereum, quod illudat oculos, et tantum in phantasmate aspiciatur. Remigius. Si autem facies domini resplenduit
sicut sol, et sancti sicut sol fulgebunt, numquid erit aequalis claritas
domini et servorum? Nequaquam. Sed quia nihil lucidius invenitur sole, idcirco
ad manifestandum exemplum futurae resurrectionis, et facies domini
resplendere, et iusti fulgere dicuntur sicut sol. Origenes in Matth. Mystice autem, cum aliquis
transcenderit sex dies, secundum quod diximus, videt transfiguratum Iesum
ante oculos cordis sui. Diversas enim habet verbum Dei formas; apparens
unicuique secundum quod videnti expedire cognoverit; et nemini supra quod
capit, semetipsum ostendit: unde non dixit simpliciter transfiguratus est,
sed coram eis. In Evangeliis enim Iesus simpliciter intelligitur ab eis qui
non ascendunt per excitationem verborum spiritualium super excelsum
sapientiae montem; eis autem qui ascendunt, iam non secundum carnem
cognoscitur, sed Deus verbum intelligitur. Coram his ergo transfiguratur
Iesus, et non coram illis qui sunt deorsum in conversatione terrena viventes.
Hi autem coram quibus transfiguratur, facti sunt filii Dei, et ostenditur eis
sol esse iustitiae; et vestimenta ipsius fiunt candida sicut lumen; quae sunt
sermones et litterae Evangeliorum, quibus Iesus est indutus, secundum illa
quae ab apostolis dicuntur de eo. Glossa. Vel vestimenta Christi sanctos
significant, de quibus Isaias: omnibus his velut vestimento vestieris; et
nivi comparantur, quia candidi erunt virtutibus, et omnis vitiorum aestus ab
eis remotus erit. Sequitur et apparuerunt illis Moyses et Elias cum eo
loquentes. Chrysostomus in Matth. Hoc autem multas habet
rationes. Et prima quidem est haec. Quia enim turbae dicebant eum esse Eliam
vel Ieremiam, aut unum ex prophetis, capita prophetarum secum ducit, ut
saltem hinc videatur differentia servorum et domini. Alia ratio est: quia
enim continue Iesum accusabant Iudaei tamquam transgressorem legis, et
blasphemum, patris sibi gloriam usurpantem; ut ostendatur ab utraque accusatione
innoxius, eos qui in utroque fulserunt, in medium ducit. Etenim Moyses legem dedit, et Elias pro gloria Dei aemulator fuit. Alia
ratio est: ut discant quoniam mortis et vitae potestatem habet: propter hoc
et Moysen, qui morte defecerat, et Eliam, qui nondum mortem passus fuerat, in
medium ducit. Aliam causam et ipse Evangelista revelat, scilicet monstrare
crucis gloriam, et mitigare Petrum et alios discipulos passionem timentes:
loquebantur enim, ut alius Evangelista dicit, de excessu quem completurus erat
in Ierusalem: unde eos in medium ducit qui se morti exposuerunt pro his quae
Deo placebant, et pro plebe credentium: etenim tyrannis uterque se libere
praesentavit: Moyses quidem Pharaoni, Elias autem Achab. Ducit autem et
propter hoc eos in medium: volebat enim quod discipuli illorum privilegia
zelarent, ut scilicet fierent mansueti sicut Moyses, et zelantes sicut Elias. Hilarius in Matth. Quod etiam Moyses et Elias
ex omni sanctorum numero assistunt, medius inter legem et prophetas Christus
in regno est: cum his enim Israelem, quibus testibus praedicatus est,
iudicabit. Origenes in Matth. Si quis etiam intelligit
spiritualem legem convenientem sermonibus Iesu, et in prophetis absconditam
Christi sapientiam; ille vidit Moysen et Eliam in gloria una cum Iesu. Hieronymus. Considerandum est etiam, quod
Scribis et Pharisaeis de caelo signa poscentibus dare noluit; hic vero, ut
apostolorum augeat fidem, dat signum de caelo. Elia inde descendente quo
conscenderat, et Moyse ab Inferis resurgente: quod et Achaz per Isaiam
praecipitur, ut petat sibi signum de Inferno vel de excelso. Origenes. Quid autem fervidus Petrus dixerit,
subditur respondens autem Petrus dixit ad Iesum: domine, bonum est nos hic
esse. Quia enim audivit quod oportet eum Hierosolymam ire, adhuc timet pro
Christo; sed post increpationem non audet dicere rursus: propitius esto tibi;
sed idem occulte per alia signa insinuat. Quia enim videbat multam quietem et
solitudinem, cogitavit convenientem ibi stationem esse ex loci dispositione:
quod significat dicens bonum est nos hic esse. Vult etiam ibi semper esse;
ideo tabernaculorum meminit, dicens si vis, faciamus hic tria tabernacula.
Cogitavit enim quod si hoc fieret, non ascenderet Hierosolymam; et si non
ascenderet, Christus non moreretur: ibi enim sciebat Scribas insidiari ei.
Cogitabat etiam quod Elias aderat, qui in monte ignem descendere fecit, et
Moyses, qui intravit nebulam, et Deo locutus est: unde occultari poterant, ut
nullus persecutorum sciret ubi essent. Remigius. Vel aliter. Visa domini maiestate et
duorum servorum, Petrus adeo delectatus est ut cuncta temporalia oblivioni
traderet, et ibi in perpetuum vellet manere. Si autem tunc Petrus sic
accensus est, quanta erit suavitas et dulcedo videre regem in decore suo, et
interesse choris Angelorum et omnium sanctorum? In eo sane quod ait Petrus,
domine, si vis, devotionem subditi et obedientis servi ostendit. Hieronymus. Erras tamen, Petre, et sicut alius
Evangelista testatur, nescis quid dicas. Noli tria tabernacula quaerere, cum
unum sit tabernaculum Evangelii, in quo lex et prophetae recapitulanda sunt.
Si autem quaeris tria tabernacula, nequaquam servos cum domino conferas; sed
fac tria tabernacula, immo unum patri et filio et spiritui sancto: ut quorum
est una divinitas, unum sit in pectore tuo tabernaculum. Remigius. Erravit etiam, quia voluit ut regnum
electorum constitueretur in terra; quod dominus promiserat dare in caelis.
Erravit etiam, quia oblitus est se et socios suos esse mortales; et absque
gustu mortis voluit subire aeternam felicitatem. Rabanus. Et in eo quod caelesti conversationi
tabernacula facienda putavit; in qua domus necessaria non erat, cum scriptum
sit: templum non vidi in ea. |
Versets 1-4.
—
Saint Rémi : Six jours après cette prédiction, Notre
Seigneur accomplit dans sa transfiguration sur la montagne, la promesse de
cette apparition glorieuse qu’il avait faite à ses disciples. « Et six jours après, dit
l’Évangéliste, Jésus prit Pierre,
Jacques et Jean, son frère,» etc... —
Saint Jérôme : On se demande comment, d’après saint
Matthieu, ce fut six jours après que Jésus prit avec lui ses disciples,
tandis que saint Luc compte huit jours d’intervalle. La réponse est facile:
saint Matthieu ne compte que les jours pleins qui séparent ces deux
événements, tandis que saint Luc compte de plus le premier et le dernier
jour. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57 sur
S. Matth., dans les nouvelles
éditions, 56.) Ce n’est point immédiatement après cette promesse, mais six
jours après, qu’il les conduit sur la montagne; il veut, par ce retard de
quelques jours, étouffer tout sentiment humain d’envie dans les autres
disciples, et exciter dans l’âme de ceux qu’il doit prendre avec lui un plus
vif désir et le soin d’une préparation plus parfaite. — Raban : Le nombre six
n’est point mis ici sans raison; c’est après six jours écoulés que le Seigneur
manifeste sa gloire, figure de la résurrection qui doit avoir lieu à la fin
des six âges de l’homme. — Origène : Ou bien encore,
comme ce monde visible a été créé après le nombre complet de six jours, celui
qui s’élève au-dessus de toutes les choses du monde, peut monter sur cette
montagne élevée pour y contempler la gloire du Verbe de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur prend avec
lui ces trois disciples, parce qu’ils étaient supérieurs aux autres Apôtres.
Remarquez ici que saint Matthieu ne cherche point à taire le nom de ceux qui
lui furent préférés; c’est ce que fait également saint Jean, en rapportant
les magnifiques prérogatives accordées à saint Pierre, car le collège des
Apôtres était pur de tout sentiment d’envie et de vaine gloire. —
Saint Hilaire : (can. 17.) Ces trois disciples que Jésus
prend avec lui figurent l’élection future de tous les peuples qui descendent
de la triple souche de Sem, de Cham et de Japhet. — Raban : Ou bien, il ne
prend avec lui que trois disciples, parce qu’il y en a beaucoup d’appelés,
mais peu d’élus. Ou bien encore, parce que ceux-là seuls qui conservent dans
une âme pure la foi en la sainte Trinité, jouiront alors de l’éternelle
vision des cieux. —
Saint Rémi : Notre Seigneur, sur le point de
découvrir à ses disciples la splendeur de sa gloire, les conduit sur une
montagne: « Et il les conduisit
sur une haute montagne, à l’écart. » Ainsi enseigne-t-il à tous ceux
qui désirent arriver à la contemplation de Dieu, qu’ils ne doivent point
rester plongés dans les vils plaisirs des sens, mais s’élever toujours, par leur
amour des choses d’en haut, jusqu’aux biens invisibles des cieux. Il veut
apprendre aussi à ses disciples à ne point chercher la gloire de la divine
clarté dans les basses régions de ce monde, mais dans le royaume de la
félicité céleste. Il les conduit à l’écart, parce que les saints sont ici-bas
séparés des méchants par les dispositions de leur âme et l’intention de leur
foi, et qu’ils en seront complètement séparés dans le siècle futur. Ou bien
encore, parce qu’il y en a beaucoup d’appelés et peu d’élus. (Mt 20.) Suite : « Et il fut transfiguré devant eux. » —
Saint Jérôme : Il apparut aux yeux des Apôtres tel
qu’il apparaîtra au jour du jugement. Que personne n’aille s’imaginer,
toutefois, qu’il ait quitté sa première forme et sa figure ordinaire, et
qu’il ait laissé le corps véritable dont il était revêtu, pour prendre un
corps spirituel ou aérien. L’Évangéliste nous apprend la manière dont s’opéra
cette transfiguration: « Son
visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la
neige. » Puisque l’Évangéliste nous décrit l’éclat de son visage et
la blancheur de ses vêtements, la substance n’en fut donc pas détruite,
l’éclat seul en fut changé. Sans doute le Seigneur fut transformé en cette
gloire dont il sera revêtu lorsqu’il viendra pour établir son règne; mais
cette transformation lui donna un nouvel éclat, sans changer les traits de son
visage. Supposons que son corps soit devenu un corps spirituel, est-ce que la
nature de ses vêtements fut également changée ? Ils devinrent si blancs,
dit un autre Évangéliste (Mc 9),
que nul foulon sur la terre ne pourrait leur donner une pareille blancheur.
Or des objets de ce genre ont une forme corporelle, on peut les toucher, et
ce n’est pas quelque chose de spirituel et d’aérien qui fait illusion aux
regards et n’a qu’une apparence fantastique. —
Saint Rémi : Si le visage du Seigneur est devenu
brillant comme le soleil, et que le visage des saints doive aussi briller un
jour comme cet astre, faut-il en conclure que la gloire du Seigneur et celle
des serviteurs auront le même éclat ? Non, sans doute, mais comme rien [dans
la création] n’approche de l’éclat du soleil, les saintes Écritures, pour
nous donner une idée de la résurrection future, nous disent que le visage du
Seigneur resplendit comme le soleil, et que les justes brilleront eux-mêmes
un jour comme cet astre. — Origène : Dans le sens
mystique, celui qui, comme nous l’avons dit, s’est élevé au-dessus des six
jours, voit Jésus transfiguré devant les yeux de son cœur; car le Verbe de
Dieu a diverses formes, et il se découvre à chacun de la manière qu’il sait
lui être la plus utile, sans jamais se dévoiler au delà des dispositions de
son âme. Aussi l’Évangéliste ne dit-il pas simplement: il fut transfiguré,
mais « il fut transfiguré devant
eux. » En effet, dans l’Évangile, Jésus est compris d’une manière
simple par ceux qui ne peuvent monter sur la montagne élevée de la sagesse
par les saints exercices des entretiens spirituels. Ceux, au contraire, qui
sont assez heureux pour gravir cette montagne, ne le connaissent plus selon
la chair, mais voient en lui le Verbe de Dieu. C’est devant eux que Jésus se
transfigure et non pas devant ceux qui vivent ici-bas d’une vie toute
terrestre. Ceux devant lesquels Jésus se transfigure, deviennent les enfants
de Dieu; il se découvre à leurs yeux comme le soleil de justice, et ses
vêtements deviennent brillants comme la lumière. Ces vêtements sont les
discours et les récits de l’Évangile, dont Jésus est comme revêtu, selon ce
que les Apôtres nous ont conservés dans leurs écrits. — La Glose : Ou bien les
vêtements du Christ figurent les saints dont Isaïe a dit: « Ils seront pour vous comme un habillement
d’honneur dont vous serez revêtu. » (Is 49) Ils sont comparés à la neige, parce qu’ils auront l’éclat
pur de la vertu, et que le feu des passions ne pourra plus les atteindre. Suite : « En même temps, ils virent paraître Moïse et Élie, conversant
avec lui » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56.) On peut donner plusieurs raisons de cette
apparition; premièrement, comme le peuple disait que Jésus était Élie ou
Jérémie, ou un des prophètes, il paraît entouré des premiers des prophètes,
pour montrer la différence qui existe entre le maître et les serviteurs.
Deuxièmement, les Juifs accusèrent continuellement Jésus d’être un blasphé-mateur,
un transgresseur de la loi, un usurpateur de la gloire de son Père; pour
établir son innocence sur ces deux points, il fait paraître deux hommes qui
ont brillé dans ces deux domaines; car c’est Moïse qui donna la loi, et Élie
fut un des plus zélés défenseurs de la gloire de Dieu. Troisièmement, il veut
leur apprendre qu’il a pouvoir sur la vie et sur la mort, et c’est dans ce
dessein qu’il fait paraître Moïse, qui avait payé le tribut à la mort, et
Élie, qui n’y avait pas encore été soumis. Une quatrième raison que nous fait
connaître l’Évangéliste, c’était pour dévoiler la gloire de la croix et
calmer les inquiétudes et les craintes de Pierre et des autres disciples à
l’égard de la passion; car, comme le remarque un autre Évangéliste: « Ils s’entretenaient avec lui de sa mort
qui devait s’accomplir dans Jérusalem » (Lc 9). Il se montre donc au milieu de ceux qui se sont exposés à
la mort pour être agréables à Dieu, et pour le peuple des fidèles; car tous
deux se présentèrent avec fermeté devant deux tyrans, Moise devant Pharaon (Ex 5), et Élie devant Achab (3 R 10). Il les fait encore paraître
dans cette circonstance, pour exciter ses disciples à imiter leurs vertus,
c’est-à-dire la douceur de Moïse et le zèle d’Élie. —
Saint Hilaire : Moïse et Élie sont choisis de
préférence parmi tous les saints, pour nous montrer le règne de Jésus-Christ
établi au milieu de la loi et des prophètes; car il doit juger Israël,
assisté des mêmes témoins qui ont annoncé sa venue. — Origène : Celui qui comprend
le rapport qui existe entre l’esprit de la loi et les paroles de Jésus, et
qui sait trouver dans les prophéties la sagesse cachée du Christ, celui-là
voit Moïse et Élie dans la même gloire que Jésus. —
Saint Jérôme : Remarquons encore que tandis qu’il
refusa de faire voir aux scribes et aux pharisiens qui le lui réclamaient, un
prodige dans le ciel, il en fait éclater un de cette nature devant les
Apôtres, pour augmenter leur foi, puisqu’il fait descendre Élie du ciel où il
était monté, et ressusciter Moïse des enfers. C’est ce double prodige
qu’Isaïe conseillait à Achab de demander au plus profond de l’abîme ou au
plus haut des cieux (Is 7). — Origène : Mais que dit ici Pierre, toujours plein d’ardeur ? « Or, Pierre, prenant la parole, dit à Jésus: Seigneur, nous sommes bien ici. » Comme il avait appris de Jésus lui-même qu’il lui fallait aller à Jérusalem, il craint encore pour son Maître; mais après le reproche qu’il en a reçu, il n’ose plus lui dire: « Gardez-vous en bien, Seigneur; » mais il exprime la même pensée sous une autre forme. Il voyait sur la montagne un grand calme et une solitude profonde, et d’après la disposition des lieux, il pense y pouvoir trouver une demeure convenable, comme il le dit au Seigneur: « Nous sommes bien ici. » Il voudrait même y rester toujours, et il parle d’y élever des tentes: « Faisons, s’il vous plaît, trois tentes. » Il espérait que s’il pouvait s’établir sur la montagne, Jésus n’irait pas à Jérusalem, et qu’en évitant d’aller dans cette ville, il éviterait en même temps la mort; car il savait que les scribes tramaient sa perte. Il pensait encore à la présence d’Élie, qui avait fait descendre le feu sur la montagne (4 R 1), et à celle de Moïse (Ex 24, 23), qui était entré dans la nuée pour parler à Dieu. Ils auraient pu ainsi se dérober à tous les regards et aucun de leurs persécuteurs n’aurait pu savoir où ils étaient. —
Saint Rémi : Ou bien, dans un autre sens, à la vue
de la gloire du Seigneur et de ses deux fidèles serviteurs, Pierre fut
tellement ravi de joie, qu’il oublie toutes les choses de la terre, et qu’il
voudrait rester toujours dans cet endroit. Or, si tel fut l’emballement de
cet Apôtre, quelle douceur et quelle suavité de voir un jour le Roi de gloire
dans toute sa beauté (cf. Is 33
17), et de se trouver mêlé aux choeurs des anges et de tous les saints ?
Cette parole de Pierre: « Seigneur,
si vous le voulez, » est une preuve tout à la fois de son dévouement
et de son obéissance. —
Saint Jérôme : Vous êtes cependant dans l’erreur,
Pierre, et comme le remarque un autre Évangéliste (Lc 9): « Vous ne
savez ce que vous dites. » Ne cherchez pas à élever trois tentes,
lorsqu’il ne doit y avoir qu’une seule tente, celle de l’Évangile, qui
contient le mystérieux abrégé de la loi et des prophètes. Si cependant vous
voulez trois tentes, n’égalez pas les serviteurs au maître, mais établissez
trois tentes (ou plutôt une seule), pour le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Que ces trois personnes qui n’ont qu’une seule et même divinité, n’aient
aussi dans votre cœur qu’une seule et même demeure. —
Saint Rémi : L’erreur de Pierre fut encore de
vouloir établir sur la terre le royaume des élus, que Jésus avait promis
d’établir un jour dans les cieux; il se trompa encore en oubliant qu’il était
mortel, lui et les deux autres disciples, et en voulant entrer dans
l’éternelle félicité sans avoir passé par la mort. — Raban : Il se trompa enfin, en croyant qu’il fallait des tentes pour la vie du ciel, où il n’est nul besoin d’habitation, alors qu’il est écrit: « Je n’ai pas vu de temple dans la céleste Jérusalem. » (Ap 21) |
Lectio 2 [85520] Catena in Mt., cap. 17 l. 2 Hieronymus.
Qui carnale e frondibus aut tentoriis quaerebant tabernaculum, nubis
lucidae operiuntur umbraculo; unde dicitur adhuc eo loquente, ecce nubes
lucida obumbravit eos. Chrysostomus in Matth. Cum dominus comminatur,
nubem tenebrosam ostendit, sicut in Sina; hic autem quia non terrere volebat,
sed docere, nubes apparuit lucida. Origenes in Matth. Lucida autem nubes
obumbrans sanctos, est virtus paterna, vel forte spiritus sanctus: dicam
etiam salvatorem nostrum esse lucidam nubem, quae obumbrat Evangelium et legem
et prophetas; sicut intelligunt qui possunt aspicere lumen ipsius in
praemissis. Hieronymus. Quia vero imprudenter interrogaverat Petrus,
propterea domini responsionem non meretur; sed pater respondet pro filio, ut
verbum domini: qui me misit, ipse de me testimonium perhibet. Chrysostomus in Matth. Neque autem Moyses
loquitur, neque Elias, sed pater omnibus maior vocem emittit ex nube, ut
discipuli credant quod a Deo vox erat. Semper enim apparere solet Deus in
nube, sicut scriptum est: nubes et caligo in circuitu eius; et hoc est quod
dicitur et ecce vox de nube. Hieronymus. Vox quidem patris de caelo
loquentis auditur, qui testimonium perhibeat filio, et Petrum, errore
sublato, doceat veritatem; immo per Petrum ceteros apostolos: unde subdit
dicens hic est filius meus dilectus: huic est faciendum tabernaculum, huic
obtemperandum; hic est filius, illi servi sunt; debent et ipsi vobiscum in
penetralibus cordis sui domino tabernaculum praeparare. Chrysostomus in Matth. Ne igitur timeas,
Petre. Si enim potens est Deus, manifestum quia et filius similiter potens
est; si autem diligitur, ne timeas: nullus enim eum quem diligit prodit, nec
tu aequaliter eum diligis genitori. Neque autem solum diligit eum quia
genuit, sed quia unius est voluntatis cum ipso: sequitur enim in quo mihi
complacui; ac si diceret: in quo requiesco, quem accepto, quia omnia quae
sunt patris, cum diligentia exequitur, et est voluntas una ipsius et patris:
quare et si crucifigi vult, non contradicas. Hilarius in Matth. Hunc esse filium, hunc
dilectum, hunc complacitum, sed et hunc audiendum, vox de nube significat,
dicens ipsum audite: ut scilicet idoneus ipse praeceptorum talium auctor qui
saeculi damnum, crucis voluntatem, obitum corporis, et post haec regni
caelestis gloriam facti confirmasset exemplo. Remigius. Dicit ergo ipsum audite, ac si aliis
verbis diceret: recedant umbrae legales, et typi prophetarum; et solum
coruscum lumen Evangelii sequamini. Sive ideo ait ipsum audite, ut illum esse
ostenderet quem Moyses praedixerat, dicens: prophetam suscitabit vobis Deus
de fratribus vestris: tamquam me audietis ipsum. Sic ergo dominus undique
habuit testes, ex caelo vocem patris, ex Paradiso Eliam, ex Inferis Moysen,
ex hominibus apostolos, ut in nomine Iesu omne genuflectatur, caelestium,
terrestrium et Infernorum. Origenes in Matth. Vox autem de nube, aut ad
Moysen et Eliam loquitur, qui desiderabant videre filium Dei et audire eum,
aut discipulos docet. Glossa. Notandum autem, quod bene
convenit mysterium secundae regenerationi (quae scilicet erit in
resurrectione, ubi caro resuscitabitur) cum mysterio primae, quae est in
Baptismate, ubi anima resuscitatur. In Baptismate enim Christi, operatio
totius Trinitatis ostensa est; fuit enim ibi filius incarnatus, apparuit in
columbae specie spiritus sanctus, et pater fuit ibi in voce declaratus: et
similiter in transfiguratione, quae est sacramentum secundae regenerationis,
tota Trinitas apparuit: pater in voce, filius in homine, spiritus sanctus in
nube. Quaeritur autem quare spiritus sanctus ibi in columba, hic in nube
declaratus est. Dona siquidem sua per species declarare solet. Innocentiam
autem in Baptismate donat, quod per avem simplicitatis designatur. Daturus
est autem claritatem et refrigerium in resurrectione; ideo in nube
refrigerium, in fulgore nubis claritas resurgentium corporum designatur. Sequitur
et audientes discipuli ceciderunt in faciem suam, et timuerunt valde. Hieronymus. Triplicem autem ob causam pavore
terrentur: vel quia se errasse cognoverant, vel quia nubes lucida operuerat
eos, aut quia Dei patris vocem loquentis audierant: humana enim fragilitas
conspectum maioris gloriae ferre non sustinet, ac toto animo et corpore
contremiscens ad terram cadit: quanto enim quis ampliora quaesierit, tanto
magis ad inferiora collabitur, si ignoraverit mensuram suam. Remigius. In eo vero quod sancti apostoli in
faciem ceciderunt, fuit indicium sanctitatis: quia sancti in faciem cadere
dicuntur, impii vero retrorsum. Chrysostomus in Matth. Sed cum ante in Christi
Baptismo, quando talis etiam vox de caelo delata est, nullus ex turba quae
aderat, tale aliquid passus est, quomodo discipuli in monte ceciderunt? Quia
scilicet et solitudo, et altitudo, et silentium erat multum, et
transfiguratio stupore plena, et lumen purum, et nubes extensa; ex quibus
omnibus stupor in eis congregabatur. Hieronymus. Quia vero illi iacebant et surgere
non poterant, ipse clementer accedit, et tangit eos, ut tactu fuget timorem,
et debilitata membra solidentur; et hoc est quod dicitur et accessit Iesus,
et tetigit eos. Quos autem manu sanaverat, etiam sanavit imperio: unde
sequitur dixitque eis: surgite, et nolite timere. Primum timor expellitur, ut
postea doctrina tribuatur. Sequitur levantes autem oculos suos, neminem viderunt
nisi solum Iesum: quod rationabiliter factum est, ne si Moyses et Elias
perseverassent cum domino, patris vox videretur incerta cui potissimum daret
testimonium. Vident etiam Iesum stantem ablata nube, et Moysen et Eliam
evanuisse: quia postquam legis et prophetarum umbra discesserat, utrumque in
Evangelio reperitur. Sequitur et descendentibus illis de monte
praecepit Iesus, dicens: nemini dixeritis visionem hanc, donec filius hominis
a mortuis resurgat. Non vult ergo in populis praedicari, ne et incredibile
esset pro rei magnitudine, et post tantam gloriam apud rudes animos sequens
crux scandalum faceret. Remigius. Sive quia, si maiestas illius
divulgaretur in populo, populi impedirent dispensationem passionis eius,
resistendo principibus sacerdotum, et sic redemptio humani generis
retardaretur. Hilarius in Matth. Silentium etiam rerum
gestarum quas viderant imperat, ut cum essent spiritu sancto repleti, tunc
gestorum spiritualium testes essent. |
Versets 5-9.
—
Saint Jérôme : Ceux qui désiraient une tente
matérielle faite avec des branches ou des tentures, sont enveloppés et
couverts d’un nuage brillant.
« Lorsqu’il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56.) Quand le Seigneur menace, il fait
apparaître une nuée ténébreuse, comme sur le mont Sinaï; mais ici il fait
briller une nuée lumineuse, parce qu’il veut, non pas épouvanter, mais
instruire. — Origène : Cette nuée qui
couvre et protège les saints, c’est la vertu du Père, ou peut-être l’Esprit saint;
je dirai même que notre Sauveur est la nuée lumineuse qui couvre l’Évangile,
la loi et les prophètes, comme le comprennent bien ceux qui peuvent y
contempler sa lumière. —
Saint Jérôme : La demande de Pierre était
imprudente: aussi ne mérite-t-il pas de réponse du Seigneur, mais c’est le
Père lui-même qui répond pour le Fils, afin d’accomplir cette parole du
Seigneur: « Celui qui m’a envoyé,
c’est lui-même qui me rend témoignage. » (Jn 8.) — Saint Jean Chrysostome : (hom.
56.) Ce
n’est ni Moïse ni Élie qui prennent la parole, mais c’est le Père, qui est
au-dessus d’eux tous, qui fait entendre sa voix du sein de la nuée, afin que
les disciples ne puissent douter que cette voix vient de Dieu, car Dieu
apparaît ordinairement dans une nuée, comme il est écrit dans le livre des
Psaumes (Ps 97): « Une nuée est autour de lui, et l’obscurité
l’environne, » c’est ce que nous voyons ici: « Et une voix vint de la nuée. » —
Saint Jérôme : Le Père fait entendre sa voix du haut
du ciel, pour rendre témoignage à son Fils, pour dissiper l’erreur de Pierre,
et lui enseigner la vérité, ainsi qu’aux autres Apôtres par son
intermédiaire; c’est pour cela qu’il dit: « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé. » C’est pour lui qu’il faut dresser une
tente, c’est à lui qu’il faut obéir, c’est lui qui est le Fils, les autres ne
sont que les serviteurs; ils doivent, à votre exemple, préparer au Seigneur
une tente dans le secret de leur cœur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56.) Soyez donc sans crainte, Pierre:
si Dieu est puissant, il est évident que son Fils a une puissance égale à la
sienne; s’il en est aimé, n’ayez aucune crainte; personne ne trahit et
n’abandonne celui qu’il aime. Or, vous ne l’aimez pas autant que l’aime son
Père; car il n’aime pas seulement son Fils parce qu’il l’a engendré, mais
parce qu’il n’a qu’une seule et même volonté avec lui. D’où la suite : « dans lequel j’ai mis toute mon
affection. » C’est-à-dire dans lequel je repose et que j’ai pour
agréable, parce qu’il remplit avec zèle toutes les volontés de son Père. Sa
volonté est la même que celle de son Père; si donc il veut souffrir la mort
de la croix, ne vous y opposez pas. —
Saint Hilaire : La voix qui sort de la nuée proclame
non seulement qu’il est le Fils, qu’il est le bien-aimé, celui en qui le Père
met son affection, mais encore celui qu’il faut écouter ; ainsi, « écoutez-le », dit-elle,
afin qu’il fût regardé comme le Maître de tels docteurs, lui qui, après sa
mort, devait confirmer par un exemple éclatant la malédiction du siècle, sa
volonté de mourir sur la croix, sa mort corporelle et, après tout cela, la
gloire du royaume céleste. —
Saint Rémi : Il dit donc: « Écoutez-le », c’est-à-dire en d’autres termes: Que
les ombres de la loi disparaissent, ainsi que les figures des prophètes, et
ne suivez plus que la lumière brillante de l’Évangile. Ou bien encore, ces paroles: « Écoutez-le », signifient
qu’il est celui que Moïse avait prédit en ces termes: « Dieu vous suscitera un prophète du milieu de vos frères: vous
l’écouterez comme moi. » (Dt 18.)
C’est ainsi que le Seigneur s’est procuré des témoins de tous côtés, la voix
du Père du haut du ciel, Élie qui vient du paradis, Moïse sortant des limbes,
les Apôtres choisis parmi les hommes: « Afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse, sur la terre, dans le
ciel et dans les enfers. » (Ph
2.) — Origène : La voix qui sort de
la nuée s’adressait à Moïse et à Élie qui désiraient voir et entendre le Fils
de Dieu, ou bien aux Apôtres pour les instruire. — La Glose : Remarquons le
rapport admirable qui existe entre le mystère de cette seconde régénération,
qui doit avoir lieu à la résurrection, lorsque notre corps ressuscitera, et
le mystère de la première qui a lieu dans le baptême, où l’âme renaît à une
vie nouvelle. Dans le baptême de Jésus-Christ, nous voyons concourir les
trois personnes de la Trinité: le Fils s’y montre revêtu d’une chair [comme
la nôtre], l’Esprit saint y apparaît sous la forme d’une colombe, et le Père
s’y déclare dans la voix qui se fait entendre. De même dans la
transfiguration, qui est un symbole mystérieux de la seconde régénération,
toute la Trinité apparaît, le Père dans la voix, le Fils sous la forme de
l’homme, l’Esprit saint dans la nuée. On se demande pourquoi l’Esprit saint
apparut d’un côté dans une nuée, et de l’autre sous la forme d’une colombe;
la raison en est que l’Esprit saint manifeste ses dons sous des formes
sensibles; c’est ainsi que dans le baptême il donne l’innocence figurée par
l’oiseau, symbole de la simplicité; dans la résurrection, il nous donnera
l’éclat et le rafraîchissement; le rafraîchissement, figuré par la nuée;
l’éclat des corps ressuscités, figuré par ce nuage de lumière. Suite : « Et ses disciples, entendant ces paroles, tombèrent le visage
contre terre, et furent saisis de crainte. » —
Saint Jérôme : Ils sont saisis d’effroi pour trois
raisons: ou bien parce qu’ils ont reconnu leur erreur, ou bien parce que
cette nuée lumineuse les avait enveloppés, ou bien enfin parce qu’ils avaient
entendu la voix de Dieu le Père; car la fragilité humaine ne peut supporter la
vue d’une gloire bien au-dessus d’elle; l’épouvante s’empare de toute son âme
et de tout son corps, et elle tombe la face contre terre; en effet plus
l’homme veut étendre et agrandir ses recherches, plus il fait de lourdes
chutes, quand il méconnaît ses forces. —
Saint Rémi : Les saints Apôtres tombent la face
contre terre (Gn 17, 3.17; Nb 16, 4; 16, 52; Tb 12, 16; Gn 49, 17; Is 28, 13; Jn 18, 26),
circonstance qui est une preuve de leur sainteté; car [dans les saintes
Écritures], nous voyons les saints tomber le visage contre terre, tandis que
les impies sont renversés en arrière. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56.) Mais comment se fait-il que les
disciples tombent ainsi sur la montagne, alors qu’au baptême de Jésus-Christ,
quand une voix semblable se fit entendre, personne, dans la multitude qui
était présente, n’éprouva cette impression extraordinaire de crainte ?
C’est que la solitude, l’élévation de la montagne, le silence profond qui
s’étendait au loin, la transfiguration elle-même, si propre à saisir
l’imagination, et cette lumière si pure, et cette nuée lumineuse, toutes ces
circonstances réunies impressionnaient vivement les disciples. —
Saint Jérôme : Comme ils étaient étendus à terre et
ne pouvaient se relever, il s’approcha avec bonté et les toucha, pour
dissiper ainsi leur crainte, et fortifier leurs membres affaiblis ; c’est
ce qui est dit : « Mais Jésus
s’étant approché, les toucha. » Il les avait guéris en les touchant,
il complète leur guérison par cette parole de commandement: « Levez-vous, et ne craignez
point. » Il chasse d’abord la crainte, afin de pouvoir ensuite les
instruire. « Alors, levant les
yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. » Effet d’une conduite
pleine de sagesse; car si Moïse et Élie étaient restés avec le Seigneur, on n’aurait
pas su d’une manière certaine à qui la voix du Père rendait témoignage. Ils
voient Jésus debout, alors que la nuée est dissipée, et que Moïse et Élie ont
disparu; car après que l’ombre de la loi et des prophètes s’est retirée, on
les retrouve tous deux dans l’Évangile. — Suite : « Et
lorsqu’ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit ce commandement et
leur dit: Vous ne direz à personne ce que vous avez vu, jusqu’à ce que le
Fils de l’homme soit ressuscité des morts. » Il ne veut pas que cet
événement soit prêché au peuple, dans la crainte que la grandeur même du
prodige ne le rendît incroyable, et que la croix qui devait suivre la
manifestation d’une si grande gloire ne fût un scandale pour les esprits
grossiers. —
Saint Rémi : Ou bien encore, si ce mystère de sa majesté
avait été publié parmi le peuple, il se serait opposé à l’économie de sa
passion, à cause de la résistance des princes des prêtres [ ?], et la rédemption du genre humain aurait
pu être ainsi retardée. — Saint Hilaire : Il leur ordonne encore de garder le silence sur les choses qui viennent de s’accomplir, il veut qu’ils soient remplis de l’Esprit saint avant de rendre témoignage aux faits spirituels qui se sont passés sous leurs yeux. |
Lectio 3 [85521] Catena in Mt., cap. Chrysostomus in Matth. Non autem adventum
Eliae discipuli de Scripturis sciebant; sed Scribae eis manifestabant, et
ferebatur hic sermo in plebe indocta, sicut et de Christo. Non autem ut
oportebat, adventus Christi et Eliae a Scribis interpretabatur. Scripturae
enim duos dant Christi adventus; eum scilicet qui factus est, et eum qui
futurus est. Sed Scribae plebem evertentes, secundum adventum solum
commemorabant plebi, et dicebant quoniam si hic est Christus, oportebat Eliam
praevenire. Est igitur solutio quam Christus inducit. Sequitur at ille
respondens ait: Elias quidem venturus est, et restituet omnia. Dico vobis,
quia Elias iam venit. Ne autem existimes eum in sermone errasse si quandoque
dicit Eliam venturum, et quandoque venisse: cum enim dicit quod Elias
venturus est et restaurabit omnia, de ipso Elia in propria persona loquitur:
qui quidem restaurabit omnia, dum corriget infidelitatem Iudaeorum qui tunc
invenientur, quod est convertere corda patrum ad filios idest Iudaeorum ad
apostolos. Augustinus de quaest. Evang. Vel restituet
omnia, idest eos quos Antichristi persecutio perturbaverit: vel ut ipse
restituat moriendo quae debet. Chrysostomus in Matth. Si autem tot bona erunt
ex Eliae praesentia, quare tunc non eum misit? Dicemus, quia et tunc Christum
aestimantes Eliam, non crediderunt ei. Tunc autem Eliae credent, quia cum
post tantam expectationem venerit, annuntians Iesum, facilius suscipient quae
ab eodem dicentur. Cum vero dicit quod Elias iam venit, Ioannem Eliam vocat,
propter ministerii modum: sicut enim Elias secundi adventus praecursor erit,
ita Ioannes praecursor factus est primi. Propter hoc autem Ioannem Eliam
nominat, ut ostendat primum suum adventum veteri testamento et prophetiae convenire.
Hieronymus. Ipse ergo qui venturus est in
secundo salvatoris adventu iuxta corporis fidem, nunc per Ioannem venit in
virtute et spiritu. Sequitur et non cognoverunt eum, sed fecerunt in eo
quaecumque voluerunt, hoc est, spreverunt et decollaverunt eum. Hilarius in Matth. Ut domini adventum
praenuntians, passionem quoque praecurreret et iniuriae et vexationis
exemplo; unde sequitur sic et filius hominis passurus est ab eis. Chrysostomus in Matth. In quo opportune suam
passionem commemorat ex passione Ioannis, multam eis praebens consolationem.
Hieronymus. Quaeritur ergo, cum Herodes et
Herodias Ioannem interfecerint, quomodo ipsi quoque Iesum crucifixisse
dicantur, cum legamus eum a Scribis et Pharisaeis interfectum. Et breviter
respondendum, quod in Ioannis necem Pharisaeorum factio consenserit: et in
occisione domini Herodes iunxerit voluntatem suam; qui illusum atque
despectum remisit ad Pilatum, ut eum crucifigeret. Rabanus. Ex indicio autem passionis suae, quam
dominus eis saepius praedixit, et praecursoris sui, quam iam completam
cernebant, discipuli cognoscebant Ioannem sibi in Eliae vocabulo demonstratum
esse: unde sequitur tunc intellexerunt discipuli quia de Ioanne Baptista
dixisset eis. Origenes in Matth. Quod autem dixit propter
Ioannem Elias iam venit, non anima Eliae est intelligenda, ne incidamus in
dogma transcorporationis, quod alienum est ab ecclesiastica veritate; sed,
sicut Angelus praedixit: venit in spiritu et virtute Eliae. |
Versets 10-13.
— Saint Jérôme : Suivant
une tradition des pharisiens, fondée sur un passage du prophète Malachie (Ml 4, 5), la venue d’Élie doit
précéder l’avènement du Sauveur pour ramener le cœur des pères à leurs
enfants, et le cœur des enfants à leurs pères, et pour tout rétablir dans le
premier état. Les disciples pensèrent donc que cette transformation glorieuse
était celle dont ils venaient d’être témoins sur la montagne; comme nous le
voyons par la question qu’ils lui adressent: « Les disciples
l’interrogèrent alors et lui dirent: Pourquoi donc les scribes disent-ils
qu’il faut qu’Élie vienne auparavant ? » C’est-à-dire: Vous
êtes déjà venu dans votre gloire, pourquoi votre précurseur ne paraît-il
point ? Et ce qui les porte à parler ainsi, c’est qu’ils voyaient
qu’Élie avait disparu. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
57.) Ce
n’est point d’après les Écritures que les disciples savaient qu’Élie devait
venir, mais parce que les scribes le leur avaient appris, et cette opinion
sur Élie et sur le Christ était répandue dans la classe ignorante du peuple.
Or, les scribes n’expliquaient point d’une manière conforme à la vérité
l’avènement du Christ et d’Élie. En effet, les Saintes Écritures annoncent
deux avènements du Christ, celui qui a déjà eu lieu et celui qui doit
s’accomplir plus tard. Mais les scribes, pour tromper le peuple, ne lui
parlaient que d’un seul avènement, et lui disaient que si Jésus était le
Christ promis, il devait être précédé par Élie. Le Seigneur donne ici à ses
disciples la solution de cette difficulté: « Mais Jésus leur répondit :
‘Il est vrai qu’Élie doit venir et rétablir toutes choses. Or, je vous
déclare qu’Élie est déjà venu’ »
Ne croyez pas que Notre Seigneur commette une erreur en disant d’une
part qu’Élie doit venir, et de l’autre qu’il est déjà venu. En effet, lorsqu’il
prédit qu’Élie doit venir et rétablir toutes choses, il parle d’Élie lui-même
en personne. Élie rétablira toutes choses en guérissant l’infidélité des
Juifs qui existeront alors, c’est-à-dire, suivant l’Écriture, en réunissant
les cœurs des pères avec leurs enfants, ce qui doit s’entendre du cœur des
Juifs avec les Apôtres. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 21.) Ou bien, il
rétablira toutes choses, c’est-à-dire ceux que la persécution de l’Antéchrist
aura ébranlés; ou bien, il rétablira toutes choses, c’est-à-dire il
acquittera sa dette eu mourant. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) Si la présence d’Élie doit
produire de si grands biens, pourquoi Dieu ne l’a-t-il pas envoyé
alors ? Nous répondons que les Juifs ont pris le Christ pour Élie et qu’ils
n’ont pas cru en lui. Mais alors ils croiront en lui, car lorsqu’après une si
longue attente, il viendra leur annoncer Jésus, ils seront plus disposés à
recevoir sa parole. Mais lorsque le Seigneur dit qu’Élie est déjà venu, il
donne le nom d’Élie à Jean-Baptiste à cause du ministère qui lui était
confié; car de même qu’Élie sera le précurseur du second avènement,
Jean-Baptiste a été le précurseur du premier. Il appelle Jean-Baptiste Élie,
pour montrer le rapport de son premier avènement avec l’Ancien Testament et
avec les prophéties. —
Saint Jérôme : Celui donc qui doit venir en personne
lors du second avènement du Sauveur est déjà venu en esprit et en vertu dans
la personne de Jean-Baptiste. D’où : « Et ils ne l’ont pas
connu, et ils l’ont traité comme ils l’ont voulu.» C’est-à-dire
qu'ils l’ont méprisé et l’ont fait décapiter. —
Saint Hilaire : Ainsi, celui qui était le précurseur
de l’avènement du Seigneur le fut aussi de sa passion, dans les outrages et
les persécutions qu’il endura; ce que Notre Seigneur indique par les paroles
suivantes: « C’est ainsi qu’ils feront souffrir le Fils de
l’homme. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) Le Seigneur choisit l’occasion
favorable pour leur parler de sa passion, en leur faisant trouver une
puissante consolation dans le rapprochement qu’il en fait avec celle de
Jean-Baptiste. —
Saint Jérôme : Comment peut-on dire qu’Hérode et
Hérodias qui ont fait décapiter Jean-Baptiste, ont aussi crucifié
Jésus-Christ, alors que nous lisons dans l’Évangile que ce furent les scribes
et les pharisiens qui le mirent à mort ? Nous répondrons en peu de mots
que la faction des pharisiens fut complice de la mort de Jean, et qu’Hérode
joignit sa volonté à celle des Juifs qui crucifièrent le Seigneur en le
renvoyant à Pilate pour qu’il fût crucifié, après s’en être moqué et l’avoir
couvert de son mépris. — Raban : En
rapprochant la pensée de la passion du Seigneur, qu’il leur avait souvent
prédite, de la mort du précurseur, qui était, - ils le voyaient -, un fait
accompli, les disciples comprirent que c’était de Jean-Baptiste qu’il leur
avait parié sous le nom d’Élie. « Alors les disciples comprirent qu’il
leur avait parlé de Jean-Baptiste. » — Origène : Quant à ce que Notre Seigneur dit de Jean: « Élie est déjà venu », il ne faut pas l’entendre de l’âme d’Élie, pour ne pas tomber dans la croyance à la métempsycose, qui est contraire à la doctrine de l’Église, mais comme l’ange l’a expliqué à Zacharie, c’est-à-dire qu’il est venu dans l’esprit et la vertu d’Élie. |
Lectio 4 [85522] Catena in Mt.,
cap. 17 l. 4 Origenes in Matth. Concupiscens
Petrus spectabilem illam vitam, et praeponens utilitatem suam utilitatibus
plurimorum, dicebat bonum est nos hic esse. Sed quoniam caritas non quaerit
quae sua sunt, hoc quod videbatur bonum Petro, non fecit Iesus; sed quasi de
monte excelso divinitatis descendit ad turbam: ut qui non poterant ascendere
sursum propter infirmitatem animarum suarum, illis proficiat; unde dicitur et
cum venisset ad turbam: nisi enim cum discipulis suis electis venisset ad
turbam, non accessisset ad eum ille de quo subditur accessit ad eum homo
genibus provolutus ante eum dicens: domine, miserere filio meo. Ubi
considerandum est, quod quandoque qui patiuntur, credunt, et deprecantur pro
sua salute; quandoque autem pro eis alii faciunt: sicut nunc qui genibus
volvitur, pro filio rogat; quandoque vero a semetipso salvator etiam a nullo
rogatus, sanat. Primo autem quaeramus quid est quod sequitur quia lunaticus
est, et male patitur. Medici ergo loquuntur quae volunt: quia nec immundum
spiritum arbitrantur, sed corporalem aliquam passionem; et dicunt humida
moveri in capite secundum aliquam compassionem ad lumen lunare, quod humidam
habet naturam. Nos autem qui Evangelio credimus, dicemus hanc passionem
immundum spiritum in hominibus operari. Observat enim quaedam schemata lunae,
et sic operatur, ut ab observatione lunae pati homines mentiatur, et per hoc
culpabilem Dei creaturam ostendat: sic et alii Daemones secundum aliqua
stellarum schemata insidiantur hominibus, ut iniquitatem in excelso
loquantur, quasdam stellas dicentes maleficas, quasdam beneficas: cum nulla
stella a Deo sit facta ut male faciat. In
hoc autem quod subditur nam saepe cadit in ignem, et crebro in aquam. Chrysostomus in Matth. Considerandum
est, quod nisi providentia hic homo esset munitus, dudum periisset: Daemon
enim qui ipsum in ignem et in aquam mittebat, interfecisset eum omnino, nisi
Deus eum refrenasset. Hieronymus. Quod autem dicit et obtuli eum
discipulis tuis, et non potuerunt curare eum, latenter accusat apostolos: cum
impossibilitas curandi interdum non ad imbecillitatem curantium, sed ad eorum
qui curandi sunt, fidem referatur. Chrysostomus in Matth. Inspice autem et
aliunde eius insipientiam, qualiter coram turba interpellat Iesum adversus
discipulos. Sed ipse eos liberat ab accusatione, defectum curationis imputans
illi: ex multis enim monstratur eum infirmum in fide fuisse. Non tamen tantum in eius personam invehitur, ne ipsum conturbaret; sed
in omnes Iudaeos. Probabile est enim multos praesentium de
discipulis inconvenientia cogitasse; et ideo sequitur respondens Iesus ait: o
generatio incredula et perversa, quousque ero vobiscum? Usquequo patiar vos?
Per hoc autem quod dicit usquequo ero vobiscum? Ostendit desideratam ab eo esse
mortem, et concupiscibilem recessum. Remigius. Sciendum quoque, quia dominus non
tantum tunc coeperat pati improbitatem Iudaeorum, sed a longo prius tempore:
et ideo hic dicit usquequo patiar vos? Ac si dicat: quia longo tempore coepi
pati vestras improbitates, ideo indigni estis mea praesentia. Origenes in Matth. Vel quoniam non potuerant
eum sanare discipuli, quasi adhuc modicae fidei constituti, propterea dixit o
generatio incredula; et quod ait perversa, ostendit quoniam ex perversitate
malitia est introducta extra naturam. Puto autem, quod propter perversitatem
totius humani generis, quasi gravatus malitia eorum, dixit usquequo ero
vobiscum? Hieronymus. Non autem credendum est quod
taedio superatus sit, et mansuetus ac mitis in verba furoris eruperit; sed
quod in similitudinem medici, si aegrotum videat contra sua praecepta se
gerere, dicat: usquequo ascendam in domum tuam? Usquequo artis perdam
industriam, me aliud iubente, et te aliud perpetrante? Quod autem non sit
iratus homini sed vitio, ac per unum hominem Iudaeos arguat infidelitatis,
patet ex hoc quod infert afferte huc illum ad me. Chrysostomus in Matth. Postquam enim
discipulos excusaverat, ducit patrem pueri ad spem benignam credendi, quod ab
hoc malo eripietur; et ut inducatur pater ad fidem futuri miraculi, videns
Daemonem tumultum pati ex hoc solum quod vocabatur, increpavit eum; unde
sequitur et increpavit eum Iesus. Non ille qui patiebatur, sed Daemon
increpatur. Remigius. In quo facto reliquit exemplum
praedicatoribus, ut vitia persequantur, homines vero sublevent. Hieronymus. Sive increpavit puerum, quia
propter peccata sua a Daemone fuerat oppressus. Sequitur et exiit ab eo
Daemon et curatus est puer ex illa hora. Rabanus. Mihi autem videtur, iuxta tropologiam, lunaticus
esse qui per horarum momenta mutatur ad vitia; et nunc quidem in ignem
fertur, quo adulterantium corda succensa sunt, nunc in aquas, scilicet
voluptatum, vel cupiditatum, quae non valent extinguere caritatem. Augustinus de quaest. Evang. Vel ignis ad iram
pertinet, eo quod alta petat; aqua ad voluptates carnis. Origenes in Matth. De inconstantia autem
peccatoris dicitur: stultus ut luna mutatur. Et est videre in talibus impetus
quosdam quasi operum bonorum subrepere; aliquando autem quasi quadam abreptione
spiritus a passionibus comprehenduntur, et cadunt a statu bono in quo stare
putabantur. Forsitan ergo Angelus, qui sortitus est huius lunatici custodiam
pater huius appellatur, deprecans quasi pro filio medicum animarum, ut
liberet eum qui non potest sanari a passione per verbum humile discipulorum
Christi, quia non recipit eorum admonitionem veluti surdus; et ideo opus est
ei Christi sermo, ut iam de cetero sine ratione non agat. |
Versets 14-17.
— Origène : Pierre, qui désirait
cette vie glorieuse qui venait de lui être révélée, et préférait ses intérêts
aux intérêts du grand nombre, disait: « Nous sommes bien ici. »
Mais la charité ne cherche pas ses intérêts personnels (1 Co 13); aussi Jésus n’accomplit pas ce
qui semblait bon à Pierre, il descendit vers le peuple comme de la montagne
élevée de sa divinité, afin de secourir ceux qui ne pouvaient monter jusqu’à
lui, par suite des infirmités de leur âme. C’est ce que signifient ces
paroles: « Et lorsqu’il fut venu vers le peuple, » Car s’il
n’était pas venu le premier vers ce peuple avec les disciples qu’il avait
choisis, il n’eût pas vu s’approcher de lui cet homme dont il est dit: « Un
homme s’approcha de lui, et se jetant à ses pieds, il lui dit: Seigneur, ayez
pitié de mon fils. » Remarquons ici que tantôt ce sont les malades
eux-mêmes qui ont la foi et qui prient pour leur salut; tantôt ce sont
d’autres personnes qui la demandent pour eux, comme cet homme prosterné aux
genoux de Jésus le prie pour son fils; tantôt, enfin, le Sauveur guérit de lui-même
sans en avoir été prié. Or, examinons d’abord ce que signifient ces paroles: « Il
est lunatique, et il souffre beaucoup. » Les médecins interprètent
cette maladie à leur manière, ils ne veulent point y voir l’action de
l’esprit impur, mais l’effet d’une douleur matérielle; ils prétendent que les
humeurs sont mises en mouvement dans la tête d’après certain rapport
d’influence exercé par la lune, qui a une nature humide. Pour nous, qui
croyons à l’Évangile, nous dirons que c’est l’esprit impur qui est l’auteur
de cette maladie dans les hommes. Il observe certaines phases de la lune, et
il agit de manière à faire adopter aux hommes cette erreur que leurs maladies
sont la suite des influences lunaires, et à leur faire conclure que les
créatures de Dieu sont mauvaises. C’est ainsi que d’autres démons observent
d’autres signes dans les étoiles pour tendre des pièges aux hommes, et
proférer contre le ciel des paroles d’iniquité, c’est-à-dire qu’il existe des
étoiles malfaisantes, et d’autres douées de qualités contraires, quand il est
vrai de dire que Dieu n’a créé aucune étoile qui puisse faire du mal aux
hommes. Puis l’évangéliste ajoute : « Car souvent il tombe dans le
feu, et souvent dans l’eau.» —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) Remarquons que si cet homme
n’avait pas été protégé par la Providence, il fût mort depuis longtemps; car
le démon qui le précipitait dans le feu et dans l’eau l’aurait fait périr, si
Dieu n'eût mis frein à sa fureur. —
Saint Jérôme : « Je l’ai présenté à vos
disciples, et ils n’ont pu le guérir. » Il
accuse indirectement les Apôtres, bien que cependant le défaut de guérison ne
vienne pas toujours de l’impuissance de ceux qui essaient de guérir, mais du
peu de foi de ceux qui veulent être guéris. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) Voyez, d’ailleurs, comme cet
homme est imprudent; c’est en présence de la foule qu’il cherche à indisposer
Jésus contre ses disciples; mais Jésus les justifie aussitôt en rejetant sur
lui seul le défaut de guérison. Nous avons, en effet, plusieurs preuves de
son peu de foi. Cependant le Seigneur, pour ne pas le décourager, ne fait pas
tomber sur lui seul ses reproches, mais sur tous les Juifs; car il est
probable que plusieurs d’entre eux avaient mauvaise opinion de ses disciples.
« Or, Jésus répondit: « Race incrédule et perverse, jusques à
quand serai-je avec vous ? Jusques à quand vous
supporterai-je ?». En disant « Jusques à quand serai-je avec
vous ? », Jésus nous montre le désir qu’il avait de sortir de
la vie et de souffrir la mort. —
Saint Rémi : Il faut se rappeler que ce n’est pas
seulement de ce jour, mais de longtemps auparavant, que le Seigneur avait à
souffrir de la méchanceté des Juifs; c’est pour cela qu’il dit: « Jusques
à quand vous supporterai-je ? » C’est-à-dire j’ai souffert
depuis trop longtemps de vos injustices, et vous êtes indignes de ma
présence. — Origène : Ou bien, ses
disciples n’ayant pu guérir cet homme par suite de leur peu de foi, c’est à
eux qu’il adresse ce reproche: « O génération incrédule ! »
Il ajoute: « et dépravée », pour nous apprendre que le mal a
pour cause sur la terre la perversité des hommes, et non leur nature, et
c’est, je pense, cette perversité de tout le genre humain qui le fait
s’écrier comme accablé sous le poids de tant de malice: « Jusques à
quand serai-je avec vous ? » —
Saint Jérôme : N’allons pas croire que le Seigneur
se soit laissé abattre par l’ennui, et que lui, si doux et si pacifique, ait
éclaté en paroles de colère; non, il agit ici comme un médecin qui, voyant un
malade aller contre ses ordonnances, dirait: Jusques à quand viendrai-je dans
votre maison ? jusques à quand perdrai-je mes soins et mes peines,
puisque vous faites le contraire de ce que je vous ordonne ? Une preuve
qu’il n’est pas irrité contre cet homme, mais seulement contre sa mauvaise
disposition, et que dans sa personne il veut reprendre l’incrédulité de tous
les Juifs, c’est qu’il ajoute: « Amenez-moi ici cet enfant. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) Après avoir excusé ses disciples,
il inspire au père de cet enfant l’espérance douce et certaine de la guérison
de son fils, et pour amener le père à croire à ce miracle, il menace le démon
qu’il voit se troubler au seul son de sa voix, et il le menace. « Et
Jésus le menaça, » non pas celui qui souffrait, mais le démon. — Saint
Rémi : Il laisse en cela un exemple aux
prédicateurs, c’est de reprendre et de poursuivre les vices, mais de soulager
les hommes. —
Saint Jérôme : Ou bien il réprimande cet enfant,
parce que ses péchés étaient cause qu’il était tourmenté par le démon. Suite : « Et le démon sortit de
lui, et l’enfant fut guéri à l’heure même. » [— Raban : Car aucune infirmité ne
résiste à l’action du Tout-Puissant qui donne la guérison]. —
Saint Jérôme : [référence à vérifier] Pour moi, je crois que dans le sens figuré le lunatique est celui
qui, par moment, retourne au vice, et qui tantôt se précipite dans le feu,
parce que le cœur des adultères est comme une fournaise embrasée (Os 7, 4; 7, 6); tantôt se jette dans
les eaux des voluptés et des désirs charnels qui ne peuvent éteindre la
charité. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 22.) Ou bien, le feu
signifie la colère, parce qu’il tend à s’élever en haut; et l’eau les
voluptés de la chair. — Origène : L’Esprit saint, parlant de l’inconstance du pécheur, dit: « L’insensé est changeant comme la lune. » (Si 27.) On voit, en effet, ces hommes se livrer avec une espèce d’impétuosité à la pratique des bonnes oeuvres, et puis soudain, comme emportés par un mauvais esprit, devenir les esclaves de leurs passions, et déchoir du haut degré de vertu où on les croyait inébranlables. Peut-être est-ce l’ange à qui Dieu a confié la garde de ce lunatique, qui est appelé ici son père, et c’est lui qui prie le médecin des âmes comme pour son fils, et lui demande de délivrer celui que n’a pu guérir la parole impuissante des disciples du Christ, parole qu’il n’a point voulu entendre, comme s’il était atteint de surdité; il faut la parole du Christ pour qu’il agisse désormais suivant les inspirations de la raison. |
Lectio 5 [85523] Catena in Mt.,
cap. 17 l. 5 Chrysostomus in Matth. Acceperant
discipuli a domino potestatem spirituum immundorum; et quia oblatum
daemoniacum curare non potuerant, videtur quod in dubitationem devenerint, ne
forte gratiam, quae erat eis tradita, perdidissent; et ideo dicit tunc
accesserunt ad Iesum discipuli eius secreto, et dixerunt: quare nos non
potuimus eicere illum? Interrogant quidem singulariter, non propter
verecundiam, sed quia de ineffabili et magna re erant eum interrogaturi. Sequitur dixit illis Iesus: propter incredulitatem vestram. Hilarius in Matth. Crediderant quidem
apostoli, nondum tamen erant perfectae fidei: nam domino in monte demorante,
et ipsis cum turbis residentibus, quidam tepor eorum fidem retardaverat. Chrysostomus in Matth. Unde manifestum est
hinc quoniam et discipuli in fide infirmati sunt, sed non omnes; columnae
enim illae non aderant, scilicet Petrus, Iacobus et Ioannes. Hieronymus. Hoc est autem quod in alio loco
dominus dicit: quaecumque in nomine meo petieritis, credentes accipietis.
Ergo quoties non accipimus, non praestantis est impossibilitas, sed
poscentium culpa. Chrysostomus in Matth. Sciendum tamen, quod
sicut multoties accedentis fides accipere sufficit effectum miraculi; ita
multoties facientium miracula sufficit virtus, etiam non credentibus illis
qui expetierint miracula operari: etenim qui circa Cornelium, ex propria fide
allexerunt gratiam spiritus sancti; ille autem mortuus qui proiectus est in
sepulchrum Elisei, sola virtute corporis sancti resuscitatus est. Contigit et
tunc discipulos infirmari in fide: imperfectius enim dispositi erant ante
crucem; et ideo fidem dicit hic esse causam signorum: unde subditur amen
quippe dico vobis: si habueritis fidem sicut granum sinapis, dicetis monti
huic: transi hinc, et transibit. Hieronymus. Putant aliqui fidem grano sinapis
comparatam parvam dici, cum apostolus dicat: etsi habuero tantam fidem ita ut
montes transferam. Magna est ergo fides quae grano sinapis comparatur. Gregorius Moralium. Granum quippe sinapis nisi
teratur, nequaquam virtus eius agnoscitur: sic si virum sanctum tritura
persecutionis opprimat, mox in fervorem virtutis vertitur quidquid in illo
antea despicabile infirmumque videbatur. Origenes in Matth. Vel ideo omnis fides grano
sinapis comparatur, quoniam contemnitur quidem fides ab hominibus, et modicum
aliquid et vile apparet; cum vero consecutum fuerit huiusmodi semen bonam
animam quasi terram, fit arbor magna. Sic autem magna est praedicta lunatici
infirmitas, et fortis ad curandum inter omnia mala, ut monti assimiletur, nec
expellatur nisi per omnem fidem eius qui passiones huiusmodi sanare voluerit.
Chrysostomus in Matth. Unde et de translatione
montium mentionem facit, et ultra procedit dicens et nihil impossibile erit
vobis. Rabanus. Sic enim fides mentem nostram capacem
donis caelestibus facit, ut quaecumque volumus, facillime a fideli domino
impetrare possimus. Chrysostomus in Matth. Si autem dixeris: ubi
apostoli montes transtulerunt? Illud dicam, quia multa maiora fecerunt,
mortuos plurimos suscitantes. Dicuntur autem post apostolos sancti quidam
apostolis minores, montes necessitate imminente transtulisse. Si autem
apostolorum tempore montes non sunt translati, hoc non fuit quia non
potuerunt sed quia noluerunt, utilitate non imminente. Nec dominus dixit quod
hoc essent facturi, sed quod hoc facere possent. Probabile tamen est factum
esse, sed scriptum non est; neque enim omnia miracula quae fecerunt, scripta
sunt. Hieronymus. Vel montis translatio non eius
significatur quem oculis carnis aspicimus, sed illius qui a domino translatus
fuerat ex lunatico, qui per prophetam corrumpere dicitur omnem terram. Glossa. Ut sit sensus: dicetis monti huic,
idest superbo Diabolo: transi hinc, idest ab obsesso corpore in altum maris,
idest in profundum Inferni, et transibit; et nihil impossibile erit vobis,
idest nulla incommoditas insanabilis. Augustinus de quaest. Evang. Vel aliter. Ne
discipuli in miraculis faciendis extollerentur in superbiam, admoniti sunt
potius per humilitatem fidei, quasi per sinapis granum, elationem terrenam,
quae montis nomine significata est, curare transferre. Rabanus. Dum autem docet apostolos quomodo
Daemon debeat expelli, omnes instituit ad vitam: ut scilicet noverimus
graviora quaecumque vel immundorum spirituum vel hominum tentamenta ieiuniis
et orationibus esse superanda, iram quoque domini hoc remedio singulari posse
placari; unde subdit hoc autem genus non eicitur nisi per orationem et
ieiunium. Chrysostomus in Matth. Quod dicit non solum de
genere lunaticorum, sed et de universo genere Daemonum. Ieiunium enim multam
sapientiam imponit, et hominem quasi Angelum de caelo constituit, et
incorporeas potestates impugnat. Sed et oratione opus est, quasi
principaliori. Qui enim orat ut oportet, et ieiunat, non multis indiget; et
ita non fit avarus, sed ad eleemosynam promptus est. Qui etiam ieiunat, levis
est, et vigilanter orat, et concupiscentias perniciosas extinguit, et
propitium Deum facit, et animam superbam humiliat. Qui ergo orat cum ieiunio,
duplices habet alas, etiam ipsis ventis leviores. Neque enim oscitat et
torpet orans (quod et multi patiuntur); sed est igne vehementior, et terra
fixior; ideoque talis maxime Daemoniis adversatur; nihil enim est homine
decenter orante potentius. Si autem infirmum est tibi corpus ad continue
ieiunandum, non tamen ad orandum; et si ieiunare non potes, potes tamen non
lascivire. Non parvum autem est hoc, neque multum a ieiunio distans. Origenes in Matth. Si ergo aliquando
oportuerit nos circa curationem tale aliquid patientium permanere, non
adiuremus, neque interrogemus, neque loquamur quasi audienti spiritui
immundo; sed abigamus ieiuniis et orationibus nostris spiritus malignos. Glossa. Vel hoc genus Daemonii, idest ista
carnalium voluptatum mutabilitas, non vincitur nisi spiritus oratione
confirmetur, et caro per ieiunium maceretur. Remigius. Vel ieiunium hic intelligitur
generale, quo non solum abstinemus a cibis, sed ab omnibus illecebris
carnalibus, et peccatorum passionibus. Similiter oratio intelligenda est
generalis, quae in piis et bonis operibus consistit: de qua dicit apostolus:
sine intermissione orate. |
Versets 18-20.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) Les Apôtres avaient reçu du Seigneur le pouvoir de chasser les
esprits immondes, et comme cependant ils n’avaient pu délivrer le démoniaque
qui leur avait été présenté, on peut supposer qu’ils se demandaient s’ils
avaient par hasard perdu le pouvoir qui leur avait été donné. C’est ce que
1’Évangéliste nous exprime en disant: « Alors les disciples vinrent
trouver Jésus, en particulier, et lui dirent : ‘Pourquoi
n’avons-nous pu chasser le démon ?’»
Ils l’interrogent en particulier, non par un sentiment de honte, mais
parce qu’ils avaient à lui demander l’explication d’une chose extraordinaire
et mystérieuse. Suite : « Jésus leur répondit:
A cause de votre incrédulité. » —
Saint Hilaire : Les Apôtres avaient la foi, sans
doute; mais elle était loin d’être parfaite; car pendant le séjour du
Seigneur sur la montagne, elle s’était bien affaiblie au contact de la foule,
au milieu de laquelle ils étaient restés. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) Il est donc évident, d’après ces
paroles, que quelques-uns des disciples, mais non pas tous, avaient faibli
dans la foi; car ceux qui étaient comme les colonnes (Ga 2, 9), c’est-à-dire Pierre, Jacques et Jean, n’étaient pas
alors avec eux. —
Saint Jérôme : C’est cette vérité que le Seigneur
leur rappelle dans un autre endroit (Jn
15): « Tout ce que vous demanderez en mon nom, vous le recevrez,
si vous avez la foi. » Donc toutes les fois que nous ne recevons
pas, ce n’est pas l’impuissance de celui qui accorde, mais la faute de ceux
qui demandent qui en est cause. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
57.) Il
faut cependant se rappeler que souvent la foi de celui qui prie suffit pour
obtenir le miracle qu’il demande, mais bien des fois aussi la puissance de
celui qui opère le miracle suffit également, lors même que ceux qui demandent
ce miracle n’ont pas la foi. Car si d’un côté ceux qui vinrent trouver Pierre
en faveur du centurion Corneille attirèrent sur lui la grâce de l’Esprit
saint par la foi personnelle; d’un autre côté, le mort qui fut jeté dans le
tombeau d’Elisée ressuscita par la vertu seule du corps du saint prophète. (4
R 13.) Or, il arriva que les
disciples faiblirent ici dans la foi, parce que leurs dispositions étaient
imparfaites avant la croix du Seigneur. C’est pour cela qu’il donne ici la
foi comme la cause des miracles: « Je vous le dis en vérité, si vous
aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne :
Transporte-toi d’ici, et elle se transporterait. » etc... —
Saint Jérôme : Il en est qui pensent que la foi qui
est ici comparée au grain de senevé, est petite; mais qu’ils écoutent l’
Apôtre s’écriant: « Quand j’aurais une foi si grande, que je pourrais
transporter les montagnes. » (1 Co
13.) C’est donc une grande chose que la foi que le Seigneur compare ici à
un grain de senevé. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral. 1, 2 ou 4, Pref.) Si le grain de sénevé n’est broyé, il ne fait point sentir
sa vertu; ainsi, c’est lorsque la persécution accable et broie pour ainsi
dire l’homme saint, que tout ce qui paraissait en lui de méprisable et
d’informe se change en vertu pleine de ferveur. — Origène : (Traité 4 sur S. Matth.) Ou bien encore, la foi est comparée au grain de
sénevé, parce que les hommes n’ont pour elle que du dédain et la regardent
comme une chose de peu d’importance et sans aucune valeur. Mais lorsque cette
semence trouve une âme bonne, comme une terre bien disposée, elle devient un
grand arbre. Or, la maladie de ce lunatique est si forte et si difficile à
guérir parmi toutes les autres, qu’elle est comparée ici à une montagne et
qu’elle ne peut être guérie que par toute la foi de celui qui entreprend de
guérir ce genre de mal. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) C’est pour cela que le Seigneur
la compare indirectement au transport d’une montagne, et qu’il va même au
delà en ajoutant: « Et rien ne vous sera impossible. » — Raban : Ainsi la foi rend
notre âme capable de recevoir tous les dons du Ciel et d’obtenir avec la plus
grande facilité tout ce que nous pouvons demander au Seigneur, fidèle dans
ses promesses. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
57.) Si vous me demandez: Quand donc les Apôtres
ont-ils transporté des montagnes ? je vous répondrai qu’ils ont opéré beaucoup
de prodiges bien plus grands en ressuscitant plusieurs fois des morts. Mais
l’histoire nous apprend qu’après les Apôtres, des saints qui leur étaient
inférieurs ont réellement transporté des montagnes dans des nécessités
pressantes. Si les Apôtres eux-mêmes n’ont pas fait de miracles de ce genre,
ce n’est point impuissance de leur part, mais parce qu’ils ne l’ont pas
voulu, n’y voyant aucune nécessité. Le Seigneur ne dit pas d’ailleurs qu’ils
feraient ce miracle, mais qu’ils pourraient le faire. Il est probable
cependant qu’ils ont opéré ce prodige, mais les Évangélistes ne nous en ont
point conservé le souvenir, car ils n’ont pas rapporté tous les miracles
faits par les Apôtres. —
Saint Jérôme : Ou bien encore, la montagne qu’il
s’agit ici de transporter n’est point une de ces montagnes qui peut être
aperçue des yeux du corps, mais cette montagne qui fut enlevée de l’âme du
lunatique et dont Jérémie a dit qu’elle corrompait toute la terre. (Jr 51, 25.) — La Glose : Voici donc le sens de ces paroles: Vous direz à cette montagne,
c’est-à-dire au démon plein d’orgueil: Transporte-toi d’ici, c’est-à-dire de
ce corps que tu obsèdes, dans les profondeurs de la mer, c’est-à-dire dans
les abîmes de l’enfer; et il s’y transportera, et rien ne vous sera
impossible, c’est-à-dire qu’il n’y aura point de maladie que vous ne puissiez
guérir. —
Saint Augustin : (De l’acc. des Ev., 1, 22.) Ou bien, dans un
autre sens, de peur que les Apôtres ne viennent à s’enorgueillir des miracles
qu’ils opéraient, Notre Seigneur les avertit de chercher plutôt à remplacer
la vanité naturelle à l’homme, figurée ici par une montagne élevée, par
l’humilité de la foi, qu’il compare à un grain de sénevé. — Raban : En
enseignant aux Apôtres ce qu’ils doivent faire pour chasser les démons, il
nous apprend à tous les règles de la vie spirituelle, c’est-à-dire que nous
pouvons surmonter les plus fortes tentations, qu’elles viennent des esprits
impurs ou des hommes, par la prière et par le jeûne, et que c’est encore un
des moyens les plus efficaces d’apaiser la colère de Dieu; c’est pour cela
qu’il ajoute: « Cette sorte de démon ne se chasse que par la prière
et par le jeûne. » —
Saint Jean Chrysostome : (homélie 57.) Le Seigneur ne parle pas ici
seulement de l’espèce des lunatiques, mais de tous les démons, quels qu’ils
soient; car le jeûne est une source abondante de sagesse; il rend l’homme
semblable à un ange descendu du ciel et le rend capable de combattre les
puissances invisibles. Mais la prière lui est encore plus nécessaire, car
celui qui joint le jeûne à une prière bien faite est affranchi de bien des
nécessités; il n’est plus esclave de l’avarice; au contraire, sa main se
répand facilement en aumônes. De même celui qui jeûne est beaucoup plus
dégagé, sa prière est plus attentive; il éteint dans son cœur les mauvais
désirs, se rend Dieu propice et humilie l’orgueil de son âme. Celui donc qui
sait unir la prière au jeûne a, pour ainsi dire deux ailes plus rapides que
les vents; il ne se laisse atteindre dans la prière ni par l’ennui, ni par la
tiédeur, défauts si communs dans un grand nombre; mais il est plus ardent que
le feu et plus élevé que la terre, et un tel homme est par dessus tout
redoutable au démon. Rien n’est plus fort que l’homme qui sait bien prier. Si
la faiblesse de votre tempérament ne vous permet pas de jeûner
continuellement, au moins vous permet-elle de prier, et si vous ne pouvez
jeûner, vous pouvez au moins ne pas vous livrer à la volupté. Or, c’est là un
acte de haute importance et qui égale presque le mérite du jeûne. — Origène : Si donc nous devons,
un jour entreprendre et poursuivre la guérison d’un mal semblable, n’adjurons
pas l’esprit impur, ne l’interrogeons pas, ne lui parlons pas comme s’il nous
entendait; mais chassons ces esprits malins par nos jeûnes et par nos
prières. — La Glose : Ou bien encore on
ne peut vaincre cette espèce de démon, c’est-à-dire cette inconstance des
voluptés charnelles, qu’en fortifiant son esprit par la prière et en macérant
son corps par les jeûnes. — Saint Rémi : Ou bien enfin, le jeûne doit s’entendre ici dans un sens plus étendu, non seulement de l’abstinence des aliments, mais du renoncement à toute volupté charnelle et à toutes les passions qui portent au péché; il faut entendre également la prière dans un sens général en tant qu’elle comprend les oeuvres de la piété et de la charité, prière que l’Apôtre recommande quand il dit: « Ne cessez point de prier. » |
Lectio 6 [85524] Catena in Mt.,
cap. 17 l. 6 Remigius. Saepe dominus
mysteria suae passionis discipulis praedixit, ut quando acciderent, tanto
levius ea ferrent quanto praecognita haberent: et ideo hic dicitur
conversantibus autem eis in Galilaea, dicit illis Iesus: filius hominis
tradendus est in manus hominum, et occident eum. Origenes in Matth. Videntur quidem haec illis
quae supra dixerat similia esse, ut facile quis dicat, dominum eadem ipsa
repetere; quod non est ita; tradendum enim superius non est dictum: hic autem
non solum tradendum, sed etiam in manus hominum tradendum audivimus. Traditum
igitur apostolus filium narrat a Deo patre; sed etiam contrariae potestates
eum in manus hominum tradiderunt. Hieronymus. Semper autem prosperis miscet
tristia: si enim contristat eos quia occidendus est, debet laetificare quod
subditur et die tertia resurget. Chrysostomus in Matth. Neque enim multum
tempus dixit quo in morte maneret; sed tertia die se dixit resurrecturum.
Origenes in Matth. Praedicente autem haec
domino, tristati sunt discipuli: unde sequitur et contristati sunt
vehementer, non attendentes ad illud quod dixerat et tertia die resurget, nec
considerantes quis esset cui ad destruendam mortem trium dierum tempus
sufficeret. Hieronymus. Porro quod contristabantur
vehementer, non de infidelitate venit: verum pro dilectione magistri, nihil
de eo sinistrum et humile patiuntur audire. |
Versets 21-22.
—
Saint Rémi : Notre Seigneur prédit souvent à ses
disciples les mystères de sa passion, afin que la connaissance plus grande
qu’il leur en donne par avance les aide à supporter plus facilement cette
épreuve lorsqu’elle sera arrivée; c’est pour cela que nous lisons ici: « Comme
ils étaient en Galilée, Jésus leur dit: Le Fils de l’homme doit être livré entre
les mains des hommes ; ils le feront mourir. » — Origène : Au premier abord,
ces paroles paraissent être les mêmes que celles qui ont été rapportées plus
haut, et on pourrait dire que le Seigneur répète les mêmes choses, mais il
n’en est pas ainsi; en effet, dans les paroles qui précèdent, il n’est pas
dit que le Fils de l’homme sera livré; ici, au contraire, nous voyons que non
seulement il sera livré, mais qu’il sera livré entre les mains des hommes.
L’Apôtre déclare que le Fils a été livré par Dieu le Père (Rm 8); mais il est également vrai
qu’il fut livré entre les mains des hommes par les puissances ennemies. —
Saint Jérôme : Notre Seigneur entremêle toujours des
pensées consolantes aux souvenirs affligeants; en effet, si la prédiction de
sa mort est de nature à les contrister, ce qu’il dit ensuite : « »Le
troisième jour il ressuscitera » doit les combler de joie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57.) Il leur prédit qu’il ne restera
pas longtemps dans le sein de la mort, mais qu’il ressuscitera le troisième
jour. — Origène : Cependant cette
prédiction du Seigneur les jette dans la tristesse, comme le remarque
l’Évangéliste: « Et ils furent profondément affligés. » Ils
ne firent point attention aux paroles suivantes: « Et il ressuscitera
le troisième jour », et ne réfléchirent point quel était celui qui
n’avait besoin que de trois jours pour triompher de la mort. — Saint Jérôme : Or, cette tristesse profonde qu’ils éprouvent ne vient pas de l’incrédulité, mais de l’amour qu’ils avaient pour leur Maître et qui ne leur permettait d’entendre rien qui lui fût contraire ou qui parût indigne de lui. |
Lectio 7 [85525] Catena in Mt.,
cap. 17 l. 7 Glossa. Quia discipuli audita
domini passione contristati erant, ne aliquis passionem Christi necessitati
ascriberet, non humilitati, subiungit factum, in quo Christi libertas et
humilitas demonstratur: unde dicitur et cum venissent Capharnaum, accesserunt
qui didrachma accipiebant ad Petrum, et dixerunt ei: magister vester non
solvit didrachma? Hilarius in Matth. Dominus didrachma
solvere postulatur, idest denarios: hoc enim omni Chrysostomus in Matth. Cum enim
primogenita Aegyptiorum interfecit Deus, tunc tribum levi pro eis accepit.
Deinde quia primogenitis qui erant apud Iudaeos, minor huius tribus numerus
erat, pro deficientibus in numerum, siclum iussit inferri, et ex tunc tenuit
consuetudo ut primogenita vectigal hoc inferrent. Quia igitur primogenitus
erat Christus, videbatur autem discipulorum primus esse Petrus, ad eum
accedunt. Et, ut mihi videtur, non in unaquaque civitate hoc expetebant:
ideoque in Capharnaum adeunt Christum, quia eius patria existimabatur. Hieronymus. Vel aliter. Post Augustum Caesarem
Iudaea facta est tributaria, omnes censi capite ferebantur: unde et Ioseph
cum Maria cognata sua professus est in Bethlehem. Rursus, quoniam dominus
nutritus erat in Nazareth, quod est oppidum Galilaeae subiacens Capharnaum
urbi, ibi deposcitur tributum; et pro signorum magnitudine hi qui exigebant,
non audebant ipsum repetere, sed discipulum conveniunt. Chrysostomus in Matth. Et neque hunc cum multa
vehementia, sed mansuetius: neque enim incusantes, sed interrogantes dixerunt
magister vester non solvit didrachma? Hieronymus. Sive malitiose interrogant utrum
reddat tributa, an contradicat Caesaris voluntati. Chrysostomus in Matth. Quid igitur Petrus?
Ait: etiam. Et his quidem dixit quoniam solvit; Christo autem non dixit,
erubescens fortassis pro his ei loqui. Glossa. Vel aliter. Et Petrus respondit etiam;
idest, ita est quod non solvit. Voluit autem Petrus domino intimare, quod
Herodiani peterent censum; sed dominus praevenit eum: unde sequitur et cum
intrasset in domum, praevenit eum Iesus, dicens: reges terrae a quibus
recipiunt tributum vel censum, idest redditum de capite, a filiis suis, an ab
alienis? Hieronymus. Ante quidem quam Petrus suggerat,
dominus interrogat, ne scandalizentur discipuli ad postulationem tributi, cum
videant eum nosse quae absente se gesta sunt. Sequitur at ille dixit: ab alienis. Dixit illi
Iesus: ergo liberi sunt filii. Origenes in Matth. Sermo iste duplicem habet
sensum. Secundum unum enim filii regum terrae liberi sunt apud reges terrae;
extranei autem extra terram liberi non sunt propter eos qui deprimunt eos, sicut
Aegyptii filios Israel. Secundum alterum autem, propter hoc ipsum quod aliqui
sunt alieni a filiis regum terrae, sed sunt filii Dei; liberi sunt qui manent
in verbis Iesu, et cognoverunt veritatem, et veritas liberavit eos a
servitute peccati. Filii autem regum terrae liberi non sunt; quoniam qui
facit peccatum, servus est peccati. Hieronymus. Dominus autem noster et secundum
carnem et secundum spiritum filius erat regis; vel ex David stirpe generatus,
vel omnipotentis patris verbum; ergo tributa quasi filius regis non debebat.
Augustinus de quaest. Evang. Dicit enim in
omni regno liberos esse filios, idest non esse vectigabiles. Multo ergo magis
liberi esse debent in quolibet regno terreno filii regni ipsius, sub quo sunt
omnia regna terrena. Chrysostomus in Matth. Si autem non erat
filius, inaniter hoc exemplum induxit. Sed dicet aliquis: filius est, sed non
proprius; est ergo alienus; et si hoc exemplum non habet veritatem: ipse enim
de propriis filiis disputat, ad quorum differentiam alienos vocat qui non ex
parentibus substantialiter nati sunt. Intende autem qualiter et hinc Christus
certificat eam cognitionem quae Petro revelata est a Deo, per quam dixit: tu
es Christus filius Dei vivi. Hieronymus. Quamvis ergo liber esset, quia
tamen humilitatem carnis assumpserat, debuit omnem iustitiam adimplere: unde
sequitur ut autem non scandalizemus eos, vade ad mare. Origenes in Matth. Consequens quoque est
intelligere quoniam quoties exurgunt quidam qui per iustitiam tollant nostra
terrena, reges huius terrae eos transmittunt, ut exigant a nobis quae sunt
ipsorum; et suo exemplo prohibet dominus aliquod scandalum fieri etiam
huiusmodi hominibus, sive ne amplius peccent, sive ut salventur. Filius enim
Dei, qui nullum opus fecit servile, quasi habens formam servi quam propter
hominem suscepit, tributum et censum dedit. Hieronymus. Quid primum in hoc loco mirer
nescio: utrum praescientiam, an magnitudinem salvatoris: praescientiam, quod
noverat habere piscem in ore staterem, et quod primus ipse capiendus esset;
magnitudinem atque virtutem, si ad eius verbum stater in ore piscis creatus
est; et quod futurum erat, ipse loquendo fecerit. Ipse ergo Christus propter
eximiam caritatem, et crucem sustinuit, et tributa reddidit: nos infelices
qui Christi censemur nomine, et nihil tanta dignum facimus maiestate: pro
illius honore et tributa non reddimus, et quasi filii regis a vectigalibus
immunes sumus. Hoc etiam simpliciter intellectum aedificat auditorem, dum
audit dominum tantae fuisse paupertatis ut unde tributa pro se et apostolo
redderet, non habuerit. Quod si quis obicere voluerit, quomodo Iudas in
loculis portabat pecuniam, respondebimus: rem pauperum in usus suos
convertere nefas putavit, nobisque idem tribuit exemplum. Chrysostomus in Matth. Vel ideo non ex
repositis iubet dare, ut ostendat quod maris et piscium dominetur. Origenes in Matth. Vel quoniam Iesus non
habuit imaginem Caesaris (princeps enim huius saeculi nihil habebat in eo),
propterea non ex proprio sed ex mari imaginem Caesaris accepit. Non autem
suscepit ipse staterem, neque fecit eum sibi possessionem, ne sit aliquando
imago Caesaris apud imaginem invisibilis Dei. Vide etiam Christi prudentiam:
qualiter nec retinuit tributum, nec simpliciter iubet dari; sed prius ostendit
se non esse obnoxium, et tunc dat: quorum unum fecit, scilicet dare tributum,
ut illi, scilicet exactores, non scandalizentur; hoc autem, scilicet ut
ostendat se liberum, ut non scandalizentur discipuli. Alio vero loco
contemnit Pharisaeorum scandalum, quando de escis disputabant; docens nos
scire tempora secundum quae oportet non contemnere eos qui scandalizantur, et
secundum quae oportet contemnere. Gregorius super Ezech. Considerandum enim est
quia inquantum sine peccato possumus, vitare proximorum scandalum debemus. Si
autem de veritate scandalum sumitur, utilius permittitur nasci scandalum,
quam veritas relinquatur. Chrysostomus in Matth. Sicut autem stupescis
de Christi virtute, ita admirare Petri fidem, quoniam rei tam difficili
obedivit. Ideoque de fide eum remunerans, copulavit eum sibi in tributi
datione; quod fuit abundantis honoris: et hoc est quod dicitur invenies
staterem: illum sumens da eis pro me et te. Glossa. Consuetudo enim erat ut unusquisque
pro se didrachma redderet. Stater vero est pondus duorum didrachmatum.
Origenes in Matth. Mystice autem in agro consolationis (sic enim
interpretatur Capharnaum) consolatur omnem discipulum, et liberum filium esse
pronuntiat, et dat ei virtutem piscandi primum piscem, ut ascendente eo,
consolationem accipiat Petrus super eum quem piscatus est. Hilarius in Matth. Cum autem primum piscem
admonetur Petrus inquirere, ascensuri ostenduntur et plures. Beatus ille
primus martyr Stephanus, primus ascendit, et staterem in ore continuit; in
quo didrachma novae praedicationis tamquam duo denarii habebantur: Dei enim
gloriam et dominum Christum in passione contuens praedicabat. Hieronymus. Vel iste piscis primus captus, est
primus Adam, qui per secundum Adam liberatur: et id quod in ore eius, hoc est
in confessione, fuit inventum, pro Petro et domino redditur. Origenes. Cum etiam videris avarum hominem ab
aliquo Petro correctum, quod abstulit de ore eius verbum pecuniae; dices eum
ascendisse de mari, idest de fluctibus sollicitudinum avaritiae, ad hamum
rationalem; et comprehensum atque salvatum ab aliquo Petro, qui eum docuit
veritatem, ut pro statere habeat imaginem Dei, idest eloquia eius. Hieronymus. Et pulchre illud ipsum quidem
datur pretium; sed divisum est: quia pro Petro quasi pro peccatore pretium
reddebatur; dominus autem noster peccatum non fecit. Ostenditur autem
similitudo carnis, dum eodem et dominus et servus pretio liberantur. |
Versets 23-26.
— La Glose : Comme les disciples avaient été attristés en entendant parler des souffrances du Seigneur, afin que personne n’attribuât sa passion à la nécessité plutôt qu’à son humilité, l’Évangéliste rapporte un fait qui démontre à la fois la liberté et l’humilité de Jésus-Christ: « Et étant venu à Capharnaüm, ceux qui recevaient le tribut de deux drachmes s’approchèrent de Pierre et lui dirent : ‘Votre maître ne paie-t-il pas les didrachmes ? » —
Saint Hilaire : On vient demander au Seigneur de
payer l’impôt de deux drachmes, c’est-à-dire de deux deniers. La loi
commandait à tous les Israélites, pour le rachat de leur corps et de leur
âme, cet impôt destiné à l’entretien des ministres du temple. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58.) Lorsque le Seigneur immola les
premiers-nés des Égyptiens, il prit la tribu de Lévi en souvenir de cet
événement. Mais comme le nombre des premiers-nés des Juifs était plus
considérable que le nombre des membres de la tribu de Lévi, il ordonna de
payer un sicle pour le prix de ceux qui dépassaient ce nombre; et de là vint
la coutume de payer cet impôt pour les premiers-nés. Or, comme Jésus-Christ
était premier-né et que Pierre paraissait être le premier des disciples, ils
s’adressent à lui. Je ne crois pas du reste qu’ils demandaient ce tribut dans
toutes les villes, et s’ils viennent trouver Jésus à Capharnaüm, c’est qu’ils
pensaient que c’était sa patrie. —
Saint Jérôme : Ou bien encore on peut dire qu’après
César-Auguste, la Judée étant devenue tributaire, l’impôt personnel
atteignait tous les individus; c’est pour cela que Joseph et Marie, qui
étaient de la même tribu, partirent pour Bethléem, [afin de s’y faire
inscrire]. Mais comme Notre Seigneur avait été élevé à Nazareth, qui est un
bourg de la Galilée, voisin de Capharnaüm, on lui demande de payer le tribut
dans cet endroit; ceux qui percevaient cet impôt, n’osant pas le demander à
Jésus-Christ lui-même, intimidés qu’ils étaient par la grandeur de ses
miracles, ils s’adressent à son disciple. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58.) Ils l’interrogent sans arrogance,
mais avec douceur et sans formuler d’accusation. C’est une simple question
qu’ils lui posent: « Votre maître
ne paie-t-il pas le tribut des deux drachmes ? » —
Saint Jérôme : Ou bien ils l’interrogent avec malice
pour savoir s’il paie les impôts et s’il n’est pas en opposition avec les
ordres de César. — Saint Jean Chrysostome : (hom
58.) Or,
quelle est la réponse de Pierre ? « Et
il leur répondit: Oui. » C’est à eux que s’adresse sa réponse et non
pas à Jésus-Christ, car il rougissait probablement d’avoir à lui parler de
choses semblables. — La Glose : Ou bien dans un
autre sens, Pierre répond oui, c’est-à-dire: il est vrai qu’il ne le paie
pas. Pierre voulait faire connaître indirectement au Seigneur que les
hérodiens exigeaient cet impôt; mais le Seigneur va au devant: « Et lorsqu’il fut entré dans la
maison, il le prévint, disant : De qui les rois de la terre
perçoivent-ils taxes ou impôt ? De leurs fils ou des étrangers ? » —
Saint Jérôme : Avant même que Pierre lui ait fait
part de cette question, Notre Seigneur l’interroge, afin que ses disciples ne
soient pas scandalisés de ce qu’on lui demande de payer l’impôt, en voyant
qu’il sait parfaitement ce qui s’est passé en son absence. Suite : « Et il répondit: Des étrangers; Jésus lui dit: Donc les enfants
en sont exempts. » — Origène : Cette réponse peut s’entendre de deux manières différentes. Dans le
premier sens, les fils des rois de la terre sont libres et exempts chez les
rois de la terre et les étrangers qui habitent au delà des frontières sont
libres aussi; mais ceux qui les oppriment comme les Égyptiens opprimaient les
enfants d’Israël, les rendent esclaves. Dans le second sens, bien que
quelques-uns soient étrangers aux fils des rois de la terre, par cela même
qu’ils sont les enfants de Dieu, ils sont libres; ce sont ceux qui persévèrent
dans les enseignements de Jésus, qui ont connu la vérité et que la vérité a
délivrés de la servitude du péché. Au contraire, dans ce sens, les fils des
rois de la terre ne sont pas libres, car quiconque commet le péché est
esclave du péché. (Jn 8.) — Saint
Jérôme : Quant à Notre Seigneur, il était fils de
roi et selon la chair et selon l’esprit, étant tout à la fois sorti de la
souche de David, et le Verbe du Père tout-puissant; donc, comme fils de roi,
il ne devait pas les impôts. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 23.) Le Seigneur dit que
dans tout royaume les enfants sont libres, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas
soumis à l’impôt; donc à plus juste titre, les fils de ce roi de qui relèvent
tous les royaumes doivent être libres de l’impôt dans tous les royaumes de la
terre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58.) Or, s’il n’était pas le fils, ce
langage serait sans raison. On me dira peut-être: Il est le fils, mais non
pas le propre fils; il est donc étranger, et ainsi cet exemple n’a aucune
force. Je réponds que le Seigneur parle ici des fils proprement dits, par
opposition aux étrangers qui ne sont pas nés de la substance même des
parents. Or, voyez comme Jésus-Christ confirme ici la vérité que le Père
céleste avait révélée à Pierre et qui lui avait dicté ces paroles: « Vous êtes le Christ, le Fils du
Dieu vivant. » —
Saint Jérôme : Cependant, quoiqu’il fût libre, comme
il avait pris toutes les humiliations de notre nature, il dut accomplir toute
justice. Il ajoute donc: « Mais,
afin que nous ne les scandalisions pas, va à la mer. » — Origène : Comme conséquence
naturelle de ces paroles, nous devons comprendre que toutes les fois que des
hommes se présentent pour nous prendre les biens de la terre au nom de la
justice, ce sont les rois de la terre qui leur transmettent l’ordre d’exiger
de nous ce qui leur appartient, et le Seigneur nous défend par son exemple de
donner aucun scandale à ceux qui sont chargés de cette mission, ou pour ne
pas les exposer à de plus grandes fautes, ou pour les amener au salut. C’est
ainsi que le Fils de Dieu, qui ne fit jamais aucune oeuvre servile, paya
cependant l’impôt et la capitation, parce qu’il avait revêtu la forme
d’esclave par amour pour les hommes. —
Saint Jérôme : Je ne sais ce que je dois en premier
lieu admirer ici, ou la prescience ou la puissance du Sauveur: la prescience,
qui lui fit connaître qu’un poisson avait une pièce de monnaie dans la bouche
et que ce poisson devait être le premier pris; sa puissance, si une seule
parole a suffi pour créer cette pièce de monnaie dans la bouche d’un poisson
et s’il a été ainsi l’auteur, par sa parole, de ce qui devait arriver.
Jésus-Christ, dans son excessive charité, a donc souffert la mort de la croix
et payé les impôts, et nous, malheureux que nous sommes, qui portons le nom
du Christ et qui n’avons jamais rien fait de digne d’une si grande majesté,
nous sommes affranchis du tribut par honneur pour lui, et exempts d’impôts
comme les fils des rois. Ces paroles, comprises dans leur sens le plus
simple, sont encore un sujet d’édification pour ceux qui les entendent et qui
apprennent ainsi que Notre Seigneur fut si pauvre, qu’il n’avait pas de quoi
payer l’impôt pour lui et pour son disciple. On nous objectera peut-être:
Mais alors comment Judas pouvait-il porter de l’argent dans une bourse ?
Nous répondons que Jésus regarda comme un crime d’appliquer à son usage
l’argent destiné aux pauvres et qu’il nous a donné cet exemple à imiter. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien il ne veut pas
qu’on prenne de l’argent qui est en réserve pour montrer que son empire
s’étend sur la mer et sur les poissons qui l’habitent. — Origène : Ou bien, comme Jésus
ne portait pas de pièce de monnaie à l’effigie de César, parce que le prince
de ce monde n’avait aucun droit sur lui, il prit une pièce de monnaie à
l’image de César non dans ce qui pouvait lui appartenir, mais dans le sein de
la mer; et encore il n’alla pas la chercher lui-même et n’en fit pas sa
propriété, afin qu’on ne pût trouver l’effigie de César auprès de l’image du
Dieu invisible. Voyez quelle prudence dans la conduite de Jésus-Christ: il ne
refuse pas le tribut, il ne veut pas non plus qu’on le paie de la manière
ordinaire; mais il fait d’abord remarquer qu’il n’y est pas soumis, et c’est
alors seulement qu’il le paie. Ainsi, d’un côté il commande de payer l’impôt
pour ne pas scandaliser ceux qui sont chargés de le percevoir, et il montre,
de l’autre, qu’il n’y est pas soumis pour ne pas scandaliser ses disciples.
Dans une autre circonstance, nous le voyons mépriser le scandale que pouvaient
prendre les pharisiens de sa doctrine sur les aliments, et il nous enseigne
par là à discerner les circonstances où il faut ne faire aucune attention à
ceux qui se scandalisent et celles où il faut en tenir compte. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 7 sur Ezech.) Remarquons, en effet,
que nous devons, autant que nous le pouvons sans péché, éviter de scandaliser
le prochain; mais si c’est la vérité même qui donne lieu au scandale, il vaut
mieux le permettre que de sacrifier la vérité —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58.) La puissance du Christ vous
paraît ici admirable; mais admirez également la foi de Pierre, qui obéit dans
une chose aussi difficile. Aussi Notre Seigneur, voulant récompenser sa foi,
daigne se l’associer dans le paiement de l’impôt, ce qui fut pour Pierre un
témoignage insigne d’honneur. « Ouvrez
la bouche de ce poisson, lui dit-il; vous y trouverez une pièce d’argent de
quatre drachmes; donnez-la pour vous et pour moi. » — La Glose : C’était la coutume
que chacun payât pour soi un didrachme, et le statère valait deux drachmes. — Origène : Dans le sens figuré,
Notre Seigneur, dans le champ de la consolation (car c’est ce que signifie le
mot Capharnaüm), console tous ses disciples, les déclare des enfants libres
et leur donne le pouvoir de pêcher ce premier poisson dans lequel Pierre
trouve sa consolation, comme dans le fruit de sa pêche. —
Saint Hilaire : En commandant à Pierre d’aller
pêcher le premier poisson, le Seigneur nous déclare que d’autres viendront à
la suite, et plus nombreux. Le bienheureux Etienne, le premier des martyrs,
est le premier tiré de l’eau, et il a dans la bouche le didrachme de la
prédication nouvelle, de la valeur de deux deniers, car il prêchait en
contemplant dans son martyre la gloire de Dieu et Notre Seigneur Jésus-Christ. —
Saint Jérôme : Ou bien le premier poisson qui est
tiré de l’eau, c’est le premier Adam qui est délivré par le second Adam; et
ce qui est trouvé dans sa bouche, c’est-à-dire dans sa confession, est donné
à la fois pour Pierre et pour le Seigneur. — Origène : Lorsque vous verrez
un avare corrigé par quelque nouveau Pierre qui lui aura retiré de la bouche
le langage des intérêts de la terre; vous pourrez dire qu’il a été tiré à
l’aide du hameçon de la raison du sein de la mer, c’est-à-dire des flots des
sollicitudes de l’avarice, et qu’il a été pris et sauvé par ce nouveau Pierre
qui lui a enseigné la vérité, et lui a donné à la place des deux drachmes
l’image de Dieu, c’est-à-dire sa parole. —
Saint Jérôme : Il est remarquable que c’est la même
somme qui est payée, mais dans un sens différent; car pour Pierre elle est
payée comme pour un pécheur. Notre Seigneur, au contraire, n’a commis aucun
péché. Cependant, comme preuve qu’il avait une chair semblable à la nôtre, la
même somme est payée pour le Seigneur et pour le serviteur. |
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Caput 18 |
CHAPITRE 18 —
[Instruction des disciples]
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Lectio 1 [85526] Catena in Mt., cap. Chrysostomus in Matth. Unde passi sunt aliquid
humanum; quod Evangelista designat dicens in illa hora accesserunt discipuli
ad Iesum dicentes: quis, putas, maior est in regno caelorum? Verecundati
siquidem passionem confiteri quam passi sunt, non dicunt manifeste: Petrum
cur praehonorasti nobis? Sed indeterminate interrogant quis maior est? Quando
autem tres praehonoratos viderunt, scilicet Petrum, Iacobum et Ioannem in
transfiguratione, nihil tale passi sunt; quando vero in unum solum contulit
honorem, tunc doluerunt. Tu autem considera primum quidem quod nihil eorum
quae sunt in terris, quaerunt; deinde quod postea hanc passionem deposuerunt.
Nos autem neque ad defectus eorum contingere possumus: neque enim quaerimus quis
maior est in regno caelorum? Sed: quis maior est in regno terrae? Origenes in Matth. In his autem imitatores
discipulorum esse debemus, si quando aliquid in nobis dubium quaeritur et non
invenitur, ut cum omni consensu accedamus ad Iesum, qui potens est illuminare
corda hominum ad intelligendum solutionem omnium quaestionum. Interrogemus
etiam aliquem doctorum, qui praepositi habentur in Ecclesiis. Sciebant autem
discipuli hoc interrogantes, quia non est aequalitas sanctorum in regno
caelesti; sed quomodo maior, et qualiter vivens minimus, hoc discere
cupiebant. Vel sciebant quis esset minimus et quis magnus, ex eo quod supra
dominus dixerat; sed ex multis magnis quis esset maior; hoc eis non erat
manifestum. Hieronymus. Videns autem Iesus cogitationes
eorum, voluit desiderium gloriae humilitatis contentione sanare: unde
sequitur et advocans Iesus parvulum, statuit eum in medio eorum. Chrysostomus in Matth. Mihi videtur
valde parvulum in medio statuere, omnibus passionibus exutum. Hieronymus. Ut in eo et aetatem quaereret, et
similitudinem innocentiae demonstraret. Vel certe parvulum statuit in medio
eorum seipsum, qui non venerat ministrari, sed ministrare, ut eis humilitatis
tribueret exemplum. Alii parvulum interpretantur spiritum sanctum, quem
posuerit in cordibus discipulorum, ut superbiam in humilitatem mutaret.
Sequitur et dixit: amen dico vobis: nisi conversi fueritis, et efficiamini
sicut parvuli, non intrabitis in regnum caelorum. Non praecipit apostolis ut
aetatem habeant parvulorum, sed innocentiam; et quod illi per annos
possident, hi possideant per industriam; ut malitia non sapientia parvuli
sint; ac si dicat: sicut iste parvulus, cuius vobis exemplum tribuo, non
perseverat in iracundia, laesus non meminit, videns pulchram mulierem, non
delectatur, non aliud cogitat et aliud loquitur; sic et vos, nisi talem
habueritis innocentiam et animi puritatem, in regnum caelorum non poteritis
intrare. Hilarius in Matth. Pueros etiam credentes
omnes per audientiae fidem nuncupavit: hi enim patrem sequuntur, matrem
amant, velle malum nesciunt, curam operum negligunt, non insolescunt, non
oderunt, non mentiuntur, dictis credunt, et quod audiunt, verum habent.
Littera ergo sic legitur. Glossa. Nisi conversi fueritis ab hac elatione
et indignatione, in qua modo estis, et efficiamini omnes ita innocentes et
humiles per virtutem sicut parvuli sunt per aetatem, non intrabitis in regnum
caelorum; et quandoquidem aliter non intratur; quicumque ergo humiliaverit se
sicut parvulus iste, hic maior est in regno caelorum: quanto enim quis erit
humilior, tanto maior efficitur in regno caelorum. Remigius. Idest, in cognitione gratiae, vel ecclesiastica
dignitate, vel certe in aeterna beatitudine. Hieronymus. Vel aliter. Quicumque humiliaverit
se sicut parvulus iste, idest qui se in exemplum mei humiliaverit, hic
intrabit in regnum caelorum. Sequitur et qui susceperit unum parvulum talem in
nomine meo, me suscipit. Chrysostomus in Matth. Ac si dicat:
non solum si tales efficiamini, mercedem accipitis, sed et si alios tales
propter me honorabitis; et honoris qui est ad illos retributionem vobis
determino regnum. Magis autem quod multo maius est ponit, dicens me suscipit.
Hieronymus. Qui enim talis fuerit ut Christi
imitetur humilitatem et innocentiam, in eo Christus suscipitur: et prudenter,
ne cum delatum fuerit apostolis, se putent honoratos, adiecit, non suo illos
merito, sed magistri honore suscipiendos. Chrysostomus in Matth. Deinde facile
susceptibilem hunc sermonem facit, poenam inducens: unde sequitur qui autem
scandalizat unum de pusillis istis, etc...; ac si diceret: sicut qui hos
honorant propter me, mercedem habent, ita et qui hos dehonorant, ultimam
sustinebunt vindictam. Si autem convicium scandalum vocat, ne mireris, multi
enim pusillanimes ex eo quod despiciuntur, scandalizati sunt. Hieronymus. Nota, quod qui scandalizatur,
parvulus est: maiores enim scandala non recipiunt. Et quamquam generalis
possit esse sententia adversus omnes qui aliquem scandalizant, tamen, iuxta consequentiam
sermonis, etiam contra apostolos dictum intelligi potest; qui interrogando
quis maior esset in regno caelorum, videbantur inter se de dignitate
contendere: et si in hoc vitio permansissent, poterant eos quod ad fidem
vocabant, per suum scandalum perdere, dum apostolos viderent inter se de
honore pugnare. Origenes in Matth. Quomodo autem qui conversus
est, et factus quasi puer et minimus, est et potens scandalizari? Hoc sic
possumus explanare. Omnis qui filio Dei credit, et conversatur secundum
evangelicos actus, conversus ambulat quasi puer; qui autem non convertitur ut
fiat sicut puer, hunc impossibile est intrare in regnum caelorum. In omni
autem credentium multitudine sunt quidam nuper conversi ut fiant sicut
parvuli, nondum autem sunt facti; hi pusilli habentur in Christo, et sunt
scandali receptores. Hieronymus. Quod autem dicitur expedit ei ut
suspendatur mola asinaria in collo eius, secundum ritum provinciae loquitur,
quo maiorum criminum ista apud veteres Iudaeos poena fuerat, ut in profundum
ligato saxo demergeretur. Expedit autem ei: quia
multo melius est pro culpa brevem recipere poenam, quam aeternis servari
cruciatibus. Chrysostomus in Matth. Consequens autem
erat prioribus dicere: me non suscipit, quod erat omni poena amarius; sed
quia crassi erant, et praedicta poena eos non movebat, comparatione exempli
cogniti manifestat praeparatam poenam; propter hoc enim dicit quod expedit ei
hoc sustinere, quoniam eos alia gravior poena expectat. Hilarius in Matth. Mystice autem molae
opus labor est caecitatis: nam clausis iumentorum oculis aguntur in gyrum; et
sub asini quidem nomine frequenter gentes cognominatas reperimus, qui caeci
laboris ignorantia continentur. Iudaeis autem scientiae
iter in lege praestitum est; qui si Christi apostolos scandalizaverint,
rectius, alligata collo mola asinaria, demersi in mari fuissent, idest
gentium labore depressi ignorantia saeculi demonstrarentur: quia illis
tolerabilius fuerat nescisse Christum, quam prophetarum dominum non recepisse. Gregorius Moralium. Vel aliter. Quid per
mare nisi saeculum, quid per molam asinariam nisi actio terrena significatur?
Quae cum colla mentis per stulta desideria stringit, hanc in laboris
circuitum mittit. Sunt utique nonnulli qui dum terrenas
actiones deserunt, et ad contemplationis studia humilitate postposita ultra
intelligentiae vires surgunt, non solum se in errorem deiciunt, sed infirmos
quosque de gremio veritatis dividunt. Qui ergo unum de minimis meis
scandalizat, melius ei fuerat, ligata collo mola asinaria, in mare proici:
quia nimirum perversae menti expedientius esse potuisset ut occupata mundo
terrena negotia ageret, quam per contemplationis studia ad multorum perniciem
vacaret. Augustinus de quaest. Evang. Vel aliter. Qui
scandalizaverit unum ex pusillis istis, idest ex humilibus, quales vult esse
discipulos suos, non obtemperando, vel etiam contradicendo, expedit ei ut
mola asinaria suspendatur in collo eius, et praecipitetur in profundum maris,
idest congruit ei ut cupiditas rerum temporalium, cui stulti et caeci
alligantur, eum devinctum pondere suo deducat ad interitum. |
Versets 1-6.
—
Saint Jérôme : Les disciples, voyant que le même
impôt avait été payé également pour Pierre et pour le Seigneur, en conclurent
que Pierre était placé au-dessus de tous les autres Apôtres. —
Saint Jean Chrysostome : (homélie 58.) Cette pensée leur inspira un
sentiment tout humain, que l’Évangéliste nous exprime en ces termes: « En
ce même temps, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent: Qui
pensez-vous qui soit le plus grand dans le royaume des cieux ? » Ils rougissent d’avouer le sentiment
de jalousie qui les domine; ils ne demandent pas ouvertement: Pourquoi
avez-vous honoré Pierre plus que nous ? mais ils lui font cette question
en général: « Quel est le plus grand ? » Lorsqu’ils avaient vu ces marques
d’honneur accordées à trois d’entre eux dans la transfiguration, ils
n’éprouvèrent rien de semblable; mais ils furent péniblement affectés quand
cet honneur sembla se concentrer sur un seul. Remarquez cependant d’abord qu’ils
ne demandent rien des choses de la terre et qu’ils étouffèrent ensuite ce
sentiment de jalousie, tandis que pour nous, nous ne pouvons même nous élever
jusqu’à leurs défauts, car nous ne cherchons pas à savoir quel est le plus
grand dans le royaume des cieux, mais quel est plus grand dans les royaumes
de la terre. — Origène : (Traité 5 sur S. Matth.) Nous
devons imiter la conduite des disciples toutes les fois qu’il s’élève en nous
quelques doutes que nous ne pouvons résoudre. Il nous faut venir d’un commun
accord trouver Jésus, qui a la puissance d’éclairer le cœur des hommes et de
leur faire comprendre la solution de toutes les difficultés; interrogeons
aussi un des docteurs qui sont à la tête des églises. Les disciples, en
faisant cette question, savaient bien que les saints ne sont pas égaux dans
le royaume du ciel, mais ils désiraient apprendre par quel moyen on parvenait
à être le plus grand et comment on arrivait à être le plus petit. Ou bien
encore, d’après ce que Notre Seigneur leur avait dit précédemment, ils
savaient quel était le plus petit et quel était le plus grand; mais ils ne
voyaient pas clairement quel était le premier dans le nombre de ceux qui
passaient pour grands. —
Saint Jérôme : Jésus, voyant leurs pensées, voulut
guérir ce désir de vaine gloire en leur proposant un combat tout d’humilité: « Et
ayant appelé un petit enfant, il le plaça au milieu d’eux. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58.) Rien de plus sage que la conduite
de Notre Seigneur plaçant au milieu d’eux un tout petit enfant, exempt de
toute passion. —
Saint Jérôme : Il veut ainsi montrer réunis en lui
l’âge et le symbole de l’innocence. Ou bien c’est lui-même qu’il place au
milieu d’eux comme un petit enfant, lui qui n’était pas venu pour être servi,
mais pour servir, afin de leur donner un exemple frappant d’humilité.
D’autres entendent par ce petit enfant l’Esprit saint, que Jésus plaça dans
le cœur de ses disciples pour changer leur orgueil en humilité. « Et
il leur dit: Je vous dis en vérité que si vous ne vous convertissez et si
vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le
royaume des cieux.» Il ne fait pas un précepte à ses disciples de
reprendre l’âge des enfants, mais d’avoir leur innocence et d’atteindre par
leurs efforts à ce que les enfants possèdent par le privilège de leur âge,
c’est-à-dire d’être petits en malice et non en sagesse (1 Co 14). Voici le sens de ces paroles:
Voyez cet enfant dont je vous propose l’exemple: il ne persévère pas dans sa
colère, il oublie les injures, il ne met pas son plaisir dans la vue d’une
belle femme, il ne parle pas autrement qu’il ne pense. Or, à moins d’avoir
cette innocence et cette pureté d’âme, vous ne pourrez entrer dans le royaume
des cieux. — Saint Hilaire : (can. 14 sur S. Matth.) Ces
enfants sont aussi tous les croyants, à cause de leur obéissance à la foi,
car ils se font gloire de suivre leur père, d’aimer leur mère; ils ignorent
ce que c’est que de vouloir le mal; ils négligent les soucis des affaires, n’ont
ni arrogance, ni haine, ni habitude du mensonge; ils croient à ce qu’on leur
dit et tiennent pour vrai ce qu’ils entendent. Tel est aussi le sens littéral
de ces paroles. — La Glose : (interlin.). Si vous ne
dépouillez ces sentiments d’orgueil et de secrète irritation qui vous
dominent actuellement, pour devenir tous innocents et humbles par vertu,
comme les enfants le sont par leur âge, vous n’entrerez pas dans le royaume
des cieux, car on n’y entre pas à d’autres conditions. Quiconque donc s’humiliera
comme cet enfant, celui-là sera le plus grand dans le royaume des cieux; car
plus on s’humiliera, plus aussi on deviendra grand dans le royaume des cieux. —
Saint Rémi : C’est-à-dire dans la connaissance de la
grâce, ou bien dans la hiérarchie ecclésiastique, ou certainement dans
l’éternelle félicité. — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] Ou
bien encore, quiconque s’humiliera comme cet enfant, c’est-à-dire celui qui
s’humiliera à mon exemple, celui-là entrera dans le royaume des cieux. « Et quiconque reçoit en mon nom un
enfant tel que celui que je viens de dire, c’est moi qu’il reçoit. » Paroles dont voici le sens: Ce n’est pas seulement en devenant
semblables à cet enfant, mais encore en honorant à cause de moi ceux qui leur
ressemblent, que vous aurez droit à la récompense, et je vous assigne comme
récompense de l’honneur que vous leur aurez témoigné, le royaume des cieux.
Mais une récompense bien supérieure encore, c’est ce qui suit: « C’est
moi qu’il reçoit. » —
Saint Jérôme : Car c’est Jésus-Christ que l’on
reçoit en recevant celui qui reproduit dans toute sa vie l’humilité et
l’innocence du Seigneur. Mais de peur que les Apôtres ne s’attribuent
d’eux-mêmes cet honneur qu’on pourra leur rendre, le Seigneur ajoute avec
sagesse que ce n’est pas à cause de leur mérite, mais en considération de
leur Maître qu’ils recevront cet honneur. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
58.) Pour
leur faire recevoir et pratiquer plus facilement ces vérités, il leur donne
ensuite la sanction des châtiments: « Si quelqu’un scandalise l’un de
ces petits, » etc..., c’est-à-dire: de même que ceux qui honorent
ces petits à cause de moi recevront une récompense, ainsi, ceux qui les
méprisent seront punis des derniers châtiments. Ne soyez pas surpris de
l’entendre appeler les outrages un scandale, car bien souvent les caractères
faibles sont scandalisés par le mépris qu’on fait d’eux. —
Saint Jérôme : Remarquez que ce sont les petits qui
sont scandalisés, car ceux qui sont plus forts ne se scandalisent pas si
facilement. Or, bien que cette condamnation, prononcée par le Seigneur,
atteigne en général tous ceux qui sont pour les autres une occasion de
scandale, la suite du discours nous permet aussi de l’appliquer aux Apôtres
eux-mêmes; car cette question: Quel est le plus grand dans le royaume des
cieux, paraissait être entre eux une question de prééminence, et s’ils
avaient persévéré dans cette mauvaise disposition, ils auraient pu perdre,
par ce scandale, ceux qu’ils appelaient à la foi et qui les auraient vus rivaliser
entre eux pour une question de préséance. — Origène : Mais comment
expliquer que celui qui s’est converti et qui est devenu semblable à un
enfant et au plus petit, soit donné comme susceptible d’être
scandalisé ? Voici comment on peut résoudre cette difficulté. Celui qui
croit au Fils de Dieu et vit d’une manière conforme à l’Évangile s’est
transformé jusqu’à devenir semblable à un enfant. Celui au contraire qui ne
s’est pas converti pour devenir comme un enfant, ne peut entrer dans le
royaume des cieux. Or, dans la multitude innombrable de ceux qui ont embrassé
la foi, il en est qui sont nouvellement convertis et qui travaillent à
devenir semblables à des enfants, mais qui ne le sont pas encore devenus; ces
derniers sont faibles en Jésus-Christ et peuvent être facilement scandalisés. —
Saint Jérôme : En ajoutant: « Il vaudrait
mieux pour lui qu’on lui attachât une meule de moulin au cou »,
Notre Seigneur parle d’après l’usage de ces contrées, car chez les anciens
Juifs la peine infligée aux plus grands crimes était d’être précipité dans la
mer après avoir été attaché à une pierre.
Or, il lui serait avantageux qu’il en fût ainsi, car il vaut beaucoup
mieux subir pour sa faute une peine de courte durée que d’être réservé à des
châtiments éternels. —
Saint Jean Chrysostome : (homélie 58.) Il était, semble-t-il, logique
que le Seigneur terminât cette seconde partie en disant: « C’est moi
qu’il ne reçoit pas », ce qui était de tous les châtiments le plus
sensible; mais comme les disciples étaient encore peu avancés et qu’une peine
semblable ne pouvait les impressionner, il leur fait connaître, par la
comparaison d’un fait qui leur est connu, le supplice qui leur est préparé,
et il leur déclare qu’il vaudrait mieux pour eux subir ce châtiment temporel,
parce qu’un supplice bien plus terrible leur est réservé. —
Saint Hilaire : Dans le sens mystique, le supplice
de la meule, c’est la peine de l’aveuglement spirituel; car c’est après qu’on
leur a couvert les yeux que l’on fait tourner la meule aux animaux. Nous
voyons aussi souvent les Gentils désignés sous le symbole de l’âne, parce
qu’ils sont renfermés dans l’ignorance d’un travail dont ils ne peuvent voir
la fin. Pour les Juifs, au contraire, la loi leur a tracé le chemin de la connaissance,
et, s’ils viennent à scandaliser les Apôtres du Christ, il aurait mieux valu
pour eux qu’on leur eût attaché une meule de moulin au cou et qu’on les eût
précipités dans la mer; c’est-à-dire qu’il leur eût été plus avantageux
d’être condamnés aux durs travaux des Gentils et de rester ensevelis dans les
ténèbres du siècle, car c’eût été pour eux un moindre crime de ne pas
connaître Jésus-Christ que de refuser de recevoir le Maître des prophètes. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 6, 17.) Ou bien, dans un autre
sens, que doit-on entendre par la mer, si ce n’est le siècle, et par cette
meule de moulin, si ce n’est l’action des choses de la terre qui, en
étreignant l’âme et en la prenant comme au cou par des désirs insensés, la
condamne à tourner péniblement dans le même cercle ? Or, il en est
plusieurs qui, en se séparant des actions terrestres et en voulant s’élever
jusqu’à l’exercice de la contemplation, sans prendre conseil de l’humilité,
non seulement se précipitent dans l’erreur, mais encore détachent les faibles
du sein de la vérité. Celui-là donc qui scandalise un de ces petits qui sont
miens, il vaudrait mieux qu’il fût précipité dans la mer avec une meule au
cou, car il eut été plus avantageux à cette âme dépravée de se livrer aux
affaires du monde, que de faire servir les saints exercices de la
contemplation à la perte d’un grand nombre. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 24.) Ou bien encore, celui qui scandalisera un de ces petits, c’est-à-dire un des humbles, tels que doivent être ses disciples, en refusant d’obéir ou en résistant à l’autorité, [comme l’Apôtre le dit d’Alexandre d’Ephèse (2 Tm 4, 14; 1 Tm 4)] [ ?]: « il vaudrait mieux qu’on lui attachât une meule de moulin au cou et qu’il fût précipité dans le fond de la mer; » c’est-à-dire qu’il serait préférable pour lui que la passion pour les biens de la terre, passion qui est comme le poids auquel sont attachés les insensés et les aveugles, l’entraînât à la mort. |
Lectio 2 [85527] Catena in Mt.,
cap. 18 l. 2 Glossa. Dixerat dominus, quod
expedit ei qui scandalizat, ut suspendatur mola asinaria in collo eius: cuius
rationem assignans, subdit vae mundo a scandalis, idest propter scandala. Origenes in Matth. Hoc non de elementis mundi
intelligamus; sed hic homines, qui sunt in mundo, dicuntur mundus. Non sunt
autem discipuli Christi de hoc mundo: unde non potest eis esse a scandalis
vae: nam etsi multa sunt scandala, non tangunt eum qui non est de hoc mundo.
Si autem adhuc est de hoc mundo, propterea quod diligit mundum, et quae sunt
in eo; tanta scandala comprehendunt eum quantis fuerat obligatus in mundo.
Sequitur necesse est enim ut veniant scandala. Chrysostomus in Matth. Cum autem dicit necesse
est, non destruit libertatem arbitrii, neque necessitati aliquarum rerum
supponit; sed quod omnino futurum est, praedicit. Scandala quidem sunt
prohibitiones rectae viae. Non autem praedicatio Christi scandala inducit:
neque enim quia praedixit, propter hoc fit; sed quia omnino futurum erat,
propter hoc praedixit. Sed dicet aliquis: si omnes corrigantur, et nullus sit
qui scandala afferat, nonne mendacii arguetur hic sermo? Nequaquam: quia enim
praevidit inemendatos futuros homines esse, propter hoc dixit necesse est ut
veniant scandala: idest omnino venient. Si autem corrigendi essent, non
dixisset. Glossa. Vel necesse est ut veniant scandala,
quia sunt necessaria, idest utilia, ut per hoc qui probati sunt, manifesti
fiant. Chrysostomus in Matth. Scandala enim erigunt
homines, et acutiores eos faciunt; et eum qui cadit, velociter erigunt,
inquantum scilicet ingerunt sollicitudinem. Hilarius in Matth. Vel humilitas passionis
scandalum mundo est, quod sub deformitate crucis aeternae gloriae dominum
voluit accipere. Et quid mundo tam periculosum quam non recepisse Christum?
Ideo vero necesse ait venire scandala, quia ad sacramentum reddendae nobis
aeternitatis, omnis in eo passionis humilitas esset complenda. Origenes. Vel venientia scandala sunt Angeli
Satanae. Nec tamen putes secundum naturam vel substantiam esse huiusmodi
scandala; sed libertas arbitrii in quibusdam genuit scandalum, nolens
suscipere pro virtute laborem. Non potest autem esse verum bonum, nisi habeat
impugnationem mali. Sic ergo necesse est venire scandala, sicut necesse est
sustinere malitiam caelestium; qua tanto magis irritantur, quanto magis
verbum Christi in hominibus invalescens expellit ab eis malignas virtutes.
Quaerunt autem organa per quae scandala operentur, quibus est magis vae: nam
multo peius erit ei qui scandalizat quam ei qui scandalizatur: unde sequitur
verumtamen vae homini illi per quem scandalum venit. Hieronymus. Ac si dicat: vae homini illi qui
vitio suo facit ut per se fiat quod necesse est ut in mundo fiat. Simulque
per generalem sententiam percutitur Iudas qui proditioni animum praeparaverat.
Hilarius. Vel sub hominis nuncupatione actorem
scandali huius quod est circa passionem Christi, Iudaicum populum designat,
per quem omne huic mundo periculum comparatur, ut Christum in passione
abnegent, quem lex et prophetae passibilem praedicaverunt. Chrysostomus in Matth. Ut autem discas quod
non sunt absolutae necessitatis scandala, audi quae sequuntur: si autem manus
tua vel pes tuus scandalizat te, et cetera. Non autem hoc de membris
corporalibus dicit, sed de amicis, quos in ordine necessariorum membrorum
habemus: nihil est enim ita nocivum ut conversatio mala. Rabanus. Scandalum quippe sermo Graecus est,
quod nos offendiculum vel ruinam et impactionem pedis dicere possumus. Ille
ergo scandalizat fratrem qui ei dicto factove minus recto occasionem ruinae
dederit. Hieronymus. Igitur omnis truncatur affectus,
et universa propinquitas amputatur: ne per occasionem pietatis unusquisque
credentium scandalis pateat. Si, inquit, ita est tibi coniunctus ut manus,
pes et oculus, et est utilis atque sollicitus et acutus ad perspiciendum,
scandalum autem tibi faciat, et propter morum dissonantiam te pertrahat in
Gehennam: melius est ut propinquitate eius careas et emolumentis carnalibus,
quam dum vis lucrifacere cognatos et necessarios, causam habeas ruinarum.
Novit enim unusquisque credentium quid sibi noceat, vel in quo sollicitetur
ac saepe tentetur: melius est enim vitam solitariam ducere, quam ob vitae
praesentis necessaria vitam aeternam perdere. Origenes. Vel sacerdotes rationabiliter
possunt dici Ecclesiae oculus, quoniam speculatores habentur; diaconi autem
ceterique, manus, quia per eos opera spiritualia geruntur; populus autem sunt
pedes corporis Ecclesiae; quibus omnibus parcere non oportet, si scandalum
Ecclesiae facti fuerint. Vel actus animae, peccans manus intelligitur; et
incessus animae, peccans pes, et visus animae, peccans oculus: quos oportet
praecidere, si scandalum praebent; frequenter enim ipsa opera membrorum pro
membris in Scriptura ponuntur. |
Versets 7-9.
— La Glose : Notre Seigneur venait de dire qu’il
vaudrait mieux pour celui qui scandalise, qu’on lui attachât une meule de
moulin au cou; il en donne maintenant la raison. « Malheur au monde,
à cause de ses scandales ! » — Origène : (Traité 3 sur S. Matth.) Ce que
Notre Seigneur appelle ici le monde, ce ne sont pas les éléments du monde
extérieur, mais les hommes qui sont dans le monde. Or, les disciples de
Jésus-Christ ne sont pas du monde; par conséquent, cette malédiction, qui
tombe sur les scandales, ne les atteint pas, car les scandales ont beau être
multipliés, ils ne touchent point celui qui n’est pas du monde. S’il est
encore du monde, parce qu’il aime le monde et les choses qui sont dans le
monde, les scandales n’auront de prise sur lui qu’en proportion de ce qu’il
serait engagé dans les liens du monde. Suite : « Il est nécessaire que
les scandales arrivent. » —
Saint Jean Chrysostome : (homélie 59.) En disant: Il est nécessaire,
le Seigneur ne détruit pas le libre arbitre et ne le soumet à aucune
fatalité; il ne fait que prédire ce qui arrivera. Les scandales, c’est tout
ce qui fait obstacle dans la voie droite. Or, ce n’est point la prédiction de
Jésus-Christ qui est la cause des scandales, ce n’est point parce qu’il les a
prédits que les scandales arrivent, mais c’est parce qu’ils devaient
certainement arriver qu’ils les a prédits. On me dira peut-être: Si tous
viennent à se corriger de leurs défauts et qu’il n’y ait plus personne pour causer
du scandale, cette parole de Jésus-Christ ne se révèle-t-elle pas
mensongère ? Absolument pas, car c’est justement parce qu’il a prévu
qu’il y aurait des hommes qui ne se corrigeraient pas, qu’il a dit: « Il
est nécessaire qu’il arrive des scandales », c’est-à-dire: ils arriveront nécessairement. Or, si tous les
hommes avaient dû réformer leur conduite, il n’aurait pas tenu ce langage. — La Glose : Ou bien il faut
qu’il arrive des scandales, parce qu’ils sont nécessaires ou du moins utiles
pour faire connaître ceux qui sont d’une vertu éprouvée (1 Co 11, 19). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59.) En effet, les scandales
réveillent les hommes, les rendent plus sur leurs gardes et relèvent aussitôt
celui qui tombe, en lui inspirant pour l’avenir une plus grande vigilance. — Saint Hilaire : (can. 18 sur S. Matth.) Ou
bien encore, c’est l’humilité de la passion qui a été un scandale pour le
monde. En effet, ils n’ont pas voulu reconnaître le Dieu de la gloire
éternelle sous les dehors ignominieux de la croix [« ils
n’ont pas voulu » : ce sens paraît s’imposer bien qu’il n’y ait pas
de négation dans le texte latin]. Or, qu’y a-t-il au monde de plus
dangereux que de ne pas recevoir Jésus-Christ ? Il déclare donc qu’il
est nécessaire qu’il arrive des scandales, parce qu’il fallait qu’il subît
toutes les humiliations de sa passion pour accomplir le mystère qui devait
nous rendre l’ éternité. — Origène : Ou bien ces
scandales qui arrivent sont les anges de Satan. Gardez-vous de croire
cependant que ces anges soient scandales par leur nature ou par leur
substance; c’est leur libre arbitre qui a produit le scandale dans
quelques-uns qui n’ont pas voulu supporter l’épreuve à laquelle Dieu avait
soumis leur vertu, il n’y a de bien véritable que celui qui est combattu par
le mal. Il est donc nécessaire que les scandales arrivent, comme il est
nécessaire que nous ayons à souffrir de la malice des esprits célestes dont
la haine s’enflamme d’autant plus que le Verbe de Dieu le Christ établit plus
solidement son empire parmi les hommes et chasse loin d’eux toutes les
malignes influences. Aussi ces mauvais anges cherchent-ils des instruments
pour produire des scandales, et c’est à eux surtout que le Seigneur dit:
Malheur, car le jugement sera bien plus sévère pour celui qui scandalise que
pour celui qui est scandalisé; c’est pour cela qu’il ajoute: « Malheur
à l’homme par qui arrive le scandale. » —
Saint Jérôme : C’est-à-dire: Malheur à l’homme qui,
par sa propre faute, devient cause de ce qui doit arriver nécessairement dans
le monde. Cette sentence, qui est générale, atteint en particulier Judas, qui
avait déjà préparé son âme à la trahison. —
Saint Hilaire : Ou bien, sous cette dénomination
générale, il veut désigner le peuple juif, auteur de ce scandale qui a eu
pour objet la passion de Jésus-Christ et qui a exposé le monde au danger de renier,
à cause même de sa passion, Jésus-Christ, dont la loi et les prophètes
avaient annoncé les souffrances. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
59.) Pour
vous faire comprendre que les scandales ne sont pas d’une absolue nécessité,
écoutez ce qui suit: « Si votre pied ou votre main vous scandalise, »
etc... Il ne veut point parler ici des membres du corps, mais des amis que
nous regardons comme nous étant aussi nécessaires que nos membres, car rien
n’est plus nuisible que de mauvaises fréquentations. — Raban : Le mot scandale
est un mot grec qu’on peut traduire par pierre d’achoppement, ou par chute ou
choc des pieds. Celui-là donc scandalise son frère qui, par une parole ou par
une action contraire à la règle, devient pour lui une occasion de chute. —
Saint Jérôme : Notre Seigneur retranche donc d’une
manière absolue tout prétexte fondé sur les liens du sang ou de l’amitié,
pour que les fidèles ne soient pas exposés aux scandales par suite d’un
sentiment d’affection quelconque. Si quelqu’un, leur dit-il, vous est aussi
étroitement uni que votre main, votre pied, votre oeil, s’il est pour vous
d’une utilité incontestable, plein de vigilance et de sollicitude pour vos
intérêts, mais qu’il vous soit une cause de scandale et vous entraîne dans
l’abîme par le contraste de ses moeurs déréglées, il vous est beaucoup plus
avantageux de vous priver de toute liaison avec lui et de renoncer aux
avantages temporels [que vous en retiriez], que de conserver près de vous une
cause certaine de ruine en tenant aux avantages que vous procurent ces
parents et ces amis. Chaque fidèle connaît ce qui peut lui nuire, ce qui est
pour son âme une cause de séduction ou de tentation fréquente. Or, il vaut
mieux qu’il vive dans la solitude que de perdre la vie éternelle pour les
biens si fragiles de la vie présente. — Origène : Ou bien, dans un autre sens également raisonnable, on peut entendre par l’oeil les prêtres, qui sont comme l’oeil de l’Église, parce qu’ils en sont comme les sentinelles; par la main, les diacres et les autres ministres par qui s’accomplissent les oeuvres spirituelles. Les fidèles, au contraire, sont comme les pieds du corps de l’Église. Et aucun d’eux ne doit être épargné s’il devient une cause de scandale pour l’Église. Ou bien encore, l’action de l’âme, c’est la main qui pêche; la marche de l’âme, c’est le pied; la vue de l’âme, c’est l’oeil coupable; il faut les couper et les arracher s’ils nous sont un sujet de scandale, car souvent les actions des membres désignent dans la sainte Écriture les membres eux-mêmes. |
Lectio 3 [85528] Catena in Mt., cap. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Sicut
fugere malos, ita honorare bonos magnum habet lucrum. Supra ergo docuit
scandalizantium abscindere amicitias; hic autem docet exhibere sanctis
honorem et procurationem. Glossa. Vel aliter. Quia tantum malum provenit
ex scandalizatis fratribus, videte ne contemnatis unum ex his pusillis. Origenes in Matth. Pusilli autem sunt qui
nuper in Christo sunt nati; aut tales qui permanent sine profectu, quasi
nuper nati. Non autem habuit necesse mandare Christus de perfectioribus
fidelibus non contemnendis, sed de pusillis; sicut et supra dixerat: si quis
scandalizaverit unum ex pusillis istis. Alius autem forte dicit: pusillum hic
dicit perfectum, secundum quod alibi ait: qui minimus fuerit in vobis, hic
erit maior. Chrysostomus in Matth. Vel quia perfecti
parvuli apud multos aestimantur, scilicet pauperes et contemptibiles. Origenes. Sed huic expositioni non videtur
convenire quod dicitur: si quis scandalizaverit unum de pusillis istis:
perfectus enim non scandalizatur nec perit. Sed qui hanc expositionem
aestimat veram, dicit quod iusto homini anima vertibilis est, et
scandalizatur aliquando, etsi non facile. Glossa. Ideo autem non sunt contemnendi, quia
adeo cari sunt Deo quod Angeli sunt eis ad custodiam deputati: unde sequitur
dico enim vobis, quia Angeli eorum in caelis semper vident faciem patris mei
qui in caelis est. Origenes. Quidam volunt ex eo dari hominibus
Angelum adiutorem ex quo per lavacrum regenerationis nati sunt infantes in
Christo; dicentes non esse credibile, incredulis et errantibus praeesse
Angelum sanctum; sed tempore infidelitatis et peccatorum est homo sub Angelis
Satanae. Alii autem volunt mox cum quis fuerit natus eorum qui praecogniti
sunt a Deo, accipere sibi praepositum Angelum. Hieronymus. Magna
enim dignitas animarum ut unaquaeque habeat ab ortu nativitatis in custodiam
sui Angelum delegatum. Chrysostomus in Matth. Hic
autem non de quibuscumque Angelis loquitur, sed de superioribus. Cum enim
dicat vident faciem patris mei, nihil aliud ostendit quam magis liberam
praesentiam et maiorem eorum apud Deum. Gregorius in Evang. Dionysius autem dicit,
quod ex minoribus Angelorum agminibus ad explendum ministerium vel
visibiliter vel invisibiliter mittuntur: nam superiora illa agmina usum
exterioris ministerii nequaquam habent. Gregorius Moralium. Et faciem ergo patris
Angeli semper vident; et tamen ad nos veniunt: quia ad nos spirituali
praesentia foras exeunt, et tamen ibi se unde recesserant, per internam
contemplationem servant: neque enim sic a divina visione foras exeunt ut
internae contemplationis gaudiis priventur. Hilarius in Matth. Salvandorum igitur
per Christum orationes Angeli Deo quotidie offerunt: ergo periculose ille
contemnitur cuius desideria ac postulationes ad aeternum et invisibilem Deum
Angelorum famulatu ac ministerio pervehuntur. Augustinus de Civ. Dei. Vel Angeli nostri
dicuntur qui sunt Angeli Dei. Dei sunt, quia Deum non reliquerunt; nostri
sunt, quia suos cives nos habere coeperunt. Sicut ergo nunc illi vident Deum,
ita et nos sumus visuri facie ad faciem: de qua visione dicit Ioannes:
videbimus eum sicuti est. Facies enim Dei manifestatio eius intelligenda est;
non aliquod tale membrum, quale nos habemus in corpore, atque isto nomine
nuncupamus. Chrysostomus in Matth. Rursus aliam rationem
ponit, quare pusilli non sint contemnendi, priore maiorem, dicens venit enim
filius hominis salvare quod perierat. Remigius. Quasi dicat: non contemnatis
pusillos, quia ego pro hominibus homo fieri dignatus sum. Cum enim dicit quod
perierat, subintelligendum est genus humanum: omnia enim elementa suum
ordinem servant; sed homo erravit, quia suum ordinem perdidit. Chrysostomus in Matth. Deinde ad hanc rationem
parabolam copulat, per quam et patrem inducit salutem hominum volentem, dicens
quid vobis videtur si fuerint alicui centum oves? Gregorius in Evang. Hoc ad ipsum
auctorem hominum pertinet: quia enim centenarius perfectus est numerus, ipse
centum oves habuit, cum Angelorum et hominum substantiam creavit. Hilarius in Matth. Ovis
autem una homo intelligendus est, et sub homine universitas sentienda est; in
unius enim Adae errore, omne hominum genus aberravit. Igitur et quaerens
hominem Christus est, et nonagintanovem relictae caelestis gloriae multitudo
est. Gregorius. Dicit autem Evangelista eas
relictas in montibus, ut significet in excelsis: quia nimirum oves quae non
perierant, in sublimibus stabant. Beda. Ovem ergo dominus invenit, quando
hominem restauravit; et super eam inventam maius gaudium est in caelo, quam super
nonagintanovem: quia maior materia divinae laudis est in restauratione
hominum, quam in creatione Angelorum. Mirabiliter enim Angelos creavit, sed
mirabilius hominem restauravit. Rabanus. Nota, quod unum deest a novem ut
decem sint, et a nonagintanovem ut centum sint. Variari ergo per brevitatem
et magnitudinem numeri possunt, quibus unum deest ut perficiantur; ipsum vero
unum sine varietate in se manens, cum accesserit, ceteros perficit. Et ut perfecta summa ovium integraretur in caelo, homo perditus
quaerebatur in terra. Hieronymus. Alii vero nonagintanovem
ovibus, iustorum putant numerum intelligi, et in una ovicula peccatorum,
secundum quod in alio loco dixerat: non veni vocare iustos, sed peccatores.
Gregorius. Considerandum autem nobis est cur
dominus plus de conversis peccatoribus quam de stantibus iustis gaudium esse
fateatur: quia scilicet plerumque pigri remanent ad exercenda bona praecipua
qui valde sibi securi sunt, quod nulla commiserunt mala graviora. At contra
nonnumquam hi qui se aliquid egisse illicite meminerunt, ex ipso suo dolore
compuncti inardescunt in amorem Dei; et quia se errasse a Deo considerant,
damna praecedentia lucris subsequentibus recompensant; sic et dux in praelio
plus eum militem diligit qui post fugam conversus hostem fortiter premit,
quam illum qui nunquam terga praebuit, et nunquam aliquid fortiter fecit. Sed
et sunt quidam iusti, de quibus tantum est gaudium ut eis nullus poenitens
praeponi possit; qui etsi non sint sibi malorum conscii, tamen licita respuunt,
et in omnibus se humiliant. Quantum ergo gaudium est si humiliter plangat
iustus, cum gaudium sit si quod male gessit, damnat iniustus? Beda. Vel per nonagintanovem oves quas
in montibus reliquit, superbos significat, quibus ad perfectionem unitas
deest. Cum ergo invenerit peccatorem, magis super eum
gaudet, idest suos gaudere facit, quam super iustos falsos. Hieronymus. Quod autem subditur sic non est
voluntas, refertur ad superius propositum, de quo dixerat: videte ne
contemnatis unum de pusillis istis; et docet idcirco parabolam positam, ut
pusilli non contemnantur. In eo autem quod dicit non est voluntas ante
patrem, etc..., ostendit quod quotiescumque perierit aliquis ex pusillis, non
voluntate patris perit. |
Versets 10-14.
— Saint Jérôme : Notre
Seigneur venait de déclarer par la comparaison de la main, du pied et de
l’oeil qu’il fallait couper tous les liens du sang et de l’amitié qui
pouvaient être un sujet de scandale; il adoucit maintenant ce que ce précepte
pouvait avoir de sévère par les paroles suivantes: « Prenez garde de ne mépriser aucun de ces petits, »
c’est-à-dire : Gardez-vous, autant que possible, de les mépriser, et, en
faisant votre salut, cherchez à les sauver eux-mêmes; mais si vous constatez
qu’ils persévèrent dans leurs péchés, il vaut mieux que vous vous sauviez
seuls, que de périr avec la multitude. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59.) Ou bien, dans un autre sens, il
est souverainement avantageux et de fuir les méchants, et d’honorer les bons.
Aussi, après nous avoir enseigné à rompre tout commerce avec ceux qui nous
scandalisent, il nous apprend ici à rendre à ceux qui sont saints l’honneur
et les devoirs qui leur sont dus. — La Glose : Ou bien encore,
puisque c’est un si grand mal que le scandale causé à nos frères, prenez
garde de ne mépriser aucun de ces petits. — Origène : Ces petits sont ceux
qui sont nouvellement nés en Jésus-Christ ou ceux qui ne font aucun progrès
et qui sont toujours comme des enfants qui viennent de naître. Mais
Jésus-Christ n’a pas cru nécessaire de défendre de mépriser les fidèles plus
parfaits; il ne parle que des petits, comme précédemment: « Si quelqu’un scandalise un de ces
petits, » etc... Peut-être donne-t-il ici le nom de petits à ceux
qui sont parfaits, d’après ce qu’il dit dans un autre endroit: « Celui qui aura été le plus petit
parmi vous sera le plus grand. » (Lc
22.) —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore, est-ce
parce que ceux qui sont parfaits sont regardés par un grand nombre comme
petits, c’est-à-dire comme pauvres et méprisables. — Origène : Cependant cette
interprétation ne s’accorde pas avec ces paroles: « Si quelqu’un scandalise un de ces petits », car
l’homme parfait ne se laisse ni scandaliser, ni entraîner à sa perte.
Toutefois si on veut admettre cette interprétation comme vraie, on peut dire
que l’âme du juste est soumise au changement, et par là soumise, bien que
difficilement, au scandale. — La Glose : La raison pour
laquelle il ne faut pas mépriser ces petits, c’est qu’ils sont tellement
chers à Dieu, qu’il a député des anges pour veiller sur eux. C’est pour cela
que Notre Seigneur ajoute: « Car
je vous déclare que les Anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon
Père qui est dans les cieux ». — Origène : [référence à vérifier] Quelques
auteurs prétendent que Dieu donne aux hommes un ange gardien aussitôt qu’ils
ont reçu dans le bain sacré de la régénération une nouvelle naissance en
Jésus-Christ; et ils ajoutent qu’il n’est pas croyable qu’un des saints anges
soit préposé à la garde des incrédules et des pécheurs qui, dans le temps de
leur infidélité et de leurs égarements, sont sous la puissance des anges de
Satan. D’autres veulent que Dieu donne un ange gardien, aussitôt leur
naissance, à tous ceux qui ont été l’objet de la prescience divine. — Saint
Jérôme : Qu’elle est grande la dignité des âmes,
puisqu’à chacune d’elles, aussitôt son entrée dans la vie, Dieu donne un ange
pour veiller à sa garde ! — Saint Jean Chrysostome : (hom.
59.) Le
Seigneur ne parle pas ici de tous les anges indistinctement, mais de ceux qui
ont la prééminence sur les autres. Ces paroles: « Ils voient la face de mon Père », signifient qu’ils
jouissent d’un accès plus facile près de Dieu, et de plus grands honneurs [dans
la cour céleste]. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 34 sur
les Evang.) Denis l’Aréopagiste [un des Pères les plus anciens et les
plus vénérables, prétend (comme il l’enseigne en effet, liv. des célestes hiér., chap. 42)] dit que
Dieu choisit dans les rangs inférieurs des anges pour les missions
extérieures ou intérieures qu’il leur confie, mais qu’il n’en est point dans
les hiérarchies supérieures qui soient employés dans des ministères
extérieurs. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 2, 2.) Les anges ne cessent jamais
de voir la face du Père, même quand ils sont envoyés vers nous; ils
descendent jusqu’à nous pour nous protéger de leur présence toute
spirituelle, et cependant ils demeurent par la contemplation intérieure dans
le lieu qu’ils viennent de quitter, car ils conservent, en venant à nous, le
don de la vision divine, et ne sont point privés, par conséquent, des joies
de la contemplation intérieure. —
Saint Hilaire : Tous les jours les anges offrent à
Dieu les prières de ceux qui doivent être sauvés par Jésus-Christ; il est
donc souverainement dangereux de mépriser celui dont les désirs et les
prières montent jusqu’au trône du Dieu éternel et invisible, par l’entremise
et par le ministère des anges. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 22, 29.) Ou bien, nous
appelons nos anges ceux qui sont les anges de Dieu; ils sont les anges de
Dieu, parce qu’ils ne quittent pas sa présence, ils sont nos anges, parce que
nous sommes déjà leurs concitoyens. De même donc qu’ils jouissent maintenant
de la vue de Dieu, ainsi nous le verrons nous-mêmes un jour face à face, selon
ces paroles de saint Jean: « Nous
le verrons tel qu’il est. » (1 Jn
3.) Par la face de Dieu il faut comprendre la manifestation de son être,
et non la partie du corps que nous appelons de ce nom. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
59.) Le
Seigneur nous donne une nouvelle raison de ne pas mépriser les petits, et
cette raison est plus forte que celle qui précède: « Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu ». —
Saint Rémi : C’est-à-dire ne méprisez pas les
petits, car j’ai daigné me faire homme pour eux. En effet, après ces mots: « ce qui était perdu », nous
devons sous-entendre le genre humain; car tous les éléments gardent
fidèlement l’ordre dans lequel ils ont été placés, mais l’homme s’est égaré,
parce qu’il est sorti de l’ordre qui lui avait été tracé. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59.) Il ajoute à cette raison une
parabole qui met dans tout son jour la volonté qu’a le Père céleste de sauver
le genre humain: « Si un homme a
cent brebis,…que pensez-vous qu’il fasse alors ? » . —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 24 sur les Evang.) Cet homme c’est le
Créateur des hommes; car le nombre cent étant un nombre parfait, il fut le
pasteur de cent brebis lorsqu’il eut créé la nature des anges et celle des
hommes. —
Saint Hilaire : Dans cette seule brebis [qui s’égare],
il faut voir l’homme, et dans ce seul homme se trouve compris le genre humain
tout entier; car tout le genre humain s’est égaré dans la faute du seul Adam.
Celui qui est à la recherche de cet homme, c’est Jésus-Christ, et les
quatre-vingt-dix-neuf brebis qui sont laissées, c’est la multitude des
esprits qui jouissent de la gloire des cieux. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 34 sur
S. Matth.) L’Évangéliste dit que ces quatre-vingt-dix-neuf brebis sont
laissées sur les montagnes, c’est-à-dire sur les lieux élevés, parce que les
brebis qui ne se sont point égarées se tenaient sur les hauteurs spirituelles
de la foi. — Saint Bède : Le Seigneur
a donc retrouvé la brebis perdue, quand il eut accompli l’oeuvre de la
réparation de l’homme, et il y a dans le ciel une joie bien plus grande pour
cette seule brebis qui est retrouvée, que pour les quatre-vingt dix-neuf
autres. En effet, la réparation du genre humain donne beaucoup plus de gloire
à Dieu que la création des anges; car, si la création des anges est une
oeuvre admirable de la puissance de Dieu, la rédemption des hommes est bien
plus admirable encore. — Raban : Remarquez qu’il
manque une unité au nombre neuf pour atteindre le nombre dix, et à
quatre-vingt-dix-neuf, pour atteindre le nombre cent. Les nombres auxquels il
manque une unité pour arriver à un nombre parfait, peuvent varier par leur
quantité plus ou moins grande, mais l’unité invariable en elle-même
perfectionne les autres nombres en venant s’y ajouter; et c’est pour que le
nombre des brebis fût complet dans le ciel que le Seigneur est venu chercher
sur la terre l’homme qui s’était égaré. —
Saint Jérôme : D’autres pensent que les
quatre-vingt-dix-neuf brebis représentent le nombre des justes, et cette
brebis qui s’égare, le nombre des pécheurs, selon ce que le Seigneur dit
ailleurs: « Je ne suis pas venu
appeler les justes, mais les pécheurs. » (Mt 9.) —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 34.) Cependant il nous faut examiner
pourquoi Notre Seigneur déclare-t-il que la conversion des pécheurs cause
dans le ciel une plus grande joie que la persévérance des justes ? C’est
que ceux qui ont une très grande confiance de n’avoir point commis de fautes
graves restent presque toujours pleins de tiédeur pour la pratique des vertus
élevées. Au contraire, il arrive souvent que ceux qui ont la conscience
d’avoir commis quelque grande faute, sous l’impression de la douleur qu’ils
en ressentent, s’embrasent du feu de l’amour divin. Comme ils considèrent
qu’ils se sont égarés loin de Dieu, ils réparent les pertes précédentes par
les gains qu’ils réalisent ensuite. C’est ainsi que, dans une bataille, un
général préfère le soldat qui, après s’être enfui, revient presser
vigoureusement l’ennemi, à celui qui n’a jamais tourné le dos, mais qui aussi
n’a jamais fait d’action d’éclat. Mais il est cependant des justes qui
donnent à Dieu une si grande joie, qu’on ne pourrait leur préférer aucun
pécheur repentant; car bien qu’ils n’aient conscience d’aucune faute, on les
voit renoncer à toutes les jouissances permises, et s’humilier en toutes
choses. Combien grande sera donc la joie, lorsque le juste gémira dans
l’humiliation, alors qu’il y a sujet de se réjouir, de ce que le pécheur
condamne hautement le mal qu’il a commis. — Saint
Bède : Ou bien encore, les quatre-vingt-dix-neuf
brebis qui sont laissées sur la montagne, sont les orgueilleux auxquels il
manque l’unité pour arriver à la perfection [désignée par le nombre cent].
Lorsque le Seigneur aura retrouvé le pécheur qui s’égarait, il se réjouira
donc davantage, c’est-à-dire qu’il fera éprouver aux siens plus de joie de
cette conversion, que [de la prétendue persévérance] des faux justes. — Saint Jérôme : Les paroles suivantes: « Ainsi votre Père qui est dans les cieux, ne veut pas, etc... » se rapportent à ce qu’il a dit plus haut: « Prenez garde de mépriser un seul de ces petits », et le Seigneur nous enseigne par là que cette parabole a pour but de nous apprendre à ne pas mépriser les petits; en ajoutant: « Votre Père ne veut pas, etc... » il nous montre que toutes les fois que périt un de ces petits, ce n’est point par la volonté du Père qu’il périt. |
Lectio 4 [85529] Catena in Mt.,
cap. 18 l. 4 Chrysostomus in Matth. Quia
superius vehementer sermonem adversus scandalizantes proposuit, undique eos
terrens, ne rursus hi quibus scandala inferuntur, sic fiant resupini ut totum
contemnentes, in aliud vitium incidant, scilicet negligentiae; ac per omnia
sibi parci volentes, in elationem incidant; hic dominus eos comprimit, et
redargutionem fieri iubet, dicens si autem peccaverit in te frater tuus,
vade, et corripe eum inter te et ipsum solum. Augustinus de Verb. Dom. Admonet nos quidem
dominus noster non negligere invicem peccata nostra, non quaerendo quid
reprehendas, sed videndo quid corrigas. Debemus enim amando corripere, non
nocendi aviditate, sed studio corrigendi. Si neglexeris, peior eo factus es.
Ille iniuriam faciendo, gravi seipsum vulnere percussit; tu vulnus fratris
contemnis: peior es tacendo, quam ille conviciando. Augustinus de Civ. Dei. Plerumque enim a malis
docendis et admonendis, aliquando etiam obiurgandis et corripiendis male
dissimulatur; vel cum laboris piget, vel cum eorum inimicitias devitamus, ne
impediant et noceant in istis temporalibus rebus, sive quas adipisci adhuc
nostra cupiditas appetit, sive quas adhuc amittere formidat infirmitas. Si
autem propterea quisque obiurgandis et corripiendis male agentibus parcit,
quia opportunius tempus inquiritur, vel eisdem ipsis metuit, ne deteriores ex
hoc efficiantur, vel ad bonam vitam et piam erudiendos impediant alios
infirmos, aut premant atque avertant a fide; non videtur esse cupiditatis
occasio, sed consilium caritatis. Longe autem graviorem habent causam
Ecclesiarum praepositi qui in Ecclesiis constituti sunt ut non parcant
obiurgando peccata: nec ideo tamen ab huiuscemodi culpa penitus alienus est
qui, licet praepositus non sit, in eis tamen quibus vitae huius necessitate
coniungitur, multa monenda vel arguenda novit et negligit: devitans eorum
offensiones propter illa quibus in hac vita non indebite utitur, sed plusquam
debuit delectatur. Chrysostomus in Matth. Considerandum autem,
quod quandoque dominus eum qui contristavit, ad eum qui contristatus est
ducit, sicut cum dicit: si recordatus fueris quod frater tuus habet aliquid
adversum te, vade reconciliari fratri tuo. Quandoque autem eum qui iniusta
passus est, iubet dimittere proximo; sicut ibi: dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris. Hic autem alium excogitat modum:
eum enim qui contristatus est, ducit ad eum qui contristavit; et ideo dicit
si peccaverit in te frater tuus: quia enim ille qui iniusta fecit, non facile
veniret ad excusationem, verecundatus, hunc qui passus est ad illum trahit;
et non simpliciter, sed ut corrigat quod factum est; unde dicit vade et
corripe eum. Rabanus. Non passim iubet peccanti dimittere,
sed audienti, idest obedienti et poenitentiam agenti: ne vel difficilis sit
venia, vel remissa indulgentia. Chrysostomus in Matth. Non autem dicit:
accusa, neque: increpa, neque: vindictas expete; sed argue, idest, rememora
sibi peccatum, dic ei quae ab eo passus es. Ipse enim ira et verecundia
detinetur, ebrius factus quasi gravi somno. Unde oportet te, qui sanus es, ad
illum qui aegrotat abire. Hieronymus. Sciendum tamen, quod si peccaverit
in vos frater vester, et in qualibet causa vos laeserit, dimittendi habetis
potestatem, immo necessitatem: quia praecipitur ut debitoribus nostris debita
dimittamus: propter quod et hic dicitur si peccaverit in te frater tuus. Si
autem in Deum quis peccaverit, non est nostri arbitrii. Nos e contrario, in
Dei iniuria benigni sumus, in nostris contumeliis exercemus odia. Chrysostomus in Matth. Ideo autem praecipit
arguere ei qui passus est iniuriam, et non alii; quia ille qui fecit
iniuriam, ab eo mansuetius sustinet; et maxime cum solus eum corripiat. Cum
enim qui vindictam expetere debebat, hic salutis videtur diligentiam habere,
maxime hoc eum potest propitium facere. Augustinus de Verb. Dom. Quando ergo in nos
aliquis peccat, habeamus magnam curam, non pro nobis, nam gloriosum est
iniuriam oblivisci; sed obliviscere iniuriam tuam, non vulnus fratris tui:
ergo corripe inter te et ipsum solum, studens correctionis, parcens pudori.
Forte enim prae verecundia incipit defendere peccatum suum et quem vis facere
correctiorem, facis peiorem. Hieronymus. Corripiendus est enim seorsum
frater, ne si semel pudorem atque verecundiam amiserit, permaneat in peccato.
Augustinus de Verb. Dom. Apostolus autem
dicit: peccantem coram omnibus argue, ut et ceteri timorem habeant. Aliquando
ergo scias corripiendum esse fratrem inter te et fratrem solum, aliquando
autem coram omnibus. Quid autem ante facere debeamus, intendite et videte. Si
peccaverit, inquit, in te frater tuus, corripe eum inter te et ipsum solum.
Quare? Quia in te peccavit? Quid est: in te peccavit? Tu scis quia peccavit:
quia enim secretum fuit quando in te peccavit, secretum quaere cum corrigis
quae peccavit. Nam si solus nosti quia peccavit in te, et eum vis coram
omnibus arguere, non es corrector, sed proditor. Peccavit ergo in te frater
tuus; sed si tu solus nosti, tunc vere in te solum peccavit: nam si multis
audientibus tibi fecit iniuriam, et in illos peccavit, quos testes suae
iniquitatis effecit. Ergo ipsa corripienda sunt coram omnibus, quae peccantur
coram omnibus: ipsa corripienda sunt secretius quae peccantur secretius.
Distribuite tempora, et concordate Scripturas. Quare autem proximum corrigis?
Quia tu doles quod peccaverit in te? Absit. Si autem amore tui id facis,
nihil facis; si amore illius facis, optime facis. Denique in ipsis verbis
attende cuius amore id facere debeas: utrum tui, an illius: sequitur enim si
te audierit, lucratus eris fratrem tuum. Ergo propter illum fac, ut lucreris
illum. Agnosce, quia in hominem peccando periisti: nam si non perieras,
quomodo te lucratus est? Nemo ergo contemnat
quando peccat in fratrem. Chrysostomus in Matth. In
quo etiam demonstratur quod inimicitia damnum est commune; et propter hoc non
dixit quod ille lucratus est seipsum, sed quod tu lucratus es eum: ex quo
ostendit quoniam et tu et ille damnum passi eratis ex discordia. Hieronymus. Per salutem enim alterius nobis
quoque acquiritur salus. Chrysostomus in Matth. Quid autem facere
debeas si non persuadeatur, subditur si autem te non audierit, adhibe tecum
unum vel duos. Quanto enim inverecundior
fuerit et pertinacior, tanto magis nos ad medicinam studere oportet, non ad
iram et odium. Etenim medicus cum viderit morbum non remitti, non desistit,
sed tunc magis praeparatur ad curandum. Vide qualiter non vindictae gratia
haec correptio fit, sed emendationis: et propter hoc non confestim iubet duos
accipere, sed quando ipse corrigi non voluerit; neque tunc ad eum mittit
multitudinem, sed unum vel duos; et ad hoc legis testimonium inducit, dicens
ut in ore duorum testium vel trium stet omne verbum; quasi dicat: habes iam
testimonium quia totum fecisti quod tuum erat. Hieronymus. Vel intelligendum est hoc modo: si
te audire noluerit, adhibeatur unus frater tantum: quod si nec illum
audierit, adhibeatur et tertius: vel corrigendi studio, ut scilicet vel
admonitione aut pudore corrigatur; vel conveniendi sub testibus. Glossa. Vel si dixerit, non esse peccatum, ut
probent illud esse peccatum. Hieronymus. Porro si nec illos audire
voluerit, tunc multis dicendum est, ut detestationi eum habeant; ut qui non
potuit pudore salvari, salvetur opprobriis: unde sequitur quod si non
audierit eos, dic Ecclesiae. Chrysostomus in Matth. Idest his qui Ecclesiae
praesident. Glossa. Vel dic toti Ecclesiae, ut
maiorem erubescentiam patiatur. Post haec omnia sequitur excommunicatio, quae
fieri debet per os Ecclesiae, idest per sacerdotem; quo excommunicante, tota
Ecclesia cum eo operatur: unde sequitur si autem Ecclesiam non audierit, sit
tibi sicut ethnicus et publicanus. Augustinus de Verb. Dom. Idest, noli
illum iam deputare in numero fratrum tuorum; nec sic tamen salus eius
negligenda est: nam et ipsos ethnicos, idest gentiles et Paganos, in numero quidem
fratrum non deputamus, sed tamen eorum salutem semper inquirimus. Chrysostomus in Matth. Nihil tamen tale
praecipit dominus observandum in his qui extra Ecclesiam sunt, quale
praecipit hic de fratribus corripiendis. Sed
de exterioribus dicit: si quis percusserit te in una maxilla, praebe ei et
aliam; quod et Paulus dicit: quid mihi est de his qui foris sunt, iudicare?
Fratres autem et arguere et avertere iubet. Hieronymus. Quod autem dicit sicut ethnicus et
publicanus, ostenditur maioris esse detestationis qui sub nomine fidelis agit
opera infidelium, quam hi qui aperte gentiles sunt. Publicani enim vocantur
qui saeculi sectantur lucra, et exigunt vectigalia per negotiationes et
fraudes, ac furta scelerata atque periuria. Origenes in Matth. Videamus autem ne forte
sententia haec, non de quocumque peccato posita sit: quid enim si aliquis
peccaverit aliquod peccatorum quae sunt ad mortem: puta masculorum concubitor
factus, adulter, homicida, aut mollis: numquid talem rationis est arguere
solum ad solum? Et, si audierit, statim eum dicere lucrifactum: et non prius
expulerit eum de Ecclesia, nisi postquam coram testibus argutus, et ab
Ecclesia, perstiterit in actu priori? Alius autem respiciens ad immensam
misericordiam Christi, dicet quoniam cum verba Christi nullam faciant
differentiam peccatorum, contra Christi misericordiam faciunt qui haec ad
minima tantum peccata pertinere distinguunt. Alius contra, caute ipsa verba
considerans, non de omni peccato haec dicta defendet: quoniam qui grandia illa
peccata facit, non est frater, sed nominatur frater; cum quo, secundum
apostolum, non oportet nec cibum sumere. Sicut autem negligentibus peccandi
occasionem dant qui ad omne peccatum hoc pertinere exponunt, sic e contra qui
docet in minimis et non mortiferis peccatis peccantem post argutionem testium
vel Ecclesiae, fieri oportere sicut ethnicum et publicanum, aliquid
crudelitatis videtur inducere. Utrum enim omnino pereat, pronuntiare non
possumus. Primum, quia qui ter argutus non obedivit, potest in quarto
obedire; deinde, quia aliquando non secundum opera hominis redditur ei, sed
amplius quam peccavit, quod expedit in hoc mundo; demum quia non dixit solum
sit sicut ethnicus et publicanus; sed sit tibi. Qui ergo in peccato levi
correctus ter, non se emendat, nos quidem debemus eum habere sicut ethnicum
et publicanum, abstinentes ab eo, ut confundatur. An autem etiam a Deo quasi
publicanus et ethnicus iudicetur, non est nostrum pronuntiare, sed est in
iudicio Dei. |
Versets 15-17.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Le Seigneur s’était exprimé avec force contre les auteurs de
scandale, et et leur avait fait très peur; mais il veut empêcher aussi ceux à
qui le scandale était donné, tout en évitant une faute, de tomber dans une
autre, c’est-à-dire dans la négligence; car en s’imaginant qu’on doit avoir
pour eux toute sorte d’égards, ils pourraient facilement tomber dans
l’orgueil; il étouffe donc ces sentiments dans leur âme, et leur fait un
devoir de reprendre leur frère lorsqu’il est en faute: « Si votre frère pèche contre vous, va, reprends-le entre
toi et lui seul.» —
Saint Augustin : (serm. 16 sur les par. du Seig.) Notre
Seigneur nous recommande de ne pas rester indifférents aux péchés les uns des
autres, en cherchant non pas précisément à reprendre, mais à corriger; car
c’est l’amour qui doit inspirer la correction, et non pas le désir de faire
de la peine, mais bien celui de corriger. Mais si vous négligez ce devoir,
vous devenez plus coupable [que celui qui avait besoin de correction]; il
vous avait offensé, et il s’était par là même profondément blessé; mais vous
méprisez cette blessure de votre frère, et vous êtes plus coupable par votre
silence qu’il ne l’est par l’outrage qu’il vous a fait. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 1, 9.)
Souvent, en effet, on dissimule d’une manière coupable la vérité, en
négligeant d’instruire ou d’avertir, quelquefois de reprendre et de corriger
ceux qui font mal, soit qu’on recule devant la difficulté, soit qu’on veuille
éviter leur inimitié, dans la crainte qu’ils ne cherchent à nous faire
obstacle ou à nous nuire dans la jouissance de ces biens temporels que notre
cupidité désire encore trop vivement acquérir, ou que notre faiblesse redoute
de se voir enlever. Mais si nous nous abstenons du devoir de la réprimande et
de la correction à l’égard de ceux qui font mal, soit parce que nous
attendons une occasion plus favorable, soit parce que nous avons obtenu ainsi
qu’ils ne deviennent plus mauvais, ou qu’ils ne nous empêchent de former les
autres chrétiens faibles à une vie vertueuse et fervente, et ne les
influencent pour les détourner de la foi, alors ce n’est plus par un motif de
cupidité, mais par un principe de charité que nous agissons. Or, ceux qui
sont placés à la tête des églises pour les diriger, ont une obligation bien
plus rigoureuse de ne point négliger le devoir de la correction; et,
toutefois, lors même qu’on ne serait pas à la tête des autres, dès lors qu’on
leur est uni par les relations ordinaires de la vie, et que l’on remarque en
eux bien des choses qu’il faut reprendre ou corriger, on n’est pas
entièrement exempt de faute lorsqu’on néglige de le faire, parce qu’on veut
éviter de les offenser dans la crainte d’être troublé dans la jouissance des
biens de cette vie qu’on possède légitimement, mais pour lesquels on éprouve
un attachement beaucoup trop vif. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
60.) Remarquons
que quelquefois Notre Seigneur amène celui qui a été l’auteur de l’offense à
celui qu’il a offensé, par exemple, lorsqu’il dit: « Si vous vous rappelez que votre frère a quelque chose contre
vous, allez vous réconcilier avec votre frère, » et que d’autres
fois il ordonne à celui qui a subi quelqu’injustice de pardonner à son
prochain, comme dans ces paroles: « Pardonnez-nous
nos offenses, comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensé. »
Ici il nous propose un nouveau mode de réconciliation, il conduit celui qui a
reçu l’offense à celui qui l’a faite; c’est pourquoi il dit : « si votre frère a péché contre
vous » ; il prévoit, en effet, que celui qui a commis
l’injustice, ne viendrait pas facilement excuser sa conduite, retenu qu’il
serait par la honte; il lui amène donc celui qui a souffert l’offense, et ce
n’est pas de sa part une simple démarche qu’il veut ici, mais il demande la
réparation du mal qui a été fait: « Allez
et reprenez-le. » — Raban : Il ne commande pas de pardonner indistinctement à tout homme qui
pèche, mais à celui qui est disposé à écouter, c’est-à-dire à obéir et à
faire pénitence, afin que le pardon ne soit pas trop difficile, ou que
l’indulgence ne soit excessive. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Il ne dit pas: Accusez, faites de
vifs reproches, tirez vengeance; mais: « Reprenez-le »,
c’est-à-dire rappelez-lui sa faute, dites-lui ce qu’il vous a fait souffrir.
Pour lui, il est plongé dans sa colère comme dans un profond sommeil causé
par l’ivresse, il faut donc que vous dont les intentions sont pures, vous
alliez trouver celui qui est malade. —
Saint Jérôme : Il faut vous rappeler cependant, que
si votre frère a péché contre vous, et vous a offensé de quelque manière que
ce soit, non seulement vous avez le pouvoir, mais vous êtes dans l’obligation
de lui pardonner; car il nous est commandé de remettre leurs dettes à ceux
qui nous doivent. C’est pourquoi Notre Seigneur nous dit ici « Si votre frère a péché contre
vous. » S’il a péché contre Dieu (cf. 1 R 2, 25), il n’est pas en
notre pouvoir de lui pardonner; mais nous, au contraire, nous sommes pleins
d’indulgence pour les offenses commises contre Dieu, et remplis d’animosité
pour venger celles qui s’adressent à nous. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) C’est à celui qui a reçu
l’injure, et non pas à un autre, que Notre Seigneur impose le devoir de la
correction, car celui qui a commis l’offense est disposé à recevoir plus
facilement de sa part la réprimande, surtout lorsqu’elle se fait sans témoin;
et rien n’est plus propre à l’apaiser que de voir celui qui avait le droit
d’exiger une réparation sévère, montrer tant de zèle pour son salut. —
Saint Augustin : (serm. 16 sur les par. du Seig.) Lors donc qu’un de nos frères pèche contre
nous, montrons-nous empressés, non pas de défendre nos droits (car rien n’est
plus glorieux que d’oublier une offense), mais d’oublier l’injure qui nous
est faite, sans oublier la blessure qu’elle a faite à notre frère.
Reprenez-le donc entre vous et lui seul, en ne vous appliquant qu’à le
corriger et en ménageant sa honte. Car il pourrait arriver que sous l’emprise
de ce sentiment, il entreprît de justifier la faute qu’il a commise, et ainsi
en voulant le corriger, vous le rendriez plus coupable. —
Saint Jérôme : Il faut reprendre votre frère en
secret, de peur que, s’il vient à perdre tout sentiment de honte et de
crainte, il ne persévère dans son péché. — Saint Augustin : (serm.
16), etc... L’Apôtre nous fait cette recommandation:
« Reprenez devant tout le monde le
pécheur scandaleux, afin que les autres aient de la crainte. » Il
faut donc que vous sachiez qu’il est des circonstances où il faut reprendre
votre frère seul à seul, et d’autres où il faut le reprendre devant tout le
monde. Mais que devons nous faire avant d’en arriver là ? Écoutez et
retenez: « Si votre frère, dit-il, a péché contre vous, reprenez-le entre
vous et lui seul. » Pourquoi ? Parce qu’il a péché contre vous.
Que veulent dire ces paroles: « il
a péché contre vous » ? Vous savez qu’il a péché, et puisque
son offense contre vous a été secrète, recherchez le secret quand vous
reprenez son péché; car si vous êtes le seul pour connaître qu’il a pêché
contre vous, et que vous vouliez cependant le reprendre publiquement, ce
n’est plus une correction, mais une accusation publique. Votre frère a donc
pêché contre vous, mais si vous êtes le seul pour le savoir, c’est vraiment
contre vous seul qu’il a péché; s’il vous a offensé devant un grand nombre de
personnes, il a péché contre tous ceux qu’il a rendu témoins de sa faute. Il
faut donc reprendre publiquement les fautes publiques, et en secret les
fautes secrètes, Apprenez à discerner les temps et les occasions, et vous
concilierez les Écritures. Or, pourquoi reprenez-vous le prochain ?
Est-ce parce que vous éprouvez de la peine d’en avoir été offensé ? A
Dieu ne plaise, si vous le faites par amour pour vous, vous ne faites rien;
si, au contraire, vous le reprenez par amour pour lui, vous agissez dans la
perfection. Or, apprenez des paroles elles-mêmes de Notre Seigneur, dans
qu’elle intention vous devez faire cette réprimande, si c’est dans votre
intérêt, ou dans celui de votre frère: « S’il
vous écoute, vous aurez gagné votre frère. » Faites-le donc pour
lui, afin de le gagner. Reconnaissez qu’en péchant contre votre frère, vous
vous êtes perdu, car, autrement, comment vous aurait-il gagné ? Que
personne donc ne regarde comme indifférente l’offense faite à un de ses
frères. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Ces paroles nous prouvent encore
que l’inimitié porte dommage aux deux parties, aussi ne dit-il pas: il s’est
gagné lui-même, mais vous l’avez gagné, preuve que tous deux, vous et lui
vous avez souffert de ce désaccord. —
Saint Jérôme : En procurant le salut d’un autre,
nous assurons ainsi notre propre salut. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
60.) Mais
que devez-vous faire si vous ne pouvez persuader votre frère ? Les
paroles suivantes vous l’apprennent: « S’il
ne vous écoute point, prenez encore avec vous une ou deux personnes » ;
car plus il montrera d’impudence et d’opiniâtreté, plus il faut s’appliquer à
le guérir sans se laisser aller à la colère ou à la haine. Ainsi, lorsqu’un
médecin voit que la maladie s’aggrave, loin d’abandonner son malade, il
redouble d’efforts pour triompher de l’extrémité du mal. Remarquez aussi que
cette réprimande ne doit point se faire sous l’inspiration de la vengeance,
mais pour corriger notre frère. C’est pour cela que le Seigneur ne nous
commande pas de prendre d’abord deux témoins, mais alors seulement que notre
frère refuse d’écouter notre réprimande; et encore n’est-ce pas un grand
nombre de personnes, mais une ou deux qu’il faut prendre avec soi; mesure
qu’il appuie du témoignage de la loi: « Tout
sera assuré par la déposition de deux ou de trois témoins (Dt 19, 15) » ;
comme s’il disait: Vous pouvez alors vous rendre le témoignage que vous avez
fait tout ce qui dépendait de vous. —
Saint Jérôme : Ou bien, on peut admettre cette autre
interprétation: S’il ne veut pas vous écouter, prenez d’abord avec vous un
seul témoin; s’il refuse encore de l’écouter, prenez-en un troisième, afin
que votre admonition ou du moins la honte, le force à se corriger, ou
qu’alors il soit convaincu devant témoins. — La Glose : Ou bien encore,
pour lui prouver qu’il a péché, s’il venait à le nier. —
Saint Jérôme : Or, s’il refuse encore de les
écouter, il faut alors déclarer sa faute à un plus grand nombre, afin de leur
inspirer pour lui une vive horreur, et essayer de sauver par l’opprobre celui
qui n’a pu être sauvé par la honte: « Que
s’il ne les écoute pas non plus, dites le à l’Église. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) C’est-à-dire à ceux qui sont à la
tête de l’Église. — La Glose : Ou bien, dites-le à
toute l’Église, pour lui faire essuyer une plus grande honte. Tous ces moyens
épuisés, il faut en venir à l’excommunication qui doit être prononcée par la
bouche de l’Église, c’est-à-dire par le prêtre qui est l’organe de toute
l’Église, lorsqu’il prononce la sentence d’excommunication: « S’il n’écoute pas l’Église, qu’il
soit pour vous comme le païen et le publicain.» —
Saint Augustin : (serm. 16 sur les par. du Seig.) Ne le comptez plus dès lors au nombre de
vos frères; cependant ne négligez pas son salut; car si nous ne regardons pas
comme nos frères les étrangers, c’est-à-dire les Gentils et les païens, nous
ne laissons pas de chercher à les sauver. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Toutefois le Seigneur, à l’égard
de ceux qui sont hors de l’Église, ne nous a rien commandé de semblable à ce
que nous devons faire pour reprendre et corriger nos frères. Voici ce qu’il
nous ordonne de faire à l’égard de ceux qui sont en dehors de l’Église (Mt 5): « Si quelqu’un vous frappe sur une joue, présentez-lui l’autre
joue », et saint Paul: « Pourquoi
voudrais-je juger ceux qui sont hors de l’Église ? » Mais pour
nos frères, il faut les reprendre et les retirer du mal. —
Saint Jérôme : En nous disant: « Qu’il soit à votre égard comme un païen et comme un
publicain », le Seigneur nous apprend à concevoir plus d’horreur
pour celui qui, sous le nom de chrétien, se conduit en infidèle, que pour
ceux qui sont ouvertement connus pour païens. Ou appelait publicains ceux qui
étaient avides d’argent, et qui exigeaient les impôts en recourant au trafic,
aux fraudes, au vol et à des parjures horribles. — Origène : (Traité 6 sur S. Matth.) Il faut remarquer ici que cette conduite que nous recommande le Seigneur, ne doit pas être appliquée à toute espèce de péché. Car si quelqu’un vient à commettre un de ces péchés qui conduisent à la mort, et qu’il soit, par exemple, pédéraste, adultère, homicide ou efféminé, est-ce qu’il serait raisonnable de le réprimander seul à seul, et s’il se montrait docile à vos observations, de dire aussitôt: Je l’ai gagné ? Ou bien s’il ne voulait pas vous écouter, serait-il convenable pour le chasser du sein de l’Église d’attendre que, malgré la réprimande faite devant les témoins et devant l’Église, il ait persévéré dans son crime ? Il en est qui, considérant l’immense miséricorde de Jésus-Christ, prétendront que c’est aller contre cette miséricorde que de restreindre ces paroles aux seuls péchés plus légers, parce que Notre Seigneur ne fait aucune distinction de péchés. D’autres, examinant plus attentivement ces paroles, soutiendront qu’elles ne s’appliquent pas à toute sorte de péchés; car, disent-ils, celui qui se rend coupable de crimes énormes n’est plus notre frère, il n’en a plus que le nom, et l’Apôtre nous défend même de manger avec lui. Or, de même que ceux qui n’appliquent pas ce passage à toute espèce de péchés, favorisent la négligence, et l’invitent, pour ainsi dire, au péché; ainsi, par contre, celui qui enseigne que le fidèle qui n’est coupable que de fautes légères et vénielles, doit être regardé comme un païen et un publicain après avoir subi la réprimande devant témoins ou devant l’Église, me paraît introduire une doctrine par trop sévère. Car enfin nous ne pouvons pas prononcer que cet homme est tout à fait perdu, parce que d’abord, s’il a résisté à trois réprimandes, il peut se rendre à la quatrième; en second lieu, parce que souvent on ne lui rend pas selon ses oeuvres, mais au delà de ce que méritent ses fautes, ce qui est souvent avantageux en ce monde; enfin, Jésus-Christ n’a point dit absolument: Qu’il soit comme un païen et un publicain, mais: « Qu’il soit pour vous... » Si donc après l’avoir repris trois fois d’une faute légère, il ne s’en corrige pas, nous devons le considérer comme un païen et un publicain, afin de le couvrir de confusion en nous abstenant de le voir; mais que Dieu le juge aussi comme un païen et un publicain, ce n’est pas à nous de l’affirmer; c’est au jugement de Dieu lui-même. |
Lectio 5 [85530] Catena in Mt., cap. 18 l. 5 Hieronymus.
Quia dixerat: si Ecclesiam non audierit, sit tibi sicut ethnicus et
publicanus; et poterit contempti fratris haec esse responsio, vel tacita
cogitatio: si me despicis, et ego te despicio; si me condemnas, et tu mea
sententia condemnaberis; potestatem tribuit apostolis ut sciant qui talibus
condemnantur, humanam sententiam divina sententia corroborari: unde dicitur
amen dico vobis: quaecumque alligaveritis super terram, erunt ligata et in
caelo; et quaecumque solveritis super terram, erunt soluta et in caelo. Origenes in Matth. Non dixit: in caelis,
sicut Petro, sed in caelo, uno: quia non sunt tantae perfectionis sicut
Petrus. Hilarius in Matth. Per hoc tamen ad
terrorem maximi metus, quo ad praesens omnes continentur, immobile
severitatis apostolicae iudicium demonstravit, ut quos in terris alligaverint,
idest peccatorum nodis innexos reliquerint, et quos solverint, concessionem
scilicet veniae acceperint in salutem, hi in caelis ligati sint vel soluti.
Chrysostomus in Matth. Et notandum, quod
non dixit primati Ecclesiae: liga talem; sed: si ligaveritis, indissolubilia
erunt ligamina; quasi hoc eius iudicio dimittens. Vide
autem qualiter incorrigibilem duplicibus colligavit necessitatibus: scilicet
et poena quae est hic, scilicet proiectione ab Ecclesia, quam supra posuit,
dicens: sit tibi sicut ethnicus; et supplicio futuro, quod est ligatum esse
in caelo: ut multitudine iudiciorum dissolvat fratris iram. Augustinus de Verb. Dom. Vel aliter. Coepisti
habere fratrem tuum tamquam publicanum, ligans eum in terra: sed ut iuste
alliges, vide: nam iniusta vincula disrumpit iustitia. Cum autem correxeris,
et concordaveris cum fratre tuo, solvisti illum in terra: cum solveris in
terra, solutus erit in caelo. Multum praestas non tibi sed illi, quia multum
nocuit non tibi sed sibi. Glossa. Non solum autem de excommunicatione,
sed etiam de omni petitione quae fit a consentientibus in unitate Ecclesiae,
dat confirmationem, cum subdit iterum dico vobis, quia si duo ex vobis
consenserint super terram, vel poenitentem recipiendo, vel superbum abiciendo,
de omni re quam petierint, quae non est contraria Ecclesiae unitati, fiet
illis a patre meo qui in caelis est. Per hoc autem quod dicit qui in caelis
est, eum super omnia esse ostendit, et per hoc complere eum posse quod
petitur. Vel in caelis est, idest in sanctis; quod valet ad probandum, quod
fiet illis quicquid petierint quod dignum sit, quia illum apud se habent a
quo petunt. Unde rata est sententia consentientium, quia Deus cum eis
habitat; et ideo sequitur ubi enim sunt duo vel tres congregati in nomine
meo, ibi sum in medio eorum. Chrysostomus in Matth. Vel quia dixerat fiet
illis a patre meo, ut ostendat se etiam esse datorem simul cum patre, subdit
ubi sunt enim duo vel tres. Origenes in Matth. Non autem dixit in
medio eorum ero, sed sum: mox enim ut aliqui consenserint, Christus invenitur
in eis. Hilarius. Ipse enim qui pax atque caritas est,
sedem atque habitationem in bonis atque pacificis voluntatibus collocabit.
Hieronymus. Vel aliter. Omnis superior sermo
ad concordiam nos provocaverat; igitur et praemium pollicetur, ut sollicitius
festinemus ad pacem, cum se dicat inter duos vel tres medium fore. Chrysostomus in Matth. Non autem dixit
simpliciter ubi congregati fuerint; sed addit in nomine meo; quasi dicat: si quis
me principalem causam amicitiae ad proximum habuerit, cum eo ero, si et in
aliis virtuosus erit. Quomodo ergo non ibi consentientes consequuntur id quod
petunt? Primo quidem, quia non expedientia petunt. Secundo, quia indigni sunt
qui petunt, et ea quae sunt a seipsis non inferunt: unde dicit si duo ex
vobis, qui evangelicam ostenditis conversationem. Tertio, quia adversus eos
qui contristaverunt orant vindictam quaerentes. Quarto, quia petunt
misericordiam peccantibus qui non poenituerunt. Origenes. Et ista est etiam causa propter quam
non exaudimur orantes, quia non consentimus nobis per omnia super terram,
neque dogmate neque conversatione. Sicut enim in musicis, nisi fuerit
convenientia vocum, non delectat audientem, sic in Ecclesia, nisi consensum
habuerit, non delectatur Deus in ea, nec audit voces eorum. Hieronymus. Possumus autem et hoc
spiritualiter intelligere, quod ubi spiritus et anima corpusque consenserint,
et non intra se bellum diversarum habuerint voluntatum, de omni re quam petierint,
impetrent a patre: nulli enim dubium est quin bonarum rerum postulatio sit,
ubi corpus vult habere ea quae spiritus. Origenes. Vel in quo duo testamenta
consentiunt sibi, eius invenitur oratio de omni re acceptabilis Deo. |
Versets 18-20.
— Saint Jérôme : Notre
Seigneur venait de dire: « S’il
n’écoute pas l’Église, qu’il soit pour vous comme un païen et comme un
publicain. » Celui qui se trouvait ainsi rejeté, aurait pu répondre
ou du moins penser: Vous me méprisez, et moi aussi je vous méprise; vous me
condamnez, je vous condamne également; il donne donc ici aux Apôtres un
pouvoir tel qu’il fait comprendre à ceux qui sont frappés par leur
condamnation, que la sentence de la terre est confirmée par le jugement de
Dieu; c’est pour cela qu’il ajoute: « Je
vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le
ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » — Origène : Il ne dit pas:
« dans les cieux, » comme dans le pouvoir qu’il a donné à Pierre,
mais « dans le ciel » au
singulier; car les Apôtres n’étaient pas aussi parfaits que Pierre. —
Saint Hilaire : L’intention du Seigneur dans ces
paroles est d’inspirer à tous les hommes la crainte la plus vive, pour les
contenir ici-bas dans le devoir; c’est pour cela qu’il déclare irrévocable le
jugement prononcé par le tribunal sévère des Apôtres, jusque là que tous ceux
qu’ils auront liés sur la terre, c’est-à-dire qu’ils auront laissés dans les
liens du péché, et ceux qu’ils auront déliés en leur donnant dans la
rémission des péchés le gage du salut, seront liés ou déliés dans les cieux. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Et remarquez qu’il ne dit pas à
celui qui est à la tête de l’Église: Liez un tel, mais: « Si vous liez,
les liens ne pourront être rompus. » Il laisse ainsi à son propre
jugement la conduite qu’il doit tenir. Voyez encore comme il a chargé d’une
double chaîne le pécheur incorrigible, d’abord par une peine actuelle,
c’est-à-dire sa séparation de l’Église, dont il a parlé plus haut en ces termes:
« Qu’il soit pour vous comme un
païen », et par le supplice de l’autre vie, qui est d’être lié dans
le ciel; et c’est par cette multitude de jugements qu’il veut éteindre
l’indignation du frère coupable. —
Saint Augustin : (serm. 16 sur les par. du Seig.) Ou bien dans un autre sens: Vous avez
commencé à regarder votre frère comme un publicain, vous le liez sur la
terre, mais faites attention de le lier pour des motifs justes; car l’[éternelle]
justice brise les liens qui sont imposés injustement. Lorsqu’au contraire
vous aurez corrigé votre frère, et rétabli l’accord entre vous et lui, vous
l’avez délié sur la terre, et lorsque vous l’aurez délié sur la terre, il
sera également délié dans le ciel. Or, en cela, vous rendez un service
signalé, non pas à vous, mais à votre frère, parce qu’il s’est fait à
lui-même un tort immense plutôt qu’à vous. — La Glose : Ce n’est pas
seulement l’efficacité de l’excommunication, mais encore la puissance de
toute prière des fidèles priant de concert dans l’unité de l’Église, que
Notre Seigneur confirme en ajoutant: « Je
vous dis encore que si deux d’entre vous s’unissent ensemble sur la terre
(soit pour recevoir un pénitent, soit pour rejeter un orgueilleux ou pour
toute autre chose qu’ils demanderont et qui ne sera pas contraire à l’unité
de l’Église), ce qu’ils demandent leur sera accordé par mon Père qui est dans
les cieux. » Par ces paroles: « qui
est dans les cieux, » il nous montre que son Père est au-dessus de
toutes choses, et qu’il peut ainsi exaucer les prières qui lui sont
adressées. Ou bien: « Il est dans
les cieux », c’est-à-dire dans les saints, ce qui tend à prouver
qu’il leur accordera certainement l’objet de leurs prières, si toutefois cet
objet est digne de Dieu, parce qu’ils ont en eux-mêmes celui à qui s’adressent
leurs demandes; et voilà pourquoi Dieu exauce et ratifie les désirs de ceux
qui sont unis entre eux, parce qu’il habite au milieu d’eux, suivant ces
paroles: « Là où deux ou trois
sont réunis en mon nom, je suis moi-même au milieu d’eux. » — Saint
Jean Chrysostome : (hom. 60.) Comme il avait dit: « Ce qu’ils demandent leur sera
accordé par mon Père », il veut leur apprendre que c’est également
de lui-même comme de son Père que découlent ces faveurs, et il ajoute : « Là où sont réunis deux ou trois, [je
suis moi-même au milieu d’eux.] » — Origène : Il ne dit pas: « Je serai au milieu d’eux », mais au
présent: « Je suis », car aussitôt que quelques personnes
s’unissent entre elles, Jésus-Christ se trouve au milieu d’elles. —
Saint Hilaire : Il est lui-même la paix et la
charité, et il établira son trône et son habitation dans les volontés droites
et pacifiques. —
Saint Jérôme : Ou bien encore, tout ce qui précède
était une invitation à la concorde; le Seigneur sanctionne cet appel par la
récompense qu’il promet, et pour nous faire embrasser plus promptement la
paix, il nous déclare qu’il sera au milieu de deux ou trois personnes dès
lors qu’elles seront unies entre elles. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
60.) Il
ne dit pas simplement: « Là où seront réunis, » mais il ajoute: « en mon nom », comme s’il
disait: Si je suis le motif principal de l’affection qu’un chrétien a pour
son frère, je serai avec lui, pourvu qu’il ait d’ailleurs toutes les autres
vertus. Mais comment donc se fait-il que des personnes parfaitement unies
entre elles n’obtiennent pas ce qu’elles demandent ? Premièrement, parce
qu’elles demandent des choses qu’il ne leur est pas avantageux d’obtenir; en
second lieu, parce qu’elles sont personnellement indignes d’être exaucées, et
qu’elles n’apportent pas à la prière les dispositions convenables; aussi
Notre Seigneur prend-il soin de dire: « Si
deux d’entre vous », c’est-à-dire de ceux dont la vie est conforme à
l’Évangile; troisièmement, parce qu’elles prient contre ceux qui les ont offensés,
cherchant une vengeance ; ou quatrièmement, enfin parce qu’elles
implorent la miséricorde divine pour des pécheurs sans repentir. — Origène : Voici encore une
autre cause qui détruit l’effet de nos prières; nous ne sommes parfaitement
unis en tout, entre nous, ici-bas, ni par la foi, ni par le mode de vie. Car
de même que la musique ne peut charmer l’auditeur, s’il y a défaut d’accord
dans les voix, de même si l’harmonie ne règne dans l’Église, Dieu ne peut ni
s’y complaire ni écouter les voix de ses enfants. —
Saint Jérôme : Nous pouvons encore entendre ces
paroles dans un sens spirituel et dire que là où l’esprit, l’âme et le corps
sont unis entre eux, et n’offrent pas le spectacle de volontés opposées, ils
obtiendront tout ce qu’ils demanderont au Père céleste; car nul ne doute que
là ou le corps a la même volonté que l’esprit, la prière n’ait pour objet des
choses agréables à Dieu. — Origène : Ou bien encore, celui en qui les deux Testaments s’accordent et s’unissent entre eux, peut être certain que sa prière, quel qu’en soit l’objet, devient agréable à Dieu. |
Lectio 6 [85531] Catena in Mt., cap. 18 l. 6 Hieronymus.
Supra dixerat dominus: videte ne contemnatis unum de pusillis istis: et
adiecerat: si peccaverit in te frater tuus, etc...; et praemium repromiserat,
dicens: si duo ex vobis, etc..., unde provocatus apostolus Petrus interrogat;
et hoc est quod dicitur tunc accedens ad eum Petrus, dixit: domine, quoties
peccaverit in me frater meus, et dimittam ei? Et cum interrogatione profert
sententiam, dicens usque septies? Chrysostomus in Matth. Putavit quidem Petrus
aliquid se magnum dicere. Sed quid amator hominum Christus responderit,
subditur dicit illi Iesus: non tibi dico usque septies; sed usque septuagies
septies. Augustinus de Verb. Dom. Audeo dicere: et si
septuagies octies peccaverit, ignoscas; et si centies; et omnino quoties
peccaverit, ignosce. Si enim Christus millia peccatorum invenit, et tamen
omnia donavit, noli subducere misericordiam. Ait enim apostolus: donantes
vobismetipsis, si quis adversus aliquem habet querelam, sicut et Deus in
Christo donavit nobis. Chrysostomus in Matth. Cum ergo dicit usque
septuagies septies, non numerum determinatum ponit, ut numero concludat
remissionem; sed quod continue et semper est significavit. Augustinus de Verb. Dom. Non tamen sine causa
dominus septuagies septies dixit: nam lex decem praeceptis commendatur: lex
enim per decem, peccatum per undecim significatur, quia transgressio denarii
est. Septem autem solet pro toto computari, quia
septem diebus volvitur tempus. Duc autem septies undecim, fiunt septuagies
septies. Omnia ergo peccata dimitti voluit, quia ea septuagesimo septimo
numero praesignavit. Origenes in Matth. Vel quia numerus sex
videtur esse operis et laboris, septimus autem repausationis, dicit
remissionem fieri oportere fratribus in hoc mundo degentibus, et secundum res
huius mundi peccantibus. Si autem aliquis ultra ea peccata
peccaverit, iam non habebit remissionem. Hieronymus. Vel intelligendum est septuagies
septies, idest quadringentis nonaginta vicibus: ut toties peccanti fratri
dimitteret quoties ille peccare posset. Rabanus. Aliter tamen datur venia petenti
fratri: ut nobis scilicet socia caritate communicet, sicut Ioseph fratribus;
aliter inimico persequenti, ut bonum ei velimus, et si licet, faciamus, ut
David lugens Saul. |
Versets 21-22.
—
Saint Jérôme : Notre Seigneur avait fait plus haut
cette recommandation: « Prenez
garde de mépriser aucun de ces petits » ; il avait ajouté: « Si votre frère pèche contre vous, etc... »,
et il avait promis de récompenser cette conduite en leur disant: « Si d’eux d’entre vous, etc...».
Pierre, excité par ces paroles, interroge le Seigneur comme l’Évangéliste le
rapporte: « Alors Pierre
s’approchant, lui dit: Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère,
lorsqu’il péchera contre moi ? » Et, tout en faisant cette
question, il donne son avis: « Est-ce
jusqu’à sept fois ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61.) Pierre croit avoir fait un acte
héroïque; mais que lui répond Jésus, le tendre ami des hommes ? « Jésus lui dit: Je ne vous dis pas
jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois ». —
Saint Augustin : (serm. 16 sur les paroles du Seigneur.) J’ose le dire, quand même il aurait
péché septante fois huit fois, pardonnez-lui; eût-il péché cent fois,
pardonnez-lui encore; en un mot, toutes les fois qu’il pèche, ne cessez de
lui pardonner. Car si Jésus-Christ, bien qu’il ait trouvé en nous des
milliers de péchés, nous les a tous pardonnés, ne refusez donc pas de faire
vous-mêmes miséricorde, ainsi que l’Apôtre vous le recommande en ces termes (Col 3): « vous pardonnant entre vous les sujets de plainte que vous
pourriez avoir les uns contre les autres, comme Dieu vous a pardonné en
Jésus-Christ (cf. 2 Co 5, 10). » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61.) En disant: « jusqu’à
septante fois sept fois », le Seigneur ne précise pas un nombre et ne
circonscrit pas le pardon dans un chiffre quelconque, mais il veut dire qu’il
ne faut mettre aucune restriction, aucune limite à ce pardon. —
Saint Augustin : (serm. 16 sur les paroles du Seigneur.) Cependant ce n’est point au hasard
que le Seigneur choisit le nombre de septante fois sept fois; car la loi a
été donnée en dix commandements. Si la loi est représentée par le nombre dix,
le péché l’est par le nombre onze, car il va au delà du nombre dix. Le nombre
sept se prend ordinairement pour un tout complet, car le temps fait sa
révolution en sept jours. Or, onze fois sept font soixante-dix-sept; le Seigneur,
en choisissant ce nombre soixante-dix-sept, a donc voulu que tous les péchés
que nos frères pourraient commettre fussent pardonnés. — Origène : (Traité 6 sur S. Matth.) Ou bien encore, comme le nombre six paraît
désigner l’action et le travail, et le nombre sept le repos, [on peut dire
que celui qui aime le monde et qui fait les oeuvres du monde, pèche sept fois
en se livrant à ces actions toutes mondaines ; Pierre croyait sans doute
qu’il était question de ces oeuvres, quand il pensait qu’il fallait pardonner
sept fois; mais comme Jésus-Christ savait qu’il en est dont les péchés
s’étendent bien au-delà], il ajoute [le nombre septante au nombre sept pour
nous apprendre] que nous devons pardonner à nos frères qui vivent dans le
monde et qui pèchent dans l’usage qu’ils font des choses du monde. Mais si
quelqu’un multiplie les transgressions au delà de ce nombre, il n’a point de
pardon à espérer. [J’ai maintenu cette longue
paraphrase de l’Abbé Péronne, parce qu’elle éclaire un texte assez obscur.
C.D.] —
Saint Jérôme : Ou bien il faut entendre ces septante
fois sept fois dans le sens de. quatre cent quatre-vingt-dix fois,
c’est-à-dire que vous devez pardonner à votre frère autant de fois qu’il
pourra pécher. — Raban : Toutefois, il y a une différence entre le pardon que nous accordons à un frère qui le demande et avec lequel nous renouons les liens étroits qui nous unissaient (comme Joseph avec ses frères), et le pardon que nous accordons à un ennemi qui nous persécute, à qui nous voulons, et à qui même, s’il est possible, nous faisons du bien, comme David lorsqu’il fuyait devant Saül. |
Lectio 7 [85532] Catena in Mt.,
cap. 18 l. 7 Chrysostomus in Matth. Ne
aliquis existimaret magnum quid et grave dominum iniunxisse, cum dicit
dimittendum usque septuagies septies, adiecit parabolam. Hieronymus. Familiare enim est Syris, et
maxime Palaestinis, ad omnem sermonem suum parabolam iungere: ut quod per
simplex praeceptum ab auditoribus teneri non potest, per similitudinem
exemploque teneatur: unde dicitur ideo assimilatum est regnum caelorum homini
regi, qui voluit rationem ponere cum servis suis. Origenes in Matth. Filius Dei, sicut est
sapientia, iustitia et veritas, ita ipse est regnum; non autem alicuius eorum
quae sunt deorsum, sed omnium quae sunt sursum: in quorum sensibus iustitia
et ceterae virtutes regnant; qui facti sunt caeli per hoc quod portant
caelestis imaginem. Hoc ergo regnum caelorum, idest filius Dei quando factus
est in similitudinem carnis peccati, tunc similis factus est homini regi,
uniens hominem sibi. Remigius. Vel regnum caelorum congrue sancta
Ecclesia intelligitur, in qua dominus operatur hoc quod in ista parabola
loquitur. Nomine autem hominis aliquando designatur pater, sicut ibi: simile
est regnum caelorum homini regi, qui fecit nuptias filio suo; aliquando vero
designatur filius: hic autem utrumque intelligi potest, et pater et filius
qui sunt unus Deus. Deus autem rex dicitur, cuncta quae creavit regendo et
gubernando. Origenes. Servi autem hi soli sunt, quantum ad
istas parabolas, qui dispensatores verbi habentur, et quibus hoc est
commissum, ut negotientur. Remigius. Vel per servos huius hominis regis
designantur omnes homines, quos ad laudandum se creavit, quibusque legem
naturae dedit; cum quibus rationem ponit, quando vitam et mores et actus
singulorum discutit, ut unicuique secundum quod gessit tribuat; unde sequitur
et cum coepisset rationem ponere, oblatus est ei unus qui debebat decem
millia talenta. Origenes. Omnis autem vitae nostrae ratio
ponenda est a rege, quando omnes nos praesentari oportuerit ante tribunal
Christi. Nec hoc dicimus ut suspicio sit ne forte res ipsa necessarium habeat
longum tempus. Volens enim Deus ventilare omnium mentes, cito omnia ab
omnibus omni tempore gesta, singulis quibuscumque faciet in mentem venire,
ineffabili quadam virtute. Dicit autem et cum coepisset rationem ponere, quia
initium iudicii est ut incipiat a domo Dei. In principio ergo ponendae
rationis oblatus est debitor talentorum multorum, qui scilicet multa fecerat
damna, et magna ei erant iniuncta, et nullum attulit lucrum: qui forsitan tot
talenta perdidit quantos perdidit homines; et ideo talentorum multorum est
factus debitor, quoniam secutus est mulierem super talentum plumbi sedentem,
cuius nomen iniquitas. Hieronymus. Scio quosdam istum qui debebat
decem milia talenta, Diabolum interpretari, cuius uxorem et filios
venumdandos, perseverante illo in malitia, insipientiam et malas cogitationes
intelligi volunt. Sicut enim uxor iusti dicitur sapientia, sic uxor iniusti
et peccatoris appellatur stultitia. Sed quomodo ei dimittat dominus decem
milia talenta, et ille nobis conservis suis decem denarios non dimiserit, nec
ecclesiasticae interpretationis est, nec a prudentibus viris recipienda. Augustinus de Verb. Dom. Ideo dicendum est
quod, quia lex in decem praeceptis commendatur, ille debebat decem millia
talentorum: per quod omnia peccata significat, quae secundum legem fiunt.
Remigius. Homo autem sua voluntate et sponte
peccans, suo conatu nullo modo surgere valet: et non habet unde reddat, quia
nihil in se invenit per quod se a peccatis solvat: unde sequitur cum autem
non haberet unde redderet, iussit eum dominus venumdari, et uxorem eius et
filios et omnia quae habebat, et reddi. Uxor quidem stulti est stultitia, et
carnis voluptas seu cupiditas. Augustinus de quaest. Evang. Per hoc ergo
significatur, transgressorem Decalogi pro cupiditate et pravis operibus
tamquam uxore et filiis, poenas solvere debuisse; quod est pretium eius:
pretium enim venditi est supplicium damnati. Chrysostomus in Matth. Hoc autem non ex
crudelitate iussit, sed ex ineffabili affectione. Vult enim eum terrere per
has minas, ut supplicet, et non vendatur; quod et factum ostenditur, cum
subditur procidens autem servus ille rogabat eum, dicens: patientiam habe in
me, et omnia reddam tibi. Remigius. His autem verbis humiliatio et
satisfactio peccatoris demonstratur dum dicitur procidens. In hoc vero quod
dicit patientiam habe in me, vox exprimitur peccatoris poscentis tempus
vivendi, et spatium corrigendi. Est autem larga Dei benignitas et clementia
erga peccatores conservos: quoniam ipse semper paratus est per Baptismum aut
poenitentiam peccata dimittere: unde sequitur misertus autem dominus servi
illius, dimisit eum, et debitum dimisit ei. Chrysostomus in Matth. Vide autem divini
amoris superabundantiam: petit servus solius temporis dilationem; ipse autem
maius eo quod petiit dedit: dimissionem et concessionem totius mutui. Volebat
autem et a principio dare; sed nolebat solum suum esse donum, sed et
supplicationis illius, ut non incoronatus abscedat. Ideo autem antequam
rationem poneret, debitum non dimisit, quia docere voluit a quantis debitis
eum liberat, ut saltem ita ad conservos mansuetior fieret. Et quidem usque ad
haec quae praemissa sunt acceptabilis fuit: etenim confessus est, et promisit
se reddere debitum, et procidens rogavit, et debiti magnitudinem cognovit.
Sed quae postea fecit indigna fuere prioribus: sequitur enim egressus autem
servus ille invenit unum de conservis suis qui debebat ei centum denarios.
Augustinus de Verb. Dom. Quod autem dicitur
quod debebat ei centum denarios, ab eodem numero, scilicet decem, sumitur,
qui est numerus legis: nam et centum centies fiunt decem millia, et decies
deni sunt centum; et illa decem millia talentorum et illi decies deni a
legitimo numero non recedunt: in quo utroque invenies peccata. Uterque est
ergo debitor, uterque veniae deprecator: omnis enim homo et debitor est Dei,
et debitorem habet fratrem suum. Chrysostomus in Matth. Tanta autem differentia
est peccatorum quae committuntur in hominem et quae committuntur in Deum,
quanta est differentia decem millium talentorum et centum denariorum; magis
autem et multo plus; quod patet ex differentia personarum, et a paucitate
peccantium. Homine enim vidente, et desistimus, et pigritamur peccare; Deo
autem vidente secundum unumquemque diem non absistimus; sed agimus
informidabiliter omnia et loquimur. Non hinc autem solum graviora apparent
peccata in Deum, sed etiam e beneficio quo sumus potiti ab ipso: fecit enim
nos esse, et omnia propter nos operatus est: animam rationalem nobis
inspiravit, filium suum misit, caelum nobis aperuit, et nos filios suos
fecit. Numquid ergo si unaquaque die moreremur pro
illo retribueremus ei aliquod dignum? Nequaquam; sed hoc rursus ad utilitatem
nostram pertineret. Nos autem e contrario in legibus eius offendimus. Remigius. Sic ergo per debitorem decem
millium talentorum designantur illi qui maiora crimina committunt; per
debitorem autem centum denariorum, qui minora committit. Hieronymus. Quod ut manifestius fiat, dicamus
sub exemplo: si quis vestrum commiserit adulterium, homicidium, sacrilegium,
maiora crimina decem millium talentorum roganti dimittuntur, si et ipse
dimittat minora peccantibus. Augustinus de Verb. Dom. Sed ille servus
ingratus, iniquus, noluit praestare quod illi indigno praestitum fuit:
sequitur enim et tenens suffocabat eum, dicens: redde quod debes. Remigius. Idest acriter insistebat, ut
vindictam ab eo exigeret. Origenes in Matth. Ideo, ut arbitror,
suffocabat, quoniam a rege exierat: non enim suffocaret conservum suum, si
non exisset a rege. Chrysostomus in Matth. Per hoc etiam
quod dicitur egressus, ostenditur quod non post multum tempus, sed confestim;
adhuc quasi in auribus habens beneficium, in malitiam abusus est liberatione
a proprio domino sibi data. Quid igitur ille fecerit,
subditur et procidens conservus eius rogabat eum, dicens: patientiam habe in
me, et omnia reddam tibi. Origenes. Considera subtilitatem Scripturae:
quoniam servus multorum debitor talentorum procidens adoravit regem; qui
autem centum debebat denarios, procidens non adorabat, sed rogabat conservum,
dicens patientiam habe. Chrysostomus in Matth. Sed neque haec verba
ingratus servus reveritus est, quibus salvatus est: sequitur enim ille autem
noluit. Augustinus de quaest. Evang. Idest, tenuit
contra eum hunc animum, ut supplicium illi vellet. Sed abiit. Remigius. Idest, magis ira exarsit, ut ab eo
vindictam exigeret. Et misit eum in carcerem
donec redderet debitum; idest, apprehenso fratre, vindictam ab eo exegit. Chrysostomus in Matth. Vide domini
caritatem, et servi crudelitatem: hic pro decem millibus talentis, hic autem
pro centum denariis; hic conservum, hic autem dominum rogabat; et hic quidem
totalem absolutionem accepit, ille autem solam dilationem petebat: nec tamen
hoc dedit. Condoluerunt qui non debebant: unde sequitur
videntes autem conservi eius quae fiebant, contristati sunt valde. Augustinus de quaest. Evang. Per conservos
intelligitur Ecclesia, quae illum solvit, et illum ligat. Remigius. Vel conservi forte Angeli sunt
intelligendi, aut praedicatores sanctae Ecclesiae; sive quicumque fideles,
qui videntes aliquem fratrem remissionem peccatorum adeptum, non velle
misereri conservi sui, contristantur de eius perditione. Sequitur et venerunt
et narraverunt domino quae facta fuerant. Veniunt quidem non corpore, sed
corde. Domino autem narrare, est dolores et contristationes cordis in suo
affectu demonstrare. Sequitur tunc vocavit eum dominus suus. Vocavit
quidem per sententiam mortis, et ab hoc saeculo migrare iussit; et dixit ei:
serve nequam, omne debitum dimisi tibi, quoniam rogasti me. Chrysostomus in Matth. Et quando quidem decem
millia talenta debebat, non vocavit eum nequam, neque est conviciatus, sed
misertus; quando autem contra conservum ingratus est effectus, tunc dicitur
serve nequam; et hoc est quod dicitur nonne ergo oportuit et te misereri
conservi tui? Remigius. Et sciendum, quia servus ille nullum
responsum legitur domino dedisse: in quo demonstratur quod in die iudicii, et
statim post hanc vitam, omne argumentum excusationis cessabit. Chrysostomus in Matth. Quia vero beneficio non
est factus melior, relinquitur ut poena corrigatur: unde sequitur et iratus
dominus eius tradidit eum tortoribus, quoadusque redderet universum debitum.
Non autem simpliciter dixit tradidit eum, sed iratus: quod non posuit quando
iussit eum vendi: non enim hoc erat irae, sed magis amoris ad correptionem;
nunc autem haec sententia est supplicii et poenae. Remigius. Tunc enim dicitur Deus irasci quando
adversus peccatores vindicat. Tortores autem dicuntur Daemones quia semper ad
hoc parati sunt ut perditas animas suscipiant, et in poena aeternae
damnationis eas torqueant. Numquid autem postquam aliquis demersus fuerit in
aeternam damnationem, poterit invenire spatium corrigendi aut aditum exeundi?
Non; sed quousque ponitur pro infinito; et est sensus: semper solvet, sed
nunquam persolvet, et semper poenam luet. Chrysostomus in Matth. Per hoc ergo ostenditur
quod continue, idest aeternaliter, punietur, neque reddet aliquando. Quamvis
autem irrevocabilia sint charismata et Dei vocationes, tamen tantum valuit
malitia ut et hanc legem solvere videatur. Augustinus de Verb. Dom. Dicit enim Deus:
dimittite, et dimittetur vobis; sed ego prior dimisi; dimitte vel postea: nam
si non dimiseris, revocabo te, et quicquid tibi dimiseram, replicabo tibi:
non enim fallit aut fallitur Christus, qui subiecit, dicens sic et pater meus
caelestis faciet vobis, si non remiseritis unusquisque fratri suo de cordibus
vestris. Melius est enim ut clames ore, et dimittas in corde, quam sis
blandus ore et crudelis in corde. Ideo enim dominus subdit de cordibus
vestris, ut si per caritatem imponitis disciplinam, de corde lenitas non
recedat. Quid enim tam pium, quam medicus ferens ferramentum? Saevit in
vulnus, ut homo curetur: quia si vulnus palpatur, homo perditur. Hieronymus. Ideo et dominus addidit de
cordibus vestris, ut omnem simulationem fictae pacis averteret. Praecipit
ergo dominus Petro, sub comparatione regis, domini et servi qui debitor decem
millium talentorum a domino rogans veniam impetraverat, ut ipse quoque
dimittat et conservis suis minora peccantibus. Origenes in Matth. Vult etiam docere faciles
nos esse ad indulgendum eis qui nocuerunt nobis; maxime si satisfaciant, et
deprecentur sibi veniam dari. Rabanus. Allegorice autem servus hic qui decem
millia talentorum debuit, Iudaicus est populus Decalogo legis astrictus: cui
dominus saepius dimisit debita, quando in angustiis constituti illius
misericordiam deprecabantur; sed liberati omnes debitores atrociter
repetebant, et a gentili populo, quasi sibi obnoxio, circumcisionem et
caeremonias legis expetebant; sed et prophetas et apostolos crudeliter
trucidabant. Unde tradidit eos dominus in manus Romanorum, vel malignorum
spirituum, quia aeternis cruciatibus eos punirent. |
Versets 23-35.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 61.) Notre Seigneur ajoute une parabole à ce qu’il vient de dire pour
montrer par un exemple que ce n’était point une chose héroïque et difficile de
pardonner septante fois sept fois. —
Saint Jérôme : C’est l’usage en Syrie et particulièrement
en Palestine d’entremêler à tous les discours des paraboles, afin de graver
plus facilement dans l’esprit des auditeurs, à l’aide de comparaisons et
d’exemples, le précepte qu’ils ne pourraient retenir s’il était présenté dans
sa simplicité. C’est pour cela que Notre Seigneur dit ici: « Le royaume des cieux est semblable à
un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs ». — Origène : (Traité 7 sur S. Matth.) De même que le Fils de Dieu est la sagesse, la
justice (1 Co 1, 30; 1 Jn 5, 6; Jn 8, 22; 14, 6) et la vérité, il est aussi le royaume, non pas
de ceux dont les affections rampent sur la terre, mais de tous ceux qui
tiennent leur cœur eu haut, qui font régner la justice et les autres vertus
dans leurs âmes, et qui deviennent pour ainsi dire comme les cieux en portant
l’image de l’homme céleste (1 Co 15,
49). Ce royaume des cieux, c’est-à-dire le Fils de Dieu, est devenu semblable
à un homme roi, lorsqu’il s’est uni notre humanité et qu’il a été fait à la
ressemblance de la chair du péché. —
Saint Rémi : Ou bien encore, on pourrait dire
opportunément que ce royaume des cieux, c’est la sainte Église dans laquelle
Notre Seigneur Jésus-Christ fait lui-même ce qu’il exprime dans cette
parabole. Sous le nom d’un homme, c’est quelquefois le Père qui nous est
désigné, comme dans cette parabole: « Le
royaume des cieux est semblable à un homme roi qui fit les noces de son
fils » ; quelquefois
c’est le Fils: ici on peut l’entendre de l’un et de l’autre, du Père et du
Fils qui sont un seul Dieu. Or, Dieu est appelé roi, parce qu’il dirige et
gouverne tout ce qu’il a créé. — Origène : Les serviteurs, dans
ces paraboles, sont exclusivement les dispensateurs de la parole et ceux à
qui Dieu a confié la charge de faire produire des intérêts pour le ciel. —
Saint Rémi : Ou bien les serviteurs de ce roi
représentent tous les hommes qu’il a créés pour le louer et à qui il a donné
la loi naturelle. Il leur fait rendre compte à chacun, lorsqu’il examine leur
vie, leurs moeurs, leurs actions, pour rendre à chacun suivant ses oeuvres. (Rm 2.) « Et ayant commencé à faire rendre compte, on lui amena un
homme qui lui devait dix mille talents.» — Origène : Nous devrons rendre
compte au roi de toute notre vie, lorsqu’il nous faudra tous comparaître
devant le tribunal de Jésus-Christ. (2 Co
5). Si nous nous exprimons de la sorte, qu’on se garde de croire que ce
jugement demandera beaucoup de temps, car lorsque Dieu voudra passer au
crible les âmes de tous les hommes, par un effet indicible de sa puissance,
il fera revivre en un seul instant dans le souvenir de chacun toutes les
actions qui ont rempli le cours de sa vie. Notre Seigneur ajoute: « Et lorsqu’il eut commencé à faire
rendre compte », parce que le jugement doit commencer par la maison
de Dieu. (1 P 4.) Lorsqu’il
commençait donc à se faire rendre compte, on lui présenta un homme qui lui
devait une somme incalculable de talents; il avait fait des pertes énormes
et, sous le poids de grandes obligations, il n’avait fait aucun profit.
Peut-être cet homme nous est-il représenté comme ayant perdu autant de
talents qu’il avait perdu d’hommes, et il est ainsi devenu débiteur de cette
somme énorme de talents, parce qu’il avait suivi cette femme assise sur un
talent de plomb dont le nom est l’iniquité (Za 5, 7). —
Saint Jérôme : Il en est, je le sais, qui prétendent
que cet homme qui devait dix mille talents est la figure du démon; ils
entendent par cette femme et par ses enfants qui sont vendus, parce qu’il
persévère dans sa méchanceté, l’extravagance de sa conduite et les mauvaises
pensées. Car, de même que la femme de l’homme juste est l’image de la
sagesse, la femme. de l’homme injuste et pécheur est la figure de la folie.
Mais comment le Seigneur peut-il remettre au démon dix mille talents, et ne
nous remet-il pas à nous, ses compagnons, cent deniers ? C’est une
interprétation contraire à celle de l’Église et qu’aucun homme sage
n’admettra jamais. —
Saint Augustin : (serm. 16 sur les paroles du Seigneur.) Il faut donc dire que la loi ayant
été donnée en dix préceptes, cette homme devait dix mille talents qui
représentent tous les péchés que l’on peut commettre contre la loi. —
Saint Rémi : L’homme qui peut bien pécher de
lui-même et par sa propre volonté ne peut en aucune manière se relever par
ses propres forces, et il n’a pas de quoi rendre ce qu’il doit, parce qu’il
ne trouve rien en soi qui puisse l’affranchir de ses péchés; c’est pour cela
que Notre Seigneur ajoute: « Mais
comme il n’avait pas le moyen de les lui rendre, son maître ordonna
qu’on le vendît, lui, sa femme, ses enfants et tout ce qu’il avait, pour que
le paiement fût fait.» Or, la femme de l’insensé est la folie et la
volupté ou la convoitise. —
Saint Augustin : (Quest. Evang., 1, 25.) Cette circonstance
nous apprend que celui qui transgresse les préceptes du décalogue doit subir
des châtiments sévères pour ses passions et ses mauvaises actions
représentées ici par la femme et par les enfants. Or, le prix de cet homme
qui est vendu, c’est le supplice du damné. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61.) Si ce roi donne cet ordre, ce
n’est point par cruauté, mais par un sentiment d’ineffable affection; il veut
simplement l’effrayer par ces menaces pour le porter à demander en grâce de
ne pas être vendu; c’est en effet ce qui arrive: « Ce serviteur, se jetant à ses pieds, le conjurait, disant :
‘Seigneur, aie patience envers moi, et je te paierai tout’.» —
Saint Rémi : Nous voyons dans ces paroles
l’humiliation et la satisfaction du pécheur, quand l’évangéliste dit : « se jetant à ses pieds »;
ces autres: « Ayez un peu de
patience envers moi», sont l’expression de la prière du pécheur qui
demande à Dieu de le laisser vivre et de lui accorder le temps de se corriger.
Or, la bonté et la clémence de Dieu sont sans bornes à l’égard des pécheurs
qui se convertissent, car il est toujours prêt à pardonner les péchés par le
baptême ou par la pénitence. « Alors
son maître, touché de compassion, le laissa aller et lui remit sa dette.»
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61.) Voyez l’excès de l’amour de Dieu:
le serviteur demande un simple délai; son maître lui accorde bien plus qu’il
ne demande: il lui fait remise entière et absolue de tout ce qu’il lui
devait. C’était ce qu’il désirait faire dès le commencement; mais il ne
voulait pas que tout dans ce don vînt de lui seul; il voulait que ce
serviteur y contribuât par sa prière pour ne point le laisser aller sans
mérite. Il ne lui remit pas ce qu’il devait avant de lui avoir fait rendre
compte, pour lui faire comprendre l’énormité des dettes dont il le
déchargeait, et le disposer à user lui-même de douceur à l’égard de ses
compagnons. Jusque là, en effet, sa conduite fut digne d’éloges, car il avoua
sa dette et promit de la payer; il se jeta à genoux pour demander du temps et
reconnut la grandeur des sommes qu’il devait; mais ce qu’il fit ensuite fut
indigne d’un si beau commencement: « Or,
ce serviteur étant sorti, trouva un de ses compagnons qui lui devait cent
deniers. » — Saint Augustin : (serm.
16 sur les
paroles du Seigneur.) Cette somme de cent deniers qu’il devait à son
compagnon vient du même nombre dix, qui est le nombre des préceptes de la
loi, car cent multiplié par cent fait dix mille et dix fois dix font cent;
ainsi ces dix mille talents et ces dix deniers ne s’éloignent pas du nombre
des commandements légaux qui sont la matière aux transgressions; ces deux
serviteurs sont donc tous deux débiteurs, tous deux dans la nécessité de
demander pardon, car tout homme est débiteur de Dieu, et a son frère pour
débiteur. —
Saint Jean Chrysostome : Il y a autant de différence
entre les péchés commis contre Dieu et ceux que l’on commet contre son frère,
qu’il y en a entre dix mille talents et cent deniers ; c’est plus,
beaucoup plus ; cette différence rend encore plus sensible la distance
qui sépare les personnes et la continuité des offenses. En effet, si nous
avons l’homme pour témoin, nous nous abstenons et nous craignons même de
pécher; mais, placés que nous sommes sous les yeux de Dieu, nous ne laissons
passer aucun jour sans l’offenser, nous parlons et nous agissons en tout
contre lui sans la moindre crainte. Et ce n’est pas le seul caractère de
gravité que présentent nos péchés contre Dieu, ils en ont un autre qui vient
des bienfaits dont il nous a comblés. C’est lui, en effet, qui nous a donné
l’être, et qui a créé pour nous tout cet univers; il a répandu sur nous par
son souffle divin une âme raisonnable; il a envoyé son Fils sur la terre, il
nous a ouvert le ciel et nous a fait ses enfants. Et quand même nous
donnerions tous les jours notre vie pour lui, pourrions-nous reconnaître
dignement ses bienfaits ? Non, sans doute, car ce sacrifice lui-même
tournerait à notre avantage. Mais nous, bien au contraire, nous ne cessons de
transgresser ses lois. —
Saint Rémi : Ainsi donc le serviteur qui doit dix
mille talents représente ceux qui commettent de grands crimes, et celui qui
doit cent deniers ceux qui commettent des fautes moins graves. —
Saint Jérôme : Rendons cette vérité plus sensible
par un exemple: si quelqu’un parmi vous a commis un adultère, un homicide, un
sacrilège, crimes énormes, ces dix mille talents lui seront remis sur sa
demande, s’il pardonne lui-même les légères offenses commises contre lui. — Saint Augustin : (serm.
16 sur les
paroles du Seigneur.) Mais ce serviteur méchant, ingrat, inique, ne
voulut pas accorder ce qu’on lui avait remis malgré son indignité: « Et le saisissant à la gorge, il
l’étouffait, en disant: Rends ce que tu dois. » —
Saint Rémi : C’est-à-dire qu’il le pressait avec
violence pour en tirer vengeance. — Origène : Il l’étouffait, ce
qui doit faire supposer qu’il était sorti de chez le roi, car il n’aurait pas
osé, en la présence du roi, se porter à cette extrémité sur son compagnon. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Ces paroles mêmes « Il ne fut pas plus tôt sorti »
nous montrent que ce ne fut pas longtemps après, mais immédiatement,
alors qu’il entendait encore retentir à son oreille le bienfait de son
maître, qu’il abuse indignement, pour se venger, de la liberté qui vient de
lui être rendue; or, que fit alors son compagnon ? « Et se jetant à ses pieds, il le conjurait en disant: Prenez
patience, et je vous paierai tout.» — Origène : Remarquez le choix
admirable des expressions dans l’Écriture: le serviteur, qui devait une somme
énorme de talents, se jette aux pieds du roi pour l’adorer, tandis que celui
qui ne devait que cent deniers s’était bien jeté aux pieds de son compagnon,
mais sans l’adorer, il le conjurait seulement en lui disant: « Prenez
patience. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Mais cet ingrat serviteur n’eut
même pas le moindre respect pour ces paroles auxquelles il devait son salut,
comme nous l’indique la suite du récit: « Mais
il ne voulut pas l’écouter. » —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 35.) C’est-à-dire
qu’il persévéra dans la volonté de le livrer à la justice et au châtiment: « et il s’en alla. » —
Saint Rémi : Il poursuivit avec une colère plus
violente le projet qu’il avait de se venger, et il le fit jeter en prison
jusqu’à ce qu’il eût payé sa dette, c’est-à-dire que, s’étant saisi de son
frère, il en tira une cruelle vengeance. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
60.) Voyez
la charité du maître et la cruauté de ce serviteur. Il a le premier demandé
grâce pour dix mille talents, son compagnon pour cent deniers; l’un priait
son maître, l’autre son compagnon; l’un obtint la remise totale de sa dette,
l’autre ne demandait qu’un délai et ne put l’obtenir. Les autres serviteurs,
qui n’avaient pas de dette, en furent attristés. « Les autres serviteurs, voyant ce qui se passait, en furent
vivement attristés », dit l’auteur sacré. —
Saint Augustin : (Quest. évang.) Par ces compagnons, il faut
entendre l’Église qui exerce le pouvoir de lier l’un et de délier l’autre. —
Saint Rémi : Ou bien les compagnons de ce serviteur
représentent peut-être les anges ou les prédicateurs de la sainte Église, ou
tous ceux des fidèles qui, en voyant un de leurs frères sans compassion pour
son frère après qu’il a obtenu lui-même le pardon de ses péchés, s’affligent
sensiblement de sa perte: « et ils
vinrent, et ils avertirent leur maître de ce qui s’était passé. »
Ils viennent non pas d’une manière sensible, mais par les sentiments de leur
cœur. Raconter au Seigneur, c’est lui exposer par les mouvements de l’âme les
douleurs et la tristesse du cœur. — Suite : « Alors son
maître l’ayant fait venir. » Il le fit venir en prononçant la
sentence de mort et en lui ordonnant de sortir de ce monde, et il lui dit: « Méchant serviteur, je vous avais
remis tout ce que vous me deviez, parce que vous m’en aviez prié. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61.) Lorsque ce serviteur lui devait
dix mille talents, il ne l’a point appelé de la sorte; il ne lui a dit aucune
parole outrageante, mais il a eu pitié de lui. Lorsqu’au contraire il voit
son ingratitude à l’égard de son compagnon, il l’appelle: « Méchant serviteur », et
lui reproche l’indignité de sa conduite: « Ne
fallait-il pas avoir pitié vous-même, de votre compagnon ? » —
Saint Rémi : Remarquons qu’on ne voit pas que ce
serviteur ait osé faire aucune réponse à son maître, ce qui nous apprend,
qu’au jour du jugement et cette vie une fois terminée, tout moyen de justification
nous sera ôté. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
60.) Le
bienfait ne l’a pas rendu meilleur; c’est donc au châtiment de le corriger: « Et son maître irrité le livra entre
les mains des bourreaux, jusqu’à ce qu’il eût payé toute sa dette.»
Notre Seigneur ne dit pas simplement: Il le livra, mais: « il le livra tout en colère », remarque qu’il n’a
point faite lorsque le maître commanda de vendre ce serviteur, car il
n’agissait pas alors par colère, mais plutôt par amour, et dans le dessein de
le rendre meilleur. Ici, au contraire, c’est une sentence qui comporte
condamnation au supplice et à la peine. —
Saint Rémi : Dans le langage de l’Écriture, Dieu se
met en colère, lorsqu’il exerce sa juste vengeance contre les pécheurs. Les
bourreaux, ce sont les démons, qui sont toujours prêts à se saisir des âmes
perdues et condamnées, et à les tourmenter dans les supplices de l’enfer.
Mais une fois plongé dans cet abîme d’éternelle damnation, le pécheur
pourra-t-il trouver le moyen de se corriger et d’échapper à ces
supplices ? Non; le mot « jusqu’à ce que » exprime ici une durée infinie, et veut dire qu’il paiera
toujours sans pouvoir jamais s’acquitter et que son supplice sera éternel. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Ces paroles sont une preuve qu’il
sera toujours, c’est-à-dire éternellement puni, sans qu’il puisse jamais
acquitter sa dette. Quoique les dons et les appels de Dieu soient
irrévocables (Rm 11, 29), cependant
l’excès de la malice a été si loin qu’elle a détruit jusqu’à cette loi de
miséricorde. — Saint
Augustin : (serm.
16 sur les
paroles du Seigneur.) Dieu nous a dit: « Remettez, et il vous, sera remis. » Or, je vous ai
remis le premier, remettez du moins à mon exemple, car si vous ne remettez
pas, je vous rappellerai devant moi et je reviendrai sur le pardon que je
vous ai accordé. En effet, Jésus-Christ ne peut ni se tromper, ni nous
tromper, lorsqu’il ajoute: « C’est
ainsi que mon Père céleste vous traitera, si vous ne pardonnez chacun à vos
frères du fond de vos cœurs ». Il vaut mieux que vous soyez violent
dans vos paroles, tout en pardonnant du fond du cœur, que d’avoir un langage
caressant avec une âme implacable. C’est pourquoi Notre Seigneur ajoute: « du fond de vos cœurs »; il
veut que, si la charité vous fait un devoir de punir, vous conserviez
toujours la douceur au fond de votre âme. Qu’y a-t-il de plus compatissant
que le médecin qui approche du malade le fer à la main ? Il sévit contre
la plaie pour guérir le malade, car, s’il use de ménagements à l’égard de la
blessure, l’homme est perdu. —
Saint Jérôme : Le Seigneur ajoute: « du fond de vos cœurs »
pour prévenir tout faux semblant de réconciliation. Par cette comparaison du
roi et du serviteur qui avait demandé et obtenu la remise des dix mille
talents qu’il devait à son maître, le Seigneur fait une obligation à Pierre
de remettre à ses frères les légères offenses dont ils se rendront coupables
à son égard. — Origène : Il veut aussi nous
enseigner à pardonner facilement à ceux qui nous ont fait du tort, surtout
s’ils réparent leur faute et viennent implorer leur pardon. — Raban : Dans
le sens allégorique, ce serviteur, qui devait dix mille talents, c’est le
peuple juif soumis au décalogue de la Loi, et à qui Dieu a souvent remis ses
dettes lorsque, réduit aux dernières extrémités, il faisait pénitence et
implorait miséricorde; mais une fois délivré de ces épreuves, il exigeait
avec une rigueur implacable tout ce qui pouvait lui être dû. Il ne cessait de
tourmenter les Gentils, comme s’ils lui étaient soumis; il exigeait d’eux
l’observation de la circoncision et des prescriptions légales et massacrait
impitoyablement les prophètes et les Apôtres. C’est pour cela que Dieu les
livra aux Romains qui détruisirent leur cité de fond en comble, ou plutôt aux
esprits mauvais pour être tourmentés par eux dans les supplices éternels. |
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Caput 19 |
CHAPITRE 19 —
[Instruction des disciples]
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Lectio 1 [85533] Catena in Mt.,
cap. 19 l. 1 Chrysostomus in Matth. Dominus prius
Iudaeam relinquens propter illorum aemulationem, nunc ibidem iam immoratur:
quia passio in proximo futura erat. Non tamen ad Iudaeam interim ascendit,
sed in terminos Iudaeae: unde dicitur et factum est, cum consummasset Iesus
sermones istos, migravit a Galilaea. Rabanus. Hic ergo incipit narrare quae in
Iudaea fecit, docuit, sive passus est: et primo quidem trans Iordanem ad
orientem; deinde etiam trans Iordanem, quando venit Iericho et Bethphage et
Ierusalem: unde sequitur et venit in fines Iudaeae trans Iordanem. Chrysostomus super Matth. Quasi iustus dominus
omnium, qui sic diligit alios servos, ut alios non contemnat. Remigius. Sciendum est autem, quod omnis illa
Israelitarum provincia, generaliter Iudaea dicebatur, ad comparationem
aliarum gentium. Verumtamen meridiana eius plaga in qua habitabat tribus
Iuda, et tribus Beniamin, specialiter dicebatur Iudaea, ad distinctionem
aliarum regionum, quae in ipsa provincia continebantur, idest Samaria,
Galilaea, Decapolis, et reliquae aliae. Sequitur
et secutae sunt eum turbae multae. Chrysostomus super Matth. Perducebant
eum quasi parvuli filii patrem peregre longe proficiscentem. Ipse autem
tamquam pater proficiens, pignora caritatis filiis reliquit remedia
sanitatum: unde dicitur et curavit eos. Chrysostomus in Matth. Considerandum etiam,
quod neque doctrinae verborum continue dominus insistit, nec signorum
operationi; sed nunc quidem hoc, nunc quidem illud facit: ut a signis
credibilis appareret in his quae dicebat; ex sermonum autem doctrina utilitas
quae erat in signis ostenderetur. Origenes in Matth. Sanabat autem dominus turbas
trans Iordanem, ubi Baptismus dabatur. Vere enim omnes a spiritualibus
infirmitatibus salvantur etiam in Baptismo; et quidem multi sequuntur
Christum sicut turbae, tamen non surgentes, ut Matthaeus, qui surgens secutus
est dominum. Rabanus. Curat etiam Galilaeos in
Iudaeae finibus ut peccata gentium in eam veniam quae Iudaeae parabatur,
admitteret. Chrysostomus in Matth. Curabat siquidem
Christus homines, et illis benefaciens, et per eos multis aliis. Horum enim
sanatio aliis erat occasio divinae cognitionis, sed non Pharisaeis qui ex
signis duriores fiebant: unde sequitur et accesserunt ad eum Pharisaei
tentantes eum, et dicentes: si licet homini dimittere uxorem suam quacumque
ex causa? Hieronymus in Matth. Ut quasi cornuto eum
teneant syllogismo, et quodcumque respondeat, pateat captioni. Si dixerit
dimittendam uxorem qualibet ex causa, et ducendam aliam: pudicitiae
praedicator sibi videtur dicere contraria. Sin autem responderit non omnem ob
causam debere dimitti, quasi sacrilegii reus tenebitur, et adversus doctrinam
Moysi et Dei facere. Chrysostomus in Matth. Intuere autem ex modo
etiam interrogationis malitiam. Dominus enim supra de lege hac disputaverat;
ipsi autem quasi iam nullo dicto interrogant, scilicet opinantes quod oblitus
esset eorum quae dixerat. Chrysostomus super Matth. Sicut autem si
videas hominem assidue amicitias medicorum colentem, intelligis quia infirmus
est, sic et cum videas virum sive mulierem de dimittendis uxoribus aut viris
interrogantes, cognosce quia vir ille lascivus est, mulier illa meretrix est:
nam in matrimonio castitas delectatur, libido autem quasi vinculo coniugii
alligate torquetur. Sciebant autem quoniam nullam causam idoneam habebant
circa dimittendas uxores, praeter solam turpitudinem, et alias atque alias
sibi iungebant. Timuerunt autem interrogare ex quibus causis, ne seipsos
infra angustias certarum causarum astringerent; sed interrogaverunt si ex
omnibus causis licet: scientes, quia modum nescit nec infra terminos unius
coniugii capit libido; sed quanto magis exercetur, magis accenditur. Origenes in Matth. Tentato autem domino,
nullus discipulorum eius, qui positus est ad docendum, graviter ferat si
tentatus fuerit a quibusdam: tamen et tentatoribus respondet dogmata pietatis.
Hieronymus. Sic autem responsionem temperat ut
decipulam eorum transeat, Scripturam sanctam adducens in testimonium, et
naturalem legem, primamque Dei sententiam secundae opponens: unde sequitur
qui respondens ait eis: non legistis, quia qui fecit hominem ab initio,
masculum et feminam fecit eos? Hoc in exordio Genesis scriptum est. Dicendo
autem masculum et feminam, ostendit secunda vitanda coniugia: non enim ait:
masculum et feminas, quod ex priorum repudio quaerebatur; sed masculum et
feminam, ut unius coniugii consortia necterentur. Rabanus. Salubri autem consilio Dei factum est
ut sui corporis portionem vir amplectetur in femina, nec a se putaret esse
diversum quod de se cognosceret fabricatum. Chrysostomus super Matth. Si ergo ad hoc marem
et feminam ex uno creavit ut sint unum, quare ergo et de cetero vir et mulier
non ex uno utero nascuntur, sicut volatilia quaedam? Quia Deus masculum
quidem creavit et feminam propter necessitatem filiorum generandorum; tamen
semper fuit castitatis amator et continentiae auctor. Ideo illum typum non
servavit in omnibus; ut si quidem vult homo nubere, secundum primam
dispositionem creationis humanae, intelligat quid est vir et uxor; si autem
noluerit nubere, non habebit necessitatem nubendi propter coniunctionem nativitatis,
ne forte videatur per suam continentiam alterum perdere, qui nolebat esse
continens; sicut dominus post coniunctum matrimonium iubet ne alter altero
nolente se separet. Chrysostomus in Matth. Non solum autem ex modo
creationis, sed etiam ex modo legislationis monstravit quoniam unum oportet
uni coniungi, et numquam rescindi: unde sequitur et dixit: propter hoc
relinquet homo patrem et matrem, et adhaerebit uxori suae. Hieronymus. Similiter ait uxori, non:
uxoribus; et expresse subditur erunt duo in carne una. Praemium enim est
nuptiarum ex duobus unam carnem, scilicet prolis fieri. Glossa. Vel in carne una, idest in carnali
copula. Chrysostomus super Matth. Si ergo quia ex viro
est uxor, et ex una carne sunt ambo, relinquet homo patrem suum et matrem;
maior nunc caritas debet esse inter fratres et sorores: quia hi quidem ex
eisdem parentibus exeunt, illi autem ex diversis. Sed hoc magnum est nimis,
quia fortior est Dei constitutio quam virtus naturae. Non enim praecepta Dei
naturae subiecta sunt; sed natura Dei praeceptis obtemperat. Deinde fratres
ex uno nascuntur, ut diversas vias petant, vir autem et uxor ex diversis
nascuntur, ut in unum conveniant. Ordo etiam naturae Dei ordinationem
sequitur. Quod enim est in arboribus humor, hoc est in hominibus amor. Humor
autem de radicibus ascendit in herbam et sursum transmittitur in semen. Ideo
parentes quidem diligunt, sed non sic diliguntur a filiis: homo enim non ad
parentes, sed ad procreandos filios transmittit affectum: et hoc est quod
dicitur propter hoc relinquet homo patrem et matrem, et adhaerebit uxori suae.
Chrysostomus in Matth. Vide etiam sapientiam
doctoris. Interrogatus enim si licet, non confestim dixit: non licet, ut non
turbarentur; sed per probationem hoc constituit. Deus enim a principio
masculum et feminam fecit, et non simpliciter eos coniunxit, sed matrem
iussit dimittere et patrem; et non simpliciter virum mulieri dixit advenire,
sed coniungi; ex ipso modo locutionis indivisibilitatem ostendens. Sed et maiorem
copulam adiunxit, cum dixit et erunt duo in carne una. Augustinus super Gen. ad Litt. Haec tamen
verba cum primi hominis fuisse Scriptura testetur, dominus tamen hic Deum hoc
dixisse declarat, ut hinc intelligeremus propter extasim quae praecesserat in
Adam, hoc divinitus tamquam prophetam dicere potuisse. Remigius. Mysterium enim hoc esse apostolus
dicit in Christo et Ecclesia; dominus enim Iesus Christus quasi patrem
deseruit cum de caelis ad terram descendit, et matrem deseruit, idest synagogam,
propter infidelitatem; et adhaesit uxori suae, sanctae scilicet Ecclesiae; et
sunt duo in carne una, idest Christus et Ecclesia in uno corpore. Chrysostomus in Matth. Postquam vero veteris
legis et verba et facta induxit, cum potestate iam et ipse interpretatur et
legem inducit dicens itaque iam non sunt duo, sed una caro. Sicut enim qui
spiritualiter se diligunt, una anima esse dicuntur, dicente Scriptura: omnium
credentium erat cor unum et anima una, sic vir et uxor qui carnaliter se
diligunt, una caro esse dicuntur. Quemadmodum igitur carnem incidere est
sordidum, ita et mulierem dividere est iniquum. Augustinus de Civ. Dei. Unum etiam dicuntur,
vel propter coniunctionem, vel propter originem feminae, quae de masculi
latere creata est. Chrysostomus in Matth. Ulterius autem et Deus
induxit, dicens quod ergo Deus coniunxit, homo non separet, demonstrans, quod
et praeter naturam et praeter legem est uxorem dimittere: praeter naturam
quidem, quia una caro dividitur; praeter legem autem, quoniam Deo copulante
et iubente non dividi, uxor dimittitur. Hieronymus. Deus enim coniunxit, unam faciendo
carnem viri et feminae: hanc ergo homo non potest separare sed solus Deus.
Homo separat, quando propter desiderium secundae uxoris prima dimittitur: Deus
separat, qui et coniunxerat, quando ex consensu propter servitutem Dei sic
habemus uxores quasi non habentes. Augustinus contra Faustum. Ecce Iudaei ex
libris Moysi convincuntur non esse uxorem dimittendam, qui secundum
voluntatem legis Moysi arbitrabantur se facere cum dimitterent. Simul et
illud hic, ipso Christo attestante, cognoscimus, Deum fecisse et coniunxisse
masculum et feminam, quod Manichaei negando damnantur, Christi Evangelio
resistentes. Chrysostomus super Matthaeum. Gravis est autem
fornicariis interpretatio castitatis; sed contra rationem respondere non
possunt; veritati tamen credere non acquiescunt. Conferunt ergo se ad
patrocinium Moysi; sicut homines malam causam habentes confugiunt ad potentes
viros, ut si per iustitiam non possunt, vincant per personam; unde sequitur
dicunt illi: quid ergo Moyses mandavit dari libellum repudii, et dimittere?
Hieronymus. Aperiunt calumniam quam
paraverant: licet dominus non propriam sententiam protulerit, sed veteris
historiae et mandatorum Dei fuerit recordatus. Chrysostomus in Matth. Si autem dominus
alienus esset a veteri testamento, non decertasset pro Moyse, neque quae sua
sunt monstrasset veteribus convenire. Sed ineffabilis Christi sapientia et
pro his excusando respondit: unde sequitur et ait illis: quoniam Moyses ad
duritiam cordis vestri permisit vobis dimittere uxores vestras. In quo
liberat Moysen ab accusatione, et totum in illorum caput convertit. Augustinus contra Faustum. Quanta enim erat
duritia, quae nec per libelli interpositionem, ubi dissuadendi locus iustis
et prudentibus tribuebatur, solvi et flecti posset ad recipiendam vel
revocandam coniugii caritatem? Porro qua calliditate reprehendunt Manichaei
Moysen, tamquam coniugia dirimentem per libellum repudii, et laudant Christum
tamquam eius vinculum confirmantem? Cum secundum suam sacrilegam scientiam,
Moysen laudare debuerint separantem quod coniunxerat Diabolus, et Christum
vituperare Diaboli ligamenta solidantem. Chrysostomus in Matth. Denique quia
grave erat quod dictum erat, statim reducit sermonem ad antiquam legem,
dicens ab initio autem non fuit sic. Hieronymus. Quod dicit, huiusmodi est. Numquid
potest Deus sibi esse contrarius, ut aliud ante iusserit, et sententiam suam
novo frangat imperio? Non ita sentiendum est; sed Moyses cum videret propter
desiderium coniugum secundarum, quae illis ditiores vel iuniores vel
pulchriores essent, primas uxores interfici, aut malam vitam ducere, maluit
indulgere dissidium, quam odia et homicidia perseverare. Simulque considera,
quod non dixit propter duritiam cordis vestri permisit vobis Deus, sed
Moyses; ut, iuxta apostolum, consilium esset hominis, non imperium Dei. Chrysostomus super Matth. Propterea bene
dixit, quod Moyses hoc permisit, non praecepit. Quod enim praecipimus, semper
volumus; quod autem permittimus, nolentes indulgemus; quia malam voluntatem
hominum ad plenum prohibere non possumus. Permisit ergo vobis facere mala, ne
faceretis peiora; ergo hoc vobis permittendo, non vobis Dei iustitiam
demonstravit, sed a peccato abstulit culpam peccandi: ut quasi secundum legem
agentibus vobis, peccatum vestrum non videatur esse peccatum. |
Versets 1-8.
— Saint Jean Chrysostome : (hom.
62.) Notre
Seigneur était précédemment sorti de la Judée à cause de la jalousie de ses
ennemis; il y revient maintenant fixer son séjour, parce que le temps de sa
passion n’était plus éloigné. Cependant il ne s’avance pas au cœur de la
Judée, mais il s’arrête sur ses frontières. « Et il arriva, dit l’auteur, que lorsque Jésus eut achevé tous ces discours, il quitta la
Galilée.» — Raban : L’Évangéliste
commence donc à raconter les actions, les enseignements de Jésus en Judée, et
aussi ce qu’il eut à souffrir, d’abord au delà du Jourdain, à l’Orient,
ensuite en deçà du Jourdain, lorsqu’il vint à Jéricho, à Bethphagé et à
Jérusalem: « Et il vint aux
confins de la Judée, au-delà du Jourdain. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) [Il agit en cela] avec
justice, comme le Seigneur de tous les hommes, qui aime les uns sans
délaisser les autres. —
Saint Rémi : Il faut se rappeler que tout le pays
habité par les Israélites portait le nom général de Judée, par comparaison
avec les autres nations ; mais que ce nom était donné d’une manière
spéciale à la partie méridionale habitée par la tribu de Juda et par celle de
Benjamin, pour la distinguer des autres pays renfermés dans la même province,
comme la Samarie, la Galilée, la Décapote et d’autres encore. Suite : « Et de grandes foules le suivirent. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ils l’accompagnaient, comme
de jeunes enfants conduisent leur père partant pour un long voyage. Et le Seigneur,
comme un père qui est sur son départ, leur laissa pour gages de sa tendresse
la guérison de leurs maladies, comme l’indique saint Matthieu: « et il les guérit. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63.) Remarquons ici que le Seigneur ne
s’applique continuellement ni à enseigner le peuple, ni à faire des miracles,
mais il fait alternativement l’un et l’autre pour confirmer par les miracles
l’autorité de ses paroles, et montrer, par la nature de ses enseignements,
l’utilité des miracles. — Origène : (traité 7 sur S. Matth.) Notre Seigneur guérissait tout ce peuple au delà
du Jourdain où le baptême était donné, car c’est vraiment dans le baptême que
tous les hommes sont délivrés de leurs infirmités spirituelles; et s’il en
est beaucoup qui suivent Jésus-Christ comme la multitude, tous cependant
n’imitent pas la conduite de saint Matthieu, qui se leva aussitôt et suivit
le Christ. — Raban : Il guérit aussi
les Galiléens sur les confins de la Judée, pour montrer qu’il comprend les fautes
des Gentils dans le pardon qu’il préparait à la Judée. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62.) Jésus-Christ guérissait les
hommes, et les bienfaits dont ils étaient l’objet se répandaient par eux sur
une foule d’autres, car leur guérison était pour un grand nombre une occasion
d’acquérir la connaissance de sa divinité. Ce n’était pas toutefois pour les
pharisiens, que ses miracles ne faisaient qu’endurcir comme l’indiquent les paroles
suivantes: « Et les pharisiens
s’appro-chèrent de lui pour le tenter, et ils lui dirent: Est-il permis à un
homme de renvoyer sa femme pour quelque motif que ce soit ? » —
Saint Jérôme : Ils veulent le prendre dans ce
dilemme sans réplique, et le faire tomber dans le piège, quelle que soit sa
réponse: S’il dit qu’on peut renvoyer sa femme pour toute sorte de raisons et
en prendre une autre, il se trouvera en contradiction avec sa doctrine sur la
pureté des moeurs; s’il répond, au contraire, qu’il est défendu de la
renvoyer pour toute espèce de motifs, il sera convaincu de sacrilège et
d’opposition à la doctrine de Moïse et de Dieu lui-même. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 62.) Voyez comme leur méchanceté
paraît jusque dans la manière dont ils l’interrogent. Le Seigneur avait déjà
eu occasion d’expliquer ce commandement, et ils viennent le questionner comme
s’il n’en avait jamais parlé, s’imaginant sans doute qu’il avait oublié ce
qu’il avait pu dire. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Lorsque vous voyez un homme
cultiver avec soin l’amitié des médecins, vous en concluez qu’il est atteint
de quelque infirmité; de même, lorsque vous voyez un homme ou une femme qui
viennent questionner sur les moyens de renvoyer sa femme ou son mari,
concluez sûrement que cet homme mène une vie dissolue, que cette femme est
une courtisane; car la chasteté se plaît dans les liens du mariage, mais le
libertinage regarde ces liens comme un esclavage et un supplice. Les
pharisiens savaient bien qu’ils n’avaient aucune raison valable pour renvoyer
leurs femmes, si ce n’est des motifs honteux, et ils se liaient avec les
unes, puis avec les autres. Ils n’osèrent pas demander à Jésus pour quels
motifs il était permis de renvoyer sa femme, afin de ne pas se trouver
resserrés dans les limites étroites de raisons claires et précises; mais ils
lui demandent s’il est permis de la renvoyer pour toute espèce de raisons,
car ils savaient bien que la passion ne sait ni s’arrêter ni se contenir dans
les bornes d’un seul mariage, mais que plus on la satisfait, plus elle
s’enflamme. — Origène : (Traité 7 sur S. Matth.) En voyant que Notre Seigneur a voulu être ainsi
tenté, qu’aucun de ses disciples, chargé d’enseigner les autres, ne
s’attriste d’être éprouvé de la même manière par certains, mais qu’il fasse à
ceux qui le tentent, une réponse pleine de religion et de piété. —
Saint Jérôme : Il pèse tous les termes de sa
réponse, de manière à éviter le piége qu’ils lui tendent, et il produit tout
à la fois le témoignage de la Sainte Écriture et de la loi naturelle, pour
mettre ainsi en comparaison la première déclaration de Dieu avec la seconde: « Et il leur répondit: N’avez-vous
pas lu que Celui qui a créé l’homme dès le commencement créa un seul homme et
une seule femme ? » C’est ce qui est écrit au commencement de
la Genèse. Or, ces paroles: « un
seul homme et une seule femme, » prouvent qu’on doit éviter de
s’engager dans les liens d’un second mariage. En effet, Notre Seigneur n’a
pas dit: mâle au singulier et femelles au pluriel, ce que les Juifs avaient
en vue en répudiant leur première épouse, mais mâle et femelle, afin qu’on ne
s’engageât dans les liens que d’un seul mariage. — Raban : C’est par un
dessein salutaire de Dieu qu’il a été établi que l’homme devrait aimer dans
la femme une partie de son propre corps et ne pas regarder comme lui étant
étrangère une chair qu’il reconnaîtrait avoir été tirée de lui. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Or, si Dieu a créé d’une
seule et même chose l’homme et la femme pour établir entre eux une parfaite
unité, pourquoi l’homme et la femme ne naissent-ils pas simultanément du même
sein, comme il arrive pour certains oiseaux ? Parce que, bien que Dieu
ait créé l’homme et la femme en vue de la génération des enfants, cependant
il est toujours l’ami de la chasteté et l’auteur de la continence. C’est
pourquoi Dieu n’a pas suivi la même règle dans toutes les races. D’après
cette règle, si l’homme veut se marier selon l’ordre établi dès la création humaine,
il doit comprendre parfaitement ce qu’est l’homme et la femme, et, s’il ne
veut pas se marier, il n’y est point comme forcé par une union qui daterait
de sa naissance, et il ne devient point ainsi, en gardant la continence, la
perte d’un autre qui ne s’y croirait pas appelé. C’est ainsi que le Seigneur,
le mariage une fois contracté, défend aux époux de se séparer l’un de
l’autre, si ce n’est d’un consentement mutuel. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60.) Ce n’est pas seulement d’après la
règle suivie dans la création, mais d’après une loi formelle qu’il établit
que le mariage est l’union d’un seule avec une seule et ne peut être rompu;
c’est pour cela qu’il ajoute: « L’homme
abandonnera son père et sa mère et s’attachera à son épouse. » —
Saint Jérôme : Il dit encore ici « à son épouse » et non « à
ses épouses, » et il ajoute expressément: « ils seront deux dans une seule chair » ; car un
des principaux bénéfices de l’union conjugale, c’est de réunir deux corps en
une seule chair, c'est-à-dire d’avoir des descendants. — La Glose : Ou bien ces paroles:
« dans une seule chair »
signifient l’union elle-même des deux sexes. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si donc parce que la femme
vient de l’homme et qu’ils sont tous deux d’une même chair, l’homme doit
abandonner son père et sa mère, on doit voir exister une plus grande
affection entre les frères et soeurs qui sortent des mêmes parents, tandis
que les époux viennent de familles différentes. Cependant l’affection des
époux est de beaucoup supérieure, parce que l’institution divine est plus forte
que la force même de la nature; en effet, les préceptes divins ne sont point
soumis à la nature, tandis que la nature obéit aux commandements de Dieu.
D’ailleurs, les frères sortent d’une seule et même union pour suivre des
routes différentes; l’homme et la femme, au contraire, naissent de parents
divers pour accomplir ensemble la même destinée. L’ordre que suit la nature
vient ici confirmer l’ordre établi par Dieu; car ce que la sève est dans les
arbres, l’amour l’est dans les hommes. Or, la sève monte de la racine pour
former le corps de la plante, et de là s’élève encore plus haut pour se
transformer en semence. C’est ainsi que les parents aiment leurs enfants et
n’en sont pas également aimés, car l’homme applique surtout son affection non
pas à aimer ceux qui lui ont donné le jour, mais aux enfants qui naissent de
son union, comme il est écrit: « L’homme
abandonnera son père et sa mère et s’attachera à son épouse. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
62.) Admirez
la sagesse de ce divin Maître. On lui demande: « Est-il permis ? » Il ne répond pas aussitôt:
« Il n’est pas permis, » pour ne pas les troubler, mais il appuie
cette défense sur des preuves. Dieu, en effet, dès le commencement, fit
l’homme et la femme, et il ne les unit pas d’une manière ordinaire, mais il
leur ordonna d’abandonner leur père et leur mère. Il ne se contente pas non
plus de commander à l’homme d’aller trouver la femme, il veut qu’il lui soit
uni, et, par la manière dont il s’exprime, il établit l’indivisibilité du
mariage. Mais il montre encore plus fortement combien cette union est étroite
en ajoutant: « Et ils seront deux
dans une seule chair. » —
Saint Augustin : (sur la Genèse dans le sens
litter., 9.) Ces paroles, au témoignage de
l’Écriture, ont été dites par le premier homme; le Seigneur, cependant, les
attribue à Dieu lui-même. Nous devons donc comprendre qu’Adam, par suite de
l’extase qui avait précédé, a pu dire ces paroles par inspiration et comme
prophète. —
Saint Rémi : L’Apôtre saint Paul nous enseigne que
c’est là un grand mystère en Jésus-Christ et en son Église. (Ep 5.) En effet, Notre Seigneur Jésus-Christ abandonna en quelque
sorte son Père, lorsqu’il descendit des cieux sur la terre; il abandonna sa
mère, c’est-à-dire la synagogue, en punition de son infidélité, et il
s’attacha à son épouse, c’est-à-dire à la sainte Église, et ils sont deux
dans une chair, c’est-à-dire Jésus-Christ et l’Église dans un seul corps. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62,) Après avoir rapporté les paroles
et les faits de la loi ancienne, Jésus les interprète lui-même avec autorité,
et il établit la loi en ces termes: « Ainsi
ils ne sont plus deux, mais une seule chair. » De même qu’on dit de
ceux qui s’aiment d’un amour spirituel, qu’ils ne font qu’une seule âme,
comme l’atteste l’Écriture: « Tous
les croyants n’avaient qu’un cœur et qu’une âme » (Ac 4); ainsi on
dit de l’homme et de la femme qui s’aiment d’un amour selon la chair, qu’ils
ne sont qu’une même chair; or, si c’est une chose horrible de couper ou de
déchirer sa propre chair, il est également inique de séparer la femme de son
mari. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 14, 22.) Notre Seigneur dit
qu’ils ne font qu’un, ou bien à cause de leur union, ou à cause de l’origine
de la femme, qui a été tirée du côté de l’homme. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62) Enfin, il fait intervenir
l’autorité de Dieu lui-même en disant: « Que
l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni »; paroles qui
démontrent que renvoyer sa femme, c’est agir à la fois contre la nature et
contre la loi: contre la nature, en divisant une seule et même chair; contre
la loi, parce que renvoyer sa femme, c’est rompre des liens que Dieu lui-même
avait assemblés et déclarés indissolubles. —
Saint Jérôme : Dieu a formé cette union en ne
faisant qu’une chair de l’homme et de la femme; ce n’est donc pas à l’homme,
mais à Dieu seul de la séparer; or, l’homme sépare, lorsqu’il renvoie sa
première femme par le désir d’en prendre une autre; Dieu sépare, lui qui
avait uni, lorsque, d’un mutuel consentement et en vue du service de Dieu,
nous avons une femme; mais que nous sommes comme n’en ayant pas. (1 Co 7.) — Saint Augustin : (contre Fauste, 19, 29.) Voilà donc les Juifs convaincus par les livres de Moïse
qu’on ne doit pas renvoyer son épouse, eux qui croyaient agir conformément à
la loi de Moïse, lorsqu’ils répudiaient leurs femmes. Nous apprenons en même
temps, par le témoignage de Jésus-Christ, que Dieu a fait l’homme et la
femme, et les a unis entre eux, doctrine qui condamne les Manichéens qui
nient cette vérité et se mettent ainsi en opposition avec l’Évangile de
Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Une déclaration aussi
conforme à la chasteté est accablante pour des fornicateurs; ils ne peuvent
rien opposer à la raison, mais ils ne se rendent pas pour cela à la vérité.
Ils s’appuient donc de l’autorité de Moïse, comme des hommes qui ayant une
mauvaise cause à défendre ont recours à des personnages haut placés, pour
remporter par leur influence un triomphe qu’ils ne peuvent espérer de la
justice de leur cause. « Mais
pourquoi donc, lui disent-ils, Moïse a-t-il commandé de donner un acte de
divorce et de la répudier ? » —
Saint Jérôme : Ils découvrent l’accusation
calomnieuse qu’ils avaient préparée, bien que le Seigneur n’ait point donné
son propre sentiment, mais qu’il n’ait fait que rappeler un fait de
l’histoire ancienne et les commandements de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62.) Si Notre Seigneur avait été en
opposition avec l’Ancien Testament, il n’eût point pris la défense de Moïse;
il n’aurait pas non plus montré le rapport des faits anciens avec ce qui le
concernait. Cependant l’ineffable sagesse du Seigneur va jusqu’à justifier
ses accusateurs dans sa réponse: « Et
il leur répondit: C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis
de répudier vos femmes. » C’est ainsi qu’il justifie MoIse de
l’accusation [qu’ils semblaient vouloir lui intenter], pour la faire retomber
tout entière sur leur tête. —
Saint Augustin : (contre Fauste, 19, 29.) Quelle n’était pas
en effet leur dureté, puisque l’acte de répudiation qui offrait un moyen de
séparation aux hommes justes et prudents, ne pouvait ni les fléchir, ni
ramener dans leurs cœurs l’affection qui doit régner entre les époux. Mais
quelle est donc la fourberie des Manichéens, qui reprochent à Moïse d’avoir
détruit le mariage en autorisant le billet de répudiation et qui louent
Jésus-Christ d’avoir confirmé l’indissolubilité du lien conjugal ? Dans
leur opinion sacrilège, ils devraient, au contraire, louer Moïse d’avoir
séparé ce que le démon avait uni, et blâmer Jésus-Christ d’avoir resserré des
liens formés par le démon. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
62.) Comme
cette réponse pouvait produire une impression fâcheuse, le Seigneur en
revient aussitôt à la loi ancienne et ajoute: « Mais au commencement, il n’en a pas été ainsi. » —
Saint Jérôme : Paroles dont voici le sens: Est-ce
que Dieu peut être en contradiction avec lui-même, à ce point d’établir une
loi et de la détruire par un commandement contraire ? c’est ce qu’on ne
peut admettre. Mais Moïse, voyant que le désir d’épouser d’autres femmes, ou
plus riches ou plus jeunes ou plus belles, était pour les premières épouses
une cause de mauvais traitements et de mort, [ou pour les maris de conduite
licencieuse], aima mieux permettre le divorce, que de laisser persister les
haines et les homicides. Remarquez encore qu’il ne dit pas: « à cause de
la dureté de votre cœur, Dieu vous a permis », mais: « Moïse vous a permis » ;
car, selon la remarque de l’Apôtre (1 Co
7, 12), c’était un conseil de l’homme et non pas un commandement de Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Aussi est-ce avec dessein qu’il dit: « Moïse vous a permis », et non: « Moïse vous a commandé »; car ce que nous commandons est l’expression d’une volonté qui persévère, tandis que ce que nous permettons, nous l’accordons malgré nous, parce que nous ne pouvons pas arrêter entièrement la mauvaise volonté des hommes. Moïse vous a donc permis de faire mal, pour vous empêcher de faire plus mal encore; donc, en nous accordant cette permission, il ne vous a pas fait connaître ce qu’exige la justice de Dieu; il a simplement déchargé le péché de culpabilité, de manière qu’en paraissant agir d’après votre loi, ce qui était péché cessât de l’être pour vous. |
Lectio 2 [85534] Catena in Mt.,
cap. 19 l. 2 Chrysostomus in Matth. Quia os illorum
oppilaverat, iam cum auctoritate legis inducit, dicens dico autem vobis quia
quicumque dimiserit uxorem suam nisi ob fornicationem, et aliam duxerit,
moechatur. Origenes in Matth. Forte autem dicet
aliquis, quoniam Iesus dicens quicumque dimiserit uxorem suam, nisi ob
fornicationem, permisit uxorem dimittere, quemadmodum Moyses: quem retulit
propter duritiam cordis Iudaeorum hoc praecepisse. Sed ad hoc respondendum,
quoniam, si secundum legem adultera lapidatur, non secundum hoc intelligitur
res turpis, propter quam Moyses permittit libellum repudii; nec enim in causa
adulterii oportebat libellum dare repudii. Sed
forsitan Moyses omnem culpam mulieris turpem rem appellavit; quae si inventa fuerit
in uxore, scribitur ei libellus repudii. Quaerendum est autem: si propter
solam causam fornicationis dimittere iubet uxorem, quid est, si mulier non
fuerit fornicata, sed aliud quid gravius fecerit: puta venefica inveniatur,
aut interfectrix filiorum? Sed dominus exponens rem, alibi dixit: qui
dimiserit, excepta causa fornicationis, facit eam moechari, dans ei
occasionem secundarum nuptiarum. Hieronymus. Sola ergo fornicatio est quae
uxoris vincit affectum; immo cum illa unam carnem in aliam diviserit, et se
fornicatione separaverit a marito, non debet teneri, ne virum quoque sub
maledictione faciat, dicente Scriptura: qui adulteram tenet, stultus et
impius est. Chrysostomus super Matth. Sicut enim crudelis
est et iniquus qui castam dimittit, sic fatuus et iniquus qui retinet
meretricem; nam patronus turpitudinis est qui crimen celat uxoris. Augustinus de adulterinis coniugiis. Non tamen
erit turpis nec difficilis, etiam post patrata et purgata adulteria,
reconciliatio coniugii, ubi per claves regni caelorum non dubitatur fieri
remissio peccatorum: non ut post viri divortium adultera revocetur, sed ut
post Christi consortium adultera non vocetur. Chrysostomus super Matth. Omnis autem
res per quas causas nascitur, per ipsas solvitur. Matrimonium autem non facit
coitus, sed voluntas: et ideo non solvit illud separatio corporis, sed
separatio voluntatis. Ideo qui dimittit coniugem suam, et aliam non accipit,
adhuc maritus est: nam etsi corpore iam separatus est, tamen adhuc voluntate
coniunctus est. Cum ergo aliam acceperit, tunc plane
dimittit: et ideo dominus non dicit: qui dimittit, moechatur; sed qui alteram
ducit. Rabanus. Una ergo solummodo carnalis est
causa, idest fornicatio; una spiritualis, hoc est timor Dei, ut uxor dimittatur.
Nulla autem causa est ut, vivente ea quae relicta est, alia ducatur. Hieronymus. Poterat autem accidere ut aliquis
calumniam faceret innocenti uxori, et ob secundam copulam nuptiarum veteri
crimen impingeret. Ideo sic priorem dimittere iubetur uxorem ut secundam,
prima vivente, non habeat. Nec non quia poterat evenire ut, iuxta eamdem
legem, uxor quoque marito daret repudium, eadem cautela praecipitur ne
secundum accipiat virum: et quia meretrix, et quae semel fuerat adultera,
opprobrium non timebat, secundo non nubere praecipitur viro. Quod si talem
duxerit, sub adulterii crimine sit: unde sequitur et qui dimissam duxerit,
moechatur. Glossa. Accipientem terret: quia adultera non
timet opprobrium. |
Verset 9.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 62.) Après leur avoir ainsi fermé la bouche, Notre Seigneur établit d’autorité la loi en ces termes: « Aussi je vous déclare que quiconque aura renvoyé son épouse, si ce n’est pour adultère, et en épouse une autre, commet un adultère.» — Origène : On dira peut-être
que Jésus, par ces paroles: « Quiconque aura renvoyé sa femme, si ce
n’est en cas d’adultère, » a donc permis au mari de renvoyer son
épouse, aussi bien que Moïse, qui, au témoignage du Seigneur, leur a donné
cette permission à cause de la dureté de leur cœur. Nous répondons que
l’adultère, crime pour lequel, selon la loi, on devait être lapidé (Jn 8, 5; Lv 20, 20; Dt 22, 22),
n’est point ce défaut honteux, pour lequel Moïse permet de donner l’acte de
répudiation; car, dans le cas d’adultère, cet acte de répudiation n’était pas
nécessaire. Peut-être Moïse a-t-il voulu désigner, par cette chose honteuse,
toute faute commise par la femme qui autorise le mari à lui donner un acte de
répudiation. Mais s’il n’est permis de renvoyer sa femme que pour le seul
crime d’adultère, on peut se demander ce que l’on doit faire si une femme,
innocente de ce crime, est coupable d’un crime plus énorme, comme d’avoir
empoisonné ou mis à mort ses enfants ? Le Seigneur a tranché cette
difficulté dans un autre endroit en ces termes (Mt 5): « Quiconque renverra sa femme, si ce n’est pour
cause d’adultère, la fait tomber dans l’adultère en l’exposant à contracter
un second mariage ». —
Saint Jérôme : Il n’y a donc que l’adultère qui
puisse triompher de l’affection qu’on doit à son épouse; en effet, dès lors
qu’elle a partagé son corps avec un autre, et que par le crime de la
fornication elle s’est séparée de son mari, il ne doit point la garder, de
peur de tomber lui-même sous cette malédiction de l’Écriture: « Celui
qui retient une adultère est insensé et méchant. » (Pv 18, 22.) — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) De même qu’un homme se rendrait coupable de cruauté et d’injustice en
renvoyant une femme chaste, ainsi serait il insensé et inique s’il retenait
une adultère, car c’est patronner l’infamie que de dissimuler le crime d’une
épouse —
Saint Augustin : (Des mariages adult. 2, 9) Cependant, après
que le crime d’adultère a été commis et expié, la réconciliation des époux ne
doit être ni difficile, ni regardée comme honteuse, alors que les clefs du
royaume des cieux ne permettent pas de douter de la rémission des péchés; ce
n’est pas sans doute que le mari doive rappeler sa femme adultère après la
séparation, mais il ne doit plus la traiter d’adultère après qu’elle a été
jugée digne de l’union de Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Toute chose se détruit par
les mêmes causes qui l’ont fait naître; or, ce n’est point l’acte sexuel,
mais la volonté des époux qui constitue l’union conjugale; donc ce n’est pas
la séparation du corps qui la détruit, mais la séparation de volonté. Celui
donc qui se sépare de son épouse, sans en prendre une autre, reste toujours
l’époux de la première; car, bien qu’il en soit séparé de corps, il lui reste
uni par la volonté; ce n’est que lorsqu’il en a pris une autre que la
séparation est complète. Aussi Notre Seigneur ne dit pas: « Celui qui
renvoie son épouse est adultère », mais: « Celui qui en prend
une autre. » —
Saint Rémi : [référence à vérifier] Il n’y a qu’une seule raison matérielle qui puisse légitimer le
renvoi d’une épouse: c’est l’adultère; il n’y a qu’une seule raison
spirituelle, et c’est la crainte de Dieu; mais il n’en est aucune qui
permette de prendre une autre épouse du vivant de celle qu’on a renvoyée. —
Saint Jérôme : Il pouvait facilement arriver qu’un
homme calomniât une épouse innocente, et lui imputât un crime imaginaire,
afin de pouvoir contracter un second mariage. En permettant donc de renvoyer
la première femme, le Seigneur défend d’en prendre une autre du vivant de la
première. Et encore, comme il pouvait également se faire qu’en vertu de la
même loi, une femme donnât à son mari un acte de répudiation, la même défense
lui est faite de prendre un second mari. [Notre Seigneur va plus loin]: une femme
de mauvaise vie et qui s’est rendue coupable d’adultère ne craint pas
beaucoup l’opprobre; il est défendu à celui qui voudrait devenir son second
mari de la prendre, sous peine du crime d’adultère. « Et celui qui
épouse celle qu’un autre a renvoyée commet aussi un adultère. » — La Glose : Notre Seigneur veut effrayer celui qui prendrait cette femme, parce qu’une adultère ne redoute ni la honte, ni l’opprobre. |
Lectio 3 [85535] Catena in Mt., cap. 19 l. 3 Hieronymus.
Grave pondus uxor est, si excepta causa fornicationis, eam dimittere non
licet. Quid enim si temulenta fuerit, si iracunda, si malis moribus, tenenda
erit? Videntes ergo apostoli grave uxorum iugum, proferunt motum animi sui:
unde dicitur dicunt ei discipuli eius: si ita est causa hominis cum uxore,
non expedit nubere. Chrysostomus in Matth. Levius enim est contra
concupiscentiam praeliari et contra seipsum, quam ad mulierem malam. Chrysostomus super Matth. Non autem dixit
dominus, quia expedit; sed magis consensit quod non expedit; sed infirmitatem
carnis consideravit; unde sequitur qui dixit eis: non omnes capiunt verbum
istud, idest, non omnes hoc possunt. Hieronymus. Nemo autem putet sub hoc verbo
quod addit sed quibus datum est, vel fatum vel fortunam introduci: quod hi
sunt virgines quos ad hoc casus adduxit. Sed his datum est a Deo qui
petierunt, qui voluerunt, qui ut acciperent, laboraverunt. Chrysostomus super Matth. Ideo ergo non omnes
capere possunt, quia non omnes volunt. Palma proposita est: qui concupiscit
gloriam, non cogitet de labore. Nemo vinceret, si omnes periculum timerent.
Ex eo ergo quod quidam a proposito continentiae cadunt, non debemus circa
virtutem castitatis fieri pigriores; sicut et qui in pugna cadunt non
exanimant ceteros. Quod ergo dicit quibus datum est, illud ostendit, quia
nisi auxilium gratiae acciperemus, nihil nobis valeret. Hoc autem auxilium
gratiae volentibus non denegatur: dicit enim dominus: petite et accipietis.
Chrysostomus in Matth. Deinde possibile hoc
esse ostendens, ait sunt enim eunuchi; quasi dicat: excogita: si ab aliis
excisus esses, quid utique faceres? Voluptate quidem privatus esses, mercedem
autem non haberes. Chrysostomus super Matth. Sicut enim peccatum
opus sine voluntate non facit, ita et iustitia ex opere non consummatur, nisi
et voluntas affuerit. Illa est ergo gloriosa continentia, non illa quam
transgredi non potest necessitas debilitatis corporis, sed quam complectitur
voluntas sancti propositi. Hieronymus. Triplex ergo genus eunuchorum
posuit; quorum duo sunt carnales, et tertii spirituales. Alii enim sunt qui
de utero matris sic nascuntur; alii quos vel captivitas facit, vel deliciae
matronales; tertii sunt qui seipsos castraverunt propter regnum caelorum, et
qui cum possint esse viri, propter Christum eunuchi fiunt. Istis promittitur praemium; superioribus autem, quibus necessitas
castimonia est, non voluntas, nihil omnino debetur. Hilarius in Matth. In uno enim eorum
posuit naturam, scilicet in eo qui nascitur; in altero necessitatem, scilicet
in eo qui factus est; in tertio voluntatem, qui scilicet spe regni caelestis
talis esse decrevit. Chrysostomus super Matth. Quod autem aliqui
sic nascuntur, hac ratione fit sicut et nascuntur sex digitos habentes aut
quatuor. Si enim Deus sicut ab initio constituit
unamquamque naturam, sic dimitteret illam immutabiliter semper in suo ordine
permanere, in oblivionem deduceretur coram hominibus operatio Dei. Ideo ergo
interdum natura rerum convertitur contra suam naturam, ut semper Deus naturae
opifex in memoriam reducatur. Hieronymus. Possumus et aliter dicere:
eunuchi sunt ex matris utero qui frigidiores naturae sunt, nec libidinem
appetentes, et alii qui ab hominibus fiunt, quos aut Pharisaei faciunt, aut
propter idolorum cultum emolliuntur in feminas, vel persuasione haeretica
simulant castitatem, ut mentiantur religionis veritatem. Sed
nullus eorum consequitur regnum caelorum, nisi qui se propter Christum
castraverit: unde sequitur qui potest capere, capiat; ut unusquisque
consideret vires suas, utrum possit virginalia et pudicitiae implere
praecepta. Per se enim castitas blanda est, et quemlibet ad se alliciens; sed
considerandae sunt vires, ut qui potest capere, capiat. Quae hortantis domini
vox est, et milites suos ad pudicitiae praemium concitantis, quasi, qui
potest pugnare, pugnet, et superet ac triumphet. Chrysostomus in Matth. Cum autem dicit qui se
castraverunt, non membrorum dicit abscissionem, sed malarum cogitationum
interemptionem: maledictioni enim est obnoxius qui membrum abscindit: etenim
quae homicidarum sunt talis praesumit; et Manichaeis, qui detrahunt
creaturis, tribuit occasionem, et eadem cum gentibus membra detruncantibus
inique agit; abscindere enim membra daemoniacae tentationis est. Cum his
autem quae dicta sunt neque concupiscentia mansuetior ita fit, sed molestior:
aliunde enim habet fontes sperma quod in nobis est, et praecipue a proposito
incontinenti, et mente negligente; et si ipsa sobria fuerit, naturalium
motuum nullum est nocumentum; nec ita abscissio membri comprimit tentationes
et tranquillitatem facit, ut cogitationis frenum. |
Versets 10-12.
— Saint Jérôme : C’est
un lourd fardeau qu’une épouse, s’il n’est point permis de s’en séparer, sauf
le cas d’adultère. Eh quoi ! si elle est sujette à l’ivrognerie, à la colère,
si elle est de moeurs licencieuses, faudra-t-il donc la garder ? C’est
en considérant ce joug pesant que peut constituer une épouse, que les Apôtres
expriment leur sentiment: « Ses disciples lui dirent: ‘ Si la
condition d’un homme est telle à l’égard de sa femme, il n’est pas avantageux
de se marier.’ » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62.) Car il est plus facile de lutter
contre la concupiscence et contre soi-même que contre une mauvaise femme. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Or, le Seigneur ne répond
point que cela est avantageux, au contraire, il convient avec eux que ce
n’est pas avantageux; mais il tient compte en même temps de l’infirmité de la
chair, et il ajoute: « Tous ne comprennent pas cette parole, »
c’est-à-dire tous ne sont pas capables de cette résolution. —
Saint Jérôme : Gardons-nous de penser qu’en disant: « ceux
à qui il a été donné », le Seigneur ait voulu parler du destin ou du
hasard, en ce sens que ceux qui ont reçu le don de la virginité, n’en soient
redevables qu’au hasard; car ce don est accordé à ceux qui l’ont demandé à
Dieu, qui l’ont voulu, et qui ont fait des efforts pour l’obtenir. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Si donc tous ne comprennent
pas cette parole, c’est qu’ils ne veulent pas la comprendre. La palme est
offerte à tous, que celui qui désire la gloire, ne pense pas à la fatigue ;
personne ne pourrait remporter la victoire, si tous craignaient le danger. De
ce qu’il en est qui ne tiennent pas la résolution qu’ils ont prise d’être
chastes, nous ne devons pas en être plus négligents dans la pratique de cette
vertu; ainsi ceux qui tombent sur le champ de bataille n’amortissent pas le
courage des autres. En s’exprimant de la sorte: « ceux à qui il a été
donné », le Seigneur nous apprend que sans le secours de la grâce,
tous nos efforts seraient inutiles. Or, ce secours de la grâce n’est jamais
refusé à ceux qui le demandent; car le Seigneur a dit: « Demandez et
vous recevrez. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
62.) Il
prouve ensuite la possibilité de cette vertu, en ajoutant: « Il y a
des eunuques », paroles dont voici le sens: Pensez à ce que vous
feriez si vous étiez devenu eunuque par la main des hommes. Vous seriez privé
et de la volupté, et de la récompense de la chasteté. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) De même que l’action séparée
de la volonté ne peut constituer le péché, ainsi l’acte, sans la volonté, ne
peut être imputé à justice. La chasteté, vraiment méritoire et glorieuse,
n’est donc pas celle qui vient de l’impuissance d’un corps incapable
d’enfreindre cette vertu, mais celle qui résulte de la résolution libre et
sainte de garder la continence. —
Saint Jérôme : Il établit donc trois genres
d’eunuques, deux dans le sens matériel, et le troisième dans le sens
spirituel: les uns sont nés ainsi dès le sein de leur mère; les autres sont
ceux que la captivité a rendu tels, ou qui ont été mutilés pour le plaisir de
certaines dames; les troisièmes sont ceux qui se sont faits eunuques
eux-mêmes pour le royaume des cieux, et qui, pouvant être des hommes
jouissant de la virilité, se sont faits eunuques par amour pour Jésus-Christ;
c’est à ces derniers qu’il promet la récompense; mais les autres, pour qui la
chasteté est une nécessité et non pas un sacrifice volontaire, n’ont rien à
espérer. —
Saint Hilaire : D’un côté nous voyons la nature dans
celui qui est eunuque de naissance, de l’autre, la nécessité dans celui qui
l’est devenu de la main des hommes, de l’autre, enfin, la volonté dans celui
qui a résolu de vivre tel, dans l’espérance du royaume des cieux. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Qu’il y en ait qui soit
eunuques de naissance, on ne peut l’attribuer qu’à la création, de même que
ceux qui naissent avec six ou quatre doigts; car si Dieu laissait la nature
de chacun des êtres créés suivre d’une manière immuable l’ordre qu’il a
établi dès le commencement, les hommes finiraient par oublier l’opération de
la toute-puissance divine. C’est pourquoi la nature des choses contrevient de
temps en temps aux lois naturelles établies, pour rappeler sans cesse au
souvenir des hommes, que Dieu est l’artisan souverain de la nature. —
Saint Jérôme : Nous pouvons donner une autre
explication: Ceux qui sont eunuques dès le sein de leur mère sont ceux qui
sont d’un tempérament froid et sans inclination pour le plaisir; ceux qui le
sont par le fait des hommes, sont ceux que les médecins [les Pharisiens ?] ont faits eunuques ou à qui
on fait prendre les moeurs efféminées des femmes pour servir au culte des
idoles; ou bien ceux qui, à la persuasion des hérétiques, simulent la
chasteté pour se couvrir des dehors trompeurs de la vraie religion. Or, aucun
d’eux n’obtiendra le royaume des cieux, à l’exception de ceux qui se sont
rendus eunuques pour Jésus-Christ. C’est pour cela que le Seigneur ajoute: « Qui
peut comprendre ceci le comprenne. » C’est-à-dire que chacun
interroge ses forces pour voir s’il peut remplir les devoirs qu’impose la
virginité et la pureté. La chasteté a des charmes naturels, elle attire à soi
tout le monde, mais il faut que chacun examine ses forces, et « que
celui qui peut comprendre comprenne. » C’est la parole du Seigneur
qui exhorte ses soldats, et les appelle à conquérir la palme de la chasteté,
et il leur tient ce langage: « Que celui qui peut combattre, ne refuse
pas le combat, qu’il remporte la victoire et qu’il triomphe. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 62.) Lorsque le Seigneur dit qu’il en est qui se sont faits eunuques, il ne veut point parler du retranchement d’aucun membre, mais de la mortification des pensées mauvaises; car celui qui se mutile lui-même est soumis à la malédiction, parce qu’il se rend coupable du crime des homicides, donne occasion aux Manichéens de rabaisser la créature, et qu’il imite la conduite des païens qui se mutilent ainsi eux-mêmes; la pensée de se retrancher un membre ne peut venir que d’une tentation du démon. D’ailleurs, en agissant de la manière qu’on vient de décrire, on n’éteint pas les feux de la concupiscence, on ne fait que les irriter, puisque le sperme qui est en nous a d’autres sources, et surtout dans les désirs impurs et dans la négligence de l’âme. Si l’âme est mortifiée, elle n’a rien à craindre des mouvements naturels de la concupiscence; de même que cette mutilation d’un membre ne suffit pas pour réprimer les tentations, et pour donner la paix à l’âme, en mettant comme un frein aux pensées mauvaises. |
Lectio 4 [85536] Catena in Mt.,
cap. 19 l. 4 Chrysostomus super Matth. Dominus
de castitate sermonem fecerat; audientes autem quidam obtulerunt ei infantes
castitate mundissimos: putabant enim quia dominus corpore mundos tantum
laudaret; et hoc est quod dicitur tunc oblati sunt ei parvuli, ut manus eis
imponeret, et oraret. Origenes in Matth. Iam enim ex praecedentibus
virtutibus eius experti erant quoniam per impositionem manuum eius, et
orationem repelluntur mala. Offerunt ergo ei pueros, considerantes quoniam
impossibile est ut postquam per tactum dominus dederit eis divinam virtutem,
ruina aut Daemonium aliquod tangere eos possit. Remigius. Consuetudo etiam fuit apud veteres
ut parvuli offerrentur senioribus, quatenus eorum manu vel ore
benedicerentur; et iuxta hanc consuetudinem parvuli oblati sunt domino. Chrysostomus super Matth. Caro autem, quia non
delectatur in bono, facile obliviscitur bonum; malum autem quod audierit,
retinet semper. Ante modicum autem tempus Christus accipiens puerum, dixit:
nisi facti fueritis sicut parvulus iste, non intrabitis in regnum caelorum;
et ecce statim obliti discipuli puerilis innocentiae, vetabant pueros ad
Christum quasi indignos accedere; unde sequitur discipuli autem increpabant
eos. Hieronymus. Non quia nollent eis salvatoris et
manu et voce benedici; sed quod nondum habentes plenissimam fidem, putarent
eum, in similitudinem aliorum hominum, offerentium importunitate lassari.
Chrysostomus in Matth. Vel discipuli
expellebant pueros, causa dignitatis Christi. Dominus autem docens eos
moderata sapere et tumorem conculcare mundanum, accepit parvulos, et in ulnis
tenuit eos: et talibus regnum caelorum promittit: unde sequitur Iesus autem
ait eis: sinite parvulos, et nolite prohibere eos ad me venire: talium est
enim regnum caelorum. Chrysostomus super Matth. Quis enim mereatur
appropinquare Christo, si repellitur ab eo simplex infantia? Ideo dixit
nolite prohibere eos. Nam si sancti futuri sunt, quid vetatis filios ad
patrem venire? Si autem peccatores futuri sunt, ut quid sententiam
condemnationis profertis, antequam culpam videatis? Hieronymus. Signanter autem dixit talium est
regnum caelorum, non istorum, ut ostenderet, non aetatem regnare, sed mores;
et his qui similem haberent innocentiam et simplicitatem praemium repromitti.
Sequitur et cum imposuisset eis manus, abiit inde. Chrysostomus super Matth. Praesens locus
instruit omnes parentes, ut filios suos sacerdotibus offerant; non enim
sacerdos manus imponit, sed Christus, in cuius nomine manus imponitur. Si
enim qui escas suas per orationem offert Deo, sanctificatas eas manducat:
sanctificatur enim per verbum Dei et orationem, ut apostolus dicit, quanto
magis pueros offerri Deo et sanctificari necesse est? Causa autem
sanctificandarum escarum haec est, quoniam totus mundus in maligno positus
est; unde et res corporales quae sunt magna pars mundi, in maligno positae
sunt. Consequenter infantes quando nascuntur, et ipsi quantum ad carnem in
maligno positi sunt. Origenes in Matth. Pueros autem mystice
dicimus qui in Christo adhuc carnales sunt, et lacte opus habentes. Qui autem
profitentur verbi doctrinam, simpliciores quidem, et quasi puerilem sermonem
habentes quo nutriuntur, adhuc novitii sunt, qui offerunt salvatori pueros et
infantes. Qui autem videntur esse perfectiores, et ideo sunt discipuli Iesu,
priusquam discant rationem iustitiae de pueris, reprehendunt eos qui per
simplicem doctrinam pueros et infantes, idest minus adhuc eruditos, offerunt
Christo. Dominus autem hortans discipulos suos iam viros constitutos
condescendere utilitatibus puerorum, ut fiant pueris quasi pueri, ut pueros
lucrentur, dicit talium est enim regnum caelorum. Nam et ipse, cum in forma
Dei esset, factus est puer. Haec ergo debemus attendere, ne aestimatione
sapientiae excellentioris et profectus spiritualioris, contemnamus quasi
magni pusillos Ecclesiae, prohibentes pueros venire ad Iesum. Quoniam autem
pueri non omnia quae dicuntur, sequi possunt, imposuit eis manum Iesus, et
virtutem relinquens in eis per tactum, abiit ab eis, quasi non potentibus
sequi Christum, sicut ceteri discipuli eius perfecti. Remigius. Manibus etiam impositis benedixit
pueris, significans quod humiles spiritu sunt digni eius gratia et
benedictione. Glossa. Imposuit etiam eis manus, viris
continentibus, ut gratiam sui auxilii conferendam significaret. Hilarius in Matth. Infantes etiam
gentium forma sunt, quibus per fidem et auditum salus redditur. Verum
ex affectu primo salvandi Israel, a discipulis inhibentur accedere, quos
dominus ait non oportere prohiberi. Munus enim spiritus sancti per
impositionem manus, et precationem, cessante legis opere, erat gentibus
largiendum. |
Versets 13-15.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Notre Seigneur venait de parler de la chasteté; quelques-uns de ceux
qui l’avaient écouté lui présentèrent des enfants d’une grande pureté, car
ils pensaient que le Seigneur n’avait relevé le mérite que de la pureté du
corps: « On lui présenta alors des enfants, pour qu’il leur
imposât les mains et priât.» — Origène : Ils savaient par
l’expérience de ses miracles que l’imposition seule de ses mains, jointe à la
prière, suffisait pour repousser tout accident funeste; ils lui présentent
donc des enfants, dans la pensée, qu’après que le Seigneur leur aurait
communiqué, en les touchant, une vertu toute divine, ils seraient à l’abri de
tout malheur, et des attaques du démon (cf. Ps 110, 6). —
Saint Rémi : C’était une coutume chez les anciens de
présenter les petits enfants aux vieillards, pour que ces derniers pussent
les bénir de la main ou par leurs paroles, et c’est en vertu de cet usage que
ces petits enfants sont présentés au Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) L’homme charnel, qui ne peut
se réjouir dans le bien, l’oublie facilement, tandis qu’il ne perd jamais le
souvenir du mal qu’il a entendu. Jésus venait à peine de prendre un enfant et
de dire: « Si vous ne devenez comme cet enfant, vous n’entrerez pas
dans le royaume des cieux », et voilà qu’aussitôt les disciples,
oubliant l’innocence de cet âge, éloignaient les enfants du Seigneur comme
indignes de s’approcher de lui. « Et comme ses disciples les
repoussaient, » etc... —
Saint Jérôme : Ce n’est pas qu’ils voulussent
s’opposer à ce que le Sauveur les bénît de la main et de la voix, mais
n’ayant pas encore une foi très grande, ils s’imaginaient qu’en cela,
semblable aux autres hommes, le Seigneur était fatigué de l’importunité de
ceux qui lui présentaient ces enfants. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62.) Ou bien encore, les disciples
repoussaient les enfants par égard pour la dignité de Jésus-Christ; mais le
Seigneur, voulant les former à l’humilité et leur apprendre à fouler aux
pieds les prétentions de l’orgueil humain, prend ces petits enfants, les
tient dans ses bras, et promet le royaume des cieux à ceux qui leur
ressemblent. « Et Jésus leur dit: Laissez les enfants, et ne les
empêchez pas de venir à moi, car le royaume des cieux est à ceux qui leur
ressemblent. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Qui mériterait, en effet,
d’approcher de Jésus si on éloigne de lui la simplicité de l’enfance ?
Aussi ajoute-t-il: « Et ne les empêchez pas » ; car, s’ils
doivent être un jour des saints, pourquoi défendre aux fils d’approcher de
leur père; et s’ils doivent devenir pécheurs, pourquoi prononcer la sentence
de condamnation avant d’avoir vu leurs fautes ? —
Saint Jérôme : C’est avec dessein qu’il dit: « C’est
à ceux qui leur ressemblent qu’appartient le royaume des cieux », et
non pas « à ceux-ci » ; il veut montrer que ce n’est pas à
l’âge, mais à la pureté des moeurs qu’appartient le royaume des cieux, et que
c’est à ceux qui imitent leur innocence et leur simplicité que la récompense
est promise. « Et lorsqu’il leur eut imposé les
mains, il partit de là.» —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ce passage de l’Évangile
apprend à tous les parents qu’ils doivent présenter leurs enfants aux
prêtres; car ce n’est pas le prêtre qui leur impose alors les mains, c’est
Jésus-Christ, au nom duquel se fait cette imposition. En effet, si celui qui
offre à Dieu par la prière la nourriture qu’il va prendre, mange cette
nourriture, sanctifiée par la parole de Dieu et la prière, selon la doctrine
expresse de l’Apôtre (1 Tm 4, 5),
combien plus est-il nécessaire d’offrir les enfants à Dieu pour qu’il les
sanctifie. La raison pour laquelle nous bénissons notre nourriture avant de
la prendre, c’est que le monde tout entier est sous l’empire de l’esprit
malin (1 Jn 5, 19), et que, par
conséquent, toutes les choses corporelles qui forment une grande partie du
monde créé lui sont soumises; les enfants eux-mêmes, lorsqu’ils viennent au
monde, sont donc également sous son empire quant à leur corps. — Origène : Dans le sens
mystique, nous appelons enfants ceux qui sont encore charnels en
Jésus-Christ, et qui ont encore besoin de lait. (1 Co 3.) Ceux au contraire, qui professent la doctrine du Verbe,
mais qui sont encore simples et nourris d’un enseignement approprié à la
faiblesse du jeune âge, sont encore novices, ce sont eux qui présentent au Sauveur
les enfants et les petits; mais ceux qui sont plus parfaits, c’est-à-dire les
disciples de Jésus, avant de connaître les dispositions de la justice divine
à l’égard des enfants, s’élèvent contre ceux qui, à l’aide d’une doctrine
élémentaire, présentent à Jésus-Christ les enfants et les petits,
c’est-à-dire les moins instruits. Or, le Seigneur veut apprendre à ses
disciples parvenus à la maturité de l’âge, à condescendre à la faiblesse des
enfants et aux exigences de leur âge, et à devenir comme des enfants pour les
enfants, afin de les gagner à Jésus-Christ, et il leur dit: « Le
royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent », car
lui-même, qui avait la nature de Dieu, a daigné se faire enfant. (1 Ph 2.) Voilà donc ce qu’il nous faut
considérer attentivement afin que le désir d’une sagesse plus excellente et
d’un progrès spirituel plus avancé ne nous porte à mépriser les petits
enfants comme si nous étions au-dessus d’eux, et à les empêcher de
s’approcher de Jésus. Et comme les enfants ne sont pas capables de suivre
tous les enseignements de Jésus, il leur impose les mains, et après leur
avoir communiqué une vertu particulière par ce divin attouchement, il les
laisse comme étant encore incapables de le suivre, à l’exemple des autres
disciples plus parfaits. —
Saint Rémi : Il bénit les enfants en leur imposant
les mains, pour signifier que les humbles d’esprit sont dignes de sa grâce et
de sa bénédiction. — La Glose : Il leur imposa
aussi les mains pour marquer que la grâce du secours divin serait départie à
ceux dont la pureté égale l’humilité. — Saint Hilaire : (can. 19 sur S. Matth.) Les enfants sont encore la figure des Gentils qui ont retrouvé le salut par la foi et par ce qu’ils ont entendu. Cependant les disciples, dans le désir qu’ils ont de sauver d’abord le peuple d’Israël, les empêchent d’approcher. Le Seigneur, alors, leur défend de les éloigner; car le don du Saint-Esprit devait être accordé aux Gentils par l’imposition des mains et par la prière, après l’abolition des prescriptions légales. |
Lectio 5 [85537] Catena in Mt.,
cap. 19 l. 5 Rabanus. Audierat forsan homo iste
a domino, tantum eos qui volunt parvulis similes esse, dignos introitu regni
caelestis; et ideo certior cupiens esse, non per parabolas, sed aperte
postulat exponi, quibus meritis vitam aeternam consequi possit. Et ideo
dicitur et ecce unus accedens ait illi: magister bone, quid boni faciam ut
habeam vitam aeternam? Hieronymus. Iste qui interrogat, et adolescens
et dives erat et superbus, et non voto discentis sed tentantis interrogat:
quod ex eo probare possumus quod dicente sibi domino si vis ad vitam ingredi,
serva mandata, rursum fraudulenter interrogat, quae sunt illa mandata; quasi
non et ipse legere, aut dominus posset eidem haec iubere contraria. Chrysostomus in Matth. Ego autem avarum quidem
eum et pecuniarum amatorem nequaquam recuso dicere, quia et Christus talem
eum esse redarguit; simulatorem autem nequaquam, quia non est securum de
incertis iudicare, et maxime accusando. Marcus autem hanc suspicionem
destruit: dicit enim, quod occurrens, et genuflectens rogabat eum, et quoniam
inspiciens eum Iesus, amavit eum. Si etiam eum tentans accessisset,
demonstrasset nobis hoc Evangelista, sicut in aliis facit. Si autem et ipse
siluisset, Christus eum non permisisset latere, sed redarguisset manifeste,
aut occulte insinuasset. Hoc autem non facit: sequitur enim qui dicit ei:
quid me interrogas de bono? Augustinus de Cons. Evang. Potest autem videri
distare aliquid, quod hic secundum Matthaeum dicitur quid me interrogas de
bono? Secundum alios autem: quid me dicis bonum? Nam quid me interrogas de
bono? Ad illud magis referri potest quod ait ille quaerens: quid boni faciam?
Ibi enim et bonum nominavit, et interrogatio est. Magister autem bone, nondum
est interrogatio. Commodissime ergo intelligitur utrumque dictum: quid me
dicis bonum? Et interrogas de bono? Hieronymus. Quia vero magistrum vocaverat
bonum, et non Deum vel Dei filium confessus erat, dixit quemvis sanctum
hominem comparatione Dei non esse bonum: de quo dicitur: confitemini domino,
quoniam bonus. Et ideo dicit unus est bonus Deus. Ne quis autem putet in eo
quod bonus Deus dicitur, excludi a bonitate filium Dei, legimus in alio loco:
pastor bonus ponit animam suam pro ovibus suis. Augustinus de Trin. Vel quia ille vitam
aeternam quaerebat (vita autem aeterna est in illa contemplatione, qua non ad
poenam videtur Deus, sed ad gaudium sempiternum) et non intelligebat cum quo
loquebatur, quoniam tantummodo eum filium hominis arbitrabatur; ideo dicit
quid me interrogas de bono, et vocas me, secundum quod vides, magistrum
bonum? Haec forma filii hominis apparebit in iudicio, non tantum iustis, sed
et impiis; et ipsa visio malum eis erit, quia poenalis erit. Est autem visio
formae meae, in qua aequalis sum Deo. Ille ergo unus Deus, pater, filius et
spiritus sanctus, ipse est solus bonus; quia nemo videt eum ad luctum et
planctum, sed tantum ad salutem et laetitiam veram. Hieronymus. Salvator etiam noster bonitatis
testimonium non renuit, sed magistri absque Deo exclusit errorem. Quae autem utilitas est ut ita responderet?
Reducit enim eum paulatim, et erudit liberari ab omni adulatione; et ab his
quae sunt super terram eum abducens, Deo adhaerere suadet, et futura
quaerere, et nosse eum qui vere est bonus, et radix et fons universorum
bonorum. Origenes in Matth. Respondet etiam sic
Christus, propter eum qui dixit: quid boni faciam? Quando enim declinamus a
malo et facimus bonum, quantum ad comparationem ceterorum hominum, dicitur
bonum quod facimus: quantum autem ad veritatem secundum quod hic dicitur unus
est bonus, bonum nostrum non est bonum. Dicere autem potest quis quoniam
sciens dominus propositum interrogantis non esse ut faciat vel humanum bonum,
dixit quid me interrogas de bono? Ac si dicat: cum sis imparatus ad ea quae
dicuntur bona, cur me interrogas de bono? Post hoc autem dicit si vis ad
vitam ingredi, serva mandata. Ubi considera, quoniam adhuc quasi extra vitam
constituto respondit si vis ad vitam ingredi: secundum enim unum modum homo
est extra vitam, qui est extra eum qui dixit: ego sum vita. Alias autem omnis
qui super terram est, quamvis iustissimus, potest quidem in umbra esse vitae,
non autem in ipsa vita, cum sit corpore mortis circumdatus. Introibit autem
quis in vitam, abstinens se ab operibus mortuis, appetens autem opera viva.
Sunt autem et verba mortua et verba viva, et cogitationes mortuae et
cogitationes vivae: et ideo dicit si vis ad vitam ingredi, serva mandata.
Augustinus de Verb. Dom. Nec etiam dixit: si
vis venire ad vitam aeternam; sed si vis ingredi ad vitam, eam definiens
vitam quae fuerit aeterna vita. Hic ergo considerandum est, quemadmodum
amanda sit aeterna vita, quando sic amatur misera ista et quandoque finienda
vita. Remigius. Demonstratur autem his verbis quia
lex suis impletoribus non solum bona temporalia dabat, sed et vitam aeternam.
Et quia hoc audierat, sollicitus factus interrogavit: unde sequitur dicit
illi: quae? Chrysostomus in Matth. Hoc autem non tentans
dixit; sed aestimans alia quaedam praecepta esse praeter legalia quae vitae
causa fierent ei. Remigius. Iesus vero quasi infirmo
condescendens, clementissime legis praecepta exposuit: unde sequitur Iesus
autem dixit: non homicidium facies: quorum praeceptorum expositio est sequens
sententia, qua dicitur et diliges proximum tuum sicut teipsum. Etenim
apostolus dicit: qui diligit proximum, legem implevit. Quaerendum est autem:
quare dominus tantum secundae tabulae praecepta commemoravit? Idcirco
scilicet quia forte iste studiosus erat in dilectione Dei; sive quia dilectio
proximi gradus est ascendendi ad dilectionem Dei. Origenes in Matth. Forsitan autem ista
praecepta sufficiunt ut in principium, ut ita dicam, vitae ingrediatur quis;
non autem sufficiunt haec vel alia similia istis ad interiora vitae
introducere quemquam. Qui autem praeterierit unum istorum mandatorum, nec in
principium vitae intrabit. Chrysostomus in Matth. Quia ergo dominus
ea praecepta commemoraverat quae erant in lege, ideo sequitur dicit illi
adolescens: haec omnia servavi a iuventute mea. Et
neque hic stetit; sed rursus interrogat quid adhuc mihi deest? Quod et ipsum
signum est vehementis desiderii. Remigius. Illis autem qui in gratia perfecti
esse volunt, ostendit qualiter ad perfectionem venire possunt: unde sequitur
ait illi Iesus: si vis perfectus esse, vade et vende omnia quae habes, et da
pauperibus. Notanda sunt ista verba: non enim ait: vade et manduca omnia quae
habes; sed vade et vende. Et non ait: aliqua, sicut Ananias et Saphira; sed
omnia. Et pulchre subiungit quae habes: illa enim habemus quae iuste
possidemus. Illa ergo quae iuste possidentur, vendenda sunt; quae vero
iniuste, sunt eroganda illis quibus fuerant ablata. Nec ait: da proximis aut
divitibus a quibus accipies similia; sed da pauperibus. Augustinus de operibus monachorum. Nec
attendendum in quibus monasteriis, vel in quo loco indigentibus fratribus hoc
quod habebat aliquis impenderit: omnium enim Christianorum una respublica
est. Et ideo quisquis Christianus necessaria ubilibet erogaverit, ubicumque
etiam ipse quod necessarium est sibi, accipit, de eo quod est Christi accipit.
Rabanus. Ecce duas vitas hominibus propositas
audivimus: activam, ad quam pertinet non occides, et cetera legis mandata; et
contemplativam, ad quam pertinet si vis perfectus esse. Activa ad legem pertinet, contemplativa ad Evangelium: quia sicut
vetus novum praecessit testamentum, ita bona actio praecedit contemplationem. Augustinus contra Faustum. Nec tamen
illi soli qui ut sint perfecti vendunt vel dimittunt omnia sua, pertinent ad
regnum caelorum; sed huic militiae Christianae, propter quoddam commercium
caritatis, subiungitur etiam quaedam stipendiaria multitudo; cui dicetur in
fine: esurivi et dedistis mihi manducare: quo absit ut istos a mandatis
evangelicis alienos a vita aeterna separandos iudicemus. Hieronymus contra Vigilantium. Quod autem
Vigilantius asserit, eos melius facere qui utantur rebus suis, et paulatim
fructus possessionum pauperibus dividant, quam illos qui possessionibus
venumdatis semel omnia largiantur: non a me ei, sed a Deo respondebitur si
vis perfectus esse, vade et vende. Iste, quem tu laudas, secundus, aut
tertius gradus est; quem et nos recipimus, dummodo sciamus prima secundis et
tertiis praeferenda. Gennadius de Eccles. Dogmat. Bonum est enim
facultates cum dispensatione pauperibus erogare: melius est pro intentione
sequendi dominum insimul donare, et absolutum sollicitudine egere cum Christo.
Chrysostomus in Matth. Et quia de pecuniis
erat sermo, a quibus denudari admonuit, ostendit quod ampliora his retribuet
quanto terra maius est caelum: et ideo dicit et habebis thesaurum in caelo. In thesauro enim copiam et permanentiam retributionis ostendit. Origenes in Matth. Si
autem omne mandatum in hoc verbo impletur: diliges proximum tuum sicut
teipsum, perfectus autem est qui impleverit omne mandatum, quomodo dominus
dicenti adolescenti: haec omnia servavi a iuventute mea, quasi nondum
perfecto, dicit si vis perfectus esse? Forte autem quod ait: diliges proximum
tuum, non a domino positum est, sed ab aliquo additum, quia nec Marcus nec
Lucas hunc locum exponentes hoc addiderunt. Vel aliter. Scriptum est in Evangelio secundum
Hebraeos, quod cum dominus dixisset ei vade et vende omnia quae habes, coepit
dives scalpere caput suum, et non placuit ei. Et dixit ad eum dominus:
quomodo dicis: feci legem et prophetas? Quoniam
scriptum est in lege: diliges proximum tuum sicut teipsum? Et
ecce multi fratres tui filii Abrahae amicti sunt stercore morientes prae
fame; et domus tua plena est multis bonis, et non egreditur omnino aliquid ex
ea ad eos. Volens ergo dominus arguere divitem illum, dicit si vis perfectus
esse, vade et vende omnia quae habes et da pauperibus. Sic enim apparebit si
diligis proximum tuum sicut teipsum. Sed si perfectus est qui habet omnes
virtutes, quomodo fit perfectus qui vendit omnia sua, et pauperibus dat?
Ponamus enim aliquem hoc fecisse, quomodo statim erit sine ira, sine
concupiscentia, suscipiens omnes virtutes, et deponens malitiam universam?
Sapienti ergo videbitur forsan dicere, quoniam qui pauperibus tradidit bona
sua, ipsorum orationibus adiuvatur, accipiens ad suam spiritualem inopiam illorum
spiritualem abundantiam, et fit hoc modo perfectus, quamvis aliquas humanas
habuerit passiones. Aut ita: iste qui mutavit pro divitiis paupertatem ut
fiat perfectus, credens sermonibus Christi, adiuvabitur, ut sapiens fiat in
Christo, iustus et castus et absque omni passione; non tamen sic ut in ipso
tempore quo tradidit bona sua pauperibus, fiat omnino perfectus; sed ex illo
die incipiet speculatio Dei adducere eum ad omnes virtutes. Aliter autem ad expositionem moralem transibit,
dicens substantiam esse uniuscuiusque actus animae eius. Imperat ergo
Christus vendere omnem substantiam malam, et quasi tradere eam virtutibus
operantibus eam quae ab omni bono pauperes sunt. Sicut enim pax apostolorum
revertitur ad ipsos, nisi fuerit filius pacis, sic universa peccata
revertuntur ad actores eorum, cum non fuerit quis utens malis eorum: et sic
neque dubitatio erit, quin statim erit perfectus qui sic vendidit omnes
proprias facultates. Manifestum est autem quod qui talia agit, habet
thesaurum in caelo, et ipse factus caelestis. In suo enim caelo habebit
thesaurum gloriae Dei, et divitias in omni sapientia Dei. Talis autem poterit
sequi Christum, quia non distrahitur ab aliqua mala possessione quo minus
Christum sequatur. Hieronymus. Multi etiam divitias relinquentes,
dominum non sequuntur; nec hoc ad perfectionem sufficit, nisi post contemptas
divitias salvatorem sequantur: idest, relictis malis, faciant bona. Facilius
enim sacculus contemnitur quam voluntas: et ideo sequitur et veni, sequere
me; sequitur enim dominum qui imitator est eius, et per vestigia illius
graditur. Sequitur cum autem audisset adolescens verba
haec, abiit tristis. Haec est tristitia quae ducit ad mortem. Causaque
tristitiae redditur: erat enim habens multas possessiones; idest spinas et
tribulos, qui sementem dominicam suffocaverunt. Chrysostomus in Matth. Non enim similiter
detinentur qui pauca habent, et qui multis abundant: quoniam abiectio
divitiarum maiorem accendit flammam, et violentior fit cupido. Augustinus ad Paulinum et Therasiam. Nescio
autem quomodo cum superflua terrena diliguntur, arctius adepta quam concupita
constringunt; nam unde iuvenis iste tristis discessit, nisi quia magnas
habebat divitias? Aliud est enim iam nolle incorporare quae desunt, aliud iam
incorporata divellere: illa enim velut extranea repudiantur, ista velut
membra praeciduntur. Secundum historiam autem, iste adolescens
laudabilis quidem est, quia non occidit, non adulteratus est; vituperabilis
autem, quia contristatus est in verbis Christi vocantibus eum ad
perfectionem. Adolescens quippe erat secundum animam et propterea, relinquens
Christum, abiit. |
Versets 16-22.
— Raban : Ce
jeune homme avait peut-être entendu dire à Notre Seigneur que ceux-là seuls
étaient dignes d’entrer dans le royaume des cieux, qui s’appliquent à devenir
semblables aux petits enfants, mais il veut en être plus certain, il demande
donc qu’on lui explique, non point en paraboles, mais en termes clairs, par
quels moyens on peut mériter la vie éternelle: « Alors un jeune homme
s’approcha, et lui dit: Bon maître, quel bien faut-il que je fasse pour avoir
la vie éternelle ? » —
Saint Jérôme : Celui qui fait cette question est un
jeune homme riche et plein de lui-même, il interroge, non par le désir d’apprendre,
mais pour tenter le Seigneur, et la preuve, c’est qu’après que Jésus lui eut
répondu: « Si vous voulez entrer dans la vie, gardez les
commandements », il demande de nouveau artificieusement, quels sont
ces commandements, comme s’il ne les avait pas lus bien des fois, ou comme si
le Seigneur pouvait lui commander des choses contraires aux préceptes divins. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63.) Je n’hésite pas à dire que ce
jeune homme était esclave de l’avarice et de l’amour des richesses, puisque le
Seigneur lui-même lui a reproché ce vice; mais je ne puis le regarder en
aucune façon comme un hypocrite, parce qu’il est dangereux de juger en
matière incertaine, surtout lorsqu’il s’agit d’accuser. En effet, saint Marc
détruit entièrement ce soupçon, car il rapporte que cet homme accourut, et se
mit à genoux devant Jésus pour lui faire cette question, et que Jésus,
l’ayant regardé, conçut pour lui de l’affection. Or, s’il était venu pour le
tenter, l’Évangéliste nous l’aurait fait remarquer, comme il le fait
ordinairement pour les autres, et en supposant qu’il eût gardé le silence sur
ce point, le Seigneur n’aurait pas permis que son hypocrisie demeurât cachée,
mais il lui en aurait fait des reproches publics, ou il l’en aurait repris en
secret, ce qu’il ne fait en aucune façon, car voici la suite du récit: « Et
il lui dit: Pourquoi m’interrogez-vous sur ce qui est bon ? » —
Saint Augustin : (de l’accord des évang., 2, 63.) Il y a, semble-t-il,
une différence assez grande entre ce que dit ici saint Matthieu: « Pourquoi
me demandez-vous le bien que vous devez faire ? » et celles que
rapportent les deux autres évangélistes: « Pourquoi m’appelez-vous
bon ? » La première variante: « Pourquoi me
demandez-vous le bien que vous devez faire ? » se
rapporte plus directement à cette question: « Quel bien faut-il que
je fasse ? » Car ce
jeune homme y parle expressément du bien, et en fait l’objet même de sa
question, tandis qu’en disant: « Bon maître », il
n’interroge pas encore. On peut donc admettre parfaitement que Notre Seigneur
lui a répondu par ces deux questions: « Pourquoi m’appelez-vous bon ? »
et « pourquoi m’interrogez-vous sur le bien que vous devez
faire ? » —
Saint Jérôme : Comme ce jeune homme l’avait appelé
bon maître, mais sans reconnaître qu’il était Dieu ou le Fils de Dieu, Jésus
lui répond qu’aucun homme, quelque saint qu’il soit, n’est bon en comparaison
de Dieu, dont il est dit: « Louez le Seigneur, parce qu’il est bon
(Ps 105, 1; 106, 1; 117, 1; 135, 1;
1 Parai., 16, 34; 5, 13; Dn 3, 89). » Et c’est pour
cela qu’il ajoute: « Il n’y a que Dieu seul qui soit bon. »
Mais que personne ne pense que ces paroles: « Il n’y a que Dieu seul
qui soit bon » ne comprennent pas le Fils de Dieu dans cette bonté [ui
est l’attribut de la divinité] car nous lisons dans un autre passage: « Le
bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. » —
Saint Augustin : (de la Trinit., 1, 13.) Ou bien dans un
autre sens, ce jeune homme cherchait la vie éternelle, qui consiste dans la
contemplation de Dieu, dont la claire vision est une cause non de peine, mais
de joie éternelle. Or, il ne comprenait pas quel était celui avec lequel il
parlait, et le regardait seulement comme Fils de l’homme. Le Seigneur lui
répond donc: « Pourquoi me demandez-vous le bien qu’il faut faire, et
m’appelez-vous bon maître en ne consultant que ce qui frappe vos
yeux ? » Cette forme du Fils de l’homme apparaîtra au jour du
jugement, non seulement aux yeux des justes, mais des impies, et cette vue
sera pour eux un supplice, parce qu’elle leur sera imposée comme châtiment.
Mais il est une autre vision de cette nature par laquelle je suis égal à
Dieu, et c’est ce Dieu un dans sa nature, Père, Fils et Saint-Esprit qui est
seul bon, parce que sa vue n’est pour personne un sujet de deuil et de
gémissement, mais une source de salut et de joie véritable. —
Saint Jérôme : Le Sauveur ne refuse pas de recevoir
ce témoignage rendu à sa bonté; il repousse simplement l’erreur qu’il était
maître sans être Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63.) [référence
à vérifier] Mais quelle utilité à lui répondre de la sorte ?
C’était pour le ramener peu à peu, lui apprendre à se dépouiller de l’esprit
de flatterie et de l’amour des biens de la terre, et le persuader de
s’attacher à Dieu, de chercher les biens futurs, et de s’appliquer à la
connaissance de celui qui est véritablement bon, la racine et la source de
tous les biens. — Origène : (traité 8 sur S. Matth.) Jésus-Christ, en s’exprimant de la sorte, répond
encore à la question que lui faisait ce jeune homme: « Quel bien
faut-il que je fasse ». En effet, lorsque nous nous éloignons du
mal, et que nous faisons le bien, on appelle bien ce que nous faisons
relativement à ce que font les autres hommes, mais considéré dans la vérité
et d’après ces paroles: « Il n’y a que Dieu seul qui soit bon »,
le bien que nous faisons ne peut être appelé bien. On peut encore dire que le
Seigneur, sachant que l’intention de celui qui l’interrogeait n’était pas de
pratiquer le bien même tout naturel, lui répond: « Pourquoi me
demandez-vous quel bien vous devez faire ? » c’est-à-dire:
« Pourquoi me questionner sur le bien, alors que vous n’êtes pas disposé
à le pratiquer ? » il ajoute ensuite: « Si vous voulez
entrer dans la vie, observez les commandements.» Remarquez qu’il parle à ce jeune homme comme
s’il était encore hors de la vie: « Si vous voulez entrer dans la
vie », car dans un sens véritable l’homme, qui vit éloigné de celui
qui a dit: « Je suis la vie » (Jn 11 et 14), est en dehors de la vie. D’ailleurs tout homme
sur la terre, même s’il est particulièrement juste, est seulement dans
l’ombre de la vie, et pas dans la vraie vie, entouré qu’il est d’un corps
périssable et mortel. Or, il entrera dans la vie en s’abstenant des oeuvres
mortes, et en désirant les oeuvres de la vie. Il y a aussi des paroles de
mort et des paroles de vie, des pensées de mort et des pensées de vie; c’est
pour cela que Notre Seigneur Jésus-Christ dit à ce jeune homme: « Si
vous voulez entrer dans la vie, observez les commandements. » —
Saint Augustin : (serm. 17 sur les par. du Seig.) Il ne lui
dit pas: si vous voulez arriver à la vie éternelle, mais: « Si vous
voulez entrer dans la vie », établissant
ainsi que la seule et véritable vie est la vie éternelle. Considérons ici
combien cette vie éternelle est digne de nos affections, alors que nous
aimons tant cette misérable vie qui doit sitôt finir. —
Saint Rémi : Ces paroles sont une preuve que la loi
promettait à ceux qui l’accomplissaient, non seulement les biens temporels,
mais encore la vie éternelle, et, comme ce jeune homme l’avait entendu dire,
il devient attentif et demande: « Quels sont ces
commandements ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63.) Il fait cette question sans
intention de tenter le Seigneur, mais parce qu’il pensait qu’en dehors des
préceptes de la loi, il en était d’autres qui seraient pour lui un principe
de vie. —
Saint Rémi : Jésus use à son égard d’une grande
condescendance comme avec un malade, et lui expose avec douceur les préceptes
de la loi ; « Jésus lui dit: « Vous ne commettrez pas
d’homicide, » etc... L’exposition abrégée de ces préceptes se trouve
dans la proposition suivante: « Et vous aimerez votre prochain comme
vous-même », ainsi que le dit l’Apôtre: « Celui qui aime le
prochain a accompli la loi. » (Rm
16.) Si l’on examine pourquoi Notre Seigneur ne rappelle ici que les
préceptes de la seconde table, on reconnaîtra que c’est, sans doute, parce
que ce jeune homme s’appliquait à développer en lui l’amour de Dieu, ou bien,
parce que l’amour du prochain est un degré pour s’élever à l’amour de Dieu. — Origène : Ou bien peut-être,
ces préceptes suffisent pour qu’on puisse entrer dans ce que j’appellerai le
commencement de la vie, mais ils ne suffisent pas, non plus que d’autres
semblables, pour nous introduire dans la partie la plus intime de la vie. Or,
celui qui aura transgressé un de ces commandements, n’entrera même pas dans
le commencement de la vie. — Saint Jean Chrysostome : (hom
63.) Après
que le Seigneur eut rappelé les préceptes qui se trouvent dans la loi, « ce
jeune homme lui dit: ‘ J’ai observé tous ces commandements dès ma
jeunesse’ », et il ne s’arrête pas là, mais il interroge de nouveau
le Seigneur: « Que me manque-t-il encore ? » question
qui est une preuve du vif désir dont il était animé. —
Saint Rémi : Notre Seigneur enseigne à ceux qui
veulent devenir parfaits dans la grâce, comment ils peuvent arriver à la
perfection: « Jésus lui dit: ‘Si vous voulez être parfait, allez,
vendez tout ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres’. » Faites
attention à ces paroles; il ne dit pas « Allez, mangez tout ce que vous
avez, » mais: « Allez et vendez. » Et il ne dit pas
seulement: « Vendez une partie de vos biens, » comme firent Ananie
et Saphire, mais: « Vendez tout », et il ajoute à dessein: « tout
ce que vous avez. » Or,
nous avons les choses que nous possédons justement; ce sont ces choses que
nous devons vendre, quant à celles que nous possédons injustement, nous
devons les rendre à ceux à qui nous les avons enlevées. Il ne dit pas enfin:
« Donnez-en le prix à vos parents ou aux riches qui pourraient vous
rendre en échange des biens semblables, » mais: « Donnez-en le
prix aux pauvres. » —
Saint Augustin : (du trav. des moines, chap. 25.) Il ne faut
pas, d’ailleurs, se préoccuper dans quels monastères, ou dans quel endroit on
distribuera ce qu’on possède à ses frères indigents, car tous les chrétiens
ne forment qu’une seule société. Toutes les fois donc, qu’un chrétien
distribue aux pauvres, n’importe dans quel endroit, les choses nécessaires à
la vie, ou bien toutes les fois qu’il reçoit n’importe de quelles mains ce
qui lui est nécessaire, il reçoit de ce qui appartient à Jésus-Christ. — Raban : Voici
deux sortes de vies que le Seigneur propose aux hommes: la vie active, à
laquelle se rapporte ce précepte: « Vous ne tuerez pas », et
tous les autres préceptes de la loi; et la vie contemplative que Notre
Seigneur a en vue dans ces paroles: « Si vous voulez être
parfait ». La vie active appartient à la loi ancienne, et la vie
contemplative à l’Évangile; car de même que l’Ancien Testament a précédé le
Nouveau, ainsi la vie pleine de bonnes oeuvres doit précéder la
contemplation. —
Saint Augustin : (cont. Faust., 5, 9.) Cependant, il n’y a
pas que ceux qui, pour être parfaits, vendent ou abandonnent tous leurs biens
qui posséderont le royaume des cieux; le divin commerce de la charité unit à
cette partie de la milice chrétienne un grand nombre de fidèles qui se
rendent volontairement tributaires des pauvres, et à qui le Seigneur dira au
dernier jour: « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger. » Loin de nous la pensée qu’ils doivent
un jour être privés de la vie éternelle comme étant étrangers aux préceptes
de l’Évangile. —
Saint Jérôme : (cont. Vigilance.) Quant à ce que prétend
Vigilance, qu’il est mieux de jouir de ses biens et d’en distribuer
successivement les fruits aux pauvres, plutôt que de vendre ces biens et de
leur en donner immédiatement le prix, ce n’est pas moi, mais Dieu lui-même
qui lui répondra: « Si vous voulez être parfait, allez et
vendez. » Cet état que vous louez n’est que le deuxième ou le
troisième degré, nous l’approuvons nous mêmes, à la condition de ne pas
oublier que le premier état est préférable au second et au troisième. — Gennadius : (des
dogmes de l’Église., chap. 71.). C’est une chose louable de distribuer
ses biens aux pauvres avec une certaine mesure, mais il est mieux de les leur
donner tous à la fois, pour accomplir le dessein de suivre le Seigneur, et
s’affranchir de tout souci en partageant la pauvreté de Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63.) Comme il était ici question des
richesses de la terre, et que Notre Seigneur exhortait ce jeune homme à s’en
dépouiller, il lui montre que la récompense qu’il accordera sera plus grande
que ce sacrifice, et le surpassera de toute la distance qui sépare le ciel de
la terre: « Et vous aurez, ajoute-t-il, un trésor dans le
ciel; » car un trésor annonce la richesse et la durée de la
récompense. — Origène : Si tous les commandements sont renfermés dans cette parole: « Vous aimerez le prochain comme vous-même », et si, d’ailleurs, celui qui les accomplit tous est parfait, comment le Seigneur, entendant ce jeune homme lui dire: « J’ai gardé tous ces commandements dès ma jeunesse », lui dit comme s’il n’avait pas encore atteint la perfection: « Si vous voulez être parfait ? » Peut-être que ces paroles: « Vous aimerez le prochain » n’ont pas été dites par le Seigneur, mais qu’elles ont été ajoutées par quelque copiste, puisque saint Marc et saint Luc, qui rapportent ce même trait, ne font aucune mention de ces paroles. Voici une autre explication: Nous lisons dans l’Évangile selon les Hébreux, qu’après que le Seigneur eut dit ces paroles: « Allez et vendez tout ce que vous avez » ce jeune homme qui était riche, se gratta la tête d’hésitation, et ne goûta point ce langage. Alors le Seigneur lui dit: « Comment dites-vous: J’ai accompli tout ce qui est écrit dans la loi et dans les prophètes ? Il est écrit dans la loi: Vous aimerez le prochain comme vous-même, et voilà qu’un grand nombre de vos frères, enfants d’Abraham, sont couverts de haillons mal propres, mourants de faim, tandis que votre maison regorge de richesses, et qu’il n’en sort rien absolument pour subvenir à leur détresse. » Le Seigneur, voulant donc convaincre ce riche, lui dit: « Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres », c’est alors que l’on verra si vous aimez le prochain comme vous-même. Mais si la perfection consiste dans la réunion de toutes les vertus, comment suffit-il pour devenir parfait de vendre tout ce qu’on possède, et de le donner aux pauvres ? Supposons un homme qui ait accompli ce généreux sacrifice, sera-t-il aussitôt sans colère, sans concupiscence, orné de toutes les vertus, exempt de tous les vices ? Quelque esprit sage pourra dire que celui qui a donné ses biens aux pauvres se trouve aidé de leurs prières, et qu’il reçoit de leur abondance spirituelle de quoi subvenir à son indigence spirituelle, et que c’est ainsi qu’il devient parfait, tout en conservant quelques passions qui tiennent à l’humanité. Ou bien encore, celui qui a pris la pauvreté en échange de la richesse afin de devenir parfait, en vertu de sa foi aux paroles de Jésus-Christ, recevra la grâce nécessaire pour devenir sage en Jésus-Christ, juste, chaste et sans aucune passion. Ce n’est pas, sans doute, qu’il atteindra le comble de la perfection du moment où il aura donné ses biens aux pauvres, mais, dès ce jour, la méditation des choses divines lui rendra peu à peu familières toutes les vertus. On peut encore donner une autre
interprétation toute morale, en disant que les biens de chaque fidèle sont
ses actes. Or, dans ce sens, Jésus-Christ ordonne de vendre tous les biens
qui sont viciés pour quelque cause que ce soit, et de les donner en quelque
sorte à ceux qui pourront en tirer profit, et qui sont pauvres de tout bien;
car de même que la paix que souhaitent les Apôtres, revient à eux,
lorsqu’elle ne rencontre pas un fils de la paix (Mt 10.); ainsi tous les péchés reviennent à ceux qui les ont
commis lorsqu’il ne se trouve personne qui puisse en faire sortir quelque
bien. Dans ce sens, on ne peut douter que celui qui a vendu de la sorte tous
ses biens, ne soit immédiatement parfait. Or, il est évident que celui qui
agit de la sorte, a un trésor dans le ciel, et qu’il est devenu lui-même un
homme céleste. Il a, en effet, dans le ciel qui lui appartient, le trésor de
la gloire de Dieu et les richesses inépuisables de la sagesse divine. Il
pourra donc suivre Jésus-Christ, puisqu’il n’en sera détourné par aucun bien
possédé injustement. —
Saint Jérôme : Il en est beaucoup qui abandonnent
leurs richesses et qui ne suivent pas le Seigneur. Or, cela ne suffit pas
pour parvenir à la perfection; il faut, après avoir professé un généreux
mépris pour les richesses, se mettre à la suite du Sauveur; en d’autres
termes, après qu’on s’est séparé du mal, il faut encore faire le bien, parce
qu’il est plus facile de faire peu de cas de sa bourse que de sa volonté.
C’est pourquoi Jésus ajoute: « Puis venez, et suivez-moi » ; car c’est suivre le Seigneur et
marcher sur ses traces que de l’imiter. — Suite. « Ce jeune homme, ayant entendu ces paroles, s’en
alla tout triste. » C’est cette tristesse qui conduit à la mort, et
l’Évangéliste nous en fait connaître la cause: « Car il avait de
grands biens », c’est-à-dire des épines et des ronces qui
étouffèrent la semence que le Seigneur avait jetée dans son cœur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63.) Ceux qui ont peu de biens et ceux
qui en possèdent en abondance n’en sont pas également esclaves, car l’accroissement
des richesses, en rend le désir plus ardent et la cupidité plus vive. —
Saint Augustin : (Lettre à Paulin et à Thérèse, 34.) Je ne
sais pas comment il arrive, lorsqu’on aime les biens superflus de la terre,
que ceux qu’on possède enchaînent plus étroitement que ceux qu’on désire;
car, pourquoi ce jeune homme s’en alla-t-il tout triste, si ce n’est parce
qu’il avait de grands biens ? Il est bien différent, en effet, de
vouloir s’incorporer, pour ainsi dire, les biens que l’on n’a pas, ou de se
séparer de ces biens, lorsqu’ils font, pour ainsi dire, partie de notre
corps; car, d’un côté, on les rejette comme quelque chose d’étranger; de
l’autre, on ne s’en sépare que comme des membres qu’il faut retrancher. — Origène : [référence à vérifier] D’après le récit évangélique, ce jeune homme est digne d’éloges pour n’avoir commis ni meurtre, ni adultère, mais il est blâmable de s’être attristé des paroles de Jésus-Christ, qui l’appelait à la perfection. Il était jeune encore dans son âme, et c’est pour cela qu’il abandonna le Seigneur et s’en alla. |
Lectio 6 [85538] Catena in Mt.,
cap. 19 l. 6 Glossa. Occasione huius avari, de
quo praedictum est, habuit sermonem dominus de avaro; unde dicitur Iesus
autem dixit discipulis suis: amen dico vobis, et
cetera. Chrysostomus in Matth. Quod quidem dixit, non
pecuniis quidem detrahens, sed eis qui detinentur ab ipsis; et discipulos
pauperes existentes monens non verecundari ob inopiam. Hilarius in Matth. Habere enim divitias
criminis non est; sed modus in habendo retinendus est. Nam quomodo
communicandum est necessitatibus sanctorum, si communicanda materia non
relinquitur? Rabanus. Sed inter pecunias habere et pecunias
amare nonnulla distantia est; tutius autem est nec habere nec amare divitias.
Remigius. Unde dominus exponens huius loci
sensum, dixit: difficile est confidentibus in divitiis intrare in regnum
caelorum. Illi enim in divitiis confidunt qui omnem suam spem in divitiis
collocant. Hieronymus. Quia vero divitiae habitae
difficile contemnuntur, non dixit quod impossibile est divitem intrare in
regnum caelorum, sed difficile. Ubi difficile ponitur, non impossibilitas
praetenditur, sed raritas demonstratur. Hilarius. Periculosa enim cura est velle
ditescere, et grave onus innocentia subiit incrementis opum occupata; rem
enim saeculi famulatus Dei non sine saeculi vitiis assequetur. Hinc difficile
est divitem regnum caelorum adire. Chrysostomus in Matth. Quia vero dixerat
difficile divitem intrare in regnum, procedit ad ostendendum quod est impossibile:
unde sequitur et iterum dico vobis: facilius est camelum per foramen acus
transire, quam divitem intrare in regnum caelorum. Hieronymus. Secundum hoc nullus divitum salvus
erit. Sed si legamus Isaiam, quomodo cameli Madian et Epha veniant ad Ierusalem
cum donis atque muneribus, et qui quondam curvi erant et vitiorum gravitate
distorti ingrediantur portas Ierusalem, videbimus quomodo et isti cameli,
quibus divites comparantur, cum deposuerint gravem sarcinam peccatorum et
totius corporis pravitatem, intrare possunt per angustam et arctam viam quae
ducit ad vitam. Chrysostomus super Matthaeum. Gentium
etiam animae assimilatae sunt tortuosis camelis, in quibus erat gibbus
idololatriae: quoniam cognitio Dei erectio est animarum. Acus
autem est filius Dei, cuius prima pars subtilis est secundum divinitatem,
alia vero crassior secundum incarnationem eius. Tota autem recta est et
nullam habet deflexionem, per cuius vulnus passionis gentes ingressae sunt in
vitam aeternam. Hac acu consuta est immortalitatis tunica: ipsa est acus quae
spiritui consuit carnem: haec acus Iudaicum populum iunxit et gentium: haec
acus amicitiam Angelorum et hominum copulavit. Facilius est ergo gentiles
transire per foramen acus, quam divites Iudaeos intrare in regnum caelorum.
Si enim gentes cum tanto labore divelluntur ab irrationabilibus idolorum
culturis, quanto magis Iudaei divelluntur a rationabilibus Dei culturis? Glossa. Aliter dicitur, quia Hierosolymis
quaedam porta erat, quae foramen acus dicebatur, per quam camelus, nisi
deposito onere et flexis genibus, transire non poterat: per quod
significatur, divites non posse transire viam arctam quae ducit ad vitam,
nisi sordibus peccatorum et divitiis depositis, saltem non amando. Gregorius Moralium. Vel nomine divitis
quemlibet elatum, cameli appellatione propriam condescensionem significat.
Camelus autem per foramen acus transiit, cum redemptor noster usque ad
susceptionem mortis, per angustias passionis intravit, quae passio velut acus
extitit, quia dolore corpus pupugit. Facilius autem camelus foramen acus quam
dives regnum caelorum ingreditur: quia nisi ipse prius per passionem suam
formam nobis humilitatis ostenderet, nequaquam se ad humilitatem ipsius
superba nostra rigiditas inclinaret. Chrysostomus in Matth. Discipuli autem inopes
existentes turbantur, pro salute aliorum dolentes, et doctorum iam viscera
assumentes: unde sequitur audientes autem discipuli, mirabantur dicentes:
quis ergo poterit salvus esse? Augustinus de quaest. Evang. Cum autem pauci
sint divites in comparatione multitudinis pauperum, intelligendum est, quod
omnes qui divitias cupiunt, in divitum numero haberi discipuli animadvertunt.
Chrysostomus in Matth. Dei autem opus hoc esse
consequenter ostendit, quoniam multa opus est gratia ut homo in divitiis
dirigatur; unde sequitur aspiciens autem Iesus dixit eis: apud homines hoc
impossibile est: apud Deum autem omnia possibilia sunt. Per hoc quod dicit aspiciens, significat Evangelista quod mansueto
oculo timidam eorum mentem mitigavit. Remigius. Non autem hoc sic intelligendum est
quod possibile sit apud Deum quod dives cupidus, avarus et superbus intret in
regnum caelorum; sed ut convertatur, et sic intret. Chrysostomus in Matth. Neque etiam hoc ideo
dicitur ut resupinus iaceas, et sicut ab impossibilibus abstineas; sed
magnitudinem iustitiae considerans insilias, Deum rogans. |
Versets 23-26.
— La Glose : Notre Seigneur prend occasion de cet avare, dont il vient d’être question, pour parler de l’avarice: « Et Jésus dit à ses disciples: Je vous le dis en vérité, » etc... — Saint Jean Chrysostome : (hom.
63.) Ce
ne sont point les richesses qu’il accuse ici, mais ceux qui s’en rendent
esclaves, et il enseigne en même temps à ses disciples, qui étaient pauvres,
à ne pas rougir de leur pauvreté. —
Saint Hilaire : (can. 19.) Ce n’est point un crime d’avoir
des richesses, mais il faut les posséder avec modération; en effet, comment
pourra-t-on soulager les nécessités des saints (Rm 12), si l’on ne garde pas de quoi venir à leur secours ? — Raban : Mais il y a une
grande différence entre posséder les richesses et aimer les richesses; or, le
plus sûr est de ne pas les avoir et de ne pas les aimer. —
Saint Rémi : Aussi le Seigneur, expliquant lui-même,
[dans saint Marc], le sens de ce passage déclare « qu’il est
difficile à ceux qui mettent leur confiance dans les richesses, d’entrer dans
le royaume des cieux. » Ils mettent leur confiance dans leurs
richesses en y plaçant toutes leurs espérances. —
Saint Jérôme : Comme il est difficile de mépriser
les richesses qu’on possède, Notre Seigneur ne dit pas qu’il est impossible,
mais qu’il est difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux ;
la difficulté n’emporte pas l’impossibilité, mais indique seulement la rareté
du fait. —
Saint Hilaire : (can. 19.) C’est une chose pleine de dangers
que de vouloir s’enrichir, et l’innocence qui cherche à accroître ses
richesses, se charge d’un lourd fardeau. Dans le service de Dieu, on ne peut
acquérir les biens du monde, sans s’exposer à contracter les vices du monde,
et c’est ce qui rend difficile aux riches l’entrée du royaume des cieux. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
63.) Après
avoir déclaré qu’il était difficile à un riche d’entrer dans le royaume des
cieux, Notre Seigneur entreprend de prouver que c’est même impossible: « Je vous le dis encore une fois, il est plus aisé à un chameau de
passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume des
cieux. » —
Saint Jérôme : D’après ces paroles, aucun riche, semble-t-il,
ne pourra être sauvé. Mais si nous lisons dans le prophète Isaïe (Is 25), comment les chameaux de Madian
et d’Epha se rendent à Jérusalem chargés de dons et de présents, et comment
ceux qui étaient courbés et empêtrés sous le poids des vices, entrent par la
porte de cette cité, nous comprendrons comment ces chameaux, qui sont la
figure des riches, pourront entrer par la voie étroite et resserrée qui
conduit à la vie, après s’être déchargés du poids si lourd de leurs péchés et
de toute la dépravation des sens. — Saint
Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Les âmes des païens sont
comparées ici à des chameaux mal conformés, et qui sont courbés sous la bosse
de l’idolâtrie, car c’est la connaissance de Dieu qui relève les âmes.
L’aiguille, c’est le Fils de Dieu, dont la première partie, celle qui
représente sa divinité, est d’une finesse extrême, tandis que l’autre partie,
qui figure son humanité, est beaucoup moins aiguisée. Or, cette aiguille,
dans toute sa longueur, est droite, et ne présente aucune déviation, et c’est
par la blessure qu’elle a faite dans la passion, que les Gentils sont entrés
dans la vie éternelle. C’est cette aiguille qui a cousu la tunique de
l’immortalité; c’est cette aiguille qui a uni la chair à l’esprit, c’est elle
qui a uni le peuple juif au peuple des Gentils; c’est elle, enfin, qui a
établi des liens étroits entre les anges et les hommes. Il est donc plus
facile aux Gentils de passer par le trou de l’aiguille, qu’aux Juifs qui sont
riches, d’entrer dans le royaume des cieux; car si l’on ne peut arracher les
Gentils qu’avec peine au culte insensé des idoles, combien sera-t-il plus
difficile de détacher les Juifs des cérémonies du culte du vrai Dieu,
cérémonies si conformes à la raison. — La Glose : On donne encore
cette autre explication, qu’il y avait à Jérusalem une porte qu’on appelait
le trou de l’aiguille, et par laquelle un chameau ne pouvait passer qu’après
avoir déposé son fardeau et plié les genoux. C’était le symbole de cette
vérité : que les riches ne peuvent entrer dans la voie étroite qui
conduit à la vie, qu’après s’être déchargés des souillures de leurs péchés et
de leurs richesses, en cessant, du moins, de les aimer. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 35, 11.) Ou bien, sous le nom de
riches, Notre Seigneur veut que nous entendions tout homme orgueilleux, et
sous celui de chameau, ses humiliations personnelles. Le chameau passe par le
trou de l’aiguille, lorsque notre Rédempteur a pénétré, jusqu’à subir la mort
par la porte étroite de ses souffrances, souffrances qui ont été pour lui
comme une aiguille, parce qu’elles ont transpercé son corps de douleur. Or,
le chameau passe par le trou d’une aiguille, plus facilement que le riche
n’entre dans le royaume des cieux, parce que si Jésus n’avait commencé par
nous donner l’exemple de l’humilité dans sa passion, jamais notre
orgueilleuse raideur n’aurait voulu s’abaisser jusqu’à son humilité. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
63.) Ces
paroles jettent le trouble dans l’âme des Apôtres qui, cependant, menaient
une vie pauvre; mais ils sont inquiets pour le salut des autres, et ont déjà
les entrailles paternelles qui conviennent aux docteurs des nations. « Les
disciples, ayant entendu cela, furent très étonnés. Ils lui disent donc:
« Qui pourra être sauvé ? » —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 26.) Comme le nombre des
riches est peu considérable en comparaison de la multitude des pauvres, nous
devons comprendre que les disciples mettaient au nombre des riches tous ceux
qui désirent les richesses. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63.) Notre Seigneur montre ensuite que
c’est là l’oeuvre de Dieu, et qu’il faut à l’homme une grâce signalée pour se
bien diriger au milieu des richesses. Aussi l’Évangéliste ajoute: « Or,
Jésus, les regardant, leur dit: Cela est impossible aux hommes, mais tout est
possible à Dieu. » L’évangéliste nous fait remarquer que Jésus
regarde ses disciples pour signifier que par ce regard plein de bonté, il
veut enhardir leur timidité. —
Saint Rémi : Il ne faut pas, toutefois, entendre les
paroles du Seigneur, en ce sens qu’il soit possible à Dieu de faire entrer
dans le royaume des cieux un riche cupide, avare et orgueilleux, mais qu’il
le convertira d’abord pour qu’il puisse y entrer. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 64.) Et s’il s’exprime de la sorte, ce n’est pas pour que vous vous découragiez et que vous vous arrêtiez comme devant une impossibilité; mais afin, qu’étant bien convaincu de la grandeur de l’entreprise, [vous franchissiez cet obstacle] en recourant à Dieu par la prière. |
Lectio 7 [85539] Catena in Mt.,
cap. 19 l. 7 Origenes in Matth. Audiverat
Petrus verbum Christi dicentis: si vis perfectus esse, vade et vende omnia
quae habes; deinde consideravit adolescentem cum tristitia abeuntem, et
difficultatem divitum ingrediendi in regnum caelorum; ideo quasi qui non facilem
rem consummaverat, fiducialiter quaesivit. Etsi enim minima cum fratre
reliquit; sed non minima aestimata sunt apud Deum, considerantem quoniam ex
tanta plenitudine dilectionis illa minima reliquerunt, ut etiam si multas
habuissent possessiones, omnia reliquissent. Et puto quod magis Petrus
confidens de affectu suo quam de ipsa quantitate rerum relictarum,
fiducialiter interrogavit; unde dicitur tunc respondens Petrus dixit ei: ecce
nos reliquimus omnia. Chrysostomus in Matth. Qualia omnia, o
beate Petre? Arundinem, rete, navigium. Omnia quidem haec
dicit, non propter munificentiam, sed ut per interrogationem hanc inopem
inducat plebem. Quia enim dominus dixerat: si vis perfectus esse; ne dicat
aliquis inopum: quid igitur? Si non habuero, non possum esse perfectus?
Interrogat Petrus, ut tu inops discas quoniam in nullo hinc diminutus es. Qui
enim claves regni caelorum acceperat, pro his quae ibi sunt iam confidit, et
pro orbe terrarum universo interrogat. Intuere autem et qualiter respondet
diligenter, sicut Christus inquisivit: etenim Christus duo a divite expetiit:
dare pauperibus quae habebat, et sequi se: propter hoc ipse addidit et secuti
sumus te. Origenes in Matth. Potest dici secundum omnia
quae pater revelavit Petro esse filium suum, secuti sumus te, iustitiam,
sanctificationem, et huiusmodi. Propter hoc quasi victor athleta interrogat
quae sint praemia certaminis. Hieronymus. Quia ergo non sufficit tantum
relinquere, iungit quod perfectum est: et secuti sumus te. Fecimus quidem
quod iussisti; quid ergo nobis dabis praemii? Et hoc est quod dicitur quid
ergo erit nobis? Sequitur Iesus autem dixit illis: amen dico vobis quod vos
qui secuti estis me, et cetera. Hieronymus. Non dixit: qui reliquistis omnia;
hoc enim et Socrates fecit philosophus, et multi alii divitias contempserunt,
sed qui secuti estis me; quod proprie apostolorum est atque credentium. Hilarius in Matth. Secuti sunt quidem
discipuli Christum in regeneratione, idest in lavacro Baptismi, in fidei
sanctificatione: haec enim illa regeneratio est quam apostoli sunt secuti,
quam lex indulgere non potuit. Hieronymus. Vel aliter debet construi: vos qui
secuti estis me, sedebitis in regeneratione; idest quando mortui ex
corruptione resurgent incorrupti, sedebitis et vos in soliis iudicantium
condemnantes duodecim tribus Israel: quia vobis credentibus, illi credere
noluerunt. Augustinus de Civ. Dei. Sic enim caro nostra
regenerabitur per incorruptionem, quemadmodum anima nostra regenerabitur per
fidem. Chrysostomus super Matth. Futurum enim erat ut
in die iudicii responderent Iudaei: domine, non te cognovimus filium Dei in
corpore constituti. Quis hominum videre poterat thesaurum in terra
absconditum, solem nube celatum? Responderunt ergo discipuli: et nos homines
fuimus, rustici et obscuri in plebe; vos sacerdotes et Scribae: sed in nobis
bona voluntas facta est quasi lucerna rusticitatis nostrae; in vobis autem
malitia facta est quasi caligo scientiae vestrae. Chrysostomus in Matth. Propter hoc autem non
dixit: et gentes et orbem terrarum, sed tribus Israel; quia in eisdem erant
educati et legibus et consuetudinibus apostoli et Iudaei. Cum ergo dixerint Iudaei quoniam propter hoc non potuimus credere in
Christo, quia lex prohibuit, discipuli in medium inducentur qui eamdem
susceperunt legem. Sed dicet aliquis: quid magnum promisit
eis, si id quod Ninivitae habent et regina Austri, hoc et ipsi habebunt?
Maxima quidem alia praemia ante et post eis promittit; sed et hic occulte
insinuat aliquid plus illis. De illis enim simpliciter dixit, quod surgent,
et condemnabunt generationem hanc; de his autem: cum sederit filius hominis,
sedebitis et vos. Manifestum est ergo quod conregnabunt et communicabunt in
gloria illa: honorem enim et gloriam ineffabilem significavit per thronos.
Qualiter autem haec promissio completa est? Numquid enim et Iudas sedebit?
Nequaquam. Lex a domino posita est per Ieremiam prophetam: loquar super
gentem et regnum, ut aedificem et plantem illud. Sed si fecerit malum in
conspectu meo, poenitebo et ego de bonis quae locutus sum ut facerem eis;
quasi dicat: si indignos seipsos promissione faciant, non adhuc faciam quod
promisi. Indignum autem seipsum principatu Iudas ostendit; et propter hoc
tunc loquens discipulis, non simpliciter eis promisit: neque enim dixit: vos
sedebitis; sed adiunxit qui secuti estis me: ut et hinc Iudam excludat, et
eos qui postea futuri erant attraheret: non enim ad illos solos dictum est,
neque ad Iudam iam indignum effectum. Hilarius in Matth. Sequela ergo Christi
apostolos super duodecim thronos iudicandis duodecim tribubus Augustinus in Lib. de poenitentia. In hoc ergo
numero iudicantium omnes intelliguntur qui propter Evangelium sua omnia
dimiserunt, et secuti sunt dominum. Gregorius Moralium. Quisquis enim
stimulo divini amoris excitatus hic possessa reliquerit, illic proculdubio
culmen iudiciariae potestatis obtinebit: ut simul tunc iudex cum iudice
veniat qui nunc consideratione iudicii sese spontanea paupertate castigat.
Augustinus de Civ. Dei. De ipsis quoque
iudicandis, in hoc numero duodenario similis causa est: non enim quia dictum
est iudicantes duodecim tribus Israel, tribus levi quae decimatertia est, ab
eis iudicanda non erit; aut solum illum populum, non etiam gentes ceteras
iudicabunt. Chrysostomus super Matth. Vel per hoc quod
dicit in generatione, praemittit Christus tempus Christianitatis futurum post
ascensionem suam, quando scilicet homines regenerantur per Baptismum, et
illud est tempus quando Christus sedet in sede maiestatis suae. Et vide, quia
non de tempore futuri iudicii dicit, sed de vocatione gentium universarum:
non enim dixit: cum venerit filius hominis sedens super sedem maiestatis suae;
sed in regeneratione cum sederit in sede maiestatis suae: quod ex tunc fuit
ex quo gentes credere coeperunt in Christum: secundum illud: regnabit dominus
super gentes, Deus sedet super sedem sanctam suam. Et ex tunc apostoli
sederunt super duodecim thronos, idest in omnibus Christianis: omnis enim
Christianus qui suscipit verbum Petri, thronus fit Petri: et sic de aliis
apostolis. Sedent ergo apostoli in his thronis, idest in duodecim partes
distinctis, secundum differentias animarum et diversitates cordium, quas
solus Deus cognoscit. Sicut enim Iudaeorum populus in duodecim tribus fuit
divisus, sic et universus populus Christianus dividitur in duodecim tribus,
ut quaedam animae sint de tribu Ruben, et sic de aliis, propter diversas
virtutes. Non enim omnes gratiae in omnibus
aequaliter sunt; sed unus praecedit in ista, alius in illa. Et sic apostoli
iudicabunt duodecim tribus Israel, idest omnes Iudaeos, per hoc quod verbum
apostolorum est a gentibus receptum. Omnes autem Christiani sunt quidem
duodecim sedes apostolorum, sed una sedes Christi. Christi enim omnes
virtutes sunt quasi una sedes; quia in omni virtute aequaliter ipse solus
perfectus est. Unusquisque etiam apostolorum in aliquo bono speciali fit
perfectior, ut Petrus in fide: et ideo Petrus requiescit in fide, Ioannes in
innocentia; et sic de aliis. Et quod de retributione
apostolis in hoc mundo danda Christus loquatur, demonstrat quod sequitur: et
omnis qui reliquerit domum vel fratres. Si
enim in hoc saeculo centuplum recipiunt, sine dubio et apostolorum etiam in
hoc saeculo merces futura promittebatur. Chrysostomus in Matth. Vel
discipulis promittit futura, quia excelsiores erant iam, et nihil praesentium
quaerebant; aliis autem quae sunt hic repromittit. Origenes in Matth. Vel aliter. Si quis
reliquerit omnia, et secutus fuerit Christum, quae promissa sunt Petro, et
ipse recipiet. Si autem non omnia reliquit, sed quaedam, quae specialiter
referuntur, hic multiplicia recipiet, et vitam possidebit aeternam. Hieronymus. Ex occasione autem huius
sententiae, quidam introducunt mille annos post resurrectionem, dicentes,
tunc nobis centuplum omnium rerum quas dimisimus et vitam aeternam esse
reddendam; quod si in ceteris digna sit promissio, in uxoribus appareat
turpitudo, ut qui unam pro domino dimiserit, centum recipiat in futuro.
Sensus igitur iste est: qui carnalia pro salvatore dimiserit, spiritualia
recipiet; quae comparatione et merito sui quasi parvo numero centenarius
numerus compararetur. Origenes. Sed in hoc saeculo, quia pro
fratribus carnalibus multos inveniet fratres secundum fidem: sic et parentes,
omnes episcopos et presbyteros: et filios, omnes aetatem filiorum habentes.
Sunt autem et Angeli fratres, et sorores omnes quae exhibuerunt se Christo
virgines castas; tam istae quae nunc habentur in terris, quam illae quae iam
vivunt in caelis. Agros autem et domos multiplices intellige in requie
Paradisi et civitate Dei. Super haec autem omnia possidebunt vitam aeternam.
Augustinus de Civ. Dei. Hoc etiam quod hic
dicitur centuplum accipiet, exponens quodammodo apostolus ait: quasi nihil
habentes et omnia possidentes. Centum enim pro ipsa universitate ponuntur
aliquando. Hieronymus. Quod autem dicit et omnis qui
reliquerit fratres, congruit illi sententiae qua dixerat: veni separare
hominem a patre suo. Qui enim propter fidem Christi ac praedicationem
Evangelii omnes affectus contempserint atque divitias et saeculi voluptates,
isti centuplum accipient et vitam aeternam possidebunt. Chrysostomus in Matth. Cum autem dicit qui
reliquerit uxorem, non hoc ait ut simpliciter nuptiae divellantur, sed ut
omnibus praeferamus fidei pietatem. Videtur autem mihi et persecutionis
tempus occulte insinuare: quia enim multi futuri erant filios ad impietatem
trahentes, cum hoc acciderit, neque pro patribus neque pro viris habeantur.
Rabanus. Verum, quia multi virtutum studia,
non eadem qua incipiunt intentione pietatis consummant; sed vel tepescunt,
vel accelerate labuntur, sequitur multi autem erunt primi novissimi, et novissimi
primi. Origenes. Per hoc exhortatur eos qui nuper
accedunt ad verbum divinum, ut festinent ad perfectum ascendere prae multis
qui videntur senuisse in fide. Potest etiam hic sensus destruere eos qui
gloriantur eo quod Christianis parentibus sunt enutriti in ipsa
Christianitate; neque pusillanimes fiant, quod Christianitatis dogmata
novissime receperint. Habet etiam alium intellectum, ut sint primi
Israelitae, qui facti sunt novissimi propter infidelitatem; gentes autem
novissimae, primi. Caute autem dicit multi; non enim omnes primi erunt
novissimi, nec omnes novissimi primi. Adhuc autem multi hominum qui natura
novissimi sunt, efficiuntur per vitam angelicam quibusdam Angelis superiores;
et quidam Angeli qui fuerunt primi, facti sunt novissimi propter culpam. Remigius. Potest etiam specialiter referri ad
tristitiam divitis, qui primus videbatur, legis praecepta implendo; sed quia
terrenam substantiam praetulit Deo, novissimus factus est. Sancti vero
apostoli novissimi videbantur; sed relinquendo omnia, per humilitatis gratiam
facti sunt primi. Sunt etiam plurimi qui post studia bonorum operum a bonis
operibus deficiunt; et cum fuerint primi, fiunt novissimi. |
Versets 27-30.
— Origène : (traité 9 sur S. Matth.) Pierre avait entendu ces paroles
du Seigneur: « Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que
vous avez ». Il vit
ensuite ce jeune homme s’en aller tout triste, et combien il était difficile
pour un riche d’entrer dans le royaume des cieux. Il interroge donc le Seigneur
avec confiance, comme un homme qui a consommé une oeuvre difficile; car si
son frère et lui ont quitté des choses de peu d’importance, Dieu ne les a pas
estimées de la sorte, mais il a considéré avec quel grand amour ils ont
abandonné ces petites choses, si bien qu’ils auraient sacrifié les plus
grandes richesses, s’ils les avaient possédées. Aussi je pense que c’est en
se fondant plutôt sur les sentiments de son cœur que sur la valeur des choses
qu’il a quittées, que Pierre interroge le Seigneur avec tant de confiance: « Alors
Pierre, prenant la parole, lui dit: Voilà que nous avons tout quitté. » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
63.) Quelles
sont donc toutes ces choses, ô bienheureux Pierre ! une ligne, un filet,
une barque. Il dit: « Nous avons tout quitté », non pas, sans
doute, pour en rehausser le prix, mais pour inspirer de la confiance au
pauvre peuple qui l’entend. Car le Seigneur ayant dit: « Si vous
voulez être parfait », les pauvres pouvaient répondre: Mais quoi,
nous ne possédons rien, nous ne pouvons donc être parfaits ? Or, Pierre
fait cette question, afin que vous qui êtes pauvre vous ne vous croyiez ici
inférieur en rien [à ceux qui sont riches]; car celui qui avait reçu les
clefs du royaume des cieux, espère avec confiance les autres biens que le
ciel renferme, et c’est au nom de l’univers tout entier qu’il interroge son
Maître. Or, considérez comme il répond avec précision aux deux conditions
exigées par Jésus-Christ. Le Seigneur a demandé deux choses à ce riche, de
donner aux pauvres tout ce qu’il avait, et de le suivre; c’est pourquoi
Pierre ajoute: « et nous vous avons suivi. » — Origène : C’est-à-dire,
d’après la révélation que le Père a faite à Pierre, que Jésus était son Fils,
nous vous avons suivi, vous qui êtes la justice, la sanctification et toute
vertu semblable. Il demande donc comme un athlète qui est vainqueur, quel
sera le prix du combat. —
Saint Jérôme : Comme en effet il ne suffit pas de
tout abandonner, Pierre ajoute ce qui est le caractère propre de la
perfection: « et nous vous avons suivi. » Nous avons fait ce que vous avez
ordonné; quelle sera donc notre récompense ? C’est ce que signifient ces
paroles: « Que nous sera-t-il donc donné ? » Or, Jésus leur
dit: « Je vous le dis en vérité, que pour vous qui m’avez suivi, »
etc... —
Saint Jérôme : Il ne dit pas: « Pour vous qui
avez quitté toutes choses, » car c’est ce qu’a fait le philosophe Socrate,
et beaucoup d’autres qui ont méprisé les richesses; mais: « pour vous
qui m’avez suivi », ce qui
est le caractère propre des Apôtres et des vrais fidèles. —
Saint Hilaire : (can. 20.) Les Apôtres ont suivi
Jésus-Christ dans la régénération, c’est-à-dire dans les eaux du baptême et
dans la sanctification que donne la foi; c’est cette régénération que les
Apôtres ont suivi et que la loi n’avait pu leur donner. —
Saint Jérôme : Ces paroles du Seigneur peuvent
encore recevoir cet autre sens: « Vous qui m’avez suivi, vous serez
assis au jour de la régénération », c’est-à-dire lorsque les morts
ressusciteront incorruptibles du sein de la corruption (1 Co 15), vous serez assis sur les
trônes des juges pour condamner les douze tribus d’Israël, parce que, témoins
de votre foi, elles ont refusé de croire. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 20, 5.) Car notre corps sera
régénéré par le don de l’incorruptibilité, comme notre âme sera régénérée par
la foi. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Les Juifs auraient pu dire au jour du jugement: « Seigneur, en vous
voyant revêtu d’une chair mortelle, nous n’avons pu vous reconnaître pour le
Fils de Dieu. Et qui, parmi les hommes, pouvait voir ce trésor caché dans la
terre, ce soleil couvert de nuages ? » Mais les disciples
répondront: « Et nous-mêmes, nous étions des hommes du peuple, sans
instruction; vous, au contraire, vous étiez des prêtres et des scribes; mais
notre volonté droite a été comme une lampe qui a éclairé notre grossière
ignorance, tandis que votre malice a été comme un nuage qui a couvert de
ténèbres toute votre science. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
64.) Il
ne dit pas: Pour juger les nations de l’univers, mais: « pour juger
les tribus d’Israël », parce que les Juifs et les Apôtres avaient
été élevés suivant les mêmes lois et sous les mêmes institutions. Aussi
lorsque les Juifs viendront dire: Nous n’avons pu croire au Christ, parce que
la loi le défendait, on leur opposera les disciples de Jésus, qui ont observé
la même loi. Mais on dira peut-être: Quelle si grande récompense leur a-t-il
promise, s’ils ne doivent recevoir que ce que la reine du Midi et les
Ninivites recevront eux-mêmes ? Il leur a déjà promis et il leur
promettra encore d’autres récompenses bien plus magnifiques, mais ici-même il
leur fait comprendre, sans le dire, que ce qui leur est destiné est bien
supérieur [à ce que recevront les Ninivites]. En parlant de ces derniers, il
dit simplement qu’ils se lèveront contre cette génération pour la condamner,
mais lorsqu’il s’agit des Apôtres, il s’exprime en ces termes: « Lorsque
le Fils de l’homme siégera sur le trône de sa gloire, vous serez assis
vous-mêmes. » Il est donc
certain qu’ils partageront et sa royauté et sa gloire. C’est cet honneur et
cette gloire ineffable qui sont figurés ici par les trônes. Or, comment s’est
accomplie cette promesse ? Est-ce que Judas siégera aussi avec les
autres Apôtres ? Non, assurément, car voici la loi que le Seigneur a
établie par le prophète Jérémie: « Je me déclarerai en faveur d’une
nation ou d’un royaume pour l’établir et pour l’affermir, mais si ce royaume
ou cette nation pêche devant mes yeux, je me repentirai aussi du bien que
j’avais résolu de lui faire » ; c’est-à-dire: S’ils se rendent
indignes de mes promesses, je me garderai bien de les accomplir. Or, Judas
s’est rendu indigne de l’honneur qui lui avait été promis. Aussi n’est-ce pas
sans conditions que le Seigneur fait cette promesse à ses disciples; car il
ne dit pas d’une manière absolue: « Vous serez assis, » mais il
fait précéder ces paroles de celles-ci: « Vous qui m’avez
suivi », paroles qui
excluaient Judas, et qui attiraient à lui ceux qui devaient plus tard marcher
à sa suite; car ce n’était ni aux disciples seuls, ni à Judas, qui s’en était
déjà rendu indigne, que Notre Seigneur les adressait. — Saint Hilaire : (can. 20.) Jésus-Christ, en plaçant ses Apôtres sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël, les associe à la gloire des douze patriarches, — Saint Augustin : [référence
à vérifier] Et nous devons conclure de ce passage que
Jésus doit juger un jour, assisté de ses disciples. Aussi dit-il aux Juifs
dans un autre endroit: « C’est pourquoi ils seront vos juges. » (Mt 12; Lc 11.) Nous ne devons pas croire, toutefois, que ces douze
hommes seront les seuls qui jugeront avec lui, parce qu’il est question de
douze trônes sur lesquels ils seront assis; le nombre douze représente ici la
multitude de tous ceux qui seront associés à ce jugement, parce qu’il est
composé des deux parties du nombre sept, qui signifie souvent l’universalité
des choses; en effet, ses deux parties, trois et quatre, multipliées l’une
par l’autre, donnent le nombre douze. D’ailleurs, l’apôtre saint Mathias
ayant été élu pour remplacer le traître Judas, il s’ensuivrait donc que
l’apôtre saint Paul, qui a travaillé plus que les autres, ne trouverait plus
de siége pour juger, lui qui nous déclare qu’il doit un jour faire partie du
nombre des juges avec les autres saints: « Ignorez-vous
que nous jugerons les anges ? » —
Saint Augustin : (de la pénit.). Il faut donc placer au
nombre de ceux qui jugeront alors avec Jésus-Christ, tous ceux qui ont
abandonné leurs biens et suivi le Seigneur. —
Saint Grégoire le Grand : (Moral., 10, 37.) Tout homme, en effet, qui
pressé par l’aiguillon de l’amour divin, aura sacrifié tout ce qu’il
possédait, parviendra, sans aucun doute, au faîte de la puissance judiciaire,
et exercera les fonctions de juge avec le juge souverain, parce qu’il a
embrassé ici-bas les rudes privations de la pauvreté volontaire. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 20, 5.) Il faut entendre de
la même manière le nombre douze, appliqué à ceux qui doivent être jugés, car
de ce que le Seigneur dit: « pour juger les douze tribus
d’Israël », il ne s’ensuit pas que la tribu de Lévi, qui est la
treizième, ne sera pas soumise à ce jugement, ou que le peuple juif seul sera
jugé à l’exclusion des autres peuples. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien encore, par ces
paroles: « au temps de la
régénération », Notre Seigneur a voulu exprimer ces premiers temps
du christianisme qui suivirent immédiatement son ascension; car les hommes
furent alors régénérés par le baptême, et c’était le temps où lui-même était
assis sûr le trône de sa majesté. Et remarquez que ces paroles s’appliquent,
non pas au jour du jugement dernier, mais à la vocation de tous les peuples,
car le Seigneur ne dit pas: « lorsque le Fils de l’homme viendra, assis
sur le trône de sa majesté », mais « au
temps de la régénération, lorsqu’il s’assiera sur le trône de sa majesté ».
C’est ce qui arriva lorsque les mitions commencèrent à croire en
Jésus-Christ, selon ces paroles [du Roi-Prophète]: « Le Seigneur régnera sur les nations, le Seigneur est assis sur
son trône qui est saint. » (Ps
46.) Alors aussi les Apôtres furent assis sur leurs douze trônes,
c’est-à-dire dans le cœur de tous les chrétiens; car tout chrétien qui reçoit
la parole de Pierre, devient le siége de Pierre, et il en est ainsi de tous
les autres Apôtres. Or, les Apôtres sont assis sur ces trônes, c'est-à-dire sur
douze trônes distincts, suivant la différence des dispositions des âmes et
des cœurs que Dieu seul connaît. Car le peuple chrétien est divisé en douze
tribus comme le peuple juif, de manière que certaines âmes appartiennent à la
tribu de Ruben, d’autres âmes aux autres tribus, suivant la différence de
leurs vertus. En effet, toutes les vertus ne sont pas au même degré dans tous
les hommes, mais tel excelle dans celle-ci, et tel autre dans celle-là. Les
Apôtres jugeront donc les douze tribus d’Israël, c’est-à-dire tout le peuple
juif, sur ce critère que leur prédication a été reçue par toutes les nations.
L’universalité des chrétiens forme les douze trônes des Apôtres, mais
l’unique trône de Jésus-Christ. En effet, toutes les vertus sont comme le
siége unique de Jésus-Christ; car il est le seul qui soit également parfait
dans toutes les vertus. Parmi les Apôtres, chacun d’eux excelle aussi dans
une vertu spéciale: comme Pierre dans la foi ; Pierre se repose donc
dans la foi comme sur un trône, Jean, dans l’innocence, et ainsi des autres
Apôtres. Les paroles suivantes montrent que Jésus-Christ voulait aussi parler
de la récompense que les Apôtres devaient recevoir en ce monde: « Et quiconque aura quitté pour mon
nom sa maison ou ses frères » ; car s’ils reçoivent le centuple en
ce monde; il est certain que le Seigneur leur promettait une récompense même
pour cette vie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 64.) Ou bien, il ne promet à ses
disciples que les biens à venir, parce qu’ils étaient supérieurs aux
promesses terrestres, et ne cherchaient rien des biens de la vie présente que
le Seigneur promet aux autres hommes. — Origène : Ou bien dans un
autre sens, celui qui aura abandonné tous ses biens, et qui aura suivi
Jésus-Christ, recevra, lui aussi, tout ce qui a été promis à Pierre; mais s’il
n’a pas tout abandonné, et qu’il n’ait abandonné que ce qui est ici mentionné
d’une manière spéciale, il recevra dès ici-bas une récompense bien supérieure
à ce qu’il a quitté, et aura pour héritage la vie éternelle. —
Saint Jérôme : Il en est quelques-uns qui ont pris
occasion de ces paroles pour avancer qu’après la résurrection il y aurait une
durée de mille ans, pendant laquelle nous recevrons le centuple de tout ce
que nous avons sacrifié sur la terre, centuple qui sera suivi de la vie
éternelle. Ils ne comprenaient pas qu’en supposant que cette promesse fût
digne relativement à tout le reste, elle serait une honte en ce qui concerne
les épouses, car celui qui en aurait sacrifié une pour le Seigneur, devrait, [d’après
cette opinion], en recevoir cent dans la vie future. Voici donc le sens de
ces paroles: Celui qui aura abandonné pour le Sauveur les biens temporels,
recevra les biens spirituels, qui seront aux premiers, en valeur et en
mérite, ce qu’est le nombre cent comparé à un nombre de beaucoup inférieur. — Origène : Même dès cette vie
pour les frères selon la chair qu’il a quittés, il trouvera un grand nombre
de frères selon la foi, il aura pour pères tous les évêques et les prêtres,
et pour enfants tous ceux qui sont dans l’âge de l’enfance. Il aura encore
pour frères les anges, et pour soeurs toutes les vierges qui ont consacré
leur virginité au Seigneur, aussi bien celles qui vivent encore sur la terre,
que celles qui jouissent déjà dans le ciel de la vie éternelle. Les champs et
les maisons, ce sont les demeures multipliées qui sont préparées dans le
repos du paradis et dans la cité de Dieu; et ce qui est au-dessus de toutes ces
récompenses, ils recevront la vie éternelle. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 20, 8.) L’Apôtre saint Paul,
expliquant en quelque manière ces paroles: « Il recevra le centuple, » dit: « Nous sommes comme n’ayant rien, et nous possédons toutes
choses » ; car le nombre cent est employé quelquefois comme
nombre universel et indéterminé. —
Saint Jérôme : Ces autres paroles: « Celui qui abandonnera frères,
etc... » se rapportent à ces autres: « Je suis venu séparer l’homme d’avec son père ». Ceux
donc qui, pour la foi chrétienne, et pour la prédication de l’Évangile,
auront méprisé toutes les affections, toutes les richesses et les voluptés de
la terre, ceux-là recevront le centuple, et posséderont la vie éternelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63.) Lorsque Notre Seigneur dit: « Celui qui aura quitté sa
femme », il ne veut pas dissoudre d’une manière absolue le lien du
mariage, mais il veut que nous sacrifiions toutes les affections au sentiment
de la foi. Il me semble qu’il fait ici, d’ailleurs, une allusion indirecte
aux temps de persécution, où on devait voir des pères entraîner leurs enfants
dans l’impiété. Or, s’ils en viennent à cet excès, il ne faut plus les
considérer comme des pères ou comme des maris. — Raban : Comme
il en est beaucoup qui ne poursuivent pas la carrière de la vertu avec la
même ferveur qu’ils avaient en y entrant, mais qui se laissent aller à la
tiédeur, ou qui ne sont pas longtemps sans faire de lourdes chutes, le Seigneur
ajoute: « Plusieurs qui étaient
les premiers seront les derniers, et plusieurs qui avaient été les derniers
seront les premiers. » — Origène : Il exhorte par là
ceux qui ont fait tout récemment profession d’obéir à la parole de Dieu, à se
hâter de s’élever jusqu’à la perfection, en n’imitant point ceux qui paraissent
avoir vieilli dans la foi. Ces paroles peuvent aussi servir à humilier ceux
qui se glorifient uniquement d’avoir été élevés dans le sein de la religion chrétienne
par des parents chrétiens, et à empêcher que ne se découragent ceux qui ont
été tout nouvellement initiés aux vérités de la foi. D’après une autre
signification, les premiers sont les Israélites qui par leur incrédulité sont
devenus les derniers, tandis que les Gentils qui étaient les derniers sont
devenus les premiers. C’est avec dessein que le Seigneur emploie l’expression
« plusieurs », et non pas
« tous. » Car tous les premiers ne seront pas
les derniers, et réciproquement tous les derniers ne seront pas les premiers.
Enfin, il est un grand nombre d’hommes qui, inférieurs aux anges, et comme
les derniers par leur nature, sont devenus supérieurs à quelques-uns des
anges par leur vie tout angélique, tandis que bien des anges, qui étaient les
premiers par leur nature, sont devenus les derniers par leur faute. —
Saint Rémi : On peut encore rapporter d’une manière
toute spéciale ces paroles à la tristesse qu’éprouva ce jeune homme riche; il
paraissait être le premier par l’accomplissement fidèle des préceptes de la
loi, mais il devint le dernier en préférant à Dieu les richesses de la terre.
Les saints Apôtres paraissaient, au contraire, être les derniers, mais en
abandonnant tout par l’effet de la grâce et de l’humilité, ils sont devenus
les premiers. Enfin, il en est un grand nombre qui, après avoir fait preuve
d’un grand zèle pour les bonnes oeuvres, en abandonnent tout à fait la
pratique, et deviennent les derniers après avoir été les premiers. |
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Caput 20 |
CHAPITRE 20 —
[Instruction des disciples]
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Lectio 1 [85540] Catena in Mt.,
cap. Chrysostomus super Matth. Homo paterfamilias
Christus est, cui caeli et terra quasi una est domus; familia autem
caelestium et terrestrium et inferiorum creaturarum. Vinea autem eius
iustitia est, in qua diversae species iustitiarum positae sunt quasi vites:
puta mansuetudo, castitas, patientia, ceteraeque virtutes; quae omnes
generaliter iustitia appellantur. Homines autem vineae cultores ponuntur;
unde dicitur qui exiit primo mane conducere operarios in vineam suam. Deus
enim iustitiam suam dedit in sensibus nostris, non propter suam utilitatem,
sed propter nostram. Scitote ergo quia mercenarii sumus conducti. Sicut ergo
nemo ideo conducit mercenarium ut hoc solum faciat quod manducat, sic et nos
non ideo vocati sumus a Christo ut haec solum operemur quae ad nostrum
pertinent usum, sed ad gloriam Dei; et sicut mercenarius prius aspicit opus
suum, deinde quotidianum cibum, sic et nos primum debemus aspicere quae ad
gloriam Dei pertinent, deinde quae ad nostram utilitatem; et sicut
mercenarius totam diem circa domini opus impendit, unam autem horam circa
suum cibum, sic et nos omne tempus vitae nostrae debemus impendere circa
gloriam Dei, modicam autem partem circa usus nostros terrenos. Et sicut
mercenarius ea die qua opus non fecerit, erubescit intrare in domum et petere
panem, quomodo tu non confunderis intrare in Ecclesiam et stare ante
conspectum Dei, quando nihil bonum in conspectu Dei gessisti? Gregorius in Evang. Vel paterfamilias, idest
conditor noster, habet vineam, universam scilicet Ecclesiam, quae ab Abel
iusto usque ad ultimum electum qui in fine mundi nasciturus est, quot sanctos
protulit, quasi tot palmites misit. Ad erudiendam autem dominus plebem suam,
quasi ad excolendam vineam suam, nullo tempore destitit operarios mittere:
quia et prius per patres, et postmodum per legis doctores, deinde per
prophetas, ad extremum vero per apostolos, quasi per operarios in vineae
cultum laboravit; quamvis in quolibet modulo vel mensura quisquis cum fide
recta bonae actionis extitit, huius vineae operarius fuit. Origenes in Matth. Totum autem hoc saeculum
praesens, unum diem dicere possumus; magnum quidem quantum ad nos, modicum
autem quantum ad Dei vitam. Gregorius. Mane autem mundi fuit aetas ab Adam
usque ad Noe; et ideo dicitur qui exiit primo mane conducere operarios in
vineam suam. Et modum conductionis subiungit dicens conventione autem facta
cum operariis ex denario diurno. Origenes. Salutis autem arbitror nomen esse
denarium. Remigius. Denarius enim dicitur qui antiquitus
pro decem nummis imputabatur, et figuram regis habet. Recte ergo per denarium
designatur observari Decalogi praemium. Pulchre ergo dicit conventione facta
ex denario diurno, quia unusquisque in agro sanctae Ecclesiae pro spe futurae
remunerationis laborat. Gregorius. Tertia vero hora a Noe fuit usque
ad Abraham; de qua dicitur et egressus circa horam tertiam vidit alios in foro
stantes otiosos. Origenes. Forum autem est quicquid est extra
vineam, idest extra Ecclesiam Christi. Chrysostomus super Matth. In hoc enim mundo
vendendo et emendo vivunt homines, et invicem sibi fraudem facientes, vitam
suam sustentant. Gregorius. Qui autem sibi vivit, qui carnis
suae voluptatibus pascitur, recte otiosus arguitur, quia fructum divini
operis non sectatur. Chrysostomus super Matthaeum. Vel otiosi sunt
peccatores, illi enim mortui dicuntur. Otiosus autem est qui opus Dei non operatur.
Vis ergo non esse otiosus? Non aliena tollas, et de tuis des; et operatus es
in vinea domini, misericordiae vitem colens. Sequitur et dixit illis: ite et
vos in vineam meam. Nota, quod solis primis convenit specialiter dare
denarium; alios autem sub incerto pacto conduxit, dicens quod iustum fuerit
dabo vobis. Sciens enim dominus quia praevaricaturus fuerat Adam, et omnes
postmodum in diluvio erant perituri, certum fecit pactum ad eum, ne quando
dicat, ideo se neglexisse iustitiam, quia nesciebat quae praemia fuerat
recepturus. Istis autem non fecit pactum, quia tantum paratus est retribuere
quantum mercenarii recipere non sperabant. Origenes in Matth. Vel operarios tertiae
horae non invitavit ad totum opus; quidquid autem poterant operari, suo
arbitrio servavit. Poterant enim aequale opus facere in vinea eis qui ex mane
sunt operati, quicumque in tempore brevi volebant operantem virtutem ad opus
extendere, quae ante non fuerat operata. Gregorius in Evang. Sexta quoque hora
est ab Abraham usque ad Moysen; nona est a Moyse usque ad adventum domini:
unde sequitur iterum autem exiit circa sextam et nonam horam, et fecit
similiter. Chrysostomus super Matth. Ideo autem
coniunxit sextam et nonam, quia in sexta et nona generationem vocavit Iudaeorum,
et frequentavit cum hominibus disponere testamenta, quasi definito salutis
omnium tempore iam appropinquante. Gregorius. Undecima vero hora est ab adventu
domini usque ad finem mundi. Operator ergo mane, hora tertia, sexta et nona,
antiquus ille et Hebraicus populus designatur, qui in electis suis ab ipso
mundi exordio, dum recta fide Deum studuit colere, quasi non destitit in
vineae cultura laborare. Ad undecimam vero gentiles vocantur: unde sequitur
circa undecimam vero exiit, et invenit alios stantes, et dixit illis: quid
hic statis tota die otiosi? Qui enim transacto tam longo mundi tempore pro
vita sua laborare neglexerant, quasi tota die otiosi stabant. Sed pensate
quid inquisiti respondeant: sequitur enim dicunt ei: quia nemo nos conduxit.
Nullus quippe ad eos patriarcha, nullus propheta ad eos venerat. Et quid est
dicere nemo nos conduxit, nisi vitae nobis nemo viam praedicavit? Chrysostomus super Matth. Quae est enim
conductio nostra, et conductionis merces? Promissio vitae aeternae: gentes
enim solae neque Deum sciebant neque Dei promissa. Hilarius in Matth. Hi igitur mittuntur
ad vineam: unde sequitur dixit eis: ite et vos in vineam meam. Rabanus. Postquam autem operis diurni
ratio reddita est, ad remunerationis tempus opportunum, dicit cum autem sero
factum esset; hoc est, cum dies totius mundi ad vesperam consummationis
inclinata esset. Chrysostomus super Matth. Considera,
quia sero, non alio mane mercedem reddit; ergo adhuc stante saeculo isto
iudicium est futurum, et unicuique merces sua reddenda; et hoc propter duas
rationes. Prima est quia ipsa beatitudo futura est merces iustitiae; ideo non
in illo saeculo fit iudicium, sed ante illud. Deinde ante adventum diei
illius praemittitur iudicium, ne videant peccatores diei illius beatitudinem.
Sequitur dicit dominus procuratori suo; idest: filius spiritui sancto. Glossa. Vel si volueris, dicit pater filio;
qui scilicet pater operatur per filium, et filius per spiritum sanctum, non
propter aliquam differentiam substantiae aut dignitatis. Origenes in Matth. Vel dicit dominus
procuratori suo, idest alicui Angelorum qui super mercedes retribuendas est
positus, sive alicui ex multis procuratoribus, secundum quod scriptum est in
Epist. ad Galatas, sub curatoribus et tutoribus esse heredem in tempore quo
parvulus est. Remigius. Vel dominus Iesus Christus ipse est
paterfamilias et vineae procurator, sicut et ipse est et ostium et ostiarius.
Ipse enim est venturus ad iudicium, ut unicuique reddat secundum quod gessit.
Vocat ergo operarios et reddit illis mercedem, quando omnes congregabuntur in
iudicio, ut unusquisque accipiat secundum opera sua. Origenes. Primi autem operarii testimonium
habentes per fidem, non acceperunt Dei promissionem, pro nobis aliquid melius
prospiciente patrefamilias, ut non sine nobis perficiantur. Et quia
misericordiam consecuti sumus, primi mercedem speramus accipere, qui sumus
Christi; post nos autem qui ante nos operati sunt: et ideo dicitur voca
operarios, et redde illis mercedem suam, incipiens a novissimis usque ad
primos. Chrysostomus super Matth. Semper enim
libentius aliquid damus illis quibus gratis donamus, quia pro solo nostro
honore donamus. Ergo omnibus sanctis Deus reddens mercedem, iustus
ostenditur; gentibus autem dans, misericors, dicente apostolo: gentes autem
super misericordiam honorare Deum. Et ideo dicitur incipiens a novissimis
usque ad primos. Aut certe ut ostendat Deus inaestimabilem misericordiam
suam, primum novissimis et indignioribus reddit mercedem, postea primis: nimia
enim misericordia ordinem non aspexit. Augustinus de spiritu et littera. Vel ideo
velut priores reperiuntur minores, quia minores ditati sunt. Sequitur cum
venissent autem qui circa undecimam horam venerant, et cetera. Gregorius in Evang. Eumdem denarium accipiunt
qui laboraverunt ad undecimam (quem expectaverunt toto desiderio) et qui
laboraverunt ad primam: quia aequalem vitae aeternae retributionem sortiti
sunt cum his qui ab initio mundi vocati fuerant, hi qui in fine mundi ad Deum
venerunt. Chrysostomus super Matth. Non autem iniuste:
nam et qui in prima parte saeculi natus est, non amplius vixit quam statutum
tempus vitae suae; et quid illi nocuit, si post illius exitum mundus stetit?
Et qui circa finem nascuntur, non minus vivent quam dies qui numerati sunt
eis; et quid illis prodest ad compendium laboris, si cito mundus finitur, cum
pensum vitae suae compleant ante mundum? Deinde non est in homine quando
nascatur prius aut postea; sed potestatis divinae. Nec ille quidem sibi
priorem debet locum defendere qui prius natus est, nec ille contemptibilior
debet esse qui postea. Sequitur et accipientes murmurabant adversus
patremfamilias, dicentes. Si autem verum est quod diximus, quia primi et
posteriores tempus suum vixerunt, et non amplius neque minus, et unicuique
mors sua est consummatio ipsius: quid est quod dicunt portavimus pondus diei
et aestus? Quia scilicet magna est nobis virtus ad faciendam iustitiam,
cognoscere prope esse finem mundi. Unde et Christus nos armans, dicebat:
appropinquabit regnum caelorum. Illis autem infirmatio erat scire mundi
spatia esse longinqua. Quamvis ergo non per omne saeculum vixerint, tamen
totius saeculi gravamina pertulisse videntur. Aut pondus totius diei dicit
onerosa legis mandata; aestum autem urentem erroris tentationem quam
conflabant spiritus maligni in eos, ad aemulationem gentium eos irritantes: a
quibus omnibus gentiles liberi extiterunt, Christo credentes, et per
compendium gratiae ad plenum salvati. Gregorius in Evang. Vel pondus diei et aestus
ferre, est per longioris vitae tempora carnis suae calore fatigari. Sed
potest quaeri: quomodo murmurare dicti sunt, qui ad regnum vocantur caelorum?
Etenim regnum nullus qui murmurat accipit, nullus qui accipit, murmurare
potest. Chrysostomus in Matth. Non autem oportet ea
quae in parabolis sunt, secundum totum quod dicitur, investigare; sed
intentionem, propter quam composita est, intelligere, et nihil ultra
scrutari. Non ergo inducit hoc ut ostendat aliquos esse invidia morsos, sed ut
ostendat hos tanto potitos esse honore quod et invidiam aliis poterant
generare. Gregorius. Vel quia antiqui patres usque ad
adventum domini, quantumlibet iuste vixerint, ducti ad regnum non sunt, eorum
hoc ipsum murmurasse est. Nos autem qui ad undecimam venimus, post laborem
non murmuramus: quia post mediatoris adventum in hoc mundo venientes, ad
regnum ducimur mox ut de corpore eximus. Hieronymus. Vel omnis retro vocatio gentilibus
invidet, et in Evangelii torquetur gratia. Hilarius in Matth. Et secundum insolentiam
populi iam sub Moyse contumacis hoc murmur operantium est. Sequitur at ille
respondens uni eorum, dixit: amice, non facio tibi iniuriam. Remigius. Per hunc unum possunt intelligi
omnes qui ex Iudaeis crediderunt; quos amicos propter fidem nominat. Chrysostomus super Matth. Non autem dolebant
quasi defraudati de mercede sua; sed quia illi amplius quam merebantur,
acceperant. Sic enim dolent invidi quando alteri aliquid additur, quasi eis
subtrahatur. Ex quo patet quod ex vana gloria nascitur invidia. Ideo enim
dolet esse secundus, quia desiderat esse prior; et ideo invidiae motum
removet, dicens nonne ex denario convenisti mecum? Hieronymus. Denarius figuram regis habet.
Recepisti ergo mercedem quam tibi promiseram, hoc est imaginem et
similitudinem meam: quid quaeris amplius? Et non tam ipse plus accipere quam
alium nihil accipere desideras? Tolle quod tuum est, et vade. Remigius. Idest: recipe mercedem tuam, et vade
in gloriam. Volo autem et huic novissimo, idest gentili populo, dare secundum
meritum, sicut et tibi. Origenes in Matth. Forsitan autem Adae dicit
amice, non facio tibi iniuriam. Nonne ex denario convenisti mecum? Tolle quod
tuum est, et vade. Tuum est salus, quod est denarius. Volo autem et huic
novissimo dare sicut et tibi. Non incredibiliter potest quis arbitrari, hunc
novissimum esse apostolum Paulum, qui una hora operatus est, et similiter
omnes qui ante eum fuerunt. Augustinus de sancta Virgin. Quia vero ipsa
vita aeterna pariter erit omnibus sanctis aequalis, denarius omnibus est
attributus, qui est omnium merces; quia vero in ipsa vita aeterna distincte
fulgebunt lumina meritorum, multae mansiones sunt apud patrem; ac in denario
quidem impari non vivet alius alio prolixius: in multis autem mansionibus
honoratur alius alio clarius. Gregorius. Et quia ipsa regni perceptio, eius
est bonitas voluntatis, recte subiungitur aut non licet mihi quod volo
facere? Stulta enim est quaestio hominis contra bonitatem Dei murmurare.
Conquerendum quippe esset, non si dat quod non debet, sed si non daret quod
deberet; unde aperte subditur an oculus tuus nequam est, quia ego bonus sum?
Remigius. Per oculum enim vult intentionem
intelligi. Iudaei namque nequam habuerunt oculum, id est intentionem malam,
quia de salute gentium dolebant. Ad quid autem sensus huius parabolae tendat,
manifestat cum subditur sic erunt primi novissimi, et novissimi primi: eo
scilicet quod Iudaei de capite vertantur in caudam, et nos de cauda mutamur
in caput. Chrysostomus super Matth. Aut ideo primos
dicit novissimos, et novissimos primos, non ut novissimi digniores sint quam
primi, sed ut coaequentur, et nulla sit inter eos differentia temporis causa.
Quod autem dicit multi sunt vocati, pauci vero electi, non ad superiores sanctos
pertinet, sed ad gentes: quoniam ex ipsis gentibus, qui multi vocati sunt,
pauci sunt eligendi. Gregorius in Evang. Ad fidem enim plures
veniunt, et ad caeleste regnum pauci perducuntur: plerique enim Deum vocibus
sequuntur, moribus fugiunt. Ex hoc ergo duo pensare debemus. Primum est ut de
se quisque minime praesumat, quia etsi iam ad fidem vocatus est, utrum ad
regnum eligendus sit, nescit. Secundum vero est ut unusquisque proximum suum
quem iacere in vitiis conspicit, desperare non audeat: quia divinae
misericordiae divitias ignorat. Vel aliter. Mane nostrum pueritia est; hora
tertia, adolescentia intelligi potest, quia quasi iam sol in altum proficit
dum calor aetatis crescit; sexta autem, iuventus est, quia velut in centro
sol figitur, dum in ea plenitudo roboris solidatur; nona autem, senectus
intelligitur, in qua velut sol ab alto axe descendit, quia aetas a calore
iuventutis deficit; undecima vero est ea aetas quae decrepita vel veterana
vocatur. Chrysostomus in Matth. Quod autem non omnes
simul conduxit, sed alios mane, alios hora tertia, et sic de aliis, ex
differentia mentis eorum processit. Tunc enim eos vocavit quando erant
obedituri; nam et latronem vocavit quando obediturus erat. Si autem dicant:
quia nemo nos conduxit, sicut dictum est, non oportet omnia scrutari quae in
parabolis sunt. Item hoc non dicit dominus, sed operarii: quod ipse enim
omnes, quantum ad se pertinet, a prima aetate vocet, significatur cum
dicitur: exiit primo mane operarios conducere. Gregorius. Qui ergo usque ad ultimam aetatem
Deo vivere neglexerunt, usque ad horam undecimam otiosi steterunt; et tamen
tales paterfamilias vocat, et plerumque ante remunerantur: quia prius ad
regnum de corpore exeunt, quam hi qui modo in pueritia vocati esse videbantur.
Origenes in Matth. Non autem dicitur: quid hic
statis tota die otiosi? His qui spiritu incipientes, carne consumuntur, si
postea regredi volunt ut iterum spiritu vivant: quod non dicimus dissuadentes
ne ad domum paternam revertantur lascivi filii, qui vivendo luxuriose
evangelicae doctrinae substantiam consumpserunt; sed quoniam non similes sunt
eis qui peccaverunt in iuventute sua, dum non adhuc didicissent quae fidei
erant. Chrysostomus in Matth. Quod autem dicit: erunt
primi novissimi, et novissimi primi, eos occulte insinuat qui a principio
claruerunt, et postea virtutem contempserunt; et rursus eos qui a malitia
reducti sunt, et multos superexcesserunt. Composita est ergo haec parabola,
ut eos avidiores faceret qui in ultima senectute convertuntur, ne aestimarent
se minus aliquid habituros. |
Versets 1-16.
—
Saint Rémi : Notre Seigneur venait de dire que
plusieurs de ceux qui étaient les premiers seraient les derniers, et que
plusieurs de ceux qui étaient les derniers deviendraient les premiers; pour
confirmer cette vérité, il propose la parabole suivante: « Le royaume des cieux est semblable à un maître de maison »
. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le père de famille c’est
Jésus-Christ, le ciel et la terre sont comme sa maison; sa famille, ce sont
toutes les créatures qui habitent le ciel, la terre et les enfers; la vigne
c’est la justice en général qui renferme toutes les différentes espèces de
justices comme autant de plants de vigne, la douceur, la chasteté, la
patience, et les autres vertus qui sont toutes comprises sous le nom général
de justice. Les ouvriers de cette vigne sont les hommes. Le texte ajoute: « Il sortit le matin pour louer des
ouvriers pour sa vigne ». Dieu a comme répandu la justice dans nos
facultés, non pas dans son intérêt, mais dans le nôtre. Nous sommes donc, ne
l’oublions pas, des mercenaires qui avons été loués. Or, personne ne loue un
mercenaire uniquement pour qu’il travaille à gagner sa nourriture; ainsi
Jésus-Christ ne nous a pas appelés à son service pour nous occuper seulement
de nos intérêts, mais encore pour travailler à la gloire de Dieu. Et de même
que le mercenaire commence par remplir sa tâche avant de songer à la
nourriture de chaque jour, ainsi nous devons d’abord nous appliquer à ce qui doit
procurer la gloire de Dieu, avant de songer à nos propres intérêts. Le
mercenaire, encore, consacre toute sa journée au service de son maître, et ne
réserve qu’une heure seulement par jour pour prendre sa nourriture; ainsi
nous devons consacrer tout le temps de notre vie à la gloire de Dieu, et n’en
donner qu’une faible partie à nos besoins temporels. Enfin si le mercenaire
passe un jour sans travailler, et n’ose paraître devant son maître pour
demander son pain, comment ne rougissez-vous pas d’entrer dans l’église de
Dieu et de paraître en sa présence le jour où vous n’avez fait aucune bonne
action sous ses yeux. —
Saint Grégoire le Grand : (hom. 15.) Dans un autre sens, le père de
famille, c’est-à-dire notre Créateur, a une vigne, qui est l’Eglise universelle,
et qui, depuis le juste Abel jusqu’au jugement final qui aura lieu à la fin
du monde, a poussé autant de ceps qu’elle a produit de saints. Or, dans aucun
temps, Dieu n’a cessé d’envoyer des ouvriers pour instruire son peuple comme
pour cultiver sa vigne; car il l’a cultivée successivement, d’abord par les
patriarches, puis par les docteurs de la loi, ensuite par les prophètes, et
enfin par les Apôtres comme par autant d’ouvriers. On peut dire, toutefois,
que tout homme qui fait le bien avec une intention droite est en quelque
manière et dans une certaine mesure un des ouvriers de cette vigne. — Origène : (traité 10 sur S. Matth.) Nous pouvons bien dire
que toute cette vie n’est qu’un seul jour, jour d’une grande étendue par
rapport à nous, mais d’une courte durée si on le compare à la vie de Dieu. —
Saint Grégoire le Grand : (Hom. 19.) Le matin de ce jour du monde fut
l’époque qui s’écoula depuis Adam jusqu’à Noé; c’est pour cela que Notre
Seigneur dit: « Il sortit de grand
matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne », et il ajoute les
conditions dont il est convenu avec eux: « Et
étant convenu avec, eux d’un denier par jour ». — Origène : Je pense que le
denier figure ici le salut éternel. —
Saint Rémi : Le denier était une pièce de monnaie
qui valait dix as, et qui portait l’effigie du roi: le denier désigne donc
parfaitement la récompense qui est accordée à l’observation du Décalogue.
C’est aussi avec dessein qu’il est dit: « Etant
convenu avec eux d’un denier par jour », car dans le champ de la
sainte Église, chacun travaille dans l’espoir de la récompense future. —
Saint Grégoire le Grand : La troisième heure est le
temps qui s’écoula de Noé à Abraham, et c’est de cette époque que le Seigneur
veut parler; quand il dit: « Etant
sorti vers la troisième heure, il vit d’autres ouvriers qui se tenaient sans
rien faire sur la place publique. » — Origène : La place publique,
c’est tout ce qui est en dehors de la vigne, c’est-à-dire en dehors de
l’Église de Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Dans ce monde, les hommes
vivent d’un échange mutuel d’achats et de ventes, et pourvoient à leur
subsistance par un commerce de fraudes réciproques. —
Saint Grégoire le Grand : C’est avec justice que
l’on peut adresser le reproche d’oisiveté à celui qui ne vit que pour lui et
se nourrit des plaisirs des sens, parce qu’il ne travaille pas à produire les
fruits des oeuvres de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ces ouvriers oisifs ne sont
pas les pécheurs, qui sont bien plutôt morts, mais tous ceux qui
n’accomplissent pas les oeuvres de Dieu. Voulez-vous donc ne pas rester
oisif ? Ne prenez pas le bien d’autrui, et donnez de vos propres biens;
vous aurez travaillé dans la vigne du Seigneur, en cultivant le cep de la
miséricorde. « Et il leur dit:
Allez-vous en aussi dans ma vigne. » Remarquez que ce n’est qu’avec
les premiers qu’il s’engage précisément de donner un denier; il loue les
autres pour un prix indéterminé: « Je
vous donnerai ce qui sera juste. » Le Seigneur, qui prévoyait la prévarication
d’Adam, et qu’après lui tous les hommes devaient périr dans les eaux du
déluge, fit avec lui un traité bien précis, afin qu’il ne pût prétexter qu’il
avait abandonné la voie de la justice, parce qu’il ignorait quelle en serait
la récompense; mais il ne s’est point engagé de cette manière avec les
derniers, parce que son intention était de les récompenser bien au delà de ce
que pouvaient espérer des mercenaires. — Origène : Ou bien encore,
comme il n’a pas loué les ouvriers de la troisième heure pour faire l’ouvrage
tout entier, il se réserve d’apprécier leur travail avant de leur donner une
juste récompense; car ils pouvaient travailler autant que ceux qui avaient
commencé le matin en s’appliquant à leur travail dans un court espace de
temps avec une laborieuse activité qui compenserait l’inaction du matin. —
Saint Grégoire le Grand : La sixième heure est celle
qui s’étend d’Abraham à Moïse, et la neuvième, celle qui s’est écoulée de
Moïse jusqu’à l’avènement du Seigneur. « Et
il sortit de nouveau vers la sixième et vers la neuvième heure, et il fit la
même chose. » —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur réunit
ensemble la sixième et la neuvième heure, parce que c’est alors qu’eut lieu
la vocation du peuple juif, et que Dieu renouvela fréquemment ses alliances
avec les hommes, comme pour leur annoncer que le temps marqué pour le salut
du genre humain n’était pas éloigné. —
Saint Grégoire le Grand : La onzième heure c’est le
temps qui s’écoulera depuis l’avènement du Seigneur jusqu’à la fin du monde.
L’ouvrier du matin, de la troisième, de la sixième et de la neuvième heure,
c’est donc cet ancien peuple hébreu qui, dans la personne de ses élus, n’a
point cessé de travailler à la vigne du Seigneur depuis le commencement du
monde, en s’efforçant d’adorer Dieu avec une foi droite et sincère. A la
onzième heure, ce sont les Gentils qui sont appelés. « Vers la onzième heure, il sortit, et il en trouva d’autres qui
stationnaient là, et il leur dit : ‘Pourquoi restez-vous là sans rien
faire ?’ » Ils avaient négligé, dans le cours de tant de
siècles, de travailler aux soins de leur âme, et ils passaient ainsi tout le
jour sans rien faire. Mais remarquez ce qu’ils répondent à la question qui
leur est faite: « Personne, lui
dirent-ils, ne nous a loués. » Aucun
patriarche, en effet, aucun prophète n’était venu vers eux, et que signifient
ces paroles: « Personne ne nous a
loués » si ce n’est: « Personne ne nous a fait connaître le
chemin de la vie. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Quelle est donc la nature de
cette convention, et quelle récompense y est promise ? C’est la promesse
de la vie éternelle; car les Gentils étaient les seuls qui ne connaissaient
ni Dieu ni les promesses éternelles de Dieu. —
Saint Hilaire : (can. 20.) Le Seigneur les envoie donc à sa
vigne. « Et il leur dit: Allez,
vous aussi, à ma vigne. » — Raban : Après
avoir fait connaître les conditions du travail pour la journée, le Seigneur,
continuant son récit, arrive à l’heure du salaire qu’ils ont mérité, et dit: « Le soir étant venu »,
c’est-à-dire lorsque le jour, qui comprend toute la durée du monde, était sur
son déclin, et approchait de la consommation de toutes choses. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Remarquez que c’est le soir
du même jour, et non le matin suivant, que le père de famille donne à chacun
ce qui lui est dû. Ce sera donc pendant la durée du siècle présent qu’aura
lieu le jugement après lequel chacun recevra sa récompense; et cela pour deux
raisons: la première, c’est que la bienheureuse éternité doit être la
récompense de la justice, et qu’il faut par conséquent que le jugement la
précède; la seconde raison pour laquelle le jugement doit précéder le jour de
l’éternité, c’est afin que les pécheurs ne soient pas témoins du bonheur de
ce jour éternel. Suite : « Et le maître dit à son intendant », c’est-à-dire le
Fils à l’Esprit saint. — La Glose : Ou bien, si vous
aimez mieux, le Père dit au Fils, car le Père agit par le Fils, et le Fils
par l’Esprit saint, sans qu’il y ait entre eux aucune différence de nature ou
de dignité. — Origène : Ou bien encore, le
maître dit à son intendant, c’est-à-dire à l’ange chargé de la distribution
des récompenses, ou à l’un de ces nombreux intendants dont l’Apôtre a dit: « L’héritier est sous la puissance
des tuteurs et des curateurs pendant tout le temps de son enfance. »
(Ga 1.) —
Saint Rémi : Ou bien enfin, c’est Notre Seigneur
Jésus-Christ lui-même, qui est à la fois le père de famille et l’intendant du
maître de la vigne, comme il est lui-même la porte et le portier; car c’est
lui qui doit venir juger les hommes, et rendre à chacun selon ce qu’il a
accompli. C’est donc au moment où les hommes seront réunis pour le jugement
dernier, après lequel chacun recevra selon ses oeuvres, qu’il appellera les
ouvriers pour leur donner une récompense. — Origène : Or, les premiers
ouvriers, que leur foi avait rendus recommandables, n’ont pas reçu l’effet
des promesses, le père de famille ayant voulu, par une faveur particulière
pour nous, qu’ils ne reçoivent qu’avec nous l’accomplissement de leur
félicité. (He 11.) Et comme nous qui
sommes au Christ, nous avons été l’objet d’une miséricorde [toute spéciale],
nous espérons recevoir les premiers la récompense, tandis que ceux qui ont
travaillé avant nous ne la recevront qu’après nous: « Appelez les ouvriers, et payez-les en commençant par les
derniers jusqu’aux premiers. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En effet, nous donnons toujours plus volontiers à
ceux qui n’ont aucun droit à notre libéralité; car nous donnons alors en vue de
l’honneur qui nous en revient. Dieu se montre donc juste en donnant aux
saints la récompense qu’il leur a promise, et miséricordieux, en l’accordant
aux Gentils selon ces paroles de saint Paul: « Or, les Gentils doivent glorifier Dieu de la miséricorde qu’il
leur a faite » ; voilà
pourquoi le maître ajoute: « en
commençant par les derniers jusqu’aux premiers. » C’est aussi pour
faire éclater son ineffable miséricorde que Dieu récompense ainsi les
derniers et les moins dignes, avant de récompenser les premiers; car une
miséricorde infinie n’examine pas l’ordre et le rang des personnes. —
Saint Augustin : (de l’esprit et de la lettre, chap. 24.) Ou
bien, les moins dignes ou les derniers se trouvent les premiers, parce qu’ils
ont attendu moins longtemps leur récompense. Suite : « Ceux donc qui n’étaient venus qu’à la onzième heure s’étant
approchés, etc... » —
Saint Grégoire le Grand : Les ouvriers qui n’avaient
travaillé qu’à la onzième heure reçurent pour salaire, comme ceux qui avaient
commencé à la première heure, le même denier qu’ils avaient ardemment désiré;
parce que, en effet, ceux qui se sont convertis à Dieu à la fin du monde ont
reçu la même récompense, la même vie éternelle que ceux qui avaient été
appelés dès le commencement du monde. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Or, il n’y a en cela aucune
injustice, car que fait à celui qui a vécu dès les premiers jours du monde,
et qui n’a pas dépassé le temps qui lui était marqué, que le monde ait
continué à exister après lui ? Et quant à ceux qui naissent à la fin des
temps, ils ne vivent pas moins que le nombre de jours qui leur a été assigné.
A quoi cela servirait-il pour le compte de leurs peines, si le monde venait à
finir aussitôt, puisqu’ils doivent achever leur tâche avant la fin du monde ?
D’ailleurs, il ne dépend pas de l’homme, mais de la puissance divine, de
naître plus tôt ou plus tard; celui qui est né en premier lieu ne doit pas
revendiquer la première place ou l’honneur d’être le premier, et celui qui
n’est venu qu’après ne doit pas être considéré comme étant d’un mérite
inférieur. « Et en recevant ce
denier, ils murmuraient contre le père de famille, et disaient, etc... »
Mais s’il est vrai, comme nous venons de le dire, que les premiers et les
derniers aient vécu chacun leur temps, ni plus ni moins, et que la mort ait
été pour les uns comme pour les autres la consommation de leur destinée,
pourquoi donc les premiers disent-ils: « Nous
avons porté le poids du jour et de la chaleur ? » C’est que
nous avons besoin d’une plus grande force pour pratiquer la justice, nous qui
savons que la fin du monde approche. Aussi est-ce pour nous armer d’un
nouveau courage que le Christ disait: « Le
royaume des cieux est proche. » Au contraire, c’était pour ceux qui
ont vécu les premiers une occasion de tiédeur, de savoir que le monde devait
durer longtemps encore, et bien que leur vie n’ait pas égalé la durée du
monde, ils paraissent cependant en avoir supporté toutes les incommodités. Ou
bien, « le poids du jour » ce sont les commandements pesants de la
loi; « la chaleur, » c’est la tentation brûlante de l’erreur
qu’allumaient en eux les esprit de malice en les excitant à la jalousie
contre les Gentils. Les Gentils, au contraire, en embrassant la foi
chrétienne, n’ont pas été soumis à ces difficultés, et ont été entièrement
sauvés par la grâce qui résume tout dans son mystérieux travail. —
Saint Grégoire le Grand : Ou bien encore: « porter le poids du jour et de la
chaleur », c’est pendant toute la durée d’une longue vie, supporter
les fatigues d’une lutte continuelle contre les ardeurs de la chair. Mais on
peut se demander : comment donc expliquer les murmures dans ceux qui
sont appelés à entrer dans le royaume des cieux ? Car quiconque murmure
ne peut y entrer, comme aucun de ceux qui le reçoivent pour récompense, ne
peut se laisser aller aux murmures. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
64.) On ne doit point chercher à concilier
exactement tous les détails d’une parabole avec l’ensemble du récit, mais
bien comprendre la fin que l’auteur s’y est proposée, et ne pas aller au
delà. L’intention du Seigneur n’est donc pas ici de nous montrer ceux qui
étaient les premiers atteints d’une violente jalousie, mais de nous faire
voir les derniers en possession d’une gloire si grande qu’elle était capable
d’inspirer aux autres de l’envie. —
Saint Grégoire le Grand : Ou bien encore, les
anciens patriarches, quelle que fût d’ailleurs leur justice, n’ayant pu
entrer dans le royaume des cieux avant l’avènement du Seigneur, se laissent
en quelque sorte aller aux murmures. Nous, au contraire, qui sommes venus à
la onzième heure, nous ne murmurons pas après notre travail, parce qu’étant
venus dans le monde après l’avènement du Médiateur, nous entrons dans le
royaume des cieux aussitôt que nous sommes sortis de notre corps. —
Saint Jérôme : Ou bien tout homme qui n’est appelé
qu’après les Gentils leur porte envie et se fait comme un supplice de la
grâce de l’Évangile [qu’ils ont reçue avant lui.] —
Saint Hilaire : (can. 20.) Ce murmure des ouvriers avait
déjà éclaté sous Moise par la bouche insolente de ce peuple opiniâtre. Suite : « Mais il répondit à l’un d’eux: Mon ami, je ne vous fais point
de tort. » —
Saint Rémi : Dans ce seul homme auquel il s’adresse,
on peut voir tous ceux d’entre les Juifs qui ont cru en Jésus-Christ et à qui
le Seigneur donne le nom d’amis à cause de la foi qu’ils ont embrassée. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ils se plaignaient non pas
d’avoir, été frustrés du salaire qui leur était dû, mais de ce que les autres
recevaient, à leur avis, plus qu’ils ne méritaient. C’est ainsi que les
envieux s’attristent du bien que l’on fait à un autre, comme si l’on
diminuait par là celui qu’ils possèdent, preuve évidente que l’envie vient de
la vaine gloire; car on ne se plaint d’être le second que parce qu’on a
désiré être le premier, et c’est ce mouvement d’envie que le Seigneur combat
par ces paroles: « Est-ce que vous
n’êtes pas convenu d’un denier avec moi ? » —
Saint Jérôme : Le denier porte l’effigie du roi;
vous avez donc reçu le salaire que je vous avais promis, c’est-à-dire mon
image et ma ressemblance. Que demandez-vous de plus ? Ce que vous
désirez, ce n’est pas de recevoir davantage, c’est que l’autre ne reçoive
rien du tout: « Prenez ce qui vous
appartient, et allez-vous-en. » —
Saint Rémi : C’est-à-dire, recevez votre récompense
et entrez dans la gloire: « Je
veux donner à ce dernier venu, » au peuple gentil, « autant qu’à vous », comme
il le mérite. — Origène : Peut-être est-ce à
Adam que s’adressent ces paroles: « Mon
ami, je ne vous fais pas tort: est-ce que vous n’êtes pas convenu d’un denier
avec moi ? Prenez ce qui vous
appartient, et allez-vous-en »; le denier, c’est-à-dire le salut,
vous est acquis. « Pour moi, je
veux donner à ce dernier autant qu’à vous. » On peut, avec assez de
vraisemblance, voir dans cet ouvrier, venu le dernier, l’apôtre saint Paul,
qui n’a travaillé qu’une heure, et qui cependant a travaillé de la même
manière que tous ceux qui ont vécu avant lui (1 Co 15, 9 ?). —
Saint Augustin : (De la Virgin., chap. 26.) La vie éternelle
sera accordée également à tous les saints, ainsi que le figure ce denier
donné à tous comme la récompense commune de leur travail. Mais comme dans la
vie éternelle les mérites des saints brilleront d’un éclat différent, il y a
aussi plusieurs demeures dans la maison du Père céleste. Si donc le denier,
qui est le même pour tous, signifie que la vie éternelle sera égale en durée
pour tous les saints dans le ciel, le grand nombre de demeures différentes
prouve que la gloire sera plus éclatante pour les uns que pour les autres. —
Saint Grégoire le Grand : Comme nous n’entrons dans
le royaume des cieux que par un effet du bon vouloir de Dieu, le Seigneur
ajoute avec raison: « Ne m’est-il
donc pas permis de faire ce que je veux ? » C’est un acte de
folie de la part de l’homme, de murmurer contre la volonté de Dieu. Il aurait
lieu de se plaindre non pas si Dieu donnait ce qu’il ne doit pas donner, mais si Dieu ne donnait point ce qu’il
doit C’est ce que le Maître exprime en termes clairs: « Est-ce que votre oeil est mauvais parce que je suis
bon ? » —
Saint Rémi : L’oeil signifie ici l’intention; les
Juifs avaient un oeil mauvais, c’est-à-dire une intention vicieuse, parce
qu’ils s’attristaient du salut des Gentils. Les paroles qui suivent: « Ainsi les premiers seront les
derniers, et les derniers seront les premiers » nous font connaître
le but de cette parabole, qui est de nous apprendre que les Juifs ont passé
de la tête, où ils étaient, à la queue, tandis que nous, placés à cette
extrémité, nous sommes devenus la tête. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien Notre Seigneur
déclare que les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers,
non pour donner aux derniers la prééminence sur les premiers, mais pour nous
apprendre que l’époque différente de leur vocation n’a établi entre eux
aucune différence, et qu’ils sont, sous ce rapport, parfaitement égaux. Quant
aux paroles qui terminent: « Il y
en a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus », elles se rapportent, non
pas aux saints dont il vient d’être question, mais aux Gentils, parmi
lesquels, en effet, beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. —
Saint Grégoire le Grand : Il en est beaucoup, en
effet, qui embrassent la foi, mais il en est peu qui parviennent jusqu’au
royaume des cieux, car la plupart font profession de suivre Dieu et
s’éloignent de lui par leurs moeurs. Nous devons donc faire ici deux
réflexions: la première, c’est que personne ne doit se laisser aller à la
présomption, car bien qu’il soit appelé à la foi, il ne sait pas s’il sera du
nombre des élus qui entreront en possession du royaume; la seconde, c’est
qu’il ne faut jamais désespérer de son prochain quand on le voit croupir dans
le vice, car nous ne connaissons pas les trésors de la miséricorde divine. Ou bien, dans un autre sens, notre
matin, c’est notre enfance; la troisième heure, c’est l’adolescence ou la
chaleur de l’âge qui se développe et qui est comme le soleil qui s’élève dans
les hauteurs des cieux. La sixième heure, c’est la jeunesse, alors que la
plénitude de la force s’établit en l’homme, comme le soleil qui semble se
fixer au milieu du firmament. La neuvième heure est comme la vieillesse dans
laquelle l’âge descend tous les jours des hauteurs brûlantes de la jeunesse,
comme le soleil qui descend des points élevés du ciel. La onzième heure,
c’est l’âge de la caducité et de la décrépitude. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
64.) Le père de famille n’a pas loué tous ses
ouvriers à la même heure, mais les uns le matin, les autres à la troisième
heure et ainsi de tous ceux qui suivent; mais la cause en est dans les
différentes dispositions de leur âme; car le Seigneur les appelle lorsqu’ils
sont prêts à lui obéir; c’est ainsi qu’il appela le larron au moment où il
prévoyait qu’il répondrait à sa vocation. Il est vrai que ces ouvriers
disent: « Personne ne nous a
loués » ; mais, comme
nous l’avons dit, il ne faut pas chercher la raison de toutes les
circonstances des paraboles. D’ailleurs, ces paroles ne viennent pas du père
de famille, mais des ouvriers; et quant à Dieu, au contraire, il appelle tous
les hommes dès le premier âge de la vie, comme le prouvent ces paroles: « Il sortit de grand matin pour louer
des ouvriers. » —
Saint Grégoire le Grand : Ceux donc qui ont tardé
jusqu’au dernier âge à vivre pour Dieu, sont ceux qui se tiennent dans
l’oisiveté jusqu’à la onzième heure, et cependant le père de famille ne
laisse pas de les appeler, et souvent il les récompense les premiers, parce
qu’ils sortent de cette vie pour entrer dans l’éternité avant ceux qui ont
été appelés dès leur première enfance. — Origène : Or, ces paroles: « Pourquoi demeurez-vous ainsi tout
le jour sans travailler ? » ne s’adressent pas à ceux qui,
après avoir commencé par l’esprit, finissent par la chair (Ga 3), s’ils veulent revenir plus
tard à la vie de l’esprit. En parlant ainsi, notre intention n’est pas de
détourner ces enfants voluptueux, qui ont dissipé toute la richesse de la
doctrine évangélique en vivant dans la débauche, de revenir dans la maison
paternelle; nous voulons simplement dire qu’on ne peut nullement les comparer
à, ceux qui ont péché dans leur jeunesse avant d’avoir reçu les enseignements
de la foi. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 64.) Jésus termine en disant: « Les derniers seront les premiers et les premiers les derniers, » et il fait ici allusion indirecte tant à ceux qui, après avoir brillé d’abord d’un vif éclat, ont ensuite méprisé les leçons de la vertu, qu’aux autres, qui, ramenés des sentiers du vice, se sont élevés au-dessus d’un grand nombre [par la sainteté de leur vie]. Cette parabole a donc été composée pour exciter l’ardeur de ceux qui ne se sont convertis que dans leur extrême vieillesse, et les délivrer de la crainte de recevoir une récompense moins grande que les autres. |
Lectio 2 [85541] Catena in Mt.,
cap. Origenes in Matth. In duodecim adhuc erat et
Iudas: adhuc enim forsitan dignus erat cum aliis seorsum audire quae passurus
erat magister. Chrysostomus super Matth. Omnis autem salus
hominum in Christi morte posita est, nec est aliquid propter quod magis Deo
gratias agere debeamus quam propter mortem ipsius. Ideo duodecim apostolis in secreto mortis suae annuntiavit mysterium;
quia semper pretiosior thesaurus in melioribus vasis includitur. Si autem
alii audissent passionem Christi futuram, viri forsitan turbarentur propter
infirmitatem fidei, et mulieres propter mollitiem suae naturae, ex qua in
tali negotio ad lacrymas excitantur. Chrysostomus in Matth. Dictum est
quidem, et ad multos, tamen occulte sicut ibi: solvite templum hoc; et supra:
signum non dabitur ei nisi signum Ionae prophetae. Discipulis
autem manifeste exposuit dicens ecce ascendimus Hierosolymam. Chrysostomus super Matth. Quod dicit ecce, constantiae sermo est, ut memoriam praesentiae huius
in cordibus recondant. Dicit autem ascendimus; ac si dicat: videte quia
voluntarie vado ad mortem. Cum ergo videritis me in cruce pendentem, ne
aestimetis me hominem esse tantum: nam etsi posse mori, hominis est, velle
tamen mori, hominis non est. Origenes. Hoc igitur considerantes, scire
debemus quoniam frequenter, etiam cognoscentes quoniam et tentationes aliquas
subituri sumus, nos ipsos offerre debemus. Sed supra dictum est: si quis vos
persecutus fuerit in una civitate, fugite in aliam: sapientis in Christo est
ut cognoscat quale tempus exigit declinationem, quale autem obviationem
periculorum. Hieronymus. Crebro autem de passione sua
discipulis dixerat; sed quia multis in medio disputationis poterat labi de
memoria quod audierant, iturus Hierosolymam et secum ducturus apostolos, ad
tentationem eos parat, ne cum venerit persecutio, et crucis ignominia,
scandalizentur. Chrysostomus super Matth. Tribulatio enim cum
supervenerit expectantibus nobis, levior invenitur quam esset futura si
repentina venisset. Chrysostomus in Matth. Praedicit etiam eis, ut
discant quoniam praescius ad passionem venit et volens. Sed a principio
quidem mortem praedixit eis solam; quando autem exercitati sunt, adducit
alia, scilicet quoniam tradent eum gentibus. Rabanus. Tradidit enim Iudas dominum Iudaeis,
et ipsi tradiderunt eum gentibus, idest Pilato, et potestati Romanorum. Ideo
autem dominus in mundo noluit prosperari, sed gravia pati, ut ostenderet nobis,
qui per delectationem cecidimus, cum qua amaritudine redire debeamus; unde
sequitur ad illudendum et flagellandum et crucifigendum. Augustinus de Civ. Dei. Passione ostendit quid
sustinere pro veritate, resurrectione quid sperare in Trinitate debeamus:
unde dicitur et tertia die resurget. Chrysostomus in Matth. Quae quidem huius
gratia dixit, ut cum tristia viderint, resurrectionem expectarent: unde
subdit et tertia die resurget. Augustinus de Trin. Una enim mors, scilicet
salvatoris secundum corpus, duabus mortibus nostris saluti fuit, scilicet
animae et corporis; et una eius resurrectio duas nobis resurrectiones
praestitit. Haec autem ratio simpli ad duplum, oritur quidem a ternario
numero, unum quippe et duo tria sunt. Origenes in Matth. Hic autem non referuntur
discipuli dixisse aut fecisse aliquid, cum audissent tristia haec Christo
futura, recordantes quae dominus dixit ad Petrum, ne audiant talia vel
peiora. Et nunc quidem qui divinas litteras scire se arbitrantur Scribae
condemnant Iesum morte, et in linguis suis flagellant et crucifigunt eum per
hoc quod tollere volunt doctrinam ipsius; ille autem paululum deficiens,
surgit apparens his qui acceperunt posse videre. |
Versets 17-19.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 65.) Notre Seigneur, en quittant la Galilée, ne monta pas
immédiatement à Jérusalem; mais il opéra d’abord un grand nombre de miracles,
confondit les pharisiens, donna à ses disciples les leçons de la perfection
chrétienne et leur fit connaître la récompense [qui lui était réservée].
Maintenant qu’il est sur le point de se rendre à Jérusalem, il leur parle de
nouveau de sa passion: « Et Jésus,
s’en allant à Jérusalem, prit en particulier les douze. » — Origène : (Traité 11 sur S. Matth.) Judas se trouvait
encore au nombre des douze Apôtres, car il était peut-être encore digne
d’apprendre en particulier avec les autres ce que son maître devait souffrir. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le salut des hommes repose
tout entier dans la mort de Jésus-Christ, et cette mort doit être le premier
et le plus digne sujet de nos actions de grâces. Le Seigneur annonce en
secret à ses Apôtres le mystère de sa passion, parce que c’est dans les
meilleurs vases qu’on renferme les plus précieux trésors. Si d’autres avaient
entendu prédire la passion du Christ, il est probable que cette prédiction
aurait troublé les hommes à cause de l’imperfection de leur foi, et les
femmes par suite de la faiblesse naturelle à leur sexe, faiblesse qui leur
fait verser des larmes dans de semblables circonstances. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65.) Le Seigneur a parlé aussi de ce
mystère à la foule; mais c’est d’une manière voilée, comme dans ces paroles: « Détruisez ce temple » (Jn 2); et dans ces autres: « Il ne leur sera pas donné d’autre
signe que celui du prophète Jonas. » (Mt 12.) Au contraire, il en parle clairement à ses disciples: « Voici que nous allons à Jérusalem. »
—
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Cette expression: « Voici » marque l’intention
formelle que les disciples gardent dans leurs cœurs le souvenir de cette
prédiction. « Voici que nous
allons à Jérusalem », c’est-à-dire: Remarquez que c’est
volontairement que je vais à la mort, et, lorsque vous me verrez suspendu à
la croix, gardez-vous de croire que je ne sois qu’un homme ; car,
s’il est dans la nature de l’homme de mourir, il n’est point dans sa nature
de vouloir marcher de lui-même à la mort. — Origène : Cet exemple doit
nous apprendre, à nous qui connaissons bien souvent les épreuves qui nous
attendent, que nous devons nous-mêmes nous offrir au danger; mais, comme le Seigneur
nous dit ailleurs: « Lorsqu’on
vous poursuivra dans une ville, fuyez dans une autre », celui qui
est sage en Jésus-Christ doit discerner le temps où il doit aller au-devant
de la persécution et celui où il peut la fuir. —
Saint Jérôme : Bien souvent il avait parlé à ses
disciples de sa passion; mais comme les entretiens nombreux qu’il avait eus
avec eux sur d’autres sujets avaient pu leur faire oublier ce qu’il leur en
avait dit, avant d’aller à Jérusalem et d’y amener les apôtres avec lui, il
les prépare à cette grande épreuve, pour qu’il ne soient pas scandalisés
lorsqu’ils seraient eu présence de la persécution et de l’ignominie de la
croix. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) En effet, lorsque la
tentation nous trouve préparés, elle nous paraît bien plus légère que si elle
nous avait surpris tout d’un coup. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65.) Il leur fait encore cette
prédiction pour leur apprendre que c’est après l’avoir prévu, après l’avoir
voulu, qu’il endurera les souffrances de sa passion. Mais tandis qu’au
commencement il ne leur avait prédit que sa mort seule, lorsqu’il les trouve
bien préparés, il va plus loin et leur annonce qu’il sera livré aux Gentils. — Raban : En effet, Judas livra
Jésus aux Juifs, et ceux-ci à leur tour le livrèrent aux Gentils,
c'est-à-dire à Pilate et au pouvoir des Romains. Donc le Seigneur ne voulut
point des prospérités de ce monde, mais il leur préféra les souffrances, pour
nous apprendre, à nous dont la chute avait eu pour cause l’attrait du
plaisir, par quelles amertumes nous pourrions nous relever; c’est pour cela
qu’il ajoute: « afin qu’ils le
traitent avec dérision, qu’ils le fouettent et le crucifient. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 18, 49.) Par sa passion, il
nous enseigne ce que nous devons souffrir pour la vérité, et par sa
résurrection ce que nous devons espérer dans l’éternité: « Et le troisième jour, il ressuscitera. » —
Saint Jean Chrysostome : (homélie 66.) Il s’exprime de la sorte pour
que, quand ils verront des événements tristes, ils espèrent voir venir la
résurrection: « Il ressuscitera le
troisième jour. » —
Saint Augustin : (De la Trinité, 4, 3.4.) Une seule mort,
celle du Sauveur selon le corps, nous a sauvés de deux morts, celle de l’âme
et celle du corps ; et sa seule résurrection a été pour nous le principe
de deux résurrections différentes. Or, cette relation d’un à deux vient du
nombre trois, qui se compose de ces deux premiers nombres. — Origène : Nous ne voyons pas que les disciples aient rien dit ou rien fait en entendant cette triste révélation des souffrances de Jésus-Christ; ils se rappelaient les paroles du Seigneur à Pierre, et ils craignaient de s’attirer un semblable et peut-être plus sévère reproche. Et maintenant, voici que les scribes, qui se flattent de connaître les saintes Écritures, condamnent Jésus à mort et le flagellent par leurs accusations, et ils le crucifient pour faire disparaître sa doctrine; mais après avoir paru succomber un instant, il se relève et apparaît à ceux qui ont reçu le pouvoir de le reconnaître. |
Lectio 3 [85542] Catena in Mt., cap. 20 l. 3 Hieronymus.
Quia post omnia dixerat dominus et tertia die resurget, putavit mulier
post resurrectionem illico regnaturum; et aviditate feminea praesentia cupit,
immemor futurorum: unde dicitur tunc accessit ad eum mater filiorum Zebedaei
cum filiis suis. Chrysostomus super Matth. Haec mater filiorum
Zebedaei est Salome, cuius apud alterum Evangelistam ponitur nomen; vere
pacifica, quae vere filios genuit pacis. Magna laus mulieris ex hoc loco
colligitur: quia non solum filii reliquerunt patrem, sed ipsa reliquerat
virum suum et secuta fuerat Christum: quia ille sine ista vivere poterat,
ista autem sine Christo salva esse non poterat; nisi forte quis dicat, quia
intra tempus vocationis apostolorum et passionis Christi mortuus est
Zebedaeus; et sic illa sexu fragilis, aetate defecta, Christi vestigia
sequebatur: quia fides nunquam senescit et religio fatigationem non sentit.
Audacem autem fecerat eam ad petendum naturae affectus; unde dicitur adorans
et petens aliquid ab eo: idest, reverentia exhibita petit, ut quod petierit
sibi detur. Sequitur qui dixit ei: quid vis? Non interrogat quasi nesciens;
sed ut illa exponente, manifestum faceret irrationabilem esse petitionem:
unde subditur ait illi: dic ut sedeant hi duo filii. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem hic per
matrem dictum esse Matthaeus expressit, Marcus ipsos filios Zebedaei perhibet
dixisse, cum illa illorum voluntatem attulisset ad dominum; unde magis ipsos
quam illam dixisse quod dictum est, Marcus breviter intimavit. Chrysostomus in Matth. Videbant enim seipsos
honoratos prae aliis, et audierant quod super duodecim thronos sedebitis,
unde primatum ipsius cathedrae petebant accipere. Et quod quidem plus alii
honoris apud Christum habebant, noverant; timebant vero Petrum sibi
praeferri; unde et alius Evangelista dicit, quod quia prope erant Ierusalem,
putabant quod regnum Dei esset in ianuis, idest aliquid sensibile. Unde
manifestum est quod nihil spiritale petebant, nec intelligentiam superioris
regni habebant. Origenes in Matth. Si enim in regno mundiali
in honore esse videntur qui sedent cum rege, non fuit mirum si mulier
muliebri simplicitate vel imperitia talia se debere petere aestimavit; et
ipsi fratres adhuc imperfecti, et nihil altius cogitantes de regno Christi,
talia arbitrati sunt de his sedebunt cum Iesu. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Non
dicimus quod recte peteret haec mulier; sed hoc dicimus, quia non terrena,
sed caelestia filiis suis optabat: non enim sentit sicut ceterae matres, quae
corpora natorum suorum amant, animas autem contemnunt: desiderant illos
valere in saeculo isto, et non curant quid sint passuri in illo, ut ostendant
quia corporum sunt parentes, non animarum. Aestimo autem quod hi fratres cum
audissent dominum de passione ac resurrectione sua prophetantem, coeperunt
dicere intra se, cum essent fideles: ecce rex caelestis descendit ad regna
Tartarea, ut regem mortis destruat. Cum autem victoria fuerit consummata,
quid aliud restat nisi ut regni gloria subsequatur? Origenes. Destructo enim peccato, quod
regnabat in corporibus mortalibus hominum, et omni principatu malignarum
virtutum, eminentiam regni in hominibus Christus recipit; quod est ipsum
sedere in sede gloriae suae. Quod autem omnia Deus facit ad dexteram et
sinistram, hoc est ut iam nullum malum sit ante eum: et qui quidem
praecellunt prae ceteris appropinquantibus Christo, sunt a dextris eius; qui
autem inferiores sunt, a sinistris sunt eius. Dexteram autem Christi vide si
potes intelligere invisibilem creaturam; sinistram autem visibilem et
corporalem. Appropinquantium enim Christo quidam dexteram sortiuntur, ut
intelligibilia; alii sinistram, ut sensibilia. Chrysostomus super Matth. Qui autem seipsum
donavit hominibus, quomodo regni sui societatem non donabit? Petentis
negligentia reprehenditur, ubi de dantis misericordia non dubitatur. Si nos
rogamus magistrum, forsitan ceterorum fratrum corda concutimus: etsi enim
vinci a carne non possunt, quasi iam spiritales, tamen percuti possunt, quasi
adhuc carnales. Ergo submittamus matrem
nostram, ut suo nomine deprecetur pro nobis. Si
enim reprehensibilis inventa fuerit, facile merebitur veniam; ipse enim sexus
excusat errorem. Si autem non fuerit importuna, facilius impetrabit mater pro
filiis suis rogans. Ipse enim dominus, qui maternos animos filiorum
miseratione implevit, facilius audiet maternum affectum. Tunc dominus occultorum cognitor non ad verba intercedentis mulieris
respondit, sed ad consilia suggerentium filiorum. Bonum quidem erat eorum
desiderium, sed inconsiderata petitio; ideo etsi impetrare non debebant,
simplicitas tamen petitionis eorum confundi non merebatur, quia de amore
domini talis petitio nascebatur: propterea ignorantiam in eis dominus
reprehendit: unde sequitur respondens autem Iesus dixit: nescitis quid
petatis. Hieronymus. Nec mirum si ista arguatur
imperitiae, cum et de Petro dicatur: nesciens quid diceret. Chrysostomus super Matth. Nam frequenter
dominus patitur discipulos suos aliquid non recte aut dicere, aut agere, aut
cogitare, ut ex illorum culpa occasionem inveniat exponendi regulam pietatis,
sciens quia error eorum non nocet praesente magistro, et non solum in
praesenti, sed etiam in futuro doctrina eius aedificat. Chrysostomus super Matth. Hoc autem dicit
ostendens quod vel nihil spiritale petebant, vel si novissent quod petebant,
non ausi fuissent tantum quid petere quod superexcedit superiores virtutes.
Hilarius in Matth. Nesciunt etiam quid petant,
quia nihil de gloria apostolorum ambigendum erat: iudicaturos enim eos sermo
superior exposuit. Chrysostomus super Matth. Vel nescitis quid
petatis: quasi dicat: ego vos vocavi ad partem dexteram de sinistra, et vos
vestro consilio curritis ad sinistram. Ideo forsitan per mulierem res
agebatur. Contulit enim se Diabolus ad consueta arma mulierum; ut sicut Adam
per mulierem spoliavit, ita et istos separaret per matrem. Sed iam non
poterat per mulierem perditio introire in sanctos, ex quo de muliere salus
cunctorum processit. Vel ideo dicit nescitis quid petatis: non enim solum
debemus cogitare qualem gloriam consequamur, sed quomodo evadamus ruinam
peccati; quia et in saeculari bello, qui semper de praeda victoriae cogitat,
difficile vincit: ideo petendum erat: da nobis auxilium gratiae tuae, ut omne
malum vincamus. Rabanus. Nesciebant etiam quid peterent: quia
sedem gloriae a domino, quam nondum merebantur, inquirunt. Delectabat eos
culmen honoris; sed prius habebant exercere viam laboris: unde subditur
potestis bibere calicem quem ego bibiturus sum? Hieronymus. Calicem in Scripturis divinis
passionem intelligimus, ut in Psalmo 115, 13: calicem salutaris accipiam;
statimque infert quis iste sit calix: pretiosa in conspectu domini mors
sanctorum eius. Chrysostomus super Matth. Sciebat autem
dominus quia passionem ipsius poterant imitari; sed ideo interrogat, ut omnes
audiamus, quia nemo potest cum Christo regnare, nisi passionem Christi fuerit
imitatus: res enim pretiosa non nisi pretioso pretio comparatur. Passionem
autem domini dicimus non solum persecutionem gentilium, sed omnem violentiam
quam patimur contra peccata certantes. Chrysostomus in Matth. Dicit ergo potestis
bibere? Ac si dicat: vos mihi de honore et coronis loquimini; ego autem vobis
de agonibus et sudoribus: non enim hoc est praemiorum tempus. Ex modo autem
interrogationis eos attrahit: non enim dixit: potestis sanguinem vestrum
effundere? Sed potestis bibere calicem? Deinde addit: quem ego bibiturus sum.
Remigius. Ut ex communione ad ipsum avidiores
fiant. At illi qui iam martyrii libertatem
constantiamque retinebant, bibituros se pollicentur: unde sequitur dicunt ei:
possumus. Chrysostomus super Matth. Vel dicunt hoc non
tam ex fiducia suae fortitudinis quam ex ignorantia: inexpertis enim levis
videtur esse tentatio passionis et mortis. Chrysostomus in Matth. Vel hoc ex desiderio
promittunt. Neque enim hoc dixissent, nisi expectassent audire quod petebant.
Dominus autem eis prophetat magna bona, idest martyrio dignos efficiendos.
Sequitur ait illis: calicem quidem meum bibetis. Origenes in Matth. Non ita respondit Christus:
calicem meum bibere potestis; sed ad futuram eorum perfectionem respiciens,
dixit calicem quidem meum bibetis. Hieronymus. Quaeritur autem quomodo calicem
martyrii filii Zebedaei, Iacobus videlicet et Ioannes, biberint, cum
Scriptura narret Iacobum tantum apostolum ab Herode capite truncatum, Ioannes
autem propria morte vitam finierit. Sed si legimus in ecclesiastica historia,
quod ipse Ioannes propter martyrium sit missus in ferventis olei dolium, et
relegatus in Patmos insulam sit, videbimus martyrio animum non defuisse; et
bibisse Ioannem calicem confessionis, quem et tres pueri in camino ignis
biberunt, licet persecutor non fuderit sanguinem. Hilarius in Matth. Dominus ergo collaudans
eorum fidem ait, martyrio quidem eos secum compati posse; sed laevae eius ac
dexterae assidere aliis a Deo patre fuisse dispositum: unde sequitur sedere
autem ad dexteram meam, et cetera. Et quidem, quantum arbitramur, ita honor
iste aliis est reservatus, quod tamen nec apostoli ab eo erunt alieni, qui in
duodecim patriarcharum sede considentes, Israelem iudicabunt; et quantum
sentire ex ipsis Evangeliis licet, in regno caelorum Moyses et Elias
assidebunt; quibus comitantibus, cum gloriae suae habitu in monte apparuit.
Hieronymus. Sed mihi hoc nequaquam videtur:
sed ideo sedentium in regno caelorum vocabula non dicuntur, ne paucis
nominatis ceteri putarentur exclusi; regnum enim caelorum non est tantum
dantis, sed accipientis. Non enim est personarum acceptio apud Deum; sed
quicumque talem se praebuerit ut regno caelorum dignus fiat, hoc accipiet,
quod non personae, sed vitae paratum est. Si itaque tales estis qui
consequimini regnum caelorum quod pater meus victoribus praeparavit, vos
quoque accipietis illud. Ideo tamen non dixit neque: non sedebitis, ne duos
confunderet; neque: sedebitis, ne ceteros irritaret. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Videtur
invius omnibus esse locus ille, non solum hominibus, sed etiam Angelis: sic
enim praecipuum unigeniti ponit id Paulus dicens: ad quem autem Angelorum
dixit unquam: sede a dextris meis? Dominus ergo non quasi existentibus
quibusdam qui assessuri sunt, sed condescendens interrogantium suspicioni
respondit. Hoc enim unum solum quaerebant prae aliis: stare apud ipsum; sed
dominus respondet: moriemini quidem propter me: non tamen hoc sufficit vos
facere primum ordinem obtinere. Si enim aliquis alius venerit cum martyrio,
ampliorem virtutem possidens, non quia vos amo, illum expellam, et vobis dabo
primatum. Propter hoc autem ut non infirmus ipse ostendatur, non dixit
simpliciter: non est meum dare; sed non est meum vobis dare, sed quibus
paratum est; his scilicet qui ab operibus possunt fieri clari. Remigius. Vel aliter. Non est meum dare vobis,
idest superbis talibus quales vos estis, sed humilibus corde, quibus paratum
est a patre meo. Augustinus de Trin. Vel aliter. Secundum
formam servi discipulis dominus respondet sedere autem ad dexteram meam vel
sinistram, non est meum dare vobis. Quod autem paratum est a patre eius, et
ab ipso filio est paratum, quia et ipse et pater unum sunt. |
Versets 22-23.
— Saint Jérôme : Le
Seigneur venait de terminer son discours en disant: « et il ressuscitera le troisième jour. » Cette femme
s’imagine donc que son règne commencerait aussitôt après sa résurrection, et
avec une vivacité toute féminine, elle veut jouir de ce qu’elle voit déjà
comme présent, sans penser à ce qui doit arriver dans l’avenir: « Alors la mère des enfants de
Zébédée s’approcha de lui avec ses fils. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Cette mère des enfants de
Zébédée est Salomée, dont un autre Évangéliste (Mc 15, 16) nous fait
connaître le nom, femme vraiment pacifique, qui a enfanté les enfants de la
paix. Nous pouvons juger ici de la gloire de cette femme qui, non contente de
voir ses enfants quitter leur père, abandonne elle-même son mari pour suivre
Jésus-Christ; car son mari pouvait vivre sans elle, mais pour elle, elle ne
pouvait obtenir le salut sans Jésus-Christ. A moins qu’on ne dise,
d’ailleurs, que Zébédée était mort dans l’espace de temps qui s’écoula de la
vocation des Apôtres à la passion du Seigneur. C’est donc alors que cette
femme d’un sexe faible et accablée par l’âge, marchait à la suite de
Jésus-Christ; car la foi ne vieillit point, et la piété ne connaît point
la fatigue. L’affection naturelle pour ses enfants lui, donne la hardiesse de
faire au Seigneur une demande. « Elle
l’adora en lui témoignant qu’elle voulait lui demander quelque chose, »
c’est-à-dire elle commence par lui rendre ses hommages pour assurer le succès
de sa demande. « Il lui dit: Que
voulez-vous ? » S’il lui fait cette question, ce n’est point
qu’il ignore ce qu’elle désire, mais il veut lui montrer tout ce que la
demande qu’elle allait lui adresser avait de déraisonnable. « Et elle lui dit: Ordonnez que mes
deux enfants soient assis.» —
Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 64.) Saint Matthieu met dans la bouche
de la mère la demande qui, d’après saint Marc, a été faite par les enfants de
Zébédée eux-mêmes, parce qu’elle n’a été auprès du Seigneur que l’interprète
de leurs désirs, et ainsi saint Marc, pour abréger, affirme que ce sont
eux , plutôt qu’elle, qui firent cette demande. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65.) Ces deux disciples se voyaient
plus honorés que les autres, ils avaient entendu dire au Seigneur: « Vous serez assis sur douze
trônes, » ils demandent donc d’occuper les premiers. Ils savaient
bien qu’ils étaient plus élevés en dignité que les autres auprès de
Jésus-Christ, mais ils craignaient que Pierre n’obtint la primauté sur eux.
Aussi un autre Évangéliste nous rapporte que, comme ils approchaient de
Jérusalem, ils s’imaginaient que le royaume de Dieu allait s’établir,
c’est-à-dire un royaume visible, preuve évidente qu’ils ne demandaient rien
de spirituel, et qu’ils n’avaient aucune idée d’un royaume plus élevé. — Origène : (traité 12 sur S. Matth.) Dans les cours des rois
de la terre, on regarde comme un grand honneur d’être assis près du roi, il
n’est donc pas étonnant que cette femme, dans la simplicité et l’inexpérience
de son sexe, ait cru pouvoir faire au Seigneur une semblable demande. Les
deux enfants eux-mêmes, qui étaient encore bien imparfaits, et n’avaient pas
des pensées fort élevées du règne du Christ, partagèrent les idées de leur
mère sur la destinée de ceux qui seront assis avec Jésus. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien dans un autre sens,
nous ne prétendons pas que la demande de cette femme soit légitime, mais nous
disons qu’elle désirait pour ses enfants, non pas les biens de la terre, mais
les biens du ciel. Elle ne partageait pas les sentiments des autres mères,
qui aiment le corps de leurs enfants, et ne font aucun cas de leur âme, et
qui désirent les voir réussir et prospérer en ce monde, sans avoir aucun
souci de ce qu’ils auront à souffrir dans l’autre; elles montrent ainsi
qu’elles sont les mères des corps, mais non des âmes de leurs enfants. Je
pense donc que ces deux frères ayant entendu le Seigneur prédire sa passion
et sa résurrection, se dirent en eux-mêmes dans le sentiment de foi qui les
animait: voici que le roi du ciel va descendre dans le royaume des enfers
pour détruire l’empire de la mort; lorsque sa victoire sera consommée, que
lui restera-t-il, que de recevoir la gloire de la royauté ? — Origène : C’est, en effet,
après qu’il a détruit le péché qui régnait dans nos corps mortels et toute la
puissance des esprits de malice, que Jésus-Christ reçoit parmi les hommes les
honneurs de la souveraineté, ce qui est pour lui s’asseoir sur le trône de sa
gloire. Dieu agit en toute puissance à sa droite et à sa gauche, en ne
souffrant aucun mal en sa présence. Parmi ceux qui s’approchent de
Jésus-Christ, ceux qui sont les plus élevés, sont à sa droite; ceux qui sont
au-dessous, sont à sa gauche. Par la droite du Christ, peut-être peut-on
comprendre toute créature invisible; et par la gauche toute créature visible
et corporelle. Dans le nombre de ceux qui s’approchent du Christ, les uns
prennent la droite, c’est-à-dire les choses intelligibles, les autres la
gauche, c’est-à-dire les choses sensibles. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Comment celui qui s’est donné lui-même aux hommes, pourrait-il ne pas
leur donner part à la gloire de son royaume ? La négligence de celui qui
prie est donc seule coupable, là où la miséricorde de celui qui donne ne peut
être mise en doute. [Les deux frères se dirent probablement à eux-mêmes]: Si
nous nous adressons directement au maître, peut-être notre démarche fera
mauvaise impression sur l’âme de nos frères; car bien qu’ils ne puissent être
vaincus par une jalousie toute charnelle, régénérés qu’ils sont par l’esprit,
cependant ils peuvent encore y être accessibles dans ce qui reste en eux de
charnel. Envoyons donc notre mère à notre place, elle priera pour nous en son
nom; si l’on trouve sa démarche répréhensible, elle en obtiendra facilement
le pardon, car son sexe excuse son erreur; si au contraire, elle n’est pas
importune, elle obtiendra plus facilement ce qu’elle demande pour ses
enfants; car le Seigneur, qui a rempli le cœur des mères d’amour pour leurs
enfants, exaucera plus facilement une prière inspirée par l’affection
maternelle. Voilà pourquoi le Seigneur, qui connaît le secret des cœurs, ne
répond pas à la prière que cette femme lui adresse, mais à la pensée de ses
enfants qui la lui avaient dictée. Car si leur désir était bon, leur demande
était inconsidérée. Et, toutefois, bien que leur prière ne dût pas être exaucée,
elle ne méritait pas d’être humiliée, parce qu’elle avait pour principe un
grand amour du Seigneur. Aussi ne les réprimande-t-il que de leur ignorance: « Mais Jésus répondit: Vous ne savez
ce que vous demandez. » —
Saint Jérôme : Il n’est pas étonnant que le Seigneur
les reprenne de leur ignorance, puisqu’il est dit de Pierre lui-même: « Il ne savait pas ce qu’il
disait. » (Lc 9.) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. sur S. Matth.) Souvent, en effet, le
Seigneur permet que ses disciples disent, fassent ou pensent des choses
répréhensibles, pour y trouver l’occasion d’expliquer les règles de la vie
chrétienne; car il sait que leur erreur ne peut leur nuire tant que leur
maître est avec eux, et la doctrine qu’il leur expose devient une source
d’édification, non seulement dans le présent, mais pour l’avenir. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 66.) Or, en s’exprimant de la sorte,
il leur fait comprendre qu’ils ne demandent rien de spirituel, et que s’ils
avaient su ce qu’ils demandaient, jamais ils n’auraient osé demander quelque
chose dont l’accomplis-sement surpasse le pouvoir des puissances célestes. —
Saint Hilaire : (can. 20.) Ils ne savent encore ce qu’ils
demandent, parce que la gloire réservée aux Apôtres ne pouvait faire l’objet
d’aucune discussion, après qu’il leur avait prédit si clairement qu’ils
devaient juger le monde. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien, « vous ne savez ce que vous demandez », c’est-à-dire:
Je vous ai appelés à ma droite de la gauche où vous étiez (cf. Mt 25, 33), et
vous, de votre propre choix, vous vous hâtez de repasser à la gauche. Aussi
est-ce pour cela, peut-être, que cette demande se négociait par le moyen
d’une femme; le démon recourut à ses armes habituelles, à la femme, pour
séparer ces deux frères de leur maître par la suggestion de leur mère, comme
il avait dépouillé Adam par le moyen de sa femme. Mais la ruine ne pouvait
plus arriver jusqu’aux saints par une femme, depuis que le salut de tous les
hommes était sorti par les mains d’une femme. Ou bien encore, ces paroles: « Vous ne savez ce que vous
demandez », nous apprennent que nous devons penser non seulement à
la gloire que nous voulons obtenir, mais à éviter la ruine dont le péché nous
menace. Ainsi dans les guerres qui ont lieu sur la terre, celui qui ne pense
qu’aux dépouilles de la victoire, triomphe difficilement, ils auraient donc
dû faire cette prière: « Donnez-nous le secours de votre grâce, afin que
nous puissions triompher de tout mal. » — Raban : Ils
ne savaient pas encore ce qu’ils demandaient, eux qui voulaient obtenir du
Seigneur le trône de gloire qu’ils n’avaient pas encore mérité. La
perspective d’une si grande gloire avait pour eux de l’attrait, mais il leur
fallait auparavant prendre la voie du travail [qui pouvait seule les y
conduire]; c’est pour cela qu’il ajoute: « Pouvez-vous
boire le calice que moi, je dois boire ? » —
Saint Jérôme : Le mot calice, dans le style des saintes
Écritures, signifie passion, comme dans le Ps 115: « Je prendrai le calice du salut » ; et le
Prophète explique aussitôt quel est ce calice: « La mort de ses saints est précieuse aux yeux de Dieu. ». —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Notre Seigneur savait qu’ils
étaient disposés à le suivre jusque dans ses souffrances, mais il leur fait
cette question pour nous apprendre que personne ne peut régner avec lui sans
avoir participé à sa passion; car un trésor aussi précieux ne peut s’acquérir
à vil prix (cf. 2 Tm 2, 12; Rm 8, 17). Or, la passion du Seigneur,
ce n’est pas seulement la persécution des Gentils, mais toute violence que
nous souffrons en combattant contre le péché. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 66.) Il leur dit donc: « Pouvez-vous boire ? », c’est-à-dire: « Vous me parlez de gloire et de couronnes, et moi je vous parle de combats et de fatigues, car le temps des récompenses n’est pas encore venu. » Par la manière dont il leur fait cette question, il les attire; il ne leur dit pas: Pourrez-vous répandre votre sang ? mais: « Pouvez-vous boire le calice ? » et il ajoute: « que je dois boire », — Saint
Rémi : [référence à vérifier] pour
enflammer plus vivement leurs désirs par ce rapprochement. —
Saint Hilaire : (can. 20.) [référence
à vérifier] Or, les deux disciples qui avaient déjà la liberté et la
constance du martyre, promettent de boire ce calice. « Ils lui dirent: Nous le pouvons. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien ils font cette
réponse moins par confiance dans leur propre force que par ignorance de leur
fragilité; car la tentation de la souffrance et de la mort paraît légère à ceux
qui ne l’ont pas éprouvée. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65.) Ou bien encore, ils promettent de
boire ce calice par le désir qu’ils en ont; car ils n’auraient jamais parlé
de la sorte, si ce qu’ils demandaient n’avait été l’objet de leur attente.
Or, le Seigneur leur prédit des biens du plus grand prix, c’est-à-dire qu’ils
seront rendus dignes de souffrir le martyre. Suite : « Il leur répartit: il est vrai que vous boirez le calice que je
boirai. » Origène
: Jésus-Christ ne leur dit pas: Vous pouvez boire
mon calice, mais les yeux fixés sur la perfection à laquelle ils devaient
atteindre, il leur dit: « Il est
vrai que vous boirez mon calice. » —
Saint Jérôme : On se demande dans quel sens les deux
enfants de Zébédée, Jacques et Jean, ont bu le calice du martyre, puisque
d’après l’Écriture, Jacques seul fut décapité par Hérode (Ac 12), et que Jean mourut de mort naturelle. Mais puisque nous
lisons dans l’histoire ecclésiastique que Jean fut plongé dans une chaudière
d’huile bouillante, et qu’il fut exilé dans l’île de Patmos, nous voyons
qu’il eut vraiment l’esprit du martyre, et qu’il but le calice du confesseur
de la foi, calice que burent aussi les trois enfants dans la fournaise, bien
que leur persécuteur n’ait pas répandu leur sang. — Saint Hilaire : (can.
20.) Notre
Seigneur, tout en louant la foi qui les anime, leur déclare qu’ils seront
associés à ses souffrances, mais que Dieu, son Père, avait disposé en faveur
d’autres de l’honneur de s’asseoir à sa droite et à sa gauche: « Mais pour ce qui est d’être assis à
ma droite et à ma gauche, etc... » Pour autant que nous puissions en
juger, cet honneur n’est pas tellement réservé à d’autres, que les Apôtres
n’y aient point de part, eux qui, assis sur les sièges des patriarches,
jugeront [les douze tribus d’]Israël. Autant que l’Évangile nous permet de le
conclure, nous verrons assis aux côtés du Seigneur Moise et Elie, au milieu
desquels il parut sur la montagne dans tout l’éclat de sa gloire. (Mt 18; Mc 9; Lc 9.) —
Saint Jérôme : Quant à moi, telle n’est pas mon
opinion, mais je pense que le Seigneur ne nomme pas ceux qui seront assis
dans le royaume des cieux, dans la crainte que cette désignation spéciale de
quelques-uns, ne parût une exclusion pour les autres. En effet, la gloire du
royaume des cieux ne dépend pas seulement de celui qui la donne, mais aussi
de celui qui la reçoit; car Dieu ne fait acception de personne, et celui qui
se rendra digne de ce royaume, recevra ce que Dieu a préparé, non pas à la
personne, mais à la vie sainte et pure. Si donc vous vous rendez dignes par
vos vertus de conquérir le royaume des cieux que mon Père a préparé aux
vainqueurs, vous serez vous aussi mis en sa possession. Cependant il ne leur
dit pas: Vous ne serez pas assis à ma droite, pour ne pas les couvrir de confusion,
ni: Vous y serez assis, pour ne pas froisser les autres disciples. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65.) Ou bien dans un autre sens, cette
place est inaccessible pour tous, non seulement aux hommes, mais encore aux
anges; car saint Paul nous déclare en ces termes qu’elle est l’apanage
exclusif du Fils unique: « A qui,
parmi les anges, a-t-il jamais dit: Asseyez-vous à ma droite ? »
C’est donc uniquement par condescendance pour ceux qui l’interrogent, et non
pour établir que quelques-uns des saints seraient assis à ses côtés, qu’il
répond à leur question; car cette seule demande, siéger auprès de Lui, ils la
font, eux plutôt que les autres, car le Seigneur leur répond: « Vous
mourrez, en effet, pour moi, mais cela ne suffit pas pour: que vous obteniez
la première place; car s’il s’en trouve un autre qui joint au martyre une
vertu plus parfaite, mon amour pour vous ne peut aller jusqu’à lui enlever la
première place pour vous la donner. » Mais il ne veut pas que l’on croie
que c’est impuissance de sa part, aussi ne dit-il pas simplement: Ce n’est
point à moi de donner, mais: « Ce
n’est point à moi de vous le donner, cela
est réservé à ceux à qui mon Père l’a préparé », c’est-à-dire à ceux
qui peuvent briller par l’éclat de leurs bonnes oeuvres. —
Saint Rémi : Ou bien encore: « Ce n’est point à
moi de vous le donner, c’est-à-dire de le donner à des orgueilleux comme
vous, mais cela est réservé aux humbles de cœur auxquels mon Père céleste l’a
préparé. » — Saint Augustin : (de la Trinité, 1, 12.) Ou bien enfin, le Seigneur répond à ses disciples comme homme revêtu de la forme de serviteur: « Mais pour ce qui est d’être assis à ma droite, ce n’est point à moi de vous le donner. » Or, ce que le Père a préparé, le Fils l’a également préparé; car le Fils et le Père ne sont qu’un. |
Lectio 4 [85543] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. Non ad mulieris audaciam referunt
postulantis, sed ad filios, quod ignorantes mensuram suam, non modica
cupiditate exarserunt. Chrysostomus in Matth. Intellexerunt enim quia
haec petitio discipulorum fuit, quando eos dominus increpavit. Quando autem
eos a domino praehonoratos viderunt in transfiguratione, etsi secundum mentem
dolebant, in medium efferre non audebant, honorantes doctorem. Chrysostomus super Matth. Sicut autem duo
carnaliter petierunt, ita et decem carnaliter contristati sunt: nam velle
quidem esse super omnes vituperabile est; sustinere autem alium super se
minus est gloriosum. Hieronymus. Humilis autem magister et mitis
nec cupiditatis duos arguit postulantes, nec decem reliquos indignationis
increpat et livoris: unde sequitur Iesus autem vocavit eos ad se. Chrysostomus in Matth. Quia enim turbati
erant, vocatione eos consolatur, de propinquo eis loquendo: etenim duo a
societate decem seipsos separantes, propius stabant, seorsum domino
loquentes; non tamen sicut prius pueros in medium ducens eos consolatur, sed
a contrario inseruit, dicens scitis quia principes gentium dominantur eorum.
Origenes in Matth. Idest, non contenti tantum
regere suos subiectos, sed violenter eis dominari nituntur. Inter vos autem,
qui estis mei, non eunt haec: quoniam sicut omnia carnalia in necessitate
sunt posita, spiritualia autem in voluntate, sic et qui principes sunt
spiritales, principatus eorum in dilectione subditorum debet esse positus,
non in timore corporali. Chrysostomus in Matth. Ostendit autem in
hoc, quod gentilium est primatus cupere; et sic gentium comparatione eorum
animam aestuantem convertit. Chrysostomus super Matth. Et opus quidem
desiderare bonum, bonum est, quia nostrae voluntatis est, et nostra est
merces; primatum autem honoris concupiscere vanitas est: hoc enim consequi,
iudicium Dei est; propter quod ex primatu honoris nescimus si mercedem
iustitiae meremur. Neque enim apostolus laudem habebit apud Deum quia
apostolus fuit; sed si opus apostolatus sui bene implevit: nec apostolus pro
merito suo antecedenti honoratus est ut esset apostolus; sed ad hoc
ministerium aptus est iudicatus secundum motum animae suae. Primatus etiam
fugientem se desiderat, et desiderantem se horret. Conversatio ergo melior
desideranda est, non dignior gradus. Volens ergo dominus, duorum fratrum
Zebedaei et aliorum indignationem extinguere, introducit differentiam inter
principes mundiales et ecclesiasticos, ostendens quia primatus in Christo nec
ab aliquo appetendus est non habente, nec alteri invidendus est habenti; quia
principes mundi ideo sunt ut dominentur minoribus suis, et eos servituti
subiciant et expolient, et usque ad mortem eis utantur ad suam utilitatem et
gloriam: principes autem Ecclesiae fiunt, ut serviant minoribus suis, et
ministrent eis quaecumque acceperunt a Christo; ut suas utilitates negligant,
et illorum procurent, et mori non recusent pro salute inferiorum. Primatum
ergo Ecclesiae concupiscere neque iustum est, neque utile. Nullus sapiens vult
ultro se subicere servituti et periculo tali, ut det rationem pro omni
Ecclesia; nisi forte qui non timet Dei iudicium, abutens primatu suo
ecclesiastico saeculariter, ita ut convertat illum in saecularem. Hieronymus. Denique sui proponit exemplum, ut
si dicta parvipenderent, erubescerent ad opera; unde subdit sicut filius
hominis non venit ministrari, sed ministrare. Origenes in Matth. Nam etsi Angeli et Martha
ministraverunt ei, tamen non ideo venit ut ministretur, sed ut ministret; et
tantum crevit ministrans, ut impleretur quod sequitur: et daret animam suam
redemptionem pro multis, scilicet qui crediderunt in eum: daret, inquam, in
mortem. Sed quoniam solus erat inter mortuos liber et fortior omni potestate
mortis, omnes sequi se volentes liberavit a morte. Ecclesiarum ergo principes
imitari debent Christum accessibilem, et mulieribus loquentem, et pueris
manus imponentem, et discipulis pedes lavantem; ut ipsi similiter faciant
fratribus. Nos autem tales sumus ut etiam principum mundi excedere videamus
superbiam, vel non intelligentes, vel contemnentes mandatum Christi; et
quaerimus sicut reges acies praecedentes, et terribiles nos et accessu
difficiles maxime pauperibus exhibemus, nullam affabilitatem habentes, vel
habere ad nos permittentes. Chrysostomus in Matth. Quantumcumque ergo te
humiliaveris, non poteris tantum descendere quantum dominus tuus. |
Versets 24-28.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 65.) Tant que Jésus-Christ n’a fait qu’exprimer sa volonté [à l’égard
des deux disciples], les autres Apôtres n’éprouvèrent aucun sentiment de
peine; ils ne s’indignent que lorsqu’il les reprend: « et les dix autres ayant entendu, s’indignèrent contre les
deux frères. » —
Saint Hilaire : [référence à vérifier] Ce n’est pas sur la mère qu’ils font retomber la témérité d’une
pareille demande, mais sur les enfants qui, paraissant ignorer ce qu’ils
étaient, se sont laissé dominer par une ambition aussi démesurée. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65.) Ils comprirent que cette demande
venait des deux disciples, quand le Seigneur leur adressa ce reproche.
Jusque-là, lorsqu’ils avaient vu les marques particulières d’honneur qu’il
leur donnait, comme dans sa transfiguration, quelle que fût la peine qu’ils
en ressentaient intérieurement, ils n’osaient pas la faire paraître au
dehors, par respect pour leur Maître. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
La demande des deux disciples avait été toute charnelle, la tristesse des
dix autres fut de même nature, car s’il est blâmable de vouloir s’élever
au-dessus des autres, il est on ne peut plus glorieux d’accepter que d’autres
soient élevés au-dessus de nous. —
Saint Jérôme : Humble et doux, le Maître ne reproche
ni leur ambition aux deux disciples, ni leur indignation jalouse aux dix
autres: « Mais Jésus les appela à
lui. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 66.) Comme il les voit dans le
trouble, il les appelle à lui pour les consoler en leur adressant la parole
de plus près, car les deux frères s’étaient séparés de la société des dix
Apôtres pour se rapprocher du Seigneur et lui parler en particulier. Or, il
apaise les sentiments de leur âme, non plus comme précédemment, en plaçant des
petits enfants au milieu d’eux, mais par un exemple tout opposé: « Vous savez, leur dit-il, que les princes des nations dominent sur
elles. » — Origène : C’est-à-dire: Vous
savez que, non contents de gouverner leurs sujets, ils aspirent à une
domination tyrannique; mais pour vous, qui êtes mes disciples, il n’en sera
pas de la sorte, car, si les choses matérielles sont soumises à la nécessité,
les choses spirituelles dépendent de la volonté. Ceux donc qui sont revêtus
d’une puissance toute spirituelle doivent faire reposer toute leur autorité
sur l’affection de ceux qui leur sont soumis, plutôt que sur la crainte des
châtiments extérieurs. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 66.) Il leur montre en même temps que
c’est le propre des nations idolâtres d’ambitionner la primauté, et par cette
comparaison il apaise l’agitation de leur âme. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est une chose louable de
désirer le travail du ministère, car le travail dépend en partie de notre
volonté, aussi bien que la récompense qui la suit; mais c’est une vanité que
d’ambitionner l’honneur des premières dignités, parce que le fait de les
obtenir dépend du jugement de Dieu. Aussi, quand bien même nous obtiendrions
cet honneur, nous ne savons pas si nous méritons la couronne de justice. En
effet, l’Apôtre ne sera pas trouvé digne d’éloges aux yeux de Dieu pour avoir
été apôtre, mais pour avoir bien rempli les devoirs de l’apostolat; de même
ce n’est pas aux mérites qui ont précédé sa vocation que l’Apôtre doit
l’honneur d’être apôtre; mais il a été jugé digne de ce ministère, d’après
les dispositions de son âme. Disons encore que les premières dignités vont au
devant de ceux qui les fuient, et fuient ceux qui les recherchent. Ce qu’il
faut désirer, ce n’est donc point un rang plus élevé, mais une vie plus
vertueuse. C’est donc pour éteindre l’ambition des deux fils de Zébédée et
l’indignation des autres Apôtres, que le Seigneur établit cette différence
entre les princes du monde et les chefs de l’Église, et il montre ainsi que
le pouvoir ecclésiastique ne doit être ni recherché par celui qui ne l’exerce
pas, ni envié à celui qui en est revêtu. Les princes du monde semblent n’être
établis que pour faire peser leur domination sur leurs inférieurs, les
réduire en servitude, les dépouiller et les exploiter jusqu’à la mort au
profit de leur propre gloire et de leur utilité personnelle. Les princes de
l’Église, au contraire, ne sont placés à sa tête que pour servir leurs
inférieurs, leur distribuer tout ce qu’ils ont reçu de Jésus-Christ, pour
veiller aux intérêts des fidèles au détriment de leurs intérêts personnels,
et ne point reculer devant la mort même pour les sauver. Il n’est donc ni
juste, ni utile de désirer la puissance et les honneurs dans l’Église, car
quel est l’homme tant soit peu sage qui voudrait se soumettre de lui-même à
une si grande servitude et au danger effrayant de rendre compte pour toute
l’Église, à moins qu’il n’ait perdu toute crainte des jugements de Dieu, et
qu’il ne veuille faire un abus indigne de la puissance ecclésiastique en la
transformant en un pouvoir tout séculier ? —
Saint Jérôme : Jésus termine en se proposant comme
exemple pour faire rougir par ses actions ceux que ses paroles laisseraient
insensibles: « Comme le Fils de
l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. » — Origène : Les anges et Marthe
l’ont servi, il est vrai; il n’est cependant pas venu pour être servi, mais
pour servir, et il poussa si loin ce service à l’égard des autres, qu’il
accomplit les paroles suivantes: « et
pour donner sa vie pour la rédemption de plusieurs », qui ont cru en
lui, c'est-à-dire en mourant. Mais comme il a été le seul qui fût libre entre
les morts (Ps 87), et plus fort que
toute la puissance de la mort, il a par là même affranchi de la mort tous
ceux qui ont voulu le suivre. Les princes de l’Église doivent donc imiter
Jésus-Christ qui se rendait accessible, ne dédaignait pas de parler aux
femmes, d’imposer les mains sur les petits enfants, et de laver les pieds à
ses disciples pour les engager à en faire autant à leurs frères. Mais, malgré
cet exemple, nous offrons dans notre conduite le spectacle d’un orgueil qui va
au delà de l’orgueil des princes du monde; car, soit que nous ne voulions pas
comprendre, soit que nous méprisions le précepte de Jésus-Christ, nous
voulons, comme les rois de la terre, nous faire précéder par des gardes, nous
cherchons à nous rendre redoutables et de difficile accès, surtout à l’égard
des pauvres; nous n’avons pour les autres et nous ne voulons pour nous-mêmes
aucune marque d’affabilité. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 66.) Donc, à quelque degré que vous puissiez vous humilier, jamais vous ne descendrez aussi bas que votre Seigneur et votre Dieu. |
Lectio 5 [85544] Catena in Mt.,
cap. 20 l. 5 Chrysostomus super Matth. Sicut
testimonium studiosi agricolae est messis fecunda, ita assidui doctoris est
documentum Ecclesia plena: unde et hic dicitur et egredientibus illis ab
Iericho, secuta est eum turba multa. Neminem labor itineris impedivit, quia
amor spiritualis fatigationem non sentit; neminem possessionum suarum
recordatio retraxit, quia ingrediebantur in possessionem regni caelestis. Vere enim non habet super terram quod amet qui bonum caeleste in
veritate gustaverit. Opportune autem oblati sunt ante faciem
Christi duo caeci, ut apertis oculis quasi testes virtutis ascenderent cum eo
in Ierusalem: unde sequitur et ecce duo caeci. Hi currentium strepitum
audiebant, et personas non videbant, nihil solutum habentes de toto corpore
nisi vocem: et ideo, quia pedibus eum sequi non poterant, voce sequebantur:
unde dicitur audierunt quia Iesus transiret, et clamaverunt dicentes: domine,
miserere nostri, fili David. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem factum
Marcus commemorat; sed de uno caeco factum: quae ita solvitur quaestio: nam
duorum caecorum quos Matthaeus interposuit, unum fuisse in illa civitate
famosissimum, ex hoc satis apparet quod et nomen eius et patris eius Marcus
commemoravit: Barthimaeus enim Timaei filius ex aliqua magna felicitate
deiectus notissimus fuit; qui non solum caecus, verum etiam mendicus sedebat.
Hinc est ergo quod ipsum solum voluit commemorare Marcus, cuius illuminatio
tam claram famam huic miraculo comparavit, quam erat illius nota calamitas.
Lucas vero quamvis omnino eodem modo factum, tamen in alio caeco
intelligendus est par commemorare miraculum. Ille quippe hoc factum dicit,
cum appropinquaret Iericho; alii cum egrederetur ab Iericho. Sequitur turba
autem increpabat eos, ut tacerent. Chrysostomus super Matth. Videbant enim
sordidas vestes, et non considerabant conscientiae claritatem. Ecce fatua
sapientia hominum: existimant enim iniuriam pati magnos, si a pauperibus
honorentur. Quis enim pauper ausus est divitem publice salutare? Hilarius. Vel silentium non causa honoris
exigunt; sed quod acerbe a caecis audiunt quod negabant, scilicet dominum
esse David filium. Origenes in Matth. Vel qui crediderant
increpabant eos, ut non appellarent eum contemptibili nomine filium David,
sed potius dicerent: fili Dei, miserere nostri. Hilarius. Invitabantur autem magis vetiti,
quam compescebantur: fides enim quando vetatur, magis accenditur; et ideo in periculis
secura est, et in securitate periclitatur: unde sequitur at illi magis
clamabant dicentes: miserere nostri, fili David. Primo enim clamabant, quia
caeci erant; secundo magis clamabant, quia vetabantur ad lumen accedere. Chrysostomus in Matth. Christus autem
permittebat eos vetari, ut plus eorum desiderium appareret. Hinc autem disce quoniam, etsi abiecti fuerimus, cum studio accedentes
ad Deum, per nosipsos, assequemur quod petimus. Sequitur
et stetit Iesus, et vocavit eos, et ait: quid vultis ut faciam vobis? Hieronymus. Ideo autem stetit Iesus, quia
caeci quo pergerent ignorabant. Multae foveae erant in Iericho, multae rupes
et praerupta in profundum vergentia; idcirco dominus stat, ut venire possint.
Origenes in Matth. Vel Iesus non pertransit,
sed stat, ut stante eo, non transfluat beneficium; sed quasi de fonte stante
misericordia defluat usque ad eos. Hieronymus. Vocari autem iubet, ne turbae
prohibeant; et interrogat quid velint, ut ex responsione eorum, manifesta
debilitas appareat, et virtus ex remedio cognoscatur. Chrysostomus super Matth. Vel interrogat
propter fidem; ut dum caeci Christum filium Dei confitentur, confundantur
videntes qui eum tantum hominem putant. Dominus quidem Christum vocaverant;
et verum dixerant; sed dicentes filium David, dissipabant quod bene confessi
sunt: nam abusive et homines domini dicuntur; vere autem nemo dominus, nisi
Deus. Cum ergo dicunt domine, fili David, abusive Christum secundum hominem
honorant; si autem solummodo dominum dicerent, deitatem confiterentur; ideo
interrogat: quid vultis? Tunc illi iam non dixerunt: domine, fili David; sed
tantum domine, sequitur enim dicunt illi: domine, ut aperiantur oculi nostri.
Filius enim David caecos illuminare non potest, filius Dei potest. Quamdiu ergo
dixerunt domine, fili David, suspensa est sanitas; mox autem ut dixerunt
domine, infusa est sanitas: sequitur enim misertus autem eorum Iesus tetigit
oculos eorum; et confestim viderunt. Tetigit autem ut homo carnaliter,
sanavit ut Deus. Hieronymus. Praestat enim artifex quod natura
non dederat; aut certe quod debilitas tulerat, misericordia donat. Chrysostomus in Matth. Hi autem sicut ante
donationem fuerunt perseverantes, ita et post donationem non fuerunt ingrati.
Chrysostomus super Matth. Bonum enim munus
obtulerunt Christo sanati: sequitur enim et secuti sunt eum. Hoc enim Deus a
te requirit secundum prophetam, sollicitum te ambulare cum domino Deo tuo.
Hieronymus. Qui ergo in Iericho contracti
sedebant, et clamare tantum noverant, postea sequuntur Iesum non tam pedibus
quam virtutibus. Rabanus. Iericho autem, quae interpretatur
luna, defectum nostrae mutabilitatis significat. Origenes in Matth. Mystice autem Iericho
intelligitur mundus, in quem Christus descendit. Qui autem sunt in Iericho,
exire nesciunt de sapientia mundi, nisi viderint non solum Iesum exeuntem de
Iericho, sed etiam discipulos eius. Haec ergo videntes, secutae sunt eum
turbae multae, mundum et mundana omnia contemnentes, ut Christo duce
ascendant in Ierusalem caelestem. Duos caecos possumus dicere Iudam et
Israel, qui ante Christi adventum caeci fuerunt, quia non videbant verbum
verum, quod erat in lege et prophetis; tamen sedentes secus viam legis et
prophetarum, et secundum carnem tantum intelligentes, clamabant tantum ad eum
qui factus est ex semine David secundum carnem. Hieronymus, vel duos caecos plerique
Pharisaeos et Sadducaeos intelligunt. Vel aliter. Duo caeci sedentes iuxta viam
significant de utroque populo quosdam iam cohaerentes per fidem dispensationi
temporali secundum quam Christus via est, et desiderantes illuminari; idest,
aliquid de verbi aeternitate intelligere: quod transeunte domino impetrare
cupiebant, idest, per meritum fidei, qua creditur filius Dei, et natus homo,
et passus propter nos: per hanc enim dispensationem quasi transit Iesus, quia
actio temporalis est. Oportebat autem ut tantum clamarent donec resistentis
sibi turbae strepitum vincerent; idest, tam perseverando animum intenderent
orando atque pulsando, quousque consuetudinem desideriorum carnalium (quae
tamquam turba obstrepit cognitioni lucem veritatis aeternae videre conanti)
vel ipsam hominum carnalium turbam, studia spiritualia impedientem,
fortissima intensione superarent. Augustinus de Verb. Dom. Bonos enim
Christianos volentes facere praecepta Dei, Christiani mali et tepidi
prohibent; clamant tamen illi non deficientes: cum enim quisque Christianus
coeperit bene vivere mundumque contemnere, in ipsa sui novitate patitur
reprehensores frigidos Christianos; sed si perseveraverit, ipsi iam
obsequentur qui ante prohibebant. Augustinus de quaest. Evang. Itaque audiens
Iesus, qui ait: pulsanti aperietur, stans, eos tangit et illuminat: quia enim
fides incarnationis temporalis ad aeterna intelligenda nos praeparat,
transeunte Iesu admoniti sunt ut illuminarentur, et ab eo stante illuminati
sunt: temporalia enim transeunt, aeterna stant. Chrysostomus super Matth. Quidam
interpretantur duos caecos gentiles: unum ex Cham, alium ex Iaphet: qui secus
viam sedebant, idest iuxta veritatem conversabantur, sed veritatem invenire
non poterant; vel secundum rationem verbi consistentes, quia notitiam verbi
nondum acceperant. Rabanus. Agnita autem fama nominis Christi,
participes eius fieri quaerebant. Contradicebant multi: primo Iudaei, ut in
actibus legimus; deinde etiam gentiles persecutione instabant: nec tamen eos
qui erant ad vitam praeordinati, salute privare volebant. Chrysostomus super Matth. Consequenter autem
gentium oculos mentis tetigit Iesus, dans eis gratiam spiritus sancti; quae
illuminatae secutae sunt eum operibus bonis. Origenes in Matth. Et nos ergo sedentes iuxta
Scripturarum viam, et intelligentes in quibus caeci sumus, si ex affectu
petierimus, tanget oculos animarum nostrarum, et recedet a mentibus nostris
tenebra ignorantiae, ut eum in scientiae lumine sequamur, qui dedit nobis
posse videre propter nihil aliud nisi ut eum sequamur. |
Versets 29-34.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) De même qu’une abondante moisson témoigne en faveur de l’excellent
travail du laboureur, ainsi une nombreuse assemblée est une preuve du zèle de
celui qui enseigne: « Et
lorsqu’ils sortirent de Jéricho, une foule nombreuse le suivit. »
Aucun d’eux ne fut arrêté par les difficultés de la route, car l’amour
spirituel n’est point sujet à la fatigue, aucun d’eux ne fut retenu par la
pensée de ses intérêts temporels, car ils entraient en possession du royaume
des cieux. Celui, en effet, qui a une fois goûté en vérité le bien céleste,
ne trouve plus rien sur la terre qui soit digne de son affection. Or, ces
deux aveugles se rencontrent très à propos sur le passage de Jésus-Christ,
car, après avoir recouvré la vue, ils le suivront à Jérusalem pour rendre
témoignage à sa puissance: « Et
voici que deux aveugles. » Ces deux aveugles entendaient les pas de
ceux qui marchaient, mais ne pouvaient les voir. Ils n’avaient de libre dans
tout leur corps que la voix; et comme ils ne pouvaient se mettre à la suite
du Seigneur avec leurs pieds, ils l’accompagnent de leurs voix: « Et ayant entendu que Jésus
passait, ils se mirent à crier : ‘Seigneur, aie pitié de nous, fils
de David.» —
Saint Augustin : (De l’acc. des Evang., 2, 56.) Saint Marc
raconte ce même fait, mais ne parle que d’un seul aveugle, difficulté dont
voici la solution. Des deux aveugles que saint Matthieu comprend dans son
récit, l’un était très connu dans la ville, et ce qui le prouve, c’est que
saint Marc a cru devoir nous faire connaître son nom et celui de son père. Ce
Bartimée, fils de Timée, était probablement déchu d’une grande fortune et
devait à cette circonstance d’être très connu. Il était non seulement
aveugle, mais encore assis près du chemin comme un mendiant. C’est donc de
celui-là seulement que saint Marc a voulu parler, parce que sa guérison eut
autant d’éclat, par ce miracle, que ses malheurs avaient eu de
retentissement. Quant à Saint Luc, bien qu’il raconte un fait absolument
semblable, il faut admettre qu’il s’agit dans son récit d’un autre aveugle,
qui fut l’objet d’un semblable miracle, car il place sa guérison lorsque
Jésus approchait de Jéricho, tandis que, suivant les autres Évangélistes, les
deux aveugles furent guéris lorsque Jésus sortait de Jéricho. Suite : « Et le peuple les reprenait pour les faire taire. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Ils voyaient les haillons repoussants [dont cet homme était couvert], et,
ne considéraient pas l’éclatante beauté de son âme. Voilà bien la sagesse
insensée des hommes. Ils s’imaginaient que c’était un outrage pour les grands
de recevoir les hommages des pauvres, car, quel est le pauvre qui eut osé
saluer en public un riche ? —
Saint Hilaire : Ou bien ce n’est point par honneur
pour le Seigneur qu’ils font taire ces deux aveugles, mais parce qu’il leur
faisait peine d’entendre affirmer par ces aveugles ce qu’ils niaient
eux-mêmes, c’est-à-dire que Jésus était fils de David. — Origène : (Traité 13 sur S. Matth.) Ou bien peut-être
c’étaient ceux qui croyaient en Jésus-Christ qui reprenaient les aveugles de
ne lui donner que le nom trop peu digne de fils de David, au lieu de dire: « Fils de Dieu, ayez pitié de
nous. » —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) [référence
à vérifier] Mais la défense qui leur était faite, loin de
leur fermer la bouche; les excitait davantage. C’est ainsi que la foi
s’accroît et se fortifie par la contradiction; aussi est-elle calme et
tranquille parmi les dangers, tandis qu’elle s’affaiblit au milieu de la
paix. « Et ils se mirent à crier
encore plus haut: Ayez pitié de nous, fils de David. » Ils avaient
crié d’abord parce qu’ils étaient aveugles, ils se mettent à crier plus haut
encore parce qu’on les empêche d’approcher de la lumière. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 66.) Le Seigneur permettait qu’on leur
fît cette défense pour faire éclater la vivacité de leurs désirs. Apprenez de
là que, quelque soit notre abjection, nous obtiendrons par nous-mêmes tout ce
que nous demanderons, en nous approchant de Dieu avec ferveur. Suite : « Alors Jésus s’arrêta, et, les ayant appelés, il leur
dit : ‘Que voulez-vous que je vous fasse ?’» —
Saint Jérôme : Le Seigneur s’arrêta, parce que les
aveugles ne savaient de quel côté ils devaient se diriger. Il y avait auprès
de Jéricho beaucoup d’excavations, d’endroits escarpés et de précipices profonds;
le Seigneur s’arrêta donc pour qu’ils pussent venir jusqu’à lui. — Origène : Ou bien le Seigneur
ne continue pas son chemin, mais s’arrête pour que le bienfait qu’il va leur
accorder ne se répande pas au delà; mais que la miséricorde coule sur eux
comme d’une source durable. —
Saint Jérôme : Il les fait appeler pour que la foule
ne les empêche pas d’approcher, et il leur demande ce qu’ils veulent, afin
que leur réponse rende évidentes leur infirmité et la puissance qui doit les
guérir. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien il leur fait cette
demande pour faire connaître leur foi, et, par l’exemple de ces aveugles qui
confessent qu’il est le Fils de Dieu, confondre ceux qui voient et ne le
regardent que comme un homme. Ils avaient appelé le Christ Seigneur, et en
cela ils disaient la vérité; mais eu ajoutant: Fils de David, ils
affaiblissaient la force de leur profession de foi. En effet, on donne aux
hommes, par extension et par abus, le nom de Seigneur; mais il n’y a de
véritable Seigneur que Dieu. Lors donc qu’ils appellent Jésus
« Seigneur, fils de David, » ils
l’honorent simplement comme homme; s’ils l’appelaient Seigneur, sans aucune
addition, ils confesseraient par là-même sa divinité. C’est pourquoi il les
interroge en ces termes: « Que
voulez-vous que je vous fasse ? » Alors ils ne l’appellent
plus: « Seigneur, Fils de David, » mais simplement « Seigneur».
« Et ils lui dirent: Seigneur, que
nos yeux s’ouvrent. » En effet, le fils de David ne peut ouvrir les
yeux des aveugles; il n’y a que le Fils de Dieu qui ait cette puissance. Tant
qu’ils se sont contentés de dire: « Seigneur, Fils de David », leur
guérison a été comme suspendue; mais aussitôt qu’ils eurent dit:
« Seigneur », leurs yeux
se sont ouverts. En effet, l’Évangéliste ajoute: « Et Jésus, ayant pitié d’eux, toucha leurs yeux, et aussitôt
ils recouvrèrent la vue. » Il les toucha, comme homme, avec la main,
et il les guérit comme Dieu. —
Saint Jérôme : Le Créateur leur donne ce que la
nature leur avait refusé, ou du moins la miséricorde leur rend ce que la
maladie leur avait ôté. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
56.) La
reconnaissance de ces aveugles, après qu’ils eurent reçu cette grâce, égala
leur persévérance avant de l’avoir obtenue. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Guéris, ils offrirent à
Jésus-Christ un présent qui lui fut bien agréable, car l’évangéliste nous
apprend qu’ils le suivirent; c’est là ce que Dieu demande de vous par le
prophète: « Marchez avec crainte
en présence de votre Dieu. » (Mi 6.) — Saint Jérôme : Ces
aveugles, qui étaient assis près de la ville de Jéricho, retenus par leur
infirmité, et qui ne pouvaient que crier, suivent maintenant Jésus, moins par
le mouvement des pieds que par leurs vertus. — Raban : Jéricho, dont le
nom signifie lune, est une figure
de l’inconstance humaine. — Origène : Dans le sens
mystique, Jéricho signifie le monde, au milieu duquel Notre Seigneur est
descendu. Ceux qui habitent Jéricho ne peuvent sortir de la sagesse du monde
avant d’avoir vu non seulement Jésus, mais encore ses disciples sortir de
Jéricho. Or, une foule nombreuse, à la vue de cette guérison miraculeuse, les
suivit, pleine de mépris pour le monde et pour les choses du monde, afin de
monter, sous la conduite de Jésus-Christ, jusqu’à la Jérusalem céleste. Dans
ces deux aveugles, nous pouvons voir les deux peuples de Juda et d’Israël
(cf. 3 R 12), qui étaient aveugles
avant l’avènement du Christ, parce qu’ils ne voyaient pas la parole de vérité
qui était renfermée dans la loi et les prophètes, et parce qu’étant assis le
long du chemin de la loi et des prophètes, et n’ayant que l’intelligence
charnelle de la lettre, ils élevaient la voix seulement vers celui qui est né
de la race de David selon la chair. (Rm
1.) —
Saint Jérôme : Ou bien encore, par ces deux
aveugles, la plupart entendent les pharisiens et les sadducéens. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 20.) [référence à vérifier] Ou bien, dans un autre sens,
ces deux aveugles assis le long du chemin sont la figure de ceux qui, dans
les deux peuples, s’attachent par la foi à l’économie de la vie humaine de
Jésus-Christ, par laquelle il est notre voie, et qui désirent d’être
éclairés, c’est-à-dire de comprendre quelque chose de l’éternité du Verbe.
Or, c’est ce qu’ils espèrent obtenir lorsque Jésus vient à passer,
c’est-à-dire par le mérite de la foi, qui reconnaît que le Fils de Dieu s’est
fait homme, est né et a souffert pour nous. En effet, d’après cette économie
de l’incarnation, Jésus ne fait pour ainsi dire que passer, parce que cette
action ne dure qu’un temps. Or, il leur fallait crier assez haut pour dominer
le bruit de la foule, qui couvrait leur voix, c’est-à-dire il leur fallait
s’appliquer avec persévérance à la prière, aux saints désirs, pour arriver à
vaincre, par la force de l’intention l’habitude des désirs charnels, qui,
comme une foule tumultueuse, empêche l’âme de voir la lumière de l’éternelle
vérité, ou bien la foule elle-même des hommes charnels qui veulent nous
rendre impossibles les exercices spirituels de la prière et de la vertu. —
Saint Augustin : (serm. 18 sur les par. du Seig.) En effet, les mauvais chrétiens et ceux
qui vivent dans la tiédeur s’opposent aux bons chrétiens qui veulent
accomplir les préceptes divins, mais que ceux-ci ne cessent pas de crier sans
se lasser; car tout chrétien qui commence à pratiquer la vertu et à mépriser
le monde est sûr de trouver, au début de sa conversion, des censeurs de sa
conduite dans les chrétiens dont la charité s’est refroidie; mais s’il
persévère, il se verra bientôt appuyé par ceux-là même qui voulaient d’abord
lui créer des obstacles. —
Saint Augustin : (Quest. évang., 5.) Jésus qui a dit: « On ouvrira à celui qui
frappe » (Mt 7, Lc 11), les ayant entendus, s’arrête,
les touche et ouvre leurs yeux à la lumière. En effet, comme c’est la foi au
mystère de l’Incarnation qui s’est accompli dans le temps, qui nous prépare à
l’intelligence des choses de l’éternité, lorsque Jésus passe, ils sont
avertis que la lumière va leur être rendue, et il s’arrête, en effet, pour
leur ouvrir les yeux, car les choses du temps passent et celles de l’éternité
sont immuables. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il en est qui voient dans
les deux aveugles deux sortes de Gentils, issus, les uns de Cham, les autres
de Japhet. « Ils étaient assis le
long du chemin », c’est-à-dire qu’ils étaient proches de la vérité,
sans pouvoir la trouver; ou bien [ils conformaient leur vie aux préceptes du
Verbe], mais sans se diriger d’après les principes surnaturels du Verbe,
parce qu’ils n’avaient pas encore reçu la connaissance du Verbe. — Raban : Mais aussitôt
qu’ils apprirent la grande réputation de Jésus-Christ, ils cherchèrent à
s’attacher à lui, et c’est alors qu’ils trouvèrent de nombreux contra-dicteurs;
d’abord dans les Juifs, comme nous le lisons dans les Actes et puis dans les
Gentils qui suscitèrent contre eux une persécution encore plus violente, sans
que tous leurs efforts aient pu priver du salut ceux qui étaient prédestinés
à la vie. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
C’est donc les yeux du cœur que le Seigneur toucha en donnant aux Gentils
la grâce de l’Esprit Saint, et aussitôt qu’ils furent éclairés ils ont marché
à sa suite par la pratique des bonnes oeuvres. — Origène : Et nous aussi, qui sommes assis le long du chemin des Écritures et qui comprenons sous quel rapport nous sommes aveugles, si nous prions par amour de la vérité, Jésus touchera les yeux de notre âme et les ténèbres de l’ignorance se retireront de notre esprit pour nous laisser voir et suivre celui qui ne nous a rendus à la lumière que pour nous permettre de marcher à sa suite. |
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Caput 21 |
CHAPITRE 21 —
[Présentation et rejet du Roi]
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Lectio 1 [85545] Catena in Mt.,
cap. Origenes in Matth. Unde et interpretatur
Bethphage, maxillarum domus: quoniam maxilla propria erat pars sacerdotum in
lege. Sequitur tunc Iesus misit duos discipulos. Chrysostomus super Matth. Non dixit
discipulis: dicatis: dominus tuus his opus habet, vel dominus vester: ut intelligant,
quia ipse sit solus dominus, non solum animalium, sed omnium hominum: nam et
peccatores conditione quidem sui sunt, voluntate autem sua Diaboli. Chrysostomus in Matth. Neque parvum enim
existimes quod factum est. Quis enim suasit dominis iumentorum non velle
contradicere, volentes silere, et concedere? Et in hoc discipulos erudit
quoniam poterat et Iudaeos prohibere, sed noluit; sed et docet ut quodcumque
petitum fuerit darent. Si enim qui ignorabant Christum, ita concesserunt,
multo magis discipulos convenit omnibus dare. Quod autem dicitur et confestim
dimittet eos, Chrysostomus super Matth.: intelligendum est,
quod animal postquam ingressum est in Ierusalem, ad dominum suum remissum est
a Christo. Glossa. Vel dominus iumentorum confestim
dimittet eos in domini servitio mancipandos. Adhibetur autem huic facto
prophetae testimonium, ut appareat dominum omnia quae de ipso scripta erant,
implevisse; sed invidia caecatos Scribas et Pharisaeos ea quae ipsi legebant
intelligere noluisse: et ideo sequitur hoc autem totum factum est ut
adimpleretur quod dictum est per prophetam, scilicet Zachariam. Chrysostomus super Matth. Sciens enim propheta
malitiam Iudaeorum, quia contradicturi erant Christo ascendenti in templum,
praemonuit, ut per hoc signum cognoscerent regem suum dicentem dicite filiae
Sion. Rabanus. Filia Sion historialiter dicitur
Ierusalem civitas, quae sita est in monte Sion; mystice autem est Ecclesia
fidelium, pertinens ad supernam Ierusalem. Chrysostomus super Matth. Ecce ostendentis est
verbum; idest, non carnali aspectu, sed spirituali intellectu opera virtutum
eius aspicite. Ante tempora quidem multa dicebat ecce, ut ostenderet quia
ille de quo loquebatur, antequam nasceretur, iam erat rex tuus. Cum ergo
videritis eum, nolite dicere: non habemus regem nisi Caesarem. Venit tibi, si
intellexeris, ut salvet te; si non intellexeris, venit contra te. Mansuetus,
non ut propter potentiam timeretur, sed ut propter mansuetudinem amaretur:
unde non sedet in curru aureo, pretiosa purpura fulgens; nec ascendit super
fervidum equum discordiae amatorem et litis; sed super asinam tranquillitatis
et pacis amicam: unde sequitur sedens super asinam et pullum filium
subiugalis. Augustinus de Cons. Evang. In hoc autem
testimonio prophetico aliquanto diversa est Evangelistarum locutio. Hoc enim
Matthaeus sic adhibet ut asinam dicat commemorasse prophetam: non autem ita
se habet vel quod Ioannes interponit, vel codices ecclesiasticae
interpretationis Lxx. Cuius rei causa mihi videtur quod Matthaeus Hebraea
lingua perhibetur Evangelium conscripsisse; manifestum est autem
interpretationem illam quae dicitur Lxx in nonnullis aliter se habere, quam
inveniunt in Hebraeo qui eam linguam noverunt, et qui interpretati sunt
singuli eosdem libros Hebraeos. Huius autem distantiae causa si quaeratur,
nihil probabilius aestimo quam eos Lxx illo spiritu interpretatos, quo et
illa quae interpretabantur dicta fuerant, quod ex ipsa eorum mirabili, quae
praedicatur, consensione firmatum est. Ergo et ipsi nonnulla in eloquio
variando, et voluntati Dei, cuius verba erant, non credendo, nihil aliud
demonstrare voluerunt quam hoc ipsum, quod in Evangelistarum concordia,
quadam diversitate narratur; qua nobis ostenditur non esse mendacium, si
quisquam ita diverso modo aliquid narret, ut ab eius voluntate cui
consentiendum est, non recedat; quod noscere in moribus utile est propter
cavenda mendacia; et ipsi fidei, ne putemus quasi consecratis sonis ita
muniri veritatem, tamquam Deus nobis, quemadmodum ipsam rem, sic verba quae
propter illam sunt dicenda commendet; cum potius ita res sermonibus
proferatur ut istos omnino quaerere non deberemus, si rem sine his nosse
possemus, sicut illam novit Deus, et in eo Angeli eius. Sequitur euntes autem discipuli fecerunt sicut
praecepit illis Iesus, et adduxerunt asinum et pullum. Ceteri autem Evangelistae de asina tacent. Non
deberet autem permovere lectorem nec si Matthaeus de pullo tacuisset, sicut
illi de asina tacuerunt: quanto minus moveri oportet, quia unus ita
commemoravit asinam, de qua ceteri tacuerunt, ut tamen pullum non taceret, de
quo illi dixerunt? Ubi enim utrumque potest intelligi factum, nulla
repugnantia est, nec si alius aliud commemoraret: quanto minus ubi unus unum,
alius utrumque? Sequitur et imposuerunt super eos vestimenta sua, et eum
desuper sedere fecerunt. Hieronymus. Sed videtur quod super
utrumque animal in parvo itineris spatio dominus sedere nequiverit: ergo cum
historia aut impossibilitatem habeat aut turpitudinem, ad altiora transmittimur,
idest ad mysticum sensum. Remigius. Licet potuerit fieri ut super
utrumque animal dominus sederit. Chrysostomus in Matth. Mihi autem videtur quod
non propter mysterium solum super asinam sedit, sed et mensuram nobis
sapientiae tribuens: demonstrat scilicet quod non super equos ferri necesse
est, sed sufficit asino uti, et eo quod necessitatis est, esse contentum.
Interroga autem Iudaeos: quis rex super asinam delatus intravit Hierosolymam?
Sed non utique alium habent dicere, nisi istum solum. Hieronymus. Turbae ergo quae egressae fuerant
de Iericho, et secutae salvatorem, supposuerunt vestimenta sua, et straverunt
viam ramis arborum: et ideo sequitur plurima autem turba straverunt
vestimenta sua in via pedibus asini, necubi offendat in lapidem, nec calcet
spinam, nec labatur in foveam. Sequitur alii autem caedebant ramos de arboribus,
et sternebant in via: de arboribus scilicet fructiferis, quibus mons oliveti
consitus est. Cumque opere cuncta fecissent, vocis quoque tribuunt testimonium:
unde sequitur turbae autem quae praecedebant et quae sequebantur, clamabant
dicentes: hosanna filio David. Quid autem significet hosanna, nunc
perstringam breviter. In Psalmo 117, qui manifeste de adventu salvatoris
scriptus est, inter cetera hoc quoque legimus: o domine, salvum me fac, o
domine, bene prosperare. Benedictus qui venturus es in nomine domini. Pro eo
quod in Lxx habetur interpretibus, o kyrie soson di, idest: o domine, salvum
fac, in Hebraeo legimus: Anna, Iehova, hosi Anna, quod manifestius
interpretatus est Symmachus dicens: obsecro, domine, salva, obsecro. Nemo
ergo putet ex duobus verbis, Graeco scilicet et Hebraeo, sermonem esse
compositum; sed totum Hebraicum est. Remigius. Et est compositum ex integro et
corrupto. Hosi enim Latine dicitur salva, sive salvifica; Anna vero apud
illos interiectio est obsecrantis: nam sicut apud illos ab obsecrante dicitur
Anna, sic apud Latinos dicitur heu. Hieronymus. Significavit enim quod adventus
Christi salus mundi sit; unde sequitur benedictus qui venit in nomine domini.
Salvatore quoque idipsum in Evangelio comprobante: ego, inquit, veni in
nomine patris mei. Remigius. Quia scilicet in omnibus bonis
operibus non suam, sed patris gloriam quaesivit. Glossa. Et sensus est: benedictus, idest gloriosus
sit, qui venit, idest incarnatus est, in nomine domini, idest patris, eum
glorificando. Iterum repetunt: hosanna, idest salva, obsecro; et determinant
ubi se vellent salvari, in altissimis, idest in caelestibus, non in terrenis.
Vel per hoc quod iungitur hosanna, idest salus in
excelsis, perspicue ostenditur quod adventus Christi non tantum hominis
salus, sed totius mundi sit, terrena iungens caelestibus. Hieronymus. Vel humanam quidem Christi
dispensationem laudant in eo quod dicebant hosanna filio David: benedictus
qui venit in nomine domini; restitutionem autem eius in sancta, in eo quod
dicebant: hosanna in excelsis. Chrysostomus super Matth. Hosanna etiam quidam
interpretantur gloriam, alii vero redemptionem: nam et gloria illi debetur,
et redemptio illi convenit qui omnes redemit. Hilarius in Matth. Laudationis enim
verba, redemptionis in eo exprimunt potestatem; filium autem David nuncupant,
in quo agnoscerent aeterni regni hereditatem. Chrysostomus in Matth. Nunquam antea
dominus sibi adhibuit ministeria iumentorum, nec ramorum virentia circa se
ornamenta constituit, nisi modo quando Ierusalem ut pateretur ascendit. Excitavit
enim videntes ut facerent quod prius volebant: ergo potestas eis data est,
non mutata voluntas. Hieronymus. Mystice autem appropinquat dominus
Hierosolymis egrediens de Iericho, turbis inde eductis quamplurimis, quia
magnus magnis ditatus mentibus salute credentium rediens, ingredi cupit urbem
pacis, et locum visionis Dei. Et venit Bethphage, idest ad domum maxillarum,
et confessionis portabat typum; et erat situs in monte oliveti, ubi est lumen
scientiae, laborum et dolorum requies. Per castellum enim, quod contra
apostolos erat, mundus iste designatur: contra apostolos enim erat, nec lumen
doctrinarum volebat accipere. Remigius. Dominus ergo de monte oliveti
discipulos ad castellum misit, quia de primitiva Ecclesia praedicatores in
mundum direxit. Duos quippe misit propter duos ordines praedicatorum, quod
manifestat apostolus dicens: qui operatus est Petro in apostolatum
circumcisionis, operatus est et mihi inter gentes, sive quia duo sunt
praecepta caritatis, sive propter duo testamenta, sive propter litteram et
spiritum. Hieronymus. Sive propter theoricam et
practicam, idest scientiam et opera. Asina autem ista quae subiugalis fuit,
et edomita, et iugum legis traxerat, synagoga intelligitur. Pullus asinae
lascivus et liber, gentium populus: Iudaea enim secundum Deum mater est
gentium. Rabanus. Unde Matthaeus solus, qui Iudaeis
Evangelium scripsit, asinam domino refert adductam, ut eidem etiam genti
Hebraeae, si poeniteat, non desperandam monstret esse salutem. Chrysostomus super Matth. Propter quasdam
autem similitudines, animalibus assimilati sunt homines, Dei filium non
cognoscentes. Est enim animal immundum, et prae ceteris pene iumentis magis
irrationale et stultum et infirmum et ignobile et oneriferum. Sic fuerunt
homines ante Christi adventum, passionibus diversis immundi, irrationabiles,
verbi ratione carentes, stulti propter Dei contemptum, infirmi secundum
animam; ignobiles, quia obliti generationis caelestis, facti fuerunt servi
passionum et Daemonum; oneriferi, quia sufferebant sarcinam erroris a
Daemonibus vel Pharisaeis impositam. Ligata autem erat asina, idest diabolici
erroris vinculo impedita, ut non haberet libertatem eundi quo vellet: nam
antequam peccemus, liberum habemus arbitrium sequi voluntatem Diaboli an non;
quod si semel peccantes obligaverimus nos operibus eius, iam nostra virtute
evadere non possumus; sed sicut navis fracto gubernaculo illuc ducitur ubi
tempestas voluerit, sic et homo divinae auxilio gratiae perdito per peccatum,
non quod vult agit, sed quod Diabolus vult. Et nisi Deus valida manu
misericordiae suae solverit eum, usque ad mortem in peccatorum suorum
vinculis permanebit: et ideo dicit discipulis solvite, scilicet per doctrinam
vestram, et per miracula vestra; quia omnes Iudaei et gentes per apostolos
sunt liberati; et adducite mihi, idest, ad gloriam meam illos convertite.
Origenes in Matth. Unde et ascendens in caelum
iussit discipulis suis ut solverent peccatores, dans eis spiritum sanctum.
Absoluti autem et proficientes, et nutriti verbi divinitate, digni habentur
remitti in locum ex quo erant assumpti, non iam ad opera priora, sed ut praedicarent
eis filium Dei; et hoc est quod significat dicens et confestim dimittet eos.
Hilarius in Matth. Vel per asinam et pullum
duplex vocatio ex gentibus ostenditur. Erant enim Samaritani sub quadam
observantiae suae consuetudine servientes, qui scilicet significantur per
asinam; erant etiam indomitae gentes et feroces, qui scilicet significantur
per pullum. Igitur duo mittuntur, ut solvant ligatos erroris vinculis: per
Philippum enim Samaria credidit, per Petrum Cornelius Christo, tamquam
primitiae gentium, adductus est. Remigius. Sicut autem tunc dictum est
apostolis si quis vobis aliquid dixerit, dicite quia dominus his opus habet,
sic nunc praedicatoribus est praeceptum, ut si aliquid adversitatis
obstiterit, a praedicando non cessarent. Hieronymus. Vestis autem apostolica quae
iumento superponitur, vel doctrina virtutum, vel discretio Scripturarum
intelligi potest, sive ecclesiasticorum dogmatum veritates; quibus nisi anima
instructa fuerit et ornata, sessorem habere dominum non meretur. Remigius. Dominus autem super asellum sedens,
Hierosolymam tendit; quia praesidens sanctae Ecclesiae, vel animae fideli, et
eam in hoc saeculo regit, et post hanc vitam ad visionem caelestis patriae
introducit. Apostoli autem et ceteri doctores vestimenta posuerunt super
asinam: quia gloriam quam acceperunt a Christo gentibus dederunt. Turba autem
vestimenta sternebat in via: quia credentes ex circumcisione, gloriam quam
habebant ex lege, contemnebant. Ramos autem de arboribus praecidebant: quia
ex prophetis acceperunt exempla de Christo, quasi de arboribus virentibus. Vel turba, quae vestimenta stravit in via, significat martyres, qui
vestimenta sua, idest corpora, quae tegumenta sunt animarum, pro Christo ad
martyrium tradiderunt. Vel significantur illi qui corpora sua per
abstinentiam domant. Illi autem ramos arborum praecidunt qui dicta et exempla
sanctorum patrum quaerunt ad suam, vel filiorum salutem. Hieronymus. Quod autem ait turbae autem quae
praecedebant, et quae sequebantur, utrumque populum ostendit, et qui ante
Evangelium, et qui post Evangelium domino crediderunt, consona Iesum
confessionis voce laudare. Chrysostomus super Matth. Et illi quidem
prophetantes de Christo venturo clamaverunt; hi autem laudantes clamant de
adventu Christi iam adimpleto. |
Versets
1-9.
— Saint Rémi : Nous avons vu plus
haut que Notre-Seigneur ayant quitté la Galilée, commençait à monter vers
Jérusalem. Après avoir raconté ce qui arriva dans ce trajet, l’Évangéliste
poursuit son récit : « Et lorsqu’ils
approchèrent de Jérusalem et qu’ils furent arrivés à Bethphagé» Bethphagé
était un bourg habité par les prêtres, et situé sur un des versants de la
montagne des Oliviers, à un mille de Jérusalem. Les prêtres qui desservaient
le temple à des jours déterminés, s’y retiraient pour y demeurer, après avoir
rempli leur ministère dans l’ordre qui leur était assigné. Ceux qui venaient
réclamer leur ministère s’y arrêtaient également, car il était défendu par la
loi de faire, le jour du sabbat, plus d’un mille de chemin. — Origène : C’est
à cause de cette destination que le nom de Bethphagé est interprété « la
maison des mâchoires », parce que la mâchoire était la partie de la
victime qui était réservée aux prêtres par la loi. Suite : « Alors Jésus envoya deux de ses disciples
» — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il ne dit pas aux deux disciples : Vous direz : Ton Seigneur en a
besoin, mais « le Seigneur » afin
qu’ils comprennent bien que je suis le seul Seigneur, non seulement des
animaux, mais encore de tous les hommes ; car les pécheurs eux-mêmes
m’appartiennent par leur nature, et ils ne sont au démon que par leur
volonté. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 66.)
Ne regardez pas cette circonstance comme de peu d’importance. Car qui a pu
persuader aux maîtres de ces animaux de ne pas s’opposer [à ce qu’on les
emmenât], et, bien plus, de les laisser aller sans mot dire ? Jésus veut
ainsi apprendre à ses disciples qu’il pourrait, mais qu’il ne veut pas
s’opposer aux desseins des Juifs contre lui. Il leur enseigne encore à donner
tout ce qu’on leur demandera ; car si des gens, qui ne connaissaient pas
Jésus-Christ, ont accordé aussi volontiers [ce qui leur était demandé], à
plus forte raison les disciples doivent-ils donner volontiers à tout le monde/
C’est ainsi qu’il est dit : « Il
les enverra aussitôt. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ces paroles : « Et il les
renverra » peuvent signifier que lorsque Notre-Seigneur fut entré à
Jérusalem, il renvoya cet animal à son maître. — La Glose : Ou
bien le maître de ces animaux les laissera aller pour qu’ils soient consacrés
au service du Seigneur. L’Évangéliste joint à ce fait le témoignage du
prophète pour montrer que le Seigneur a fidèlement accompli tout ce qui avait
été prédit de lui, mais que les scribes et les pharisiens, aveuglés par la
jalousie, n’ont pas voulu comprendre ce qu’ils lisaient. Suite : « Or, tout cela s’est fait, afin que cette
parole du prophète, c’est-à-dire de Zacharie, fût accomplie. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Car ce prophète, connaissant par avance la malice des Juifs, qui
devaient contredire le Christ à son entrée dans le temple, leur a donné ce
signe auquel ils reconnaîtraient leur roi : « Dites à la fille de Sion : Voici… » — Raban : La fille de Sion, dans le sens historique, signifie la
ville de Jérusalem qui est située sur la montagne de Sion ; mais dans le sens
mystique, elle signifie l’Église des fidèles qui fait partie de la Jérusalem
céleste. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Voici, est une expression indicative ; voici, c’est-à-dire :
considérez les oeuvres de ses vertus, non des yeux du corps, mais des yeux
spirituels de l’âme. Bien longtemps avant la naissance de Jésus-Christ, le
prophète dit : Voici, pour montrer que celui dont il parlait était votre roi,
même avant de naître. Lors donc que vous le verrez, ne dites pas : « Nous n’avons d’autre roi que César. »
Si vous le comprenez bien, il vient à vous pour vous sauver ; mais il vient
pour vous perdre, si vous ne savez pas le reconnaître. « Il est plein de douceur », c’est-à-dire qu’il ne vient pas pour
se faire craindre par sa puissance, mais pour se faire aimer par sa douceur.
C’est pour cela qu’il n’est pas assis sur un char doré, revêtu d’une pourpre
éclatante ; il ne monte pas non plus un coursier fougueux, avide de lutte et
de combats, mais sur une ânesse, amie de la tranquillité et de la paix : « monté sur une ânesse, et son ânon
attaché avec elle.» — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., II, 66.) Il y a quelque différence dans la manière dont les
Évangélistes rapportent ce témoignage du prophète : saint Matthieu le
cite en disant que le prophète fait mention expresse de l’ânesse ; mais dans
saint Jean, la citation est différente, ainsi que dans la version de
l’Écriture des Septante, en usage dans l’Église. La raison en est que saint
Matthieu écrivit son Évangile en hébreu. Or, il est certain que la traduction
des Septante s’écarte quelquefois du texte hébreu, au témoignage de ceux qui
connaissent cette langue, et qui ont traduit les livres saints sur ce texte
primitif. Si l’on me demande d’où vient cette différence, la meilleure raison
qu’on en puisse donner, à mon avis, c’est que les Septante ont traduit les
saintes Écritures selon l’esprit qui les avait dictées ; et l’admirable
accord qui parut dans leur travail en est une preuve. S’ils présentent dans
leur version quelques variantes de mots, tout en restant fidèles au dessein
de Dieu, dont ils traduisaient les paroles, cela ne prouve autre chose que ce
que nous admirons dans la concordance qui existe entre les Évangélistes,
malgré quelques légères diversités ; c’est-à-dire qu’il n’y a aucune contre-vérité
lorsque le récit de l’un d’entre eux, tout en étant différent d’expressions,
n’est cependant pas opposé à la pensée et à l’intention de celui avec lequel
il doit s’accorder. Cette observation nous est utile pour notre conduite,
elle nous apprend à éviter tout mensonge ; elle n’est pas moins utile pour la
foi, en nous enseignant que la vérité n’est pas garantie par certaines
expressions consacrées, et que Dieu n’attache pas aux mots qui expriment la
vérité la même importance qu’à la vérité elle-même. Au contraire, les mots
n’ont qu’une importance tellement relative pour exprimer la vérité, que nous
ne devrions nullement nous en préoccuper si nous pouvions connaître la vérité
sans leur secours, comme Dieu la connaît, et comme la connaissent en lui ses
anges. Suite : « Les disciples s’en allèrent donc, firent
ce que Jésus leur avait commandé et amenèrent l’ânesse avec son petit. » — Saint Augustin : (comme ci-dessus.)
Les autres Évangélistes ne disent rien de l’ânesse. Le lecteur ne devrait
nullement être surpris, alors même que saint Matthieu n’aurait rien dit du
petit de l’ânesse, comme les autres n’ont rien dit de l’ânesse elle-même. On
doit donc beaucoup moins s’étonner qu’un seul Évangéliste ait fait mention de
l’ânesse, dont les autres n’ont rien dit, sans oublier l’ânon dont ils ont
parlé. Car lorsqu’on peut admettre que deux faits ont eu réellement lieu, il
n’y a plus de contradiction possible, même quand chacun d’eux n’est raconté
que par un seul Évangéliste, à plus forte raison lorsqu’un de ces deux faits
étant raconté par un seul, un autre Évangéliste les raconte tous les deux. Suite : « Et ils les couvrirent de leurs
vêtements, et le firent monter dessus » — Saint Jérôme : Il est difficile d’admettre que
Notre-Seigneur ait monté sur ces deux animaux dans un si court trajet, et
puisque le fait historique présente une impossibilité ou une inconvenance, il
faut nous élever plus haut, c'est-à-dire jusqu’au sens spirituel. — Saint Rémi : Cependant il n’est pas
absolument impossible que le Seigneur ait monté sur ces deux animaux. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 66.)
Mais il me semble que ce n’est pas seulement pour une raison mystérieuse que
Notre-Seigneur s’assît sur une ânesse, c’est aussi pour nous donner une leçon
de sagesse, et nous apprendre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des chevaux
à son service, mais qu’il suffit d’un âne, et qu’il faut se borner à ce qui
est indispensable. Or, demandez aux Juifs quel est le roi qui a fait son
entrée dans Jérusalem monté sur un âne, et ils ne pourront vous en montrer
d’autres que Jésus-Christ seul. — Saint Jérôme : Cette grande
multitude de peuples qui était venue de Jéricho à la suite du Sauveur, étendit
ses vêtements sur le chemin, et le joncha de branches d’arbres comme le
raconte saint Matthieu : « Une grande
multitude étendit ses vêtements », ils les étendirent là où l’âne devait
passer pour qu’il ne vînt point à se heurter contre les pierres, à marcher
sur les épines, ou à tomber dans un fossé. Suite : « D’autres coupaient des branches
d’arbres, et les jetaient sur la route », c’étaient des branches d’arbres
fruitiers, dont la montagne des Oliviers était couverte. A toutes ces
démonstrations, ils ajoutent le témoignage de leurs paroles : « et tous ensemble, tant ceux qui allaient
devant lui que ceux qui le suivaient, criaient : Hosanna au Fils de David. »
Je vais expliquer en peu de mots ce que signifie le mot hosanna. Dans le
psaume CXVII, qui a évidemment pour objet l’avènement du Sauveur, nous lisons
entre autres choses : « O Seigneur,
sauvez-moi, Seigneur, faites-moi prospérer (ou soyez-moi propice), béni soit
celui qui doit venir au nom du Seigneur. » Dans l’hébreu, au lieu de la
version des Septante : « O Seigneur, sauvez-moi, » on lit : Anna, adonai, osianna, ce que Symmaque
a traduit plus clairement par ces mots : «
Je vous en prie, Seigneur ; sauvez-moi. » On ne peut donc admettre que
cette locution soit composée de deux mots, l’un grec, et l’autre hébreu :
elle est toute hébraïque. — Saint Rémi : Elle est composée d’un
mot entier, et d’un autre qui est altéré : du mot osi, qui veut dire « sauve », « rend sauf »,
et anna, qui est comme
l’interjection de la prière, interjection qui correspond à l’interjection
latine « hélas ! » — Saint Jérôme : Cette expression
signifie aussi que la venue du Christ est le salut du monde, et c’est pour
cela que le Psalmiste ajoute : « Béni
soit celui qui vient au nom du Seigneur », paroles que le Sauveur confirme
dans 1’Évangile de son témoignage : «
Je suis venu au nom de mon Père. » — Saint Rémi : Car dans toutes les
bonnes oeuvres qu’il a faites, il a cherché non sa gloire, mais celle de son
Père. — La glose : Voici le sens de ces dernières paroles : « Béni, »
c’est-à-dire qu’il soit glorifié ; « celui qui vient, » c’est-à-dire celui
qui s’est incarné ; « au nom du seigneur, » c’est-à-dire au nom du Père en le
glorifiant. Ils répètent « hosanna », c’est-à-dire « sauvez-moi,
je vous en conjure », et ils déterminent le lieu où ils veulent être
sauvés, c’est sur les hauteurs, c’est-à-dire ce n’est pas sur la terre, mais
au plus haut des cieux. — Saint Jérôme : [référence
à vérifier] Ou bien ce mot hosanna, c’est-à-dire salut au plus
haut des cieux, est une preuve évidente que l’avènement du Christ apporte le
salut, non seulement à l’homme, mais à tout l’univers, en venant réunir le
ciel avec la terre. — Origène : (traité
14 sur S. Matth.) [référence à vérifier] Ou bien ils proclament
son incarnation comme homme, en disant : «
Hosanna au Fils de David ; béni soit celui qui vient au nom du Seigneur
», et son retour dans le sanctuaire éternel, en ajoutant : « Hosanna au plus haut des cieux ! » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il en est qui traduisent encore hosanna par « gloire », et
d’autres par « rédemption ». La gloire, en effet, lui est due, et
l’honneur de la rédemption lui revient, puisqu’il a racheté tous les hommes. — Saint Hilaire : (can. 23.) La
louange que renferment ces expressions, consacre la puissance de rédemption
dont le Seigneur est revêtu, et en le proclamant Fils de David, cette
multitude le reconnaît pour l’héritier du royaume éternel. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Jamais, jusque là, Notre-Seigneur n’avait eu d’animaux à son service,
jamais il n’a accepté cette marque d’honneur de rameaux verdoyants jetés sur
son chemin, si ce n’est lorsqu’il fit son entrée dans Jérusalem pour y
souffrir. Par ce spectacle, il excita les Juifs qui en furent les témoins à exécuter
ce qu’ils désiraient depuis longtemps. Il leur facilite donc l’exécution de
leurs desseins, mais il n’opère aucun changement dans leur volonté. — Saint Jérôme : Le Seigneur qui
approche de Jérusalem en sortant de Jéricho suivi d’une multitude
innombrable, c’est, dans le sens mystique, ce céleste négociant qui, enrichi
de marchandises opulentes, après avoir sauvé tous ceux qui croient en lui,
désire entrer dans la ville de la paix, et dans le lieu de la vision de Dieu.
Il vient à Bethphagé, la maison des mâchoires, figure de la louange qui
confesse la gloire de Dieu. Ce bourg était situé sur le mont des Oliviers, là
où brille la lumière de la science, où se trouve le repos après les fatigues
et les douleurs. Ce village, qui était devant les Apôtres, signifie le monde
qui leur était contraire, et qui ne voulait pas recevoir la lumière de leurs
enseignements. — Saint Rémi : C’est du mont des
Oliviers que le Seigneur envoie ses disciples vers ce village, parce que
c’est de la primitive Église qu’il a envoyé dans le monde les prédicateurs de
l’Évangile. Il en envoie deux qui représentent deux ordres différents de
prédicateurs, et auxquels saint Paul fait allusion dans ce passage : « Celui qui a efficacement agi dans Pierre
pour le rendre apôtre des circoncis, a aussi agi efficacement pour me rendre
apôtre des Gentils. » (Ga 2.) Ou bien ces deux disciples figurent les
deux préceptes de la charité, ou les deux Testaments, ou enfin la lettre et
l’esprit. — Saint Jérôme : On peut encore y
voir une figure de la spéculation et de la pratique, de la science et des
oeuvres. Cette ânesse qui avait été domptée et qui portait le joug,
représente la synagogue qui avait porté le joug de la loi, et le petit de
l’ânesse, le peuple des Gentils fougueux et indompté ; car, dans le plan de
Dieu, la Judée fut la mère des nations. — Raban : C’est pour cela que saint Matthieu, qui seul écrivit son
Évangile pour les Juifs, fait mention de cette ânesse qui fut amenée au
Seigneur, pour montrer à cette même nation juive que si elle se repentait,
elle ne devait pas désespérer de son salut. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) C’est par suite de quelques rapports d’analogie que les hommes, qui
ne connaissent pas le Fils de Dieu, ont été comparés à ces deux animaux.
L’âne, en effet, est un animal immonde, le moins intelligent presque de tous
les animaux, faible, stupide, vil et fait pour porter les fardeaux. C’est
ainsi que les hommes, avant l’avènement du Christ, étaient souillés par le
dérèglement de toutes les passions, sans intelligence, parce qu’ils étaient
privés de la raison du Verbe, insensés par le mépris qu’ils faisaient de
Dieu, faibles dans leur âme, sans noblesse [dans les sentiments], parce
qu’ayant oublié leur céleste origine, ils étaient devenus les esclaves de
leurs passions et des démons ; semblables à des bêtes de somme, parce qu’ils
portaient le fardeau de l’erreur que les pharisiens ou les démons leur avait
imposé. L’ânesse était liée, c’est-à-dire retenue dans les liens de l’erreur
par le démon, et n’ayant pas la liberté d’aller où elle voudrait. Car avant
de pécher, nous sommes libres de suivre le démon ou de lui résister, mais si
nous nous laissons une seule fois enchaîner par ses oeuvres en commettant le
péché, nous ne pouvons plus lui échapper par notre propre force. Semblable à un
vaisseau dont le gouvernail est brisé, et qui devient le jouet de la tempête,
l’homme qui a perdu par le péché le secours de la grâce divine, ne fait plus
ce qu’il veut, mais ce que veut le démon ; et si Dieu ne brise ses chaînes de
la puissante main de sa miséricorde, il restera jusqu’à sa mort captif dans
les liens du péché. C’est pour cela que le Seigneur dit à ses disciples : « Déliez-les », c'est-à-dire par votre doctrine, par vos miracles, et
c’est ainsi que tous les Juifs et toutes les nations ont été délivrés par les
Apôtres. « Et amenez-les moi »,
c’est-à-dire faites-les servir à ma gloire. — Origène : C’est
pour cela encore, qu’au moment de monter au ciel, Jésus a ordonné à ses
Apôtres de délier les pécheurs, et qu’il leur a donné à cet effet l’Esprit
saint. (Jn 20.) Or, lorsqu’ils ont été absous de leurs péchés, qu’ils ont
fait quelques progrès et se sont nourris de la divinité du Verbe, ils sont
jugés dignes d’être renvoyés dans l’endroit d’où la grâce les a tirés, non
plus, sans doute, pour reprendre leurs oeuvres anciennes, mais pour annoncer
à leur tour le Fils de Dieu ; et c’est ce que signifient ces paroles : « Et aussitôt il les laissera aller. » — Saint Hilaire : (can. 21.) Ou bien,
par l’ânesse et son ânon, on peut entendre une double vocation des Gentils :
celle des Samaritains, esclaves des observances qui leur étaient
particulières, et ils sont signifiés ici par l’ânesse ; et la vocation des
autres Gentils, fiers et indomptés, et qui sont ici figurés par l’ânon. Le
Seigneur envoie donc deux disciples pour rompre les liens de l’erreur qui les
retenaient captifs ; c’est, en effet, par Philippe que la Samarie reçut la
foi (Ac 8), et par Pierre, que Corneille, prémice des nations, fut amené à
Jésus-Christ. (Ac 10.) — Saint Rémi : De même que
Notre-Seigneur fait alors cette recommandation aux Apôtres : « Si quelqu’un vous dit quelque
chose, dites-lui que le Seigneur en a besoin », il ordonne encore,
maintenant, aux prédicateurs de ne jamais se laisser arrêter par aucun
obstacle dans le ministère de la prédication. — Saint Jérôme : Les vêtements des
Apôtres, que l’on place sur l’ânesse [et sur l’ânon], représentent ou la
science des vertus, ou la connaissance des Écritures, ou la vérité des dogmes
catholiques dont l’âme doit être instruite et ornée pour pouvoir porter le
Seigneur. — Saint Rémi : Le Seigneur, monté sur
l’ânon, se dirige vers Jérusalem, parce que celui que Dieu a chargé du
gouvernement de 1’Église ou de la direction de l’âme fidèle, doit la conduire
en ce monde, et l’introduire après cette vie dans la vision de la patrie
céleste. Les Apôtres et les autres docteurs qui les suivirent, ont placé
leurs vêtements sur l’ânesse ; car ils ont transmis aux nations la gloire
qu’ils avaient reçue de Jésus-Christ. La multitude étendait ses vêtements sur
le chemin ; car ceux qui, parmi les circoncis, embrassèrent la foi,
renoncèrent à la gloire qui vient de la loi. Ils coupaient des branches
d’arbres, car ils cueillirent dans les prophètes, comme sur des arbres
couverts de verdure, les témoignages favorables au Christ. Ou bien, cette
foule qui étend ses vêtements sur le chemin, ce sont les martyrs qui
livrèrent à la mort, pour Jésus-Christ, leurs vêtements, c'est-à-dire leurs
corps, vêtements de leurs âmes ; ou bien encore, ceux qui domptent leurs
corps par l’abstinence. Ceux qui coupent des branches d’arbres sont ceux qui
étudient les enseignements et les exemples des saints Pères pour leur salut
ou celui de leurs enfants. — Saint Jérôme : Dans les paroles
suivantes : « Et tous ensemble, tant
ceux qui le précédaient que ceux qui le suivaient », l’Évangéliste nous
représente l’un et l’autre peuple, celui qui crût au Seigneur avant
l’Évangile, et celui qui ne reçut la foi qu’après I’Évangile, et qui tous
deux louent le Christ d’une voix unanime. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Car les uns élevèrent la voix pour prophétiser la gloire du Christ à venir, et les autres, pour célébrer l’avènement du Christ qui accomplissait les prédictions. |
Lectio 2 [85546] Catena in Mt., cap. 21 l. 2 Hieronymus.
Introeunte Iesu cum turba, tota Hierosolymorum civitas commovetur, mirans
frequentiam, nesciens virtutem: unde dicitur et cum intrasset Hierosolymam,
commota est universa civitas, dicens: quis est hic? Chrysostomus super Matth. Merito autem
commovebantur videntes rem mirabilem. Homo laudabatur quasi Deus, sed Deus
laudabatur in homine. Puto autem quod nec ipsi qui laudabant, sciebant quid
laudabant; sed spiritus subito ingressus in eos, veritatis verba fundebat.
Origenes in Matth. Sed et quando intravit
Iesus Hierosolymam veram, admirantes virtutes caelestes, dicebant: quis est
iste rex gloriae? Hieronymus. Aliis autem vel ambigentibus vel
interrogantibus, nisi plebecula confitetur: unde sequitur populi autem
dicebant: hic est Iesus propheta a Nazareth Galilaeae. A minoribus incipiunt,
ut ad maiora perveniant. Prophetam enim dicunt quem Moyses sui similem
dixerat esse venturum, et qui proprie apud Graecos scribitur cum tu arthru
martyria, idest cum articuli testimonio. A Rabanus. Notandum autem, quod hic
introitus eius in Ierusalem fuit ante quinque dies Paschae. Narrat enim
Ioannes, quod ante sex dies Paschae venerit in Bethaniam, et in crastinum
asino sedens venerit in Ierusalem; ubi notanda est concordia non solum in
rebus, sed etiam in temporibus veteris et novi testamenti. Decima
enim die mensis primi, agnus qui in Pascha immolaretur, domum introduci
iussus est: quia et dominus decima die eiusdem mensis, hoc est ante quinque
dies Paschae, civitatem, in qua pateretur, erat ingressurus. Sequitur et
intravit Iesus in templum Dei. Chrysostomus super Matth. Hoc erat proprium
boni filii ut ad domum curreret patris, et illi honorem redderet; et tu
imitator Christi factus, cum ingressus fueris in aliquam civitatem, primo ad
Ecclesiam curras. Hoc etiam erat boni medici ut ingressus ad infirmam
civitatem salvandam, primum ad originem passionis intenderet: nam sicut de
templo omne bonum egreditur, ita de templo omne malum procedit: si enim
sacerdotium integrum fuerit, tota Ecclesia floret; si autem corruptum fuerit,
tota fides marcida est: sicut enim cum videris arborem pallentibus foliis,
intelligis quia vitium habet in radice; sic cum videris populum
indisciplinatum, sine dubio cognosce quia sacerdotium eius non est sanum.
Sequitur et eiciebat omnes vendentes et ementes. Hieronymus. Sciendum quidem est, quod iuxta
mandata legis in venerabili toto orbe templo domini, et de cunctis pene regionibus
Iudaeorum illuc populo confluente, innumerabiles immolabantur hostiae, maxime
festis diebus, taurorum, arietum, hircorum; pauperibus, ne absque sacrificio
essent, pullos columbarum et turtures offerentibus. Accidebat autem ut qui de
longe venerant, victimas non haberent. Excogitaverunt igitur sacerdotes
quomodo praedam de populo facerent; et omnia animalia quibus opus erat ad
sacrificia, venderent; et ut venderent non habentibus, et ut ipsi rursus
empta susciperent. Hanc ergo stropham, idest fraudem se in diversa vertentem,
crebro venientium inopia dissipabat, qui indigebant sumptibus, et non solum
hostias non habebant, sed nec unde emerent. Posuerunt itaque nummularios, qui
mutuam sub cautione darent pecuniam. Sed quia erat lege praeceptum ut nemo usuras
acciperet, et prodesse non poterat pecunia fenerata, quae commodi nihil
haberet, et interdum perderet sortem, excogitaverunt et aliam technam, idest
artem, ut pro nummulariis collibystas facerent, cuius verbi proprietatem
Latina lingua non exprimit. Collyba dicuntur apud illos, quae nos appellamus
tragemata, vel vilia munuscula; verbi gratia, frixi ciceris, uvarumque
passarum, et poma diversi generis. Igitur quia usuras accipere non poterant,
collibystae pro usuris accipiebant varias species; ut quae in nummo non
licebant, in his rebus exigerent, quae nummis coemuntur: quasi non hoc ipsum
Ezechiel praedicaverit dicens: usuram et superabundantiam non accipietis.
Istiusmodi dominus cernens in domo patris, negotiationem seu latrocinium,
ardore spiritus concitatus, tantam hominum multitudinem eiecit de templo.
Origenes in Matth. In quo non debent vendere
et emere, sed orationibus tantum vacare qui congregantur, quasi in domo
orationis: unde sequitur et dicit eis: scriptum est: domus mea domus orationis
vocabitur. Augustinus in regula. Nemo ergo in
oratorio aliquid agat nisi ad quod factum est, unde et nomen accepit. Sequitur
vos autem fecistis illam speluncam latronum. Hieronymus. Latro enim est, et templum Dei in
latronum convertit speluncam, qui lucra de religione sectatur. Mihi autem
inter omnia signa quae fecit dominus, hoc videtur esse mirabilius, quod unus
homo, et illo tempore contemptibilis, intantum ut postea crucifigeretur,
Scribis et Pharisaeis contra se saevientibus et videntibus lucra sua destrui,
potuerit ad unius flagelli verbera tantam eicere multitudinem. Igneum enim
quiddam atque sidereum radiabat ex oculis eius, et divinitatis maiestas
lucebat in facie. Augustinus de Cons. Evang. Manifestum est, hoc
non semel, sed iterum a domino esse factum; sed primum commemoratum est a
Ioanne, hoc autem ultimum a ceteris tribus. Chrysostomus in Matth. In quo maior est
accusatio Iudaeorum: quoniam cum bis hoc idem fecisset, morabantur tamen in
sua dementia. Origenes in Matth. Mystice autem templum Dei
est Ecclesia Christi. Sunt autem multi in ea non, sicut decet, viventes
spiritualiter, sed secundum carnem militant; qui domum orationis de lapidibus
vivis constructam, faciunt speluncam esse latronum actibus suis. Si autem
oportet tres species eiectas a templo cautius exponere, possumus dicere:
quicumque in populo Christiano ad nihil aliud vacant, nisi circa emptiones et
venditiones, rarius autem in orationibus permanent, vel in aliis actibus
rectis, ipsi sunt vendentes et ementes in templo Dei. Diaconi qui non bene
tractant Ecclesiarum pecunias et divites fiunt de rebus pauperum, ipsi sunt
nummularii, pecuniarum mensas habentes, quas Christus evertit. Quod autem
mensis ecclesiasticarum pecuniarum diaconi praesint, docemur in actibus apostolorum.
Episcopi autem qui tradunt Ecclesias quibus non oportet, ipsi sunt qui
vendunt columbas, idest gratiam spiritus sancti, quorum cathedras Christus
evertit. Hieronymus. Iuxta simplicem enim
intelligentiam, columbae non erant in cathedris, sed in caveis; nisi forte
columbarum institores sedebant in cathedris: quod absurdum est, quia in
cathedris magistrorum magis dignitas indicatur; quae ad nihilum redigitur,
cum mixta fuerit lucris. Observa etiam propter avaritiam sacerdotum, altaria
Dei, nummulariorum mensas appellari. Quod autem de Ecclesiis diximus,
unusquisque de se intelligat: dicit enim apostolus: vos estis templum Dei.
Non sit ergo in domo pectoris vestri negotiatio, non donorum cupiditas, ne
ingrediatur Iesus iratus et rigidus, et non aliter mundet templum suum nisi
flagello adhibito, ut de spelunca latronum domum faciat orationum. Origenes in Matth. Vel in secundo
adventu eiciet, vel evertet quos invenerit in templo Dei indignos. Chrysostomus super Matth. Ideo etiam
nummulariorum mensas evertit: quod significat quod in templo Dei non debent
esse nummi, nisi spirituales, qui Dei habent imaginem, non qui portant
imaginem terrenam. Cathedras vendentium columbas evertit, loquens ipso facto:
quid faciunt in templo multae columbae venales, ex quo una columba gratuita
descendit in templum corporis mei? Quod autem verbis turbae clamaverunt,
dominus factis ostendit: unde sequitur et accesserunt ad eum caeci et claudi
in templo, et sanavit eos. Origenes in Matth. In templo enim Dei, idest
in Ecclesia, non sunt omnes videntes, neque recte ambulantes; sed qui ex eis
intelligunt quia nullius est opus nisi Christi ut sanentur, accedentes ad
verbum Dei sanantur. Remigius. Quod autem in templo sanantur,
significat quod homines non nisi in Ecclesia sanari possunt, cui data est
potestas ligandi atque solvendi. Hieronymus. Nisi autem mensas nummulariorum
subvertisset cathedrasque columbas vendentium, caeci et claudi lucem
pristinam et concitum gradum in templo non meruissent recipere. Chrysostomus in Matth. Principes autem
sacerdotum neque ita persuadebantur, sed ex reliquis miraculis et praeconiis
puerorum eum extollentibus indignabantur; unde sequitur videntes principes
sacerdotum. Hieronymus. Cum enim manum non audeant in eum
inicere sacerdotes, tantum opera calumniantur, et testimonium populi atque
puerorum qui clamabant: hosanna filio David; benedictus qui venit in nomine
domini: quod videlicet hoc non dicitur nisi soli filio Dei. Videant ergo
episcopi, et quilibet sancti homines, cum quanto periculo dici sibi ista
patiantur, si vero domino, cui dicebatur, quia nondum solida erat credentium
fides, pro crimine impingitur. Chrysostomus super Matth. Sicut autem columna
si modicum obliquata fuerit, accepto pondere amplius vadit in latus, sic et
cor hominis cum perversum fuerit, si alicuius viri iusti opera videat vel
audiat, non confirmatur, sed magis ad invidiam concitatur. Hoc modo
sacerdotes concitati sunt contra Christum, dicentes audis quid isti dicunt?
Hieronymus. Sed Christi responsio moderata
fuit. Non dixit quod Scribae audire cupiebant: bene faciunt pueri, ut mihi
testimonium perhibeant: nec rursum: errant, pueri sunt, debetis aetati
ignoscere: sed profert exemplum de octavo Psalmo, ut, tacente domino,
testimonium Scripturarum puerorum dicta firmaret: unde sequitur Iesus autem
dicit eis: utique. Nunquam legistis, et cetera. Chrysostomus super Matth. Tamquam si dicat:
esto, mea culpa est, quia isti clamant. Numquid mea culpa est, quia ante tot
millia annorum hoc futurum propheta praedixit? Infantes autem et lactentes
nec intelligere aliquem nec laudare possunt. Dicuntur ergo infantes non
aetate, sed simplicitate cordis: lactentes autem, quoniam quasi lactis
suavitate, ita mirabilium delectatione excitati clamabant. Lac enim dicitur
opus miraculorum: quia miracula nullum laborem videntibus ponunt, sed
videntes admiratione delectant, et ad fidem molliter invitant. Panis autem
est doctrina perfectae iustitiae; quam accipere non possunt nisi exercitati
sensus circa res spirituales. Chrysostomus in Matth. Hoc autem et typus
gentium erat, et apostolis non parva consolatio: ut enim non angustiarentur
qualiter idiotae existentes possent praedicare, praevenientes pueri eorum
eiecerunt timorem: quoniam scilicet dabit eis sermonem qui hos fecit laudem
cantare. Hoc etiam miraculum significat quod Christus conditor erat naturae:
quia pueri significativa loquebantur, et prophetis consona; viri autem
insipientia et insania plena. |
Versets
10-16.
— Saint Jérôme : En voyant Jésus qui
fait son entrée au milieu de cette multitude, toute la ville de Jérusalem
s’émeut, étonnée de ce grand concours de peuple dont elle ignore le vrai
motif : « Et lorsqu’il fut entré dans
Jérusalem, toute la ville en fut émue ; et chacun se demandait : Qui est
celui-ci ? » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) C’est avec raison qu’ils sont émus à la vue de ce spectacle vraiment
surprenant, un homme recevait les honneurs dus à Dieu, mais c’était Dieu qui
était honoré dans cet homme. Je pense, toutefois, que ceux qui proclamaient
ainsi ses louanges, ne connaissaient pas celui qui en était l’objet, mais que
l’Esprit saint, se répandant tout à coup dans leur âme, leur dictait ces
paroles de vérité. — Origène : (traité
13 sur S. Matth.) Lorsque Jésus fit son entrée dans Jérusalem, les puissances
célestes, dans l’étonnement, disaient : « Quel est ce roi de gloire ? » — Saint Jérôme : Tandis que les
autres sont dans le doute et interrogent, c’est le bas peuple qui proclame la
royauté de Jésus : « Le peuple, au contraire,
disait : « Celui-ci est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée ». Ils
commencent par d’humbles paroles, pour parvenir ensuite à des louanges plus
grandes, car ils le proclament ce prophète dont Moïse avait prédit
l’avènement en disant qu’il serait semblable à lui. Dans les manuscrits
grecs, il est écrit précisément : ‘™n
tö ¢rqrö marturi±’, c'est-à-dire ‘avec le témoignage de son corps’.(Dt
18.) [Note : ce passage difficile a été omis par
le traducteur du XIXème siècle. Je l’ai traduit littéralement,
sans garantie…] Ils ajoutent : «
de Nazareth en Galilée », parce qu’il y avait été élevé, comme la fleur
des champs dans la fleur des vertus. — Raban : Remarquons que l’entrée de Jésus à Jérusalem eut lieu
cinq jours avant la Pâque ; car saint Jean (chap. 12) raconte que ce fut six
jours avant la Pâque qu’il vint à Béthanie, et que le lendemain il fit son
entrée à Jérusalem, monté sur un âne, ce qui nous donne lieu d’admirer la
concordance parfaite entre l’Ancien et le Nouveau Testament, non seulement quant
aux faits, mais quant aux temps et aux dates. En effet, c’est le dixième jour
du premier mois que l’agneau, qui devait être immolé à la fête de Pâque,
était amené dans la maison d’après la loi (Ex 12), parce que c’était aussi au
dixième jour de ce même mois, c’est-à-dire cinq jours avant la fête de Pâque,
que le Seigneur devait faire son entrée dans la ville où devait avoir lieu sa
passion. Suite : « Et Jésus entra dans le temple de Dieu. » — Saint Jean Chrysostome : Il était du devoir d’un bon fils de courir d’abord à la maison de son père, pour lui rendre ses hommages. Et vous aussi qui êtes devenu l’imitateur de Jésus-Christ, lorsque vous entrez dans une ville, empressez vous d’aller tout d’abord à l’église. C’était aussi le devoir d’un bon médecin, en entrant dans cette cité malade qu’il voulait sauver, d’aller d’abord à la source du mal. Or, de même que c’est du temple que sort toute espèce de bien, c’est aussi du temple que viennent tous les maux possibles. Si le sacerdoce a conservé son intégrité, toute l’Eglise est florissante, mais s’il est corrompu, la foi est languissante dans tous les cœurs. Lorsque vous voyez un arbre dont les feuilles jaunissent, vous jugez qu’il est malade dans sa racine ; ainsi, lorsque vous voyez un peuple vivant sans règle et sans frein, soyez certain que le sacerdoce n’y est pas en bonne santé. Suite : « Et il chassait tous ceux qui vendaient
et achetaient. » — Saint Jérôme : Disons tout d’abord
que dans toute l’enceinte du temple auguste du Seigneur, où affluait une foule
immense de Juifs venus de toutes les parties de la Judée, on immolait,
d’après les préceptes de la loi, surtout aux jours de fêtes, une multitude
innombrable de victimes, de taureaux, de béliers et de boucs. Les pauvres,
pour ne pas rester sans sacrifice, offraient des petits de colombes et des
tourterelles. Or, il arrivait que ceux qui venaient de loin n’avaient pas de
victimes ; les prêtres cherchèrent les moyens d’exploiter la religion du
peuple, en faisant commerce de tous les animaux nécessaires pour les
sacrifices, d’abord pour les vendre à ceux qui n’en avaient pas, et pour les
reprendre ensuite à ceux qui les avaient achetés. Mais cet artifice, ou
plutôt cette fraude qui s’exerçait en sens contraire, était souvent rendue
inutile par l’indigence de ceux qui arrivaient sans avoir de quoi fournir aux
frais des sacrifices, et qui n’avaient ni victimes, ni argent pour en
acheter. Ils établirent donc des comptoirs de changeurs qui prêtaient de
l’argent sous caution. Mais la loi, défendant de prêter à usure, ils ne
retiraient ainsi aucun avantage de leur argent prêté, et ils perdaient
quelquefois le capital ; ils eurent donc recours à une autre technique,
c'est-à-dire à un autre artifice ; à la place des changeurs, ils mirent des
collybistes, terme dont la langue latine n’explique pas la propriété ;
le mot collybe signifie chez les Juifs ce que nous appelons desserts ou
petites denrées, comme sont les pois chiches grillés, les raisins secs, les
fruits de toute espèce. Ce nouveau genre d’usuriers, ne pouvant recevoir
l’intérêt de leur prêt, recevaient à la place toute espèce de denrées, et ce
qu’il leur était défendu de recevoir en argent, ils le recevaient en denrées
qui s’achètent avec de l’argent, comme si le prophète Ezéchiel n’avait pas
défendu formellement ce trafic : « Vous
ne prêterez point à usure, et vous ne recevrez rien au delà de ce que vous
avez prêté. » Or, le Seigneur, voyant dans la maison de son Père, ce
commerce illicite, ou plutôt ce brigandage, poussé par une sainte ardeur,
chasse du temple cette innombrable multitude. — Origène : Nous
devons apprendre de là que ceux qui se réunissent dans la maison de prière,
doivent le faire, non pour vendre ou pour acheter, mais pour prier. « Et il leur dit : Il est écrit : Ma
maison sera appelée une maison de prière. » — Saint Augustin : Que personne donc
ne s’occupe dans un oratoire d’autre action que de celle qui est sa raison
d’être, et qui lui a donné son nom. Suite : « Pour vous, vous en avez fait une caverne
de voleurs. » — Saint Jérôme : En effet, on est un
voleur, et on fait du temple de Dieu une caverne de voleurs, lorsqu’on fait
de la religion un instrument de gain. Pour moi, de tous les miracles que le
Seigneur a opérés, celui-ci me paraît le plus admirable, c’est-à-dire qu’un
seul homme, qui était alors un objet de mépris, à ce point qu’il fut bientôt
crucifié, en présence des scribes et des pharisiens déchaînés contre lui, et
qui le voyaient détruire tout leur bénéfice, ait pu, armé seulement d’un
fouet, chasser toute cette multitude. Sans doute, un feu céleste rayonnait de
ses yeux, et la splendeur de la majesté divine luisait sur son visage. — Saint Augustin : (de l’accord des Evang., II, 67.) Il est, du reste, incontestable que ce prodige s’est répété deux fois, dans une première circonstance racontée par saint Jean (2), et dans cette dernière, rapportée par les trois autres Évangélistes. (Mc 11, 45 ; Lc 19, 45, 46, 47.) — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.)
Et c’est ce qui rend les Juifs plus coupables, eux qui ont persévéré dans
leur conduite insensée alors que Jésus les avait chassés deux fois. — Origène : Dans
le sens mystique, le temple de Dieu c’est l’Église de Jésus-Christ. Il en est
beaucoup dans son sein qui, au lieu de vivre spirituellement comme ils le
devraient, sont encore esclaves de la chair, et qui, de cette maison de
prière construite avec des pierres vivantes, font par leurs actes une caverne
de voleurs. S’il faut expliquer d’une manière plus précise quelles sont ces
trois espèces de gens que Notre-Seigneur a chassés du temple, nous dirons :
Les chrétiens, qui ne s’occupent toute leur vie que d’acheter et de vendre,
et qui ne s’appliquent presque jamais à la prière ou aux autres bonnes
oeuvres, sont ceux qui vendent et qui achètent dans le temple de Dieu. Les
diacres qui n’administrent pas fidèlement les revenus de l’Église, et qui
s’enrichissent du bien des pauvres, sont les changeurs dont Jésus-Christ
renverse les tables couvertes d’argent. (Nous voyons, en effet, dans les
Actes, que les diacres étaient préposés aux tables dressées pour les pauvres,
à l’aide des revenus de l’Église) (Ac 6, 16). Les évêques, qui livrent la
direction des églises à ceux qui en sont indignes, sont figurés par ceux qui
vendent des colombes, c’est-à-dire la grâce de l’Esprit saint, et dont le Seigneur
renverse les siéges. — Saint Jérôme : A prendre les
choses simplement, d’après ce qui avait lieu, les colombes n’étaient pas sur
des chaires, mais dans des cages, à moins qu’on ne dise que les marchands de
colombes étaient assis dans des chaires, ce qui est absurde. Les chaires
signifient bien plus naturellement la dignité de ceux qui enseignent, dignité
dont ils détruisent le prestige en se laissant aller à l’amour du gain.
Observez aussi que par suite de l’avarice des prêtres, les autels du vrai Dieu
sont appelés justement des tables de changeurs. Or, ce que nous disons des
Églises, que chacun de nous se l’applique à soi-même ; car l’Apôtre nous dit
(2 Co 6) : « Vous êtes le temple de
Dieu. » Qu’il n’y ait donc dans la demeure de votre cœur ni esprit de
trafic, ni désir des richesses, de peur que Jésus n’en sorte plein de colère
et de sévérité, et qu’il ne puisse purifier autrement son temple qu’en
employant le fouet, pour faire de cette caverne de voleurs une maison de
prière. — Origène : Ou
bien ce sera lors de son second avènement qu’il chassera, ou qu’il renversera
tous les gens indignes qu’il trouvera dans le temple de Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Il renverse les tables des changeurs pour nous apprendre encore que dans le temple de Dieu, il ne doit y avoir que des pièces de monnaies spirituelles qui sont à l’image de Dieu, et qui ne portent aucune empreinte terrestre. En renversant les sièges de ceux qui vendaient des colombes, Jésus semble dire par cette action : Que font dans le temple toutes ces colombes que l’on vend, alors que la colombe unique, qui se donne gratuitement, est descendue dans le temple de mon corps. Or, ce que la foule proclame hautement, le Seigneur l’établit par des faits : « Alors des aveugles et des boiteux s’approchèrent de lui, et il les guérit.» — Origène : Dans
le temple de Dieu, c’est-à-dire dans l’Église, tous ne voient pas, tous, non
plus, ne marchent pas droit ; mais ceux qui, parmi ces infirmes, comprennent
qu’ils n’ont besoin pour être guéris que du secours du Christ, obtiennent
leur guérison en s’approchant du Verbe de Dieu. — Saint Rémi : Ils sont guéris dans
le-temple, ce qui signifie que les hommes ne peuvent être guéris que dans
l’Église qui a reçu de Dieu le pouvoir de lier et de délier. — Saint Jérôme : S’il n’avait pas
renversé les tables des changeurs, et les sièges de ceux qui vendaient des
colombes, jamais ni les aveugles ni les boiteux n’auraient pu obtenir, dans
le temple, les uns le bienfait de la vue, les autres le libre usage de leurs
membres. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.)
Cependant les princes des prêtres ne se rendent pas à tant d’évidence, mais
les autres prodiges qu’il a opérés, et ses louanges que les enfants
proclament, ne font qu’augmenter leur indignation. « Mais les princes des prêtres, voyant, » etc... — Saint Jérôme : Ils n’osent se
saisir de sa personne, les prêtres s’attachent donc à calomnier ses oeuvres
ainsi que le témoignage que lui rendaient le peuple et les enfants qui
criaient : « Hosanna au Fils de David !
béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » parce qu’on ne peut
ainsi parler que du Fils de Dieu seul. Que les évêques et les autres saints
personnages considèrent à quel danger ils s’exposent en acceptant de
semblables louanges, puisque dans un temps où la foi des fidèles n’était pas
encore bien affermie, on en fait un crime au Seigneur, à qui elles
convenaient si justement à toute sorte de titres. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) De même qu’une colonne, pour peu qu’elle penche d’un côté, s’incline
bien davantage lorsqu’on la surcharge d’un nouveau poids, ainsi le cœur
humain, qui est déjà perverti, loin de s’affermir dans le bien, conçoit une
jalousie bien plus violente lorsqu’il voit ou lorsqu’il entend louer les
oeuvres d’un homme juste, telle fut la cause de la jalousie des prêtres
contre Jésus-Christ, lorsqu’ils viennent lui dire : « Entendez-vous bien ce que disent ces enfants. » — Saint Jérôme : Mais la réponse de
Jésus fut pleine de modération, il ne dit point (ce que les scribes auraient
bien désiré entendre) : « Ces enfants font bien de me rendre témoignage, » il
ne dit pas non plus : « Ils se trompent, ce sont des enfants, vous devez
pardonner à leur âge. » Mais il cite un passage du Psaume 8, pour que le
témoignage des Écritures, suppléant à son silence, vienne confirmer les
paroles des enfants : « Oui, leur dit
Jésus, mais n’avez-vous pas lu, etc... » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Comme s’il disait : « Soit,
qu’il y ait de ma faute à ce que les enfants poussent ces cris ; est-ce ma
faute aussi, si tant de milliers d’années auparavant, le prophète avait
prédit cet événement ? » Or, comme les enfants, et ceux qui sont à la
mamelle, ne peuvent ni connaître ni louer personne, on donne ce nom d’enfants
à ceux qui le sont, non par leur âge, mais par la simplicité de leur cœur, et
on dit qu’ils sont à la mamelle, parce qu’ils faisaient entendre ces cris,
excités par la joie qu’ils éprouvaient à la vue de ces merveilles, comme des
enfants charmés par la douceur du lait qui les nourrit. On peut comparer, en
effet, les miracles au lait, car ils n’occasionnent aucun travail à ceux qui
en sont témoins, mais leur vue seule les remplit d’admiration et de joie, et
les attire doucement à la foi. Le pain, au contraire, c’est la doctrine de la
justice parfaite, et on ne peut s’en nourrir que lorsque l’esprit s’est
longtemps exercé dans les choses spirituelles. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.) Nous trouvons là encore une figure des Gentils, et en même temps le sujet d’une grande consolation pour les Apôtres. Ils pouvaient être inquiets de la manière dont ils annonçaient l’Évangile, eux qui étaient sans instruction ; l’exemple de ces enfants dissipe leur crainte, en leur apprenant que celui qui a mis la louange sur leurs lèvres leur donnera également la puissance de la parole. Ce miracle prouve encore que le Christ est le Créateur de la nature, car les enfants font entendre des paroles pleines d’une haute signification et leur langage est en harmonie avec celui des prophètes, tandis que le langage des hommes faits ne respire que la folie et la colère. |
Lectio 3 [85547] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus hinc autem intelligendum est
quod dominus tantae fuerit paupertatis, et ita nulli adulatus sit, ut in urbe
maxima nullum hospitem, nullam invenerit mansionem; sed in vico parvulo apud
Lazarum sororesque eius habitaret; eorum quippe viculus Bethania est; unde
sequitur ibique mansit. Chrysostomus super Matth. Ut scilicet ibi
maneret corporaliter ubi et spiritualiter repausabat: nam sanctorum virorum
est quod non gaudent ubi epulae largae sunt, sed ubi sanctitas floret. Hieronymus. Discussis autem noctis tenebris,
cum in civitatem reverteretur dominus esuriit: unde sequitur mane autem
revertens in civitatem, esuriit, veritatem scilicet humanae carnis ostendens.
Chrysostomus super Matth. Quando enim
concessit carni quod proprium erat pati, tunc demonstrat eius passionem. Rabanus. Nota autem maiorem studiosi
operatoris affectum, dum dicitur mane revertisse in civitatem, ut
praedicaret, et ut aliquos Deo patri acquireret. Hieronymus. Dominus autem passurus in populis,
et baiulaturus scandalum crucis, voluit discipulorum animos signi
anticipatione firmare: unde sequitur et videns arborem unam secus viam, venit
ad eam, et nihil invenit in ea nisi folia tantum. Chrysostomus in Matth. Non propter hoc
veniebat quia esuriebat, sed propter discipulos: quia enim ubique
benefaciebat, nullum autem puniebat, oportebat et punitricis eius virtutis
demonstrationem tribuere. Noluit autem in hominibus
hoc ostendere, sed in planta. Hilarius in Matth. Et in hoc quidem
bonitatis dominicae argumentum reperimus: nam ubi afferre voluit procuratae
per se salutis exemplum, virtutis suae potestatem in humanis corporibus
exercuit, spem futurorum et animae salutem, curis praesentium aegritudinum
commendans; nunc vero, ubi in contumaces formam severitatis constituebat,
futuri speciem damno arboris indicavit: unde sequitur et ait illi: numquam ex
te fructus nascatur in sempiternum. Hieronymus. Vel in saeculum, utrumque
enim eona, Graecus sermo significat. Chrysostomus in Matth. Suspicionis
autem discipulorum erat existimare propter hoc eam esse maledictam, quia non
habebat fructum: cur igitur maledicta est? Discipulorum gratia, ut discant
quoniam poterat siccare eos qui crucifixerunt eum; unde sequitur et arefacta
est continuo ficulnea. Ideo autem non in alia planta, sed in omnium
humidissima miraculum hoc fecit, ut et hinc maius hoc miraculum appareat. Cum
autem in plantis vel in brutis fit aliquid tale, non quaeras qualiter iuste
siccata est ficus, si tempus non erat (hoc enim quaerere est ultimae
dementiae, quia scilicet in talibus non invenitur culpa et poena): sed
miraculum inspice, et admirare miraculi factorem; unde sequitur et videntes
discipuli mirati sunt, dicentes: quomodo continuo aruit? Glossa. Non facit creator iniuriam
possidenti; sed creatura suo arbitrio ad utilitatem aliorum mutatur. Chrysostomus in Matth. Et ut discas quoniam propter
eos hoc factum est, scilicet ut ad confitendum eos erigat, audi quid deinceps
dicatur: sequitur enim respondens autem Iesus ait illis: amen dico vobis, si
habueritis fidem. Hieronymus. Latrant contra nos gentilium
canes, asserentes apostolos non habuisse fidem, quia montes transferre non
potuerunt. Quibus respondemus multa facta esse signa a domino quae scripta
non sunt: igitur et haec credimus fecisse apostolos; sed ideo scripta non
esse ne infidelibus contradicendi maior daretur occasio: alioquin
interrogemus eos, utrum credant his signis quae scripta narrantur, an non? Et
cum incredulos viderimus, consequenter probabimus, nec maioribus eos
credituros fuisse qui minoribus non crediderunt. Chrysostomus. Hoc autem quod dominus dicit,
orationi adscribit et fidei: unde iterum dicit omnia quaecumque petieritis in
oratione credentes accipietis: discipuli enim Christi, nihil eorum quae non
oportet petunt: et quasi credentes magistro, nihil aliud petunt nisi magna et
caelestia. Rabanus. Quotiescumque autem petentes non
exaudimur, ideo fit quia vel contra auxilium nostrae salutis petimus, vel
quia eorum pro quibus petimus, perversitas ne impetremus obsistit; vel in
futurum petitionis nostrae differtur effectus, ut desideria crescant, et
perfectius capiant gaudia quae requiruntur. Augustinus de Cons. Evang. Considerandum
autem, quod miratos esse discipulos de hoc quod arbor aruerat, et eis dominum
respondisse quod dictum est de fide, non ipso secundo die quo maledixerit
arbori, sed tertio die Marcus dicit: ipso quippe die secundo commemoravit
Marcus de templo eiectos vendentes, quod primo die factum praetermiserat;
ipso ergo secundo die dicit, facta vespera, egressum de civitate; et cum mane
transirent, vidisse discipulos mane factam ficum aridam. Matthaeus autem sic
loquitur tamquam secundo die hoc totum sit factum; unde intelligitur quod cum
Matthaeus dixisset arefacta est continuo ficulnea, praetermissis ceteris ad
secundam diem pertinentibus, adiunxit statim et videntes discipuli admirati sunt;
ita tamen quod alio die viderit dominus ficulneam, et alio die discipuli
mirati sunt: intelligitur enim non tunc aruisse quando viderunt arefactam,
sed continuo quando maledicta est: non enim arescentem, sed penitus arefactam
viderunt, ac sic eam continuo in verbo domini aruisse intellexerunt. Origenes in Matth. Mystice autem relinquens
dominus principes et Scribas, factus est extra Ierusalem terrenam, quae ideo
cecidit. Venit autem in Bethaniam ad domum obedientiae, idest Ecclesiam: ubi
cum requievisset post principium constituendi Ecclesiam, revertitur in
civitatem quam paulo ante reliquerat, et revertens esuriit. Chrysostomus super Matth. Si autem quasi homo
esurisset cibum carnalem, nunquam mane esurisset: sed mane esurit qui aliorum
esurit salutem. Hieronymus. Arborem autem quam vidit in
via, intelligimus synagogam, quae iuxta viam erat: quia legem habebat, non
tamen credebat in viam, idest in Christum. Hilarius in Matth. Quae ficus arbori
comparatur, quia credentes primi ex Israel apostoli crasso modo, ceteros
resurrectionis gloria et tempore anteibunt. Chrysostomus super Matth. Ficus etiam
propter multitudinem granorum sub uno cortice, est quasi congregatio multorum
fidelium. Nihil autem invenit in ea nisi folia tantum, idest traditiones
pharisaicas, iactationem legis absque fructibus veritatis. Origenes in Matth. Et quoniam arbor illa
erat figuraliter animam habens, quasi audienti dicit nunquam ex te fructus
nascatur in sempiternum: ideo infructuosa est synagoga Iudaeorum; et hoc erit
usque ad consummationem saeculi, donec intraverit gentium multitudo; et aruit
ficulnea, adhuc peregrinante in hac vita Christo, et videntes discipuli
oculis spiritualibus mysterium fidei siccatae, mirati sunt; sed et discipuli
Christi fideles, et non haesitantes, relinquentes eam, siccam faciunt, cum
vitalis virtus transierit ab eis ad gentes; sed et a singulis qui adducuntur
ad fidem, tollitur mons ille Satanas et mittitur in mare, idest in abyssum.
Chrysostomus super Matth. Vel in mare,
idest in istum mundum, ubi sunt aquae salsae, idest populi iniqui. Rabanus. Exclusionem enim suam ab
electis amplius saeviendo vindicat in reprobis. Augustinus de quaest. Evang. Vel hoc
sibi servus Dei dicere debet de monte superbiae, ut eam a se repellat: vel
quia per eos Evangelium praedicatum est, ipse dominus, qui mons appellatus
est, a Iudaeis in gentes tamquam in mare iacitur. Origenes. Omnis etiam qui obedit verbo Dei,
Bethania est, et requiescit Christus in eo: malos quidem et peccatores
reliquit; quando autem fuerit apud iustos, fit et apud alios post illos et
cum illis: non enim dicitur quod relinquens Bethaniam venit in civitatem.
Esurit autem semper dominus in iustis, volens manducare fructum spiritus
sancti in eis, qui sunt caritas, gaudium et pax. Erat autem secus viam haec
ficus quae folia tantum habuit sine fructu. Chrysostomus super Matth. Idest iuxta mundum:
si enim homo iuxta mundum vixerit, non potest in se fructum iustitiae tenere.
Origenes. Si autem venerit dominus in
tentationibus, fructum requirens, et inventus fuerit aliquis nihil iustitiae
habens, nisi professionem tantummodo fidei, quod est folia sine fructu: mox
exsiccatur, hoc ipsum etiam quod videtur fidelis amittens; sed et unusquisque
discipulorum ficum arescere facit, manifestum faciens, eum esse vacuum a
Christo: sicut Petrus dixit ad Simonem: cor tuum non est rectum coram Deo.
Melius est enim fallacem ficum, quae vivere aestimatur, non autem
fructificet, siccari verbis discipulorum Christi, et fieri manifestam, quam ut
furetur per figmentum innocentium corda. Est autem et in unoquoque infideli
mons secundum mensuram infidelitatis suae, qui verbis discipulorum Christi
tollitur. |
Versets
17-22.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) On triomphe plus facilement d’un homme méchant en lui cédant qu’en
essayant de lui résister ; car les discours, loin de l’éclairer, le rendent
plus violent. Aussi le Seigneur cherche-t-il a apaiser, en s’éloignant, ceux
que ses paroles n’ont pu calmer : « Et
les ayant laissés là, il sortit de la ville, et s’en alla à Béthanie. » — Saint Hilaire : Nous devons
conclure de là que Notre-Seigneur était si pauvre, et d’ailleurs si éloigné
de flatter personne, que dans une si grande ville, il ne trouva pas un seul
hôte, une seule demeure, et qu’il fut obligé de se retirer dans un petit
bourg, chez Lazare et ses sœurs ; ce bourg qu’ils habitaient, s’appelait
Béthanie. « et il y demeura, »
ajoute le texte. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Afin de trouver le repos du corps là où il jouissait du repos de
l’âme, car c’est un des caractères des saints d’aimer à se fixer dans les
maisons où brille, non le luxe des splendides festins, mais l’éclat de la
sainteté. — Saint Jérôme : Lorsque les ténèbres
de la nuit furent dissipées, le Seigneur étant revenu à Jérusalem, eut faim. « Le matin, dit l’Évangéliste, comme il retournait dans la ville, il eut
faim » et il donnait ainsi la preuve qu’il s’était vraiment revêtu de la
nature humaine. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.)
Car en laissant son corps souffrir ce qui est dans sa nature, il prouvait
qu’il était sujet à la souffrance. — Saint Bède : [référence
à vérifier] Remarquez le zèle toujours croissant de cet ouvrier
infatigable, il retourne le matin à la ville pour y prêcher de nouveau, et
gagner quelques âmes à son Père. — Saint Jérôme : Or, le Seigneur,
avant de souffrir à la vue du peuple et de porter le scandale de la croix,
voulut raffermir l’âme de ses disciples par un miracle qui précédât ses
humiliations. « Et voyant un figuier sur
le chemin, il s’en approcha, mais il n’y trouva que des feuilles. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.)
Ce n’est point parce qu’il avait faim, qu’il s’en approchait, mais dans
l’intérêt de ses disciples, car comme il répandait partout ses bienfaits,
sans jamais châtier personne, et qu’il fallait cependant donner des exemples
de sa justice toute-puissante, il choisit, non pas les hommes, mais un arbre
pour en établir la vérité. — Saint Hilaire : (can. 21.) C’est en
cela que nous pouvons trouver une preuve de sa bonté. En effet, lorsqu’il
voulut prouver par des exemples qu’il venait sauver le monde, il fit sentir
les effets de sa toute-puissance aux corps des hommes, établissant ainsi
l’espérance des biens futurs, et le salut des âmes par la guérison des maux
de cette vie ; mais maintenant qu’il veut donner un exemple de sa sévérité
contre les rebelles opiniâtres, c’est en faisant mourir un arbre qu’il nous
donne l’image des châtiments futurs : «
Et il lui dit : Qu’éternellement, aucun fruit ne naisse de toi. » — Saint Jérôme : Ou « dans aucun temps » car le mot grec a„wna peut recevoir l’un et l’autre
sens. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.)
Ce fut seulement dans l’opinion des disciples que ce figuier avait été
maudit, parce qu’il ne portait point de fruit ; mais pourquoi donc fut-il
maudit ? pour l’instruction des Apôtres, qui apprenaient ainsi que le Seigneur
pourrait réduire à néant ceux qui le crucifièrent. Il est dit, en effet : « Et au même moment le figuier se sécha. »
Ce ne fut pas sur un autre arbuste, mais sur celui de tous qui a le plus de
sève qu’il fit ce miracle, pour le rendre plus éclatant. Or, lorsque vous
voyez que des plantes ou des animaux sont l’objet de semblables prodiges, ne
demandez pas comment ce figuier a été desséché avec justice, si ce n’était
pas le temps des fruits ; cette question serait de la dernière folie, puisque
dans de semblables objets, il ne peut être question ni de faute ni de peine ;
mais considérez attentivement ce miracle, et admirez la puissance de celui
qui l’opère. C’est ce que font les disciples : « Ce que les disciples ayant vu, ils furent saisis d’étonnement, et
dirent : « Comment le figuier s’est-il déssèché sur le champ ?» — La Glose : Le
Créateur ne commet pas d’injustice à l’égard de celui à qui appartient un objet
quelconque, en usant de sa créature comme il l’entend pour l’utilité des
autres. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.)
Or, pour vous apprendre que c’est pour l’utilité de ses disciples,
c’est-à-dire pour exciter en eux une grande confiance, qu’il a opéré ce
miracle, écoutez ce qu’il ajoute : «
Alors Jésus leur dit : Je vous le dis en vérité, si vous avez de la foi »
. — Saint Jérôme : Les chiens des
Gentils aboient contre nous, en affirmant que les Apôtres n’ont pas eu la
foi, puisqu’ils n’ont pu transporter des montagnes. Nous leur répondons que
Notre-Seigneur a fait un grand nombre de miracles qui ne sont pas rapportés
par les Évangélistes, et nous croyons également que les Apôtres ont opéré des
prodiges de cette nature, mais que les auteurs sacrés n’ont pas rapportés,
pour ne pas donner aux infidèles une nouvelle occasion de contredire les
vérités chrétiennes. Demandons leur, en effet, s’ils croient ou non aux
miracles écrits dans l’Évangile, et, en voyant leur incrédulité à cet égard,
nous serons autorisés à conclure qu’ils n’auraient pas cru davantage à de
plus grands prodiges, eux qui n’ont pas cru à des miracles moins importants. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.)
Or, c’est à la prière et à la foi que le Seigneur attribue cette puissance,
et c’est pour cela qu’il dit de nouveau : «
Toutes les choses que vous demanderez avec foi dans la prière, vous les
obtiendrez. » — Origène : [référence à vérifier] Car les disciples de
Jésus-Christ ne demandent rien qui ne soit digne d’être demandé, et pleins de
foi dans leur divin Maître, ils ne demandent que des biens supérieurs et
dignes du ciel. — Raban : Or, toutes les fois que nos prières ne sont pas exaucées,
cela vient de ce que nous avons demandé des choses contraires à notre salut,
ou de ce que les mauvaises dispositions de notre âme nous ont rendu indignes
d’obtenir ce que nous demandions pour les autres ; ou bien enfin, Dieu
diffère de nous accorder l’effet de notre prière, pour accroître nos désirs,
et nous faire recevoir d’une manière plus parfaite les grâces que nous
demandons. — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 68.) Remarquons que les disciples s’étonnèrent de ce que le
figuier s’était desséché, et que le Seigneur leur fit connaître l’efficacité
de la foi, non pas le deuxième jour où il maudit cet arbre, mais le troisième
jour, comme saint Marc le rapporte. En effet, cet Évangéliste raconte que le
second jour, Notre-Seigneur chassa les marchands du temple, ce qu’il avait
omis le premier jour ; le second jour, il dit que le soir étant venu, Jésus
sortit de la ville, et que le lendemain matin les Apôtres virent en passant
le figuier desséché. D’après le récit de saint Matthieu, au contraire, tout
se serait passé le second jour. Lors donc que cet Évangéliste dit : « Et aussitôt le figuier fut desséché »,
et que passant tous les événements du second jour, il ajoute immédiatement : « ce qu’ayant vu les disciples, ils furent
saisis d’étonnement », il faut l’entendre en ce sens que ce n’est pas le
même jour que le Seigneur vit le figuier que les disciples furent dans
l’étonnement. En effet, ce n’est pas au moment qu’ils le virent desséché que
le figuier se dessécha, mais aussitôt qu’il eût été maudit ; car ils ne le
virent pas se desséchant, mais tout à fait desséché, et c’est ce qui leur fit
comprendre qu’il s’était desséché tout d’un coup, à la parole de leur divin
Maître. — Origène : (traité
16 sur S. Matth.) Dans le sens mystique, le Seigneur, ayant quitté les
princes des prêtres et les scribes, sort de la Jérusalem terrestre, ce qui
fut la cause de sa ruine. Il vient à Béthanie, la maison de l’obéissance,
c’est-à-dire dans l’Église. Lorsqu’il s’y est reposé, après avoir jeté les
premiers fondements de l’Église, il retourne dans la ville qu’il avait
quittée auparavant, et c’est en y retournant qu’il eut faim. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Or, si la faim qu’il éprouvait avait été naturelle et avait eu pour
objet la nourriture du corps, il ne l’aurait pas ressentie le matin ; cette
faim du matin, c’est donc la faim du salut des âmes. — Saint Jérôme : Cet arbre qu’il
rencontre dans le chemin, c’est la synagogue ; elle était le long du chemin,
parce qu’elle avait la loi, mais elle ne croyait pas à la voie véritable qui
est Jésus-Christ. — Saint Hilaire : (can. 21.) Elle est
comparée au figuier, parce que les Apôtres, qui furent les premiers d’entre
les Juifs pour croire en Jésus-Christ, précéderont les autres, comme des
figues précoces, par la gloire et l’époque de leur résurrection. — Saint Jean Chrysostome : La figue,
qui renferme une multitude de grains sous une même enveloppe, est comme la
réunion de la multitude des fidèles. Or, le Seigneur ne trouve sur le figuier
que des feuilles, c’est-à-dire les traditions pharisaïques, et toutes les
prétentions orgueilleuses de la loi, sans aucun fruit de vérité. — Origène : Et
comme cet arbre, pris au figuré, était pour ainsi dire animé, Notre-Seigneur
lui dit, comme s’il était capable de l’entendre : « Que jamais fruit ne naisse de toi. » C’est ainsi que la
synagogue des Juifs est frappée de stérilité, et qu’elle demeurera sans
fruits jusqu’à la fin du monde, jusqu’à ce que la multitude des nations soit
entrée dans l’Église. Ce figuier s’est desséché pendant que Jésus-Christ
était encore sur la terre, et les Apôtres, voyant avec les yeux de l’âme ce
mystère de la foi frappé de stérilité, furent saisis d’étonnement, et
immédiatement, en fidèles disciples de Jésus-Christ, et sans la moindre
hésitation, ils abandonnent la synagogue qui se dessèche aussitôt, parce que
les Apôtres portent aux Gentils toute la sève vivifiante de la grâce. De même
encore lorsqu’ils amènent quelqu’un à la foi, on peut dire qu’ils
transportent une montagne, c’est-à-dire Satan, et la précipitent dans la mer,
c’est-à-dire dans l’abîme. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 67.)
Ou bien la mer signifie la grande confusion du monde où se trouvent des eaux salées,
c’est-à-dire des peuples impies. — Raban : Car Satan se venge d’être chassé du milieu des élus en se
déchaînant avec plus de fureur contre les réprouvés. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1,
29.) Ou bien, c’est le langage que le serviteur de Dieu doit tenir à la
montagne de l’orgueil pour la repousser loin de lui. Ou bien encore, comme
c’est par les Apôtres que l’Évangile a été prêché, le Seigneur, qui est
appelé la montagne, a été jeté par les Juifs au milieu des Gentils comme au
sein de la mer. — Origène : Tout
homme aussi qui se rend docile à la parole de Dieu, est Béthanie, et
Jésus-Christ repose dans son cœur. Il abandonne les méchants et les pécheurs,
mais lorsqu’il sera au milieu des justes, il ira encore vers d’autres sans
quitter les premiers ; car il n’abandonne pas Béthanie en venant à Jérusalem.
Or, le Seigneur éprouve toujours le besoin de la faim dans les justes, et
désire se nourrir en eux des fruits de l’Esprit saint, qui sont à la fois la
charité, la joie et la paix (Ga 5). Ce figuier, qui n’avait que des feuilles
sans porter de fruits, était près du chemin. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) C’est-à-dire dans le monde ; car celui qui vit selon le monde ne peut
produire les fruits de la justice. — Origène : Or, si le Seigneur vient au milieu des tentations pour recueillir des fruits, et qu’il rencontre un chrétien qui n’ait que la profession extérieure de la foi, c’est-à-dire des feuilles sans fruits, ce chrétien est bientôt frappé de stérilité, et perd même jusqu’au caractère extérieur du christianisme. Tout disciple peut dessécher ainsi un figuier en lui montrant qu’il est tout à fait vide [de la sève vivifiante] de Jésus-Christ. C’est ainsi que Pierre dit à Simon le Magicien : « Votre cœur n’est pas droit devant Dieu. » Il vaut bien mieux qu’un figuier trompeur dont on croit qu’il est vivant et qui ne porte aucun fruit, soit frappé de stérilité par la parole des disciples de Jésus-Christ, que de tromper par un faux semblant de religion la confiance des cœurs simples et innocents. Il y a aussi dans tout cœur incrédule une montagne proportionnée à son incrédulité, et que la parole seule des disciples de Jésus-Christ peut faire disparaître. |
Lectio 4 [85548] Catena in Mt.,
cap. 21 l. 4 Chrysostomus super Matth. Quia viderant
sacerdotes Christum cum magna gloria introeuntem in templum, invidia
torquebantur. Itaque non sufferentes in pectore suo invidiae stimulantis
ardorem, prorumpunt in vocem; unde dicitur et cum venisset in templum,
accesserunt ad eum docentem principes sacerdotum et seniores populi dicentes:
in qua potestate haec facis? Chrysostomus in Matth. Quia enim signis
detrahere non habebant, ex his quae inhibebantur in templo vendere, afferunt reprehensionem;
ac si dicerent: numquid magistralem suscepisti thronum? Sacerdos consecratus
es, quoniam tantam demonstrasti potestatem? Chrysostomus super Matth. Per hoc autem
quod subdunt aut quis dedit tibi hanc potestatem? Ostendunt
multas esse personas quae dant hominibus potestatem, sive corporalem, sive
etiam spiritualem; quasi dicerent: de sacerdotali familia genitus non es;
senatus tibi hoc non concessit; Caesar non donavit. Si autem credidissent
quia omnis potestas ex Deo est, nunquam interrogassent: quis dedit tibi hanc
potestatem? Omnis enim homo secundum se aestimat alterum: fornicarius neminem
aestimat castum; castus non facile de fornicario suspicatur; sic qui non est
ex Deo sacerdos, nullius sacerdotium putat ex Deo. Hieronymus. Vel his verbis eamdem quam supra
calumniam struunt, quando dixerunt: in Beelzebub principe Daemoniorum eicit
Daemonia. Quando enim dicunt in qua potestate haec facis? Dubitant de Dei
potestate, et subintelligi volunt, Diaboli esse quod faciat. Addentes quoque
quis tibi dedit hanc potestatem? Manifestissime Dei filium negant, quem
putant non suis, sed alienis viribus signa facere. Poterat autem dominus
aperta responsione tentatorum calumniam confutare; sed prudenter
interrogavit, ut suo ipsi vel silentio vel scientia condemnarentur: unde
sequitur respondens Iesus dixit eis: interrogabo vos et ego unum sermonem.
Chrysostomus super Matth. Non quidem ut
respondentes audiant, sed ut impediti non interrogent: quia ipse praeceperat:
nolite sanctum dare canibus. Deinde etiam si dixisset, nihil proficeret: quia
non potest sentire quae lucis sunt tenebrosa voluntas: interrogantem enim
oportet docere, tentantem autem rationabili percussione confundere, non autem
ei virtutem mysterii publicare. Dominus ergo simplici interrogationi laqueum
ponit in sua interrogatione; et quia eum vitare non poterant, subdit quem si
dixeritis mihi, et ego vobis dicam in qua potestate haec facio. Est autem
interrogatio talis: Baptismus Ioannis unde erat? Ex caelo, an ex hominibus?
Augustinus super Ioan. Accepit quidem Ioannes
ut baptizare posset ab eo quem postmodum baptizavit; Baptismus autem quem
accepit, Baptismus Ioannis hic dicitur. Solus tale donum accepit: nullus ante
ipsum iustorum, nullus post ipsum accepit Baptismum, qui Baptismus diceretur
ipsius. Venit enim Ioannes baptizare in aqua poenitentiae, viam domino
praeparando, non interius mundando, quod purus homo non potest. Hieronymus. Ipsi autem sacerdotes quid in sua
malitia pertractaverint, ostenditur cum subditur at illi cogitabant inter se.
Si enim respondissent Baptisma Ioannis esse de caelo, consequens erat
responsio: quare ergo non estis baptizati a Ioanne? Si autem dicere
voluissent humana deceptione compositum et nihil habere divinum, seditionem
populi formidabant. Omnes enim congregatae multitudines, Ioannis receperant
Baptisma, et sic habebant eum ut prophetam. Respondit itaque impiissima
factio, et humilitatis verbo, quo nescire se diceret, versa est ad insidias
cooperiendas: unde sequitur et respondentes Iesu, dixerunt: nescimus. In hoc
quod nescire se responderant, mentiti sunt: consequens ergo erat iuxta
responsionem eorum, dominum quoque dicere: nec ego scio. Sed mentiri veritas
non potest; sequitur enim ait illis et ipse: nec ego dico vobis in qua
potestate haec facio. Ex quo ostendit et illos scire, sed respondisse nolle:
et se nosse, et ideo non dicere, quia illi quod sciant taceant. Origenes in Matth. Sed dicet aliquis contra
hoc, quia ridiculum erat interrogare in qua potestate haec faceret Iesus: nec
enim poterat fieri ut responderet quia in potestate Diaboli faceret; sed nec
ipse responderet quod erat verum, quoniam in potestate propria facit. Si quis
autem dicat, quoniam interrogabant principes ut illum terrerent, ut puta, si
facit aliquis quod nobis non placet in nostris, dicimus ei: quis te iussit
hoc facere? Eum terrentes ut recedat ab actu: sed quid est quod et Christus
ita respondit: dicite mihi vos hoc, et ego vobis dicam in qua potestate haec
facio? Forte ergo sic intelligitur hic locus. Generaliter quidem sunt duae
potestates diversae: una ex parte Dei, altera ex parte Diaboli: specialiter
autem sunt plures; non enim una potestas omnibus prophetis facientibus signa
cooperabatur; sed alia istis, alia illis; et ad res forsitan inferiores inferior,
ad res autem eminentiores eminentior. Principes autem sacerdotum videbant
Iesum multa prodigia facientem; et ideo potestatis sibi cooperantis speciem
et proprietatem volebant audire a Christo. Alii quidem qui signa fecerunt, in
primis quidem in ista potestate fecerunt; proficientes autem in alia
potestate maiori; tamen salvator universa fecit in una potestate, quam
accepit a patre. Quoniam autem non erant digni talia audire mysteria,
propterea non dat eis responsum, sed contra interrogat. Rabanus. Ob duas enim causas scientia
veritatis est occultanda quaerentibus: cum scilicet is qui quaerit aut minus
capax est ad intelligendum, aut odio vel contemptu veritatis indignus est cui
debeat aperiri quod quaerit. |
Versets
23-27.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Les prêtres, témoins de l’entrée si glorieuse de Jésus-Christ dans le
temple, furent en proie à une violente jalousie, et ne pouvant contenir dans
leur âme l’ardeur de cette passion qui les dévorait, ils la laissent éclater
dans leurs paroles : « Et lorsqu’il fut
entré dans le temple, comme il enseignait, les princes des prêtres et les
anciens du peuple vinrent le trouver, disant : ‘Par quel pouvoir
faites-vous cela ? » — Saint Jean Chrysostome : (hom.
67.)Ils ne peuvent calomnier ses miracles, ils l’attaquent sur la défense
qu’il a faite de vendre dans le temple, comme s’ils lui disaient : Est-ce que
vous occupez la chaire des docteurs ? est-ce que vous avez reçu la
consécration sacerdotale pour déployer une si grande autorité ? — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Par les paroles qui suivent : «
Et qui vous a donné ce pouvoir ? », ils reconnaissent qu’il y a plusieurs
dignités qui ont le droit de conférer [sur la terre] la puissance extérieure
ou même la puissance spirituelle, et ils semblent dire au Seigneur : « Vous
n’êtes pas d’une famille sacerdotale ; ni le sénat ni César ne vous ont
investi de ce pouvoir. » S’ils avaient cru que tout pouvoir vient de Dieu,
ils ne lui auraient jamais fait cette question : « Qui vous a donné ce pouvoir ? » Car tout homme juge les autres
d’après lui-même ; le fornicateur ne peut croire qu’il existe un homme chaste
; l’homme chaste, au contraire, ne croit pas facilement à la fornication,
c’est ainsi que celui que Dieu n’a point établi prêtre, ne croit pas qu’il
puisse y avoir de sacerdoce qui vienne de Dieu. — Saint Jérôme : Ou bien, on peut
dire qu’ils renouvellent ici la même calomnie qu’ils avaient faite autrefois
lorsqu’ils disaient : « C’est par
Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons. » En effet, quand
ils disent : « Par quelle autorité
faites-vous ces choses ? », ils doutent que ce soit au nom de la
puissance de Dieu, et ils laissent sous-entendre que c’est au nom du démon
que Jésus opère ces merveilles ? Ils ajoutent : « Et qui vous a donné ce pouvoir ? » et ils nient par là
ouvertement qu’il soit le Fils de Dieu, en croyant que c’est par une
puissance étrangère et non par sa propre vertu qu’il opère des miracles. Or,
Notre-Seigneur pouvait réfuter les calomnies de ceux qui le tentaient, par
une réponse claire ; mais il aime mieux leur poser une question pleine de
prudence, pour qu’ils soient condamnés, ou par leur silence ou par leur
science prétendue. « Jésus leur
répondit : J’ai moi-même une seule question à vous faire. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ce n’est pas dans le dessein que leur réponse les rende plus dociles à
l’écouter, mais pour les embarrasser et les empêcher de le questionner
davantage ; car il avait lui-même donné le précepte de ne pas donner les
choses saintes aux chiens. D’ailleurs, eût-il répondu à leur question, c’eût
été sans résultat ; car les ténèbres, dont la volonté est environnée, ne lui
permettent pas de se laisser pénétrer par la lumière. Il faut éclairer celui
qui interroge pour s’instruire ; mais pour celui qui ne questionne que pour
tendre des piéges, il suffit de le confondre par une réponse pleine de sens,
sans lui faire connaître les secrets du mystère qu’il veut pénétrer. Le
Seigneur les embarrasse donc dans la question qu’ils lui ont faite par celle
qu’il leur adresse, et comme ils ne pouvaient échapper à cette difficulté, il
ajoute : « Et si vous m’y répondez, je
vous dirai par quelle autorité je fais ceci. » Or, voici la question
qu’il leur pose : « Le baptême de Jean,
d’où était-il ? du ciel ou des hommes ? » — Saint Augustin : (traité 5 sur S.
Jean.) Jean reçut le pouvoir de baptiser de celui qu’il baptisa lui-même par
la suite, et ce baptême qu’il avait reçu le pouvoir de donner, est appelé ici
le baptême de Jean. Il est le seul qui ait reçu une telle faveur, et aucun
juste avant lui, aucun juste après lui n’a reçu le pouvoir de donner un
baptême qui portât son nom. Car Jean vint baptiser dans l’eau de la pénitence
pour préparer les voies au Seigneur, mais sans purifier les âmes, ce que ne
peut faire un simple mortel. — Saint Jérôme : Or, nous voyons dans
ces paroles suivantes : « Mais ils
raisonnaient ainsi en eux-mêmes » le conseil qu’ils tinrent sous
l’inspiration de leur malice. S’ils répondaient : le baptême de Jean
venait du ciel, il était naturel de leur répliquer : « Pourquoi donc
n’avez-vous pas reçu ce baptême de Jean ? » S’ils répondaient, au contraire,
que ce baptême était d’invention humaine, et n’avait rien de divin, ils
craignaient de soulever une sédition parmi le peuple ; car des foules
nombreuses s’étaient rassemblées pour recevoir le baptême de Jean, et le
regardaient comme un prophète. Cette faction d’impiété lui répondit donc, et
pour mieux cacher ses intentions perfides, elle a recours à cet aveu plein
d’humilité qu’elle ne savait que répondre. « Ils répondirent donc à Jésus : Nous ne savons pas.» En
répondant qu’ils ne savaient pas, ils mentaient, et il semble que le Seigneur
aurait dû leur rendre la pareille, en leur disant : « Ni moi non plus je ne sais
pas. » Mais la vérité est incapable de mensonge. « Il leur répondit donc : Je ne vous dirai point non plus par quelle
autorité je fais ceci. » Il leur démontre ainsi qu’ils le savent fort
bien, mais qu’ils ne veulent pas répondre, et qu’il sait aussi que répondre,
mais qu’il ne veut pas le faire, parce que eux-mêmes ne veulent pas dire ce
qu’ils savent. — Origène : (Traité
XVII Sur S. Matth.) On trouvera peut-être qu’il était ridicule de demander à
Jésus par quelle autorité il faisait ces choses, car il était impossible
qu’il répondît que c’était au nom du démon. L’homme de péché (2 Th 2),
lui-même, ne pourrait répondre, ce qui serait vrai cependant, qu’il agit par sa
propre puissance. Dira-t-on que les princes des prêtres ne lui faisaient
cette question que pour l’intimider, comme lorsque nous voyons un homme qui
entreprend sur notre terrain des choses qui ne nous conviennent pas, nous lui
disons pour l’effrayer et le faire cesser : « Qui vous a commandé d’agir
ainsi ? » Mais alors, pourquoi le Seigneur leur a-t-il dit : « Répondez d’abord à ma question, et je
vous dirai, moi aussi, par quelle autorité je fais ces choses. » Voici
donc l’explication vraisemblable de ce passage. On distingue, en général,
deux pouvoirs opposés ; l’un qui vient de Dieu, et l’autre qui vient de Satan
; mais, dans les cas particuliers, il faut en admettre un plus grand nombre.
Ainsi ce n’était pas la même puissance qui agissait dans les prophètes,
lorsqu’ils faisaient des miracles, mais cette puissance était différente dans
les différents prophètes. Peut-être cette puissance était moindre pour des
choses moins importantes, et plus grande pour de plus grandes circonstances.
Or, les princes des prêtres, voyant Jésus opérer une foule de prodiges,
voulaient apprendre de sa bouche de quelle espèce et de quelle nature était
la puissance au nom de laquelle il agissait. Ceux qui avaient fait des
miracles avaient commencé d’agir à l’aide d’un pouvoir limité, et à mesure
qu’ils avançaient ils avaient reçu une puissance plus grande ; mais, pour le Sauveur,
il a opéré tous ses miracles par la seule et même puissance qu’il a reçue de
son Père. Or, comme les princes des prêtres n’étaient pas dignes d’entendre
de tels mystères, Jésus ne veut pas leur répondre, et, au contraire il les
interroge lui-même. — Raban : Il y a deux raisons de cacher la vérité à ceux qui semblent la chercher, lorsque celui qui interroge est incapable de la comprendre, ou bien lorsque la haine ou le mépris de la vérité le rendent indigne qu’on lui explique ce qu’il demande. |
Lectio 5 [85549] Catena in Mt., cap. Chrysostomus super Matth. Quos reos proponit
in causa, ipsos et iudices petit, ut a nullo mereantur solvi qui seipsos
condemnant. Magna est fiducia iustitiae ubi adversario ipsi causa
committitur. In parabolis ergo figurat personas eorum, ut non intelligant
quomodo ipsi adversus se sententiam dicerent; sequitur enim homo quidam
habebat duos filios. Quis ille nisi Deus, qui omnes homines creavit; qui cum
sit natura dominus, tamen vult magis diligi quasi pater, quam timeri ut
dominus? Maior filius, gentium populus erat; minor vero, populus Iudaeorum:
quoniam gentes quidem erant ex tempore Noe, Iudaei autem ex Abraham. Sequitur et accedens ad primum dixit: fili, vade hodie, operare, in
vinea mea. Hodie, idest tempore saeculi huius. Locutus est
autem non in facie, ut homo, sed in corde, ut Deus, sensibus ingerens
intellectum. Operari autem in vinea est iustitiam facere: nescio autem si
totam quis hominum sufficiat operari. Hieronymus. Primo ergo dicitur gentilium
populo per naturalis legis notitiam: vade, et operare in vinea mea; hoc est,
quod tibi non vis fieri, alteri ne feceris; qui superbe respondit: unde
sequitur ille autem respondens ait: nolo. Chrysostomus super Matth. Gentes enim a
principio relinquentes Deum et iustitiam eius, et transeuntes ad idola et
peccata, in cogitationibus suis respondere videntur: nolumus facere Dei
iustitiam. Hieronymus. Postea vero in adventu salvatoris,
gentium populus, acta poenitentia, operatus est in vinea Dei, et sermonis
contumaciam labore correxit; et hoc est quod dicitur postea poenitentia motus
abiit. Sequitur accedens autem ad alterum, dixit similiter. At ille
respondens ait: eo, domine. Secundus enim filius, populus Iudaeorum est, qui
respondit Moysi: omnia quaecumque dixerit nobis dominus, faciemus. Chrysostomus super Matth. Sed postea aversi,
mentiti sunt Deo, secundum illud: filii alieni mentiti sunt mihi; et hoc est
quod dicitur et non ivit. Interrogat ergo dominus consequenter: quis ex
duobus fecit voluntatem patris? Dicunt ei: primus. Vide quomodo adversus se
protulerunt sententiam, dicentes priorem filium voluntatem patris fecisse,
idest populum gentium: quia melius est non promittere Deo iustitiam et
facere, quam promittere et mentiri. Origenes in Matth. Unde potest considerari
dominum esse locutum in parabola ista ad eos qui modicum aut nihil
promittunt, operibus autem ostendunt; et contra eos qui magna promittunt,
nihil autem secundum promissionem suam agunt. Hieronymus. Sciendum est autem, in veris
exemplaribus non haberi novissimum, sed primum, ut proprio iudicio condemnentur.
Si autem novissimum voluerimus legere, ut quidam habent, manifesta est
interpretatio, ut dicamus intelligere quidem veritatem Iudaeos, sed
tergiversari, et nolle dicere quid sentiunt; sicut et Baptismum Ioannis
scientes esse de caelo, dicere noluerunt. Chrysostomus super Matth. Eorum autem iudicium
dominus abundanter confirmat: unde sequitur dixit Iesus: amen dico vobis,
quia publicani et meretrices praecedent vos in regno Dei; ac si dicat: non
solum populus gentium melior est vobis, sed etiam publicani et meretrices.
Rabanus. Potest autem regnum Dei
Evangelium vel Ecclesia praesens intelligi; in quo gentes Iudaeos praecedunt,
quia citius credere voluerunt. Origenes in Matth. Per hoc autem non
excluditur quin Iudaei aliquando intrent in regnum Dei; sed cum plenitudo
gentium intraverit tunc omnis Chrysostomus super Matth. Puto autem,
quod ex persona omnium virorum peccatorum publicani ponuntur, et ex persona
omnium mulierum peccatricum, meretrices: quia avaritia praecipue in viris
abundat, fornicatio autem in mulieribus: mulier enim in quiete sedet inclusa;
fornicatio autem maxime ex otio nascitur; vir autem quoniam in actibus rerum
diversarum est assidue, in avaritiae peccatum facile incurrit; in
fornicationem autem non facile, nisi multum sit lascivus: nam occupatio
virilium sollicitudinum, voluptatem plerumque excludit; unde proprium est hoc
adolescentium nihil agentium. Consequenter exponit
causam eius quod dixerat, dicens venit enim Ioannes ad vos in via iustitiae,
et non credidistis ei. Rabanus. Viam iustitiae Ioannes praedicans
venit, quia Christum, qui consummatio legis est, digito monstravit. Chrysostomus super Matth. Vel venit in via
iustitiae sic manifeste ut conversatio eius venerabilis peccatorum corda
concuteret; unde sequitur publicani autem et meretrices crediderunt ei.
Considera quomodo conversatio bona praedicatoris praedicationi praestet
virtutem, ut etiam indomita domet corda. Sequitur vos autem videntes, nec
poenitentiam habuistis postea, ut crederetis ei; ac si diceret: illi fecerunt
quod maius est, credendo; isti autem neque poenitentiam fecerunt, quod minus
est. In hac autem expositione, quam secundum multorum expositionem
tractavimus, aliquid mihi videtur esse contrarium. Si enim duo filii, Iudaei
et gentes, intelligendi sunt; postquam sacerdotes interrogati responderunt
priorem filium patris voluntatem fecisse, concludens Christus parabolam, sic
debuit dicere: amen dico vobis, quia gentes praecedent vos in regnum Dei.
Nunc autem dicit quia publicani et meretrices praecedent vos in regno Dei;
quod magis popularium hominum ostendit conditionem quam gentium: nisi forte
intelligamus ut prius dictum est: intantum gentium populus magis placet Deo
quam vos, ut etiam publicani et meretrices sint acceptabiliores Deo quam vos.
Hieronymus. Unde alii putant non gentilium et
Iudaeorum esse parabolam: sed simpliciter peccatorum et iustorum: eo quod
illi quidem per mala opera Deo servire negaverant, postea poenitentiae
Baptismum acceperant a Ioanne; Pharisaei autem, qui iustitiam praeferebant,
et legem Dei se facere iactabant, Ioannis contempto Baptismate, eius
praecepta non fecerunt. Chrysostomus super Matth. Hoc autem ideo
introducit, quia sacerdotes non discendi causa, sed tentandi interrogaverant:
in qua potestate hoc facis? Multi autem ex populis crediderant: et ideo
introducit parabolam duorum filiorum, ostendens eis per eam, quia meliores
sunt populares, qui a principio saecularem profitentur vitam, quam
sacerdotes, qui a principio profitentur Deo servire: quoniam populares quidem
aliquando compuncti convertuntur ad Deum; sacerdotes autem impoenitibiles
constituti, nunquam desinunt peccare in Deum. Prior enim filius populus est:
non enim populus est propter sacerdotes, sed sacerdotes propter populum. |
Versets
28-32
— Saint Jérôme : Après les avoir
confondus de la sorte, Notre-Seigneur leur propose une parabole destinée à
les convaincre d’impiété et à leur montrer que le royaume de Dieu doit être
donné aux Gentils, et il la commence en ces termes : « Mais que vous en
semble ? » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il choisit pour juges de la cause ceux qu’il accuse comme coupables,
afin de leur ôter toute espérance d’être absous après qu’ils se seront
condamnés eux-mêmes. Il faut avoir une grande confiance dans la justice d’une
cause pour en remettre la décision à l’adversaire lui-même. Or, c’est sous
les emblèmes des paraboles que Jésus retrace leur conduite, afin qu’ils ne
comprennent pas que c’est contre eux-mêmes qu’ils vont prononcer une sentence
de condamnation : Et il leur dit : « Un homme avait deux fils. » Quel
est cet homme, si ce n’est Dieu le Créateur de tous les hommes ? Cependant,
quoique maître et souverain par nature, il aime mieux être aimé comme père
que craint comme maître et seigneur. L’aîné de ces deux enfants, c’est le
peuple des Gentils, et le second, le peuple juif ; car les Gentils
descendaient de Noé (Gn 10), tandis que les Juifs avaient Abraham pour père. «
Et s’adressant au premier, il dit : Mon fils, allez-vous-en aujourd’hui travailler
dans ma vigne. » ; aujourd’hui, c’est-à-dire pendant la durée de la vie
présente. Or, Dieu lui a parlé, non pas extérieurement comme un homme, mais
intérieurement comme Dieu, en répandant l’intelligence dans son âme.
Travailler à la vigne, c’est pratiquer la justice, et je ne sais s’il y a un
seul homme qui puisse la pratiquer dans toute son étendue. — Saint Jérôme : C’est d’abord au
peuple des Gentils que Dieu dit par la voix de la loi naturelle : « Allez
et travaillez à ma vigne », c’est-à-dire : ne faites jamais à un autre ce
que vous ne voudriez pas qu’on vous fit. Mais sa réponse fut pleine
d’orgueil. « Et son fils lui répondit : « Je ne veux pas y aller. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) En effet, les nations qui ont abandonné Dieu et sa justice dès le
commencement pour se livrer au culte des idoles et à toutes sortes de péchés
semblent dire dans leur cœur : « Nous ne voulons pas accomplir la justice de
Dieu. » — Saint Jérôme : Mais ensuite, lors
de l’avènement du Sauveur, le peuple des Gentils fit pénitence et travailla
dans la vigne de Dieu, et répara par l’activité de son travail l’indocilité
de sa réponse, comme nous le voyons dans la suite de la parabole : « Mais
après, étant touché de repentir, il y alla. » Suite : «
Il vint ensuite trouver l’autre et lui fit le même commandement. Celui-ci
répondit : J’y vais, Seigneur. » — Saint Jérôme : [référence
à vérifier] Ce second fils, c’est le peuple juif qui répondit à
Moïse : « Nous ferons toutes les choses que le Seigneur nous a dites. »
(Ex 24) — Saint Jean Chrysostome : (sur. S.
Matth.) Mais ils se détournèrent ensuite de Dieu et se rendirent coupables de
mensonge envers lui, selon ces paroles [du roi-prophète] : « Des fils
rebelles ont menti contre moi », et c’est ce qui est exprimé par ces mots
: « Et il n’y alla point. » Le Seigneur leur fait ensuite cette
question : « Lequel des deux a fait la volonté de son père ? Le premier,
lui dirent-ils. » Voyez comme ils ont prononcé leur propre condamnation,
en reconnaissant que c’est l’aîné des enfants, le peuple des Gentils qui a
fait la volonté de son père ; car il est bien mieux de ne pas promettre
d’accomplir les commandements de Dieu et de l’accomplir, en effet, que de
faire des promesses et d’y être infidèle. — Origène : (Traité
18 sur S. Matth.) On peut donc admettre que le Seigneur, dans cette parabole,
a voulu parler de ceux qui ne promettent rien ou presque rien, et qui
accomplissent cependant de grandes choses, et condamner ceux qui font de
grandes promesses et n’en accomplissent aucune. — Saint Jérôme : Il est bon de
remarquer que dans les exemplaires authentiques on lit, non pas « le dernier,
» mais « le premier », et ainsi les Juifs sont condamnés par leur
propre jugement. Mais, en supposant qu’il faille lire : « Le dernier, » comme
le portent quelques manuscrits, l’interprétation est claire, et nous dirons
que les Juifs, tout en comprenant la vérité, ont usé de détours à son égard,
et n’ont pas voulu dire ce qu’ils pensaient ; comme nous les voyons refuser de
dire ce qu’ils savaient fort bien que le baptême de Jean venait du ciel. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Notre-Seigneur confirme pleinement leur jugement : « Et Jésus leur
dit : Je vous dis en vérité que les publicains et les femmes de mauvaise vie
vous devanceront dans le royaume de Dieu », c’est-à-dire : ce n’est pas
seulement le peuple des Gentils, mais les publicains et les femmes
prostituées qui valent mieux que vous. — Raban : On peut entendre par le royaume de Dieu l’Évangile et
l’Église actuelle, dans laquelle les nations ont précédé les Juifs, car elles
ont voulu embrasser bien plus tôt la foi. — Origène : Toutefois
on ne peut conclure de ce fait que les Juifs n’entreront pas un jour dans le
royaume de Dieu, mais ce ne sera que lorsque la plénitude des nations y sera
entrée que tout Israël sera sauvé (Rm 11). — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Je pense que les publicains représentent ici tous les pécheurs, et
les femmes de mauvaise vie, toutes les femmes pécheresses ; car l’avarice est
le péché le plus commun chez les hommes, comme la volupté sensuelle chez les
femmes. La femme demeure chez elle comme renfermée dans le repos, et la
fornication prend sa source surtout dans l’oisiveté. L’homme, au contraire, qui
est actif dans des préoccupations de tout genre, tombe plus facilement dans
le péché d’avarice ; mais il est moins exposé aux désordres de la volupté, à
moins qu’il ne soit de mœurs tout à fait dissolues, car les soins et les
soucis des affaires particulières aux hommes font obstacle le plus souvent à
la volupté, qui est par conséquent le vice des jeunes gens inoccupés. Or, le Seigneur
donne les raisons de ce qu’il vient de dire en ajoutant : « Jean est venu
à vous dans la voie de la justice, et vous ne l’avez pas cru. » — Raban : Jean vint pour prêcher la voie de la justice, car il montra du doigt le Christ, qui est la consommation de la loi (Rm 10, 4). — Saint Jean Chrysostome [référence à vérifier] Ou bien il marcha d’une
manière si éclatante dans la voie de la justice, que sa vie sainte et
vénérable fit une profonde impression sur le cœur des pécheurs : « Les
publicains et les femmes de mauvaise vie, au contraire, l’ont cru. »
Considérez combien la vie sainte d’un prédicateur donne de force à sa
prédication, puisqu’elle triomphe des cœurs les plus indomptés. « Pour
vous, qui avez vu (la conversion de ces grands pécheurs), vous n’avez
pas été touchés de repentir, ni portés à le croire. » C’est-à-dire : Les
publicains et les femmes pécheresses ont fait ce qu’il y a de plus difficile
en croyant, et pour vous, vous n’avez même pas fait pénitence, ce qui était
beaucoup plus facile. Cette explication que nous avons donnée d’après un
grand nombre d’interprètes me paraît renfermer une contradiction ; car, si
par ces deux enfants il faut entendre les Juifs et les Gentils, après que les
prêtres ont répondu à la question qui leur était faite que c’est le premier
qui a fait la volonté de son père, Jésus-Christ aurait dû conclure en ces
termes : « Je vous dis en vérité, les Gentils vous précéderont dans le
royaume de Dieu, » tandis qu’il s’exprime de cette manière « Les
publicains et les femmes de mauvaise vie vous précéderont dans le royaume de
Dieu », ce qui paraît indiquer plutôt le sort des gens du petit peuple
que celui des Gentils. Mais on peut, comme nous l’avons dit, entendre ce
passage en ce sens : Le peuple des Gentils l’emporte tellement sur vous aux
yeux de Dieu, que les publicains eux-mêmes et les femmes de mauvaise vie lui
sont plus agréables que vous. — Saint Jérôme : Aussi en est-il qui
pensent que cette parabole a pour objet non pas les Gentils et les Juifs,
mais simplement les pécheurs et les justes. Ils se fondent sur ce que les
pécheurs, après avoir refusé de servir Dieu en commettant le mal, ont ensuite
reçu de Jean-Baptiste le baptême de pénitence, tandis que les pharisiens, qui
faisaient profession de justice et qui se vantaient de leur fidélité à la loi
de Dieu, méprisèrent le baptême de Jean et ne voulurent pas accomplir ses
préceptes. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Jésus leur a proposé cette parabole, parce que ce n’est point pour connaître la vérité, mais pour lui tendre un piège qu’ils lui ont adressé cette question : « Par quelle autorité faites-vous ces choses ? » Or, comme il y en avait un grand nombre qui avaient cru parmi le peuple, il leur propose cette parabole des deux fils pour leur montrer que les hommes du peuple, qui ont toujours mené la vie séculière valent mieux que les prêtres qui ont toujours fait profession de servir Dieu. En effet, les hommes du peuple finissent quelquefois par se repentir et par revenir à Dieu, tandis que les prêtres confirmés dans l’impénitence ne cessent de pécher contre Dieu. Or, l’aîné de ces deux enfants, c’est le peuple, car le peuple n’est pas pour les prêtres, mais ce sont les prêtres qui sont établis pour le peuple. |
Lectio 6 [85550] Catena in Mt.,
cap. Origenes in Matth. Homo paterfamilias Deus
est, qui dicitur homo in quibusdam parabolis; sicut si pater cum parvulo
filio suo loquatur infantilia, ut descendat ad verba filii sui, et instruat
eum. Chrysostomus super Matth. Homo autem dicitur
nomine non natura; similitudine, non veritate: praescius enim filius, quia
propter appellationem humani nominis, quasi homo purus fuerit blasphemandus,
etiam Deum patrem invisibilem hominem appellavit, qui Angelorum et hominum
natura dominus est, benevolentia pater. Hieronymus. Plantavit autem vineam, de qua
loquitur Isaias: vinea domini Sabaoth, domus Israel est. Sequitur et sepem
circumdedit ei, vel murum urbis, vel Angelorum auxilia. Chrysostomus super Matth. Vel per sepem
intellige custodiam patrum iustorum, qui tamquam murus facti sunt populo
Israel. Origenes. Vel custodia Dei fuit sepes ipsius;
torcular autem locus libationum, de quo sequitur et fodit in ea torcular.
Hieronymus. Altare scilicet, aut torcularia
illa, quorum titulo tres Psalmi praenotantur, 8, 80, 83, scilicet martyres.
Hilarius in Matth. Vel prophetas quasi quaedam
torcularia aptavit, in quos musti modo quaedam ubertas spiritus sancti
ferventius influeret. Chrysostomus super Matth. Vel torcular est
verbum Dei, quod cruciat hominem, contradicente carnis natura. Sequitur et aedificavit turrim. Hieronymus. Idest templum, de quo dicitur per
Michaeam: et tu turris nebulosa, filia Sion. Hilarius in Matth. Vel in turre eminentiam
legis extruxit, quae et in caelum ex solo egressa proveheret, et ex qua
speculari Christi posset adventus. Sequitur et locavit eam agricolis. Chrysostomus super Matth. Quando scilicet per
legem constituti sunt sacerdotes et Levitae, et procurationem regendi populum
susceperunt. Sicut autem colonus, quamvis de suo munere obtulerit domino, non
sic eum placat sicut si de vinea eius reditus ei obtulerit, sic et sacerdos
non tantum propter suam iustitiam placet Deo, quomodo si populum Dei in
sanctitate docuerit: quoniam ipsius iustitia una est, populi autem multiplex.
Sequitur et peregre profectus est.
Hieronymus. Non loci mutatione: nec enim Deus alicubi abesse potest, quo
complentur omnia: sed abire videtur a vinea, ut vinitoribus liberum operandi
arbitrium derelinquat. Chrysostomus in Matth. Vel peregre
profectus est, cum longanimitatem habuit, non semper eorum peccatis poenam
inducens. Origenes in Matth. Vel quia dominus, qui
fuerat cum illis in nube diei et in columna ignis per noctem, nequaquam
postea similiter apparuit illis. In Isaia ergo Iudaicus populus vinea
nominatur, et comminatio patrisfamilias contra vineam fit; in Evangelio autem
vinea non culpatur, sed eius coloni. Sed forte in Evangelio
vinea est regnum Dei, idest doctrina, quae Scripturis inserta est sanctis;
vita autem irreprehensibilis hominum, est vineae fructus. Littera autem
Scripturae est vineae sepes circumposita, ut non videantur ab his qui foris
sunt, fructus qui sunt in absconso. Profunditas autem eloquiorum Dei est vineae
torcular; in quod qui profecerunt de eloquiis Dei, infundunt studia sua quasi
fructus. Turris autem aedificata, est verbum de ipso Deo et de
dispensationibus Christi. Hanc vineam tradidit colonis, idest populo ante
nos, tam sacerdotibus quam laicis. Et peregre profectus est, ad suam
profectionem dans occasionem colonis. Appropinquat autem tempus fructuum, et
secundum unumquemque, et generaliter populo universo. Primum enim vitae
tempus est secundum infantiam; et tunc nihil vinea ostendit, nisi tantum habens
in se vitalem virtutem; cum autem inceperit posse loqui, tempus est
generationis. Quantum autem proficit anima pueri, tantum et vinea, idest
verbum Dei; et post profectum, vinea operatur fructum maturum caritatis, et
gaudii, et pacis, et huiusmodi. Sed et populo qui acceperunt legem per
Moysen, tempus fructuum appropinquat aliquando: unde sequitur cum autem
tempus fructuum appropinquasset, misit servos suos ad agricolas, ut
acciperent fructus eius. Rabanus. Unde tempus fructuum posuit, non proventuum:
nullus enim est fructus populi contumacis. Chrysostomus in Matth. Servos dicit prophetas,
qui offerunt, quasi sacerdotes domini, populi fructus et obedientiae
ostensionem per opera. Hi autem non solum malitia potiti sunt in non dando
fructum, sed etiam in indignando ad eos qui venerunt; et sanguine manus
impleverunt; unde sequitur agricolae autem apprehensis servis eius, alium
occiderunt, alium vero lapidaverunt. Hieronymus. Caeciderunt quidem, ut Ieremiam;
occiderunt, ut Isaiam; lapidaverunt, ut Naboth et Zachariam, quem
interfecerunt inter templum et altare. Chrysostomus super Matth. Per singulos autem
gradus malitiae, Dei misericordia addebatur; et per singulos gradus divinae
misericordiae malitia Iudaeorum crescebat; et sic contra Dei clementiam
malignitas humana certabat: unde sequitur iterum misit alios servos plures
prioribus, et fecerunt illis similiter. Hilarius in Matth. Missi autem plures
prioribus, illud tempus designant quo post singulorum prophetarum
praedicationem plurimus simul numerus prophetantium emissus est. Rabanus. Vel servi qui missi sunt, ipse
legifer Moyses intelligitur, et Aaron primus sacerdos Dei, quos caesos
flagello linguae vacuos emiserunt: alios autem servos, prophetarum choros
intellige. Hilarius. In filio autem ad ultimum
misso, domini nostri adventus significatur: sequitur enim novissime autem
misit ad eos filium suum. Chrysostomus in Matth. Quare autem non
confestim misit? Ut ex his quae ad alios fecerant, seipsos accusarent, et
furorem dimittentes, verecundarentur propter filium advenientem: unde
sequitur verebuntur filium meum. Chrysostomus. Hunc autem misit, non
quasi ad obnoxios poenae sententiam baiulantem, sed poenitentiae veniam:
misit eum eos confundere, non punire. Hieronymus. Quod autem dicit verebuntur filium
meum, non de ignorantia venit. Quid enim nesciat paterfamilias, qui hoc loco
Deus intelligitur? Sed semper ambigere Deus dicitur, ut libera voluntas
homini reservetur. Chrysostomus in Matth. Vel hoc dicit,
annuntians quid fieri debebat, quoniam oportebat eos verecundari; per hoc
enim vult ostendere peccatum eorum magnum, et omni excusatione privatum. Origenes in Matth. Vel illud quod ait
verebuntur forte filium meum, videtur impletum in illis Iudaeis qui
intelligentes Christum, crediderunt in eum. Hoc autem quod sequitur:
agricolae autem videntes filium, dixerunt inter se: hic est heres; venite,
occidamus eum, in illis impletum est qui videntes Christum, et cognoscentes
filium Dei, nihilominus crucifixerunt eum. Hieronymus. Interrogemus Arium et Eunomium:
ecce pater dicitur ignorare. Quidquid pro patre responderint, hoc intelligant
de filio, qui se dicit ignorare consummationis diem. Chrysostomus super Matth. Dicunt autem quidam,
quia post incarnationem dictus est Christus filius ex Baptismo, sicut ceteri
sancti; quos ex hoc loco convincit dominus, ubi dicitur: mittam filium meum.
Quando ergo adhuc cogitabat ad transmittendum filium post prophetas, iam
filius erat: deinde se [si ?]eo
modo dicitur filius sicut omnes sancti ad quos factum est verbum Dei, debuit
et prophetas dicere filios sicut et Christum, aut et Christum servum dicere
sicut et ceteros prophetas. Hieronymus. Post hoc autem quod dicunt hic est
heres, manifeste dominus probat Iudaeorum principes non per ignorantiam, sed
per invidiam Dei filium crucifixisse. Intellexerunt enim eum esse illum cui
pater per prophetam dicit: postula a me, et dabo tibi gentes haereditatem
tuam. Hereditas quippe filio sancta Ecclesia data est: quam non moriens pater
illi reliquit; sed ipse sua morte mirabiliter acquisivit. Chrysostomus super Matth. Tamen postquam
introivit in templum, et vendentes animalia quae ad sacrificium pertinebant,
foras eiecit, tunc praecipue cogitaverunt eum occidere: unde dicunt venite,
occidamus eum. Dicebant enim intra se: necesse est ut populus per istum
dimittat consuetudinem hostiarum, quae ad nostrum pertinent lucrum, et
acquiescat offerre sacrificium iustitiae, quod ad gloriam pertineat Dei: et
sic iam non erit populus iste possessio nostra, sed Dei. Si autem occiderimus
eum dum non est qui iustitiae fructum a populo quaerat, semper durabit
consuetudo offerendarum hostiarum; et sic populus iste erit nostra possessio,
et hoc est quod sequitur et nostra erit hereditas. Haec est cogitatio communis
omnium sacerdotum carnalium, qui non sunt solliciti quomodo vivat populus
sine peccato; sed aspiciunt quid in Ecclesia offeratur, et hoc aestimant
sacerdotii sui lucrum. Rabanus. Vel hereditatem, occiso eo,
praeripere moliebantur Iudaei, cum fidem quae per eum est, extinguere, et
suam magis quae ex lege est iustitiam praeferre, ac gentibus imbuendis
conabantur inserere. Sequitur et apprehensum
eum, eiecerunt extra vineam, et occiderunt. Hilarius. In Matth. Christus enim extra
Ierusalem, tamquam extra vineam in sententiam damnationis abiectus est. Origenes in Matth. Vel quod dicit
eiecerunt extra vineam, tale mihi videtur: quantum ad se, alienum eum esse
iudicaverunt a vinea et colonis. Sequitur cum ergo venerit
dominus vineae, quid faciet agricolis illis? Hieronymus. Interrogat quidem eos dominus, non
quod ignoret quid responsuri sint, sed ut propria responsione damnentur.
Sequitur aiunt illi: malos male perdet, et vineam suam locabit aliis
agricolis. Chrysostomus super Matth. Quod autem verum
responderunt, non est illorum qui iuste iudicaverunt, sed ipsius causae:
veritas enim ipsis violentiam fecit. Origenes. Sicut enim Caiphas, sic et isti non
ex se prophetaverunt contra se, quoniam tollenda ab eis erant eloquia Dei, et
danda gentibus fructum in tempore daturis. Vel dominus, quem occiderunt,
statim venit resurgens a mortuis, et malos quidem colonos male perdidit,
aliis autem colonis, idest apostolis, vineam suam consignavit, idest eis qui
ex Iudaico populo crediderunt. Augustinus de Cons. Evang. Marcus autem hoc ab
ipsis non responsum esse commemorat; sed dominum hoc consequenter locutum,
post interrogationem suam, ipsum sibi quodammodo respondisse. Sed facile
potest intelligi, vel illorum vocem ita subiectam ut non interponeretur illi
responderunt, sed tamen intelligeretur: aut ideo responsionem istam domino
potius attributam, quia cum verum dixerunt, etiam de illis hoc ipse
respondet, qui veritas est. Chrysostomus in Matth. Vel non est
contradictionis: etenim utraque facta sunt: quia scilicet et ipsi primo hoc
responderunt, et postea dominus iteravit. Augustinus de Cons. Evang. Sed illud magis
movet quod Lucas non solum eos hoc respondisse non dicit, verum etiam
contrariam retulisse responsionem: ita enim narrat: quo audito (scilicet hac
sententia ex ore domini prolata) dixerunt: absit. Restat ergo ut
intelligamus, in plebe quae audiebat, quosdam respondisse quod Matthaeus
commemorat, quosdam vero illud quod Lucas dicit, idest absit. Nec moveat quod
Matthaeus principes sacerdotum et seniores populi dixit accessisse ad
dominum; et sic sine interpositione alicuius personae sermo contexitur usque
ad hoc quod de locata agricolis vinea commemoratur: potest enim putari, omnia
haec cum principibus sacerdotum locutum fuisse; sed Matthaeus brevitatis
causa tacuit, quod Lucas non tacuit; parabolam scilicet istam non ad eos
solos dictam qui de potestate interrogaverant, sed ad plebem in qua erant qui
dicerent perdet illos et vineam suam dabit aliis: quae vox recte etiam ipsius
domini fuisse intelligitur, sive propter veritatem, sive propter membrorum
eius cum suo capite unitatem. Erant etiam qui talia respondentibus dicerent:
absit, quia intelligebant contra seipsos parabolam esse dictam. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Lucas
quidem secundum responsionem oris eorum narravit; Matthaeus autem secundum
responsionem cordis: nam vere visibiliter quidem in facie contradixerunt
dicentes: absit. In conscientia autem susceperunt, dicentes malos male
perdet. Sicut cum homo deprehensus fuerit in malo, verbis quidem excusat,
intus autem eius conscientia recognoscit. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Dominus
propter hoc eis parabolam proposuit ut ipsi non intelligentes, contra se
sententiam proferrent; sicut et ad David dictum est per Nathan. Rursus autem
intelligentes quae dicta sunt contra se esse, dixerunt: absit. Rabanus. Moraliter autem cuique vinea locatur
colenda, cum Baptismi mysterium datur, quod operando exerceat. Mittitur
servus unus, alter et tertius, cum lex, Psalmus, prophetia legitur, ad quorum
monita bene operetur. Sed missus caeditur et eicitur, cum sermo contemnitur,
vel, quod peius est, blasphematur. Heredem quantum ad se occidit, qui filium
Dei conculcaverit, et spiritui gratiae contumeliam fecerit. Perdito malo
cultore, vinea alii datur, cum donum gratiae, quod superbus spreverit,
humilis accipit. Chrysostomus super Matth. Deinde quasi non
acquiescentibus illis, testimonium Scripturae inducit. Sequitur enim dicit
illis Iesus: numquam legistis in Scripturis: lapidem quem reprobaverunt
aedificantes, hic factus est in caput anguli? Idest, si parabolam meam non
intelligitis, vel istam Scripturam cognoscatis. Hieronymus. Variis autem parabolis res eaedem
contexuntur; quos enim supra operarios et agricolas appellavit, nunc
aedificatores, idest caementarios vocat. Chrysostomus in Matth. Lapidem autem Christum
vocat, aedificatores autem doctores Iudaeorum, qui Christum reprobaverunt,
dicentes: hic non est a Deo. Rabanus. Sed illis nolentibus, idem lapis caput
anguli firmavit: quia de utroque populo quotquot ipse voluit, sua fide
coniunxit: unde sequitur hic factus est in caput anguli. Hilarius in Matth. Est enim caput anguli
factus: quia est inter legem et gentes lateris utriusque coniunctio. Chrysostomus in Matth. Deinde ut discant
quoniam nihil eorum quae fiebant, Deo contrarium erat, subdit a domino factum
est. Origenes in Matth. Idest, iste lapis donum
est, donatum a Deo aedificio universo et admirabile caput in oculis nostris,
qui possumus eum videre oculis mentis. Chrysostomus super Matth. Quasi diceret: quare
non intelligitis, in cuius aedificii angulo ponendus est ille lapis, non in
vestro, quando reprobatus est, sed in alio? Si autem aliud aedificium est
futurum, ergo vestra aedificatio est contemnenda. Unde subdit ideo dico
vobis, quia auferetur a vobis regnum Dei, et dabitur gentibus facientibus
fructum eius. Origenes in Matth. Regnum Dei dicit mysteria
regni Dei, idest divinas Scripturas, quas tradidit dominus primo quidem
populo illi priori cui credita sunt eloquia Dei, secundo autem gentibus
facientibus fructum: nemini enim datur verbum Dei nisi facienti fructum de
eo; et nemini in quo peccatum regnat, datur regnum Dei; quomodo ergo illi
datum est a quo et ablatum est? Sed considera quomodo quod datur,
intelligitur gratis datum. Quibus ergo locavit, non omnino quasi electis et
fidelibus dedit; quibus autem donavit, cum iudicio electionis donavit. Chrysostomus super Matth. Lapis autem dicitur
Christus non solum propter firmitatem, sed etiam quia est inimicorum magna
confractio: unde sequitur et qui ceciderit super lapidem istum, et
cetera. Hieronymus. Qui peccator est, et tamen in
illum credit, cadit quidem super lapidem et confringitur, sed non omnino
conteritur; reservatur enim per patientiam ad salutem; super quem vero ille
ceciderit, hoc est cui lapis ille irruerit, et qui Christum penitus
negaverit, sic conteret eum ut nec testa quidem remaneat, in qua hauriatur
aquae pusillum. Chrysostomus super Matth. Aliud est enim confringi,
et aliud comminui: de eo enim quod confringitur, aliquid remanet; quod autem
comminuitur, quasi in pulverem convertitur. Quod autem cadit ad lapidem, non
frangitur secundum quod est lapidis virtus, sed inquantum fortiter cadit, aut
propter pondus suum, aut propter altitudinem casus; sic et Christianus
peccans, non tantum perit, quantum potest perdere Christus, sed quantum ipse
se perdit per opera sua: aut propter magnitudinem peccati, aut propter
altitudinem dignitatis. Infideles autem pereunt tantum quantum potest eos
perdere Christus. Chrysostomus in Matth. Vel hic duas
perditiones eorum ostendit: unam ab eo quod offenderunt, et scandalizati
sunt; quam designat dicens qui ceciderit super lapidem; aliam a captivitate
eis superventura; quam manifestat dicens super quem vero ceciderit. Augustinus de quaest. Evang. Vel de his dicit
quod cadent super eum, qui illum modo contemnunt vel iniuriis afficiunt: ideo
nondum penitus intereunt, sed tamen confringuntur, ut non recti ambulent:
super quos cadet, dum veniet desuper in iudicio cum poena perditionis: ideo
dixit conteret eos, ut sint impii, tamquam pulvis, quem proicit ventus a
facie terrae. |
Versets
33-44.
— Saint Jean Chrysostome : (hom 68.)
A cette première parabole le Seigneur en ajoute une autre, pour montrer que
les Juifs sont beaucoup plus coupables encore et indignes de tout pardon. « Écoutez
une autre parabole : Il y avait un maître de maison qui planta une vigne. » — Origène : (Traité
19 sur S. Matth.) Cet homme, père de famille, c’est Dieu qui prend le nom
d’homme dans quelques paraboles, comme un père qui bégaie avec son petit
enfant, et qui descend jusqu’à son langage enfantin pour l’instruire plus
facilement. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) On donne à Dieu le nom d’homme, non pas sans doute qu’il en ait la
nature, il l’est par comparaison et non pas en réalité ; et le Fils, qui
prévoyait que ce nom qu’il portait lui-même donnerait lieu aux blasphèmes de
ceux qui le regardaient comme un simple mortel, a voulu le donner à son Père,
Dieu invisible, qui, par nature, est le Seigneur des anges et des hommes et
qui en est le père par sa bonté. — Saint Jérôme : C’est lui qui a
planté la vigne dont Isaïe a dit : « La vigne du Seigneur des armées est
la maison d’Israël (cf. Ps 79). » Suite : « Et il l’entoura d’une haie. » — Saint Jérôme : [référence
à vérifier] Cette haie, ce sont les murs de la cité ou les secours
des anges. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien, par cette haie, il faut entendre que cette vigne est confiée
à la garde des saints patriarches, qui sont devenus comme un rempart pour le
peuple d’Israël. — Origène : Ou
bien encore, la garde de Dieu, c’est la haie qui entoure cette vigne, et le
pressoir le lieu où se faisaient les libations « Et il y fit un pressoir » — Saint Jérôme : Ce pressoir c’est
l’autel, ou bien les pressoirs qui forment le titre de trois psaumes :
huitième, quatre-vingtième, quatre-vingt-troisième ; pressoirs qui désignent
les martyrs. — Saint Hilaire : (can. 22.) Ou bien
Dieu a préparé les prophètes comme autant de pressoirs dans lesquels les
flots de l’Esprit saint devaient se répandre en abondance, comme un vin qui
bouillonne. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien encore, le pressoir c’est la parole de Dieu qui crucifie l’homme,
malgré les contradictions de la chair. Suite : «
Et il y bâtit une tour. » — Saint Jérôme : C’est-à-dire le
temple, dont le prophète Michée a dit : « Et la tour de la fille de Sion
qui est environnée de nuages. » — Saint Hilaire : Ou bien, par cette
tour, il faut entendre 1’élévation de la loi qui, sortant de la terre,
élevait les hommes jusqu’au ciel, et du haut de laquelle on pouvait découvrir
[dans le lointain des âges] l’avènement du Christ. Suite : « Et il la loua à des vignerons. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ce fut lorsque Moïse établit des prêtres et des lévites d’après la
loi, et qu’ils reçurent le pouvoir de gouverner le peuple de Dieu. Or de même
qu’un fermier, quoiqu’il offre à son maître de ses propres biens, ne peut lui
être aussi agréable qu’en lui présentant les fruits de sa vigne ; ainsi le
prêtre ne plaira jamais autant à Dieu par sa justice personnelle qu’en
enseignant au peuple à se sanctifier, parce que la justice du prêtre n’est
que la justice d’un seul homme, tandis que la justice du peuple c’est la
justice d’un grand nombre. Suite : «
Et il s’en alla en voyage. » — Saint Jérôme : Ce n’est pas que
Dieu change de lieu, car il est nécessairement présent partout, puisqu’il (Jr
23, 23) remplit tout de son immensité ; mais il paraît s’éloigner de sa vigne
pour laisser aux vignerons toute liberté dans leur travail. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68,)
Ou bien il part pour un pays lointain, en usant à leur égard de longanimité,
et en ne leur infligeant pas toujours les châtiments que leurs péchés
méritaient. — Origène : Ou
bien ces paroles signifient que le Seigneur, qui avait marché avec eux sous
la forme d’une nuée pendant le jour et d’une colonne de feu pendant la nuit
(Ex 13), ne leur apparut plus ensuite de cette manière. Or, dans le prophète
Isaïe, c’est le peuple juif qui est appelé la vigne, et c’est à cette vigne
que s’adressent les menaces du père de famille ; dans l’Évangile, au
contraire, ce n’est pas à la vigne qu’il fait des reproches, mais à ceux qui
la cultivent. C’est qu’en effet, dans l’Évangile, la vigne est le royaume de
Dieu, c'est-à-dire la doctrine qui est contenue dans les Saintes Ecritures ;
la vie exempte de toute faute en est le fruit. La haie qui entoure la vigne,
c’est la lettre de l’Écriture, qui cache aux yeux de ceux qui sont en dehors
les fruits mystérieux qu’elle renferme ; la profondeur des oracles divins,
c’est le pressoir dans lequel ceux qui ont mis à profit la connaissance de la
parole de Dieu versent tous leurs soins comme autant de fruits ; la tour qui
est élevé dans la vigne, c’est le Verbe qui vient de Dieu lui-même, et des
largesses (de l’Incarnation) du Christ ; il a loué cette vigne à des
vignerons, c’est-à-dire au peuple qui nous a précédés, tant prêtres que
laïques. Or, il part pour un pays lointain, afin de laisser aux vignerons le
temps de la cultiver. Le temps de la vendange arrive, et pour chacun en
particulier, et pour tout le peuple en général. La première saison de la vie
est celle de l’enfance, et alors la vigne, sans rien produire au dehors, n’a
encore en elle que la sève de la vie Lorsque l’enfant commence a parler,
c’est le temps de la mise en œuvre de la vie. Or, plus l’âme de l’enfant fait
de progrès, plus aussi la vigne, c’est-à-dire la parole de Dieu, se développe,
et c’est à la suite de cet accroissement successif qu’elle produit, dans leur
maturité, les fruits de la charité, de la joie, de la paix et d’autres vertus
semblables Pour le peuple qui reçut la loi de Moise, le temps de la vendange
approche également : « Or, le temps des fruits étant proche, il envoya aux
vignerons ses serviteurs pour recevoir ses fruits. » — Raban :
C’est avec raison qu’il dit : « Le temps des fruits », et non le
temps de recueillir les produits de cette vigne, car un peuple rebelle ne
produit aucun fruit. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68.)
Les serviteurs ce sont les prophètes, qui, comme autant de prêtres, offrent
au Seigneur les fruits du peuple et les témoignages de son obéissance, qui
consiste dans les oeuvres. Or, ces vignerons ont fait paraître toute
l’étendue de leur méchanceté, non seulement en ne portant pas de fruits, mais
encore en entrant dans une grande colère contre les serviteurs qu’on leur
avait envoyés et en plongeant leurs mains dans le sang. « Mais les
vignerons s’étant saisis de ses serviteurs, tuèrent l’un et lapidèrent
l’autre.» — Saint Jérôme : Ils les battirent de
verges comme Jérémie (Jr 27), les tuèrent comme Isaïe, les lapidèrent comme
Naboth (3 R 21) et comme Zacharie, qu’ils immolèrent entre le temple et l’autel.
(Mt 23) — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) A chaque degré de la malice des Juifs, Dieu ajoutait un degré de
miséricorde ; mais la malice des Juifs s’augmentait en proportion égale de la
miséricorde divine, et la méchanceté des hommes engageait ainsi un véritable
combat contre la clémence de Dieu. « Il leur envoya encore d’autres
serviteurs, en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de
même.» — Saint Hilaire : (Can. 22,) Ces
prophètes envoyés en plus grand nombre que les premiers désignent le temps
où, à la prédication individuelle et successive de chaque prophète, Dieu en
fit succéder un plus grand nombre, pour annoncer tous en même temps ses
oracles. — Raban : [référence à vérifier] Ou bien ces premiers
serviteurs qui furent envoyés sont Moïse, qui donna la loi, et Aaron, premier
grand prêtre de Dieu, qu’ils renvoyèrent sans leur avoir donné aucun fruit,
après les avoir flagellés par leurs plaintes insolentes. Dans les autres
serviteurs, vous pouvez voir les chœurs des prophètes. — Saint Hilaire : Le fils envoyé en
dernier lieu signifie l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Enfin,
il leur envoya son propre Fils. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68.)
Pourquoi ne l’a-t-il pas envoyé en premier lieu ? C’était pour leur laisser l’occasion
de se reconnaître coupables des mauvais traitements qu’ils avaient faits aux
premiers envoyés, et que, renonçant à leur fureur, ils fussent saisis de
honte en voyant le Fils de Dieu lui-même venir à eux. C’est pour cela qu’il
dit : « Ils auront quelque respect pour mon Fils. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il le leur envoie, non comme un juge qui porte à des coupables la
sentence de condamnation, mais pour offrir le pardon au repentir ; il le leur
envoie, non pour les châtier, mais pour les couvrir de honte. — Saint Jérôme : Cette parole : «
ils auront quelque respect » ne veut pas dire que le père de famille
était dans l’ignorance de ce qui devait arriver ; car que peut-il ignorer lui
qui, ici, n’est autre que Dieu lui-même ? Si donc Dieu nous est représenté
comme sujet au doute, c’est pour sauvegarder la libre volonté de l’homme. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68.)
Ou bien le Seigneur exprime ici ce qui aurait dû se faire, car ils auraient
dû le respecter, et il montre ainsi toute l’énormité de leur crime et combien
ils sont inexcusables. — Origène : Ou
bien enfin ces paroles : « Ils respecteront mon fils » se sont
accomplies dans ceux d’entre les Juifs qui connurent Jésus-Christ et crurent
en lui ; et quant à celles qui suivent : « Les vignerons, voyant le Fils,
dirent entre eux : Voici l’héritier, venez, tuons-le », elles ont trouvé
leur accomplissement dans ceux qui, ayant vu Notre-Seigneur Jésus-Christ, et
l’ayant reconnu pour le Fils de Dieu, l’ont néanmoins crucifié. — Saint Jérôme : Interrogeons ici
Arius et Eunomius : Vous le voyez, leur dirons-nous, on dit du Père qu’il ne
sait pas. Tout ce qu’ils pourront répondre en faveur du Père, qu’ils
l’appliquent donc au Fils, qui a déclaré ne pas savoir le dernier jour. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il en est qui prétendent que Jésus-Christ reçut le nom de Fils après
son incarnation, à son baptême, comme
les autres saints ; mais le Seigneur lui-même détruit ici cette
interprétation en disant ici : « Je leur enverrai mon Fils. » Or, lors
qu’il songeait à leur envoyer son Fils après les prophètes, il était déjà
Fils. D’ailleurs, s’il n’est appelé Fils qu’au même titre que tous les autres
saints auxquels Dieu a fait entendre sa parole, le Seigneur aurait dû donner
aux prophètes le nom de Fils comme au Christ, ou lui donner le nom de
serviteur comme aux autres prophètes. — Raban : [référence
à vérifier] Cet aveu qu’ils font en disant : « Voici l’héritier »
nous prouve clairement que ce n’est point par ignorance, mais par jalousie,
que les princes des prêtres ont crucifié Jésus-Christ. Ils comprirent qu’il
était celui à qui Dieu a dit par son prophète : « Demandez-moi, et je vous
donnerai les nations pour héritage. » L’héritage du Fils est, en effet,
la sainte Église, [formée de toutes les nations], héritage que le Père ne lui
a pas laissé en mourant, mais qu’il a conquis lui-même d’une manière
admirable par sa mort. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Cependant, ce n’est qu’après qu’il fut entré dans le temple, et qu’il
en eut chassé tous ceux qui vendaient les animaux destinés aux sacrifices,
qu’ils formèrent surtout le projet de le mettre à mort. Et ils se dirent
entre eux : « Venez, tuons-le. » Tel était en effet leur raisonnement
: « Cet homme fera nécessairement perdre au peuple l’habitude de sacrifier
ces victimes qui font notre profit, pour le déterminer à offrir le sacrifice
de justice (Ps 4, 6 ; Ps 59, 20 ; Ml 3, 3) qui tend directement à la gloire
de Dieu, et ce peuple cessera ainsi d’être à nous pour être tout à Dieu. Si,
au contraire, nous le mettons à mort, alors que personne ne demande à ce
peuple les fruits de la justice, l’habitude d’offrir des victimes persistera,
et le peuple sera toujours sous notre domination. C’est ce qu’ils expriment
en propres termes : « Et nous aurons son héritage. » Telles sont les
pensées ordinaires des prêtres qui suivent les inspirations de la chair, et
qui, sans se préoccuper que leur peuple vive sans péché, n’ont en vue qu’une
seule chose : les offrandes qui sont faites dans l’église, et qu’ils
considèrent comme le gain du sacerdoce. — Raban : Ou bien les Juifs cherchaient à lui enlever son héritage
après l’avoir mis à mort, en s’efforçant d’éteindre la foi dont il est
l’auteur, de lui substituer leur justice, qui vient de la loi, et d’en semer
les germes dans le cœur des Gentils qu’ils voulaient former eux-mêmes. D’où
la suite : « Ainsi, s’étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la
vigne et le tuèrent. » — Saint Hilaire : (can. 22.)
Jésus-Christ fut jeté hors de Jérusalem, comme hors de la vigne, pour y subir
la sentence qui le condamnait à mort. — Origène : Ou
bien ces paroles : « Ils le jetèrent hors de la vigne » veulent
dirent, à mon avis, qu’autant qu’il était en eux, ils le traitèrent comme
étranger à la vigne et à ceux qui la cultivaient. Suite : « Lors donc
que le maître de la vigne sera venu, que fera-t-il à ces vignerons ? » — Saint Jérôme : Le Seigneur leur
fait cette question, non qu’il ignore ce qu’ils doivent y répondre, mais pour
qu’ils trouvent leur condamnation dans leur propre réponse. « Ils lui
dirent donc : « Il fera périr misérablement ces méchants, et ils louera sa
vigne à d’autres vignerons.» — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Si leur réponse est conforme à la vérité, il ne faut pas en attribuer
le mérite à ceux qui ont prononcé une sentence aussi juste, mais à la justice
de la cause elle-même ; car c’est la vérité qui leur a fait violence. — Origène : Non plus que Caïphe (Jn 11) ; ce n’est pas d’eux-mêmes que les princes des prêtres prononcent contre eux ce jugement prophétique, d’après lequel la parole de Dieu leur sera enlevée pour être donnée aux Gentils, qui produiront des fruits dans leur temps. Ou bien, c’est le Seigneur qu’ils ont mis à mort qui, aussitôt sa résurrection, fit périr misérablement ces mauvais vignerons, et loua sa vigne à d’autres (c’est-à-dire aux Apôtres), qui avaient embrassé la foi parmi le peuple juif. — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 70.) Saint Marc ne donne pas cette réponse comme venant des Juifs
(Mc 10), mais comme une suite du discours du Seigneur, et comme s’il avait
répondu lui-même, d’une certaine façon, à la question qu’il avait faite. Mais
il est facile de lever cette difficulté en disant que leur réponse suivit de
si près la question, que l’Evangéliste n’a pas cru devoir la faire précéder
de ces mots : « Ils répondirent, » laissant au lecteur le soin de les
suppléer ; ou bien que cette réponse a été attribuée plutôt au Seigneur,
parce qu’étant conforme à la vérité, c’est lui qui, étant la vérité même, a
parlé par leur bouche. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68.)
Ou bien encore, il n’y a aucune contradiction, car cette réponse a pu être
donnée deux fois, d’abord par les Juifs, et puis par Notre-Seigneur lui-même. — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang.) Mais une difficulté plus sérieuse, c’est que, d’après saint Luc, non seulement
les Juifs n’ont pas fait cette réponse, mais qu’ils en ont donné une toute
contraire ; car voici comment cet Évangéliste s’exprime : « Ce qu’ayant
entendu, c’est-à-dire cette sentence tombée des lèvres du Seigneur, ils
dirent : A Dieu ne plaise. » Or, on peut lever cette apparente
contradiction en disant que parmi le peuple qui l’écoutait, quelques-uns
firent la réponse rapportée par saint Matthieu, et d’autres celle de saint
Luc : « A Dieu ne plaise. » Et on ne doit pas se laisser ébranler par
cette circonstance que saint Matthieu raconte que les princes des prêtres et
les anciens du peuple s’approchèrent du Seigneur, et continue sa narration
jusqu’à la parabole de la vigne louée aux vignerons sans faire paraître
d’autres interlocuteurs. Car on peut très bien supposer que tout ce discours
s’adressait aux princes des prêtres, mais que saint Matthieu, pour abréger, a
omis ce que rapporte saint Luc, c’est-à-dire que la parabole de la vigne fut
exposée non seulement devant ceux qui avaient interrogé Jésus sur son
autorité, mais encore en présence du peuple, et c’est parmi le peuple qu’il
s’en est trouvé pour faire cette réponse : « Il les fera périr, et il
donnera sa vigne à d’autres. » Saint Marc attribue cette réponse au
Seigneur lui-même, à cause de la vérité qu’elle renferme, ou par suite de
l’union des membres avec leur chef, [union qui en fait un seul corps]. Mais
il y en eut aussi qui, entendant cette réponse, s’écrièrent : « A Dieu ne
plaise », parce qu’ils comprenaient que cette parabole était dirigée
contre eux. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien encore, saint Luc a rapporté la réponse de leur bouche, et
saint Matthieu celle de leur cœur ; car ils le contredirent réellement en
face en lui répondant : « A Dieu ne plaise », tandis qu’ils
l’approuvaient dans leur âme, et répondaient intérieurement : « Il fera
périr misérablement ces méchants » ; c’est ainsi qu’un homme qui est
surpris en faute cherche à excuser sa conduite, qu’il est obligé de condamner
dans sa conscience. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68.)
On peut dire encore, dans un autre sens, que le Seigneur leur a proposé cette
parabole pour leur faire prononcer leur propre condamnation sans le savoir,
comme Nathan le fit à l’égard de David (2 R 22), mais qu’ayant compris que
c’était contre eux-mêmes que cette parabole était dirigée, ils s’écrièrent : «
A Dieu ne plaise. » — Raban :
Dans le sens moral, le Seigneur loue à chacun de nous sa vigne pour la
cultiver lorsqu’il nous donne le sacrement du baptême pour que nous lui
fassions produire des fruits [de justice]. Il envoie un serviteur, puis un
second et un troisième lorsqu’on nous lit la loi, les psaumes et les
prophéties, pour nous exhorter à faire le bien. Mais nous frappons, et nous
chassons ces envoyés lorsque nous méprisons ou, ce qui est plus grave encore,
lorsque nous blasphémons la parole de Dieu. Tout chrétien, autant qu’il est
en lui, met à mort l’héritier lorsqu’il foule aux pieds le Fils de Dieu et
fait outrage à l’esprit de grâce. Après le châtiment du premier vigneron, la
vigne est louée à un autre, ce qui arrive lorsque l’âme qui est humble reçoit
le don de la grâce que le superbe a méprisé. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68.)
Mais comme les princes des prêtres n’acceptaient pas ce jugement, le Seigneur
leur apporte un témoignage de I’Écriture : « Jésus ajouta : N’avez-vous
jamais lu dans l’Écriture : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est
devenue pierre d’angle ». C’est-à-dire : Si vous ne comprenez cette
parabole, comprenez au moins ce passage de l’Écriture. — Saint Jérôme : Il leur présente la
même vérité sous des paraboles diverses, et ceux qu’il vient d’appeler
laboureurs et vignerons, il les présente comme des architectes et des maçons. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68.)
La pierre, c’est Jésus-Christ, et ceux qui bâtissent sont les docteurs des
Juifs qui l’ont rejeté en disant : « Cet homme ne vient pas de Dieu. » — Raban : Mais c’est justement parce qu’ils l’ont rejeté qu’il
devint cette pierre angulaire qui affermit le sommet de l’angle, parce qu’il
réunit dans une même foi ceux qu’il avait choisis dans les deux peuples, et
c’est pour cela qu’il ajoute : « Elle est devenue la principale pierre de
l’angle. » — Saint Hilaire : (can. 22.) Il est
devenu la pierre principale de l’angle, parce qu’il a été le lien qui a uni
le peuple de la loi au peuple des Gentils. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 68.)
Il veut leur montrer ensuite que rien en cela n’était contraire à la volonté
de Dieu, et il ajoute : « Ceci est l’œuvre du Seigneur. » — Origène : C’est-à-dire
c’est Dieu lui-même qui a donné cette pierre à tout l’édifice, et cette
pierre angulaire est un spectacle admirable à nos yeux, à nous qui pouvons le
voir des yeux de l’intelligence. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) C’est comme s’il leur disait : Comment ne comprenez-vous pas dans
quel édifice cette pierre doit devenir le sommet de l’angle. Ce n’est pas
dans le vôtre sans doute, puisque vous l’avez rejetée, mais dans un autre.
Or, si un nouvel édifice doit s’élever, le vôtre doit donc être abandonné.
Aussi ajoute-t-il : « Je vous déclare donc : Le royaume de Dieu vous sera
enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits.» etc... — Origène : Le
royaume de Dieu, ce sont les mystères du royaume de Dieu, c’est-à-dire les
divines Écritures que le Seigneur a données aux hommes, d’abord à ce premier
peuple à qui ont été confiés les oracles divins (Rm 3, 1-2), et ensuite aux
nations qui en ont produit les fruits. Or, Dieu ne donne sa parole qu’à celui
qui lui fait produire des fruits, et le royaume de Dieu n’est point donné à
celui qui laisse régner en lui le péché. Comment donc a-t-il pu donner ce
royaume à ceux qui devaient en être dépouillés ? Remarquons ici que par les
dons de Dieu il faut comprendre des dons gratuits. Ceux à qui Dieu n’a fait
que louer son royaume, il ne le leur a pas donné comme aux élus et comme aux
fidèles ; ceux, au contraire, à qui Dieu l’a donné, l’ont reçu comme étant
marqués du sceau des élus. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Jésus-Christ est appelé la pierre, non seulement à cause de sa force,
mais parce qu’il doit briser tous ses ennemis. Voilà pourquoi il ajoute : «
Et celui qui tombera sur cette pierre, se brisera, etc... » — Saint Jérôme : Celui qui est
pécheur, mais qui croit en Jésus-Christ, tombe il est vrai, sur cette pierre
et s’y brise, sans toutefois être entièrement réduit en miettes, car la
patience de Dieu lui réserve des occasions de salut. Mais celui sur lequel
tombera, c’est-à-dire sur lequel viendra fondre cette pierre, et qui aura
tout à fait renié Jésus-Christ, elle le réduira tellement en miettes, qu’il
ne restera pas le moindre fragment avec lequel il soit possible de puiser une
goutte d’eau (Is 30, 14). — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Être brisé et être broyé sont deux choses différentes : quand un
objet est brisé, il en reste quelque chose ; mais quand il est broyé, il est
comme réduit en poussière. Or, ce qui tombé sur une pierre ne se brise pas en
proportion de la dureté de la pierre, mais en raison de la violence de sa
chute, ou de la force de son poids, ou de la hauteur d’où il tombe ; ainsi la
ruine du chrétien qui pêche n’est pas en proportion de ce que Jésus-Christ
peut faire pour le perdre, mais en raison de ce qu’il fait pour se perdre
lui-même par ses oeuvres, en raison de l’énormité de ses péchés ou de la
grandeur de sa dignité ; la ruine des infidèles, au contraire, n’est qu’en
raison de la puissance que Jésus-Christ a pour les perdre. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 69.)
Ou bien il leur indique ici deux ruines différentes : l’une qu’ils
éprouveront en venant se heurter contre cette pierre qui a été pour eux un
objet de scandale, et à laquelle il fait allusion en disant : « Celui qui
tombera sur cette pierre » ; l’autre qui viendra à la suite de la
captivité qui les menace, et qu’il exprime en ajoutant : « et elle
écrasera celui sur qui elle tombera. » — Saint Augustin : (Quest. évang.) Ou bien, ceux qui tomberont sur cette pierre sont ceux qui l’accablent actuellement de mépris et d’outrages ; ils ne périssent pas complètement ; mais ils sont cependant brisés, et ne marchent plus dans les sentiers de la justice ; ceux, au contraire, sur lesquels tombera cette pierre, la verront fondre sur eux du haut du ciel au jour du jugement avec des châtiments sans retour ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Elle les écrasera. » Car les impies seront comme la poussière que le vent disperse de dessus la face de la terre. |
Lectio 7 [85551] Catena in Mt., cap. 21 l. 7 Hieronymus.
Quamvis duro corde Iudaei propter incredulitatem essent, tamen
intelligebant contra se omnes domini sententias dirigi: unde dicitur et cum
audissent principes sacerdotum et Pharisaei parabolas eius, cognoverunt quod
de ipsis diceret. Chrysostomus super Matth. Haec est autem
differentia bonorum hominum et malorum: bonus enim comprehensus in peccato,
gemit quia peccavit; malus autem fremit, non quia peccavit, sed quia
comprehensus est in peccato, et non solum poenitentiam non agit, sed magis
adversus corripientem irascitur, unde et isti comprehensi, magis ad malitiam
sunt excitati; sequitur enim et quaerentes tenere eum, timuerunt turbas,
quoniam sicut prophetam eum habebant. Origenes in Matth. Sapiunt quidem aliquo de eo
quod verum est, prophetam eum aestimantes; non autem magnitudinem eius
intelligunt, secundum quod erat filius Dei. Turbas autem sic sapientes de eo,
et paratas pro eo pugnare timent principes: neque enim ad eorum scientiam
pertingere possunt, nihil dignum sentientes de eo. Deinde sciendum est,
quoniam volentium Iesum tenere, differentia est. Aliter enim principes et
Pharisaei quaerebant eum tenere; aliter sponsa quae dicit: tenui eum, nec
dimittam, adhuc tentura melius, sicut dicit: ascendam in palmam, et tenebo
altitudinem eius. Omnes enim non recte sapientes de divinitate, tenere volunt
Iesum, et perdere eum. Et alia quidem verba, praeter verbum Christi,
possibile est comprehendere et tenere; verbum autem veritatis nemo potest
comprehendere, idest intelligere; neque tenere, idest convincere; neque
separare a sensu credentium; neque mortificare, idest destruere. Chrysostomus super Matth. Omnis etiam homo
malus quantum ad voluntatem suam, et manus mittit in Deum et occidit eum. Qui
enim praecepta Dei conculcat, qui murmurat contra Deum, et turbato vultu
aspicit caelum, nonne, si fieri potuisset, manus mitteret in Deum et
occideret eum ut iam licenter peccaret? Rabanus. Sed tamen quod timent mittere manum
in Iesum propter turbam, quotidie in Ecclesia geritur, cum quilibet solo
nomine frater, fidei et pacis unitatem, quam non diligit, propter bonos
cohabitantes, vel erubescit impugnare, vel timet. |
Versets
45-46.
— Saint Jérôme : Quoique le cœur des
Juifs fût endurci par l’incrédulité, ils comprenaient cependant que toutes
ces paroles du Seigneur étaient dirigées contre eux. « Et les princes des
prêtres, et les Pharisiens, ayant entendu ces paraboles comprirent que
c’était d’eux que Jésus parlait » . — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Telle est la différence des hommes de bien d’avec les méchants :
l’homme de bien qui est surpris en faute s’afflige, parce qu’il a péché ; le
méchant, au contraire, est furieux, non pas d’avoir péché, mais de voir son
péché découvert ; et non seulement il n’en fait pas pénitence, mais il n’en
devient que plus irrité contre celui qui l’a repris de son crime. Et c’est
pour cela que les princes des prêtres, surpris dans leur malice, n’en
deviennent que plus ardents pour le mal. « Et voulant se saisir de lui,
ils craignirent la foule, parce qu’elle le regardait comme un prophète. » — Origène : Les
idées du peuple sur Jésus-Christ, qu’il regarde comme un prophète, ont
quelque chose de conforme à la vérité ; mais il ne comprend pas sa grandeur
en tant qu’il est Fils de Dieu. Or, les princes des prêtres craignent le
peuple, parce qu’il a de Jésus-Christ cette opinion, et qu’il est disposé à
le défendre, car eux-mêmes ne peuvent s’élever jusqu’à cette connaissance, et
ne se forment aucune idée convenable du Seigneur. Il faut, du reste, savoir
qu’il y a différentes manières de s’emparer de Jésus. Les princes des prêtres
et les pharisiens voulaient se saisir de lui, mais d’une autre manière que
l’Épouse [des cantiques] lorsqu’elle dit : « Je l’ai saisi, et ne le laisserai
point aller », et lorsqu’elle doit le retenir encore plus fortement,
comme elle l’exprime plus loin : « Je monterai sur le palmier et je
saisirai ses rameaux élevés. » Tous ceux qui n’ont pas d’idées justes sur
la divinité du Christ veulent s’emparer de Jésus pour le perdre. Quant aux
autres paroles différentes de la parole du Christ, il est possible de les
saisir, de s’en emparer ; mais pour la parole de vérité, personne ne peut ni
la saisir, c’est-à-dire la comprendre, ni s’en emparer, c’est-à-dire
l’enchaîner, ni l’arracher de l’esprit des fidèles, ni la faire mourir,
c’est-à-dire la détruire. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Tout homme livré au mal, à ne consulter que sa volonté, porte la main
sur Dieu et le met à mort ; car celui qui foule aux pieds les commandements
de Dieu, celui qui murmure contre Dieu, celui qui lance vers le ciel des
regards de colère, ne s’emparerait-il pas de Dieu, s’il le pouvait, pour s’en
défaire et pécher en toute liberté ? — Raban : Et cependant nous voyons tous les jours se renouveler, dans l’Église, cette crainte de ceux qui appréhendent de se saisir de Jésus, à cause de la foule, lorsqu’un chrétien, qui ne l’est que de nom, n’ose, par un sentiment de honte, ou parce qu’il craint les gens de bien qui l’entourent, attaquer l’unité de la foi et de la paix qu’il déteste dans son cœur. |
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Caput 22 |
CHAPITRE 22 —
[Présentation et rejet du Roi]
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Lectio 1 [85552] Catena in Mt.,
cap. 22 l. 1 Chrysostomus in Matth. Quia
dixerat: dabitur genti facienti fructum eius, hic ostendit cui genti: unde
dicitur et respondens Iesus, dixit iterum in parabolis eis, dicens: simile
factum est regnum caelorum, et cetera. Glossa. Dicit autem respondens, idest obvians
pravae cogitationi eorum de morte sua. Augustinus de Cons. Evang. Parabolam autem
istam solus Matthaeus narrat: simile quidem etiam Lucas commemorat; sed non
est hoc, sicut et ipse ordo indicat. Gregorius in Evang. Hic per nuptias, praesens
Ecclesia; illic per coenam, aeternum et ultimum convivium designatur; quia et
in hanc nonnulli exituri intrant; ad illud quisquis semel intraverit,
ulterius non exibit. At si quis forte contendat hanc eamdem esse lectionem,
intelligi forsitan potest quia de proiecto eo, qui cum nuptiali veste non
intraverat, quod Lucas tacuit, Matthaeus dixit; quod vero per illum coena,
per hunc autem prandium dicitur, nequaquam obsistit: quia cum ad horam nonam
apud antiquos prandium fieret quotidie, ipsum quoque prandium coena vocabatur.
Origenes in Matth. Regnum autem caelorum
simile est, secundum eum quidem qui regnat, homini regi; secundum eum autem
qui conregnat, filio regis; secundum ea vero quae sunt in regno regis, servis
et invitatis ad nuptias; inter quod est et exercitus regis. Additum est autem
homini regi, ut hominibus quasi homo loquatur, et dispenset homines non
cupientes dispensari a Deo. Sed tunc cessabit regnum caelorum esse simile
homini, cum cessante zelo et contentione et ceteris passionibus et peccatis,
cessaverimus secundum hominem ambulare, et videbimus eum sicuti est. Nunc
enim videmus eum non sicuti est, sed sicuti per nostram dispensationem factus
fuerit nobis. Gregorius. Tunc autem Deus pater Deo filio
nuptias fecit quando hunc in utero virginis humanae naturae coniunxit. Sed
quia ex duabus personis fieri solet nuptiarum coniunctio, absit hoc ab
intellectibus nostris ut personam redemptoris nostri ex duabus personis
credamus esse unitam. Ex duabus quippe atque in duabus hunc naturis existere
dicimus, sed ex duabus personis credere compositum ut nefas vitamus. Securius
ergo dici potest, quia in hoc rex pater regi filio nuptias fecit, quod ei per
incarnationis mysterium sanctam Ecclesiam sociavit. Uterus autem genitricis
virginis huius sponsi thalamus fuit. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Cum
resurrectio fuerit facta sanctorum, tunc suscipiet hominem vita, quae est
Christus, mortalitatem eius sua immortalitate absorbens. Nunc enim quasi
arrhas futuri coniugii spiritum sanctum accipimus; tunc autem ipsum Christum
plenius in nobis habebimus. Origenes. Vel coniunctionem sponsi ad sponsam,
idest Christi ad animam, verbi susceptionem intellige; partus autem opera
bona. Hilarius. Merito autem a patre iam sunt
hae nuptiae factae, quia aeternitatis huius societas et novi corporis
desponsata coniunctio habetur iam perfecta in Christo. Sequitur et misit servos suos vocare invitatos ad
nuptias; et noluerunt venire. Chrysostomus super Matth. Ergo quando misit
servos suos, iam invitati prius erant. Invitati sunt enim homines a tempore
Abrahae, cui Christi incarnatio promittebatur. Hieronymus. Misit autem servum suum; nec
dubium quin Moysen, per quem legem invitatis dedit. Si
autem servos legerimus, ut plura habent exemplaria, ad prophetas referendum
est: quia invitati per eos, venire contempserunt. Sequitur iterum misit alios
servos, dicens: dicite invitatis, et cetera. Servi qui secundo missi sunt,
melius est ut prophetae intelligantur, quam apostoli; ita tamen si servus
supra fuerit scriptus; sin autem servos ibidem legas, hic servi secundi,
apostoli sunt intelligendi. Chrysostomus super Matth. Quos misit cum
eis dixit: in viam gentium ne abieritis (...) sed potius ite ad oves perditas
domus Origenes in Matth. Vel qui primi
mittuntur servi vocare invitatos ad nuptias habentur prophetae convertentes
ex populo per suas prophetias ad laetitiam et restitutionem Ecclesiae ad
Christum. Qui autem noluerunt venire in primis invitati,
sunt qui noluerunt audire verba prophetarum. Iterum
alii transmissi, alia congregatio prophetarum est. Hilarius in Matth. Vel
servi primo missi, qui invitatos vocarent, apostoli sunt; qui autem
admonentur ut veniant, invitati antea, populus Israel est: in gloriam enim
aeternitatis per legem est advocatus. Apostolorum ergo erat proprium
commonefacere eos quos invitaverant prophetae. Qui vero iterum cum
praeceptorum conditione mittuntur, apostolici viri sunt successores eorum. Gregorius in Evang. Sed quia hi qui
prius invitati sunt, ad nuptiarum convivium venire noluerunt, in secunda
invitatione iam dicitur ecce prandium meum paravi. Hieronymus. Prandium paratum, et tauri, et
altilia occisa, vel per metaphoram opes regiae describuntur, ut ex carnalibus
intelligantur spiritualia; vel certe dogmatum magnitudo et doctrina Dei lege
plenissima sentiri potest. Chrysostomus super Matth. Cum ergo dominus
apostolis dixit: euntes praedicate, dicentes quia appropinquavit regnum
caelorum, hoc significavit quod hic dicitur prandium meum paravi: idest, ex
lege et prophetis Scripturarum mensas ornavi: unde sequitur tauri mei et
altilia occisa sunt. Gregorius. Per tauros autem patres veteris
testamenti significantur; qui ex permissione legis inimicos suos virtutis
corporeae cornu feriebant. Altilia vero saginata dicimus: ab eo enim quod est
alere, altilia, quasi alitilia, vel quasi alita vocamus. Per altilia ergo
patres novi testamenti figurantur; qui dum gratiam pinguedinis internae
dulcedinis percipiunt, a terrenis desideriis ad sublimia contemplationis suae
penna sublevantur. Dicit ergo tauri mei et altilia occisa sunt; ac si
diceret: patrum praecedentium mortes aspicite, et remedia vitae vestrae
cogitate. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Ideo
dicit et saginata et tauros, non quia et tauri non fuerint saginati, sed quia
non omnes saginati fuerunt tauri; ergo saginata tantummodo dicit prophetas,
qui fuerunt spiritu sancto repleti; tauros autem qui prophetae fuerunt et
sacerdotes, sicut Ieremias et Ezechiel: ut enim tauri duces sunt gregis, ita
et sacerdotes principes sunt populi. Hilarius. Vel aliter. Tauri gloriosa martyrum
species est, qui confessioni Dei, tamquam hostia electa, sunt immolati;
saginata vero sunt homines spirituales, tamquam caelesti pane ad evolandum
aves pastae, ceteros accepti cibi ubertate expleturae. Gregorius. Notandum vero, quod in priore
invitatione nil de tauris et altilibus dicitur; in secunda autem iam tauri et
altilia mactata memorantur: quia omnipotens Deus, cum verba eius audire
volumus, adiungit exempla: ut omne quod impossibile credimus, tanto nobis ad
superandum fiat facilius, quanto per hoc transisse et alios audimus. Origenes in Matth. Vel quia prandium quod
paratur, est eloquium Dei; fortia quaeque eloquiorum Dei, tauri
intelligantur; suavia vero et delectabilia eorum, sunt saginata. Si quis enim
proferat quaedam dicta modica et non firma, et non magnam virtutem rationis
habentia, videntur macra esse quae proferuntur; saginata autem sunt cum ad
unamquamque propositionem exempla multa rationis probatione repleta
inducuntur: puta si aliquis de castitate sermonem loquitur, recte
intelligitur turtur; sed cum ipsum sanctitatis sermonem cum rationis
probatione de Scripturis repletum protulerit, ita ut delectet et confirmet
animum audientis, protulit eum saginatum. Chrysostomus super Matth. Quod autem dicitur
et omnia parata sunt, intelligitur quia quicquid quaeritur ad salutem, iam
adimpletum est in Scripturis: qui enim ignorans est, invenit ibi quod discat;
qui contumax est, invenit ibi quod timeat; qui laborat, invenit ibi promissa,
quibus excitetur ad opus. Glossa. Vel omnia parata sunt, idest,
introitus regni paratus est per fidem meae incarnationis, qui ante fuerat
clausus. Chrysostomus super Matth. Vel omnia parata
dicit quae pertinent ad mysterium dominicae passionis et nostrae
redemptionis. Dicit autem venite ad nuptias, non pedibus, sed fide et
moribus. Sequitur illi autem neglexerunt. Quare autem
neglexerint, manifestat cum subditur et abierunt alius in villam suam, alius
vero ad negotiationem suam. Chrysostomus in Matth. Quamvis autem videantur
rationabiles occasiones esse; sed hinc discimus quod etiam si necessaria sint
quae detinent, omnibus tamen praeponere spiritualia oportet. Mihi autem videtur quod his occasionibus usi, negligentiae velamina
proponebant. Hilarius in Matth. Ambitione enim
saeculi, tamquam villa, homines occupantur; plures vero propter pecuniae
cupiditatem negotiatione detinentur. Chrysostomus super Matth. Vel aliter.
Cum labore manuum nostrarum aliquid facimus, puta exercentes agrum vel
vineam, aut opus ligni vel ferri, villam colere videmur; cum autem non labore
manuum nostrarum alia lucra sequimur, totum hoc negotiatio appellatur. O
miserrimus mundus, et miseri qui eum sequuntur. Semper enim mundialia opera
homines excluserunt a vita. Gregorius in Evang. Qui ergo intentus labori
terreno, vel mundi actionibus deditus, mysterium incarnationis dominicae
pensare, et secundum illud vivere dissimulat, quasi ad villam vel negotium
pergens, venire ad regis nuptias recusat; et plerumque, quod est gravius,
nonnulli vocati gratiam non solum respuunt, sed etiam persequuntur: unde
subditur reliqui vero tenuerunt servos eius, et contumeliis affectos
occiderunt. Chrysostomus super Matth. Vel per occupationem
villae, populares Iudaeorum significat, quos mundi delectatio separavit a Christo;
per occupationem vero negotiationis, sacerdotes, ceterosque ministros templi
significavit, quos lucri obtentu venientes ad ministerium legis et templi,
avaritia separavit a fide; de quibus non dixit quod malignati sunt, sed
neglexerunt: qui enim odio aut invidia crucifixerunt Christum, illi malignati
sunt: qui autem negotiis impediti non crediderunt, illi neglexisse dicuntur,
non malignari. De sua tamen morte dominus tacet, quia in priori parabola
dixerat; sed ostendit mortem discipulorum suorum, quos post ascensum ipsius
occiderunt Iudaei, Stephanum lapidantes, et Iacobum Alphaei occidentes:
propter quae Ierusalem destructa est a Romanis. Et notandum, quod ira in Deo
non proprie, sed translative dicitur; tunc enim irasci dicitur quando
ulciscitur; unde et hic dicitur rex autem cum audisset, iratus est. Hieronymus. Quando invitabat ad nuptias, et
agebat opera clementiae, hominis nomen appositum est: nunc autem quando ad
ultionem venit, homo siletur, et rex tantum dicitur. Origenes in Matth. Dicant autem qui peccant in
Deum legis et prophetarum et totius creationis, utrum iste qui et homo
dicitur et iratus proponitur, ipse est pater Christi. Quod si dixerint hunc
ipsum esse, cogendi sunt confiteri quoniam multa in eo secundum passibilem hominum
naturam esse dicuntur: non quia ipse passibilis est, sed quia morem gerit
passibilis naturae hominum. Et secundum hanc consequentiam suscipere convenit
et iram Dei et poenitentiam et cetera huiusmodi in prophetis. Sequitur et missis exercitibus suis.
Hieronymus. Per hos exercitus, Romanos intelligimus sub duce Vespasiano et
Tito, qui, occisis Iudaeae populis, praevaricatricem incenderunt civitatem.
Chrysostomus super Matth. Romanus autem
exercitus dicitur exercitus Dei: quia domini est terra et plenitudo eius; nec
etiam venissent Romani Ierusalem, nisi eos dominus excitasset. Origenes in Matth. Vel Angelorum agmina
sunt exercitus regis nostri. Missis ergo exercitibus
extinxisse homicidas dicitur, quia in hominibus omne iudicium per Angelos
exercetur. Homicidas ergo perdit, quia persequentes interimit; civitatem
eorum igni succendit, quia illorum non solum animae, sed caro quoque in qua
habitaverunt, aeternae Gehennae flamma cruciantur. Origenes. Vel civitas impiorum est, secundum
unumquodque dogma, congregatio eorum qui conveniunt in sapientia principum
huius saeculi: quam succendit rex et exterminat, quasi ex malis
aedificationibus consistentem. Gregorius. Sed is qui invitantem se contemni
conspicit, filii sui nuptias vacuas non habebit: quandoque enim sermo Dei
inventurus est ubi requiescat: unde subditur tunc ait servis suis. Origenes. Idest apostolis, aut Angelis, qui
praepositi erant in vocatione gentium. Nuptiae quidem paratae sunt. Remigius. Idest, omne sacramentum humanae
dispensationis iam peractum atque completum est. Sed qui invitati erant,
idest Iudaei, non fuerunt digni: quia Dei iustitiam ignorantes, et suam
statuere volentes, indignos se iudicaverunt aeternae vitae. Reprobato ergo
Iudaico populo, ad has nuptias gentilis populus est susceptus: unde sequitur
ite ergo ad exitus viarum, et quoscumque inveneritis vocate ad nuptias. Hieronymus. Gentilis enim populus non erat in
viis, sed in exitibus viarum. Remigius. Qui sunt errores gentilium. Chrysostomus super Matth. Vel viae sunt omnes
professiones huius mundi, ut puta philosophiae, militiae, et huiusmodi. Dicit
ergo ite ad exitus viarum: ut cuiuslibet conditionis homines vocent ad fidem.
Adhuc, sicut castitas via est quae ducit ad Deum, sic fornicatio via est quae
ducit ad Diabolum; et sic de virtutibus et vitiis. Iubet ergo, ut cuiuscumque conversationis vel conditionis homines
invitent ad fidem. Hilarius in Matth. Per viam etiam tempus
saeculi intelligendum est; atque ideo ad exitus viarum iubentur ire, quia
omnibus retroacta donantur. Gregorius. Vel aliter. In Scriptura
sacra vias actiones accipimus; exitus viarum intelligimus defectus actionum,
quia illi plerumque facile ad eum veniunt quos in terrenis actionibus
prospera nulla comitantur. Origenes. Vel aliter. Puto hanc primam
vocationem fuisse ad nuptias aliquarum ingenuarum animarum: principaliter
enim Deus vult venire ad epulationem divini eloquii eos qui ad intelligendum
sunt ingeniosiores; et quoniam qui huiusmodi sunt, nolunt ad istam vocationem
venire, transmittuntur alii servi provocantes eos, et promittentes quod, si
venerint, percipient prandium paratum a rege. Sicut enim in corporalibus alia
est quae nubit sponsa, alii invitatores, alii qui invitantur ad nuptias, sic
Deus scit diversos ordines animarum, earumque virtutes, et causas ob quas hi
quidem in constitutione sponsae accipiuntur, alii in ordine servorum
vocantium, alii in numero invitatorum ad nuptias. Sed qui principaliter
quidem fuerant invitati, primos invitatores quasi pauperes sensu neglexerunt,
et abierunt sua sequentes, in quibus magis sunt delectati quam in his quae
rex per servos quos promittebat. Sed hi leviores sunt his qui servis
transmissis iniuriantur et interficiunt; qui scilicet praeparatione
contentiosorum verborum ausi sunt tenuisse servos missos, qui non sunt
praeparati ad solvendas quaestiones eorum versutas; et contumeliis
afficiuntur, vel interficiuntur ab eis. Sequitur et egressi servi eius in vias,
congregaverunt omnes quos invenerunt bonos et malos. Origenes. Egredientes servi, sive de Iudaea et
Ierusalem apostoli Christi, sive ab interioribus Angeli sancti, et venientes
ad vias diversas diversorum morum, congregaverunt quoscumque invenerunt; et
non curant, utrum aliquando ante vocationem mali fuerint aut boni. Bonos
autem intelligere hic simpliciter convenit humiliores et rectiores ex eis qui
veniebant ad cultum Dei, quibus conveniebat quod apostolus ait: cum gentes
quae legem non habent, ea quae legis sunt faciunt, ipsi sibi sunt lex. Hieronymus. Inter ipsos enim gentiles infinita
est diversitas; cum alios sciamus esse procliviores ad vitia, alios ad
honestatem morum virtutibus deditos. Gregorius. Vel hoc dicit, quia in hac Ecclesia
nec mali sine bonis, nec boni sine malis esse possunt. Bonus autem non fuit
qui malos tolerare recusavit. Sequitur et impletae sunt nuptiae discumbentium.
Origenes in Matth. Nuptiae, scilicet Christi
et Ecclesiae, sunt impletae dum restituti Deo qui ab apostolis sunt inventi
recubuerunt ad epulandum in nuptiis. Sed quoniam bonos et malos oportuit
quidem vocari, non autem ut mali permanerent mali, sed ut deponerent
vestimenta contraria nuptiis et induerent nuptialia indumenta, scilicet
viscera misericordiae et benignitatis; ideo rex egreditur, ut videat
discumbentes priusquam apponatur eis prandium, ut retineat habentes nuptialia
vestimenta, et delectet; condemnetque contrarios: unde sequitur intravit
autem rex, ut videret discumbentes. Chrysostomus super Matth. Non quia alicubi
ipse non est; sed ubi vult per iudicium aspicere, ibi dicitur praesens; ubi
autem non vult, absens videtur. Dies autem aspectionis est dies iudicii,
quando visitaturus est Christianos, qui super mensam Scripturarum recumbunt.
Origenes. Ingrediens autem invenit quemdam qui
non mutaverat proprios mores: unde sequitur et vidit ibi hominem non vestitum
veste nuptiali. Singulariter dixit, quia unius sunt generis omnes qui servant
malitiam post fidem, quam habuerant ante fidem. Gregorius. Quid autem debemus
intelligere per nuptialem vestem nisi caritatem? Quia hanc in se dominus
habuit, dum ad sociandae sibi Ecclesiae nuptias veniret. Intrat ergo ad
nuptias, sed sine veste nuptiali, qui in Ecclesia fidem habet, sed caritatem
non habet. Augustinus contra Faustum. Vel sine veste
nuptiali nuptias adit qui quaerit ibi gloriam non sponsi, sed suam. Hilarius in Matth. Vel vestis nuptialis est
gratia spiritus sancti, et candor habitus caelestis, qui bonae
interrogationis confessione susceptus, usque in coetum regni caelorum
immaculatus et integer est reservandus. Hieronymus. Vel vestis nuptialis praecepta
sunt domini, et opera quae complentur ex lege et Evangelio, novique hominis
efficiunt vestimentum; quod qui in die iudicii inventus fuerit sub nomine
Christiano non habere, statim corripitur: unde sequitur et ait illi: amice,
quomodo huc intrasti non habens vestem nuptialem? Amicum vocat, quia est
invitatus ad nuptias, quasi sit amicus per fidem. Arguit autem impudentiae,
quod veste sordida munditias polluerit nuptiales. Origenes. Et quoniam qui peccat et non induit
dominum Iesum Christum, non habet excusationem aliquam, ideo sequitur at ille
obmutuit. Hieronymus. In tempore enim illo non erit
locus impudentiae, nec negandi facultas; cum omnes Angeli et mundus ipse
testes sint peccatorum. Gregorius. Non autem solum reiectus est a
nuptiis qui iniuriam nuptiis fecit, sed adhuc a ministris regis super vincula
constitutis ligatus incessione, qua non est usus ad bonum, et apprehensoria
virtute, qua nullum opus ad bonum implevit; et condemnatus est in loco ab
omni lumine alieno, qui vocatur tenebrae exteriores: unde sequitur tunc rex
dixit ministris: ligatis manibus et pedibus, mittite eum in tenebras
exteriores. Gregorius. Ligantur tunc pedes et manus per
districtionem sententiae, qui modo a pravis operibus ligari noluerunt per
meliorationem vitae, vel tunc ligat poena quos modo a bonis operibus ligavit
culpa. Augustinus de Trin. Pravarum vero atque
distortarum voluntatum implicatio vinculum est quo alligatur qui hoc agit, ut
proiciatur in tenebras exteriores. Gregorius. Interiores autem tenebras
dicimus caecitatem cordis, exteriores vero tenebras aeternam noctem
damnationis. Chrysostomus super Matth. Vel per hoc
designatur differentia tormentorum in peccatoribus. Sunt enim primae tenebrae
exteriores, interiores autem minores, et novissima loci. Sequitur ibi erit
fletus et stridor dentium. Hieronymus. In fletu oculorum et
stridore dentium, per metaphoram membrorum corporalium, magnitudo ostenditur
tormentorum. Manus quoque ligatas et pedes, fletum oculorum,
et stridorem dentium, ad comprobandam resurrectionis intellige veritatem. Gregorius in Evang. Ut illic dentes strideant,
qui de edacitate gaudebant; illic oculi defleant, qui hic per illicitas
concupiscentias versabantur; quatenus singula membra supplicio subiaceant,
quae hic singulis quibusque vitiis subiecta serviebant. Hieronymus. Et quia in convivio nuptiali non
initium, sed finis quaeritur, subditur multi enim sunt vocati, pauci vero
electi. Hilarius in Matth. In invitante enim sine
exceptione, publicae bonitatis humanitas est; in invitatis vero, vel vocatis,
de iudicio meritorum probitatis electio est. Gregorius. Nonnulli enim bona nec incipiunt,
nonnulli vero in bonis quae inceperunt, minime persistunt. Tanto ergo sibi
unusquisque sollicite metuat quanto ignorat quae restant. Chrysostomus super Matth. Vel aliter. Quoties
Deus tentat Ecclesiam suam, ingreditur ad eam, ut videat discumbentes; et si
invenerit aliquem non habentem vestem nuptialem, interrogat eum: ut quid
factus es Christianus, si haec opera negligebas? Talem ergo Christus tradit
ministris suis, idest aliquibus magistris seductionis; et ligant manus eius,
idest opera, et pedes, idest motus animae; et mittunt eum in tenebras, idest
in errores vel gentium, vel Iudaeorum, vel haeresim: propinquiores enim sunt
tenebrae gentilium, quia veritatem spernunt quam non audierunt; sed
exteriores Iudaeorum, qui audierunt, sed non crediderunt; sed magis
exteriores haereticorum, qui audierunt et didicerunt. |
Versets
1-14.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 69.)
Jésus venait de déclarer que la vigne du Seigneur serait confiée à une nation
qui lui ferait produire des fruits ; il fait ici connaître quelle serait
cette nation : « Et Jésus, répondant,leur parla de nouveau en paraboles,
et il dit : ‘Le Royaume des cieux est semblable, etc... » — La Glose : L’Évangéliste
se sert de l’expression « répondant » pour montrer que Jésus allait au-devant
de la pensée criminelle qu’ils avaient de le mettre à mort (Jn 11). — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 71.) Saint Matthieu est le seul qui raconte cette parabole ; nous
trouvons bien dans saint Luc une parabole analogue, mais ce n’est pas la
même, comme le prouve la suite du récit. — Saint Grégoire : (hom. 38.) Ces
noces représentent l’Église de la terre, et le souper [dont il est question
dans saint Luc], le festin éternel qui doit avoir lieu à la fin des temps ;
car plusieurs de ceux qui entrent dans la salle des noces doivent en sortir,
mais aucun de ceux qui seront admis à ce festin n’en sera exclu. Si l’on veut
soutenir cependant qu’il s’agit du même fait dans les deux Évangélistes, il
faudra dire que saint Matthieu seul a parlé de celui qui fut renvoyé pour
être entré sans la robe nuptiale, alors que saint Luc n’en dit rien. Que
l’un, d’ailleurs, donne le nom de souper à ce que l’autre appelle dîner, ce
n’est pas une difficulté ; car comme les anciens dînaient à la neuvième
heure, le dîner s’appelait aussi cène [ou souper]. — Origène : (traité
20 sur S. Matth.) Le royaume des cieux est semblable à un homme qui est roi,
si l’on considère celui qui règne ; et fils de roi, si nous considérons celui
qui partage son pouvoir ; si notre attention se porte sur ce qui compose son
royaume, il est semblable aux serviteurs et à ceux qui sont invités à la
noce, parmi lesquels il faut compter l’armée du roi. Il ajoute : « à un
homme roi, » parce qu’il veut parler aux hommes un langage humain, et
gouverner comme homme ceux qui ne veulent point du gouvernement de Dieu. Mais
le royaume de Dieu cessera d’être semblable à un homme lorsqu’il n’y aura
plus ni envie, ni esprit d’opposition, en un mot, ni passions, ni péchés, que
nous aurons cessé de nous conduire comme des humains, et que nous verrons
Dieu tel qu’il est ; car nous ne le voyons pas maintenant tel qu’il est, mais
tel qu’il a daigné se faire pour notre salut. — Saint Grégoire : (hom. 38.) Dieu le
Père a célébré les noces de Dieu son Fils lorsqu’il l’a uni à la nature
humaine dans le sein d’une vierge ; mais gardons-nous de croire, parce que
toute union conjugale suppose deux personnes, que la personne du Rédempteur a
été formée par l’union de deux personnalités distinctes. Nous disons que la
personne de Jésus-Christ est composée de deux natures, et qu’il existe en
deux natures, mais nous évitons comme un crime de dire qu’il y avait en lui
deux personnes. Nous sommes certains d’éviter toute erreur eu disant que ce
Père, qui est roi, a fait des noces à son Fils qui est également roi, en
l’unissant par le mystère de l’incarnation à la sainte Église, et ce fut le
sein de la Vierge qui fut le lit nuptial de ce divin époux. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien, dans un autre sens, lorsque la résurrection des saints sera
consommée, alors la vie, qui est le Christ, s’unira intimement à l’homme en
absorbant dans son immortalité tout ce qu’il a de mortel (1 Co 15, 54).
Maintenant nous avons déjà reçu l’Esprit saint comme les arrhes de cette
union future, mais alors nous recevrons Jésus-Christ lui-même dans toute sa
plénitude. — Origène : Ou
bien, par cette union de l’époux avec l’épouse, c’est-à-dire de Jésus-Christ
avec l’âme fidèle, vous pouvez entendre la parole de Dieu qui est reçue dans
l’âme, et par l’enfantement, les bonnes oeuvres. — Saint Hilaire : Nous avons raison
de considérer ces noces comme étant accomplies déjà par le Père ; car cette
société, qui doit durer éternellement, et cette union avec un corps nouveau,
ont déjà reçu leur parfait accomplissement en Jésus-Christ. Suite : «
Et il envoya ses serviteurs pour appeler aux noces ceux qui y étaient
conviés, mais ils refusèrent d’y venir. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Vous voyez donc qu’ils étaient déjà invités lorsqu’il envoya ses
serviteurs ; car Dieu avait invité les hommes dès le temps d’Abraham, à qui l’incarnation
du Christ était promise. — Saint Jérôme : « Il envoya son
serviteur. » Ce fut probablement Moïse, par qui Dieu donna la loi à ceux
qui étaient invités. Si nous lisons : « ses serviteurs » au pluriel,
comme le portent la plupart des exemplaires, nous devrons entendre cette
expression des prophètes ; car ceux qu’ils invitèrent ne répondirent point à
leur invitation. « Et il envoya de nouveau d’autres serviteurs, en leur
disant : Dites aux invités, etc... » [Si le mot serviteur est au
singulier], il est plus naturel de voir dans ceux qui ont été envoyés une
seconde fois les prophètes que les Apôtres. Si, au contraire, nous lisons «
ses serviteurs » au pluriel, ces serviteurs envoyés la seconde fois sont
nécessairement les Apôtres. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Le Seigneur les envoya lorsqu’il leur dit : « Vous n’irez pas dans
la voie des nations ; mais allez plutôt vers les brebis égarées de la maison
d’israël. » — Origène : Ou
bien ces premiers serviteurs qui sont envoyés pour appeler aux noces ceux qui
étaient invités, sont les prophètes qui par leurs prophéties en convertirent
un grand nombre parmi le peuple à la joie de voir l’Église rentrer sous la
possession du Christ. Ceux qui, parmi ces premiers invités, refusèrent de
venir, sont ceux qui ne voulaient pas écouter les paroles des prophètes. Les
serviteurs qui furent envoyés une seconde fois sont un nouveau choix de
prophètes. — Saint Hilaire : Ou bien, les
serviteurs envoyés en premier lieu pour appeler les invités sont les Apôtres
; ceux qu’ils appellent à répondre à l’invitation qui leur a été faite, c’est
le peuple d’Israël ; car il a été appelé par la loi à la gloire de
l’éternité. Or, le but de la mission des Apôtres était d’avertir ceux que les
prophètes avaient invités. Quant à ceux qui sont envoyés de nouveau pour
intimer l’ordre positif de répondre à cette invitation, ce sont les hommes
apostoliques qui ont succédé aux Apôtres. — Saint Grégoire : (hom. 38.) Mais,
ceux qui ont été invités en premier lieu ayant refusé de venir au festin des
noces, le roi fait dire dans la seconde invitation : « Mon festin est
préparé. » — Raban : [référence à vérifier] Ce
festin préparé, ces bœufs et tous ces animaux engraissés sont une figure des
richesses de ce roi, destinée à nous faire comprendre les biens spirituels
sous le voile des objets matériels ; ou bien on peut y voir la grandeur des
vérités divines, et la doctrine toute pleine de la loi de Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Lorsque Notre-Seigneur dit à ses disciples : « Allez et prêchez »,
en disant que le royaume des cieux est proche, il ne leur donne pas d’autre mission que
par ces paroles : « j’ai préparé mon festin », c’est-à-dire j’ai
couvert les tables des Écritures des mets de la loi et des prophètes. «
Mes bœufs et mes bêtes grasses sont tués.» — Saint Grégoire : (hom. 38.) Les
bœufs représentent les patriarches de l’Ancien Testament, à qui la loi
permettait de frapper leurs ennemis à l’aide de la force matérielle (Dt 33,
17) ; le mot latin altilia signifie les animaux qu’on engraisse, on les
appelle en latin altilia ou quasi alita, du verbe alere, nourrir. Or, ces
animaux engraissés figurent les Pères du Nouveau Testament qui, nourris de
l’abondance des douceurs intérieures, élèvent leurs désirs de la terre au
ciel sur les ailes de la contemplation intérieure. Ces paroles : « J’ai
fait tuer mes bœufs et les animaux que j’avais fait engraisser»,
reviennent à celles-ci : « Considérez la mort des patriarches qui vous ont
précédés, et pensez aux moyens qui peuvent préserver votre vie. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien, selon un autre sens, il dit : « Les bœufs et les animaux
que j’ai fait engraisser » non pas que les bœufs n’eussent été eux-mêmes
engraissés, mais parce que tous les animaux qui étaient engraissés n’étaient
pas des bœufs Ces animaux engraissés représentent donc les prophètes qui
furent remplis de l’Esprit saint, et les bœufs, ceux qui furent à la fois
prophètes et prêtres, comme Jérémie et Ézéchiel ; car de même que les bœufs
marchent à la tête du troupeau, ainsi les prêtres sont les chefs et les
guides du peuple de Dieu. — Saint Hilaire : Ou bien encore, les
bœufs sont la glorieuse phalange des martyrs qui ont été immolés à la gloire
de Dieu comme des victimes de choix ; les animaux engraissés sont les hommes
spirituels, semblables à des oiseaux qui, nourris du pain du ciel, sont
devenus capables de prendre leur essor, et de remplir les autres de la
surabondance de cette nourriture divine. — Saint Grégoire : Il faut remarquer
que dans la première invitation il n’est point fait mention des bœufs ni des
autres animaux qui ont été engraissés, tandis que dans la seconde invitation
il est dit qu’ils sont tués et préparés, parce que, en effet, le Dieu
tout-puissant, lorsque nous refusons d’écouter sa parole, a recours aux
exemples pour faire disparaître toutes nos prétendues impossibilités, et nous
rendre faciles les difficultés qui nous paraissent insurmontables par
l’exemple de ceux qui en ont triomphé avant nous. — Origène : Ou bien encore, comme ce festin qui est préparé c’est la parole de Dieu, on peut dire que les bœufs sont les parties les plus fortes de la prédication de l’Évangile, et les animaux engraissés celles où règne la douceur et l’onction. Lorsqu’un discours sur une matière quelconque, manque de corps et de solidité, et ne possède pas une certaine force de persuasion, nous disons qu’il est maigre ; les discours substantiels, au contraire, sont ceux où chaque proposition se trouve appuyée d’un grand nombre de preuves et d’exemples. C’est ainsi que nous comparons avec raison à la tourterelle le discours de celui qui traite de la chasteté ; mais si son discours sur cette vertu surabonde de preuves de raison et de témoignages de l’Écriture, qui plaisent à l’esprit des auditeurs en même temps qu’ils l’instruisent, il devient semblable à ces animaux engraissés. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ces paroles : « Le festin est préparé » signifient que tout ce
qui doit contribuer à notre salut se trouve contenu et préparé dans les
Écritures. C’est là, en effet, que l’ignorant trouve l’instruction dont il a
besoin ; le rebelle, des motifs de crainte ; et celui qui est dans la peine,
des promesses qui l’encouragent à supporter l’épreuve. — La Glose : Ou bien encore,
tout est prêt, c’est-à-dire la porte du royaume, fermée jusqu’alors, est
ouverte par la foi en mon incarnation. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien enfin, tout ce qui a rapport au mystère de la passion du
Seigneur et à notre rédemption, est préparé. Il dit : « Venez aux noces »,
non pas en marchant extérieurement, mais par votre foi et la pureté de vos
mœurs. Suite : «
Mais ils ne s’en mirent point en peine. » Et quelle fut la cause de leur
indifférence ? La voici : « Ils s’en allèrent l’un à sa maison des champs,
l’autre à son commerce.» — Saint Jean Chrysostome : (hom. 70.)
Ces prétextes paraissent légitimes, mais nous devons apprendre de là que,
lors même que les occupations qui nous retiennent sont nécessaires, nous
devons les subordonner toutes aux choses spirituelles. Je crois cependant
qu’ils avaient recours à ces prétextes pour couvrir leur négligence. — Saint Hilaire : Les hommes sont
absorbés tout entiers par les soucis de l’ambition du monde, comme cet homme
par les soins de sa maison des champs, et un plus grand nombre encore sont
retenus dans les embarras du commerce par le désir de l’argent. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien dans un autre sens, lorsque nous sommes appliqués à quelque
travail manuel, par exemple à la culture d’un champ ou d’une vigne, ou à un
travail sur le bois ou sur le fer, nous sommes comme cet homme qui
travaillait à sa maison des champs ; toute oeuvre, au contraire, qui tend à
réaliser pour nous un gain quelconque en dehors de ces travaux manuels, porte
le nom général de commerce. O monde que tu es misérable, et qu’ils sont aussi
misérables ceux qui te suivent ; car toujours ce sont les oeuvres du monde
qui ont exclu les hommes de la véritable vie. — Saint Grégoire : Celui donc qui,
livré tout entier aux travaux de la terre, ou aux oeuvres du monde, néglige
de méditer le mystère de l’incarnation du Seigneur et d’y conformer sa vie,
est cet homme qui refuse de venir aux noces du roi, sous le prétexte d’aller
à sa maison des champs où à ses affaires ; et souvent, ce qui est plus grave,
plusieurs de ceux qui sont appelés, non contents de rejeter la grâce qui leur
est offerte, la persécutent. « Les autres se saisirent de ses serviteurs, les
outragèrent et les tuèrent.» — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien, par les occupations de la maison des champs, Notre-Seigneur
a voulu désigner les gens du peuple parmi les Juifs que les plaisirs du monde
ont éloignés de Jésus-Christ ; et, par les soins du négoce, les prêtres et
les autres ministres du temple qui ne se sont consacrés au ministère du
sacerdoce de la loi et du temple que dans des vues toutes d’intérêt, et que
l’avarice a détournés de la foi. Aussi le Seigneur ne dit point d’eux qu’ils
ont répondu à cette invitation par la méchanceté, mais par la négligence.
Ceux qui ont répondu par la méchanceté sont ceux qui, par haine ou par envie,
ont crucifié Jésus-Christ. Quant à ceux que les préoccupations des affaires
ont empêchés de croire, ils ont fait preuve de négligence, mais non de
malice. Cependant le Seigneur ne parle pas ici de sa mort, parce qu’il en
avait parlé dans la première parabole, mais seulement de la mort de ses
disciples, à qui les Juifs firent souffrir le martyre après son Ascension,
c’est-à-dire d’Etienne qu’ils lapidèrent, et de Jacques, fils d’Alphée,
qu’ils firent périr par le glaive, crimes qui furent la cause de la
destruction de Jérusalem par les Romains. Remarquons aussi que ce n’est pas
au sens littéral, mais dans un sens métaphorique, qu’on dit de Dieu qu’il se
met en colère ; la colère de Dieu, c’est l’exercice de sa justice. Voilà
pourquoi il est dit : « Le roi, l’ayant appris, en fut irrité. » — Saint Jérôme : Lorsque ce roi
invitait aux noces, et donnait ainsi des preuves de sa bonté, on lui donne le
nom d’homme ; mais maintenant qu’il en vient à l’exercice de sa justice,
l’homme disparaît, et il n’est plus question que du roi. — Origène : Que
ceux qui pêchent contre le Dieu de la loi, des prophètes et de toute la
création, nous disent si celui qui nous est présenté ici comme un homme et
comme un homme irrité est le Père de Jésus-Christ. S’ils avouent qu’il l’est
en effet, ils doivent reconnaître qu’on lui prête un grand nombre de
sentiments propres à la nature humaine, bien qu’il n’en soit pas susceptible,
mais parce qu’il veut s’accommoder à notre nature, sujette à ces impressions.
C’est d’après cette explication qu’il faut entendre les sentiments de colère,
de repentir et autres semblables que les prophètes prêtent à Dieu dans leurs
écrits. Suite : «
Et ayant envoyé ses armées, » etc... — Saint Jérôme : Ces armées sont les
armées romaines, qui, sous la conduite de Vespasien et de Tite, firent périr
les Juifs, et livrèrent aux flammes leur ville prévaricatrice. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) L’armée romaine est appelée ici l’armée de Dieu, parce que « c’est
au Seigneur qu’appartient la terre et tout ce qu’elle renferme », et que
les Romains ne seraient pas venus à Jérusalem si le Seigneur ne les y avait
excités lui-même. — Saint Grégoire : Ou bien, ce sont
les légions des anges qui sont les armées de notre roi. Le Seigneur dit que
le roi envoya ses troupes pour exterminer les homicides, parce qu’il se sert
des anges pour exécuter tous ses jugements sur les hommes. Il fait mettre à
mort ces homicides, parce que sa justice anéantit les persécuteurs ; et il
livre aux flammes leur cité, parce que non-seulement les âmes, mais aussi les
corps qu’elles ont habités, seront livrés aux flammes de la Géhenne éternelle. — Origène : Ou
bien la cité des impies est, dans l’une ou dans l’autre opinion, la réunion
de ceux qui s’assemblent sous l’inspiration de la sagesse des princes de ce
monde. Le roi livre cette cité aux flammes et la détruit comme un assemblage
d’habitations vendues au mal. — Saint Grégoire : Mais ce roi qui a
vu mépriser ses invitations ne laissera pas sans invités les noces de son
fils, car la parole de Dieu va trouver où se reposer : « Alors il dit à
ses serviteurs. » — Origène : C’est-à-dire
aux Apôtres, ou aux anges à qui Dieu a confié la vocation des Gentils. « Le
festin des noces est tout prêt. » — Saint Rémi : C’est-à-dire le
mystère de la réparation du genre humain est accompli et consommé. Mais ceux
qui avaient été invités, c’est-à-dire les Juifs, n’en sont pas dignes ; car,
ne connaissant point la justice de Dieu et s’efforçant d’établir leur propre
justice, ils se sont jugés eux-mêmes indignes de la vie éternelle (Rm 10, 3 ;
Ac 13, 46). Or, le peuple juif ayant été ainsi réprouvé, le peuple des
Gentils est invité aux noces pour le remplacer. « Allez donc, est-il
dit, dans les carrefours et appelez aux noces tous ceux que vous
trouverez. » — Saint Jérôme : Car les Gentils
n’étaient pas dans la voie, sur la route, mais dans les carrefours — Saint Rémi : Les carrefours sont
une figure des erreurs des Gentils. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien, les chemins sont les diverses professions de ce monde, comme
l’enseignement de la philosophie, la carrière des armes, et autres
semblables. Le roi dit à ses serviteurs « Allez dans les carrefours »,
c’est-à-dire appelez à la foi les hommes de toute condition. De même que la
chasteté est une voie qui conduit à Dieu, la fornication conduit au démon, et
l’on peut raisonner de même de toutes les autres vertus et de tous les autres
vices. Il leur est donc ordonné d’appeler à la foi tous les hommes, quels que
soient leur condition, ou leur genre de vie. — Saint Hilaire : On peut aussi
entendre par le chemin le temps de la vie présente. Le roi ordonne donc
d’aller à toutes les issues des chemins, parce que la vie éternelle se donne
à tous comme dans un ordre inverse. — Saint Grégoire : Ou bien encore, la
sainte Écriture prenant ordinairement les voies pour les oeuvres, nous
pouvons entendre par les carrefours l’absence des oeuvres ; car bien souvent
ceux qui reviennent à Dieu sont ceux qui n’ont point réussi dans les
entreprises de la terre. — Origène : Ou
bien dans un autre sens, je pense que la première invitation aux noces a été
adressée à certaines âmes aux sentiments plus élevés ; car Dieu invite de
préférence au banquet de la parole divine ceux dont l’intelligence est mieux
disposée. Mais ceux-là refusent de se rendre à son invitation ; il leur
envoie donc d’autres serviteurs pour faire de nouvelles instances, en leur
promettant, s’ils consentent à venir, de s’asseoir au banquet que le roi leur
a préparé. Il faut remarquer, en effet, que de même que dans les choses
extérieures, l’épouse est différente de ceux qui invitent, et ces derniers
différents de ceux qui sont invités ; ainsi Dieu, qui connaît le rang qu’occupent
les âmes, leurs vertus, et les motifs qui les font agir, choisit les unes
comme pour en faire autant d’épouses, les autres pour convier aux noces, les
autres enfin pour être du nombre de ceux qui sont invités au festin. Or, ceux
qui avaient été invités de préférence à tous les autres, se mirent peu en
peine de ceux qui les invitèrent, parce qu’ils étaient pauvres
d’intelligence, et ils aimèrent mieux suivre leurs idées où ils trouvaient
plus de charmes que dans les promesses qui leur étaient faites par les
serviteurs au nom du roi. Toutefois ils sont moins coupables que ceux qui ont
chargé d’outrages et mis à mort les serviteurs qui leur étaient envoyés,
c’est-à-dire qui ont embarrassé dans des difficultés et dans des disputes
préparées de longue main les envoyés qui n’étaient point prêts à résoudre
leurs objections artificieuses, et qui les ont ensuite accablés d’injures et
quelquefois mis à mort. Suite : «
Et ses serviteurs, s’en allant par les rues, assemblèrent tous ceux qu’ils
trouvèrent, méchants et bons.» — Origène : Ces
serviteurs sont ou les Apôtres du Christ qui sortent de Jérusalem et de la
Judée, ou les anges qui viennent des profondeurs des cieux. Ils se répandent
dans tous les chemins, figure des divers genres de vie, et ils assemblent tous
ceux qu’ils trouvèrent, sans se préoccuper s’ils étaient bons ou mauvais
avant leur vocation. Par les bons, nous pouvons entendre simplement ceux qui
ont embrassé le culte du vrai Dieu en toute humilité et en toute droiture, et
à qui s’appliquent ces paroles de l’Apôtre : « Lorsque les Gentils, qui n’ont pas reçu la loi, font naturellement
ce que la loi commande, sans avoir la loi, ils sont à eux-mêmes la loi. » — Saint Jérôme : Parmi les infidèles
eux-mêmes, il y a une variété infinie, car nous savons que les uns ont un
penchant plus déclaré pour le vice, tandis que les autres, par la pureté de
leurs mœurs, semblent acquis par avance à la vertu. — Saint Grégoire : Ou bien le Seigneur
s’exprime ainsi, parce que dans l’Église de la terre il n’y a pas de méchants
sans bons, ni de bons sans méchants. Or, on ne peut se flatter d’être bon
lorsqu’on ne veut point tolérer les méchants. Suite : « Et la salle des noces fut remplie de
convives. » — Origène : Les
noces, c’est-à-dire celles du Christ et de son Église, furent au complet
lorsque les Apôtres rappelèrent à Dieu tous ceux qu’ils trouvèrent, et les
firent asseoir au banquet nuptial. Mais comme il avait fallu appeler
indistinctement les bons et les mauvais, non pas sans doute que les méchants
dussent rester méchants, mais pour leur faire ôter les vêtements indignes de
la solennité des noces, et revêtir la robe nuptiale (c’est-à-dire les
entrailles de miséricorde, de bonté), etc... (Col 3, 12). Le roi entre, pour
voir ceux qui étaient réunis dans la salle du festin, avant que le repas soit
servi, pour retenir ceux qui ont l’habit nuptial qui lui est si agréable, et
renvoyer ceux qui ne le portent pas. «
Le roi entra ensuite pour voir ceux qui étaient à table. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ce n’est pas que Dieu ne soit présent partout, mais nous disons qu’il
est présent spécialement là où il fait sentir l’action de son jugement, tandis
qu’il paraît absent des lieux où il ne l’exerce pas [pour le moment]. Or, le
jour de la visite est le jour du jugement où il visitera les chrétiens qui
sont assis au banquet des Écritures. — Origène : En
entrant, il découvrit un homme qui n’avait pas changé de vie, ce que le Seigneur
exprime en disant : « Et il aperçut un
homme qui n’était point revêtu de la robe nuptiale. » Il ne parle que
d’un seul au singulier, parce que tous ceux qui, après avoir embrassé la foi,
persévèrent dans la vie mauvaise qu’ils menaient avant leur baptême, sont
tous de la même espèce. — Saint Grégoire : Or, que
devons-nous entendre par le vêtement nuptial, si ce n’est la charité dont
Notre-Seigneur était rempli lorsqu’il vint célébrer son union avec l’Église
par des noces [toutes divines] ? Celui donc qui vient aux noces sans la robe
nuptiale, c’est celui qui fait partie de l’Église par la foi sans avoir la
charité. — Saint Augustin : (contre Faust, 28,
19.) Ou bien, celui qui vient aux noces sans le vêtement nuptial, c’est celui
qui cherche, non la gloire de l’époux, mais la sienne propre. — Saint Hilaire : (can. 22.) Ou bien,
le vêtement nuptial c’est la grâce de l’Esprit et la blancheur du vêtement
céleste que nous avons reçu après profession de foi parfaite, et qu’il nous
faut conserver sans tache et sans souillure jusqu’au jour de la grande
réunion dans le royaume des cieux. — Saint Jérôme : Ou bien encore, le
vêtement nuptial, ce sont les préceptes du Seigneur et les oeuvres conformes
à la loi et à l’Évangile, et qui deviennent comme le vêtement du nouvel
homme. Or, tout homme qui porte le nom de chrétien et qui au jour du jugement
sera trouvé sans ce vêtement nuptial, sera aussitôt repris : « Et il lui dit : Mon ami, comment
êtes-vous entré ici sans avoir le vêtement nuptial ? » Il lui donne le
nom d’ami, parce qu’il a été invité aux noces (il est comme ami par la foi) ;
mais il lui reproche son impudence de déshonorer, par des vêtements souillés,
l’éclat de la solennité nuptiale. — Origène : Et
comme tout homme qui pèche et ne se revêt pas de Notre-Seigneur Jésus-Christ
est sans la moindre excuse, il est dit de cet homme : « Et il demeura muet. » — Saint Jérôme : Car il n’y aura plus
en ce temps-là de place ni pour l’audace effrontée, ni pour les dénégations
impudentes, alors que tous les anges et le monde entier seront autant de
témoins contre les pécheurs. — Origène : [référence à vérifier]
Non seulement celui qui avait fait cet outrage à la solennité des
noces en fut honteusement chassé, mais les gens du roi qui avaient le soin
des prisons le chargèrent de chaînes, et le privèrent de l’usage de ses pieds
dont il ne s’était point servi pour marcher dans la voie du bien, et de
l’usage de ses mains qui n’avaient fait aucune bonne oeuvre, et il fut
condamné à être jeté dans un lieu privé de toute lumière, qui est appelé
ténèbres extérieures. « Alors le roi
dit à ses serviteurs : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les
ténèbres extérieures. » — Saint Grégoire : La sévérité de la
sentence divine lie les pieds et les mains de ceux que leurs mauvaises
actions tenaient déjà captifs, et qui n’ont point voulu changer de vie ; ou
bien ceux que leurs fautes ont enchaînés et empêchés de faire le bien sont
alors enchaînés par le châtiment qui leur est infligé. — Saint Augustin : (de la Trin., 6.)
Les embarras inextricables, qui naissent d’une volonté perverse et dépravée,
sont comme les liens qui enchaînent celui qui mérite, par ses oeuvres, d’être
jeté dans les ténèbres extérieures. — Saint Grégoire : Nous appelons
ténèbres intérieures l’aveuglement du cœur, et ténèbres extérieures la nuit
éternelle de la damnation. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien le Seigneur veut par là marquer la différence des tourments
que souffriront les pécheurs ; car il y a en premier lieu les ténèbres extérieures
moins fortes, puis les ténèbres extérieures, et enfin les abîmes couverts
d’une nuit profonde. Suite : « Là il y aura des pleurs et des
grincements de dents. » — Saint Jérôme : Ces pleurs et ces
grincements de dents sont une figure empruntée aux souffrances du corps, pour
nous montrer la grandeur des supplices de l’enfer ; les mains et les pieds
liés, aussi bien que les pleurs et les grincements de dents, sont pour nous
une preuve de la vérité de la résurrection. — Saint Grégoire : Par un juste
jugement, ceux-là grincent des dents qui mettaient ici-bas toute leur joie
dans les plaisir de la table ; ceux-là versent des larmes, dont les yeux se
repaissaient de convoitises criminelles, et c’est ainsi que tous les membres
du corps sont soumis à autant de supplices qu’ils étaient esclaves ici-bas de
vices différents. — Saint
Jérôme : Et comme dans un festin nuptial ce n’est pas le
commencement, mais la fin, que l’on recherche, il ajoute : « Car il y en a beaucoup d’appelés, mais
peu d’élus. » — Saint Hilaire : Dans l’invitation
qui est adressée à tous sans exception, il faut voir la preuve de cette bonté
qui voudrait embrasser tous les hommes ; dans ceux qui répondent à cette
invitation ou à cet appel, nous devons reconnaître le choix plein de justice
qui suit l’appréciation des mérites. — Saint Grégoire : Car il en est qui
n’essaient même pas de faire le bien, et il en est d’autres qui ne savent
persévérer que bien peu dans le bien qu’ils ont commencé. Que chacun de nous
ait donc d’autant plus de sollicitude et de crainte, qu’il ignore ce qui lui
reste encore à faire. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Ou bien dans un autre sens, Dieu entre pour voir quels sont les invités, toutes les fois qu’il éprouve son Église, et s’il s’en trouve un parmi eux qui n’ait point la robe nuptiale, il lui fait cette question : « Pourquoi avez-vous embrassé le christianisme, si vous aimez encore de telles oeuvres ? » Jésus-Christ le livre donc à ses serviteurs, c’est-à-dire à des maîtres de séduction, et ils lui lient les mains, c’est-à-dire les oeuvres, et les pieds, c’est-à-dire les mouvements de l’âme, et ils le précipitent dans les ténèbres, c’est-à-dire dans les erreurs soit des Gentils, soit des Juifs, soit des hérétiques. En effet, les ténèbres des Gentils sont plus rapprochées, car ils n’ont jamais entendu parler de la vérité qu’ils méprisent ; les ténèbres des Juifs sont extérieures, parce qu’ils n’ont pas cru à la vérité qu’ils ont pourtant entendue ; mais les ténèbres des hérétiques sont bien plus extérieures, parce qu’ils persécutent la vérité qu’ils ont connue et professée. |
Lectio 2 [85553] Catena in Mt.,
cap. 22 l. 2 Chrysostomus super Matth. Sicut si
aliquis claudere voluerit aquae currentis meatum, si exclusa fuerit per
aliquam violentiam, aliunde sibi semitam quaerit, sic Iudaeorum malignitas,
ex una parte confusa, alium sibi aditum adinvenit: unde dicitur tunc abeuntes
Pharisaei consilium inierunt, ut caperent eum in sermone. Abierunt,
inquam, ad Herodianos. Quale consilium, tales et consiliatores; et ideo
sequitur et mittunt ei discipulos suos cum Herodianis. Glossa. Tamquam ignotis, ut facilius
deciperent, et per eos illum caperent; cum timentes turbam, hoc per se non
praesumerent facere. Hieronymus. Nuper quidem sub Caesare Augusto
Iudaea subiecta Romanis, quando in toto orbe est celebrata descriptio,
stipendiaria facta fuerat; et erat in populo magna seditio, dicentibus aliis
pro securitate et quiete, qua Romani pro omnibus militarent, debere tributa
persolvi; Pharisaeis vero qui sibi applaudebant in iustitia, e contrario
nitentibus non debere populum Dei, qui decimas solveret, et primitias daret,
et cetera quae in lege scripta sunt, humanis legibus subiacere. Caesar autem
Augustus Herodem filium Antipatris alienigenam et proselytum regem Iudaeis
constituerat, qui tributis praeesset, et Romano pareret imperio. Mittunt
igitur Pharisaei discipulos suos cum Herodianis, idest militibus Herodis, seu
quos illudentes Pharisaei, quia Romanis tributa solvebant, Herodianos
vocabant, et non divino cultui deditos. Chrysostomus in Matth. Propter hoc autem suos
discipulos et Herodis milites simul mittunt, ut quodcumque dixerit
reprehendatur: cupiebant enim magis adversum Herodianos eum aliquid dicere:
quia enim eum detinere timebant propter turbas, voluerunt ei periculum
immittere ex hoc quod esset publicis tributis obnoxius. Chrysostomus super Matth. Haec est autem
hypocritarum prima simulatio, quia laudant quos perdere volunt; et ideo in
laudem prorumpunt, dicentes magister, scimus quia verax es. Magistrum eum
vocant, ut quasi honoratus et laudatus mysterium sui cordis simpliciter eis
aperiat, tamquam volens eos habere discipulos. Glossa. Tripliciter autem contingit aliquem
veritatem non docere. Primo ex parte ipsius docentis: quia scilicet veritatem
vel non novit, vel non amat; et contra hoc dicunt scimus quia verax es.
Secundo ex parte Dei, cuius timore postposito, quidam veritatem de eo, quam
noverunt, non pure annuntiant; et contra hoc dicunt et viam Dei in veritate
doces. Tertio ex parte proximi, ex cuius timore vel amore aliquis veritatem
tacet; et ad hoc excludendum dicunt et non est tibi cura de aliquo, scilicet
homine: non enim respicis personam hominum. Chrysostomus in Matth. Hoc de Herode et
Caesare occulte insinuabant. Hieronymus. Blanda quidem et fraudulenta
interrogatio illuc provocat respondentem ut magis Deum quam Caesarem timeat:
unde dicunt dic ergo nobis: quid tibi videtur? Licet censum dare Caesari, an
non? Ut si dicat non debere tributa solvi, statim audientes Herodiani,
seditionis reum contra Romanum principem eum teneant. Chrysostomus in Matth. Quia enim
sciebant quod quidam hanc discordiam meditantes occisi erant, volebant et
ipsum per sermones hos in talem suspicionem immittere. Sequitur
cognita autem Iesus nequitia eorum, ait: quid me tentatis, hypocritae? Chrysostomus super Matth. Non secundum sermones
eorum pacificos blande respondit; sed secundum conscientiam eorum crudelem,
aspera dixit: quia Deus voluntatibus respondet, non verbis. Hieronymus. Prima ergo virtus est
respondentis, interrogantium mentes cognoscere, et non discipulos, sed tentatores
vocare. Hypocrita ergo vocatur qui aliud est, et aliud simulat. Chrysostomus super Matth. Dicit ergo eis
hypocritae, ut considerantes eum humanorum cordium cognitorem, quod facere
cogitabant, perficere non auderent. Vide ergo quod Pharisaei blandiebantur ut
perderent; sed Iesus confundebat eos ut salvaret: quia utilior est homini
Deus iratus quam homo propitius. Hieronymus. Sapientia enim semper sapienter
agit, ut suis potissimum tentatores sermonibus confutentur: et ideo sequitur
ostendite mihi numisma census. At illi obtulerunt ei denarium. Hoc genus
nummi est quod pro decem nummis computabatur, et habebat imaginem Caesaris;
unde sequitur et ait illis Iesus: cuius est imago haec et superscriptio? Qui
putant interrogationem salvatoris ignorantiam esse, et non dispensationem,
discant ex praesenti loco, quod utique poterat scire Iesus, cuius imago esset
in nummo. Sequitur dicunt ei: Caesaris. Caesarem non putemus Augustum, sed
Tiberium significari, sub quo et passus est dominus. Omnes autem reges Romani
a primo Caio Caesare, qui imperium arripuerat, Caesares appellantur. Sequitur reddite ergo quae sunt Caesaris Caesari, idest nummum,
tributum et pecuniam. Hilarius in Matth. Si enim nihil quod
Caesaris est, penes nos resederit, conditione reddendi ei quae sua sunt non
tenebimur. Porro autem si rebus illius incumbamus, si iure potestatis suae
utimur, extra querelam iniuriae est reddere Caesari quod Caesaris est. Chrysostomus in Matth. Tu autem cum
audieris reddite quae sunt Caesaris Caesari, illa scito eum dicere solum quae
in nullo pietati nocent: quia si aliquid tale fuerit, non adhuc Caesaris est,
sed Diaboli tributum. Deinde ut non dicant quoniam hominibus nos
subicis, subdit et quae sunt Dei Deo. Hieronymus. Idest decimas, primitias, oblationes
et victimas, sicut et ipse dominus reddidit Caesari tributa pro se et Petro;
et Deo reddidit quae Dei sunt, patris faciens voluntatem. Hilarius in Matth. Deo etiam quae eius
sunt reddere nos oportet, idest corpus et animam et voluntatem. Numisma enim
Caesaris in auro est, in quo est eius imago depicta. Dei autem numisma homo
est, in quo est Dei imago figurata: ideo divitias vestras date Caesari, Deo
autem innocentiae vestrae conscientiam servate. Origenes in Matth. Ex hoc loco discimus
salvatoris exemplo, ut non his quae a multis dicuntur, et propterea gloriosa
videntur, occasione pietatis attendamus: sed quae convenienter secundum
ordinem rationis dicuntur. Possumus autem et moraliter intelligere locum
istum, quoniam debemus corpori quaedam dare, quasi tributum Caesari, idest
necessaria. Quaecumque autem sunt convenientia animarum naturae, idest ea
quae ducunt ad virtutem, debemus Deo offerre. Qui ergo supra modum docent
legem Dei, et de rebus debitis corpori nihil curare praecipiunt, sunt Pharisaei
qui reddere Caesari tributum vetabant, prohibentes scilicet nubere, et
abstinere a cibis quos Deus creavit: qui vero supra modum aestimant oportere
corporibus indulgere, ipsi sunt Herodiani. Salvator autem noster vult ut nec
virtus minoretur dum supra modum carni servimus, nec carnis natura gravetur,
dum abundantius virtutibus adhaeremus. Vel princeps mundi, idest Diabolus,
dicitur Caesar: non enim possumus reddere Deo quae Dei sunt, nisi prius
reddiderimus principi quae sunt sua, idest, nisi deposuerimus malitiam
universam. Hoc etiam discamus ex loco praesenti; quod contra tentantes nec
omnino tacere debemus, nec simpliciter respondere, sed circumspecte, ut
praecidamus occasionem quaerentium in nobis occasionem, et doceamus
irreprehensibiliter quae possunt salvare volentes salvari. Hieronymus. Qui autem credere debuerant, ad
tantam sapientiam mirati sunt quod calliditas eorum insidiandi non invenisset
locum: unde sequitur et audientes mirati sunt et, relicto eo, abierunt,
infidelitatem pariter cum admiratione reportantes. |
Versets
15-22.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) De même que si l’on veut opposer une digue à un ruisseau d’eau
courante, cette eau, contrariée par cet obstacle, cherche à se frayer un
autre lit, ainsi la malignité des Juifs, confondue d’un côté, revient à la
charge par une autre voie. « Alors les
pharisiens s’étant retirés, tinrent conseil sur le moyen de le prendre en
défaut dans ses paroles.» Ils vont donc trouver les hérodiens. Tel le
conseil, tels sont les conseillers. «
Et ils envoient leurs disciples avec des hérodiens lui dire, etc...» — La Glose : Ils
viennent avec les hérodiens comme avec des gens inconnus pour le tromper plus
facilement et le surprendre dans ses discours ; car ils craignaient trop le
peuple pour oser le faire par eux-mêmes. — Saint Jérôme : La Judée, qui avait
été récemment soumise à la puissance romaine sous César Auguste, en était
devenue tributaire depuis le recensement général de l’empire. Il y avait donc
grande division parmi le peuple : les uns disaient qu’il fallait payer le
tribut aux Romains, parce qu’ils portaient les armes pour la défense de la
Judée, et pour assurer la paix et la sûreté générale ; les pharisiens, au
contraire, qui se complaisaient dans leur justice, s’efforçaient de persuader
que le peuple de Dieu, qui d’ailleurs payait la dîme, les prémices et les
autres tributs marqués par la loi, ne devait pas être soumis à des lois
humaines. Or, César Auguste avait établi pour roi des Juifs Hérode, fils
d’Antipater, qui était un étranger et un prosélyte, pour diriger la
perception de l’impôt, et gouverner la Judée sous la dépendance de l’empire.
Les pharisiens envoient donc leurs disciples avec les hérodiens, c’est-à-dire
avec les soldats d’Hérode, dont ils se moquaient, parce qu’ils payaient le
tribut aux Romains, et qu’ils appelaient par mépris hérodiens et gens
étrangers au culte du vrai Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 70.)
Ils envoient leurs disciples conjointement avec les soldats d’Hérode, pour
censurer ses paroles quelles qu’elles soient. Mais ils désiraient surtout
qu’il se prononçât contre les hérodiens ; car comme ils n’osaient se saisir
de lui par la crainte qu’ils avaient du peuple, ils voulurent le faire tomber
dans le piége en le forçant de déclarer qu’il était soumis à l’impôt public. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Le premier artifice des hypocrites, c’est de louer ceux qu’ils
veulent perdre, et c’est pour cela qu’ils commencent par cet éloge : « Maître, nous savons que vous êtes vrai.
» Ils l’appellent maître dans l’espérance que, sensible à cet honneur et
à cette louange, il leur ouvrira simplement les secrets de son cœur par le
désir de se les attacher comme disciples. — La Glose : Il
peut arriver qu’un homme dissimule la vérité de trois manières premièrement
par une raison personnelle à celui qui enseigne, s’il ne connaît pas ou s’il
n’aime pas la vérité, et c’est contre cette supposition qu’ils s’élèvent en
disant : « Nous savons que vous êtes
vrai » ; secondement par une raison tirée de Dieu, lorsque des
hommes, perdant la crainte de Dieu, n’annoncent pas dans toute sa pureté la
vérité qu’ils connaissent, et ils reconnaissent le contraire en Jésus-Christ
: « Et vous enseignez la voie de Dieu
dans la vérité » ; troisièmement par une raison tirée du
prochain, lorsque, par crainte ou par affection, on n’ose lui dire la vérité,
et ils protestent encore contre cette dernière supposition en lui disant : « Et vous n’avez égard à qui que ce soit,
car vous ne considérez point la personne dans les hommes. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 70.)
Par ces dernières paroles, ils désignaient vaguement Hérode et César. — Saint Jérôme : Cette question si
flatteuse, mais pleine de fourberie, tendait à provoquer, de la part du Seigneur,
cette réponse qu’il craint plus Dieu que César : « Dites-nous donc, que vous semble-t-il, est-il permis de payer
l’impôt à César, ou non ?» (Mt 17, 14), car, s’il répond qu’on ne
doit point payer le tribut, aussitôt les hérodiens se saisiront de lui comme
coupable de révolte contre l’empereur romain. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 70.)
Ils savaient en effet que certains autres (Ac 5, 36-37) avaient été punis de
mort comme auteurs d’une pareille rébellion, et ils voulaient, par ces
questions captieuses faire peser sur lui de semblables soupçons. Suite : « Mais Jésus connaissant leur malice, dit :
‘Pourquoi me tendez-vous un piège, hypocrites ?’» — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Jésus ne répond pas avec douceur à leur question si pacifique et si
flatteuse en apparence, mais il s’adresse à leur âme qu’inspire la cruauté,
et il leur répond avec sévérité, car Dieu répond bien plutôt à la volonté
qu’aux paroles. — Saint Jérôme : La première marque
qu’il leur donne de sa puissance, dans sa réponse, c’est qu’il connaît la
pensée de ceux qui l’interrogent, et il les appelle, non pas ses disciples,
mais hypocrites ; l’hypocrite est donc celui qui veut paraître au dehors ce
qu’il n’est pas. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il les appelle hypocrites, pour les forcer de reconnaître en lui le
Dieu qui pénètre le secret des cœurs et de renoncer à leurs noirs projets.
Remarquez que les pharisiens ont recours à la flatterie pour arriver à perdre
le Seigneur, tandis que Jésus les couvre de confusion pour les sauver, car un
Dieu en colère est plus utile à l’homme que la bienveillance de ses
semblables. — Saint Jérôme : La sagesse divine
agit toujours d’une manière conforme à sa nature, en permettant que ceux qui
le tentent soient confondus de préférence par leurs propres paroles : « Montrez-moi la pièce d’argent qu’on
donne pour le tribut, et ils lui présentèrent un denier. » Cette pièce de
monnaie valait six as, et elle était à l’effigie de César. Aussi Jésus leur
dit : « De qui est cette image et cette
inscription ? » Ceux qui pensent que les questions du Sauveur ont pour
cause l’ignorance, et non pas un dessein plein de sagesse, doivent se
convaincre, par le fait dont il est ici question, que Jésus pouvait
parfaitement savoir à quelle effigie était frappée cette pièce de monnaie. « De César, lui dirent-ils. » Il faut entendre ici par César,
non pas Auguste, mais Tibère, [son beau-fils], sous le règne duquel eut lieu
la passion du Seigneur. Tous les empereurs romains, depuis le premier Caius César,
qui s’était rendu maître du pouvoir absolu, portaient le nom de César. « Alors Jésus leur répondit : Rendez donc
à César ce qui est à César », c’est-à-dire la pièce de monnaie, le
tribut, l’argent. — Saint Hilaire : Si nous n’avons à
notre disposition rien qui vienne de César, nous sommes affranchis de
l’obligation de lui rendre ce qui est à lui. Mais si nous jouissons des
choses placées sous son domaine, et si nous usons des droits que nous
garantit son autorité, nous n’avons aucun sujet de nous plaindre de
l’obligation de rendre à César ce qui est à César. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 70.)
Vous aussi, lorsque vous entendez le Seigneur déclarer qu’il faut rendre à
César ce qui est à César, comprenez qu’il n’a voulu parler que de ce qui ne
peut nuire en rien à la religion, car, s’il en était autrement, ce ne serait
plus le tribut de César, mais le tribut du démon. Pour leur ôter ensuite tout
prétexte de dire : Vous nous soumettez donc tout entier à la puissance des
hommes, il ajoute : « et à Dieu ce qui
est à Dieu. » — Saint Jérôme : C’est-à-dire les
dîmes, les prémices, les oblations et les victimes. C’est ainsi que le Seigneur
lui-même paya le tribut pour lui et pour Pierre (Mt 17), et qu’il rendit à
Dieu ce qui est à Dieu en accomplissant la volonté de son Père (Jn 7). — Saint Hilaire : (can. 23.) Il faut
rendre à Dieu ce qui vient de Dieu, c’est-à-dire le corps, l’âme et la
volonté. La monnaie de César c’est la pièce d’or sur laquelle son image est
gravée ; la monnaie de Dieu c’est l’homme sur lequel Dieu a empreint son
image. Donnez donc vos richesses à César, mais réservez pour Dieu seul la
conscience que vous avez de votre innocence. — Origène : L’exemple
du Sauveur nous apprend ici à ne pas faire attention, sous prétexte de piété,
aux choses vantées par le grand nombre, et qu’il paraîtrait pour cela
glorieux de suivre, mais à n’estimer que ce qui est conforme à la raison.
Nous pouvons encore entendre ce passage dans un sens moral, et dire que nous
devons donner à notre corps certaine soins, comme nous payons le tribut à
César, c'est-à-dire ceux qui sont nécessaires ; mais que nous devons
rendre à Dieu tous les devoirs en rapport avec la nature de nos âmes,
c’est-à-dire ceux qui nous conduisent à la vertu. Ceux donc qui, dans leur
enseignement, exagèrent la loi de Dieu, et ne veulent pas qu’on s’occupe des
soins réclamés par le corps, sont les pharisiens, qui défendaient de payer le
tribut à César ; ce sont eux qui interdisent, par exemple, le mariage et
l’usage des viandes que Dieu a créées. Ceux au contraire qui prétendent que
l’homme doit accorder à son corps plus qu’il ne lui est dû sont comme les
hérodiens. L’intention de notre Sauveur est donc que ni la vertu ne souffre
des soins excessifs que nous pourrions donner à notre corps, ni que notre
corps ne soit mis en danger par une pratique exagérée de la vertu. Ou bien
c’est le prince de ce monde (c’est-à-dire le démon) qui est appelé César, car
nous ne pouvons rendre à Dieu ce qui est à Dieu avant d’avoir rendu au prince
de ce monde ce qui est à lui, c’est-à-dire avant d’avoir déposé toute malice.
Nous devons apprendre encore de cet exemple qu’en présence de ceux qui nous
tentent, nous ne devons pas garder un silence absolu, ni leur répondre avec
trop de simplicité, mais que nous devons peser notre réponse en toute
prudence, pour ôter tout prétexte à ceux qui cherchent l’occasion de nous
perdre, et enseigner d’une manière irrépréhensible ce qui peut conduire au
salut ceux qui ont la volonté de se sauver. — Saint Jérôme : Or ceux qui auraient dû se rendre au témoignage d’une si grande sagesse, se contentent d’admirer comment leur finesse n’a pu réussir à dresser ses pièges. « Et l’ayant entendu, ils furent remplis d’admiration, et, le laissant là, ils se retirèrent, » emportant tout à la fois leur incrédulité avec leur étonnement. |
Lectio 3 [85554] Catena in Mt.,
cap. 22 l. 3 Chrysostomus in Matth. Confutatis
Pharisaeorum discipulis cum Herodianis, Sadducaei se immittunt; cum tamen ex
confusione priorum eos oporteret effici pigriores. Sed praesumptio
inverecundum quid est et pertinax et impossibilia tentans: propter hoc et
Evangelista stupens eorum dementiam, hoc ipsum significat, dicens in illa die
accesserunt ad eum Sadducaei. Chrysostomus super Matth. Quando recedebant
Pharisaei, accedebant Sadducaei; forte tali consilio, quia decertabant quis
eum ante deprehendere posset: vel si ratione eum non possent superare, saltem
per ipsam frequentiam subverterent sensum eius. Hieronymus. Duae haereses erant in Iudaeis:
una Pharisaeorum, et altera Sadducaeorum; Pharisaei traditionum et observationum
iustitiam praeferebant, unde et divisi vocabantur a populo; Sadducaei autem,
qui interpretantur iusti, et ipsi vindicabant sibi quod non erant; ac
prioribus et corporis et animae resurrectionem credentibus confitentibusque,
et Angelos et spiritum sequentes, iuxta actus apostolorum, omnia denegabant;
unde et hic dicitur: qui dicunt resurrectionem non esse. Origenes in Matth. Non solum autem
carnis resurrectionem negabant, sed etiam animae immortalitatem tollebant.
Chrysostomus super Matth. Videns enim
Diabolus quia iustitiam Dei omnino extinguere non potuit, introduxit haeresim
Sadducaeorum, qui dicerent non esse resurrectionem mortuorum; quae res omne
propositum faciendae iustitiae frangit: quis enim contentus erit adversus
seipsum quotidie luctamina exercere, nisi ad spem resurrectionis aspiceret?
Gregorius Moralium. Sunt autem nonnulli
qui considerantes quod spiritus a carne solvitur, quod caro in putredinem
vertitur, quod putredo in pulverem reducitur, quod pulvis in elementa
solvitur, ut nequaquam ab humanis oculis videatur, resurrectionem fieri posse
desperant; et dum arida ossa inspiciunt, haec vestiri carnibus, rursumque ad
vitam virescere, posse fieri diffidunt. Augustinus in Enchir. Non autem perit
Deo terrena materies, de qua mortalium creatur caro; sed in quemlibet
pulverem cineremve solvatur, in quoslibet halitus aurasque diffugiat, in
quamcumque aliorum corporum substantiam, vel in ipsa elementa vertatur, in
quorumcumque animalium, aut etiam hominum, cibum cedat, carnemque mutetur,
animae illi humanae in puncto temporis redditur quae eam primitus ut homo
fieret, viveret et cresceret, animavit. Chrysostomus super Matth. Ad defensionem autem
sui erroris invenisse se argutissimam rationem Sadducaei putabant: unde
sequitur et interrogaverunt eum, dicentes: magister, Moyses dixit: si quis
mortuus fuerit, et cetera. Chrysostomus in Matth. Quia enim immitigabile
malum mors erat apud Iudaeos, qui omnia pro praesenti vita faciebant, in
legem deduxit Moyses, defuncti sine filiis uxorem fratri dari oportere, ut
defuncto filius nasceretur ex fratre, et non excideret nomen eius; quod erat
quaedam mortis mitigatio; non autem alius quam frater vel propinquus
iubebatur accipere uxorem defuncti: quoniam non ita putaretur qui ex tali
coniunctione erat nasciturus, esse filius eius qui obiit; et iterum extraneus
non ita haberet necessitatem statuere domum eius qui obierat, sicut frater,
cui etiam ea cognatione hoc facere iustum erat. Sequitur erant autem apud nos
septem fratres. Hieronymus. Qui resurrectionem corporum non
credebant, et animam putabant interire cum corporibus, recte istiusmodi
fingunt fabulam, quae deliramenti arguat eos qui resurrectionem asserant
mortuorum. Turpitudinem ergo fabulae opponunt, ut
resurrectionis denegent veritatem: unde concludunt in resurrectione ergo
cuius erit? Potest autem fieri ut vere in gente eorum hoc aliquando acciderit. Augustinus de quaest. Evang. Per hos autem
septem fratres mystice intelliguntur homines impii, qui fructum iustitiae non
potuerunt afferre in terra per omnes septem mundi aetates, quibus ista terra
consistit: postea enim et ipsa terra transiet, per quam omnes illi quasi
septem steriliter transierunt. Sequitur respondens autem Iesus, ait illis:
erratis nescientes Scripturas, neque virtutem Dei. Chrysostomus super Matth. Sapienter primum
arguit stultitiam eorum, quia non legebant; secundo ignorantiam, quia non
cognoscebant Deum. Ex diligentia enim dilectionis nascitur scientia Dei:
ignorantia autem negligentiae filia est. Hieronymus. Propterea ergo errant, quia
Scripturas nesciunt; et quia Scripturas nesciunt, consequenter ignorant
virtutem Dei. Origenes in Matth. Duas autem res dicit eos
nescire: unam quidem Scripturas, alteram autem virtutem Dei, per quam
resurrectio fit, et nova vita in ea. Vel dominus arguens Sadducaeos nescire
virtutem Dei, se eos non cognoscere arguebat: ipse enim erat virtus Dei, et
non cognoscebant eum, quasi nescientes Scripturas quae loquuntur de eo:
propterea nec resurrectionem credebant, quam facturus fuerat ipse. Quaeritur
autem, cum salvator dicat erratis nescientes Scripturas, an dicat quod in
quibusdam Scripturis positum est quod sequitur: in resurrectione neque nubent
neque nubentur: quod in veteri testamento non legitur scriptum. Nos autem dicimus,
quia scriptum est non in ipsis sermonibus manifeste ista dicentibus, sed in
mysterio indicantibus secundum intellectum moralem: nam cum sit lex umbra
futurorum bonorum, dicens quodlibet de viris et uxoribus, de spiritualibus
nuptiis principaliter dicit. Sed nec hoc invenio alicubi Scripturam dicentem,
sanctos post exitum fore sicut Angelos Dei: nisi forte quis et hoc moraliter
intelligat, secundum illud quod dicitur: tu autem ibis ad patres tuos; item:
appositus est ad populum suum. Dicet autem aliquis: ideo eos increpabat, quia
non legebant ceteras Scripturas quae sunt extra legem et ideo errabant. Alius
autem dicit, quod nesciebant Mosaicae legis Scripturas ex eo quod divinum
sensum earum non scrutabantur. Chrysostomus super Matth. Vel quod dicit in
resurrectione neque nubent neque nubentur, retulit ad hoc quod dixerat
nescitis virtutem Dei; quod autem dixit ego sum Deus Abraham, etc..., ad
illud quod dixit nescitis Scripturas. Et quidem calumniatoribus primum
oportet in aliqua quaestione auctoritatem Scripturae proferre, deinde
rationem exponere; interrogantibus autem per ignorantiam, prius rationem
exponamus; postea auctoritate confirmemus: quoniam calumniatores convincere
oportet, interrogatores autem docere; ideo his interrogantibus per ignorantiam,
prius rationem exposuit, dicens in resurrectione, et cetera. Hieronymus in hoc autem quod dicitur neque
nubent neque nubentur, Latina consuetudo Graeco idiomati non respondet.
Nubere enim apud Latinos proprie dicuntur mulieres. Sed nos simpliciter
dictum intelligamus quod nubere de viris, et nubi de mulieribus dictum sit.
Chrysostomus super Matth. In hoc quidem
saeculo, quia morimur, ideo nascimur; quia nascimur, ideo uxores ducimus, ut
quod moriendo minuitur, nascendo suppleatur: ibi autem moriendi necessitas
tollitur, unde et nascendi causa soluta est. Hilarius in Matth. Et quidem suffecerat
adversus Sadducaeos opinionem illecebrae corporeae recidisse, et officiis
cessantibus inania haec corporum gaudia sustulisse; sed adiecit sed sunt
sicut Angeli Dei in caelo. Chrysostomus in Matth. Per quod ad
interrogatum convenienter respondet: quia enim haec erat eis causa aestimandi
resurrectionem non esse, quia credebant eamdem fore resurgentium conditionem;
hanc causam removit, ostendens eos alterius conditionis futuros. Chrysostomus super Matth. Notandum vero, quod
cum de ieiuniis et eleemosynis ceterisque virtutibus spiritualibus locutus
fuit, nunquam Angelorum similitudinem introduxit, nisi cum de absolutione a
coitu loqueretur; quoniam sicut omnes actus carnales opera sunt animalium,
praecipue tamen actus libidinis; sic omnes virtutes sunt res angelicae,
praecipue tamen castitas, per quam vincitur natura virtutibus. Hieronymus. Quod ergo infertur sed sunt
sicut Angeli in caelo, spiritalis conversatio repromittitur. Dionysius. Tunc enim quando incorruptibiles et
immortales erimus, visibili quidem ipsius Dei apparitione in castissimis
contemplationibus adimplebimur; intelligibilis autem luminis dationem
participabimus in impassibili et in immateriali mente secundum imitationem
supercaelestium mentium: propter quod dicitur, quod erimus Angelis aequales.
Hilarius in Matth. Eamdem autem calumniam quam
Sadducaei afferunt de coniugio, afferre plures solent, in quam formam muliebris
sexus resurgat. Sed qualis in Scripturis auctoritas est de Angelis opinandi,
talem in resurrectione speciei nostrae sensum oportet esse de feminis. Augustinus de Civ. Dei. Sed mihi melius
videntur sapere qui utrumque sexum resurrecturum esse non dubitant: non enim
libido ibi erit, quae confusionis causa est; nam priusquam peccassent, nudi
erant; natura autem servabitur, quae tunc quidem et a concubitu et a partu
immunis erit: erunt tamen membra feminea non accommodata usui veteri sed
decori novo; quo non allicitur aspicientis concupiscentia, quae nulla erit,
sed Dei laudatur sapientia atque clementia, qui et quod non erat fecit, et
liberavit a corruptione quod fecit. Hieronymus. Nemo enim dicit de lapide et
arbore, et his rebus quae non habent membra genitalia, quod non nubent neque
nubentur; sed de his qui cum possint nubere, tamen aliqua ratione non nubunt.
Rabanus. Haec autem quae dicta sunt de
resurrectionis conditionibus, propositae reddidit quaestioni; de ipsa vero
resurrectione contra eorum infidelitatem convenienter loquitur. Chrysostomus in Matth. Et quia illi
interrogando, Moysen praemiserant, per Moysen eos confutat: unde subdit de
resurrectione autem mortuorum non legistis. Hieronymus. Ad comprobandum resurrectionis
veritatem multis aliis exemplis manifestioribus uti potuit, ex quibus est
illud: resuscitabuntur mortui, et resurgent qui in monumentis sunt; et in
alio loco: multi dormientium de terrae pulvere resurgent. Quaeritur ergo quid
sibi voluerit dominus hoc proferre testimonium quod videtur ambiguum, vel non
satis ad resurrectionis pertinens veritatem; et quasi hoc prolato probaverit
quod volebat, statim intulerit non est Deus mortuorum, sed viventium. Supra
diximus autem Sadducaeos nec Angelum, nec spiritum, nec resurrectionem
corporum confitentes, et animarum quoque interitum praedicasse: hi quinque
tantum libros Moysi recipiebant, prophetarum vaticinia respuentes. Stultum
autem erat inde proferre testimonia cuius auctoritatem non sequebantur. Porro
ad aeternitatem animarum probandam, de Moyse ponit exemplum: ego sum Deus
Abraham; statimque infert: non est Deus mortuorum, sed viventium: ut cum
probaverit animas permanere post mortem (neque enim poterat fieri ut eorum
esset Deus qui nequaquam subsisterent), convenienter introduceretur et
corporum resurrectio, quae cum animabus bona malaque gesserunt. Chrysostomus in Matth. Sed qualiter alibi ait:
ut vivorum et mortuorum dominetur? Sed hoc non est simile ei quod hic
dicitur: mortuorum enim ibi dicitur esse dominus, eorum scilicet qui victuri
sunt; non autem eorum qui semel disparuerunt, et ultra non resurgent. Hieronymus. Considerandum etiam, quod sermo
hic ad Moysen factus fuerat, sanctis istis patriarchis iam pridem
quiescentibus, erant ergo quorum Deus erat: nihil enim habere poterant, si
non erant: quia in natura rei est ut esse id necesse sit cuius sit alterum;
atque ita habere Deum, viventium est; cum Deus aeternitas sit, et non sit
eorum quae mortua sunt, habere id quod aeternum est: et quomodo esse illi futuri
semper negabuntur, quorum se esse profiteatur aeternitas? Origenes in Matth. Deus etiam est qui dicit:
ego sum qui sum. Sic ergo impossibile est ut dicatur eorum Deus esse qui non
sunt. Et vide, quia non dicit: ego sum Deus Abraham, Isaac et Iacob; sed Deus
Abraham, Deus Isaac et Deus Iacob. In
alio autem loco sic dixit: Deus Hebraeorum misit me ad te. Qui
enim perfectissime sunt circa Deum, quantum ad comparationem ceterorum
hominum, totum habent Deum in se: propterea non communiter, sed singulariter
dicitur eorum Deus; ut puta si dicamus: ager ille illorum est, ostendimus
quod unusquisque eorum non habet eum in toto. Si autem dicimus, quod ager
illius est, demonstramus quia totum agrum possidet ille. Ubi ergo dicitur
Deus Hebraeorum, imperfectio demonstratur eorum: quia unusquisque eorum
aliquid modicum de Deo habebat. Dicitur autem Deus Abraham, Deus Isaac et
Deus Iacob, quia singuli eorum totum habebant Deum. Non autem ad modicam
laudem respicit patriarcharum quod Deo vivebant. Augustinus contra Faustum. Opportune itaque
eadem voce nunc convincuntur Manichaei, qua tunc convicti sunt Sadducaei: nam
et ipsam resurrectionem alio quidem modo, sed tamen etiam ipsi negant. Augustinus super Ioannem. Ideo autem
specialiter Deus Abraham, Deus Isaac et Deus Iacob dicitur, quia in istis
tribus omnes modi generationis filiorum Dei vocantur. Generat enim Deus
multoties de bono praedicatore bonum filium, et de malo malum: quod
significatur per Abraham, qui de libera uxore fidelem filium habuit, et de
ancilla infidelem genuit. Aliquando vero generat per bonum praedicatorem,
bonum et malum filium: quod significatur in Isaac, qui de libera unum bonum,
et alterum malum generavit. Aliquando generat bonos per bonum et malum
praedicatorem; quod significatur per Iacob, qui bonos filios genuit et de
liberis et de ancillis. Chrysostomus super Matth. Et vide quomodo sit
infirmior congressio Iudaeorum contra Christum. Prima fuit cum terrore,
dicendo: in qua potestate haec facis? Contra
quam necessaria fuit constantia cordis. Secunda fuit cum dolo, contra quam
necessaria fuit acuta sapientia. Haec autem fuit cum praesumptione ignara,
quae praecedentibus facilior est. Hominem enim putantem se
aliquid scire, cum nesciat, viro scienti facile est convincere. Sic et
operatio inimici in primis gravis est; sed si quis forti animo sustinuerit,
inveniet eum infirmiorem. Sequitur et audientes turbae mirabantur in doctrina
eius. Remigius. Non quidem Sadducaei, sed turbae
mirantur. Hoc etiam quotidie agitur in Ecclesia: cum
enim divina inspiratione adversarii Ecclesiae superantur, turbae fidelium
laetantur. |
Versets
23-33.
— Saint Jean Chrysostome : (hom 70.)
Après que les disciples des pharisiens eurent été ainsi confondus ainsi que
les hérodiens, les sadducéens se présentèrent. La confusion dont venaient
d’être couverts ceux qui les avaient précédés aurait dû les rendre moins
empressés ; mais la présomption est un vice qui ne sait plus rougir, qui est
opiniâtre, et qui tente l’impossible. Aussi l’Évangéliste s’étonne lui-même
de leur démarche insensée et la fait remarquer en ces termes : « Ce jour, les sadducéens vinrent le
trouver.» — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) A peine les pharisiens se sont retirés que les sadducéens
s’approchent, probablement après avoir lutté entre eux à qui le surprendrait
le premier, ou bien s’ils ne pouvaient triompher de lui par la force de la
raison, dans le dessein au moins de le déconcerter par leurs seules
instances. — Saint Jérôme : Il y avait deux
grandes sectes parmi les Juifs : celle des pharisiens et celle des
sadducéens. Les pharisiens mettaient en évidence la justice qui venait des
traditions et des observances légales, et le peuple leur donnait le nom de
séparée ; les sadducéens au contraire, dont le nom signifie juste,
s’attribuaient une justice qu’ils n’avaient certainement pas et, d’après les
Actes des Apôtres, niaient tous les dogmes crus et professés par les
pharisiens comme la résurrection du corps, l’immortalité de l’âme,
l’existence des anges et de l’esprit. C’est pour cela que l’Évangéliste
ajoute : « qui soutiennent qu’il n’y a
point de résurrection. » — Origène : (Traité
22 sur S. Matth.) Ils niaient, non seulement la résurrection de la chair,
mais encore l’immortalité de l’âme. — Saint Jean Chrysostome : Le démon
voyant qu’il ne pouvait entièrement éteindre la justice de Dieu [parmi les
hommes] fit naître la secte des sadducéens, qui niaient la résurrection des
morts. Or une semblable négation détruit par avance tout dessein de pratiquer
la justice, car qui pourrait trouver sa satisfaction dans les combats qu’il
soutient chaque jour contre lui-même, s’il n’avait devant les yeux
l’espérance de la résurrection ? — Saint Grégoire : (Moral., 14,
28.) Il en est qui, en considérant que l’âme se sépare du corps, que la chair
tombe en pourriture, que la pourriture se réduit en poussière, et que la
poussière elle-même se réduit jusqu’aux plus simples éléments que l’œil de
l’homme est incapable de discerner, désespèrent de la possibilité de la
résurrection, et, à la vue de ces ossements arides, ils doutent qu’ils
puissent un jour se revêtir de chair et reprendre toute la vigueur de la vie. — Saint Augustin : (Enchir., 38) Mais
non elle ne périt pas pour Dieu cette matière terrestre, qui a servi à former
la chair des mortels ; et quand elle aurait été réduite en cendre et en
poussière, quand elle aurait été transportée au loin par le souffle des
vents, quand elle aurait servi à former la substance d’autres corps, ou
qu’elle aurait été réduite aux éléments primitifs, quand elle serait devenue
la nourriture et comme la chair des animaux ou des hommes, elle sera réunie
en un instant à cette âme qui l’a autrefois animée pour former l’homme, lui
donner la vie et l’accroissement. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Or les sadducéens croyaient avoir trouvé une raison très ingénieuse
pour soutenir leur erreur : « Et ils
lui proposèrent cette question : Maître, Moïse a ordonné, que si quelqu’un
meurt, etc... » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 71.)
Comme la mort était pour les Juifs un mal sans adoucissement, parce qu’ils
concentraient toutes leurs espérances dans cette vie, Moïse avait établi dans
la loi que, si un homme venait à mourir sans enfants, son frère fût tenu
d’épouser sa veuve, pour lui donner des enfants et ne pas laisser périr son
nom (Dt 25, 5-9), ce qui était comme un adoucissement à l’amertume de la
mort. Mais ce n’était qu’au frère ou au plus proche parent qu’il était
enjoint d’épouser la veuve du défunt ; car, si c’eût été un étranger qui
l’épousât, l’enfant qui serait né de cette union n’aurait pu être considéré
comme le fils du défunt, et, d’ailleurs l’obligation d’affermir la maison du
défunt ne pouvait être la même pour un étranger que pour le frère à qui la
parenté en faisait une espèce de loi. Suite : « Or il y avait chez nous sept frères.» — Saint Jérôme : Comme ils
n’admettaient pas la résurrection des corps et qu’ils croyaient que l’âme
mourait avec le corps, il ont recours à cette histoire fabuleuse, pour
convaincre d’absurdité ceux qui affirment que les morts doivent ressusciter.
Ils objectent donc l’inconvenance de ce fait imaginaire pour détruire la
vérité de la résurrection, et ils concluent par cette question : « Lors donc que la résurrection arrivera,
duquel de ces sept sera-t-elle femme ? » Cependant ce fait a pu
réellement avoir lieu dans leur pays. — Saint Augustin : (Quest. Evang., 1,
32.) Dans le sens mystique, ces sept frères représentent les impies, qui
n’ont produit aucun fruit de justice pendant les sept âges du monde. Ces sept
âges forment la durée de la terre, qui passera elle-même [après les sept âges
de son existence], comme les impies ont passé sur la terre sans rien
produire, [à l’exemple des sept maris de cette femme]. Suite : « Jésus leur répondit : Vous êtes
dans l’erreur, ne comprenant ni les Écritures ni la puissance de Dieu. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il leur reproche d’abord avec raison leur folie, parce qu’ils ne
lisaient pas, et en second lieu leur ignorance, parce qu’ils ne connaissaient
pas Dieu, car c’est de la lecture assidue que vient la science de Dieu, et
l’ignorance est toujours fille de la négligence. — Saint Jérôme : Il sont donc dans
l’erreur, parce qu’ils ne connaissent pas les Écritures, et cette ignorance
est cause qu’ils ne comprennent pas la puissance de Dieu. — Origène : Il
leur reproche d’ignorer deux choses : premièrement les Écritures ;
secondement la puissance de Dieu, qui est le principe de la résurrection et
de la vie nouvelle qui doit la suivre. Ou bien le Seigneur, en reprochant aux
sadducéens de ne pas connaître la puissance de Dieu, leur reproche de ne pas
le connaître lui-même, car il était la puissance de Dieu, et ils ne le
connaissaient point, parce qu’ils ignoraient les Écritures qui lui rendent
témoignage. Ils ne pouvaient, par conséquent, croire la résurrection dont il
devait être l’auteur. On peut demander si le Sauveur, en adressant ces
reproches aux sadducéens : « Vous êtes
dans l’erreur en ne comprenant point les Écritures », veut dire qu’on lit
dans l’Écriture les paroles suivantes : «
Après la résurrection les hommes n’auront point de femmes, » On ne trouve
point ces paroles dans l’Ancien Testament ; mais nous répondons qu’elles s’y
trouvent, sinon en termes exprès, du moins au sens moral, en termes
figuratifs, car la loi étant l’ombre des biens à venir (He 10, 1), on doit
entendre surtout des noces spirituelles ce qu’elle dit des maris et de leurs
femmes. Je ne trouve nulle part non plus dans l’Écriture ces autres paroles :
« Après leur mort, les saints seront
comme les anges de Dieu », à moins toutefois qu’on ne les prenne dans un
sens moral, d’après ces autres passages : «
Vous irez vers vos pères. » (Gn, 15, 15) et encore « Il fut réuni à son peuple. » (Gn 25, 8 ; 25, 17 ; 35, 29 ; 49,
32.) D’autres disent que Jésus leur reprochait de ne pas lire les Écritures
différentes de la loi, et d’être pour cela dans l’erreur ; d’autres enfin
prétendent qu’ils ne connaissaient pas les Écritures qui contiennent la loi
de Moïse, parce qu’ils n’en cherchaient pas le sens divin. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien ces paroles : « Au jour
de la résurrection, les hommes n’auront point de femmes, ni les femmes de
maris » se rapportent à celles-ci «
Vous ne connaissez pas la puissance de Dieu », et celles qui suivent : « Je suis le Dieu d’Abraham, etc... »
à celles-là : « Vous ne savez pas
les Écritures. » Or, si nous avons à discuter avec des hommes qui
calomnient la vérité, opposons-leur d’abord l’autorité de 1’Écriture avant de
leur donner les preuves de raison ; si, au contraire, ils nous interrogent
parce qu’ils ignorent, commençons par donner les preuves de raison et
appuyons-les ensuite de l’autorité des Écritures, car il faut convaincre les
calomniateurs et instruire les ignorants. C’est pour cela que le Seigneur
répond d’abord rationnellement à cette question qui lui est faite par
ignorance : « Au jour de la
résurrection, etc... ». — Saint Jérôme : Les mots grecs que
nous avons rendus par les mots latins « neque nubent, neque nubentur »,
(c’est-à-dire ni les hommes n’épouseront de femmes, ni les femmes de maris),
ne sont pas conformes à l’usage de la langue latine, car le mot « nubere »,
en latin, ne se dit proprement que des femmes ; mais nous appliquerons ici le
mot « nubere » aux hommes qui se marient et le mot « nubi »
aux femmes qu’ils épousent. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Dans la vie présente, les hommes ne cessent de naître et de prendre
des épouses, parce qu’ils ne cessent de mourir, afin que ces naissances
successives viennent combler les vides faits par la mort ; dans la vie
future, au. contraire, il n’y a plus de raison de naître, parce que la
nécessité de mourir n’existe plus. — Saint Hilaire : (can. 23.) Il
suffisait, pour imposer silence aux sadducéens, d’avoir détruit la fausse
idée qu’ils avaient des plaisirs des sens [après la résurrection], et de leur
avoir démontré l’inutilité de ces joies matérielles, alors que les devoirs
qu’elles supposaient n’existaient plus. Cependant Notre-Seigneur ajoute : « Ils seront comme les anges de Dieu dans
le ciel. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 70.)
Il répond ainsi directement à la question qui lui était faite, car la raison
pour laquelle les sadducéens n’admettaient pas la résurrection, c’est qu’ils
croyaient que l’état des corps ressuscités serait le même que pendant cette
vie ; or, Notre-Seigneur détruit cette supposition en montrant que tout autre
sera leur condition. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth,) Il est à remarquer que, lorsque le Seigneur a parlé du jeûne, de
l’aumône et des autres vertus morales, il ne s’est point servi de cette
comparaison des anges, et il ne l’emploie que lorsqu’il s’agit de l’abstinence
des rapports sexuels. C’est qu’en effet, de même que toutes les actions qui
ont la chair pour principe nous sont communes avec les animaux, mais surtout
les actes de volupté ; ainsi toutes les vertus nous font entrer en société
avec les anges, mais principalement la chasteté, qui est le triomphe de la
vertu sur la nature. — Saint Jérôme : Ces paroles : « Ils seront comme les anges de Dieu dans
le ciel », sont une promesse de la vie toute spirituelle [qui doit suivre
la résurrection]. — Saint Denis : (Des noms divins, chap. 1.) Alors, en effet,
devenus incorruptibles et immortels, nous serons remplis de la vue de Dieu,
qui nous apparaîtra dans de chastes contemplations, et nous jouirons de la
lumière spirituelle qu’il répandra sur nous dans une âme impassible et
immatérielle, à l’exemple des intelligences qui habitent au-delà des cieux,
et c’est pour cela que le Seigneur ajoute que nous serons égaux aux anges
(cf. Lc 20, 36). — Saint Hilaire : (can. 23.) Il en
est beaucoup qui renouvellent la difficulté que soulevaient à tort les
sadducéens à propos du mariage, et qui demandent quelle forme le sexe féminin
doit avoir à sa résurrection ; or, tout ce que les Écritures nous autorisent
à penser des anges, nous pouvons l’appliquer à la résurrection de la nature
humaine en ce qui concerne les femmes. — Saint Augustin : (Cité de Dieu, 22,
17.) Mais je préfère, comme plus fondé en raison, le sentiment de ceux qui ne
doutent nullement que les deux sexes ne ressuscitent parfaitement distincts,
car la concupiscence, qui produit la honte, n’existera plus alors, et c’est
ainsi que le premier homme et la première femme étaient nus avant leur péché.
Mais la nature particulière des deux sexes sera conservée, affranchie
toutefois de l’union conjugale et de l’enfantement. Les membres de la femme
recevront une destination différente de celle qu’ils avaient en cette vie et
seront revêtus d’une beauté toute nouvelle, dont la vue n’excitera point la
concupiscence, puisqu’elle n’existera plus, mais, au contraire, portera les
hommes à louer la sagesse et la bonté de Dieu qui a donné la vie à ce qui
n’existait plus, et a délivré de la corruption ce qu’il a créé. — Saint Jérôme : Personne ne dit ni d’un arbre, ni d’une pierre, ni des choses qui n’ont pas les membres distinctifs des sexes, qu’ils ne se marient ni ne sont mariés ; mais on ne parle ainsi que de ceux qui pourraient se marier et qui ne se marient point pour une raison quelconque. — Raban : [référence à vérifier] Ce que le Seigneur vient de
dire des conditions de la résurrection répond directement à la question qui
lui a été adressée, il aborde maintenant le dogme lui-même de la
résurrection, et l’établit solidement contre l’incrédulité des sadducéens. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 70.)
Ils s’étaient appuyés dans la question qu’ils firent à Jésus du nom de Moïse.
C’est donc par l’autorité de Moïse qu’il va les confondre : « Et, pour ce qui est de la. résurrection
des morts, vous n’avez donc pas lu, etc...» — Saint Jérôme : Notre-Seigneur
aurait pu sans doute, pour établir la vérité de la résurrection, apporter
beaucoup d’autres témoignages plus décisifs, tels que ce passage d’Isaïe : « Les morts ressusciteront, et ceux qui
sont dans le tombeau revivront (Is 26), » et cet autre de Daniel (Dn 12)
: « Plusieurs de ceux qui dorment dans
la poussière ressusciteront. » On se demande donc pourquoi il cite de
préférence ce passage qui paraît assez peu décisif, ou qui, du moins, ne se
rapporte pas directement à la réalité de la résurrection, et pourquoi il
conclut aussitôt comme si cette preuve était péremptoire : « Or Dieu n’est pas le Dieu des morts,
mais des vivants. » Nous avons dit plus haut que les sadducéens
n’admettaient ni l’existence des anges, ni celle des esprits, ni la
résurrection des corps, et qu’ils soutenaient que les âmes elles-mêmes
étaient sujettes à la mort. Ils ne reconnaissaient d’ailleurs que les cinq
livres de Moïse, et rejetaient les oracles des prophètes. Il eût donc été
absurde de leur citer des témoignages puisés dans des livres dont ils ne
reconnaissaient point l’autorité. C’est donc à Moïse (Ex 3) qu’il emprunte
cette citation pour prouver l’immortalité de l’âme, et il conclut aussitôt :
« Or Dieu n’est pas le Dieu des morts,
mais des vivants. » C’est ainsi qu’ayant prouvé que les âmes survivent à
la mort du corps (car Dieu ne pourrait pas être le Dieu de ceux qui
n’existeraient en aucune façon), il conclut de là par une conséquence naturelle
à la résurrection des corps, qui ont été associés au bien comme au mal que
les âmes ont pu faire sur la terre. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 70.)
Mais comment est-il écrit ailleurs : « afin
qu’il règne sur les vivants et les morts ? » (Rm 14, 9) Ce
passage n’est pas semblable aux paroles de Notre-Seigneur, car nous y voyons
que le Seigneur régnera sur les morts, c’est-à-dire sur ceux qui doivent
revivre, et non pas sur ceux qui ont disparu à jamais pour ne plus
ressusciter. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Il faut encore observer que
ces paroles avaient été adressées à Moïse, alors que les patriarches étaient
morts depuis longtemps ; ils existaient donc cependant, puisque Dieu était
leur Dieu, car ils ne pouvaient rien avoir s’ils n’existaient pas. Il est, en
effet, dans la nature d’une chose qu’elle existe pour qu’une autre chose lui
appartienne. Donc il n’y a que ceux qui sont vivants qui puissent posséder
Dieu, puisque Dieu est l’éternité même, et qu’il n’est pas possible aux morts
de posséder ce qui est éternel. Et comment donc pourrait-on nier qu’ils
existent et qu’ils existeront éternellement alors que celui qui est
l’éternité déclare leur appartenir ? — Origène : C’est
Dieu encore qui dit : « Je suis celui
qui suis. » Il est donc impossible que Dieu se dise le Dieu de ceux qui
n’existent pas. Et remarquez qu’il ne dit pas : Je suis le Dieu
d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, mais «
le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Dans un autre
endroit, il est écrit : « Le Dieu des Hébreux
m’a envoyé vers vous. » (Ex 7.) Ceux qui sont d’une perfection accomplie
aux yeux de Dieu, possèdent Dieu tout entier en eux-mêmes, par comparaison
avec les. autres hommes, et c’est pourquoi Dieu se déclare leur Dieu, non
d’une manière collective, mais individuelle. Ainsi lorsque nous disons : Ce
champ leur appartient, nous voulons dire qu’aucun d’eux ne le possède en
entier ; si nous disons, au contraire : ce champ appartient à cet homme, nous
exprimons qu’il en est seul possesseur. Cette expression : « le Dieu des Hébreux » prouve donc
que les Hébreux étaient encore imparfaits, et que chacun d’eux aussi ne
possédait Dieu que d’une manière imparfaite. Dieu, au contraire, se déclare
le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob, parce que chacun
d’eux possédait Dieu tout entier. Or, c’est un des plus beaux titres de
gloire des saints patriarches que de vivre ainsi aux yeux de Dieu. — Saint Augustin : (contre Faust, 16,
24.) Le même témoignage qui servit à confondre les sadducéens, peut servir
également à confondre les manichéens, car ils nient aussi la résurrection,
quoique d’une manière différente. — Saint Augustin : (traité 11 sur S.
Jean.) Dieu est appelé spécialement le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob,
parce que chacun d’eux représente les différentes manières dont sont
engendrés les enfants de Dieu. Le plus ordinairement, Dieu se sert d’un saint
prédicateur pour engendrer un fils vertueux, et c’est par les mauvais que
sont engendrés les enfants mauvais ; c’est ce que figure Abraham qui, de
Sara, son épouse libre, eut un enfant qui fut fidèle, et un enfant infidèle
d’[Agar], sa servante. Quelquefois un saint prédicateur engendre un bon et un
mauvais fils, comme Isaac qui, de [Rebecca], son épouse légitime, eut deux
enfants, l’un bon, l’autre mauvais, [Jacob et Esaü]. Quelquefois, enfin, Dieu
se sert des prédicateurs bons et mauvais pour engendrer des enfants vertueux,
ce qui est figuré par Jacob qui eut des enfants vertueux (Gn 29, 30, 35) de
ses deux épouses légitimes [Lia et Rachel], et de ses servantes [Zeipha et
Bala]. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Or, remarquez combien sont faibles les attaques que les Juifs
dirigent contre Jésus-Christ, dans la première, ils cherchent à l’effrayer : « Par quelle autorité faites-vous ces choses
? » Le Seigneur leur oppose nécessairement une grande fermeté. Dans la
seconde, ils ont recours à la ruse, et il fallut pour la déjouer une sagesse
pleine d’habileté ; mais cette dernière attaque fut plus facile à repousser,
car elle était accompagnée de présomption et d’ignorance. Or, il est facile à
un homme qui est fort de ce qu’il sait, de confondre celui qui s’imagine
savoir lorsqu’il ne sait rien ; ainsi le premier choc de l’ennemi peut être
redoutable, mais si on le soutient avec courage, on lui sera bientôt
supérieur. Suite : « Et le peuple, entendant ceci, admirait
sa doctrine. » — Saint Rémi : Ce ne sont point les sadducéens, mais la foule qui est dans l’admiration, c’est ce qui arrive encore tous les jours dans l’Église, lorsque les ennemis de l’Église sont vaincus par l’inspiration divine, la multitude des fidèles se livre aux transports de la joie. |
Lectio 4 [85555] Catena in Mt., cap. 22 l. 4 Hieronymus.
Quia supra Pharisaei in ostensione denarii fuerant confutati, et adversae
partis viderant factionem subrutam, debuerant ex hoc moveri, ne ultra
molirentur insidias; sed malevolentia et livor nutrit impudentiam; unde
dicitur Pharisaei autem audientes quod silentium imposuisset Sadducaeis,
convenerunt in unum. Origenes in Matth. Silentium autem Sadducaeis
imposuit Iesus, volens ostendere quoniam mendacii vocem obmutescere facit
claritas veritatis. Sicut enim proprium est iusti tacere cum sit tempus
tacendi, et loqui cum sit tempus loquendi, non tamen obmutescere, sic
proprium est omnium qui mendacii sunt doctores, obmutescere quidem quantum ad
rem, non autem tacere. Hieronymus. Pharisaei ergo et Sadducaei, qui
inter se contrarii sunt, ad tentandum Iesum pari mente consentiunt. Chrysostomus super Matth. Vel convenerunt in
unum Pharisaei, ut multitudine vincerent quem rationibus superare non
poterant; a veritate nudos se professi sunt, qui multitudine se armaverunt.
Dicebant enim apud se: unus loquatur pro omnibus, et omnes loquamur per unum;
ut si quidem vicerit, omnes videamur vicisse, si autem convictus fuerit, vel
solus videatur confusus; et ideo sequitur et interrogavit eum unus ex eis
legis doctor, tentans eum. Origenes. Omnes ergo qui non discendi, sed
tentandi causa interrogant aliquem doctorum, aestimare debemus illius Pharisaei
fratres, secundum illud: quod uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis.
Augustinus de Cons. Evang. Non moveat autem
quod Matthaeus hic dicit tentantem fuisse a quo dominus interrogatus est;
Marcus autem hoc tacet, et in fine ita concludit, quod ei dominus Iesus
sapienter respondenti dixerit: non longe es a regno Dei. Fieri enim potest ut
quamvis tentans accesserit, domini tamen responsione correctus sit. Aut certe
ipsam tentationem, de qua loquitur Iacobus non accipiamus malam tamquam
decipere volentis inimicum, sed cautam potius tamquam experiri amplius
volentis ignotum: neque frustra scriptum est: qui facile credit, levis est
corde. Quid autem interroget, subditur magister, quod est mandatum magnum in
lege? Origenes. Tentans dicebat magister, quoniam
non tamquam discipulus Christi proferebat hanc vocem. Si quis ergo non discit
aliquid a verbo, nec tradit se ei ex toto animo suo; dicit autem ei magister,
frater Pharisaei est Christum tentantis. Cum ergo ante salvatoris adventum
legeretur lex, forsitan quaerebatur quod est mandatum magnum in ea: neque
enim interrogasset hoc Pharisaeus, nisi diu apud illos de hoc quaesitum
fuisset et non inventum, donec veniens Iesus hoc doceret. Chrysostomus super Matth. De magno tamen
mandato interrogat qui nec minimum observabat. Ille debet interrogare de
maiori iustitia qui iam minorem complevit. Hieronymus. Vel non de mandatis interrogat,
sed quod sit primum mandatum magnumque: ut cum omnia quae Deus mandaverit,
magna sint, quicquid ille respondeat, occasionem habeat calumniandi. Chrysostomus super Matth. Dominus autem sic ei
respondit ut interrogationis eius fictam conscientiam statim primo responso
percuteret: unde sequitur ait illi Iesus: diliges dominum Deum tuum ex toto
corde tuo, et ex tota anima tua, et in tota mente tua. Diliges, inquit; non:
timebis, quia diligere magis est quam timere: timere enim servorum est,
diligere filiorum; timor sub necessitate est, dilectio in libertate. Qui in
timore servit Deo, poenam quidem evadit, mercedem vero iustitiae non habet,
quia invitus fecit bonum propter timorem. Non vult ergo Deus ut timeatur
serviliter ab hominibus quasi dominus; sed ut diligatur quasi pater, qui
adoptionis spiritum donavit hominibus. Diligere autem Deum ex toto corde, est
ut cor tuum non sit inclinatum ad alicuius rei dilectionem magis quam Dei.
Diligere autem Deum in tota anima, est certissimum animum habere in veritate,
et firmum esse in fide. Alius est enim amor cordis, et alius est amor animae.
Amor cordis quodammodo carnalis est, ut etiam carnaliter diligamus Deum; quod
facere non possumus, nisi recedamus ab amore mundialium rerum. Cordis ergo
amor sentitur in corde; amor vero animae non sentitur, sed intelligitur, quia
in iudicio animae consistit. Qui enim credit apud Deum esse omne bonum, et
nihil boni esse extra ipsum, hic diligit Deum in tota anima. Tota vero mente
diligere Deum est ut omnes sensus Deo vacent: cuius enim intellectus Deo
ministrat, cuius sapientia circa Deum est, cuius cogitatio ea quae Dei sunt
tractat, cuius memoria quae bona sunt recordatur, tota mente diligit Deum.
Augustinus de Doctr. Christ. Vel aliter. Deum
ex toto corde diligere praeciperis, ut omnes cogitationes tuas; ex tota
anima, ut omnem vitam tuam; ex tota mente tua, ut omnem intellectum tuum in
illum conferas, a quo habes ea quae confers. Nullam ergo vitae nostrae partem
reliquit quae vacare debeat, et quasi locum dare ut alia re velit frui. Sed
quicquid aliud diligendum venerit in animum, illuc rapiatur quo totus
dilectionis impetus currit: tunc enim est optimus homo cum tota vita sua
pergit in incommutabile bonum. Glossa. Vel ex toto corde, idest intellectu,
anima, idest voluntate, mente, idest memoria, ut nihil ei contrarium velis,
sentias, aut recorderis. Origenes in Matth. Vel aliter. Ex toto corde,
id est secundum totam recordationem et operationem et cogitationem; ex tota
anima, idest ut parati sint eam ponere pro pietate Dei; in tota mente, nihil
aliud scilicet proferentes nisi quae Dei sunt. Et vide si potes cor quidem
accipere pro intellectu, quo intelligibilia speculamur, mentem autem ad
proferendas res: mente enim proferimus singulas res, et per unumquodque quod
significatur quasi mente nostra inambulamus atque proferimus. Si autem tentanti Pharisaeo dominus non
respondisset, aestimare possemus non esse unum mandatum maius altero. Sed
dominus respondens subdit hoc est maximum et primum mandatum: ubi discimus
sententiam de mandatis, quod est magnum, et sunt inferiora usque ad minima.
Respondet autem dominus non solum, quod est magnum mandatum; sed etiam
primum, non pro ordine Scripturae, sed pro dignitate virtutis. Hi autem soli
huius mandati in se suscipiunt magnitudinem et primatum qui non solum
diligunt dominum Deum suum, sed etiam illa tria susceperint, scilicet ex toto
corde et cetera. Docuit autem, quod non solum est magnum et primum, sed etiam
quod esset secundum simile priori: unde sequitur secundum autem simile est
huic: diliges proximum tuum sicut teipsum. Si autem qui diligit iniquitatem,
odit animam suam, manifestum est quod non diligit proximum sicut seipsum, cum
nec seipsum diligat. Augustinus de Doctr. Christ. Manifestum est
autem omnem hominem proximum esse putandum, quia erga neminem operandum est
malum. Iam vero si vel cui praebendum, vel a quo praebendum est nobis
officium misericordiae, recte proximus dicitur, manifestum est hoc praecepto,
quo tenemur diligere proximum, etiam sanctos Angelos contineri, a quibus
nobis tanta misericordiae impenduntur officia, quanta nobis in Scripturis animadvertere
facile est. Ex quo et ipse dominus noster proximum se nobis dici voluit,
quoniam seipsum dominus Iesus significat opitulatum esse semivivo iacenti in
via. Augustinus de Trin. Qui autem amat homines,
aut quia iusti sunt, aut ut iusti sint, amare debet; sic enim et seipsum
amare debet, aut quia iustus est, aut ut iustus sit: sic enim diligit
proximum sicut seipsum sine ullo periculo. Augustinus de Doctr. Christ. Si autem teipsum
non propter te debes diligere, sed propter illum ubi dilectionis tuae
rectissimus finis est, non succenseat aliquis homo, si et ipsum propter Deum
diligis. Quisquis ergo recte proximum diligit, hoc cum eo debet agere ut
etiam ipse toto corde diligat Deum. Chrysostomus super Matth. Qui autem hominem
amat, simile est sicut qui Deum amat: quia imago Dei est homo, in quo Deus
diligitur, sicut rex in sua imagine honoratur. Et propter hoc dicitur hoc
mandatum simile esse primo. Origenes. Vel aliter. Quod mandatum sequens
primo est simile, significat idem esse officii et meriti in utroque: neque
enim aut Dei sine Christo, aut Christi sine Deo potest utilis esse dilectio
ad salutem. Sequitur in his duobus mandatis tota lex pendet et prophetae.
Augustinus de quaest. Evang. Pendet, dixit,
idest illuc refertur ubi habet finem. Rabanus. Ad
duo enim haec praecepta pertinet totus Decalogus: praecepta quidem primae
tabulae ad dilectionem Dei, praecepta secundae ad dilectionem proximi. Origenes in Matth. Vel quia qui omnia implevit
quae scripta sunt de Dei dilectione et proximi, dignus est magnas gratias a
Deo percipere, ut intelligat omnem legem et prophetas. Augustinus de Trin. Cum autem sint duo
praecepta, in quibus pendet lex et prophetae, dilectio Dei et proximi, non
immerito Scriptura plerumque pro utroque unum ponit: sive dilectionem Dei,
sicut est illud: scimus enim quoniam diligentibus Deum omnia cooperantur in
bonum; sive dilectionem proximi, sicut est istud: omnis lex in uno sermone
impletur: diliges proximum tuum sicut teipsum. Sed hoc ideo quia qui proximum
diligit, consequens est etiam ut Deum diligat: ex una enim eademque caritate
Deum proximumque diligimus; sed Deum propter Deum; nos autem et proximum
propter Deum. Augustinus de Doctr. Christ. Sed tamen quoniam
excellentior et supra nostram naturam est divina substantia, praeceptum quo
diligimus Deum a proximi dilectione distinctum est; quod si te totum
intelligas, idest animam et corpus, et proximum tuum, idest animam et corpus,
nullum diligendarum rerum genus in his duobus praeceptis praetermissum est.
Cum enim praecurrat dilectio Dei, sequatur dilectio proximi, eiusque
dilectionis modus praescriptus sit, ut eum sicut te ipsum diligas; simul et
tui abs te dilectio praetermissa non est. |
Versets
34-40.
— Saint Jérôme : Les pharisiens ayant
été confondus dans la question du tribut, et voyant que la tentative coupable
de leurs adversaires avait également échoué, auraient dû en être émus et renoncer
à tendre au Seigneur de nouvelles embûches ; mais la malveillance et l’envie
nourrissent et développent l’impudence, comme l’Évangéliste nous l’apprend : « Mais les pharisiens, ayant appris qu’il
avait imposé silence, se rassemblèrent.» — Origène : (traité
22 sur S. Matth.) Notre-Seigneur impose silence aux sadducéens pour montrer
que l’éclat de la vérité réduit au silence la parole de mensonge. Car de même
que c’est un des caractères du juste de se taire lorsque c’est le moment de
se taire, et de parler lorsqu’il faut parler, mais de ne point garder un
silence absolu, ainsi c’est le propre de tous les docteurs de mensonge de
taire la vertu, sans pour cela garder le silence. — Saint Jérôme : Les sadducéens et
les pharisiens, qui sont divisés entre eux, se mettent d’accord pour mettre
Jésus à l’épreuve. — Saint Jean Chrysostome : Ou bien,
les pharisiens s’assemblent pour triompher par le nombre de celui qu’ils ne
pouvaient vaincre par leurs raisons ; en cherchant ainsi à se faire une arme
de la multitude, ils avouèrent qu’ils étaient entièrement dépouillés de la
vérité, car ils se disaient entre eux : « Qu’un seul parle pour nous tous, et
nous le regarderons tous comme parlant en notre nom. S’il triomphe, nous
paraîtrons tous triompher avec lui ; s’il est confondu, lui seul en portera
extérieurement la honte ; c’est ce que l’Évangéliste exprime en ces termes : « Et l’un d’eux, qui était docteur de la
loi, lui fit cette question, pour l’embarrasser » . — Origène : Tout
homme qui vient interroger un docteur, non dans le but de s’instruire, mais
pour le tenter, nous devons estimer qu’il est frère de ce pharisien, selon
cette parole du Seigneur : « Ce que
vous avez fait au moindre de ceux-ci qui sont à moi, c’est à moi que vous
l’avez fait. » (Mt 25) — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 73.) Il ne faut pas s’étonner de ce que saint Matthieu nous dit
que ce docteur fit à Jésus cette question pour le tenter, tandis que saint
Marc ne parle point de cette circonstance, et conclut son récit en ces termes
: « Jésus, voyant qu’il avait répondu
sagement, lui dit : Vous n’êtes pas loin du royaume de Dieu. » Car il est
possible que ce docteur soit venu avec l’intention de tenter Jésus, et que la
réponse du Seigneur l’ait ramené à de meilleurs sentiments ; ou, du moins,
nous ne devons pas prendre ici le mot tenter dans cette mauvaise acception
que ce docteur était venu comme pour tromper un ennemi, mais plutôt pour
éprouver un homme qu’il ne connaissait pas encore ; car ce n’est pas sans
raison qu’il est écrit : « Celui qui
croit trop promptement est léger de cœur. »(Qo 14) Or, voici la question
qu’il lui fait : « Maître, quel est le
grand commandement de la loi ? » — Origène : C’est
pour le tenter qu’il l’appelait Maître, car ce n’était pas comme disciple de
Jésus-Christ qu’il lui donnait ce nom. Celui donc qui ne veut pas s’instruire
à l’école du Verbe, qui ne se donne pas à lui de tout son cœur ? et qui,
cependant, l’appelle Maître, est frère du pharisien qui vint tenter Jésus. Il
est vraisemblable qu’avant l’avènement du Sauveur, lorsqu’on lisait la loi,
on demandait : Quel est le grand commandement de la loi ? Car le pharisien
n’aurait pas fait cette question si elle n’eût été parmi eux l’objet de
longues discussions sans réponse, avant que Jésus-Christ ne l’eût résolue. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ce docteur demandait quel était le grand commandement, lui qui
n’observait même pas le plus petit. Or, on ne doit chercher à connaître les
voies supérieures de la justice chrétienne que lorsqu’on en a franchi les
premiers degrés. — Saint Jérôme : Ou bien, on peut
dire que la question qu’il fait ne s’étend pas à tous les commandements, mais
n’a pour objet que ce seul point : Quel est le premier et le grand
commandement ? Car, tous les commandements de Dieu étant également grands,
quelle que soit la réponse du Seigneur, ce docteur trouvera occasion de le
calomnier. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Mais le Seigneur lui répondit de manière à confondre, par ses
premières paroles, l’hypocrisie qui lui avait dicté cette question : « Jésus lui répondit : Vous aimerez le
Seigneur votre Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton
esprit.» « Vous aimerez » lui dit-il, et non pas vous craindrez, car aimer
c’est plus que craindre : aimer est le propre des enfants, craindre est le
partage des esclaves ; la crainte est l’effet de la nécessité ; l’amour s’exerce
librement ; celui qui sert Dieu par la crainte évite la peine, il est vrai,
mais ne reçoit pas la récompense promise à la justice ; car il fait le bien
comme malgré lui, et par crainte. Dieu ne veut donc pas que les hommes le
craignent servilement comme un maître, mais qu’ils l’aiment comme un père qui
leur a donné l’esprit d’adoption. Or, aimer Dieu de tout son cœur, c’est
n’avoir dans son cœur aucune affection qui l’emporte sur l’amour de Dieu ;
aimer Dieu de toute son âme, c’est avoir un esprit solidement établi dans la
vérité, et ferme dans la foi ; car l’amour du cœur est tout différent de
l’amour de l’âme ; l’amour du cœur est en quelque sorte sensible, et nous
fait aimer Dieu sensiblement, ce que nous ne pouvons faire qu’en détachant
notre cœur de l’amour des choses du monde. L’amour du cœur se fait donc
sentir dans le cœur, tandis que l’amour de l’âme ne se sent pas, mais se
comprend, parce qu’il consiste dans le jugement de l’âme. Car celui qui croit
que Dieu renferme tout bien, et qu’en dehors de lui il n’existe aucun bien
véritable, aime Dieu de toute son âme. Aimer Dieu de tout son esprit, c’est
consacrer toutes ses facultés au service de Dieu ; car celui dont
l’intelligence obéit à Dieu, dont la sagesse a Dieu pour objet, dont la pensée
aime à s’occuper des choses de Dieu, dont la mémoire conserve le souvenir des
bienfaits de Dieu, celui-là aime Dieu de tout son esprit. — Saint Augustin : (de la doct.
chrét., 1, 22.) Ou bien dans un autre sens, Dieu vous ordonne de l’aimer de
tout votre cœur, en lui consacrant toutes vos pensées ; de toute votre âme,
en lui rapportant toute votre vie ; de tout votre esprit, en dirigeant vers
lui toutes les forces de votre intelligence, puisque c’est de lui que vous
tenez tout ce que vous lui consacrez. Il n’a donc laissé aucune partie de
notre vie libre, et dont nous puissions disposer pour l’appliquer à un autre
objet. Mais tout ce qui se présente d’ailleurs à notre affection, doit être
emporté par l'élan de notre cœur dans le courant général de l’amour ; car
l’homme n’atteint vraiment la perfection, que lorsque toute sa vie se dirige
vers le bien immuable. — La Glose : Ou
bien, vous aimerez Dieu de tout votre cœur, c’est-à-dire de toute votre
intelligence ; de toute votre âme, c’est-à-dire de toute votre volonté ; de
tout votre esprit, c’est-à-dire de toute votre mémoire, de manière que vous
ne vouliez, que vous ne sentiez, que vous n’ayiez à la mémoire rien qui soit
contraire à Dieu. — Origène : Ou
bien encore, vous aimerez Dieu de tout votre cœur, c’est-à-dire dans toute
l’étendue de votre souvenir, de votre action, de votre pensée ; de toute
votre âme, c’est-à-dire que vous serez disposé à la sacrifier pour l’amour de
Dieu ; vous l’aimerez de tout votre esprit, en ne tenant jamais de discours
qui ne se rapportent à Dieu. Or, voyez si vous ne pouvez entendre par le
cœur, l’intelligence qui nous fait comprendre les choses intellectuelles, et
par l’esprit, la faculté qui nous sert à les exprimer ; car c’est par
l’esprit que nous donnons une expression à toutes choses, et que nous
parcourons chacune de ces choses qui reçoivent de notre esprit l’expression
de leur réalité. Si le Seigneur
n’avait pas fait cette réponse au pharisien qui le tentait, nous aurions pu
croire qu’il n’y avait pas de commandement plus grand qu’un autre ; mais en
répondant nettement : « Tel est le
premier et le plus grand commandement », il nous apprend à établir une
gradation nécessaire entre les commandements, à commencer par le plus grand
jusqu’aux commandements inférieurs, et de là jusqu’aux plus petits (Mt 5,
19). Notre-Seigneur déclare non seulement que c’est là le grand commandement,
mais encore que c’est le premier, non par le rang qu’il occupe dans la sainte
Écriture, mais par la sublimité de la vertu qu’il a pour objet. Or, ceux-là
seuls peuvent entrer en participation de la grandeur et de la sublimité de ce
commandement, qui non seulement aiment le Seigneur leur Dieu, mais acceptent
ces trois caractères du commandement : de tout son cœur, etc... Le
Seigneur ne s’est pas contenté de nous enseigner quel est le premier et le
plus grand commandement, mais encore quel était le second, qu’il déclare
semblable au premier. Il ajoute donc : «
Et voici le second qui est semblable à celui-là : Vous aimerez le
prochain comme vous-même. » S’il est vrai que celui qui aime l’injustice
hait son âme (Ps 10), il est clair qu’il n’aime pas le prochain comme
soi-même, puisqu’il ne s’aime pas lui-même. — Saint Augustin : (doct. chrét., 1,
30.) Il est évident que par le prochain il faut entendre tout homme quel
qu’il soit, puisqu’il nous est défendu de faire mal à qui que ce soit. Or, si
tout homme, à qui nous devons rendre ou qui doit nous rendre à nous-mêmes les
devoirs de la miséricorde, est appelé avec raison notre prochain, il est
certain que ce précepte, qui nous oblige à aimer le prochain, s’étend
jusqu’aux anges qui exercent à notre égard, d’une manière si admirable, les
devoirs de la miséricorde, comme il est si facile de s’en convaincre dans
l’Écriture. C’est en vertu du même principe que Notre-Seigneur lui-même a
voulu être appelé notre prochain, car il s’est personnifié lui-même dans le
Samaritain qui porte secours à cet homme a rencontré à demi mort dans le
chemin. — Saint Augustin : (de la Trin., 8,
6.) Celui qui aime les hommes, doit les aimer ou parce qu’ils sont justes, ou
pour les rendre justes ; car il doit s’aimer lui-même ou parce qu’il est
juste, ou afin de devenir juste. C’est ainsi qu’il pourra aimer le prochain
comme lui-même, sans aucun danger. — Saint Augustin : (doct. chrét., 1,
22.) Si vous devez vous aimer vous-même, non pas pour vous, mais pour celui
qui doit être la fin directe de votre amour, personne ne doit trouver mauvais
que vous l’aimiez pour Dieu. Celui donc qui aime son prochain comme Dieu le
commande, doit faire en sorte d’aimer aussi Dieu de tout son cœur. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Or, celui qui aime l’homme est semblable à celui qui aime Dieu ; car
l’homme est l’image de Dieu, et c’est Dieu que nous aimons en lui, comme nous
honorons un roi dans l’image qui le représente, c’est pour cela que le Seigneur
ajoute : « Voici le second qui est
semblable au premier. » — Saint Hilaire : (can. 23.) [référence à vérifier] Ou bien encore, ce
commandement est semblable au premier, en ce sens qu’il y a dans tous les
deux égalité d’obligation et de mérite ; car ni l’amour de Dieu sans l’amour
de Jésus-Christ, ni l’amour de Jésus-Christ sans l’amour de Dieu, ne peuvent
conduire au salut. Suite : « Toute la loi et les prophètes sont
renfermés dans ces deux commandements ». — Saint Augustin : Notre-Seigneur dit « sont renfermés », c’est-à-dire s’y rapportent comme à leur fin. — Raban : Tout le Décalogue est compris dans ces deux préceptes,
les préceptes de la première table dans le précepte d’aimer Dieu, et les
préceptes de la seconde table dans celui d’aimer le prochain, (Ex 24, 12 ;
33, 18 et 15 ; 34, 4, 28, 29 ; Dt 4, 13 ; 9, 9, 10, 11, 15 et 17 ; 10, 1, 2,
3,4, 5.). — Origène : (traité
23 sur S. Matth.) Ou bien ces paroles sont vraies, en ce sens que celui qui a
fidèlement accompli tout ce qui dans l’Écriture a rapport à l’amour de Dieu
et du prochain, mérite d’obtenir de Dieu des grâces privilégiées, pour
comprendre que toute la loi et les prophètes [dépendent, comme de leur
principe, de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain]. — Saint Augustin : (de la Trin., 8,
7.) Comme il y a deux préceptes qui renferment la loi et les prophètes, le
précepte d’aimer Dieu, et celui d’aimer le prochain, c’est avec raison que
souvent l’Écriture sainte emploie indifféremment l’un pour l’autre, soit
l’amour de Dieu, comme dans ces paroles : « Or, nous savons que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu
» (Rm 8) ; soit l’amour du prochain, comme dans ces autres (Ga 5) : « Toute la loi est renfermée dans ce seul
précepte : Vous aimerez le prochain comme vous-même. » et cela,
parce que celui qui aime le prochain doit, par une conséquence nécessaire,
aimer Dieu ; car c’est par un seul et même sentiment de charité que nous
aimons Dieu et le prochain, avec cette différence que nous aimons Dieu pour
lui-même, et que nous nous aimons, ainsi que le prochain, pour l’amour de
Dieu. — Saint Augustin : (de la doct. chrét., 1, 26.) Mais comme la nature divine est de beaucoup supérieure à notre nature, le précepte qui nous oblige d’aimer Dieu est distinct du précepte de l’amour du prochain. Si vous vous prenez vous-même dans votre être tout entier, c’est-à-dire dans votre âme et dans votre corps, de même que votre prochain, dans votre âme et dans votre corps, ces deux préceptes renferment tout ce qui peut être l’objet de votre amour. Le commandement de l’amour de Dieu nous est donné en premier lieu avec la manière de l’accomplir, et il est suivi du précepte de l’amour du prochain que vous devez aimer comme vous-même, et qui renferme, par conséquent, l’amour que vous devez avoir pour vous-même. |
Lectio 5 [85556] Catena in Mt.,
cap. Chrysostomus in Matth. Discipulos quidem
primum interrogavit quid alii dicerent de Christo, et tunc quid ipsi
dicerent; hos autem non ita. Profecto enim seductorem eum dixissent et malum.
Existimabant autem quoniam Christus purus homo erat; et ideo dixerunt eum
esse filium David; et hoc est quod subditur dicunt ei: David. Ipse autem hoc
reprehendens, inducit prophetam dominationem eius et proprietatem
filiationis, et cohonorationem quae est ad patrem, testantem; unde dicitur
quomodo ergo David in spiritu vocat eum dominum, dicens: dixit dominus domino
meo: sede a dextris meis, donec poenam, et cetera. Hieronymus. Testimonium hoc de Psalmo 109, I
sumptum est. Dominus ergo David vocatur, non secundum id quod de eo natus
est, sed secundum id quod natus ex patre semper fuit, praeveniens ipsum
carnis suae patrem. Vocat autem eum dominum
suum, non errore incerto, nec propria voluntate, sed spiritu sancto. Remigius. Quod autem dicit
sede a dextris meis, non intelligendum est quod Deus corporeus sit, ut
dexteram vel sinistram habeat; sed a dextris Dei sedere est in honore et
aequalitate paternae dignitatis manere. Chrysostomus super Matth. Puto autem quod hanc
interrogationem non solum contra Pharisaeos, sed etiam contra haereticos
posuit: nam secundum carnem vere filius erat David, dominus autem secundum
divinitatem. Chrysostomus in Matth. Non autem in hoc
stat; sed ut timeant, subdit donec ponam inimicos tuos scabellum pedum
tuorum: ut saltem ita eos inducat. Origenes in Matth. Deus etiam non ad
perditionem solum ponit scabellum pedum Christi inimicos ipsius, sed ad eorum
salutem. Remigius. Donec autem pro infinito ponitur, ut
sit sensus: sede semper, et inimici tui in sempiternum subicientur pedibus
tuis. Glossa. Quod autem a patre inimici subiciuntur
filio, non infirmitatem filii, sed unitatem naturae significat: nam et filius
subicit inimicos patri, quia patrem clarificat super terram. Et ex hac
auctoritate concludit si ergo David vocat eum dominum, quomodo filius eius
est? Hieronymus. Interrogatio haec nobis proficit
usque hodie contra Iudaeos: et hi enim qui confitentur Christum esse
venturum, hominem simplicem et sanctum virum asserunt de genere David.
Interrogemus ergo eos docti a domino: si simplex homo est, et tantum filius
David, quomodo David vocat eum dominum suum? Iudaei autem ad diluendam interrogationis
veritatem, frivola multa confingunt, vernaculum Abrahae asserentes, cuius
filius fuit Damascus Eliezer, et ex ipsius persona scriptum Psalmum, quod
post caedem quinque regum, dominus Deus domino suo Abraham dixerit: sede ad
dexteram meam, donec ponam, et cetera. Quos interrogemus quomodo dixerit
Abraham ea quae sequuntur; et respondere cogamus quando Abraham ante
Luciferum genitus sit, et quomodo sacerdos fuerit secundum ordinem
Melchisedech, pro quo Melchisedech obtulerit panem et vinum, et a quo decimas
praedae acceperit. Chrysostomus in Matth. Hoc tantum imposuit
finem ipsorum disputationibus, quasi magnum et sufficiens praecludere eorum
ora: unde sequitur et nemo poterat respondere ei verbum, neque ausus fuit
quisquam ex illa die eum amplius interrogare. Siluerunt enim ex tunc non
volentes, sed non habendo aliquid dicere. Origenes. Si autem interrogatio eorum fuisset
ex voluntate discendi, nunquam eis talia proposuisset ut amplius non essent
ausi eum interrogare. Rabanus. Ex hoc autem intelligimus venena
invidiae superari posse, sed difficile quiescere. |
Versets
41-46.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Les Juifs, qui ne voyaient dans Jésus-Christ qu’un homme, essayaient de le tenter, ce qu’ils n’eussent l’as fait s’ils avaient cru qu’il était le Fils de Dieu. Jésus-Christ donc, dans le dessein de leur montrer qu’il connaissait la fourberie de leur cœur, et qu’il était Dieu, ne voulut pas leur dire clairement la vérité, de peur que cette déclaration ne fût pour les Juifs une nouvelle occasion de blasphème et de fureur ; il ne voulut pas non plus garder entièrement le silence, car il était venu pour faire connaître la vérité (Jn 28, 37). Il leur pose donc une question en des termes qui puissent déjà leur faire connaître ce qu’il est. « Or, pendant que les pharisiens étaient assemblés, Jésus leur fit cette question : Que vous semble du Christ ? De qui est-il le fils ?» — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier]
Il avait demandé autrefois à ses disciples ce que les hommes
disaient du Christ, et ensuite ce qu’ils en pensaient eux-mêmes ; mais il ne
fait pas la même question aux pharisiens, car ils n’auraient pas manqué de
lui répondre qu’on le considérait comme un séducteur, un méchant, que telle
était leur opinion et qu’ils le regardaient simplement comme un homme. C’est
pour cela qu’ils répondent que le Christ est le fils de David. « Et ils lui répondirent : De David. »
Or le Seigneur blâme cette réponse et cite le témoignage du prophète, qui
atteste que le Christ est Seigneur lui-même, qu’il est vraiment Fils, et
qu’il est digne des mêmes honneurs que son Père. « Et il leur dit : Comment David l’appelle-t-il, par l’inspiration de
l’Esprit saint, son Seigneur, en disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur :
‘Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie mis, etc...’» — Saint Jérôme : Ce témoignage est
emprunté au psaume 109 ; le Christ y est appelé le Seigneur de David, non pas
comme étant né de David, mais d’après sa naissance éternelle du Père, qui le
rend existant avant celui qui fut son père selon la chair. Or ce n’est ni par
erreur, ni par ignorance, ni de sa propre volonté que David l’appelle son
Seigneur, mais par l’inspiration du Saint-Esprit. — Saint Rémi : Ces paroles : « Asseyez-vous à ma droite » ne
signifient pas que Dieu ait un corps avec une droite ou une gauche ; êtra
assis à la droite de Dieu signifie que le Fils a la même puissance, la même
dignité que son Père. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Or je pense qu’en faisant cette question, il eut en vue non seulement
les pharisiens, mais encore les hérétiques, car, s’il était vraiment fils de
David selon la chair, il était son Seigneur par sa divinité. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 72.)
Le Seigneur ne s’arrête pas là ; mais, pour leur inspirer de la crainte, il
ajoute : « jusqu’à ce que je réduise
vos ennemis à vous servir de marche-pied », espérant les amener ainsi à
la connaissance de sa divinité. — Origène : Si
Dieu réduit les ennemis du Christ à lui servir de marche-pied, ce n’est pas
seulement pour les perdre, mais aussi pour les sauver. — Saint Rémi : Le mot « jusqu’à ce
que » signifie « éternellement », et tel est le sens de toute
la phrase : « Asseyez-vous pour l’éternité, et vos ennemis seront
éternellement placés sous vos pieds. » — La Glose : (ou
Saint Anselme) Si le Père soumet au Fils ses ennemis, ce n’est pas une marque
d’impuissance dans le Fils, mais une preuve de leur unité de nature, car le
Fils lui-même soumet au Père ses ennemis, en glorifiant son Père sur la
terre. Après avoir cité ce témoignage, il en tire cette conclusion : « Si donc David l’appelle son Seigneur,
comment peut-il être son Fils ? » — Saint Jérôme : Nous pouvons faire encore aujourd’hui cette question aux Juifs, car, tout en reconnaissant que le Christ doit venir, ils affirment qu’il n’est qu’un homme, un personnage vertueux de la race de David. Nous donc, qui avons été instruits à l’école du Seigneur lui-même, demandons-leur comment David peut l’appeler son Seigneur, s’il n’est qu’un homme, et s’il est seulement le fils de David ? Les Juifs, pour échapper à la vérité que renferme cette question, ont recours à mille explications frivoles : ils vont chercher un certain serviteur d’Abraham, qui eut pour fils Eliézer de Damas. Ce serait au nom d’Eliézer que ce psaume aurait été composé, parce que le Seigneur Dieu, après la destruction des cinq rois, aurait dit à son Seigneur Abraham : « Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie mis, etc... » Or, nous n’avons qu’à leur demander comment Eliézer aurait pu appliquer à Abraham la suite du psaume, et les forcer de nous répondre comment Abraham a été engendré avant l’aurore, et comment il fut prêtre selon l’ordre de Melchisédech, alors que Melchisédech offrit à Dieu pour lui du pain et du vin, et qu’Abraham lui donna la dîme de toutes les dépouilles. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.)
Le Seigneur mit ainsi fin à toutes leurs discussions, et ses dernières
paroles eurent assez de puissance pour leur fermer la bouche sans retour. « Et nul ne put rien lui répondre, et,
depuis ce jour-là, personne n’osa plus l’interroger. » Ils se turent ; ce
fut bien malgré eux, et parce qu’ils ne savaient que répondre. — Origène : Si
leur question avait eu pour motif le désir de s’instruire, Notre-Seigneur ne
leur aurait point répondu de telle sorte qu’ils n’osèrent plus jamais
l’interroger. — Raban : Ce qui doit nous apprendre qu’on peut triompher de la jalousie la plus envenimée, mais qu’il est difficile qu’elle reste en repos. |
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Caput 23 |
CHAPITRE 23 —
[Présentation et rejet du Roi]
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Lectio 1 [85557] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 1 Chrysostomus super Matth. Postquam
dominus sacerdotes responsione prostravit, et incorrigibilem eorum
conditionem ostendit: sicut clerici, si male fecerint, inemendabiles sunt,
laici vero delinquentes facile emendantur: tunc convertit sermones ad
apostolos, et ad populum: unde dicitur tunc locutus est Iesus ad turbas et ad
discipulos suos. Infructuosum namque est verbum in quo sic alter confunditur
ut alter non erudiatur. Origenes in Matth. Sunt autem meliores discipuli
Christi reliquis turbis; et invenies in Ecclesiis quosdam affectuosius
accedentes ad verbum Dei esse discipulos Christi, ceteros autem populum esse
ipsius. Et interdum quaedam discipulis solis dicit, quaedam vero turbis simul
atque discipulis, sicut haec; unde sequitur dicens: super cathedram Moysi, et
cetera. Qui legem Moysi profitentur, et interpretari se gloriantur, hi sedent
super cathedram Moysi. Qui ergo non recedunt a littera legis, Scribae
dicuntur; qui autem maius aliquid profitentes, dividunt seipsos quasi
meliores a multis, Pharisaei dicuntur, quod interpretatur divisi; qui autem
Moysen secundum spiritualem virtutem intelligunt et exponunt, sedent quidem
super cathedram Moysi, sed non sunt Scribae et Pharisaei; sed his meliores
dilecti Christi discipuli. Post adventum autem Christi sedent super cathedram
Ecclesiae, quae est cathedra Christi. Chrysostomus super Matth. Videndum est tamen
quomodo quis super cathedram sedeat: quia non cathedra facit sacerdotem, sed
sacerdos cathedram; non locus sanctificat hominem, sed homo locum. Ideoque
malus sacerdos de sacerdotio suo crimen acquirit, non dignitatem. Chrysostomus in Matth. Ne autem aliquis dicat
quoniam propter hoc desidior factus sum ad agendum quia malus est doctor,
hanc destruit occasionem, cum subdit omnia ergo quaecumque dixerint vobis,
servate et facite; non enim sua dicunt, sed quae Dei sunt, quae per Moysen
Deus in legem deduxit. Et intuere quanto circa Moysen utitur honore, eam
iterum quae ad vetus est testamentum concordiam ostendens. Origenes. Si autem Scribae et Pharisaei
sedentes super cathedram Moysi, sunt Iudaeorum doctores, secundum litteram
docentes legis mandata; quomodo iubet nos dominus secundum omnia quae dicunt
illi, facere, cum apostoli in actibus vetent fideles vivere secundum litteram
legis? Sed illi docent secundum litteram, legem spiritualiter non
intelligentes. Quaecumque ergo dicunt nobis ex lege, intelligentes sensum
legis facimus et servamus, nequaquam facientes secundum opera eorum; non enim
sicut lex docet faciunt, nec intelligunt velamen esse super litteram legis.
Vel cum omnia audieris, non omnia intelligas praecepta legis, puta multa quae
de escis sunt et quae de hostiis et similia; sed ea quae corrigunt mores. Sed
quare non de lege gratiae hoc mandavit, sed de doctrina Moysi? Quia scilicet
nondum erat tempus praecepta novae legis ante tempus passionis manifestare.
Mihi autem videtur quod et aliquid aliud praedispensans hoc dicit: quia enim
accusaturus erat Scribas et Pharisaeos in sequentibus sermonibus, ne
videretur apud stultos ex hoc eorum principatum cupere, vel propter
inimicitiam hoc facere, primum a se hanc suspicionem removet, et tunc eos
incipit reprehendere, ut turbae non in eadem vitia incidant; et ideo etiam ne
existiment quod, quia debent eos audire, ideo eos debeant in operibus
imitari: subditur enim secundum vero opera eorum nolite facere. Quid est
autem doctore illo miserabilius cuius vitam discipuli cum non sequuntur
salvantur, cum imitantur perduntur? Chrysostomus super Matth. Sicut autem aurum de
terra eligitur, et terra relinquitur, sic et auditores doctrinam accipiant,
et mores relinquant; frequenter enim de homine malo bona doctrina procedit.
Sicut autem sacerdotes melius iudicant propter bonos malos docere, quam
propter malos bonos negligere, sic et subditi propter bonos sacerdotes etiam
malos honorent, ne propter malos boni etiam contemnantur: melius est enim
malis iniusta praestare, quam bonis iusta subtrahere. Chrysostomus in Matth. Considera vero
unde incipit eos reprehendere; nam sequitur dicunt enim et non faciunt. Maxime
enim accusatione dignus est qui doctrinae auctoritatem habens, legem
transgreditur: primo quidem quia praevaricatur qui alios corrigere debet;
deinde quia peccans, maiore poena dignus est, propter honorem; tertio quia
plus corrumpit, velut in ordine doctoris peccans. Rursus autem et aliam eorum
reprehensionem ponit, quoniam graves sunt sibi subiectis: unde sequitur
alligant enim onera gravia: in quo duplicem eorum malitiam ostendit: unam
quidem in hoc quod sine venia expetunt a subiectis summam diligentiam vitae;
aliam vero in hoc quod sibiipsis multam concedunt licentiam. Oportet autem bonum principem e contrario se habere; in his enim quae
secundum seipsum sunt, gravem iudicem esse; in subiectis autem mansuetum. Intende
autem qualiter et eorum reprehensionem aggravat: non enim dixit: non possunt,
sed nolunt; neque dixit: portare, sed digito movere: idest, neque prope
fieri, neque tangere. Chrysostomus super Matth. Et quidem quantum ad
Pharisaeos et Scribas, de quibus loquitur, onera gravia et importabilia dicit
legis mandata, de quibus Petrus dicit: ut quid vultis imponere iugum super
cervices discipulorum, quod neque nos neque patres nostri portare potuimus?
Onera enim legis quibusdam rationibus fabulosis commendantes, auditoribus
quasi vincula super humeros cordis eorum alligabant, ut velut rationis
vinculo constricti, non reicerent ea a se; ipsi autem nec ex modica parte ea
implebant; idest (ut non dicam pleno opere) sed nec modico tactu, idest
digito. Glossa. Vel alligant onera, idest, undecumque
traditiones colligunt, quae conscientiam non levant, sed gravant. Hieronymus. Humeri autem et digitus et onera
et vincula, quibus alligant onera, spiritualiter sunt intelligenda. Hic etiam
generaliter dominus adversus omnes magistros loquitur qui grandia iubent, et
minora non faciunt. Chrysostomus super Matth. Tales autem sunt qui
grave pondus venientibus ad poenitentiam imponunt; et sic dum poena praesens
fugitur, contemnitur poena futura. Si enim fascem super humeros adolescentis,
quem non potest baiulare, posueris, necesse habet ut aut fascem reiciat, aut
sub pondere confringatur: sic et homini, cui grave pondus poenitentiae
imponis, necesse est ut aut poenitentiam reiciat, aut suscipiens, dum
sufferre non potest, scandalizatus amplius peccet. Deinde etsi erramus
modicam poenitentiam imponentes, nonne melius est propter misericordiam
reddere rationem, quam propter crudelitatem? Ubi paterfamilias largus est,
dispensator non debet esse tenax. Si Deus benignus, ut quid sacerdos eius
austerus? Vis apparere sanctus? Circa tuam vitam esto austerus, circa aliorum
benignus: audiant te homines parva mandantem, et gravia facientem. Talis est
autem sacerdos qui sibi indulget, et alios exigit, quemadmodum malus
descriptor tributi in civitate, qui se relevat et onerat tribuentes. |
Versets
1-4.
— Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Après avoir terrassé les prêtres par ses réponses et leur avoir
montré que leur état était incurable (car ceux qui sont consacrés à Dieu et
se détournent de la voie droite, ne reviennent presque jamais au bien, tandis
qu’on peut y ramener facilement les simples fidèles), le Seigneur adresse ses
enseignements à ses apôtres et au peuple : « Alors Jésus s’adressant au peuple et à ses disciples », car une
parole qui confond les uns sans instruire les autres est une parole stérile. — Origène : (Traité 24 sur S. Matth.) Les disciples de Jésus-Christ valent mieux que le reste du peuple. C’est ainsi que, dans l’Église, vous trouverez des âmes qui s’approchent avec plus d’amour du Verbe de Dieu, et qui sont les disciples de Jésus-Christ ; les autres forment son peuple. Tantôt c’est à ses disciples seuls qu’il adresse la parole et tantôt tout à la fois au peuple et à ses disciples, comme dans ce qui suit : « Il leur dit : Les pharisiens et les scribes sont assis sur la chaire de Moïse. » Ceux qui font profession de suivre la loi de Moïse, et qui se glorifient d’en être les interprètes, sont assis sur la chaire de Moise ; les scribes sont ceux qui ne s’écartent pas de la lettre de la loi ; et ceux qui prétendent à une perfection plus grande et se séparent de la foule comme étant meilleurs que le reste des hommes sont les pharisiens, dont le nom veut dire « séparé » (cf. Gn 38, 29). Ceux au contraire qui entendent et interprètent la loi de Moïse dans le sens vraiment spirituel sont assis il est vrai sur la chaire de Moïse, mais ils ne sont ni comme les scribes ni comme les pharisiens, ils valent beaucoup mieux qu’eux et sont les bien-aimés disciples de Jésus-Christ. Depuis la venue de Jésus-Christ, ils sont assis sur la chaire de l’Église, laquelle est la chaire du Christ. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il faut cependant considérer de quelle manière un homme occupe la
chaire de l’enseignement, car ce n’est pas la chaire qui fait le prêtre, mais
le prêtre qui donne l’autorité à sa chaire ; ce n’est pas le lieu qui
sanctifie l’homme, mais l’homme qui sanctifie le lieu. Aussi le sacerdoce est
pour le mauvais prêtre une source de crimes et ne lui donne aucune dignité
morale. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 71.)
Toutefois afin que personne ne puisse excuser sa négligence pour les bonnes
oeuvres parce que celui qui enseigne est mauvais, le Seigneur détruit ce
prétexte en ajoutant : « Faites donc et
observez tout ce qu’ils vous diront ». Car ce n’est pas leur propre
doctrine qu’ils enseignent, mais les vérités divines dont Dieu a composé la
loi qu’il a donnée par Moïse. Considérez quel honneur le Seigneur rend ici à
Moïse, et comme il fait ressortir à nouveau l’harmonie qui existe entre
l’Ancien et le Nouveau Testament. — Origène : Mais
si les scribes et les pharisiens, assis sur la chaire de Moïse, sont les
docteurs des Juifs, et leur enseignent quant à la lettre les préceptes de la
loi, comment Notre-Seigneur peut-il nous ordonner, à nous, de faire tout ce
qu’ils disent, alors que les apôtres, comme nous le voyons dans les Actes
(15), ont défendu aux premiers fidèles de suivre la lettre de la loi ? C’est
que les pharisiens enseignaient la lettre de la loi sans en comprendre le
sens spirituel. Toutes les choses donc qu’ils nous prescrivent en vertu de la
loi divine, nous qui avons l’intelligence de la loi, nous les observons et
nous les pratiquons ; mais nous ne conformons pas notre conduite à la leur,
car ils ne suivent pas les vrais enseignements de la loi, et ils ne
comprennent pas qu’il y a un voile sur la lettre de la loi (2 Co 3,
14). Ou bien cette expression : « tout
ce qu’ils vous diront » n’a pas pour objet tous les préceptes de la loi,
comme ceux par exemple qui ont rapport aux aliments, aux victimes et à
d’autres choses semblables, mais seulement les préceptes qui tendent à la
réforme des moeurs. Or, pourquoi ne fait-il pas cette recommandation pour la
loi de grâce, mais pour la loi de Moïse ? C’est qu’avant la Passion le temps
n’était pas encore venu de faire connaître les commandements de la nouvelle
loi. Mais il me semble que le Seigneur avait en disant cela un autre dessein.
Il allait, dans le discours suivant, accuser les scribes et les pharisiens.
Il commence donc par repousser tout d’abord le soupçon que des insensés
auraient pu former contre lui, de vouloir s’emparer de leur autorité, ou
d’agir dans un esprit d’hostilité ; et ce n’est qu’alors qu’il leur adresse
des reproches pour que le peuple ne tombe point dans les mêmes désordres et
ne s’imagine qu’il doit imiter leur conduite comme il est obligé d’écouter
leurs enseignements, car il ajoute : «
Ne faites pas ce qu’ils font. » Or, quoi de plus misérable qu’un docteur
dont les disciples ne peuvent se sauver qu’à la condition de ne pas l’imiter,
et qui se perdent s’ils marchent sur ses traces ? — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) De même qu’on recueille l’or dans le sein de la terre, et qu’on
laisse de côté la terre, les auditeurs doivent recevoir la doctrine et
laisser les moeurs de ceux qui enseignent, car il arrive fréquemment qu’un
homme vicieux enseigne une doctrine irréprochable. Or, de même que les
prêtres aiment mieux enseigner les méchants dans l’intérêt des bons, que de
priver les bons d’enseignements à cause des méchants, ainsi les fidèles
doivent honorer même les mauvais prêtres à cause des bons, pour ne pas
s’exposer à faire rejaillir sur les bons le mépris que méritent les mauvais.
Il vaut mieux donner aux méchants ce à quoi il n’ont aucun droit, que de
refuser aux bons ce qu’ils méritent. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 72.)
Considérez quel est le premier reproche qu’il leur adresse : « Ils disent et ne font pas. » En
effet, celui qui a reçu la puissance d’enseigner et qui transgresse la loi
est coupable au premier chef : premièrement, parce qu’il donne l’exemple de
la prévarication, alors qu’il doit reprendre et corriger les autres ;
secondement, parce que la dignité dont il est revêtu augmente son châtiment ;
troisièmement enfin, parce que son titre de docteur rend son péché plus
scandaleux dans ses effets. Une seconde chose que le Seigneur leur reproche,
c’est d’être durs et sévères pour ceux qui leur sont soumis : « Ils lient des fardeaux pesants ». Et
c’est en cela qu’ils font preuve d’une double malice : exiger des
autres, sans miséricorde, une vie parfaite et irréprochable, et se donner à
eux-mêmes toute latitude. Or, un bon supérieur doit se conduire tout
autrement, c’est-à-dire se montrer juge sévère pour tout ce qui le concerne lui-même,
et plein de douceur et de bonté pour ceux qu’il dirige. Remarquez encore
comme il fait ressortir l’indignité de leur conduite. Il ne dit pas : « ils
ne peuvent pas », mais « ils ne
veulent pas », et non seulement : « Ils ne veulent pas porter ces
fardeaux, » mais « Ils ne veulent pas
les remuer du bout du doigt », c’est-à-dire ni s’en approcher ni les
toucher. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ces fardeaux pesants et insupportables dont Notre-Seigneur veut ici
parler, et que les pharisiens et les scribes imposaient à leurs disciples,
sont ces préceptes de la loi dont saint Pierre dit [au livre des Actes (Ac
15)] : « Pourquoi voulez-vous imposer
aux disciples un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter ? » Ils
donnaient, à l’aide de raisons frivoles, une grande importance à ces fardeaux
de la loi dans l’esprit de leurs disciples, et les attachaient, pour ainsi
dire, sur les épaules de leur cœur, afin que, se regardant comme liés par la
raison, ils ne fussent point tentés de rejeter loin d’eux ces fardeaux. Pour
eux, au contraire, ils n’en accomplissaient pas la moindre partie,
c’est-à-dire que, non seulement ils n’en portaient aucun en réalité, mais
qu’ils ne voulaient pas même les toucher légèrement du bout des doigts. — La Glose : Ou bien encore :
« Ils lient des fardeaux »,
c’est-à-dire ils recueillent de toutes parts des traditions qui, loin de
soulager la conscience, l’oppriment. — Saint Jérôme : Il faut entendre ici
dans un sens spirituel les épaules, le doigt, les fardeaux et les liens qui
lient ces fardeaux. Notre-Seigneur s’élève ici généralement contre tous ces
docteurs qui imposent aux autres de lourdes obligations, et qui
n’accomplissent pas eux-mêmes les plus légères. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Tels sont ceux qui imposent aux pécheurs repentants des pénitences accablantes, et qu’arrive-t-il ? C’est qu’en cherchant à se dérober aux peines de la vie présente, ils méprisent les peines de la vie future. En effet, chargez les épaules d’un jeune homme encore faible d’un fardeau qu’il ne peut porter, de toute nécessité, ou il le rejettera loin de lui, ou il succombera sous le faix. Or, de même, si vous imposez à un homme une pénitence trop rigoureuse, il la laissera nécessairement de côté, ou bien il s’en chargera sans pouvoir l’accomplir, et y trouvera ainsi une cause de scandale et une occasion de plus grand péché. D’ailleurs, en supposant que nous nous trompions en imposant des pénitences trop légères, ne vaut-il pas mieux avoir à rendre compte d’une trop grande miséricorde que d’une excessive sévérité ? Là où le père de famille est si libéral, le serviteur, [qui distribue en son nom], ne doit pas être avare. Si Dieu est bon, pourquoi son prêtre serait-il d’une sévérité inflexible ? Voulez-vous être véritablement saint ? Soyez sévère pour vous-même et miséricordieux pour les autres ; que les hommes vous entendent imposer de légères obligations, et qu’ils vous voient en accomplir de grandes. Un prêtre qui, plein d’indulgence pour lui-même, exige beaucoup des autres, ressemble à celui qui, chargé de répartir l’impôt dans une ville, se dégrève lui-même pour charger ceux qui sont dans l’impossibilité de le payer. |
Lectio 2 [85558] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 2 Chrysostomus in Matth. Supra
dominus arguerat Scribas et Pharisaeos crudelitatis et negligentiae;
consequenter autem arguit eos inanis gloriae, quae fecit eos a Deo recedere;
unde dicit omnia autem opera sua faciunt ut videantur ab hominibus. Chrysostomus super Matth. In omni re nascitur
quod ipsam exterminat, sicut ex ligno vermis, et ex vestimento tinea: unde
sacerdotum ministerium, qui positi sunt ad aedificationem sanctitatis,
corrumpere Diabolus nititur, ut hoc ipsum bonum, dum propter homines fit,
fiat malum. Tolle hoc vitium de clero, et sine labore omnia resecabis: ex hoc
enim fit ut difficile clerici peccantes poenitentiam agant. Vult autem
dominus in hoc ostendere causam propter quam non poterant credere Christo;
hoc est quia omnia faciunt ut videantur ab hominibus: impossibile enim est ut
credat Christo caelestia praedicanti qui gloriam hominum concupiscit
terrenam. Legi enim aliquem interpretantem hunc locum: supra cathedram, idest
in honore et gradu quo fuerat Moyses, constituti sunt Scribae et Pharisaei indigne,
qui legem prophetantem de Christo venturo praedicabant aliis, ipsi autem non
recipiebant praesentem. Propter hoc hortatur populum audire legem quam
praedicabant, idest credere in Christum praedicatum a lege, et non imitari
Scribas et Pharisaeos incredulos. Et reddit causam quare praedicabant ex lege
Christum venturum, et non credebant in eum: quia scilicet omnia opera sua
faciunt ut ab hominibus videantur, idest quia non praedicabant Christum
venturum desiderio adventus eius, sed ut doctores legis esse ab hominibus
viderentur. Origenes in Matth. Ad hoc autem opera sua
faciunt ut ab hominibus videantur, visibilem suscipientes circumcisionem, et
visibiliter corporalia fermenta auferentes de domibus suis, et similiter his
similia agentes. Christi vero discipuli legem in occultis implent, quasi in
occulto constituti Iudaei, ut apostolus dicit. Chrysostomus in Matth. Vide autem hic, quod
cum quadam intensione eos incusat. Non enim simpliciter ait quod faciant
opera sua ut videantur ab hominibus, sed addidit omnia. Deinde monstrat quod
neque in magnis vane gloriabantur, sed in quibusdam vilibus rebus: unde
subditur dilatant enim phylacteria sua et magnificant fimbrias. Hieronymus. Dominus enim cum dedisset mandata
legis per Moysen, ad extremum intulit: ligabis ea in manu tua, et erunt
semper ante oculos tuos; et est sensus: praecepta mea sint in manu tua, ut
opere compleantur; sint ante oculos tuos, ut die ac nocte mediteris in eis.
Hoc Pharisaei male interpretantes, scribebant in membranis Decalogum Moysi,
idest decem legis verba, complicantes ea, et ligantes in fronte, et quasi
coronam capitis facientes, ut semper ante oculos moverentur. Iusserat quoque
aliud Moyses, ut in quatuor angulis palliorum hyacinthinas fimbrias facerent,
ad Israelis populum discernendum: ut quomodo in corporibus circumcisio signum
Iudaicae gentis daret, ita vestis haberet aliquam differentiam. Superstitiosi
vero magistri captantes auram popularem, atque ex mulierculis captantes
lucra, faciebant grandes fimbrias, et acutissimas in eis spinas ligabant, ut
videlicet ambulantes et sedentes interdum pungerentur, et quasi hac
commonitione retraherentur ad ministeria servitutis Dei. Pictariola ergo illa
Decalogi, phylacteria vocabant, idest conservatoria: eo quod quicumque habuissent
ea, quasi ob custodiam et munimentum sui haberent: non intelligentibus
Pharisaeis quod haec in corde portanda sunt, non in corpore; alioquin et
armaria et arcae habent libros, et notitiam Dei non habent. Chrysostomus super Matth. Illorum autem
exemplo adhuc multi aliqua nomina Hebraica Angelorum confingunt, et scribunt,
et alligant; quae non intelligentibus metuenda videntur; quidam vero aliquam
partem Evangelii scriptam circa collum portant. Sed nonne quotidie Evangelium
in Ecclesia legitur, et auditur ab omnibus? Cui ergo in auribus posita
Evangelia nihil prosunt, quomodo eum possunt circa collum suspensa salvare?
Deinde ubi est virtus Evangelii? In figuris litterarum, an in intellectu
sensuum? Si in figuris, bene circa collum suspendis; si in intellectu, ergo
melius in corde posita prosunt, quam circa collum suspensa. Alii vero sic
exponunt hunc locum: quia dilatabant verba sua de propriis observantiis,
quasi phylacteria, idest conservatoria salutis, ea populo assidue
praedicantes. Fimbrias autem vestimentorum magnificatas dicit supereminentias
eorumdem mandatorum. Hieronymus. Cum autem superflue phylacteria
dilatent, et magnas faciant fimbrias, gloriam cupientes ab hominibus,
consequenter arguuntur in reliquis; unde dicitur amant enim primos accubitus
in coenis, et primas cathedras in synagogis. Rabanus. Notandum, quod non salutari in foro,
non primo sedere vel discumbere vetat eos quibus hoc officii ordine convenit:
sed eos qui haec, sive habita sive non habita, indebite amant, a fidelibus
quasi improbos dicit esse cavendos. Chrysostomus super Matth. Non enim
vituperat eos qui in primo loco recumbunt, sed eos qui amant primos
discubitus; ad voluntatem vituperationem referens, non ad factum. Sine
causa enim loco se humiliat qui corde se praefert: aliquis enim iactator
audiens laudabile esse in ultimo loco discumbere, discumbit post omnes, et
non solum iactantiam cordis non dimittit, sed adhuc aliam iactantiam
humilitatis acquirit, ut qui vult videri iustus, et humilis videatur. Multi
enim superbi corpore quidem in novissimo recumbentes, cordis autem elatione
videntur sibi in capite recumbere; et multi sunt humiles in capite
recumbentes, et conscientia se in ultimo esse existimant. Chrysostomus in Matth. Intende ubi in eis vana
gloria dominabatur: in synagogis scilicet, in quas intrabant alios directuri:
in coenis hoc pati qualitercumque tolerabile erat, quamvis doctorem in
admiratione esse oporteat, non in Ecclesia solum, sed ubique. Si autem
diligere talia est incusatio, quam malum est studere ut his aliquis potiatur?
Chrysostomus super Matth. Primas etiam
salutationes amant, non solum in tempore, ut eos primum salutemus, sed etiam
in voce, ut clamantes dicamus: ave, Rabbi; et in corpore, ut flexis capitibus
eis incurvemur; et in loco, ut in publico salutentur: unde dicit et
salutationes in foro. Rabanus. Quamvis in hoc culpa non careant, si
iidem in foro litibus interesse qui in cathedra Moysi magistri synagogae
cupiunt appellari, et vocari ab hominibus Rabbi. Chrysostomus super Matth. Idest, vocari
volunt, et non esse: nomen appetunt, et officium negligunt. Origenes in Matth. In Ecclesia etiam Christi
inveniuntur mensarum suscipientes primatum, ut diacones fiant: consequenter
autem primas cathedras eorum qui dicuntur presbyteri, praeripere ambiunt;
quidam autem machinantur ut episcopi vocentur ab hominibus, hoc est Rabbi.
Christi autem discipulus diligit quidem in spiritualibus coenis recubitus
primos, ut meliora spiritualium ciborum manducet; diligit etiam cum apostolis
sedentibus super duodecim thronos, primas cathedras, actibus bonis dignum se
praebere festinans cathedris huiusmodi; sic autem et salutationes diligit
quae fiunt in nundinis caelestibus, idest caelestibus primitivorum
congregationibus. Vocari autem Rabbi neque ab hominibus, neque ab aliquo alio
diligit iustus, quia unus est magister omnium; unde subdit vos autem nolite
vocari Rabbi. Chrysostomus in Matth. Vel aliter.
Praemissorum, de quibus Pharisaeos incusaverat, alia quidem sicut parva et
vilia praetermisit, quasi discipulis de his instrui non indigentibus; sed
quod erat omnium malorum causa, idest thronum appetere magistralem, hoc in
medium ducit ad discipulos instruendum: unde subdit vos autem nolite vocari
Rabbi: unus est enim magister vester. Chrysostomus super Matth. Quasi dicat nolite
vocari Rabbi, ne quod Deo debetur, vobis praesumatis. Nolite et alios vocare
Rabbi, ne divinum honorem hominibus deferatis. Unus est enim magister omnium,
qui omnes homines naturaliter docet. Si enim homo hominem erudiret, omnes
homines discerent qui habent doctores; nunc autem quia non homo docet, sed
Deus, multi quidem docentur, pauci autem discunt. Non enim homo intellectum praestat homini docendo, sed a Deo
praestitum per admonitionem exercet. Hilarius in Matth. Et
ut meminerint discipuli se filios parentis unius, et per novae nativitatis
generationem terreni ortus excessisse primordia, subdit omnes autem vos
fratres estis. Hieronymus contra Helvidium. Omnes autem
homines affectu fratres dici possunt: quod in duo dividitur: in speciale et
commune. In speciale, quia omnes Christiani fratres vocantur; porro in
commune, quia omnes homines ex uno patre nati, pari inter nos germanitate
coniungimur. Sequitur et patrem nolite vocare vobis super terram. Chrysostomus super Matth. In mundo enim,
quamvis homo hominem generat, tamen unus est pater qui omnes creavit. Non
enim initium vitae habemus ex parentibus, sed transitum vitae per eos
accipimus. Origenes in Matth. Sed quis non vocat patrem
in terris? Qui per omnem actum secundum Deum impletum dicit: pater noster,
qui es in caelis. Glossa. Quia vero apparebat quis esset omnium
pater, in hoc quod dixerat qui es in caelis, vult exponere quis sit omnium
magister: unde praeceptum de magistro iterum repetit, dicens ne vocemini
magistri, quia magister vester unus est: Christus. Chrysostomus in Matth. Non tamen, dum dicitur
Christus magister, excluditur pater; sicut neque ex hoc quod Deus pater
noster dicitur, hominum pater excluditur Christus. Hieronymus contra Helvidium. Quaeritur autem
quare adversum hoc praeceptum apostolus doctorem gentium se esse dixerit, aut
quomodo in monasteriis vulgato sermone se invicem patres vocant. Quod sic
solvitur. Aliud est esse natura patrem, vel magistrum, aliud indulgentia. Nos
si hominem patrem vocamus, honorem aetati deferimus, non auctorem nostrae
ostendimus vitae. Magister enim dicitur ex consortio veri magistri: et ne
infinita replicem, quomodo unus per naturam Deus, et unus filius non praeiudicat
ceteris, ne per adoptionem dii vocentur et filii, ita et unus pater et
magister non praeiudicat aliis ut abusive vocentur et patres et magistri.
Chrysostomus in Matth. Non solum autem dominus
primatus cupere prohibet, sed ad contrarium auditorem inducit; unde subdit
qui maior est vestrum, erit minister vester. Origenes in Matth. Vel aliter. Et si ministrat
quis verba divina, sciens quia Christus in eo fructificat, nequaquam se
magistrum, sed ministrum profitetur; unde sequitur qui maior est vestrum,
erit minister vester: quoniam et ipse Christus cum esset vere magister,
ministrum se esse professus est, dicens ego sum in medio vestrum, quasi qui
ministrat. Bene autem post omnia quibus vanae gloriae vetavit
concupiscentiam, addidit dicens qui autem se exaltaverit, humiliabitur; et
qui se humiliaverit, exaltabitur. Remigius. Quod sic intelligitur. Omnis qui se
de suis meritis extollit, apud Deum humiliabitur; et qui se de beneficiis
humiliat, apud Deum exaltabitur. |
Versets
5-12.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 72.)
Après avoir accusé les scribes et les pharisiens de cruauté et tout à la fois
de négligence, il leur reproche leur amour de la vaine gloire, qui a été la
cause de leur éloignement de Dieu, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Ils font toutes leurs oeuvres pour être
vus des hommes ». — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Toute chose créée donne naissance à ce qui doit la faire périr :
ainsi le bois donne naissance au ver, et la laine à la teigne. C’est
pourquoi, le démon s’efforce de corrompre le ministère des prêtres qui sont
établis pour former les peuples à la sainteté, afin de tourner en mal le bien
qu’ils font, en leur donnant pour unique motif la gloire qui vient des
hommes. Faites disparaître ce vice du milieu du clergé et vous retrancherez
facilement tous les autres, car c’est le vice qui rend si difficile la
pénitence aux prêtres coupables. Or le Seigneur veut nous apprendre la raison
qui les a empêchés de croire au Christ : c’est qu’il font tout pour être vus
des hommes, car il est impossible de croire au Christ, qui n’annonce que les
biens du ciel, alors qu’on recherche la gloire toute terrestre qui vient des
hommes. J’ai lu l’interprétation suivante de ce passage : Les scribes et les
pharisiens, tout indignes qu’ils en étaient, ont été établis sur la chaire de
Moïse, c’est-à-dire ont été revêtus de la même dignité et du même honneur ;
ils expliquaient aux autres la loi qui annonçait l’avènement du Christ, et
ils refusaient de le recevoir lorsqu’il était sous leurs yeux. C’est pour
cela que le Seigneur exhorte le peuple a écouter la loi qu’ils enseignaient,
c’est-à-dire à croire au Christ que prédisait la loi, et à ne pas imiter
l’incrédulité des scribes et des pharisiens ; et il donne la raison pour
laquelle, tout en annonçant d’après la loi l’avènement du Christ, eux-mêmes
ne croyaient pas en lui, c’est qu’ils faisaient toutes leurs oeuvres pour
être vus des hommes, c’est-à-dire qu’ils n’annonçaient pas la venue du Christ
par le désir qu’ils avaient de son avènement, mais pour paraître les docteurs
de la loi aux yeux des hommes. — Origène : Ils font leurs oeuvres afin d’être vus des hommes, en se soumettant à la circoncision extérieure, en faisant disparaître, en présence de. tous, les choses fermentées de leurs maisons, et en agissant ainsi à l’égard de toutes les autres observances, tandis que les disciples de Jésus-Christ accomplissent la loi en secret, et sont ainsi comme ces Juifs intérieurs dont parle l’apôtre saint Paul (Rm 4, 28.29). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 72.)
Observez ici avec quelle intention bien marquée le Seigneur leur adresse ce
reproche, car il ne dit pas simplement : « Ils font leurs oeuvres pour
être vus des hommes », mais «
toutes leurs oeuvres. » Il montre ensuite que cette vaine gloire s’attachait,
non pas à des choses importantes, mais à de misérables observances : « Ils élargissent leurs phylactères et
allongent leurs franges ». — Saint Jérôme : Lorsque le Seigneur
eut donné à son peuple la loi par Moïse, il termina en disant : « Vous lierez mes commandements comme un
signe dans votre main, et ils seront toujours devant vos yeux » ; voici
le sens de cette prescription : que mes commandements soient toujours
dans vos mains par votre fidélité à les accomplir ; qu’ils soient toujours
devant vos yeux, comme le sujet de votre méditation le jour et la nuit (Dt
4). Les pharisiens, par suite d’une fausse interprétation de ces paroles,
écrivaient sur des feuilles de parchemin les paroles du Décalogue de Moïse [ou
les dix commandements] ; ils les pliaient ensuite et se les attachaient au
front ou autour de la tête comme une espèce de couronne, afin de les avoir
sans cesse sous les yeux. Moïse avait encore ordonné aux Israélites de mettre
des franges de couleur hyacinthe aux quatre coins de leurs manteaux, pour
distinguer ainsi le peuple Juif des autres nations par les vêtements, comme
il l’était dans son corps par la circoncision. Mais ces docteurs
superstitieux, pour gagner la faveur populaire et tirer l’argent des bonnes
femmes, se faisaient de grandes franges et y plaçaient des épines très
aiguës, de manière à en être piqués de temps en temps lorsqu’ils marchaient
ou s’asseyaient, et à être ainsi rappelés par ce souvenir à la pensée du
service de Dieu. Ils appelaient phylactères ces larges bandes, mot qui
revient à celui de conservateurs, parce que ceux qui les portaient s’en
faisaient comme une armure et un rempart qui les protégeaient. Les pharisiens
ne comprenaient pas que c’est dans le cœur et non sur le corps qu’ils
auraient dû porter ces souvenirs. Les armoires et les coffres ont-ils la
connaissance de Dieu, parce qu’ils tiennent renfermés les livres ou se puise
cette connaissance ? — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il en est un grand nombre qui, à l’exemple des pharisiens, imaginent
certains noms hébreux des anges, qu’ils écrivent et qu’ils lient autour
d’eux, ce qui paraît redoutable à ceux qui n’y comprennent rien. D’autres
portent autour de leur cou une partie de l’Évangile ; mais est-ce que tous
les jours l’Évangile n’est pas lu et entendu dans l’église par tous les
fidèles ? Or, si l’Évangile ne sert de rien à ceux qui l’écoutent, comment
peut-il sauver ceux qui se contentent de le porter autour du cou ? car enfin
où réside la vertu de l’Évangile ? Est-ce dans la forme des lettres ou dans
l’intelligence des sens multipliés qu’il renferme ? Si c’est dans la forme
des lettres, vous faites bien de le porter suspendu autour de votre cou ;
mais, si c’est dans l’intelligence des sens, il vous sera bien plus utile de
le porter dans votre cœur que de le suspendre autour de votre cou. D’autres
entendent ce passage dans ce sens que les pharisiens développaient
continuellement leur doctrine sur leurs observances particulières, et qu’ils
les présentaient continuellement au peuple comme des phylactères
(c’est-à-dire des choses conservatrices de la doctrine du salut). Les franges
développées de leurs robes sont les parties les plus excellentes de ces mêmes
préceptes. — Saint Jérôme : Après leur avoir
reproché de porter des phylactères plus larges et des franges plus longues
que les autres, parce qu’ils désirent être glorifiés par les hommes, le Seigneur
passe à d’autres chefs : « Ils aiment
les premières places dans les festins, et les premiers sièges dans les
synagogues ». — Raban : Remarquez qu’il ne défend pas de recevoir le salut sur
les places publiques, ou d’occuper les premières places dans les assemblées
ou dans les festins à ceux à qui ces honneurs sont dus en raison de leur
dignité ou de leur position ; mais qu’il blâme seulement ici ceux qui exigent
outre mesure des fidèles ces marques d’honneur, qu’ils y aient droit ou non,
et leur reproche de donner en cela un mauvais exemple qu’il faut éviter. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il ne blâme pas ceux qui occupent la première place, mais ceux qui
aiment les premières places, et ses reproches tombent, non sur le fait, mais
sur la volonté, car c’est bien inutilement qu’on s’humilierait en prenant la
dernière place, si intérieurement on se croit digne de la première. Voici par
exemple un homme plein de vanité qui a entendu dire qu’il était louable de
prendre la dernière place, et qui s’y asseoit en effet ; non seulement il ne
renonce pas à la vanité, mais il y ajoute encore la prétention à l’humilité,
c’est-à-dire qu’il veut paraître juste et humble tout à la fois. Il y a
beaucoup d’orgueilleux qui, de fait, sont assis à la dernière place, mais
qui, par l’enflure de leur âme, vont s’asseoir à la première, de même qu’il
en est beaucoup qui occupent les premières places, et qui, par leurs sentiments
d’humilité, ne se croient dignes que de la dernière. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 72).
Or, considérez dans quels endroits ils se laissent dominer par la vaine
gloire, c’est dans les synagogues où ils entraient pour diriger les autres.
Cette prétention aurait pu être supportable en quelque sorte dans les
festins, quoique celui qui est chargé d’enseigner les autres doive être un
objet d’édification, non seulement dans l’église, mais partout où il se
trouve. Or, si l’on est coupable d’aimer ces distinctions, combien plus
l’est-on de chercher tous les moyens de les obtenir. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ils aiment qu’on les salue les premiers, parce qu’ils désirent qu’on
les prévienne, qu’on exprime ce salut à haute voix, en disant : « Je vous
salue, maître, » qu’on y ajoute les marques extérieures du respect en
inclinant la tête, et qu’on choisisse le lieu en les saluant sur les places
publiques. « et ils aiment, dit
Notre-Seigneur, être salués sur les
places publiques. » — Raban : Ils sont d’ailleurs coupables encore de se mêler aux
disputes de la place publique, eux qui, assis sur la chaire de Moïse,
ambitionnent le titre de docteur dans la synagogue et qui veulent être
appelés maîtres par les hommes. — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
Ils veulent être appelés maîtres, mais ils se soucient peu de l’être en
réalité. Ils désirent en porter le nom, mais ils en négligent les fonctions. — Origène : Jusque
dans l’Église de Jésus-Christ, il en est qui désirent l’intendance des
tables, et qui cherchent à se faire nommer diacres. Ils en viennent bientôt
jusqu’à ambitionner les premières chaires, qui appartiennent aux prêtres, et
quelques-uns même ont recours aux intrigues pour obtenir des hommes le titre
d’évêque, c’est-à-dire celui de maître. Or le disciple de Jésus-Christ aime
aussi les premières places, mais dans les festins spirituels, pour s’y
nourrir des meilleurs mets spirituels ; il aime encore les premières chaires,
mais en compagnie des apôtres, qui sont assis sur douze trônes, et il
s’efforce de s’en rendre digne par ses bonnes oeuvres. Il aime enfin à être
salué, mais dans la grande réunion du ciel, c’est-à-dire dans l’assemblée des
premiers-nés qui sont assis dans le ciel (He 12, 22) ; mais le vrai juste ne
désire être appelé maître ni par les hommes, ni par aucun autre, parce qu’il
n’y a qu’un seul maître de tous les hommes : « Pour vous, ne vous faites pas appeler maîtres. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 72.)
Autre interprétation : Parmi les différents chefs d’accusation que le Seigneur
a formulés plus haut contre les pharisiens, il passe sous silence ceux qui
étaient les moins importants, et contre lesquels les disciples avaient moins
besoin d’être prémunis ; mais il s’attache à mettre en avant, pour leur
instruction, ce qui était la source de tous les autres vices, l’ambition
d’occuper la chaire des docteurs ; et c’est pour cela qu’il leur dit : « Pour vous, ne vous faites pas appeler
maîtres, car il n’est pour vous qu’un seul maître. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Comme s’il disait : Ne vous faites pas appeler maîtres, pour ne
pas usurper ce qui n’appartient qu’à Dieu ; ne donnez pas non plus ce nom de
maître aux autres hommes, pour ne pas leur attribuer l’honneur qui n’est dû
qu’à Dieu. Il n’y a qu’un seul maître de tous les hommes, celui qui les
enseigne tous par la voix de la nature. Si c’était l’homme qui instruit
l’homme, tous ceux qui suivent les enseignements des maîtres apprendraient
facilement, mais ce n’est pas l’homme qui enseigne, c’est Dieu. Aussi en
est-il beaucoup qui reçoivent les leçons de l’homme, mais peu qui deviennent
instruits, car ce n’est pas l’homme qui, par son enseignement, donne
l’intelligence, il ne fait qu’exercer par sa parole l’intelligence qu’on a
reçue de Dieu. — Saint Hilaire : (can. 74.) Et afin
que ses disciples se rappellent qu’ils sont les enfants d’un seul et même
Père, et que la grâce de leur nouvelle naissance les a élevée au-dessus de
leur origine terrestre, le Seigneur ajoute : « Vous êtes tous frères. » — Saint Jérôme : (contre Helvid.) Or, on peut donner par
affection ce nom de frères à tous les hommes, ce qui peut se faire de deux
manières : en particulier, pour les chrétiens qui sont tous frères entre eux
; et, en général, pour tous les hommes, car, étant tous nés d’un même père,
nous sommes tous unis par les liens de la fraternité. Suite : « N’appelez aussi personne sur la terre
votre père ». — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Quoique sur la terre ce soit l’homme qui donne naissance à l’homme,
cependant il n’y a qu’un seul Père qui nous a tous créés, car ce n’est pas le
principe de la vie, mais la simple transmission de la vie que nous recevons
de nos parents. — Origène : Mais
quel est celui qui ne donne à personne le nom de Père sur la terre ? Celui
qui par toutes ses actions accomplies selon la volonté de Dieu lui dit : « Notre Père qui êtes dans les cieux. » — La Glose : Notre-Seigneur
venait de leur enseigner clairement quel était le Père de tous les hommes,
par ces paroles : « qui est dans les
cieux » ; il veut également leur apprendre quel est le maître de
tous les hommes, et c’est pour cela qu’il répète de nouveau ce commandement :
« Qu’on ne vous appelle point non plus
maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, qui est le Christ » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 72.)
Il dit que le Christ est le seul maître, non point par exclusion du Père, pas
plus que ce n’est par exclusion du Fils qu’il appelle Dieu le Père le seul
père de tous les hommes. — Saint Jérôme : On se demande
comment, contrairement à ce précepte, l’Apôtre s’est appelé lui-même le
docteur des nations (1 Tm 2), et pourquoi aussi, dans les monastères, les
religieux, dans le langage ordinaire, se donnent réciproquement le nom de
pères. Voici la solution de ce problème : il y a deux manières différentes
d’être père ou maître : l’une par nature, l’autre par condescendance. C’est
ainsi qu’en donnant à un homme le nom de père nous honorons son âge, sans le
reconnaître pour l’auteur de nos jours. Nous l’appelons également maître, à
cause de son union avec le véritable Maître, et, pour ne pas me répéter à
l’infini, de même qu’un seul Dieu et un seul Fils de Dieu par nature
n’empêchent pas que les hommes soient appelés dieux ou enfants de Dieu par
adoption, de même un seul Père et un seul Maître ne font pas obstacle à ce
que le nom de pères et de maîtres soit donné aux hommes par extension. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 72.)
Le Seigneur ne se contente pas de défendre d’ambitionner les premières
places, mais il veut faire entrer ceux qui l’écoutent dans une voie tout
opposée, en ajoutant : « Celui qui est
le plus grand parmi vous sera le serviteur des autres. » — Origène : Ou
bien encore : Celui qui distribue la parole de Dieu, et qui sait à n’en
pouvoir douter que c’est Jésus-Christ qui la rend féconde, se considère non
pas comme maître, mais comme serviteur. C’est pour cela qu’il ajoute : « Celui qui est le plus grand parmi vous
sera votre serviteur », car Jésus-Christ lui-même, qui était
véritablement maître, n’a-t-il pas déclaré qu’il était serviteur en ces
termes : « Je suis au milieu de vous
comme celui qui sert » (Lc 22) ? Or, il termine admirablement tous ses
enseignements qui proscrivent l’amour de la vaine gloire par ces paroles « Car quiconque s’élèvera sera abaissé, et
quiconque s’humiliera sera élevé. » — Saint Rémi : Paroles dont voici le sens : Tout homme qui s’enorgueillit de ses propres mérites sera humilié devant Dieu, et celui qui ne se glorifie que des grâces qu’il a reçues de Dieu sera élevé aux yeux de Dieu. |
Lectio 3 [85559] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 3 Origenes in Matth. Christus quasi vere
filius Dei illius qui legem dedit, secundum similitudinem benedictionum quae
sunt in lege, dixit et ipse beatitudines eorum qui salvantur; secundum
similitudinem autem maledictionum positarum in lege, ponit vae adversus
peccatores, dicens vae vobis, Scribae et Pharisaei hypocritae. Qui fatentur
bonitatis esse adversus peccatores ista pronuntiare, intelligant quia simile
est propositum Dei in maledictionibus legis; sive autem illa maledictio, sive
istud vae, non ex pronuntiante contingit peccanti, sed ex peccatis, quibus
dignum se praebet ad susceptionem istorum, quae Deus disciplinae causa
praenuntiavit, ut convertantur homines ad bonum: sicut pater increpans
filium, profert verba maledictionis; nec tamen vult illum dignum fieri
maledictionibus illis, sed magis ab eis divertere. Huius
autem vae causam subdit: qui clauditis regnum caelorum ante homines; vos
autem non intratis, nec introeuntes sinitis intrare. Haec duo praecepta naturaliter inseparabilia sunt: quoniam hoc ipsum
sufficit ad expulsionem quod alios non permittit intrare. Chrysostomus super Matth. Regnum
caelorum dicuntur Scripturae, quia in illis insitum est regnum caelorum:
ianua est intellectus earum. Vel regnum caelorum est beatitudo caelestis;
ianua autem est Christus, per quem introitur in eam. Clavicularii
autem sunt sacerdotes, quibus creditum est verbum docendi et interpretandi
Scripturas; clavis autem est verbum scientiae Scripturarum, per quam aperitur
hominibus ianua veritatis. Apertio autem eius est interpretatio vera. Vide
autem, quia non dixit vae vobis qui aperitis, sed qui clauditis; ergo non
sunt Scripturae clausae, licet sint obscurae. Origenes. Pharisaei ergo et Scribae nec
intrabant, nec eum volebant audire qui dixit: si quis per me introierit,
salvabitur; et nec intrantes, idest eos qui credere poterant propter ea quae
a lege et prophetis ante fuerant declarata de Christo, introire sinebant, cum
omni terrore ianuam claudentes; adhuc derogabant doctrinae eius, et
subvertebant omnem propheticam Scripturam de eo, et blasphemabant omne opus
ipsius quasi falsum et a Diabolo factum. Sed et omnes qui mala conversatione
sua dant exemplum peccandi in populo; et qui faciunt iniuriam, scandalizantes
pusillos, claudere videntur ante homines regnum caelorum. Et hoc peccatum
invenitur quidem in popularibus, maxime autem in doctoribus, qui docent quod
decet secundum iustitiam Evangelii homines, non autem faciunt quod docent.
Bene autem viventes et bene docentes aperiunt hominibus regnum caelorum; et
dum ipsi intrant, alios provocant introire. Sed et multi non permittunt
intrare in regnum caelorum intrare volentes, quando et sine ratione
excommunicant quosdam propter aliquem zelum, qui meliores sunt quam ipsi; et
ipsi quidem non permittunt eos introire. Illi autem qui sobrii sunt mente,
patientia sua tyrannidem eorum vincentes, quamvis vetiti, tamen intrant et
hereditant regnum. Sed et qui cum multa temeritate seipsos dederunt ad
professionem docendi priusquam discerent, et Iudaicas fabulas imitantes,
detrahunt eis qui ea quae sursum sunt in Scripturis requirunt, claudunt
quantum ad se ante homines regnum caelorum. |
Versets
13.
— Origène : (Traité 25 sur S. Matth.)
Jésus-Christ, comme le vrai Fils de Dieu qui avait donné la loi, pour imiter
les bénédictions qui terminent la publication de la loi, a proclamé aussi les
béatitudes de ceux qui parviennent au salut ; de même ici, pour imiter les
malédictions qui se trouvent également dans la loi, il prononce des
malédictions contre les pécheurs (cf. Dt 28, 3-6) : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! » Que ceux
qui sont obligés d’avouer que ces malédictions prononcées ici contre les
pécheurs sont un effet de la bonté de Dieu, comprennent que les malédictions
de la loi n’ont point d’autre cause. Quelle que soit la malédiction, ce n’est
pas celui qui prédit ces malheurs qui fait que les pécheurs les encourent ;
mais ce sont leurs péchés qui les rendent dignes des châtiments que Dieu leur
prédit pour les ramener au bien. C’est ainsi qu’un père qui reprend son fils
a souvent des paroles de malédiction à la bouche, non qu’il désire que son
fils s’en rende digne par ses vices, mais parce qu’il veut au contraire les
détourner de dessus sa tête. Or, Notre-Seigneur donne la raison de cette
malédiction : « Parce que vous fermez
le royaume des cieux, vous-mêmes en effet n’entrez pas, et vous ne laissez
pas entrer ceux qui sont susceptibles d’entrer.» Ces deux choses sont par
nature indis-solublement unies, et il suffit, pour être exclu du royaume des
cieux, qu’on empêche les autres d’y entrer. — Saint
Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Le royaume des cieux ce sont les
Écritures, qui contiennent la science du royaume des cieux ; la porte des
cieux c’est l’intelligence qui les fait comprendre. Ou bien, le royaume des
cieux c’est le bonheur du ciel ; la porte c’est Jésus-Christ, par lequel on
entre dans ce bonheur ; les portiers ce sont les prêtres, qui ont reçu le
pouvoir d’enseigner et d’interpréter les Écritures ; la clef c’est la science
des Écritures, science qui ouvre aux hommes la porte de la vérité ; ouvrir
cette porte c’est interpréter les Écritures dans leur sens véritable. Or,
remarquez qu’il ne dit pas : « Malheur à vous, qui ouvrez » mais « qui fermez ». Donc les
Écritures ne sont pas fermées, bien qu’elles renferment des obscurités.
— Origène : (traité 25.) Les pharisiens et les scribes n’entraient donc pas, ni ne voulaient écouter celui qui a dit : « Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé. » Et non seulement ils n’entraient pas, mais ils ne laissaient pas entrer ceux qui auraient pu croire aux prédictions que la loi et les prophètes avaient pu faire sur le Christ, et ils leur fermaient la porte en leur inspirant la plus grande terreur. Ils contestaient l’autorité de sa doctrine, dénaturaient le sens des prophéties dont il était l’objet, et blasphémaient toutes ses actions comme l’oeuvre du mensonge et du démon. Or, tous ceux qui, par leur mauvaise conduite, donnent au peuple l’exemple de la transgression, et qui, par leurs scandales, causent aux faibles un tort irréparable, ferment, semble-t-il, aux hommes le royaume des cieux. Ce péché se rencontre parmi les simples fidèles, mais surtout parmi les docteurs qui enseignent en toute justice la saine doctrine de l’Évangile, mais qui sont loin de pratiquer ce qu’ils enseignent. Ceux, au contraire, qui vivent correctement et enseignent correctement ouvrent aux hommes le royaume des cieux, et en y entrant les premiers ils excitent les autres à y entrer à leur suite. Mais il en est beaucoup qui, tout en voulant entrer dans le royaume des cieux, ne permettent pas aux autres d’y entrer avec eux : ce sont ceux qui, sans raison, et par un sentiment de jalousie, excommunient ceux qui valent mieux qu’eux, et qui, par cette conduite, ne leur permettent pas l’entrée de ce royaume. Mais ceux qui savent contenir leur âme dans la modération, triomphent de cette tyrannie par leur patience, et quoiqu’on les écarte, ils entrent et possèdent l’héritage du royaume. Il n’en est pas moins vrai que ceux qui, par un excès de témérité, se sont donné la mission d’enseigner avant d’avoir appris, et qui se traînent à la suite des fables juives, en décriant ceux qui s’appliquent à découvrir le sens relevé des Écritures, ferment aux hommes, autant qu’il est en eux, la porte du royaume des cieux. |
Lectio 4 [85560] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 4 Chrysostomus in Matth. De
reliquo dominus de gula eos reprehendit: et quod deterius est, quoniam non a
divitibus, sed a viduis accipiebant unde ventrem implerent; et illorum
inopiam conterebant quam relevare oportebat; unde dicitur vae vobis, Scribae
et Pharisaei hypocritae, qui comeditis domos viduarum. Glossa. Idest, qui vestra superstitione nihil
intenditis nisi ut praedam de subiecta plebe faciatis. Chrysostomus super Matth. Sexus autem mulierum
incautus est, quia non omnia quae videt aut audit, cum ratione considerat;
mollis etiam est, quia facile flectitur vel de malo ad bonum, vel de bono ad
malum. Virilis autem sexus et cautior et durior est. Propterea simulatores
sanctitatis circa mulieres maxime negotiantur: quia nec intelligere eorum
simulationes possunt, et facile ad eorum dilectionem inclinantur religionis
causa. Praecipue tamen circa viduas negotiantur: primo quidem quia mulier non
facile decipitur habens consiliarium virum; deinde quia non facile de
facultatibus suis aliquid dant, cum sint in potestate viri. Propterea ergo
dominus, dum Iudaicos sacerdotes confundit, Christianos monet ne viduis
mulieribus amplius commorentur quam ceteris: quia etsi voluntas mala non sit,
tamen suspicio mala est. Chrysostomus in Matth. Deinde et huius rapinae
modus erat gravior: additur enim orationes longas orantes. Quicumque enim
malum facit, dignus est poena; sed qui a religione causam accipit nequitiae,
graviori est obnoxius poenae: unde sequitur propter hoc amplius accipietis
iudicium. Chrysostomus super Matth. Primum quidem pro eo
quod estis iniqui; alterum pro eo quod figmentum accipitis sanctitatis:
avaritiam enim vestram, religionis colore depingitis; et quasi praestatis
Diabolo arma Dei, ut ametur iniquitas, dum pietas aestimatur. Hilarius in Matth. Vel quia hinc
procedit regni caelestis observatio, ut in obeundis viduarum domibus
retineatur ambitio; ideo accipient amplius iudicium, quia poenam proprii peccati
et reatum alienae ignorantiae debebunt. Glossa. Vel quia servus sciens et non faciens,
vapulabit multis. |
Verset 14.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 73.)
Notre-Seigneur, [poursuivant ses invectives contre les pharisiens], leur
reproche leur voracité, et ce qui est plus affreux encore, d’arracher, non
pas aux riches, mais aux veuves, de quoi satisfaire leurs appétits, et
d’aggraver ainsi l’indigence qu’ils auraient dû soulager. « Malheur à vous, scribes et pharisiens,
qui dévorez les maisons des veuves ». — La Glose : C’est-à-dire,
malheur à vous qui n’avez d’autre but dans votre superstition que de vous
enrichir en dépouillant le peuple sur lequel vous dominez. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Les femmes sont généralement imprudentes, et ne pèsent pas avec la
raison tout ce qu’elles voient ou tout ce qu’elles entendent. Elles sont, de
plus, faibles, et tournent facilement du bien au mal, ou du mal au bien. Les
hommes sont plus prudents et plus fermes ; aussi les hypocrites qui affectent
les dehors de la sainteté, cherchent surtout à exploiter les femmes, parce
qu’elles sont incapables de découvrir leurs ruses hypocrites, et suivent en
aveugles leur direction par un motif de religion. Mais c’est principalement
des veuves qu’ils trafiquent, d’abord parce qu’une femme est moins facile à
tromper lorsqu’elle a son mari pour conseiller, et qu’ensuite étant en
puissance de mari, elle ne peut disposer aussi facilement de ses biens. Or,
en couvrant ainsi de confusion les prêtres juifs, le Seigneur avertit les
prêtres chrétiens de n’avoir point de relations plus fréquentes avec les
veuves qu’avec les autres ; car si l’intention n’est pas mauvaise, cette
conduite autorise toujours les mauvais soupçons. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 73.)
Mais la manière dont ils exerçaient leurs rapines était bien plus coupable
encore : « en faisant de longues
prières. » Tout homme qui fait le mal est digne de châtiment, mais celui
qui cherche à couvrir du voile de la religion le mal qu’il fait, mérite une
peine bien plus rigoureuse ; aussi le Seigneur ajoute : « C’est pour cela que vous serez jugés plus sévèrement. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) D’abord parce que vous êtes pleins d’iniquité, et parce qu’ensuite
vous vous couvrez du masque de la sainteté, et que vous colorez votre avarice
des apparences de la religion, et que vous remettez ainsi les armes de Dieu
entre les mains du démon, en faisant aimer l’iniquité sous le voile de la
piété. — Saint Hilaire : (can. 24.) Ou bien,
comme ils ferment l’entrée du royaume des cieux, en continuant à parcourir en
maîtres et à exploiter les maisons des veuves, ils subiront un jugement plus
rigoureux, parce qu’ils porteront la peine de leurs propres péchés et de
l’ignorance d’autrui. — La Glose : Ou bien, [ils seront condamnés plus sévèrement], parce que le serviteur qui connaît la volonté de son maître, et qui ne l’exécute point, sera frappé de plusieurs coups. (Lc 12.) |
Lectio 5 [85561] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 5 Chrysostomus in Matth. Post
praemissa, rursus eos dominus aliter incusat: et quia inefficaces sunt ad
multorum salutem, cum multo labore indigeant ut ad salutem unum convertant;
et quia non solum desides sunt circa eos quos convertunt, sed eorum etiam
destructores, dum eos corrumpunt pravae vitae exemplis: unde dicitur vae
vobis, Scribae et Pharisaei hypocritae, qui circuitis mare et aridam, ut
faciatis unum proselytum. Hilarius in Matth. Maris autem et terrae
peragratione significat in totius orbis finibus eos esse Christi Evangelio
obtrectaturos, et legis iugo contra iustificationem fidei aliquos subdituros.
Proselyti enim sunt ex gentibus in synagogam
recepti, quorum futurorum raritas in uno indicatur. Neque enim post Christi
praedicationem doctrinae eorum fides relicta est; sed quisquis acquisitus fuerit
ad fidem Iudaeorum, filius fit Gehennae. Origenes in Matth. Quicumque enim post
salvatorem iudaizant, docentur imitari affectum eorum qui dixerunt in illo
tempore: crucifige, crucifige eum; unde sequitur et cum factus fuerit,
facitis eum filium Gehennae duplo quam vos. Hilarius. Ideo autem poenae duplicatae
erit filius, quia neque sit remissionem peccatorum gentilium consecutus, et
societatem eorum qui Christum persecuti sunt, sit secutus. Hieronymus. Vel aliter. Scribae et
Pharisaei totum lustrantes orbem, id studii habebant, de gentibus facere
proselytum; idest, advenam incircumcisum miscere populo Dei. Chrysostomus super Matth. Non autem
propter misericordiam, volentes eum salvare quem docebant; sed aut propter
avaritiam, ut additis in synagogis Iudaeis, sacrificiorum adderetur oblatio;
aut propter vanam gloriam. Qui enim seipsum mergit in gurgite peccatorum,
quomodo alterum a peccatis velit eripere? Numquid magis misericors potest
alteri aliquis esse quam sibi? Ex ipsis ergo actibus
ostenditur qui propter Deum aliquem vult convertere, aut propter vanitatem. Gregorius Moralium. Quia vero hypocritae,
quamvis perversa semper operentur, loqui tamen recta non desinunt; bene
loquendo quidem in fide vel conversatione filios pariunt, sed eos bene vivendo
nutrire non possunt: quanto enim se libentius terrenis actibus inserunt,
tanto negligentius eos quos genuerant, agere terrena permittunt. Et quia
obduratis cordibus vivunt, ipsos etiam quos generant filios nulla pietate
debiti amoris agnoscunt: unde et hic hypocritis dicitur et cum fuerit factus,
facitis eum filium Gehennae duplo quam vos. Augustinus contra Faustum. Hoc autem, non quia
circumcidebantur, dixit; sed quia eorum mores imitabantur, a quibus imitandis
suos cohibuerat, dicens: super cathedram Moysi, et cetera. In quibus verbis
utrumque debet adverti: et quantus honor delatus sit doctrinae Moysi, in
cuius cathedra etiam mali sedentes, bona docere cogebantur; et inde fieret
proselytus filius Gehennae, non quidem verba legis audiendo, sed eorum facta
sectando. Propterea autem duplo quam illi, quia hoc negligebat implere quod
propria voluntate susceperat, non ex Iudaeis natus, sed sponte Iudaeus factus.
Hieronymus. Vel quia ante, dum esset gentilis,
simplicitate errabat, et erat semel filius Gehennae; videns autem magistrorum
vitia et intelligens destruere eos opere quod verbo docebant, revertitur ad
vomitum suum, et gentilis factus, quasi praevaricator maiori poena dignus
erat. Chrysostomus super Matth. Vel quia forte sub
cultura idolorum constitutus, vel propter homines iustitiam servabat; factus
autem Iudaeus, malorum magistrorum provocatus exemplo, fiebat peior magistris.
Chrysostomus in Matth. Cum enim virtuosus
fuerit magister, discipulus imitatur; cum autem fuerit malus, superexcedit. Filius autem vocatur Gehennae, quomodo filius
perditionis, et filius huius saeculi; unusquisque enim cuius opera facit,
huius filius appellatur. Origenes in Matth. Ex hoc autem loco discimus
quoniam et eorum qui in Gehenna futuri sunt, erit differentia tormentorum;
quando alter est simpliciter filius Gehennae, alter vero dupliciter. Sed et
hic videre oportet si generaliter est fieri aliquem filium Gehennae, ut puta
Iudaeum aut gentilem, aut etiam specialiter, ut per singulas species peccatorum
fiat quis filius Gehennae: ut iustus quidem secundum numerum iustitiarum
suarum augeatur in gloria, peccator autem secundum numerum peccatorum suorum
multiplicetur in Gehenna. |
Verset 15.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 73.)
A ces reproches, le Seigneur en ajoute encore d’autres, il accuse les
pharisiens d’être impuissants pour assurer le salut de la multitude,
puisqu’ils se donnent tant de mal pour convertir un seul homme, et non seulement
d’abandonner, mais de perdre ceux qu’ils ont convertis, en les corrompant par
les exemples de leur vie dépravée : «
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites qui parcourez la mer et la
terre pour faire un prosélyte » . — Saint Hilaire : Ils parcourent la
mer et la terre, c’est-à-dire qu’ils blasphèment en tous lieux du monde
l’Évangile de Jésus-Christ en soumettant quelques prosélytes au joug de la
loi par opposition à la justification qui vient de la foi. Ces prosélytes
étaient ceux qui passaient de l’idolâtrie à la synagogue, et dont cet unique
prosélyte dont parle le Seigneur, représente le petit nombre ; car, même
après la prédication de Jésus-Christ, il reste quelque chose de leur doctrine,
mais tout homme qui embrasse la foi des Juifs, devient un enfant de l’enfer. — Origène : Or,
tous ceux qui font profession de judaïsme depuis la venue du Sauveur,
apprennent à partager les sentiments de ceux qui s’écrièrent alors : « Crucifiez-le, crucifiez-le ! »
c’est pour cela qu’il ajoute : « Et
après qu’il est devenu votre prosélyte, vous faites de lui un fils d’enfer
deux fois plus que vous. » — Saint Hilaire : Il devient digne
d’une peine deux fois plus grande, et pour n’avoir pas reçu la rémission des
péchés qu’il a commis précédemment, et pour être entré dans la société des
persécuteurs de Jésus-Christ. — Saint Jérôme : Ou bien, le zèle des
pharisiens et des scribes à parcourir toute la terre, avait pour but de faire
un prosélyte parmi les Gentils, pour mêler un étranger incirconcis au peuple
de Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ils ne l’instruisaient pas dans un sentiment de miséricorde ou dans
le désir de le sauver, mais c’était par avarice, afin qu’il augmentât le
nombre de ceux qui fréquentaient la synagogue, et par là même le revenu des
sacrifices ; ou enfin par un motif de vaine gloire. Comment, en effet, celui
qui s’enfonce lui-même dans un abîme de péchés, voudrait-il délivrer un autre
de ses péchés ? Peut-on avoir plus de miséricorde pour autrui que pour
soi-même ? C’est donc par ses oeuvres qu’un homme prouve qu’il veut en
convertir un autre ou en vue de Dieu, ou par un motif de vanité. — Saint Grégoire : (Moral., 31, 7.)
Les hypocrites, dont la conduite est toujours mauvaise, ne laissent pas
d’enseigner une doctrine saine et d’engendrer, par là, des enfants à la foi
et à la pratique du bien, mais ils sont incapables de les nourrir par
l’exemple d’une vie vertueuse ; car plus ils s’identifient eux-mêmes volontiers
aux choses de la terre, plus aussi ils laissent tomber par leur négligence
ceux qu’ils avaient enfantés dans une vie toute terrestre, et c’est ainsi
qu’ayant le cœur endurci, ils ne donnent aux enfants qu’ils ont engendrés,
aucune marque de la tendresse qui leur est due. C’est pour cela que
Notre-Seigneur dit ici de ces hypocrites : « Et lorsque vous avez fait un prosélyte, vous en faites un fils de
l’enfer. » — Saint Augustin : (contre Faust, 16,
29.) Et cela, non parce que les prosélytes recevaient la circoncision, mais
parce qu’ils imitaient les moeurs corrompues de ceux dont le Seigneur avait
défendu à ses disciples de suivre les exemples par ces paroles : « Ils sont assis sur la chaire de Moïse, etc...
», paroles où nous voyons deux choses : d’un côté, l’honneur
extraordinaire qu’il rend à la chaire de Moïse, qui forçait pour ainsi dire
les docteurs corrompus qui y étaient assis, à enseigner la vérité ; et
de l’autre, malgré cela, la damnation du prosélyte qui devenait fils de
l’enfer, non pas en obéissant aux enseignements de la loi, mais en imitant la
conduite de ceux [qui l’instruisaient]. Or, il devient fils d’enfer deux fois
plus qu’eux, parce qu’il n’observait pas une loi qu’il avait embrassée de son
propre choix, n’étant pas juif par sa naissance mais l’étant devenu par sa
propre volonté. — Saint Jérôme : Ou bien dans un
autre sens, lorsqu’il était païen, son erreur était simple et il était, à un
seul titre, fils de l’enfer ; mais maintenant qu’il voit les moeurs
dépravées de ceux qui sont devenus les maîtres, il comprend qu’ils détruisent
par leur conduite la force de leurs enseignements, et retourne à ce qu’il
avait rejeté, redevient païen et prévaricateur, et digne d’un châtiment plus
rigoureux. — Saint Jean Chrysostome : sur S.
Matth.) Ou bien encore, peut-être que lorsqu’il suivait le culte des idoles,
il pratiquait la justice au moins pour des motifs humains, tandis qu’étant
devenu juif, il est entraîné par les exemples de ses maîtres pervers, et
devient plus mauvais qu’eux. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 73.)
En effet, lorsqu’un maître est vertueux, ses disciples imitent ses vertus,
mais s’il leur donne l’exemple du mal, ils vont plus loin que lui dans la
carrière du vice. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Ce prosélyte est appels fils
de l’enfer comme on dit : fils de perdition, fils de ce siècle. Tout homme
est appelé fils de celui dont il fait les oeuvres. — Origène : Ce passage nous apprend qu’il y aura une différence dans les tourments de ceux qui tomberont dans les enfers, puisque l’un est appelé simplement fils de l’enfer, et l’autre, fils de l’enfer deux fois plus que lui. Or, il faut considérer si l’on ne devient pas fils de l’enfer en général (comme le Juif ou le Gentil), ou en particulier par les différentes espèces de péchés, de telle sorte, que d’un côté le juste verrait sa gloire s’augmenter en proportion du nombre de ses bonnes oeuvres, et le pécheur ses supplices se multiplier selon la multitude de ses péchés. |
Lectio 6 [85562] Catena in Mt., cap. 23 l. 6 Hieronymus.
Sicut in phylacteriis et fimbriis dilatatis opinio sanctitatis captabat
gloriam, et per occasionem gloriae quaerebant lucra, sic alia traditionis
fraude inventa, impietatis arguit transgressores. Si quis enim in
contentione, seu in aliquo iurgio, vel in causae ambiguo, iurasset in templo,
et postea convictus esset mendacii, non tenebatur criminis: et hoc est quod
dicit vae vobis, duces caeci, qui dicitis: quicumque iuraverit per templum,
nihil est; quasi dicat: nihil debet. Sin autem iurasset in auro et pecunia,
quae in templo sacerdotibus offerebatur, statim id in quo iurabat, cogebatur
exsolvere: unde sequitur qui autem iuraverit in auro templi, debet vel
debitor est. Chrysostomus super Matth. Templum quidem
ad gloriam Dei pertinet, et ad hominum spiritualem salutem; aurum autem
templi, etsi ad gloriam Dei pertineat, tamen magis ad delectationem hominum
et ad utilitatem sacerdotum offertur. Iudaei ergo aurum quo ipsi
delectabantur, et dona quibus pascebantur, sanctiora dicebant esse quam ipsum
templum: ut homines promptiores facerent ad offerenda dona quam ad preces
fundendas in templo. Unde convenienter reprehendit dominus,
dicens stulti et caeci: quid enim maius est: aurum, an templum, quod
sanctificat aurum? Multi autem nunc Christiani sic insipienter intelligunt.
Ecce enim si aliqua causa fuerit, modicum videtur facere qui iurat per Deum;
qui autem iurat per Evangelium, maius aliquid fecisse videtur. Quibus
similiter dicendum est stulti et caeci: nam Scripturae propter Deum scriptae
sunt, non Deus propter Scripturas. Maior ergo est Deus, qui sanctificat
Evangelium, quam Evangelium quod sanctificatur ab eo. Hieronymus. Rursus si quis iurasset in altari,
periurii reum nemo retinebat; si autem iurasset in dono vel in oblationibus,
hoc est in hostia, vel in victimis, in simila, et ceteris quae offeruntur Deo
super altare; hoc studiosissime repetebant. Totum autem faciebant non ob Dei
timorem, sed ob divitiarum cupiditatem: unde sequitur et qui iuraverit in
altari, nihil est; qui autem iuraverit in dono quod super illud est, debet.
Arguit enim eos dominus stultitiae et fraudulentiae: quod multo maius sit
altare quam hostiae, quae sanctificantur ab altari: unde sequitur caeci: quid
enim maius est: donum, an altare, quod sanctificat donum? Glossa. Et ne forte in tantam insaniam
prorumperent ut dicerent, aurum sanctius esse templo, et donum altari, eos
alia ratione convincit: quia videlicet in iuramento quod fit per templum et
altare, continetur iuramentum quod fit per aurum vel per donum: et hoc est
quod subdit qui ergo iurat in altari, iurat in eo, et in omnibus quae super
illud sunt. Origenes in Matth. Similiter quoniam
Iudaei consuetudinem habebant per caelum iurare, ad reprehensionem eorum
subdit qui iurat in caelo, iurat in throno Dei, et in eo qui sedet super
ipsum. Non ergo, sicut arbitrantur, evadunt periculum in eo quod non per Deum
iurant, sed per thronum Dei, scilicet caelum. Glossa. Qui enim per subiectam creaturam
iurat, et per divinitatem praesidentem creaturae iurat. Origenes. Est autem iuramentum confirmatio
verbi de quo iuratur. Iuramentum ergo intelligendum est testimonium
Scripturarum, quod profertur ad confirmationem verbi quod loquimur: ut sit
quidem templum Dei Scriptura divina; aurum autem sensus positus in ea. Sicut
autem aurum quod fuerit extra templum, non est sanctificatum: sic omnis
sensus qui fuerit extra divinam Scripturam, quamvis admirabilis videatur, non
est sanctus. Non ergo debemus ad confirmandam doctrinam nostros intellectus
assumere, nisi ostenderimus eos esse sanctos, ex eo quod in Scripturis
continentur divinis. Altare autem est hominis cor, quod principale habetur in
homine. Vota autem, et dona quae ponuntur super altare, est omne quod
supponitur cordi, ut orare, psallere, eleemosynas facere et ieiunare. Sanctum
ergo facit omne votum hominis cor eius, ex quo votum ei offertur. Ideo non
potest honorabilius esse votum quam cor hominis, ex quo transmittitur votum.
Si ergo conscientia hominis non pungat, fiduciam habet ad Deum, non propter
dona, sed quia, ut ita dicam, altare cordis sui bene construxit. Tertium est
ut dicamus quod super templum, idest super omnem Scripturam, et super altare,
idest super omne cor, est intellectus quidam qui dicitur caelum, et thronus
ipsius dicitur Dei, in quo est videre facie revelata, cum venerit quod
perfectum est, faciem veritatis. Hilarius in Matth. Adveniente etiam Christo,
inutilem docet esse fiduciam legis: quia non in lege Christus, sed lex
sanctificatur in Christo; in quo veluti sedes thronusque sit positus; atque
ita stulti caecique sunt, qui, sanctificante praetermisso, sanctificata
venerantur. Augustinus de quaest. Evang. Templum etiam et
altare, ipsum Christum intelligimus; aurum et donum, laudes et sacrificia
precum, quae in eo et per eum offerimus. Non
enim ille per haec, sed ista per illum sanctificantur. |
Versets
16-22.
— Saint Jérôme : Les pharisiens, en
portant des phylactères et des franges plus larges que les autres,
recherchaient la gloire par cette vaine apparence de sainteté, et par la
gloire, le profit qui leur en revenait. Notre-Seigneur les accuse encore
d’impiété en leur dévoilant une autre fausse tradition qu’ils avaient accréditée,
c’est-à-dire que tout homme qui, dans une discussion, dans une contestation,
dans un cas douteux, avait juré par le temple, n’était pas réputé coupable de
parjure, si, plus tard, il était convaincu de n’avoir pas observé son
serment. Et c’est ce qu’il leur reproche ici : « Malheur à vous, conducteurs aveugles, qui dites : Si un homme jure
par le temple, ce n’est rien », c’est-à-dire : « Il ne doit rien. » Mais
s’il jurait par l’or et par l’argent qui étaient offerts aux prêtres dans le
temple, on le forçait aussitôt d’accomplir son serment. « Mais celui qui aura jugé par l’or du temple, il est tenu ou il est
débiteur. » — Saint Jean Chrysostome : Le temple
a pour objet direct la gloire de Dieu et le salut spirituel des hommes, l’or du
temple, au contraire, bien qu’il se rapporte à la gloire de Dieu, est offert
surtout pour la satisfaction des hommes et l’utilité des prêtres. Les Juifs
prétendaient donc que l’or qui avait pour eux de l’attrait, et les dons qui
servaient à leur entretien étaient plus sacrés que le temple lui-même, afin
de porter ainsi le peuple à multiplier ces dons plutôt qu’à offrir des
prières dans le temple. Aussi Notre-Seigneur leur adresse-t-il ce juste
reproche : « Insensés et aveugles !
lequel est plus grand ? l’or ou le temple qui a rendu l’or sacré ?»
Il est encore aujourd’hui beaucoup de choses que les chrétiens entendent
d’une manière déraisonnable. Qu’une occasion se présente, ils considèrent
comme de peu d’importance le serment qu’ils font par le nom même de Dieu, et
ils mettent bien au-dessus le serment fait par l’Évangile. On peut donc leur
dire aussi : « Insensés et aveugles ! car les Écritures existent pour Dieu,
et non pas Dieu pour les Écritures. » Dieu qui donne à l’Évangile son
caractère de sainteté est donc plus grand que l’Évangile qu’il sanctifie. — Saint Jérôme : Et si quelqu’un
encore venait à jurer par l’autel, personne ne le regardait comme coupable de
parjure, tandis qu’on lui faisait scrupuleusement observer le serment qu’il
avait fait par les dons et les offrandes, c’est-à-dire par les victimes et
par les autres choses offertes sur l’autel. Or, toute cette conduite avait
pour unique motif l’amour des richesses, plutôt que la crainte de Dieu. « Et quiconque a juré par l’autel, ce
n’est rien, mais qui jure par l’offrande qui est sur l’autel, est tenu. »
Le Seigneur leur reproche ici leur conduite tout à la fois insensée et pleine
de fourberie, parce que l’autel vaut beaucoup mieux que les victimes
consacrées sur l’autel. Il ajoute : «
Aveugles que vous êtes, lequel est le plus grand ou le don, ou l’autel qui
sanctifie le don ? » — La Glose : Dans la crainte de les voir se jeter dans cet
excès d’infamie, de prétendre que l’or était plus sacré que le temple, et
l’offrande plus sainte que l’autel, il leur oppose cette autre raison [préremptoire]
que le serment fait par l’autel et le temple, contient le serment qui est
fait par l’or et par le don, et il ajoute : « Celui qui jure par l’autel, jure par l’autel, et par tout ce qui
est dessus. » — Origène : Et
comme les Juifs avaient l’habitude de jurer par le ciel, il complète la leçon
qu’il leur donne en ajoutant : « Et
celui qui jure par le ciel, jure par le trône de Dieu, et par celui qui est
assis sur ce trône.» Ils
n’échappent donc pas, comme ils se l’imaginent, au danger de jurer par Dieu,
en jurant par le trône de Dieu, c’est-à-dire par le ciel. — La Glose : Car
celui qui jure par la créature qui est essentiellement dans la dépendance de
Dieu, jure par la divinité qui gouverne la créature. — Origène : Le
serment a pour objet de rendre plus certaines les choses qu’on affirme sous
serment. On peut donc regarder comme un serment le témoignage des Écritures
que nous apportons pour appuyer les choses que nous affirmons. La sainte
Écriture serait alors le temple de Dieu ; l’or, le sens qu’elle renferme ;
et de même que l’or qui n’est pas dans le temple, ne peut être regardé comme
sanctifié, ainsi tout sens qui est étranger à l’Écriture n’est point
consacré, quelque admirable qu’il paraisse d’ailleurs. Nous ne devons donc
point nous servir de nos propres pensées pour confirmer la doctrine [de
l’Évangile], à moins que nous ne puissions établir qu’elles sont consacrées
par l’Écriture sainte où elles se trouvent. L’autel est le cœur qui est la
partie la plus noble de l’homme, les dons et les vœux placés sur l’autel sont
toutes les choses dont le cœur est le siége, comme la prière, les cantiques,
l’aumône, le jeûne. Ce qui sanctifie le vœu de l’homme, c’est son cœur qui
forme le voeu, et c’est pourquoi le voeu ne peut être plus noble que le cœur
de l’homme qui lui donne naissance. Si donc la conscience de l’homme ne lui
reproche rien, il doit avoir confiance en Dieu, non à cause des dons qu’il
lui offre, mais parce que, pour ainsi dire, il a bien construit l’autel de
son cœur. Nous disons en troisième lieu qu’au-dessus du temple, c’est-à-dire
au-dessus de toute Écriture, et au-dessus de l’autel, c’est-à-dire de tout
cœur, réside une intelligence qui est appelée ciel, et qui est comme le trône
de Dieu, sur lequel, lorsque nous serons dans l’état parfait, nous verrons
face à face la vérité à découvert (1 Co 13, 10). — Saint Hilaire : (can. 25.)
Notre-Seigneur nous enseigne aussi qu’après l’avènement du Christ, toute
confiance dans la loi est superflue ; car ce n’est pas la loi qui sanctifie
le Christ, mais le Christ qui sanctifie la loi dans laquelle il avait placé
comme son trône et son siège. C’est donc une absurdité et un aveuglement de
vénérer ce qui est sanctifié, et de dédaigner celui qui est la source de
toute sanctification. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 34.) Nous entendons aussi par le temple et l’autel Jésus-Christ lui-même ; par l’or et les offrandes, les louanges et les sacrifices de prières que nous offrons en Jésus-Christ et par Jésus-Christ ; car ce ne sont pas ces choses qui sanctifient le Christ, mais le Christ qui les sanctifie. |
Lectio 7 [85563] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 7 Chrysostomus in Matth. Supra
dominus dixerat, quod ligabant graviora onera, et aliis imponebant quae ipsi
nec tangere volebant; hic autem rursus ostendit, quod in parvis quaerentes
diligentiam, magna contemnebant: unde dicitur vae vobis, Scribae et Pharisaei
hypocritae, qui decimatis mentam et anethum et cyminum. Hieronymus. Pharisaei enim, quia praeceperat
dominus propter alimoniam sacerdotum et Levitarum, quorum pars erat dominus,
omnium rerum offerri in templo decimas, ut intellectus mysticos dimittamus,
hoc unum habebant studii, ut quae vilia fuerant comportarentur; cetera quae
erant maiora, parvipendebant; unde sequitur et reliquistis quae graviora sunt
legis: iudicium et misericordiam et fidem. Ex hoc capitulo arguit eos
avaritiae, quod studiose etiam vilium olerum decimas exigant, et iudicium in
disceptatione negotiorum, misericordiamque in pauperes, et fidem in Deum,
quae magna sunt, praetermittant. Chrysostomus super Matth. Vel quia sacerdotes
avaritia pleni, si quis decimas alicuius rei minimae non obtulisset,
corripiebant eum quasi magnum crimen fecisset: si quis autem alterum
laedebat, aut in Deum peccabat, non curabant eum corripere; de lucro quidem
suo solliciti, et de gloria Dei ac salute hominum negligentes. Servare enim
iustitiam, et facere misericordiam, et habere fidem propter suam gloriam Deus
mandavit; decimas autem offerre propter utilitatem sacerdotum, ut sacerdotes
quidem populo in spiritualibus obsequantur, populi autem in carnalibus
sacerdotibus subministrent. Sic et modo fit, quia omnes de honore suo sunt
solliciti, de honore autem Dei nulli; portiones etiam suas vigilanter
defendunt, sed circa obsequium Ecclesiae curam impendere non attendunt. Si
populus recte decimas non obtulerit, murmurant omnes; si peccantem populum
viderint, nemo murmurat contra eos. Sed quia Scribarum et Pharisaeorum, ad
quos loquebatur, quidam populares erant, non est incongruum ut aliam
expositionem faciamus, propter eos qui decimas dabant: nam et qui accipit
decimas, recte decimare dicitur, et qui dat. Scribae
ergo et Pharisaei minimarum quidem rerum decimas offerebant, ostendendae
religionis gratia; in iudiciis autem erant iniusti, in fratres sine
misericordia, in veritatem increduli. Origenes in Matth. Sed quoniam
contingens erat ut audientes quidam dominum ista loquentem, contemnerent
minimarum rerum decimationem, sapienter addidit et haec oportuit facere, hoc
est iudicium, misericordiam et fidem, et illa non omittere, idest
decimationem mentae, anethi et cymini. Remigius. Ostendit quippe dominus his verbis
quoniam omnia praecepta legis tam maxima quam minima, sunt implenda.
Redarguuntur autem qui eleemosynas de fructibus terrae faciunt, putantes se
minime posse peccare; quibus nihil prosunt eleemosynae, nisi a peccatis
studeant cessare. Hilarius in Matth. Et quia minoris periculi
esset decimationem oleris, quam benevolentiae officium praeterire, irridet
eos consequenter dominus, dicens duces caeci, excolantes culicem, camelum
autem glutientes. Hieronymus. Camelum puto esse magnitudinem
praeceptorum: iudicium, misericordiam et fidem; culicem decimationem mentae,
anethi, et cymini et reliquorum olerum vilium. Haec autem praecepta Dei, quae
magna sunt, devoramus atque negligimus; et operationem religionis in parvis,
quae lucrum habent, cum diligentia demonstramus. Origenes. Vel excolantes culicem, idest,
expellentes a se minima delicta, quae culices nominavit; camelum autem
glutientes, idest, committentes maxima delicta, quae nominat camelos,
animalia videlicet tortuosa et grandia. Scribae autem moraliter sunt qui
amplius nihil aestimant positum in Scripturis quam simplex sermo demonstrat;
Pharisaei autem sunt omnes qui iustificant seipsos, et dividunt se a ceteris,
dicentes: noli mihi appropinquare, quoniam mundus sum. Menta autem et anethum
et cyminum, ciborum conditurae sunt, non principales cibi. Sic in
conversatione nostra, quaedam sunt necessaria ad iustificationem, ut
iudicium, misericordia et fides; alia sunt quasi condientia actus nostros, et
suaviores eos facientia: ut abstinentia risus, ieiunium, flexio genuum et
huiusmodi. Quomodo autem non aestimantur caeci qui non vident? Quoniam nihil
prodest cautum esse dispensatorem in rebus minimis, cum principalia
negliguntur. Hos ergo sermo praesens confundit, non quidem levia prohibens
observare, sed principalia praecipiens cautius custodire. Gregorius Moralium. Vel aliter. Culex
susurrando vulnerat, camelus autem sponte se ad suscipienda onera inclinat.
Liquaverunt ergo culicem Iudaei, qui seditiosum latronem dimitti petierunt;
camelum vero glutierunt quia eum qui ad suscipienda nostrae mortalitatis
onera sponte descenderat, extinguere clamando conati sunt. |
Versets
23-24.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 73.)
Le Seigneur avait reproché plus haut aux scribes et aux pharisiens de lier
des fardeaux pesants, et de les placer sur les épaules des autres, alors
qu’eux-mêmes ne voulaient pas les remuer [du bout du doigt], il les accuse
ici d’être d’une grande exactitude dans de petites choses, tandis qu’ils ne
tenaient aucun compte des points les plus importants de la loi. « Malheur
à vous, leur dit-il, scribes et pharisiens hypocrites qui payez la
dîme de la menthe, du fenouil et du cumin ». — Saint Jérôme : Laissant là pour le
moment toute interprétation mystique, nous dirons que Dieu ayant ordonné à
son peuple d’offrir dans le temple la dîme de tous ses biens pour l’entretien
des prêtres et des lévites dont Dieu était le seul héritage, les pharisiens
n’avaient d’autre préoccupation que de faire porter dans le temple ces
bagatelles, tandis qu’ils abandonnaient complètement d’autres obligations
bien plus importantes, comme Notre-Seigneur le leur reproche : « Et vous avez
laissé ce qu’il y a de plus important dans la loi : la justice, la
miséricorde et la foi.» Il leur reproche aussi, par là, leur avarice, eux
qui exigeaient avec tant de soin la dîme des herbes les plus viles, et qui ne
tenaient aucun cas des principaux commandements, comme d’observer la justice
dans les différends des affaires, la miséricorde envers les pauvres, la foi
en Dieu. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien dans un autre sens, les prêtres, pleins d’avarice,
reprenaient sévèrement celui qui avait négligé de payer la dîme des plus
petites choses, comme s’il avait commis un grand crime ; mais s’il avait fait
tort à son prochain, s’il s’était rendu coupable d’offense envers Dieu, ils
ne songeaient même pas à lui en faire un reproche, uniquement préoccupés de
leurs intérêts et pleins d’indifférence pour la gloire de Dieu et le salut
des hommes. Car c’est pour sa gloire que Dieu nous a fait un précepte d’observer
la justice, de pratiquer la miséricorde, d’avoir la foi, tandis que la dîme n’a
d’autre fin que l’utilité des prêtres, et Dieu l’a établie pour que les
prêtres pussent se consacrer au service du peuple dans les choses
spirituelles, et que les peuples leur fournissent de quoi subvenir à leurs
besoins temporels. Mais il arrive que tous se montrent pleins de sollicitude
pour leur propre honneur, tandis que l’honneur de Dieu les trouve tout à fait
insensibles ; ils défendent leurs droits avec un zèle excessif, mais n’ont
pas le moindre souci de rendre à l’Église les services dont ils lui sont
redevables. Que le peuple néglige de payer les dîmes, vous les entendez tous
murmurer ; mais qu’ils soient témoins de péché du peuple, pas un seul ne lui
en fera le moindre reproche. Toutefois, comme parmi les scribes et les
pharisiens auxquels Jésus s’adressait, il en était qui faisaient partie du
peuple, il n’est pas inutile de donner une autre explication qui puisse
s’appliquer à ceux qui payaient la dîme ; car l’expression décimer signifie à
la fois celui qui reçoit la dîme et celui qui la paie. Dans ce sens, les
scribes et les pharisiens payaient la dîme des moindres choses (Nb 18, 2 et
suiv.) par ostentation de religion, tandis qu’ils étaient injustes dans leurs
jugements, sans miséricorde pour leurs frères, et incrédules à l’égard de la
vérité. — Origène : Mais
comme il pouvait arriver que quelques-uns, entendant le Seigneur s’exprimer
de la sorte, négligeraient de payer la dîme des choses moins importantes, il
ajoute avec sagesse : « Et il fallait observer ces choses, »
c’est-à-dire la justice, la miséricorde, la foi, « et ne pas omettre
les autres », c’est-à-dire la dîme de la menthe, de l’aneth et du
cumin. — Saint Rémi : Ces paroles de
Notre-Seigneur nous apprennent qu’il faut accomplir avec la même fidélité
tous les commandements de la loi, les plus grands comme les plus petits. Il
condamne en même temps ceux qui s’imaginent que l’aumône qu’ils font des
fruits de la terre, leur permet de pécher, tandis que ces aumônes leur
serviront de rien, s’ils ne s’efforcent de mettre fin à leurs péchés. — Saint Hilaire : C’était assurément
une moindre faute d’omettre de payer la dîme d’une herbe quelconque que de
manquer à un devoir de charité, aussi le Seigneur leur adresse ce reproche
ironique : « Conducteurs aveugles, vous filtrez le moucheron, et vous
avalez le chameau. » — Saint Jérôme : Je pense que par le
chameau, il faut entendre ici les grands préceptes, la justice, la
miséricorde et la foi ; et par le moucheron, la dîme de la menthe, de
l’aneth, du cumin et d’autres légumes de vil prix. Nous avalons pour ainsi
parler, et nous négligeons les préceptes les plus importants, et sous
prétexte de religion, nous déployons beaucoup de zèle pour les petites choses
qui nous apportent du profit. — Origène : Ou
bien, ils filtrent le moucheron, c’est-à-dire qu’ils se gardent des moindres
fautes que Notre-Seigneur compare à des moucherons, tandis qu’ils avalent le
chameau en commettant les plus grands crimes qu’il compare à des chameaux,
dont la difformité égale la grandeur. Les scribes, dans le sens moral, sont
ceux qui ne veulent voir dans l’Écriture que ce que la lettre seule exprime,
tandis que les pharisiens sont tous ceux qui se justifient eux-mêmes, et se
séparent des autres en leur disant : « Ne m’approchez pas, car je suis pur. »
La menthe, l’aneth et le cumin servent à assaisonner les aliments, mais ne
peuvent tenir place des aliments essentiels, et c’est ainsi que dans la vie
chrétienne, il est des choses nécessaires pour notre justification, comme la
miséricorde, la justice et la foi, tandis qu’il en est d’autres qui sont
comme l’assaisonnement de nos actions, et semblent leur donner un goût plus
agréable, comme le fait de ne pas rire avec excès, le jeûne, les génuflexions
et autres actes semblables. Or, comment ne pas considérer comme aveugles ceux
qui ne voient pas ? Car que sert d’être comme un économe fidèle dans les
petites choses, si on néglige les plus importantes. Les pharisiens trouvent
donc leur condamnation dans les paroles du Seigneur qui ne défend pas d’être
fidèle aux moindres observances, mais qui nous commande d’accomplir avec
beaucoup plus de soin les points les plus importants de la loi. — Saint Grégoire : (Moral., 1, 7.) Ou bien dans un autre sens, le moucheron pique en bourdonnant, et le chameau s’incline pour recevoir les fardeaux dont on veut le charger. Les Juifs passèrent le moucheron, lorsqu’ils demandèrent la grâce d’un voleur séditieux, et ils avalèrent le chameau en s’efforçant d’étouffer par leurs cris celui qui était descendu volontairement pour prendre sur lui les fardeaux de notre mortalité. |
Lectio 8 [85564] Catena in Mt., cap. 23 l. 8 Hieronymus.
Diversis verbis, eodem sensu quo supra, arguit Pharisaeos simulationis et
mendacii; quod aliud ostendant hominibus foris, aliud domi agant: unde
dicitur vae vobis, Scribae et Pharisaei hypocritae, qui mundatis quod deforis
est calicis et paropsidis. Non hoc dicit quod in calice et paropside eorum
superstitio moraretur, sed quod foris hominibus ostenderent sanctitatem: quod
manifestum est ex eo quod addidit, dicens intus autem pleni estis rapina et
immunditia. Chrysostomus super Matth. Vel hoc dicit, quia
Iudaei quoties ingressuri erant in templum, aut sacrificia oblaturi, aut per
dies festos, seipsos et vestimenta sua et utensilia lavabant; et a peccatis
nemo seipsum purgabat; cum Deus neque corporis munditiam laudet, neque sordes
condemnet. Pone tamen quod Deus odit sordes corporum et vasorum, quae necesse
est ut ipso usu sordidentur; quanto magis sordes conscientiae horret, quam si
volumus, semper mundam servamus? Hilarius in Matth. Arguit ergo eos qui
iactantiam inutilis studii sequentes, utilitatis perfectae ministerium
derelinquunt. Calicis namque usus interior est; qui si obsorduerit, quid
proficiet lotus exterior? Atque ideo interioris conscientiae nitor est obtinendus,
ut ea quae corporis sunt, forinsecus abluantur: et ideo subdit Pharisaee
caece, munda prius quod intus est calicis et paropsidis, ut fiat et id quod
deforis est, mundum. Chrysostomus super Matth. Non autem hoc dicit
de sensibili calice aut paropside, sed de intelligibili: qui si numquam
tetigerit aquam, mundus potest esse apud Deum; si autem peccaverit, et tota
aqua pelagi et fluminum se laverit, sordidus est, et miser ante Deum. Chrysostomus in Matth. Attende autem, quod ubi
de decimis loquebatur, convenienter dixit: haec oportuit facere, et illa non
omittere. Decima enim eleemosyna quaedam est. Quid autem nocet eleemosynam
dare? Non tamen hoc dixit sicut legalem observationem inducens. Hic autem,
ubi de purgationibus et immunditiis disputat, non hoc addit; sed ostendit
quod de necessitate ad interiorem munditiam exterior sequitur; quod quidem
extra est calicis, et paropsidis, corpus vocans; quod autem intus est, animam.
Origenes in Matth. Hic sermo nos instruit, ut
festinemus esse iusti, non apparere. Qui enim studet ut appareat iustus, quae
a foris sunt, mundat, et quae videntur curat; cor autem et conscientiam
negligit. Qui autem studet ea quae intus sunt, idest cogitationes, mundare,
consequens est ut etiam ea quae a foris sunt, faciat munda. Sed omnes falsi
dogmatis professores, calices sunt a foris quasi mundati, propter speciem
religionis quam simulant; ab intus autem pleni rapina et simulatione, dum
rapiunt homines ad errorem. Calix etiam est vas ad potum, paropsis ad cibum.
Omnis ergo sermo per quem potamur spiritualiter, vel omnis narratio per quam
nutrimur, vasa sunt potus et cibi. Qui ergo student compositum proferre
sermonem magis quam salutari sensu repletum, calix eius a foris mundatus est,
ab intus autem sordibus vanitatis impletus. Sed et litterae legis et
prophetarum calices spiritualis potus et paropsides necessariarum escarum
sunt. Scribae quidem et Pharisaei student sensum exteriorem mundum
demonstrare; discipuli autem Christi sensum spiritualem mundare festinant. |
Versets
25-26.
— Saint Jérôme : Sous des expressions
différentes, Notre-Seigneur accuse ici, comme précédemment, d’hypocrisie et
de mensonge, les pharisiens qui voulaient paraître aux yeux des hommes tout
différents de ce qu’ils étaient dans le secret de leurs demeures : «
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui purifiez le dehors de
la coupe et du plat.» Il ne leur reproche pas une pratique superstitieuse
dans l’usage des plats et des coupes, mais d’affecter aux yeux des hommes les
dehors trompeurs de la sainteté, ce que prouvent évidemment les paroles
suivantes : « Au dedans, au contraire, vous êtes pleins de rapine et
d’impureté. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien, il fait ici allusion à une pratique des Juifs, qui toutes
les fois qu’ils devaient entrer dans le temple, ou pour offrir des
sacrifices, ou pour une solennité, se purifiaient et lavaient leurs
vêtements, et tout ce qui était à leur usage, tandis qu’aucun d’eux ne
songeaient à se purifier de ses péchés. Dieu, cependant, n’a ni louanges pour
la propreté du corps, ni blâme pour les souillures dont il peut être couvert.
Admettez, toutefois, que Dieu a en horreur les taches et les souillures que
les corps et les vases contractent nécessairement par l’usage que nous en
faisons, pensez-vous qu’il ne verra pas avec plus d’horreur encore les
souillures de la conscience, que nous pouvons toujours, si nous le voulons,
conserver pure et sans tache ? — Saint Hilaire : (can. 24.) Le Seigneur
condamne ici la sotte vanité de ceux qui observent avec un soin scrupuleux
des pratiques stériles, et qui négligent les oeuvres si utiles de la
perfection. Car dans une coupe, c’est l’intérieur qui sert, et si cet
intérieur est malpropre, à quoi peut servir qu’il soit net au dehors ? C’est
donc l’éclat intérieur de la conscience qu’il faut chercher pour arriver par
là à la pureté extérieure du corps ; et c’est pour cela que le Seigneur
ajoute : « Aveugle pharisien, nettoie d’abord le dedans de la coupe et du
plat, afin que le dehors aussi en devienne pur. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Le Seigneur ne veut point ici parler d’une coupe ou d’un plat
matériels, mais de cette coupe spirituelle, [figurée par ces objets] ; cette
coupe peut être pure aux yeux de Dieu, sans que l’eau l’ait jamais purifiée,
et au contraire, si le péché vient à la souiller, elle sera toujours impure,
et misérable devant Dieu, quand bien même toute l’eau de la mer et des
fleuves serait employée à la purifier. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 73.)
Remarquez que lorsque Notre-Seigneur parlait de la dîme, il a dit : « Il
fallait pratiquer ces choses sans omettre les autres » ; car la dîme
est une espèce d’aumône, et en quoi l’aumône peut-elle être nuisible ?
Toutefois, en s’exprimant ainsi, Notre-Seigneur ne veut point recommander de
nouveau les observances légales. Mais en traitant ici des souillures et des
purifications légales, il n’ajoute rien de semblable, et se contente de dire
que la pureté extérieure est une conséquence nécessaire de la pureté
intérieure, en désignant le corps par l’extérieur de la coupe et du plat, et
l’âme par l’intérieur. — Origène : Apprenons de là qu’il nous faut travailler à être justes, plutôt que de chercher à le paraître. Celui qui ne cherche qu’à paraître juste, nettoie l’extérieur, et prend soin des apparences, mais il laisse son cœur et sa conscience dans l’abandon. Celui, au contraire, qui s’applique à purifier l’intérieur, c’est-à-dire ses pensées, par une conséquence nécessaire, purifie tout ce qui paraît au dehors. Or, tous les maîtres de fausses doctrines sont comme des coupes purifiées à l’extérieur sous les dehors de la religion dont ils se couvrent, mais au dedans ils sont pleins de rapine et d’hypocrisie, et ne tendent qu’à entraîner les hommes dans l’erreur. La coupe et le plat sont des vases dont on se sert, l’une pour boire, l’autre pour manger, et nous figurent tout discours qui est pour notre âme une boisson spirituelle, toute parole qui lui sert d’aliment. Celui donc qui s’applique à faire des discours étudiés, plutôt qu’à les remplir d’un sens utile et salutaire, ressemble à une coupe parfaitement nettoyée au dehors, mais pleine au dedans des souillures de la vanité. Les livres de la loi et des prophètes sont aussi des coupes pleines d’un breuvage spirituel et des plats couverts des aliments nécessaires à notre âme. Les scribes et les pharisiens ne s’occupent que de démontrer la pureté du sens extérieur et littéral, tandis que les disciples de Jésus-Christ s’efforcent de faire briller le sens spirituel dans tout son éclat. |
Lectio 9 [85565] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 9 Origenes in Matth. Sicut
habetur superius, intus pleni rapina et intemperantia, similiter hic pleni
sunt hypocrisi et iniquitate; qui comparantur ossibus mortuorum et
immunditiae universae: unde dicit vae vobis, Scribae et Pharisaei hypocritae,
qui similes estis sepulchris dealbatis. Chrysostomus super Matth. Merito quidem
iustorum corpora templa dicuntur, quia anima in corpore iusti dominatur,
sicut Deus in templo; vel quia ipse Deus in corporibus habitat iustis.
Corpora autem peccatorum sepulcra dicuntur mortuorum, quia anima mortua est
in corpore peccatoris: nec enim vivens putanda est quae nihil vivum aut
spirituale agit in corpore. Hieronymus. Sepulcra autem forinsecus levigata
sunt calce, et ornata marmoribus in auro, coloribusque distinctis; intus
autem plena sunt ossibus mortuorum: unde dicitur quae apparent hominibus
speciosa: intus autem plena sunt ossibus mortuorum, et omni spurcitia. Sic
autem et perversi magistri, qui alia docent et alia faciunt, munditiam habitu
vestis et verborum humilitate demonstrant; intus autem pleni sunt omni
spurcitia et avaritia et libidine: et hoc manifeste exprimit inferens sic et
vos a foris quidem apparetis hominibus iusti; intus autem pleni estis
hypocrisi et iniquitate. Origenes. Omnis enim iustitia simulata mortua
est, quae propter Deum non fit; magis autem nequam iustitia est; sicut
mortuus homo, non est homo; et sicut mimi, qui personas suscipiunt aliorum,
et non sunt ipsi quos simulant. Tanta ergo sunt ossa in eis et immunditiae,
quanta bona simulant ex malo affectu. Videntur autem a foris iusti coram
hominibus; non eis quos Scriptura appellat deos, sed coram eis qui sicut
homines moriuntur. Gregorius Moralium. Ante districtum vero
iudicem excusationem ideo de ignorantia habere non possunt, quia dum ante
oculos hominum omnem modum sanctitatis ostendunt, ipsi sibi sunt testimonio
quia bene vivere non ignorant. Chrysostomus super Matth. Dic autem,
hypocrita: si bonum est esse malum, ut quid non vis apparere quod vis esse?
Nam quod turpe est apparere, turpius est esse; quod autem formosum est
apparere, formosius est esse. Ergo aut esto quod appares, aut appare quod es. |
Versets
27-28.
— Origène : Le Seigneur vient de
dire qu’ils étaient pleins de rapine et d’intempérance ; il ne craint pas de
dire encore ici qu’ils sont pleins d’hypocrisie et d’iniquité, et de les
comparer à des ossements de morts et à un amas d’immondices : « Malheur à
vous scribes et pharisiens, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis.
» —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) C’est avec
raison que les corps des justes sont appelés des temples, parce que l’âme
règne dans le corps du juste comme Dieu dans un temple, ou parce que Dieu
lui-même habite dans les corps des justes. Les corps des pécheurs, au
contraire, sont appelés des tombeaux de morts, parce que l’âme est morte dans
le corps du pêcheur, et qu’on ne peut la considérer comme vivante,
puisqu’elle ne produit rien au dehors qui ait l’apparence de la vie ou qui vienne
de l’esprit. —
Saint Jérôme : Les sépulcres sont enduits de chaux
au dehors, recouverts de marbres et parsemés d’or et de peinture ; mais, au
dedans, ils sont pleins d’ossements de morts, ce qui fait dire à
Notre-Seigneur : « Ils paraissent beaux aux yeux des hommes, mais, au
dedans, ils sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture.
» C’est ainsi que ces maîtres pervers, qui enseignent une chose et en
font une autre, professent une grande pureté à l’extérieur par la netteté de leurs
vêtements et l’humilité de leur langage, tandis qu’ils sont pleins, à
l’intérieur, de toute espèce de pourriture, d’avarice et de libertinage.
C’est ce que le Seigneur exprime clairement en ces termes : « C’est ainsi
qu’au dehors vous paraissez justes aux hommes, mais au-dedans vous êtes
pleins d’hypocrisie et d’iniquité. » — Origène : En effet, toute justice
qui n’est qu’apparence, c’est-à-dire qui n’a pas Dieu pour fin, est morte, ou
plutôt ce n’est pas même une vertu, pas plus qu’un homme mort n’est un homme,
pas plus que les comédiens qui jouent le rôle de personnages étrangers ne
sont eux-mêmes les personnages qu’ils représentent, ils renferment donc
autant d’ossement de mort et de pourriture que leur intention vicieuse
affecte de vertus au dehors. Au dehors, ils paraissent justes aux yeux des
hommes, non pas de ceux que l’Écriture appelle des dieux, mais de ceux qui
meurent comme le reste des hommes. —
Saint Grégoire : (Moral., 26, 23). Au tribunal du
juge sévère, ils ne pourront point s’excuser sur leur ignorance, puisqu’en
voulant paraître aux yeux des hommes ornés de toutes les vertus, ils déposent
contre eux-mêmes qu’ils n’ignorent pas ce qu’est une bonne conduite. —
Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.) Or,
dites-moi, hypocrites que vous êtes, si c’est une chose louable d’être
mauvais, pourquoi ne voulez-vous point paraître au dehors ce que vous êtes en
réalité ? Car ce qu’il est honteux de paraître, il est bien plus honteux de
l’être en effet ; et, ce qu’il est beau d’être au dehors, il est bien plus
beau de l’être en réalité. Soyez donc ce que vous voulez paraître, ou
paraissez ce que vous êtes réellement. |
Lectio 10 [85566] Catena in Mt., cap. 23 l. 10 Hieronymus.
Prudentissimo syllogismo arguit eos esse filios homicidarum, dum ipsi
opinione bonitatis et gloriae in populo, aedificant sepulcra prophetarum,
quos maiores eorum interfecerunt: et hoc est quod dicit vae vobis, Scribae et
Pharisaei hypocritae, qui aedificatis sepulcra prophetarum, et ornatis
monumenta iustorum. Origenes in Matth. Non satis rationabiliter
comminari videtur adversus eos qui aedificant sepulcra prophetarum: quantum
enim ad hoc laudabile aliquid faciebant: quomodo ergo erant digni suscipere
vae? Chrysostomus in Matth. Non ergo eos incusat
quoniam sepulcra aedificant, sed intentioni eorum detrahit, cum qua
aedificant: quoniam non propter honorem eorum qui occisi fuerant, sed sicut
pompam sibi statuentes in occisionibus illorum, et formidantes ne forte
tempore procedente, sepulcris destructis, tabescat tantae audaciae memoria.
Chrysostomus super Matth. Vel quia dicebant
apud se: si bene fecerimus pauperibus, non multi vident, et pro tempore
vident: nonne ergo melius aedificia facimus, quae omnes aspiciunt, non solum
in hoc tempore, sed etiam in posterum? O insipiens homo: quid tibi prodest
post mortem ista memoria, si ubi es torqueris, et ubi non es laudaris? Dum
autem Iudaeos castigat dominus, Christianos docet; nam si ad illos solos
dixisset haec, dicta fuissent tantum, non etiam scripta; nunc autem et dicta
sunt propter illos, et scripta propter istos. Si ergo iuxta alia bona fecerit
homo aedificia sancta, additamentum est bonis operibus; si autem sine aliis
bonis operibus, passio est gloriae saecularis. Non enim gaudent martyres
quando ex illis pecuniis honorantur in quibus pauperes plorant. Semper etiam
Iudaei praeteritorum sanctorum cultores fuerunt, et praesentium contemptores,
magis autem et persecutores. Non enim sustinentes increpationes prophetarum
suorum, persequebantur eos et occidebant; postea vero nascentes filii
intelligebant culpas patrum suorum, et ideo quasi de morte innocentium
prophetarum dolentes aedificabant memorias eorum; et ipsi tamen similiter
persequebantur et interficiebant suos prophetas, increpantes eos propter
peccata sua; et ideo subditur et dicitis: si fuissemus in diebus patrum
nostrorum, non essemus socii eorum in sanguine prophetarum. Hieronymus. Hoc autem etsi sermone non dicant,
opere loquuntur, ex eo quod ambitiose, et magnifice aedificant memorias
occisorum. Chrysostomus super Matth. Qualia ergo
cogitabant in corde, talia loquebantur et factis. Naturalem autem
consuetudinem omnium malorum hominum hic Christus exponit: quia alter
alterius culpam cito intelligit, suam autem difficile: homo enim in causa
alterius tranquillum habet cor, in sua vero turbatum. In causa ergo alterius
de facili possumus omnes iusti iudices esse. Ille autem vere iustus et
sapiens est qui sibi ipsi iudex fieri potest. Sequitur itaque testimonio
estis vobismetipsis quia filii estis eorum qui prophetas occiderunt. Chrysostomus in Matth. Qualis autem est
incusatio, filium esse homicidae eum qui non communicat menti patris? Patet
quod nulla: unde manifestum est quod propterea hoc dicit, quia occulte
insinuat malitiae similitudinem. Chrysostomus super Matth. Testimonia enim sunt
de filiis mores parentum: si enim pater fuerit bonus et mater mala, aut e
converso, filii interdum patrem sequuntur, interdum matrem. Si autem ambo
fuerint aequales, fit quidem aliquando ut de bonis parentibus mali exeant
filii, aut e converso, sed raro. Sic enim hoc est sicut cum extra regulam
naturae nascitur homo aut sex digitos habens, aut oculos non habens. Origenes in Matth. Sed et in propheticis
dictis narratio secundum historiam est corpus, spiritualis autem sensus est
anima; sepulcra ipsae litterae Scripturarum et libri. Qui ergo solam
historiam attendunt, corpora prophetarum colunt in litteris posita, quasi in
quibusdam sepulcris; et dicuntur Pharisaei, idest praecisi, quasi animam
prophetarum praecidentes a corpore. |
Versets
29-31.
— Saint Jérôme : Le Seigneur, par un
raisonnement des plus habiles, convainc les pharisiens d’être des enfants
d’homicides, alors que, pour être bien vus et glorifiés parmi le peuple, ils
élevaient des tombeaux aux prophètes que leurs ancêtres avaient tués : « Malheur à vous, leur dit-il,, scribes et pharisiens, hypocrites, qui
bâtissez les tombeaux des prophètes et ornez les monuments des justes. » — Origène : (Traité
26 sur S. Matth.) Cette malédiction, prononcée contre ceux qui bâtissaient
des tombeaux aux prophètes, ne paraît pas suffisamment motivée, car, en cela,
ils faisaient une oeuvre louable, comment donc méritaient-ils cette
malédiction ? — Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.)
Il ne les accuse donc pas d’élever ces tombeaux, mais il condamne l’intention
qui les porte à les construire, car ce n’est pas pour honorer ceux qui ont
été mis à mort, mais pour chercher dans le meurtre même des prophètes un
sujet d’ostentation, et, dans la crainte que, par le laps du temps, la destruction
de ces tombeaux ne laissât tomber la mémoire d’un si grand forfait. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Ou bien ils se disaient en eux-mêmes : Si nous faisons du bien aux
pauvres nous aurons peu de témoins, et ce sera l’affaire d’un instant ; ne
vaut il donc pas mieux élever des monuments que tous pourront voir, non seulement
dans le temps présent, mais encore dans la suite des siècles ! Insensé, que
vous servira ce souvenir après votre mort, si vous êtes tourmenté là où vous
serez, et loué là où vous ne serez pas ! Or, ce reproche, que Notre-Seigneur
fait aux Juifs, est en même temps une leçon pour les chrétiens, car s’il
n’avait eu en vue que les Juifs dans ces paroles, il se fût contenté de les
leur adresser, et ne les aurait pas fait mettre par écrit ; elles ont donc
été dites pour eux et écrites pour nous. Si donc un homme, indépendamment du
bien qu’il fait d’ailleurs, élève des édifices sacrés, il augmente le nombre
de ses bonnes oeuvres ; mais, s’il ne peut présenter aucune autre bonne action,
il n’a pour mobile de sa conduite qu’un désir de gloire toute humaine, et ce
ne peut être pour les martyrs un sujet de joie de voir employer et leur
honneur un argent qui coûte tant de larmes aux pauvres. Les Juifs,
d’ailleurs, ont toujours professé le culte des saints du passé [et des
anciens], en même temps qu’ils méprisaient et même persécutaient leurs
contemporains. En effet, comme les reproches de leurs prophètes leur étaient
à charge, ils les persécutaient et les mettaient à mort ; puis ensuite leurs
enfants reconnaissaient les fautes de leurs pères, et leur élevaient des
tombeaux comme témoignage de l’innocence des prophètes et des regrets qu’ils
éprouvaient de leur mort ; et, en même temps, ils persécutaient eux-mêmes les
prophètes, qui leur reprochaient leurs crimes, et ils devenaient leurs
meurtriers : « Et vous dites, ajoute
Notre-Seigneur : Si nous eussions vécu
du temps de nos pères nous ne nous fussions pas joints à eux pour répandre le
sang des prophètes. » — Saint Jérôme : S’ils ne le disent
pas en propres termes, ils le disent assez haut par leurs oeuvres, en élevant
des monuments magnifiques et fastueux à la mémoire des prophètes que leurs
pères ont massacrés. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Leurs paroles et leurs oeuvres étaient donc la traduction fidèle des
pensées de leur cœur. Or, le Christ nous révèle ici le défaut habituel de
tous les hommes livrés au mal : chacun d’eux voit, à la première vue, les
fautes de son prochain, et ne reconnaît que très difficilement les siennes.
En effet, pour juger les fautes des autres, notre cœur est calme et
tranquille ; mais, s’agit-il de nos fautes personnelles, il est troublé, et
c’est ce qui fait que nous pouvons tous être facilement de bons juges en ce
qui concerne les autres, tandis qu’il n’y a que l’homme vraiment juste et
sage qui puisse être son propre juge. La suite dit : « Vous vous rendez ainsi témoignage
vous-mêmes que vous êtes les enfants de ceux qui ont tué les prophètes. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Quelle raison peut-on avoir de reprocher d’être le fils d’un homicide à celui
qui ne partage pas les sentiments de son père ? Aucune évidemment. Si donc
Notre-Seigneur s’exprime de la sorte, c’est pour leur faire entendre à mots
couverts qu’ils. ont hérité de la malice de leurs pères. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) En effet, la conduite des parents est en général un témoignage de la
conduite des enfants. Ainsi, que le père soit vertueux et la mère vicieuse,
ou réciproquement, il arrivera que les enfants imiteront tantôt le père,
tantôt la mère ; si le père et la mère ont une conduite semblable, il peut
arriver que des parents vertueux donnent le jour à des enfants vicieux, ou le
contraire, mais c’est l’exception ; de même qu’il est aussi en dehors des
lois ordinaires de la nature qu’un enfant naisse avec six doigts et sans
yeux. — Origène : (Traité 25.) Dans les prophéties, le sens historique [et littéral], c’est le corps ; mais le sens spirituel est l’âme, et les lettres de la sainte Écriture, aussi bien que les livres, sont comme les sépulcres. Ceux donc qui s’arrêtent au sens historique honorent les corps des prophètes déposés dans les lettres comme dans autant de sépulcres, et on les appelle pharisiens, c’est-à-dire séparés, parce qu’ils séparent l’âme des prophètes de leur corps. |
Lectio 11 [85567] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 11 Chrysostomus in Matth. Quia
dixerat contra Pharisaeos et Scribas, quod filii essent eorum qui occiderunt
prophetas, nunc manifestat quod in malitia eis similes erant, et quod fictio
erat hoc quod dicebant quod non communicassent operibus eorum, si fuissent in
tempore illo: et ideo dicit et vos implete mensuram patrum vestrorum. Non
quidem hoc dicit quasi iniungens, sed quasi praedicens quod futurum erat. Chrysostomus super Matth. Prophetizat enim
illis futurum esse ut sicut patres eorum interfecerunt prophetas, sic et ipsi
interficerent Christum, et apostolos et ceteros sanctos: ut puta si contra
aliquem litiges adversarium, dicis illi: fac mihi quod es facturus; non iubes
ut faciat, sed ostendis te intelligere quod cogitat facere. Et quidem quantum
ad veritatem, excesserunt mensuram patrum suorum: illi enim homines
occiderunt, isti Deum crucifixerunt. Sed quia voluntate sua descendit in
mortem, non imputat illis suae mortis peccatum: imputat autem illis mortem
apostolorum ceterorumque sanctorum: et ideo dicit implete, et non:
superimplete; nam benigni et iusti iudicis est suas iniurias contemnere, et
aliorum iniurias vindicare. Origenes in Matth. Implent etiam
mensuram paternae iniquitatis per hoc ipsum quod non credunt in Christum.
Causa autem incredulitatis fuit quoniam animum suum dederunt circa historias
corporales, nihil spirituale in eis volentes intelligere. Hilarius in Matth. Quia ergo mensuram
paternae voluntatis implebunt, ideo et serpentes et viperina generatio sunt:
unde sequitur serpentes, genimina viperarum, quomodo fugietis a iudicio
Gehennae? Hieronymus. Hoc ipsum et Ioannes Baptista
dixerat. Sicut ergo de viperis, inquit, nascuntur viperae, sic de homicidis patribus
vos nati estis homicidae. Chrysostomus super Matth. Genimina autem
viperarum dicuntur, quoniam talis est viperarum natura ut filii rumpant
uterum matris, et sic procedant; et sic Iudaei semper parentes condemnant,
reprehendentes eorum facta. Dicit autem quomodo fugietis a iudicio Gehennae?
Numquid sepulcra sanctorum aedificantes? Sed primus gradus pietatis est
sanctitatem diligere, deinde sanctos: sine causa enim iustos honorat qui
iustitiam spernit. Non possunt sancti amici esse illorum quibus Deus est
inimicus. An forsitan nomen vacuum vos liberabit, quia videmini esse in
populo Dei? Puto autem quod melior est inimicus apertus, quam amicus falsus;
sic et apud Deum odibilior est qui servum Dei se dicit, et mandata Diaboli
facit. Apud Deum quidem qui hominem occidere disponit,
antequam occidat, homicida habetur: voluntas enim est quae aut remuneratur
pro bono, aut condemnatur pro malo. Opera autem testimonia sunt voluntatis.
Non ergo quaerit Deus opera propter se ut sciat quomodo iudicet, sed propter
alios, ut omnes intelligant quia iustus est Deus. Providet autem Deus
occasioni peccandi malis, non ut peccare faciat, sed ut peccatorem ostendat,
et bonis praebeat occasionem, per quam ostendat propositum voluntatis suae.
Sic ergo Scribis et Pharisaeis dedit occasionem ostendendi voluntatem suam:
unde concludit ideo ecce mitto ad vos prophetas et sapientes et Scribas. Hilarius in Matth. Idest apostolos, qui de
futurorum revelatione prophetae sunt, de Christi agnitione sapientes, de
legis intelligentia Scribae. Hieronymus. Vel observa iuxta apostolum
scribentem ad Corinthios, varia dona esse discipulorum Christi: alios
prophetas, qui ventura praedicant; alios sapientes, qui noverunt quando
debent proferre sermonem; alios Scribas in lege doctissimos; ex quibus
lapidatus est Stephanus, Paulus occisus, Petrus crucifixus, flagellati in
actibus apostolorum discipuli: et persecuti sunt eos de civitate in
civitatem, expellentes de Iudaea, ut ad gentium populos transmigrarent. Origenes in Matth. Vel Scribae qui mittuntur a
Christo sunt secundum Evangelium, quos et spiritus vivificat, et littera non
occidit, sicut littera legis, quam sequentes in vanas superstitiones
incurrunt. Simplex autem Evangelii narratio sufficit ad salutem. Scribae
autem legis, Scribas novi testamenti adhuc per detractionem flagellant in
synagogis suis; sed et haeretici, qui sunt spirituales Pharisaei, linguis
suis Christianos flagellant, et persequuntur de civitate in civitatem,
interdum corporaliter, aliquando autem spiritualiter, volentes eos expellere
quasi de propria civitate legis et prophetarum et Evangelii in aliud
Evangelium. Chrysostomus in Matth. Deinde ut ostendat
quoniam non impune hoc faciunt, ineffabilem eis ex his timorem incutit: unde
subditur ut veniat super vos omnis sanguis. Rabanus. Idest, omnis debita ultio pro effuso
sanguine iustorum. Hieronymus. De Abel quidem nulla est
ambiguitas quin is sit quem Cain frater occiderit. Iustus autem non solum ex
domini nunc sententia, sed ex Genesis testimonio comprobatur, ubi accepta
eius a Deo narrantur munera. Quaerimus autem quis fuerit iste Zacharias
filius Barachiae, quia multos legimus Zacharias; et ne libera nobis
tribueretur erroris facultas, additum est quem occidistis inter templum et
altare. Alii Zachariam filium Barachiae dicunt qui in duodecim prophetis
undecimus est, patrisque in eo nomen consentit: sed ubi occisus sit inter
templum et altare, Scriptura non loquitur, maxime cum temporibus eius vix
ruinae templi fuerint. Alii Zachariam patrem Ioannis intelligi volunt. Origenes. Venit enim ad nos quaedam traditio
talis, quasi sit aliquis locus in templo ubi virginibus quidem licet adorare
Deum; expertae autem thorum virilem non permittebantur in eo consistere. Maria autem postquam genuit salvatorem, ingrediens ad orandum stetit
in illo virginum loco. Prohibentibus autem eis, qui noverant eam iam filium
genuisse, Zacharias dixit, quoniam digna est virginum loco, cum adhuc sit
virgo. Ergo quasi manifestissime adversus legem agentem
occiderunt eum inter templum et altare viri generationis illius: et sic verum
est verbum Christi quod dixit ad praesentes quem occidistis. Hieronymus. Hoc tamen quia de Scripturis non
habet auctoritatem, eadem facilitate contemnitur qua probatur. Alii istum
volunt esse Zachariam qui occisus sit a Ioas rege Iudae inter templum et
altare, idest in atrio templi. Sed observandum, quod ille Zacharias non fuit
filius Barachiae, sed Ioiadae sacerdotis. Sed
Barachias in lingua nostra benedicens Deum dicitur; et sacerdotis Ioiadae
iustitia Hebraeo nomine demonstratur. In Evangelio vero quo utuntur Nazareni,
pro filio Barachiae filium Ioiadae scriptum reperimus. Remigius. Quaerendum est autem quomodo
usque ad sanguinem Zachariae dixerit, cum plurimorum sanctorum sanguis postea
fuerit effusus? Solvitur autem sic. Abel pastor ovium fuit in campo occisus;
Zacharias fuit sacerdos et in atrio templi interfectus. Ideo ergo dominus hos
duos commemorat, quoniam per hos omnes sancti martyres designantur, laicalis
scilicet et sacerdotalis ordinis. Chrysostomus in Matth. Abel etiam
commemoravit, ostendens quoniam ex invidia essent Christum et discipulos eius
occisuri. Zachariae autem mentionem fecit, quoniam duplex praesumptio fuit in
eius occisione: non enim solum in sanctum hominem facta est, sed et in loco
sancto. Origenes. Zacharias etiam interpretatur
memoria Dei. Omnis ergo qui memoriam Dei disperdere festinat, in eis quos
scandalizat, Zachariae sanguinem videtur effundere filii Barachiae. Per
benedictionem enim Dei, memores sumus Dei. Ab impiis etiam memoria
interficitur Dei, quando et templum Dei a lascivis corrumpitur, et altare
eius per negligentiam orationum sordidatur. Abel autem luctus interpretatur.
Qui ergo non recipit quod scriptum est: beati qui lugent, sanguinem effundit
Abel, hoc est veritatem luctus salutaris. Effundunt etiam aliqui veritatem
Scripturarum quasi sanguinem earum: quia omnis Scriptura, nisi secundum
veritatem intelligatur, mortua est. Chrysostomus in Matth. Et ut omnem
excusationem illis adimeret, ne dicerent: quoniam ad gentes eos misisti,
propter hoc scandalizati sumus, praedixerat quod ad eos essent mittendi
discipuli: et ideo de ultione eorum subditur amen dico vobis: venient haec
omnia super generationem istam. Glossa. Non hos tantum praesentes dicit, sed
omnem generationem praecedentem et futuram: quia omnes una civitas sunt, et
unum corpus Diaboli. Hieronymus. Regula autem Scripturarum est duas
generationes, bonorum et malorum, nosse. De
generatione bonorum dicitur: generatio iustorum benedicetur; de Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Quia
Gehennae poenam, quam eis comminatus fuerat, tardabat, comminatur etiam eis
praesentia mala, cum dicit venient haec omnia super generationem istam. Chrysostomus super Matth. Sicut enim omnia
bona quae in singulis generationibus a constitutione mundi omnes sancti
merebantur, illis novissimis sunt donata qui receperunt Christum; sic omnia
mala quae in singulis generationibus a constitutione mundi pati meruerunt
omnes iniqui, super novissimos Iudaeos venerunt, quia Christum repulerunt. Aut ita. Sicut omnis iustitia praecedentium
sanctorum, immo omnium sanctorum, tantum mereri non potuit quantum gratiae
datum est hominibus in Christo, sic omnium peccata impiorum tantum malum
mereri non potuerunt quantum venit super Iudaeos, ut corpore talia
paterentur, qualia passi sunt a Romanis: et sic postmodum omnes generationes
eorum usque in finem saeculi proicerentur a Deo, et ludibrium fierent
gentibus universis. Quid enim peius potest fieri quam filium cum misericordia
et humilitate venientem non suscipere, sed tali modo interficere? Vel ita. Omnis gens vel civitas non statim cum
peccaverit, punit eam Deus, sed expectat per multas generationes; quando
autem placuerit Deo perdere civitatem illam aut gentem, videtur omnium
generationum praecedentium peccata reddere illis: quoniam quae omnes
merebantur, haec sola passa est; sic et generatio Iudaeorum pro patribus suis
videtur punita. Vere autem non pro illis,
sed pro se condemnati sunt. Chrysostomus in Matth. Qui enim multos
iam peccantes vidit, et incorrectus permansit, eadem rursus vel graviora faciens,
maiori est poenae obnoxius. |
Versets
32-36.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Après avoir reproché aux scribes et aux pharisiens d’être les enfants de ceux
qui ont tué les prophètes, il leur prouve maintenant qu’ils leur sont égaux
en malice, et que c’était un mensonge de dire qu’ils n’auraient point
participé à leurs oeuvres, s’ils avaient vécu de leur. temps : « Achevez de combler la mesure de vos
pères », paroles qui ne renferment pas un ordre, mais qui sont une simple
prédiction de ce qui doit arriver. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il leur prophétise donc qu’à l’exemple de leurs pères, qui ont versé
le sang des prophètes, ils mettront à mort eux-mêmes le Christ, les apôtres
et les autres saints. C’est ainsi que, dans une dispute avec un ennemi, si
vous lui dites : « Faites-moi tout le mal que vous voulez me faire », ce
n’est pas un ordre, mais une preuve que vous comprenez ce qu’il a l’intention
de faire. Or, quant à l’accomplissement de cette prophétie, les Juifs ont, en
réalité, dépassé la mesure de leurs pères, qui n’avaient mis à mort que des
hommes, tandis qu’eux, au contraire, ont crucifié un Dieu. Mais, comme il a
subi volontairement la mort [qu’il avait choisie], il ne leur en fait point
un crime, il ne leur reproche que la mort des apôtres et des autres saints.
Aussi il ne leur dit pas : « Dépassez, » mais « Comblez [la mesure de vos pères] », car un juge également juste
et bon méprise les outrages dont il est l’objet, pour ne venger que les
injustices commises à l’égard des autres. — Origène : (Traité
26 sur S. Matth.) Ils remplissent encore la mesure des iniquités de leurs
pères, par cela seul qu’ils ne croient pas eu Jésus-Christ. Or, la cause de
leur incrédulité fut qu’ils ne s’attachèrent jamais qu’au sens historique des
Écritures, sans vouloir reconnaître le sens spirituel qu’elles renfermaient. — Saint Hilaire : (can. 24.) C’est
parce qu’ils doivent combler la mesure des desseins criminels de leurs pères
que le Seigneur les appelle des serpents et une race de vipères ; « Serpents, race de vipères, comment
éviterez-vous d’être condamnés au feu de l’enfer ? » — Saint Jérôme : Jean-Baptiste leur
avait déjà tenu le même langage (Mt 3 ; Lc 3). De même, leur dit-il, que des
vipères naissent d’autres vipères ; ainsi, vous êtes nés homicides de pères
également homicides. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il les appelle « races de vipères », parce qu’il est dans la nature
des vipères de venir au jour en déchirant le sein de leurs mères, et qu’ainsi
font les Juifs, qui condamnent toujours leurs pères et blâment leur conduite.
Il leur demande donc : « Comment
éviterez-vous d’être condamnés au feu de l’enfer ? » Est-ce en élevant
des tombeaux aux Saints ? Mais, le premier degré de la piété, c’est d’aimer
la sainteté, et après cela, les saints ; et c’est inutilement qu’on veut
honorer les justes en méprisant la justice, car les saints ne peuvent
accorder leur amitié à ceux que Dieu regarde comme ses ennemis. Serait-ce le
vain nom que vous portez qui vous délivrera, parce que vous faites partie du
peuple de Dieu ? Mais je pense, quant à moi, qu’un ennemi déclaré vaut mieux
qu’un faux ami ; ainsi Dieu a-t-il plus en horreur celui qui se proclame son
serviteur et qui obéit à la volonté du démon. — (Idem : Hom. 45.) Devant Dieu, celui qui se prépare à
commettre un homicide est déjà réellement homicide avant qu’il ait consommé
son crime, car c’est la volonté que Dieu récompense ou punit, pour le bien ou
pour le mal qu’elle veut faire ; les oeuvres ne sont que le témoignage de la
volonté, et Dieu les exige, non pas qu’il en ait besoin pour motiver son
jugement, mais pour les autres hommes, afin que tous comprennent qu’il est
juste dans ses jugements. Or, Dieu fournit aux méchants l’occasion de pécher,
non pour les forcer à mal faire, mais pour dévoiler aux yeux des hommes leur état
de pécheur ; et il ménage également aux bons l’occasion de faire le bien pour
faire connaître la pureté de leurs intentions. C’est ainsi qu’il donne aux
scribes et aux pharisiens l’occasion de révéler leurs mauvais desseins, et
voilà pourquoi il conclut en ces termes : «
C’est pour cela que je vais vous envoyer des prophètes, et des sages, et des
scribes. » — Saint Hilaire : C’est-à-dire les
apôtres, car ils sont prophètes par la révélation que Dieu leur fait des
événements à venir ; sages par la connaissance qu’ils ont de Jésus-Christ ;
scribes par leur intelligence de la loi. — Saint Jérôme : Ou bien, il faut
voir ici les différentes grâces que Dieu répandit sur les disciples de
Jésus-Christ, et que l’Apôtre énumère dans son épître aux Corinthiens (1 Co
12). Les uns sont prophètes et prédisent l’avenir ; les autres sages, parce
qu’ils savent le moment où il doivent parler ; les autres scribes,
c’est-à-dire très instruits dans la loi. De ce nombre fut Etienne, lapidé par
les Juifs ; Paul, qui périt par le glaive ; Pierre, qui fut crucifié, et les
disciples qui furent battus de verges, comme nous lisons dans les Actes, et
que les Juifs poursuivirent de ville en ville en les chassant de la Judée, et
les forçant de passer chez les Gentils. — Origène : Ou
bien encore, les scribes que Jésus-Christ envoie sont ceux que l’esprit de
l’Évangile vivifie et que la lettre ne tue pas comme la lettre de la loi (2
Co 3), qui fait tomber ceux qui la suivent dans de vaines superstitions. Or,
le simple récit de l’Évangile suffit pour conduire au salut. Les scribes de
la loi flagellent par leurs attaques les scribes du Nouveau Testament dans
leurs synagogues, tandis que les hérétiques, qui sont les pharisiens
spirituels, flagellent les chrétiens de leurs langues, et les persécutent de
ville en ville d’une persécution tantôt extérieure, tantôt spirituelle, en
s’efforçant de les chasser des livres des prophètes, de ceux de la loi et de
l’Évangile, comme d’une cité qui leur appartient. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.)
il leur montre ensuite que ces crimes ne demeureront pas impunis, et leur
imprime une crainte indicible par les paroles qui suivent : « afin que tout le sang innocent qui a été
répandu retombe sur vous. » — Raban : C’est-à-dire toute la vengeance que réclame le sang des
justes qui a été répandu. — Saint Jérôme : il est hors de doute
que cet Abel soit celui qui a été tué par son frère Cain, et à la justice
duquel non seulement l’avis du Seigneur, mais le récit de la Genèse (chap. 4)
– car on y raconte les récompenses qui lui furent accordées par Dieu - rendent témoignage. Mais quel est ce
Zacharie, fils de Barachie, car nous trouvons dans l’Écriture un grand nombre
de personnes qui portent le nom de Zacharie ? Pour nous prémunir ici contre
toute erreur volontaire, Notre-Seigneur ajoute : « que vous avez tué entre le temple et l’autel. » Or, les uns
pensent que ce Zacharie, fils de Barachie, est le onzième des douze petits
prophètes, et le nom de son père est favorable à cette opinion. Mais
l’Écriture ne nous dit pas dans quelle circonstance il a été tué entre le
temple et l’autel, d’autant plus que de son temps il restait à peine quelques
ruines du temple. D’autres veulent que ce soit Zacharie, père de
Jean-Baptiste. — Origène : Une
tradition qui est venue jusqu’à nous, nous apprend qu’il y avait dans le
temple un lieu où il était permis aux vierges de venir adorer Dieu, mais où
l’on ne permettait pas d’entrer à celles qui avaient été dans les liens du
mariage. Or, lorsque Marie entra dans le temple pour y prier après la
naissance du Sauveur, elle se tint dans l’endroit réservé aux vierges ; ceux
qui savaient qu’elle était devenue mère voulurent l’en empêcher, mais
Zacharie leur répondit qu’elle était digne d’occuper la place des vierges,
puisqu’elle était encore vierge. Ils l’accusèrent donc d’agir ouvertement
contre la loi, et le tuèrent entre le temple et l’autel, et c’est ainsi que
Notre-Seigneur peut dire en toute vérité à ceux qui étaient présents : « que vous avez tué. » — Saint Jérôme : Cette explication,
toutefois, n’étant pas appuyée sur l’autorité de l’Écriture, peut être
rejetée aussi facilement qu’on l’admet. D’autres prétendent qu’il s’agit de
Zacharie qui fut tué par Joas, roi de Juda, entre le temple et l’autel,
c’est-à-dire dans le parvis ; mais il faut remarquer que ce Zacharie ne fut
pas fils de Barachias, mais du grand-prêtre Joiadas. Barachias, dans la
langue hébraïque, veut dire « le béni du Seigneur », tandis que le
nom de Joiadas signifie, en hébreu, « la justice ». On lit
cependant dans l’Évangile dont se servent les Nazaréens, fils de Joiadas, au
lieu de fils de Barachias. — Saint Rémi : Mais pourquoi le Seigneur
n’a-t-il parlé que du sang répandu jusqu’à Zacharie, alors que les Juifs
répandirent ensuite le sang d’un si grand nombre de saints ? En voici la
raison : Abel, pasteur de troupeaux,
fut tué au milieu des champs ; Zacharie, qui était prêtre, fut mis à mort
entre le temple et l’autel, et le Seigneur choisit de mentionner ces deux
personnages, parce qu’ils représentent tous les saints martyrs appartenant
soit à l’ordre des laïques, soit à celui des prêtres. — Saint Jean Chrysostome : (Hom. 74.)
Il fait encore mention d’Abel pour montrer aux Juifs que c’est aussi par
envie qu’ils mettraient à mort le Christ et ses disciples, et il rappelle le
meurtre de Zacharie, parce que dans ce meurtre se trouve réuni le double
crime d’avoir été commis sur la personne d’un homme juste, et dans le lieu
saint. — Origène : Le
nom de Zacharie signifie « souvenir de Dieu », celui donc qui
cherche à éteindre le souvenir de Dieu dans l’âme de ceux qu’il scandalise,
répand en quelque sorte le sang de Zacharie, fils de Barachie ; car c’est par
la bénédiction de Dieu que nous conservons le souvenir de Dieu. Les impies
anéantissent encore le souvenir de Dieu toutes les fois que le temple de Dieu
est déshonoré par le libertinage, et que son autel est souillé par
l’indignité des prières qu’on y offre. Abel signifie « deuil » ;
celui donc qui ne croit pas à cette parole : « Heureux ceux qui pleurent » répand le sang d’Abel, c’est-à-dire
rejette cette vérité que les larmes sont salutaires. Il en est, en effet, qui
répandent la vérité des Écritures comme s’ils en répandaient le sang ; car
toute Écriture qui n’est point comprise dans son sens véritable est une
Écriture morte. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.)
Or, afin de leur enlever toute excuse et tout prétexte de dire : Nous avons
été scandalisés de ce que vous avez envoyé les Apôtres aux nations, le Seigneur
leur prédit qu’il leur enverra ses disciples, et il fait allusion à la
vengeance que Dieu tirera de leur mort en ajoutant : « Je vous le dis en vérité, toutes ces choses viendront sur cette
génération. » — La Glose : Cette
prédiction ne s’adresse pas seulement à la génération présente, mais à la
génération des méchants toute entière dans le passé comme dans l’avenir,
parce que tous ne forment qu’une seule cité et qu’un seul corps, la cité et
le corps du démon. — Saint Jérôme : C’est un principe
dans l’Écriture d’admettre deux générations : celle des bons et celle des
méchants. Elle dit de la première (Ps 61) : « La génération des justes sera bénie » ; et dans ce
passage, la génération des méchants est appelée « génération de vipères ». Ceux donc qui se rendirent
coupables contre les Apôtres des mêmes crimes qu’avaient commis Caïn et Joas,
sont compris dans la même génération. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Ou bien dans un autre sens, comme le supplice de l’enfer, dont le Seigneur
les menaçait, devait tarder encore quelque temps, il les menace de châtiments
immédiats en leur disant : « Tout cela
viendra sur cette race qui est aujourd’hui. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) De même que toutes les grâces que les saints ont méritées dans
chacune des générations qui se sont succédé depuis le commencement du monde,
ont été accordées à ceux qui, dans ces derniers temps, ont reçu Jésus-Christ
; ainsi tous les châtiments que les méchants ont mérités depuis le
commencement du monde, sont venus fondre dans ces derniers temps sur les
Juifs, parce qu’ils ont rejeté Jésus-Christ. Ou bien, de même que toute la
justice réunie des saints qui ont précédé, et en général de tous les saints,
n’a pu obtenir une si grande abondance de grâces que celle que Dieu a
répandue sur les hommes par Jésus-Christ ; ainsi les péchés réunis de tous
les impies n’ont point mérité d’aussi grands châtiments que ceux qui vinrent
fondre sur les Juifs, tels que ceux que les Romains firent souffrir à ce
malheureux peuple, et qui furent suivis d’une peine non moins terrible pour
toutes les générations suivantes, celle d’être rejetées de Dieu jusqu’à la
fin du monde, et d’être la risée de tous les autres peuples. Car aussi, quel
plus grand crime que de ne pas recevoir le Fils de Dieu qui venait à eux avec
tant de miséricorde et d’humilité, mais de lui faire souffrir une mort aussi
cruelle ? Ou bien, lorsqu’une nation ou une cité se rend coupable, Dieu ne la
punit pas aussitôt, mais il attend pendant plusieurs générations, et
lorsqu’il a décrété de perdre cette cité ou cette nation, il semble la rendre
responsable des péchés de toutes les générations précédentes, parce qu’elle
souffre elle seule tout ce qu’ont mérité ces générations. C’est ainsi que la
génération actuelle des Juifs paraît punie pour les crimes de ses ancêtres,
bien qu’elle ne reçoive que le juste châtiment dû à ses propres crimes. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.) Celui qui a été témoin des prévarications d’un grand nombre, et qui, loin de devenir meilleur, retombe dans les mêmes fautes ou dans de plus graves encore, se rend digne de plus grands châtiments. |
Lectio 12 [85568] Catena in Mt.,
cap. 23 l. 12 Chrysostomus in Matth. Post praedicta,
ad civitatem convertit dominus sermonem, ex hoc erudire volens auditores;
unde dicit Ierusalem, Ierusalem. Haec autem duplicatio miserentis est, et
valde diligentis. Hieronymus. Ierusalem autem non saxa et
aedificia civitatis, sed habitatores vocat, quam patris plangit affectu. Chrysostomus super Matth. Praevidens ruinam
civitatis illius, et plagam quae a Romanis superventura erat, recordabatur
quidem sanguinis sanctorum suorum qui effusus erat ab illis, et postmodum
effundendus: unde addit quae occidis prophetas et lapidas eos qui ad te missi
sunt. Missum ad te Isaiam occidisti, et servum meum Ieremiam lapidasti,
Ezechielem tractum per lapides excerebrasti: quomodo salvaberis, quae ad te
medicum non venire permittis? Et non dixit: occidisti, aut: lapidasti; sed
occidis et lapidas, idest, quasi hanc propriam et naturalem consuetudinem
habes ut occidas et lapides sanctos. Eadem
enim fecit apostolis quae fecerat aliquando prophetis. Chrysostomus in Matth. Deinde,
cum vocasset eam, et abominabiles eius occisiones dixisset, quasi se
excusando dixit quoties volui congregare filios tuos? Quasi dicat: neque
praedictis occisionibus me a tua benevolentia avertisti; sed volui te mihi
adiungere, non semel aut bis, sed multoties. Magnitudinem autem amoris sub
similitudine gallinae ostendit. Augustinus de quaest. Evang. Hoc enim genus
animantis magnum affectum in filios habet, ita ut eorum infirmitate affecta
infirmetur et ipsa: et, quod difficile in ceteris animantibus invenies, alis
suis filios protegens contra milvum pugnat; sic et mater nostra, Dei
sapientia, per carnis susceptionem infirmata quodammodo, secundum illud
apostoli: quod infirmum est Dei, fortius est hominibus, protegit infirmitatem
nostram, et resistit Diabolo, ne nos rapiat. Origenes in Matth. Filios autem
Ierusalem dicit, secundum quod dicimus semper civium successores praecedentium
filios. Dicit autem quoties volui, cum sit manifestum semel eum docuisse in
corpore Iudaeos: semper enim Christus praesens fuit et in Moyse et in
prophetis et in Angelis, ministrantibus saluti humanae per singulas
generationes. Si quis autem non fuerit congregatus ab eo,
iudicabitur quasi noluerit congregari. Rabanus. Cessent igitur haeretici Christo
principium ex virgine dare; omittant alium legis et prophetarum Deum
praedicare. Augustinus in Enchir. Ubi est autem illa
omnipotentia qua in caelo et in terra omnia quaecumque voluit fecit, si
colligere filios Ierusalem voluit, et non fecit? An non potius illa quidem
filios suos ab ipso colligi noluit, sed ea quoque nolente, filios eius
collegit ipse quos voluit? Chrysostomus in Matth. Deinde comminatur
poenam quam semper formidaverunt, scilicet civitatis et templi eversionem,
dicens ecce relinquetur vobis domus vestra deserta. Chrysostomus super Matth. Sicut enim corpus,
anima recedente, prius quidem frigescit, deinde putrescit et solvitur, sic et
templum nostrum, Dei spiritu recedente, prius seditionibus et
indisciplinatione replebitur, deinde veniet ad ruinam. Origenes. Semper etiam eis qui noluerunt
congregari sub alis eius, comminatur Christus ecce relinquetur vobis domus
vestra deserta, idest anima et corpus. Sed et si quis ex vobis noluerit
congregari sub alis Christi, ex tempore illo ex quo congregationem refugit
actu magis quam corpore, non videbit pulchritudinem verbi, donec poenitens a
proposito malo dicat benedictus qui venit in nomine domini. Tunc enim verbum
Dei benedictum venit super cor hominis quando fuerit quis conversus ad Deum;
unde sequitur dico enim vobis: non me videbitis amodo donec dicatis:
benedictus qui venit in nomine domini. Hieronymus. Quasi dicat: nisi poenitentiam
egeritis, et confessi fueritis ipsum esse me, de quo prophetae cecinerunt,
filium omnipotentis patris, faciem meam non videbitis. Habent ergo Iudaei
datum sibi tempus poenitentiae. Confiteantur benedictum qui venit in nomine
domini; et Christi ora conspicient. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Per
hoc occulte secundum adventum significavit: quoniam tunc omnino eum
adorabunt. Quod autem dicit amodo, ad tempus crucis refertur. |
Versets
37-39.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.)
Le Seigneur s’adresse ensuite à la ville de Jérusalem elle-même pour
l’instruction de ceux qui l’écoutent : « Jérusalem, Jérusalem », répétition
qui exprime toute sa compassion et son amour. — Saint Jérôme : Sous le nom de
Jérusalem, ce n’est pas aux pierres ni aux édifices de cette ville qu’il
s’adresse, mais à ses habitants sur lesquels il pleure avec toute l’affection
d’un père. — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) Il prévoit la destruction de cette ville, et les maux que les Romains
doivent lui faire endurer, et il se rappelle en même temps le sang des saints
qu’elle avait répandu, et qu’elle devait répandre encore, et c’est pour cela
qu’il ajoute : « Toi qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te
sont envoyés. » Tu as mis à mort le prophète Isaïe que je t’avais envoyé,
tu as lapidé mon serviteur Jérémie, tu as répandu la cervelle d’Ezéchiel en
le traînant sur les pierres. Comment pourras-tu jamais être sauvée, toi qui
ne permets à aucun médecin d’arriver jusqu’à toi ? Et il ne lui dit pas : Toi qui as tué, ou qui
as lapidé, mais « qui tues et qui lapides », c’est-à-dire il est comme
dans ta nature de tuer et de lapider les saints ; et en effet, elle a traité
les Apôtres comme elle avait autrefois traité les prophètes. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.)
Après s’être ainsi adressé à cette ville homicide, et lui avoir dévoilé toute
l’horreur des meurtres qu’elle avait commis, le Seigneur ajoute comme pour
s’excuser : « Combien de fois ai-je voulu réunir tes enfants ! » Comme
s’il disait : Non seulement tu n’as pu par tant de meurtres me détourner de
l’amour que j’ai pour toi, mais j’ai voulu t’unir intimement à moi, non pas
une fois ou deux, mais dans une multitude de circonstances ; et pour lui
exprimer la grandeur de sa tendresse, il ne dédaigne pas de se comparer à une
poule. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1,
32,) Cet animal éprouve une grande tendresse pour ses petits, elle s’affecte
de leurs infirmités jusqu’à en devenir malade elle-même, et ce que vous
trouverez difficilement dans les autres animaux, elle couvre ses petits de
ses ailes, et les défend contre le milan. C’est ainsi que notre mère, la
sagesse de Dieu, devenue infirme en quelque sorte par son union avec notre
chair, selon cette parole de l’Apôtre : « Ce qui paraît en Dieu une
faiblesse est plus fort que les hommes », protège notre infirmité, et
résiste aux attaques du démon de peur qu’il ne nous enlève. — Origène : Le
Seigneur appelle les Juifs enfants de Jérusalem dans le sens que nous
appelons les enfants des citoyens ceux qui leur succèdent. Il dit : «
Combien de fois ai-je voulu », lorsqu’il est certain cependant qu’il n’a
enseigné qu’une seule fois les Juifs dans la vérité de sa chair, parce que le
Christ a toujours été présent, et dans Moïse, et dans les prophètes et dans
les anges que Dieu envoyait pour sauver les hommes dans toutes les
générations. Or si quelqu’un n’a pas été rassemblé [avec les autres], on
pourra dire qu’il n’a pas voulu être rassemblé. — Raban : Que les hérétiques cessent donc de ne faire remonter
l’origine du Christ qu’à sa naissance du sein de la Vierge, qu’ils cessent de
prêcher un autre Dieu de la loi et des prophètes. — Saint Augustin : (Enchir., chap.
99.) Où est donc cette toute-puissance par laquelle il fait tout ce qu’il
veut sur la terre et dans le ciel, s’il est vrai qu’il ait voulu rassembler
les enfants de Jérusalem, et qu’il n’ait pu le faire ? N’est-ce pas plutôt
Jérusalem qui ne voulut pas lui laisser rassembler ses enfants, et cependant
malgré son opposition, n’a-t-il pas rassemblé réellement tous ceux qu’il a
voulu ? — Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.)
Il leur prédit ensuite le châtiment qu’ils avaient toujours redouté, la
destruction du temple et de la ville : « Le temps s’approche où votre
demeure sera déserte. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S. Matth.)
De même que le corps, après sa séparation d’avec l’âme, commence par se
refroidir, puis tombe en pourriture et en dissolution ; ainsi notre temple
intérieur, lorsque le Saint-Esprit s’en sera retiré, se remplira de troubles,
de rébellion jusqu’à son entière destruction. — Origène : Notre-Seigneur
Jésus-Christ fait toujours les mêmes menaces à ceux qui n’ont pas voulu se
laisser rassembler sous ses ailes : « Voici que votre maison demeurera
déserte », c’est-à-dire votre âme et votre corps. Et si quelqu’un de vous
refuse de se réunir sous les ailes de Jésus-Christ, du moment où il se
refusera à cette réunion (par l’acte de sa volonté plutôt que par un acte
extérieur), il cessera de voir la beauté du Verbe jusqu’à ce qu’il se repente
de son obstination et qu’il dise : « Béni soit celui qui vient au nom du
Seigneur. » C’est, en effet, lorsqu’un homme se convertit à Dieu, que le
Verbe béni de Dieu descend dans son cœur : « Car je vous le dis, vous ne
me verrez plus désormais jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit celui qui
vient au nom du Seigneur. » — Saint Jérôme : C’est-à-dire vous ne
me verrez plus jusqu’à ce que vous ayez fait pénitence et reconnu hautement
que je suis celui que les prophètes ont annoncé, le Fils du Père
tout-puissant. Les Juifs ont donc un temps marqué pour le repentir ; qu’ils
confessent que celui qui vient au nom du Seigneur est béni, et ils seront
admis à contempler le visage du Christ. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 74.) Ou bien dans un autre sens, il annonce ici en termes couverts son second avènement ; alors que tous les Juifs, sans exception, l’adoreront comme leur Dieu ; quant à l’expression « désormais, » elle se rapporte au temps de sa mort sur la croix. |
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Caput 24 |
CHAPITRE 24—
[Discours sur le mont des
Oliviers]
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Lectio 1 [85569] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 1 Origenes in Matth. Postquam
omnia quae super Ierusalem ventura erant, Christus praedixit, exiit de templo
qui conservaverat templum, ne caderet donec fuit in eo; unde dicitur et
egressus Iesus de templo, ibat. Sed et unusquisque cum sit templum Dei
propter spiritum Dei inhabitantem in se, ipse fit causa suae desertionis ut
egrediatur ab eo Christus. Sequitur et accesserunt ad eum discipuli eius, ut
ostenderent ei aedificationes templi. Dignum est videre quomodo ostendunt ei
structuras templi, quasi nunquam viderit templum. Ad quod respondendum est,
quod cum Christus prophetizasset superius ruinam templi futuram, audientes
discipuli mirati sunt, talem ac tantam templi structuram ad nihilum
redigendam; propterea ostendunt ei, ut flecterent eum ad misericordiam loci
illius, ne faceret quod fuerat comminatus. Sed et cum sit humanae naturae
admirabilis constructio, facta videlicet templum Dei, discipuli ceterique
sancti etiam modo miranda opera Dei erga figmentum humanum confitentes, ante
conspectum Christi intercedunt, ne deserat genus humanum propter peccata
ipsorum. Sequitur ipse autem respondens dixit eis: videtis haec omnia? Amen
dico vobis: non relinquetur hic lapis super lapidem, qui non destruatur. Rabanus. Iuxta historiam manifestus est
sensus: quia quadragesimo secundo anno post passionem domini, sub Vespasiano
et Tito Romanis principibus, civitas eversa est cum templo. Remigius. Divinitus autem procuratum est ut
revelata iam luce gratiae, templum cum suis caeremoniis tolleretur: ne forte
aliquis parvulus in fide, dum videret omnia illa quae a domino fuerant
instituta et a prophetis sanctificata adhuc permanere, paulatim recedendo a
sinceritate fidei, ad carnalem Iudaismum transiret. Chrysostomus in Matth. Sed qualiter verum est
quod non mansit lapis super lapidem? Vel enim desolationem eius ostendens
omnimodam, hoc dixit; vel secundum illum locum ubi erat: sunt enim eius
partes usque ad fundamenta destructae. Cum his et illud dicam, quoniam ex his
quae facta sunt, et de reliquis oportet credere quod peribunt perfecte. Hieronymus. Mystice autem recedente domino de
templo, omnia legis aedificia et compositio mandatorum ita destructa est ut
nihil a Iudaeis possit impleri, et capite sublato universa inter se membra
compugnent. Origenes. Omnis etiam homo, qui suscipiens in
se verbum Dei, templum est; si post peccatum adhuc servat ex parte vestigia
fidei et religionis, templum est ex parte destructum et ex parte consistens.
Qui autem postquam peccaverit, curam sui non habet, paulatim minuitur, donec
ad plenum recedat a Deo vivente: et sic non relinquetur lapis super lapidem,
mandatorum Dei, qui non destruatur. |
Versets
1-2.
— Origène : (traité
27 sur S. Matth.) Après que Notre-Seigneur Jésus-Christ eut prédit tous les
maux qui devaient tomber sur la ville de Jérusalem, il sortit du temple qu’il
avait préservé de sa destruction tant qu’il y était resté : « Jésus étant
sorti du temple s’en allait. » Chacun de nous aussi devient le temple de
Dieu, à cause de l’esprit de Dieu qui habite en lui (1 Co 3, 16 ; 6, 19 ; 2
Co 6, 16), et c’est à lui seul qu’il doit imputer l’abandon où Jésus-Christ
le laisse en sortant de son cœur. « Et ses disciples s’approchèrent de
lui, pour lui faire remarquer les constructions du temple.» On se demande naturellement pourquoi ils
lui montrent les constructions du temple comme s’il ne les avait jamais vues.
La raison en est que Notre-Seigneur ayant prédit plus haut la ruine du
temple, les disciples qui l’entendirent, s’étonnèrent qu’un édifice de cette
grandeur et de cette magnificence dût être entièrement détruit, et ils lui en
firent voir [la beauté], pour le fléchir en faveur de cet édifice, et
l’engager à ne point accomplir les menaces qu’il avait faites. Or, la nature
humaine nous offre elle-même une admirable structure, puisqu’elle est devenue
le temple de Dieu, et encore aujourd’hui les disciples de Jésus-Christ et les
autres saints, proclamant les prodiges que Dieu a opérés en faveur de cette
pauvre nature humaine, intercèdent auprès de Jésus-Christ pour qu’il
n’abandonne point le genre humain en punition de ses péchés. « Mais il
leur dit : Vous voyez tous ces bâtiments ? je vous le dis en vérité, ils
seront détruits, au point qu’il n’y restera pas pierre sur pierre. » — Raban : L’histoire nous donne le véritable sens de cette
prédiction : quarante-deux ans après la passion du Seigneur, la ville fut
détruite avec le temple, sous Vespasien et Tite, empereurs romains. — Saint Rémi : C’est par un dessein
providentiel que le temple disparut avec les cérémonies de la loi aussitôt la
révélation de la loi de grâce ; car autrement, ceux qui étaient encore
faibles dans la foi, voyant que les institutions qui avaient Dieu pour
auteur, et que les prophètes avaient consacrées, continuaient à subsister, se
seraient éloignés insensiblement de la pureté de la foi pour embrasser un
judaïsme tout charnel. — Saint Jean Chrysostome : (Hom. 75.)
Mais comment s’est vérifiée cette prédiction qu’il ne resterait pas pierre
sur pierre ? Ou bien, le Seigneur a voulu parler d’une destruction complète,
ou de la destruction des parties du temple qu’ils avaient sous les yeux ; car
il est des parties qui ont été détruites jusque dans les fondements.
J’ajouterai que ce qui s’est accompli de cette prédiction est pour nous un
motif de croire que les autres parties seront elles-mêmes entièrement
détruites. — Saint Jérôme : Dans le sens
mystique, aussitôt que le Seigneur fut sorti du temple, tout l’édifice de la
loi et la disposition des commandements ont été entièrement détruits, de
manière que les Juifs ne peuvent plus en observer la moindre partie, et que
tous les membres privés de leur chef sont dans une lutte continuelle les uns
avec les autres. — Origène : Tout homme qui reçoit dans son âme la parole de Dieu, devient le temple de Dieu. Si après avoir péché, il conserve encore quelque vestige de foi et de religion, ce temple est en partie renversé et en partie debout. Mais, au contraire, si après son péché, il ne prend plus aucun souci de son salut, il tombe en ruines de jour eu jour jusqu’à ce qu’il se sépare tout à fait du Dieu vivant, et alors il ne reste plus en lui pierre sur pierre des commandements de Dieu, et la destruction est complète. |
Lectio 2 [85570] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 2 Remigius. Perseverans dominus in
itinere, pervenit ad montem oliveti; et quibusdam discipulis in via
ostendentibus et laudantibus aedificationem templi, ipse palam praedixerat
omnia esse destruenda: idcirco cum pervenissent ad montem oliveti,
accesserunt ad eum interrogantes; unde dicitur sedente autem eo super montem
oliveti. Chrysostomus in Matth. Propter hoc autem
secreto accesserunt, quia de magnis erant interrogaturi: etenim cupiebant
discere diem adventus eius, quia vehementer desiderabant gloriam eius videre.
Hieronymus. Et interrogant tria. Primo, quo
tempore Ierusalem destruenda sit, dicentes dic nobis, quando haec erunt?
Secundo, quo tempore Christus venturus sit; unde dicunt et quod signum
adventus tui? Tertio, quo tempore consummatio saeculi sit futura; unde dicunt
et consummationis saeculi? Chrysostomus in Matth. Lucas autem ait unam
esse interrogationem, quae est de Hierosolyma, quasi aestimantibus discipulis
tunc futurum esse Christi adventum et finem mundi quando Hierosolyma
destrueretur. Marcus autem non omnes eos de consummatione Hierosolymae
interrogasse, sed Petrum, Iacobum, Ioannem et Andream, quasi liberius et
securius Christo loquentes. Origenes in Matth. Puto autem montem
oliveti mysterium esse Ecclesiae quae ex gentibus est. Remigius. Mons enim oliveti non habet
infructuosas arbores, sed oliveta, quibus lumen nutritur ad fugandas
tenebras, et quibus fessis requies, infirmis salus praestatur. Sedens autem
dominus supra montem oliveti contra templum, de ruina ipsius et excidio
Iudaicae gentis disputat, ut etiam ipso situ corporis monstret quia quietus
manens in Ecclesia, impiorum superbiam condemnat. Origenes. Agricola enim residens in monte
oliveti, verbum Dei est in Ecclesia confirmatum, Christus scilicet, qui
semper oleastri ramos inserit in bonam olivam patrum. Qui habent fiduciam
ante Christum, discere volunt signum adventus Christi et consummationis
saeculi. Est autem duplex adventus verbi in animam. Primus quidem stulta
praedicatio de Christo, quando praedicamus Christum natum et crucifixum;
secundus autem adventus est in viris perfectis, de quibus dicitur: sapientiam
loquimur inter perfectos; et huic secundo adventui adiungitur consummatio
saeculi in viro perfecto, cui mundus crucifixus est. Hilarius in Matth. Et quia tria a discipulis
quaesita sunt, distinctis et temporis et intelligentiae significationibus
separantur. Respondetur ergo primo de civitatis occasu, et deinde confirmatur
veritate doctrinae, ne quis fallax ignorantibus possit obrepere; unde
sequitur et respondens Iesus, dixit eis: videte ne quis vos seducat: multi
enim venient in nomine meo, dicentes: ego sum Christus. Chrysostomus in Matth. Neque enim de
Hierosolymae destructione, neque de secundo adventu respondit statim; sed de
malis quibus statim obviandum erat. Hieronymus. Unus autem eorum de quibus
loquitur fuit Simon Samaritanus, quem in actibus apostolorum legimus, qui se
magnam dicebat esse virtutem, haec quoque inter cetera in suis voluminibus
scripta dimittens: ego sum sermo Dei, ego omnipotens, ego omnia Dei. Sed et
Ioannes apostolus in epistola sua 1 loquitur: audistis quia Antichristus
venturus est; nunc autem Antichristi multi sunt. Ego reor omnes haeresiarchas
Antichristos esse, et sub nomine Christi ea docere quae contraria sunt
Christo. Nec mirum si aliquos ab his videamus seduci, cum dominus dixerit et
multos seducent. Origenes. Multi autem sunt qui seducuntur:
quia larga est porta quae ducit ad perditionem, et multi sunt qui intrant per
eam. Hoc autem solum sufficit ad cognoscendum
seductionem Antichristorum, qui dicunt ego sum Christus, quod numquam legitur
Christus dixisse. Sufficiebant enim ad credendum quod ipse
est Christus, opera Dei, et sermo quem docebat, et virtus ipsius. Omnis etiam
sermo qui profitetur expositionem Scripturarum secundum fidem earum, et non
habet veritatem, Antichristus est. Veritas enim Christus est, et simulata
veritas Antichristus. Sed et omnes virtutes invenimus esse Christum, omnes
simulatas virtutes Antichristum: quoniam omnes species boni quascumque habet
Christus in se in veritate ad aedificationem hominum, omnes eas habet
Diabolus in specie ad seductiones sanctorum. Opus ergo est nobis Deo
auxiliatore, ne quis nos seducat, vel sermo, vel virtus. Malum enim est
invenire aliquem secundum mores vitae errantem; multo autem peius arbitror
esse non secundum verissimam regulam Scripturarum sentire. |
Versets
3-5.
— Saint Rémi : Le Seigneur,
continuant son chemin, parvint jusqu’au mont des Oliviers. Or, comme il avait
prédit clairement la destruction complète du temple dont quelques-uns de ses
disciples lui avaient fait admirer chemin faisant la magnifique structure,
lorsqu’il fut arrivé sur le mont des Oliviers, ils s’approchèrent de lui pour
l’interroger, comme le remarque l’Évangéliste : « Lorsqu’il se fut assis
sur la montagne des Oliviers... » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Ils s’approchèrent de lui secrètement, parce qu’ils avaient à lui faire
d’importantes questions ; car ils désiraient connaître le jour de son
avènement par le désir ardent qu’ils avaient d’être témoins de sa gloire. — Saint Jérôme : Ils lui demandent trois choses :
premièrement à quelle époque doit avoir lieu la destruction de Jérusalem : «
Dites-nous quand toutes ces choses arriveront ? » ;
secondement, à quel temps le Christ doit venir : « Et quel sera le signe
de votre avènement ? » ; troisièmement, quand doit arriver la fin du
monde : « Et quel signe il y aura de la consommation du siècle ? » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Saint Luc rapporte que les disciples n’adressèrent au Seigneur qu’une seule
question sur la ville de Jérusalem, parce qu’ils pensaient que l’avènement du
Christ et la fin du monde suivraient immédiatement la ruine de Jérusalem.
D’après saint Marc, ce ne furent pas tous les disciples qui l’interrogèrent
sur la ruine de Jérusalem, mais seulement Pierre, Jacques Jean et André qui
parlaient à Jésus plus librement et sans crainte. — Origène : Je pense que la montagne
des Oliviers est la figure de l’Église, formée de toutes les nations. — Saint Rémi : Cette montagne ne porte
pas d’arbres stériles, mais des oliviers, dont l’huile entretient la lumière
qui dissipe les ténèbres, repose les membres fatigués par le travail, et rend
la santé aux malades. Or, Notre-Seigneur, assis sur la montagne des Oliviers,
en face du temple, s’entretient de la ruine de ce temple et de la destruction
de la nation juive, pour montrer par la position même qu’il occupe, que tout
en restant calme et tranquille au milieu de son Église, il ne laisse pas de
condamner 1’orgueil des impies. — Origène : Le
laboureur qui est assis sur la montagne des Oliviers, c’est le Verbe de Dieu
établi dans 1’Église, c’est-à-dire Jésus-Christ qui ne cesse de greffer les
branches de l’olivier sauvage sur l’olivier franc des patriarches. Or, ceux
qui mettent leur confiance en Jésus-Christ, désirent connaître quel sera le
signe de son avènement et de la consommation du siècle. Il y a deux
avènements du Verbe dans l’âme : le premier a lieu par cette prédication du
Christ qui paraît une folie, et qui annonce que Jésus-Christ est né, et qu’il
a été crucifié ; le second avènement se fait dans les hommes parfaits dont il
a été dit : « Nous parlons le langage de la sagesse au milieu des
hommes parfaits », et à ce second avènement vient se joindre la
consommation du siècle dans l’homme parfait, pour qui le monde a été crucifié
» (Ga 6). — Saint Hilaire : (can 25) Comme les
disciples font a Jésus-Christ trois questions différentes, elles sont
divisées en autant de propositions distinctes pour le temps où ces événements
doivent arriver. Notre Seigneur répond d’abord à la question qui a pour objet
la destruction de la ville, et il confirme sa réponse par la vérité de sa
doctrine, afin que ses disciples ne tombent point dans les pièges que les
hommes du mensonge pourraient tendre à leur ignorance : « Et Jésus leur
répondit : Prenez garde que nul ne vous séduise, car plusieurs viendront en
mon nom, disant : Je suis le Christ » — Saint Jean Chrysostome (hom.
75) : Il ne leur parle pas immédiatement dans sa réponse de la ruine de
Jérusalem, ni de son second avènement, mais il leur signale les dangers
contre lesquels il fallait tout d’abord les prémunir. — Saint Jérôme : Un des séducteurs,
dont il leur parle ici, fut Simon le Samaritain dont il est question dans les
Actes des Apôtres (chap. 8), qui se proclamait la grande vertu, et qui avait
écrit entre autres choses dans ses ouvrages : « Je suis la parole de Dieu ;
je suis le tout-puissant ; je suis tout ce que Dieu possède. » Mais saint
Jean l’Évangéliste ne dit-il pas dans sa première Épître : « Vous avez
entendu dire que l’antéchrist doit venir ; or, il y a maintenant plusieurs
antéchrists ? » Pour moi, je pense que tous les hérésiarques sont des
antéchrists, qui enseignent, sous le nom du Christ, une doctrine contraire à
la sienne, et il n’est pas étonnant que nous en voyions plusieurs qui se
laissent séduire par eux, puisque le Seigneur a dit : « Et ils en
séduiront un grand nombre. » — Origène : Ils en séduisent un grand nombre, parce que la porte qui conduit à la perdition est large, et qu’il en est beaucoup qui entrent par cette porte. (Mt 7.) Ce signe est suffisant pour reconnaître la séduction des antéchrists qui viennent dire : « Je suis le Christ », ce que nous ne voyons pas que Jésus-Christ ait jamais dit ; car les oeuvres toutes divines qu’il opérait, la doctrine qu’il enseignait et sa vertu étaient des témoignages plus que suffisants pour établir qu’il était le Christ. Or, tout discours qui fait profession d’expliquer les Écritures selon la règle de la foi, et qui ne contient pas la vérité, est un antéchrist ; car Jésus-Christ est la Vérité, tandis que antéchrist n’a que l’apparence de la vérité. Nous trouvons également que Jésus-Christ est la réunion de toutes les vertus, et que l’antéchrist n’a que les dehors trompeurs de ces mêmes vertus ; car toutes les différentes espèces de bien que Jésus-Christ a en lui en vérité pour l’édification des hommes, le Diable les a toutes en apparence pour séduire les saints. Nous avons donc besoin du secours de Dieu, pour qu’aucune parole, aucune influence ne puisse nous nuire ; car s’il est dangereux de rencontrer quelqu’un dont la conduite soit contraire à la règle des moeurs, je pense qu’il est bien plus dangereux encore de rencontrer un homme qui est en opposition avec la véritable règle d’interprétation des Écritures. |
Lectio 3 [85571] Catena in Mt.,
cap. Chrysostomus in Matth. Hic autem loquitur de
praeliis quae Hierosolymis erant futura, cum dicit audituri enim estis
praelia et opiniones praeliorum. Origenes in Matth. Qui audit ipsas voces quae
fiunt in praeliis, audit praelia; qui autem de praeliis longe gestis audit,
opiniones vel rumores audit praeliorum. Chrysostomus in Matth. Quia vero per hoc
turbari etiam discipuli poterant, ideo subdit videte ne turbemini. Deinde
quia aestimabant post illud bellum quo Ierusalem destrueretur, statim finem
mundi esse venturum, eos in vera opinione stabilit, dicens oportet enim haec
fieri, sed nondum statim est finis. Hieronymus. Idest, non putemus diem instare
iudicii, sed in tempus aliud reservari; cuius signum perspicue in
consequentibus ponitur. Consurget enim gens in gentem, et regnum in regnum.
Rabanus. Vel admonentur apostoli ne his advenientibus
terreantur, ut Hierosolymam Iudaeamque deserant; quia non statim finis, sed
in quadragesimum annum desolatio provinciae, ultimumque urbis et templi
sequetur excidium: de quibus subditur consurget enim gens in gentem, et
regnum in regnum. Constat autem hic acerbissimos dolores, quibus omnis
vastata est provincia, ad litteram contigisse. Chrysostomus in Matth. Deinde ut ostendat
quoniam et ipse praeliabitur contra Iudaeos, non solum bella praenuntiat, sed
et plagas divinitus illatas: unde subdit et erunt pestilentiae et fames et
terraemotus per loca. Rabanus. Notandum quod in hoc quod dicit
consurget gens in gentem, ostenditur perturbatio hominum; erunt pestilentiae,
ecce inaequalitas corporum; erit fames, ecce sterilitas terrae; terraemotus per
loca, ecce respectus irae desuper. Chrysostomus in Matth. Et non simpliciter haec
fient secundum consuetudinem antea in hominibus existentem; sed ex ira quae
erit desuper: et propter hoc non simpliciter dixit ea esse ventura, neque
repente; sed cum quadam significatione subdit haec autem omnia sunt initia
dolorum, idest Iudaicorum malorum. Origenes. Vel aliter: sicut aegrotant corpora
ante mortem, sic necesse est ante corruptionem mundi ut quasi languens terra
frequentius terraemotibus conquassetur, aer etiam vim mortiferam concipiens
pestilens fiat; et vitalis virtus terrae deficiens, suffocet fructus.
Consequens autem est ut propter inopiam ciborum, in avaritiam et bella
homines excitentur; sed quia insurrectiones et lites interdum fiunt propter
avaritiam, interdum autem propter concupiscentiam principatus, et gloriam
vanam; adhuc profundiorem dabit aliquis causam eorum quae ante finem mundi
sunt ventura. Sicut enim adventus Christi in pluribus gentibus divina virtute
fecit pacem, sic consequens est ut propter abundantiam iniquitatis
refriguerit caritas multorum; et ideo dereliquerit illos Deus, et Christus
eius, iterum fieri praelia, dum non prohibentur a sanctitate operationes
seminatrices bellorum: sed et adversariae virtutes dum non vetantur a sanctis
et a Christo, absque prohibitione operabuntur in cordibus hominum, ut
excitent gentem adversus gentem, et regnum adversus regnum. Si autem, sicut
quibusdam placet, et fames et pestilentiae ab Angelis Satanae fiunt, haec
etiam tunc invalescent ab adversis virtutibus, quando non fuerint sales
terrae et lux mundi, Christi discipuli, destruentes quae ex Daemonum malitia
seminantur. Et aliquando quidem in Israel fames et pestilentiae fiebant
propter peccata, quas orationes sanctorum solvebant. Bene autem per loca: non
enim insimul vult Deus perdere humanum genus; sed iudicans per partes, dat
poenitentiae locum. Si autem incipientibus huiusmodi malis, non fuerit facta
correptio, proficient ad peius: unde sequitur haec autem omnia initia sunt
dolorum, generalium scilicet in universo mundo, et eorum qui secuturi sunt
adversus impios, ut in doloribus acutissimis crucientur. Hieronymus. Mystice autem videtur regnum
contra regnum consurgere, et pestilentia eorum quorum sermo serpit ut cancer,
et fames audiendi verbum Dei, et commotio universae terrae, et a vera fide
separatio, in haereticis magis intelligi, qui contra se invicem dimicantes,
Ecclesiae victoriam faciunt. Origenes. Oportet autem haec fieri antequam
videamus perfectionem sapientiae quae est in Christo, sed non statim erit
finis quem quaerimus: pacificus enim finis longe est ab hominibus istis. Hieronymus. Quod autem dixit haec omnia initia
sunt dolorum, melius transfertur parturitionum, ut quasi conceptus quidam
adventus Antichristi, non partus intelligatur. |
Versets
6-8.
— Saint Augustin : (Lettre à
Hésych.). Notre-Seigneur répond aux questions de ses disciples en leur
faisant connaître les différentes circonstances des événements qui doivent
suivre, c’est-à-dire soit de la ruine de Jérusalem à l’occasion de laquelle
ils l’avaient interrogé, soit de son avènement par l’Église, dans laquelle il
ne cesse de se manifester jusqu’à la fin des siècles, et de se révéler dans
les nouveaux membres auxquels il donne naissance tous les jours, soit enfin
de la consommation des siècles où il viendra pour juger les vivants et les
morts. Or, comme il énumère les signes particuliers à ces trois événements,
il nous faut examiner attentivement les signes qui sont propres à chacun
d’eux, pour ne point appliquer à l’un ce qui se rapporte à l’autre. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Il leur parle d’abord des combats qui devaient se livrer à Jérusalem : « Vous entendrez des combats et des bruits
de guerre. » — Origène : (Traité
28 sur S. Matth.) Celui qui entend les cris que poussent les combattants,
entend les combats ; celui qui entend le récit des combats qui ont lieu dans
des pays éloignés, entend des bruits ou des rumeurs de combats. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Mais comme cette prédiction pouvait jeter le trouble dans l’âme de ses
disciples, il les rassure en leur disant : « Gardez-vous bien de vous troubler » ; et il les conforte
dans la vérité, parce qu’ils pensaient que la fin du monde suivrait
immédiatement la guerre qui devait détruire Jérusalem, en ajoutant : « Il faut que toutes ces choses arrivent,
mais ce ne sera pas encore la fin. » — Saint Jérôme : C’est-à-dire
gardons-nous de croire que le jour du jugement est proche, car Dieu le tient
en réserve pour un autre temps, et le Seigneur en trace clairement les signes
avant-coureurs dans les paroles suivantes : « Car on verra se soulever peuple contre peuple, et royaume contre
royaume ». — Raban : Ou bien, il prévient ses Apôtres de ne pas se laisser
effrayer lorsque ces choses arriveront, au point de s’enfuir de Jérusalem et
de la Judée, car ce ne sera pas encore la fin, mais ce ne sera que dans
quarante ans qu’aura lieu la dévastation de toute la contrée qui sera suivie
de la destruction sans retour de la ville et du temple, événements auxquels
il fait allusion en disant : « On verra
se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume. » Or, il est
certain que ces calamités épouvantables désolèrent littéralement cette
malheureuse contrée. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Il va plus loin, et pour leur montrer qu’il combattra lui-même contre les
Juifs, non seulement il prédit des guerres, mais les fléaux dont la main de
Dieu les frappera. Et il ajoute : « Il
y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre par
endroits. » — Raban : Remarquons que ces paroles : « Une nation s’élèvera contre une nation » expriment surtout la
division qui régnera entre les hommes ; ces autres : « Il y aura des pestes, » les diverses maladies du corps ; ces
autres : « et des famines, » la
stérilité de la terre, et ces dernières : «
et des tremblements de terre en divers lieux, » les effets de la colère
divine. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Et toutes ces calamités n’arriveront pas selon le cours ordinaire des choses
humaines, mais par l’effet de la colère de Dieu ; aussi ne les prédit-il pas
simplement comme des événements qui doivent arriver en même temps, mais il
insiste avec dessein sur cette circonstance : « Et toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs »,
c’est-à-dire des maux qui doivent fondre sur la nation juive. — Origène : Ou
bien dans un autre sens, de même que les corps sont travaillés par la maladie
avant de mourir, ainsi est-il nécessaire que la terre, tombant pour ainsi
dire en langueur, soit ébranlée avant sa dissolution par des tremblements
multipliés, que l’air, infecté de vapeurs pestilentielles, exerce partout une
influence mortelle, et que la vertu vivifiante de la terre venant à
s’éteindre, les fruits soient étouffés dans leur germe, Or, la disette des
vivres fera nécessairement tomber les hommes dans l’avarice, et les mettra
aux prises les uns avec les autres. Mais comme les révoltes et les guerres
ont tantôt pour cause l’avarice, tantôt l’ambition du pouvoir et l’amour de
la vaine gloire, on peut donner une raison plus profonde encore de celles qui
éclateront avant la fin du monde. De même que l’avènement de Jésus-Christ fut
une source de paix toute divine pour un grand nombre de nations, de même le
débordement de l’iniquité, refroidissant la charité d’un grand nombre, sera
cause que Dieu et son Christ les abandonneront ; et l’on verra renaître les
guerres, parce que la vertu des saints ne s’opposera plus au développement
des causes qui sont comme une semence de dissensions. Les puissances
ennemies, de leur côté, ne trouvant plus d’obstacles dans les saints et dans
Jésus-Christ, exerceront librement leur puissance sur les cœurs des hommes,
et soulèveront les nations contre les nations, et les royaumes contre les
royaumes. S’il est vrai, comme le pensent quelques-uns, que les famines et
les pestes soient l’oeuvre des anges de Satan, ces fléaux ne feront que
s’accroître sous l’action de ces puissances hostiles ; car [elle ne sera plus
combattue par les disciples de Jésus-Christ qui] sont le sel de la terre et
la lumière du monde, et qui étouffaient les germes semés par la malice du
démon, comme autrefois en Israël les prières saintes (1 R 12 ; Jr 14 et 15 ;
3 R 17 et 18 ; 4 R 2, 3, 4, 7, 8) obtenaient la cessation des famines et des
pestes que les péchés du peuple juif attiraient sur lui. Le Seigneur prédit
avec raison que ces calamités arriveront en divers lieux ; car Dieu ne veut
pas perdre tout d’un coup le genre humain, mais il ne lui fait éprouver que
successivement les effets de sa justice, pour lui laisser le temps de se
repentir. Or, si lorsque les calamités de ce genre se feront sentir les
hommes n’en deviennent point meilleurs, elles iront toujours en augmentant : « et toutes ces choses ne seront que le
commencement des maux qui doivent suivre », qui s’étendront à l’univers
entier et qui feront souffrir aux impies les douleurs les plus aiguës. — Saint Jérôme : Dans le sens
mystique, ce royaume qui se soulève, cette peste produite par ceux dont les
discours sont comme une gangrène (2 Tm 2) qui répand insensiblement sa
corruption, et la faim de la parole de Dieu, et l’agitation de toute la
terre, et l’abandon de la vraie foi, paraissent devoir s’entendre surtout des
hérétiques qui, en combattant les uns contre les autres, assurent la victoire
de l’Église. — Origène : Or,
il faut que tous ces événements s’accomplissent avant que nous voyions la
perfection de la sagesse qui est en Jésus-Christ, mais ils ne seront pas
suivis immédiatement de cette fin que nous cherchons ; car cette fin toute pacifique
sera bien loin de devenir le partage de tels hommes. — Saint Jérôme : Ces paroles : « Toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs » seraient mieux traduites par « le commencement des enfantements, » de sorte que l’arrivée de l’antéchrist devrait être considérée comme le moment de la conception plutôt que de l’enfantement. |
Lectio 4 [85572] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 4 Rabanus. Quo merito Hierosolymis,
ac provinciae Iudaeorum universae tot irroganda fuerint adversa, dominus
manifestat subdens tunc tradent vos, et cetera. Chrysostomus
in Matth. Vel aliter. Quia discipuli audientes ea quae de Hierosolyma
dicebantur, sic dispositi erant ut extra turbationem essent, quasi de alia
poena audientes, sibi vero prospera superventura sperabant, quae advenire
valde desiderabant; propter hoc eis gravia praenuntiat, in sollicitudine eos
statuens. Et prius quidem iusserat eos vigilare contra deceptionem
seductorum; nunc autem tyrannorum violentiam eis praedicit, dicens tunc
tradent vos in tribulationem, et occident vos. Opportune enim eorum mala
interposuit, mitigationem habentia a communibus malis: nec solum ita eos
consolatus est, sed ostendendo tribulationis causam, adiungens quod propter
nomen eius haec essent passuri: unde sequitur et eritis odio omnibus
hominibus propter nomen meum. Origenes in Matth. Sed quomodo etiam in
ultimis partibus terrae commorantibus gentibus odio habetur populus Christi?
Nisi forte et hic aliquis dicat propter exaggerationem positum omnibus pro
multis. Sed et hoc quod dicit tunc tradent vos, habet quaestionem: nam et
priusquam haec fierent, traditi sunt Christiani in tribulationes. Sed aliquis
respondebit, quoniam tunc maxime tradentur Christiani in tribulationes
quemadmodum unquam. Amant enim qui in calamitatibus sunt, causas earum
discutientes invenire aliquid quod loquantur. Consequens ergo est ut quasi
derelinquentibus hominibus deorum culturam propter multitudinem
Christianorum, dicant fieri bella, fames, et pestilentias; sed et terraemotus
causam dicant Christianos, propter quod et persecutiones passae sunt
Ecclesiae. Chrysostomus in Matth. Postquam autem iam
duplex praelium posuit, scilicet quod est a seductoribus, et quod est ab
inimicis; consequenter tertium praelium ponit, quod est a falsis fratribus,
unde subdit et tunc scandalizabuntur multi, et invicem tradent, et odio
habebunt invicem. Vide autem et Paulum haec plorantem et dicentem: foris
pugnae, intus timores; et alibi: pericula in falsis fratribus; de quibus ibi
dicit: tales sunt pseudoapostoli operarii subdoli. Unde et hic subdit et
multi pseudoprophetae surgent, et seducent multos. Remigius. Imminente enim captivitate
Ierusalem, multi insurrexerunt, Christianos se esse dicentes, et multos
seduxerunt: quos Paulus nominat falsos fratres, Ioannes vero Antichristos.
Hilarius in Matth. Ut Nicolaus unus ex septem
diaconibus fuit, qui multos mentita veritate pervertit. Chrysostomus in Matth. Deinde quod his
difficilius est ostendit, quia tales pseudoprophetae nullam mitigationem a
caritate accipient; unde sequitur et quoniam abundabit iniquitas, refrigescet
caritas multorum. Remigius. Idest vera dilectio erga Deum et
proximum: nam quanto magis ab unoquoque iniquitas suscipitur, tanto magis in
corde ipsius ardor caritatis extinguitur. Hieronymus. Considerandum
autem, quod non negavit omnium futuram esse caritatem, sed multorum: nam in
apostolis et in eorum similibus permansura est caritas, de qua Paulus dicit:
quis nos separabit a caritate Christi? Propter quod et hic subdit qui autem
perseveravit usque in finem, hic salvus erit. Remigius. Usque in finem dicit usque ad
terminum vitae suae: qui enim usque ad terminum vitae suae in confessione
nominis Christi perseveraverit, et in caritate salvus factus est. Chrysostomus in Matth. Deinde ne dicerent:
qualiter ergo inter tot mala vivemus? Quod plus est promittit: quod non solum
viverent, sed etiam ubique docerent; unde subditur et praedicabitur hoc
Evangelium regni in universo orbe. Remigius. Quia enim noverat dominus corda
discipulorum contristanda esse de excidio Ierusalem et perditione suae
gentis, hoc solatio consolatur eos, quod multo plures credituri erant de
gentibus quam de Iudaeis perirent. Chrysostomus in Matth. Quod autem et ante
captionem Hierosolymae ubique praedicatum est Evangelium, audi quod ait
Paulus: in omnem terram exivit sonus eorum. Et vides eum a Ierusalem ad
Hispaniam currentem. Si autem unus tantam portionem accepit, excogita reliqui
quanta operati sunt. Unde et quibusdam scribens, de Evangelio dicit quod fructificat
et crescit in omni creatura quae sub caelo est. Hoc autem est maximum signum
virtutis Christi, quod in triginta annis vel parum amplius Evangelii sermo
fines orbis terrarum implevit. Quamvis autem Evangelium ubique praedicatum
fuerit, non tamen omnes crediderunt: propter quod subdit in testimonium
omnibus gentibus idest in accusationem his qui non crediderunt. Qui enim
crediderunt, testabuntur adversus eos qui non crediderunt, et condemnabunt
eos. Convenienter autem postquam praedicatum est Evangelium per orbem
terrarum, tunc Hierosolyma periit: unde sequitur et tunc veniet consummatio;
idest finis Hierosolymorum. Qui enim viderunt Christi virtutem ubique
refulgentem et in brevi tempore orbem terrarum supergressam, quam veniam
habere debuerunt in ingratitudine permanentes? Remigius. Potest autem et totus locus iste
referri ad consummationem saeculi. Tunc enim plurimi scandalizabuntur
recedentes a fide, videntes multitudinem et divitias malorum, et miracula
Antichristi, et consocios persequentur; et Antichristus mittet
pseudoprophetas qui seducent multos; et abundabit iniquitas, quoniam numerus
malorum augebitur; et refrigescet caritas, quoniam numerus bonorum minuetur.
Hieronymus. Signum etiam dominici adventus est
in toto orbe Evangelium praedicari, ut nullus sit excusabilis. Origenes in Matth. Quod autem dicitur eritis
odio omnibus hominibus propter nomen meum, sic salvare quis poterit, quia
nunc quidem in unum consenserunt omnes gentes adversus Christianos. Cum autem
contigerint quae Christus praedixit, tunc fient persecutiones iam non ex
parte sicut ante, sed generaliter ubique adversus populum Dei. Augustinus ad Hesychium. Sed qui putant hoc
quod dicitur praedicabitur Evangelium regni in universo orbe, per ipsos
apostolos factum esse, non ita esse certis documentis probatum est. Sunt enim
in Africa barbarae innumerabiles gentes, in quibus nondum praedicatum esse
Evangelium ex his qui ducuntur inde captivi, addiscere in promptu est. Neque
tamen ullo modo recte dici potest, istos ad promissionem Dei non pertinere.
Non enim Romanos solum, sed omnes gentes dominus semini Abrahae iurando
promisit. In quibus ergo gentibus nondum est Ecclesia, oportet quod sit, non
ut omnes qui ibi fuerint credant: quomodo enim illud implebitur eritis odio omnibus
gentibus propter nomen meum, nisi in omnibus gentibus sint et qui oderint et
quos oderint? Non est igitur ab apostolis praedicatio ista completa, quando
adhuc sunt gentes in quibus nondum coepit impleri. Quod autem dixit
apostolus: in omnem terram exivit sonus eorum, quamvis locutio sit praeteriti
temporis, verbis tamen quod futurum erat dixit, non quod iam factum atque
completum: sicut et ipse propheta, quo usus est teste, fructificare et
crescere dixit Evangelium in universo mundo, ut ita signaret usque quo
crescendo esset venturum. Si ergo latet quando Evangelio universus orbis
implebitur, proculdubio latet quando finis erit: ante quippe non erit. Origenes in Matth. Cum ergo omnis gens
audiverit Evangelii praedicationem, tunc erit saeculi finis; et hoc est quod
sequitur et tunc erit consummatio. Multae enim non solum barbarorum, sed
etiam nostrarum gentium nondum audierunt Christianitatis verbum. Glossa. Utrumque autem dictorum tueri potest,
si tamen diverso modo diffusio praedicationis Evangelii intelligatur. Si enim
intelligatur quantum ad fructum praedicationis, qui est ut in singulis
gentibus fundetur Ecclesia credentium in Christum, ut Augustinus exponit, est
signum quod oportet praecedere ante finem mundi; non tamen praecessit ante
destructionem Hierosolymae. Si autem intelligatur quantum ad famam
praedicationis, sic ante finem Hierosolymae fuit completum, discipulis
Christi per quatuor mundi partes dispersis. Unde Hieronymus dicit: non puto aliquam remansisse gentem quae
Christi nomen ignoret; et quamquam non habuerit praedicatorem, tamen ex
vicinis gentibus opinionem fidei non potest ignorare. Origenes in Matth. Moraliter autem qui visurus
est, secundum verbum Dei, adventum gloriosum illum in animam suam, necesse
est ut secundum mensuram profectus sui insidias a contrariis operationibus
patiatur, quasi magnus athleta, et Christus in eo ab omnibus odiatur: non
tantum a gentibus secundum carnem, quantum a gentibus spiritualium
nequitiarum. Sed et in quaestionibus pauci erunt veritatem plenius
attingentes; plures autem scandalizabuntur, et cadent ab ea, proditores et
accusatores alterutrum propter dissensionem dogmatum veritatis; quod causa
fiet ut odiant se invicem. Multi etiam erunt non sane tradentes de futuris
sermonem, et quomodo non oportet interpretantes prophetas: quos
pseudoprophetas dicit, seducentes multos; et ferventem dilectionem quae prius
fuerat in simplicitate fidei, refrigescere facient. Sed qui potuerit manere
in apostolicae traditionis proposito, ipse salvabitur; et sic praedicatum
Evangelium in animas omnium, erit in testimonium omnibus gentibus, idest
omnibus cogitationibus incredulis animarum. |
Versets
9-14.
— Raban :
Le Seigneur découvre ici la justice de ce déluge de maux qui viendront
fondre sur Jérusalem et sur toute la Judée : « Alors ils vous livreront, etc...» — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Ou bien dans un autre sens, les disciples, en entendant les prédictions qui
avaient pour objet [la ruine de] Jérusalem, se croyaient en dehors de ces
calamités, qu’ils regardaient comme un châtiment qui leur était étranger, et
ils espéraient et désiraient vivement pour eux dans l’avenir un sort plus
prospère ; or le Seigneur leur annonce de graves épreuves pour leur
inspirer une certaine inquiétude. Il les avait prémunis plus haut contre les
artifices des séducteurs, il leur prédit maintenant la violence des tyrans : « Alors ils vous livreront pour être
tourmentés, et ils vous feront mourir. » Il entremêle les maux qui leur
sont propres au récit des malheurs communs à tous les hommes, pour adoucir
ces maux par ce rapprochement, et il ajoute à ce motif de consolation, en
leur découvrant la cause de ces tribulations, c’est qu’ils souffriront à
cause de son nom : « Et vous serez haïs
de toutes les nations, à cause de mon nom. » — Origène : Mais
comment les chrétiens ont-ils été l’objet de la haine même des peuples qui
habitent les extrémités de la terre ? On pourrait répondre que le mot « tous
» est mis ici par amplification pour « plusieurs. » Ces autres paroles : « Alors ils vous livreront » offrent
une nouvelle difficulté ; car avant l’accomplissement de ces prédictions, les
chrétiens ont eu à souffrir bien des tribulations. On répondra que les
chrétiens seront alors livrés à des tribulations comme jamais ils n’en ont
enduré. En effet, ceux qui sont dans le malheur aiment à en rechercher les
causes, et à en trouver une raison qu’ils puissent mettre en avant pour se
justifier. Il était donc naturel aux idolâtres de dire que ces guerres, ces
famines, ces pestes étaient l’effet de la désertion du culte des dieux par
cette multitude d’hommes qui se faisaient chrétiens, que les chrétiens
étaient même cause des tremblements de terre, et c’est pour cela que l’Église
fut en butte aux persécutions. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.) A ce double combat, que leur livreront et les séducteurs et leurs ennemis, il en ajoute un troisième, c’est celui qu’ils auront à soutenir contre les faux frères. « Et alors plusieurs seront scandalisés, ils se trahiront et se haïront les uns les autres». Ecoutez l’Apôtre Paul gémissant sur cet état de lutte continuelle : « Nous avons souffert des combats au dehors, des frayeurs au dedans. » (2 Co 7). Et ailleurs : « Nous avons été en péril parmi les faux frères » (2 Co 11), et c’est d’eux qu’il dit dans le même endroit : « Tels sont les faux apôtres, ouvriers trompeurs, » et c’est d’eux aussi que Notre-Seigneur parle en ces termes : « Et il s’élèvera un grand nombre de faux prophètes qui en induiront un grand nombre en erreur». — Saint Rémi : [référence à vérifier] Quelque temps avant la ruine
de Jérusalem, on vit paraître plusieurs faux prophètes, qui se disaient
chrétiens, et qui en séduisirent un grand nombre ; ce sont ceux que saint
Paul appelle de faux frères et saint Jean des antéchrist (1 Jn 2). — Saint Hilaire : (can. 26.) Tel fut
Nicolas, l’un des sept diacres, qui en pervertit beaucoup par une apparence
hypocrite de vérité, [et Simon le magicien, qui, versé dans les opérations
diaboliques, corrompit un grand nombre de chrétiens par ses faux miracles]. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Et ce qui rendra cette épreuve plus pénible encore, c’est que de tels faux
prophètes n’auront point les consolations de la charité. « Et parce que l’iniquité sera venue à son comble, la charité d’un grand
nombre se refroidira. » — Saint Rémi : C’est-à-dire l’amour
véritable de Dieu et du prochain ; car, plus un homme se livre à l’iniquité,
plus aussi le feu de la charité s’éteint dans son cœur. — Saint Jérôme : Remarquons que le Seigneur
ne dit pas que la foi ou la charité seront éteintes dans tous les cœurs, mais
dans le cœur d’un grand nombre, car la charité devait persévérer dans les
Apôtres et dans leurs semblables, selon cette parole de saint Paul : « Qui nous séparera de la charité de
Jésus-Christ ? » Et c’est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « Celui qui persévéra jusqu’à la fin,
celui-là sera sauvé. » — Saint Rémi : Jusqu’à la fin,
c’est-à-dire jusqu’à la fin de sa vie, car celui qui aura persévéré jusqu’à
la fin de sa vie dans la charité, et dans la confession du nom de
Jésus-Christ, celui-là sera sauvé. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Il prévient ensuite cette objection de ses disciples : « Comment donc
pourrons-nous vivre au milieu de tant de maux ? » Et il leur promet bien
davantage, non eulement ils vivront, mais ils enseigneront partout l’univers
: « Et cet Évangile du royaume sera
prêché par toute la terre. » — Saint Rémi : Le Seigneur savait que
ses disciples seraient attristés de la destruction de Jérusalem et de la
ruine de leur nation ; il les console donc en leur apprenant que le nombre de
ceux qui embrasseraient la foi parmi les nations serait beaucoup plus grand
que celui des Juifs qui périraient. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Voulez-vous être certains que l’Évangile a été annoncé en tous lieux avant la
ruine de Jérusalem ? écoutez saint Paul proclamer : « Leur voix a retenti par toute la terre » (Rm 10) ; et voyez-le
voler lui-même de Jérusalem en Espagne (Rm 15). Or, si un seul apôtre a pris
pour son partage une si grande partie de la terre, jugez de ce qu’ont dû
faire tous les autres. Aussi, le même Apôtre, écrivant aux Colossiens les
progrès de l’Évangile, leur dit : « qui
croît et fructifie dans toute créature qui est sous le ciel » (Col 1, 6,
23). C’est là une des plus grandes preuves de la puissance de Jésus-Christ,
qu’en trente ans ou un peu plus, l’Évangile ait rempli toutes les parties du
monde habitable. Mais, quoique l’Évangile ait été prêché en tous lieux, tous
cependant n’y ont pas cru ; c’est pour cela que le Seigneur ajoute : « pour servir de témoignage à toutes les
nations », c’est-à-dire pour être comme une accusation contre ceux qui
n’auront pas voulu croire ; car ceux qui auront embrassé la foi déposeront
contre ceux qui l’auront rejetée et les condamneront. C’est avec justice que
la ruine de Jérusalem est arrivée après que 1’Évangile eût été prêché par
toute la terre : « Et alors la fin
arrivera », c’est-à-dire la destruction de Jérusalem. En effet, après
avoir vu la puissance de Jésus-Christ briller partout d’un si vif éclat, et
parcourir tout l’univers en si peu de temps, quelle excuse pouvaient-ils
apporter pour persévérer dans leur ingratitude ? — Saint Rémi : On peut aussi
rapporter tout ce passage à la fin du monde : « Car alors plusieurs trouveront des occasions de scandale » et
abandonneront la foi, en voyant le grand nombre des méchants, leur prospérité
et les miracles de l’antéchrist ; « et
ils persécuteront leurs frères » ; et l’antéchrist enverra « de faux prophètes qui en séduiront un
grand nombre ; et l’iniquité sera à son comble, » parce que le nombre des
méchants s’augmentera, « et la charité
se refroidira » parce que le nombre des bons diminuera. — Saint Jérôme : Le signe de
l’avènement du Seigneur sera la prédication de l’Évangile dans tout
l’univers, de manière que personne ne puisse apporter d’excuse. — Origène : [référence à vérifier] Quant à ces paroles : « Vous serez haïs de toutes les nations à
cause de mon nom », on peut les expliquer en disant que, dès maintenant,
toutes les nations se sont réunies contre les chrétiens ; mais lorsque les
prédictions du Seigneur s’accompliront, les persécutions, de partielles
qu’elles étaient, deviendront générales et s’étendront partout à tout le
peuple de Dieu. — Saint Augustin : (Lettre 80 à Hesych.)
Il en est qui pensent que cette prédiction : « L’Évangile du royaume sera prêché dans tout l’univers, » a été
accomplie par les Apôtres eux-mêmes ; mais cette assertion ne repose pas sur
des documents assez certains, car il est encore dans l’Afrique un grand
nombre de peuplades barbares, parmi lesquelles, au rapport des captifs qui
viennent de ces contrées, 1’Évangile n’a pas encore été prêché. Cependant, on
ne peut dire en aucune manière que la promesse de Dieu ne les concerne pas,
car ce ne sont pas seulement les Romains, mais toutes les nations, que Dieu a
promises par serment à celui qui devait naître d’Abraham (Gn 12, 3 ; 18, 18 ;
22, 18 ; 26, 4 ; 28, 14). Il faut donc que l’Église s’établisse dans toutes
les nations où elle n’existe pas encore, non pas dans ce sens que tous ceux
qui les composent embrasseront la foi, car alors comment s’accompliraient ces
autres paroles : « Vous serez haïs de
toutes les nations à cause de mon nom », s’il ne se trouvait parmi les
nations des hommes pour haïr, et d’autres pour être l’objet de cette haine ?
Les apôtres n’ont donc point prêché l’Évangile par toute la terre, puisqu’il
est encore des nations où il n’a pas encore pénétré. Quant à ces paroles
citées par l’Apôtre : « Le son de leur
voix a retenti par toute la terre », bien qu’elles paraissent se
rapporter au passé, elles ont cependant l’avenir pour objet (comme de quelque
chose qui n’est pas encore réalisé complètement), dans la pensée de saint
Paul, comme dans celle du roi prophète. Le même Apôtre dit ailleurs que
l’Évangile croit et fructifie dans tout l’univers, pour nous montrer jusqu’où
il devait s’étendre dans ses développements. Si donc nous ignorons à quel
temps l’Evangile doit remplir le monde entier, nous ne savons pas davantage
quand doit arriver la fin du monde, car elle n’arrivera certainement pas
auparavant. — Origène : Lors
donc que toutes les nations auront entendu la prédication de l’Évangile,
alors arrivera la fin du monde : « Et
alors, dit le Seigneur, la fin
arrivera », car il est encore aujourd’hui, non seulement des nations
barbares, mais des peuples habitant nos contrées, qui n’ont pas entendu
prêcher les vérités chrétiennes. — La Glose : On
peut admettre toutefois l’une et l’autre de ces deux explications, pourvu que
l’on entende cette diffusion de l’Évangile dans deux sens différents. Si, par
exemple, on l’entend du fruit de la prédication, qui est d’établir dans
toutes les nations l’Église composée de ceux qui croient en Jésus-Christ,
comme l’explique saint Augustin, c’est un signe qui doit précéder la fin du
monde, mais qui n’a point précédé la ruine de Jérusalem. Mais si on ne
l’entend que de la renommée de l’Évangile, cette prédiction s’est accomplie
avant la ruine de Jérusalem, car les disciples de Jésus-Christ étaient alors
répandus dans les quatre parties du monde, ce qui a fait dire à saint Jérôme :
« Je ne pense pas qu’il soit resté une seule nation qui ne connaisse point le
nom de Jésus-Christ » et, quand même elle n’aurait pas entendu les
prédicateurs de l’Evangile, elle a dû recevoir nécessairement une idée de la
foi chrétienne, par les nations voisines. — Origène : Dans le sens moral, celui qui doit recevoir dans son âme ce glorieux avènement qu’y produit la parole de Dieu, doit s’attendre que les puissances ennemies lui dresseront des embûches selon l’étendue de ses progrès, et se préparer comme un vigoureux athlète. Jésus-Christ, qui demeure en lui, sera un objet de haine pour tous, et moins encore pour les nations de la terre que pour les esprits de malice répandus dans les airs. Dans les discussions, il y en aura très peu qui parviendront à la plénitude de la vérité ; le plus grand nombre se scandalisera ; on verra se séparer de la vérité, et ceux qui la trahiront, et ceux qui s’accuseront les uns les autres parce qu’ils seront divisés sur le point de la vraie doctrine, et que, par là même, ils se haïront mutuellement. Il s’en trouvera beaucoup encore qui ne transmettront pas correctement les choses futures et n’interpréteront pas les prophètes d’une manière conforme aux principes de la foi ; ce sont ceux qu’il appelle des faux prophètes qui en séduiront un grand nombre et refroidiront la charité, qui était auparavant le fruit de la simplicité de la foi. Mais celui qui aura eu le courage de persévérer dans la doctrine de la tradition apostolique sera sauvé ; et c’est ainsi que l’Evangile, répandu dans toutes les âmes, sera en témoignage à toutes les nations, c’est-à-dire à toutes les pensées pleines d’incrédulité. |
Lectio 5 [85573] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. Hoc autem quod dictum est
qui legit intelligat, ponitur ut ad intelligentiam mysticam provocemur.
Legimus autem in Daniele hoc modo: et in dimidio hebdomadis auferetur
sacrificium et libamina, et in templo desolationum abominatio erit usque ad
consummationem temporis, et consummatio dabitur super solitudinem. Augustinus ad Hesychium. Lucas quidem,
ut ostenderet tunc factam fuisse abominationem desolationis quae a Daniele
praedicta est, quando expugnata est Ierusalem, eodem loco haec domini verba
commemorat: cum videritis circumdari ab exercitu Ierusalem, tunc scitote quia
appropinquabit desolatio eius. Chrysostomus super Matth. Unde
abominationem desolationis videtur mihi exercitum dicere, quo scilicet desolata
est civitas sancta Ierusalem. Hieronymus. Aut potest intelligi de
imagine Caesaris, quam Pilatus posuit in templo, aut de Hadriani equestri
statua, quae in ipso sancta sanctorum loco stetit usque in praesentem diem. Abominatio
enim secundum veterem Scripturam idolum nuncupatur; et idcirco additur
desolationis, quod in desolato templo atque deserto idolum positum sit. Chrysostomus in Matth. Vel quia ille qui
desolavit civitatem et templum, statuam intus posuit. Ut autem discant
quoniam viventibus quibusdam eorum haec erunt, propter hoc dixit cum
videritis. Ex quo admirare Christi virtutem et discipulorum fortitudinem, qui
in talibus temporibus praedicabant, in quibus omnia Iudaica impugnabantur.
Apostoli autem ex Iudaeis existentes, leges introduxerunt novas adversus
Romanos tunc dominantes. Infinita milia Iudaeorum ceperunt Romani, et
duodecim viros non superaverunt nudos et inermes. Quia vero multoties
contigerat in gravibus praeliis Iudaeos restauratos fuisse, sicut temporibus
Sennacherib et Antiochi; ne aliquis suspicetur tale aliquid futurum, suis
fugiendum esse praecepit cum subdit tunc qui in Iudaea sunt fugiant ad montes.
Remigius. Haec enim omnia imminente
desolatione Ierusalem, constat fuisse impleta: appropinquante namque Romano
exercitu, omnes Christiani qui in provincia erant, sicut historia
ecclesiastica refert, divino miraculo moniti, longius recesserunt, et
transeuntes Iordanem, venerunt in Pellam civitatem, et ibi sub tutela
Agrippae regis, cuius mentio in actibus apostolorum fit, aliquanto tempore
manserunt: ipse autem Agrippa, cum parte Iudaeorum quae sibi obtemperabat,
Romano subditus erat imperio. Chrysostomus in Matth. Deinde ostendens
inevitabilia mala futura esse Iudaeis et infinitam calamitatem, subdit et qui
in tecto est, non descendat tollere aliquid de domo sua; eligibilius enim
erat nudo corpore salvari, quam intrare domum ut tolleret vestimentum, et
occidi: propter quod et de eo qui est in agro subdit et qui in agro est, non
revertatur tollere tunicam suam. Si enim qui in civitate sunt fugiunt, multo
magis qui foris sunt non oportet ad civitatem refugere. Et quidem pecunias
contemnere facile est, et providere sibi in vestimentis non difficile; quae
autem a natura sunt, qualiter aliquis fugiet? Qualiter
enim praegnans fiet levis ad fugam, aut lactans poterit eum quem peperit
deserere? Propter quod subdit vae autem praegnantibus et
nutrientibus in illis diebus: his quidem, quia pigriores sunt, et quia facile
fugere non possunt, onere conceptionis gravatae; his autem, quia detinentur
vinculo compassionis filiorum, et non possunt simul salvare eos quos lactant. Origenes in Matth. Vel quoniam non erit tunc
tempus miserendi neque super praegnantes, neque super lactantes, neque super
infantes earum. Et quasi ad Iudaeos loquens, qui arbitrabantur in sabbato non
oportere ambulare viam amplius quam est sabbati iter, subdit orate autem ut
non fiat fuga vestra hieme, vel sabbato. Hieronymus. Quia scilicet in altero duritia
frigoris prohibet ad solitudines pergere, et in montibus desertisque
latitare; in altero autem transgressio legis est, si fugere voluerint; aut
mors imminens, si remanserint. Chrysostomus in Matth. Vide autem quoniam
adversus Iudaeos est hic sermo: non enim apostoli sabbatum erant observaturi,
neque ibi mansuri, cum Vespasianus hoc egit; etenim plures eorum iam
praemortui erant. Si autem aliquis remanserat, in aliis partibus orbis
terrarum tunc conversabatur. Propter quid autem hoc orandum esse dixerit,
subdit erit enim tunc tribulatio magna, qualis non fuit ab initio mundi usque
modo, neque fiet. Augustinus ad Hesychium. Apud Lucam sic
legitur: erit autem pressura magna super terram, et ira populo huic; et
cadent in ore gladii, et captivi ducentur in omnes gentes. Nam et Iosephus,
qui Iudaicam scripsit historiam, talia mala dicit populo tunc accidisse ut
vix credibilia videantur. Unde non immerito dictum est, talem tribulationem
nec fuisse a creaturae initio, nec futuram; sed etsi tempore Antichristi
talis aut maior forsitan erit, intelligendum est de illo populo dictum, quod
eis talis amplius futura non erit. Si enim Antichristum illi primitus et
praecipue recepturi sunt, facturus est tunc idem populus tribulationem potius
quam passurus. Chrysostomus in Matth. Interrogo autem
Iudaeos, unde tam intolerabilis ira divinitus venit super eos, omnibus quae
ante factae sunt difficilior. Nam manifestum est quoniam propter crucis
manifestationem. Sed adhuc ostendit ipsos graviori poena fuisse dignos, in
hoc quod dicitur et nisi breviati fuissent dies illi, non fieret salva omnis
caro; ac si diceret: si amplius durasset praelium Romanorum adversus
civitatem, universi periissent Iudaei: omnem enim carnem Iudaicam dicit, et
qui foris et qui intus erant: non enim solum eos qui in Iudaea erant impugnabant
Romani, sed et eos qui ubique dispersi erant persequebantur. Augustinus. Quidam autem convenienter mihi
intellexisse videntur mala ipsa significata nomine dierum, sicut sunt dicti
dies mali in aliis Scripturae divinae locis: neque enim dies ipsi mali sunt,
sed ea quae fiunt in eis: ipsa enim dicta sunt breviari, ut Deo tolerantiam
donante, minus sentirentur; ac si quae magna essent, fierent brevia. Chrysostomus in Matth. Ne vero Iudaei
dicerent, quoniam propter praedicationem et discipulos Christi haec mala
evenerunt, ostendit quod nisi illi essent, radicitus periissent; unde
subditur sed propter electos breviabuntur dies illi. Augustinus. Non enim debemus ambigere, quando
eversa est Ierusalem, fuisse in illo populo electos Dei, qui ex circumcisione
crediderant, sive fuerant credituri, electi ante constitutionem mundi,
propter quos breviarentur dies illi, ut tolerabilia mala fierent. Non autem
desunt qui existimant ita breviores dies illos futuros, quod cursu solis
celeriore brevientur, sicut fuit longior dies orante Iesu Nave. Hieronymus. Nec recordantur illius scripti:
ordinatione tua perseverat dies. Sed iuxta temporum qualitatem, idest
abbreviatos non mensura sed numero, ne temporum mora concutiatur credentium
fides. Augustinus. Non tamen putemus hebdomadas
Danielis, vel propter dierum breviationes fuisse turbatas, vel illo iam
tempore non fuisse completas, sed in fine temporum esse complendas:
apertissime enim Lucas testatur Danielis prophetiam tunc fuisse completam
quando eversa est Ierusalem. Chrysostomus in Matth. Intellige autem
spiritus sancti dispensationem, quoniam nihil horum scripsit Ioannes, ut non
videretur ex ipsa eorum quae facta sunt historia scribere; etenim post
captionem Ierusalem vixit multo tempore. Sed qui ante mortui sunt et nihil
horum viderunt, ipsi scribunt, ut undique fulgeat praenuntiationis virtus.
Hilarius in Matth. Vel aliter. Totum
indicium adventus futuri dominus ponit, dicens cum videritis abominationem. De
Antichristi enim temporibus haec locutus est propheta. Abominatio ex eo dicta
est quod adversus Deum veniens honorem Dei sibi vindicet: desolationis autem
abominatio, quia bellis et caedibus terram desolaturus sit, atque ob id a
Iudaeis susceptus loco sanctificationis instituitur, ut ubi sanctorum
precibus Deus invocabatur, ibi ab infidelibus receptus Dei honore venerabilis
sit; et quia proprius iste Iudaeorum error erit, ut qui veritatem respuerunt,
suscipiant falsitatem, Iudaeam deseri monet, et transfugere in montes, ne
admixtione plebis illius Antichristo crediturae, vis aut contagium afferatur.
Quod autem ait et qui in tecto sunt, non descendant tollere aliquid de domo
sua, sic intelligitur: tectum est domus fastigium, et habitationis totius
excelsa perfectio. Qui igitur in consummatione domus suae, idest in cordis
sui perfectione constiterit, regeneratione spiritus novi celsus, non
descendere in humiliora rerum saecularium cupiditate debebit. Et qui in agro
erit, non revertatur tollere tunicam suam; idest positus in operatione praecepti,
non ad curas pristinas revertatur, ob quas veterum exinde peccaminum, quibus
antea contegebatur, erit tunicam relaturus. Augustinus ad Hesychium. In tribulationibus
enim cavendum est ne quisquam devictus ad carnalem vitam de spirituali sublimitate
descendat; aut qui profecerat in anteriora se extendens, deficiendo in
posteriora respiciat. Hilarius in Matth. Quod autem dicitur vae
praegnantibus et nutrientibus in illis diebus; non de fetarum onere dominum
admonuisse credendum est, sed animarum peccatis repletarum ostendisse
gravitatem, quod neque in tecto positae, neque in agro manentes, repositae
irae tempestatem vitare possint. Illis quoque vae erit qui nutrientur:
infirmitatem enim animarum quae ad cognitionem Dei tamquam lacte educantur,
in his ostendit; et idcirco vae ipsis erit, quia ad fugiendum Antichristum
graves, et ad sustinendum imperitae, nec peccata effugerunt, nec cibum veri
panis acceperunt. Augustinus de Verb. Dom. Vel praegnans est qui
res alienas concupiscit; nutriens est qui iam rapuit quod concupiverat: istis
enim vae erit in die iudicii. Quod autem dominus dixit orate ne fiat fuga
vestra hieme, vel sabbato, Augustinus de quaest. Evang.,
idest ne in laetitia vel tristitia rerum temporalium quis inveniatur in die
illa. Hilarius in Matth. Vel ne aut in
peccatorum frigore, aut in otio bonorum operum reperiamur, quia gravius
vexatio incumbet; nisi quod causa electorum Dei diebus illis sit brevitas
afferenda, ut vim malorum coarctatum tempus exsuperet. Origenes in Matth. Mystice autem in loco
sancto omnium Scripturarum, tam veteris testamenti quam novi, Antichristus,
qui est falsum verbum, stetit frequenter; qui autem hoc vident, ex Iudaeae
littore fugiant ad sublimes veritatis montes. Et
si quis inventus fuerit ascendisse supra tectum verbi, et stare super
fastigium eius, non descendat inde, occasione ut auferat aliquid de domo sua.
Et si fuerit in agro in quo absconditus est thesaurus, et reversus fuerit
retro, incurret in seductionem verbi mendacis; et maxime si spoliaverit se
vestimentum vetus, idest veterem hominem, et iterum conversus fuerit tollere
ipsum. Tunc autem anima in utero habens, quae necdum fructificavit ex verbo,
incurrit in vae: proicit enim conceptum, et evacuatur a spe, quae est in
actibus veritatis; similiter autem si videatur formatum et fructificatum
verbum, non autem fuerit enutritum sufficienter. Orent autem qui fugiunt in
montes, ne fuga eorum fiat hieme vel sabbato: quoniam in tranquillitate
animae constitutae possunt impetrare viam salutis: et in sabbato, quando homo bona opera non facit,
fuga vestra non fiat; nemo enim in periculo falsi dogmatis facile superatur,
nisi qui nudus fuerit ab operibus bonis. Quae est autem maior tribulatio quam
videre fratres nostros seduci, et quod aliquis videat seipsum moveri et
conturbari? Dies autem intelliguntur praecepta et dogmata veritatis: omnes
autem intellectus a scientia falsi nominis venientes, additamenta sunt dierum
quae Deus abbreviavit per quos vult. |
Versets
15-22.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Notre-Seigneur avait parlé précédemment de la ruine de Jérusalem en termes
obscurs ; il l’annonce ici ouvertement et cite à l’appui une prophétie qui
sera pour eux un motif de croire à la destruction du peuple juif. « Lors donc que vous verrez l’abomination
de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, dressée en un lieu saint,
- que celui qui lit comprenne - » — Saint Jérôme : Ces paroles : « Que celui qui lit comprenne », sont
dites pour nous inviter à pénétrer le sens mystique de ce passage. Or, voici
ce que nous lisons dans le prophète Daniel : « Et, au milieu de la semaine, l’oblation et le sacrifice cesseront ;
l’abomination de la désolation sera dans le temple, et, jusqu’à la fin du
temps, la consommation persévérera sur la solitude. » — Saint Augustin : (Lettre 80 à
Hesych.) Saint Luc voulant préciser le temps où cette abomination de la
désolation, prédite par Daniel, aurait lieu, c’est-à-dire lors du siège de
Jérusalem, rapporte ici ces paroles du Seigneur : « Lorsque vous verrez Jérusalem entourée par une armée, sachez que sa
désolation est proche. » — Saint Jean Chrysostome : (sur S.
Matth.) C’est ce qui me fait croire que, dans la pensée du Seigneur, cette
abomination c’est l’armée elle-même qui désola Jérusalem la ville sainte. — Saint Jérôme : On peut l’entendre
aussi de l’image de César que Pilate fit placer dans le temple, ou de la
statue équestre d’Adrien, qui, jusqu’à ce jour, est restée dans le lieu
appelé le Saint des Saints. Car, dans le style de l’Ancien Testament,
abomination veut dire idole, et le mot de désolation lui est ajouté, parce
que l’idole avait été placée dans le temple désert et désolé. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 75.)
Ou bien, dans cette abomination, on peut voir encore la statue de celui qui
désola la cité et le temple, statue qui fut placée dans l’intérieur du
temple. Or, pour qu’ils sachent que toutes ces choses arriveront du vivant de
certains d’entre eux, le Seigneur ajoute : « Lorsque vous verrez ». Admirez ici la puissance de Jésus-Christ
et le courage des Apôtres, qui ne craignaient pas de prêcher l’Evangile dans
un temps où les Juifs étaient attaqués de toutes parts. Les Apôtres, qui
avaient été choisis parmi les Juifs, établirent des lois nouvelles, en face
de la puissance des Romains, qui dominaient alors sur la Judée ; les Romains
réduisirent en captivité un nombre infini de Juifs, et ils ne purent vaincre
douze hommes sans armes et sans défense. Or, comme bien des fois les Juifs
s’étaient relevés après de grands désastres, par exemple au temps de
Sennachérib (4 R 19, 20 ; 2 Paral., 32 ; Is 27), d’Antiochus (1 M 1, 13 ; 2 M
5, 9, 10), le Seigneur ne veut point que l’on conçoive une semblable
espérance, et il commande à ses disciples de s’enfuir, en ajoutant : « Alors que ceux qui sont dans la Judée s’enfuient
vers les montagnes ». — Saint Rémi : Il est certain que
tous ces événements s’accomplirent aux approches de la ruine de Jérusalem.
Lorsque les armées romaines s’avancèrent, tous les chrétiens qui étaient dans
la Judée, avertis par un signe miraculeux, comme le rapporte l’histoire
ecclésiastique, s’enfuirent au loin, et, traversant le Jourdain, ils vinrent
dans la ville de Pella, où ils demeurèrent quelque temps sous la protection
du roi Agrippa dont il est parlé dans les Actes des Apôtres. Cet Agrippa
était soumis à l’empire romain avec la partie du peuple juif qu’il
gouvernait. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Notre-Seigneur fait voir ensuite que les calamités qu’il vient de prédire,
sont inévitables pour les Juifs, et l’extrémité des malheurs qui les
attendait : « Que celui qui sera sur le
toit ne descende pas prendre quelque chose dans sa maison ». Il valait
beaucoup mieux se sauver sans son manteau que d’être tué en rentrant pour le
prendre ; c’est pour cela que le Seigneur ajoute, en parlant de celui qui
sera dans les champs : « Et que celui
qui sera dans les champs, ne revienne pas prendre sa tunique ». Si ceux
qui se trouvent dans la ville doivent s’enfuir, à plus forte raison ceux qui
sont au dehors doivent se garder d’y chercher un refuge. Il est facile encore
de faire le sacrifice de ses richesses, et ou peut remplacer ses vêtements sans
difficulté, mais comment échapper aux incommodités inséparables de la nature
? Comment une femme enceinte pourra-t-elle facilement prendre la fuite ?
Comment celle qui allaite pourra-t-elle abandonner son nouveau-né ? « Malheur aux femmes qui seront grosses ou
nourrices, ajoute le Seigneur.» Malheur aux premières, parce que le poids
de leur grossesse ralentit leur marche et les empêche de fuir ; malheur aux
autres, parce qu’elles sont retenues par l’amour qu’elles ont pour leurs
enfants, et qu’elles ne pourront sauver ceux qu’elles allaitent. — Origène : (Traité
29 sur S. Matth.) Ou bien encore, [malheur à elles], parce qu’il ne sera plus
temps de s’apitoyer ni sur le sort des femmes enceintes, ni sur celles qui
nourrissent, ni sur leurs enfants. Et comme Notre-Seigneur parlait ici pour
les Juifs qui croyaient ne pouvoir s’éloigner le jour du sabbat qu’à la
distance d’un mille, il ajoute donc : «
Priez que votre fuite n’arrive pas pendant l’hiver, ni au jour du sabbat. » — Saint Jérôme : Car, pendant
l’hiver, la rigueur du froid empêche de s’enfuir dans les lieux solitaires,
et de se cacher dans les montagnes du désert ; et le jour du sabbat, il y a
pour eux transgression de la loi s’ils veulent prendre la fuite, et danger de
mort s’ils se déterminent à rester. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Vous pouvez remarquer ici que c’est aux Juifs que s’adresse ce discours ; car
les Apôtres ne devaient ni observer le sabbat, ni se trouver dans la Judée
lorsque Vespasien vint faire le siége de Jérusalem. D’ailleurs plusieurs
d’entre eux étaient déjà morts, et si quelques-uns vivaient encore, ils se
trouvaient alors dans d’autres parties du monde. Mais pour quelle raison
veut-il que l’on ait recours à la prière ? La voici : « Car l’affliction de ce temps-là sera si grande, telle qu’il n’y en
pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en
aura jamais plus. » — Saint Augustin : (lettre 80 à
Hésych.) Nous lisons dans saint Luc : «
Ce pays sera accablé de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple ;
ils passeront par le fil de l’épée, et ils seront emmenés captifs dans toutes
les nations. » Or, au rapport de Josèphe qui a écrit l’histoire des
Juifs, ce peuple vit fondre sur lui de si grandes calamités, qu’on peut à
peine les croire ; aussi est-ce avec raison que Notre-Seigneur assure qu’il
n’y a point eu de tribulation pareille depuis le commencement du monde, et qu’il
n’y en aura jamais. Car, en supposant qu’au temps de l’antéchrist,
l’affliction doive être aussi grande ou même plus grande, il faut entendre
ici qu’il n’y en aura point de semblable pour le peuple juif. En effet, si ce
peuple doit être le premier à recevoir alors l’antéchrist, il sera bien
plutôt l’auteur que la victime de la tribulation. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Je demanderai aux Juifs quelle est donc la cause de ces maux accablants que
la colère divine a fait tomber sur eux, et qui surpassent tous ceux qui ont
précédé ? Il est évident que c’est le crime audacieux de la croix, [et la
condamnation prononcée contre Jésus-Christ par le peuple]. Mais le Seigneur
va plus loin, et leur déclare qu’ils méritaient encore un plus terrible
châtiment : « Et si ces jours n’avaient
été abrégés, nul homme n’aurait été sauvé. » C’est-à-dire si la guerre
des Romains contre Jérusalem avait duré plus longtemps, elle eût fait périr
tous les Juifs sans exception. Il parle ici de tous les Juifs, de ceux qui
habitaient la Judée, et de ceux qui se trouvaient au dehors ; car les Romains
ne faisaient pas seulement la guerre à ceux qui étaient dans la Judée, mais
ils poursuivaient encore tous ceux qui étaient dispersés dans les différentes
contrées de l’empire. — Saint Augustin : (lettre 80 à
Hésych.) Quelques interprètes me paraissent avoir donné l’explication
véritable des jours dont il est ici question, et qui signifieraient les
calamités elles-mêmes, de même qu’en d’autres endroits de la sainte Écriture,
nous voyons cette expression : « Les
jours mauvais » (Gn 47 ; Ps 93 ; Ep 5) Car ce ne sont pas les jours qui
sont mauvais, mais les événements qui arrivent durant ces jours. Or, le Seigneur
dit que ces maux seront abrégés, parce que par une grâce de Dieu qui donnera
la force de les supporter, ils seront moins sentis, et pour ainsi dire
diminués, comme si on abrégeait leur durée. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Les Juifs auraient pu dire que c’était la prédication de l’Évangile et les
disciples de Jésus-Christ qui étaient cause de tous ces malheurs ; le Seigneur
leur déclare donc que s’ils n’avaient pas au milieu d’eux ses disciples, ils
auraient été entièrement exterminés : «
Mais en faveur des élus, ces jours seront abrégés. » — Saint Augustin : (lettre à Hésych.)
Nous ne devons pas douter qu’au temps de la ruine de Jérusalem, il n’y eut
parmi le peuple juif des élus de Dieu qui avaient passé de la circoncision à
la foi chrétienne, ou qui devaient croire dans la suite et que Dieu avait
choisis pour ses élus avant la création du monde ; c’est en leur faveur que
ces jours seront abrégés ; afin qu’on puisse en supporter plus facilement les
épreuves. Il en est qui prétendent que ces jours seront abrégés par une
marche plus rapide du soleil, de la même manière que le jour fut autrefois
prolongé à la prière de Josué, fils de Navé (Jos 10) — Saint Jérôme : Mais ils oublient
cette parole des livres saints : « Par
votre ordre, le jour subsiste tel qu’il est. » Il nous faut donc admettre
que ces jours ont été abrégés selon leur nature, c’est-à-dire que ce n’est
pas leur étendue, mais leur nombre qui a été abrégé, de peur que des épreuves
trop prolongées ne vinssent à ébranler la foi des chrétiens. — Saint Augustin : (lettre à Hésych.)
Il ne nous faut pas croire cependant que la succession des semaines de Daniel
ait été dérangée, parce que ces jours ont été abrégés ; ou bien qu’elles
n’ont pas eu alors leur accomplissement, qui n’aurait lieu qu’à la fin des
temps, car saint Luc déclare expressément (Lc 21, 20) que la prophétie de
Daniel a reçu son accomplissement à l’époque de la destruction de Jérusalem. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Remarquez ici l’admirable économie de l’Esprit saint ; l’Évangéliste saint
Jean n’a rien écrit sur ces événements, pour qu’on ne pût dire qu’il avait
écrit après les faits accomplis, puisqu’il vécut encore longtemps après la
ruine de Jérusalem. Mais les autres Évangélistes qui sont morts auparavant,
et qui n’ont pu voir aucun de ces événements, les ont écrits pour faire
éclater de toutes parts, la puissance divine de la prophétie. — Saint Hilaire : (can. 25.) Nous
pouvons encore, dans un autre sens, voir tous les signes précurseurs de
l’avènement du Seigneur dans ces paroles : « Lorsque vous verrez l’abomination ». Car le prophète Daniel a
eu ici en vue les temps de l’antéchrist. L’antéchrist est appelé abomination,
parce qu’il est venu contre Dieu, pour usurper l’honneur qui n’est dû qu’à
Dieu ; c’est l’abomination de la désolation, car il doit désoler la terre par
les guerres et les flots de sang qu’il répandra. C’est pour cela même que les
Juifs le recevront, qu’il s’assiéra dans le lieu le plus sacré du temple, et
que les infidèles lui rendront les honneurs divins dans l’endroit même où les
saints adressaient à Dieu leur prière. Et comme le caractère particulier de
l’erreur des Juifs sera d’embrasser le mensonge après avoir rejeté la vérité,
le Seigneur ordonne à ses disciples d’abandonner la Judée, et de fuir dans
les montagnes, pour éviter la persécution ou la corruption auxquelles ils seraient
exposés en restant au milieu d’un peuple qui doit croire à l’antéchrist.
Quant à ces paroles : « Que celui qui
est sur le toit ne descende pas chercher quelque chose dans sa maison »,
on peut les entendre dans ce sens : Le toit est le faîte de la maison, le
complément est comme la perfection de tout l’édifice. Celui donc qui est en
haut de la maison, c’est-à-dire dans la perfection de son cœur, renouvelé par
la régénération de l’Esprit, élevé par les sentiments de son âme, ne devra
pas céder à la convoitise et descendre aux basses jouissances de la terre. De
même : « Celui qui sera dans le champ, qu’il
ne revienne pas chercher sa tunique », c’est-à-dire celui qui s’applique
à l’accomplissement des préceptes, ne devra pas retourner aux occupations de
sa vie passée, qui le recouvrirait de nouveau du vêtement de ses anciens
péchés. — Saint Augustin : (lettre à Hésych.)
Car il faut prendre garde de se laisser vaincre par les tribulations, et de
descendre des hauteurs de la vie spirituelle à une vie toute charnelle, ou
bien de se relâcher et de regarder en arrière, après qu’on a fait des progrès
en s’avançant vers ce qui était devant soi. (Ph 3) — Saint Hilaire : Ces paroles par
lesquelles le Seigneur avertit : «
Malheur aux femmes qui seront grosses, ou nourrices en ce temps-là » ne
doivent pas s’entendre des femmes grosses dans le sens naturel, mais des âmes
appesanties sous le poids de leurs péchés, et qui, ne se trouvant ni sur les
toits, ni dans les champs, ne pourront éviter la tempête de la colère qui les
attend. Malheur aussi à ceux qui sont nourris, cette menace s’adresse à ces
âmes faibles qui sont formées à la connaissance de Dieu comme [les enfants
qui ne se nourrissent encore que] de lait ; malheur à elles, parce que ne
pouvant fuir devant l’antéchrist, et étant d’ailleurs incapables de souffrir,
elles ne pourront ni éviter le péché, ni recevoir la nourriture du pain
véritable. — Saint Augustin : (serm. 2 sur les
par. du Seig.) Ou bien, la femme grosse est celui qui désire le bien
d’autrui, et la femme qui nourrit, celui qui s’est emparé de l’objet de sa
convoitise. Malheur à l’un et à l’autre au jour du jugement ! Notre-Seigneur
ajoute : « Priez pour que votre fuite
n’arrive point durant l’hiver, ni au jour du sabbat ». — Saint Augustin : (Quest. évang., 1,
37.) C’est-à-dire que personne ne soit surpris en ce jour, ou dans la
tristesse, ou dans la joie que causent les choses de la terre. — Saint Hilaire : Ou bien encore,
dans le froid de la mort, que produisent les péchés, ou dans l’oisiveté des bonnes
oeuvres ; car le châtiment sera bien plus sévère, heureusement Dieu abrégera
ces jours en faveur des élus, de manière que leur courte durée puisse faire
triompher de la violence du mal. — Origène : Dans le sens mystique, l’antéchrist, qui est toute parole de mensonge, se tient fréquemment dans le sanctuaire des Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ceux qui le voient doivent fuir de la Judée, qui est la lettre [« qui est la lettre » si le texte porte « littera » ; si « littore » est correct, trad. par « les rives de la Judée »], sur les montagnes sublimes de la vérité. Or, celui qui se trouvera sur le toit de la parole, et qui se tiendra sur ce sommet, ne doit pas en descendre sous le prétexte d’emporter quelque chose de sa maison ; s’il est dans les champs, dans ce champ où se trouve caché un trésor, et qu’il retourne en arrière, il s’exposera à la séduction de la parole de mensonge, surtout s’il s’est dépouillé de ses vêtements anciens, c’est-à-dire du vieil homme, et qu’il soit retourné sur ses pas pour le reprendre. C’est alors que l’âme qui porte encore dans son sein, et n’a pas encore enfanté les fruits de la parole, encourt la malédiction ; car elle laisse mourir le fruit qu’elle avait conçu, et. elle perd l’espérance qui est fondée sur les actes de la vérité. Il en sera de même de l’âme qui aura enfanté le fruit de la parole, mais qui ne l’aura pas nourri suffisamment. Or, que ceux qui s’enfuient vers les montagnes prient que leur fuite n’ait lieu ni en hiver ni au jour du sabbat. Car les âmes qui sont établies dans le calme et la tranquillité peuvent obtenir de marcher dans la voie du salut ; [mais si l’hiver les surprend, elles tomberont au pouvoir de ceux qu’elles veulent éviter. Qu’elles prient donc pour que leur fuite n’arrive ni durant l’hiver, ni au jour du sabbat]. Il en est qui observent le repos du sabbat en s’abstenant d’œuvres mauvaises, mais sans en faire de bonnes ; que votre fuite n’ait pas lieu dans ce jour de sabbat, complètement vide de bonnes oeuvres ; car on ne sera pas facilement victime de l’erreur, à moins qu’on ne soit entièrement dépouillé de bonnes oeuvres. Mais quelle tribulation plus grande pour nous que de voir nos frères victimes de la séduction, que de nous voir nous-mêmes plongés dans l’agitation et le trouble ? Les jours, ce sont les préceptes et les dogmes de la vérité ; et toutes les explications que cherche à en donner une fausse science viennent ajouter aux épreuves de ces jours que Dieu abrége par les moyens qu’il choisit. |
Lectio 6 [85574] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 6 Chrysostomus in Matth. Cum
complesset dominus ea quae de Hierosolymis sunt, ad suum de cetero pervenit
adventum, et dicit eius signa non illis utilia solum, sed et nobis, et his
qui post nos erunt omnibus: unde dicit tunc si quis vobis dixerit: ecce hic
est Christus aut illic, nolite credere. Sicut autem cum supra dixit
Evangelista: in diebus illis venit Ioannes Baptista, non tempus quod
immediate est consequens exposuit, cum triginta anni in medio essent, ita et
hic cum dicit tunc, totum medium tempus praetermisit, quod futurum erat a
captione Hierosolymae usque ad initia consummationis mundi. Dans autem eis
signa sui secundi adventus, de loco eos certificat et de seductoribus: non
enim sicut in priori adventu in Bethlehem apparuit, et in parvulo angulo
orbis terrarum, et nullo sciente a principio, ita et tunc erit; sed manifeste
veniet, ita quod non indigeat quod aliquis eius adventum annuntiet; propter
quod dicit si quis vobis dixerit: ecce hic est Christus aut illic, non
credatis. Hieronymus. In quo ostendit quod secundus
adventus non in humilitate, ut primus, sed in gloria demonstrandus est.
Stultum est itaque eum in parvo loco vel in abscondito quaerere, qui totius
mundi lumen est. Hilarius in Matth. Et tamen, quia in magna vexatione
positi erunt homines, pseudoprophetae, tamquam praesentem in Christo opem
sint indicaturi, multis in locis Christum esse atque haberi mentientur, ut in
Antichristi famulatum depressos vexatosque deducant; et ideo subdit surgent
enim pseudochristi et pseudoprophetae. Chrysostomus in Matth. Hic de Antichristo
loquitur et de quibusdam eius ministris, quos pseudochristos et
pseudoprophetas appellat, quales et tempore apostolorum multi fuerunt; sed
ante secundum adventum Christi, erunt multo prioribus amariores: unde subdit
et dabunt signa magna et prodigia. Augustinus in Lib. 83 quaest. Admonet autem
hic dominus, ut intelligamus quaedam miracula etiam sceleratos homines
facere, qualia sancti facere non possunt: nec tamen ideo potioris loci apud Deum
arbitrandi sunt. Non enim acceptiores erant Deo quam populus Israel magi
Aegyptiorum, quia non poterat ille populus facere quod illi faciebant;
quamvis Moyses in virtute Dei maiora potuerit. Sed ideo non omnibus sanctis
ista attribuuntur, ne perniciosissimo errore decipiantur infirmi,
existimantes in talibus factis maiora dona quam in operibus iustitiae, quibus
vita aeterna comparatur. Cum ergo talia faciunt magi qualia nonnunquam
faciunt sancti, diverso fine et diverso iure fiunt: isti enim faciunt quaerentes
gloriam suam, illi quaerentes gloriam Dei; et illi faciunt per quaedam
potestatibus concessa in ordine suo, quasi privata commercia vel beneficia:
isti autem in publica administratione iussu eius cui cuncta creatura subiecta
est. Aliter enim cogitur possessor equum dare militi, aliter tradit emptori,
vel cuilibet donat aut commodat; et quemadmodum plerique mali milites, quos
imperialis disciplina commendat, signis imperatoris sui nonnullos possessores
territant, et ab eis aliquid quod publice non iubetur extorquent; ita
nonnunquam mali Christiani, per nomen Christi vel per verba vel sacramenta
Christiana exigunt aliquid a potestatibus; cum autem malis iubentibus
voluntate cedunt, ad seducendos homines cedunt, quorum errore laetantur.
Quapropter aliter faciunt miracula magi, aliter boni Christiani, aliter mali
Christiani: magi per privatos contractus, boni Christiani per publicam
iustitiam, mali Christiani per signa publicae iustitiae. Nec hoc etiam
oportet mirari; quia omnia quae visibiliter fiunt, etiam per inferiores
potestates aeris huius, non absurde fieri posse creduntur. Augustinus de Trin. Nec ideo tamen putandum
est transgressoribus Angelis ad nutum servire hanc visibilium rerum materiam,
sed Deo potius, a quo eis potestas datur; nec sane creatores, illi mali
Angeli dicendi sunt: sed pro subtilitate sua semina rerum istarum nobis
occultiora noverunt, et ea per congruas temperationes elementorum latenter
spargunt, atque ita et gignendarum rerum et accelerandorum incrementorum
praebent occasiones: nam et multi homines noverunt ex quibus herbis aut
carnibus aut succis aut humoribus ita obrutis vel commixtis quae animalia
nasci soleant: sed haec ab hominibus tanto difficilius fiunt, quanto desunt
sensuum subtilitates et corporum mobilitates in membris terrenis et pigris.
Gregorius Moralium. Cum ergo Antichristus
coram carnalium oculis miranda prodigia fecerit, post se tunc homines trahet:
quia qui bonis praesentibus delectantur, potestati illius se absque
retractione subicient; unde sequitur ita ut in errorem inducantur, si fieri
potest, etiam electi. Origenes in Matth. Exaggeratorius sermo est
dicens si possibile est: non enim pronuntiavit, neque dixit ut in errorem
mittantur electi: sed ostendere vult quoniam frequenter valde persuasorii
sunt sermones haereticorum, et commovere potentes etiam eos qui sapienter
agunt. Gregorius Moralium. Vel quia electorum cor et
trepida cogitatione concutitur, et tamen eorum constantia non movetur, una
sententia dominus utrumque complexus est: quasi enim iam errare est in
cogitatione titubare. Sed si fieri potest subiungitur, quia fieri non potest
ut in errorem electi capiantur. Rabanus. Vel non ideo hoc dicit quod electio
divina frustretur, sed qui humano iudicio electi videbantur, illi in errorem
mittentur. Gregorius in Evang. Minus autem iacula feriunt
quae praevidentur; et propter hoc subditur ecce praedixi vobis. Dominus enim
noster perituri mundi praecurrentia mala denuntiat, ut eo minus perturbent
venientia quo fuerint praescita: propter quod consequenter concludit si ergo
dixerint vobis: ecce in deserto est, nolite exire; ecce in penetralibus,
nolite credere. Hilarius in Matth. Nam pseudoprophetae, de
quibus supra dixerat, nunc in desertis Christum esse dicent, ut homines
errore depravent; nunc in penetralibus asserent eum esse, ut homines
dominantis Antichristi potestate concludant. Sed dominus se nec loco
occultandum, nec a singulis seorsum contuendum esse profitetur, sed ubique et
in conspectu omnium praesentem se futurum esse denuntiat: unde sequitur sicut
enim fulgur exit ab oriente et paret usque in occidentem, ita erit adventus
filii hominis. Chrysostomus in Matth. Sicut enim supra
praedixit qualiter Antichristus venturus est, ita et per hoc ostendit qualiter
ipse sit venturus. Sicut enim fulgur non indiget annuntiante aut praecone,
sed in instanti momento temporis monstratur secundum universum orbem terrarum
etiam his qui in thalamis sedent, ita et adventus Christi simul apparebit
ubique propter gloriae fulgorem. Consequenter autem dicit et aliud signum sui
adventus, cum subdit ubicumque fuerit corpus, illic congregabuntur et
aquilae: per aquilas multitudinem Angelorum, martyrum et sanctorum omnium
designans. Hieronymus. De exemplo enim naturali quod
quotidie cernimus, Christi instruimur sacramento: aquilae enim et vultures,
etiam transmarina dicuntur sentire cadavera, et ad escam huiuscemodi
congregari. Si ergo irrationabiles volucres naturali sensu tantis terrarum
spatiis separatae, parvum cadaver sentiant ubi iaceat; quanto magis omnis
multitudo credentium debet ad Christum festinare, cuius fulgur exit ab
oriente et paret usque ad occidentem? Possumus autem per corpus, idest ptoma,
quod significantius Latine dicitur cadaver ab eo quod per mortem cadat, passionem
Christi intelligere. Hilarius. Unde ut nec loci in quo venturus
esset, essemus ignari, dicit ubicumque fuerit corpus, ibi congregabuntur et
aquilae. Sanctos de volatu spirituali corporis aquilas nominavit, quorum
congregantibus Angelis conventum futurum in loco passionis ostendit; et digne
illic claritatis adventus expectabitur ubi nobis gloriam aeternitatis
passione corporeae humilitatis operatus est. Origenes in Matth. Et vide, quia non dixit
ubicumque fuerit corpus, ibi congregabuntur vultures, aut corvi, sed aquilae:
volens ostendere magnificos et regales omnes qui in passione domini
crediderunt. Hieronymus. Aquilae enim appellantur quibus
iuventus renovata est ut aquilae, et qui assumunt pennas, ut ad Christi
veniant passionem. Gregorius Moralium. Potest etiam intelligi:
ubicumque fuerit corpus, ac si dicat: quia caelesti sede incarnatus
praesideo, electorum animas, cum carne solvero, ad caelestia sublevabo. Hieronymus. Vel aliter. Quod hic dicitur, de
pseudoprophetis intelligi potest. Multi enim tempore captivitatis Iudaicae
principes extitere qui christos se esse dicerent, intantum ut obsidentibus
Romanis, tres intus fuerint factiones. Sed melius de consummatione mundi
dicitur, ut expositum est. Potest autem et tertio de haereticorum contra
Ecclesiam pugna intelligi, et de istiusmodi Antichristis, qui sub opinione
falsae scientiae contra Christum dimicant. Origenes in Matth. Generaliter enim unus est
Antichristus, species autem eius multae; tamquam si dicamus: mendacium nihil
differt a mendacio. Sicut autem veri Christi fuerunt sancti prophetae, sic
intellige secundum unumquemque pseudochristum, multos eius falsos prophetas,
qui Antichristi alicuius falsos sermones praedicant quasi veros. Quando ergo
dicet aliquis ecce hic est Christus, ecce illic, non quasi extra Scripturam
foras aspiciendum est: ex lege enim et prophetis et apostolis proferunt quae
videntur defendere mendacium. Vel per hoc quod dicit ecce hic est Christus,
ecce illic, ostendunt non Christum, sed aliquem fictum eiusdem nominis, ut
puta secundum Marcionis doctrinam, aut Valentini et Basilidis. Hieronymus. Si quis ergo promiserit vobis quod
in deserto gentilium et philosophorum dogmate Christus moretur, aut in
haereticorum penetralibus, qui Dei pollicentur arcana, nolite credere, sed
quod ab oriente usque in occidentem fides Catholica in Ecclesiis fulget. Augustinus de quaest. Evang. Orientis et
occidentis nomine totum orbem voluit signare, per quem futura erat Ecclesia.
Secundum autem illum sensum quo dixit: amodo videbitis filium hominis
venientem in nubibus, convenienter etiam nunc fulgur nominavit, quod maxime
solet emicare de nubibus. Constituta ergo auctoritate Ecclesiae per orbem
terrarum clara atque manifesta, convenienter discipulos admonet, atque omnes
fideles, ne schismaticis atque haereticis credant. Unumquodque schisma aut
unaquaeque haeresis locum suum habet, in orbe terrarum aliquam tenens partem;
aut obscuris atque occultis conventiculis curiositatem hominum decipit; quo
pertinet quod ait si quis vobis dixerit: ecce hic est Christus, aut illic;
quod significat terrarum partes aut provinciarum; aut in penetralibus aut in
deserto; quod significat occulta et obscura conventicula haereticorum. Hieronymus. Vel per hoc quod dicit in deserto,
et in penetralibus ostenditur quod persecutionis et angustiarum tempore
semper pseudoprophetae decipiendi inveniunt locum. Origenes in Matth. Vel quando secretas et non
vulgatas Scripturas proferunt ad confirmationem mendacii sui, videntur
dicere: ecce in solitudine verbum est veritatis. Quoties autem canonicas
proferunt Scripturas, in quibus omnis Christianus consentit, videntur dicere:
ecce in domibus est verbum veritatis. Sed nos exire non debemus a prima
ecclesiastica traditione. Vel eos sermones qui sunt omnino extra Scripturam
ostendere volens, dixit si dixerint vobis: ecce in solitudine est, nolite
exire, de regula fidei. Eos autem qui simulant divinas Scripturas, ostendere
volens, dixit si dixerint vobis: ecce in penetralibus est, nolite credere. Veritas
enim similis est fulguri egredienti ab oriente, et apparenti usque ad
occidentem. Vel hoc dicit, quoniam veritatis fulgur ex omni Scripturarum loco
defenditur. Exit ergo veritatis fulgur ab oriente, idest ab initiis Christi,
et apparet usque ad passionem ipsius, in qua est occasus eius; vel a primo
initio creaturae mundi, usque ad novissimam apostolorum Scripturam. Vel
oriens quidem est lex, occidens autem finis legis et prophetiae Ioannis. Sola
autem Ecclesia neque subtrahit huius fulguris verbum et sensum, neque addit
quasi prophetiam aliquid aliud. Vel hoc dicit, quia non debemus attendere eis
qui dicunt ecce hic est Christus; non autem ostendunt eum in Ecclesia, in qua
tota totus est adventus filii hominis dicentis: ecce ego vobiscum sum omnibus
diebus usque ad consummationem saeculi. Hieronymus. Provocamur autem ad passionem
Christi, ut ubicumque in Scripturis legitur, congregemur, ut per illam venire
possimus ad verbum Dei. |
Versets
23-28.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Après que Notre-Seigneur a terminé les prédictions qui avaient rapport à
Jérusalem, il arrive à ce qui concerne son avènement, et il en fait connaître
les signes précurseurs ; connaissance utile, non seulement pour eux, mais
encore pour nous, et pour tous ceux qui viendront après nous : « Alors si quelqu’un vous dit : ‘Le
Christ est ici’ ou ‘Le Christ est là’ ne le croyez pas ». Or, de même que
lorsque l’Évangéliste dit dans un autre endroit : « En ces jours-là vint Jean-Baptiste », il n’a point voulu parler
du temps qui suivit immédiatement les événements qu’il vient de raconter,
puisqu’il y eut trente ans d’intervalle, de même en employant ici cette
expression : « Alors » il passe
sous silence tout le temps intermédiaire qui devait s’écouler depuis la ruine
de Jérusalem jusqu’aux signes avant-coureurs de la fin du monde. En révélant
à ses disciples les signes de son second avènement, le Seigneur leur en fait
connaître d’une manière certaine le lieu, en même temps que les artifices des
séducteurs. Cet avènement ne se fera plus comme la première fois à Bethléem,
dans un petit coin de la terre, et sans que personne en soit prévenu ; mais
le Seigneur viendra dans tout son éclat, et il ne sera nullement nécessaire
d’annoncer son arrivée ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Si quelqu’un vous dit : Voici que le Christ est ici, ou là, ne le
croyez point. » — Saint Jérôme : Il nous apprend par
là que le second avènement n’aura pas lieu comme le premier dans l’humilité,
mais dans toute la manifestation de sa gloire. C’est donc une folie de
chercher dans un endroit limité ou réservé celui qui est la lumière du monde.
(Jn 8, 9, 12.) — Saint Hilaire : (can. 25.) Et
cependant comme les hommes seront livrés à de violentes angoisses, les faux
prophètes, affectant de vouloir faire connaître le secours que les fidèles
peuvent tirer de la présence du Christ, soutiendront faussement qu’il se
trouve réellement dans une multitude d’endroits, pour soumettre au culte de
l’antéchrist les hommes accablés et abattus par les tribulations. « Car il s’élèvera de faux christs et de
faux prophètes ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Le Seigneur veut parler ici de l’antéchrist et de quelques-uns de ses agents,
qu’il appelle de faux christs et de faux prophètes, tels qu’on en vit un
grand nombre au temps de la prédication des Apôtres. Mais avant le second
avènement, ils seront mille fois plus dangereux que les premiers : « Car ils feront de grands prodiges et des
choses étonnantes. » — Saint Augustin : (Liv. des 83
Quest., quest. 78.) Notre-Seigneur nous avertit ici que même les hommes
livrés à toute sorte de crimes peuvent opérer certains miracles que les
saints ne peuvent faire, sans qu’ils jouissent pour cela d’un plus grand
crédit aux yeux de Dieu. En effet, les magiciens d’Egypte n’étaient pas plus
agréables à Dieu que le peuple d’Israël, qui ne pouvait faire les prodiges
qu’ils opéraient, bien que Moïse en ait opéré de plus éclatants par la
puissance de Dieu. Or, Dieu n’a pas donné à tous les saints ce privilège,
pour ne pas exposer les âmes faibles à tomber dans la plus pernicieuse des
erreurs que le don de faire des miracles est supérieur aux oeuvres de
justice, qui seules nous obtiennent la vie éternelle. Lors donc que les
magiciens opèrent des prodiges semblables à ceux que font quelquefois les
saints, c’est à des titres et par des motifs différents ; les uns n’y
cherchent que leur propre gloire, les autres que la gloire de Dieu ; les
premiers agissent alors en vertu d’un certain pouvoir que Dieu a laissé aux puissants,
conformément à leur nature, et par certains commerces qu’ils entretiennent
avec ces esprits, ou en reconnaissance des services qu’ils leur rendent (Ep
6, 12 ; Col 2, 15) ; les saints, au contraire, n’opèrent ces prodiges
qu’au nom de cette puissance souveraine aux ordres de laquelle toute créature
est soumise. Qu’un propriétaire soit obligé d’abandonner son cheval à un
soldat, qu’il le livre au contraire à celui qui le lui achète, qu’il le donne
ou qu’il le prête à qui bon lui semble, ce sont choses toutes différentes. Il
arrive encore quelquefois que de mauvais soldats, par une violence que
réprouve la discipline militaire, effraient certaines gens en se couvrant de
l’autorité de leur chef pour leur extorquer ce que la loi ne les oblige pas
de donner ; de même il peut arriver souvent que de mauvais chrétiens, [ou des
schismatiques, ou des hérétiques], aient recours au nom de Jésus-Christ, aux
paroles sacrées, ou aux sacrements de la religion chrétienne pour exiger
certaines concessions des puissances infernales. Et lorsque ces puissances
cèdent ainsi à l’ordre des méchants, elles ne le font que pour séduire les
hommes, dont les égarements font toute leur joies C’est donc par des procédés
tout différents que les magiciens, les bons chrétiens et les mauvais opèrent
des prodiges. Les magiciens les opèrent au moyen de pactes particuliers ; les
bons chrétiens, au nom de la justice divine ; et les mauvais, au moyen des
signes extérieurs de cette justice. Et il ne faut pas s’en étonner, car on
peut croire sans absurdité que tous les phénomènes extérieurs dont nous
sommes témoins sont l’oeuvre des puissances infernales qui sont répandues
dans les airs. — Saint Augustin : (de la Trinité, 3,
8 et 9.) Gardons-nous cependant de croire que tous les éléments visibles
obéissent aveuglément à ces anges prévaricateurs ; ils obéissent bien plutôt
à Dieu, qui a donné ce pouvoir aux mauvais anges. Nous ne devons pas non plus
donner le nom de créateurs à ces mauvais anges ; car [leur puissance vient
de] ce que la pénétration inhérente à leur nature leur fait connaître les
causes productrices cachées des faits naturels, qu’ils les répandent sous
l’influence convenable des éléments, et offrent ainsi l’occasion de les
produire ou de leur donner de plus grands développements. Car même parmi les
hommes, il en est qui savent quelles herbes, quelles chairs, quels sucs ou
quels liquides mélangés ensemble donnent naissance à certains animaux ; mais
les hommes ne peuvent que difficilement obtenir ce résultat, parce qu’ils
manquent de cette intelligence pénétrante et de cette agilité de mouvements
que leur refusent leurs membres tout matériels et privés de l’énergie
nécessaire. — Saint Grégoire : (Moral., 15, 39.)
Lorsque l’antéchrist aura opéré ces prodiges étonnants en présence des hommes
charnels, il les entraînera tous à sa suite ; car tous ceux qui placent leurs
jouissances dans les biens de ce monde, se soumettront sans restriction à son
empire. Voilà pourquoi le Seigneur ajoute : « jusqu’à séduire, s’il était possible, les élus eux-mêmes. » — Origène : Cette
expression : « s’il est possible »
est hyperbolique, car Notre-Seigneur n’a point dit positivement : « De telle
sorte que les élus eux-mêmes seraient séduits
» ; mais il a voulu nous montrer que les discours des hérétiques
sont insinuants et persuasifs, et capables d’ébranler même ceux qui
n’obéissent qu’aux inspirations de la sagesse. — Saint Grégoire : (Moral., 23, 27.)
Ou bien, comme le cœur des élus peut être agité par un sentiment de crainte,
sans que toutefois leur constance en soit ébranlée, le Seigneur renferme ces
deux effets dans une même pensée, et il ajoute : « s’il était possible » ;
car il ne peut se faire que les élus tombent dans les piéges que leur tend
l’erreur. — Raban : Ou bien ces paroles ne signifient pas que l’élection
divine sera sans effet, mais que ceux qui paraissaient être du nombre des
élus au jugement des hommes, seront entraînés dans l’erreur. — Saint Grégoire : (hom. 35 sur les
Evang.) Les traits qui sont prévus font des blessures moins profondes ; aussi
le Seigneur dit à ses disciples : «
Voici que je vous l’ai prédit. » Notre-Seigneur nous déclare quels seront
les maux avant-coureurs de la fin du monde, afin que lorsqu’ils arriveront,
ils nous causent d’autant moins de trouble, qu’ils ont été prévus ; c’est
pour la même raison qu’il conclut : «
Si donc quelqu’un vous dit : Voici qu’il est dans le désert, n’y allez
pas ; voici qu’il est dans les retraites, ne le croyez pas.» — Saint Hilaire : En effet, les faux
prophètes, dont il a parlé plus haut, affirmeront tantôt que le Christ est
dans le désert, pour corrompre les hommes par le poison de l’erreur ; tantôt
qu’il est dans des endroits retirés pour les asservir plus sûrement au joug
tyrannique de l’antéchrist. Mais le Seigneur nous déclare ici qu’il ne se
cachera dans aucune retraite, qu’il ne se découvrira point en particulier à
un petit nombre de témoins, mais qu’il manifestera sa présence en tous lieux
et aux yeux de tous les hommes, comme l’indiquent les paroles suivantes : « De même que l’éclair part de l’Orient,
et apparaît jusqu’à l’Occident, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme».
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Le Seigneur, qui a décrit précédemment les circonstances de la venue de
l’antéchrist, nous retrace ici les signes de son propre avènement. De même que
l’éclair n’a besoin ni de précurseur ni de héraut, mais brille en un moment
dans tout l’univers, même aux yeux de ceux qui sont dans l’intérieur de leurs
demeures, ainsi le glorieux éclat qui entourera l’avènement du Christ
apparaîtra dans tout l’univers à la fois. Il nous donne encore un autre signe
de son avènement en ajoutant : «
Partout ou sera le corps, là les aigles s’assembleront », c’est-à-dire la
multitude des anges, des martyrs et de tous les saints. — Saint Jérôme : Le mystère de
l’avènement de Jésus-Christ nous est rendu sensible dans un fait naturel dont
nous sommes tous les jours témoins. On rapporte que les aigles et les
vautours sentent l’odeur des cadavres situés même au delà des mers, et se
rassemblent à cette distance autour de cette pâture. Si donc des oiseaux
privés de raison, et par le seul instinct naturel, sentent l’endroit où gît
un cadavre peu considérable, malgré la distance qui les en sépare, avec
combien plus d’ardeur la multitude des fidèles s’empressera-t-elle de se
réunir autour du Christ, dont l’éclair part de l’Orient et brille en même
temps jusque dans l’Occident ? Par le corps (en grec ptwma, et que le latin rend d’une manière plus
expressive par le mot « cadaver », parce que le corps tombe sous
les coups de la mort), nous pouvons entendre la passion du Christ. — Saint Hilaire : Pour ne pas nous
laisser ignorer le lieu où il apparaîtra, il ajoute : « Partout où sera le corps, là les aigles s’assembleront. » Il
appelle les saints des aigles à cause du vol rapide de leur corps tout
spirituel, et il nous les montre se réunissant sous la conduite des anges,
dans le lieu même de la passion ; car il est juste que le Seigneur révèle la
gloire de son avènement dans l’endroit même où il nous a mérité par ses
humiliations et ses souffrances la glorieuse éternité. — Origène : (traité
30 sur S. Matth.) Et remarquez qu’il ne dit pas : Partout où sera le corps,
là se rassembleront les vautours et les corbeaux, mais : « Les aigles s’assembleront », pour exprimer ainsi la
magnificence et la royauté de tous ceux qui ont cru à la passion du Seigneur. — Saint Jérôme : On donne le nom
d’aigles à ceux dont la jeunesse s’est renouvelée comme celle de l’aigle (Ps
52), et qui s’élèvent sur des ailes comme l’aigle, pour se rendre à la
passion du Seigneur. — Saint Grégoire : (Moral., 31, 22.)
Ces paroles : « Partout où sera le
corps » peuvent encore s’entendre dans ce sens : Comme je suis assis sur
le trône des cieux avec le corps que j’ai revêtu dans mon incarnation, je
délivrerai les âmes des élus avec leur corps, et je les élèverai jusqu’au
ciel. — Saint Jérôme : Ou bien encore on
peut entendre ce que Jésus dit ici des faux prophètes, car au temps de la
captivité de la nation juive, on vit s’élever des chefs qui affirmaient
qu’ils étaient le Christ, à ce point que pendant le siége de Jérusalem par
les Romains, le peuple fut divisé en trois factions. Mais il est plus naturel
d’entendre ces paroles, comme nous l’avons fait, de la fin du monde. On peut,
en troisième lieu, l’entendre des combats des hérétiques contre l’Église, et
de ces antéchrists qui s’élèvent contre le Christ, sous le prétexte d’une
fausse science. — Origène : Traité
29 sur S. Matth.) En principe, il n’y a qu’un seul antéchrist, mais il se
divise eu plusieurs espèces, comme si nous disions : Un mensonge ne diffère
pas d’un autre mensonge. Or, de même que le véritable Christ n’avait que de
saints prophètes, ainsi chaque faux christ a sous lui une multitude de faux
prophètes qui donnent comme vrais, dans leurs prédications, la fausse doctrine
de l’antéchrist auquel ils appartiennent. Lors donc qu’on entendra dire : « Le Christ est ici ou il est là »,
il ne faudra point porter ses regards au dehors, ailleurs que dans
1’Écriture, car c’est dans la loi, dans les prophètes et dans les écrits des
Apôtres qu’ils puisent leurs prétendues raisons à l’appui de leurs erreurs.
Ou bien ces paroles : « Voici que le
Christ est ici, ou il est là » s’appliquent dans leur intention, non pas
au Christ, mais à quelque imposteur qui se couvrira de son nom, comme serait,
par exemple, un sectateur de la doctrine de Marcion, ou de Basilide ou de
Valentin. — Saint Jérôme : Si quelqu’un donc
vous a donné l’espérance que vous trouveriez Jésus-Christ dans le désert de
l’idolâtrie ou dans la doctrine des philosophes, ou dans les réduits
ténébreux des hérétiques qui promettent de vous révéler les secrets de Dieu,
ne le croyez pas ; mais croyez que la foi catholique brille dans l’Église de
l’Orient à l’Occident. — Saint Augustin : (Quest. évang.,
11, 38.) Par l’Orient et par l’Occident, Notre-Seigneur a voulu nous faire
comprendre l’univers entier, à travers lequel l’Église devait s’étendre.
C’est dans le sens de ces paroles : «
Vous verrez le Fils de l’homme venant sur les nuées », que Notre-Seigneur
se sert ici du mot éclair, parce que c’est surtout du sein des nuées que
jaillissent les éclairs. Après avoir établi d’une manière claire et évidente
l’autorité de l’Église dans tout l’univers, c’est avec raison qu’il
recommande à ses disciples et à tous les fidèles de ne point ajouter foi aux
schismatiques et aux hérétiques. Tout schisme, en effet, et toute hérésie
s’établit sur un point de la terre et y occupe une place, ou se glisse dans
des réunions secrètes et ténébreuses pour tromper la curiosité de l’esprit
humain, et c’est ce que signifient ces paroles : « Si quelqu’un vous dit : Le Christ est ici ou là » (ce qui
indique une partie ou une contrée de la terre), « ou dans le lieu le plus retiré de la maison, ou dans le désert »,
ce qui signifie les conventicules secrets et ténébreux des hérétiques. — Saint Jérôme : Ou bien ces
expressions : « dans le désert » et
« dans les endroits cachés »
signifient que les faux prophètes trouveront moyen de tromper les hommes dans
les temps de persécution et d’épreuves. — Origène : (traité
29 sur S. Matth.) Ou bien, toutes les fois que les hérétiques citent à
l’appui de leurs erreurs des écritures apocryphes et qui ne sont pas reçues
dans l’Église, ils semblent dire : « Voici que la parole de vérité est dans
la solitude, » tandis que lorsqu’ils s’appuient sur les Écritures canoniques,
admises par tous les chrétiens, ils paraissent dire : « Voici que la parole
de vérité est dans vos demeures, » Mais ces promesses ne doivent pas nous
faire sortir des premières traditions reçues dans l’Église. Peut-être encore
le Seigneur veut-il nous prémunir contre ceux dont la doctrine est tout à
fait étrangère à l’Écriture par ces paroles : « Si l’on vous dit : Le voici dans la solitude, » ne sortez pas
de la règle de la foi ; contre ceux qui se couvrent en apparence de
l’autorité des Écritures par ces autres : «
Si l’on vous dit : Le voici dans le lieu le plus retiré, ne le croyez pas. »
Car la vérité est semblable à l’éclair qui part de l’Orient et paraît jusque
dans l’Occident. Ou bien le Seigneur s’exprime de la sorte parce que l’éclair
de la vérité est soutenu par tous les passages de l’Écriture. L’éclair de la
vérité sort donc de l’Orient, c’est-à-dire des commencements de la vie de
Jésus-Christ, et se prolonge jusqu’à sa passion, qui est comme son couchant ;
ou bien depuis l’origine du monde jusqu’aux derniers écrits des Apôtres. Ou
bien encore, l’Orient est la loi, et l’Occident, la fin de la loi et de la
prophétie de Jean-Baptiste. Or, l’Église seule n’ôte rien soit à
l’expression, soit au sens de cette vérité qui brille comme un éclair, elle
n’ajoute rien non plus sous prétexte de prophétie. Ou bien enfin le Seigneur
veut nous mettre en garde contre ceux qui nous disent : « Voici le Christ, » sans nous le montrer dans l’Église, qui
seule a vu s’accomplir en elle l’avènement tout entier du Fils de l’homme,
dont voici la promesse : « Voici que je
suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. » — Saint Jérôme : Ces paroles nous invitent à méditer la passion de Jésus-Christ, et à nous réunir dans tous les endroits de l’Écriture où il en est question (cf. Ps 21, 18 ; Is 53, 7), afin qu’elle puisse nous conduire jusqu’au Verbe de Dieu. |
Lectio 7 [85575] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 7 Glossa. Postquam dominus
praemunivit fideles contra seductionem Antichristi et ministrorum eius,
ostendens se manifeste esse venturum, nunc ordinem et modum sui adventus
demonstrat dicens statim autem post tribulationem dierum illorum sol
obscurabitur. Chrysostomus in Matth. Tribulationem dicit
dierum Antichristi et pseudoprophetarum: tribulatio enim tunc erit magna tot
existentibus deceptoribus. Sed non extendetur per temporis longitudinem. Si
enim Iudaicum bellum propter electos decurtatum est, multo magis propter eos
haec tribulatio abbreviabitur: et propter hoc non simpliciter dixit post
tribulationem; sed addit statim: ipse enim confestim aderit. Hilarius in Matth. Gloriam autem adventus sui
indicat obscuritate solis, et defectione lunae, et casu stellarum; nam
sequitur et luna non dabit lumen suum, et stellae cadent de caelo. Origenes in Matth. Dicet autem aliquis: sicut
in magnis ignibus succendi incipientibus tenebrae ex fumo plurimo videntur
extolli, sic in consummatione mundi ab igne, qui succendendus est,
obscurabuntur etiam luminaria magna; marcescente autem stellarum lumine,
reliquum earum corpus, cum exaltari non valeat, sicut primum cum a lumine
ipso portatum extollebatur, cadet de caelo. His accidentibus consequens est
caelorum rationabiles virtutes stuporem et commotionem aliquam pati, et
conturbari, remotas a primis functionibus suis; unde sequitur et virtutes
caelorum commovebuntur, et tunc parebit signum filii hominis in caelo, in quo
scilicet caelestia facta sunt, idest virtus quam operatus est filius
suspensus in ligno; et in caelo apparebit maxime signum illius, ut homines de
omnibus tribubus quae prius non crediderunt Christianitatem annuntiari, tunc
recognoscentes per signum illud manifestatam, plangent, et lamentabuntur
propter ignorantiam suam, atque peccata; unde sequitur et tunc plangent omnes
tribus terrae. Alius autem aliter arbitrabitur: quoniam sicut lucernae
paulatim deficit lumen, sic caelestium luminum deficiente nutrimento, sol
obscurabitur, et luna, et stellarum lumen deficiet, et quod remanserit in
eis, quasi terrenum cadet de caelo. Sed quomodo potest dici de sole quoniam
obscurabitur lumen eius, cum Isaias propheta profectum aliquem solis in
consummatione fore declaret? Similiter et de luna Isaias profert quoniam erit
sicut sol. De stellis autem quidam dicere tentant, aut omnes aut plures earum
maiores esse tota terra. Quomodo ergo cadent de caelo, cum magnitudini earum
non sufficiat terra? Hieronymus. Non ergo diminutione luminis
huiusmodi accident; alioquin solem legimus septuplum habiturum luminis; sed
comparatione verae lucis omnia visui apparebunt tenebrosa. Rabanus. Nihil tamen prohibet intelligi
veraciter tunc solem et lunam cum ceteris sideribus ad tempus suo lumine
privari, sicut de sole factum constat tempore dominicae passionis; unde et
Ioel dicit: sol convertetur in tenebras et luna in sanguinem, antequam veniat
dies domini magnus et manifestus. Ceterum, peracto die iudicii et clarescente
futurae gloriae vita, cum fuerit caelum novum et terra nova, tunc fiet quod
Isaias propheta dicit: erit lux lunae sicut lux solis, et lux solis erit
septempliciter. Quod autem de stellis dictum est: et stellae cadent de caelo,
in Marco ita scriptum est: et stellae caeli erunt decidentes, idest suo
lumine carentes. Hieronymus. Per virtutes autem caelorum,
Angelorum multitudines intelligimus. Chrysostomus in Matth. Qui
valde decenter commovebuntur vel concutientur, videntes tantam
transmutationem fieri, et conservos suos puniri, et orbem terrarum terribili
assistentem iudicio. Origenes in Matth. Sicut autem in
dispensatione crucis, sole deficiente, tenebrae factae sunt super terram; sic
et signo filii hominis apparente in caelo, deficient lumina solis, lunae et
stellarum, quasi consumpta ex multa virtute signi illius; unde sequitur tunc
apparebit signum filii hominis in caelo. Signum autem crucis hic
intelligamus, ut videant, iuxta Zachariam et Ioannem, Iudaei quem
compunxerant et signum victoriae. Chrysostomus in Matth. Si autem sol quidem
obtenebraretur, crux non appareret, nisi multo solaribus radiis luculentior
esset. Ne autem discipuli verecundentur et doleant de cruce, eam signum
nominat cum quadam claritate. Apparebit autem signum crucis, ut Iudaeorum
inverecundiam confutet: adveniet enim Christus in iudicio non vulnera solum,
sed mortem exprobratissimam ostendens; unde sequitur et tunc plangent omnes
tribus terrae. Visa enim cruce considerabunt quod mortuo eo nihil
profecerant, et quoniam crucifixerunt eum quem adorari oportebat. Hieronymus. Recte autem dicit tribus terrae:
hi enim plangent qui municipatum non habent in caelis, sed scripti sunt in
terra. Origenes in Matth. Moraliter autem dicit
aliquis obscurandum solem, esse Diabolum, qui in consummatione est arguendus,
cum sit tenebrae, simulat autem solem: luna autem quae videtur homini
illuminari sole, est omnis Ecclesia malignantium, quae frequenter lumen se
habere et dare promittit, tunc autem redarguta cum reprobatis dogmatibus suis
claritatem suam amittet; sed et quicumque, sive in dogmatibus sive in
virtutibus falsis, hominibus quidem veritatem promittebant, mendaciis autem
seducebant, hi convenienter dicendi sunt stellae cadentes de caelo, ut ita
dicam, suo, ubi erant in altitudine constitutae, extollentes se adversus
scientiam Dei. Ad commendationem autem sermonis huius utemur exemplo
proverbiorum dicente: lumen iustorum semper inextinguibile est; lumen autem
impiorum extinguetur. Tunc claritas Dei apparebit in omni qui portavit
imaginem caelestis; et caelestes laetabuntur, terreni autem plangent. Vel
Ecclesia est sol, luna et stellae, cui dictum est: speciosa ut luna, electa
ut sol. Augustinus ad Hesychium. Tunc enim sol
obscurabitur et luna non dabit lumen suum, quia Ecclesia non apparebit,
impiis tunc persecutoribus ultra modum saevientibus. Tunc stellae cadent de
caelo, et virtutes caelorum commovebuntur: quoniam multi qui gratia Dei
fulgere videbantur, persequentibus cedent et cadent; et quidem fideles
fortissimi turbabuntur. Hoc autem post tribulationem dierum illorum dicitur
esse futurum, non quia transacta tota illa persecutione accidant ista, sed
quia praecedet tribulatio, ut sequatur quorumdam defectio: et quia per omnes
dies illos ita fiet, propterea post tribulationem dierum illorum, sed tamen
eisdem diebus, fiet. |
Versets
29-30
— La Glose : Après avoir prémuni
les fidèles contre les séductions de l’antéchrist et de ses sectateurs, en
déclarant que son avènement sera environné du plus grand éclat,
Notre-Seigneur nous en fait connaître l’ordre et les circonstances, « Or, aussitôt après ces jours
d’affliction, le soleil s’obscurcira ». — Saint Jean Chrysostome : (Hom. 76.)
Il veut parler ici de la tribulation des jours de l’antéchrist et des faux
prophètes ; cette tribulation sera grande et proportionnée au grand nombre
des séducteurs, mais sa durée ne sera pas longue, car si la guerre contre les
Juifs a été abrégée à cause des élus, à plus forte raison Dieu abrégera cette
tribulation en leur faveur. Aussi, ne dit-il pas simplement : « Après
ces jours d’affliction », mais «
Aussitôt après » car il ne tardera pas à venir. — Saint Hilaire : (can. 20.) Il nous
fait comprendre la gloire de son avènement par le soleil qui s’obscurcit, par
la lune qui refuse sa lumière, et par les étoiles qui tombent : « Et la lune ne donnera plus sa lumière,
et les étoiles tomberont du ciel. » — Origène : Lorsqu’un
grand incendie commence à éclater, le jour est comme obscurci par les nuages
d’une épaisse fumée ; ainsi, on peut dire qu’à la fin du monde, les grands
flambeaux du jour seront obscurcis par le feu que la justice de Dieu doit
allumer ; et la clarté des étoiles venant à pâlir, la matière dont leur corps
est composé ne pourra plus s’élever comme autrefois, lorsque la lumière
elle-même semblait les porter [dans les vastes plaines de l’air], et elles
tomberont du ciel. Lorsque ces événements s’accompliront, les intelligences
célestes, dans la stupeur et l’agitation, seront comme bouleversées de se
voir privées de leurs anciennes fonctions «
Et les puissances des cieux seront ébranlées, et alors le signe du Fils de
l’homme paraîtra dans les cieux, » c’est-à-dire le signe qui a fait les
choses célestes, en d’autres termes la puissance que le Fils de l’homme a
fait éclater lorsqu’il était attaché à la croix. C’est dans le ciel surtout
que paraîtra son signe, afin que les hommes de toute tribu, qui n’ont pas voulu
croire à la religion chrétienne qui leur était annoncée, la reconnaissent
dans cette croix qui en est le signe évident, et qu’ils pleurent et gémissent
sur leurs péchés et sur leur ignorance. «
Et, à cette vue, tous les peuples de la terre s’abandonneront aux pleurs.»
On donne cette autre explication de ce passage : de même que la lumière d’une
lampe s’affaiblit insensiblement, le soleil et la lune s’obscurciront, et les
étoiles perdront leur lumière, parce que les corps célestes ne seront plus
alimentés, et ce qui en restera tombera du ciel comme une matière toute
terrestre. Mais comment peut-on dire du soleil que sa lumière s’obscurcira,
alors que le prophète Isaïe prédit qu’à la fin du monde cette lumière
deviendra beaucoup plus vive (chap. 30), et que la lumière de la lune
deviendra comme la lumière du soleil ? Quant aux étoiles, il en est qui
affirment que toutes ou un grand nombre d’entre elles sont plus grandes que
la terre ; comment donc pourront-elles tomber du ciel, puisque la terre ne
pourrait suffire à leur étendue. — Saint Jérôme : Ces phénomènes ne
seront donc point produits par une diminution réelle de la lumière qui nous
éclaire, puisque nous lisons ailleurs que le soleil aura sept fois plus
d’éclat ; mais, en présence de la vraie lumière, tous les objets paraîtront
aux yeux couverts de ténèbres. — Raban : Rien cependant ne s’oppose à ce qu’on dise que le soleil,
la lune et les autres astres seront alors réellement privés de leur lumière,
comme il arriva pour le soleil, à la passion du Seigneur, et c’est ce que
prédit Joël en ces termes : « Le soleil
sera changé en ténèbres et la lune en sang, avant que vienne le grand et
terrible jour du Seigneur. » (Jl 2, 31). Du reste, après le jugement, et
lorsque la gloire de la vie future répandra ses clartés, et que Dieu aura
créé un ciel nouveau et une terre nouvelle (Is 65, 17 ; Ap 21, 1), on verra
s’accomplir cette prédiction du prophète Isaïe : « La lumière de la lune sera comme celle du soleil, et la lumière du
soleil sera sept fois plus grande. » Quant aux étoiles, au lieu de ces
expressions : « et les étoiles
tomberont du ciel », on lit dans saint Marc : « et l’on verra les étoiles se détacher du ciel, c’est-à-dire privées
de leur lumière » (Mc 13). — Saint Jérôme : Par les vertus
des cieux, nous entendons la multitude des anges. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
C’est à juste titre que les puissances des cieux seront ébranlées et
troublées à la vue d’un si grand bouleversement, du châtiment de leurs
compagnons, et de l’univers tout entier comparaissant devant le tribunal
redoutable. — Origène : De
même qu’au moment où s’accomplissait le mystère de la croix, le soleil
s’éclipsa, et l’on vit les ténèbres couvrir toute la face de la terre ;
ainsi, lorsque le signe du Fils de l’homme apparaîtra dans les cieux, la
lumière du soleil, de la lune et des étoiles disparaîtra comme absorbée par
la puissance divine de ce signe sacré. «
Et alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel. » Ce signe,
c’est le signe de la croix, afin que les Juifs, selon le prophète Zacharie
(chap. 12) et l’évangéliste saint Jean (chap. 19), puissent voir celui qu’ils
ont percé et le signe de sa victoire. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Le soleil s’étant obscurci, la croix ne pourrait paraître qu’autant qu’elle
serait beaucoup plus brillante que les rayons du soleil. Le Seigneur ne veut
pas que ses disciples aient à rougir ou à s’attrister de la croix, et c’est
pour cela qu’il la leur annonce comme un signe entouré de gloire. Or, ce
signe de la croix apparaîtra pour confondre l’insolence des Juifs, car
Jésus-Christ, venant pour juger le monde, ne leur montrera pas seulement ses
blessures, mais encore la mort ignominieuse qu’ils lui ont fait souffrir : « Et alors toutes les tribus de la terre
s’abandonneront aux pleurs », et à la vue de la croix, elles
comprendront que la mort du Seigneur ne leur a servi de rien, et qu’elles ont
crucifié celui qu’elles auraient dû adorer. — Saint Jérôme : L’expression « Toutes les tribus de la terre » est
des plus justes, car ceux-là seuls seront dans les pleurs et dans les
gémissements qui n’ont pas acquis le droit de cité dans les cieux, et dont
les noms ne sont écrits que sur les livres de la terre. — Origène : Dans
le sens moral, on peut dire que ce soleil qui doit s’obscurcir, c’est le
démon qui doit être jugé et condamné à la fin du monde, car, bien qu’il ne
soit que ténèbres, il affecte de briller comme le soleil ; la lune, qui nous
semble emprunter sa lumière au soleil, c’est toute réunion des méchants qui
se vante souvent d’avoir et de donner la lumière. Mais alors Dieu la
condamnera avec ses dogmes pervers, et elle perdra toute sa clarté. Tous ceux
qui promettaient aux hommes la vérité, soit par leurs opinions, soit par de
fausses vertus, et ne faisaient que les séduire par leurs mensonges, sont
comme les étoiles qui tombent pour ainsi dire de leur ciel dans les hauteurs
duquel elles s’étaient établies, en s’élevant contre la science de Dieu. A
l’appui de cette interprétation, nous pouvons citer ces paroles du livre des
Proverbes : « La lumière des justes
demeure toujours brillante, mais la lumière des impies s’éteindra bientôt »
(Pr 4, 18). Mais on verra briller la gloire de Dieu dans tout homme qui a
porté l’image de l’homme céleste, et tous ceux qui faisaient ici-bas partie
du Ciel, seront dans la joie, tandis que tous ceux qui appartiennent à la
terre s’abandonneront aux pleurs. Ou bien encore, l’Église est tout à la fois
le soleil, la lune et les étoiles, elle à qui s’adressent ces paroles : « Vous êtes belle comme la lune, éclatante
comme le soleil » (Cant. 4). — Saint Augustin : (Lettre à Hésych.) Or, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa lumière, parce que l’Église, anéantie pour ainsi dire sous les efforts redoublés des persécuteurs impies, ne paraîtra plus. Les étoiles tomberont du ciel et les puissances des cieux seront ébranlées, parce qu’un grand nombre de ceux en qui la grâce de Dieu semblait jeter un vif éclat, fléchiront sous le poids de la persécution et tomberont ; quelques-uns même des fidèles les plus affermis seront ébranlés. Notre-Seigneur annonce que ces événements auront lieu après ces jours d’affliction, non pas qu’il veuille dire que les persécutions auront entièrement cessé, mais parce que la tribulation aura précédé et sera suivie de la défection d’un grand nombre ; et comme cette défection se continuera pendant toute la durée de ces jours, il dit qu’elle aura lieu après, mais aussi pendant ces jours d’affliction. |
Lectio 8 [85576] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 8 Chrysostomus in Matth. Quia
crucem audiverant, ne rursus existimarent aliquid turpe esse futurum,
subiungit et videbunt filium hominis venientem in nubibus caeli cum virtute
multa et maiestate. Augustinus ad Hesychium. Cuius quidem proprior
sensus est, ut cum hoc quisque audierit vel legerit, ipsum esse adventum
accipiat, quando venturus est ad vivos et mortuos iudicandos in corpore suo;
in quo sedet ad dexteram patris, in quo etiam mortuus est et resurrexit, et
ascendit in caelum: et, sicut in actibus apostolorum legitur: nubes suscepit
eum ab oculis eorum; et quia illic dictum est ab Angelis: sic veniet, quomodo
vidistis eum euntem in caelum, merito credendus est non solum in eodem
corpore, verum etiam in nube venturus. Origenes in Matth. Videbunt ergo oculis
corporalibus filium hominis in specie humana venientem in nubibus caeli,
idest supernis. Sicut enim quando transformatus est, vox venit de nube; sic
cum veniet iterum in speciem transformatus gloriosam, et non super unam
nubem, sed super multas, quae erunt vehiculum eius. Et
siquidem ut ne terram calcaret filius Dei Hierosolymam ascendens, diligentes
eum, straverunt vestimenta sua in via, neque asellum qui portabat eum
volentes terram calcare; quid mirum, si pater et Deus omnium nubes sternat
caelestes sub corpore filii descendentis ad opus consummationis? Dicet autem
aliquis, quoniam sicut in factione hominis accepit Deus limum de terra, et
finxit hominem, sic ut appareat gloria Christi, accipiens dominus de caelo et
de caelesti corpore, corporavit primum quidem in transfiguratione in nubem
lucidam; in consummatione autem in nubes lucidas: propter quod nubes caeli
dicuntur, secundum quod et limus terrae est dictus: et decet patrem talia
miranda dare filio suo, qui se humiliavit; et propterea exaltavit illum non
solum secundum spiritum, sed etiam secundum corpus, ut super talibus nubibus
veniret; et forsitan super nubibus rationabilibus, ne irrationabile esset
vehiculum filii hominis glorificati. Et primum quidem venit Iesus cum
virtute, ex qua faciebat signa et prodigia in populo; omnis autem illa virtus
comparatione illius virtutis multae cum qua in fine venturus est, modica
erat: virtus enim erat exinanientis seipsum. Consequens est etiam ut ad
maiorem gloriam reformetur quam fuit transformatus in monte: tunc enim
propter tres tantummodo transformatus est: in consummatione autem mundi
totius apparebit in gloria multa, ut videant eum omnes in gloria. Augustinus. Sed quoniam Scripturae scrutandae
sunt, nec earum superficie debemus esse contenti, diligenter sunt inspicienda
sequentia: post pauca enim sequitur cum videritis haec omnia fieri, scitote
quia prope est iam in ianuis: tunc enim scimus prope esse, cum non aliqua
videmus esse praemissorum, sed haec omnia, in quibus et hoc est quod
videbitur filius hominis veniens. Et mittet Angelos suos de quatuor partibus
mundi; idest, de toto orbe terrarum congregabit electos suos: quae tota hora
novissima facit veniens in suis membris tamquam in nubibus, vel in tota ipsa
Ecclesia tamquam in nube magna, sicut nunc venire non cessat; sed ideo cum
potestate magna et maiestate, quia maior potestas et maiestas illius
apparebit sanctis, quibus magnam virtutem dabit, ne tanta persecutione
vincantur. Origenes in Matth. Vel cum magna virtute venit
quotidie ad animam hominis credentis in nubibus propheticis; idest in
Scripturis prophetarum et apostolorum, qui verbum Dei super humanam naturam
in intellectibus suis declarant; sic etiam eis qui intelligunt dicimus
apparere gloriam multam; quae quidem videtur in secundo verbi adventu, quod
est perfectorum: et sic fortasse omnia quae a tribus Evangelistis dicta sunt
de Christi adventu, diligentius inter se collata et bene discussa,
invenientur ad hoc pertinere quod quotidie venit in corpore suo, quod est
Ecclesia; de quo adventu suo alibi dixit: amodo videbitis filium hominis
sedentem a dextris virtutis Dei, et venientem in nubibus caeli; exceptis his
locis ubi ab eo ille adventus ultimus in seipso promittitur. |
Verset 31.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
En entendant parler de la croix, les disciples auraient pu croire qu’il
s’agissait encore d’un supplice ignominieux, il se hâte donc d’ajouter : «
Et ils verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec grande
puissance et majesté. » — Saint Augustin : (Lettre à Hésych.)
Le sens le plus naturel qui s’offre à l’esprit de celui qui entend ou lit ces
paroles est que cet avènement sera celui où Jésus-Christ viendra juger les
vivants et les morts, revêtu du même corps qu’il a fait asseoir dans le ciel,
à la droite du Père, et dans lequel il a voulu mourir, ressusciter et monter
aux cieux, alois qu’une nuée le déroba aux yeux de ses disciples, comme nous
le lisons dans les Actes des Apôtres (chap. 1). Les Anges dirent alors : «
Il viendra de la même manière que vous l'avez vu monter au ciel. » Il
faut donc croire qu'il viendra, non seulement revêtu du même corps, mais
porté sur les nuées du ciel. — Origène : (traité
sur S. Matth.) Ils verront donc, des yeux du corps, le Fils de l'homme,
revêtu de la nature humaine, et venant sur les nuées du ciel, c'est-à-dire
sur les nuées les plus élevées. Lorsqu'il fut transfiguré sur la montagne,
une voix sortit de la nuée; ainsi, lors de son second avènement, il sera
transfiguré et paraîtra sous une forme glorieuse, et il sera porté, non pas
sur une seule nuée, mais sur plusieurs nuées, comme sur un char. Voyez, en
effet, lorsque le Fils de Dieu se rendait à Jérusalem, ceux qui l'aimaient
étendirent leurs vêtements sur le chemin, pour qu'il ne fut point obligé de
fouler la terre aux pieds (Mt 21), et ne voulurent même pas que l'âne qui le
portait touchât la terre ; qu'y a-t-il donc d'étonnant que le Père et le Dieu
de tout ce qui existe étende les nuées du ciel sous le corps de son Fils qui
descend pour la consommation de toutes choses ? On peut dire encore que,
lorsque Dieu créa l'homme, il prit du limon de la terre pour en former son
corps ; ainsi, pour faire éclater la gloire de son Fils, il emprunta au ciel
et à une matière céleste, pour lui donner, dans sa transfiguration, comme un
second corps, qui avait l'apparence d'une nuée brillante, et qui apparaîtra à
la fin du monde sous la forme de nuées éclatantes. C'est pour cela que ces
nuées sont appelées les nuées du ciel, de même que le limon a été désigné par
ces mots : le limon de la terre. Il était de toute justice, en effet, que le
Père relevât par de tels prodiges les humiliations de son Fils. Il l'a donc
exalté (Ph 2, 9), non seulement dans son esprit, mais dans son corps, en le
faisant descendre sur ces nuées glorieuses; peut-être même ces nuées
sont-elles des nuées intelligentes, afin que le char du Fils de l'homme
glorifié ne soit point privé de raison. Jésus est venu en premier lieu avec
cette puissance qui se traduisait par les prodiges et les miracles qu'il
opérait au milieu du peuple (Ac 6) ; mais toute cette puissance était peu de
chose auprès de cette puissance extraordinaire qu'il déploiera à la fin du
monde. En effet, [lors de son premier avènement], c'était la puissance de
celui qui s'anéantissait lui-même, il faut donc qu'il paraisse entouré d’une
gloire plus éclatante que celle qui l'environna dans sa transfiguration sur
la montagne, car, alors, il n'eut que trois témoins de sa transfiguration,
tandis qu'à la fin du monde, il paraîtra entouré d'une gloire éclatante, afin
que tous les hommes en soient témoins. — Saint Augustin : (Lettre à Hesych.)
Or, comme nous devons approfondir les Écritures, et ne pas nous contenter
d'en avoir une connaissance superficielle, il nous faut examiner avec soin
les paroles qui suivent presque immédiatement : « Lorsque vous verrez
arriver toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, et qu'il
est à la porte. » Nous saurons donc qu'il est proche, non pas lorsque
nous verrons seulement quelques-uns des signes qui précèdent, mais lorsque
nous verrons réunis tous ces signes parmi lesquels se trouve aussi
l'avènement du Fils de l'homme. Et il enverra ses anges qui rassembleront ses
élus des quatre coins du monde. C'est ce qu'il fait pendant toute la durée de
la dernière heure, lors qu'il vient dans ses membres comme sur les nuées (cf.
Jn 2, 10). Ou bien, il veut parler de cet avènement continuel qu'il ne cesse
de renouveler dans toute son Église, comme sur une immense nuée, et il vient
avec une grande puissance et une grande majesté, parce que cette puissance et
cette majesté se manifesteront avec plus d’éclat aux yeux des saints, qui eu
recevront une force toute divine, pour ne pas être vaincus par une si grande
persécution. — Origène : (traité sur S. Matth.) Ou bien encore, Jésus vient tous les jours avec une grande puissance dans l’âme du fidèle, porté sur les nuées prophétiques, c’est-à-dire sur les écrits des prophètes et des Apôtres, qui comprennent et déclarent que le Verbe de Dieu est au-dessus de la nature humaine. C’est ainsi que nous disons nous-mêmes qu’une grande gloire se révèle à ceux qui ont cette intelligence, et cette gloire se manifeste dans le second avènement du Verbe, qui est l’avènement des hommes parfaits. Et c’est ainsi que, si l’on comparait et si l’on discutait avec soin tout ce que les trois Évangélistes ont dit de l’avènement du Christ, on trouverait que tout se rapporte à l’avènement que Jésus-Christ renouvelle tous les jours dans son corps, c’est-à-dire dans son Église, avènement dont il a parlé lui-même ailleurs en ces termes : « Vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. » Il faut excepter toutefois les passages où il annonce lui-même le dernier avènement qu’il doit faire en personne. |
Lectio 9 [85577] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 9 Origenes in Matth. Quia
de planctu mentionem fecerat, qui ad hoc erit ut sponte contra se sententiam
proferant, et seipsos condemnent; ne putetur quod in isto planctu mala eorum
terminentur, subdit et mittet Angelos suos cum tuba et voce magna. Remigius. Haec autem tuba non revera corporea
est intelligenda, sed archangelica vox, quae adeo magna erit ut ad clamorem
illius omnes mortui de terrae pulvere resurgant. Chrysostomus in Matth. Sonus autem tubae
pertinet ad resurrectionem, ad gaudium, ad repraesentandum stuporem qui tunc
erit, ad dolorem illorum qui relinquentur et in nubibus non rapientur. Origenes. Scriptum est autem in numeris quod
ex quatuor ventis congregabunt sacerdotes tibicinantes eos qui sunt ex castris
Israel; secundum quorum comparationem de Angelis Christi consequenter dicitur
et congregabunt electos eius a quatuor ventis. Remigius. Idest, a quatuor climatibus mundi,
idest oriente, occidente, Aquilone et Austro. Origenes. Et simpliciores quidem opinantur eos
tantum qui tunc inventi fuerint in corpore, aggregandos; sed melius est
dicere congregandos ab Angelis Christi esse omnes, non solum ab adventu
Christi et usque ad consummationem vocatos atque electos, sed omnes qui a
constitutione fuerint mundi, qui viderunt, sicut Abraham, Christi diem, et
exultaverunt in illa. Quoniam autem non tantum illos qui in corpore fuerint
comprehensi, dicit congregandos Christi electos, sed etiam illos qui de
corporibus sunt egressi, manifestat sermo dicens, congregatos electos non
solum a quatuor ventis, sed etiam subdens a summis caelorum usque ad terminos
eorum: quod nemini super terram existenti arbitror convenire. Vel caeli sunt
Scripturae divinae, aut auctores earum, in quibus habitat Deus. Summa autem Scripturarum sunt initia illarum, termini autem
consummationes earum. Congregantur ergo sancti a summis caelorum, idest ab
eis qui vivunt in initiis Scripturarum usque ad eos qui vivunt in
consummationibus earum. Congregabuntur enim tuba, et voce magna, ut qui
audierint et adverterint parent se ad viam perfectionis quae ducit ad filium
Dei. Remigius. Vel aliter. Ne forte aliquis
putaret quod solummodo a quatuor partibus mundi, et non a Mediterraneis
regionibus et locis; ideo addit a summis caelorum usque ad terminos eorum.
Per summum enim caeli medium orbis intelligitur, quia medio orbis summum
caeli praesidet. Per terminos autem caelorum, fines terrae significat, ubi
longe distantibus circulis caeli terrae insidere videntur. Chrysostomus in Matth. Quod autem per
Angelos dominus electos vocat, ad electorum honorem pertinet: nam et Paulus
dicit quod rapientur in nubibus: quia eos quidem qui resurrexerunt
congregabunt Angeli; congregatos autem recipient nubes. |
Verset 31.
— Origène : (traité
sur S. Matth.) Le Seigneur venait de parler de ces pleurs qui seront comme
une sentence et comme une condamnation que les méchants prononceront contre
eux-mêmes ; mais de peur qu’on ne crut que là devaient se terminer leurs
maux, il ajoute : « Et il enverra ses anges, qui feront entendre la voix
éclatante de leurs trompettes. » — Saint Rémi : Il ne faut pas prendre cette trompette dans un sens matériel, mais pour la voix des archanges, qui retentira si fort qu’elle fera lever tous les morts du sein de la terre. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.)
Le son de la trompette est destiné à donner le signal de la résurrection et à
caractériser la joie des uns, l’étonnement et la douleur des autres, qui
seront laissés et ne seront pas enlevés dans les cieux sur les nuées. — Origène : Nous
lisons dans le livre des Nombres (chap. 10), que les prêtres rassemblaient au
son de la trompette, des quatre points cardinaux, tous ceux qui composaient
le camp d’Israël, et c’est par allusion à cet usage qu’il est dit ici des
anges : « et ils rassembleront ses élus des quatre coins du monde. » — Saint Rémi : C’est-à-dire des
quatre parties du monde : de l’orient, de l’occident, du nord et du midi. — Origène : Certains
esprits, par trop simples, s’imaginent que les anges ne rassembleront que
ceux qu’ils trouveront revêtus de leur corps ; mais il vaut mieux dire qu’ils
rassembleront, non seulement tous ceux qui ont été appelés et élus depuis
l’avènement de Jésus-Christ jusqu’à la fin du monde, mais tous ceux qui l’ont
été depuis la création du monde, et qui ont vu le jour du Christ, comme
Abraham (Jn 8), et en ont tressailli de joie. La preuve que les élus du
Christ, rassemblés par les anges, ne seront pas seulement ceux dont la
résurrection trouvera l’âme unie à leurs corps, mais ceux qui en seront
séparés depuis longtemps, c’est ce que Notre-Seigneur ajoute : «ils
rassembleront ses élus non seulement des quatre vents, mais depuis une
extrémité du ciel jusqu’à l’autre », paroles qui ne peuvent s’appliquer,
à ce que je sache, à aucune personne vivant sur la terre. On peut dire aussi
que les cieux désignent ici les saintes Écritures et leurs auteurs, en lesquels Dieu a comme fixé son habitation.
Le sommet des Ecritures, c’est le commencement de l’Écriture ; ses extrémités
en sont la consommation. Les anges rassembleront donc les saints, depuis le
sommet des cieux, c’est-à-dire depuis ceux qui se nourrissent des premiers
éléments de l’Écriture jusqu’à leurs extrémités, c’est-à-dire jusqu’à ceux
qui vivent dans les profondeurs des saintes Lettres. Ils seront rassemblés au
son de la trompette, et d’une voix éclatante, afin que ceux qui l’entendront
et y soient attentifs, se préparent à prendre la voix de la perfection qui
conduit jusqu’au Fils de Dieu. — Saint Rémi : Ou bien dans un autre
sens, afin que personne ne fut tenté de croire que les élus ne seraient
rassemblés que des quatre extrémités du monde, et non pas des contrées qui en
occupent le centre, il ajoute : « et depuis une extrémité des cieux jusqu’à
l’autre. » Le sommet des cieux désigne ici le centre du globe, parce que
le sommet du ciel correspond au milieu de la terre ; les extrémités du ciel
désignent les parties extrêmes de la terre, car les dernières extrémités de
la voûte des cieux paraissent reposer sur la terre. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 76.) C’est par honneur pour les élus que Dieu les appelle par le ministère de ses anges. Saint Paul ajoute qu’ils seront enlevés sur les nuées, parce qu’en effet, les anges rassembleront d’abord ceux qui ressusciteront, et les nuées enlèveront ensuite ceux que les anges auront réunis. |
Lectio 10 [85578] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 10 Chrysostomus in Matth. Quia
dixerat quod statim post tribulationem dierum illorum, quae praedicta sunt
contingerent, ipsi autem quaerere poterant, post quantum tempus, ideo exponit
exemplum ponens de ficu, dicens ab arbore fici discite parabolam: cum iam
ramus eius tener fuerit, et folia nata, scitis quia prope est aestas. Hieronymus. Quasi dicat: sicut quando teneri
fuerint in arbore ficus cauliculi, et gemma erumpit in florem, cortexque
folia parturit, intelligitis aestatis adventum, et Favonii ac veris
introitum, ita cum omnia quae scripta sunt videritis, nolite putare iam
adesse consummationem mundi; sed quasi praevia et praecursores quosdam
venire, ut ostendat quod prope sit, et in ianuis; unde sequitur ita et vos
cum videritis haec omnia, scitote quia prope est in ianuis. Chrysostomus in Matth. Per quod ostendit
quod non multum erit temporis medium; sed statim adventus Christi occurret.
Per ramum autem et aliud quiddam praenuntiat, scilicet aestatem spiritualem,
et tranquillitatem iustis post hiemem esse futuram; peccatoribus autem e
contrario hiemem post aestatem. Origenes in Matth. Sicut enim ficus in tempore
quidem hiemis, vitalem virtutem habet in se absconditam, postmodum autem cum
virtus ipsa vitalis prodire coeperit ad manifestationem praetereunte hieme,
et ipsa valetudine, eius ramus efficitur tener, et folia producit: sic et
mundus, et unusquisque eorum qui salvantur ante Christi adventum, quasi in
hieme in se absconsam habent vitalem virtutem; Christo autem inspirante fiunt
teneri et non duri cordis rami; et quae abscondita erant in eis,
progrediuntur in folia, et manifestos fructus ostendunt: talibus autem prope
est aestas, et adventus gloriae verbi Dei. Chrysostomus in Matth. Propter hoc etiam istud
posuit, ut credere faciat hunc sermonem omnino ita esse venturum: ubicumque
enim quod omnino eventurum est dicit, naturales necessitates in exemplum
inducit. Augustinus ad Hesychium. Quod autem de signis
evangelicis et propheticis, quae fieri cernimus, propinquum domini adventum
sperare debeamus, quis negat? Quotidie quippe magis magisque fit proximus;
sed quanto intervallo propinquat, de hoc dictum est: non est vestrum scire
tempora vel momenta. Vide quando dixit apostolus: nunc propior est nostra
salus quam cum credidimus; et ecce tot anni transierunt, nec tamen quod dixit
falsum est; quanto magis nunc dicendum est propinquare domini adventum quando
tantus factus est ad finem accessus? Hilarius in Matth. Mystice autem synagoga
ficus arbori comparatur: ramus igitur ficus Antichristus esse intelligitur,
Diaboli filius, peccati portio, legis assertor; qui cum virescere coeperit et
frondescere quadam peccatorum exultantium viriditate, tunc proxima est
aestas, idest, dies iudicii sentietur. Remigius. Vel cum haec ficus rursum
germinabit, idest cum synagoga verbum sanctae praedicationis accipiet,
praedicantibus Enoch et Elia, intelligere debemus quia prope est dies
consummationis. Augustinus de quaest. Evang. Vel per arborem
fici intellige genus humanum propter pruritum carnis. Cum iam ramus eius tener fuerit, idest, cum filii hominum per fidem
Christi, ad spirituales fructus profecerint, et in eis honor adoptionis
filiorum Dei emicuerit. Hilarius in Matth. Ut autem fides certa
esset futurorum, subiungitur amen dico vobis, quia non praeteribit generatio
haec donec omnia fiant. Amen autem dicendo, professionem veritatis
adiunxit. Remigius. Et simplices quidem ad destructionem
Ierusalem referunt verba, et de illa generatione aestimant dicta quae
passionem Christi aspexit, quod non esset transitura priusquam fieret
destructio civitatis illius. Nescio autem si verbum a verbo exponere possint,
ab eo quod ait: non relinquetur hic lapis super lapidem, usque ad illud quod
ait: prope est in ianuis: forsitan enim in quibusdam poterunt, in aliis autem
non poterunt omnino. Chrysostomus in Matth. Haec ergo omnia de fine
Hierosolymorum dicta sunt, et quae de pseudoprophetis et pseudochristis et
alia omnia quae diximus usque ad Christi adventum futura. Quod autem dixit
generatio haec, non de ea quae tunc erat dixit, sed de ea quae est fidelium:
consuevit enim Scriptura generationem non solum a tempore designare, sed a
loco, cultu et conversatione; sicut cum dicitur: haec est generatio
quaerentium dominum. Ex hoc autem ostendit quod Ierusalem peribit, et amplior
pars Iudaeorum destruetur; generationem autem fidelium nulla separabit
tentatio. Origenes in Matth. Generatio tamen Ecclesiae transibit
aliquando totum hoc saeculum, ut haereditet futurum; tamen donec haec omnia
fiant, non transibit. Cum autem omnia haec facta fuerint, transibit non solum
terra, sed etiam caelum; unde sequitur caelum et terra: idest non solum
homines quorum vita terrena est, et propterea terra dicuntur; sed etiam illi
quorum conversatio est in caelis, et ideo caelum vocantur: transibunt autem
ad futura, ut veniant ad meliora. Verba autem quae a salvatore sunt dicta,
non transibunt: quoniam quae sua propria sunt, operantur et semper
operabuntur; perfecti autem, et qui non recipiunt ut iam meliores
efficiantur, transeuntes quod sunt perveniunt ad illud quod non sunt; et hoc
est quod subditur verba autem mea non praeteribunt. Et forte quidem verba
Moysi et prophetarum transiverunt, quoniam quae prophetizabantur ab illis,
impleta sunt: verba autem Christi semper sunt plena, et quotidie implentur,
et adhuc sunt impleta in sanctis. Aut forte neque Moysi verba aut prophetarum
dicere debemus impleta omnino: proprie enim et illa verba filii Dei sunt, et
semper implentur. Hieronymus. Vel hic per generationem
omne hominum significat genus, aut specialiter Iudaeorum. Deinde
ut magis eos ad fidem praemissorum inducat, subdit caelum et terra
transibunt; verba autem mea non praeteribunt, ac si dicat: facilius est fixa
et immobilia destrui, quam sermonum meorum aliquid decidere. Hilarius in Matth. Caelum enim et terra ex
conditione suae creationis nihil habent in se necessitatis ut non sint: verba
autem Christi ex aeternitate deducta, id in se continent virtutis ut maneant.
Hieronymus. Caelum autem et terra transibunt
in mutatione, non abolitione sui: alioquin quomodo sol obscurabitur, et luna
non dabit lumen suum, si caelum, in quo ista sunt, terraque non fuerint? Rabanus. Caelum tamen quod transibit,
non sidereum, sed aereum intelligere debemus, quod prius diluvio periit. Chrysostomus in Matth. Elementa autem
mundi in medium adducit, ostendens quoniam pretiosior caelo et terra est
Ecclesia: simul etiam et hinc conditorem se omnium ostendit. |
Versets
32-35.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Comme le Seigneur avait fixé l’accomplissement des événements qu’il avait
prédits au temps qui suivrait immédiatement ces jours d’affliction, les
disciples pouvaient lui demander de préciser ce temps, il prévient donc cette
question en leur disant : « Comprenez ceci par une comparaison prise du
figuier : Dès que sa ramure devient tendre et que ses feuilles poussent,
vous savez que l’été est proche. » — Saint Jérôme : C’est-à-dire :
Lorsque le figuier pousse de nouvelles branches, que les bourgeons s’ouvrent
pour laisser passage à sa fleur, et que l’arbre se couvre de feuilles, vous
comprenez que l’été est proche et que c’est l’époque du printemps et du
zéphyr ; ainsi, lorsque vous verrez tous ces événements s’accomplir, ne
pensez pas que ce soit absolument la fin du monde, mais considérez-les comme
les annonces et les précurseurs de ce grand jour qui approche, et qui est
comme à la porte. « Ainsi, lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez
que l’événement est proche, aux portes. »
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Le Seigneur nous apprend par là qu’il y aura peu d’intervalle, et que
l’avènement de Jésus-Christ aura lieu presque aussitôt. Il nous apprend
encore, par la ramure et d’autres allusions, qu’après les rigueurs de
l’hiver, les justes jouiront des douceurs d’un été spirituel et d’une grande
tranquillité, tandis que les pécheurs auront à supporter les rigueurs de
l’hiver après les douceurs de l’été. — Origène : Pendant
l’hiver, le figuier renferme en lui-même la force de vie qu’il contient ;
mais, lorsque l’hiver est passé, il manifeste alors cette puissance de vie
qu’il tenait caché, en produisant de tendres branches et des feuilles
nouvelles. C’est ainsi que le monde et chacun des élus qu’il contient, avant
l’avènement de Jésus-Christ, renfermaient en eux-mêmes la vie qui les
animait, comme soumis à l’influence de l’hiver ; mais le souffle vivifiant du
Christ attendrira les rameaux de leur cœur qui deviendront moins durs, et la
vertu qu’ils tenaient cachée en eux produira des feuilles et des fruits. Pour
ces élus, l’été et l’avènement glorieux du Verbe de Dieu sont proches. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Il se sert encore de cette comparaison pour bien établir la certitude des
prédictions qu’il a faites, car toutes les fois qu’il annonce un événement
dont l’accomplissement est certain, il apporte pour exemple ce qui arrive
nécessairement dans la nature. — Saint Augustin : (Lettre à Hesych.)
Qui pourrait nier, alors que nous sommes témoins des signes prédits dans
l’Évangile et dans les prophètes, que nous avons droit d’espérer que
l’avènement du Seigneur est proche ? Il approche en effet de jour en jour,
mais quel intervalle nous en sépare encore ? Il a répondu lui-même à cette
question : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps ou les
moments. » Considérez à quelle époque l’Apôtre disait : « Notre salut
est plus près que lorsque nous avons cru », que d’années se sont écoulées
depuis ! et cependant on ne peut l’accuser de fausseté ; mais combien plus
sommes-nous fondés à dire maintenant que l’avènement du Seigneur est proche,
alors que tant de siècles écoulés nous approchent de la fin de toutes choses.
— Saint Hilaire : (can. 26.) Dans le
sens mystique, le figuier est la figure de la synagogue. Les rameaux du
figuier sont l’antéchrist, le fils du démon, le partage du péché, le prétendu
vengeur de la loi. Or, lorsqu’il commencera à verdir et à se couvrir avec
orgueil de ses péchés, comme de feuilles verdoyantes, alors l’été est proche,
c’est-à-dire le jour du jugement fera sentir ses premières atteintes. — Saint Rémi : Ou bien ce sera
lorsque ce figuier se couvrira de nouveau de verdure, c’est-à-dire lorsque la
synagogue recevra l’Évangile par la prédication d’Hénoch et d’Elie, que nous
devrons comprendre que la fin est proche. — Saint Augustin : (Quest. Evang., 1,
39.) Ou bien encore, par ce figuier, on peut entendre le genre humain, à
cause des vifs désirs qu’excitent les passions de la chair. Lorsque ses branches
sont tendres, c’est-à-dire lorsque les enfants des hommes commenceront à
produire les fruits de l’esprit par la foi en Jésus-Christ, et qu’on verra
briller en eux l’honneur de l’adoption des enfants de Dieu. — Saint Hilaire : (can. 36). Pour
rendre plus certaine la foi aux événements futurs qu’il vient de prédire, il
ajoute : « Je vous le dis en vérité :cette génération ne passera pas
que toutes choses ne soient arrivées », car cette expression « en vérité
» est un témoignage infaillible des choses qu’il affirme. — Saint Rémi : Il en est qui, sans
trop de réflexion, appliquent ces paroles à la destruction de Jérusalem, et
qui pensent que le Seigneur a voulu parler de cette génération qui a été
témoin de sa passion, et dont il affirme qu’elle ne passera pas avant que la
destruction de cette cité ne s’accomplisse. Mais je doute qu’ils puissent
expliquer littéralement ce passage tout entier dans ce sens, depuis ces
paroles : « Il ne restera pas pierre sur pierre », jusqu’à ces autres
: « Il est déjà à la porte. » Ils le pourront pour certains endroits ;
mais, pour d’autres, cette explication est tout à fait impossible. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Toutes ces prédictions ont donc pour objet la ruine de Jérusalem, ainsi que
ce qu’il a dit des faux prophètes, des faux christs et de tous les événements
qui doivent précéder l’avènement de Jésus-Christ. Or en ajoutant : « Cette
génération », il ne veut point parler de la génération contemporaine,
mais de la génération composée des fidèles ; car c’est la coutume des
Écritures de prendre le mot génération comme une expression qui détermine,
non seulement le temps, mais encore le lieu, la religion et la manière de
vivre. C’est ainsi que le prophète dit : « Telle est la génération de ceux
qui craignent Dieu. » (Ps 23). Or, dans ce passage, Notre-Seigneur nous
apprend que Jérusalem périra, et que la plus grande partie du peuple sera
détruite avec elle ; mais qu’aucune épreuve ne pourra triompher de la
génération des fidèles. — Origène : Cependant
la génération de l’Eglise traversera tout ce siècle, pour arriver à
l’héritage du siècle futur ; mais elle ne passera pas avant que toutes ces
choses aient été accomplies. Toutefois, après leur accomplissement, non seulement
la terre mais le ciel lui-même passera. « Le ciel et la terre passeront »,
c’est-à-dire, non seulement les hommes dont la vie est toute terrestre, et
qui, pour cela, sont appelés terre, mais encore ceux dont la vie est dans le
ciel, et qui portent le nom de ciel. Or, ils passeront aux choses qui doivent
arriver, pour parvenir à un sort meilleur ; mais les paroles du Sauveur ne
passeront pas, parce qu’elles opèrent et ne cesseront d’opérer selon
l’efficacité qui leur est propre. Mais pour les parfaits, qui ne trouvent
plus sur la terre de nouveaux moyens de perfection, ils passeront de l’état
où ils sont, à un nouvel état qu’ils ne connaissaient pas, et c’est là le
sens que le Seigneur ajoute : « Mais mes paroles ne passeront pas. »
Peut-être aussi peut-on dire que les paroles de Moïse et celles des prophètes
passent, car ce qu’ils ont prophétisé est accompli, tandis que les paroles du
Christ conservent toute leur plénitude, et ne cessent de s’accomplir tous les
jours et s’accompliront encore dans les saints. Cependant, nous ne pouvons peut-être
pas affirmer que les paroles de Moïse et des prophètes ont eu leur entier
accomplissement, car ce sont véritablement les paroles du Fils de Dieu, et
elles s’accomplissent tous les jours. — Saint Jérôme : Ou bien encore, par
cette génération, il faut entendre tout le genre humain, ou la nation juive
en particulier. Or, le Seigneur fortifie la foi de ses disciples aux choses
qu’il vient de leur dire, en ajoutant : « Le ciel et la terre passeront,
mais mes paroles ne passeront pas »,
c’est-à-dire, il est plus facile de détruire les choses les plus fermes et
les plus inébranlables que d’ôter son efficacité à une seule de mes paroles. — Saint Hilaire : Le ciel et la
terre, par la nature de leur création, n’ont aucune nécessité d’exister ou
non, tandis que les paroles de Jésus-Christ, sorties de l’éternité,
contiennent en elles-mêmes la puissance qui leur assure une éternelle durée. — Saint Jérôme : Le ciel et la terre
passeront, c’est-à-dire qu’ils seront transformés, mais non pas détruits ;
car comment le soleil pourrait-il s’obscurcir et la lune refuser sa lumière,
si le ciel qui les contient et la terre n’existaient plus ? — Raban : Nous devons
comprendre que le ciel qui passera n’est pas le ciel où brillent les
astres, mais le ciel atmosphérique qui périt une première fois par le déluge
(cf. 2 P 3, 5-7.10.11.15). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.) Le Seigneur prend pour exemples les éléments de ce monde visible, pour montrer que l’Église lui est plus précieuse que le ciel et la terre, et aussi pour établir qu’il est le Créateur des hommes. |
Lectio 11 [85579] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. In quibusdam autem Latinis
codicibus additum est neque filius, cum in Graecis, et maxime Adamantii et
Pierei exemplaribus hoc non habeatur adscriptum. Sed quia in nonnullis
legitur, disserendum videtur. Remigius. Marcus etiam Evangelista non solum
dicit Angelos nescire, sed etiam filium. Hieronymus. In quo gaudent Arius et Eunomius;
dicunt enim: non potest aequalis esse qui novit et qui ignorat. Contra quos
breviter ista dicenda sunt. Cum omnia tempora fecerit Iesus, hoc est verbum
Dei (omnia enim per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil); in
omnibus autem temporibus cum dies iudicii sit, qua consequentia potest eius
ignorare partem cuius totum noverit? Hoc quoque dicendum est. Quid est maius:
notitia patris, an notitia iudicii? Si maius novit, quomodo ignorat quod
minus est? Hilarius in Matth. Numquid etiam Deus pater
cognitionem illius diei filio denegavit, cum dictum ab eo sit: omnia mihi
tradita sunt a patre meo? Ergo non omnia sunt tradita, si est aliquid quod
negatur. Hieronymus. Igitur, quia probavimus non
ignorare filium Dei consummationis diem, causa reddenda est cur ignorare
dicatur. Post resurrectionem quidem interrogatus ab apostolis de hac die,
manifestius respondit: non est vestrum scire tempora et momenta, quae pater
posuit in sua potestate. In quo ostendit quod ipse sciat, sed non expedit
nosse apostolis, ut semper incerti de adventu iudicis, sic quotidie vivant,
quasi die illa iudicandi sint. Augustinus de Trin. Quod ergo dicit: nescit,
intelligendum est nescientes facit; idest, quod non ita sciebat ut tunc
discipulis indicaret: sicut dictum est ad Abraham: nunc cognovi quoniam times
Deum: idest, nunc feci ut cognosceres: quia et ipse sibi in illa tentatione
innotuit. Augustinus de Verb. Dom. Quod autem dixit
patrem scire, ideo dixit, quia in patre et filius scit. Quid enim est in die
quod non in verbo factum sit, per quod factus est dies? Augustinus in libro 83 quaest. Bene autem
accipitur quod dictum est, solum patrem scire, secundum praedictum modum
sciendi, quia facit filium scire; filius autem nescire dicitur, quia non
facit homines scire. Origenes in Matth. Vel aliter. Donec Ecclesia,
quae est corpus Christi, nescit diem illum et horam, tamdiu nec ipse filius
dicitur diem illum et horam scire. Dicitur autem scire secundum propriam
significationem, sicut est in consuetudine Scripturarum. Apostolus enim
salvatorem dicit nescientem peccatum, quia non peccavit. Praeparat autem
filius scientiam diei illius et horam coheredibus suae promissionis, ut omnes
simul sciant, idest re ipsa experiantur in illa hora et die quae praeparavit
Deus diligentibus se. Basilius. Legi quoque in cuiusdam libro,
filium hunc non unigenitum, sed adoptivum debere intelligi: non enim
unigenito filio Angelos praeposuisset; sic enim ait neque Angeli caelorum,
neque filius. Augustinus ad Hesychium. Sic ergo Evangelium
dicit de die illa et hora nemo scit; tu autem dicis: ego autem dico, neque
mensem, neque annum adventus ipsius sciri posse: ita enim hoc videtur sonare
tamquam non possit sciri quo anno venturus sit; sed possit sciri qua
hebdomada annorum, vel qua decade; tamquam dici possit atque definiri inter
illos septem annos, aut decem, aut centum vel quodlibet, seu maioris numeri
seu minoris. Si autem hoc te non comprehendisse praesumis, hoc sentis quod
ego. Chrysostomus in Matth. Ut autem addiscas quod
non ignorantiae suae est quod de die et hora iudicii tacet, aliud signum
inducit, cum subdit sicut autem fuit in diebus Noe, (...) ita fiet adventus
filii hominis. Hoc autem dixit ostendens quod repente venit, et inopinate, et
pluribus lascivientibus: hoc enim et Paulus dicit: cum dixerint: pax et
securitas, tunc repentinus eis superveniet interitus, unde et hic subditur
sicut enim erant in diebus illis ante diluvium, comedentes et bibentes. Rabanus. Non igitur hic iuxta Marcionis et
Manichaei errorem, coniugia vel alimenta damnantur, cum in his successionis,
in illis naturae sint posita subsidia; sed immoderatus licitorum usus
arguitur. Hieronymus. Quaeritur autem quomodo supra
scriptum est surget gens contra gentem, et regnum contra regnum et erunt
pestilentiae et fames et terraemotus; et nunc ea futura memorentur quae pacis
indicia sunt? Sed aestimandum quod post pugnas, et cetera quibus vastatur
genus humanum, brevis subsecutura pax sit, quae quieta omnia repromittat, ut
fides credentium comprobetur. Chrysostomus in Matth. Vel lascivia erit et
pax his qui insensibiliter dispositi sunt: propter hoc non dixit apostolus:
cum fuerit pax; sed: cum dixerint: pax et securitas, insensibilitatem eorum
ostendens, sicut illorum qui fuerunt in diebus Noe: quoniam mali
lasciviebant, non autem iusti; sed in tribulatione et tristitia
pertransibant. Hinc autem ostendit quoniam, cum Antichristus venerit,
indecentes voluptates assumentur apud eos qui iniqui erunt, et de propria
desperabunt salute: et ideo exemplum ponit huic rei conveniens. Cum enim arca
fabricaretur, praedicabat quidem in medio, futura praedicens mala: mali autem
non credentes, ac sic nullum fuisset futurum malum, lasciviebant: et quia
futura apud multos non creduntur, ex praeteritis credibilia facit quae
praedicit. Deinde aliud signum ponit per quod ostendit et quod inopinabiliter
dies ille veniet, et quod ipse diem illum non ignorat, dicens tunc duo erunt
in agro: unus assumetur, et alius relinquetur: ex quibus verbis ostenditur
quod assumentur, et relinquentur et servi et domini, et qui in otio, et qui
in labore. Hilarius in Matth. Vel duos in agro,
duos populos fidelium, et infidelium in saeculo, tamquam in vitae huius
opere, dies domini deprehendet; separabuntur tamen relicto alio, et alio
assumpto: in quo fidelium et infidelium discretio docetur: Dei enim ira
ingravescente, sancti in promptuario recondentur, perfidi vero ad caelestis
ignis materiam relinquentur. De molentibus etiam par ratio est; unde sequitur
duae erunt molentes in mola: una assumetur et alia relinquetur. Mola enim
opus legis est; sed quia pars Iudaeorum ut per apostolos credidit, ita per
Eliam est creditura, et iustificanda per fidem; ideo una per eamdem fidem
boni operis apprehendetur, alia vero infructuosa legis opere relinquetur,
molens incassum, et non factura caelestis cibi panem. Hieronymus. Vel duo in agro pariter invenientur eumdem habentes
laborem, et quasi parem sementem; sed fructus laboris non aeque recipientes.
In duobus etiam qui pariter molunt, vel synagogam intelligere debemus, et
Ecclesiam, quod simul molere videantur in lege, et de eisdem Scripturis
sanctis farinam terere praeceptorum Dei; vel ceteras haereses, quae aut de
utroque testamento, aut de altero videntur molere farinam doctrinarum suarum.
Sequitur duo in lecto: unus assumetur et alius
relinquetur. Hilarius in Matth. Duo autem in lecto,
sunt eamdem passionis dominicae requiem praedicantes; circa quam haereticorum
et Catholicorum eadem confessio est: sed quia unitatem divinitatis patris et
filii Catholicorum fides praedicabit, et haereticorum falsitas impugnabit;
fidem confessionis utriusque divini arbitrii iudicium comprobabit, unum
assumendo et alium relinquendo. Remigius. Vel his verbis tres ordines
Ecclesiae demonstrantur: per duos in agro ordo praedicatorum, quibus
commissus est ager Ecclesiae; per duos in mola ordo coniugatorum, qui dum per
diversas curas nunc ad haec, nunc ad illa flectuntur, quasi molas in circuitu
trahunt: per duos in lecto ordo continentium, quorum requies nomine lecti
designatur. In his autem ordinibus sunt boni et mali, iusti
et iniusti; et ideo ex eis quidam relinquentur, et quidam assumentur. Origenes in Matth. Vel aliter. Corpus quidem
quasi infirmum in lecto est carnalium passionum; anima autem molit in gravi
mola mundi; vel corporis sensus in agro mundi operantur. |
Versets
36-41.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Notre-Seigneur ayant fait connaître tous les signes précurseurs de son
avènement, et conduit pour ainsi dire son récit jusqu’aux portes, ne voulut
pas cependant révéler le jour où ces choses arriveraient : « Personne ne
sait ni ce jour, ni cette heure, ni les Anges du ciel, mais seulement le
Père. » — Saint Jérôme : Dans quelques
manuscrits latins on trouve cette addition : « ni le Fils » ;
mais elle n’existe ni dans les exemplaires grecs, ni dans ceux d’Adamantius et
de Pierius. Comme cependant elle se trouve dans quelques exemplaires, il nous
faut l’examiner et l’expliquer. — Saint Rémi : L’Evangéliste saint
Marc (13, 32) dit que non seulement les anges ne connaissent pas ce jour,
mais que le Fils de l’homme l’ignore. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Ces
paroles sont un triomphe pour Arius et pour Eunomius ; car, disent-ils :
Celui qui ignore, peut-il être l’égal de celui qui sait ? Nous leur
répondrons par ce peu de mots : Jésus, c’est-à-dire le Verbe de Dieu, a fait
tous les temps ; (car toutes choses ont été faites par lui, et rien n’a été
fait sans lui (Jn 1). Or, le jour du jugement est contenu dans l’étendue des
temps, comment donc le Fils de Dieu, qui connaît l’ensemble, peut-il en
ignorer une partie ? On peut encore leur dire : Qu’y a-t-il, de plus grand de
connaître le père ou de connaître le jour du jugement ? Or, si le Seigneur
connaît ce qu’il y a de plus grand, comment peut-il ignorer ce qu’il y a de
moindre ? — Saint Hilaire : Est-ce que Dieu le
Père a refusé la connaissance de ce jour à son Fils, puisque le Fils dit
expressément : « Toutes choses m’ont été données par mon Père » ;
car il ne lui a pas donné toutes choses, s’il lui en a refusé une seule. — Saint Jérôme : Nous avons donc
prouvé que le Fils de l’homme connaît le jour de la fin du monde, il nous
reste à expliquer pourquoi il déclare qu’il ne le sait pas. Lorsque après sa
résurrection, ses Apôtres lui demandent quand viendra ce jour, il leur répond
clairement (Ac 1) : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps et les
moments que le Père a disposés dans sa puissance », preuve évidente qu’il
connaît ce jour, mais qu’il n’est pas utile pour les Apôtres d’avoir cette
connaissance. Ainsi, toujours incertains quant à l’avènement du jour du
jugement, ils vivraient chaque jour comme si ce jour était arrivé. — Saint Augustin : (de la Trinité, 1,
12.) Cette expression : « il ne sait pas » signifie donc : il ne veut
pas faire savoir ; c'est-à-dire il savait mais pas de manière à le faire
savoir aux disciples ; c’est ainsi que l’ange dit à Abraham : « Je
sais maintenant que. tu crains le Seigneur (Gn 22), c’est-à-dire je te fais
savoir ; car cette épreuve lui fit connaître à lui-même ce qu’il était. — Saint Augustin : (serm. 21 sur les
par. du Seig.) Il dit que le Père connaît ce jour, c’est-à-dire en même temps
que le Fils le connaît dans le Père ; car que peut-il y avoir dans ce jour
qui n’ait été fait dans le Verbe par qui ce jour a été fait ? — Saint Augustin : (Livre des 83
Quest., quest. 60.) Le sens véritable de ces paroles : « Le Père seul connaît
ce jour, » est donc celui que nous avons indiqué, c’est-à-dire qu’il fait
connaître ce jour au Fils ; et s’il est dit du Fils qu’il ne sait pas, c’est
parce qu’il ne communique point cette connaissance aux hommes. — Origène : Ou
bien encore, tant que l’Église, qui est le corps de Jésus-Christ, ignore ce
jour et cette heure, il est dit du Fils qu’il les ignore lui-même. Le sens
propre du mot savoir est ici le sens que lui donnent ordinairement les
auteurs sacrés ; ainsi l’Apôtre dit que le Sauveur n’a point connu le péché,
pour dire qu’il n’a point péché. (2 Co 5) Or, le Fils de l’homme ménage la
connaissance de ce jour et de cette heure aux cohéritiers de ses promesses,
de manière qu’ils sachent tous, c’est-à-dire qu’ils apprennent par leur
propre expérience, en ce jour et à cette heure, ce que Dieu a réservé à ceux
qu’il aime. — Saint Basile : J’ai lu
dans un certain auteur que le Fils dont il est ici question n’est point le
Fils unique de Dieu, mais le Fils par adoption ; car le Seigneur n’aurait
point placé comme il le fait les anges avant le Fils unique : « ni les
anges des cieux, ni le Fils. » — Saint Augustin : (lettre à Hésych.)
L’Évangile déclare que personne ne connaît ni ce jour ni cette heure, et
vous, vous ajoutez : J’affirme qu’on ne peut même savoir ni le mois, ni
l’année. Mais ces paroles paraissent signifier que si l’on ne peut connaître
l’année, on peut savoir toutefois dans quelle semaine, ou dans quelle décade
d’années ce jour doit arriver, comme si l’on pouvait dire avec précision que
ce sera dans sept, dans dix ou dans cent ans, ou après un intervalle de temps
plus ou moins long. Si vous ne croyez pas avoir atteint le véritable sens de
ce passage, nous sommes tous deux au même point. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Mais pour vous prouver que ce n’est point par ignorance qu’il garde le
silence sur le jour et l’heure du jugement, le Seigneur donne un autre signe
avant-coureur de ce jour en disant : « Et il arrivera à l’avènement du
Fils de l’homme, ce qui arriva au temps de Noé », c’est-à-dire que ce
jour viendra tout d’un coup et à l’improviste, surprendre les hommes au
milieu de leurs désordres. C’est cette même vérité qu’exprime saint Paul,[écrivant
aux Thessaloniciens] : « Lorsqu’ils diront : Paix et sécurité, alors une
ruine soudaine les surprendra. » (1 Th 5) C’est pour cela que le Seigneur
ajoute : « Car comme durant les jours qui précédèrent le déluge, les
hommes mangeaient et buvaient. » — Raban : Jésus-Christ ne condamne ici ni le mariage, ni les
aliments, comme le prétendent faussement Marcion et les manichéens, puisque
le mariage est nécessaire à la propagation du genre humain, et les aliments
au soutien de la vie ; mais il condamne l’usage immodéré que les hommes eu
font. — Saint Jérôme : On peut se demander
comment Notre-Seigneur dit plus haut : « On verra se soulever peuple
contre peuple, et royaume contre royaume, et il y aura des pestes, des
famines et des tremblements de terre », tandis qu’ici il semble nous
donner tous les signes d’une paix profonde ; c’est qu’après ces guerres et
ces fléaux qui désolent le genre humain, succédera une paix de courte durée
qui rétablira partout le calme et la tranquillité, et donnera un nouvel appui
à la foi des croyants. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Ou bien, cette paix et ces divertissements criminels seront le partage de
ceux qui ont perdu tout sentiment. Aussi l’Apôtre ne dit pas : Lorsque la
paix existera réellement, mais « lorsqu’ils diront : ‘Paix et
sécurité’ », voulant ainsi nous peindre l’insensibilité de ces hommes de
plaisir, trop semblables à ceux qui existaient du temps de Noé ; alors aussi
les méchants se livraient à la débauche, tandis que les justes étaient dans
la tristesse et l’affliction. Nous apprenons par là que lorsque l’antéchrist
viendra, les méchants seront surpris au milieu des plus honteux plaisirs, [dans
lesquels ils se seront jetés] en désespérant de leur salut. Cet exemple est
donc choisi fort à propos par le Seigneur. Car lorsque Noé construisait
l’arche, les méchants la voyaient sous leurs yeux, leur annonçant les
malheurs (2 P 2, 5) qui devaient arriver, mais ils ne voulaient pas y croire,
et se livraient à leurs plaisirs coupables comme s’ils n’étaient menacés
d’aucun fléau ; c’est donc parce qu’il en est beaucoup qui refusent de croire
aux événements futurs qu’il appuie ses prédictions sur les exemples passés. Il donne
encore une autre preuve que ce jour viendra à l’improviste, et qu’il ne lui
est pas inconnu : « Alors de deux hommes qui seront dans un champ, l’un
sera pris, et l’autre laissé » ; ce qui nous prouve qu’il y en aura
de pris et de laissés parmi les serviteurs comme parmi les maîtres, parmi
ceux qui se reposeront, comme parmi ceux qui se livreront au travail. — Saint Hilaire : Ou bien, ces deux hommes
qui sont dans un champ, représentent les deux peuples des fidèles et des
infidèles dans ce monde, et que le jour du Seigneur surprendra au milieu des
occupations de cette vie. Ils seront séparés, puisque l’un sera laissé et
l’autre sera pris, ce qui nous prouve le discernement qui sera fait des
fidèles d’avec les infidèles. Car les saints seront protégés coutre les
effets redoutables de la colère de Dieu, et renfermés dans les magasins du
père de famille ; mais les impies seront abandonnés et deviendront la proie
des feux vengeurs. Il en sera de même de ceux qui tournent la meule. « De
deux femmes qui moudront, l’une sera prise et l’autre laissée.» La meule c’est l’oeuvre de la loi. Or,
comme une partie des Juifs doit croire à la prédication d’Elie, comme ils ont
cru à la prédication des Apôtres, et recevoir la justification qui vient de
la foi, une partie d’entre eux sera choisie en vertu de cette foi vivifiée
par les bonnes oeuvres, tandis que l’autre partie sera laissée au milieu des
oeuvres infructueuses de la loi, tournant inutilement la meule sans pouvoir
se préparer le pain céleste de la vie éternelle. — Saint Jérôme : Ou bien deux hommes
seront trouvés dans un champ se livrant au même travail, et répandant la même
semence, mais ils ne recevront pas le même fruit de leur travail. Dans ces
deux femmes qui tournent ensemble la meule, on peut voir encore l’Église et
la synagogue qui, toutes les deux, paraissent tourner la même meule dans la
loi, et moudre avec les mêmes Écritures la farine des commandements de Dieu ;
ou bien enfin, les autres hérésies qui semblent moudre tantôt avec les deux
Testaments, tantôt avec un seul la farine de leurs doctrines. D’où la
suite : « Deux seront dans le même lit, l’un sera pris, l’autre sera
laissé (Lc 17, 34). » — Saint Hilaire : Ces deux qui sont
dans le même lit sont ceux qui prêchent le même repos de la passion du Seigneur
(cf. Ps 15. 9 ; Ac 2, 25) ; car les hérétiques et les catholiques ont la même
foi sur ce point. Mais la foi catholique proclamera que le Père et le Fils
ont une même nature, une même divinité, tandis que la fausse doctrine des
hérétiques attaquera cette vérité. Ces deux professions de foi subiront donc
l’épreuve du jugement de Dieu, qui prendra l’une et rejettera l’autre. — Saint Rémi : Ou bien ces paroles
désignent les trois ordres de l’Église : les deux qui sont dans un champ
figurent l’ordre des prédicateurs, à qui Dieu a confié la culture du champ de
l’Église ; les deux qui tournent la meule, la condition des époux qui,
entraînés tantôt par ici, tantôt par là par mille soucis divers, semblent
tourner incessamment la meule ; enfin les deux qui sont dans le même lit,
l’état de ceux qui ont gardé la continence, dont le repos nous est figuré par
le lit. Or, dans ces trois classes différentes, il y a des bons et des
mauvais, des justes et des injustes, et c’est pour cela que les uns sont
pris, tandis que les autres sont laissés. — Origène : Ou bien dans un autre sens, le corps est étendu comme un malade sur le lit des passions charnelles, tandis que l’âme tourne la lourde meule de la vie, et que les sens du corps travaillent dans le champ du monde. |
Lectio 12 [85580] Catena in Mt., cap. Chrysostomus in Matth. Vult autem eos
semper in sollicitudine esse: propter hoc dicit vigilate. Gregorius in Evang. Vigilat
qui ad aspectum veri luminis oculos apertos tenet; vigilat qui servat
operando quod credit; vigilat qui a se torporis et negligentiae tenebras
repellit. Origenes in Matth. Dicit autem qui simplicior
est, quoniam de secundo adventu, in quo venturus fuerat, hunc dicebat sermonem;
alius autem quod intelligibilem et futurum in sensum discipulorum verbi
dicebat adventum: quia nondum erat in sensu eorum, quemadmodum erat futurus.
Augustinus ad Hesychium. Non solum autem illis
dixit vigilate, quibus tunc audientibus loquebatur; sed etiam illis qui
fuerunt post illos annos, et ad nos ipsos, et qui erunt post nos usque ad
novissimum eius adventum, quia ad omnes pertinet quodammodo: tunc enim
unicuique veniet dies ille, cum venerit eius dies ut talis hinc exeat qualis
iudicandus est illa die; ac per hoc vigilare debet omnis Christianus, ne
imparatum eum inveniat domini adventus: imparatum enim inveniet ille dies
quem imparatum invenerit suae vitae ultima dies. Origenes. Vani autem sunt omnes, sive qui
consummationem mundi scire se profitentur quando erit, sive qui vitae
propriae finem scire se gloriantur, quem nemo cognoscere potest, nisi spiritu
sancto illuminatus. Hieronymus. Praemisso autem patrisfamilias
exemplo, cur reticeat consummationis diem, manifestius docet cum subdit illud
autem scitote, quoniam si sciret paterfamilias qua hora fur venturus esset,
vigilaret utique, et non sineret perfodi domum suam. Origenes in Matth. Paterfamilias domus est
sensus hominis, domus autem eius est anima, fur autem Diabolus. Est autem omnis
sermo contrarius qui non per naturalem introitum intrat ad animam
negligentis, sed quasi qui foderit domum, primum destruens quaedam naturalia
aedificia animae, idest naturales intellectus, et per ipsam diruptionem
ingressus, spoliat animam. Aliquoties invenit quis furem in ipsa perfossione,
et comprehendens eum, percussorem sermonem immittens, interficit ipsum. Non
autem in die fur venit, quando illuminata est a sole iustitiae anima hominis
studiosi; sed in nocte, idest in tempore adhuc malitiae permanentis: in qua
cum fuerit aliquis, possibile est, etsi non habuerit virtutem solis, quod
tamen illustretur ex aliquo splendore verbi, quod est lucerna; adhuc quidem
manens in malitia, sed tamen habens propositum meliorum et vigilantiam ne
perfodiatur hoc eius propositum. Vel in tempore tentationum, vel quarumcumque
calamitatum maxime fur solet venire, volens perfodere animae domum. Gregorius in Evang. Vel nesciente
patrefamilias fur domum perfodit, quia dum a sui custodia spiritus dormierit,
improvisa mors veniens carnis nostrae habitaculum irrumpit, et eum quem
dominum domus dormientem invenerit, necat: quia dum ventura damna spiritus
minime praevidet, hunc mors ad supplicium nescientem rapit. Furi autem
resisteret, si vigilaret; quia adventum iudicis, qui occulte animas rapit,
praecavens, ei poenitendo occurreret, ne impoenitens periret. Horam vero
ultimam idcirco dominus voluit esse incognitam ut semper possit esse
suspecta, ut dum illam praevidere minime possumus, ad illam sine
intermissione praeparemur; propter quod sequitur ideoque estote parati quia,
qua nescitis hora, filius hominis venturus est. Chrysostomus in Matth. Hic videtur confundere
eos qui non tantum studium faciunt animae suae, quantum student circa
pecunias qui furem expectant. |
Versets
42-44.
— Saint Jérôme : Notre-Seigneur
explique ici clairement ce qu’il a dit plus haut : « Personne ne sait rien
de ce jour, si ce n’est le Père », car il n’était point utile aux Apôtres
de connaître ce jour ; étant toujours au contraire dans l’incertitude, et
comme en suspens, ils s’attendaient continuellement à le voir venir,
puisqu’ils ignoraient le moment de son arrivée. Ces paroles sont donc la
conclusion de celles qui précèdent : « Veillez donc, puisque vous ignorez à
quelle heure votre Seigneur doit venir. »
Il ne dit pas : parce que nous ignorons, mais : « parce que vous
ignorez » pour montrer que quant à lui, il connaît le jour du jugement. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Il veut qu’ils soient toujours dans une attente pleine de sollicitude : «
Veillez », leur dit-il. — Saint Grégoire : (hom. 13 sur les
Evang.) Celui-là veille qui tient les yeux ouverts à la véritable lumière ;
celui-là veille, qui traduit sa foi dans ses oeuvres ; celui-là veille qui
repousse loin de lui les ténèbres de la langueur et de la négligence. — Origène : (Traité
31 sur S. Matth.) Un certain interprète, mais avec trop de simplicité, que le
Seigneur veut parler ici d’un second avènement, et un autre affirme qu’il est
ici question de l’avènement spirituel du Verbe dans l’intelligence de ses
disciples, où il n’était pas encore venu, comme il devait le faire plus tard dans
leur intelligence (cf. Lc 24, 45). — Saint Augustin : (Lettre à Hésych.)
Ce n’est pas seulement à ceux qui l’écoutaient alors, que Notre-Seigneur
adresse ces paroles : « Veillez », mais encore à tous ceux qui sont
venus après eux jusqu’à nous, et il nous les adresse à nous-mêmes, ainsi qu’à
tous ceux qui viendront après nous, jusqu’au jour de son dernier avènement
qui intéresse tous les hommes en un certain sens. Car cet avènement viendra
pour chacun de nous avec le jour où il nous faudra sortir de cette vie tels
que nous serons jugés dans ce dernier jour. Tout chrétien doit donc veiller
pour que l’avènement du Seigneur ne le surprenne pas au dépourvu ; car ce
jour surprendra, sans y être préparé, celui qui ne le sera pas au dernier
jour de sa vie. — La Glose : [référence à vérifier] C’est donc sans aucun
fondement que quelques uns prétendent savoir l’époque de la fin du monde, et
que les autres se vantent de connaître la fin de leur propre vie, ce que
personne ne peut connaître sans une révélation particulière de l’Esprit
saint. — Saint Jérôme : Le Seigneur nous
apprend d’une manière plus claire encore, par l’exemple du père de famille,
pourquoi il se réserve la connaissance de ce dernier jour : « Car sachez
que si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il
veillerait et ne laisserait pas percer sa maison. » — Origène : Le
père de famille de cette maison, c’est l’intelligence de l’homme ; cette
maison, c’est son âme ; le voleur, c’est le démon, il faut regarder comme
contraire à la vérité toute doctrine qui n’entre point par la porte dans
l’âme négligente, mais qui, comme un voleur, perce la maison, en détruisant
les murs naturels de l’âme, c’est-à-dire les premières vérités que la nature
y a imprimées, et y entre par cette brèche pour la dépouiller. Quelquefois
l’homme surprend le voleur au moment où il fait cette percée, il le saisit et
le met à mort en tournant contre lui le glaive de la vérité. Or, le voleur ne
vient pas dans le jour, lorsque l’âme vigilante et attentive est éclairée par
le soleil de justice, mais il vient dans la nuit, c’est-à-dire alors que le
mal séjourne encore dans cette âme. Cependant, même au sein de cette nuit, et
tout en étant privé des puissants rayons du soleil, cet homme peut encore
recevoir quelque clarté du Verbe, qui sera pour lui comme une lampe. Il reste
encore dans le mal, il est vrai, mais il a, toutefois, le désir d’une
meilleure vie, et il veille pour ne pas laisser détruire ce désir. Ou bien,
c’est dans le temps des tentations ou des tribulations de toute espèce que le
voleur a coutume de venir pour percer la maison de l’âme. — Saint Grégoire : (hom. 13.) C’est à
l’insu du père de famille que le voleur perce les murs de la maison ; car
tandis que l’âme s’endort et néglige de veiller sur elle-même, la mort vient
tomber à l’improviste sur la maison de notre corps, tue le maître qu’elle
surprend dans le sommeil, et entraîne comme à son insu au supplice cette âme
qui n’a pas su prévoir les maux qui devaient l’assaillir. Si elle avait été
vigilante, elle aurait résisté au voleur, car elle se serait mise en garde
contre l’arrivée du juge qui enlève secrètement les âmes, et elle l’aurait
prévenu par le repentir pour ne point périr dans l’impénitence. Or, le
Seigneur a voulu que la dernière heure nous demeurât cachée, afin qu’elle fût
toujours devant nos yeux, et que dans l’impossibilité où nous sommes de la
prévoir, nous nous y préparions sans relâche, c’est pour cela qu’il ajoute : «
Tenez-vous donc toujours prêts, parce que vous ne savez pas à quelle heure le
Fils de l’homme va venir. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.) En s’exprimant de la sorte, le Seigneur semble condamner ceux qui ont beaucoup moins de soin de leur âme que n’en prennent de leur argent ceux qui craignent les voleurs. |
Lectio 13 [85581] Catena in Mt.,
cap. 24 l. 13 Hilarius in Matth. Quamvis dominus supra
in communi nos ad indefessam vigilantiae curam fuerit adhortatus, specialem
tamen populi principibus, idest episcopis, in expectatione adventuque suo
sollicitudinem mandat. Hunc enim servum fidelem atque prudentem
praepositum familiae significat, commoda atque utilitates populi sibi
commissi curantem; unde dicit quis, putas, est fidelis servus et prudens quem
constituit dominus super familiam suam, ut det illis cibum in tempore? Chrysostomus in Matth. Quod autem dicit quis,
putas, non est ignorantis: invenitur enim et pater interrogando loquens: ut
cum dicit: Adam, ubi es? Remigius. Nec enim signat haec interrogatio
impossibilitatem perficiendae virtutis, sed difficultatem. Glossa. Rarus enim est fidelis servus, domino
propter dominum serviens, oves Christi non ad lucrum, sed pro amore Christi
pascens; prudens qui subditorum capacitatem, vitam et mores discutiat: quem
constituat dominus, qui scilicet sit vocatus a Deo, et non se iniecerit. Chrysostomus in Matth. Duo autem expetit ab
huiusmodi servo, scilicet prudentiam et fidem: fidelem enim eum dicit, quoniam
nihil quod domini sui est, sibi proprium fecit, nihil etiam de rebus sui
domini vane et inaniter consumpsit. Prudentem
autem eum vocat, quoniam cognovit id ad quod oportet dispensare quae data
sunt. Origenes in Matth. Vel qui in fide proficit,
etsi nondum in ea perfectus est, communiter fidelis vocatur; et qui naturalem
habet mentis velocitatem, dicitur prudens. Si quis autem consideret, inveniet fideles multos
et studium fidei exercentes, non autem et prudentes: quoniam quae stulta sunt
mundi elegit Deus. Et iterum videbit alios veloces quidem esse et prudentes,
modicae autem fidei. Convenire autem in unum fidelem atque prudentem,
rarissimum est. Ut autem in tempore det cibum, necessariam habet quis
prudentiam; ut autem non adimat cibos indigentium, opus est fide: quoniam et
secundum simplicem intellectum opus habemus ut fideles simus ad dispensandum
Ecclesiae reditus, et ut non devoremus quae sunt viduarum, et ut memores
simus pauperum, et ne occasionem accipientes ex eo quod scriptum est: dominus
constituit his qui Evangelium praedicant, de Evangelio vivere, amplius
quaeramus quam cibum simplicem et necessaria vestimenta, et ut nec amplius
teneamus nobis quam his qui necessitatem patiuntur. Prudentes autem, ut
prudenter intelligamus indigentium causas, propter quas sunt indigentes, et
uniuscuiusque dignitatem, quomodo educatus est, et quantum necessarium habet.
Multa enim sapientia opus est ei qui bene vult dispensare ecclesiasticos
reditus. Sit etiam fidelis servus et prudens, ut non effundat rationabilem et
spiritualem cibum quibus non oportet, volens ostendere se esse prudentem;
illis scilicet qui magis necessarium habent verbum quod mores eorum aedificet
et vitam componat, quam quod illuminat scientiae lucem; aut ne eis qui
possunt acutius audire, pigeat exponere altiora, ne exponentes vilia
contemnantur ab his qui naturaliter sunt ingeniosi, aut per exercitationem
saecularis sapientiae acuti. Chrysostomus in Matth. Adaptatur etiam et ad
principes saeculares haec parabola: unumquemque enim his quae habet, ad
communem utilitatem uti oportet, non ad nocumentum conservorum, neque ad
perditionem sui ipsius, sive habeat sapientiam, sive principatum, sive aliud
quodcumque. Rabanus. Dominus autem Christus est; familia
autem supra quam constituit, est Ecclesia Catholica. Difficile est ergo
invenire in uno, ut et prudens sit et fidelis, non autem impossibile: nec
enim beatificaret eum qui non potest esse, cum subdit beatus ille servus
quem, cum venerit dominus eius, invenerit sic facientem. Hilarius in Matth. Idest praecepto domini sui
obedientem, ut doctrinae opportunitate verbum vitae in aeternitatis cibum
alendae familiae dispenset. Remigius. Notandum autem, quod sicut magna
distantia est meritorum inter bonos praedicatores et bonos auditores, ita
magna distantia est praemiorum. Bonos enim auditores, si vigilantes
invenerit, faciet discumbere, ut Lucas dicit; bonos autem praedicatores super
omnia bona sua constituet; unde sequitur amen dico vobis, quoniam super omnia
bona sua constituet eum. Origenes in Matth. Ut scilicet conregnet cum
Christo, cui omnia sua tradidit pater; sicut boni patris filius, super omnem
patris substantiam constitutus, participat huiusmodi dignitatem et gloriam
fidelibus et prudentibus dispensatoribus suis, ut sint et ipsi super omnem
creaturam. Rabanus. Non ut soli, sed ut prae
ceteris aeterna praemia habeant, tum pro sua vita, tum pro gregis custodia.
Hilarius in Matth. Vel super omnia bona
constituetur; idest, in Dei gloria collocabitur: quia nihil est ultra quod
melius sit. Chrysostomus in Matth. Deinde non solum ab
honore qui imminet bonis, sed a poena quam minatur malis, erudit auditorem,
cum subdit si autem dixerit malus servus ille in corde suo: moram facit
dominus meus venire; et coeperit percutere conservos suos, et cetera. Augustinus ad Hesychium. Ex moribus huius
servi apparet animus eius: quos mores licet breviter, magister bonus curavit
exprimere; idest superbiam, cum dicit et coeperit percutere conservos suos;
atque luxuriam, cum dicit manducet autem et bibat cum ebriosis; ne quod
dicebat moram facit dominus meus, desiderio sui domini dicere crederetur, quo
ardebat ille qui dixit: sitivit anima mea ad te Deum vivum: quando veniam?
Dicendo enim: quando veniam? Moras se perpeti moleste ferebat: quia etiam
quod tempore acceleratur, desiderio tardum videtur. Origenes in Matth. Peccat autem in Deum
quicumque episcopus qui non quasi conservus ministrat, sed quasi dominus et
frequenter ut amarus dominus per vim dominatur; et non esurientes suscipit,
sed epulatur cum ebriosis, et semper somniat quia post multum temporis
venturus est dominus. Rabanus. Typice etiam potest intelligi
conservos percutere, conscientias infirmorum verbo vel pravo exemplo vitiare.
Hieronymus. Quod autem dicit veniet dominus servi
illius in die qua non sperat, et hora qua ignorat, ad hoc dicit ut sciat,
quando non putatur dominus, tunc eum esse venturum; et vigilantiae ac
sollicitudinis dispensatores admonet. Porro quod dicit dividet eum, non est
intelligendum quod gladio eum dissecet, sed a sanctorum consortio eum separet.
Origenes in Matth. Vel dividet eum quando
spiritus eius, idest spirituale donum, revertetur ad Deum qui dedit eum;
anima autem cum corpore suo vadit in Gehennam. Iustus autem non dividitur;
sed anima eius vadit cum spiritu, idest spirituali dono, ad regna caelestia.
Qui autem dividuntur, non habent postmodum in se partem spiritualis doni,
quae erat a Deo; sed relinquetur pars quae erat ipsorum, idest anima, quae
cum corpore punietur: unde sequitur et partem eius ponet cum hypocritis. Hieronymus. Cum his videlicet qui erant in
agro, et qui molebant, et nihilominus derelicti sunt. Saepe enim dicimus
hypocritam aliud esse, et aliud ostendere; sicut et in agro et in mola idem
facere videbatur, sed exitus diversae voluntatis apparuit. Rabanus. Vel cum hypocritis suscipit partem
suam, scilicet duplicem Gehennae poenam, idest ignis et frigoris; unde
sequitur ibi erit fletus et stridor dentium: ad ignem enim pertinet fletus
oculorum, ad frigus stridor dentium. Origenes. Vel fletus erit eis qui male in hoc
mundo ridentes fuerunt; et his qui requieverunt irrationabiliter, erit
dentium stridor: nolentes enim dolores materialiter sufferre, compulsi
tormentis, dentibus strident, illi scilicet qui manducaverunt acerbitatem
malitiae. Ex his autem cognoscere est quoniam non solum qui fideles sunt et
prudentes, constituit dominus super familiam suam, sed etiam malos; et quod
non salvat eos hoc quod constituti sunt a domino super familiam eius; sed
illud ut dent in tempore cibos, et ut abstineant a percussionibus et
comessationibus. Augustinus ad Hesychium. Hoc autem servo malo
remoto, qui proculdubio domini sui odit adventum, constituamus ante oculos
tres servos bonos, adventum domini sui desiderantes. Si unus eorum citius,
alter tardius dominus suum dicit esse venturum, tertius de hac re suam
ignorantiam confitetur. Videamus tamen quis magis Evangelio consonet. Unus
dicit: vigilemus et oremus, quia citius venturus est dominus. Alter dicit:
vigilemus, quia brevis et incerta est vita ista, quamvis tardius venturus sit
dominus. Tertius dicit: vigilemus, quia brevis et incerta est vita ista, et
nescimus tempus quando venturus est dominus. Quid autem aliud hic dicit, quam
quod cum audimus Evangelium dicere: vigilate, quia nescitis qua hora venturus
sit dominus? Omnes quidem prae desiderio regni Dei, hoc volunt esse verum
quod putat primus; proinde si factum fuerit, gaudebit cum illo secundus et
tertius; si autem factum non fuerit, metuendum est ne inter ipsas moras perturbentur
qui crediderant quod dixerat primus, et incipiant domini adventum non tardum
putare sed nullum. Qui autem credit quod dicit secundus, tardius dominus esse
venturum, si falsum fuerit, nulli turbabuntur in fide, sed inopinato gaudio
perfruentur. Qui autem quid horum verum sit ignorare se confitetur, illud
optat, hoc tolerat, in nullo eorum errat, quia nil eorum aut affirmat aut
negat. |
Versets
45-51.
— Saint Hilaire : (can. 27 sur S.
Matth.) Bien que le Seigneur nous ait recommandé à tous en général une
vigilance continuelle sur nous-mêmes, il ordonne aux princes du peuple (Ps
46, 18), c’est-à-dire aux évêques, une sollicitude toute particulière dans
l’attente de son avènement. C’est ce qu’il veut signifier par ce serviteur
prudent et fidèle, placé à la tête de la famille et chargé de pourvoir aux
intérêts et aux besoins du peuple qui lui est confié : « Quel est, à votre
avis, le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur sa famille,
pour leur donner la nourriture en temps convenable ?» — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Ce n’est point par ignorance que le Seigneur fait cette question ; car Dieu
le Père se sert aussi de l’interrogation en parlant à Adam : « Adam où
es-tu ? » (Gn 3.) — Saint Rémi : Cette question prouve,
non pas qu’il soit impossible, mais simplement difficile d’arriver à la
perfection de la vertu. — La Glose : Car
il est rare de rencontrer un serviteur fidèle qui serve le Seigneur pour le
Seigneur lui-même, qui paisse les brebis de Jésus-Christ, non pour l’appât du
gain, mais par amour pour Jésus-Christ lui-même ; un serviteur prudent qui
étudie les mœurs, la vie et la capacité de ceux qu’il est chargé de diriger ;
un serviteur que le Seigneur lui-même a établi, c’est-à-dire qui est appelé par
Dieu, et qui ne s’est point ingéré lui-même [dans ces hautes fonctions] (He
5, 4). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Il exige deux choses de ce serviteur : la prudence et la fidélité ; il est
fidèle, parce qu’il ne s’approprie rien des biens de son maître, et ne les
emploie à aucune dépense inutile ou superflue ; il est prudent, parce qu’il
connaît l’usage qu’il doit faire des choses qui lui ont été confiées. — Origène : Ou
bien, on appelle ordinairement fidèle, celui qui a fait des progrès dans la
foi, bien qu’il n’ait pas encore atteint la perfection ; et prudent, celui
qui a reçu de la nature la subtilité d’esprit. Or, en
considérant attentivement, on trouvera un grand nombre d’hommes fidèles, qui
sont animés dans leurs actions du zèle de la foi ; mais il en est peu qui
soient prudents : « Car Dieu a choisi ce qu’il y a d’insensé selon le
monde. » (1 Co 1) Réciproquement, on rencontrera des hommes d’un esprit
subtil et prudent, et d’une foi médiocre ; mais il est très rare de trouver
réunies dans une même personne la prudence et la fidélité. Cependant la
prudence est nécessaire pour distribuer la nourriture en temps convenable, et
la fidélité pour ne point dérober aux indigents leur subsistance. Il n’est
point inutile d’avertir, que dans le sens le plus naturel, nous devons être
tout à la fois fidèles et prudents pour administrer les revenus de l’Église.
Nous devons être fidèles pour ne point dévorer les richesses des veuves, nous
souvenir des besoins des pauvres, ne pas nous autoriser de ces paroles de
l’Apôtre : « Le Seigneur a établi que ceux qui prêchent l’Evangile doivent
vivre de l’Évangile », pour prendre autre chose que la simple nourriture
où les vêtements qui nous sont nécessaires ; et ne pas retenir pour nous plus
que l’on ne donne à ceux qui sont dans le besoin. Nous devons être prudents
pour examiner et comprendre les causes de l’indigence d’un chacun, pour tenir
compte de sa dignité, de son éducation et de ses besoins ; car il faut une
grande sagesse pour administrer avec soin les revenus de l’Église. Le
serviteur doit encore être fidèle et prudent en ne prodiguant point, par le
désir de faire paraître la sagacité de son esprit, la nourriture raisonnable
et spirituelle à ceux qui n’en sont point capables, c’est-à-dire à ceux qui
ont bien plus besoin d’instructions qui leur apprennent à régler leurs moeurs
et à rendre leur vie meilleure, que des lumières spéculatives de la science.
Cette prudence est encore nécessaire pour ne pas négliger d’expliquer les
hautes vérités de la religion aux esprits plus pénétrants, car en se bornant
aux vérités élémentaires, on s’exposerait aux mépris de ceux qui ont
naturellement une intelligence plus ouverte, ou qui l’ont exercée par l’étude
de la philosophie profane. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Cette parabole s’applique également aux princes de la terre, car ils doivent
employer tout ce que Dieu leur a donné, sagesse, puissance, et tous les
autres dons, pour l’utilité générale, et non pour nuire à ceux qui leur sont
soumis, ou pour leur propre perte. — Raban :
Le maître, c’est Jésus-Christ ; la famille à laquelle il prépose ses
serviteurs pour en prendre soin, c’est l’Église catholique. Or. il est
difficile de rencontrer un homme qui soit à la fois prudent et fidèle, mais
cela n’est pas impossible, car autrement le Seigneur n’aurait pas déclaré
bienheureux celui qui ne peut exister : « Bienheureux ce serviteur, si son
maître, à son arrivée, le trouve agissant de la sorte. » — Saint Hilaire : C’est-à-dire,
obéissant aux ordres de son maître, et distribuant à sa famille, en son temps,
le pain de vie qui doit la nourrir pour la vie éternelle. — Saint Rémi : Remarquons que de même
qu’il y a une grande différence de mérites entre les bons prédicateurs et les
bons auditeurs, il y a aussi une grande différence dans les récompenses qu’ils
méritent. Si le Seigneur trouve les bons auditeurs, vigilants, il les fera
asseoir à sa table, comme nous le voyons dans saint Luc (12, 37) ; mais pour
les bons prédicateurs, il les établira sur tous ses biens : « Je vous le
dis en vérité, qu’il l’établira sur tous ses biens. » — Origène : C’est-à-dire
afin qu’il règne avec Jésus-Christ, à qui son Père a remis toutes choses.
Jésus-Christ, établi comme le fils d’un bon père sur tous ses biens, fait
entrer en participation de sa dignité et de sa gloire, ses intendants fidèles
et prudents, afin qu’ils soient établis eux-mêmes au-dessus de tous les
hommes. — Raban : Ils ne seront pas les seuls pour obtenir la récompense
éternelle, mais ils en recevront une supérieure à toutes les autres, tant
pour la vie qu’ils ont menée, que pour le soin qu’ils ont pris de leur
troupeau. — Saint Hilaire : Ou encore, il sera
établi sur tous les biens du Seigneur, c’est-à-dire qu’il sera placé dans la
gloire de Dieu, ce qui est le comble du bonheur. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 77.)
Non content d’instruire ceux qui l’écoutent par la perspective de la gloire
réservée aux justes, le Seigneur ajoute la menace du châtiment qui attend les
méchants : « Mais si ce serviteur est méchant, et qu’il dise en
lui-même : ‘Mon maître tarde à venir’ et s’il se met à battre ses
compagnons, etc... » — Saint Augustin : (lettre à Hesych.)
La manière d’agir de ce serviteur nous fait connaître les sentiments qui
l’animaient. Le bon Maître a pris soin de nous tracer en peu de mots sa
conduite, d’abord son orgueil : « S’il se met à battre les autres
serviteurs », puis sa vie dissolue : « et à manger et à boire avec des
ivrognes », et ces traits nous font comprendre que si le mauvais
serviteur dit : « Mon maître tarde à venir », ce n’est pas qu’il désire
son arrivée, comme le désirait ardemment le prophète, lorsqu’il disait : «
Mon âme a soif du Dieu vivant, quand viendrai-je devant lui ? » (Ps 41.)
Ces paroles : « Quand viendrai-je ? » nous montrent combien ce retard
lui était pénible. Car l’ardeur de ses désirs lui faisait paraître trop lent
le temps qui s’écoule avec rapidité. — Origène : Tout
évêque se rend coupable d’offense envers Dieu, lorsqu’il n’administre pas
comme étant lui-même serviteur, mais comme maître, lorsqu’il veut dominer par
la violence comme un tyran insupportable, lorsqu’il repousse ceux qui ont
faim, et fait bonne chair avec des ivrognes, lorsqu’il se repaît de ce rêve
que le Seigneur ne viendra que longtemps après. — Raban : Au sens figuratif, frapper ses compagnons, c’est blesser
la conscience des faibles par ses discours et par ses mauvais exemples (1 Co
8, 12). — Saint Jérôme : Il dit : «
Le maître de ce serviteur viendra le jour où i ne s’y attend pas et à l’heure
qu’il ne connaît pas », pour leur faire comprendre que le Seigneur
viendra au moment qu’ils n’y penseront pas, et pour exciter ainsi la
vigilance et la sollicitude de ses intendants. Il ajoute : « Il le
séparera », non pas qu’il le partagera en deux avec le glaive, mais il le
séparera de la société des saints. — Origène : Ou
bien, il le séparera, lorsque l’esprit (c’est-à-dire le don spirituel),
retournera à Dieu qui l’avait donné, tandis que son âme ira dans l’enfer avec
son corps. Le juste, au contraire, n’a pas à craindre cette séparation, et
son âme se dirige vers le royaume du ciel avec l’esprit, c’est-à-dire avec le
don de l’esprit qui l’animait. Quant à ceux qui sont divisés, ils ne
conservent plus en eux cette partie du don spirituel qu’ils avaient reçu de
Dieu, mais ils en sont réduits à la partie qui leur appartient, c’est-à-dire
à leur âme qui sera punie avec le corps. « Et il lui donnera son partage
avec les hypocrites. » — Saint Jérôme : C’est-à-dire avec
ceux qui étaient ou dans les champs, ou occupés à tourner la meule, et qui
n’en ont pas moins été laissés ; car nous disons souvent qu’un hypocrite est
autre qu’il ne se montre ; c’est ainsi que ceux qui étaient dans les champs
ou occupés à tourner la meule, paraissaient faire les mêmes actions, mais on
a vu la différence d’intention qui les faisait agir. — Raban : Ou bien, il recevra le châtiment des hypocrites,
c’est-à-dire la double peine du feu et celle du froid (cf. Jb 24, 19). «
Là il y aura des pleurs et des grincements de dents » ; car les
pleurs seront la suite de la peine du feu, et le grincement de dents, l’effet
du froid qu’ils endureront. — Origène : Ou bien, les pleurs seront la punition de ceux qui ont vécu dans le monde en s’amusant et en faisant le mal, et le grincement de dents, le châtiment de ceux qui se sont abandonnés au repos outre mesure. Dans les efforts qu’ils font pour résister aux douleurs sensibles qu’ils éprouvent, ils grincent des dents sous l’action du châtiment ; tel sera le sort de ceux qui se sont nourris de ce que la malice a de plus acerbe. Apprenez de là que ce ne sont pas seulement ceux qui sont fidèles et prudents que le Seigneur établit pour gouverner sa famille, mais encore les méchants, et que ce qui les sauve, ce n’est pas d’avoir la direction de la maison de Dieu, mais de lui distribuer la nourriture en son temps, et de s’abstenir de mauvais traitements et de débauches. — Saint Augustin : (lettre à Hésych.) Détournons nos regards de ce mauvais serviteur qui redoute l’arrivée de son maître, et arrêtons-les sur ces trois bons serviteurs qui désirent le retour de leur maître. L’un d’eux attend son maître plus tôt, le second, plus tard, le troisième avoue son ignorance sur ce point ; voyons quel est celui dont la conduite se rapproche le plus [des préceptes] de l’Évangile : le premier dit : Veillons et prions, car le maître va bientôt venir ; le second : Veillons et prions, car cette vie est courte et incertaine, bien que le maître doive tarder à venir ; le troisième : Veillons et prions, parce que cette vie est courte et incertaine, et nous ne savons pas quand le maître doit venir. Or, ce dernier ne dit autre chose que ce que dit l’Évangile : « Veillez, car vous ne savez à quelle heure le Seigneur doit venir. » Tous voudraient, par suite du désir qu’ils éprouvent de voir le royaume de Dieu, que ce que pense le premier fût vrai, et si les choses arrivaient ainsi, le second et le troisième partageraient sa joie. Si au contraire, l’événement ne justifie pas la croyance du premier, il est à craindre que ce retard n’ébranle ceux qui l’avaient partagée, et qu’ils n’en viennent à croire, non pas que l’avènement du Seigneur doit tarder, mais qu’il n’aura jamais lieu. Ceux qui pensent comme le second, que le Seigneur doit différer son avènement, supposé que cette croyance ne soit pas fondée, ne seront point troublés dans leur foi, mais ils seront comblés d’une joie inespérée. Celui enfin qui confesse son ignorance sur toutes ces choses, désire l’arrivée de son maître, en supporte le retard, et ne se trompe dans aucune conjecture, parce qu’il n’en affirme et n’en nie aucune. |
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Caput 25 |
CHAPITRE 25 —
[Discours sur le mont des
Oliviers]
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Lectio 1 [85582] Catena in Mt.,
cap. Hilarius in Matth. Ideo autem dicitur
tunc, quia de magno die domini, de quo supra agebatur, omnis hic sermo est.
Gregorius in Evang. Regnum autem caelorum
praesentis temporis Ecclesia dicitur, sicut et ibi: mittet filius hominis
Angelos suos, et colligent de regno eius omnia scandala. Hieronymus. Similitudinem autem decem virginum
fatuarum atque prudentum quidam simpliciter interpretantur in virginibus,
quarum aliae, iuxta apostolum, et corpore et mente sunt virgines, aliae
virginitatem tantum corporum reservantes, vel cetera non habent, vel parentum
custodia reservante, nihilominus mente nupserunt. Sed mihi videtur ex
superioribus alius esse sensus qui dicitur; et non ad virginalia corpora, sed
ad omne hominum genus hanc comparationem pertinere. Gregorius in Evang. In quinque enim corporis
sensibus unusquisque subsistit geminatus; geminatus autem quinarius denarium
perficit. Et quia ex utroque sexu fidelium multitudo colligitur, sancta
Ecclesia decem virginibus similis denuntiatur; ubi quia mali cum bonis,
reprobi cum electis admixti sunt, recte similis virginibus prudentibus et
fatuis perhibetur. Chrysostomus in Matth. Ideo autem ponit
parabolam hanc in virginum persona, ut ostendat, quod licet virginitas magnum
quid sit, tamen si ab operibus misericordiae sit deserta, cum adulteris foras
eicietur. Origenes in Matth. Vel sensus omnium qui
receperunt verbum Dei, virgines sunt. Tale enim est verbum Dei ut de sua
munditia accommodet omnibus qui per suam doctrinam recesserunt ab idolorum
cultura, accesserunt autem per Christum ad Dei culturam; unde sequitur quae
accipientes lampades suas, exierunt obviam sponso et sponsae. Accipiunt enim
lampades suas, idest organa sua naturalia, et egrediuntur de mundo et de
erroribus, et veniunt obviam salvatori, qui semper paratus est venire, ut
ingrediatur simul cum dignis ad beatam sponsam Ecclesiam. Hilarius. Vel sponsus atque sponsa, dominus
noster est in corpore Deus: namque spiritui caro sponsa est. Lampades autem
quas acceperunt, animarum splendentium lumen est, quae sacramento Baptismi
splenduerunt. Augustinus de Verb. Dom. Vel lampades quae
manibus gestantur, opera sunt; dictum est enim supra: luceant opera vestra
coram hominibus. Gregorius. Qui autem recte credunt et iuste
vivunt, assimilantur quinque prudentibus; qui autem profitentur quidem fidem
Iesu, non autem praeparant se bonis operibus ad salutem, reliquis quinque
virginibus fatuis: unde subditur quinque autem ex eis erant fatuae et quinque
prudentes. Hieronymus. Sunt enim quinque sensus, qui
festinant ad caelestia, et superna desiderant. De visu autem et auditu et
tactu specialiter dictum est: quod vidimus, quod audivimus quod oculis
nostris perspeximus et manus nostrae palpaverunt. De gustu: gustate, et
videte quoniam suavis est dominus. De odoratu: in odorem unguentorum tuorum
currimus. Alii autem sunt quinque sensus terrenis faecibus inhiantes. Augustinus. Vel per quinque virgines
significatur quinquepartita continentia a carnis illecebris: continendus est
enim animi appetitus a voluntate oculorum, aurium, olfaciendi, gustandi et
tangendi. Sed quia ista continentia partim coram Deo fit ut illi placeatur
interiori gaudio conscientiae; partim coram hominibus tantum, ut gloria
humana capiatur; quinque dicuntur sapientes, et quinque stultae: utraeque
tamen virgines, quia utraque continentia est, quamvis diverso fomite gaudeat.
Origenes. Sicut autem sequuntur se ipsas
invicem virtutes ut qui unam habuerit, omnes habeat, sic et sensus omnes
alterutrum se subsequuntur; propterea necesse est ut aut omnes quinque sensus
sint prudentes, aut omnes fatui. Hilarius. Vel absolute in quinque prudentibus
et quinque fatuis, fidelium atque infidelium est constituta divisio. Gregorius. Notandum vero est, quod omnes
lampades habent, sed non omnes oleum habent; sequitur enim sed quinque
fatuae, acceptis lampadibus, non sumpserunt oleum secum; prudentes vero
acceperunt oleum in vasis suis cum lampadibus. Hilarius. Oleum boni operis fructus est; vasa,
humana sunt corpora, intra quorum viscera thesaurus bonae conscientiae
recondendus est. Hieronymus. Oleum ergo habent virgines quae
iuxta fidem operibus adornantur; non habent oleum quae videntur simili quidem
fide confiteri, sed virtutum opera negligunt. Augustinus. Vel per oleum ipsam laetitiam
significari arbitror, secundum illud: unxit te Deus tuus oleo exultationis.
Qui ergo non propterea gaudet quia Deo intrinsecus placet, non habet oleum
secum: gaudium enim non habent, dum continenter vivunt, nisi in laudibus
hominum. Prudentes autem acceperunt oleum cum lampadibus: idest laetitiam
bonorum operum, in vasis suis, idest in corde atque conscientia posuerunt,
sicut apostolus monet: probet autem seipsum homo; et tunc gloriam habebit in
seipso, et non in altero. Chrysostomus in Matth. Vel oleum hic vocat
caritatem et eleemosynam, et quodcumque circa indigentes auxilium; lampades
autem vocat virginitatis charismata; propter hoc stultas eas vocat, quoniam
maiorem sustinentes laborem, propter minorem omnia perdiderunt; maiori enim
labore vincitur carnis cupido quam pecuniarum. Origenes. Vel oleum est verbum doctrinae, quo
vasa animarum implentur: nihil enim sic confortat sicut moralis sermo, qui
oleum luminis appellatur. Prudentes ergo acceperunt huiusmodi oleum, quod
satis sit eis, etiam tardante exitu et morante verbo venire ad consummationem
eorum; fatuae autem acceperunt lampades in primis quidem accensas; sed tantum
oleum non acceperunt ut eis sufficeret usque ad finem, negligentes circa
susceptionem doctrinae, quae confortat fidem et bonorum actuum lumen illuminat;
unde sequitur moram autem faciente sponso dormitaverunt omnes et dormierunt.
Augustinus. Ex utroque enim genere hominum
moriuntur hoc intervallo temporis, donec sub adventu domini fiat resurrectio
mortuorum. Gregorius. Dormire etenim, mori est; ante
somnum vero dormitare, est ante mortem a salute languescere: quia per pondus
aegritudinis pervenitur ad somnum mortis. Hieronymus. Vel dormitaverunt, idest mortuae
sunt. Consequenter autem dicitur dormierunt, quia postea suscitandae sunt. Per
hoc autem quod dicit moram autem faciente sponso, ostendit quod non parum
temporis inter priorem et secundum domini adventum praetergreditur. Origenes. Vel sponso tardante et non cito
veniente verbo ad consummationem vitae, patiuntur aliquid sensus dormitantes,
et quasi in nocte mundi agentes; et dormierunt, ut puta remissius agentes a
sensu illo vitali; non tamen lampades perdiderunt, neque desperaverunt de
conservatione olei illae prudentes; unde sequitur media autem nocte clamor
factus est: ecce sponsus venit; exite obviam ei. Hieronymus. Traditio Iudaeorum est, Christum
media nocte venturum in similitudinem Aegyptii temporis, quando Pascha
celebratum est, et exterminator venit et dominus super tabernacula transiit,
et sanguine agni postes nostrarum frontium consecrati sunt; unde reor et
traditionem apostolicam permansisse, ut die vigiliarum Paschae ante noctis
dimidium, populum dimittere non liceat, expectantes Christi adventum:
postquam illud tempus transierit, securitate praesumpta festum cuncti agant
diem; unde Psalmista dicebat: media nocte surgebam ad confitendum tibi. Augustinus. Vel media nocte, idest nullo
sciente aut sperante. Hieronymus. Subito ergo quasi intempesta
nocte, et securis omnibus, quando gravissimus sopor est, per Angelorum
clamorem et tubas praecedentium fortitudinum, Christi resonabit adventus:
quod significatur cum dicitur ecce sponsus venit, exite obviam ei. Hilarius. Tuba enim excitante, sponso tantum
obviam proceditur: erunt enim iam ambo unum, idest caro et Deus, quia in
gloriam spiritualem humilitas carnis transformata est. Augustinus. Vel quod dicit, sponso tantum
obviam venire virgines, sic intelligendum puto ut ex ipsis virginibus constet
ea quae dicitur sponsa; tamquam si omnibus Christianis in Ecclesia
concurrentibus, filii ad matrem currere dicantur, cum ex ipsis filiis
congregatis constet ea quae dicitur mater. Nunc enim desponsata est Ecclesia,
et virgo est ad nuptias perducenda illo tempore quo universa mortalitate in
ea praetereunte, immortali coniunctione habeatur. Origenes in Matth. Vel media nocte, idest in
altitudine remissionis, factus est clamor, omnes suscitare volentium, sicut
existimo, Angelorum, qui sunt administratorii spiritus intus clamantes in
sensibus omnium dormientium: ecce sponsus venit; exite obviam ei. Et
suggestionem quidem hanc omnes audierunt, et surrexerunt; non autem omnes
decenter imposuerunt lampadibus suis ornatum; unde sequitur tunc surrexerunt
omnes virgines illae, et ornaverunt lampades suas. Ornantur autem lampades
sensuum evangelicis usibus atque rectis. Qui autem male utuntur sensibus,
ornamentum nullum habent in sensibus. Gregorius in Evang. Vel tunc quidem omnes
virgines surgunt, quia et electi et reprobi a somno suae mortis excitantur;
lampades ornant, quia sua secum opera numerant, pro quibus aeternam recipere
beatitudinem expectant. Augustinus de Verb. Dom. Aptaverunt enim
lampades suas, idest rationes reddendas operum suorum. Hilarius in Matth. Vel lampadarum
assumptio, animarum est reditus in corpora, earumque lux est conscientia boni
operis elucens, quae vasculis corporum continetur. Origenes. Sed lampades fatuarum virginum
extinguuntur, quia earum opera quae clara hominibus foris apparuerunt, in
adventu iudicis intus obscurantur; unde sequitur fatuae autem sapientibus
dixerunt: date nobis de oleo vestro, quia lampades nostrae extinguuntur. Quid
est autem quod tunc a prudentibus oleum petunt, nisi quod in adventu iudicis,
cum se intus vacuas invenerint, testimonium foris quaerunt? Ac
si a sua fiducia deceptae, proximis dicant: quia nos quasi sine opere repelli
conspicitis, dicite de nostris operibus quod vidistis. Augustinus. De consuetudine enim id semper
inquirit, unde gaudere animus solet. Itaque hominum, qui corda non vident,
testimonium volunt habere apud Deum, qui cordis inspector est. Sed quorum facta aliena laude fulciuntur, eadem subtracta deficiunt:
unde et earum lampades extinguuntur. Vel virgines quae lampades suas queruntur
extingui, ostendunt eas ex parte lucere; et tamen non habent lumen
indeficiens, nec opera perpetua. Si quis igitur habet animum virginalem et
amator est pudicitiae, non debet mediocriter esse contentus his quae cito
exarescunt et orto caumate arefiunt; sed perfectas virtutes sequatur, ut
lumen habeat sempiternum. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Non solum
hae virgines stultae erant quoniam hinc recesserunt misericordia carentes,
sed quia aestimabant ibi se accepturas ubi importune quaesierunt. Quamvis
autem illis virginibus prudentibus nihil misericordius sit, quae propter
misericordiam maxime fuerunt approbatae; non tamen stultae virgines sua
petitione potitae sunt. Sequitur responderunt prudentes dicentes: ne forte
non sufficiat nobis et vobis. Hinc autem discimus quod nullus nostrum adire
poterit nisi operibus cum quibus inventi erimus. Hieronymus. Non enim hoc virgines prudentes de
avaritia, sed de timore respondent; unde quisque pro suis operibus mercedem
accipiet; neque possunt in die iudicii aliorum virtutes, aliorum vitia
sublevare. Dant autem prudentes consilium, ut non debeant sine oleo
lampadarum sponso occurrere: et hoc est quod sequitur ite potius ad vendentes
et emite vobis. Hilarius. Vendentes hi sunt qui misericordia
fidelium indigentes, reddunt ex se petita commercia indigentiae, sua
satietate boni operis nostri conscientiam venundantes. Haec est enim
indefessi luminis copiosa materia, quae misericordiae fructibus et emenda
est, et recolenda. Chrysostomus in Matth. Vides ergo quanta nobis
sit a pauperibus negotiatio; pauperes autem non sunt ibi, sed hic; ideoque
hic oleum congregare oportet, ut illic utile sit, cum tempus nos vocet. Hieronymus. Venditur etiam hoc oleum et multo
emitur pretio, ac difficili labore conquiritur; quod non solum in
eleemosynis, sed in cunctis virtutibus et consiliis intelligimus magistrorum.
Origenes. Vel aliter. Etsi fatuae erant, tamen
hoc intelligebant quoniam cum lumine debebant obviam ire sponso, omnes
lampades sensuum habentes illuminatas. Videbant autem et illud, quoniam ex eo
quod minus habebant oleum rationabile, iam propinquantibus tenebris lampades
earum fuerant obscurandae. Sed sapientes transmittunt fatuas ad olei
venditores, videntes quoniam non tantum oleum, idest verbum doctrinae,
congregaverant ut sufficeret ipsis ad vitam, et illas docerent; unde dicunt
ite potius ad vendentes, idest ad doctores, et emite vobis: idest, ab eis
accipite; et pretium est perseverantia, et amor discendi et diligentia, et
labor cupientium discere. Augustinus. Vel non sunt putandae dedisse consilium;
sed crimen earum ex obliquo commemorasse. Vendunt enim adulatores oleum, qui
sive falsa, sive ignorata laudando, animas in errores mittunt, et eis vana
gaudia tamquam fatuis consiliando, aliquam de his mercedem commodi temporalis
accipiunt. Dicitur ergo ite ad vendentes, et emite vobis; idest, videamus
nunc quid vos adiuvent qui vobis laudes vendere consueverunt. Dicunt autem ne
forte non sufficiat nobis et vobis, quia alieno testimonio non iuvatur
quisquam apud Deum, cui secreta cordis apparent; et vix quisque sibi sufficit
cui testimonium perhibeat conscientia sua. Hieronymus. Verum quia iam emendi tempus
excesserat, et adveniente iudicii die locus non erat poenitentiae, non nova
patrare opera, sed praeteritorum rationem coguntur exsolvere; unde sequitur
dum autem irent emere, venit sponsus, et quae paratae erant intraverunt cum
eo ad nuptias. Hilarius in Matth. Nuptiae autem,
immortalitatis assumptio est, et inter corruptionem atque incorruptionem ex
nova societate coniunctio. Chrysostomus in Matth. Per hoc autem quod
dicit dum irent emere, ostendit quia etsi misericordes efficiamur post
mortem, nihil hinc lucrabimur ad effugiendum: sicut nec diviti profuit quod
factus est misericors et sollicitus circa eos qui sibi attinebant. Origenes in Matth. Vel dicit dum irent emere:
est enim invenire quosdam qui quando debuerunt, neglexerunt aliquid utile
discere; in ipso autem exitu vitae suae, dum disponunt discere,
comprehenduntur a morte. Augustinus de Verb. Dom. Vel aliter. Euntibus
illis emere, idest inclinantibus se in ea quae foris sunt, et solitis gaudere
quaerentibus, quia gaudia interna non noverant, venit ille qui iudicat; et
quae paratae erant, idest quibus coram Deo conscientia testimonium
perhibebat, intraverunt cum eo ad nuptias; idest ubi munda anima, puro ac
perfecto Dei verbo fecunda copulatur. Hieronymus. Post iudicii autem diem bonorum
operum et iustitiae occasio non relinquitur; unde sequitur et clausa est
ianua. Augustinus. Receptis enim illis qui sunt in
angelicam vitam commutati, clauditur aditus ad regna caelorum; non enim post
iudicium patet precum ac meritorum locus. Hilarius. Et tamen cum iam poenitentiae nullum
est tempus, fatuae occurrunt, aperiri sibi aditum rogant; unde sequitur
novissime autem veniunt et reliquae virgines dicentes: domine, domine, aperi
nobis. Hieronymus. Egregia in domini appellatione
confessio indicium fidei est. Sed quid prodest voce invocare quem operibus
neges? Gregorius in Evang. Dolore autem repulsionis
compulsae appellationem ingeminatur dominationis, invocando patrem, cuius in
vita sua misericordiam contempserunt. Augustinus. Non autem dictum est quod emerunt
oleum; et ideo intelligendae sunt, nullo iam remanente de alienis laudibus
gaudio, in angustiis et magnis afflictionibus redire ad implorationem Dei.
Sed magna eius est severitas post iudicium, cuius ante iudicium ineffabilis
misericordia praerogata est; propter quod sequitur at ille respondens ait:
amen dico vobis, nescio vos: ex illa scilicet regula, quia non habet ars Dei,
idest eius sapientia, ut intrent in gaudium eius qui non coram Deo, sed ut
placerent hominibus, conati sunt aliquid secundum praecepta eius operari.
Hieronymus. Novit enim dominus eos qui sunt
eius, et qui ignorat ignorabitur; et licet virgines sint vel corporis
puritate vel verae fidei confessione, tamen quia oleum non habent, ignorantur
a sponso. Ex hoc autem quod infert vigilate itaque, quia nescitis diem neque
horam, intelligit universa quae dicta sunt esse praemissa, ut quia ignoramus
iudicii diem, sollicite nobis lumen bonorum operum praeparemus. Augustinus. Non autem solum illius futuri
temporis quo venturus est sponsus, sed suae quisque dormitionis diem et horam
nescit, ad quam quisquis paratus est, etiam paratus invenitur cum illa vox
sonuerit qua omnes evigilaturi sunt. Augustinus ad Hesychium. Non defuerunt autem
qui docere voluerunt, has quinque et quinque virgines ad hunc eius adventum,
qui nunc fit per Ecclesiam, pertinere; sed haec non sunt temere pollicenda,
ne aliquid occurrat quod valide contradicat. |
Versets
1-13.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 78
sur S. Matth.) Dans la parabole précédente, Notre-Seigneur nous a fait
connaître quel serait le châtiment du serviteur qui frappait ses compagnons,
s’enivrait et dissipait les biens de son maître. Dans celle-ci, il nous
apprend quelle sera la punition de celui qui ne se préoccupe pas de ce qui
est utile, et qui n’amasse pas en abondance les provisions [spirituelles]
dont il aurait besoin, car les vierges folles avaient de l’huile, mais pas en
quantité suffisante : « Alors le
royaume des cieux sera semblable à dix vierges. » — Saint Hilaire : (can. 28.) Le Seigneur
dit : « Alors » car toute
cette parabole se rapporte au grand jour du Seigneur (Soph 1, 14 ; Ml 4, 5 ;
Jude 6), dont il vient de parler. — Saint Grégoire : (hom. 12 sur les
Evang.) L’Église de la terre est appelée le royaume des cieux, comme dans cet
autre passage : « Le Fils de
l’homme enverra ses anges, et ils arracheront les scandales de son royaume » (Mt 13). — Saint Jérôme : Il en est qui
appliquent exclusivement aux vierges cette compa-raison des vierges folles et
des vierges prudentes ; les unes, d’après l’Apôtre, sont vierges d’esprit et
de corps (1 Co 7) ; les autres n’ont en partage que la virginité du corps,
sans les oeuvres de la virginité ; ou bien, tout en demeurant sous la garde
de leurs parents, elles sont cependant mariées par les désirs de leur cœur.
Mais, d’après ce qui précède, cette parabole me paraît avoir une
signification différente et se rapporter, non pas seulement à ceux qui sont
vierges de corps, mais à tout le genre humain. — Saint Grégoire : (hom. 12.) Tout
homme possède en double chacun des cinq sens, et le nombre cinq étant doublé
donne le nombre dix. Or, comme les deux sexes concourent à former la
multitude des fidèles, la sainte Église nous est représentée semblable à ces
dix vierges, et, comme les bons s’y trouvent mêlés aux méchants, et les
réprouvés avec les élus, elle est comparée avec raison aux vierges sages et
aux vierges folles. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
Notre-Seigneur choisit des vierges pour en faire le sujet de cette parabole,
afin de nous apprendre que la virginité est sans doute une chose excellente,
mais que cependant, si elle est dépourvue des oeuvres de miséricorde, elle
sera jetée dehors avec les adultères. — Origène : (traité
32 sur S. Matth.) Ou bien, ces vierges sont les sens de tous ceux qui ont
reçu la parole de Dieu, car cette parole, par sa pureté, s’accommode à tous
ceux que ses enseignements ont détachés du culte des idoles, pour les
consacrer au culte du vrai Dieu par Jésus-Christ : « Et ayant pris leurs lampes, elles s’en allèrent à la
rencontre de l’époux et de l’épouse». Ceux dont ces vierges sont la
figure prennent leurs lampes, c’est-à-dire leurs sens extérieurs, sortent du
monde et de ses erreurs, pour venir au-devant du Sauveur, qui est toujours
prêt à entrer dans la maison de son épouse, la sainte Église, avec ceux qui
sont dignes de l’accompagner. — Saint Hilaire : Ou bien, l’époux et
l’épouse, c’est Notre-Seigneur Dieu, uni à un corps semblable au nôtre, car
la chair est comme l’épouse de l’esprit. Ces lampes, que les vierges ont
prises, sont la lumière de ces âmes en qui brille la blancheur éclatante du
baptême. — Saint Augustin : (Serm. 22 sur les
paroles du Seig.) Ou bien, les lampes qu’on porte à la main représentent les
oeuvres, car il est écrit (Mt 5) : « Que
vos oeuvres brillent aux yeux des hommes. » — Saint Grégoire : (hom. 12). Ceux
dont la foi est droite et la vie pure sont semblables aux cinq vierges sages
; mais ceux qui font profession de la foi chrétienne, sans chercher à assurer
leur salut par les bonnes oeuvres, ressemblent aux cinq vierges folles : « Il y en avait cinq d’entre elles
qui étaient folles et cinq qui étaient sages. » — Saint Jérôme : Il y a en nous cinq
sens qui aspirent aux choses célestes et qui désirent les biens du ciel. Il a
été dit en particulier du sens de la vue, de l’ouïe et du toucher : « Ce que nous avons vu, ce que nous
avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, et ce que nos mains ont
touché » (1 Jn 1) ; du sens du goût : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux » (Ps
33) ; du sens de l’odorat : « Nous
courrons sur tes pas à l’odeur de tes parfums » (Cant. 1). Mais il y
aussi cinq autres sens qui soupirent avec ardeur après les plaisirs fangeux
de la terre. — Saint Augustin : (Serm. 22 sur les
paroles du Seig.) Ou bien, les cinq vierges sages représentent la continence
que nous devons pratiquer dans les cinq sens du corps, en les séparant des
attraits de la chair, car nous devons interdire aux désirs de notre âme les
plaisirs de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, du goût et du toucher. Mais comme
les uns observent cette continence sous les yeux de Dieu, dans le but unique
de lui plaire par la joie intérieure de la conscience, et les autres, devant
les hommes, pour mériter leur estime tout humaine, cinq d’entre ces vierges
sont sages et cinq sont folles ; toutes cependant sont vierges, parce que
toutes gardent la continence, quoiqu’elles aient un foyer d’action différent. — Origène : (Traité
32.) Les vertus s’attirent et se suivent les unes les autres, de manière que
celui qui en possède une a toutes les autres ; ainsi, tous les sens marchent
à la suite les uns des autres, et, par conséquent, tous les cinq sens sont
nécessairement, ou doués de la sagesse, ou livrés à la folie. — Saint Hilaire : Ou bien, dans un
sens général, cette distinction des cinq vierges sages et des cinq vierges
folles établit la séparation qui existe entre les fidèles et les infidèles. — Saint Grégoire : (hom. 12.) Il est
à remarquer que toutes ces vierges portent des lampes, mais qu’elles n’ont
pas toutes de l’huile : « Mais les
cinq vierges folles ayant pris leurs lampes, ne prirent pas d’huile avec
elles ; les sages, par contre, avaient pris de l’huile dans leurs vases
avec leurs lampes. » — Saint Hilaire : L’huile, c’est le fruit des bonnes oeuvres ; les vases, sont les corps humains dans les entrailles desquels il faut cacher le trésor d’une bonne conscience. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Les vierges qui ont pris de
l’huile avec elles sont celles dont la foi est relevée par les oeuvres, et
les vierges qui n’en ont pas sont celles qui paraissent professer la même
foi, mais ne se mettent pas en peine de pratiquer les oeuvres des vertus. — Saint Augustin : (Serm. 22 sur les
paroles du Seig.) Ou bien, l’huile, à mon avis, figure la joie elle-même,
d’après ces paroles [du Roi-prophète] : « Votre
Dieu vous a sacré d’une huile de joie » (Ps 44). Celui donc dont la
joie n’a point pour motif que son cœur plaît à Dieu, n’a pas d’huile avec
lui, car il ne possède point la véritable joie, puisqu’il ne pratique la
continence que pour obtenir les louanges des hommes. Les vierges sages, au
contraire, prennent avec leurs lampes de l’huile dans leurs vases,
c’est-à-dire qu’elles portent dans leurs vases, c'est-à-dire dans leur cœur
et dans leur conscience, la joie des bonnes oeuvres, selon le conseil de
l’Apôtre : « Que l’homme
examine ses propres actions, et alors il aura seulement de quoi se glorifier
en lui-même et non dans un autre » (Ga 6). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
Ou bien l’huile, dans la pensée du Seigneur, c’est la charité, c’est l’aumône
et tout autre secours donné aux indigents ; les lampes, sont les grâces de la
virginité, c’est pourquoi il appelle folles ces vierges qui, après avoir
pratiqué ce qu’il y a de plus pénible, ont perdu tout le fruit de leurs
efforts dans des épreuves beaucoup moins importantes, car il est bien plus
difficile de vaincre la concupiscence de la chair que l’amour des richesses. — Origène : Ou
bien, l’huile, c’est la parole de la doctrine, qui remplit les âmes comme
autant de vases. Rien, en effet, ne donne autant de force à l’âme qu’un
discours moral [sur une vertu quelconque], et qui est ici figuré par l’huile
de la lampe. Or, les vierges sages ont pris avec elles autant de cette huile
qu’il leur en fallait, même en supposant que leur mort fût éloignée, et que
le Verbe dût tarder à venir pour consommer leur salut. Les vierges folles ont
pris aussi avec elles leurs lampes, qui étaient d’abord allumées ; mais elles
n’ont pas pris assez d’huile pour les entretenir jusqu’à la fin, parce
qu’elles n’ont eu que de la négligence pour recueillir la parole divine qui
fortifie la foi et entretient la lumière des bonnes oeuvres. « Et, comme l’époux tardait à venir,
elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. » — Saint Augustin : (comme précéd.)
Les bons comme les mauvais parmi les hommes meurent dans l’intervalle du
temps qui s’écoule jusqu’à la résurrection des morts, laquelle aura lieu à
l’avènement du Seigneur. — Saint Grégoire : (hom. 12.) Ce
sommeil, c’est la mort et l’assoupissement qui précède le sommeil, c’est,
avant la mort, la langueur pour tout ce qui concerne le salut, car, sous le
poids du chagrin, cet assoupissement conduit directement à la mort. — Saint Jérôme : Ou bien, elles
s’assoupirent, c’est-à-dire qu’elles moururent ; et il dit ensuite qu’elles
s’endormirent, parce qu’elles devaient ressusciter. Ces paroles : « Et comme l’époux tardait à venir »
nous indiquent qu’il devait s’écouler un assez long espace de temps entre le
premier et le second avènement du Seigneur. — Origène : Ou
bien, l’époux tardant à venir, et le Verbe ne venant pas aussitôt mettre un
terme à notre vie, les sens, [par suite de la faiblesse qui leur est
naturelle], s’assoupissent comme ensevelis dans la nuit du monde. Elles
s’endormirent ensuite, en négligeant de suivre les mouvements de l’esprit de
vie ; cependant elles ne perdirent pas leurs lampes, et les vierges sages ne
désespérèrent pas de conserver leur huile : « Mais, sur la minuit, on entendit un grand cri : voici
l’époux ! Allez à sa rencontre. » — Saint Jérôme : Suivant la tradition
des Juifs, le Christ doit venir au milieu de la nuit comme au temps de la
délivrance de la servitude d’Egypte, alors que la Pâque fut célébrée, que
l’ange exterminateur fut envoyé, que le Seigneur passa au-dessus des tentes,
et que le seuil de nos portes fut consacré par le sang de l’agneau. Je pense
que c’est de là qu’est venue cette tradition apostolique, qui subsiste
encore, de ne point permettre aux fidèles, la veille de Pâques, de quitter l’église
avant le milieu de la nuit, pour leur faire attendre l’arrivée de
Jésus-Christ, afin que, après l’accomplissement de cet heureux événement, ils
puissent célébrer en toute sécurité ce grand jour de fête. C’est en vue de
cette nuit solennelle que le Psalmiste disait : « Je me levais au milieu de la nuit pour chanter vos louanges »
(Ps 118). — Saint Augustin : (comme précéd.) Ou
bien, au milieu de la nuit, c’est-à-dire au moment où personne ne soupçonnera
l’arrivée de l’époux et ne s’y attendra. — Saint Jérôme : Ce sera donc tout
d’un coup, au milieu du calme de la nuit, alors que tous se livrent
paisiblement au repos et que le sommeil est le plus profond, que le cri des
anges, et les trompettes des puissances qui précéderont le Christ,
annonceront son avènement, comme il le dit lui-même : « Voici l’époux qui vient, allez au-devant de lui. » — Saint Hilaire : (can. 27.) L’épouse
seule, réveillée par le son de la trompette, va au devant de l’époux, car
l’époux et l’épouse, c’est-à-dire Dieu et la chair, ne feront plus qu’un,
parce que l’humilité de la chair sera revêtue d’une gloire toute spirituelle. — Saint Augustin : (comme précéd.) Je
pense que ce qui est dit ici, que les vierges seules vont au-devant de
l’époux, doit s’entendre en ce sens que ce sont les vierges elles-mêmes qui
sont l’épouse. C’est ainsi que, lorsque tous les chrétiens se rendent dans le
sein de l’Église, nous disons que ce sont des enfants qui accourent à leur
mère, quoique ce que nous appelons la mère n’est autre que la réunion des
enfants eux-mêmes. Or, maintenant, l’Église est une vierge fiancée, et qui
doit être unie à son époux, et elle célébrera ces noces divines au jour où,
dépouillée de tout ce qu’elle avait de périssable et de mortel, Dieu
l’appellera aux joies d’une nouvelle union. — Origène : Ou
bien, c’est au milieu de la nuit, alors que le sommeil est le plus profond,
qu’on entendra un grand cri, le cri des anges venant, je pense, tirer tous
les hommes de leur sommeil, car ce sont les ministres du Seigneur (He 1) qui
viendront faire entendre à l’oreille de tous ceux qui dorment ce cri : « Voici l’époux qui vient ; allez
au-devant de lui. » Tous ont entendu cet appel et tous se sont levés
; mais tous n’ont pas préparé convenablement leurs lampes : « Aussitôt toutes ces vierges se
levèrent et préparèrent leurs lampes. » L’ornement de ces lampes
spirituelles, conformément à l’esprit de 1’Évangile, c’est le bon et légitime
usage des sens ; quant à ceux qui font un mauvais usage de leurs sens, ils ne
peuvent les relever par aucun ornement. — Saint Grégoire : Ou bien, toutes
les vierges se lèvent, parce que les élus et les réprouvés sont réveillés du
sommeil de la mort, et ils préparent leurs lampes, parce qu’ils font en
eux-mêmes le dénombrement des oeuvres qui peuvent leur permettre d’espérer
l’éternelle félicité. — Saint Augustin : (comme précéd.)
Elles préparèrent leurs lampes, c’est-à-dire le compte qu’elles devaient
rendre de leurs oeuvres. — Saint Hilaire : (can. 27.) Ou bien,
l’action de reprendre leurs lampes, c’est le retour des âmes dans les corps,
et leur lumière, c’est la conscience des bonnes oeuvres qui brille dans notre
corps comme dans le vase qui la contient. — Saint Grégoire : (hom. 12.) [référence à vérifier] Mais les lampes des vierges
folles s’éteignent, parce que leurs oeuvres, qui avaient paru briller d’un
certain éclat extérieur aux yeux des hommes, s’obscurcissent intérieurement à
l’approche du Juge : « Mais les folles dirent aux sages :
Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent ». Elles
demandent de l’huile aux vierges prudentes, c’est-à-dire que, à la venue du
Juge, sentant et comprenant leur indigence intérieure, elles cherchent au
dehors des témoignages favorables. Leur trop grande confiance les a trompées,
et elles disent à leurs compagnes : Puisque vous nous voyez rejetées à cause
du défaut de bonnes oeuvres, rendez témoignage à ce que vous avez vu de notre
vie. — Saint Augustin : (comme précéd.)
Ces vierges folles, selon leur habitude, recherchent toujours ce qui fait le
sujet ordinaire de leur joie. C’est pour cela qu’elles veulent porter devant
Dieu, qui pénètre le fond des cœurs, le témoignage des hommes pour qui les
secrets des cœurs sont invisibles ; mais toutes ces actions, qui n’ont
d’autre soutien que les louanges des hommes, disparaissent dès que ce soutien
vient à leur manquer, et voilà pourquoi leurs lampes s’éteignent. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Ou bien, ces vierges qui se
plaignent de voir leurs lampes éteintes, montrent qu’elles ont encore quelque
lumière ; mais cette lumière n’est pas persévérante, et leurs oeuvres n’ont
aucun caractère de durée. Celui donc qui a le bonheur d’avoir une âme virginale
et d’aimer la pureté ne doit point placer sa joie dans les choses [vaines et
futiles] qui passent et qui se dessèchent si vite aux premières ardeurs du
soleil ; qu’il s’attache à la pratique des vertus parfaites pour jouir
d’une lumière éternelle. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
Ou bien, dans un autre sens, non seulement ces vierges étaient folles, parce
qu’elles ont quitté la terre sans avoir avec elle [l’huile de] la
miséricorde, mais parce qu’elles espéraient qu’on leur donnerait de cette huile
là où elles se sont adressées mal à propos [pour en obtenir]. Car bien que
personne ne soit plus miséricordieux que ces vierges sages, qui ont surtout
brillé par la pratique de la miséricorde, cependant elles n’ont pu accéder à
la demande des vierges folles : « Les
sages leur répondirent : Non, de peur que ce que nous en avons ne
suffise pas pour vous et pour nous. » Apprenons de là qu’aucun
d’entre nous ne peut espérer de soutien que des oeuvres au milieu desquelles nous
serons trouvés. — Saint Jérôme : Car ce n’est point
par avarice, mais par un sentiment de crainte que les vierges sages font
cette réponse. Donc chacun de nous recevra la récompense due à ses oeuvres,
et, au jour du jugement, ni les vertus ni les vices des autres ne nous seront
d’aucune utilité. Les vierges sages donnent le conseil de ne point aller
au-devant de l’époux sans avoir de l’huile dans les lampes, d’où la suite : « Allez plutôt chez ceux qui en
vendent, et achetez-en ce qu’il vous en faut. » — Saint Hilaire : Les marchands sont
ceux qui, ayant besoin de la charité des fidèles, se prêtent au commerce
qu’on leur demande, et qui, pour prix des secours donnés à leur indigence,
nous vendent la conscience d’avoir fait une bonne oeuvre, car c’est là une
source abondante de lumière qui ne s’éteint pas, qu’il faut acheter par les
oeuvres de miséricorde et conserver avec soin. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
Vous voyez donc quel riche commerce nous pouvons faire avec les pauvres, et
ce n’est pas dans l’autre vie que nous trouverons les pauvres, mais ici-bas ;
c’est donc pendant cette vie qu’il nous faut faire provision de cette huile,
pour alimenter notre lampe lorsque Jésus-Christ nous appellera. — Saint Jérôme : Cette huile se vend,
elle s’achète à grand prix, et ne s’acquiert que par de pénibles travaux,
c’est-à-dire non seulement par les aumônes, mais par la pratique de toutes
les vertus et des conseils enseignés par les maîtres spirituels. — Origène : Ou
bien, dans un autre sens, quoique folles, les vierges comprenaient qu’elles ne
pouvaient aller au-devant de l’époux sans lumière, et qu’il fallait tenir
allumées les lampes de leurs sens ; mais elles s’apercevaient en même temps
qu’ayant une très petite quantité de cette huile spirituelle, leurs lampes
allaient s’éteindre au milieu des ténèbres qui approchaient. Or, les vierges
sages renvoient les folles à ceux qui vendent de l’huile, parce qu’elles
voient que la provision qu’elles ont faite de cette huile (c’est-à-dire de la
doctrine) ne peut suffire pour entretenir en elles la vie, et pour enseigner
les autres ; c’est pour cela qu’elles leur disent : « Allez plutôt trouver ceux qui en vendent »,
c’est-à-dire les docteurs, « et
achetez-en pour vous », c’est-à-dire recevez-en de leurs mains. Or,
le prix auquel s’achète cette huile, c’est la persévérance, l’amour de la
doctrine, le zèle et les efforts qu’inspire le désir d’apprendre. — Saint Augustin : (comme précéd.) Ou
bien il faut penser que ce n’est pas un conseil qu’elles donnent, mais un
reproche indirect qu’elles font aux vierges folles de leur négligence ; car
ceux qui vendent de l’huile sont les flatteurs, qui, en faisant l’éloge des
fausses vertus ou des actions qu’ils ignorent, jettent les âmes dans
l’erreur, et qui, pour prix de la vaine joie qu’ils leur ont inspirée comme à
des insensées, reçoivent des avantages temporels. Les vierges sages leur
disent : « Allez chez ceux qui en
vendent, et achetez-en ce qu’il vous faut », c’est-à-dire voyons maintenant
en quoi vous aideront ceux qui s’étaient fait une habitude de vous vendre
leurs louanges. Elles ajoutent : « de
peur que ce que nous en avons ne suffise pas pour nous et pour vous », car un témoignage étranger n’a aucune
valeur auprès de Dieu, pour qui les secrets du cœur sont à découvert, et
c’est à peine si le témoignage que la conscience rend à chacun de nous peut
suffire devant lui. — Saint Jérôme : Mais le temps
d’acheter était passé, le jour du jugement étant arrivé, il n’y avait plus
lieu de faire pénitence, et on les force, non pas de faire de nouvelles
oeuvres, mais de rendre compte des anciennes. « Or, pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux vint, et
celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces. » — Saint Hilaire : Ces noces, c’est le
jour où nous revêtirons l’immortalité, c’est l’union qui s’établira par une
nouvelle société entre la corruption et l’incorruptibilité. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
Ces paroles : « Pendant qu’elles
allaient en acheter », nous apprennent qu’il ne nous servira de
rien, pour échapper [au jugement divin], d’être miséricordieux après notre
mort, pas plus qu’il ne servit alors au mauvais riche de se montrer plein de
tendresse et de sollicitude pour ses parents. — Origène : Ces
mêmes paroles : « Pendant qu’elles allaient acheter... » [ont
encore un autre sens], c’est-à-dire qu’il en est qui, après avoir négligé
toutes les occasions d’apprendre ce qui pouvait leur être utile, cherchent à
réparer cette négligence à la fin de leur vie, et sont prévenus par la mort. — Saint Augustin : (comme précéd.) Ou
bien encore, pendant qu’elles allaient en acheter, c’est-à-dire pendant
qu’elles se répandaient dans les choses du dehors, pour y trouver le sujet
ordinaire de leur joie, parce qu’elles ne connaissaient pas les joies
intérieures, le juge vint, et celles qui étaient prêtes, c’est-à-dire celles
à qui leur conscience rendait témoignage devant Dieu, entrèrent avec lui aux
noces, où l’âme pure s’unit, pour en être fécondée, au Verbe de Dieu, source
de toute pureté et de toute perfection. — Saint Jérôme : Après le jour du
jugement, il n’y a plus d’occasion de pratiquer la justice et de faire de
bonnes oeuvres, c’est pour cela qu’il ajoute : « Et la porte fut fermée. » — Saint Augustin : (comme précéd.)
Après qu’on a reçu ceux qui, par une bienheureuse transformation, sont
appelés à la vie des anges, l’accès au royaume des cieux est fermé, car,
après le jugement, il n’y a plus de place, ni pour les prières, ni pour les
mérites. — Saint Hilaire : Et cependant, bien
que le temps de la pénitence soit passé, les vierges folles arrivent et demandent
qu’on leur ouvre la porte : « Enfin
les autres vierges vinrent aussi et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous. » — Saint Jérôme : Elles invoquent
l’époux comme leur Seigneur, c’est une confession admirable et un témoignage
de leur foi ; mais que sert d’invoquer de bouche celui que vous niez par vos
oeuvres ? — La Glose : [référence à vérifier] Sous le coup de la douleur
qu’elles éprouvent de se voir repoussées, elles l’appellent par deux fois :
Seigneur, Seigneur, car elles n’osent donner le nom de père à celui dont
elles ont méprisé la miséricorde pendant toute leur vie. — Saint Augustin : (comme précéd.) Il
n’est point dit qu’elles achetèrent de l’huile, il faut donc supposer
qu’ayant perdu toute la joie que leur donnaient les louanges des hommes,
elles en sont réduites à implorer la bonté divine au milieu de leurs
angoisses et de leurs afflictions. Mais, après le jugement, la sévérité de
Dieu est égale à la miséricorde ineffable qui l’a précédé, comme l’indiquent
les paroles qui suivent : « Mais
il leur répondit : Je vous le dis en vérité, je ne vous connais point. »
Telle est en effet la règle du plan divin, ou plutôt de la sagesse divine, de
ne point laisser entrer dans sa joie éternelle ceux qui, dans les efforts
qu’ils ont faits pour accomplir ses commandements, n’ont eu pour but que de
plaire aux hommes et non pas à Dieu. — Saint Jérôme : Car Dieu connaît
ceux qui sont à lui, et celui qui a voulu ignorer sera lui-même ignoré (1 Co
14). Et bien que ces vierges folles soient vierges par la pureté du corps, et
par la profession de la vraie foi, cependant elles ne seront pas reconnues
par l’époux, parce qu’elles n’ont pas d’huile dans leurs lampes. Ces paroles
: « Veillez donc, parce que vous
ne savez ni le jour ni l’heure », nous apprennent que tout ce qui
précède a pour but de nous exciter à préparer avec soin la lumière de nos
bonnes oeuvres, parce que nous ignorons le jour du jugement. — Saint Augustin : (comme précéd.)
Non seulement nous ignorons le temps où doit venir l’époux, mais encore chacun
de nous ignore le jour et l’heure de sa mort, et celui qui s’y tient toujours
préparé le sera aussi lorsque retentira cette voix qui doit réveiller tous
les morts dans leurs tombeaux. — Saint Augustin : (Lettre à Hesych.) Il en est qui ont voulu expliquer cette parabole des cinq vierges sages et des cinq vierges folles, en la rapportant à l’avènement qui s’accomplit tous les jours par le moyen de l’Église ; mais il ne faut pas adopter témérairement cette explication, de peur de rencontrer, dans la parabole, quelques circonstances qui la contredisent formellement. |
Lectio 2 [85583] Catena in Mt.,
cap. Glossa. In praecedenti parabola
demonstrata est eorum condemnatio qui oleum sibi sufficienter non
praeparaverant, sive per oleum nitor operum, sive gaudium conscientiae, sive
eleemosyna, quae est per pecuniam, intelligatur. Haec
autem parabola inducitur contra eos qui non solum pecuniis, sed nec verbo,
nec alio modo prodesse proximis volunt, sed omnia occultant; unde dicit sicut
enim homo peregre proficiscens, vocavit servos suos, et tradidit illis bona
sua. Gregorius in Evang. Homo autem iste qui
peregre proficiscitur, redemptor noster est, qui in ea carne quam
assumpserat, abiit in caelum. Carnis enim locus proprius terra est, quae
quasi ad peregrinandum ducitur, cum per redemptorem nostrum in caelo
collocatur. Origenes in Matth. Secundum enim divinitatis
suae naturam non peregrinatur, sed secundum dispensationem corporis quod
suscepit. Qui enim dicit discipulis suis: ecce ego vobiscum sum usque ad
consummationem saeculi, unigenitus Dei est, qui non est corporeo habitu
circumclusus. Hoc autem dicentes non solvimus Iesum; sed unicuique
substantiae proprietatem eius salvamus. Possumus et talia dicere, quod
peregrinatur dominus per fidem ambulantibus, et non per speciem. Si autem
peregrinantes a corpore cum domino fuerimus, tunc et ipse erit nobiscum.
Simul etiam considera, quod non videtur redditio sermonis ita conscripta:
sicut homo peregrinans, ita ego aut filius hominis: quoniam ipse est qui in
parabola proponitur peregrinans quasi homo, non sicut filius Dei. Hieronymus. Vocatis autem apostolis, doctrinam
eis Evangeliorum tradidit, non quasi pro largitate et parcitate, alteri plus
et alteri minus tribuens, sed pro accipientium viribus; quomodo et apostolus
eos qui solidum cibum capere non poterant, lacte potasse se dicit; unde
sequitur et uni dedit quinque talenta, alii autem duo, alii vero unum,
unicuique secundum propriam virtutem. Chrysostomus in Matth. In quinque et duobus et
uno talento diversas gratias intelligimus, quae unicuique traditae sunt. Origenes. Si quando enim videris eorum qui
acceperunt a Christo dispensationem eloquiorum Dei, alios quidem habere
amplius, alios autem minus, et, ut ita dicam, neque in dimidio intelligentes
rerum negotia comparatione meliorum; alios autem adhuc minus habere; videbis
differentias eorum qui eloquia domini susceperunt a Christo: quoniam alia
fuit virtus eorum quibus data sunt quinque talenta, alia quibus duo, alia
quibus unum; et alter alterius non capiebat mensuram; et qui accepit talentum
unum, accepit quidem datum non contemptibile: multum est enim et unum
talentum talis domini. Tamen tres sunt proprii servi, sicut tria sunt genera
eorum qui fructum faciunt; et quinque quidem accepit talenta qui omnia
sensibilia Scripturarum potest adducere ad sensus diviniores; duo autem qui
est corporalem doctrinam edoctus: duo enim videtur carnalis numerus esse; sed
adhuc minus potenti unum talentum paterfamilias dedit. Gregorius. Vel aliter. Quinque talentis dona
quinque sensuum, idest exteriorum scientia exprimitur; duobus vero
intellectus et operatio designantur: unius autem talenti nomine, intellectus
tantum designatur. Sequitur et profectus est statim. Glossa. Non locum mutans, sed liberam eis
operandi potestatem permittens, et suo arbitrio relinquens. Sequitur abiit
autem qui quinque talenta acceperat, et operatus est in eis, et lucratus est
alia quinque. Hieronymus. Acceptis enim terrenis sensibus,
caelestium sibi notitiam duplicavit, ex creaturis intelligens creatorem, ex
corporalibus incorporalia, ex brevibus sempiterna. Gregorius in Evang. Sunt etiam nonnulli qui,
etsi interna ac mystica penetrare nesciunt, pro intentione tamen supernae
patriae docent recta quae possunt de ipsis exterioribus quae acceperunt;
dumque se a carnis petulantia, a terrenarum rerum ambitu, atque a visibilium
voluptate custodiunt, ab his etiam alios admonendo compescunt. Origenes in Matth. Vel qui habent sensus
exercitatos, conversati salubriter, et ad maiorem scientiam seipsos
erigentes, et studiose docentes, lucrati sunt alia quinque: quia nemo facile
additamentum accipit virtutis alterius, nisi eius quam habet; et quanta ipsa
scit, tanta alterum docet, et non amplius. Hilarius in Matth. Vel servus ille qui quinque
talenta accepit, populus ex lege credentium est, ex qua profectus meritum
ipsius recte impleta evangelicae fidei operatione duplicavit. Sequitur
similiter et qui duo acceperat, lucratus est alia duo. Gregorius. Sunt enim nonnulli qui dum intelligendo
et operando aliis praedicant, quasi duplicatum de negotio lucrum reportant:
quia dum utrique sexui praedicatio impenditur, quasi accepta talenta
geminantur. Origenes. Vel lucrati sunt alia duo,
idest corporalem eruditionem, et aliam paulo sublimiorem. Hilarius. Vel ille servus
cui duo talenta commissa sunt, gentium populus est, fide atque confessione et
filii iustificatus, et patris; dominum nostrum Iesum Christum Deum atque
hominem ex spiritu et carne confessus. Haec ergo huic sunt duo talenta
commissa. Sed ut populus Iudaeorum omne sacramentum quod in quinque talentis,
idest in lege, cognoverat, idipsum fide Evangelii duplicavit; ita iste
incremento duorum talentorum, intellectum atque operationem promeruit.
Sequitur qui autem unum acceperat, abiens fodit in terra, et abscondit
pecuniam domini sui. Gregorius in Evang. Talentum quippe in
terra abscondere, est acceptum ingenium in terrenis actibus implicare. Origenes in Matth. Vel aliter. Si quando
videris aliquem qui virtutem habet docendi et animabus proficiendi, et hanc
virtutem occultat, quamvis habeat quamdam religionem conversationis, non
dubites dicere talem esse qui accepit unum talentum, et abscondit ipsum in
terra. Hilarius in Matth. Vel iste servus qui unum
talentum accepit et in terra recondidit, populus est in lege persistens, qui
propter invidiam salvandarum gentium in terra acceptum talentum abscondit: in
terra enim talentum abscondere, est novae praedicationis gloriam sub
obtrectatione corporeae passionis occultare. Sequitur post multum vero
temporis venit dominus servorum illorum, et posuit rationem cum eis. In
ratione autem ponenda iudicii examen est. Origenes. Et observa in hoc loco, quoniam non
servi ad dominum vadunt ut iudicentur; sed dominus venit ad eos, cum tempus
fuerit impletum; de quo dicit post multum vero temporis, idest, postquam
dimisit aptos ad negotiandum animarum salutem; et ideo forsitan non facile
invenitur quis ex eis qui apti fuerint ad huiusmodi opus, ut cito transeat de
hac vita; sicut est manifestum ex eo quod et apostoli senuerunt: ex quibus
dicitur ad Petrum: cum senueris, extendes manum tuam; de Paulo autem dictum
est ad Philemonem: nunc autem ut Paulus senex. Chrysostomus in Matth. Vide et dominum ubique
non confestim expetentem rationem, ut discas eius longanimitatem. Mihi autem
videtur quod resurrectionem occulte insinuans, hoc dicit. Hieronymus. Ideo ergo dicit post multum
temporis, quia grande tempus est inter ascensionem salvatoris, et secundum
eius adventum. Gregorius. Haec autem lectio huius Evangelii
considerare nos admonet, ne qui plus ceteris in hoc mundo accepisse aliquid
cernuntur, ab auctore mundi gravius iudicentur: cum enim augentur dona,
rationes etiam crescunt donorum. Tanto ergo humilior quisque debet esse ex
munere, quanto se obligatiorem esse conspicit in reddenda ratione. Origenes. Fiducia autem fecit eum qui quinque
talenta acceperat, audere ut ad dominum prius accederet; sequitur enim et
accedens qui quinque talenta acceperat, obtulit alia quinque talenta, dicens:
domine, quinque talenta tradidisti mihi, ecce alia quinque superlucratus sum.
Gregorius. Servus ergo qui geminata talenta
retulit, laudatur a domino, et ad aeternam remunerationem perducitur: unde
subditur: ait illi dominus: euge. Rabanus. Euge interiectio est laetantis; per
quod gaudium suum dominus insinuat, qui bene laborantem servum ad gaudium
aeternum invitat; de quo propheta ait: laetificabis nos in gaudio cum vultu
tuo. Chrysostomus in Matth. Serve bone, quia de
bono loquitur, quod est ad proximum, et fidelis, quia nihil eorum quae sunt
domini sibi appropriavit. Hieronymus. Dicit autem super pauca fuisti
fidelis, quia omnia quae in praesenti habemus, licet magna videantur et
plurima, tamen comparatione futurorum parva et pauca sunt. Gregorius. Sed tunc fidelis servus supra multa
constituitur, quando devicta omnis corruptionis molestia, de aeternis gaudiis
in illa caelesti sede gloriatur. Tunc etiam ad domini sui gaudium perfecte
intromittitur, quando in aeterna illa patria assumptus, atque Angelorum
coetibus admixtus, sic interius gaudet de munere ut non sit quod exterius
doleat iam de corruptione. Hieronymus. Quid autem potest maius dari
fideli servo quam esse cum domino et videre gaudium domini sui? Chrysostomus in Matth. Per hoc enim
verbum omnem beatitudinem ostendit. Augustinus de Trin. Hoc enim erit plenum
gaudium nostrum, quo amplius non est, frui Deo Trinitate, ad cuius imaginem
facti sumus. Hieronymus. Utrique autem servo et qui de
quinque talentis decem fecerat, et qui de duobus quatuor, idem patrisfamilias
sermo blanditur; utrumque etiam simili recipit gaudio, non considerans lucri
magnitudinem, sed studii voluntatem; unde sequitur accessit autem et qui duo
talenta acceperat. Origenes in Matth. Quod autem dicit vel in eo
qui quinque talenta acceperat, vel in isto qui duo, accedens, intellige
accessum transitum de hoc mundo ad illum: et vide quoniam eadem dicta sunt
ambobus, ne forte et qui minorem habuit virtutem, et totam illam quam habuit,
secundum quod oportebat, exercuit, nihil minus habiturus sit apud Deum quam
ille qui fuerit in maiori virtute: hoc enim solum quaeritur, ut quicquid
habuerit homo ex Deo, toto eo utatur ad gloriam Dei. Gregorius in Evang. Servus autem qui operari
de talento noluit, ad dominum cum verbis excusationis redit: unde subditur
accedens autem et qui unum talentum acceperat, ait: domine, scio quia homo
durus es. Hieronymus. Vere enim hoc quod scriptum est:
ad excusandas excusationes in peccatis, etiam huic servo contingit, ut ad
pigritiam et negligentiam, superbiae quoque crimen accederet. Qui enim debuit
simpliciter inertiam confiteri et orare patremfamilias, e converso
calumniatur, et dicit se prudenti fecisse consilio, ne dum lucra pecuniae
quaereret, etiam de sorte periclitaretur. Origenes. Videtur enim mihi iste servus fuisse
inter credentes quidem, non autem fiducialiter agentes, sed latere volentes,
et omnia facientes ut non cognoscantur quasi Christiani. Adhuc videntur mihi
qui huiusmodi sunt timorem Dei habere, et sapere de eo quasi de aliquo
austero et implacabili: hoc enim significat cum dicit domine, scio quia homo
durus es. Intelligimus autem, quod vere dominus noster metit ubi non
seminavit; quoniam iustus seminat in spiritu, ex quo metet vitam aeternam.
Metit etiam ubi non seminat, et congregat ubi non spargit: quia sibi computat
esse collata quaecumque in pauperibus fuerint seminata. Hieronymus. Ex eo etiam quod hic servus ausus
est dicere metis ubi non seminasti, intelligimus etiam gentilium et
philosophorum bonam vitam recipere dominum. Gregorius. Sunt autem plerique intra
Ecclesiam, quorum iste servus imaginem tenet, qui melioris vitae vias aggredi
metuunt; et tamen iacere in sui corporis ignavia non pertimescunt; cumque se
peccatores considerant, sanctitatis vias arripere trepidant, et remanere in
suis iniquitatibus non formidant. Hilarius in Matth. Vel per hunc servum
intelligitur populus Iudaeorum in lege persistens, qui dicit: timui te;
tamquam metu veterum praeceptorum ab usu evangelicae libertatis abstineat, dicatque
ecce quod tuum est, velut in his quae a domino praecepta sunt fuerit
immoratus; cum tamen sciverit, metendos illic iustitiae fructus ubi lex sata
non sit, et colligendos ex gentibus qui non ex Abrahae sint stirpe dispersi.
Hieronymus. Sed quod putaverat se pro
excusatione dixisse, in culpam propriam vertitur; unde sequitur respondens
autem dominus eius dixit ei: serve male et piger, sciebas quia meto ubi non
semino. Servus autem malus appellatur, quia calumniam domino fecit: piger,
quia talentum noluit duplicare: ut in altero superbiae, in altero
negligentiae condemnetur. Si, inquit, durum et crudelem me noveras, et aliena
sectari; tu scires me mea diligentius quaesiturum, et dares pecuniam meam,
sive argentum nummulariis: utrumque enim argyrion, Graecus sermo significat.
Eloquia domini, eloquia casta, argentum igne examinatum. Pecunia ergo et
argentum, praedicatio Evangelii et sermo divinus est; qui dari debuit
nummulariis, idest vel ceteris doctoribus, quod fecerunt apostoli, per
singulas provincias presbyteros et episcopos ordinantes; vel cunctis
credentibus, qui possunt pecuniam duplicare et cum usuris reddere, ut
quicquid sermone didicerant, opere explerent. Gregorius. Sicut ergo periculum doctorum
aspicitur, si dominicam pecuniam teneant, ita et auditorum: quia cum usuris
ab eis exigitur quod audierunt, ut scilicet ex eo quod audiunt, etiam
studeant intelligere non audita. Origenes. Non autem confessus est dominus se
esse durum, sicut ille arbitrabatur; ceteris autem eius sermonibus concessit.
Sed vere durus est his qui misericordia Dei
abutuntur ad negligentiam suam, non ad conversionem. Gregorius in Evang. Pigrum vero servum
qua sententia dominus feriat, audiamus: tollite itaque ab eo talentum, et
date ei qui habet decem talenta. Origenes. Potest quidem dominus suae
divinitatis virtute auferre sufficientiam ab eo qui pigrius est ea usus, et
dare ei qui eam multiplicavit. Gregorius. Opportunum autem videbatur ut ei
potius qui duo quam qui quinque talenta acceperat daretur: illi enim dari
debuit qui minus habebat. Sed cum per quinque talenta exteriorum scientia
designetur, per duo autem intellectus et operatio; plus habuit qui duo quam
qui quinque talenta acceperat: quia qui per talenta quinque exteriorum
administrationem meruit, ab intellectu aeternorum adhuc vacuus fuit. Unum
ergo talentum, per quod intellectum significari diximus, illi dari debuit qui
bene exteriora quae acceperat, ministravit: quod quotidie in sancta Ecclesia
cernimus, ut etiam interna intelligentia polleant qui exteriora fideliter
administrant. Hieronymus. Vel datur ei qui decem talenta
fecerat, ut intelligamus, licet aequale sit domini gaudium in utriusque
labore, eius scilicet qui quinque et qui duo duplicavit, tamen maius deberi
praemium ei qui plus in domini pecunia laboravit. Gregorius. Generalis etiam mox sententia
subditur, qua dicitur omni enim habenti dabitur, et abundabit; ei autem qui
non habet, et quod videtur habere, auferetur ab eo. Quisquis autem caritatem
habet, alia etiam dona percipit; quisquis autem caritatem non habet, etiam
dona quae percepisse videbatur, amittit. Chrysostomus in Matth. Qui etiam gratiam
sermonis et doctrinae ad proficiendum habet, non utens ea, gratiam perdit;
qui autem studium adhibet, amplius attrahit donum. Hieronymus. Multi etiam cum sint sapientes
naturaliter, et habeant acumen ingenii, si fuerint negligentes, et desidia
bonum naturae corruperint, ad comparationem eius qui paululum tardior labore
et industria compensavit quod minus habuit, perdunt bonum naturae; et
praemium quod eis fuerat repromissum, vident transire ad alios. Potest etiam
sic intelligi. Ei qui fidem habet, et bonam in domino voluntatem, etiam si
quid minus, ut homo, in opere habuerit, dabitur a bono iudice; qui autem
fidem non habuerit, etiam ceteras virtutes quas videbatur naturaliter
possidere, perdet. Et eleganter inquit quod videtur habere, auferetur ab eo:
quicquid enim sine fide Christi est, non ei debet imputari qui male eo usus
est, sed illi qui etiam malo servo naturae bonum tribuit. Gregorius in Evang. Vel quisquis caritatem non
habet, etiam ea quae percepisse videbatur, amittit. Hilarius in Matth. Habentibus etiam usum
Evangeliorum et legis honor redditur; non habenti autem fidem Christi, etiam
quod ex lege sibi esse videbatur honoris auferetur. Chrysostomus in Matth. Servus autem
malus non solum damno punitur, sed etiam intolerabili poena, et cum poena
accusabili denuntiatione; unde sequitur et inutilem servum eicite in tenebras
exteriores. Origenes in Matth. Ubi scilicet nulla
illuminatio est, forsitan nec corporalis; nec est respectio Dei illic, sed
quasi indigni speculatione Dei, qui talia peccaverunt, condemnantur in his
quae exteriores tenebrae appellantur. Legimus etiam aliquem ante nos
exponentem de tenebris abyssi quae est extra mundum, ut quasi indigni toto
mundo in abyssum illam foras eiciantur, in qua sunt tenebrae, nemine eas
illuminante. Gregorius. Et sic per poenam in tenebras
exteriores cadet qui per suam culpam sponte in interiores tenebras decidit.
Hieronymus. Quid autem sit fletus et stridor
dentium, supra diximus. Chrysostomus in Matth. Vide autem quia non
solum qui rapit aliena aut qui mala operatur, punitur ultima poena, sed etiam
qui bona non facit. Gregorius in Evang. Habens igitur intellectum,
curet omnino ne taceat; habens rerum affluentiam, a misericordia non
torpescat; habens artem qua regitur, usum illius cum proximo partiatur;
habens loquendi locum, apud divitem pro pauperibus intercedat. Talenti enim
nomine cuilibet reputabitur quod vel minimum acceperit. Origenes. Si autem displicet tibi quod
dicitur, si propter quod non docuit, quis iudicatur, recordare illud
apostoli: vae mihi est, si non evangelizavero. |
Versets
14-30
— La Glose : La
parabole précédente nous a fait voir la condamnation de ceux qui n’ont pas
fait une provision suffisante d’huile, soit qu’on entende, par cette huile,
ou l’éclat des oeuvres, ou la joie de la conscience, ou l’aumône que l’on
distribue aux pauvres. Celle-ci est dirigée contre ceux qui ne veulent mettre
au service de leur prochain, ni leur argent, ni leur doctrine, ni quelque
autre chose que ce soit, et qui cachent tout ce qu’ils possèdent : « Le Seigneur est comme un homme qui
entreprend un long voyage, appelle ses serviteurs et leur remet tous ses
biens. » — Saint Grégoire : (hom. 9.) Cet
homme, qui part pour un long voyage, c’est notre Rédempteur, qui est parti
pour le ciel revêtu de la chair qu’il avait prise [pour notre salut] ; car la
terre est comme le pays natal de la chair [et le lieu de son habitation], et
elle part pour un long voyage lorsqu’elle est placée dans le ciel par notre
Rédempteur. — Origène : (Traité
33 sur S. Matth.) Ce n’est pas avec sa nature divine qu’il fait ce voyage,
mais comme homme revêtu du corps qu’il a pris [dans le mystère de son
incarnation]. Car celui qui a dit à ses disciples : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des
siècles » (Mt 28), c’est le Fils unique de Dieu, qui n’est point
renfermé dans les limites étroites d’un corps mortel. En parlant de la sorte,
nous ne divisons pas la personne de Jésus, mais nous conservons à chaque
nature ses propriétés distinctes. Nous pouvons dire aussi que le Seigneur
voyage loin de ceux qui marchent par la foi, et ne jouissent pas encore de la
claire vue (2 Co 5, 6). Or, si, lorsque nous serons éloignés de notre corps,
nous sommes avec le Seigneur, il sera lui-même avec nous. Remarquez en même
temps que le texte ne porte pas : « Je suis », ou « le Fils de
l’homme est comme un homme qui entreprend un voyage », car il se
présente à nous dans cette parabole, non pas comme Fils de Dieu, mais comme
homme qui part pour un long voyage. — Saint Jérôme : Après avoir appelé
ses apôtres, il leur confia la doctrine de l’Évangile. S’il donne à l’un
plus, à l’autre moins, ce n’est ni prodigalité d’une part, ni parcimonie de
l’autre ; il proportionne ses dons à la capacité de ceux qui les reçoivent.
C’est ainsi que l’Apôtre nous apprend qu’il avait nourri avec du lait ceux
qui ne pouvaient supporter une nourriture plus solide. « Et il donne cinq talents à l’un, deux à l’autre, à un autre
un, selon sa capacité ». — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] Ces talents, au nombre de
cinq, de deux et d’un, représentent les diverses grâces qui furent données à
chacun d’eux. — Origène : (Traité
33 sur S. Matth.) Parmi ceux à qui Jésus-Christ a confié le ministère de la
parole de Dieu, vous voyez que les uns ont reçu davantage, les autres moins,
et n’ont pas, pour ainsi dire, la moitié de l’intelligence des premiers ;
d’autres enfin ont reçu beaucoup moins encore. Or, pourquoi cette différence
entre ceux qui ont reçu de Jésus-Christ le même ministère de la parole divine
? C’est que la vertu et la capacité n’étaient pas les mêmes dans celui qui a
reçu cinq talents, dans celui qui en a reçu deux et dans celui qui n’en a
reçu qu’un, et que tous ne pouvaient recevoir la même mesure de grâces.
Cependant, celui qui n’a reçu qu’un talent a reçu un don qui n’est pas sans
importance, car un seul talent, venant d’un si grand maître, est d’une grande
valeur. Il y a toutefois trois sortes de serviteurs, comme il en est aussi
trois sortes parmi ceux qui portent des fruits. Celui qui a reçu cinq talents
est celui qui peut donner aux figures de l’Écriture sainte un sens plus élevé
et tout divin. Celui qui ne connaît que le sens littéral et extérieur de la
doctrine a reçu deux talents ; car le nombre deux se rapporte aux choses
charnelles (1 Co 3, 4). Enfin, celui à qui le père de famille ne donne qu’un
talent est moins capable encore. — Saint Grégoire : (hom. 9.) Ou bien,
dans un autre sens, les cinq talents figurent les dons des cinq sens,
c’est-à-dire la science des choses extérieures ; les deux talents désignent
l’intelligence et l’action, et le talent unique n’indique que le don de
l’intelligence. « Et il partit
aussitôt. » — La Glose : Il
partit, non pas qu’il ait changé de lieu, mais il les abandonne à leur libre
arbitre et leur laisse le libre exercice de leur action. « Celui qui avait reçu cinq talents s’en alla les faire valoir et
en gagna cinq autres. » — Saint Jérôme : Il double le don des
sens corporels qu’il a reçus par la connaissance des choses célestes,
c’est-à-dire que les créatures lui font connaître le Créateur, le spectacle
de la nature visible, les choses spirituelles, et les biens du temps, qui
durent si peu, ceux de l’éternité. — Saint Grégoire : (comme précéd.) Il
en est plusieurs qui, incapables de pénétrer les secrets de la science
spirituelle et mystique, enseignent, comme ils peuvent et avec comme
intention la patrie céleste, la science des choses extérieures qu’ils ont
reçue de Dieu, et qui, non contents de se tenir en garde contre les assauts
de la chair, l’ambition des honneurs de la terre et les jouissances du corps,
cherchent encore à en préserver les autres par leurs conseils. — Origène : (Traité
33 sur S. Matth.) Ou bien, ceux qui après avoir exercé leurs sens à la
pratique de la vertu en vivant sainement, tendent à une science supérieure et
l’enseignent aux autres, gagnent cinq autres talents ; car on ne peut recevoir
l’accroissement d’une vertu si on ne la possède déjà, de même qu’on ne peut
enseigner aux autres que ce que l’on sait soi-même, pas davantage. — Saint Hilaire : Ou bien, le
serviteur qui a reçu cinq talents est le peuple qui, vivant sous la loi, a embrassé
la foi, et qui a doublé les mérites qu’il avait acquis sous la loi en y
joignant l’accomplissement parfait des devoirs de la foi. chrétienne. « Celui qui avait reçu deux talents
en gagna de même encore deux autres. » — Saint Grégoire : (comme précéd.) On
en voit en effet qui enseignent à la fois par leurs paroles et par leurs
oeuvres et qui réalisent ainsi un double bénéfice, car leur prédication
s’adressant à l’un et à l’autre sexe, ils doublent ainsi les talents qu’ils
ont reçus. — Origène : Ou
bien, ils gagnèrent deux autres talents, c’est-à-dire la science des choses
extérieures et une autre un peu plus élevée. — Saint Hilaire : Ou bien, ce
serviteur à qui son maître a confié deux talents, c’est le peuple des
Gentils, qui a été justifié par la foi et par la confession du Père et du
Fils, et qui témoigne hautement que Jésus-Christ est à la fois Dieu et homme
par l’union de l’esprit et de la chair. Ce peuple a donc reçu deux talents,
et, de même que les Juifs ont doublé, en croyant à l’Évangile, toute la
valeur des cinq talents mystérieux, c’est-à-dire de la loi qu’ils avaient
reçue, ainsi les Gentils, en faisant fructifier leurs deux talents, ont
mérité de les voir doublés par le don de l’intelligence et des oeuvres. « Mais celui qui n’en avait reçu
qu’un alla creuser dans la terre et y cacha l’argent de son maître. » — Saint Grégoire : (hom. 9.) Cacher
le talent dans la terre, c’est enfouir, pour ainsi-dire, dans des occupations
toutes terrestres le don de l’esprit qu’on a reçu. — Origène : Ou
bien encore, si vous voyez un homme qui a reçu le don d’enseigner et de faire
progresser les âmes, et qui cache ce talent, eût-il d’ailleurs une certaine
apparence de religion dans sa conduite, n’hésitez pas à dire qu’il est ce
serviteur qui a reçu un talent et qui l’a enfoui dans la terre. — Saint Hilaire : Ou bien enfin, ce
serviteur qui a reçu un talent et l’a enfoui dans la terre, c’est le peuple
qui s’opiniâtre à suivre la loi, et qui, par un sentiment d’envie contre les
Gentils qui doivent être sauvés, cache le talent qu’il a reçu ; car, enfouir
le talent dans la terre, c’est cacher la gloire de la prédication de la bonne
nouvelle sous les honteuses attaques d’une passion charnelle. « Longtemps après, le maître de ces
serviteurs revint et leur fit rendre compte ». Ce compte qu’il faut
rendre, c’est l’examen qui précède le jugement. — Origène : Et
remarquez ici que ce ne sont pas les serviteurs qui viennent vers le maître
pour en être jugés, mais le maître lui-même qui vient les trouver, lorsque le
temps est arrivé, ce que le Seigneur exprime en disant : « longtemps après », c’est-à-dire longtemps après qu’il
leur a donné la mission d’aller gagner et sauver les âmes ; et c’est
peut-être pour cela qu’on en voit peu de ceux qu’il a jugés propres à ce
ministère qui aient été retirés promptement de ce monde, comme le prouve
l’exemple des apôtres, qui sont tous parvenus à une assez grande vieillesse ;
c’est ainsi qu’il dit à Pierre : « Lorsque
vous serez devenus vieux, vous étendrez les mains » (Jn 21) ; c’est
ainsi que saint Paul écrit de lui-même à Philémon (Phm 9) : « Paul déjà vieillard ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
Remarquez encore que le Seigneur ne se fait pas rendre compte immédiatement
pour vous apprendre sa longanimité. Ces paroles : « Longtemps après » me paraissent une allusion
indirecte à la résurrection. — Saint Jérôme : Il dit : « Longtemps après » parce
qu’il doit s’écouler un long espace de temps entre l’ascension du Sauveur et
son second avènement. — Saint Grégoire : La lecture de cet
Évangile doit nous faire sérieusement réfléchir sur cette vérité : que ceux
qui ont reçu en ce monde des grâces plus abondantes seront l’objet d’un
jugement plus sévère par l’Auteur du monde, car plus on reçoit, plus est
grand le compte que l’on devra rendre. Il faut donc s’humilier profondément
des dons que l’on a reçus, en considérant que l’on devra être jugé d’autant
plus sévèrement sur l’usage qu’on en aura fait. — Origène : Plein
de confiance, celui qui avait reçu cinq talents ose se présenter le premier devant
son maître : « Et celui qui avait
reçu cinq talents s’étant approché, en présenta cinq autres, en disant :
‘Maître, vous m’aviez remis cinq talents ; voici cinq autres talents que
j’ai gagnés’. » — Saint Grégoire : Ce serviteur qui a
doublé les cinq talents qu’il avait reçus mérite les éloges du Seigneur et en
reçoit l’éternelle récompense. « Et
le Seigneur lui dit : Très-bien. » — Raban : Le mot « euge » est une interjection qui marque
la joie. Le Seigneur exprime ainsi la joie qu’il éprouve d’appeler à entrer
dans la joie éternelle le serviteur qui a bien travaillé, et c’est de lui que
le Prophète a dit : « Vous nous
comblerez de joie en nous montrant votre visage » (Ps 15 et 20). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
« Bon serviteur », parce qu’il a été bon pour le prochain, et « fidèle »
parce qu’il ne s’est rien attribué de ce qui appartenait à son maître. — Saint Jérôme : Il lui dit : « Vous avez été fidèle en peu de
choses », car les biens que nous possédons ici-bas, quels que soient
d’ailleurs leur importance et leur nombre, sont toujours petits et peu
nombreux en comparaison des biens éternels. — Saint Grégoire : Le serviteur
fidèle est établi sur des biens plus considérables, lorsqu’il a triomphé de
toutes les atteintes de la corruption, et qu’il est assis dans le ciel au
sein des joies éternelles. Il entre parfaitement dans la joie de son maître,
lorsque Dieu l’appelle dans l’éternelle patrie, pour l’associer aux chœurs
des anges et le remplir d’une joie intérieure, sans mélange d’aucune de ces
douleurs qui sont causées par la corruption de la chair. — Saint Jérôme : Quelle récompense
plus grande peut-on donner au serviteur fidèle que d’être avec son maître et
de voir la joie de son Seigneur ? — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
Ces paroles renferment l’idée de toute félicité. — Saint Augustin : (De la Trinité, 1,
10.) Car la joie parfaite pour nous, et supérieure à tout ce que l’on peut
concevoir, sera de jouir de la présence du Dieu en trois personnes, à l’image
duquel nous avons été créés. — Saint Jérôme : Le père de famille
accueille avec les mêmes éloges le serviteur qui, avec cinq talents, en avait
gagné cinq autres, et celui qui, avec deux talents, en avait gagné deux
autres, et il les fait entrer en participation de la même joie, parce qu’il
ne considère pas la grandeur du gain qu’ils ont réalisés, mais les efforts de
leur volonté : « Celui qui
avait reçu deux talents vint aussi se présenter. » — Origène : Cette
expression : « s’étant
approché », appliquée à celui qui avait reçu cinq talents, et à
celui qui en avait reçu deux, signifie leur passage de ce monde dans l’autre
; et il faut remarquer que Dieu tient le même langage à tous les deux, pour
nous apprendre que celui qui a reçu de moins grandes facultés, mais qui leur
a fait produire tout ce qu’on était en droit d’en attendre, aura aux yeux de
Dieu le même mérite que celui qui est doué de facultés supérieures. Dieu
n’exige qu’une chose, c’est que l’homme consacre à sa gloire tout ce qu’il a
reçu de lui. — Saint Grégoire : (comme précéd.) Le
serviteur qui n’a pas voulu faire fructifier son talent s’approche de son
maître en s’excusant : « Celui qui
n’avait reçu qu’un talent s’approchant ensuite, dit : ‘Maître, j’ai su
que vous êtes un homme dur. » — Saint Jérôme : Ce mauvais serviteur
vérifie en lui ces paroles du Psalmiste : « Il
cherche à excuser ses péchés » (Ps 140), et, au crime de la paresse
et de la négligence, il joint celui d’un orgueil insolent. Au lieu de
confesser simplement sa fainéantise et de prier le père de famille de lui
pardonner, il ose le calomnier, et il prétend que c’est par prudence qu’il
s’est conduit de la sorte, dans la crainte qu’en cherchant à faire fructifier
son argent il ne s’exposât à perdre le capital. — Origène : Il me semble que ce serviteur faisait partie du
nombre des fidèles, mais de ces fidèles dont la conduite est sans assurance,
qui cherchent à se cacher, et qui font tout pour ne point paraître chrétiens.
Les fidèles de ce genre, me semble-t-il, ont aussi la crainte de Dieu, et le
regardent comme un maître sévère et implacable, ce que ce serviteur exprime
en disant : « Seigneur, je sais
que vous êtes un homme dur. » Nous admettons que, dans un sens
véritable, Notre-Seigneur moissonne où il n’a pas semé, car le juste sème
dans l’esprit, et il moissonne la vie éternelle. Il moissonne encore où il
n’a pas semé, et il recueille là où il n’a rien jeté, parce qu’il regarde
comme donné à lui-même tout ce qui est semé parmi les pauvres. — Saint Jérôme : De ces paroles
qu’ose lui dire le mauvais serviteur : « Vous
moissonnez là où vous n’avez pas semé », nous pouvons aussi conclure
que la vie, pure et vertueuse des Gentils et des philosophes est agréable à
Dieu. — Saint Grégoire : Il en est beaucoup dans l’Église dont ce serviteur est la figure, qui craignent d’entrer dans les voies d’une vie plus sainte, et qui ne craignent pas de croupir dans une négligence sensuelle ; tout en se considérant comme pécheurs, ils redoutent d’embrasser une vie vertueuse et ne tremblent pas de rester dans leurs iniquités. — Saint Hilaire : Ou bien, ce
serviteur figure le peuple juif qui reste attaché à la loi, et qui, donnant
comme prétexte de son éloignement de la liberté évangélique la crainte que
lui inspire la loi ancienne, dit à Dieu : « Je
vous ai craint » et ajoute : « Voici
ce qui est à vous ». Ou bien
encore, c’est ce même peuple qui s’arrête exclusivement aux commandements du
Seigneur, bien qu’il sût que Dieu devait moissonner des fruits de justice là
où la loi n’avait pas été semée, et recueillir parmi les Gentils des enfants
qui ne provenaient pas de la race d’Abraham (Rm 4). — Saint Jérôme : Mais ce qu’il
pensait donner comme une excuse devient la matière même de son accusation : « Mais son maître lui répondit :
Serviteur méchant et paresseux, vous saviez que je moissonne où je n’ai pas
semé. » Il l’appelle méchant serviteur, parce qu’il a osé calomnier
son maître, et paresseux, parce qu’il n’a point voulu doubler son talent,
condamnant ainsi d’un côté son insolence, de l’autre sa négligence : « Puisque
vous saviez, lui dit-il, que j’étais dur et cruel, et que j’exigeais ce qui
ne m’appartenait pas, vous deviez comprendre que j’exigerais plus exactement
ce qui m’appartient, et donner au banquier mon argent ou mes deniers »
(le mot grec ¢rgurion
signifie l’un et l’autre). « Les
paroles du Seigneur, dit le Psalmiste,
sont des paroles pures, un argent éprouvé par le feu » (Ps 11). Cet
argent, cette monnaie, c’est donc la prédication de l’Évangile, et la parole
de Dieu qu’il aurait fallu donner à ceux qui l’auraient fait fructifier,
c’est-à-dire ou à d’autres prédicateurs, ce que firent les Apôtres en
établissant des prêtres et des évêques dans chaque province (Ac 14, 22), ou
bien à tous les fidèles pour leur faire produire le double, et rendre ce
capital avec usure, en traduisant dans leurs oeuvres les enseignements de
cette divine parole. — Saint Grégoire : Les prédicateurs
sont exposés à un danger visible, en retenant l’argent du Seigneur ; les
auditeurs le sont également, car on leur demandera avec usure la doctrine qu’ils
ont reçue, c’est-à-dire si, à l’aide de ce qu’ils ont entendu, ils se sont
appliqués à comprendre ce qui ne leur était pas enseigné. — Origène : Le
Seigneur ne reconnaît pas qu’il soit dur, comme le lui reprochait le mauvais
serviteur ; mais il lui concède tout le reste. Cependant on peut dire qu’il
use véritablement de dureté contre ceux qui abusent de la miséricorde de Dieu
pour persévérer dans leur péché, au lieu d’en profiter pour se convertir. — Saint Grégoire : (comme précéd.)
Écoutons la sentence que le Seigneur prononce contre le mauvais serviteur : « Qu’on lui ôte donc le talent qu’il
a et qu’on le donne à celui qui a dix talents. » — Origène : Le
Seigneur peut, par sa puissance divine, ôter les moyens rigoureusement
suffisants, à celui qui a été trop paresseux pour les mettre à profit, pour
les donner à celui qui a multiplié ce qu’il avait reçu. — Saint Grégoire : Il paraissait plus
naturel de donner ce talent à celui qui en avait reçu deux, plutôt qu’à celui
qui en avait reçu cinq, car il est plus juste en apparence de donner à celui
qui a moins reçu. Mais, comme les cinq talents figurent la science des choses
extérieures, et les deux talents, l’intelligence et l’action ; celui à qui
son maître a confié deux talents a plus reçu que celui à qui il en a confié
cinq, car celui qui, dans les cinq talents, a reçu le don d’administrer les
choses extérieures, était cependant privé de l’intelligence des choses
éternelles. Donc, ce talent unique, qui représente, comme nous l’avons dit,
le don de l’intelligence, a dû être donné à celui qui a fidèlement administré
les choses extérieures qui lui ont été confiées, et c’est ce que nous voyons
tous les jours dans la sainte Église : ceux qui administrent avec fidélité
les biens extérieurs sont doués d’une intelligence capable de pénétrer les
choses spirituelles et intérieures. — Saint Jérôme : Ou bien, ce talent
est donné à celui qui avait obtenu dix talents, pour nous apprendre que, si
le Seigneur se réjouit également du travail du serviteur qui a doublé ses deux
talents et de celui qui a multiplié les cinq qu’il avait reçus, cependant il
réserve une plus grande récompense à celui qui a travaillé davantage à faire
fructifier l’argent de son maître. — Saint Grégoire : Notre-Seigneur
conclut cette parabole par cette maxime générale : « Car on donnera à celui qui a déjà, quel qu’il soit, et il y
aura pour lui surabondance, mais à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce
qu’il semble avoir. » En effet, celui qui a la charité reçoit aussi
les autres dons, et celui qui ne possède pas cette vertu perd jusqu’aux dons
qu’il paraissait avoir. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78).
Celui qui a reçu la grâce de la parole et de la doctrine, pour le mettre à
profit, et qui n’en fait aucun usage, perd ce don, tandis que celui qui
s’applique avec zèle à le faire fructifier obtient des grâces plus
abondantes. — Saint Jérôme : Il en est beaucoup
qui ont reçu de Dieu une intelligence naturelle et une grande vivacité
d’esprit ; s’ils se laissent dominer par la paresse, et qu’ils corrompent ces
dons naturels dans une l’indolence, ils en seront dépouillés par opposition à
ceux qui, moins favorisés de la nature, ont su compenser par leur travail et
par leur industrie ce qui leur manquait, et ils verront passer à d’autres la
récompense qui leur était promise. On peut encore donner cette explication :
celui qui a la foi et une bonne volonté dans le Seigneur, recevra du juge
plein de bonté ce que la faiblesse humaine laisserait à désirer dans ses
actions, tandis que celui qui n’a pas la foi perdra jusqu’aux autres vertus
qu’il paraissait tenir de la nature. Cette expression : « Ce qu’il paraît avoir lui sera enlevé », est pleine
de justesse, car tout don qui est en dehors de la foi en Jésus-Christ ne doit
pas être attribué à celui qui en fait un mauvais usage, mais à celui qui n’a
pas refusé, même au mauvais serviteur, ces dons naturels. — Saint Grégoire : [référence à vérifier] Ou bien celui qui n’a pas la charité perd même ce qu’il semblait avoir reçu. — Saint Hilaire : La gloire qui vient
de la loi est accordée à ceux qui savent profiter de la grâce de l’Évangile ;
mais, pour celui qui n’a point la foi en Jésus-Christ, on lui ôtera jusqu’à
cette gloire que la loi semblait lui donner. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78.)
Le mauvais serviteur n’est pas seulement puni par la perte de ce qu’il
possède, mais par un supplice intolérable, auquel vient se joindre une
sentence qui est en même temps un acte d’accusation : « Et quant à ce serviteur inutile, qu’on le jette dans les
ténèbres extérieures. » — Origène : Là
où il n’y a aucune lumière, peut-être même aucune clarté extérieure, et où on
ne peut jouir de la vue de Dieu, car ceux qui se sont rendus coupables de ce
crime, seront condamnés, comme indignes de voir Dieu, à être jetés dans ces
ténèbres qu’on appelle les ténèbres extérieures. Nous avons lu dans un
interprète qui a écrit avant nous, que ces ténèbres sont les ténèbres de
l’abîme qui est en dehors de l’univers, et que ces serviteurs inutiles, étant
jugés indignes d’habiter aucune partie de ce monde, seront jetés dans cet
abîme extérieur, où il n’y a que ténèbres, et qu’aucune lumière ne vient
jamais éclairer. — Saint Grégoire : C’est ainsi que le
châtiment précipitera dans les ténèbres extérieures celui qui est tombé
volontairement par sa faute dans les ténèbres intérieures. — Saint Jérôme : Nous avons dit plus
haut ce que sont ces pleurs et ces grincements de dents. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 78).
Remarquez que ce n’est pas seulement celui qui prend le bien d’autrui ou qui
fait le mal qui est condamné au dernier supplice, mais encore celui qui
néglige de faire le bien. — Saint Grégoire : Que celui donc qui
a reçu le don de l’intelligence évite à tout prix de garder le silence ; que
celui qui nage au sein de l’abondance ne se ralentisse pas dans l’exercice de
la miséricorde ; que celui qui a reçu le don de diriger l’applique à
l’utilité du prochain ; que celui qui peut avoir accès auprès des riches
intercède pour les pauvres, car, aux yeux de Dieu, la plus petite grâce reçue
sera considérée comme un talent qu’il nous a confié. — Origène : Or, s’il vous paraît dur qu’on soit jugé sévèrement pour n’avoir pas instruit les autres, rappelez-vous cette parole de l’Apôtre : « Malheur à moi si je n’évangélise pas » (1 Co 9). |
Lectio 3 [85584] Catena in Mt.,
cap. 25 l. 3 Rabanus. Post parabolas de fine
mundi, iam exequitur dominus modum futuri iudicii. Chrysostomus in Matth. Est autem haec pars
delectabilissima, quam continue in animo vertentes, cum studio audiamus, et
omni compunctione; nam et ipse Christus terribilius et lucidius hunc
pertractat sermonem. Idcirco non dicit de cetero: simile factum est regnum
caelorum; sed revelate seipsum ostendit, dicens cum autem venerit filius
hominis in maiestate sua. Hieronymus. Post biduum quidem Pascha
facturus, et tradendus cruci, et illudendus ab hominibus, recte promittit
gloriam triumphantis, ut secutura scandala pollicitationis praemio
compensaret. Et notandum, quod qui in maiestate cernendus est, filius hominis
sit. Augustinus super Ioannem. In forma
humana videbunt eum impii, videbunt et ad dexteram positi: in iudicio enim
apparebit in forma quam ex nobis accepit; sed postea futurum est ut videatur
in forma Dei, quam sciunt omnes fideles. Remigius. Destruitur autem his verbis
illorum error qui dixerunt, dominum non in eadem forma servi manere.
Maiestatem autem appellat divinitatem, qua aequalis est patri et spiritui
sancto. Origenes in Matth. Vel quia cum gloria
huc revertetur, ut corpus eius sit quale fuit cum transfiguratus fuit in monte.
Sedes autem eius aut quidam perfectiores sanctorum dicuntur, de quibus
scriptum est: quoniam illic sederunt sedes in iudicio; aut quaedam virtutes
angelicae, de quibus dicitur: sive throni, sive dominationes. Augustinus de Civ. Dei. Descendet enim cum
Angelis, quos advocabit de supernis locis ad faciendum iudicium; unde dicitur
et omnes Angeli eius cum eo. Chrysostomus in Matth. Omnes enim Angeli cum
ipso aderunt, testantes et ipsi quantum administraverunt missi a domino ad
hominum salutem. Augustinus de poenitentia. Vel Angelorum
nomine significavit homines qui cum Christo iudicabunt: Angeli enim nuntii
sunt; nuntios autem rectissime accipimus omnes qui salutem caelestem
hominibus nuntiaverunt. Sequitur et congregabuntur ante eum omnes gentes.
Remigius. His verbis vera hominis futura
demonstratur resurrectio. Augustinus de Civ. Dei. Haec autem congregatio per ministerium angelicum fiet, quibus dicitur:
congregate illi sanctos eius. Origenes in Matth. Vel non localiter
intelligamus quod congregabuntur ante eum omnes gentes, sed quia iam non
erunt dispersae in dogmatibus falsis et multis de eo. Manifesta enim fiet
divinitas Christi, ut non solum nullus iustorum, sed nec aliquis peccatorum
ignoret: non enim in aliquo loco apparebit filius Dei, et in altero non
apparebit; sicut ipse secundum comparationem fulguris voluit demonstrare.
Quamdiu ergo iniqui nec se cognoscunt nec Christum, vel iusti per speculum in
aenigmate vident, tamdiu non sunt segregati boni a malis; cum autem propter
manifestationem filii Dei, omnes ad intellectum venerint suum, tunc salvator
segregabit bonos a malis; unde sequitur et separabit eos ab invicem, sicut
pastor segregat oves ab haedis: quia et peccatores cognoscent sua delicta, et
iusti manifeste videbunt semina iustitiae suae ad qualem eos perduxerint
finem. Oves autem dicti sunt qui salvantur, propter mansuetudinem, quam
didicerunt ab eo qui dicit: discite a me quia mitis sum; et propter quod
usque ad occisionem parati fuerunt venire, imitantes Christum, qui sicut ovis
ad occisionem ductus est. Haedi autem dicuntur mali, qui aspera et dura saxa
ascendunt, et per praecipitia eorum incedunt. Chrysostomus in Matth. Vel hos vocat haedos,
illos autem oves, ut horum infructuositatem ostendat, nullus enim fit ab haedis
fructus; illorum autem utilitatem; multus enim est ovium fructus et a lana et
a lacte et a fetibus qui parturiuntur. Nomine autem ovis in Scripturis
divinis simplicitas, et innocentia solet designari. Pulchre ergo in hoc loco per oves electi designantur. Hieronymus. Haedus autem lascivum est
animal et fervens semper ad coitum, et semper pro peccatis offertur in lege;
nec dicit capras, quae possunt habere fetus et tonsae egrediuntur de lavacro.
Chrysostomus in Matth. Deinde segregat
eos etiam situ; nam sequitur et statuet oves quidem a dextris, haedos autem a
sinistris. Origenes in Matth. Sancti enim, qui
dextera opera operati sunt, acceperunt pro mercede suorum dexterorum dexteram
regis, in qua requies et gloria est; mali vero propter opera sua pessima et
sinistra, ceciderunt in sinistram, idest in tristitiam tormentorum. Sequitur
tunc dicet rex eis qui a dextris eius erunt: venite; ut quicquid minus fuerit
eis, cum perfectius uniti fuerint Christo consequantur. Addit autem benedicti
patris mei, ut eminentia benedictionis eorum manifestetur: quia prius
benedicti sunt a domino, qui fecit caelum et terram. Rabanus. Vel vocantur benedicti quibus
pro bonis meritis debetur aeterna benedictio. Patris autem sui dicit esse
regnum, quia ad eum refert potestatem regni a quo ipse rex est genitus; unde
per auctoritatem regiam, qua ipse solus exaltabitur in die illa, proferet
iudicii sententiam; unde signanter dicitur. Tunc dicet rex. Chrysostomus in Matth. Nota autem, quod
non dixit: accipite, sed possidete, sive hereditate, sicut familiaria bona
sive paterna, sicut vestra vobis antiquitus debita; unde dicitur paratum
vobis regnum a constitutione mundi. Hieronymus. Haec autem iuxta
praescientiam Dei accipienda sunt, apud quem futura iam facta sunt. Augustinus de Civ. Dei. Excepto autem
illo regno, de quo in fine dicturus est possidete paratum vobis regnum, licet
longe impari modo, etiam praesens Ecclesia dicitur regnum eius; in quo adhuc
cum hoste confligitur, donec veniatur ad illud pacatissimum regnum, ubi sine
hoste regnabitur. Augustinus de poenitentia. Sed dicet aliquis:
regnare nolo, sufficit mihi salvum esse; in quo primum eos fallit, quia eorum
nec salus est ulla quorum iniquitas perseverat; deinde si est aliqua
differentia inter regnantes et non regnantes, oportet tamen ut in uno regno
sint omnes, ne in hostium aut aliorum numero deputentur, et ceteris
regnantibus ipsi pereant. Omnes enim Romani Romanum regnum possident, quamvis
non omnes in eo regnent. Chrysostomus in Matth. Pro quibus ergo sancti,
caelestis regni bona accipiant, manifestatur cum subditur esurivi et dedistis
mihi manducare. Remigius. Et
notandum, quod in hoc loco sex opera misericordiae a domino commemorantur;
quae quicumque implere studuerit, regnum a constitutione mundi praeparatum
electis percipere merebitur. Rabanus. Mystice autem qui esurientem et
sitientem iustitiam pane verbi reficit, vel potu sapientiae refrigerat, et
qui errantem per haeresim vel per peccatum in domum matris Ecclesiae recipit,
et qui infirmum in fide assumit, verae dilectionis observat iura. Gregorius Moralium. Hi autem quibus iudex
veniens in dextera consistentibus dicit esurivi, etc..., sunt qui ex parte
electorum iudicantur et regnant, qui vitae maculas lacrymis tergunt; qui mala
praecedentia factis sequentibus redimentes, quidquid illicitum aliquando
fecerant, ab oculis iudicis eleemosynarum superductione cooperiunt. Alii vero
sunt qui non iudicantur et regnant, qui etiam praecepta legis perfectionis
virtute transcendunt. Origenes in Matth. Humilitatis autem causa
laude beneficiorum suorum indignos se proclamant, non obliti eorum quae
fecerunt. Ipse autem eis ostendit suam compassionem in suis; unde sequitur
tunc respondebunt ei iusti, dicentes: domine, quando te vidimus, et cetera.
Rabanus. Hoc quidem dicunt non diffidentes de
verbis domini; sed stupent de tanta sublimatione, et de maiestatis suae
magnitudine; vel quia videbitur eis parvum esse bonum quod egerant, secundum
illud apostoli: non sunt condignae passiones huius temporis ad futuram
gloriam quae revelabitur in nobis. Sequitur et respondens rex dicet eis: amen
dico vobis: quamdiu fecistis uni de his fratribus meis minimis, mihi fecistis.
Hieronymus. Libera quidem nobis erat
intelligentia, quod in omni paupere Christus esuriens pasceretur, sitiens
potaretur, et sic de aliis; sed ex hoc quod sequitur quamdiu fecistis uni de
his fratribus meis minimis, etc..., non mihi videtur generaliter dixisse de
pauperibus, sed de his qui pauperes spiritu sunt; ad quos extendens manum
dixerat: fratres mei sunt qui faciunt voluntatem patris mei. Chrysostomus in Matth. Sed si fratres
eius sunt, quare eos minimos vocat? Propter hoc quia sunt humiles, quia
pauperes, quia abiecti. Non autem per hos, monachos solum intelligit, qui ad montes
secesserunt; sed unumquemque fidelem, etiam si fuerit saecularis, et fuerit
esuriens, aut aliud huiusmodi, vult misericordiae procuratione potiri:
fratrem enim Baptisma facit et mysteriorum communicatio. Sequitur
tunc dicet et his qui a sinistris eius erunt: discedite a me, maledicti, in
ignem aeternum, qui paratus est Diabolo et Angelis eius. Origenes in Matth. Sicut iustis dixerat:
venite, ita et iniustis dicit discedite; nam propinqui sunt verbo qui servant
Dei mandatum, et vocantur ut adhuc propinquiores efficiantur; longe autem ab
eo sunt, etsi videantur ei assistere, qui non faciunt mandata ipsius: propter
hoc audiunt discedite, ut qui modo vel videntur esse ante eum, postea nec
videantur. Considerandum est autem, quoniam in sanctis dictum est: benedicti
patris mei; non autem nunc dicitur: maledicti patris mei; nam benedictionis
quidem ministrator est pater, maledictionis autem unusquisque sibi est
auctor, qui maledictione digna est operatus. Qui autem recedunt a Iesu,
decidunt in ignem aeternum, qui alterius est generis ab hoc igne quem habemus
in usu. Nullus enim ignis inter homines est aeternus, sed nec multi temporis.
Et considera quoniam regnum quidem non Angelis praeparatum dicit, ignem autem
aeternum Diabolo et Angelis eius: quia quantum ad se, homines non ad
perditionem creavit; peccantes autem coniungunt se Diabolo; ut sicuti qui
salvantur, sanctis Angelis coaequantur, sic qui pereunt Diaboli Angelis
coaequentur. Augustinus de Civ. Dei. Ex hoc autem patet
quod idem ignis erit hominum supplicio attributus et Daemonum. Si autem erit
corporali tactu noxius ut eo possint corpora cruciari, quomodo in eo erit
poena spirituum malignorum, nisi quia sunt quaedam Daemonibus corpora, sicut
quibusdam visum est, ex isto aere crasso atque humido? Si autem aliquis nulla
habere Daemones corpora asserat, non est de hac re contentiosa disputatione
certandum. Cur enim non dicamus, quamvis miris, tamen veris modis, etiam
spiritus incorporeos posse poena corporalis ignis affligi, si spiritus hominum,
etiam ipsi profecto incorporei, et nunc potuerunt concludi corporalibus
membris, et tunc poterunt corporum suorum vinculis insolubiliter alligari?
Adhaerebunt ergo Daemones, licet incorporei, corporalibus ignibus cruciandi,
accipientes ex ignibus poenam, non dantes ignibus vitam. Ignis autem ille
corporeus erit, et cruciabit huiusmodi corpora cum spiritibus; Daemones autem
spiritus sine corporibus. Origenes in Matth. Vel forsitan ignis ille
talis substantia est ut invisibilia comburat, ipse invisibilis constitutus,
secundum quod ait apostolus: quae videntur, temporalia sunt; quae autem non
videntur, aeterna. Ne autem mireris audiens esse invisibilem ignem et
punientem, cum videas interius calorem hominibus accidentem, et non
mediocriter cruciantem. Sequitur esurivi enim et non dedistis mihi manducare.
Scriptum est ad fideles: vos estis corpus Christi. Sicut ergo anima habitans
in corpore, cum non esuriat quantum ad suam substantiam spiritualem, esurit
tamen corporis cibum, quia copulata est corpori suo, sic et salvator patitur
quae patitur corpus eius Ecclesia, cum sit ipse impassibilis. Et hoc
considera, quia loquens ad iustos, per singulas species eorum beneficia
dinumerat; ad iniustos autem praescindens narrationem, adunavit utrumque,
dicens infirmus fui et in carcere, et non visitastis me; quoniam misericordis
iudicis erat bene facta quidem hominum largius praedicare et ampliare;
malefacta autem eorum transitorie memorari et abbreviare. Chrysostomus in Matth. Intuere autem quia non
in uno tantum vel duobus, sed in omnibus misericordiam deseruerunt: non enim
esurientem solum non cibaverunt, sed neque, quod levius erat, infirmum
visitaverunt. Et vide qualiter levia iniungit; non enim dixit: in carcere
eram, et non eripuistis me; infirmus eram, et non curastis me; sed non
visitastis, et non venistis ad me. In
esuriendo etiam non pretiosam petit mensam, sed necessarium cibum. Omnia ergo
sufficientia sunt ad poenam. Primo quidem facilitas petitionis, panis enim
erat; secundo miseria eius qui petebat, pauper enim erat; tertio compassio
naturae, homo enim erat; quarto desiderium promissionis, regnum enim
promisit; quinto dignitas eius qui accipiebat, Deus enim erat qui pauperes
accipiebat; sexto superabundantia honoris, quoniam dignatus est ab hominibus
accipere; septimo iustitia dationis, ex suis enim a nobis accipit: sed contra
universa haec homines per avaritiam excaecantur. Gregorius Moralium. Isti autem quibus hoc
dicitur, sunt mali fideles, qui iudicantur et pereunt; alii vero, scilicet
infideles, non iudicantur et pereunt: non enim eorum tunc causa discutitur
qui ad conspectum districti iudicis iam cum damnatione suae infidelitatis
accedunt; professionem vero fidei retinentes, sed professionis opera non
habentes, redarguuntur ut pereant. Isti enim saltem verba iudicis audiunt,
quia eius fidei saltem verba tenuerunt; illi in damnatione sua aeterni
iudicis nec verba suscipiunt, quia eius reverentiam nec verbo tenus servare
voluerunt: nam et princeps terrenam rempublicam regens aliter punit civem
interius delinquentem, atque aliter hostem exterius rebellantem: in illo enim
iura sua consulit; contra hostem vero bellum movet, et de poena eius quid lex
habeat non requirit. Chrysostomus
in Matth. Verbis autem iudicis redarguti, cum mansuetudine loquuntur:
sequitur enim tunc respondebunt ei et ipsi dicentes: domine, quando te
vidimus? Origenes in Matth. Considera, quia iusti
immorantur in unoquoque verbo, iniusti autem non ita per singula, sed cursim
dicunt: quoniam proprium est iustorum bene facta sua relata sibi in facie,
diligenter et per singula refutare causa humilitatis; malorum autem hominum
est culpas suas excusationis causa aut nullas esse ostendere, aut leves et
paucas. Sed et responsio Christi hoc ipsum signat; unde sequitur tunc
respondebit illis, dicens: amen dico vobis. Volens enim iustorum bene facta
ostendere grandia, peccatorum autem culpas non grandes, ad iustos quidem
dicit: ex eo quod fecistis uni ex minimis meis fratribus; ad iniustos autem
non adiecit: fratribus: revera enim fratres eius sunt qui perfecti sunt.
Gratius est autem apud Deum opus bonum quod fit in sanctioribus quam in minus
sanctis; et levior culpa est negligere minus sanctos quam sanctiores. Augustinus de Civ. Dei. Nunc autem de
novissimo iudicio agitur, quando Christus de caelo venturus est, vivos et
mortuos iudicaturus. Divini iudicii ultimum hunc diem dicimus, idest
novissimum tempus: nam per quot dies istud iudicium protendatur incertum est;
sed Scripturarum sanctarum more dies poni solet pro tempore. Ideo autem
dicimus ultimum iudicium vel novissimum, quia et nunc iudicat, et ab humani
generis initio iudicavit, a ligno vitae separans primos homines, et Angelis
peccantibus non parcens; in illo autem finali iudicio simul et homines, et Angeli
iudicabuntur: fiet enim virtute divina ut cuique opera sua vel bona vel mala
cuncta in memoriam revocentur, et mentis intuitu mira celeritate cernantur,
ut accuset vel excuset scientia conscientiam. |
Versets
31-45.
— Raban :
Après les paraboles qui avaient pour objet, la fin du monde, le Seigneur
décrit les circonstances du jugement dernier. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Cette partie du discours du Seigneur est pleine d’attrait, et nous devons
l’avoir sans cesse présente à l’esprit pour la méditer avec empressement et
componction ; car Jésus-Christ lui-même traite ce sujet en termes aussi
clairs qu’effrayants. Il ne dit plus comme précédemment : « Le royaume de Dieu est semblable »,
mais il parle de lui-même ouvertement : « Or,
quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire». — Saint Jérôme : Deux jours après, il
devait célébrer la Pâque, être livré au supplice de la croix et aux insultes des
hommes ; c’est donc dans une pensée toute de sagesse qu’il promet la gloire
de son triomphe, pour compenser par la promesse des récompenses à venir le
scandale qui devait résulter de sa passion. Et il faut bien remarquer que
celui que les hommes contempleront dans sa majesté c’est le Fils de l’homme. — Saint Augustin : (traité 21 sur S.
Jean.) Les impies le verront sous une forme humaine, aussi bien que ceux qui
seront placés à la droite ; car au jour du jugement il apparaîtra revêtu de
notre nature, mais ensuite il se révélera dans sa nature divine, que tous les
fidèles désirent ardemment de contempler. — Saint Rémi : Le Seigneur détruit
ainsi l’erreur de ceux qui prétendent qu’il n’a point conservé la forme
d’esclave qu’il a revêtue ; la majesté dont il parle ici, c’est la divinité
qui le rend égal au Père et au Saint-Esprit. — Origène : Ou
bien, il veut dire par là qu’il reviendra sur la terre avec cette même gloire
dont son corps fut entouré au jour de sa transfiguration sur la montagne. Son
trône, ce sont les saints les plus parfaits, dont il est écrit : « Là sont établis les siéges de la
justice » (Ps 121), ou bien les esprits angéliques, que saint Paul
appelle « les Trônes ou les
Dominations. » (Col 1) — Saint Augustin : (Cité de Dieu 20,
24.) Car il descendra avec ses anges qu’il appellera des hauteurs des cieux
pour juger les hommes avec lui, c’est pour cela qu’il ajoute : « et tous ses anges avec lui. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Tous les anges l’accompagneront pour attester tous leurs efforts dans
l’exercice du ministère qui leur avait été confié par le Seigneur pour le
salut des hommes. — Saint Augustin : Ou bien, sous le
nom d’anges, il veut désigner ici les hommes qui jugeront avec Jésus-Christ ;
car les anges sont des envoyés, et nous pouvons donner à juste titre ce nom à
tous ceux qui ont été envoyés pour annoncer le salut aux hommes. Suite :
« Et toutes les nations seront
rassemblées devant lui ». — Saint Rémi : Ces paroles
établissent la vérité de la résurrection future. — Saint Augustin : (Cité de Dieu 20,
21.) Or, ce rassemblement se fera par le ministère des anges à qui
s’adressent ces paroles : « Rassemblez
ses saints autour de lui. » (Ps 49.) — Origène : (traité
34 sur S. Matth.) Ces paroles peuvent être aussi entendues dans un sens
différent d’un rassemblement local, c’est-à-dire que les peuples ne seront
plus divisés en une multitude de croyances fausses à l’égard de Jésus-Christ
; car sa divinité éclatera aux yeux de tous les hommes sans exception, aux
yeux des pécheurs aussi bien que des justes, et il n’apparaîtra pas dans un
endroit à l’exclusion d’un autre, comme il a voulu nous l’apprendre lui-même
par la comparaison de l’éclair. Tant que les méchants ne connaissent ni
eux-mêmes, ni Jésus-Christ, et tant que les justes ne le voient que comme
dans un miroir et sous des images obscures, les justes ne sont pas séparés
des méchants ; mais lorsque la manifestation éclatante du Fils de l’homme
donnera à tous les hommes cette connaissance, alors le Sauveur séparera les
bons des méchants : « et il séparera les uns d’avec les autres, comme le
pasteur sépare les brebis d’avec les boucs ». Car d’un côté les pécheurs
verront distinctement [les suites de] leurs péchés ; et les justes, les
fruits qu’ont produits les semences de leur justice. Le Seigneur donne le nom
de brebis à ceux qui sont sauvés, à cause de la douceur qu’ils ont apprise à
l’école de celui qui a dit : « Apprenez
de moi que je suis doux » (Mt 11), et parce qu’ils ont été disposés
à aller jusqu’au sacrifice, à l’exemple de Jésus-Christ qui a été conduit à
la mort comme une brebis. (Is 53.) Les méchants sont appelés des boucs, parce
qu’ils gravissent des rochers escarpés et raboteux, et marchent à travers les
précipices dont ils sont bordés. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Ou bien encore, il appelle les uns des boucs pour montrer leur stérilité, car
les boucs ne produisent pas, et les autres des brebis, pour exprimer leur
fécondité spirituelle ; car les brebis produisent en abondance de la laine,
du lait et des agneaux. Mais la brebis, dans les saintes Écritures, signifie
plus ordinairement l’innocence et la simplicité. Les brebis sont donc ici une
figure touchante des élus. — Saint Jérôme : Le bouc est un animal lascif, toujours ardent
pour s’unir à sa femelle, et il était toujours offert sous la loi comme
victime pour le péché (Lv 4, 23 ; 9, 3 ; 23, 19 ; Nb 7, 82 ; 15, 24 ; 28, 22
; 29, 38, etc...). Il n’est point ici question des chèvres qui peuvent avoir
des petits, et qui sortent pures du lavoir après avoir été tondues. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
il les sépare encore en leur donnant une place différente : « et il mettra les brebis à sa droite
et les boucs à sa gauche. » — Origène : Car
les saints, dont les oeuvres ont été marquées par la droiture, recevront pour
récompense de ces œuvres droites d’être placés à la droite du Roi, au sein du
repos et de la gloire, tandis que les méchants, en punition de leurs oeuvres
mauvaises et sans droiture, sont tombés à la gauche, c’est-à-dire dans les
plus tristes tourments : « Alors le roi dira à ceux qui sont à sa droite
: Venez », afin de recevoir en vertu de leur union parfaite avec
Jésus-Christ, tout ce qui pouvait leur manquer. Il ajoute : « les bénis
de mon Père », et il fait ainsi
ressortir l’excellence de cette bénédiction qu’ils ont reçue auparavant du
Dieu qui a fait le ciel et la terre. — Raban : Ou bien il les appelle bénis, parce qu’ils ont mérité par
leurs bonnes oeuvres l’éternelle bénédiction. Il dit : « le royaume de mon Père », parce qu’il rapporte la
puissance royale à celui qui la lui a transmise par l’éternelle génération,
et c’est en vertu de cette puissance royale, qui le couvrira seul de gloire
dans ce dernier jour, qu’il prononcera la sentence du jugement. Aussi est-ce
d’une manière significative qu’il ajoute : « Alors le roi dira ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Remarquez encore qu’il ne dit pas : « Recevez », mais : « Possédez », ou bien : « Héritez », comme d’un bien de famille, comme d’un
patrimoine, ou de biens qui vous sont acquis depuis longtemps : « Possédez ce royaume qui vous est
préparé depuis le commencement du monde. » — Saint Jérôme : Il faut entendre ces
paroles d’après les règles de la prescience de Dieu pour qui l’avenir est
comme le passé. — Saint Augustin : (Cité de Dieu, 20,
1.) Indépendamment de ce royaume dont
le Seigneur doit dire à la fin du monde : « Prenez
possession du royaume qui vous a été préparé », l’Église de la terre
est aussi appelée son royaume, quoique dans un sens bien différent, royaume
où il faut encore combattre contre les ennemis jusqu’à ce que nous parvenions
à ce royaume de paix où le règne n’aura plus d’ennemis. — Saint Augustin : (de la Pén., hom.
50.) Mais peut-être quelques-uns diront : Je n’ai point l’ambition de régner,
il me suffit d’être sauvé. Or, ce qui les trompe d’abord, c’est qu’il n’y a
point de salut à espérer pour ceux qui persévèrent dans l’iniquité. En
supposant ensuite qu’il y ait une différence entre ceux qui règnent et ceux
qui ne règnent pas, il faut, toutefois, que tous les élus fassent partie du
même royaume, s’ils ne veulent être comptés parmi les ennemis et les
étrangers, et condamnés à périr, alors que tous les autres sont couronnés.
Est-ce que tous les Romains ne sont pas en possession de l’empire Romain,
bien que tous ne soient pas appelés à le gouverner ? — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Notre-Seigneur fait ensuite connaître les œuvres qui auront mérité aux saints
les biens du royaume du ciel, en disant : « J’ai
eu faim, et vous m’avez donné à manger ». — Saint Rémi : Remarquez que le
Seigneur fait ici mention de six oeuvres différentes de miséricorde, et celui
qui aura mis tous ses soins à les accomplir, méritera de posséder le royaume
qui a été préparé aux élus dès le commencement du monde. — Saint Rémi : [référence à vérifier] Dans le sens spirituel,
ranimer et nourrir du pain de la parole, ou rafraîchir du breuvage de la
sagesse ceux qui ont faim et soif de la justice ; recevoir dans le sein de
l’Église notre mère, ceux qui s’égarent dans les sentiers de l’hérésie et du
péché ; supporter ceux qui sont faibles dans la foi, c’est observer les
prescriptions de la vraie charité. — Saint Grégoire : (Moral., 24, 26.)
Ceux qui seront placés à la droite et à qui le souverain juge dira : « J’ai eu faim, etc... », sont ceux qui ont été
admis au nombre des élus et appelés à régner, ceux qui ont lavé dans leurs
larmes les taches de leur vie, qui ont racheté leurs péchés passés par toute
la suite de leurs oeuvres, et couvert de leurs aumônes, aux yeux du Juge,
toutes les fautes qu’ils avaient commises. Il en est d’autres qui sont
appelés à régner sans être soumis au jugement, ce sont ceux qui ont été bien
au delà des préceptes de la loi par la perfection de leur vertu. — Origène : Par
un profond sentiment d’humilité, ils se déclarent indignes des louanges
données à leurs bonnes oeuvres, sans toutefois avoir oublié ce qu’ils ont
fait, et le Seigneur, par sa réponse, fait éclater toute l’affectIon qu’il
porte aux siens : « Alors les
justes lui répondront : Quand est-ce que nous vous avons vu, etc...? » — Raban : S’ils parlent ainsi, ce n’est point qu’ils doutent de la
vérité des paroles du Seigneur, mais ils s’étonnent d’une si grande
élévation, et de la haute dignité dont il couronne leurs oeuvres. Ou bien ils
s’expriment de la sorte, parce que le bien qu’ils ont fait leur paraît peu de
chose selon ces paroles de l’Apôtre : « Les souffrances de la vie présente n’ont aucune proportion
avec cette gloire qui doit un jour éclater en nous. » (Rm 8) - « Et le Roi leur répondra : Je vous
le dis en vérité, autant de fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus
petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». — Saint Jérôme : Nous étions libres
d’entendre que Jésus-Christ, quand il avait faim, était nourri, et que sa
soif était étanchée dans la personne de tous les pauvres, et ainsi des autres
bonnes oeuvres ; mais ces paroles : « Autant
de fois que vous avez agi ainsi à l’égard de l’un des plus petits d’entre mes
frères », ne me paraissent pas devoir s’appliquer à tous les pauvres
indistinctement, mais seulement aux pauvres d’esprit qu’il indiquait de la
main en disant : « Mes frères sont
ceux qui font la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Mt
12 ; Mc 13.) — Saint Jean Chrysostome : (hom.
79.)Mais s’ils sont ses frères, pourquoi les appelle-t-il les plus petits ?
Parce qu’ils sont humbles, parce qu’ils sont pauvres, parce qu’ils sont
délaissés. Or, il veut parler ici non seulement des solitaires qui se sont
retirés dans les montagnes, mais de tout fidèle, quel qu’il soit, même de
celui qui vit dans le monde ; s’il a faim, ou s’il éprouve quelque besoin
semblable, il veut que la miséricorde vienne à son secours, car c’est le
baptême et la participation aux mêmes mystères qui établissent cette
fraternité. « Il dira ensuite à ceux qui seront à
la gauche : Retirez-vous, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le
Diable et pour ses anges. » — Origène : De
même qu’il avait dit aux justes : « Venez »,
il dit aux méchants : « Retirez-vous »
; car ceux qui gardent les
commandements de Dieu sont près du Verbe, et ils sont appelés à s’en
rapprocher encore davantage, tandis que ceux qui n’accomplissent pas ses
commandements sont loin de lui, bien qu’ils paraissent en être rapprochés, et
il leur dit : « Retirez-vous », pour que, eux qui semblaient auparavant
vivre en sa présence, n’en donnent même plus l’impression dorénavant. Remarquez
aussi que s’il a dit : « Les bénis
de mon Père », il ne dit pas ici : « Les maudits de mon Père »
; car le Père est la source de toute bénédiction, mais chacun devient pour
soi-même une cause de malédiction, en faisant des oeuvres dignes de malédiction.
Or, ceux qui s’éloignent de Jésus, tombent dans le feu éternel, feu bien
différent de celui qui sert à notre usage ; car il n’y a point sur la terre
de feu qui soit éternel, ni même qui dure bien longtemps. Considérez aussi
qu’il n’a point dit que le royaume fut préparé pour les anges, tandis qu’il
déclare que le feu éternel a été préparé pour, le diable et pour ses anges.
En effet, Dieu n’a point créé les hommes pour leur perte, mais ce sont les
hommes qui, par leurs péchés, unissent leur sort à celui du démon ; et de
même que les élus deviennent semblables aux saints anges, ainsi ceux qui périssent
pour l’éternité, deviennent semblables aux anges du démon. — Saint Augustin : (Cité de Dieu, 21,
10.) Nous devons conclure de ce passage, que c’est le même feu qui servira au
supplice des hommes et à celui des démons. Mais si le feu doit tourmenter les
corps avec lesquels il sera en contact, comment pourra-t-il être le supplice
des esprits mauvais, à moins de dire avec quelques-uns que les démons ont une
certaine espèce de corps, formés de cet air grossier et humide qui nous
entoure. Si l’on prétend, au contraire, que les démons ne sont revêtus
d’aucun corps, quel qu’il soit, il est inutile de prolonger la discussion sur
cette question. Car pourquoi n’admettrions-nous pas que des esprits
incorporels, par des moyens aussi vrais qu’ils sont merveilleux, trouvent
leur supplice dans la peine d’un feu matériel, puisque les âmes des hommes,
qui sont certainement incorporelles, pourront bien alors être unies à leurs
corps par des liens indissolubles, de même qu’elles sont comme enchaînées
maintenant dans les corps qu’elles animent. Les démons, bien que d’une nature
incorporelle, seront donc comme attachés a ce feu matériel qui les tourmente,
non pour lui donner la vie, mais pour y trouver leur châtiment. Or, le feu
sera corporel, et il sera le tourment tout à la fois des corps des hommes
réunis à leurs âmes, et des esprits des démons qui n’ont pas de corps. — Origène : Ou
bien peut-être, la nature de ce feu est de brûler les substances invisibles,
parce qu’il est invisible lui-même, selon ces paroles de l’Apôtre : « Les choses visibles sont
passagères, mais les invisibles sont éternelles. » Or, ne soyez pas
surpris qu’un feu invisible devienne un instrument de supplice, puisque vous
voyez tous les jours les corps eux-mêmes souffrir horriblement d’une chaleur
toute intérieure. Ensuite : « J’ai
eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger. » Saint Paul écrit
aux fidèles de Corinthe : « Vous
êtes le corps de Jésus-Christ. » (1 Co 12.) De même donc que l’âme,
qui est unie au corps, bien qu’elle ne puisse avoir faim dans sa substance
incorporelle, éprouve cependant le besoin de nourriture pour le corps, parce
qu’elle lui est unie ; ainsi le Sauveur ressent toutes les souffrances de
l’Église qui est son corps, tout impassible qu’il est lui-même. Remarquez
qu’en s’adressant aux justes, il énumère l’un après l’autre toutes leurs
bonnes oeuvres, tandis qu’en parlant aux méchants, il abrége cette
énumération en réunissant leurs fautes contre la charité. « J’ai été malade et en prison, et
vous ne m’avez pas visité ». Il était digne, en effet, de ce juge
miséricordieux, d’énumérer avec complaisance et de rehausser les bonnes
oeuvres des hommes, et d’abréger, au contraire, l’énumération de leurs
mauvaises actions. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Or, considérez que ce n’est point dans une ou deux circonstances, mais dans
toutes absolument, qu’ils ont manqué aux devoirs de la miséricorde ; car non seulement
ils n’ont pas nourri celui qui avait faim, mais ce qui demandait beaucoup
moins de peine, ils n’ont pas visité les malades. Voyez, d’ailleurs, quels
devoirs faciles il prescrit. Il ne dit pas : J’étais en prison, et vous ne
m’en avez pas fait sortir ; j’étais malade, et vous ne m’avez pas guéri, mais
: « Vous ne m’avez pas visité,
vous n’êtes pas venus à moi. » Il ne demande pas non plus pour
apaiser sa faim une nourriture recherchée, mais ce qui est strictement
nécessaire. Tout se réunit donc pour justifier le supplice qu’il leur
inflige. Premièrement, la facilité de donner ce qui leur était demandé,
c’était du pain ; secondement, la misère de celui qui leur faisait cette
demande, et il était pauvre ; troisièmement, la compassion naturelle qu’ils
devaient éprouver pour lui, car il était homme ; quatrièmement, le désir
d’obtenir la récompense promise, c’était un royaume ; cinquièmement, la
dignité de celui qui recevait ces secours, c’était Dieu dans la personne des
pauvres ; sixièmement, l’honneur extraordinaire que Dieu leur faisait, en
daignant recevoir de leurs mains ; septièmement, la justice de ce don,
puisqu’il ne reçoit que ce qui lui appartient. Mais l’avarice rend les hommes
aveugles sur toutes choses. — Saint Grégoire : (Moral., 26, 20.)
Ceux à qui le Seigneur tient ce langage, sont les mauvais chrétiens qui sont
jugés avant d’être livrés au supplice, tandis, que les infidèles subissent
leur châtiment sans jugement préalable. En effet, on ne discutera pas la
cause de ceux qui se présentent devant le tribunal du juge rigoureux avec la
sentence de condamnation que leur a méritée leur infidélité. Ce sont ceux qui
ont fait profession de la vraie foi sans en avoir les oeuvres, qui auront à
subir le jugement avant d’être punis. Ils entendront le souverain juge
prononcer leur sentence, parce qu’ils ont au moins conservé la doctrine de la
foi, tandis que les infidèles n’entendront même pas la parole du juge éternel
prononçant leur condamnation, parce qu’ils n’ont même pas voulu lui rendre
hommage par la confession extérieure de sa parole. C’est ainsi qu’un roi de
la terre inflige un châtiment différent au citoyen qui se rend coupable dans
l’intérieur du royaume, et à l’ennemi qui l’attaque au dehors ; avant de
punir le premier, il examine ses droits, tandis qu’il déclare la guerre au
second sans s’occuper de ce que la loi renferme sur le châtiment qu’il
mérite. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Ainsi convaincus par cette accusation du juge, ils lui répondent avec douceur
: « Alors, prenant la parole, ils
répondront : ‘Mais, Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu, …
? » — Origène : Remarquez
que les justes s’arrêtent à chaque parole du Seigneur, tandis que les
méchants les effleurent non pas une par une, mais comme en courant ; car un
des caractères des justes lorsqu’on déroule sous leurs yeux le tableau de
leurs bonnes oeuvres, c’est de repousser ces éloges et de les réfuter en
détail par un profond sentiment d’humilité ; les méchants, au contraire, qui
ne cherchent qu’à s’excuser, nient leurs crimes, ou en atténuent le nombre et
l’énormité. La réponse de Jésus-Christ vient confirmer cette vérité : « Mais il leur répondra : Je vous le
dis en vérité, … » Il veut rehausser la grandeur des bonnes oeuvres
des justes, et dissimuler, au contraire, l’énormité des crimes des méchants,
il dit aux justes : « Autant de
fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères »,
tandis qu’en parlant aux méchants, il supprime le mot de frères. Les frères
de Jésus sont les chrétiens parfaits, et il est plus agréable à Dieu que nous
fassions du bien à ceux qui sont plus avancés dans la perfection qu’à ceux
qui le sont moins, de même que nous sommes moins coupables de ne pas assister
ceux qui sont d’une sainteté moins éminente. — Saint Augustin : (Cité de Dieu, 20, 1.) Il s’agit donc maintenant du jugement dernier, alors que Jésus-Christ descendra du ciel pour juger les vivants et les morts ; nous appelons ce jour « du jugement de Dieu », le dernier jour, c’est-à-dire le dernier temps ; car nous ignorons quelle sera la durée de ce jugement, le mot jour étant pris ici pour le temps selon l’habitude des saintes Écritures. Or, nous appelons ce jugement le dernier jugement, parce que Dieu juge dès maintenant, et il a jugé dès le commencement du monde en éloignant nos premiers parents de l’arbre de vie (Gn 3), et en n’épargnant pas les anges prévaricateurs. Mais dans ce jugement final, les anges seront juges aussi bien que les hommes Par un effet de la puissance divine, toutes les oeuvres bonnes ou mauvaises que les hommes ont faites, seront rappelées au souvenir de chacun d’eux, elles viendront se placer sous les yeux de leur âme avec une étonnante rapidité, pour que leur conscience y trouve le principe de leur condamnation ou de leur justification. |
Lectio 4 [85585] Catena in Mt., cap. 25 l. 4 Augustinus
de fide et operibus. Nonnulli seipsos seducunt, dicentes ignem aeternum
dictum, non ipsam poenam aeternam. Hoc
praevidens dominus, sententiam suam ita conclusit dicens et ibunt hi in
supplicium aeternum, iusti vero in vitam aeternam. Origenes in Matth. Attende quoniam, cum
prius dixisset: venite, benedicti, deinde: discedite, maledicti, propterea
quod proprium boni Dei est primum recordari benefacta bonorum quam malefacta
malorum, hic prius nominat poenam malorum, deinde vitam bonorum: ut primum
quae timoris sunt, evitemus mala; postea quae honoris sunt, appetamus bona.
Gregorius Moralium. Si ergo tanta poena
mulctatur qui non dedisse convincitur, qua poena feriendus est qui
redarguitur abstulisse aliena? Augustinus de Civ. Dei. Est autem vita aeterna
summum bonum nostrum, et finis civitatis Dei; de quo fine dicit apostolus:
finem vero vitam aeternam. Sed rursus, quia vita aeterna ab his qui
familiaritatem non habent cum Scripturis sanctis, potest accipi etiam in vita
malorum propter animae immortalitatem, vel propter interminabiles poenas
impiorum; profecto finis civitatis huius, in quo summum habebitur bonum, vel
pax in vita aeterna, vel vita aeterna in pace dicendus est, ut ab omnibus
possit intelligi. Augustinus de Trin. Quod enim dixit dominus
famulo suo Moysi: ego sum qui sum, hoc contemplabimur cum vivemus in
aeternum. Ita enim dominus ait: haec est vita aeterna ut cognoscant te verum
Deum. Haec enim nobis contemplatio promittitur actionum omnium finis, atque
aeterna perfectio gaudiorum, de qua dicit Ioannes: videbimus eum sicuti est.
Hieronymus. Prudens autem lector intende, quod
et supplicia aeterna sunt: et vita perpetua metum deinceps non habeat
ruinarum. Gregorius Dialog. Inquiunt: ideo peccantibus
minatus est, ut eos a peccatis compesceret; quibus respondemus: si falsa
minatus est ut iniustitiam corrigeret, etiam falsa promiserat, ut ad
iustitiam provocaret; et sic dum satagunt Deum perhibere misericordem, non
verentur praedicare fallacem. At, inquiunt, sine fine puniri non debet culpa
cum fine: quibus respondemus, quod recte dicerent, si iudex iustus non corda
hominum, sed facta pensaret. Ad districti ergo
iudicis iustitiam pertinet ut numquam careant supplicio quorum mens in hac
vita numquam voluit carere peccato. Augustinus de Civ. Dei. Nullius etiam legis
iustitia attendit ut tanta mora temporis quisque puniatur, quanta unde
puniretur admisit. Nullus enim extitit qui censeret tam cito nocentium
finienda esse tormenta, quam cito factum est homicidium vel adulterium. Qui
vero pro aliquo grandi crimine morte mulctatur, numquid moram qua occiditur,
eius supplicium leges existimant, et non quod eum in sempiternum auferant a
societate viventium? Iam vero damnum, ignominia, exilium, servitus, cum
plerumque sic infligantur ut nulla venia relaxentur, nonne pro huius vitae
modo similia poenis videntur aeternis? Ideo quippe aeterna esse non possunt,
quia nec ipsa vita quae his plectitur, porrigitur in aeternum. Sed inquiunt:
quomodo ergo verum est quod ait Christus: in qua mensura mensi fueritis,
remetietur vobis, si temporale peccatum supplicio punitur aeterno? Nec
attendunt non propter aequale temporis spatium, sed propter vicissitudinem
mali; idest, ut qui mala fecerit, mala patiatur, eamdem dictam mensuram fuisse.
Factus est autem homo malo dignus aeterno, qui hoc in se peremit bonum quod
esse posset aeternum. Gregorius Dialog. At inquiunt: nullus iustus
crudelitatibus pascitur, et delinquens servus a iusto domino idcirco caedi
praecipitur, ut a nequitia corrigatur. Iniqui autem Gehennae ignibus traditi,
quo fine semper ardebunt? Quibus respondemus, quod omnipotens Deus, quia pius
est, miserorum cruciatu non pascitur; quia autem iustus est, ab iniquorum
ultione non sedatur; et tamen ad aliquid iniqui semper concremantur, ut
scilicet iusti tanto in aeternum magis divinae gratiae debitores se esse
cognoscant, quanto in aeternum mala puniri conspiciunt, quae eius adiutorio
vitare potuerunt. Augustinus de Civ. Dei. Sed nullum est,
inquiunt, corpus quod dolere possit, mori non possit. Necesse est autem ut
vivat dolens, non est necesse ut occidat dolor; quia nec corpora ista
mortalia omnis dolor occidit; et ut dolor aliquis possit occidere, illa causa
est, quoniam sic connexa est anima huic corpori ut summis doloribus cedat
atque discedat; tunc autem tali corpori anima et eo connectitur modo ut illud
vinculum nullo dolore vincatur. Non ergo tunc nulla, sed sempiterna mors
erit, quando nec vivere anima poterit, Deum non habendo, nec doloribus
corporis carere moriendo. Inter huiusmodi autem aeternitatem supplicii
negantes misericordior fuit Origenes, qui et ipsum Diabolum et Angelos eius
post graviora pro meritis et diuturna supplicia ex illis cruciatibus eruendos
et sociandos sanctis Angelis credidit. Sed illum et propter hoc et propter
alia nonnulla non immerito reprobavit Ecclesia: quia et hoc quod misericors
videbatur amisit, faciendo veras miserias, quibus poenas luerent, et falsas
beatitudines in quibus securum et sempiternum boni gaudium non haberent. Longe
autem aliter aliorum misericordia errat affectu, qui hominum illo iudicio
damnatorum miserias temporales, hominum vero qui vel citius, vel tardius
liberantur, aeternam felicitatem putant. Cur
autem haec misericordia ad universam naturam manat humanam, et cum ad
angelicam ventum fuerit, mox arescit ? Gregorius Dialog. At inquiunt: ubi est quod
sancti sunt, si pro inimicis suis, quos tunc ardere viderint, non orabunt?
Orant quidem pro inimicis suis eo tempore quo possunt ad fructuosam poenitentiam
eorum corda convertere; quomodo autem tunc orabitur pro illis qui iam
nullatenus possunt ab iniquitate commutari? Augustinus de Civ. Dei. Item sunt alii ab
aeterno supplicio liberationem non omnibus hominibus promittentes, sed
tantummodo Christi Baptismate ablutis, qui participes sunt corporis eius,
quomodolibet vixerunt: propter illud quod ait dominus: si quis manducaverit
ex hoc pane, non morietur in aeternum. Item sunt qui non omnibus habentibus
Christi sacramentum, sed solum Catholicis, quamvis male viventibus, hoc
pollicentur, qui non solum sacramento, sed re ipsa manducaverunt corpus
Christi, in corpore eius quod est Ecclesia constituti, etiam si postea, in
aliquam haeresim vel in gentilium idololatriam fuerint lapsi. Sunt autem qui
propter id quod scriptum est supra: qui perseveravit usque in finem, hic
salvus erit, non nisi in Catholica Ecclesia perseverantibus hoc promittunt,
quod merito fundamenti, idest fidei, per ignem salventur; quo igne in ultimo
iudicio punientur mali. Sed omnibus his contradicit apostolus dicens:
manifesta sunt opera carnis, quae sunt immunditia, fornicatio, et his
similia; quae praedico vobis quoniam qui talia agunt, regnum Dei non
possidebunt. Si quis autem temporalia in corde suo praeponit Christo, etsi
videatur habere fidem Christi, non est tamen in eo fundamentum Christus, cui
alia praeponuntur: quanto magis si committat illicita, non praeposuisse, sed
postposuisse Christum, convincitur? Comperi etiam quosdam putare eos solum
arsuros illius aeternitate supplicii, qui pro peccatis dignas eleemosynas
facere negligunt; ideo iudicem ipsum noluisse existimant aliud commemorare se
esse dicturum, nisi eleemosynas sive factas, sive non factas. Sed qui digne
pro peccatis suis eleemosynas facit, prius eas facere incipit a seipso:
indignum est enim ut ipse sibi non faciat qui facit in proximum, cum audiat
dicentem Deum: diliges proximum tuum sicut teipsum; itemque audiat: miserere
animae tuae, placens Deo. Hanc eleemosynam, idest ut Deo placeat, non faciens
animae suae, quomodo dignas pro peccatis suis facere eleemosynas dicendus
est? Propter hoc ergo eleemosynae faciendae sunt, ut cum de praeteritis
peccatis deprecamur, exaudiamur; non ut in eis perseverantes, licentiam male
faciendi nos per eleemosynas comparare credamus. Ideo autem dominus a dextris
eleemosynas ab eis factas, in sinistris, non factas se imputaturum esse
praedixit, ut hinc ostenderet quantum valent eleemosynae ad priora delenda,
non ad perpetua impune committenda peccata. Origenes in Matth. Vel non unius tantum
iustitiae species remuneratur, sicut existimant multi. In quibuscumque enim
causis mandatum Christi quis fecerit, Christum cibat et potat, qui fidelium
iustitiam et veritatem manducat et bibit. Item Christo algenti teximus
vestimentum, accipientes sapientiae texturam, adeo ut per doctrinam aliquos
doceamus, et induamus eos viscera misericordiae. Quando etiam praeparamus cor
nostrum diversis virtutibus ad receptaculum eius, vel illorum quae sunt
ipsius, ipsum peregrinantem suscipimus in domum pectoris nostri. Item cum fratrem infirmum sive in fide sive in bono opere
visitaverimus, aut per doctrinam, aut per increpationem, aut per
consolationem, ipsum Christum visitamus. Deinde
omne quod hic est, carcer est Christi, et eorum qui sunt eius, qui sunt in
hoc mundo degentes, quasi etiam in carcere naturae necessitate constricti. Cum ergo bonum opus in eis fecerimus, visitamus eos in carcere, et
Christum in eis. |
Verset 46.
— Saint Augustin : (de la foi et des oeuvres, chap. 15.) Il en est qui cherchent a se tromper eux-mêmes, en soutenant que c’est le feu et non pas le supplice, que Notre-Seigneur déclare être éternel, et c’est en prévision de cette erreur qu’il conclut son propos en ces termes : « Et ceux-ci iront dans le supplice éternel, et les justes dans la vie éternelle. » — Origène : [référence à vérifier] Remarquez que précédemment ce
n’est qu’après avoir dit aux élus : « Venez
les bénis de mon Père »,
qu’il adresse aux réprouvés ces terribles paroles : « Retirez-vous, maudits »,
parce qu’il est dans la nature d’un Dieu bon de se rappeler les bonnes
oeuvres des justes avant les crimes des méchants ; ici, au contraire, il
prédit le supplice des méchants avant la récompense des bons, pour nous faire
éviter les malheurs qui doivent nous inspirer d’abord de la crainte, avant
que nous désirions les biens qui doivent nous combler d’honneur et de gloire. — Saint Grégoire : (Moral., 15, 9).
Si le châtiment de celui qui est accusé de n’avoir pas donné son bien est si
grand, que sera le supplice infligé à celui qui sera convaincu d’avoir pris
le bien des autres ? — Saint Augustin : (Cité de Dieu, 19,
11.) Or, la vie éternelle est notre souverain bien, et la fin de la Cité de
Dieu, dont l’Apôtre a dit : « La
fin, c’est la vie éternelle ». (Rm 6.) Mais comme ceux qui ne sont
pas familiarisés avec le langage des saintes Écritures pourraient aussi
entendre la vie éternelle de la vie des méchants, parce que leur âme est
immortelle, ou à cause des supplices sans fin dont leur impiété est punie, on
doit, pour être compris de tous, dire que la fin de cette cité dans laquelle
on jouira du souverain bien, est la paix dans la vie éternelle, ou la vie
éternelle dans la paix. — Saint Augustin : (de la Trin., 9.)
Ce que Dieu disait de lui-même à son serviteur Moïse : « Je suis celui qui suis » (Ex 3), c’est ce que nous
contemplerons en vivant éternellement, comme Notre-Seigneur lui-même le
déclare : « La vie éternelle,
c’est de vous connaître, vous le seul Dieu véritable » ; car cette contemplation
de Dieu nous est promise comme la fin de toutes nos oeuvres, et le complément
éternel de toutes nos joies, et c’est d’elle que saint Jean a voulu parler,
lorsqu’il disait : « Nous le
verrons tel qu’il est. » (1 Jn 3.) — Saint Jérôme : Remarquez, sage
lecteur, que les supplices sont éternels, et que la vie éternelle n’a plus à
craindre désormais d’épreuves fâcheuses. — Saint Grégoire : (Moral., 34, 16.)
Mais, dit-on, c’est une simple menace que Dieu fait aux pécheurs pour les
arrêter dans le chemin du vice. Si Dieu, répondrons-nous, a menacé de
châtiments imaginaires pour retirer les pécheurs de l’iniquité, il a promis
également des récompenses mensongères pour exciter à la pratique de la vertu
; et c’est ainsi qu’en s’efforçant de défendre la miséricorde de Dieu, ils ne
craignent pas de détruire ouvertement sa vérité. Mais, dira-t-on encore, une
faute finie ne peut-être punie par un supplice infini ? Nous répondrons que
ce raisonnement serait juste, si le juste juge examinait et pesait seulement
les actions des hommes, et non pas leurs cœurs. La justice fait donc un
devoir à ce juge équitable de ne laisser jamais sans supplice des âmes qui,
en ce monde, n’ont voulu rester aucunement sans péché. — Saint Augustin : (Cité de Dieu,
chap. 11) Sous aucune législation, la justice ne s’attache à proportionner la
durée du châtiment à la durée du crime. Jamais personne n’a soutenu, par
exemple, que la peine qui punit l’homicide ou l’adultère, ne dût pas se
prolonger au delà du temps qu’ont duré ces crimes. Lorsqu’un homme est condamné
à mort pour quelque grand crime, est-ce que les lois mesurent sa punition sur
le temps que dure son supplice ? et n’est-ce pas plutôt parce que la mort le
retranche pour toujours de la société humaine ? Et d’ailleurs, la
confiscation, la flétrissure, l’exil, l’esclavage, lorsque toutes ces peines
sont appliquées dans toute leur rigueur et sans aucun adoucissement, ne
sont-elles pas semblables aux peines éternelles, autant qu’elles peuvent
l’être en cette vie ? si elles ne sont pas éternelles, c’est que la vie
elle-même qu’elles atteignent ne dure pas éternellement. Mais, ajoute-t-on,
où est la vérité de cette parole de Jésus-Christ : « Vous serez mesurés avec la même mesure dont vous vous serez
servis à l’égard des autres » (Mt 7), si un péché qui n’a duré qu’un
instant est puni par un supplice éternel ? [Nous répondons qu’]en parlant de
la sorte, on ne fait pas attention que cette même mesure, dont parle le Seigneur,
doit s’entendre non pas d’une peine égale en durée à la faute, mais de la
peine elle-même qui, par une juste réciprocité, sera le châtiment du mal
qu’on aura fait aux autres. Or, l’homme s’est rendu digne d’un mal éternel
pour avoir détruit en lui-même un bien qui pouvait être éternel. — Saint Grégoire : (Moral., 34, 46.)
On fait une nouvelle objection : il n’y a pas d’homme juste qui puisse se
complaire dans des cruautés [gratuites], et si un maître qui est juste, fait
battre de verges son serviteur coupable, c’est pour le corriger de ses vices,
mais quel sera le but de ces feux éternels dans lesquels les méchants seront
éternellement consumés ? Nous répondons que le Dieu tout-puissant ne peut se
repaître des tourments des malheureux, parce qu’il est miséricordieux, ni
être apaisé par le supplice des coupables, parce qu’il est juste ; mais une
des fins pour lesquelles les méchants seront brûlés éternellement, c’est afin
que les justes se reconnaissent éternellement d’autant plus redevables à la
grâce divine, en voyant punies pour l’éternité des fautes que le secours de
la grâce leur a fait éviter. — Saint Augustin : (Cité de Dieu, 21,
3.) Mais, ajoute-t-on encore, il n’existe aucun corps qui soit sujet à la
souffrance, sans être sujet à la mort. Nous répondons qu’il est nécessaire
qu’il vive pour souffrir, mais qu’il n’est pas nécessaire que la souffrance
lui ôte la vie. Est-ce que toute souffrance donne actuellement la mort à nos
corps qui sont cependant mortels ? Il est en effet des douleurs qui peuvent
causer la mort, mais la cause en est que l’union actuelle de l’âme avec le
corps ne peut résister, et cède devant des souffrances excessives. Mais
alors, la nature du corps auquel l’âme sera unie, et les liens eux-mêmes qui
établiront cette union seront à l’épreuve de toutes les douleurs. On ne peut
pas dire qu’il n’y aura plus alors de mort ; mais la mort sera éternelle,
parce que l’âme ne pourra vivre privée de Dieu, et qu’elle ne pourra échapper
par la mort aux douleurs du corps. Parmi ceux qui ont nié l’éternité des
peines de l’enfer, le plus miséricordieux est Origène qui a cru que le démon
lui-même et ses anges, après de rigoureux et longs supplices proportionnés à
leurs fautes, obtiendraient leur délivrance, et rentreraient dans la société
des saints anges. Mais l’Église l’a condamné avec raison pour cette erreur et
d’autres encore ; et il perdit jusqu’à ces faux dehors de miséricorde en
créant aux saints de véritables souffrances, qui seraient pour eux des
châtiments expiatoires, et une félicité mensongère, où leur joie n’aurait
aucune sécurité, parce qu’elle ne serait point éternelle. Mais une erreur
bien différente, et qui part toujours d’un faux sentiment de compassion, est
celle qui prétend que les souffrances des hommes condamnés dans ce jugement
n’auront qu’un temps, et qu’après avoir été délivrés tôt ou tard, ils
jouiront d’un bonheur éternel. Mais pourquoi cette miséricorde, qui se répand
sur toute la nature humaine, se tarit-elle aussitôt qu’elle arrive à la
nature angélique ? — Saint Grégoire : (comme
précédemment.) Mais comment, objecte-t-on encore, peut-on croire à la
sainteté de ceux qui ne prieront point pour leurs ennemis qu’ils verront
alors la proie des flammes ? Les saints prient pour leurs ennemis, tant que
leurs prières peuvent amener leurs cœurs à un repentir utile et salutaire,
mais pourquoi prieraient-ils pour ceux qui ne peuvent plus en aucune façon
être séparés de l’iniquité ? — Saint Augustin : (Cité de Dieu,
19.) Il en est d’autres encore qui promettent la délivrance des peines
éternelles, non pas à tous les hommes indistinctement, mais seulement à ceux
qui ont été justifiés par le baptême de Jésus-Christ, et qui participent à
son corps, quelle qu’ait été d’ailleurs leur vie ; et ils se fondent sur les
paroles du Seigneur : « Si
quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. » Il en est
d’autres qui font cette promesse, non pas à tous ceux qui ont participé au
sacrement du Christ, mais aux seuls catholiques, bien que leur vie soit
répréhensible, et cela parce qu’ils ont mangé, non seulement dans le
sacrement mais en réalité, le corps de Jésus-Christ, en faisant partie de son
corps mystique qui est l’Église ; et [ils leur garantissent ce bonheur] quand
même ils seraient tombés plus tard dans l’hérésie ou dans l’idolâtrie. Il en
est encore qui s’appuient sur ces paroles du Seigneur : « Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, sera sauvé »
(Mt 23-24), pour promettre exclusivement le bonheur éternel à ceux qui
persévéreront dans 1’Église catholique, quoiqu’ils y vivent d’une manière
déréglée, parce que, disent-ils, en vertu du fondement de la foi qu’ils
auront conservée, ils seront sauvés par le feu (1 Co 3) qui doit devenir le
supplice des méchants au dernier jour. Mais l’Apôtre condamne toutes ces
erreurs par ces paroles : « Il est
aisé de connaître les oeuvres de la chair qui sont l’impureté, la
fornication, et autres crimes semblables, et je déclare que ceux qui les
commettent, ne posséderont pas le royaume de Dieu ». (Ga 5.) Si quelqu’un, en effet, préfère les
choses de la terre à Jésus-Christ, bien qu’il paraisse avoir la foi en
Jésus-Christ, Jésus-Christ n’est cependant pas le fondement (1 Co 3, 11) de
ses oeuvres, puisqu’il lui préfère des biens périssables ; mais s’il fait
plus, et qu’il commette l’iniquité, ce n’est plus seulement le second rang,
mais le dernier, qu’il donne à Jésus-Christ. J’en ai rencontré aussi qui
pensent que la peine des flammes éternelles n’atteindra que ceux qui auront
omis d’expier leurs péchés par de dignes aumônes ; c’est pour cela,
disent-ils, que le souverain juge n’a voulu rappeler au jugement dernier que
les aumônes qui ont été faites ou omises. Mais celui qui expie ses péchés par
des aumônes proportionnées à ses fautes, devrait commencer par se faire
l’aumône à lui-même ; car c’est une indignité que de se refuser à soi-même ce
qu’il accorde à son prochain, lorsqu’il entend le Seigneur lui dire : « Vous aimerez votre prochain comme
vous-même », et encore : « Ayez
pitié de votre âme, en vous efforçant de plaire à Dieu. » Or,
comment peut-on dire qu’il expie dignement ses péchés par ses aumônes, lui
qui ne fait point à son âme l’aumône de plaire à Dieu ? Il faut donc faire
des aumônes pour nous rendre Dieu favorable lorsque nous le prions de nous
pardonner nos péchés passés, mais non pas dans la pensée que nous pouvons
persévérer dans ces mêmes péchés, et que nous achetons par nos aumônes la
liberté de faire le mal. Et si le Seigneur promet qu’il placera à sa droite
ceux qui ont fait l’aumône, et à sa gauche ceux qui ont négligé ce devoir de
charité, c’est qu’il veut nous apprendre toute la puissance de l’aumône pour
effacer les péchés passés, mais non pas assurer à jamais l’impunité de ceux
que l’on pourrait commettre. — Origène : Ou bien, l’on peut dire que le Seigneur ne récompense pas ici une seule espèce de justice, comme plusieurs le pensent ; car quelque soit le précepte de Jésus-Christ qu’on accomplisse, on apaise la faim et la soif de Jésus-Christ, qui se nourrit et s’abreuve de la justice, et de la vérité des fidèles De même nous couvrons de vêtements les membres glacés de Jésus-Christ, lorsque nous prenons le tissu de la sagesse, pour enseigner aux autres la saine doctrine et les revêtir des entrailles de la miséricorde. Lorsque nous ornons notre cœur des différentes vertus chrétiennes pour recevoir Jésus-Christ ou ceux qui lui appartiennent, c’est Jésus-Christ voyageur que nous recevons dans la demeure de notre âme. De même, lorsque nous visitons un frère infirme dans la foi ou dans les bonnes oeuvres, soit par la parole qui enseigne, soit par la réprimande, soit par la consolation, c’est Jésus-Christ lui-même que nous visitons. Enfin tout le monde d’ici-bas est une véritable prison pour Jésus-Christ et pour ceux qui lui appartiennent, et qui, pendant cette vie, sont comme des prisonniers enchaînés dans les nécessités de la nature humaine. Toutes les fois donc que nous faisons du bien à nos frères, nous les visitons dans leur prison, et Jésus-Christ dans leur personne. |
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Caput 26 |
CHAPITRE 26—
[Passion et mort du Roi]
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Lectio 1 [85586] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 1 Hilarius in Matth. Post sermonem quo
venturum se dominus in reditu claritatis ostenderat, nunc passurum esse se
admonet, ut sacramentum crucis admixtum esse gloriae aeternitatis
cognoscerent: unde dicitur factum est, cum consummasset Iesus sermones hos
omnes. Rabanus. De consummatione saeculi et de die
iudicii: vel quia ab initio Evangelii usque ad passionem omnia faciendo et
praedicando compleverat. Origenes in Matth. Non simpliciter autem dixit
omnes, sed hos omnes: adhuc enim oportebat eum etiam alios loqui sermones
priusquam traderetur. Dixit discipulis suis: scitis quia post biduum Pascha
fiet. Rabanus. Sicut ex Ioannis narratione
colligitur, ante sex dies Paschae venit Iesus in Bethaniam, inde venit
Ierusalem sedens super asellum, postea geruntur ea quae narrantur
Hierosolymis gesta. Ex illo ergo die quo venit in Bethaniam, intelligimus
consummatum quatriduum, ut occurreret dies ante biduum Paschae. Hoc autem
inter Pascha et azyma distat, quod Pascha ipse solus dies appellatur in quo
agnus occidebatur ad vesperam, hoc est decimaquarta luna primi mensis; decimaquinta
autem luna, quando egressus est populus de Aegypto, succedebat festivitas
azymorum. Verum Evangelistae unum pro altero ponere solent. Hieronymus. Pascha autem, quod Hebraice
dicitur phase, non a passione, ut plerique arbitrantur, sed a transitu
nominatur; eo quod exterminator videns sanguinem in foribus Israelitarum
pertransierit, nec percusserit eos; vel ipse dominus praebens auxilium populo
suo desuper ambulaverit. Remigius. Sive quia auxiliante domino populus
Israeliticus liberatus ab Aegyptiaca servitute transivit ad libertatem. Origenes in Matth. Non autem dixit: post
biduum Pascha erit, aut veniet, ne ostenderet illud Pascha futurum quod fieri
solebat secundum legem, sed Pascha fiet, hoc est quale nunquam factum fuerat.
Remigius. Mystice enim Pascha dicitur, sive
quia ea die Christus transivit de mundo ad patrem, de corruptione ad
incorruptionem, de morte ad vitam: sive quia salubri transitu a daemoniaca
servitute mundum redemit. Hieronymus. Post duos etiam dies clarissimi
luminis veteris et novi testamenti verum pro mundo celebratur Pascha.
Transitus etiam noster, idest phase, ita celebratur, si terrena dimittentes
ad caelestia festinemus. Origenes in Matth. Praedicit autem discipulis
se tradendum, cum subdit et filius hominis tradetur ut crucifigatur,
praemuniens eos ne priusquam audiant quae fuerant futura, subito videntes
tradi magistrum ad crucem, obstupescant. Ideo autem impersonaliter posuit
tradetur, quia Deus tradidit eum propter misericordiam circa genus humanum, Iudas
propter avaritiam, sacerdotes propter invidiam, Diabolus propter timorem ne
avelleretur de manu eius genus humanum per doctrinam ipsius: non advertens,
quoniam maius fuerat eripiendum genus humanum per mortem ipsius, quam ereptum
fuerat per doctrinam et miracula. |
Versets
1-2.
— Saint Hilaire : (can. 28 sur S.
Matth.) Après avoir prédit que son second avènement aurait lieu dans tout
l’éclat de sa gloire, Notre-Seigneur annonce que sa passion approche, pour
faire comprendre à ses disciples l’union étroite qui existe entre le mystère
de la croix et la gloire de l’éternité : « Et
Jésus ayant achevé tous ses discours. » — Raban : C’est-à-dire touchant la fin du monde et le jour du
jugement, ou bien pour signifier qu’il avait achevé toutes les oeuvres et
toutes les prédications [qui étaient l’objet de sa mission], depuis le
commencement de l’Évangile jusqu’à sa passion. — Origène : (Traité
35 sur S. Matth.) L’Évangéliste ne dit pas simplement : Tous les discours,
mais : « tous ces discours »,
car le Seigneur devait encore en prononcer d’autres avant d’être livré à ses
ennemis. « Et il dit à ses disciples : Vous
savez que la Pâque se fera dans deux jours. » — Raban : Comme nous le voyons également dans saint Jean, Jésus
vint à Béthanie six jours avant la Pâque, et, de là, se rendit à Jérusalem,
où il fit son entrée monté sur un ânon, et c’est alors qu’il faut placer tous
les événements qui eurent lieu à Jérusalem, [d’après le récit des
Évangélistes]. Quatre jours s’étaient donc écoulés depuis l’arrivée de Jésus
à Béthanie, puisque deux jours seulement le séparait de la Pâque. Il y a
cette différence entre la Pâque et le jour des azymes, que le nom de Pâque
était spécialement réservé au jour où on immolait, le soir, l’agneau pascal,
c’est-à-dire au quatorzième jour de la lune du premier mois ; et le quinzième
jour qui correspond à la sortie du peuple juif de l’Egypte, avait lieu la
fête des azymes. Cependant, les Évangélistes prennent indifféremment un jour
pour l’autre. — Saint Jérôme : Le mot Pâque (en
hébreu phasach) ou passage ne vient pas du mot « passio » comme
beaucoup le pensent, [et ne signifie point passion], mais passage, parce
qu’en effet l’ange exterminateur, en voyant le seuil des portes des Israélites
marqué du sang de l’agneau, passa sans les frapper (Ex 12), ou bien, parce
que le Seigneur passa lui-même au-dessus d’eux pour venir au secours de son
peuple. — Saint Rémi : Ou bien encore, ce nom
vient de ce que le peuple d’Israël, délivré par la puissance du Seigneur, a
passé de la servitude d’Egypte à la vraie liberté. — Origène : Notre-Seigneur
ne dit pas : dans deux jours, la Pâque sera ou viendra, mais « se fera », pour montrer
qu’il ne voulait point parler de la pâque qui se célébrait conformément à la
loi (Ex 1, 2), mais d’une pâque nouvelle, telle qu’on ne l’avait point faite
jusqu’alors. — Saint Rémi : Le mot pâque a un sens mystérieux, parce que c’est en ce jour que Jésus-Christ a passé du monde à son Père, de la corruption à l’incorruptibilité, de la mort à la vie ; ou bien, parce qu’il a délivré le monde de l’esclavage du démon par son passage plein de grâce. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Après les deux jours de la
brillante lumière que répandent l’Ancien et le Nouveau Testament, la
véritable Pâque est célébrée (1 Co 5, 7) pour le monde ; nous célébrons aussi
notre Pâque ou notre passage, si nous laissons les choses de la terre pour
nous hâter de nous diriger vers les choses du ciel. — Origène : Le Seigneur prédit à ses disciples qu’il sera livré, en ajoutant : « et le Fils de l’homme sera livré pour être crucifié. » Il les avertit d’avance, dans la crainte qu’ils ne soient stupéfaits en voyant leur maître attaché à la croix sans avoir été préparés à ce qui allait arriver. Il se sert de cette expression impersonnelle : « Il sera livré », parce que Dieu l’a livré par miséricorde pour le genre humain ; Judas par avarice ; les prêtres par envie ; le démon par la crainte de voir les enseignements du Seigneur arracher les hommes à. sa puissance, et il ne voyait pas que le genre humain serait bien plus efficacement délivré par la mort de Jésus-Christ qu’il ne l’avait été par sa doctrine et par ses miracles. |
Lectio 2 [85587] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 2 Glossa. Ostendit Evangelista apparatum
et machinationem dominicae passionis, quam Christus praenuntiaverat; unde
dicit tunc congregati sunt principes sacerdotum. Remigius. Quod autem dicit tunc,
superioribus verbis coniungitur, idest antequam Pascha celebraretur. Origenes in Matth. Non autem veri sacerdotes
et seniores, sed illius qui videbatur populus Dei, vere autem erat populus
Gomorrhae, non intelligentes summum sacerdotem Dei, insidiati sunt ei: et non
cognoscentes primogenitum universae creaturae, etiam seniorem omnibus
consiliati sunt contra eum. Chrysostomus in Matth. Iniqua vero
negotia tentantes ad principem sacerdotum veniunt, inde volentes potestatem
accipere unde prohibere oportebat. Multi autem erant tunc
principes sacerdotum; lex vero unum esse volebat; unde manifestum est quod
Iudaica dissolutio accipiebat principium. Moyses enim unum principem
sacerdotum esse iussit, et eo mortuo alterum fieri; postea vero annui facti
sunt. Eos igitur ait hic principes sacerdotum qui de principibus sacerdotum
erant. Remigius. Condemnantur autem isti, et quia
congregati sunt, et quia principes sacerdotum fuerant: quo enim plures ad
peragendum aliquod malum conveniunt, et quo sublimiores et nobiliores
fuerint, eo deterius habetur malum quod committitur, et eo maior poena illis
praeparatur. Ad ostendendam autem domini simplicitatem et innocentiam, addit
Evangelista ut Iesum dolo tenerent, et occiderent: in quo enim nullam mortis
causam invenire poterant, consilium fecerunt ut dolo tenerent, et occiderent.
Chrysostomus in Matth. Consiliati sunt ergo ut
tenerent eum occulte et interimerent; formidabant autem populum, ideoque
expectabant festivitatem praeterire; propter quod sequitur dicebant autem:
non in die festo. Diabolus enim nolebat in Pascha Christum pati, ut non
manifestam eius constitueret passionem. Principes autem sacerdotum non ea
quae Dei sunt timuerunt, ne scilicet peccato in hoc tempore peracto maior
eius inquinatio fieret, sed ubique quae humana sunt cogitabant: unde sequitur
ne forte tumultus fieret in populo. Origenes in Matth. Propter diversa studia
populi, diligentis Christum et odientis, credentis et non credentis. Leo Papa in Serm. 7 de passione. Providentibus
ergo principibus ne in sancto die tumultus oriretur, non festivitati sed
facinori studebant; seditiones enim turbarum fieri in praecipua solemnitate
metuebant, non ut populus non peccaret, sed ne Christus evaderet. Chrysostomus in Matth. Sed tamen furore
ferventes immutati sunt a suo consilio: quia enim traditorem invenerunt, in
ipsa festivitate Christum occiderunt. Leo Papa. Divino autem intelligimus dispositum
fuisse consilio ut Iudaeorum principes, qui saeviendi in Christum occasiones
saepe quaesierant, non nisi in solemnitate paschali exercendi furoris sui
acciperent potestatem. Oportebat enim ut manifesto implerentur affectu quae
diu figurata fuerant promissa mysteria, ut ovem significativam vera removeret
ovis, et uno expleretur sacrificio variarum differentia victimarum. Ut ergo
umbrae cederent corpori, et cessarent imagines sub praesentia veritatis,
hostia in hostiam transit, sanguine sanguis aufertur, et legalis festivitas
dum mutatur impletur. |
Versets
3-4.
— La Glose : L’Évangéliste nous raconte les préparatifs de
la passion que Jésus-Christ venait d’annoncer et les intrigues qui la
précédèrent : « Alors les princes
des prêtres s’assemblèrent ». — Saint Rémi : L’expression « Alors » rattache cette
circonstance à ce qui précède ; "Alors," c’est-à-dire avant la
célébration de la Pâque. — Origène : Ce
n’étaient point de vrais prêtres ni de véritables anciens, mais les prêtres
et les anciens d’un peuple qui n’avait que l’apparence du peuple de Dieu, et
qui était en réalité un vrai peuple de Gomorrhe. Ils ne comprirent pas que
Jésus était le souverain Pontife de Dieu, et ils lui tendirent des piéges ;
ils ne reconnurent pas en lui le premier-né de toute créature, celui qui
précède tous les hommes par l’ancienneté de son origine, et ils tinrent
conseil contre lui. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Pleins de leurs projets iniques, ils viennent trouver le prince des prêtres,
pour demander le pouvoir d’agir à celui qui aurait dû s’opposer à leurs
desseins. Il y avait alors plusieurs grands prêtres, quoique, d’après la loi,
il ne devait y en avoir qu’un seul, ce qui prouve un commencement de
dissolution dans le peuple juif, car Moïse avait établi qu’il n’y aurait
qu’un seul grand prêtre, et qu’on ne lui donnerait un successeur qu’après sa
mort ; mais, dans la suite, la dignité de grand prêtre devint annuelle.
L’Évangéliste appelle donc ici princes des prêtres ceux qui avaient été
revêtus de cette dignité. — Saint Rémi : Or, ce qui les rend
inexcusables, c’est cette double circonstance : qu’ils étaient grands
prêtres, et qu’ils se réunissent pour faire le mal, car plus le nombre de
ceux qui s’assemblent pour concerter un crime est grand, plus ils sont distingués
par leur dignité, par leur naissance, plus le crime qu’ils commettent devient
énorme, et plus aussi le châtiment qui les attend est terrible. L’Évangéliste
ajoute, pour montrer la simplicité et l’innocence du Seigneur : « afin de se saisir de lui par ruse
et de le faire mourir ». Comme ils ne pouvaient trouver aucun motif
légitime de le faire mourir, ils tinrent conseil pour se saisir de lui par la
ruse et le mettre à mort. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Ils tinrent donc conseil pour se saisir de lui secrètement et le faire
mourir, car ils craignaient le peuple, et ils voulaient attendre que la fête
de Pâque fut passée. « Et ils
disaient : Il ne faut point que ce soit pendant la fête. » Le démon ne voulait pas que le Christ
souffrît pendant la fête de Pâque, pour ne point donner un trop grand éclat à
sa passion. Quant aux princes des prêtres, peu sensibles à la crainte de Dieu
et à l’énormité bien plus grande d’un crime commis pendant cette grande fête,
ils n’étaient préoccupés que d’une crainte toute humaine, c’est-à-dire que « l’arrestation de Jésus ne suscitât
quelque tumulte parmi le peuple ». — Origène : Car les sentiments du peuple étaient différents :
les uns aimaient Jésus-Christ, les autres le haïssaient ; les uns croyaient
en lui, les autres n’y croyaient pas. — Saint Léon le Grand : (serm. pour
le jour de Pâque.) Les princes des prêtres prenaient des mesures pour
qu’aucun tumulte n’eût lieu dans ce saint jour de fête ; mais ce qui les
préoccupait, ce n’était pas la solennité du jour, c’était l’exécution de leur
crime, et ils redoutaient que des séditions ne viennent à éclater pendant la
principale fête de l’année, non pas dans la crainte que le peuple ne se
rendît coupable, mais de peur que Jésus ne vint à leur échapper. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 79.)
Mais comme ils brûlaient de fureur ils changèrent de résolution, et ayant
trouvé un traître à leur disposition, ils firent mourir Jésus-Christ pendant
la fête même de Pâque. — Saint Léon le Grand : (comme précéd.) Nous devons reconnaître que c’est par un dessein bien marqué de la Providence de Dieu que les princes des Juifs, qui avaient si souvent cherché l’occasion de satisfaire leur fureur contre Jésus-Christ, ne reçurent le pouvoir de l’exercer contre lui qu’à la fête de Pâque. Il fallait en effet que les promesses annoncées depuis si longtemps par des mystères figuratifs aient un accomplissement visible et éclatant, que le véritable agneau prît la place de celui qui l’avait figuré, et qu’un sacrifice unique tint lieu désormais des victimes multipliées de l’ancienne loi. Afin donc que les ombres s’évanouissent devant la réalité, et que les figures disparaissent en présence de la vérité, une victime succède à une victime, le sang est remplacé par le sang, et la solennité légale reçoit son accomplissement en faisant place à une autre. |
Lectio 3 [85588] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 3 Glossa. Ostenso consilio principum de
Christi occisione, vult exequi Evangelista completionem eius, ostendens
qualiter Iudas habuit conventionem cum Iudaeis, ut Christum traderet; sed
prius causam proditionis praemittit. Doluit enim quia non erat
venumdatum unguentum quod mulier super caput Christi effudit, ut de pretio
aliquid tolleret: unde voluit hoc damnum proditione magistri recompensare. Dicit ergo cum autem esset Iesus in Bethania in domo Simonis leprosi. Hieronymus. Non quod leprosus illo tempore
permaneret; sed quia antea leprosus, postea a salvatore mundatus est, nomine
pristino permanente ut virtus curantis appareat. Sequitur accessit ad eum
mulier habens alabastrum unguenti pretiosi. Rabanus. Est autem alabastrum genus marmoris
candidi variis coloribus intincti, quod ad vasa unguentaria cavare solent, eo
quod optime servare ea incorrupta dicatur. Hieronymus. Alius autem Evangelista pro
alabastro unguenti pretiosi nardum pisticum posuit, hoc est verum et absque
dolo. Rabanus. Pistis enim Graece, Latine dicitur fides; unde
pisticum, idest fidele. Erat enim illud unguentum fidele, idest purum, et non
adulteratum. Sequitur et effudit super caput ipsius recumbentis. Origenes in Matth. Forsitan quis diceret
quatuor fuisse mulieres de quibus scripserunt Evangelistae; ego autem magis
consentio tres fuisse: et unam quidem de qua scripserunt Matthaeus et Marcus,
alteram autem de qua scripsit Lucas, aliam de qua scripsit Ioannes. Hieronymus. Nemo enim putet eamdem esse quae
super caput unguentum, et quae super pedes effudit: illa enim lacrymis lavit
et crine tersit, et manifeste meretrix appellatur; de hac autem nihil tale
scriptum est: nec enim poterat statim capite domini meretrix digna fieri.
Ambrosius super Lucam. Potest ergo non eadem
esse, ne sibi contraria dixisse Evangelistae videantur. Potest etiam quaestio
meriti et temporis diversitate dissolvi, ut adhuc illa peccatrix sit, iam
ista perfectior. Chrysostomus in Matth. Et secundum hoc apud
tres Evangelistas, scilicet Matthaeum, Marcum et Lucam, una et eadem esse
videtur. Non autem absque ratione leprae Simonis meminit Evangelista; sed ut
ostendat unde fiduciam sumens haec mulier accessit ad Christum: quia enim
lepra immunda passio esse videbatur, videns quod Iesus illum hominem
curaverat apud quem manebat, confidit quod et animae eius immunditiam facile
expurgaret; et aliis mulieribus pro curatione corporis ad Christum accedentibus,
sola ipsa honoris gratia ad Christum accessit, et propter animae curationem,
cum nihil in corpore infirmum haberet. Quapropter maxime aliquis eamdem
admirari debet. Apud Ioannem autem non est eadem mulier, sed altera quaedam
mirabilis Lazari soror. Origenes in Matth. Quoniam Matthaeus quidem et
Marcus in domo Simonis leprosi hoc factum fuisse exponunt; Ioannes autem,
quod venit Iesus ubi erat Lazarus; et non Simon, sed Maria et Martha
ministrabant. Adhuc, secundum Ioannem, ante sex dies Paschae venit in
Bethaniam, quando fecerunt ei coenam Maria et Martha; hic autem quando
recumbit in domo Simonis, post biduum Pascha erat futurum. Et apud Matthaeum
et Marcum, discipuli indignantur ex bono proposito; apud Ioannem autem solus
Iudas furandi affectu; apud Lucam autem murmurat nemo. Gregorius in Evang. Vel dicendum, quod hanc
eamdem quam Lucas peccatricem mulierem, Ioannes Mariam nominat. Augustinus de Cons. Evang. Lucas autem quamvis
simile factum commemoret ei quod hic dicitur, nomenque conveniat eius apud
quem convivabatur dominus, nam et ipsum Simonem dicit; tamen, quia non est
contra naturam vel morem hominum unum nomen habere duos homines, potius
credibile est fuisse illum alium Simonem, non leprosum, in cuius domo haec in
Bethania gerebantur. Nihil igitur aliud arbitror nisi quod non quidem aliam
fuisse mulierem quae peccatrix tunc accessit ad pedes Iesu, sed eamdem Mariam
bis hoc fecisse: semel scilicet quod Lucas narravit: nam et Ioannes Mariam
commendans commemoravit antequam veniret in Bethaniam: erat, inquit, languens
Lazarus in Bethania de castello Mariae, et Marthae sororis eius. Maria autem
erat quae unxit dominum unguento, et extersit pedes eius capillis suis, cuius
frater Lazarus infirmabatur. Iam itaque hoc Maria fecerat. Quod autem in
Bethania rursus fecit, aliud est quod ad Lucae narrationem non pertinet, sed
pariter narratur a tribus, Ioanne scilicet, Matthaeo et Marco. Quod autem
Matthaeus et Marcus caput domini unguento illo perfusum dicunt, Ioannes autem
pedes, ostenditur non esse contrarium, si accipiamus non solum caput, sed et
pedes domini perfudisse mulierem: nisi forte quoniam Marcus fracto alabastro
perfusum caput commemorat, tam quisque calumniosus est ut aliquid in vase
fracto neget remanere potuisse, unde etiam pedes domini perfunderet. Ille
autem qui sic calumniatur, prius accipiat perfusos pedes antequam illud
fractum esset, ut in integro remaneret unde etiam caput perfunderetur, ubi
fractura illa totum effuderat. Augustinus de Doctr. Christ. Neque ullo modo
quisquam fieri crediderit domini pedes ita unguento pretioso a muliere
perfusos ut luxuriosorum et nequam hominum solent. In omnibus enim talibus non usus rerum, sed libido utentis in culpa
est. Quisquis enim rebus sic utitur ut metas
consuetudinis bonorum inter quos versatur excedat; aut aliquid significat,
aut flagitiosus est. Itaque quod in aliis personis plerumque flagitium est,
in divina vel prophetica persona magnae cuiusdam rei signum est. Odor enim
bonus fama bona est, quam quisquis bonae vitae operibus habuerit, dum
vestigia Christi sequitur, quasi pedes eius pretiosissimo odore perfundit. Augustinus de Cons. Evang. Sed hoc videri
potest esse contrarium quod Matthaeus et Marcus posteaquam dixerunt Pascha
post biduum futurum, deinde commemoraverunt quod erat Iesus in Bethania, ubi
de unguento eadem narraturus Ioannes dicit: ante sex dies Paschae. Sed qui
ita moventur, non intelligunt Matthaeum et Marcum illud quod in Bethania de
unguento factum erat, recapitulando posuisse. Non enim quisquam eorum cum
dixisset post biduum Pascha futurum, sic adiunxit ut diceret: post haec cum
esset Bethaniae. Chrysostomus in Matth. Sed quia discipuli
audierant magistrum dicentem: misericordiam volo et non sacrificium, apud se
cogitabant: si holocausta non acceptat, multo minus olei huiusmodi usum; unde
sequitur videntes autem discipuli indignati sunt, dicentes: ut quid perditio
haec? Potuit enim istud venumdari multo, et dari pauperibus. Hieronymus. Scio quosdam hunc locum
calumniari, quare Ioannes Iudam solum dixerit contristatum, eo quod loculos
tenuerit et fur ab initio fuerit, et Matthaeus scribat omnes discipulos
indignatos, nescientes tropum qui vocatur, syllipsis, quo et pro multis unus,
et pro uno multi soleant appellari: nam et Paulus in epistola ad Hebraeos
dicit: secti sunt, cum unum tantummodo, scilicet Isaiam, sectum autumet. Augustinus de Cons. Evang. Potest etiam
intelligi, quod et alii discipuli aut senserunt hoc, aut dixerunt, aut eis
Iuda dicente persuasum sit, atque omnium voluntatem Matthaeus et Marcus etiam
expresserint; sed Iudas propterea dixerat quia fur erat, ceteri vero propter
pauperum curam: Ioannes autem de solo illo id commemorare voluit, cuius ex
hac occasione furandi consuetudinem credidit intimandam. Chrysostomus in Matth. Discipuli ergo ita
existimabant; sed dominus mentem mulieris videns permittit, multa enim erat
eius religio, et ineffabile studium: idcirco condescendens concessit super
caput suum unguentum effundi. Sicut enim pater eius odorem victimae et fumum
patiebatur, ita et Christus mulierem devote ungentem, cuius discipuli mentem
nesciebant, querelam facientes; unde sequitur sciens autem Iesus ait illis:
quid molesti estis huic mulieri? Remigius. Per quod aperte ostendit quod
apostoli aliquid moleste locuti fuerant adversus eam. Pulchre autem subdit
opus bonum operata est in me; ac si dicat: non est perditio unguenti, sicut
vos dicitis; sed opus bonum, idest pietatis et devotionis obsequium. Chrysostomus in Matth. Ideo autem non
simpliciter dixit bonum opus operata est in me; sed prius posuit quid molesti
estis huic mulieri? Erudiens nos quodcumque geritur bonum a quocumque, etsi
non valde diligenter factum fuerit, suscipere et augere et fovere, et non ex
principio omnem diligentiam expetere. Quisquis enim eum interrogasset
antequam fecisset hoc mulier, non mandasset hoc fieri; sed post effusum
unguentum non habebat locum discipulorum increpatio; et ideo ipse, ut non
obtunderet desiderium mulieris, omnia haec in consolationem mulieris dixit. Sequitur
nam pauperes semper habebitis vobiscum. Remigius. Ostendit enim dominus his verbis
quasi ex quadam ratione, quoniam non erat illi culpandi qui sibi adhuc in
mortali corpore conversanti aliquid de suis facultatibus ministrarent: cum
pauperes semper habendi essent in Ecclesia, quibus fideles cum vellent,
benefacere possent; ipse vero brevi tempore corporaliter mansurus erat cum
eis; unde sequitur me autem non semper habebitis. Hieronymus. Oritur autem hic quaestio,
quare dominus post resurrectionem dixerit ad discipulos: ecce ego vobiscum
sum usque ad consummationem mundi. Et nunc loquitur me autem non semper
habebitis. Sed mihi videtur in hoc loco de praesentia dicere corporali, quod
nequaquam cum eis ita futurus sit post resurrectionem quomodo nunc, in omni
convictu et familiaritate. Remigius. Vel solvitur ita ut
intelligatur quod soli Iudae dictum sit; sed ideo non dixit: habetis, sed
habebitis, quia in persona Iudae omnibus imitatoribus illius dictum est. Ideo
autem dicit non semper, cum nec ad tempus habeant: quia mali videntur habere
Christum in praesenti saeculo; quando miscent se membris Christi, et accedunt
ad mensam eius; sed non semper sic habebunt, quando solis electis dicturus
est: venite, benedicti patris mei. Sequitur mittens enim haec unguentum hoc
in corpus meum, ad sepeliendum me fecit. Consuetudo
erat illius populi ut corpora mortuorum diversis aromatibus condirentur,
quatenus diutius illaesa conservarentur. Et quia futurum erat ut haec mulier
corpus domini mortuum vellet perungere, et tamen non posset, quia
resurrectione anticiparetur, idcirco divina providentia actum est ut vivum
domini corpus perungeret. Hoc est ergo quod dicit mittens haec; idest, cum
haec mulier corpus meum vivum perungit, me moriturum et sepeliendum ostendit. Chrysostomus in Matth. Quia ergo
sepulcrum et mortem commemoraverat, ut non videatur in tristitiam mittere
mulierem, rursus eam consolatur per ea quae consequuntur amen dico vobis:
ubicumque praedicatum fuerit hoc Evangelium in toto mundo, dicetur et quod
haec fecit in memoriam eius. Rabanus. Idest, in quocumque loco dilatabitur
Ecclesia per totum mundum, dicetur et quod hoc fecit. Illud et appositum
notat, quod sicut Iudas contradicens adeptus est perfidiae infamiam, sic et
ista piae devotionis gloriam. Hieronymus. Attende notitiam futurorum,
quod passurus post biduum, et moriturus, sciat Evangelium suum in toto orbe
celebrandum. Chrysostomus in Matth. Ecce
autem quod dixit, factum est; et ubicumque terrarum abieris, videbis hanc
mulierem famosam effectam; quod virtus praedicentis effecit. Et regum quidem
multorum et ducum victoriae silentur; et multi qui civitates construxerunt,
et gentes multas servituti subegerunt, neque ex auditu, neque ex nomine sunt
cogniti: quoniam autem haec mulier oleum effudit in domo leprosi cuiusdam,
duodecim viris praesentibus, hoc omnes concinunt per orbem terrarum; et
tempus tantum pertransiit, et memoria eius quod factum est non est tabefacta.
Sed quare nihil speciale promisit mulieri, sed sempiternam memoriam? Quia ex
his quae dixit intelligi potuit: si enim opus bonum fecit, manifestum est
quod et mercedem dignam suscipiet. Hieronymus. Mystice autem passurus pro
omni mundo moratur in Bethania in domo obedientiae, quae quondam fuit Simonis
leprosi. Simon quoque ipse obediens dicitur, qui iuxta
aliam intelligentiam mundus interpretari potest, in cuius domo curata est
Ecclesia. Origenes in Matth. Oleum autem ubique in
Scripturis aut opus misericordiae intelligitur, quo lucerna verbi enutrita
clarescit; aut doctrina, cuius auditu verbum fidei quod est accensum
nutritur. Generaliter ergo omne quo quis ungitur, oleum appellatur, olei
autem aliud est unguentum; item unguenti aliud est pretiosum: sic omnis actus
iustus opus bonum dicitur; operis autem boni aliud est quod facimus propter
homines vel secundum homines; aliud quod propter Deum et secundum Deum. Item
hoc ipsum quod facimus propter Deum, aliud proficit ad usum hominum, aliud
tantum ad gloriam Dei: ut puta aliquis benefacit homini naturali iustitia
motus, non propter Deum, quomodo faciebant interdum et gentes: opus illud
oleum est vulgare, non magni odoris; et ipsum tamen acceptabile apud Deum,
quoniam, ut dicit Petrus apud Clementem, opera bona quae fiunt ab infidelibus
in hoc saeculo eis prosunt, non in alio ad consequendum vitam aeternam. Qui
autem propter Deum faciunt, magis illis in illo saeculo proficit: hoc est
unguentum boni odoris. Sed aliud fit ad
utilitatem hominum, ut puta eleemosyna, et cetera huiusmodi. Hoc qui facit in
Christianos, pedes domini ungit: quia ipsi sunt domini pedes: quod praecipue
solent facere poenitentes pro remissione peccatorum suorum. Qui
autem castitati studet, et in ieiuniis et in orationibus permanet, et ceteris
quae tantum ad gloriam Dei proficiunt, hoc est unguentum quod ungit domini
caput, et hoc est unguentum pretiosum, ex cuius odore tota repletur Ecclesia;
et hoc est opus proprium non poenitentium, sed perfectorum. Aut doctrina,
quae necessaria est hominibus, hoc est unguentum quo pedes domini unguntur: agnitio
autem fidei, quae ad solum pertinet Deum, est unguentum quo ungitur caput
Christi, quo consepelimur Christo per Baptismum in mortem. Hilarius in Matth. Mulier autem haec in
praefiguratione plebis gentium est, quae in passione Christi gloriam Deo
reddidit: caput enim perunxit: caput autem Christi Deus est, nam unguentum,
boni operis est fructus. Sed discipuli favore salvandi Israelis vendi hoc in
usum pauperum dicunt debuisse; pauperes autem Iudaeos fide indigentes,
instinctu prophetico nuncupant, quibus dominus ait plurimum esse temporis quo
habere curam pauperum possent. Ceterum nonnisi ex praecepto suo salutem
gentibus posse praestari, quae secum, infuso mulieris huius unguento, sunt
consepultae, quia regeneratio nonnisi cum mortuis in Baptismi professione
reddetur: et idcirco ubi praedicabitur hoc Evangelium, narrabitur opus eius:
quia cessante Israel, Evangelii gloria fide gentium praedicatur. |
Versets
6-13.
— La Glose : Après nous avoir
fait connaître le conseil que tinrent les princes des prêtres pour faire
mourir Jésus, l’Évangéliste veut nous apprendre comment ils le mirent à
exécution, en nous racontant comment Judas conclut avec les Juifs le pacte
qui devait leur livrer le Christ. Mais il nous instruit tout d’abord des
causes de cette trahison, ce fut la peine qu’il éprouva qu’on n’eût pas vendu
le parfum que cette femme répandit sur la tête de Jésus-Christ, car il
désirait retenir quelque chose sur le prix ; ce fut donc pour se dédommager
de cette perte qu’il conçut le dessein de trahir son maître. « Or,
comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux ». — Saint Jérôme : Ce n’est pas qu’il
fut encore actuellement lépreux, mais parce qu’il avait été guéri
précédemment de la lèpre par le Sauveur, et l’Évangéliste lui conserve le nom
de lépreux pour rappeler la puissance de celui qui l’avait guéri. Suite :
« Une femme s’approcha de lui,
tenant un vase d’albâtre plein d’un parfum de grand prix ». — Raban : L’albâtre est une espèce de marbre blanc veiné de
diverses nuances et dont on se sert ordinairement pour des vases destinés à
contenir des parfums et qui ont la propriété, dit-on, de les préserver de
toute altération. — Saint Jérôme : Un autre Évangéliste
(Jn 12), au lieu d’un vase d’albâtre plein d’un parfum précieux, parle d’un
parfum de nard fidèle, c’est-à-dire vrai et sans mélange. — Raban : Le mot grec pistij (pistis) veut dire foi, d’où vient le mot pistikon (pisticon), c’est-à-dire fidèle, et ce parfum était fidèle, parce qu’il était pur et sans mélange. Suite : « Et elle le répandit sur sa tête lorsqu’il était à table ». — Origène : Peut-être
pourrait-on dire que les évangélistes on parlé de quatre femmes différentes ;
mais, à mon avis, ils n’ont parlé que de trois : l’une dont saint Matthieu et
saint Marc font mention, l’autre dont parle saint Luc, et la troisième dont
parle saint Jean. — Saint Jérôme : Il ne faut point
penser que ce fut la même qui répandit le parfum sur la tête et qui le
répandit sur les pieds. Cette dernière les lava de ses larmes, les essuya de
ses cheveux, et elle est appelée expressément une femme de mauvaise vie,
tandis qu’on ne dit rien de semblable de celle-ci, d’ailleurs, une femme
pécheresse n’aurait pas été digne tout d’un coup de répandre des parfums sur
la tête du Seigneur. — Saint Ambroise : On peut donc
admettre que ce n’est pas la même femme, et ainsi disparaît toute
contradiction entre les évangélistes. On peut encore résoudre cette
difficulté, en tenant compte de la différence des temps et du mérite de cette
femme, pécheresse en premier lieu, et femme vertueuse et parfaite dans la
seconde circonstance. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
A s’en tenir au récit des trois évangélistes, saint Matthieu, saint Marc et
saint Luc, ce serait une seule et même personne. Or, ce n’est pas sans raison
que l’Évangéliste rappelle que Simon était lépreux ; il veut ainsi nous
apprendre ce qui inspira à cette femme la confiance de s’approcher de Jésus.
La lèpre était une maladie qui rendait impur, et cette femme voyant que Jésus
en avait guéri cet homme chez qui il se trouvait, conçut la ferme espérance
qu’il pourrait facilement purifier son âme de la lèpre impure du péché.
Tandis que toutes les autres femmes ne s’étaient approchées de Jésus que pour
lui demander la guérison de leur corps, seule cette femme s’approcha du Seigneur
pour lui rendre les honneurs qui lui étaient dus et pour en obtenir la
guérison de son âme, car elle n’avait aucune infirmité corporelle ; aussi,
est-ce là ce qui la rend vraiment digne de notre admiration. D’après l’évangéliste
saint Jean, au contraire, ce ne serait pas la même personne, mais une autre,
la sœur admirable de Lazare. — Origène : Et
la raison en est que saint Matthieu et saint Marc racontent que ce fait a eu
lieu dans la maison de Simon le lépreux, tandis que saint Jean nous apprend
que Jésus vint dans la maison où était Lazare, et que ce n’était pas Simon
mais Marthe et Marie qui le servaient. D’ailleurs, selon saint Jean, c’est
six jours avant la fête de Pâque que Jésus vint à Béthanie et que Marthe et
Marie lui offrirent un repas, tandis que lorsqu’il était à la table de Simon,
on n’était plus séparé que par deux jours de la fête de Pâque. Dans saint
Matthieu et dans saint Marc, nous voyons encore que ce sont les disciples qui
manifestent leur mécontentement de la pieuse action de cette femme, tandis
que, dans saint Jean, Judas seul s’en indigne parce qu’il aimait voler ; dans
saint Luc, nous ne voyons personne murmurer de cette action. — Saint Grégoire : (hom. 33 sur les
évang.) Ou bien, il faut dire que saint Luc appelle femme pécheresse cette
même femme à qui saint Jean donne le nom de Marie. — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 2, 79.) Saint Luc raconte un fait semblable, et celui chez qui
Notre-Seigneur se trouvait alors à table porte le même nom, puisque saint Luc
l’appelle Simon. Cependant, comme il n’est contraire ni à la raison, ni à
l’usage que le même nom soit porté par deux personnes différentes, il est
plus vraisemblable qu’il y avait à Béthanie un autre Simon, différent de
Simon le lépreux, et chez lequel s’est passé cette scène. Je pense donc que
la femme dont il est ici question n’est point différente de la pécheresse qui
était venue se jeter alors aux pieds de Jésus, mais que c’est la même appelée
Marie qui a fait la même action [dans deux circonstances différentes] ; saint
Luc a raconté la première et saint Jean lui-même la rappelle, comme trait
distinctif de Marie, avant l’arrivée du Seigneur à Béthanie. « Or, il
y avait un homme malade nommé Lazare, qui était du bourg de Béthanie, où demeuraient
Marie et Marthe sa sœur. Cette Marie était celle qui répandit sur le Seigneur
une huile de parfums, et qui essuya ses pieds avec ses cheveux, et Lazare,
qui était alors malade, était son frère. » Marie répète cette action une seconde fois,
dans une circonstance dont saint Luc ne parle pas, mais qui est racontée par
les trois autres évangélistes, saint Jean, saint Matthieu et saint Marc.
Saint Matthieu et saint Marc disent, il est vrai, qu’elle répandit ce parfum
sur la tête du Seigneur, tandis que saint Jean le lui fait répandre sur les
pieds. Mais il n’y a point en cela de contradiction, si nous admettons que
cette femme répandit ce parfum, non seulement sur la tête, mais sur les pieds
du Seigneur. Peut-être nous objectera-t-on, dans un esprit de chicane, que,
suivant le récit de saint Marc, cette femme brisa le vase d’albâtre avant de
répandre le parfum sur la tête du Seigneur, et qu’il est impossible qu’il en
soit resté assez dans ce vase brisé pour parfumer ses pieds. Mais que les
contradicteurs veuillent bien remarquer qu’elle a pu répandre le parfum sur
les pieds du Seigneur avant de briser le vase, et qu’il en est resté assez
dans ce vase entier pour répandre sur sa tête lorsqu’elle l’eut brisé. — Saint Augustin : (doct. chrét., 3,
12.) Personne, [pour peu qu’il fasse usage de sa raison], ne pourrait croire
que le Seigneur a permis que cette femme répandit ces parfums précieux sur
ses pieds, à l’exemple des hommes sensuels et voluptueux. Dans toutes ces
choses, ce n’est point l’usage qui est coupable, mais la mollesse voluptueuse
de ceux qui s’en servent. Celui qui, dans l’usage qu’il en fait, dépasse les
limites que s’imposent les personnes vertueuses au milieu desquelles il vit,
ou fait preuve de dépravation, ou annonce que sa conduite a quelque chose de
mystérieux. La même chose donc qui, dans les autres, est presque toujours dépravée,
dans une personne divine ou dans un prophète, peut être un symbole ou une
figure ; car la bonne odeur figure la bonne réputation, et celui qui s’en
rend digne par les oeuvres d’une vie vertueuse, en suivant les pas de
Jésus-Christ, semble répandre sur ses pieds un parfum très précieux. — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 78.) Il semble qu’il y ait contradiction entre saint Matthieu et
saint Marc, qui, après avoir dit que la Pâque se ferait dans deux jours,
mentionnent tous les deux que Jésus était à Béthanie, où ce parfum précieux
fut répandu sur sa tête, tandis que saint Jean place le même fait six jours
avant la fête de Pâque. Mais ceux qui font cette difficulté, ne remarquent
pas que c’est par récapitulation que saint Matthieu et saint Marc racontent
ce fait ; car aucun d’eux, après avoir dit que la Pâque se ferait dans deux
jours, ne continue son récit en ajoutant : " Ensuite comme Jésus était à
Béthanie. " — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Mais comme les disciples avaient entendu le divin Maître proclamer cette
vérité : « J’aime mieux la miséricorde que le sacrifice »
(Mt 9, 12), ils se disaient en eux-mêmes : s’il n’a point pour agréables les
holocaustes, à plus forte raison l’usage que l’on fait de ce genre de parfum :
« Ce que ses disciples voyant, ils s’indignèrent et dirent : A quoi
bon cette perte, car on aurait pu vendre ce parfum très cher et en donner le
prix aux pauvres ». — Saint Jérôme : Je sais qu’il en est
qui attaquent ce passage ; car d’après saint Jean, disent-ils, Judas seul
s’indigna, parce qu’il avait la bourse, et qu’il avait volé dès le
commencement ; saint Matthieu, au contraire, raconte que tous les disciples
s’élevèrent contre cette femme. Mais ils oublient qu’il y a ici cette figure
de mots, appelée syllepse (sullhyis),
qui consiste à employer le singulier pour le pluriel, et le pluriel pour le
singulier. C’est ainsi que dans son épître aux Hébreux, saint Paul dit des justes
de l’ancienne loi : « Ils ont été sciés » (He 11), tandis
que d’après l’opinion commune, Isaïe seul a souffert ce supplice. — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 79.) On peut encore admettre que les autres disciples partagèrent
ces mêmes sentiments, et peut-être l’exprimèrent à la persuasion de Judas ;
c’est cette impression générale que saint Matthieu et saint Marc ont voulu
exprimer. Mais Judas tint ce langage, parce que c’était un voleur, les autres
y participèrent par un sentiment de charité pour les pauvres, et saint Jean
n’a fait mention que de Judas, parce qu’il a voulu constater à cette occasion
l’habitude qu’il avait de voler. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Telles étaient les pensées des disciples, mais le Seigneur, qui voyait
l’intention de cette femme, la laisse agir, tant est grande la piété qui
l’inspire, et le zèle qui l’anime. Il condescend donc à ses désirs, et lui
permet de répandre ce parfum sur sa tête. Son Père céleste avait souffert
qu’on lui offrît l’odeur des victimes et la fumée des sacrifices (Gn 8, 2),
ainsi Jésus-Christ daigne accepter le parfum que cette femme répand sur lui religieusement,
tandis que ses disciples la blâment, parce qu’ils ignorent l’intention qui la
fait agir. « Mais Jésus, sachant leurs murmures, leur dit : ‘Pourquoi
faites-vous de la peine à cette femme’ » — Saint Rémi : Preuve évidente qu’ils
avaient dit quelque chose de blessant pour cette femme, Il ajoute cette
parole remarquable : « Elle vient de faire une bonne oeuvre envers moi »,
c’est-à-dire, ce n’est point là comme vous le dites une perte, mais une bonne
oeuvre, un acte de piété et de religion. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Il ne se borne pas à dire : « Elle a fait une bonne oeuvre envers moi »,
mais il commence par réprimander ses disciples : « Pourquoi
faites-vous de la peine à cette femme ? » parce qu’il veut nous
apprendre à accepter, à encourager et à exciter celui qui fait une bonne
action quelle qu’elle soit, fût-elle d’ailleurs accompagnée de quelques
négligences, et à ne point exiger tout d’abord la perfection. Si on l’avait
interrogé avant que cette femme fît cette action, il ne lui en aurait pas
fait une obligation ; mais après que ce parfum eut été répandu, le reproche
des disciples n’avait plus d’application, et c’est pour ne point étouffer les
saints désirs de cette femme qu’il s’exprime ainsi pour sa consolation. Ensuite :
« Car vous aurez toujours des pauvres avec vous ». — Saint Rémi : Notre-Seigneur leur
prouve ici par une raison claire, qu’il ne fallait pas incriminer la conduite
de ceux qui l’assistaient de leurs biens pendant le cours de sa vie mortelle
; car il y aurait toujours des pauvres dans 1’Église, et les fidèles
trouveraient toujours l’occasion de leur faire du bien quand ils le
voudraient, tandis qu’il devait rester peu de temps avec eux revêtu d’un
corps mortel. « Mais pour moi, vous ne m’aurez pas toujours ».
— Saint Jérôme : Survient ici une
question : comment Notre-Seigneur a pu dire à ses disciples après sa
résurrection : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation
du monde » (Mt 28), tandis qu’il leur déclare ici qu’ils ne l’auront
pas toujours. Mais il me semble que dans cette dernière circonstance, il veut
parler de sa présence sensible dont ils ne devaient plus jouir après sa résurrection,
comme ils en jouissaient maintenant en toute intimité dans le commerce
habituel de la vie. — Saint Rémi : Ou bien, cette
question peut se résoudre en disant que c’est à Judas seul que Notre-Seigneur
a adressé ces paroles, et s’il n’a pas dit : Vous avez, mais : « Vous
aurez », c’est que dans la
personne de Judas, il a eu en vue tous ses imitateurs. Il dit aussi : « Vous
ne m’aurez pas toujours », bien que les méchants ne l’aient même pas
pour un temps, parce qu’ils paraissent avoir Jésus-Christ pendant cette vie
en se mêlant avec ses membres, et en s’approchant de sa table, mais ils ne
l’auront pas toujours de cette manière, parce que ce n’est qu’aux seuls élus
qu’il dira : « Venez les bénis de mon Père ». Suite : « Car
en répandant ce parfum sur mon corps, elle l’a fait en prévision de ma
sépulture ». C’était un usage chez les Juifs d’embaumer avec divers
parfums les corps des morts, pour les préserver plus longtemps de la
corruption, et comme cette femme devait avoir la pensée d’embaumer le corps
du Seigneur après sa mort, pensée qu’elle ne pourrait exécuter, prévenue
qu’elle serait par la résurrection, Dieu permit, par une disposition
providentielle, qu’elle couvrît de parfums le corps vivant de Jésus. C’est ce
que signifient ces paroles : « En répandant ce parfum sur mon corps,
elle l’a fait pour m’ensevelir »,
c’est-à-dire qu’en répandant ce parfum sur mon corps pendant ma vie,
elle a comme annoncé ma mort et ma sépulture. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Le Seigneur vient de parler de mort et de sépulture, il ne veut pas laisser
cette femme sous l’impression de tristesse [que ces paroles devaient lui
causer], il la console donc de nouveau en ajoutant : « Je vous le dis en
vérité, partout où sera prêché cet Evangile, dans le monde entier, ce
qu’elle a fait sera raconté, en mémoire d’elle». — Raban : C’est-à-dire dans tous les lieux où s’étendra l’Église,
dans tout l’univers on racontera ce qu’a fait cette femme. Ces dernières
paroles nous apprennent que de même que Judas eu blâmant cette action, s’est
couvert à tout jamais d’infamie, ainsi cette femme recueille dans tous les
siècles la gloire de son pieux dévouement. — Saint Jérôme : Voyez quelle
connaissance de l’avenir ! Lui dont la passion et la mort devaient avoir
lieu dans deux jours, il sait que son Évangile sera prêché dans tout
l’univers. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Or, voici que cette prédiction a reçu son accomplissement ; et dans quelque
partie de la terre que vous alliez, vous verrez cette femme devenue célèbre
par la puissance de celui qui a fait cette prédiction. Les victoires d’une
multitude de rois et de généraux sont ensevelies dans le silence, et on ne
connaît ni le nom, ni les actions d’un grand nombre de ceux qui ont construit
des villes et réduit en servitude une infinité de nations. Mais cette femme a
répandu un vase de parfum dans la maison d’un lépreux, en présence de douze
hommes, et voici que tous la célèbrent à l’envi par toute la terre, et malgré
le temps qui s’est écoulé depuis, le souvenir de cette action n’est pas
effacé. Mais pourquoi Notre-Seigneur n’a-t-il point promis de récompense
particulière à cette femme, mais seulement une mémoire éternelle ? Parce que
sa récompense est clairement indiquée dans les paroles du Seigneur ; car
puisqu’elle a fait une bonne oeuvre, il est évident qu’elle en recevra la
récompense. — Saint Jérôme : Dans le sens
mystique, celui qui doit souffrir pour l’univers entier, s’arrête à Béthanie
dans la maison de l’obéissance, autrefois la maison de Simon le lépreux,
Simon veut dire aussi obéissant, et selon une autre explication, il signifie
le monde, et c’est dans sa maison que l’Église a été guérie. — Origène : Partout,
dans les Écritures, l’huile signifie ou une oeuvre de miséricorde qui
entretient la lampe de la parole et lui donne son éclat, ou la doctrine
destinée à nourrir la parole de la foi, qui brille en nous comme une lumière.
Généralement on donne le nom d’huile à tout ce qui sert à oindre le corps.
Mais parmi les huiles, il y a les parfums, et parmi les parfums, il en est de
plus précieux les uns que les autres. Ainsi tout acte selon la justice,
s’appelle une bonne oeuvre ; mais parmi les bonnes oeuvres, celles que nous
faisons pour les hommes ou d’une manière toute humaine, sont différentes de
celles que nous faisons pour Dieu et dans l’intention de lui plaire. De même
dans les actions que nous faisons pour Dieu, les unes sont utiles aux hommes,
les autres ne tendent qu’à la gloire de Dieu. Ainsi, par exemple, un homme
fait du bien à son semblable par un sentiment naturel de justice, et sans
songer à plaire à Dieu, comme le faisaient parfois les Gentils, cette action
est une huile ordinaire, qui n’a point d’odeur exquise, elle est cependant
agréable à Dieu ; car, comme le dit saint Pierre dans les écrits de saint Clément,
les bonnes oeuvres que font les infidèles leur servent dans ce monde, mais
non dans l’autre où elles sont stériles pour la vie éternelle. Ceux qui
agissent pour Dieu, en recueillent surtout le prix dans l’autre vie, et c’est
un parfum qui exhale une odeur délicieuse. Quelquefois ils agissent dans
l’intérêt du prochain en faisant des aumônes, ou d’autres oeuvres semblables,
et celui qui exerce ces oeuvres de miséricorde à l’égard des chrétiens,
répand des parfums sur les pieds de Jésus-Christ. C’est ce que font
ordinairement les pécheurs repentants pour obtenir la rémission de leurs
péchés. Celui, au contraire, qui s’applique à la pratique de la chasteté, qui
persévère dans les prières, dans les jeûnes et dans d’autres oeuvres qui ne
tendent qu’à la gloire de Dieu, répand des parfums sur la tête du Seigneur ;
c’est un parfum précieux dont l’odeur se répand dans toute l’Église, et c’est
l’œuvre propre, non pas des pénitents, mais des parfaits. Ou bien, le parfum
répandu sur les pieds du Seigneur, c’est la doctrine qui est nécessaire aux
hommes, tandis que la connaissance de la foi qui n’a pour objet que Dieu est
le parfum répandu sur la tête de Jésus-Christ, et c’est par ce parfum que
nous sommes, par le baptême, ensevelis avec Jésus-Christ pour mourir au
péché. — Saint Hilaire : Cette femme figure le peuple des Gentils, c’est elle qui, dans la passion de Jésus-Christ, rend gloire à Dieu ; car elle a répandu des parfums sur sa tête, et la tête du Christ c’est Dieu ; le parfum, c’est le fruit des bonnes oeuvres. Les disciples, dans le désir qu’ils avaient de sauver Israël, prétendent qu’on aurait dû vendre ce parfum pour en distribuer le prix aux pauvres, c’est-à-dire aux Juifs qu’ils appellent par une inspiration prophétique des pauvres, comme étant privés des richesses de la foi, et le Seigneur leur déclare qu’ils auront tout le temps nécessaire pour prendre soin de ces pauvres. D’ailleurs ce n’est que par son ordre exprès qu’ils pourront porter le salut aux Gentils qui ont été ensevelis avec lui, et couverts du parfum répandu par cette femme ; car la régénération ne sera donnée dans le baptême qu’à ceux qui seront morts avec lui. Or, partout où l’Évangile sera prêché, on racontera ce qu’a fait cette femme, parce qu’après la chute du peuple d’Israël, la foi des Gentils proclamera la gloire de 1’Évangile. |
Lectio 4 [85589] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 4 Glossa. Posita occasione
proditionis, consequenter de proditione Iudae agit Evangelista; unde dicit
tunc abiit unus de duodecim. Chrysostomus in Matth. Tunc scilicet quando
hoc audivit quoniam praedicabitur hoc Evangelium ubique: timuit enim: nam
virtutis ineffabilis erat quod dictum est. Augustinus de Cons. Evang. Ita enim sermo
dirigitur dicente domino scitis quia post biduum Pascha fiet (...) tunc
congregati sunt principes sacerdotum (...) tunc abiit unus de duodecim. Inter
illud enim quod dictum est: ne tumultus fieret in populo, et hoc quod dicitur
tunc abiit unus de duodecim, interpositum est illud de Bethania, quod
recapitulando dictum est. Origenes in Matth. Abiit autem adversus unum
principem sacerdotum, qui factus fuerat sacerdos in aeternum, ad multos
principes sacerdotum, ut venderet pretio volentem redimere totum mundum. Rabanus. Abiit autem dicit, quia non coactus,
non invitatus, sed sponte sceleratum iniit consilium. Chrysostomus in Matth. Addit autem unus de
duodecim, ac si diceret: de primo choro eorum qui sublimiter electi sunt; et
ad designationem eius adiungit qui dicitur Iudas Iscariotes: erat enim et
alius Iudas. Remigius. Iscariota namque fuit villa, unde
ortus est iste Iudas. Leo Papa in Serm. 9 de passione. Qui non
timoris perturbatione Christum deseruit, sed pecuniae cupiditate distraxit:
amore enim pecuniae vilis est omnis affectio, et anima lucri cupida, etiam
pro exiguo perire non metuit; nullumque est iustitiae in illo corde vestigium
in quo sibi avaritia facit habitaculum. Hoc perfidus Iudas inebriatus veneno,
dum sitit lucrum, ita stulte impius fuit ut dominum venderet et magistrum:
unde dixit principibus sacerdotum quid vultis mihi dare, et ego vobis tradam?
Hieronymus. Infelix Iudas damnum quod ex
effusione unguenti se fecisse credebat, vult magistri pretio compensare; nec
certam tamen postulat summam, ut saltem lucrosa videretur proditio; sed quasi
vile tradens mancipium, in potestate ementium posuit quantum vellent dare.
Origenes in Matth. Hoc autem faciunt omnes qui
accipiunt aliquid corporalium aut mundialium rerum ut tradant, et eiciant ab
anima sua salvatorem et verbum veritatis quod erat in eis. Sequitur at illi
constituerunt ei triginta argenteos: tantam mercedem constituentes, quantos
annos salvator conversatus fuerat in hoc mundo. Hieronymus. Ioseph autem, non, ut putant multi
iuxta Septuaginta interpretes, triginta aureis venditus est, sed iuxta Hebraicam
veritatem, triginta argenteis: neque enim poterat servus pretiosior esse quam
dominus. Augustinus de quaest. Evang. Quod autem
dominus triginta argenteis venditus est, significavit per Iudam Iudaeos,
iniquosque, qui persequentes carnalia et temporalia quae ad quinque pertinent
sensus corporis, Christum habere noluerunt; et quia sexta mundi aetate
fecerunt, sexies quinque eos quasi pretium venditi domini accepisse signatum
est, et quia eloquium domini argentum est, illi autem ipsam legem etiam carnaliter
intellexerunt, tamquam in argento impresserant saecularis principatus
imaginem, quam amisso domino tenuerunt. Sequitur et exinde quaerebat
opportunitatem ut eum traderet. Origenes in Matth. Qualem autem opportunitatem
quaerebat Iudas, Lucas manifestius explanat dicens: et quaerebat
opportunitatem ut traderet eum sine turba; idest, quando populus non erat
circa eum, sed secretus erat cum discipulis; quod et fecit, tradens eum post
coenam, cum secretus esset in praedio Gethsemani: et inde usque nunc opportunitas
ista videtur his qui volunt prodere Dei verbum in tempore persecutionis,
quando multitudo credentium non est circa verbum veritatis. |
Versets
14-15.
— La Glose : Après
nous avoir fait connaître quelle fut l’occasion de la trahison de Judas, l’Évangéliste
en vient au fait même de cette trahison : « Alors
l’un des douze s’en alla. » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
C’est-à-dire lorsqu’il eut entendu que cet Évangile serait prêché eu tout
lieu, il fut saisi de crainte ; car les paroles du Seigneur étaient pleines
d’une puissance ineffable. — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 80.) Voici la suite du discours de Notre-Seigneur : « Vous
savez que la Pâque se fera dans deux jours ». — Alors les princes des prêtres
s’assemblèrent. — Alors l’un des douze s’en alla.
Entre ces paroles : « de peur qu’il ne s’élève quelque tumulte parmi le
peuple », et ces autres : « Alors l’un des douze s’en alla », l’Évangéliste raconte le fait qui s’est
passé à Béthanie, et qu’il place ici par récapitulation. — Origène : Pour
trahir l’unique prince des prêtres qui a été consacré prêtre pour l’éternité
(Ps 109), il alla trouver tous ces princes des prêtres afin de leur vendre à
prix d’argent celui qui voulait racheter le monde entier. — Raban : L’auteur sacré dit qu’il s’en alla, c’est-à-dire que
c’est sans y être forcé, sans y être sollicité, mais de son plein gré qu’il
conçut ce criminel dessein. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Il dit : « L’un des douze », c’est-à-dire l’un de ceux qui les
premiers ont été l’objet d’une vocation sublime, et il ajoute pour le
distinguer : « appelé Judas Iscariote » ; car il y avait un autre
Judas. — Saint Rémi : Iscariote était le
village où Judas était né. — Saint Léon le Grand : (Serm. 9 sur
la passion.) Ce n’est point l’impression du trouble produit par la crainte
qui lui fait abandonner Jésus-Christ, mais l’amour de l’argent ; car pour
cette passion, aucune affection n’a de prix, une âme dominée par l’amour du
gain ne craint pas de s’exposer à sa perte pour un misérable profit, et il
n’y a plus de trace de justice dans un cœur où l’avarice a fixé sa demeure.
Enivré de ce poison, le perfide Judas, dévoré par la soif de l’argent, pousse
l’excès de sa folle impiété jusqu’à vendre son Seigneur et son Maître. « Et il dit aux princes des prêtres :
Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai ? » — Saint Jérôme : L’infortuné Judas
veut se dédommager par la vente de son Maître de la perte qu’il croyait avoir
faite en voyant ce parfum répandu. Il ne fixe pas de chiffre précis de
manière à ce que cette trahison fût pour lui une affaire lucrative, mais
comme s’il livrait un vil esclave, il laisse aux acheteurs de déterminer le
prix qu’ils veulent y mettre. — Origène : Or,
voilà ce que font tous ceux qui reçoivent quelque chose des biens de la terre
ou des avantages du monde pour livrer et chasser de leur âme le Sauveur et la
parole de vérité qui était en eux. Suite : « Et
ils lui promirent trente pièces d’argent. » Ils semblent établir le prix
de la vente sur le nombre d’années que le Sauveur avait passées dans le
monde. — Saint Jérôme : Joseph ne fut pas,
comme quelques interprètes le pensent d’après la version des Septante, vendu
trente pièces d’or, mais trente pièces d’argent d’après le texte hébreu qui
est authentique. Car le serviteur ne pouvait être estimé à un plus haut prix
que le Maître. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1,
44.) Judas, vendant le Seigneur trente pièces d’argent, représente les Juifs
infidèles, qui, en poursuivant les biens terrestres et périssables (qui sont
l’objet des cinq sens du corps), n’ont pas voulu recevoir le Christ ; et
comme ils ont commis ce crime au sixième âge du monde, ils ont reçu pour prix
du Seigneur qu’ils ont vendu, une somme figurative composée du chiffre six
multiplié par cinq ; et parce [qu’il est écrit] que la parole du Seigneur est
pure comme l’argent, et qu’ils n’ont eu de la loi qu’une intelligence
charnelle, ils ont comme gravé sur l’argent l’effigie de ce pouvoir
terrestre, auquel ils ont été soumis après avoir perdu le Seigneur. Suite : « Et depuis ce moment, il cherchait une
occasion favorable pour le livrer ». — Origène : Saint Luc nous explique plus clairement quelle était cette occasion que cherchait Judas en disant : « Il cherchait l’occasion de leur livrer sans exciter de troubles », c’est-à-dire au moment où le peuple ne l’entourait pas, et où il se trouvait seul avec ses disciples. C’est ce qu’il fit en le livrant après la cène, lorsqu’il était seul dans le jardin de Gethsémani. Et voyez si aujourd’hui encore ce n’est pas cette même occasion favorable que cherchent ceux qui veulent trahir le Verbe de Dieu dans les temps de persécution, c’est-à-dire alors que la parole de vérité n’est pas entourée et défendue par la multitude des fidèles. |
Lectio 5 [85590] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 5 Glossa. Prosecutus fuerat
Evangelista de his quae erant praeambula ad Christi passionem, scilicet de
praenuntiatione passionis, de consilio principum et de tractatu proditionis:
nunc autem tempus et seriem passionis incipit prosequi, dicens prima autem
die azymorum. Hieronymus. Prima dies azymorum quartadecima
dies mensis primi est, quando agnus immolatur, et luna plenissima est, et
fermentum abicitur. Remigius. Et notandum, quod apud Iudaeos primo
die Pascha celebratur, reliqui vero septem sequentes dies azymorum
vocabantur; sed nunc dies azymorum dicitur pro die Paschae. Chrysostomus in Matth. Vel hanc primam diem
azymorum dicit, quia septem dies azymorum erant: assueverunt enim Iudaei a
vespera semper numerare diem; unde huius diei facit mentionem, secundum quam
in vespera Pascha erat immolandum, quod quinta feria fuit. Remigius. Sed forte dicet aliquis: si ille
typicus agnus figuram huius veri agni gestabat, quare non ea nocte passus est
Christus quando solebat agnus immolari? Sed sciendum, quia eadem nocte
mysteria sanguinis et corporis sui discipulis celebranda tradidit; et sic
tentus et ligatus a Iudaeis, suae immolationis, idest passionis, sacravit
exordium. Sequitur accesserunt ad Iesum discipuli dicentes: ubi vis paremus
tibi comedere Pascha? Inter eos autem discipulos qui accesserunt ad Iesum,
interrogantes et Iudam fuisse aestimo proditorem. Chrysostomus in Matth. Ex hoc autem manifestum
est quoniam non erat ei domus neque tugurium: ego autem aestimo neque discipulos
habuisse: profecto enim eum illuc rogassent venire. Sequitur at Iesus dixit: ite in civitatem ad quemdam. Augustinus de Cons. Evang.
Eum scilicet quem Marcus et Lucas dicunt patremfamilias vel dominum domus.
Quod ergo interposuit Matthaeus ad quemdam, tamquam ex persona sua studio
brevitatis illud compendio voluit insinuare: nam neminem sic loqui ut dicat
ite ad quemdam, quis nesciat? Ac per hoc cum Matthaeus verba domini posuisset
dicentis ite in civitatem, interposuit ipse ad quemdam: non quia ipse dominus
hoc dixerit; sed ut ipse nobis insinuaret tacito nomine, fuisse quemdam in
civitate ad quem domini discipuli mittebantur, ut praepararent Pascha:
manifestum est enim discipulos a domino non ad quemlibet, sed ad quemdam
hominem, idest ad certum aliquem missos esse. Chrysostomus in Matth. Vel dicendum,
quod per hoc quod dicit ad quemdam, ostendit quod ad ignotum hominem mittit,
monstrans hinc quoniam poterat non pati. Qui
enim menti huius persuasit ut eos susciperet, quid non utique operatus esset
in his qui eum crucifigebant, si tamen voluisset non pati? Ego autem non hoc admiror solum quoniam eum suscepit, ignotus
existens: sed quoniam suscipiendo Christum, multorum odium contempsit. Hilarius in Matth. Vel ideo hominem cum
quo Pascha celebraturus esset non nominat, nondum enim Christiani nominis
honor credentibus erat praestitus. Rabanus. Vel nomen praetermittit, ut
omnibus verum Pascha celebrare volentibus, Christumque hospitio suae mentis
suscipere, danda facultas designetur. Hieronymus. In hoc etiam morem veteris
testamenti nova Scriptura conservat: frequenter enim legimus: dixit ille
illi, et in loco illo et illo; et tamen nomen personarum locorumque non
ponitur. Sequitur et dicite ei: magister dicit: tempus
meum prope est. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dixit
discipulis, passionem commemorans, ut ex multiplici passionis enuntiatione
exercitati meditarentur quod futurum erat; simul autem demonstrans quod
volens ad passionem venit. Sequitur apud te facio Pascha: in quo demonstrat
quoniam usque ad ultimum diem non erat contrarius legi. Addidit autem cum
discipulis meis, ut sufficiens fieret praeparatio, et ut ille ad quem
mittebat non existimaret eum occultari velle. Sequitur et fecerunt discipuli
sicut constituit illis Iesus, et paraverunt Pascha. Origenes in Matth. Forsitan autem aliquis
requiret, ex eo quod Iesus celebravit more Iudaico Pascha, quia convenit et
nos imitatores Christi similiter facere: non considerans quod Iesus factus
est sub lege, non ut eos, qui sub lege erant, sub lege relinqueret, sed ut ex
lege educeret; quanto ergo magis non convenit illos introire in legem, qui
prius fuerant extra legem? Sed spiritualiter celebrantes quae in lege
corporaliter celebranda mandantur, ut in azymis sinceritatis et veritatis
celebremus Pascha, secundum voluntatem agni dicentis: nisi manducaveritis
carnem meam, et biberitis sanguinem meum, non habebitis vitam in vobis. |
Versets
17-19.
— La Glose : L’Évangéliste vient d’exposer les préludes de la passion de Jésus-Christ, c’est-à-dire la prédiction qu’il en fait lui-même, le conseil tenu par les princes des prêtres, et le traité conclu par le traître Judas, il va maintenant raconter toute la suite de l’histoire de la passion. « Or, le premier jour des azymes. » — Saint Jérôme : Le premier jour des
azymes est le, quatorzième du premier mois, où l’on immole l’agneau pascal ;
c’est le jour où la lune est dans son plein, et où il était défendu de
conserver de levain. — Saint Rémi : Il faut remarquer que,
chez les Juifs, la Pâque se célébrait au premier jour, et les sept jours qui
suivaient étaient les jours des azymes ; mais maintenant le jour de Pâques
est également appelé le jour des azymes (Ac 12). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Ou bien, le Seigneur appelle ce jour le premier jour des azymes, parce qu’il
y avait sept jours des azymes. Or, c’était l’usage chez les Juifs de compter
les jours en partant de la veille au soir ; l’Évangéliste rappelle donc ce
jour au soir duquel la Pâque devait être immolée, c’est-à-dire le cinquième
jour de la semaine. — Saint Rémi : Peut-être nous
fera-t-on cette objection : Si cet agneau figuratif était le symbole du
véritable agneau, pourquoi Jésus-Christ n’a-t-il pas souffert la nuit même où
on immolait cet agneau ? Nous répondons que c’est cette nuit là même qu’il a
donné à ses disciples le pouvoir de célébrer les mystères de son corps et de
son sang, et c’est immédiatement après que les Juifs se sont saisis de sa
personne, l’ont chargé de chaînes, et qu’il a ainsi consacré le commencement de
son immolation, c’est-à-dire de sa passion. Suite : « Les disciples vinrent trouver
Jésus, et lui dirent : Où voulez-vous que nous vous préparions ce qu’il faut
pour manger la Pâque ? » Je pense que le traître Judas se trouvait
parmi les disciples qui s’approchèrent de Jésus pour lui faire cette
question. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Nous voyons clairement par là, que le Seigneur n’avait à lui, ni maison ni
asile, et je suis porté à croire que ses disciples n’en avaient pas non plus
; car ils l’eussent prié d’y venir pour y célébrer la Pâque. « Jésus leur répondit : Allez dans la
ville chez un tel ». — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 80.) C’est celui que saint Marc et saint Luc appellent le père de
famille ou le maître de la maison. Si donc saint Matthieu dit : « Allez chez un tel », c’est
de lui-même et pour abréger son récit ; car chacun sait que personne ne peut
formuler un ordre de cette manière : " Allez chez un tel ". Saint
Matthieu, après avoir rapporté les paroles du Seigneur : « Allez dans la
ville », ajoute donc de lui-même : « chez un tel », non que le Seigneur se soit exprimé de la
sorte, mais pour nous faire entendre, sans citer son nom, qu’il y avait un
homme dans la ville à qui le Seigneur adressait ses disciples pour lui préparer la Pâque. Car il est hors de doute
que les disciples du Seigneur ne furent pas adressés au premier venu, mais à
un homme qu’il leur désignait d’une manière spéciale. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
Ou bien en leur disant : « Allez
chez un tel », il veut montrer qu’il les adresse à un homme inconnu,
et leur apprendre ainsi qu’il était en son pouvoir de ne pas souffrir, car
celui qui pouvait déterminer un inconnu à les recevoir, que n’aurait-il pu
sur l’esprit de ceux qui devaient le crucifier, s’il avait voulu ne pas se
soumettre au supplice de la croix ? Pour moi, ce que j’admire dans cet homme,
ce n’est pas seulement qu’un homme qui ne connaissait pas Jésus-Christ l’ait
reçu chez lui, mais qu’il ait méprisé, en le recevant, la haine générale à
laquelle il s’exposait. — Saint Hilaire : (can. 30 sur S. Matth.) Ou bien, il ne nomme pas celui chez
lequel il devait célébrer la Pâque, parce qu’il n’avait pas encore accordé à
ceux qui croyaient en lui, la gloire du nom chrétien. — Raban : Ou bien encore, il passe son nom sous silence, pour nous
apprendre qu’il donne à tous ceux qui le veulent, le pouvoir de célébrer la
vraie Pâque, et de recevoir Jésus-Christ dans la demeure de leur âme. — Saint Jérôme : Les écrivains du Nouveau Testament se conforment ici à l’usage suivi par les écrivains de l’Ancien Testament qui s’expriment souvent de cette manière : « Celui-ci lui dit : Dans ce lieu-ci, dans celui-là », sans désigner autrement le nom des personnes et des lieux. Suite : « Dites-lui : ‘Le Maître te fait dire : mon temps est proche’ ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 80.)
L’intention du Seigneur est ici de rappeler sa passion à ses disciples, et de
les exercer pour ainsi dire par ces prédictions répétées de ses souffrances,
pour qu’elles deviennent l’objet continuel de leurs méditations, et aussi
pour leur prouver que c’était volontairement qu’il allait souffrir : « Je viens faire la Pâque chez vous »,
paroles qui montrent d’ailleurs qu’il voulait jusqu’au dernier jour de sa vie
se conformer à la loi. Il ajoute : « avec
mes disciples », afin qu’il fasse tous les préparatifs nécessaires,
et que cet homme à qui il adressait ses disciples ne s’imaginât pas qu’il
avait l’intention de se cacher dans sa maison. Suite : « Et les disciples firent ce que Jésus
leur avait commandé, et ils préparèrent la Pâque. » — Origène : Peut-être voudra-t-on s’autoriser de ce que Jésus a célébré la Pâque selon l’usage des Juifs, pour prétendre que nous, imitateurs de Jésus-Christ, nous devons agir de même. Mais ce serait oublier que Jésus ne s’est pas assujetti à la loi pour laisser sous le joug de la loi, mais, au contraire, pour délivrer de ce joug ceux qui étaient sous la loi (Ga 4, 4). A combien plus forte raison donc ne convient-il pas à ceux qui vivaient en dehors de la loi, de se soumettre à ses prescriptions. Les chrétiens doivent donc se contenter d’accomplir d’une manière spirituelle ce que la loi prescrivait d’accomplir extérieurement ; et c’est ainsi que nous devons célébrer la Pâque avec les azymes de la sincérité et de la vérité pour nous conformer à la volonté de l’Agneau qui nous dit : « Si vous ne mangez ma chair, et si vous ne buvez mon sang, vous n’aurez point la vie en vous ». |
Lectio 6 [85591] Catena in Mt., cap. 26 l. 6 Hieronymus.
Quia supra dominus de passione sua praedixerat, nunc etiam de proditore
praedicit, dans ei poenitentiae locum, ut cum intelligeret sciri cogitationes
suas et occulta cordis consilia, poeniteret eum facti sui; unde dicitur
vespere autem facto, discumbebat cum duodecim discipulis suis. Remigius. Cum duodecim dicit, quia Iudas adhuc
erat in numero qui iam recesserat merito. Hieronymus. Omnia enim sic agit Iudas ut
tollatur suspicio proditoris. Remigius. Et notandum quia pulchre vespere
facto discubuisse dicitur, quoniam ad vesperam agnus immolari solebat. Rabanus. Ideo etiam vespere discubuit cum
discipulis, quia in passione Christi, quando verus sol ad occasum properavit,
refectio aeterna omnibus fidelibus praeparata fuit. Chrysostomus in Matth. Designat autem Evangelista
quod comedentibus illis disputat Iesus de traditione Iudae, ut et a tempore
et a mensa ostendat malitiam proditoris; et ideo sequitur et edentibus illis,
dixit: amen dico vobis, quia unus vestrum me traditurus est. Leo Papa in Serm. 7 de passione. In quo notam
sibi esse proditoris sui conscientiam demonstravit, non aspera ac aperta
impium increpatione confundens, sed levi et tacita admonitione conveniens, ut
facilius corrigeret poenitudo quem nulla deformasset abiectio. Origenes in Matth. Vel dixit generaliter, ut
testimonio percussi cordis singulorum qualitas probaretur, et ut Iudae
ostenderet malitiam, qui nec cognitori consiliorum suorum credebat; esto quia
in primis putavit latere quasi hominem, qui postquam vidit conscientiam suam
positam in verbis ipsius, quorum primum infidelitatis erat, secundum
impudentiae: et ut etiam discipulorum ostenderet bonitatem, quia plus
credebant verbis Christi quam conscientiae suae; unde sequitur et contristati
valde coeperunt singuli dicere: numquid ego sum, domine? Unusquisque enim
discipulorum sciebat ex his quae docuerat Iesus, quoniam ad malum vertibilis
est humana natura, et in colluctatione adversus rectores huius mundi
tenebrarum; et propter hanc causam unusquisque eorum timens interrogavit:
unde et de omnibus futuris timendum est nobis infirmis. Videns autem dominus
de seipsis timentes discipulos, demonstravit proditorem inditio propheticae
vocis dicentis: qui manducavit panem mecum, ampliavit adversum me
supplantationem; unde sequitur at ipse respondens ait: qui intingit mecum
manum in paropside, hic me tradet. Hieronymus. O mira domini patientia. Prius
dixerat: unus vestrum me tradet; perseverat proditor in malo; manifestius
arguit, et tamen nomen proprium non designat. Iudas enim, ceteris contristatis
et retrahentibus manum, et interdicentibus cibos ori suo, temeritate et
impudentia qua proditurus erat, etiam manum cum magistro mittit in
paropsidem, ut audacia bonam conscientiam mentiretur. Chrysostomus in Matth. Mihi autem videtur et
hoc Christum fecisse, quod scilicet Iudas cum eo in paropside intingeret,
magis eum confundens, et in amorem suum attrahens. Rabanus. Quod autem dicit hic Matthaeus in
paropside, Marcus dicit: in catino. Paropsis enim est vas escarum
quadrangulatum a paribus assibus, idest aequis lateribus, dictum; catinum
vero vas fictile aptum ad immittendum liquorem; et potuit fieri ut in mensa
vas fictile quadrangulatum contineretur. Origenes in Matth. Haec est autem propria
consuetudo hominum nimis malorum, ut post salem et panem insidientur
hominibus, maxime nihil inimicitiae ab eis habentibus. Si autem et post
spiritualem mensam, abundantius videbis multitudinem malitiae eius, non
recordatus nec in corporalibus bonis magistri dilectionem, nec in
spiritualibus doctrinam. Tales sunt omnes in Ecclesia qui insidiantur
fratribus suis, cum quibus ad eamdem mensam corporis Christi frequenter simul
fuerunt. Hieronymus. Iudas autem nec primo nec secundo
correctus, a proditione retrahit pedem; sed patientia domini nutrit
impudentiam suam; et ideo poena praedicitur, ut quem pudor non viderat,
corrigant denuntiata supplicia; unde sequitur filius quidem hominis vadit,
sicut scriptum est de illo. Remigius. Humanitatis namque est ire et
redire; divinitatis semper manere et esse; et quia humanitas pati potuit et
mori, idcirco pulchre dicitur filius hominis abire. Aperte etiam dicit sicut
scriptum est de eo: quoniam quaecumque passus est, prius a prophetis
praedicta sunt. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dixit ad
consolandum discipulos, ut non existimarent infirmitatis id esse quod
passurus erat; et ut etiam corrigeret proditorem. Quamvis autem scriptum
fuerit passurum esse Christum, nihilominus tamen incusatur Iudas; non enim
traditio Iudae salutem nostram operata est, sed sapientia Christi, qui
aliorum nequitiis ad id quod nobis expediebat utebatur; unde sequitur vae
autem homini illi per quem filius hominis tradetur. Origenes in Matth. Non autem dixit vae homini
illi a quo traditur, sed per quem tradetur: ostendens alterum a quo
tradebatur, idest a Diabolo; ipsum autem Iudam ministrum esse traditionis.
Vae autem omnibus traditoribus Christi; quicumque enim discipulos Christi
tradit, ipsum Christum tradit. Remigius. Vae etiam erit omnibus qui maligna
conscientia et polluta ad mensam Christi accedunt: quamvis enim Christum non
tradant Iudaeis crucifigendum, tradunt tamen suis iniquis membris sumendum;
et ad maiorem exaggerationem subdit bonum erat illi si natus non fuisset homo
ille. Hieronymus. Non autem ideo putandus est ante
fuisse quam nasceretur, quia nulli possit esse bene, nisi ei qui fuerit; sed
simpliciter dictum est multo melius esse non subsistere, quam male subsistere.
Augustinus de quaest. Evang. Et si quispiam
contendit aliquam vitam esse ante istam, non Iudae tantum ut non nasceretur,
sed nulli expedire convincitur. An Diabolo dicit non expedire nasci, scilicet
ad peccatum? An etiam bonum erat illi ut Christo non nasceretur per
vocationem, ne esset apostata? Origenes in Matth. Iudas autem post omnium
apostolorum interrogationes, et post Christi narrationem de ipso, vix
aliquando et ipse interrogavit versuto consilio, ut similia ceteris
interrogando celaret proditionis consilium: nam vera tristitia non sustinet
moram; unde sequitur respondens autem Iudas, qui tradidit eum, dixit: numquid
ego sum, Rabbi? Hieronymus. In quo blandientis fingit
affectum, sive incredulitatis signum. Ceteri enim, qui non erant prodituri,
dicunt: numquid ego sum, domine? Iste qui proditurus erat, non dominum, sed
magistrum vocat; quasi excusationem habeat, si domino denegato, saltem
magistrum prodiderit. Origenes in Matth. Vel hoc ipsum quasi
subsannans dicit, quia vocabatur magister, cum non esset hoc vocabulo dignus.
Chrysostomus in Matth. Quamvis autem dominus poterat dixisse: argentum es
pactus accipere, et adhuc audes interrogare? Sed nihil horum dixit mitissimus
Iesus, nobis terminos et regulas praefigens; sequitur enim et ait illi: tu
dixisti. Remigius. Quod sic potest intelligi: tu dicis,
et verum dicis; sive tu dixisti, et non ego: ut adhuc ei locus poenitentiae
concederetur, dum non apertius eius perversitas manifestatur. Rabanus. Potuit hoc etiam sic dici a Iuda, et
a domino responderi, ut non omnes adverterent quod dictum erat. |
Versets
20-25.
— Saint Jérôme : Le Seigneur, non
content d’avoir annoncé sa passion à ses disciples, leur prédit maintenant
celui qui doit le trahir ; il lui offre ainsi l’occasion de faire pénitence ;
car en lui montrant qu’il connaissait ses pensées, et les secrets desseins de
son cœur, il voulait l’amener à se repentir de son projet : « Le soir donc étant venu, il se mit
à table avec ses douze disciples ». — Saint Rémi : Il dit : « avec les douze », car Judas était encore du nombre des
Apôtres, bien qu’il en fût déjà séparé par les dispositions de son âme. — Saint Jérôme : Judas se conduit en
tout de manière à éloigner de lui le soupçon de trahison. — Saint Rémi : Et voyez par quel
rapprochement touchant Notre-Seigneur, selon le récit de 1’Évangéliste, se
met à table lorsque le soir fut venu ; car c’était vers le soir que l’agneau,
d’habitude, devait être immolé. — Raban : C’est le soir qu’il se met à table avec ses disciples,
car c’est dans la passion du Seigneur, lorsque le soleil véritable approchait
de son déclin, que l’éternel festin fut préparé à tous les fidèles. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
L’Évangéliste nous fait remarquer que c’est pendant qu’ils étaient à table,
que Jésus parle de la trahison de Judas, pour faire ressortir la noirceur de
ce traître par les circonstances du temps, et de ce repas auquel il participe
lui-même. « Et pendant qu’ils
mangeaient, il leur dit : ‘Je vous dis en vérité que l’un d’eux doit me
trahir’ ». — Saint Léon le Grand : Il montre par
là que la conscience du traître lui était connue. Il ne le confond point par
un reproche sévère et direct, mais il se contente de lui donner un
avertissement indirect et plein de douceur, pour amener plus facilement à se
repentir de ses criminels desseins celui que le mépris n’aurait pas encore flétri.
— Origène : Ou
bien, il parle en termes généraux, pour en appeler au témoignage de leur
conscience, et faire ainsi connaître les dispositions intérieures de chacun
d’eux. Il veut aussi dévoiler la méchanceté de Judas qui ne se rendait même
pas à la voix de celui qui connaissait ses projets. Il avait cru d’abord, je
pense, pouvoir en dérober la connaissance à Jésus-Christ comme à un homme,
mais lorsqu’il vit que sa conscience était à découvert devant lui, il voulut
profiter du secret dont le Seigneur avait comme enveloppé ses paroles,
joignant ainsi au crime de l’incrédulité le crime de l’impudence.
Notre-Seigneur veut enfin faire éclater la délicatesse de conscience de ses
disciples qui s’en rapportaient bien plus aux paroles de leur Maître qu’au
témoignage de leur propre cœur ; d’où la suite : « Et ils furent
contristés, et chacun d’eux commença à lui dire : Est-ce moi Seigneur ? »
Car les enseignements de Jésus avaient appris à chacun d’eux que la nature
humaine peut facilement tourner au mal, et qu’elle est toujours en lutte avec
les princes de ce monde de ténèbres. Aussi la crainte s’empare de leur âme,
et sous cette impression, chacun d’eux interroge le Seigneur ; ainsi
devons-nous, à leur exemple, craindre tout de l’avenir, nous qui sommes si
faibles. Or, le Seigneur, les voyant ainsi pleins de la crainte d’eux-mêmes,
désigne le traître à l’aide d’un témoignage prophétique : « Celui
qui mangeait mon pain à ma table a fait éclater sa trahison contre moi ». (Ps 40.) Suite : « Il
leur répondit : Celui qui met la main avec moi dans le plat, celui-là me
trahira ». — Saint Jérôme : O patience admirable
de Jésus-Christ ! Il avait commencé par dire : « Un de vous me trahira », le traître persévère dans
ses criminels desseins, il le désigne plus clairement, sans toutefois le
nommer. Et cependant, alors que tous les autres sont attristés, qu’ils
retirent leur main, et n’osent porter les mets à leur bouche, Judas pousse la
témérité et l’impudence qui doivent bientôt faire de lui un traître, jusqu’à
mettre la main dans le plat avec son Maître, pour se couvrir audacieusement
de l’apparence hypocrite d’une bonne conscience. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 81.)
Pour moi, je crois que le Seigneur a permis que Judas portât la main avec lui
dans le plat, pour lui inspirer une salutaire confusion, et réveiller dans
son cœur le sentiment de l’amour qu’il lui devait. — Raban : Saint Matthieu désigne ce plat par l’expression « in
paropside », saint Marc, par cette autre « in catino ». Or, le
premier est un plat quadrangulaire sur lequel on sert les mets solides, et
qui est ainsi appelé des quatre côtés égaux dont il est composé (paribus
assibus) ; et le second est un vase de terre destiné à contenir les mets
liquides. Or, il est très possible qu’il y eût sur la table un plat de terre,
de forme quadrangulaire. — Origène : C’est
le caractère particulier des hommes parvenus aux dernières limites du mal, de
dresser après un repas pris en commun (littéralement :
« après le sel et le pain »), des embûches à des hommes qui
n’ont jamais nourri contre eux aucun sentiment de haine ; c’est ainsi
qu’après cette cène toute spirituelle, vous verrez éclater toute la noirceur
de la malice du traître Judas, qui trahit son Maître sans se souvenir de son
amour qui lui avait tant de fois prodigué, d’un côté ses bienfaits
extérieurs, de l’autre sa doctrine spirituelle. Tels sont dans l’Église tous
ceux qui tendent des embûches à leurs frères après s’être approchés souvent
avec eux de la même table du corps de Jésus-Christ. — Saint Jérôme : Judas ne se rend ni
au premier ni au second avertissement pour se retirer de la voie où il est
engagé ; mais la patience du Seigneur alimente son impudence ; c’est
pourquoi le Seigneur lui prédit son châtiment pour essayer de convertir par
la menace des supplices qui l’attendent, celui dont la honte n’a pu triompher
: « Pour ce qui est du Fils de
l’homme, il s’en va, selon ce qui est écrit de lui ». — Saint Rémi : C’est le propre de
l’humanité d’aller et de revenir, mais la divinité reste toujours ce qu’elle
est, et comme [dans le Seigneur] l’humanité a pu souffrir et mourir [d’une
manière divine], il dit avec raison : « Le
Fils de l’homme s’en va ». Il ajoute clairement : « selon ce qui a été écrit de lui »,
car tout ce que le Christ a souffert a été prédit par les prophètes. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 81.)
Son dessein, en parlant de la sorte, est de consoler ses disciples et de
prévenir la pensée qu’il souffrait par faiblesse. Il veut aussi convertir le
traître Judas ; car bien que la passion de Jésus fut prédite, Judas n’en est
pas moins coupable ; en effet, ce n’est pas la trahison de Judas qui a opéré
notre salut, mais la sagesse de Jésus-Christ qui se servait de la méchanceté
des hommes pour notre bien, aussi ajoute-t-il : « Mais malheur à l’homme par le moyen duquel il sera trahi ». — Origène : Il
ne dit pas : Malheur à l’homme par qui, mais : « par le moyen duquel » le Fils de l’homme sera trahi,
pour nous montrer qu’il y en avait un autre qui le trahissait, c’est-à-dire
le démon (Jn 13), et que Judas n’était que l’instrument de sa trahison. Or,
malheur à tous ceux qui trahissent le Christ, et tous ceux qui trahissent les
disciples de Jésus-Christ trahissent Jésus-Christ lui-même. — Saint Rémi : Malheur aussi à tous
ceux qui s’approchent de la table de Jésus-Christ avec une conscience
mauvaise et souillée [par le péché] ; car bien qu’ils ne livrent pas
Jésus-Christ aux Juifs pour être crucifié, ils le livrent cependant à leurs
membres d’iniquité pour se l’incorporer. Il ajoute pour faire ressortir
davantage [l’énormité du crime de Judas] : « Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne fût jamais né ». — Saint Jérôme : Il ne faut cependant
pas conclure de ces paroles que Judas ait pu exister avant de naître, par la
raison que le bien ne peut arriver qu’à celui qui existe ; le Seigneur veut
donc dire simplement qu’il vaut beaucoup mieux ne pas exister, que de vivre
d’une vie livrée au mal. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1,
40.) Et si quelqu’un prétend qu’il y a une vie antérieure à celle-ci, il sera
forcé de convenir qu’il n’était pas avantageux de naître non seulement pour
Judas, mais pour aucun autre. Ou bien, Jésus dit-il qu’il ne lui était pas
avantageux de naître au démon, c’est-à-dire pour le péché ? Ou était-il bon
pour Judas de ne pas naître en Jésus-Christ par sa vocation, pour ne pas
devenir un apostat ? — Origène : Après
que tous les Apôtres eurent interrogé le Seigneur, et qu’il eut désigné
indirectement le traître, Judas hasarde la même question dans une intention
pleine de fourberie, et pour cacher son projet de trahison, en interrogeant
Jésus comme les autres Apôtres, car la vraie tristesse ne peut souffrir de
retard : « Judas qui fut celui qui
le trahit, prenant la parole, dit : ‘Est-ce moi, maître’ ? » — Saint Jérôme : C’est ici ou le
témoignage d’une flatterie hypocrite, ou l’expression de son incrédulité, car
tandis que les autres Apôtres, qui ne devaient pas le trahir, lui disent : « Est-ce moi, Seigneur ? »
Judas, qui va consommer le crime de trahison, l’appelle « Maître »,
et non pas Seigneur, comme si c’était pour lui une excuse de n’avoir trahi
que son maître, puisqu’il niait qu’il fût son Seigneur. — Origène : Ou
bien, il s’exprime ainsi par esprit de moquerie, appelant Maître celui qu’il
croyait indigne de porter ce nom. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 81.)
Le Seigneur aurait pu lui dire : Vous êtes convenu de la somme d’argent que
vous devez recevoir, et vous osez encore me faire cette question ? Mais Jésus
plein d’une ineffable douceur ne lui dit rien de semblable, pour nous tracer
à nous-même la ligne de conduite et les règles que nous devons suivre : « Il lui répondit : Vous l’avez dit ».
— Saint Rémi : Ce qui peut s’entendre
de la sorte : C’est vous qui le dites, et vous dites vrai, ou bien, c’est
vous qui le dites et non pas moi. Jésus offrait ainsi à Judas l’occasion de
se repentir, en ne dévoilant pas entièrement la perversité de ses desseins. — Raban : Judas put encore faire cette question et Jésus lui répondre de la sorte pour ne point attirer l’attention des autres Apôtres sur ce qui venait d’avoir lieu. |
Lectio 7 [85592] Catena in Mt., cap. 26 l. 7 Hieronymus.
Postquam typicum Pascha fuerat impletum, et agni carnes cum apostolis
comederat, ad verum Paschae transgreditur sacramentum; ut quando omni
praefiguratione eius Melchisedech summi Dei sacerdos, panem et vinum offerens
fecerat, ipse quoque in veritate sui corporis et sanguinis repraesentaret;
unde dicitur coenantibus autem illis. Augustinus ad Ianuarium. In quo liquido
apparet, quando primo acceperunt discipuli corpus et sanguinem domini, non
eos accepisse ieiunos. Numquid tamen propterea calumniandus est ritus
universae Ecclesiae, quod a ieiunis semper accipitur? Placuit enim spiritui
sancto ut in honorem tanti sacramenti in os Christiani prius dominicum corpus
intraret quam ceteri cibi. Salvator namque quo vehementius commendaret
mysterii huius altitudinem, ultimum hoc voluit infigere cordibus et memoriae
discipulorum, a quibus ad passionem digressurus erat; et ideo non praecepit
quo deinceps ordine sumeretur, ut apostolis, per quos Ecclesiam dispositurus
erat, servaret hunc locum. Glossa. Sub alia tamen specie carnem et
sanguinem suum tradidit Christus, et deinceps sumendum instituit, ut fides
haberet meritum, quae de his est quae non videntur. Ambrosius de sacramentis. Et ut nullus horror
cruoris sit, et pretium tamen operetur redemptionis. Augustinus super Ioannem. Commendavit autem
dominus corpus et sanguinem suum in eis rebus quae ad unum aliquid rediguntur
ex multis. Panis namque in unum ex multis granis conficitur, vinum vero in
unum ex multis acinis confluit: ita dominus Iesus Christus nos signavit, et
mysterium pacis ac unitatis nostrae in sua mensa consecravit. Remigius. Apte etiam fructum terrae obtulit,
ut per hoc demonstraret quia ad hoc venerat ut illam maledictionem auferret,
qua maledicta est terra propter peccatum primi hominis. Congruenter etiam
iussit offerri quae de terra nascuntur et pro quibus homines maxime laborant,
ut non esset difficultas in acquirendo, et homines de labore manuum suarum sacrificium
Deo offerrent. Ambrosius de sacramentis. Ex hoc autem accipe
anteriora esse mysteria Christianorum quam Iudaeorum. Obtulit enim
Melchisedech panem et vinum, similis per omnia filio Dei, cui dicitur: tu es
sacerdos in aeternum secundum ordinem Melchisedech; de quo et hic dicitur
accepit Iesus panem. Glossa. Quod de pane frumenti intelligi debet:
grano enim frumenti se comparavit dominus dicens: nisi granum frumenti cadens
in terram, et cetera. Talis etiam panis competit sacramento, quia eius usus
est communior: nam alii panes propter eius defectum fiunt. Quia vero Christus
usque ad ultimum diem demonstravit se non esse contrarium legi, ut supra ex
verbis Chrysostomi habitum est, in vespera vero quando Pascha immolabatur
secundum legis praeceptum azyma comedendum erat, et omne fermentatum
abiciendum, manifestum est quod panis iste quem dominus accepit ut discipulis
traderet, azymus fuit. Gregorius in registro. Solet autem
nonnullos movere quod in Ecclesia alii offerunt panes azymos, alii fermentatos.
Ecclesia namque Romana offert azymos panes, propterea quod dominus sine ulla
commixtione suscepit carnem; aliae vero Ecclesiae offerunt fermentatum pro eo
quod verbum patris indutum est carne, et est verus Deus et verus homo: nam et
fermentum commiscetur farinae; sed tamen tam azymum quam fermentatum dum
sumimus, unum corpus domini nostri salvatoris efficimur. Ambrosius de sacramentis. Iste autem panis
ante verba sacramentorum, panis est usitatus; ubi accesserit consecratio, de
pane fit caro Christi. Consecratio autem quibus verbis est, et quibus
sermonibus, nisi domini Iesu? Si enim tanta vis est in eius sermone ut
inciperent esse quae non erant, quanto magis operatorius est ut sint quae
erant, et in aliud commutentur? Si enim operatus est sermo caelestis in aliis
rebus, non operatur in caelestibus sacramentis? Ergo ex pane corpus fit
Christi, et vinum fit sanguis consecratione verbi caelestis. Modum requiris?
Accipe. Consuetudo est ut non generetur homo nisi ex viro et muliere: sed,
quia voluit dominus, de spiritu sancto et virgine natus est Christus. Augustinus de Verb. Dom. Sicut ergo per
spiritum sanctum vera caro sine coitu creatur, ita et per eumdem substantia
panis et vini, idest corpus Christi et sanguis consecratur; et ideo quia
verbo domini fit praedicta consecratio, subditur benedixit. Remigius. Per hoc etiam monstravit quia
humanam naturam, una cum patre et spiritu sancto, gratia divinae virtutis
implevit, et aeternae immortalitatis munere ditavit. Sed ut monstraret quia corpus
eius non absque sua voluntate subiectum erat passioni, subditur ac fregit.
Augustinus in Lib. Sentent. prosperi. Cum enim
frangitur hostia, dum sanguis de calice in ora fidelium funditur, quid aliud
quam dominici corporis immolatio in cruce, eiusque sanguinis effusio de
latere designatur? Dionysius in Eccl. Hierar. In hoc etiam
ostenditur quod unum et simplex Dei verbum per humanationem compositum et
visibile ad nos pervenit, et ad se nostram societatem benigne peragens,
spiritualium bonorum distributorum nos participes fecit: unde sequitur
deditque discipulis suis. Leo Papa in Serm. 7 de passione. Nec ab hoc
quidem mysterio traditore submoto, ut ostenderetur Iudas nulla iniuria
exasperatus, qui impietate voluntaria erat praescitus. Augustinus super Ioannem. De uno enim pane et
Petrus accepit et Iudas; sed Petrus accepit ad vitam, Iudas ad mortem. Chrysostomus in Matth. Et hoc Ioannes ostendit
dicens, quoniam post haec intravit in eum Satanas. Etenim maius ei peccatum
est factum, et quoniam cum tali mente ad mysteria accessit, et quoniam cum
accessisset, non factus est melior neque timore, neque beneficio, neque
honore. Christus autem non prohibuit eum, quamvis omnia noverit, ut discas
quoniam nihil dereliquit eorum quae in correptionem conveniunt. Remigius. In hoc etiam facto reliquit exemplum
Ecclesiae, ut neminem a societate sui, neque a communione corporis et
sanguinis domini segreget, nisi pro aliquo manifesto et publico crimine. Hilarius in Matth. Vel sine Iuda, Pascha,
accepto calice et fracto pane, conficitur: dignus enim aeternorum
sacramentorum communione non fuerat. Discessisse autem eum hinc intelligitur
quod cum turbis reversus ostenditur. Sequitur et ait: accipite et comedite.
Augustinus de Verb. Dom. Invitat dominus servos,
ut praeparet eis cibum seipsum. Sed quis audeat manducare dominum suum? Et
quidem quando manducatur reficit, sed non deficit: vivit manducatus, quia
surrexit occisus; nec quando manducatur, partes de illo facimus; et quidem in
sacramento sic fit. Norunt fideles quemadmodum manducent carnem Christi:
unusquisque partem suam accipit. Per
partes manducatur in Augustinus super Ioannem. Carnem autem
Christi non edamus tantum in sacramento, quod et multi mali faciunt; sed
usque ad spiritus participationem manducemus, ut in domini corpore tamquam
membra maneamus, ut eius spiritu vegetemur. Ambrosius de sacramentis. Ante enim quam
consecretur, panis est; ubi autem verba Christi accesserint dicentis hoc est
corpus meum, corpus Christi est. |
Verset 26.
— Saint Jérôme : Après qu’il eut
célébré la Pâque figurative et mangé la chair de l’agneau avec ses disciples,
le Seigneur en vient au véritable mystère de la Pâque, et de même que
Melchisédech, prêtre du Dieu tout-puissant, avait offert du pain et du vin,
il nous donna, sous les mêmes apparences, la réalité de son corps et de son
sang. « Or, pendant qu’ils
soupaient… » — Saint Augustin : (Lettre 118 à
Januar., ch. 6.) Cette circonstance prouve clairement que les disciples
n’étaient pas à jeun lorsqu’ils reçurent, pour la première fois, le corps et
le sang du Seigneur. Doit-on pour cela blâmer l’usage de l’Église
universelle, qui prescrit de ne recevoir l’Eucharistie qu’à jeun ? Non sans
doute, car il a plu à l’Esprit saint que, par respect pour un si grand
Sacrement, le corps du Seigneur entrât dans la bouche du chrétien avant toute
autre nourriture. Ce fut pour faire ressortir plus fortement la grandeur de
ce mystère que le Sauveur voulut l’imprimer en dernier lieu dans le cœur et
dans le souvenir de ses disciples, dont il allait se séparer pour aller à la
mort ; et, s’il n’établit pas lui-même la manière de recevoir dans la suite
ce Sacrement, c’était pour laisser aux Apôtres, qui devaient gouverner
l’Église, le soin de la déterminer eux-mêmes. — La Glose : Jésus-Christ
donne son corps et son sang sous une autre forme, et commande ensuite de les
recevoir ainsi, afin de donner plus de mérite à la foi qui s’exerce sur les
choses qui ne se voient point. — Saint Ambroise : (Sacram., 4, 4.) C’est encore pour prévenir
tout sentiment d’horreur pour le sang, et nous donner cependant le véritable
prix de notre rédemption. — Saint Augustin : (Traité 26 sur S.
Jean.) Or, le Seigneur nous a donné son corps et son sang sous les apparences
de substances qui sont le résultat de plusieurs choses réduites en une seule,
car le pain est le produit de plusieurs grains de blé, et le vin le produit
de plusieurs grains de raisin mêlés et confondus ensemble. C’est ainsi que
Jésus-Christ a figuré l’union qui doit
régner entre nous, et qu’il a consacré dans son banquet divin le mystère de
notre paix et de notre unité. — Saint Rémi : Une autre raison
également juste pour laquelle il choisit les fruits de la terre, c’était pour
nous apprendre qu’il était venu faire disparaître cette malédiction prononcée
contre la terre, à la suite du péché du premier homme (Gn 3). Enfin, un motif
non moins sage du précepte qu’il nous fait d’offrir les fruits de la terre,
qui sont l’objet principal des travaux des hommes, c’était qu’ils n’eussent
aucune difficulté pour se les procurer, et que le travail de leurs mains leur
fournît la matière du sacrifice qu’ils devaient offrir à Dieu. — Saint Ambroise : (Sacram., 4,
3.) Vous devez conclure de là que les mystères des chrétiens sont antérieurs
à ceux des Juifs, car Melchisédech offrit du pain et du vin, comme étant en
tout la figure du Fils de Dieu (He 7), à qui il est dit : « Vous êtes prêtre pour l’éternité selon l’ordre de
Melchisédech » (Ps 119), et dont l’Évangéliste dit ici : « Jésus
prit du pain ». — La Glose : Ce
pain était du pain de froment, car c’est au grain de froment que le Seigneur
s’est comparé par ces paroles : « Si
le grain de froment tombant dans la terre, etc... » (Jn 12). Ce pain
convient d’ailleurs à ce sacrement, parce qu’il est d’un usage plus commun,
et que les autres espèces de pains ne se font que pour le remplacer. Or,
comme Jésus-Christ n’avait cessé jusqu’au dernier jour d’établir qu’il
n’était pas opposé à la loi, ainsi que ses paroles précédentes de saint Jean
Chrysostome le prouvent ; et que, le soir du jour où on immolait la Pâque, on
ne devait manger que des pains azymes et jeter toute pâte fermentée, il est
incontestable que le pain, que prit le Seigneur pour le distribuer à ses
disciples, était du pain azyme. — Saint Grégoire : Il en est plusieurs
qui s’étonnent de voir que, dans I’Église, les uns offrent des pains azymes
et d’autres des pains fermentés ; or, l’Église de Rome offre des pains
azymes, parce que le Seigneur a pris une chair sans mélange [d’aucune
souillure], tandis que d’autres Églises offrent du pain fermenté, parce que
le Verbe du Père s’est revêtu d’une chair humaine, et qu’il est à la fois
vrai Dieu et vrai homme, car le pain fermenté ou levain est mélangé avec la
farine. Mais que nous recevions du pain azyme ou du pain fermenté, nous nous
unissons intimement au vrai corps de notre Sauveur. — Saint Ambroise : (Sacram., 4,
4.) Ce pain, avant les paroles sacramentelles, n’est que du pain ordinaire ;
après la consécration, ce pain devient la chair de Jésus-Christ. Or, de quels
mots, de quelles paroles se compose la consécration, si ce n’est des paroles
du Seigneur Jésus ? Car si ces paroles ont une puissance si grande qu’elles
font sortir du néant ce qui n’existait pas, à combien plus forte raison
pourront-elles changer en une autre substance celles qui existent déjà, tout
en leur conservant leur apparence extérieure. Pourquoi, en effet, la parole
céleste, qui s’est montrée si efficace dans les autres choses, le serait-elle
moins dans les divins sacrements ? Le pain devient donc le corps de
Jésus-Christ, et le vin devient son sang par la consécration de la parole
divine. Vous demandez comment cela se fait ? Le voici : N’est-ce pas
l’ordinaire que l’homme ne naisse que de l’union de l’homme avec la femme ?
Et cependant, parce que telle a été la volonté du Seigneur, le Christ est né
de l’Esprit saint et de la Vierge. — Saint Augustin : (des paroles du
Seig.). De même que l’Esprit saint a créé une véritable chair sans union sexuelle,
ainsi le même Esprit consacre la substance du pain et du vin au corps et au
sang de Jésus-Christ, et comme cette consécration se fait par la parole du
Seigneur, l’Évangéliste ajoute : « Et
il le bénit ». — Saint Rémi : il nous apprend encore
par là qu’avec le Père et le Saint-Esprit, il a rempli la nature humaine de
la grâce de la vertu divine, et l’a enrichie pour l’éternité du don de
l’immortalité, Mais, pour nous montrer en même temps que ce n’est pas sans sa
volonté que son corps a été soumis aux souffrances de sa passion, il ajoute :
« et il le rompit ». — Saint Augustin : (sur le liv. sent.
de Prosper ou Algerus, 1, 19.) Lors donc que l’hostie est rompue, et que le
sang coule du calice sur les lèvres des fidèles, quel mystère nous est
représenté, si ce n’est l’immolation du corps du Seigneur sur la croix et
l’effusion de son sang qui sortit de son côté ? — Saint Denis : (Hier. Eccles.,
3.) Nous voyons encore ici que le Verbe de Dieu, un et simple dans son
essence, est devenu un être composé par son incarnation, et s’est rendu
visible en descendant jusqu’à nous, et qu’il a recherché avec bienveillance
notre société, pour nous rendre participants des biens spirituels qu’il est
venu répandre sur la terre ; « et
il le donna à ses disciples ». — Saint Léon le grand : (serm. 7
sur la Pass.) Il n’éloigne pas même le traître de ce mystère, afin qu’il fût
démontré qu’aucune offense ne motivait la haine de Judas, dont l’impiété
toute volontaire lui était connue d’avance. — Saint Augustin : (Traité 59 sur S. Jean.) Le même pain fut donné à Pierre et à Judas ; mais Pierre le reçut pour la vie, et Judas pour la mort. — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] C’est ce qu’indiquent ces
paroles de saint Jean : « Et
quand il eut prit ce morceau, Satan entra en lui ». Car ce qui augmenta l’énormité de son
crime, c’est qu’il osa s’approcher des saints mystères dans des dispositions
aussi coupables, et, qu’après les avoir reçus, il n’en devint pas meilleur,
insensible à la crainte, à la reconnaissance et à l’honneur qui lui était
fait. Jésus-Christ ne lui défendit pas de s’en approcher, bien qu’il connût
toutes choses, pour nous apprendre qu’il n’a rien omis de ce qui pouvait le
faire changer de sentiment. — Saint Rémi : Par cette conduite, il
laisse à son Église l’exemple de ne retrancher personne de sa société ou de
la communion du corps et du sang du Seigneur, si ce n’est pour des crimes
manifestes et publics. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Ou bien, on peut dire que
Notre-Seigneur, ayant rompu le pain et pris le calice, consacra la vraie
Pâque lorsque Judas fut sorti, car il n’était pas digne de participer aux
sacrements éternels, Or, une preuve qu’il était sorti du cénacle, c’est que
nous le voyons revenir avec la foule. « Et
il leur dit : Prenez et mangez. » — Saint Augustin : (Des par. du
Seig.) Le Seigneur invite ses serviteurs à ce festin, où il se donne lui-même
à eux en nourriture. Mais qui osera se nourrir de la chair de son maître ?
Or, remarquez que, lorsqu’il est mangé, il répare les forces sans perdre
lui-même de sa valeur ; il vit lorsqu’il est mangé, parce qu’il est
ressuscité après qu’il eut été mis à mort. Observez encore que, lorsque nous
le mangeons, nous ne le partageons pas. Voici ce qui arrive dans ce
sacrement, et les fidèles savent la manière dont ils mangent la chair du
Christ : chacun d’eux reçoit sa part de cet aliment divin, il est mangé comme
par parties dans ce sacrement, et cependant il demeure tout entier dans le
ciel et tout entier dans votre cœur. On appelle ce mystère sacrement, parce
que ce qui paraît aux yeux est tout différent de ce que l’on comprend ; ce
que l’on voit a une apparence corporelle, ce que l’esprit comprend produit
des fruits tout spirituels. — Saint Augustin : (Traité 27 sur S.
Jean.) Ne nous contentons pas de manger la chair de Jésus-Christ, ce que font
beaucoup de mauvais chrétiens ; mais allons dans cette manducation jusqu’à la
participation de l’Esprit, afin de rester unis à Jésus-Christ, comme les
membres à leur corps et d’être vivifiés par son esprit. — Saint Augustin : [référence à vérifier] Avant d’être consacré, c’est du pain ; mais, aussitôt que Jésus-Christ a prononcé ces paroles : « Ceci est mon corps », c’est le corps du Christ. |
Lectio 8 [85593] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 8 Remigius. Quia corpus suum sub specie
panis dominus discipulis dederat, pulchre etiam calicem sui sanguinis tradit
eisdem; unde dicitur et accipiens calicem, gratias egit; in quo demonstrat
quantum de nostra salute gratuletur, pro quibus etiam sanguinem suum funderet.
Chrysostomus in Matth. Ideo etiam
gratias egit ut nos doceret qualiter oporteret nos hoc mysterium perficere;
et etiam monstravit quoniam ad passionem non venit nolens. Erudivit
enim nos quodcumque patimur cum gratiarum actione ferre, et etiam ex hoc
bonam spem nobis dedit. Si enim figura huius sacrificii, scilicet immolatio
agni paschalis, facta est liberatio populi ab Aegyptiaca servitute, multo
magis veritas liberabit orbem terrarum. Sequitur et dedit illis, dicens:
bibite ex hoc omnes. Ne autem haec audientes turbarentur, primum ipse
sanguinem suum bibit, inducens eos sine turbatione ad communionem mysteriorum. Hieronymus contra Helvidium. Sic igitur
dominus Iesus fuit conviva et convivium, ipse comedens et qui comeditur.
Sequitur hic est sanguis meus novi testamenti. Chrysostomus in Matth. Hoc est, Annuntiationis
legis novae: hoc enim promittebat vetus testamentum quod continet novum:
sicut enim vetus testamentum habuit sanguinem vitulorum et ovium, ita novum
habet sanguinem dominicum. Remigius. Sic enim legitur, quia accepit
Moyses sanguinem agni, et misit in craterem, et intincto fasciculo hyssopi
aspersit populum, dicens: hic est sanguis testamenti quod mandavit ad vos
Deus. Chrysostomus in Matth. Sanguinem autem
nominans, et passionem suam praenuntiat, dicens qui pro multi effundetur. Et
rursus dicit mortis causam, cum subdit in remissionem peccatorum, quasi
dicat: sanguis agni in Aegypto effusus est pro salute primogenitorum populi
Israelis, hic autem in remissionem peccatorum. Remigius. Et notandum, quia non ait: pro
paucis, aut: pro omnibus; sed pro multis; quia non venerat unam tantum gentem
redimere, sed multos de omnibus gentibus. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dicens
ostendit quod passio eius mysterium est salutis humanae, per quod etiam
discipulos consolatur. Et sicut Moyses ait: hoc erit vobis memoriale
sempiternum, ita et ipse dixit, ut Lucas refert: hoc facite in meam
commemorationem. Remigius. Non solum autem panem, sed etiam
vinum offerendum docuit, ut esurientes et sitientes iustitiam his mysteriis
doceret esse recreandos. Glossa. Sicut enim corporalis refectio fit per
cibum et potum, ita sub specie cibi et potus nobis spiritualem refectionem
dominus praeparavit. Conveniens etiam fuit ad signandam dominicam passionem,
ut sub duplici specie hoc sacramentum institueretur. In passione enim
sanguinem suum effudit, et sic sanguis eius fuit a corpore separatus.
Oportuit ergo ad dominicam passionem repraesentandam, seorsum proponi panem
et vinum, quae sunt corporis et sanguinis sacramentum. Sciendum tamen est,
quod sub utraque specie totus Christus continetur: sub specie quidem panis
simul sanguis cum corpore, et sub specie vini simul corpus cum sanguine. Ambrosius in Epist. ad Cyprianus ad Caecilium. Calix vero domini non
est aqua sola et vinum solum, nisi utrumque misceatur; quomodo nec corpus
domini potest esse farina sola, aut aqua sola, nisi utrumque fuerit adunatum.
Ambrosius de sacramentis. Si autem Melchisedech
panem et vinum obtulit, quid sibi vult aquae mixtio? Accipe rationem. Tetigit
Moyses petram, et petra undam maximam fudit; petra autem erat Christus, et
unus de militibus lancea tetigit latus Christi, et de latere eius aqua fluxit
et sanguis; aqua ut mundaret, sanguis ut redimeret. Remigius. Sciendum etiam, quod, ut Ioannes
dicit, aquae multae populi sunt. Et quia nos oportet semper manere in
Christo, et Christum in nobis vinum aquae mixtum offertur, ut ostendatur quia
caput et membra, idest Christus et Ecclesia, unum sunt corpus; vel ut
demonstretur quia nec Christus passus est absque amore nostrae redemptionis,
nec nos salvari possumus absque illius passione. Chrysostomus in Matth. Quia vero de passione
et cruce eis locutus erat, consequenter eum qui de resurrectione est sermonem
inducit, dicens dico autem vobis; non bibam amodo de hoc genimine vitis usque
in diem illum, cum illud bibam vobiscum novum in regno patris mei. Regnum
autem resurrectionem suam nominat. Ideo autem hoc de resurrectione dixit,
quod scilicet cum apostolis esset bibiturus, ne aliqui existimarent
phantasiam esse resurrectionem; et ideo persuadentes hominibus de Christi
resurrectione dixerunt: simul comedimus et bibimus cum eo, postquam
resurrexit a mortuis. Per hoc ergo ostendit quod videbunt eum suscitatum, et
cum ipsis rursus erit. Quod autem dicit novum, clare intelligendum est nove,
idest novo modo, non quasi corpus passibile habens, et indigens cibo: non
enim post resurrectionem comedit et bibit quia cibo indigeret, sed propter
resurrectionis certitudinem. Quia vero sunt quidam haeretici in sacris
mysteriis aqua utentes, non vino, demonstrat per haec verba quoniam et cum
sacra mysteria tradidit, vinum dedit, quod et resuscitatus bibit: propter hoc
dicit ex hoc genimine vitis; vitis enim vinum, non aquam generat. Hieronymus. Vel aliter. De carnalibus dominus
transit ad spiritualia. Quod vinea de Aegypto transplantata populus sit
Israel, sacra Scriptura testatur. Dicit ergo dominus se de hac vinea
nequaquam esse bibiturum, nisi in regno patris. Regnum patris fidem puto esse
credentium. Ergo cum Iudaei regnum receperint patris, tunc de vino eorum
dominus bibet. Attende autem quod dicat patris, et non Dei; omnis enim pater
nomen est filii; ac si diceret: cum crediderint in Deum patrem, et adduxerit
eos pater ad filium. Remigius. Vel aliter. Non bibam de genimine
vitis huius; idest, non ultra synagogae carnalibus oblationibus delectabor,
in quibus illa paschalis agni immolatio praecipuum locum tenere solebat.
Aderit autem tempus meae resurrectionis, et dies in quo in regno patris
constitutus, idest gloria aeternae immortalitatis sublimatus, vobiscum illud
bibam novum, hoc est de salvatione illius populi iam renovati per aquam
Baptismatis, quasi novo gaudio laetabor. Augustinus de quaest. Evang. Vel aliter. Cum
dicit bibam illud novum, vult intelligi hoc vetus esse. Quia ergo de
propagine Adam, qui vetus homo appellatur, corpus suscepit, quod in passione
morti traditurus erat (unde etiam per vini sacramentum commendavit sanguinem
suum), quid aliud novum vinum quam immortalitatem renovandorum corporum
intelligere debemus? Quod autem dicit vobiscum bibam, etiam ipsis
resurrectionem corporum ad induendam immortalitatem promittit: vobiscum enim
non ad idem tempus, sed ad eamdem innovationem esse dictum accipiendum est:
nam et nos dicit apostolus resurrexisse cum Christo, ut spes rei futurae iam
laetitiam praesentem afferat. Quod autem de hoc genimine vitis etiam illud
novum esse dicit, significat utique eadem corpora resurrectura secundum
innovationem caelestem, quae nunc secundum terrenam vetustatem sunt moritura.
Hilarius in Matth. Videtur autem ex hoc quod
Iudas cum eo non biberit, quia non erat bibiturus in regno: cum universos
tunc bibentes ex vitis istius fructu, bibituros secum postea polliceretur.
Glossa. Sed sustinendo aliorum sanctorum
sententiam, quod scilicet Iudas sacramenta receperit a Christo, dicendum est,
quod hic dicit vobiscum, ad plures eorum, non ad omnes referendum esse. |
Versets
27-29.
— Saint Rémi : Après avoir donné son
corps à ses disciples sous les apparences du pain, par une raison également
pleine de convenance, le Seigneur leur présente le calice de son sang. « Et, prenant le calice, il rendit
grâces». Il nous montre ainsi combien notre salut lui donne de joie,
puisqu’il veut répandre son sang pour nous. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
Il rend grâces encore, pour nous apprendre dans quels sentiments nous devions
célébrer ce mystère, et pour prouver que ce n’est pas malgré lui qu’il approche
du moment de sa passion. Il nous enseigne ainsi à supporter avec actions de
grâces toutes les épreuves qui nous arrivent, et il nous donne en même temps
les plus belles espérances ; car si la figure de ce sacrifice, c’est-à-dire
l’immolation de l’agneau pascal, a délivré le peuple juif de la servitude
d’Egypte, à combien plus forte raison la vérité délivrera-t-elle l’univers
entier. « Et il le leur donna en
disant : Buvez-en tous. » Et pour prévenir le trouble que pouvaient
produire ses paroles, il boit son sang le premier, et les amène sans
étonnement à la communion des divins mystères. — Saint Jérôme : (contre Helv.) C’est
ainsi que le Seigneur fut à la fois le convive et le festin, le convive qui
mange, et, l’aliment qui est mangé. « Car
ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
C’est-à-dire le sang de l’annonce de la nouvelle loi. En effet, l’Ancien
Testament promettait ce que possède le Nouveau, car de même que l’Ancien
Testament fut consacré par le sang des bœufs et des brebis, ainsi le Nouveau
est consacré par le sang du Seigneur. — Saint Rémi : Nous lisons, eu effet,
[dans l’Exode (24)], que Moïse prit le sang d’un agneau, le versa dans une
coupe, et après y avoir trempé un bouquet d’hysope, il le répandit sur le
peuple en disant : « Voici le sang
de l’alliance que le Seigneur à faite avec vous ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
En leur présentant son sang, le Seigneur prédit [de nouveau] sa passion par
ces paroles : « qui sera répandu
pour plusieurs », et il leur rappelle également la cause de sa mort
en ajoutant : « pour la rémission
des péchés ». Comme s’il disait : Le sang de l’agneau a été répandu
dans l’Egypte, pour sauver les premiers-nés du peuple juif ; celui-ci sera
répandu pour la rémission des péchés. — Saint Rémi : Et remarquez qu’il ne
dit pas : Pour un petit nombre, ou pour tous, mais « pour
plusieurs » ; car il n’était pas venu pour racheter seulement une seule
nation, mais un grand nombre d’hommes de toutes les nations de la terre. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
Il nous apprend encore, par ces paroles, que sa passion est le mystère du
salut des hommes, et c’est une consolation qu’il offre à ses disciples. Et de
même que Moïse avait dit : « Ce
sera pour vous un souvenir éternel », Notre-Seigneur dit aussi,
comme le rapporte saint Luc : « Faites
ceci en mémoire de moi ». — Saint Rémi : Notre-Seigneur nous a
enseigné que nous devions offrir non seulement du pain, mais encore du vin,
pour nous apprendre que ceux qui avaient faim et soif de la justice
apaiseraient l’une et l’autre en recevant ce mystère. — La Glose : Car,
de même que notre corps répare ses forces par le boire et le manger, ainsi
les forces de notre âme se raniment dans ce banquet spirituel que le Seigneur
nous a préparé sous les apparences du pain et du vin. Il était convenable
d’ailleurs que ce sacrement qui devait représenter la passion du Seigneur fut
institué sous la double espèce [du pain et du vin], car son sang fut répandu
dans sa passion et fut ainsi séparé de son corps. Il était donc nécessaire,
pour reproduire le mystère de la passion du Seigneur, d’offrir séparément le
pain et le vin, qui sont les signes de son corps et de son sang. Cependant,
il faut savoir que le Christ est totalement présent sous les deux
espèces : sous l’espèce du pain, son sang et son corps ensemble, sous
l’espèce du vin, son corps et son sang ensemble. — Saint Ambroise : (sur l’Ep.
aux Corinth.) Nous célébrons ce mystère sous les deux espèces, car ce que
nous recevons sert à protéger à la fois notre corps et notre âme. — Saint Cyprien : (Lettre à
Cécile, liv. 2, lett. 3.) Le calice du Seigneur ne contient pas de l’eau
seule ou du vin seul, mais l’un et l’autre mêlés ensemble, de même que ce qui
doit être changé au corps du Seigneur n’est pas de la farine seule ou de
l’eau seule, mais ces deux substances unies et mélangées. — Saint Ambroise : (Sacram., 5,
1.) Mais puisque Melchisédech a offert du pain et du vin (Gn 14), que
signifie ce mélange d’eau avec le vin ? En voici la raison : Moïse frappa la
pierre et en fit ainsi jaillir l’eau en abondance (Ex 17) ; or, cette pierre,
c’était le Christ (1 Co 10) ; et l’un des soldats perça de sa lance le côté
du Christ, et de ce côté sortit du sang et de l’eau : l’eau, pour nous
purifier, le sang pour nous racheter. — Saint Rémi : Rappelons-nous encore
que les grandes eaux, au témoignage de saint Jean (Ap 17), sont les peuples,
et comme nous devons toujours demeurer en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en
nous, on offre du vin mêlé avec de l’eau, pour montrer que la tête et les
membres, c’est-à-dire Jésus-Christ et l’Église, ne font qu’un seul corps ; ou
bien encore que le Christ n’a point souffert sans l’amour qui l’a porté à
nous racheter, et que nous ne pouvons nous-mêmes être sauvés sans les mérites
de sa passion. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
Comme il venait de parler de sa passion et de sa croix, par une conséquence
naturelle il fait aussi allusion à sa résurrection : « Or, je vous dis
que je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où
je le boirai nouveau avec vous dans le Royaume de mon Père ». Ce
royaume, c’est sa résurrection. Or, en parlant de sa résurrection, il affirme
qu’alors il boira avec ses Apôtres, pour qu’on ne pût croire que sa
résurrection n’était qu’imaginaire. Aussi, lorsque les Apôtres prêchèrent aux
gens la résurrection de Jésus-Christ, disent-ils [ouvertement] : « Nous avons mangé et bu avec lui,
après qu’il fut ressuscité d’entre les morts » (Ac 10). Il leur
donne ainsi l’assurance qu’ils le verront ressuscité et qu’il sera de nouveau
au milieu d’eux. Ce vin nouveau doit s’entendre évidemment d’une manière
nouvelle de le boire, c’est-à-dire avec un corps qui ne sera plus soumis ni à
la souffrance, ni au besoin de nourriture ; car, si nous le voyons manger et
boire après sa résurrection, ce ne fut point parce qu’il avait besoin de
nourriture, mais pour nous donner une preuve qu’il était vraiment ressuscité.
Mais comme il devait y avoir des hérétiques qui, dans la célébration de ce
mystère, n’useraient que d’eau à l’exclusion du vin, il prouve par ces
paroles que dans l’institution de ces augustes mystères il s’est servi du vin
qu’il a bu après sa résurrection. C’est pour cela qu’il dit [en termes précis]
: « de ce fruit de la vigne »,
car la vigne produit, du vin et non pas de l’eau. — Saint Jérôme : Ou bien, dans un
autre sens, Notre-Seigneur passe des choses matérielles aux choses
spirituelles. La sainte Écriture affirme que la vigne qui a été transplantée
de l’Egypte, c’est le peuple d’Israël. Le Seigneur déclare qu’il ne boira
plus du fruit de cette vigne nulle part, sinon dans le royaume de son Père.
Or, comme le royaume de son Père est à mon avis la foi des fidèles, le
Seigneur ne boira du vin des Juifs que lorsqu’ils auront accepté le royaume
de son Père. Remarquez aussi qu’il dit : « dans
le royaume de mon Père », et non pas de Dieu, car tout père donne
son nom à son fils, et c’est comme s’il disait : lorsqu’ils auront cru en
Dieu le Père, et que le Père les aura conduits jusqu’au Fils. — Saint Rémi : Ou bien encore : « Je ne boirai plus désormais de ce
fruit de la vigne », c’est-à-dire : Je ne me complairai plus dans
les sacrifices charnels de la synagogue, parmi lesquels l’immolation de
l’agneau pascal occupait la première place. Mais viendra le temps de ma
résurrection, et le jour où ayant pris possession du royaume de mon Père,
c’est-à-dire étant revêtu de l’éternelle immortalité, je boirai avec vous ce
vin nouveau, c’est-à-dire je me réjouirai comme d’une joie toute nouvelle du
salut de ce peuple qui aura été renouvelé dans les eaux du baptême. — Saint Augustin : (Quest. Evang., 1,
43.) Ou bien enfin, ces paroles : « Je
boirai ce vin nouveau », veulent dire que celui-ci est ancien.
Notre-Seigneur avait pris de la race d’Adam, qui est appelée le vieil homme
(Rm 6), ce corps qu’il devait livrer à la mort dans sa passion ; c’est
pourquoi il nous donne son sang sous l’apparence du vin. Mais que signifie d’autre
ce vin nouveau, si ce n’est l’immortalité de nos corps qui doivent être
renouvelés ? Quant à ces paroles : « Je
le boirai avec vous », elles sont la promesse que leurs corps
ressusciteront pour revêtir l’immortalité. Toutefois ces paroles : « avec vous », ne doivent
pas s’entendre de la même époque, mais du même renouvellement. C’est ainsi
que l’Apôtre déclare, que nous sommes ressuscités avec Jésus-Christ, afin que
l’espérance de ce bonheur à venir soit pour nous une source de joie dès cette
vie. Il appelle nouveau ce fruit de la vigne pour nous apprendre que ces
mêmes corps que leur vétusté terrestre condamne à la mort ressusciteront un
jour par un principe de renouvellement céleste. — Saint Hilaire : (can. 30.) De ce
que Judas n’a pas été admis à boire avec lui de cette coupe, on conclut qu’il
ne devait pas boire un jour dans le royaume, puisque le Seigneur promet à
tous ceux qui participent à cette coupe qu’ils boiront un jour avec lui de ce
fruit de la vigne. — La Glose : Mais en admettant avec les autres saints docteurs que Judas avait reçu le sacrement de l’Eucharistie des mains de Jésus-Christ, nous dirons que ces paroles : « avec vous » s’adressent, non pas à tous, mais à la plupart d’entre eux. |
Lectio 9 [85594] Catena in Mt.,
cap. Origenes in Matth. Discipulos qui
acceperant benedictionis panem, et biberant calicem gratiarum actionis,
docebat dominus pro his omnibus hymnum dicere patri; unde dicitur et hymno
dicto exierunt in montem oliveti: ut de alto transirent ad altum, quia
fidelis non potest aliquid agere in convalle. ? Chrysostomus in Matth. Audiant
quicumque, veluti porci, simpliciter manducantes cum ebrietate surgunt, cum
deceret gratias agere, et in hymnum mensam desinere. Audiant quicumque
ultimam orationem in sacris mysteriis non expectant: ultima enim oratio
Missae illius hymni est signum. Gratias ergo egit antequam sacra mysteria
discipulis daret, ut et nos gratias agamus; hymnum dixit postquam dedit, ut
et nos hoc ipsum faciamus. Hieronymus. Iuxta hoc exemplum salvatoris, qui
pane Christi et calice saturatus et inebriatus fuerit, potest laudare Deum,
et conscendere montem oliveti, ubi laborum refectio dolorisque solatium et
veri luminis notitia est. Hilarius in Matth. Per hoc etiam
ostendit quod homines consummati in universis divinorum mysteriorum
virtutibus, gaudio exultationeque communi in caelestem gloriam efferuntur.
Origenes in Matth. Apte etiam mons
misericordiae est electus, ubi pronuntiaturus fuit scandalum infirmitatis
discipulorum, iam tunc paratus ut non repelleret discipulos discedentes, sed
ut reciperet revertentes; unde sequitur tunc dixit illis Iesus: omnes vos
scandalum patiemini in me in ista nocte. Hieronymus. Praedicit quidem quod passuri
sunt, ut cum passi fuerint non desperent salutem, sed agentes poenitentiam,
liberentur. Chrysostomus in Matth. In quo etiam docet nos,
quales ante crucem fuerunt discipuli, et quales post crucem. Etenim qui neque
cum Christo, dum crucifigebatur, stare poterant, post mortem Christi adamante
fuerunt fortiores. Fuga enim discipulorum et timor demonstratio est mortis Christi,
ut confundantur qui haeresi Marcionis aegrotant. Si enim neque ligatus est,
neque crucifixus, unde Petro et reliquis apostolis incussus est tantus timor?
Hieronymus. Et signanter addit in ista nocte:
quia quomodo qui inebriantur, nocte inebriantur, sic et qui scandalum
patiuntur, in nocte et tenebris sustinent. Hilarius in Matth. Huius etiam
praedictionis fides auctoritate prophetiae veteris continebatur; unde
sequitur scriptum est enim: percutiam pastorem, et dispergentur oves gregis.
Hieronymus. Hoc aliis verbis in Zacharia
propheta scriptum est, et ex persona prophetae ad Deum dicitur: percute
pastorem, et dispergentur oves. Percutitur autem pastor bonus, ut ponat
animam suam pro ovibus suis, et de multis gregibus errantium fiat unus grex,
et unus pastor. Chrysostomus in Matth. Hanc autem prophetiam
inducit, simul quidem suadens eis attendere semper quae scripta sunt, simul
etiam ostendens quoniam secundum Dei consilium crucifigebatur, et undique
monstrans non alienum se esse a veteri testamento qui in eo praenuntiabatur.
Non autem permisit eos in tristibus permanere; sed et laeta praenuntiat,
dicens postquam autem resurrexero, praecedam vos in Galilaeam: non enim
confestim post resurrectionem in caelo eis apparuit, neque in longam quamdam
regionem, ut eis appareat, vadit; sed in ipsa gente et in ipsis fere
regionibus: ut et hinc crederent quoniam qui crucifixus est ipse est qui
resurrexit. Propter hoc etiam se in Galilaeam abire
dicit, ut a timore Iudaeorum liberati crederent ei quod dicebatur. Origenes in Matth. Praedicit etiam hoc
eis, ut qui ad modicum disperguntur, scandalum passi, post congregentur a
resurgente Christo et praecedente eos in Galilaeam gentium. ? Hilarius in Matth. Sed Petrus intantum et
affectu et caritate Christi efferebatur ut et imbecillitatem carnis suae et
fidem verborum domini non contueretur, quasi dicta eius efficienda non
essent; unde sequitur respondens Petrus ait illi: et si omnes scandalizati
fuerint in te, ego nunquam scandalizabor. Chrysostomus in Matth. Quid ais, o Petre?
Propheta dicit: dispergentur oves, et Christus confirmavit quod dictum est,
et tu dicis: nequaquam. Quando dixit: unus ex vobis me tradet, timebas ne tu
esses traditor, quamvis nihil tibi tale conscius eras; nunc autem, manifeste
eo dicente quoniam omnes scandalizabimini, contradicis. Sed quia erutus erat
ab anxietate quam de proditione habuerat, confidens de reliquo, dicebat ego
nunquam scandalizabor. Hieronymus. Non tamen est temeritas nec
mendacium, sed fides est apostoli Petri, et ardens affectus erga dominum
salvatorem. Remigius. Quod ergo ille dicit praevidendo,
iste denegat amando; ubi moraliter instruimur ut quantum confidimus de arbore
fidei, tantum timeamus de carnis fragilitate. Videtur tamen accusabilis
Petrus, et quoniam contradixit, et quoniam aliis seipsum praeposuit, et
tertio quoniam totum sibi attribuit, quasi fortiter esse perseveraturus. Ut
hoc igitur in eo sanaret, permisit fieri eius casum, non impellens eum ad negandum,
sed eum sibi deserens, et naturam humanam de fragilitate convincens. Origenes in Matth. Unde alii discipuli
scandalizati sunt in Iesu, Petrus autem non solum scandalizatur, sed
abundantius relinquitur ut ter denegaret; unde sequitur ait illi Iesus: amen
dico tibi, quia in hac nocte, antequam gallus cantet, ter me negabis. Augustinus de Cons. Evang. Potest autem movere
quod tam diversa non tantum verba, sed etiam sententias Evangelistae
praemittunt, quibus praemonitus Petrus, illam praesumptionem proferret, vel
cum domino vel pro domino moriendi; ita ut cogant intelligibiliter eum
expressisse praesumptionem suam diversis locis sermonis Christi, et ter illi
a domino responsum, quod eum esset ante galli cantum ter negaturus: sicut
etiam post resurrectionem ter illum interrogat utrum illum amet, et mandatum
de pascendis ovibus ter praecepit. Quid enim habent haec verba Matthaei vel
sententiae simile illis vel quibus secundum Ioannem, vel quibus secundum
Lucam Petrus protulit praesumptionem suam? Marcus autem pene ipsis verbis hoc
commemorat quibus et Matthaeus, nisi quod distinctius quemadmodum futurum
esset, expressit dictum esse a domino: amen dico tibi, quia tu hodie in nocte
hac priusquam bis gallus vocem dederit, ter me es negaturus. Unde nonnullis,
qui parum attendunt, Marcus videtur non congruere ceteris: tota enim negatio
Petri trina est; quae si post primum galli cantum inciperet, falsum dixisse
viderentur tres Evangelistae, qui dicunt dixisse dominum, quod antequam
gallus cantaret, eum Petrus esset negaturus. Rursus si totam trinam
negationem ante peregisset quam cantare gallus inciperet, superfluo dixisse
Marcus deprehenderetur ex persona domini: priusquam gallus bis vocem dederit,
ter me es negaturus. Sed quia ante primum galli cantum coepta est illa trina
negatio, attenderunt tres Evangelistae non quando eam completurus esset
Petrus, sed quanta futura esset, et quando incepta, idest ante galli cantum:
quamquam in anima eius et ante primum galli cantum tota possit intelligi,
quoniam ante galli cantum tantus timor obsederat mentem, qui eam posset usque
ad tertiam negationem perducere. Multo minus igitur movere debet quia trina
negatio, etiam trinis negantis vocibus, ante galli cantum coepta, etsi non
ante primum galli cantum peracta est; tamquam si alicui diceretur: antequam
gallus cantet, ad me scribes epistolam, in qua mihi ter conviciaberis: non
utique si eam ante omnem galli cantum scribere inciperet, et post primum
galli cantum finiret; ideo dicendum erat falsum fuisse praedictum. Origenes in Matth. Quaeres autem si possibile
erat ut non scandalizaretur Petrus, semel salvatore dicente: omnes vos
scandalum patiemini in me. Ad quod aliquis respondebit, quoniam necesse erat
fieri quod praedictum erat a Iesu; alius autem dicet, quoniam qui exoratus a
Ninivitis, quae praedixerat per Ionam non fecit, possibile fuit ut repelleret
etiam scandalum a Petro deprecante. Nunc autem promissio eius audax in
affectu quidem prompto, non tamen prudenti, facta est ei causa ut non solum
scandalizaretur, verum etiam ter denegaret. Postquam autem cum affirmatione
iuramenti pronuntiavit, dicet aliquis quod non erat possibile ut non
denegaret. Si enim iuramentum erat Christi amen, mentitus fuisset dicendo
amen dico tibi, si verum dixisset Petrus, quia non te negabo. Videntur autem
mihi ceteri discipuli cogitantes quod primum fuerat dictum: omnes vos
scandalum patiemini. Ad hoc autem quod dictum est Petro amen dico tibi,
promiserunt similiter Petro, quia non erat comprehensi in illa prophetia;
unde sequitur ait illi Petrus: etiam si oportuerit me mori tecum, non te
negabo. Similiter et omnes discipuli dixerunt. Hic etiam Petrus, nescit quid
loquatur: cum Iesu enim mori pro omnibus moriente hominum non erat: quoniam
omnes fuerant in peccatis, et omnes opus habebant ut pro eis alius moreretur,
non ipsi pro aliis. Rabanus. Sed quia intellexerat Petrus dominum,
prae timore mortis eum se praedixisse negaturum, ob hoc dicebat, quod licet
periculum immineret mortis, nullo modo ab eius fide posset avelli; et
similiter alii apostoli per ardorem mentis non timuerunt damnum mortis; sed
vana fuit praesumptio humana sine protectione divina. Chrysostomus in Matth. ? Hinc ergo magnum discimus dogma: quia non
sufficit desiderium hominis, nisi divino aliquis potiatur auxilio. |
Versets
30-35.
— Origène : (Traité 33 sur S. Matth.) Notre-Seigneur voulait enseigner à ses disciples, qui venaient de recevoir le pain de bénédiction et de boire le calice d’actions de grâces, à dire à Dieu le Père un hymne de reconnaissance pour tous ces bienfaits : « Et après avoir chanté l’hymne (Ps 115 ; 118), ils allèrent à la montagne des Oliviers » ; c’est-à-dire que d’une hauteur, il les élève à une autre hauteur, car le vrai fidèle ne peut rien opérer de grand tant qu’il reste dans la vallée. C’est par une
disposition admirable qu’il conduit sur le mont des Oliviers ses disciples,
tout pénétrés encore des mystères de son corps et de son sang, et qu’il a
recommandés à son Père par un hymne de pieuse intercession, car il voulait
nous apprendre que l’action de ses sacrements, jointe au secours de sa
médiation, devait nous faire parvenir aux dons des plus sublimes vertus et à
ces grâces de l’Esprit saint qui répandent l’onction dans nos cœurs. — Raban : On peut admettre que cet hymne fut celui que, d’après
saint Jean, le Seigneur adresse à son Père pour lui rendre grâces, et dans
lequel il priait, les yeux élevés vers le ciel, pour lui-même, pour ses
disciples et pour tous ceux qui devaient croire en lui. — La Glose : C’est
que le Roi-prophète avait prédit : " Les pauvres mangeront et ils seront
rassasiés, et ils loueront le Seigneur, " etc... — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
Qu’ils entendent ces paroles, ceux qui, ne songeant qu’à manger comme des
pourceaux, se lèvent ivres de table, tandis qu’ils devraient rendre grâces et
terminer leur repas par l’hymne de la reconnaissance. Qu’ils les entendent
aussi, ceux qui, dans la célébration des saints mystères, n’attendent pas la
dernière oraison de la Messe, qui est un souvenir de cet hymne. Jésus rendit
grâces avant de distribuer les saints mystères à ses disciples, pour nous
apprendre à rendre grâces nous-mêmes, et il récite l’hymne après avoir mangé,
afin que nous imitions son exemple. — Saint Jérôme : D’après cet exemple
du Sauveur, celui qui a été rassasié du pain de Jésus-Christ et comme enivré
de sa coupe, peut louer Dieu et gravir le mont des Oliviers, où il trouvera
le repos de ses fatigues, la consolation de ses douleurs et la connaissance
de la vraie lumière. — Saint Hilaire : (can. 30.) Nous
voyons encore par là que les hommes, après avoir pratiqué toutes les vertus
dont les divins mystères sont la source, sont élevés dans la gloire céleste
pour y participer à la joie et à l’allégresse commune à tous les saints. — Origène : C’est par une raison pleine de sagesse que Jésus choisit le mont de la miséricorde pour y faire connaître le scandale de la faiblesse des disciples, déjà prêt à ne pas repousser ceux de ses disciples qui se sont séparés de lui, et à les accueillir lorsqu’ils reviendront à lui. D’où la suite : « Alors Jésus leur dit : Je vous serai à tous cette nuit une occasion de scandale ». — Saint
Jérôme : [référence à vérifier] Il
leur prédit la faiblesse à laquelle ils doivent succomber, afin qu’après
avoir fait cette triste expérience, ils ne désespèrent pas de leur salut,
mais qu’ils cherchent leur délivrance dans un sincère repentir. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
Il nous apprend encore par là ce que furent les disciples avant sa passion,
et ce qu’ils devinrent après sa mort sur la croix. En effet, ces mêmes
disciples qui n’avaient pu rester près de Jésus-Christ pendant qu’on le
crucifiait, devinrent plus forts que le diamant après sa mort. Or, la fuite
des disciples, leur épouvante, sont une démonstration évidente de la mort de
Jésus-Christ, et une réponse qui doit couvrir de confusion ceux qui sont
malades de l’hérésie de Marcion ; car si Jésus-Christ n’a été ni chargé de
chaînes, ni crucifié, quelle a été la cause de cette crainte excessive de
Pierre et des autres disciples ? — Saint Jérôme : Et c’est avec
dessein qu’il ajoute : « pendant
cette nuit », car de même que ceux qui s’enivrent, s’enivrent
pendant la nuit (1 Th 5), ainsi ceux qui sont scandalisés le sont dans la
nuit et au sein des ténèbres. — Saint Hilaire : La réalité de cette
prédiction était confirmée par une ancienne prophétie, car il est écrit : « Je frapperai le pasteur, et les
brebis du troupeau seront dispersées ». — Saint Jérôme : Cette prophétie se
trouve dans le prophète Zacharie en d’autres termes ; le prophète s’adresse
lui-même à Dieu et lui dit : « Frappez
le pasteur, et les brebis seront dispersées » (Za 13). Le bon
pasteur est frappé, afin qu’il puisse donner sa vie pour ses brebis, et pour
ne faire qu’un seul pasteur et un seul troupeau de cette multitude de
troupeaux que l’erreur avait dispersés. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.)
Le Seigneur cite cette prophétie pour engager ses disciples à avoir toujours
les yeux fixés sur les saintes Écritures, pour leur prouver que c’était par
un dessein bien arrêté de Dieu qu’il était crucifié, et leur montrer en même
temps qu’il n’était pas étranger à l’Ancien Testament et au Dieu qu’il
proclame. Toutefois, il ne veut pas les laisser dans la tristesse, et il se
hâte de leur faire des prédictions plus agréables : « Mais lorsque je serai ressuscité, je vous précéderai en
Galilée ». Ce n’est point du haut du ciel qu’il leur apparaît
aussitôt sa résurrection ; il ne va pas non plus dans une région lointaine
pour se manifester à eux, mais c’est dans la même nation et presque dans le
même pays, afin qu’ils ne puissent douter que c’était bien lui, le même qui
avait été crucifié, qui était ressuscité. Il leur annonce encore qu’il ira en
Galilée, afin que, libérés de la crainte des Juifs, ils fussent plus disposés
à croire ce qu’il leur disait. — Origène : Il
leur fait encore cette prédiction, afin qu’ils sachent qu’après avoir été
dispersés pour un moment à la suite du scandale qu’ils avaient souffert, il
les réunirait aussitôt sa résurrection, et les précéderait dans la Galilée
des nations. — Ou bien encore, si l’on demande
comment les disciples, après avoir vu tant de miracles et de prodiges, ont pu
être scandalisés par une seule parole, nous répondrons que Notre-Seigneur
veut nous apprendre par là que de même que personne ne peut dire : "
Jésus est le Seigneur, Sinon par l’Esprit saint, " ainsi personne ne
peut être sans scandale, c’est-à-dire inaccessible au scandale, sans le
secours de l’Esprit saint. Mais lorsque ces paroles du Seigneur : " Je
vous serai à tous cette nuit un sujet de scandale, " reçurent leur
accomplissement, l’Esprit saint n’était pas encore donné, parce que Jésus
n’était pas encore glorifié. Pour nous, au contraire, si après avoir confessé
le Seigneur Jésus par l’Esprit saint, il nous devient un sujet de scandale ou
que nous venions à le renoncer, nous sommes tout à fait inexcusables.
Ajoutons que les disciples ont été scandalisés, comme des hommes qui étaient
encore au milieu de la nuit, tandis que pour nous, la nuit a disparu pour
faire place au jour qui s’est approché. Enfin, les disciples ont été
scandalisés pendant la nuit, parce que le Père n’a pas épargné son Fils
unique, mais l’a livré pour nous à la mort, de manière que les brebis du
troupeau ont été dispersées pour un peu de temps, après avoir été
scandalisées, mais pour être ensuite réunies par Jésus-Christ dans la
Galilée, où il précédera ceux qui voudront le suivre, afin que le peuple des
Gentils qui, auparavant, " était assis dans les ténèbres, voie briller
une grande lumière, " etc... — Saint Hilaire : Mais Pierre était
tellement transporté par son affection, par son amour pour Jésus-Christ,
qu’il oublia la faiblesse de sa chair et la croyance que méritent les paroles
du Seigneur ; comme si ces paroles ne devaient pas avoir leur effet : « Pierre, prenant la parole, lui dit
: Quand vous seriez pour tous les autres une occasion de chute, vous ne le
serez jamais pour moi ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.) Que dites-vous, Pierre ? Le prophète a dit : « Les brebis seront dispersées », et Jésus-Christ a confirmé ce témoignage, et vous osez dire : Non, il n’en sera pas ainsi ? Lorsque Jésus a dit : « Un de vous me trahira », vous trembliez d’être vous-même ce traître, quoique votre conscience ne vous reprochât rien de semblable ; et maintenant qu’il déclare ouvertement qu’il sera pour vous tous un sujet de scandale, vous osez le contredire ? Pierre était délivré de l’anxiété que lui avait causé l’idée qu’il pourrait trahir son Maître, et plein désormais d’une confiance exagérée, il s’écrie : « Pour moi, je ne me scandaliserai jamais ». — Saint Jérôme : Ce n’est point
cependant témérité ni mensonge de la part de l’Apôtre Pierre, mais l’effet de
son ardent amour pour le Sauveur son maître. — Saint Rémi : Il nie donc, par un
effet de son amour, ce que le Seigneur avait prédit par un effet de sa
prescience, et nous devons apprendre de là que la fragilité de notre chair
doit nous donner autant de crainte que la vivacité de notre foi peut nous
inspirer de confiance. Cependant Pierre est inexcusable et pour avoir
contredit le Seigneur, et pour s’être préféré aux autres, et en troisième
lieu pour avoir cru qu’il trouverait en lui seul la force nécessaire pour
persévérer. Afin de guérir cette présomption, le Seigneur permit la chute de
son disciple, non pas qu’il l’ait poussé à ce renoncement, mais il
l’abandonna à lui-même et convainquit ainsi sa nature humaine de fragilité. — Origène : Aussi
les autres disciples sont scandalisés au sujet de la personne de Jésus,
tandis que Pierre est non seulement scandalisé, mais abandonné plus
complètement [par la grâce], de manière à renier trois fois son Maître : « Et Jésus lui repartit : Je vous dis
en vérité que cette nuit, avant que le coq ait chanté, vous me renierez trois
fois ». — Saint Augustin : (De race. des
Evang., 3, 2.) On peut s’émouvoir de ce que les Évangélistes ont rapporté si
diversement non seulement aux expressions, mais quant au fond même des
choses, cette présomption de Pierre, qui, malgré les avertissements qui lui
sont donnés, affirme qu’il est prêt à mourir avec le Seigneur ou pour
défendre cause. Aussi est-on forcé d’admettre que cet Apôtre a renouvelé
promesse présomptueuse en réponse à différents endroits des paroles de
Jésus-Christ, et que le Seigneur lui a déclaré par trois fois qu’avant le
chant du coq, il le renierait trois fois. C’est ainsi qu’après sa
résurrection il lui demande par trois fois s’il l’aimait, lui donne par trois
fois le précepte de paître ses brebis. Qu’ont en effet de semblable les
paroles ou les pensées rapportées par saint Matthieu avec celles dont saint
Jean (Jn 13) et saint Luc (Lc 22) se servent pour exprimer la réponse
présomptueuse de Pierre ? Saint Marc, au contraire (Mc 14), rapporte ce fait
à peu près dans les mêmes termes que saint Matthieu, avec cette différence
que dans saint Marc, le Seigneur prédit d’une manière plus explicite ce qui
devait arriver : « Je vous dis en
vérité qu’aujourd’hui, dès cette nuit, avant que le coq ait chanté deux fois,
vous me renoncerez trois fois ». Aussi en est-il quelques-uns
qui, n’y regardant pas de bien près, prétendent que saint Marc ne peut se
concilier ici avec les autres Évangélistes. Car, disent-ils, Pierre a renié
trois fois son Maître, et s’il a commencé après le premier chant du coq, le
récit des trois Évangélistes n’est pas conforme à la vérité, puisqu’ils
rapportent que le Seigneur a déclaré qu’avant que le coq chantât, Pierre le
renierait trois fois. D’ailleurs, si les trois renoncements de saint Pierre
ont eu lieu avant que le coq ait commencé à chanter, pourquoi Notre-Seigneur
aurait-il dit d’après saint Marc : « Avant
que le coq ait chanté deux fois, vous me renoncerez trois fois ? » Nous répondons que le triple renoncement de
saint pierre ayant commencé avant le premier chant du coq, trois évangélistes
ont considéré non pas le moment où il devait être consommé, mais celui où il
devait se produire et commencer, c’est-à-dire avant le chant du coq. On peut
même dire, en considérant les dispositions intérieures de saint Pierre, que
ce triple renoncement eut lieu avant le chant du coq, car avant cette heure,
son âme était en proie à une crainte si grande qu’elle pouvait le conduire
jusqu’à renoncer trois fois son maître. A plus forte raison, on ne doit pas
s’étonner que ces trois renoncements successifs et distincts aient commencé
avant le chant du coq, bien qu’ils n’aient pas été consommés avant le premier
chant du coq. Car si l’on disait à quelqu’un : « Avant que le coq ait
chanté, vous m’écrirez une lettre dans laquelle vous m’outragerez trois fois »,
cette prédiction ne se trouverait pas fausse, si la lettre, commencée avant
le premier chant du coq, était achevée après que le coq aurait chanté pour la
première fois. — Origène : Vous
demanderez peut-être s’il était possible que Pierre ne fût pas scandalisé
après cette déclaration du Sauveur : « Je
vous serai à tous une occasion de scandale ». Les uns répondent que
ce que Jésus avait prédit devait nécessairement arriver ; les autres, que
celui qui, à la prière de Jonas, consentit à ne pas accomplir la prédiction
qu’il avait faite par ce prophète, aurait pu aussi, si Pierre l’en eût prié,
éloigner de lui ce scandale ; tandis que cette promesse téméraire, faite sous
l’impression d’un amour généreux, mais irréfléchi, fut cause qu’à la honte du
scandale il joignit le crime d’un triple reniement. Mais, dira-t-on, puisque
Jésus, lui avait affirmé avec serment qu’il le renoncerait, il fallait
nécessairement que ce renoncement eût lieu. Car si ces paroles du Seigneur : « Je vous le dis en vérité »,
renfermaient un serment, ce serment eût confirmé un mensonge si Pierre avait
pu dire vrai en affirmant : « Pour
moi, je ne vous renierai pas ». Or, à mon avis, les autres disciples
me paraissent préoccupés de ces premières paroles : « Je vous serai à tous une occasion de scandale ». Il
s’adresse ensuite à Pierre en particulier et lui fait cette prédiction qui ne
comprenait pas les autres disciples : « Je
vous le dis en vérité ». Et Pierre lui répond : « Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai
point ». Et tous les autres disciples dirent la même chose. "
Ici encore, Pierre ne sait pas ce qu’il dit (Lc 9, 33), car il n’appartenait
pas aux hommes de mourir avec Jésus, qui donnait sa vie pour tous les hommes.
En effet, tous les hommes étaient ensevelis dans leurs péchés ; tous avaient
donc besoin qu’un autre mourût pour eux, et eux-mêmes ne pouvaient mourir
pour leurs semblables. — Raban :
Pierre avait compris que le Seigneur lui avait prédit qu’il le renierait
par la crainte qu’il aurait de la mort, il lui affirme donc que le danger
d’une mort certaine ne pourrait le séparer de la foi qu’il avait en lui. Les
autres Apôtres, emportés également par l’ardeur de leur affection, promettent
tous d’affronter la mort sans crainte ; mais cette présomption toute humaine,
abandonnée de la protection divine, fut sans effet. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 82.) Je pense que ce fut quelque mouvement d’ambition et de vanité qui inspira ces paroles présomptueuses à l’apôtre saint Pierre ; car, pendant la Cène, il s’était élevé parmi eux une contestation, lequel d’entre eux était le plus grand, tant l’amour de la vaine gloire troublait et agitait violemment leur âme ; et c’est parce qu’il voulait les délivrer de ces malheureuses passions que Jésus-Christ leur retira le secours de sa grâce. Or, voyez comment, après la résurrection du Seigneur, instruit par cette leçon, Pierre. répond à Jésus avec beaucoup plus d’humilité, et n’ose plus contredire les assertions de son Maître. Cette chute a produit en tout les plus heureux effets. Auparavant, il s’attribuait tout à lui-même, lorsqu’il, aurait dû s’exprimer de la sorte : " Je ne vous renoncerai pas, si votre grâce vient à mon secours " ; dans la suite, au contraire, il proclame qu’il faut tout renvoyer à Dieu : " Pourquoi nous regardez-vous comme si c’était par notre puissance que nous ayons fait marcher cet homme ? " Nous apprenons donc de là cette grande vérité que le désir de l’homme ne suffit pas, s’il n’est d’ailleurs aidé par un secours divin. |
Lectio 10 [85595] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 10 Remigius. Paulo superius Evangelista
dixerat, quia hymno iam dicto, exiit cum discipulis in montem oliveti; et ut
ostenderet ad quem locum ipsius montis diverterit, consequenter adiunxit tunc
venit Iesus cum illis in villam quae dicitur Gethsemani. Rabanus. Lucas dicit: in montem oliveti;
Ioannes: trans torrentem Cedron, quod idem est quod Gethsemani: et est locus,
in quo oravit ad radicem montis oliveti, ubi hortus est, ubi etiam Ecclesia
est aedificata. Hieronymus. Gethsemani interpretatur vallis
pinguissima, in qua iussit discipulos sedere paulisper, et expectare
redeuntem, donec pro cunctis dominus solus oraret. Origenes in Matth. Non enim conveniebat ut ibi
caperetur ubi cum discipulis manducaverat Pascha; conveniebat autem et
priusquam proderetur orare, et eligere locum mundum ad orationem; unde
sequitur et dixit discipulis suis: sedete hic donec vadam illuc, et orem.
Chrysostomus. Hoc autem dicit, quia discipuli
indivisibiliter sequebantur Christum; consuetudo enim ei erat sine discipulis
orare; hoc autem faciebat erudiens nos in orationibus quietem nobis
constituere, et solitudinem quaerere. Damascenus de fide Orth. Sed cum oratio sit
ascensus intellectus ad Deum, vel petitio decentium a Deo, qualiter dominus
orabat? Neque enim ascensione quae ad Deum est, indigebat intellectus eius,
semel secundum personam Deo verbo unitus; neque etiam ea quae a Deo est
petitione: unus enim Deus et homo Christus est. Sed formans in seipso quod
nostrum est, docuit nos a Deo patre petere, et ad ipsum extendi: sicut enim
passiones sustinuit, ut triumphans adversus eas victoriam nobis tribueret,
ita orat, nobis viam faciens ad eam quae ad Deum est ascensionem, et pro
nobis omnem iustitiam implens, et reconcilians nobis patrem suum; et ut
principium ipsum honorans, et monstrans quod non est Deo contrarius. Remigius. Cum autem dominus in monte
oravit, docuit nos in oratione pro caelestibus dominum supplicare: cum vero
in villa oravit, nos instruxit ut in oratione semper humilitatem servare
studeamus. Rabanus. Pulchre autem appropinquans
passioni, in valle pinguedinis orasse dicitur, ut demonstraret quod per
vallem humilitatis et pinguedinem caritatis mortem pro nobis susceperit. Moraliter
etiam nos instruxit ut non gestemus cor aridum a pinguedine caritatis. Remigius. Appropinquans morti dominus, in
valle pinguedinis oravit: quia per vallem humilitatis et pinguedinem
caritatis pro nobis mortem subiit. Quia vero fidem discipulorum et
constantiam devotae sibi voluntatis acceperat; sed turbandos illos et
dispergendos praesciebat: ideo iussit eos in loco sedere: nam sedere
requiescentis est: laboraturi enim erant eum negaturi. Qualiter autem
progressus sit, manifestat cum subiungitur et assumpto Petro, et duobus filiis
Zebedaei, coepit contristari et moestus esse. Illos
videlicet assumpsit quibus in monte claritatem suae maiestatis ostenderat. Hilarius in Matth. Sed
quia dicit coepit contristari et moestus esse, haereticorum omnis hic sensus
est ut opinentur metum mortis in Dei filium incidisse, quia asserunt non de
aeternitate prolatum, neque de infinitate paternae substantiae extitisse, sed
ex nihilo per eum qui omnia creavit, effectum; et ideo in eo doloris
anxietas, ideo metus mortis: ut qui mortem timere potuit, et mori possit; qui
vero mori potuit, licet in futurum erit, non tamen per eum qui se genuit ex
praeterito, sit aeternus. Quod si per fidem capaces Evangeliorum essent,
scirent verbum in principio Deum, et hoc in principio apud Deum, et eamdem
esse aeternitatem gignentis et geniti. Sed si virtutem illam incorruptae
substantiae, imbecillitatis suae sorte assumptio carnis infecerit, ut sit ad
dolorem infirma, ad mortem trepida, iam et corruptioni subdita erit; ac sic
aeternitate demutata in metum, hoc quod in ea est poterit aliquando non esse.
Deus autem sine mensura temporum semper est, et qualis est, talis semper
aeternus est. Mori igitur nihil in Deo potuit, nec ex se metus Deo ullus est. Hieronymus. Nos autem ita dicimus hominem
passibilem a Deo filio susceptum ut deitas impassibilis permaneret. Passus
est enim Dei filius non putative, sed vere, omnia quae Scriptura testatur,
secundum illud quod pati poterat; secundum scilicet substantiam assumptam.
Hilarius de Trin. Puto autem non alia hic ad
timendum quam passionis et mortis causa a quibusdam praetenditur. Interrogo
autem eos qui hoc ita existimant, an ratione subsistat ut mori timuerit qui
omnem ab apostolis timorem mortis expellens ad gloriam eos sit martyrii
adhortatus: quid enim ipse in mortis sacramento doluisse existimandus est qui
pro se morientibus vitam rependit? Deinde quem dolorem mortis timeret,
potestatis suae liberate moriturus? Si etiam passio honorificatura eum erat,
quomodo tristem eum metus passionis effecerat? Hilarius in Matth. Quia ergo moestum
dominum fuisse legimus, causas moestitiae reperiamus. Admonuerat
superius omnes scandalizandos; Petrum etiam dominus ter negaturum esse
respondit: assumptisque eo et Iacobo et Ioanne, coepit tristis esse. Ergo non
ante tristis est quam assumit sed omnis metus illis esse coepit assumptis:
atque ita non de se orta est, sed de eis quos assumpserat, moestitudo. Hieronymus. Contristabatur ergo dominus non
timore patiendi, qui ad hoc venerat ut pateretur, et Petrum temeritatis
arguerat, sed propter infelicissimum Iudam, et scandalum omnium apostolorum,
et reiectionem vel reprobationem populi Iudaeorum, et eversionem miserae
Ierusalem. Damascenus de fide Orth. Vel aliter. Omnia
quae non ante ad esse deducta sunt a conditore, existendi naturaliter
desiderium habent, et non existere naturaliter fugiunt. Deus igitur verbum
homo factus habuit hoc desiderium, quo desideravit escam et potum et somnum,
quibus scilicet conservatur vita, et naturaliter experientia horum usus est, et
e contrario, corruptiva reformidavit; unde et tempore passionis, quam
voluntarie sustinuit, habuit mortis timorem naturalem et tristitiam: est enim
timor naturalis quo anima non vult dividi a corpore, propter naturalem
familiaritatem quam ei a principio conditor rerum imposuit. Hieronymus. Dominus ergo noster, ut veritatem
assumpti probaret hominis, vere quidem contristatus est; sed ne passio in
animo illius dominaretur, per passionem coepit contristari: aliud est enim
contristari, et aliud incipere contristari. Remigius. Destruuntur autem in hoc loco
Manichaei, qui dixerunt illum phantasticum corpus assumpsisse; nihilo minus
et illi qui dixerunt eum veram animam non habuisse, sed loco animae
divinitatem. Augustinus in Lib. 83 quaest. Habemus enim
Evangelistarum narrationes, per quas Christum et natum de beata virgine Maria
cognovimus, et comprehensum a Iudaeis, et flagellatum et crucifixum atque
interfectum, et sepultum in monumento: quae omnia intelligere sine corpore
nemo potest facta esse; nec figurate accipienda quisquam vel dementissimus
dixerit, cum dicta sint ab eis qui res gestas ut meminerant narraverunt. Sic
ergo isti corpus eum habuisse testantur, sicut et eum habuisse indicant
animam affectiones illae quae non possunt esse nisi in anima; quas
nihilominus eisdem Evangelistis narrantibus legimus: et miratus est Iesus, et
iratus, et contristatus. Augustinus de Civ. Dei. Cum ergo in Evangelio
ista referuntur, non falso utique referuntur; verum ille hos motus
certissimae dispensationis gratia ita cum voluit suscepit animo humano, ut
cum voluit factus est homo. Habemus quidem et nos huiusmodi affectus ex
humanae conditionis infirmitate; non autem ita dominus Iesus, cuius
infirmitas fuit ex potestate. Damascenus de fide Orth. Quapropter naturales
nostrae passiones secundum naturam et supra naturam fuerunt in Christo:
secundum naturam enim, quia permittebat carni pati quae propria; super
naturam autem, quia non praecedebant in eo voluntatem naturalia; nihil enim
coactum in Christo consideratur, sed omnia voluntaria: volens enim esurivit,
volens timuit et contristatus est. Et ideo de manifestatione tristitiae
subditur tunc ait illis: tristis est anima mea usque ad mortem. Ambrosius super Lucam. Tristis autem est non
ipse, sed anima: non enim tristis sapientia, non divina substantia, sed
anima: suscepit enim animam meam, suscepit corpus meum. Hieronymus. Non autem propter mortem, sed
usque ad mortem dicitur contristatus, donec apostolos sua liberet passione.
Dicant qui irrationabilem Iesum sumpsisse animam suspicantur, quomodo
contristetur, et noverit tempus tristitiae: quamvis enim et bruta moereant
animalia, tamen non noverunt nec causas, neque tempus usque ad quod debeant
contristari. Origenes in Matth. Vel aliter. Tristis est
anima mea usque ad mortem; quasi dicat: tristitia coepta est in me, non
semper, sed usque ad tempus mortis; ut cum mortuus fuero peccato, moriar et
universae tristitiae, cuius principium tantum fuit in me. Sequitur sustinete
hic, et vigilate mecum; ac si dicat: ceteros quidem iussi sedere ibi, quasi
infirmiores, ab agone isto servans eos securos; vos autem quasi firmiores
adduxi, ut collaboretis mecum in vigiliis et orationibus: tamen et vos manete
hic, ut unusquisque in gradu suae vocationis consistat: quoniam omnis gratia,
quamvis fuerit magna, habet superiorem. Hieronymus. Vel ideo a somno prohibet, cuius
tempus non erat imminente discrimine; sed a somno infidelitatis et torpore
mentis. |
Versets
36-38.
— Saint Rémi : L’Évangéliste nous a
raconté un peu plus haut qu’après avoir dit avec ses disciples l’hymne [d’action
de grâces], Jésus était allé avec eux vers le mont des Oliviers, et c’est
pour désigner l’endroit de cette montagne où il se retira, qu’il ajouté : « Alors Jésus vint avec eux un lieu
appelé Gethsémani ». — Raban : Saint Luc dit : « Sur le mont des Oliviers » ;
saint Jean : « Au delà du torrent de Cédron », ce qui est la même
chose que Gethsémani ; ce lieu où Jésus pria est situé au pied du mont
des Oliviers, où se trouve un jardin et où fut bâtie depuis une église. — Saint Jérôme : Le nom de Gethsémani
veut dire vallée très fertile, et c’est là que Jésus ordonne à ses disciples
de se reposer un instant, et d’y attendre qu’il revienne les trouver
lorsqu’il aurait prié seul pour tous les hommes. — Origène : Il ne convenait pas que le Seigneur fut pris dans le lieu même où il avait mangé la pâques avec ses disciples. Il fallait aussi qu’il priât avant d’être trahi, et qu’il choisît un lieu propre à la prière : « Et il dit à ses disciples : Asseyez-vous ici pendant que j’irai là, et que je prierai ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.)
Jésus leur fait cette recommandation, parce qu’ils le suivaient sans jamais
se séparer de lui ; il avait aussi l’habitude de prier sans ses disciples, ce
qu’il faisait pour nous apprendre à rechercher le repos et la solitude dans
nos prières. — Saint Jean Damascène : (liv.
3). Mais puisque la prière est l’élévation de notre âme vers Dieu et la
demande faite à Dieu de choses légitimes, comment le Seigneur pouvait-il
prier ? Son âme n’avait pas besoin de s’élever à Dieu, unie qu’elle était au
Verbe de Dieu en unité de personne ; il n’avait non plus besoin de rien
demander à Dieu, car Jésus-Christ est tout à la fois Dieu et homme. Mais le Seigneur
voulut en cela nous donner dans sa personne l’exemple de la conduite que nous
devons suivre, nous enseigner à prier Dieu son Père, et à nous élever jusqu’à
lui. Lorsqu’il s’est soumis aux souffrances, c’était pour en triompher et
nous obtenir d’en triompher nous-mêmes ainsi, lorsqu’il prie, c’est pour nous
ouvrir la voie par laquelle nous pouvons nous élever jusqu’à Dieu ; c’est
encore afin d’accomplir pour nous toute justice, de nous réconcilier avec son
Père, de l’honorer comme le principe de toutes choses et de nous montrer
qu’il n’est point lui-même contraire à Dieu. — Saint Rémi : En priant sur la
montagne, Notre-Seigneur nous enseigne à demander à Dieu dans la prière les
choses du ciel, et en priant dans cet endroit [appelé Gethsémani], il nous
apprend à pratiquer toujours avec soin l’humilité dans la prière. — Raban : C’est par un dessein admirable qu’en approchant de sa
passion le Seigneur prie dans la vallée de l’abondance, pour nous montrer que
c’était par la vallée de l’humilité et par l’abondance de sa charité qu’il a
souffert la mort pour nous. Il nous avertit en même temps de ne point porter
en nous un cœur stérile et privé de la fécondité que donne la charité. — Saint Rémi : En approchant de la
mort, le Seigneur pria dans la vallée de l’abondance parce que que c’était
par la vallée de l’humilité et par l’abondance de sa charité qu’il a souffert
la mort pour nous. C’est parce qu’il avait été témoin de l’expression de la
foi de ses disciples et de leur dévouement à toute épreuve, et qu’il
prévoyait leur effroi et leur dispersion qu’il leur ordonne de s’asseoir en
ce lieu, car on s’assoie pour se reposer, et il devait leur en coûter bien de
la peine pour le renier. L’Évangéliste nous apprend comment il s’éloigna
d’eux, en ajoutant : « Et ayant
pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à être triste
et dans l’affliction ». Il prend avec lui ceux qu’il avait rendus
témoins, sur la montagne, de la splendeur de sa majesté. — Saint Hilaire : (can. 31.) Mais les
hérétiques ne veulent entendre ces paroles : « Il commença à s’attrister et à s’affliger » que dans
le sens qui assujettit le Fils de Dieu à la crainte de la mort, parce qu’ils
affirment, d’ailleurs, qu’il n’est point né de toute éternité, et qu’il n’est
point sorti de la substance infinie de son Père, mais qu’il a été tiré du
néant par le Créateur de toutes choses. Donc, ajoutent-ils, il a été
accessible aux angoisses de la douleur, à la crainte de la mort, et,
puisqu’il a pu craindre la mort, il a pu mourir ; or, s’il a pu mourir, bien qu’il
doive maintenant vivre éternellement, il n’est cependant pas éternel par sa
naissance dans le passé. Nous leur répondrons que, si la foi leur avait donné
l’intelligence des Évangiles, ils auraient appris que le Verbe était Dieu dès
le commencement, qu’il était en Dieu dès le commencement, et que celui qui
engendre, comme celui qui a été engendré, ont la même éternité. Mais si la
chair qu’il a prise a pu vicier, par suite de l’infirmité qui lui est
inhérente, la vertu de cette substance incorruptible, jusqu’à la soumettre
aux atteintes de la douleur, aux agitations de la crainte de la mort, elle
devra aussi être soumise à la corruption, et si cette substance éternelle
peut subir un changement qui l’assujettisse à la crainte, elle pourra perdre,
dans un moment donné, les propriétés qu’elle possède aujourd’hui. Mais Dieu
est toujours le même, sans qu’on puisse mesurer son existence dans le temps,
et il est de toute éternité tout ce qu’il est ; rien donc en Dieu n’a pu être
sujet à la mort, rien en lui n’a pu être accessible à la crainte. — Saint Jérôme : Pour nous, nous
disons que le Fils de Dieu s’est revêtu de notre humanité sujette aux
souffrances, mais sans que la divinité ait cessé d’être impassible, car le
Fils de Dieu a souffert, non pas d’une manière imaginaire, mais en réalité,
tout ce que l’Écriture atteste qu’il a souffert dans la nature qui pouvait
souffrir en lui, c’est-à-dire dans la nature humaine dont il s’était revêtu. — Saint Hilaire : (De la Trinité,
10.) Il en est, ce me semble, qui ne donnent d’autre cause à cette crainte du
Seigneur que les approches de sa passion et de sa mort. Mais je demanderai à
ceux qui sont dans cette opinion si l’on peut raisonnablement admettre que la
crainte de la mort ait pu trouver place chez celui qui bannissait toute
crainte de la mort de l’esprit de ses Apôtres, et les exhortait à conquérir
la gloire du martyre ? Peut-on d’ailleurs supposer qu’il ait pu envisager la
mort avec effroi, lui qui donne la vie pour récompense à ceux qui meurent
pour lui. Quelle est encore la douleur qu’il pourrait craindre dans la mort,
lui qui ne devait mourir que par un acte librement consenti de sa
toute-puissance ? Et si enfin ses souffrances devaient être pour lui une
source de gloire, comment la crainte de sa passion pouvait-elle l’attrister ? — Saint Hilaire : (can. 31.) Mais,
puisque nous lisons que Notre-Seigneur a été accablé par la tristesse,
recherchons-en les causes. Il avait prévenu plus haut ses disciples que tous
seraient scandalisés, et il avait déclaré à Pierre qu’il renierait trois fois
son maître. Or, c’est après avoir pris avec lui cet Apôtre, ainsi que Jacques
et Jean, qu’il commence à s’attrister. Ce n’est donc point avant de les avoir
pris avec lui qu’il est triste ; mais toute cette crainte ne paraît en lui qu’après
qu’il s’est fait suivre de ses disciples. Cette tristesse ne prend donc point
naissance à son sujet, mais à l’occasion de ceux qu’il avait pris avec lui. — Saint Jérôme : Le Seigneur
s’attristait donc, non dans la crainte de souffrir, puisque sa passion était
l’objet de sa venue sur la terre, et qu’il avait reproché à Pierre son
appréhension (Mt 14, 3), mais en pensant à l’infortuné Judas, au scandale [dont
sa mort allait être l’occasion] pour tous ses Apôtres, à l’abandon et à la
réprobation de tout le peuple juif, et à la ruine de la malheureuse
Jérusalem. — Saint Jean Damascène : (De la
foi orth., 23.) Ou bien, dans un autre sens, toutes les créatures qui
n’existaient pas, et à qui le Créateur a donné l’être, ont le désir naturel
de l’existence, et fuient naturellement ce qui pourrait la leur ravir. Donc,
Dieu le Verbe, s’étant fait homme, eut aussi ce désir qu’il fit paraître, en
recherchant la nourriture, la boisson, le sommeil nécessaires à la
conservation de la vie, parce qu’il était soumis, par sa nature humaine, à
ces différentes nécessités, et en fuyant, au contraire, tout ce qui pouvait
être, pour cette nature, un principe de dissolution. Ainsi, au temps de sa
passion qu’il a soufferte par un effet de sa volonté, il fut soumis à une
crainte de la mort et à une tristesse qui étaient naturelles, car il est
naturel à l’âme de craindre d’être séparée du corps, à cause de l’union
intime que le Créateur a établie dès le commencement entre ces deux
substances. — Saint Jérôme : Notre-Seigneur, pour
prouver la vérité de la nature humaine qu’il avait prise, éprouve une
tristesse réelle ; mais pour ne point laisser cette passion dominer dans son
âme : « Il commence, dit
l’Évangéliste, à s’attrister ».
Ce n’est pas en effet la même chose d’être triste, ou de commencer à
s’attrister. — Saint Rémi : Ce passage condamne
l’erreur, et des Manichéens, qui ont prétendu qu’il n’avait pris qu’un corps imaginaire,
et de ceux qui ont soutenu qu’il n’avait pas eu d’âme véritable, mais que la
divinité lui en avait tenu lieu. — Saint Augustin : (Livre des 83
Quest., quest. 80.) Nous avons, en effet, les récits des évangélistes, qui
nous rapportent que Jésus-Christ est né de la bienheureuse Vierge Marie,
qu’il a été pris par les Juifs, flagellé, crucifié, mis à mort et enseveli
dans un tombeau, toutes choses qu’on ne peut comprendre dans leur réalité
sans qu’il ait eu un corps véritable. Quel est l’homme, si insensé qu’il fût
d’ailleurs, qui oserait dire qu’il faut prendre toutes ces choses dans un
sens figuré, alors que les évangélistes ont raconté ces faits d’après leurs
propres souvenirs ? Si donc ces faits incontestables prouvent jusqu’à
l’évidence que Jésus a eu un corps, ces passions, qui ne peuvent exister que
dans l’âme, prouvent également qu’il avait une âme véritable, et nous
trouvons cette preuve dans le même récit des évangélistes, qui nous disent : « Et
Jésus fut dans l’admiration, et il fut irrité, et il s’attrista ». — Saint Augustin : (Cité de Dieu, 14,
9.) Puisque tous ces faits nous sont racontés dans l’Évangile, ce ne sont
point des récits controuvés, et Notre-Seigneur, par l’effet d’une économie
toute divine, a réellement éprouvé ces sentiments, lorsqu’il l’a voulu, dans
son âme humaine, de même qu’il s’est fait homme par un acte également libre
de sa volonté. Nous éprouvons aussi ces sentiments comme une des infirmités
de notre condition humaine ; mais il n’en a pas été ainsi du Seigneur Jésus,
dont l’infirmité même a été un effet de sa puissance. — Saint Jean Damascène : (De la
foi orthod., 20.) Toutes nos passions naturelles ont donc existé en
Jésus-Christ, naturellement, et d’une manière supérieure à la nature ;
naturellement, parce qu’il laissait la chair souffrir ce qui était inhérent à
sa condition ; d’une manière supérieure à la nature, parce que les mouvements
de la nature ne précédaient pas en lui la volonté. En effet, rien en
Jésus-Christ n’était soumis à la coaction ; mais tout était volontaire ;
ainsi, c’est par un effet de sa volonté qu’il éprouva le besoin de la faim,
les sentiments de crainte et de tristesse, sentiments qu’il exprime par ces
paroles : « Mon âme est triste
jusqu’à la mort ». — Saint Ambroise : (Liv. 1 sur
S. Luc, chap. 22) Ce n’est pas lui qui est triste, mais son âme, car la
tristesse ne peut atteindre la sagesse, la substance divine, mais son âme
seulement, car il s’est uni mon âme, il s’est uni mon corps. — Saint Jérôme : Il dit que son âme
est triste, non à cause de la mort, mais jusqu’à la mort, jusqu’à ce qu’il
ait délivré ses Apôtres par sa passion. Que ceux-là donc qui prétendent que
Jésus a pris une âme non douée de raison nous disent comment cette âme a pu
s’attrister, et comment elle a pu connaître les heures de la tristesse, car
si les animaux sans raison peuvent éprouver de la tristesse, ils ne peuvent
cependant en connaître ni les causes, ni le temps, ni le terme. — Origène : Ou
bien, dans un autre sens, ces paroles : « Mon
âme est triste jusqu’à la mort », signifient : La tristesse a
commencé en moi, non pour toujours, mais jusqu’à l’heure de ma mort, et,
lorsque je serai mort au péché, je mourrai à toute espèce de tristesse, dont
le commencement seul a trouvé, place en moi. « Demeurez ici, et veillez avec moi ». C’est-à-dire,
j’ai commandé aux autres de rester plus loin comme étant plus faibles, et
pour leur épargner la vue de ce triste combat ; pour vous, je vous ai pris
avec moi, comme étant plus forts, et pour prendre part avec moi aux fatigues
de la veille et de la prière. Cependant, demeurez aussi en cet endroit, car
il faut que chacun s’arrête au degré de sa vocation, et toute grâce, quelque
grande qu’elle soit, en a toujours une qui lui est supérieure. — Saint Jérôme : Ou bien, on peut dire qu’il ne leur défend pas de se livrer au sommeil, car ce n’en était guère le temps à l’approche de ce moment décisif, mais qu’il veut les prémunir contre l’assoupissement de l’âme et le sommeil de l’infidélité. |
Lectio 11 [85596] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 11 Origenes in Matth. Petrum
magis de se confidentem et alios adduxit, ut videant cadentem in faciem et
orantem, et discant non magna sed humilia de se sapere, nec veloces esse ad
promittendum, sed solliciti ad orandum; et ideo dicitur et progressus
pusillum: nolebat enim longe fieri ab eis, sed iuxta eos constitutus orare:
et qui dixerat: discite a me quia mitis sum et humilis corde, laudabiliter se
humilians cadit in faciem; unde sequitur procidit in faciem suam orans, et
dicens: mi pater, si possibile est, transeat a me calix iste. Manifestans
autem in oratione sua devotionem, quasi dilectus et complacens dispositioni patris,
addidit verumtamen non sicut ego volo, sed sicut tu: docens, ut non oremus
fieri nostram voluntatem, sed Dei. Secundum autem quod coepit pavere et
tristari, secundum hoc orat calicem passionis transire; et non sicut ipse
vult, sed sicut pater; hoc est, non secundum substantiam eius divinam et
impassibilem, sed secundum naturam humanam et infirmam: suscipiens enim
naturam carnis humanae, omnes proprietates implevit, ut non in phantasia
habuisse carnem aestimaretur sed in veritate. Proprium est autem hominis
fidelis primum quidem nolle pati aliquid doloris, maxime quod ducit usque ad
mortem, quia homo carnalis est; si autem sic voluerit Deus, acquiescere, quia
fidelis est: nam sicut multum confidere non debemus, ne nostram virtutem
videamur profiteri, sic diffidere non debemus, ne Dei adiutoris nostri
impotentiam videamur pronuntiare. Notandum et autem, quoniam Marcus quidem et
Lucas hoc ipsum scripserunt; Ioannes autem orantem Iesum, ut transiret ab eo
calix, non introducit: quoniam hi quidem magis secundum humanam naturam eius
exponunt de eo quam secundum divinam; Ioannes autem magis secundum divinam.
Aliter autem Iesus videns qualia erant Iudaei passuri petentes eum ad mortem,
dicebat pater, si possibile est, transeat a me calix iste. Hieronymus. Unde signanter dicit calix iste,
hoc est populi Iudaeorum, qui excusationem ignorantiae habere non possunt si
me occiderint, habentes legem et prophetas, qui me vaticinantur. Origenes in Matth. Rursus videns quanta
utilitas totius mundi esset futura per passionem ipsius, dicebat sed non
sicut ego volo, sed sicut tu; idest, si possibile est ut sine passione mea
omnia ista bona proveniant, quae per passionem meam sunt proventura, transeat
passio haec a me, ut et mundus salvetur, et Iudaei in passione mea non
pereant. Si autem sine perditione quorundam, multorum salus non potest
introduci, quantum ad iustitiam tuam, non transeat. Calicem autem hunc qui
bibitur, passionis in multis locis nominat Scriptura. Bibit autem calicem
totum qui patitur pro testimonio quicquid fuerit ei illatum. Effundit autem
accipiens qui denegat, ne aliquid patiatur. Augustinus de Cons. Evang. Et ne quis eum
putaret patris minuisse potestatem, non dixit: si facere potes; sed si fieri
potest, vel si possibile est; ac si diceretur: si vis. Fieri enim potest quod
ille voluerit; unde et Lucas hoc ipsum planius intimavit; non enim ait si
fieri potest, sed: si vis. Hilarius in Matth. Vel aliter. Non ait
transeat a me calix iste: haec enim esset pro se timentis oratio. Quod autem
ut a se transeat rogat, non ut ipse praetereatur orat, sed ut in alterum
illud quod a se transit, accedat. Totus igitur supra eos qui passuri erant
metus est; atque ideo pro his orat qui passuri post se erant, dicens transeat
calix a me; idest, quomodo a me bibitur, ita ab his bibatur, sine spei
differentia, sine sensu doloris, sine metu mortis. Ideo autem ait si
possibile est, quia carni et sanguini horum terror est; et difficile est
eorum acerbitate corpora non vinci humana. Quod autem ait non sicut ego volo,
sed sicut tu, vellet quidem eos non pati, ne forte in passione diffidant, si
cohereditatis suae gloriam sine passionis suae difficultate mereantur. Non
ergo ut non patiantur rogat, dicens non ut ego volo; sed ut tu, ait, eo quod
pater vult ut bibendi calicis in eos ex ipso transeat fortitudo: quia ex
voluntate patris non tam per Christum vinci Diabolum, quam etiam per eius
discipulos oportebat. Augustinus in Enchir. Sic igitur Christus
hominem gerens ostendit privatam quamdam hominis voluntatem: in qua et suam
et nostram figuravit, qui caput nostrum est, cum dicit transeat a me. Haec
enim erat humana voluntas proprium aliquid tamquam privatum volens. Sed quia
rectum vult esse hominem et ad Deum dirigi, subdit verumtamen non sicut ego
volo, sed sicut tu: ac si diceret: vide te in me, quia potes aliquid proprium
velle; et si Deus aliud velit, conceditur hoc humanae fragilitati. Leo Papa in Serm. 7 de passione. Haec vox
capitis, salus est totius corporis; haec vox omnes fideles instruit, omnes
confessores accendit, omnes martyres coronavit: nam quis mundi odia, quis
tentationum turbines, quis posset persecutorum superare terrores, nisi
Christus in omnibus et pro omnibus patri diceret: fiat voluntas tua? Discant
igitur hanc vocem omnes Ecclesiae filii; ut cum adversitas violentae alicuius
tentationis incumbit, superato timore formidinis, accipiant tolerantiam
passionis. Origenes in Matth. Pusillum autem progrediente
Iesu ab eis, nec una hora potuerunt vigilare eo absente: propter quod oremus,
ut nec modicum aliquando Iesus progrediatur. Sequitur et venit ad discipulos
suos, et invenit eos dormientes. Chrysostomus in Matth. Quia tempus intempestae
noctis erat, et oculi eorum a tristitia erant gravati. Hilarius in Matth. Postquam ergo ad discipulos
redit, et dormientes deprehendit, Petrum arguit; unde sequitur et dicit
Petro: sic non potuisti una hora vigilare mecum? Petrum ideo prae omnibus ex
tribus arguit, quia prae ceteris non se scandalizandum fuerat gloriatus. Chrysostomus in Matth. Sed quia et alii idem
dixerunt, omnium etiam infirmitatem arguit: qui enim mori simul cum Christo
elegerant, neque simul cum eo potuerunt vigilare. Origenes in Matth. Inveniens autem eos
dormientes, suscitat verbo ad audiendum, et praecipit vigilare, dicens
vigilate et orate, ne intretis in tentationem: ut primum vigilemus, et sic
vigilantes oremus. Vigilat qui facit opera bona, et qui sollicite agit ne in
aliquid tenebrosum dogma incurrat: sic enim vigilantis exauditur oratio. Hieronymus. Impossibile est humanam animam non
tentari. Ergo non ait vigilate et orate ne tentemini, sed ne intretis in
tentationem; hoc est ne vos tentatio superet. Hilarius in Matth. Cur autem ne in tentationem
venirent admonere eos voluisset orare, ostendit dicens spiritus quidem
promptus est, caro autem infirma. Non enim de se hoc dicit: ad eos enim hic
sermo conversus est. Hieronymus. Hoc autem est adversus temerarios,
qui quod crediderint putant se posse consequi. Itaque quantum de ardore
mentis confidimus, tantum de fragilitate carnis timeamus. Origenes in Matth. Hic considerandum est utrum
sicut omnium caro infirma est, sic omnium spiritus promptus est; an omnium
quidem caro infirma est, non autem et omnium hominum spiritus promptus est,
sed tantum sanctorum; infidelium autem spiritus segnis est, et caro infirma.
Est autem et alio modo caro infirma eorum solum quorum spiritus promptus est,
qui cum spiritu prompto opera carnis mortificant. Hos ergo vult vigilare et
orare, ut non intrent in tentationem; quoniam qui spiritualior est,
sollicitior debet esse, ne magnum bonum ipsius gravem habeat lapsum. Remigius. Vel aliter. His verbis ostendit se
veram carnem ex virgine sumpsisse, et veram animam habuisse; unde et nunc
dicit spiritum suum promptum esse ad patiendum, carnem vero infirmam timere
dolorem passionis. Sequitur iterum secundo abiit, et oravit dicens: pater mi,
si non potest calix iste transire, nisi bibam illum, fiat voluntas tua. Origenes in Matth. Aestimo quod calix ille
passionis omnino a Iesu fuerat transiturus, sed cum differentia: ut si quidem
biberet eum, et ab ipso transiret, postmodum et ab universo genere hominum;
si autem non biberet eum, ab ipso quidem forsitan transiret, ab hominibus
autem non transiret. Hunc ergo calicem passionis volebat quidem a se
transire, sic ut omnino neque gustaret amaritudinem eius: si tamen possibile
esset, quantum ad iustitiam Dei. Si autem non poterat fieri, magis volebat ut
sumeret eum, et sic transiret ab eo et ab universo hominum genere, quam ut contra
voluntatem paternam, bibitionem eius effugeret. Chrysostomus in Matth. Quod
quidem secundo vel tertio orat, ex affectu scilicet humanae infirmitatis, quo
mortem timebat, certificat quod vere factus est homo. Secundo enim vel tertio
aliquid fieri, veritatis est maxime demonstrativum in Scripturis: unde Ioseph
dixit Pharaoni: quod vidisti secundo ad eam rem pertinens, somnii firmitatis
indicium est. Hieronymus. Vel aliter. Secundo orat, ut si
Ninive, idest gentilitas, aliter salvari non potest nisi aruerit cucurbita,
idest Iudaea, fiat voluntas patris, quae non est contraria filii voluntati,
dicente ipso per prophetam: ut facerem voluntatem tuam, Deus meus, volui.
Hilarius in Matth. Vel aliter. Passuris
discipulis omnem in se corporis nostri infirmitatem assumpsit; crucique secum
universa quibus infirmamur affixit: et ideo transire ab eo calix non potest,
nisi illum bibat, quia pati, nisi ex eius passione, non possumus. Hieronymus. Christus autem solus orat pro
omnibus, sicut et solus patitur pro universis; sequitur enim et venit iterum,
et invenit eos dormientes; erant enim oculi eorum gravati. Languescebant enim
et opprimebantur apostolorum oculi negatione vicina. Origenes in Matth. Puto enim quod non tantum
corporum oculi quantum animarum gravati erant: nondum enim erat eis spiritus
datus; unde non eos reprehendit, sed vadens iterum oravit, docens ut non
deficiamus, sed permaneamus in oratione, donec impetremus ea quae postulare
iam coepimus; unde sequitur et relictis illis, iterum abiit, et oravit
tertio, eumdem sermonem dicens. Hieronymus. Tertio autem oravit, ut in
ore duorum vel trium testium staret omne verbum. Rabanus. Vel ideo tribus vicibus dominus
oravit, ut nos a peccatis praeteritis veniam, et praesentibus malis tutelam,
et futuris periculis cautelam oremus, et ut omnem orationem ad patrem et ad
filium et ad spiritum sanctum dirigamus: et ut integer spiritus noster et
anima et corpus servetur. Augustinus de quaest. Evang. Non absurde etiam
intelligitur propter trinam tentationem passionis ter dominum orasse. Sicut
enim tentatio cupiditatis trina est, ita tentatio timoris trina est.
Cupiditati quae in curiositate est, opponitur timor mortis: sicut enim in
illa cognoscendarum rerum est aviditas, ita et in ista metus amittendae talis
notitiae. Cupiditati vero honoris vel laudis opponitur timor ignominiae, et
contumeliarum. Cupiditati autem voluptatis opponitur timor doloris. Remigius. Vel ter orat pro apostolis, et
maxime pro Petro, qui ter erat eum negaturus. |
Versets 39-44.
— Origène : Notre-Seigneur emmène avec lui Pierre, celui de tous qui avait le plus de confiance en lui-même, ainsi que les deux autres Apôtres afin qu’ils voient de leurs yeux leur divin Maître prosterné le visage contre terre dans la prière, et qu’ils apprennent à n’avoir jamais d’eux-mêmes une opinion avantageuse, mais des sentiments pleins d’humilité, et à être moins prompts à promettre et plus empressés de recourir à la prière. C’est pour cela qu’il est dit : « Et s’en allant un peu plus loin ». Il ne voulait pas s’éloigner d’eux, mais, au contraire, en être rapproché pour prier, et après leur avoir dit autrefois : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11), [il confirme cette doctrine par son exemple], en s’humiliant honorablement le premier, et en se prosternant le visage contre terre : « Et il tomba la face contre terre en priant et en disant : Mon Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi ». Il fait éclater dans cette prière toute sa piété, et comme le Fils bien-aimé, et qui met toute son affection à obéir aux dispositions de son Père, il ajoute : « Néanmoins, non comme je veux, mais comme vous voulez », nous enseignant ainsi à demander que la volonté de Dieu s’accomplisse et non pas la nôtre, il demande que le calice de sa passion s’éloigne, non pas selon sa volonté, mais comme le veut son Père, de la même manière qu’il a commencé à craindre et à s’attrister, c’est-à-dire non pas dans sa nature divine et impassible, mais dans sa nature humaine et sujette à l’infirmité, car, en se revêtant de cette nature, il en a subi toutes les conditions, pour ne point laisser croire qu’il n’avait que l’apparence et non la réalité d’une chair mortelle. Or, le premier sentiment qu’éprouve l’homme fidèle, c’est d’abord de ne pas vouloir de la douleur, surtout de celle qui peut le conduire à la mort, parce qu’il est revêtu d’une chair mortelle ; mais si telle est la volonté de Dieu, il ne demande qu’à s’y conformer, parce qu’il est avant tout plein de foi. Car de même que nous devons nous garder d’une confiance excessive, pour ne point paraître faire montre de notre force, nous devons également ne pas nous laisser aller à une défiance qui semblerait accuser d’impuissance le Dieu qui est notre soutien. Remarquons que cette circonstance nous est rapportée par saint Marc et par saint Luc ; mais saint Jean ne nous dit point que Jésus ait prié son Père que ce calice s’éloignât de lui ; ces premiers, en effet, ont insisté davantage, dans leur récit, sur ce qui concernait la nature humaine, et saint Jean sur ce qui faisait ressortir sa nature divine. Dans un autre sens, on peut dire que Jésus, voyant toutes les calamités qui devaient fondre sur les Juifs pour avoir demandé sa mort, s’écrie : « Mon Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi ». — Saint Jérôme : C’est d’une manière
significative qu’il dit : « ce
calice », c’est-à-dire le calice du peuple Juif, qui ne peut
s’excuser sur son ignorance en me mettant à mort, puisqu’il a entre les mains
la loi et les prophètes qui m’ont annoncé. — Origène : Mais
il considère de nouveau les immenses avantages que le monde entier devait
retirer de sa passion, et il ajoute : « Toutefois,
non ma volonté, mais la vôtre », c’est-à-dire si tous ces biens dont
ma passion doit être la source peuvent se réaliser sans qu’elle ait lieu,
qu’elle s’éloigne de moi, afin que le monde soit sauvé sans que les Juifs
expient par leur ruine le crime de m’avoir mis à mort ; mais si, pour ce qui
est de votre justice, le salut d’un grand nombre ne peut avoir lieu sans la
perte de quelques-uns, que ce calice ne s’éloigne pas. Or ce calice, qu’il
faut boire, est l’expression dont se sert l’Écriture en plusieurs endroits,
pour désigner les souffrances, [et, en particulier, les souffrances des
martyrs, comme dans ce passage du psaume 15 : " Je prendrai le calice du
salut. "] Celui qui, pour rendre témoignage à la foi (He 11, 39),
souffre tous les mauvais traitements qu’on peut lui faire, boit ce calice
tout entier ; mais celui qui se dérobe à toute souffrance le renverse en le
prenant. — Saint Augustin : (De l’accord des Evang., 3, 4.) Et pour ne point paraître diminuer la puissance de son Père, il ne dit point : « Si vous le pouvez », mais « Si cela se peut faire », ou « Si cela est possible », c’est-à-dire, si vous le voulez. En effet, tout ce qu’il veut est possible, et c’est ce que saint Luc exprime d’une manière plus claire, car il ne dit pas : Si cela est possible, mais « Si vous voulez ». — Saint Hilaire : Ou bien encore,
dans un autre sens, il ne dit pas : Que ce calice s’éloigne, car ce serait la
prière d’un homme qui craint pour lui-même ; mais il demande que ce calice
passe au delà de lui. Il demande donc, non d’être exempté de le boire, mais
de le voir passer à d’autres après qu’il se sera éloigné de lui. Toute la
crainte qu’il éprouve se concentre donc sur ceux qui doivent souffrir après
lui, et c’est pour eux qu’il adresse à Dieu cette prière : « Que ce calice s’éloigne de moi »,
c’est-à-dire qu’ils le boivent comme je le bois moi-même, sans aucune défiance,
sans aucun sentiment de douleur, sans aucune crainte de la mort, Il dit : « si cela est possible »,
parce que la chair et le sang redoutent les souffrances, et qu’il est
difficile que des corps mortels soient ne soient pas vaincus par leurs
cruelles atteintes. Il ajoute : « Non
comme je veux, mais comme vous voulez ». Il voudrait en effet les
affranchir de la nécessité de souffrir, dans la crainte de les voir succomber
à la souffrance, si toutefois ils peuvent devenir les cohéritiers de sa
gloire, sans passer par la rude épreuve de sa passion. « Non pas comme je le veux, mais comme vous le voulez »,
parce que la volonté du Père est que la force nécessaire pour boire ce calice
passe de Jésus-Christ dans ses Apôtres, car, d’après la volonté du Père, le
démon devait être vaincu directement, plus par les disciples de Jésus-Christ
que par Jésus-Christ lui-même. — Saint Augustin : (Explic. Du ps.
32.) Jésus-Christ, revêtu de notre humanité, fit donc paraître en lui une
volonté particulière à l’homme, et qui figurait à la fois sa volonté et la
nôtre, puisqu’il était notre chef en disant : « Que ce calice s’éloigne de moi », car c’était là
l’expression de la volonté humaine, qui a des désirs qui lui sont propres ;
mais comme elle veut en même temps que la justice règne dans l’homme, et
qu’il ait toujours Dieu en vue, elle ajoute : « Cependant, non pas comme je veux, mais comme vous le voulez »,
c’est-à-dire : Ne considérez que vous en moi, car la volonté humaine peut
avoir des désirs personnels qui soient contraires à la volonté de Dieu, et
que Dieu pardonne à la fragilité humaine. — Saint Léon le Grand : (Serm. 7 sur
la Pass.) Cette parole de notre chef est le salut de tout le corps ; cette
voix a instruit tous les fidèles, enflammé tous les confesseurs, et a couronné
tous les martyrs, car qui pourrait braver les haines de ce monde, les orages
des tentations, les terreurs des persécutions, si Jésus-Christ ne disait en
tous et pour tous à son Père : « Que
votre volonté soit faite ». Que tous les enfants de l’Église apprennent
donc à répéter cette parole, afin que, lorsque l’adversité vient fondre sur
eux comme une violente tempête, ils puissent triompher de la crainte qu’elle
inspire et se montrer animés du courage nécessaire pour la supporter. — Origène : Jésus
s’étant éloigné tant soit peu de ses disciples, ils ne purent veiller même
une heure en son absence ; prions donc que Jésus ne nous quitte pas, ne
fût-ce que pour un instant. Suite : « Il
vient ensuite vers ses disciples, et il les trouva endormis ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.)
Car la nuit était profonde, et d’ailleurs leurs yeux étaient appesantis par
la tristesse. — Saint Hilaire : Lorsqu’il revient
trouver ses disciples et qu’il les trouve endormis, c’est à Pierre qu’il
adresse [particulièrement] ses reproches : « Et il dit à Pierre : Quoi, vous n’avez pu veiller une heure
avec moi ? » ; il fait ce reproche à Pierre plutôt qu’aux deux
autres, parce que c’était celui de tous ses Apôtres qui s’était le plus vanté
de ne point se laisser scandaliser. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.)
Mais comme ils avaient fait tous la même promesse, il leur reproche justement
à tous leur faiblesse ; car après avoir pris la résolution de mourir tous
ensemble avec Jésus-Christ, ils n’eurent même pas la force de veiller avec
lui. — Origène : Les
ayant trouvés endormis, il les réveille pour les rendre attentifs à sa
parole, et il leur recommande la vigilance : « Veillez et priez, afin de ne point tomber dans la tentation »,
ainsi nous devons d’abord veiller, et ensuite prier. On pratique la vigilance
en faisant de bonnes oeuvres, et en se tenant soigneusement en garde contre
toute doctrine de ténèbres, c’est par là que celui qui veille assure le
succès de sa prière. — Saint Jérôme : Il est impossible
que l’âme humaine soit exempte de tentation ; aussi le Seigneur ne dit pas :
Veillez et priez pour ne pas être tentés, mais : « pour ne pas tomber dans la tentation », c’est-à-dire
pour n’en être pas victime. — Saint Hilaire : Il leur découvre
ensuite les raisons du précepte qu’il leur donne de prier pour ne point
tomber dans la tentation ; « car
l’esprit est prompt, et la chair est faible », paroles qui ne
s’appliquent point au Seigneur, puisqu’il s’adresse maintenant à ses
disciples. — Saint Jérôme : Il condamne ici la
conduite de ces esprits téméraires qui pensent pouvoir obtenir tout ce qu’ils
croient. Que la fragilité de notre chair nous inspire donc autant de crainte
que la ferveur de notre âme nous inspire de confiance. — Origène : Il
nous faut examiner ici si dans tous les hommes la chair est faible de même
que l’esprit est prompt ; ou bien si tous ont une chair faible, sans que tous
aient l’esprit prompt, à l’exception des saints ; quant aux infidèles, leur
esprit est faible en même temps que leur chair est sans force. Dans un autre
sens, on peut dire qu’il n’y a que ceux dont l’esprit est prompt qui aient
une chair faible ; car leur esprit s’empresse de mortifier les oeuvres de la
chair. (Rm 8.) C’est donc à eux que Jésus commande de veiller et de prier
pour ne point entrer en tentation ; car plus on est avancé dans la vie
spirituelle, et plus on doit être attentif à ne point exposer une si haute
vertu à une lourde chute. — Saint Rémi : Ou bien encore, le Seigneur
prouve par ces paroles qu’il a pris une chair véritable dans le sein de la
Vierge Marie, et qu’il a eu aussi une âme véritable, et c’est dans ce sens
qu’il dit que son esprit est prompt pour souffrir, mais que sa chair faible
appréhende les douleurs de sa passion. Suite : « Il s’en alla une seconde fois, et il pria en disant : ‘Mon
Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté se
fasse’ ». — Origène : Je
pense que ce calice de la passion devait passer loin de Jésus-Christ, mais
avec cette différence, que s’il le buvait, il passait loin de lui, et ensuite
loin de tout le genre humain ; au contraire, s’il ne le buvait pas, ce calice
passait loin de lui, mais ne passait pas loin des hommes. Or, il voulait que
ce calice s’éloignât de lui, et qu’il ne fût point obligé d’en goûter l’amertume,
si toutefois la justice de Dieu pouvait y consentir ; mais si cela n’était
pas possible, il aimait mieux prendre ce calice, et le voir ainsi passer loin
de lui et de tout le genre humain, que d’en détourner les lèvres
contrairement à la volonté de son Père. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.)
En priant une deuxième et une troisième fois, sous l’impression de
l’infirmité humaine qui lui faisait craindre la mort, il atteste qu’il
s’était réellement fait homme. Car lorsqu’un acte se répète une deuxième et
une troisième fois, c’est dans le langage des Écritures la plus haute
démonstration de la vérité, voilà pourquoi Joseph dit à Pharaon : « Quant au songe que vous avez eu en
second lieu, et qui a le même sens, c’est un signe certain qu’il aura son
effet » (Gn, 41). — Saint Jérôme : Ou bien, il prie une
seconde fois, pour témoigner à Dieu que si Ninive, c’est-à-dire la Gentilité,
ne peut être sauvée qu’à la condition que l’arbrisseau, c'est-à-dire la
Judée, se dessèche (Jon 3), il consent que la volonté de son Père soit faite,
volonté qui n’est pas contraire à celle du Fils, selon ces paroles du
Roi-prophète : « Je suis venu pour faire votre volonté, c’est
aussi, mon Dieu, ce que j’ai voulu » (Ps 33). — Saint Hilaire : Ou bien encore, en
faveur de ses disciples qui devaient passer par les souffrances, il a pris
sur lui toutes les faiblesses de notre corps, il a cloué à la croix, avec
lui-même, toutes nos infirmités ; et c’est pourquoi ce calice ne peut
s’éloigner de lui sans qu’il le boive, parce que nous ne pouvons souffrir
qu’en vertu de sa passion. — Saint Jérôme : Or, Jésus-Christ est
le seul qui prie pour tous les hommes, de même qu’il est le seul qui souffre
pour tous sans exception. « Et il
vint de nouveau, et il les trouva endormis ; car leurs yeux étaient
appesantis ». Les Apôtres étaient comme atteints de langueur, et
leurs yeux étaient accablés par les approches de leur reniement. — Origène : Je
pense que c’était moins les yeux de leur corps que ceux de leur âme qui
étaient appesantis ; car ils n’avaient pas encore reçu l’Esprit saint, aussi
le Seigneur ne leur fait-il point de nouveaux reproches, mais il retourne
prier une troisième fois, pour nous enseigner à ne point nous décourager,
mais à persévérer dans la prière jusqu’à ce que nous ayons obtenu ce que nous
avons commencé à demander. « Et
les ayant quittés, il s’en alla de nouveau, et il pria une troisième fois
disant les mêmes paroles ». — Saint Jérôme : Il pria une
troisième fois, comme pour se conformer à ce précepte [des livres saints] : « Que tout soit assuré par la
déposition de deux ou trois témoins » (Dt 19, 15 ; Mt 18, 16, et 2
Co 13, 1). — Raban : Ou bien, le Seigneur prie à trois reprises différentes,
pour nous apprendre à demander à Dieu le pardon de nos péchés passés, la
délivrance de nos maux présents, et la protection divine contre les dangers à
venir. Il nous enseigne encore à adresser toutes nos prières au Père, au Fils
et au Saint-Esprit, et à leur demander de conserver sans tache notre esprit,
notre âme et notre corps. (1 Th 5) — Saint Augustin : (Quest évang., 2,
44.) Il n’est pas non plus absurde d’ admettre que le Seigneur a prié par
trois fois en vue de la triple tentation de sa passion ; car de même qu’il y
a trois tentations de la concupiscence, la crainte nous tente ainsi de trois
manières différentes. Ainsi à la concupiscence de la curiosité, correspond la
crainte de la mort ; car de même que la première est un désir ardent de
connaître toutes choses, de même la seconde est la crainte de perdre cette
connaissance. A la concupiscence du désir de l’honneur et de la louange,
correspond la crainte de l’ignominie et des outrages, et à la. concupiscence
du plaisir, la crainte de la douleur. — Saint Rémi : Ou bien, il prie par trois fois pour les Apôtres, et surtout pour Pierre qui devait le renier trois fois. |
Lectio 12 [85597] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 12 Hilarius in Matth. Post
orationem frequentem, post discursus recursusque multiplices, metum demit,
securitatem reddit, in requiem adhortatur; unde dicitur tunc venit ad discipulos
suos, et ait illis: dormite iam et requiescite. Chrysostomus in Matth. Et quidem tunc vigilare
oportebat; sed hoc dixit, ut ostenderet quoniam neque visum possent ferre
futurorum malorum, et quoniam eorum non indiget auxilio: et quoniam omnino
tradi eum oportebat. Hilarius in Matth. Vel hoc dicit, quia
voluntatem patris de discipulis iam securus expectabat, de qua dixerat: fiat
voluntas tua; qua scilicet transiturum in nos calicem bibens, infirmitatem
corporis nostri, et timoris sollicitudinem, et ipsum dolorem mortis absorbuit.
Origenes in Matth. Vel non est ille ipse
somnus quem iubet nunc discipulos suos dormire, et ille qui eis superius
scribitur contigisse. Illic enim dormientes invenit, non requiescentes, sed
gravatos oculos habentes: nunc autem praecepit eis non simpliciter dormire,
sed cum requie; ut ordo servetur, ut primum quidem vigilemus orantes, ut non
intremus in tentationem; ut postea dormiamus et requiescamus; ut cum aliquis
invenerit locum domino, tabernaculum Deo Iacob, ascendat supra lectum stratus
sui, et det somnum oculis suis. Forsitan autem et anima non potens semper
sufferre labores, quasi incarnata, remissiones aliquas sine reprehensione
consequetur: quae moraliter dormitiones dicuntur, ut usque ad aliquantum
temporis habens remissionem renovata resuscitetur. Hilarius in Matth. Quod autem ad eos
revertens, dormientesque reperiens, primum reversus obiurgat, secundo silet,
tertio quiescere iubet: ratio ista est, quod primum post resurrectionem
dispersos eos et diffidentes ac trepidos reprehendit; secundo, misso spiritu
Paraclito, gravatis ad contuendam Evangelii libertatem oculis, visitavit: nam
aliquamdiu legis amore detenti, quodam fidei somno occupati sunt; tertio
vero, idest claritatis suae reditu, securitati eos quietique restituet. Origenes in Matth. Postquam autem resuscitavit
eos a somno, videns in spiritu appropinquantem Iudam traditioni, qui nondum
videbatur a discipulis eius, dicit ecce appropinquavit hora, et filius
hominis tradetur in manus peccatorum. Chrysostomus in Matth. Per hoc autem quod
dicit appropinquavit hora, ostendit quoniam divinae dispositionis erat quod
gerebatur: per hoc autem quod dicit in manus peccatorum, demonstrat quoniam
illorum nequitiae hoc opus erat, non quod ipse delicto esset obnoxius. Origenes in Matth. Sed et nunc in manus
peccatorum traditur Iesus; quando hi qui videntur Iesum credere, habent eum
in manibus suis, cum sint peccatores. Sed et quotiescumque iustus habens in
se Iesum, in potestate factus fuerit peccatorum, Iesus est traditus in manus
peccatorum. Hieronymus. Postquam ergo tertio oraverat, et
apostolorum timorem sequente poenitentia impetraverat corrigendum, securus de
passione sua pergit ad persecutores, et ultro se ad interficiendum praebet;
unde sequitur surgite, eamus, quasi dicat: non vos inveniant quasi timentes:
ultro pergamus ad mortem, ut confidentiam et gaudium passuri videant;
sequitur enim ecce appropinquavit qui me tradet. Origenes in Matth. Non dicit: appropinquavit
mihi: nec enim ipsi appropinquabat traditor eius, qui se elongaverat peccatis
suis ab eo. Augustinus de Cons. Evang. Videtur autem hic
sermo secundum Matthaeum sibi ipsi esse contrarius. Quomodo enim dixit
dormite iam et requiescite, cum connectat surgite, eamus? Qua velut repugnantia
quidam commoti conantur ita pronuntiare quod dictum est dormite iam, et
requiescite, tamquam ab exprobrante, non a permittente sit dictum; quod recte
fieret, si esset necesse. Cum vero Marcus ita commemoravit, ut cum dixisset:
dormite iam et requiescite, adiungeret: sufficit, et deinde inferret: venit
hora; ecce tradetur filius hominis, utique intelligitur post illud quod eis
dictum est dormite et requiescite, siluisse dominum aliquantum, ut hoc fieret
quod promiserat: et nunc intulisse ecce appropinquavit hora. Propter quod
secundum Marcum positum est: sufficit, idest quod iam requiescitis. |
Versets
45-46.
— Saint Hilaire : (can. 31.) Après
ces prières multipliées, après ces démarches répétées, il bannit la crainte
de l’âme de ses disciples, il leur rend la sécurité, et les invite à prendre
du repos : « Alors il revint trouver ses disciples, et il leur
dit : ‘Désormais, dormez et reposez-vous’ ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.)
Au contraire, c’est alors qu’il fallait veiller ; mais il leur parle de la
sorte pour leur faire comprendre qu’ils ne pourraient supporter la vue des
maux qui allaient fondre sur lui, et que d’ailleurs, il n’avait pas besoin de
leur secours, puisqu’il fallait nécessairement qu’il fût livré [à ses ennemis]. — Saint Hilaire : Ou bien, il
s’exprime ainsi, parce qu’il attendait désormais avec confiance l’effet de la
volonté de son Père sur ses disciples, d’après la prière qu’il lui avait
faite : « Que votre volonté soit
faite », assuré qu’il était qu’en buvant le premier le calice qui
devait passer jusqu’à nous, il absorbait pour ainsi dire, [en sa personne],
les infirmités de notre corps, les sollicitudes de la crainte, et la douleur
elle-même de la mort. — Origène : Ou
bien, ce sommeil auquel il commande maintenant à ses disciples de se laisser
aller, n’est pas le même auquel ils ont succombé précédemment ; en effet,
lorsque Jésus vint les trouver alors, ils dormaient, il est vrai, et avaient
leurs yeux appesantis, mais ils ne se reposaient pas ; maintenant, au
contraire, il leur commande, non plus simplement de dormir, mais de dormir
d’un sommeil qui les repose, pour que l’ordre naturel des choses soit
observé. C’est ainsi que nous devons d’abord veiller et prier pour ne point
tomber dans la tentation, afin de pouvoir ensuite nous livrer au sommeil et
au repos. Ainsi tout homme qui a trouvé une demeure au Seigneur, un
tabernacle au Dieu de Jacob peut monter sur le lit de son repos, et accorder
le sommeil à ses yeux. (Ps 131) Peut-être aussi l’âme qui ne peut toujours
supporter les fatigues, accablée qu’elle est sous le poids du travail,
obtiendra quelques moments de relâche que l’on compare au sommeil, et qu’elle
pourra goûter sans crainte de reproche, afin de pouvoir se lever toute
renouvelée après ces quelques instants de repos. — Saint Hilaire : Lorsque
Notre-Seigneur revient vers ses disciples, et qu’il les trouve endormis, la
première fois, il leur en fait un reproche ; la seconde fois, il se tait ; la
troisième fois, il leur ordonne de se reposer. Voici la raison de cette
conduite : premièrement, après sa résurrection, il les trouva dispersés,
pleins de défiance et de crainte ; secondement, lorsqu’il les visita en leur
envoyant l’Esprit saint, leurs yeux étaient appesantis et ne pouvaient
contempler l’esprit de liberté de l’Évangile ; car l’amour de la loi, qui les
retenait encore tant soit peu, les laissait comme plongés dans le sommeil par
rapport à la foi ; troisièmement enfin, lorsqu’il reviendra dans l’éclat de
sa majesté, il leur rendra la sécurité et le repos. — Origène : Après
les avoir tirés de leur sommeil, Jésus, voyant en esprit Judas qui
s’approchait pour le trahir, sans que ses disciples pussent encore
l’apercevoir, leur dit : « Voici l’heure qui approche, où le Fils de
l’homme va être livré aux mains des pécheurs ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.)
Ces paroles : « L’heure approche »
prouvent que tout ce qui se passait arrivait par suite d’une disposition
toute divine, et ces autres : « [Le
Fils de l’homme va être livré] entre les mains des pécheurs », que
sa passion était l’œuvre de leur méchanceté, et qu’il n’était coupable
d’aucun crime qui pût en être la cause. — Origène : Maintenant
encore, Jésus est livré entre les mains des pécheurs, lorsque ceux qui
paraissent croire en lui l’ont entre les mains, tout pécheurs qu’ils sont. De
même, toutes les fois qu’un juste qui possède Jésus en soi, devient esclave
du péché, Jésus est encore livré entre les mains des pécheurs. — Saint Jérôme : Après avoir prié
pour la troisième fois, et obtenu pour ses Apôtres que leur repentir prochain
pût expier leurs craintes, sans inquiétude de sa passion, il se dirige vers
ses persécuteurs, et se présente de lui-même à la mort : « Levez-vous, allons », c’est-à-dire, afin qu’ils ne
vous trouvent pas en proie à la crainte, marchons de nous-mêmes à la mort, et
qu’ils soient témoins de l’assurance et de la joie de celui qu’ils vont faire
souffrir. « Voici qu’approche
celui qui me doit livrer ». — Origène : Il ne dit pas : Il s’approche de moi ; car le
traître disciple ne s’approchait pas de Jésus, lui qui s’en était éloigné par
ses péchés. — Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 3, 4.) Ce récit de saint Matthieu paraît contradictoire ; car comment a-t-il pu dire : « Dormez maintenant et reposez-vous », et ajouter presque immédiatement : « Levez-vous, allons ? » Cette contradiction apparente a porté quelques interprètes à s’émouvoir et à tenter d’expliquer que ces paroles du Seigneur : « Dormez maintenant et reposez-vous », sont un reproche qu’il leur fait, plutôt qu’une permission qu’il leur donne, explication qu’on pourrait très bien admettre, si elle était nécessaire ; mais comme dans le récit de saint Marc, après que Jésus a dit : « Dormez maintenant et reposez-vous », il ajoute : « C’est assez », et puis ensuite : « L’heure est venue, le Fils de l’homme va être livré », nous devons comprendre qu’après avoir dit : « Dormez maintenant et reposez-vous », le Seigneur a gardé quelque temps le silence, pour laisser s’accomplir ce qu’il avait promis, et qu’ensuite il ajoute : « Voici que l’heure approche ». D’après saint Marc, le Seigneur leur dit : « C’est assez », c’est-à-dire vous vous êtes reposés suffisamment. |
Lectio 13 [85598] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 13 Glossa. Quia superius dictum est
quod dominus ultro se persecutoribus exhibebat, consequenter Evangelista
ostendit quomodo sit a persecutoribus detentus; unde dicit adhuc eo loquente,
ecce Iudas unus de duodecim venit. Remigius. Unus, videlicet numero, non merito.
Hoc autem dixit ad ostendendum immane facinus illius qui de apostolica
dignitate factus fuerat proditor. Sequitur et cum eo turba multa cum gladiis
et fustibus. Ut autem ostenderet Evangelista invidentiae causa illum
deprehensum, subiungit missi a principibus sacerdotum et senioribus populi.
Origenes. Potest dicere aliquis, quoniam
propter multitudinem eorum qui iam crediderant, multi venerunt adversus eum,
timentes ne multitudo credentium de manibus eorum tollerent eum; ego autem
aestimo etiam alteram causam, quoniam qui putabant in Beelzebub eicere solere
Daemonia, arbitrabantur eum ex quibusdam maleficiis posse effugere de medio
volentium eum tenere. Multi etiam nunc spiritualibus gladiis militant contra
Iesum, variis scilicet et diversis de Deo dogmatibus. Sequitur qui autem
tradidit eum, dedit eis signum, dicens: quemcumque osculatus fuero, ipse est,
tenete eum. Dignum est autem quaerere, cum secundum faciem notus esset
omnibus habitantibus in Iudaea, quare quasi non cognoscentibus effigiem eius
dedit eis signum. Venit autem traditio talis de eo ad nos: quoniam non solum
duae formae in eo fuerunt: una secundum quam eum omnes videbant, altera
secundum quam transfiguratus est coram discipulis in monte; sed etiam
unicuique apparebat secundum quod fuerat dignus: sicut et de manna scriptum
est, quod habebat saporem ad omnem usum convenientem, et verbum Dei non
similiter cunctis apparet. Propter huiusmodi ergo
transfigurationem eius, signo indigebant. Chrysostomus in Matth. Vel
ideo signum eis dedit, quia multoties detentus ab ipsis, pertransiit
nescientibus eis, quod et tunc factum esset, si ipse voluisset. Sequitur et
confestim accedens ad Iesum, dixit: ave, Rabbi; et osculatus est eum. Rabanus. Suscipit dominus osculum traditoris,
non quod simulare nos doceat, sed ne proditionem fugere videatur. Origenes in Matth. Si autem aliquis quaerat
cur osculo Iudas tradidit Iesum, secundum quosdam quidem voluit reverentiam
ad magistrum servare, non audens manifeste in eum irruere; secundum alios hoc
fecit, timens ne si forte se manifestum adversarium praebuisset, ipse ei
fieret causa evasionis, cum posset secundum opinionem eius effugere, et
facere se impervium. Ego autem puto quod omnes proditores veritatis amare
veritatem fingentes, osculi signo utuntur. Omnes etiam haeretici, sicut et
Iudas, Iesu dicunt Rabbi. Iesus autem placabilia respondet; unde sequitur
dixitque illi Iesus: amice, ad quid venisti? Dicit autem amice, improperans
simulationem: hoc enim nomine neminem bonorum in Scripturis cognoscimus
appellatum: ad malum enim dicitur: amice, quomodo huc intrasti? Et: amice,
non facio tibi iniuriam. Augustinus in Serm. de passione. Dicit autem
ad quid venisti? Tamquam si diceret: oscularis et insidiaris: novi quare
veneris; amicum fingis, cum proditor sis. Remigius. Sive: amice, ad quid venisti? Hoc
fac, subintelligitur. Sequitur tunc accesserunt, et manus iniecerunt in
Iesum, et tenuerunt eum. Tunc, scilicet quando ipse permisit: frequenter enim
voluerunt, sed non potuerunt. Rabanus. Exulta, Christiane, in commercio
inimicorum tuorum vicisti: quod Iudas vendidit et quod Iudaeus emit, tu
acquisivisti. |
Versets
47-50.
— La Glose : L’Évangéliste
vient de nous dire que le Seigneur avait été lui-même au-devant de ses
persécuteurs ; il nous raconte maintenant comment ils se saisirent de sa
personne : « Il parlait encore,
lorsque Judas, un des douze, arriva ». — Saint Rémi : Un des douze,
c’est-à-dire qu’il était numériquement un des douze, mais qu’il ne méritait
pas d’en faire partie, circonstance que l’auteur sacré relève pour faire
ressortir l’énormité du crime de Judas qui, revêtu de la dignité d’apôtre,
était devenu un traître : « et
avec lui une grande troupe de gens armés d’épées et de bâtons ».
Pour nous montrer que c’était l’envie qui avait poussé à se saisir de Jésus,
l’Évangéliste ajoute : « qui
avaient été envoyés par les princes des prêtres, et par les anciens du peuple ». — Origène : On
pourrait dire qu’ils avaient envoyé cette grande troupe pour se saisir de
lui, à cause du grand nombre de ceux qui croyaient en lui, et dans la crainte
que cette multitude de fidèles ne vînt à le délivrer de leurs mains. Mais
pour moi, je pense que ce fut pour un autre motif, et parce qu’étant
persuadés qu’il chassait les démons par Béelzébub, ils s’imaginaient qu’il
pourrait, à l’aide de quelques maléfices, s’échapper des mains de ceux qui
venaient s’emparer de lui. Il en est encore beaucoup qui combattent contre
Jésus, armés de glaives spirituels, c’est-à-dire répandant sur Dieu des
erreurs nombreuses et variées. Suite : « Or, celui qui le trahit leur avait donné ce signe : ‘Celui que
je baiserai, c’est lui, arrêtez-le’ ». Il vaut la peine de
rechercher pourquoi Judas donna un signe comme pour quelqu’un qu’ils ne
connaissaient pas, alors que sa figure était connue de tous les habitants de
la Judée. Or, d’après une tradition qui est parvenue jusqu’à nous, non
seulement Jésus se manifestait sous deux formes extérieures, l’une sous
laquelle tout le monde le voyait ; l’autre, sous laquelle il apparut lors de
sa transfiguration sur la montagne en présence de ses disciples. Mais de
plus, il se manifestait à chacun selon qu’il en était digne, et de même qu’il
est écrit de la manne qu’elle avait pour chacun le goût qui lui convenait,
ainsi le Verbe de Dieu ne se manifeste pas à tous de la même manière. Ce sont
ces diverses transfigurations qui rendaient nécessaire un signe pour le faire
reconnaître. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.)
Ou bien, il leur donna un signe, parce que souvent il s’était échappé de
leurs mains, sans qu’ils s’en aperçussent, et c’est ce qu’il eût encore fait,
s’il l’eût voulu. Suite : « Et
aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : Salut, Maître. Et il le baisa ». — Raban : Le Seigneur reçoit le baiser du traître, non pour nous
apprendre à user de dissimulation, mais parce qu’il ne voulait point paraître
se dérober à la trahison. — Origène : Si
l’on demande pourquoi Judas a trahi Jésus par un baiser, nous répondons que
selon quelques-uns ce fut pour conserver les marques extérieures de respect à
l’égard de son maître, sur lequel il n’osait se jeter publiquement ; selon
d’autres, c’est parce qu’il craignit qu’en se déclarant ouvertement son
ennemi, il ne fût cause qu’il ne lui échappât, puisque dans sa pensée le Seigneur
pouvait se dérober au danger qui le menaçait et se rendre invisible. Pour moi,
je pense que tous ceux qui trahissent la vérité, la trahissent par un baiser
et en affectant un amour hypocrite pour elle. Tous les hérétiques disent
aussi à Jésus, comme Judas : « [Je
vous salue], Maître ». Or, Jésus lui fait une réponse pleine de douceur
: « Et Jésus lui répondit : Mon
ami, dans quel dessein êtes-vous venu ? » Il l’appelle « mon ami », pour lui
reprocher son hypocrisie, car nous ne voyons dans l’Écriture aucun juste
appelé de ce nom (Ct 5 ; 2 Paralip., 20 ; Jdt 8 ; Is 41), tandis que ce terme
est employé pour un méchant : « Mon
ami, comment êtes-vous entré ici ? » (Mt 22) ; et ailleurs, [à l’un
des ouvriers qui murmuraient] : « Mon
ami, je ne vous fais pas de tort ». (Mt 20) — Saint Augustin : (Serm. pour le
Dim. de la Pas.) Jésus lui dit : « Dans
quel dessein êtes-vous venu ici ? » C’est-à-dire, vous me donnez un
baiser et vous me trahissez. Je sais pourquoi vous êtes venu, vous feignez
d’être mon ami, alors que vous n’êtes qu’un traître. — Saint Rémi : Ou bien, en lui disant
: « Ami, qu’êtes-vous venu faire
ici ? », il sous-entend : Faites ce pourquoi vous êtes venu. « Alors ils s’avancèrent, se jetèrent
sur Jésus et se saisirent de lui ». Alors, c’est-à-dire quand il le
leur permit, car bien souvent ils en eurent le désir sans pouvoir l’exécuter. — Raban : Tressaille de joie, ô chrétien, tu as gagné au trafic de tes ennemis, et tu as acquis ce que Judas a vendu et ce que le Juif a acheté. |
Lectio 14 [85599] Catena in Mt.,
cap. Hieronymus. In alio Evangelio scriptum est,
quod Petrus hoc fecerit eodem ardore quo et cetera fecit; unde sequitur et
percutiens servum principis sacerdotum, amputavit auriculam eius. Servus
principis sacerdotum Malchus appellatur; auricula quoque quae amputatur,
dextera est. Transitorie dicendum est, quod Malchus, idest rex quondam populi
Iudaeorum, servus factus est impietatis, et devorationis sacerdotum;
dexteramque perdidit auriculam, ut litterae veritatem audiat in sinistra.
Origenes in Matth. Nam si videntur legem
audire modo, cum sinistro auditu audiunt umbram traditionis de lege, non
veritatem. Populus autem ex gentibus significatus per Petrum, per hoc ipsum
quod crediderunt in Christum, facti sunt causa ut praecideretur Iudaeorum
auditio dextera. Rabanus. Vel Petrus non tollit audientibus
intelligendi sensum, sed de divino ablatum iudicio negligentibus pandit:
verum eadem dextera auris in his qui ex eodem populo crediderunt, divina
pietate pristino restituta est officio. Hilarius in Matth. Vel aliter. Servo principis
sacerdotum auricula ab apostolo resecatur; populo scilicet sacerdotio
servienti, per Christi discipulum inobediens auditus exciditur; et ad
capacitatem veritatis hoc quod erat non audiens, amputatur. Leo Papa in Serm. 1 de passione. Dominus autem
zelantis apostoli pium motum progredi ultra non patitur; unde sequitur tunc
ait illi Iesus: converte gladium tuum in locum suum. Contra sacramentum enim
erat redemptionis nostrae, ut qui mori pro omnibus venerat, capi nollet. Dat
ergo in se furentibus licentiam saeviendi, ne dilato gloriosae crucis
triumpho, et dominatio diabolica fieret longior, et captivitas humana
diuturnior. Rabanus. Oportuit etiam ut auctor gratiae
fideles patientiam suo exemplo doceret, et potius ad sustinendum fortiter
adversa instrueret quam ad vindicandum provocaret. Chrysostomus in Matth. Ad hoc autem ut
discipulo persuaderetur, comminationem addit, dicens omnes enim qui
acceperint gladium, gladio peribunt. Augustinus contra Faustum. Idest, omnis qui
usus fuerit gladio. Ille autem utitur gladio, qui nulla superioritate aut
legitima potestate vel iubente vel concedente, in sanguinem alicuius armatur.
Nam utique dominus iusserat ut ferrum discipuli eius ferrent; sed non iusserat
ut ferirent. Quid ergo indignum si Petrus post hoc peccatum factus est pastor
Ecclesiae, sicut Moyses post percussum Aegyptium factus est rector et
princeps synagogae? Uterque enim non detestabili immanitate, sed emendabili
animositate regulam excessit; uterque odio improbitatis alienae; sed ille
fraterno, iste dominico, licet adhuc carnali, tamen amore peccavit. Hilarius. Sed non omnibus gladio utentibus
mors solet esse per gladium; nam plures aut febris aut alius accidens casus
absumit, qui gladio, aut iudicii officio, aut resistendi latronibus
necessitate sunt usi. Et si secundum sententiam
eius, omnis gladio utens, gladio perimeretur, recte ad necem eorum gladius
eximebatur, qui eodem utebantur ad facinus. Hieronymus. Quo ergo gladio peribit quicumque
gladium sumpserit? Illo nempe qui igneus vertitur ante Paradisum, et gladio
spiritus, qui in Dei describitur armatura. Hilarius in Matth. Recondi ergo gladium
praecipit dominus: quia eos non humano, sed oris sui gladio esset perempturus.
Remigius. Vel aliter. Qui gladio utitur ad occidendum hominem, ipse suae prius malitiae
moritur gladio. Chrysostomus in Matth. Non solum autem
mitigavit discipulos per comminationem poenae, sed etiam ostendendo quod
voluntarie hoc sustinebat; unde sequitur an putas quia non possum rogare
patrem meum; et exhibebit mihi modo plus quam duodecim legiones Angelorum? Quia
multa humanae infirmitatis ostenderat, non videretur credibilia dicere, si
dixisset quod eos perdere posset; et ideo dicit an putas quia non possum? et
cetera. Hieronymus. Quasi diceret: non indigeo
duodecim apostolorum auxilio, etiam si omnes me defenderent, qui possum
habere duodecim legiones angelici exercitus. Una legio apud veteres sex
millibus hominum complebatur: de duodecim ergo legionibus, septuaginta duo
millia Angelorum fiunt, in quot gentes hominum lingua divisa est. Origenes in Matth. Ex hoc autem demonstratur
quoniam secundum similitudinem legionum militiae mundialis sunt et Angelorum
legiones militiae caelestis militantium contra legiones Daemonum: militia
enim omnis propter adversarios intelligitur constituta. Non autem quasi
indigens auxilio Angelorum hoc dicebat, sed secundum aestimationem Petri
volentis ei auxilium ferre. Magis enim Angeli opus habent auxilio unigeniti
filii Dei quam ipse illorum. Remigius. Possumus etiam intelligere per
Angelos Romanorum exercitum: cum Tito enim et Vespasiano omnes linguae
adversus Iudaeam surrexerunt, et impletum est: quia pugnabit pro eo orbis
terrarum contra insensatos. Chrysostomus in Matth. Non solum autem
per hoc timorem discipulorum evacuat, sed etiam per hoc quod Scripturas in
medium introducit, dicens quomodo ergo implebuntur Scripturae quia sic
oportet fieri? Hieronymus. Haec sententia promptum ad patiendum demonstrat animum:
quod frustra prophetae cecinerint, nisi dominus eos vera dixisse sua passione
asseveret. |
Versets
51-53.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Saint Luc nous rapporte que le Seigneur avait dit pendant la Cène à ses
disciples : Que celui qui a un sac le prenne, de même que sa bourse, et que
celui qui n’en a pas vende sa tunique et achète un glaive : « Et les disciples répondirent : Il y
a deux glaives ici ». (Lc 22) On comprend qu’ils aient eu des
glaives avec eux, puisqu’ils venaient de manger l’Agneau pascal. D’ailleurs,
comme ils savaient que les ennemis de Jésus-Christ s’approchaient pour se
saisir de lui, ils prirent, au sortir du cénacle, des glaives pour défendre
leur Maître contre ses persécuteurs ou comme s’ils allaient combattre pour
lui. « Alors, un de ceux qui
étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira ». — Saint Jérôme : On lit dans un autre
évangéliste que ce fut Pierre, et qu’il agit avec la même ardeur qu’il fait
paraître en toute circonstance. « Et,
frappant un des serviteurs du grand-prêtre, il lui coupa une oreille ».
Ce serviteur du grand-prêtre s’appelait Malchus, et l’oreille qui lui fut
coupée était la droite. Or, nous dirons en passant que ce Malchus
(c’est-à-dire qui était autrefois roi des Juifs), est devenu esclave de
l’impiété et de la cupidité des prêtres, et a perdu l’oreille droite pour ne
plus entendre que de l’oreille gauche la pauvreté du sens littéral de la loi. — Origène : Car,
bien que les Juifs paraissent encore entendre aujourd’hui la loi, ce n’est
pas la vérité, mais l’ombre de la tradition de la loi qu’ils entendent de
l’oreille gauche. Au contraire, le peuple qui a embrassé la foi parmi les
Gentils est ici représenté par Pierre, et par le fait même qu’ils ont cru en
Jésus-Christ, ils ont été cause que les Juifs ont cessé d’entendre de
l’oreille droite. — Raban : Ou bien on peut dire que
Pierre n’enlève pas à ceux qui écoutent, le sens de la perception de la
vérité, mais qu’il ne fait que manifester le juste jugement de Dieu qui ôte
ce sens à ceux qui négligent de s’en servir, tandis que l’usage de cette même
oreille droite est rendu par un effet de la miséricorde divine à tous ceux
qui, parmi le peuple juif, ont embrassé la foi. — Saint Hilaire : (can. 32.) Ou bien,
dans un autre sens, l’oreille coupée par Pierre au valet du grand-prêtre
figure le sens indocile de l’ouïe, qui est retranché par le disciple de
Jésus-Christ au peuple esclave du sacerdoce judaïque et qui devient incapable
de recevoir la vérité qu’il a refusé d’entendre. — Saint Léon le Grand : (Serm. 1 sur
la Pas.) Le Seigneur ne souffre pas que le pieux élan de son zélé disciple
aille plus loin : « Alors Jésus
lui dit : Remets ton glaive à sa place ». En effet, il eut été
contraire au mystère de notre rédemption que celui qui venait mourir pour
tous les hommes ne consentît pas à se laisser prendre par ses ennemis. Il
donna donc à ces furieux le pouvoir d’assouvir leur rage contre lui, pour ne
point prolonger, par le retard du glorieux triomphe de la croix, l’empire du
démon et la captivité du genre humain. — Raban : Il fallait aussi que l’auteur de la grâce enseignât par
son exemple la patience aux fidèles, et qu’il leur apprît à supporter
courageusement la persécution, plutôt que de les exciter à la vengeance. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 83.)
Il use même de menaces pour persuader plus facilement son disciple : « Car tous ceux qui prendront le
glaive périront par le glaive ». — Saint Augustin : (contre Fauste, 22, 76.) C’est-à-dire,
quiconque se sera servi du glaive. Celui qui prend le glaive est celui qui le
fait servir à répandre le sang sans l’ordre, le consentement ou la permission
de l’autorité supérieure et légitime ; car le Seigneur avait bien ordonné à
ses disciples de porter un glaive, mais non pas de s’en servir pour frapper. En
quoi donc est-ce une indignité qu’après cette faute, Pierre soit devenu le
chef de l’Église, de même que Moïse devint le chef et le prince de la
synagogue après avoir tué un Egyptien ? (Ex 2.) L’un et l’autre
outrepassèrent la règle, non par une cruauté détestable, mais par un
sentiment de colère bien digne de pardon ; l’un et l’autre agirent sous
l’impression de la haine contre l’injustice commise sous leurs yeux, bien que
l’un ait péché par un excès d’amour fraternel, et le second par une affection
vive, quoique charnelle encore, pour son Maître. — Saint Hilaire : Mais la mort par le
glaive n’est point le châtiment de tous ceux qui se servent du glaive, car la
fièvre ou d’autres accidents en emportent beaucoup de ceux qui ont fait usage
du glaive, ou en remplissant les fonctions de juge, ou en résistant
nécessairement aux voleurs. Si cependant, d’après la sentence du Seigneur,
tout homme qui se sert du glaive doit périr par le glaive, c’est avec justice
qu’on faisait mourir par le glaive ceux qui s’en servaient pour commettre
quelque crime. — Saint Jérôme : Or, quel est le
glaive qui fera périr celui qui se sera servi du glaive ? le glaive de feu
qui flamboie à la porte du paradis (Gn 3), et le glaive de l’esprit qui se
trouve décrit dans l’armure de Dieu (Ep 6). — Saint Hilaire : Le Seigneur ordonne
que le glaive soit remis dans le fourreau, parce qu’il devait faire périr ses
ennemis, non sous les coups d’un glaive matériel, mais par le glaive de sa
bouche. — Saint Rémi : Ou bien enfin, dans un
autre sens, celui qui se sert du glaive pour tuer son semblable, périt tout
le premier, victime du glaive de sa malice. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Non seulement le Seigneur modère le zèle de ses disciples par cette menace,
mais encore en leur montrant que c’était volontairement qu’il souffrait cette
épreuve : « Penses-tu que je ne
puisse prier mon Père, et qu’il ne m’enverra pas à l’heure même plus de douze
légions d’anges ? » Comme il avait donné de si nombreuses marques de
la faiblesse naturelle à l’homme, ils auraient eu peine à le croire s’il leur
avait dit qu’il pouvait lui-même se défaire de ses ennemis ; c’est pour cela
qu’il ajoute : « Penses-tu que je
ne puisse pas, etc... » — Saint Jérôme : C’est-à-dire : je
n’ai nul besoin d’être défendu par douze apôtres, quand ils devraient tous
s’armer pour ma cause, moi qui peux avoir douze légions d’anges [à mon
service]. Une légion, chez les anciens, était composée de six mille hommes ;
ces douze légions, par conséquent, formeraient un total de soixante-douze
mille anges, correspondant au nombre des nations qui se dispersèrent après la
division des langues. — Origène : Nous
voyons par là que de même qu’il existe des légions dans la milice de la
terre, il y a aussi, dans la milice du ciel, des légions d’anges pour
combattre les légions des démons (Mc 4, Lc 8), car toute milice est formée
dans le dessein de l’opposer aux attaques de l’ennemi. Toutefois, s’il
s’exprime de la sorte, ce n’est pas qu’il ait besoin du secours des anges,
mais c’est pour se conformer à la manière de voir de Pierre, qui voulait lui
porter secours, car les anges ont plus besoin du secours du Fils unique de
Dieu, qu’il n’a besoin lui-même de leur appui. — Saint Rémi : Nous pouvons entendre
aussi par ces légions d’anges l’armée des Romains ; car, avec Titus et
Vespasien, on vit les peuples de toute langue se déclarer contre la Judée, et
alors fut accomplie cette prédiction : « L’univers
combattra contre les insensés ». (Sg 5, 21). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Ce n’est pas seulement par cette considération qu’il dissipe la crainte de
ses Apôtres, mais encore en leur apportant le témoignage des Écritures : « Comment donc s’accompliraient les
Écritures, qui déclarent qu’il doit être fait ainsi ? » — Saint Jérôme : Ces paroles prouvent combien il tardait à son âme de souffrir ce que les prophètes auraient inutilement prédit s’il n’avait confirmé par sa passion la vérité de leurs prophéties. |
Lectio 15 [85600] Catena in Mt.,
cap. 26 l. 15 Origenes in Matth. Postquam dixit Petro:
reconde gladium tuum, quod est patientiae; postquam etiam auriculam restituit
amputatam, sicut alter dicit Evangelista, quod summae benignitatis indicium
fuerat, et divinae virtutis, subditur in illa hora dixit Iesus turbis: ut si
praeterita beneficia non recordantur, vel praesentia recognoscant: tamquam ad
latronem existis cum gladiis et fustibus comprehendere me. Remigius. Ac si diceret: latronis officium est
nocere et latitare; ego vero nemini nocui, sed plures sanavi, et in synagogis
semper docui; et hoc est quod subditur quotidie apud vos sedebam in templo
docens, et non me tenuistis. Hieronymus. Quasi diceret: stultum est eum cum
gladiis et fustibus quaerere qui ultro se vestris tradit manibus; et in nocte
quasi latitantem per proditorem investigare qui quotidie in templo doceat.
Chrysostomus in Matth. Ideo autem eum in
templo non tenuerunt, quia non ausi erant propter turbam: propter quod et
dominus foras exivit, ut ex loco et tempore daret eis aptitudinem se
capiendi. Ex hoc ergo docet quoniam nisi voluntarius permisisset, nequaquam
eum capere valuissent. Deinde Evangelista quaestionem solvit propter quid
dominus capi voluit, cum subdit hoc autem totum factum est ut adimplerentur
Scripturae prophetarum. Hieronymus. Foderunt manus meas et pedes meos,
et: sicut ovis ad victimam ductus est, et in alio loco: ab iniquitatibus
populi mei ductus est ad mortem. Remigius. Quia enim omnes prophetae
praedixerunt Christi passionem, ideo non posuit fixum testimonium, sed
generaliter dicit impleri vaticinia omnium prophetarum. Chrysostomus in Matth. Discipuli autem, qui
quando detentus est dominus permanserunt, quando locutus est haec ad turbas,
fugerunt; unde sequitur tunc discipuli omnes, relicto eo, fugerunt; sciebant
enim quoniam iam non erat possibile effugere, eo se voluntarie illis tradente.
Remigius. In hoc tamen facto demonstratur
fragilitas apostolorum: qui enim de ardore fidei promiserant se mori cum eo,
nunc timore fugiunt immemores suae promissionis. Quod etiam videmus impleri
in his qui pro amore Dei magna se promittunt facturos, et postmodum non
implent: non tamen desperare debent, sed cum apostolis resurgere et per
poenitentiam resipiscere. Rabanus. Mystice autem sicut Petrus, qui
culpam negationis poenitentiae lacrymis abluit, recuperationem eorum ostendit
qui in martyrio labuntur; ita ceteri discipuli fugientes cautelam fugiendi
docent eos qui se minus idoneos ad toleranda supplicia sentiunt. Sequitur at illi tenentes Iesum duxerunt ad Caipham principem
sacerdotum. Augustinus de Cons. Evang. Sed tamen primo ad
Annam ductus est socerum Caiphae, sicut Ioannes dicit: ductus est autem
ligatus, cum adessent in illa turba tribunus et cohors, ut Ioannes commemorat.
Hieronymus. Refert autem Iosephus istum
Caipham unius tantum anni pontificatum pretio redemisse; cum tamen Moyses Deo
iubente praeceperit ut pontifices patribus succederent, et generationis in
sacerdotibus series texeretur. Non ergo mirum est si iniquus pontifex iniqua
iudicet. Rabanus. Convenit etiam nomen actioni: Caipha,
idest investigator, vel sagax ad implendam suam nequitiam, vel vomens ore,
quia impudens fuit ad proferendum mendacium, et ad perpetrandum homicidium.
Ideo autem illuc eum adduxerunt ut cum consilio omnia facerent; unde sequitur
ubi Scribae et seniores convenerant. Origenes in Matth. Ubi Caiphas est princeps
sacerdotum, illic congregantur Scribae, idest litterati, qui praesunt
litterae occidenti; et seniores non in veritate, sed in vetustate litterae.
Sequitur Petrus autem sequebatur eum a longe: non enim poterat de proximo eum
sequi, sed de longinquo; nec tamen omnino recedens ab eo. Chrysostomus in Matth. Multus enim erat fervor
Petri, qui cum alios fugientes vidisset, non fugit, sed stetit, et intravit.
Si autem et Ioannes intravit, tamen notus erat principi sacerdotum. Longe
autem sequebatur, quia erat dominum negaturus. Remigius. Neque enim negare potuisset, si
domino proximus adhaesisset. Per hoc etiam significatur quod Petrus dominum
ad passionem euntem erat secuturus, idest imitaturus. Augustinus de quaest. Evang. Significatur
etiam Ecclesiam secuturam quidem, hoc est imitaturam, passionem domini, sed
longe differenter: Ecclesia enim pro se patitur, at ille pro Ecclesia. Sequitur
et ingressus intro sedebat cum ministris, ut videret finem. Hieronymus. Vel amore discipuli, vel humana
curiositate scire cupiebat quid iudicaret de domino pontifex: utrum eum neci
addiceret, an flagellis caesum dimitteret. |
Versets
55-58.
— Origène : Après
avoir dit à Pierre : « Remettez votre épée », et nous avoir ainsi
montré toute sa patience ; après avoir donné une preuve de sa souveraine
bonté et de sa puissance divine en guérissant l’oreille que Pierre avait
coupée, comme le rapporte un autre Évangéliste (Lc 22,) l’auteur sacré
continue son récit : « En
même temps Jésus dit à cette troupe ». Si elle avait perdu le
souvenir de ses anciens bienfaits, Jésus voulait lui faire au moins
reconnaître ceux dont elle venait d’être témoin : « Vous êtes venus ici armés d’épées et de bâtons pour me prendre
comme si j’étais un voleur ». — Saint Rémi : C’est-à-dire, c’est le
propre des voleurs de chercher à nuire et de se cacher ; mais pour moi, je
n’ai cherché à nuire à personne, au contraire, j’ai guéri un grand nombre [de
malades], et j’ai toujours enseigné dans les synagogues ; et c’est
pourquoi saint Matthieu ajoute : « J’étais
tous les jours assis parmi vous, enseignant dans le temple, et vous ne m’avez
pas pris ». — Saint Jérôme : Il semble leur dire
: C’est une absurdité de venir prendre avec des bâtons et des épées un homme
qui se livre lui-même entre vos mains, et de chercher de nuit, sous la
conduite d’un traître, celui qui enseignait tous les jours dans le temple,
comme s’il voulait se dérober à vos recherches. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Or, ils ne s’étaient point emparé de lui dans le temple, parce qu’ils
n’avaient pas osé le faire, dans la crainte de la foule, et c’est pour leur
offrir le lieu et l’occasion favorable pour se saisir de lui, que le Seigneur
sortit hors de la ville. Il nous apprend ainsi que s’il ne l’avait permis par
un acte libre de sa volonté, ils n’auraient jamais pu s’emparer de sa
personne. L’Évangéliste explique ensuite la raison pour laquelle le Seigneur
a consenti à être pris en ajoutant : « Tout
cela s’est fait afin que s’accomplissent les oracles des prophètes ».
— Saint Jérôme : « Ils ont percé
mes mains et mes pieds » (Ps 21). Et ailleurs : « Il a été conduit à la mort comme une brebis » (Is 53)
; et plus loin : « Il a été
conduit à la mort à cause des iniquités de mon peuple ». — Saint Rémi : Comme tous les
prophètes ont prédit la passion du Christ, le Seigneur ne cite pas un
témoignage particulier, mais il dit d’une manière générale que les oracles de
tous les prophètes doivent être accomplis. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Les disciples qui étaient restés au moment où l’on s’était saisi du Seigneur,
s’enfuirent lorsqu’ils eurent entendu ces paroles à la foule : « Alors
tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent ». Car ils savaient
bien qu’il n’était plus possible de le délivrer, puisqu’il se livrait
volontairement entre les mains de ses ennemis. — Saint Rémi : Cette conduite prouve,
toutefois, la fragilité des Apôtres. Ils avaient promis dans l’ardeur de leur
foi de mourir avec leur divin Maître, et ils fuyent maintenant pleins
d’effroi, oublieux de leur promesse. C’est ce que nous voyons encore se
renouveler dans ceux qui promettent d’exécuter de grandes choses pour l’amour
de Dieu, et qui n’en accomplissent aucune, cependant ils ne doivent pas
désespérer, mais se relever avec les Apôtres et se renouveler par le
repentir. — Raban : Dans le sens mystique, de même que Pierre qui a lavé la
tache de son reniement dans les larmes du repentir, figure le retour de ceux
qui succombent dans l’épreuve du martyre, ainsi les autres disciples qui
s’enfuient, enseignent à ceux qui ne se sentent pas assez forts pour
affronter les supplices, de chercher prudemment leur salut dans la fuite. Suite :
« Ces gens s’étant donc saisis de
Jésus, l’emmenèrent chez Caïphe, le grand prêtre ». — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 3, 5.) Cependant il fut conduit en premier lieu chez Anne, beau-père
de Caïphe, comme le raconte saint Jean. Il fut amené lié, car il y avait dans
cette foule un tribun à la tête d’une cohorte, au témoignage du même
Évangéliste. — Saint Jérôme : Josèphe rapporte que
Caïphe avait acheté à prix d’argent le pontificat pour cette année-là,
contrairement à ce que Moïse avait ordonné de la part de Dieu, que les
enfants des grands-prêtres succéderaient à leurs pères dans le pontificat,
par ordre de naissance. Qu’y a-t-il d’étonnant qu’un pontife inique ait rendu
des jugements d’iniquité ? — Raban : Il y a aussi un rapport entre le nom de Caïphe et sa conduite, Caïphe signifie « investigateur » ou « habile dans l’accomplissement de ses mauvais desseins », ou bien « qui vomit de sa bouche » ; car il fit éclater son impudence dans les mensonges qu’il proféra, et dans l’homicide qu’il ne craignit pas de commettre. Or, ils amenèrent Jésus chez lui, pour ne paraître agir en tout que par l’autorité du conseil ; « où les scribes, les pharisiens et les anciens étaient assemblés ». — Origène : [ré férence à vérifier] Là où se trouvent
Caïphe et les grands-prêtres, là se rassemblent aussi les scribes,
c’est-à-dire les secrétaires, dont le ministère est de copier et de garder la
lettre qui tombe, et les anciens qui ont vieilli, non dans la vérité, mais
dans la vétusté de la lettre. Suite : « Or, Pierre le suivait de loin ». Il ne pouvait le
suivre de près, mais de loin seulement, sans cependant s’éloigner tout à fait
de lui. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Le zèle de Pierre était bien ardent, puisque, après avoir été témoin de la
fuite des autres, il ne s’enfuit pas lui-même, mais qu’il tient ferme, et
entre [dans la cour du grand-prêtre]. Il est vrai que saint Jean y entre
aussi, mais il était connu du prince des prêtres. Or, Pierre ne le suivait
que de loin, parce qu’il devait bientôt le trahir. — Saint Rémi : Il n’aurait jamais pu
renier son Seigneur, s’il fût toujours resté près de lui. Cette circonstance
signifie que Pierre devait suivre, c'est-à-dire imiter le Seigneur jusque dans sa passion. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1, chap. dern.) Nous y voyons encore que l’Église doit suivre, c’est-à-dire imiter les souffrances du Seigneur, mais d’une manière bien différente ; car l’Église souffre pour elle-même, tandis que le Seigneur souffre pour l’Église. Suite : « Et étant entré dans l’intérieur, il s’assit avec les serviteurs pour voir la fin ». — Saint Jérôme : C’était par attachement pour son Maître, ou bien par une curiosité toute naturelle, qu’il désirait savoir le jugement que le grand-prêtre prononcerait contre lui, s’il le condamnerait à mort, ou s’il le renverrait après l’avoir flagellé. |
Lectio 16 [85601] Catena in Mt.,
cap. Origenes in Matth. Falsa enim testimonia tunc
locum habent quando cum colore aliquo proferuntur. Sed nec color inveniebatur
qui posset contra Iesum adiuvare mendacia; quamvis essent multi gratiam
tribuere volentes principibus sacerdotum: quod maximam laudem exhibet Iesu,
qui sic omnia irreprehensibiliter dixit et fecit ut nullam verisimilitudinem
invenirent in eo reprehensionis et mali et multi astuti. Sequitur novissime
autem venerunt duo falsi testes, et dixerunt: hic dixit: possum destruere
templum Dei, et post triduum reaedificare illud. Hieronymus. Quomodo autem falsi testes sunt,
si ea dicunt quae dominum dixisse legimus? Sed falsus testis est qui non
eodem sensu dicta intelligit quo dicuntur: dominus enim dixerat de templo
corporis sui; sed in ipsis verbis calumniantur, ut paucis additis vel mutatis
quasi iustam calumniam faciant. Salvator dixerat: solvite templum hoc; isti
commutant, et aiunt possum destruere templum Dei. Vos, inquit, solvite, non
ego: quia illicitum est ut nobisipsis inferamus manus. Deinde illi vertunt et
post triduum reaedificare illud, ut proprie de templo Iudaico dixisse
videretur; dominus autem, ut ostenderet animale et spirans templum, dixerat:
et ego in triduo resuscitabo illud. Aliud est aedificare, aliud suscitare.
Chrysostomus in Matth. Sed quare non attulerunt
in medium accusationem de solutione sabbati? Quia multoties eos super hoc
confutaverat. Hieronymus. Ira autem praeceps et impatiens
non inveniens calumniae locum, excutit de solio pontificem, ut vesaniam
mentis motu corporis demonstraret; unde sequitur et surgens princeps
sacerdotum ait illi: nihil respondes ad ea quae isti adversum te
testificantur? Chrysostomus in Matth. Hoc autem dixit,
volens ab eo inexcusabilem responsionem elicere, ut ex ipsa eum caperet.
Inutilis autem erat excusationis responsio, nullo eam exaudiente; et ideo
sequitur Iesus autem tacebat: etenim solum figura iudicii ibi erat: in
veritate autem latronum erat incursus, sicut in spelunca; et ideo silet. Origenes in Matth. Ex hoc autem loco discimus
contemnere calumniantium et falsorum testium voces, ut nec responsione dignos
eos habeamus qui non convenientia dicunt adversus nos, maxime ubi maius est
libere et fortiter silere quam defendere sine ullo profectu. Hieronymus. Sciebat enim quasi Deus, quicquid
dixisset, torquendum ad calumniam. Quanto ergo Iesus magis tacebat ad
indignos responsione sua falsos testes, et sacerdotes impios, tanto magis
pontifex furore superatus, eum ad respondendum provocat, ut ex qualibet
occasione sermonis, locum inveniat accusandi; unde sequitur et princeps
sacerdotum ait illi: adiuro te per Deum vivum, ut dicas nobis si tu es
Christus filius Dei. Origenes in Matth. In lege quidem adiurandi
usum aliquoties invenimus; aestimo autem quoniam non oportet ut vir qui vult
secundum Evangelium vivere, adiuret alterum: si enim iurare non licet, nec
adiurare. Sed et qui respicit Iesum imperantem Daemonibus, et potestatem
dantem discipulis super Daemonia, dicet quod secundum potestatem datam a
salvatore, non est adiurare Daemonia. Princeps autem sacerdotum peccatum
faciebat insidians Iesu; et ideo imitabatur proprium patrem, qui bis dubie
interrogavit salvatorem: si tu es Christus filius Dei? Unde quis recte dicere
potest, quoniam dubitare de filio Dei utrum ipse sit Christus, opus Diaboli
est. Non decebat autem dominum ad adiurationem principis respondere
sacerdotum, quasi vim passum: propter quod nec denegavit se filium Dei esse,
nec manifeste confessus est; unde sequitur dicit illi Iesus: tu dixisti. Non
enim erat dignus Christi doctrina: propterea non eum docet, sed verbum oris
eius accipiens, in redargutionem ipsius convertit. Sequitur verumtamen dico
vobis: amodo videbitis filium hominis sedentem a dextris virtutis Dei.
Videtur mihi quoniam firmitatem quamdam regalem significat sessio filii
hominis: iuxta virtutem ergo Dei, qui solus est virtus, fundatus est qui
accepit omnem potestatem a patre, sicut in caelo et in terra. Erit autem
quando hanc fundationem videbunt etiam adversarii, quod a tempore
dispensationis incepit impleri. Viderunt enim eius discipuli eum resurgentem
a mortuis, et per hoc viderunt eum fundatum ad dexteram virtutis. Vel quia
secundum longitudinem sempiternam, quae est apud Deum, a constitutione mundi
usque ad finem est unus dies: nihil ergo mirum quod hic dicit salvator amodo,
spatium esse brevissimum usque ad finem ostendens; et non solum sedentem eum
ad dexteram virtutis visuros prophetabat, sed etiam venientem in nubibus
caeli; unde sequitur et venientem in nubibus caeli. Hae nubes sunt prophetae
et apostoli Christi, quibus mandat pluere cum oportet; et sunt nubes caeli
non transeuntes, quasi portantes imaginem caelestis; et dignae sunt ut sint
sedes Dei, quasi heredes Dei et coheredes Christi. Hieronymus. Pontificem autem quem de solio
sacerdotali furor excusserat, eadem rabies ad scindendum vestes provocat;
unde sequitur tunc princeps sacerdotum scidit vestimenta sua, dicens:
blasphemavit. Consuetudinis enim Iudaicae est quod cum aliquid blasphemum et
quasi contra Deum audierint, scindant vestimenta sua. Chrysostomus in Matth. Hoc igitur fecit,
ut accusationem redderet graviorem: et quod verbis dicebat, factis extolleret.
Hieronymus. Per hoc autem quod scidit
vestimenta sua, ostendit Iudaeos sacerdotalem gloriam perdidisse, et vacuam
sedem habere pontificis. Dum enim vestem sibi
discidit, ipsum quo tegebatur vestimentum legis abrupit. Chrysostomus in Matth. Cum ergo
scidisset vestimenta sua, non fert sententiam a seipso, sed ab aliis eam
exquirit, dicens: quid vobis videtur? Sicut in confessis
peccatis et blasphemia manifesta fieri solet, et quasi cogens et violentiam
inferens ad sententiam proferendam, praevenit auditorem, dicens: quid adhuc
egemus testibus? Ecce nunc audistis blasphemiam. Quae autem fuit illa
blasphemia? Etenim ante eis congregatis dixerat: dixit dominus domino meo:
sede a dextris meis: et interpretatus est eis, et siluerunt, nec de cetero
contradixerunt; qualiter ergo nunc quod dictum est, blasphemiam vocant?
Sequitur at illi respondentes dixerunt: reus est mortis; ipsi accusantes,
ipsi discutientes, ipsi sententiam proferentes. Origenes in Matth. Quantum putas fuit erroris,
ipsam principalem omnium vitam ream mortis pronuntiare, et per tantorum
resurgentium testimonia non respicere fontem vitae, de quo in omnes
resurgentes vita fluebat? Chrysostomus in Matth. Ut autem venatores fera
inventa, ita suam demonstrabant ebrietatem, et insania ferebantur. Sequitur
tunc expuerunt in faciem eius et colaphis eum caeciderunt. Hieronymus. Ut compleretur quod dictum est:
dedi maxillam meam alapis, et faciem meam non averti a confusione sputorum.
Sequitur alii autem palmas in faciem eius dederunt, dicentes: prophetiza
nobis, Christe, quis est qui te percussit? Glossa. In contumeliam ei hoc dicitur, qui se
prophetam haberi voluit a populis. Hieronymus. Stultum autem erat verberantibus
respondere, et prophetare caedentem, cum palam percutientis insania videretur.
Chrysostomus in Matth. Attende autem, quod
Evangelista cum summa diligentia ea quae videntur esse exprobratissima
exponit, nihil occultans aut verecundans; sed gloriam existimans maximam,
dominatorem orbis terrarum pro nobis talia sustinere. Hoc autem legamus
continue, hoc nostrae menti inscribamus, et in his gloriemur. Augustinus de quaest. Evang. Quod autem dictum
est expuerunt in faciem eius, significavit eos qui praesentiam gratiae eius
respuunt. Item tamquam colaphis eum caedunt, qui ei honores suos praeferunt;
palmas in faciem eius dant qui perfidia caecati eum non venisse affirmant,
tamquam praesentiam eius exterminantes et repellentes. |
Versets
59-68.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Les princes des prêtres s’étant assemblés, cette réunion d’hommes corrompus
voulut donner aux criminels desseins qu’ils tramaient contre le Seigneur, les
formes légales de la justice : « Cependant
les princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un faux témoignage
contre Jésus, afin de le faire mourir ». Mais ce qui suit prouve jusqu’à l’évidence
qu’il n’y avait là qu’un simulacre de jugement, et que toutes leurs
délibérations n’étaient que tumulte et confusion : « et ils n’en trouvèrent point, quoique plusieurs faux témoins
se fussent présentés ». — Origène : Les
faux témoignages ne sont possibles que lorsqu’on peut leur donner quelque
semblant [de vérité]. Mais on ne pouvait même pas trouver ces apparences qui
seraient venues fortifier les mensonges qu’ils inventaient contre
Jésus-Christ, bien qu’il y eût beaucoup de gens qui eussent voulu être
agréables en cela aux princes des prêtres. C’est là, du reste, une gloire
éclatante pour Jésus, que toutes ses paroles, que toutes ses actions aient
été irrépréhensibles à ce point que ces hommes pervers et consommés dans la
malice, n’aient pu trouver l’ombre même d’une faute dans sa conduite. Suite :
« Enfin, il vint deux faux témoins,
qui prétendirent : ‘Cet homme a dit : Je peux détruire le
sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours’ ». — Saint Jérôme : Comment peut-on les
appeler faux témoins, puisqu’ils ne rapportent que ce que le Seigneur a dit
lui-même d’après ce que nous lisons ? C’est que pour être faux témoin, il
suffit de ne pas rapporter les choses dans le sens où elles ont été dites. Le
Seigneur avait ainsi parlé du temple de son corps, mais ils dénaturent ses
paroles, et à l’aide d’une légère addition, ou d’un léger changement, ils
semblent formuler contre lui une accusation fondée. Le Sauveur avait dit : « Détruisez ce temple » ;
ils dénaturent le sens de ses paroles, et lui font dire : « Je puis
détruire le temple de Dieu ». Détruisez vous-même ce temple, leur
dit-il, ce n’est pas moi qui le détruirai. En effet, il ne nous est pas
permis de nous donner la mort. Ils ajoutent ensuite : « Et après trois jours je le rebâtirai », de manière
que ces paroles parussent se rapporter directement au temple de Jérusalem,
tandis que le Seigneur, pour montrer qu’il voulait parler d’un temple vivant
et animé, avait dit : « Et dans
trois jours je le ressusciterai » ; car rebâtir, n’est pas la même
chose que ressusciter. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Mais pourquoi ne l’accusent-ils pas d’avoir violé le jour du sabbat ? C’est
parce que bien des fois il les avait confondus sur ce point. — Saint Jérôme : La colère aveugle et
impatiente de ne point trouver de fondement à ces calomnies, soulève le
grand-prêtre de son siége, et trahit la fureur de son âme par les brusques
mouvements de son corps : « Et le
grand-prêtre, se levant, lui dit : Vous ne répondez rien à ce que déposent
ceux-ci contre vous ? » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Il lui parle de la sorte pour lui arracher une réponse répréhensible, et qui
pût être tournée contre lui. Or, il était parfaitement inutile au Seigneur de
répondre, puisque personne n’était disposé à l’écouter, c’est pour. quoi
l’Évangéliste ajoute : « Mais Jésus se taisait » ; car il n’y avait
là que les apparences d’un jugement, et en réalité, c’était une troupe de
brigands se jetant sur leur proie comme dans une caverne, et c’est pour cela
qu’il garde le silence. — Origène : Cet
exemple nous apprend à mépriser les calomnies et les faux témoignages, et à ne
pas même juger dignes de réponse ceux qui tiennent des discours injustes
contre nous, surtout alors qu’il est plus digne de se taire librement et
courageusement, que de se défendre sans profit. — Saint Jérôme : Car comme Dieu,
Jésus savait que l’on tournerait en calomnie contre lui tout ce qu’il
pourrait dire. Mais plus Jésus persiste à garder le silence devant ces faux
témoins et ces prêtres impies, indignes de recevoir une réponse, et plus le
grand-prêtre, transporté de fureur, le presse de répondre, afin de trouver
dans ses paroles, quoi qu’il puisse dire, matière à l’accuser ; « Et
le grand-prêtre lui dit : Je vous adjure par le Dieu vivant de nous dire si
tu es le Christ, le Fils de Dieu ». — Origène : La
loi nous offre quelques exemples d’adjuration (Gn 24 et 50 ; Ex 13 ; Nb 5 ;
Jos 17 ; 1 R 14 ; 3 R 4 ; 4 R 11 ; 2 Paral., 18, 34, 36 ; Esd 10 ; Is 5 et 12
; Tb 18 et 19 ; Ct 2-3, 5-6), mais pour moi, je pense qu’un homme qui veut
vivre conformément à l’Évangile, ne doit point en adjurer un autre ; car s’il
est défendu de jurer, il l’est également d’adjurer. Si l’on objecte que Jésus
commandait aux démons, et qu’il donnait à ses disciples le pouvoir de les
chasser, nous répondrons que le pouvoir donné par le Sauveur sur les démons,
n’est pas une véritable adjuration. Or, le grand-prêtre commettait un péché
en tendant ainsi des piéges à Jésus, et en cela, il imitait son propre père
(le démon) qui, dans le doute, avait fait deux fois cette question au Sauveur
: « Si vous êtes le Christ, Fils
de Dieu » (Mt 4) ; et l’on peut en conclure avec raison que douter
si le Christ est le Fils de Dieu, c’est faire l’œuvre du démon. Or, il ne
convenait pas que le Seigneur répondit à l’adjuration du grand-prêtre, comme
s’il y était forcé. Aussi s’il ne nie pas qu’il fût le Fils de Dieu, il ne le
confesse pas non plus ouvertement : « Jésus lui répondit : Vous
l’avez dit ». Le grand-prêtre n’était pas digne d’entendre la doctrine
de Jésus-Christ, aussi ne cherche-t-il pas à l’instruire, mais il prend ses
propres paroles, et s’en sert pour le convaincre et le condamner. « De
plus, je vous le déclare, vous verrez un jour le Fils de l’homme assis à la
droite de la Puissance de Dieu ». Cette figure, par laquelle
Notre-Seigneur se représente comme le Fils de l’homme assis, me paraît
signifier une royauté fortement établie ; et en effet, c’est par la puissance
de Dieu, qui seul est la véritable puissance, qu’a été fondé le trône de
Jésus, qui a reçu de Dieu le Père toute puissance dans le ciel comme sur la
terre. Or, il viendra un temps où même ses ennemis seront témoins de
l’affermissement de son trône, et cette prédiction a reçu un commencement
d’exécution dans le temps même de l’incarnation du Seigneur, alors que ses
disciples le virent ressusciter d’entre les morts, et solidement établi à la
droite de la puissance divine, ou bien, comme en comparaison de cette durée
éternelle qui est en Dieu, le temps qui s’écoule depuis le commencement du
monde jusqu’à la fin est comme un seul jour, il n’est pas étonnant que le Sauveur
emploie cette expression : « tout à l’heure », [« bientôt »],
pour montrer la brièveté du temps qui nous sépare de la fin du monde. Or, il
ne leur prédit pas seulement qu’ils le verront assis à la droite de la
puissance divine, mais encore qu’ils le verront venir sur les nuées du ciel. « et, venant sur les nuées du ciel ».
Les nuées sont les prophètes et les Apôtres de Jésus-Christ, auxquels il
commande de répandre la pluie lorsqu’elle est nécessaire. (Ps 77.) Ce sont
des nuées qui ne passent pas, car elles portent en elles l’image de l’homme
céleste (1 Co 15), et elles sont dignes, comme héritières de Dieu et
cohéritières du Christ, d’être le siége de Dieu. (Rm 8) — Saint Jérôme : Le même accès de
fureur qui vient d’arracher le grand-prêtre à son siége, le pousse à déchirer
ses vêtements : « Alors le grand-prêtre déchira ses vêtements en disant
: il a blasphémé ». C’était un
usage chez les Juifs (Ac 15) de déchirer ses vêtements lorsqu’on entendait
une parole de blasphème, et outrageante pour la divinité. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Le grand-prêtre fait cette démonstration pour aggraver le crime dont il veut
charger le Seigneur, et confirmer par cet acte la vérité de ses paroles. — Saint Jérôme : Mais en déchirant
ses vêtements, il déclare que les Juifs ont perdu la gloire du sacerdoce, et
que le siége de leurs pontifes est désormais vide ; car par cette action, il
déchire aussi le voile qui recouvrait la loi. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 84.)
Après avoir ainsi déchiré ses vêtements, il ne veut pas, semble-t-il,
prononcer la sentence de sa propre autorité, mais il demande aux autres de la
porter eux-mêmes : « Que vous en
semble ? » Comme s’il s’agissait d’un crime avoué, et d’un blasphème
manifeste ; et ainsi il les contraint et leur fait violence, en devançant
leur jugement, et en les forçant de prononcer la sentence de condamnation : « Qu’avons-nous encore besoin de
témoins ? Vous venez d’entendre vous-mêmes le blasphème ». Or, quel
était ce blasphème ? Dans une circonstance précédente où ils étaient venus le
trouver en grand nombre, il leur avait cité ces paroles du Roi-prophète : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur :
siège à ma droite », et leur en avait donné l’explication. Or, ils
avaient tous gardé le silence et n’osèrent plus depuis le contredire ; Comment
se fait-il donc qualifient de blasphème ce qu’ils viennent d’entendre ? « Et ils répondirent : il mérite la
mort », c’est-à-dire qu’ils sont tout à la fois les accusateurs, les
témoins et les juges. — Origène : Quelle
erreur monstrueuse que de proclamer digne de mort la vie par excellence, et
malgré des témoignages si imposants de résurrection, de ne pas reconnaître la
source même de la vie, d’où elle se répandait sur tous les hommes revenant à
la vie. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 85.)
Mais non, ils font éclater leur liesse et leurs transports insensés, comme
s’ils avaient rencontré une proie. Suite : « Alors ils lui crachèrent au visage et le frappèrent avec les
poings » . — Saint Jérôme : s’accomplissait ce qui avait été prédit : « J’ai présenté ma joue aux soufflets, et je n’ai pas détourné mon visage des outrages et des crachats de l’ignominie ». Suite : « D’autres lui donnèrent des soufflets en disant : Christ, prophétise-nous, quel est celui qui t’a frappé ? » — La Glose : [référence à vérifier] C’est pour l’outrager qu’ils
lui tiennent ce langage, et parce qu’il avait voulu passer aux yeux du peuple
pour un prophète. — Saint Jérôme : Il eût été absurde
de répondre à ceux qui le frappaient, et de deviner qui le souffletait, alors
que la rage de ceux qui le maltraitaient était si manifeste. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 85)
Remarquez que l’Évangéliste rapporte avec le plus grand soin les outrages qui
semblent les plus ignominieux, ne dissimulant rien, n’ayant honte de rien,
mais regardant, au contraire, comme le comble de la gloire que le souverain
Maître de l’univers ait souffert pour nous d’aussi indignes traitements.
Méditons donc continuellement ces tristes détails, gravons-les dans notre
âme, faisons-en le sujet de notre gloire. — Saint Augustin : (Quest. évang., 1, 14) Ceux qui lui crachent au visage représentent ceux qui rejettent la présence de sa grâce ; il est encore frappé à coups de poing par ceux qui lui préfèrent leur propre gloire ; et ceux qui lui donnent des soufflets sont ceux que la perfidie aveugle, qui nient sa venue, et qui voudraient repousser et détruire sa présence sur la terre. |
Lectio 17 [85602] Catena in Mt., cap. 26 l. 17 Augustinus
de Cons. Evang. Inter praedictas domini contumelias trina negatio Petri
facta est, quam non omnes Evangelistae eodem ordine narrant. Lucas enim
explicat prius tentationem Petri, tunc demum contumelias domini; sed
Matthaeus et Marcus eas primo commemorant, et deinde Petri tentationem. Sic enim hic sequitur Petrus vero sedebat foris in atrio. Hieronymus. Foris sedebat, ut videret exitum
rei; et non appropinquabat Iesu, ne ministris aliqua suspicio nasceretur.
Chrysostomus in Matth. Et qui quando detentum
magistrum vidit solum, ita efferbuit ut gladium evaginaverit, et auriculam
absciderit; quando contumelias Christi audivit, negator efficitur, et vilis
puellae minas non sustinet; sequitur enim et accessit ad eum una ancilla,
dicens: et tu cum Iesu Galilaeo eras. Rabanus. Quid sibi vult quia prima eum prodit
ancilla, cum viri magis eum potuerint recognoscere; nisi quod iste sexus
peccare in nece domini videretur, ut eius passione redimeretur? Sequitur at
ille negavit coram omnibus dicens: nescio quid dicis. Palam coram omnibus
negavit, quia se manifestare expavit: quod dicebatur se nescire respondit,
quia pro salvatore adhuc mori noluit. Leo Papa in Serm. 9 de passione. Ob hoc autem,
sicut apparet, haesitare permissus est, ut in Ecclesiae principe remedium
poenitentiae conderetur, et nemo auderet de sua virtute confidere, quando
mutabilitatis periculum nec beatus Petrus potuisset evadere. Chrysostomus in Matth. Non solum autem semel,
sed et secundo et tertio negat in brevi tempore; unde sequitur exeunte autem
eo ianuam, vidit eum alia ancilla, et ait his qui erant ibi: et hic erat cum
Iesu Nazareno. Augustinus de Cons. Evang. Intelligitur autem
quod postquam exiit foras, cum iam semel negasset, gallus cantavit primum,
quod Marcus dicit. Chrysostomus in Matth. Ut ostendat quod
neque vox galli eum a negatione detinuit, neque in memoriam suae promissionis
reduxit. Augustinus de Cons. Evang. Non autem foris
ante ianuam iterum negavit, sed cum redisset ad focum: neque enim exierat, et
foris eum vidit altera ancilla; sed cum exiret, eum vidit; idest, cum
surgeret et exiret, animadvertit et dixit his qui erant ibi, idest qui simul
aderant ad ignem in atrio: et hic erat cum Iesu Nazareno. Ille autem qui
foras exierat, hoc audito regressus est, ut se quasi purgaret negando. Vel,
quod est credibilius, non audivit quod de eo dictum fuerat cum foras exiret,
et posteaquam rediit, dictum est ei quod Lucas commemorat. Sequitur et iterum
negavit cum iuramento: quia non novi hominem. Hieronymus. Scio quosdam pio affectu erga
apostolum Petrum locum hunc ita interpretatos ut dicerent, Petrum hominem
negasse, non Deum; et esse sensum: nescio hominem, quia scio Deum. Hoc quam
frivolum sit, prudens lector intelligit: si enim iste non negavit, ergo
mentitus est dominus, qui dixerat: ter me negabis. ? Rabanus. In hac autem negatione Petri dicimus,
non solum abnegare Christum qui dicit eum non esse Christum, sed qui cum sit,
negat se esse Christianum. Augustinus de Cons. Evang. Nunc iam de tertia
negatione inspiciamus; sequitur enim et post pusillum accesserunt qui
stabant, et dixerunt Petro: vere et tu ex illis es. Lucas autem dixit:
intervallo facto quasi horae unius; et ut eum convincant, consequenter
adiungunt nam et loquela tua manifestum te facit. Hieronymus. Non quod alterius sermonis esset
Petrus, aut gentis externae: omnes quippe Hebraei erant, et qui arguebant et
qui arguebantur: sed quia unaquaeque provincia et regio habeat proprietates
suas, et vernaculum loquendi sonum vitare non possit. Remigius. Vide autem quam sint noxia pravorum
hominum colloquia: ipsa quippe coegerunt Petrum negare dominum, quem prius
confessus fuerat esse Dei filium; sequitur enim tunc coepit detestari et
iurare, quia non novisset hominem. Rabanus. Nota, quia primum ait: nescio quid
dicis; secundo, cum iuramento negat; tertio, quia coepit detestari et iurare,
quia non novit hominem. Perseverare quippe in peccato dat incrementum
scelerum; et qui minima spernit, cadit in maiora. Remigius. Spiritualiter autem per hoc quod
Petrus ante primum galli cantum negavit, illi designantur qui ante Christi
resurrectionem non credebant eum esse Deum, eius morte turbati. Per hoc autem
quod post galli cantum negavit, illi designantur qui in utramque domini
naturam, et secundum Deum et secundum hominem errant. Per primam autem ancillam designatur cupiditas; per secundam carnalis
delectatio; per illos qui astabant, Daemones intelliguntur: his enim
trahuntur homines ad Christi negationem. Origenes in Matth. Vel per primam
ancillam intelligitur synagoga Iudaeorum, qui frequenter compulerunt denegare
fideles; per secundam congregatio gentium, qui etiam persecuti sunt
Christianos; per tertios stantes in atrio, ministri haeresum diversarum. Augustinus de quaest. Evang. Ter etiam Petrus
negavit: nam et error haereticorum de Christo, tribus generibus terminatur:
aut enim de divinitate, aut de humanitate, aut de utroque falluntur. Rabanus. Post tertiam autem negationem
sequitur galli cantus; et hoc est quod subdit et continuo gallus cantavit,
per quem doctor Ecclesiae intelligitur, qui somnolentos increpans ait: evigilate,
iusti, et nolite peccare. Solet autem sacra Scriptura saepe meritum causarum
per statum designare temporum: unde Petrus, qui media nocte peccavit, ad
galli cantum poenituit: unde sequitur et recordatus est Petrus verbi Iesu
quod dixerat: priusquam gallus cantet, ter me negabis. Hieronymus. In Evangelio legimus, quod post
negationem Petri et galli cantum respexit salvator Petrum, et intuitu suo eum
ad amaras lacrymas provocavit: non enim fieri poterat ut in negationis
tenebris permaneret quem lux respexerat mundi; unde et hic sequitur et
egressus foras, flevit amare. In atrio enim Caiphae sedens non poterat agere
poenitentiam: unde foras egreditur de impiorum Concilio, ut pavidae
negationis sordes amaris fletibus lavet. Leo Papa in Serm. 9 de passione. Felices,
o apostole sancte, lacrymae tuae, quae ad diluendam culpam negationis,
virtutem sacri habuere Baptismatis. Affuit enim dextera domini Iesu Christi,
quae labentem te priusquam deicereris exciperet; et firmitatem standi in ipso
cadendi periculo recepisti. Cito itaque ad soliditatem rediit Petrus, tamquam
recipiens fortitudinem; ut qui tunc in Christi expaverat passione, in suo
post supplicio non timeret, sed constans permaneret. |
Versets
69-75.
— Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 3, 6.) Le triple renoncement de Pierre eut lieu pendant que le
Seigneur était en butte aux outrages dont on vient de parler. Les
évangélistes ne le rapportent pas tous dans le même ordre : saint Luc raconte
la chute de cet Apôtre avant les indignes traitements qu’on fit à Jésus,
tandis que saint Matthieu et saint Marc ne rapportent le renoncement de
Pierre qu’après ces scènes d’ignominie. « Pierre
cependant était au dehors, assis dans la cour ». — Saint Jérôme : Il était assis dehors pour attendre le dénouement de cette affaire, et il ne s’approchait pas de Jésus pour n’inspirer aucun soupçon aux serviteurs [du grand prêtre]. — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] Pierre, lorsqu’on ne faisait que se saisir de son maître, s’était montré enflammé de zèle jusqu’à tirer son épée du fourreau et couper l’oreille [d’un des serviteurs du grand-prêtre], et maintenant qu’il est témoin des opprobres de Jésus-Christ, il devient apostat et ne peut supporter les menaces d’une pauvre jeune fille : « Et une servante s’approcha de lui et lui dit : Vous étiez aussi avec Jésus de Galilée ». — Raban : Comment se fait-il que soit par une servante que Pierre
soit d’abord reconnu, alors que les hommes [qui étaient là] auraient dû bien
plus facilement le reconnaître, si ce n’est pour nous montrer que ce sexe
concourait aussi par ses péchés à la passion du Seigneur, et devait être
racheté par sa mort. « Mais il le
nia devant tous en disant : Je ne sais ce que vous dites ». Il nia
devant tout le monde, parce qu’il craignait d’être découvert ; et, en
déclarant qu’il ne connaît pas le Sauveur, il montre ainsi qu’il n’est pas
disposé à mourir pour lui. — Saint Léon le Grand : (Serm. 9 sur
la Passion.) Or, Dieu permit cette hésitation coupable, pour nous apprendre,
par l’exemple du chef de l’Église, à trouver dans la pénitence le remède de
nos fautes, et à ne jamais nous confier dans notre vertu, puisque saint
Pierre lui-même n’a pu échapper aux tristes suites de la mutabilité naturelle
à l’homme. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 85.)
Dans un si court espace de temps, Pierre renie son maître, non seulement une
fois, mais deux et trois fois : « Et comme il sortait dans le
vestibule, une autre servante le vit et dit à ceux qui se trouvaient
là : ‘Celui-là était avec Jésus de Nazareth’ ». — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 3, 6.) Il faut comprendre, d’après ce que dit saint Marc, que le coq
chanta pour la première fois, lorsque Pierre sortit dehors, après le premier reniement. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 85.)
Nous voyons par là que le chant du coq ne l’arrêta pas dans cette voie de reniement,
et ne le fit pas se souvenir de sa promesse. — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 3, 5.) Ce n’est pas dehors et devant la porte qu’il renia son maître
une seconde fois, mais après qu’il fut revenu près du feu, car cette autre,
servante n’était pas sortie, et ne l’avait pas vue dehors ; mais elle le vit
lorsqu’il sortait, c’est-à-dire lorsqu’il se levait pour se diriger vers la
porte, et elle dit à ceux qui étaient présents et se tenaient autour du feu
avec elle : « Celui-ci était aussi
avec Jésus de Nazareth ». Or, Pierre, qui venait de sortir, revint
sur ses pas pour se justifier, en niant [ce que cette femme venait de dire].
Ou bien, ce qui est plus vraisemblable, il n’avait pas entendu ce qu’on avait
dit de lui en sortant, et c’est lorsqu’il rentra que la servante et un autre,
dont parle saint Luc, lui dirent : « Certainement,
vous êtes aussi de ces gens-là ». « Et il nia de nouveau avec serment : ‘Je ne connais pas
cet homme’ ». — Saint Jérôme : Je sais qu’il en est
qui, par un sentiment de pieuse affection pour l’apôtre saint Pierre, ont
entendu ce passage dans ce sens : que Pierre n’avait pas nié en Jésus-Christ
le Dieu, mais l’homme, et que sa réponse signifie : Je ne connais pas l’homme,
car je connais le Dieu. Un lecteur intelligent comprendra facilement la
futilité de cette explication, car si Pierre n’a pas renié son maître, le
Seigneur a donc menti en lui disant : « Vous
me renoncerez trois fois ». — Saint Ambroise : (sur saint
Luc, 22) J’aime mieux que Pierre ait renié le Seigneur que de soutenir que le
Seigneur s’est trompé. — Raban : Or, ce renoncement de Pierre nous autorise à dire qu’on
ne renonce pas seulement Jésus-Christ, lorsqu’on soutient qu’il n’est pas le
Christ, mais en niant qu’on soit chrétien, lorsqu’on l’est en effet. — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 5, 6.) Examinons maintenant le troisième reniement : « Peu après ceux qui étaient là
s’approchèrent et dirent à Pierre : Assurément, vous êtes aussi de ces
gens-là ». Saint Luc dit que ce fut une heure après ; et comme
preuve convaincante, ils ajoutent : « Car
votre langage vous fait assez connaître ». — Saint Jérôme : Ce n’est pas que
Pierre parlât une autre langue, ou appartînt à une autre nation (car celui
qu’on voulait convaincre et ceux qui le questionnaient étaient tous hébreux),
mais c’est que chaque province, chaque contrée a ses caractéristiques
particulières, et qu’on ne peut jamais éviter en parlant l’accent naturel de
son pays (Jg 12, 5). — Saint Rémi : Voyez combien sont
funestes les entretiens avec les méchants, puisqu’ils forcent Pierre à renier
le Seigneur, qu’il avait autrefois proclamé le Fils de Dieu. « Alors il se mit à faire des
imprécations et à jurer qu’il ne connaissait pas cet homme ». — Raban : Remarquez qu’en premier lieu, Pierre s’est contenté de
répondre : « Je ne sais pas ce que
vous dites », qu’en second lieu il nie avec serment, qu’enfin il se
met à faire des imprécations et à jurer qu’il ne connaît pas cet homme. C’est
ainsi que la persévérance dans le péché fait monter d’un degré dans le crime,
et que celui qui méprise les fautes légères tombe nécessairement dans les
grandes. — Saint Rémi : Dans le sens
spirituel, Pierre, qui renonce Jésus avant que le coq ait chanté, figure ceux
qui, troublés par sa mort, ne croyaient pas à sa divinité avant sa
résurrection. Lorsqu’il le renie une seconde fois après le chant du coq, il
est la figure de ceux qui ont des idées fausses sur les deux natures de
Jésus-Christ, sa nature divine et sa nature humaine. La première servante
représente la cupidité ; la seconde, la délectation charnelle ; et ceux qui
étaient présents, les démons, car ce sont les démons qui excitent les hommes
à renier Jésus-Christ. — Origène : Ou
bien, par la première servante, on peut entendre la synagogue des Juifs, qui
contraignit souvent les fidèles à renier Jésus-Christ ; par la seconde, la
réunion des peuples qui ont persécuté les chrétiens ; et par ceux qui se
tiennent dans la cour, les ministres des diverses hérésies. — Saint Augustin : (Quest. Evang., 1,
23.) Pierre a renié trois fois le Seigneur, et l’erreur des hérétiques au
sujet du Christ s’est toujours renfermée dans ces trois objets : la divinité
de Jésus-Christ, ou son humanité, ou les deux natures à la fois. — Raban : Après le troisième renoncement, le chant du coq se fait
entendre : « Et aussitôt le coq
chanta ». Ce coq est la figure du docteur de l’Église, qui
réprimande ceux qui sont endormis, et leur dit : « Réveillez-vous,
justes, et ne péchez pas » (1 Co 15). Or, la sainte Écriture a la
coutume d’exprimer le mérite des actions dont elle parle, par le temps où
elles se font ; c’est ainsi que Pierre, qui a renié son maître au milieu des
ténèbres, s’est repenti au chant du coq. « Et
Pierre se ressouvint de la parole que Jésus lui avait dite : Avant que le coq
ait chanté, vous me renoncerez trois fois ». — Saint Jérôme : Nous lisons dans un
autre Évangile (Lc 22), qu’après le reniement de Pierre et le chant du coq,
le Sauveur regarda Pierre, et, par ce regard, lui fit verser des larmes
amères. Il n’était pas possible en effet qu’il restât dans les ténèbres de ce
reniement après avoir été regardé par la lumière du monde ; aussi
l’Évangéliste ajoute : « Et étant
sorti, il pleura amèrement ». Il ne pouvait faire pénitence en
restant dans la cour de Caïphe, et il sort du milieu de l’assemblée des
impies, pour laver, dans des larmes amères, la honte de ce lâche reniement. — Saint Léon le Grand : (Serm. 9 sur la Pass.) Heureuses sont vos larmes, ô saint Apôtre, puisqu’elles eurent, pour effacer le crime de votre reniement, la vertu des eaux du sacrement de baptême. Vous avez été soutenu par la droite du Seigneur Jésus-Christ, qui vous reçut lors de votre chute, avant que vous fussiez tombé dans l’abîme, et qui vous rendit inébranlable au moment même où vous alliez tomber sans retour. Pierre recouvra donc aussitôt sa fermeté, avec la force divine qui lui fût communiquée, et après avoir tremblé à la vue de la passion de Jésus-Christ, il fut sans crainte et resta inébranlable, plus tard, devant son propre supplice. |
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Caput 27 |
CHAPITRE 27—
[Passion et mort du Roi]
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Lectio 1 [85603] Catena in Mt., cap. Origenes in Matth. Putantes per mortem
extinguere eius doctrinam et fidem apud eos qui crediderunt in eum, quasi in
filium Dei. Talia autem contra eum consiliantes, alligaverunt Iesum solventem
a vinculis; unde sequitur et vinctum adduxerunt eum, et tradiderunt Pontio
Pilato praesidi. Hieronymus in Matth. Vide sollicitudinem
sacerdotum in malum: tota nocte vigilarunt ut homicidium facerent; et vinctum
tradiderunt Pilato: habebant enim hunc morem ut quem adiudicassent morti,
ligatum iudici traderent. Rabanus. Attamen notandum, quod non tunc
primum ligaverunt, sed mox comprehensum in horto, ut Ioannes declarat. Chrysostomus in Matth. Ideo autem eum
non occulte interfecerunt, quia volebant eius gloriae detrahere: multi enim
eum admirabantur; et propter hoc studuerunt publice et coram omnibus eum
occidere; et ideo ad praesidem eum duxerunt. Hieronymus. Videns autem Iudas dominum
adiudicatum morti, pretium retulit sacerdotibus, quasi in potestate sua esset
persecutorum immutare sententiam; unde sequitur tunc videns Iudas qui
tradidit eum, quod damnatus esset, poenitentia ductus, retulit triginta
argenteos principibus sacerdotum et senioribus populi, dicens: peccavi,
tradens sanguinem iustum. Origenes in Matth. Respondeant mihi qui de naturis
quasdam fabulas introducunt; unde est quod Iudas agnoscens peccatum suum
dixit peccavi, tradens sanguinem iustum, nisi ex bona plantatione mentis, et
seminatione virtutis, quae seminata est in qualibet rationali anima? Quam non
coluit Iudas; et ideo cecidit in tale peccatum. Si autem naturae pereuntis
est aliquis hominum, magis huius naturae fuit Iudas. Et si quidem post
resurrectionem Christi hoc dixisset Iudas, forsitan erat dicendum quoniam
compulit eum poenitere de peccato ipsa virtus resurrectionis. Nunc autem
videns eum traditum esse Pilato, poenituit: forsitan recordatus quae
frequenter Iesus dixerat de sua resurrectione futura. Forsitan et Satanas,
qui ingressus in eum fuerat, praesto fuit ei donec Iesus traderetur Pilato:
postquam autem fecit quod voluit, recessit ab eo; quo recedente poenitentiam
capere potuit. Sed quomodo vidit Iudas quoniam condemnatus est? Nondum enim a
Pilato fuerat interrogatus. Forsitan dicet aliquis, quoniam consideratione
mentis suae vidit exitum rei ex eo quod traditum aspexit. Alius autem dicet,
quoniam quod scriptum est: videns Iudas quia condemnatus est, ad ipsum Iudam
refertur: tunc enim sensit malum suum, et intellexit se condemnatum. Leo Papa in Serm. I de passione. Dicendo tamen
peccavi, tradens sanguinem iustum, in impietatis suae perfidia perstitit qui
Iesum non Dei filium, sed nostrae tantummodo conditionis hominem, etiam inter
extrema mortis suae pericula credidit; cuius flexisset misericordiam, si eius
omnipotentiam non negasset. Chrysostomus in Matth. Vide autem quoniam
poenitentiam agit quando completum est, et finem accepit peccatum: non enim
permittit Diabolus eos qui non vigilant, videre malum antequam perficiant.
Sequitur at illi dixerunt: quid ad nos? Tu videris. Remigius. Ac si dicant: quid ad nos pertinet
si iustus est? Tu videris, idest, opus tuum quale sit manifestabitur. Quidam
autem coniunctim voluerunt legere haec verba, ut sit sensus: cuius
aestimationis deputaris apud nos, qui eum quem tradidisti, iustum confiteris?
Origenes in Matth. Recedens autem ab
aliquo Diabolus observat tempus iterum; et postquam cognoverit, et ad
secundum peccatum induxerit, observat etiam tertiae deceptionis locum. Sicut
ille qui primo uxorem patris habuit, de hoc malo postea poenituit; sed postea
Diabolus voluit hanc ipsam tristitiam exaggerare, ut ipsa tristitia
abundantior facta absorberet tristantem. Simile aliquid factum est in Iuda:
postquam enim poenituit, non servavit cor suum, sed suscepit abundantiorem
tristitiam a Diabolo sibi submissam, quia voluit eum absorbere; unde sequitur
et abiens, laqueo se suspendit. Si autem locum
poenitentiae requisisset, et tempus poenitentiae observasset, forsitan
invenisset eum qui dixit: nolo mortem peccatoris. Vel forte existimavit
praevenire magistrum moriturum, et occurrere ei cum anima nuda, ut confitens
et deprecans misericordiam mereretur; nec vidit quia non convenit servum Dei
seipsum expellere de hac vita, sed expectare Dei iudicium. Rabanus. Suspendit autem se laqueo, ut se
ostenderet caelo terraeque perosum. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Sed
occupatis principibus sacerdotum ad necem domini a mane usque ad horam nonam,
quomodo Iudas eis retulisse pretium sanguinis quod acceperat, ante crucem
domini, probatur, et dixisse illis in templo peccavi, quod tradiderim
sanguinem iustum? Cum constet omnes principes et seniores ante passionem
domini non fuisse in templo, quippe cum in cruce posito insultarent ei. Nec
enim inde potest probari quia ante passionem domini relatum est, cum sint multa
quae ante facta probantur, et novissima ordinantur. Sed ne forte post horam
nonam factum sit, ut videns Iudas occisum salvatorem, et ob hoc velum templi
scissum, terram tremuisse, saxa scissa, elementa conterrita, ipso metu
correptus doluerit. Sed post horam nonam occupati erant, ut existimo,
seniores et principes sacerdotum ad celebrationem Paschae: sabbato autem
secundum legem non licet nummos portare: ac per hoc non est probabile apud me
quo die, immo tempore, laqueo vitam finierit, Iudas. |
Versets
1-6.
— Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 3, 7.) Le récit qui précède comprend tout ce que Notre-Seigneur a eu
à souffrir depuis le soir jusqu’au matin ; l’Évangéliste revient ensuite sur
ses pas, pour raconter le reniement de Pierre, et il reprend son récit au
matin du même jour pour le continuer. « Or,
le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les anciens du peuples
tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir ». — Origène : Ils
espéraient, par sa mort, anéantir ses enseignements et éteindre la foi dans
le cœur de ceux qui avaient cru en lui comme étant le Fils de Dieu. Dans le
dessein d’exécuter contre lui ce projet, ils firent charger de chaînes Celui
qui brise les chaînes des autres captifs (Is 61) : « Et l’ayant lié, ils l’emmenèrent et le livrèrent au gouverneur
Ponce-Pilate ». — Saint Jérôme : Voyez la criminelle
sollicitude des prêtres : ils se concertent pendant toute la nuit sur les
moyens de commettre cet homicide, et ils envoient Jésus chargé de chaînes à
Pilate, car c’était leur coutume de livrer ainsi garrotté au gouverneur celui
qu’ils avaient condamné à mort. — Raban : Remarquons cependant qu’ils ne l’enchaînèrent pas alors
pour la première fois ; ils l’avaient enchaîné aussitôt qu’ils se furent
saisis de lui dans le jardin, comme le rapporte saint Jean (Jn 18, 12). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 85.)
Ils ne voulurent pas le mettre à mort secrètement, parce qu’ils voulaient lui
enlever sa gloire, et qu’un grand nombre était rempli pour lui d’admiration.
Ils s’efforcent donc de le faire mettre à mort publiquement et aux yeux de
tout le peuple, et c’est dans ce dessein qu’ils l’amènent au gouverneur. — Saint Jérôme : Or, Judas, voyant
que le Seigneur était condamné à mort, rapporte aux prêtres le prix de sa
trahison, comme s’il était en son pouvoir de changer la sentence rendue par
les ennemis de Jésus : « Alors
Judas, qui l’avait trahi, voyant qu’il était condamné, fut touché de
repentir, et reporta les trente pièces d’argent aux princes des prêtres et
aux anciens du peuple, en disant : ‘J’ai péché, en livrant le sang innocent’ ».
— Origène : Que
ceux qui inventent des fables sur les natures essentiellement différentes,
nous disent d’où vient que Judas, après avoir reconnu son crime, s’écrie : « J’ai péché, en livrant le sang
innocent », si ce n’est en vertu du bon plant et des semences de
vertu que Dieu répand dans toute âme raisonnable, mais que Judas ne prit pas
soin de cultiver, ce qui fut cause qu’il commit ce crime affreux. Mais s’il
est dans la nature de certains hommes de se perdre, qui plus que Judas
appartint à cette nature ? Si Judas avait tenu ce langage après la
résurrection du Seigneur, on aurait pu dire que c’était la gloire et la
puissance de la résurrection qui l’avait porté à se repentir de sa faute ;
mais c’est au moment qu’il voit Jésus livré à Pilate qu’il est touché de
repentir. Peut-être se rappelle-t-il alors les prédictions fréquentes que
Jésus a faites de sa résurrection ; peut-être aussi Satan, qui était entré en
lui, ne le quitta point que Jésus ne fût livré à Pilate ? Mais, après avoir
obtenu ce qu’il voulait, il se retira de lui, et c’est alors que le repentir
pût avoir accès dans son âme. Mais comment Judas pût-il savoir la
condamnation de Jésus ? car Pilate ne l’avait pas encore interrogé. On peut
répondre que, le voyant entre les mains de ses ennemis, il vit dans les
prévisions de son esprit, quels en seraient les résultats. Il en est qui
prétendent que ces paroles : « Judas
voyant qu’il était condamné », se rapportent, [non pas à Jésus],
mais à Judas lui-même, car c’est alors qu’il mesura toute l’étendue du crime
qu’il venait de commettre, et qu’il comprit qu’il était condamné. — Saint Léon le Grand : (Serm. 1 sur
la Pass.) Bien qu’il dise : « J’ai
péché en livrant le sang innocent », il persévère dans la perfidie
de son impiété, en continuant de croire, jusque dans les derniers moments de
sa vie, et aux approches de la mort, que Jésus n’était pas le Fils de Dieu,
mais seulement un homme d’une condition semblable à la nôtre ; car il
aurait certainement fléchi sa miséricorde, s’il n’avait pas refusé de
reconnaître sa toute-puissance. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 85.)
Remarquez qu’il se repent lorsque son crime est consommé et qu’il a produit
tous ses effets, car le démon ne permet pas à ceux qui ne veillent pas sur
eux-mêmes de voir le mal avant qu’il soit consommé. « Ils répondirent : Que nous importe ? c’est votre affaire ». — Saint Rémi : C’est-à-dire : Que
nous importe qu’il soit innocent, cela vous regarde, c’est-à-dire on verra
quelle est la nature de votre action. Il en est qui prétendent qu’on doit
réunir ces deux membres de phrase en traduisant de cette manière ; ainsi
le sens serait : que devons-nous penser de vous qui confessez
l’innocence de celui que vous avez trahi. — Origène : Lorsque
le démon se retire d’un homme, il épie le moment favorable pour rentrer, et
lorsqu’il a saisi ce moment, et qu’il a entraîné cet infortuné dans un second
péché, il étudie avec soin l’occasion de le tromper une troisième fois. C’est
ainsi que le Corinthien (1 Co 5, 1-2 ; 2 Co 2, 7), qui abusa de l’épouse de
son père, se repentit de ce crime affreux, mais le démon voulut ensuite lui
faire porter cette tristesse jusqu’à l’excès pour accabler ce malheureux sous
le poids de son chagrin. Il arriva quelque chose de semblable à Judas ; car
après s’être repenti, il ne sut pas mettre son cœur à l’abri du désespoir, et
il y laissa entrer cette tristesse excessive, que le démon lui inspira pour
l’accabler entièrement : « Et il
se retira, et alla se pendre ». S’il avait pris le temps de se
repentir et qu’il avait épié le temps favorable pour faire pénitence, il
aurait, sans doute, rencontré celui qui a dit : « Je ne veux pas la mort du pécheur » (Ez 33). Ou bien,
peut-être pensa-t-il à devancer son Maître qui allait mourir, et à se
présenter devant lui avec son âme dépouillée [par la mort], pour mériter son
pardon par ses aveux et par ses prières ; et il ne comprit pas que le vrai
serviteur de Dieu ne doit point s’ôter à lui-même la vie ; mais qu’il doit
attendre le jugement de Dieu. — Raban : Or, Judas se pendit pour témoigner par ce genre de mort
qu’il était en horreur au ciel et à la terre. — Saint Augustin : (du Nouv. et de l’Anc. Test.). Mais puisque les princes des prêtres étaient occupés depuis le matin jusqu’à la neuvième heure à presser l’exécution de la mort du Seigneur, comment peut-on admettre que Judas leur aurait reporté avant la passion du Seigneur le prix de sa trahison, et qu’il leur aurait dit dans le temple : « J’ai péché, en livrant le sang innocent ? » Il est constant, en effet, que tous les princes des prêtres et les anciens du peuple ne se trouvaient pas dans le temple avant la mort du Seigneur, et la preuve, c’est qu’ils l’insultaient lorsqu’il était sur la croix. On ne peut pas le conclure non plus de ce que ce fait est raconté avant la passion de Notre-Seigneur, puisqu’il est certain qu’il est un grand nombre de faits qui, bien que s’étant passés antérieurement, sont cependant racontés en dernier lieu. Peut-être pourrait-on dire que ce fait a eu lieu à la neuvième heure, et que Judas, voyant le Sauveur mis à mort, le voile du temple déchiré, la terre trembler, les rochers se briser, les éléments dans la consternation, il aurait conçu, sous l’inspiration de la crainte, le repentir de son crime. Mais après la neuvième heure, les anciens et les princes des prêtres étaient tout entiers, ce me semble, à la célébration de la Pâque. D’ailleurs la loi défendait de porter de l’argent le jour du sabbat. Je crois donc qu’on ne peut fixer d’une manière vraisemblable ni le jour ni l’heure où Judas mit fin à sa vie en se pendant. |
Lectio 2 [85604] Catena in Mt.,
cap. 27 l. 2 Chrysostomus in Matth. Quia principes
sacerdotum noverant, quod occisionem emerant, a propria conscientia
condemnati fuerunt: et ad hoc ostendendum subdit Evangelista principes autem
sacerdotum acceptis argenteis dixerunt: non licet eos mittere in corbonam,
quia pretium sanguinis est. Hieronymus. Vere culicem liquantes, et camelum
glutientes; si enim ideo non mittunt pecuniam in corbonam, hoc est
gazophylacium, et dona Dei, quia pretium sanguinis est, cur ipse sanguis
effunditur? Origenes in Matth. Videbant autem quoniam
circa mortuos magis eam pecuniam conveniebat expendi quae pretium sanguinis
erat. Sed quia et inter loca mortuorum sunt differentiae, usi sunt pretio
sanguinis Iesu ad comparationem agri figuli alicuius, ut in eo peregrini
sepeliantur, non secundum votum suum in monumentis paternis; unde sequitur
consilio autem inito, emerunt ex illis agrum figuli in sepulturam peregrinorum.
Augustinus in Serm. 2 de coena Dom. Providentia
autem Dei factum puto ut pretium salvatoris non peccatoribus sumptum
praebeat, sed peregrinis requiem subministret; ut iam exinde Christus et
vivos sanguinis sui passione redimat, et mortuos pretiosa passione suscipiat.
Pretio ergo dominici sanguinis ager figuli comparatur. Legimus in Scripturis,
quod totius generis humani salus redempta sit in sanguine salvatoris. Ager
ergo iste, mundus hic totus est. Figulus autem qui mundi possit habere
dominatum, ipse est qui vascula corporis nostri fecit de limo. Istius itaque
figuli ager Christi sanguine emptus est: peregrinis, inquam, qui sine domo et
patria, toto orbe exules iactabantur, requies Christi sanguine providetur.
Istos autem peregrinos esse dicimus devotissimos Christianos, qui
renuntiantes saeculo, nihil possidentes in mundo, in Christi sanguine
requiescunt: sepultura enim Christi nihil aliud est quam requies Christiani:
consepulti enim sumus cum illo per Baptismum in morte. Nos ergo peregrini in
hoc mundo sumus, et tamquam hospites in hac luce versamur. Hieronymus. Qui etiam peregrini eramus a lege
et prophetis, prava Iudaeorum studia suscepimus in salutem. Origenes in Matth. Vel peregrinos
dicimus qui usque ad finem extranei sunt a Deo: nam iusti consepulti sunt
Christo in monumento novo quod excisum est in Glossa. Quod referendum est ad tempus
quo Evangelista hoc scripsit. Deinde confirmat idem prophetico testimonio,
dicens tunc impletum est quod dictum est per Ieremiam prophetam, dicentem: et
acceperunt triginta argenteos pretium appretiati, quem appretiaverunt a
filiis Israel, et dederunt eos in agrum figuli, sicut constituit mihi dominus.
Hieronymus. Hoc in Ieremia penitus non
invenitur, sed in Zacharia, qui penultimus est duodecim prophetarum, quaedam
similitudo refertur; et quamquam sensus non multum discrepet, tamen ordo et
verba diversa sunt. Augustinus de Cons. Evang. Si quis ergo putat
ideo fidei Evangelistae aliquid derogandum, primo noverit non omnes codices
Evangeliorum habere quod per Ieremiam dictum sit, sed tantummodo per
prophetam. Mihi autem haec non placet defensio: quia et plures codices habent
Ieremiae nomen, et antiquiores; et nulli fuit causa cur adderetur hoc nomen,
et mendositas fieret. Cur autem tolleretur, fuit utique causa ut hoc audax
imperitia faceret, praedicta quaestione turbata. Potuit autem fieri ut animo
Matthaei Evangelium scribentis, pro Zacharia Ieremias occurreret, ut fieri
solet: quod tamen sine ulla dubitatione emendaret saltem ab his admonitus qui
ipso adhuc in carne vivente haec legere potuerunt, nisi cogitaret
recordationi suae, quae spiritu sancto regebatur, non occurrisse aliud pro
alio nomen prophetae, nisi quia dominus hoc ita scribi constituit. Cur autem
constituerit, prima causa est, quia sic insinuatur ita omnes prophetas uno
spiritu locutos, mirabili inter se consensione constare, ut hoc multo amplius
sit quam si omnium verba prophetarum uno unius hominis ore demonstrentur; et
ideo indubitanter accipi debet, quaecumque per eos spiritus sanctus dixit, et
singula esse omnium, et omnia singulorum. Si enim hodie quisquam volens
alicuius verba indicare, dicat nomen alterius a quo dicta sunt, qui tamen sit
amicissimus illius cuius verba dicere voluit, et continuo recordatus, alium
pro alio se dixisse, ita se corrigat ut tamen dicat: bene dixi, nihil aliud
intuens nisi inter ambos esse concordiam: quanto magis de prophetis sanctis
hoc commendandum fuit? Est et alia causa, cur hoc nomen Ieremiae in
testimonio Zachariae sit manere permissum: vel potius sancti spiritus
auctoritate praeceptum sit. Est apud Ieremiam quod emerit agrum a filio
fratris sui, et dederit ei argentum, non quidem sub hoc nomine pretii, quod
positum est apud Zachariam, triginta argenteis. Quod autem prophetiam de
triginta argenteis ad hoc interpretatus sit Evangelista quod modo de domino
completum est, manifestum est; sed ad hoc pertinere etiam illud de agro empto
quod Ieremias dicit, hinc potest mystice significari, ut non hic Zachariae
nomen poneretur qui dixit triginta argenteis, sed Ieremiae qui dixit de agro
empto; ut lecto Evangelio, atque invento nomine Ieremiae, lecto autem
Ieremia, et non invento testimonio de triginta argenteis, invento tamen agro
empto, admoneatur lector utrumque conferre, et inde sensum enucleare
prophetiae, quomodo pertineat ad hoc quod in domino completum est. Nam illud
quod subiecit huic testimonio Matthaeus cum ait quem appretiaverunt a filiis
Israel, et dederunt eos in agrum figuli, sicut constituit mihi dominus, nec
apud Zachariam, nec apud Ieremiam reperitur; unde magis ex persona
Evangelistae accipiendum est, et mystice insertum, quia hoc ex domini
revelatione cognoverit, et ad hanc rem quae de Christi pretio facta est,
huiusmodi pertinere prophetiam. Hieronymus de optimo genere interpretandi. Absit
ergo de pedissequo Christi quod possit argui de falso, cui cura fuit non
verba et syllabas aucupari, sed sententias dogmatum ponere. Hieronymus. Legi nuper in quodam Hebraico
volumine, quod Nazaraeae sectae mihi Hebraeus contulit, Ieremiae apocryphum,
in quo hoc ad verbum scriptum reperi; sed tamen mihi videtur magis de
Zacharia sumptum testimonium, Evangelistarum et apostolorum more vulgato, quo
verborum ordine praetermisso, sensus tamen de veteri testamento proferunt
exemplum. |
Versets
6-10.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
En reconnaissant qu’ils avaient acheté un meurtre, les princes des prêtres se
condamnèrent par le témoignage de leur propre conscience ; pour le
prouver l’Évangéliste ajoute : « Les
princes des prêtres, ayant pris l’argent, dirent : ‘Il ne nous est pas permis
de le mettre dans le trésor, parce que c’est le prix du sang’ ». — Saint Jérôme : Voilà bien les gens
qui filtrent et rejettent le moucheron, et qui avalent un chameau. (Mt 23.)
Car s’ils n’osent mettre l’argent dans le trésor, précisément dans la salle
du trésor du temple, avec les offrandes faites à Dieu, sous prétexte qu’il
est le prix du sang, pourquoi n’ont-ils pas horreur de répandre ce sang
lui-même ? — Origène : Ils
jugèrent que le meilleur emploi qu’ils pussent faire de cet argent était de
le consacrer aux morts, parce que c’était le prix du sang. Mais comme il y a
différents lieux de sépultures pour les morts, ils employèrent le prix du
sang de Jésus pour acheter le champ d’un potier, afin d’y ensevelir les
étrangers, qui ne pourraient, suivant leurs désirs, être ensevelis dans les
tombeaux de leurs aïeux : « Et
ayant délibéré là dessus, ils en achetèrent le champ d’un potier pour la
sépulture des étrangers ». — Saint Augustin : (serm. sur la
Cène). Je regarde comme un effet particulier de la providence divine, que le
prix de la vente du Sauveur n’ait pas tourné au profit des pécheurs, mais ait
servi à procurer un lieu de repos aux étrangers, pour montrer que
Jésus-Christ rachetait ainsi les vivants par le sang de sa passion, et qu’il
sauvait aussi les morts au prix du même sang répandu. Le champ du potier est
donc acheté avec le prix du sang du Seigneur. Or, nous lisons dans les
Écritures que le genre humain tout entier a été racheté par le sang du Sauveur.
Par ce champ, il faut donc entendre le monde entier, et ce potier, qui doit
avoir l’empire sur tout l’univers, est celui qui a formé du limon de la terre
les vases de notre corps. C’est le champ de ce potier qui a été acheté avec
le prix du sang de Jésus-Christ pour les étrangers sans famille, sans patrie,
exilés, et errants sur toute la terre, et à qui le sang du Seigneur prépare
un lieu de repos. Ces étrangers sont les chrétiens pleins de dévouement qui,
renonçant au siècle, et ne possédant rien dans le monde, trouvent leur repos
dans le sang de Jésus-Christ, car la sépulture de Jésus-Christ est le vrai
repos du chrétien. « Nous avons
été ensevelis avec lui par le baptême pour la mort du péché », [dit
1’Apôtre " (Rm 6.)] Nous sommes donc des voyageurs en ce monde, et comme
des étrangers sur cette terre. — Saint Jérôme : On peut dire aussi
que nous étions étrangers à la loi et aux prophètes, et que les mauvaises
dispositions des Juifs ont été pour nous une cause de salut. — Origène : Ou
bien, nous appelons ici étrangers, ceux qui demeurent séparés de Dieu jusqu’à
la fin ; car si les justes ont été ensevelis avec Jésus-Christ dans le
sépulcre neuf qui a été taillé dans le roc, ceux qui demeurent jusqu’à la fin
étrangers à Dieu, sont ensevelis dans le champ de ce potier qui façonne la
boue, champ qui a été acheté avec le prix du sang et qui est appelé pour cela
le champ du sang : « C’est
pourquoi ce champ est encore aujourd’hui appelé ‘haceldama’, c’est-à-dire le
champ du sang ». — La Glose : Ce
qu’il faut rapporter au temps où l’Évangéliste écrivait. Il apporte ensuite à
l’appui de ce fait, le témoignage du prophète : « Alors s’accomplit ce qui fut dit par le prophète
Jérémie : ‘Ils ont reçu les trente pièces d’argent, prix de celui qui a
été mis à prix suivant l’appréciation des enfants d’Israël, et ils les ont
données pour en acheter le champ d’un potier, ainsi que me l’a prescrit le
Seigneur’ ». — Saint Jérôme : On ne trouve aucune
trace de cette prophétie dans Jérémie, mais nous lisons quelque chose de
semblable dans Zacharie, le dernier des douze [petits] prophètes (Za 11, 12)
; c’est-à-dire que le sens est à peu près le même, bien que la forme de la
phrase et les expressions soient différentes. — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 3, 7.) Si l’on prétendait s’autoriser de cette difficulté pour
contester l’autorité de l’Évangéliste, nous rappellerions d’abord qu’on ne
lit pas dans tous les exemplaires de l’Évangile, que ces paroles aient été
dites « par le prophète Jérémie »,
mais simplement « par le prophète ».
Toutefois, je ne puis admettre cette solution, car un grand nombre
d’exemplaires, et des plus anciens, portent le nom de Jérémie, et il n’y a
aucune raison qui ait pu faire ajouter ce nom et altérer ainsi le texte. On
explique parfaitement, au contraire, le retranchement de ce nom, en
l’attribuant à une ignorance téméraire, que troublait, peut-être, le passage
en question. Or, il a pu arriver, que tandis que saint Matthieu écrivait son
Évangile, le nom de Jérémie se soit présenté à son esprit à la place de celui
de Zacharie, comme il arrive souvent, erreur qu’il aurait sans aucun doute
corrigée sur l’observation qui a dû lui en être faite de son vivant par les
lecteurs de cet Évangile, s’il n’avait pensé que le nom d’un prophète ne
s’était pas présenté à son esprit pour un autre au moment où il écrivait sous
l’inspiration de l’Esprit saint, sans que Dieu l’eût ainsi voulu. Quelles
sont les raisons de cette conduite ? La première, c’est que Dieu montrait
ainsi que tous les prophètes avaient parlé sous l’inspiration du même esprit,
et que l’accord le plus admirable régnait entre eux ; prodige bien plus
étonnant que si tous les oracles prophétiques avaient été annoncés par un
seul homme, et d’où il résulte que l’on doit considérer toutes les paroles
que l’Esprit saint a prononcées par leur bouche, comme si chacune d’elles
appartenait à tous, et toutes à chacun d’eux. Car, encore aujourd’hui, il
peut arriver qu’une personne, qui veut citer les paroles de quelqu’un, les
cite sous le nom de quelqu’un qui ne les a pas dites, par exemple d’un de ses
amis intimes, et que s’apercevant aussitôt de sa méprise, elle se reprenne,
en ajoutant toutefois : mais j’ai bien dit, parce qu’elle ne considère que la
parfaite union qui existe entre les deux amis. Or, à bien plus forte raison,
on doit raisonner ainsi des saints prophètes. Il y a encore une autre raison
pour laquelle l’Esprit saint a permis, ou plutôt a voulu positivement que le
nom de Jérémie fut conservé à la place de celui de Zacharie. On lit dans
Jérémie (Jr 33) qu’il acheta un champ au fils de son frère, et qu’il lui en
donna l’argent, mais non pas le même prix des trente pièces d’argent qui se
trouve indiqué dans Zacharie (Jr 32, 9). Or, il est évident que l’Évangéliste
a voulu appliquer la prophétie des trente pièces d’argent à ce fait qui vient
de s’accomplir dans la personne du Seigneur. Mais on peut voir aussi au sens
spirituel une preuve que la prophétie de Jérémie, à l’occasion du champ qu’il
achète, s’applique au même événement, dans le nom de Jérémie qui parle du
champ acheté, mis à la place du nom de Zacharie qui précise les trente pièces
d’argent. Le dessein de Dieu en cela, est que celui qui lit l’Évangile, et
qui, en voyant cité Jérémie, n’y trouve cependant rien des trente pièces
d’argent, mais seulement ce qui concerne le champ qu’il achète, soit amené à
comparer les deux prophètes, et à éclaircir le vrai sens de la prophétie en
l’appliquant à ce qui s’est accompli dans la personne du Seigneur. Quant à ce
que saint Matthieu ajoute à ces paroles, quand il dit : « Suivant l’appréciation des enfants
d’Israël, et ils les donnèrent pour le champ du potier comme le Seigneur l’a
ordonné », on ne le trouve ni dans Jérémie ni dans Zacharie. D’où
nous devons conclure que c’est l’Évangéliste lui-même qui a fait cette
addition dans un sens spirituel, parce qu’il connaissait, par une révélation
divine, que cette prophétie s’appliquait au prix que Jésus-Christ a été
vendu. — Saint Jérôme : (de la
meilleure méthode d’interp. Lettre 51.) Loin de nous la pensée qu’on puisse
accuser d’erreur un fidèle compagnon de Jésus-Christ, qui se préoccupa bien
plus du sens dogmatique, que des mots et des syllabes. — Saint Jérôme : (sur S. Matth,) J’ai lu dernièrement dans un texte hébreu apocryphe de Jérémie, qu’un juif de la secte des Nazaréens m’avait procuré, et j’y ai trouvé la reproduction littérale de cette citation. Mais il me paraît plus vraisemblable qu’elle a été empruntée au prophète Zacharie, selon la coutume des Évangélistes et des prophètes qui, sans tenir compte de la suite des paroles, ne citent que le sens de l’Ancien Testament à l’appui des faits qu’ils racontent. |
Lectio 3 [85605] Catena in Mt., cap. 27 l. 3 Augustinus
de Cons. Evang. Finitis his quae Matthaeus de Iuda proditore interposuit,
ad ordinem narrationis revertitur, dicens Iesus autem stetit ante praesidem.
Origenes in Matth. Iudex totius creaturae
constitutus a patre vide quantum se humiliavit, ut acquiesceret stare ante
iudicem tunc terrae Iudaeae; et interrogatus est interrogationem, quam
forsitan deridens, aut dubitans Pilatus interrogat; unde sequitur et
interrogavit eum praeses, dicens: tu es rex Iudaeorum? Chrysostomus in Matth. Id Origenes in Matth. Vel pronuntiative hoc
dixit Chrysostomus in Matth. Confessus est se esse
regem, sed caelestem, ut in alio Evangelio manifestius legitur: regnum meum,
inquit Ioannes, non est de hoc mundo, ut neque Iudaei, neque Pilatus
excusationem habeant, huic accusationi insistentes. Hilarius in Matth. Vel interroganti pontifici
an ipse esset Iesus Christus, dixerat tu dixisti, quia semper futurum
Christum ex lege ipse dixisset; huic vero legis ignaro interroganti, an ipse
esset rex Iudaeorum, dicitur tu dicis, quia per fidem praesentis confessionis
salus gentium est. Hieronymus. Attende autem quod Pilato, qui
invitus promebat sententiam, aliqua ex parte respondit; sacerdotibus autem et
principibus sacerdotum respondere noluit, indignos eos suo sermone iudicans:
unde sequitur et cum accusaretur a principibus sacerdotum et senioribus,
nihil respondit. Augustinus de Cons. Evang. Lucas autem ipsa
crimina, quae accusantes obiecerunt, aperuit: dicit enim: coeperunt illum
accusare, dicentes: hunc invenimus subvertentem gentem nostram, et
prohibentem tributa dari Caesari, et dicentem se Christum regem esse. Nihil autem interest ad veritatem quo ordine ista retulerint, sicut
nihil interest si alius aliquid tacet quod alius commemorat. Origenes in Matth. Accusatus
autem Iesus, sicut tunc illis nihil respondit, sic nec modo: non fit enim eis
verbum Dei, sicut aliquando factum fuerat ad prophetas; sed neque dignum erat
ut Pilato interroganti responderet, qui non habebat permanens et firmum de
Christo iudicium, sed ad contraria trahebatur; unde sequitur tunc dixit ei
Pilatus: non audis quanta adversum te dicunt testimonia? Hieronymus. Gentilis quidem est qui condemnat
Iesum; sed causam refert in populum Iudaeorum. Chrysostomus in Matth. Ideo autem hoc dicebat,
quia volebat eum liberare dum se excusando responderet. Sequitur et non
respondit ei ad ullum verbum, ita ut miraretur praeses vehementer. Quia enim
multas habentes demonstrationes ex ipsis rebus, virtutis et mansuetudinis
eius et humilitatis, tamen in ipsum indignabantur, et perverso iudicio
agebantur contra ipsum; propter hoc nihil respondet, et si aliquando
respondet, brevia quidem dicit, ne continua taciturnitate pertinaciae opinio
de ipso accipiatur. Hieronymus. Vel ideo Iesus nihil respondere
voluit, ne crimen diluens dimitteretur a praeside, et crucis utilitas
differretur. Origenes in Matth. Miratus est autem praeses
constantiam eius: forsitan sciens, quod idoneus esset pronuntiare crimen, et
tamen videbat eum in tranquilla et quieta sapientia, et gravitate non
turbabili stare. Sed vehementer miratur: dignum enim ei videbatur magno
miraculo ut exhibitus Christus ad criminale iudicium, imperturbabilis staret
ante mortem, quae apud omnes homines terribilis aestimatur. |
Versets
11-14.
— Saint Augustin : (de l’accord des Evang., 7 et 8.) Après avoir achevé de raconter ce qui concerne le traître Judas, saint Matthieu reprend la suite de son récit : « Or, Jésus comparut devant le gouverneur ». — Origène : Considérez
combien celui que Dieu le Père a établi le juge de toute créature, s’est
humilié en consentant à comparaître devant un homme qui était alors un simple
juge de la terre de Judée, et à s’entendre adresser une question que Pilate
lui fait pour se moquer de lui, ou sans croire à la vérité qu’elle contient. « Et le gouverneur l’interrogea en
ces termes : ‘Êtes-vous le roi des Juifs ?’ ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
Pilate interroge Jésus sur ce qui était le sujet continuel des récriminations
de ses ennemis ; car comme ils savaient que Pilate n’avait nul souci des
questions purement légales, ils formulent contre lui une accusation en
matière politique. — Origène : Ou
bien, la proposition de Pilate est affirmative, et c’est ce qui lui fit écrire
au-dessus de sa croix : « Roi des Juifs ». (Jn 18) Or, en répondant
au prince des prêtres : « Vous
l’avez dit », Jésus avait condamné indirectement le doute exprimé
par sa question, tandis qu’il se contente de confirmer la proposition de
Pilate par ces paroles : « Vous le
dites ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
Jésus confesse qu’il est roi, mais roi du ciel, comme nous le lisons plus
clairement dans un autre évangile : « Mon
royaume, dit-il, n’est pas de ce
monde » (Jn 18), afin que Pilate et les Juifs soient inexcusables
d’insister sur ce chef d’accusation. — Saint Hilaire : Ou bien, lorsque le
grand-prêtre lui a demandé s’il était le Christ, il lui a répondu « Vous l’avez dit », parce
qu’il avait dû apprendre de la loi que le Christ demeurait éternellement (Jn
12, 34 ; Ps 109 ; 116 ; Is 10, 9), mais ici que cette même question : « Êtes-vous le roi des Juifs ? »
lui est faite par un homme qui ne connaît pas la loi, il lui répond : « Vous le dites », parce que
c’est par la foi de leur confession actuelle que les Gentils obtiennent le
salut. — Saint Jérôme : Remarquez que Jésus
satisfait en partie à la question de Pilate qui le jugeait malgré lui, tandis
qu’il garde un silence absolu devant les anciens et les princes des prêtres
qu’il regarde comme indignes de toute parole de sa part : « Et comme les princes des prêtres et
les anciens l’accusaient, il ne répondit rien ». — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 2, 8.) Saint Luc nous apprend quels sont les crimes dont ils
l’accusèrent. « Et ils
commencèrent à l’accuser en disant : ‘Nous avons trouvé cet homme qui
pervertissait le peuple, qui empêchait de payer le tribut à César, et qui se
disait le Christ roi’ ». Il importe peu à la vérité des faits qu’ils
soient rapportés dans un ordre plutôt que dans un autre, ou qu’un Évangéliste
passe sous silence ce que l’autre raconte. — Origène : A
ces nouvelles accusations, Jésus ne répond pas plus qu’il n’a fait à la
première ; car la parole de Dieu ne devait plus se faire entendre aux Juifs
comme elle s’était autrefois révélée par le moyen des prophètes. D’ailleurs,
Pilate lui-même n’était pas digne de réponse, lui qui n’avait point d’opinion
constante et arrêtée sur la personne de Jésus-Christ, mais qui se laissait
entraîner aux idées les plus opposées. « Alors
Pilate lui dit : Vous n’entendez pas combien de témoignages ils portent
contre vous ? ». — Saint Jérôme : Celui qui condamne
ainsi Jésus-Christ est un païen, mais il en fait retomber la responsabilité
sur le peuple juif. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.) Or, il parlait de la sorte, parce qu’il voulait le libérer, en profitant d’une réponse qui l’aurait justifié. « Mais Jésus ne répondit à aucun de ces griefs, de sorte que le gouverneur en était dans l’étonnement ». Malgré tant de preuves évidentes qu’ils avaient de sa puissance, de sa douceur et de son humilité, ils ne laissent pas de conspirer contre lui, et de l’accabler sous le poids de leurs injustes accusations. C’est pour cela qu’il ne leur répond rien, ou s’il leur répond quelquefois, c’est en peu de mots, et pour qu’on ne put qualifier d’opiniâtreté son silence absolu. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Ou bien, Jésus ne voulut rien
répondre, dans la crainte qu’en se justifiant, il ne fût mis hors de cause
par le gouverneur, et que les biens [immenses] que la croix devait produire,
ne fussent ainsi différés. — Origène : Or, le gouverneur s’étonne de la constance de Jésus, lui qui savait, peut-être, qu’il avait le pouvoir de le condamner à mort, et qui le voyait tranquille, calme dans la sagesse, et d’une dignité que rien ne pouvait troubler. Voilà ce qui l’étonne grandement, car il regardait comme un prodige surprenant que Jésus, sous le coup d’une sentence capitale, fût sans crainte et sans trouble devant la mort, qui inspire à tous les hommes une si grande terreur. |
Lectio 4 [85606] Catena in Mt.,
cap. 27 l. 4 Chrysostomus in Matth. Quia Christus ad
accusationes Iudaeorum nihil responderat, per quod posset eum Pilatus ab
accusationibus Iudaeorum excusatum habere, aliud machinatur per quod eum
liberare possit; unde dicitur per diem autem solemnem consueverat praeses
dimittere populo vinctum unum quem voluissent. Origenes in Matth. Sic enim quasdam
gratias praestant gentes eis quos subiciunt sibi, donec confirmetur super eos
iugum ipsorum; tamen consuetudo haec aliquando fuit apud Iudaeos: Saul enim
non interfecit Ionatham, omni populo petente eum ad vitam. Chrysostomus in Matth. Per hanc autem
consuetudinem Christum eripere tentavit, ut neque umbram excusationis Iudaei
sibi derelinquant. Manifestus homicida in comparatione Christi
adducitur, de quo sequitur habebat autem tunc vinctum insignem, qui dicebatur
Barabbas. Non simpliciter dicit latronem, sed insignem, hoc est in malitia
diffamatum. Hieronymus. Iste Barabbas in Evangelio quod
inscribitur iuxta Hebraeos, filius magistri eorum interpretatur, qui propter
seditionem et homicidium fuerat condemnatus. Offert autem optionem eis
Pilatus dimittendi quem vellent, latronem an Iesum, non dubitans Iesum potius
eligendum; unde sequitur congregatis autem illis, dixit Pilatus: quem vultis
dimittam vobis: Barabbam, an Iesum qui dicitur Christus? Chrysostomus in
Matth. Quasi dicat: si non vultis sicut innocentem dimittere, saltem
condemnatum festivitati donetis. Si enim oportebat in peccatis manifestis
existentem dimittere, multo magis in dubiis. Vide autem ordinem conversum.
Petitio pro condemnatis solet esse plebis, concessio autem principis; nunc
autem contrarium gestum est: princeps enim petit a plebe, et plebs ferocior
redditur. Glossa. Quare autem Pilatus ad liberationem
Christi laboravit, manifestat Evangelista cum subdit sciebat enim quod per
invidiam tradidissent eum. Remigius. Quae autem invidia fuerit, Ioannes
manifestat, qui narrat eos dixisse: ecce mundus totus post eum vadit, et si
dimittimus eum sic, omnes credent in eum. Notandum etiam, quia loco eius quod
Matthaeus dicit an Iesum qui dicitur Christus? Marcus dicit: vultis dimittam
vobis regem Iudaeorum? Soli namque reges Iudaeorum ungebantur, et ab ipsa
unctione, Christi vocabantur. Chrysostomus in Matth. Deinde subditur aliud
quod sufficiens erat omnes a passione revocare; sequitur enim sedente autem
illo pro tribunali, misit ad eum uxor eius dicens: nihil tibi et iusto illi.
Cum demonstratione enim quae erat a rebus et somnus non parvum quid erat.
Rabanus. Notandum vero, quia tribunal sedes
est iudicis, solium regum, cathedrae magistrorum. In visionibus autem et
somniis gentilis viri uxor hoc intellexit quod Iudaei vigilantes nec credere,
nec intelligere voluerunt. Hieronymus. Nota etiam, quod gentilibus saepe
a Deo somnia revelantur, et quod in Pilato et uxore eius iustum dominum
confitentibus gentilis populi testimonium sit. Chrysostomus in Matth. Sed cuius gratia
non ipse Augustinus in Serm. de passione. Sic ergo
iudex terretur in coniuge: et ut crimini Iudaeorum non praebeat in iudicio
consensum, pertulit in uxoris afflictione iudicium: iudicatur ipse qui
iudicat, et torquetur antequam torqueat. Rabanus. Vel aliter. Nunc demum Diabolus
intelligens per Christum se spolia sua amissurum, sicut primum per mulierem
mortem intulerat, ita per mulierem vult Christum de manibus Iudaeorum
liberare, ne per eius mortem mortis amittat imperium. Chrysostomus in Matth. Nihil autem
praemissorum Christi adversarios movit, quia eos omnino invidia excaecaverat:
unde ex propria malitia plebem corrumpunt: et hoc est quod sequitur principes
autem sacerdotum, et seniores persuaserunt populo ut peterent Barabbam, Iesum
vero perderent. Origenes in Matth. Et est videre nunc quomodo
populus Iudaeorum a senioribus suis et Iudaicae culturae doctoribus suadetur,
et excitatur adversus Iesum, ut perdant eum. Sequitur respondens autem
praeses ait illis: quem vultis de duobus dimitti? Glossa. Respondisse autem dicitur Pilatus haec
dicens, sive ad ea quae uxor nuntiaverat, sive ad petitionem populi, qui
iuxta consuetudinem aliquem in die festo sibi dimitti petebat. Origenes in Matth. Turbae autem quasi ferae,
quae spatiosam ambulant viam, voluerunt sibi Barabbam habere solutum: unde
subditur at illi dixerunt: Barabbam. Ideo gens illa habet seditiones et
homicidia et latrocinia, secundum quosdam gentis suae, in rebus quae foris
habentur, secundum autem omnes, intus in anima. Ubi enim non est Iesus, illic
lites et praelia sunt; ubi autem est, ibi sunt omnia bona et pax. Omnes etiam
qui Iudaeis sunt similes, vel in dogmate, vel in vita, Barabbam sibi solvi
desiderant: quicumque enim mala agit, solutus est in corpore eius Barabbas,
Christus autem vinctus; qui autem bona agit, Christum habet solutum, Barabbam
vinctum. Voluit autem Pilatus pudorem tantae iniquitatis eis incurrere; unde
sequitur dicit illis Pilatus: quid igitur faciam de Iesu qui dicitur
Christus? Non solum autem hoc, sed et mensuram colligere volens impietatis
eorum. Illi autem nec hoc erubescunt, quod Pilatus Iesum Christum esse
confitebatur, nec modum impietatis servant, unde sequitur dicunt omnes:
crucifigatur; in quo multiplicaverunt impietatis suae mensuram, non solum
homicidam postulantes ad vitam, sed etiam iustum ad mortem, et ad mortem
turpissimam crucis. Rabanus. Pendentes siquidem in ligno
crucifixi, clavibus ad lignum pedibus manibusque confixi, producta morte
necabantur, et diu vivebant in cruce, non quia longior vita eligebatur, sed
quia mors ipsa protendebatur, ne dolor citius finiretur. Verum Iudaei de
morte pessima cogitabant, sed a domino, non intelligentibus eis, electa erat;
ipsam enim crucem Diabolo superato erat tamquam trophaeum in frontibus
fidelium positurus. Hieronymus. Cum autem hoc responderent, non
statim acquievit, sed iuxta suggestionem uxoris, quae mandaverat nihil tibi
et iusto illi, ipse quoque respondit; unde sequitur ait illis praeses: quid
enim mali fecit? Hoc dicendo Pilatus, absolvit Iesum. Sequitur at illi magis
clamabant dicentes: crucifigatur, ut impleretur quod in Psalmo 21, 17
dicitur: circumdederunt me canes multi, congregatio malignantium obsedit me:
et illud Ieremiae: facta est mihi hereditas mea sicut leo in silva; dederunt
super me vocem suam. Augustinus de Cons. Evang. Saepius autem
Pilatus cum Iudaeis egit, volens ut dimitteretur Iesus: quod paucissimis
verbis testatur Matthaeus cum subdit videns Pilatus quia nihil proficiebat,
sed magis tumultus fieret: quod non diceret, nisi multum ille conatus
fuisset, quamvis tacuerit quoties hoc tentavit ut erueret Iesum furori eorum.
Sequitur accepta aqua, lavit manus coram populo, dicens: innocens ego sum a
sanguine iusti huius. Remigius. Mos enim erat apud antiquos ut cum
vellet quis se ostendere immunem ab aliquo crimine, accepta aqua, lavaret
manus suas coram populo. Hieronymus. Pilatus ergo accepit aquam iuxta
illud propheticum: lavabo inter innocentes manus meas, quodammodo in hoc
contestans, et dicens: ego quidem innocentem volui liberare, sed quoniam
seditio oritur, et rebellionis mihi contra Caesarem crimen impingitur,
innocens sum a sanguine iusti huius. Iudex ergo qui cogitur contra dominum
ferre sententiam, non damnat oblatum, sed arguit offerentes, iustum esse
pronuntians eum qui crucifigendus est. Sequitur vos videritis, quasi dicat:
ego minister legum sum, vox vestra sanguinem fundit. Sequitur et respondens
universus populus dixit: sanguis eius super nos, et super filios nostros.
Perseverat usque in praesentem diem haec imprecatio super Iudaeos, et sanguis
domini non aufertur ab eis. Chrysostomus in Matth. Intuere autem et hic
Iudaeorum multam insaniam: eorum enim impetus et perniciosa concupiscentia
non permittit eos quae oportet, inspicere, et sibi maledicunt dicentes
sanguis eius super nos; quin et ad filios maledictionem attrahunt, dicentes
super filios nostros. Sed tamen misericors Deus eorum sententiam non
firmavit; sed ex eis et eorum filiis suscepit qui poenitentiam egerunt:
etenim et Paulus ex ipsis fuit et multa millia eorum qui in Hierosolymis
crediderunt. Leo Papa in Serm. 8 de passione. Excessit ergo
Pilati culpam facinus Iudaeorum; sed ipse evasit reatum, qui reliquit
proprium iudicium, et in crimen transivit alienum; sequitur enim tunc dimisit
illis Barabbam, Iesum autem flagellatum tradidit eis, ut crucifigeretur. Hieronymus. Sciendum est autem Pilatum Romanis
legibus ministrasse, quibus sancitum est ut qui crucifigitur, prius flagellis
verberetur. Traditur igitur Iesus militibus verberandus, et illud
sanctissimum corpus pectusque Dei capax flagellis secuerunt. Augustinus in Serm. de Pass. Ecce dominus
aptatur ad verbera, ecce iam caeditur: rupit sanctam cutem violentia
flagellorum; repetitis ictibus crudelia verbera scapularum terga conscindunt.
Proh dolor. Iacet extensus ante hominem Deus, et supplicium patitur rei in
quo nullum peccati vestigium potuit inveniri. Hieronymus. Hoc autem factum est ut, quia
scriptum erat: multa flagella peccatorum, illo flagello nos a verberibus
liberemur. In lavacro etiam manuum Pilati, gentilium omnia opera purgantur,
et ab impietate Iudaeorum nos alieni efficimur. Hilarius in Matth. Hortantibus autem
sacerdotibus populus Barabbam elegit, qui interpretatur patris filius, in quo
arcanum futurae infidelitatis ostenditur, Christo Antichristum peccati filium
praeferendo. Rabanus. Barabbas etiam, qui seditiones
faciebat in turbis, dimissus est populo Iudaeorum, idest Diabolus, qui usque
hodie regnat in eis; et idcirco pacem habere non possunt. |
Versets
15-25.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
Comme Jésus n’avait répondu aux accusations des Juifs rien qui permît à
Pilate de le renvoyer déchargé des crimes qu’on lui reprochait, il a recours
à un autre expédient pour le délivrer. « Or,
le gouverneur avait coutume au jour de la fête de Pâques d’accorder au peuple
la délivrance de celui des prisonniers qu’il demandait ». — Origène : C’est
ainsi que les gouvernements accordent quelques grâces aux nations qu’ils ont
conquises, jusqu’à ce qu’ils les aient complètement assujetties à leur joug.
Cependant cette coutume existait autrefois chez les Juifs ; car nous voyons
Saül acquiescer à la demande qui lui est faite par tout le peuple, de ne pas
faire mettre à mort son fils Jonathas. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
Pilate voulut profiter de cette coutume pour essayer de délivrer
Jésus-Christ, et pour ne pas laisser aux Juifs l’ombre même d’excuse, il met
en parallèle avec Jésus un homicide déclaré. « Il y avait alors un criminel fameux, nommé Barrabas ». L’Évangéliste ne se contente pas de le
qualifier de voleur, mais il l’appelle un voleur insigne, c’est-à-dire connu
par sa scélératesse. — Saint Jérôme : Barrabas, d’après
l’Évangile selon les Hébreux, veut dire le fils de leur maître, et il avait
été condamné pour cause d’homicide et de sédition. Or, Pilate leur offre de
délivrer, à leur choix, ce brigand ou Jésus, ne doutant pas qu’ils ne
choisissent Jésus. « Les ayant
donc assemblés, Pilate leur dit : ’Lequel voulez-vous que je vous délivre de
Barrabas ou de Jésus qui est appelé Christ ?’ » — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86).
C’est comme s’il leur disait : Si vous ne voulez pas l’absoudre comme
innocent, du moins graciez-le comme coupable à l’occasion de cette grande
fête ; en effet, ils auraient dû le délivrer malgré des crimes manifestes, à
combien plus forte raison devant des accusations aussi peu fondées. Mais
voyez comme les choses sont renversées ; c’est le peuple qui ordinairement
demande la grâce des condamnés, et le prince qui la leur accorde ; ici, c’est
le contraire qui arrive ; le prince fait cette demande au peuple, et le
peuple n’en devient que plus acharné. — La Glose : L’Évangéliste
nous apprend pourquoi Pilate travaillait à délivrer le Seigneur : « Car il savait que c’était par envie
qu’ils l’avaient livré ». — Saint Rémi : Saint Jean nous fait
connaître la cause de cette envie, en nous racontant ce qu’ils se disaient
entre eux : « Voici que tout le
monde le suit, et si nous le laissons ainsi, tous finiront par croire eu lui »
(Jn 11). Il faut remarquer qu’au lieu de ce que nous lisons dans saint
Matthieu : « ou Jésus qui est
appelé Christ ? » Saint Marc dit : « Voulez-vous que je vous délivre le roi des Juifs ? »
Car les rois des Juifs seuls recevaient l’onction, et le nom de Christ à
cause de cette onction. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
L’Évangéliste ajoute une autre circonstance qui aurait dû les rappeler tous à
des sentiments plus modérés : « Et
pendant qu’il siégeait sur son tribunal, sa femme lui envoya dire : ‘Ne vous
embarrassez pas dans l’affaire de ce juste’ », et le songe de cette
femme vient ajouter un grand poids aux preuves de faits déjà si imposants. — Raban : Remarquons que le tribunal est le siège des juges, le
trône, celui des rois, et la chaire celui des docteurs. Or, la femme d’un
païen comprit dans un songe et dans une vision, ce que les Juifs ne voulurent
ni croire ni comprendre en plein jour. — Saint Jérôme : Il faut
observer aussi que Dieu s’est souvent servi de songes pour révéler la vérité
aux Gentils, et que Pilate et sa femme, confessant l’innocence du Seigneur,
personnifient en eux le témoignage rendu à Jésus-Christ par les Gentils. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
Mais pourquoi n’était-ce point à Pilate lui-même que ce songe fut envoyé ?
Parce que sa femme en était plus digne que lui, ou bien, parce qu’on aurait
cru moins facilement Pilate, ou bien enfin, parce qu’il n’en aurait point
parlé. C’est donc par un dessein particulier de Dieu qu’une femme a eu cette
vision dans un songe, pour qu’elle arrivât à la connaissance de tous. Et non seulement
elle a cette vision, mais elle en est étrangement tourmentée : « J’ai beaucoup souffert aujourd’hui dans
un songe à cause de lui ». Dieu le permet ainsi, afin que
l’affection de Pilate pour sa femme le détournât de consentir à la mort de
Jésus. L’heure même où cette vision avait eu lieu venait encore à l’appui,
car c’était cette nuit là même. — Saint Augustin : C’est ainsi que
Dieu épouvante le juge dans la personne de sa femme, et afin qu’il ne se
rende point, par sa sentence, complice du crime des Juifs, il trouve son
propre jugement dans les inquiétudes de sa femme ; il est jugé, lui qui a le
pouvoir de juger, et il souffre le premier avant qu’il en fasse souffrir un
autre. — Raban : Ou bien dans un autre sens, le démon comprend enfin que
Jésus-Christ va lui arracher ses dépouilles, il reprend donc le plan qu’il
avait suivi dès le commencement, en introduisant la mort dans le monde par
une femme, et il veut encore, par l’entremise d’une autre femme, arracher
Jésus des mains des Juifs pour ne point perdre, par sa mort, l’empire de la
mort qu’il avait sur tous les hommes. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
Tant de motifs réunis ne peuvent fléchir les ennemis du Seigneur, parce que
l’envie les avait complètement aveuglés. Aussi cherchent-ils à corrompre le
peuple en le rendant complice de leur propre méchanceté : « Mais
les princes des prêtres et les anciens persuadèrent au peuple de demander
Barrabas, et de faire périr Jésus. — Origène : Voyons
donc maintenant comment le peuple juif se laisse persuader par les anciens et
par les docteurs de la loi, et entraîner à concourir à la mort de Jésus. « Le gouverneur donc, reprenant la
parole, leur dit : Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre ? » — La Glose : L’Évangéliste
dit ici que Pilate répondit, parce qu’il a pu répondre, en effet, soit à
l’avertissement que sa femme lui avait donné, soit à la demande du peuple qui
voulait, selon l’usage, qu’on lui délivrât quelqu’un dans ce jour de fête. — Origène : Or,
la foule, comme une troupe de bêtes féroces qui suivent la voie large,
demanda qu’on lui délivrât Barrabas : « Et
ils répondirent : Barrabas ». Voilà pourquoi cette nation est
déchirée par des séditions, des homicides, des brigandages, crimes que
plusieurs de ses enfants commettent extérieurement, et dont tous se rendent
coupables dans leur âme. Car là où Jésus n’est pas, il n’y a que disputes et
combats ; là, au contraire, où il est, se trouvent tous les biens et la paix.
Tous ceux encore qui sont semblables aux Juifs, ou dans leurs idées ou dans
leur vie, veulent la délivrance de Barrabas ; car tout homme qui fait le mal,
délivre en lui-même Barrabas, et y tient Jésus captif ; celui au contraire
qui fait le bien, a dans son âme Jésus-Christ libre de tout lien, et y tient
Barrabas enchaîné. Pilate, cependant, voulut leur inspirer la honte d’une si
flagrante injustice : « Et il leur
dit : Que ferai-je donc de Jésus qui est appelé Christ ? » Ce n’est
pas pour ce seul motif qu’il leur fait cette question, mais pour voir
jusqu’où irait leur cruelle impiété. Or, ils ne rougissent pas d’entendre
Pilate proclamer que Jésus est le Christ, et ils ne mettent plus de bornes à
leur sacrilège : « Ils s’écrièrent
tous : Qu’il soit crucifié ». Ils comblent ainsi la mesure de leurs
crimes, non seulement en demandant la vie d’un homicide, mais encore en
demandant la mort d’un juste et la mort ignominieuse de la croix (Sg 2, 20). — Raban : Les crucifiés, attachés au bois de la croix par des clous
qui leur traversaient les pieds et les mains, mouraient d’une mort prolongée,
et vivaient longtemps encore sur la croix. Ce n’était pas, toutefois, pour
prolonger leur vie, mais pour retarder leur mort, afin que leur souffrance ne
cesse pas trop vite, [qu’on leur infligeait ce supplice]. Mais les Juifs ne
pensaient qu’à faire subir à Jésus la mort la plus honteuse, mais c’était,
sans qu’ils le comprennent, le genre de mort que le Seigneur avait lui-même
choisie ; car il devait placer la croix elle-même sur le front des fidèles
comme le trophée de sa victoire sur le démon. — Saint Jérôme : Pilate ne se rend
pas encore à cette réponse des Juifs, mais sous l’impression de
l’avertissement que sa femme lui a donné : « Qu’il n’y ait rien entre vous et ce juste », il
insiste de nouveau. « Le
gouverneur lui dit : Mais quel mal a-t-il fait ? » Pilate décharge
ainsi Jésus de toute accusation. « Mais
ils se mirent à crier encore plus fort : Qu’il soit crucifié »,
accomplissant ainsi ce qui est dit au Psaume XXI, 17 : « Un grand nombre de chiens m’ont
environné ; l’assemblée des méchants m’a assiégé » (Ps 20), et cette
autre de Jérémie : « Ceux qui
étaient mon héritage, sont devenus pour moi comme le lion dans la forêt, ils
ont élevé leur voix contre moi »
(Jr 12). — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 3, 8.) Pilate traita longtemps avec les Juifs, dans le désir de
délivrer Jésus, ce que saint Matthieu nous indique en ces quelques mots : « Pilate, voyant qu’il ne gagnait
rien, mais que le tumulte ne faisait qu’augmenter », ce que Pilate n’aurait
pas dit s’il n’avait fait les plus grands efforts (bien que l’Évangéliste
n’entre pas dans le détail) pour arracher Jésus à leur fureur. « Il prit de l’eau, et se lava les
mains devant le peuple en disant : Je suis innocent du sang de ce juste ». — Saint Rémi : C’était la coutume
chez les anciens, quand un homme voulait prouver qu’il était innocent d’un
crime, qu’il se fit apporter de l’eau et se lavât les mains devant le peuple.
— Saint Jérôme : Pilate se fit
apporter de l’eau conformément à ces autres paroles du prophète : « Je laverai mes mains parmi les
innocents », et il semble
dire par là à haute voix : « Pour moi, j’ai voulu délivrer
l’innocent, mais comme une sédition est prête d’éclater, et qu’on veut
m’accuser du crime de haute trahison contre César, je suis innocent du sang
de ce juste ». Ainsi ce juge, que l’on force de rendre une sentence [de
mort] contre le Seigneur, ne condamne point celui qui lui est présenté, mais
il confond ceux qui l’amènent devant son tribunal, en proclamant l’innocence
de celui qu’ils veulent crucifier. Il ajoute : « A vous d’en répondre », c’est-à-dire : Je suis
l’exécuteur des lois, mais c’est votre voix qui répand le sang innocent : « Et tout le peuple répondit : Que
son sang soit sur nous et sur nos enfants ». Cette imprécation pèse
encore aujourd’hui sur les Juifs, et le sang du Seigneur s’attache à eux
jusqu’à ce jour. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 86.)
Considérez d’ailleurs jusqu’où va la fureur insensée des Juifs ; leur
impiété, et la funeste passion de l’envie qui les domine, ne leur permet plus
de voir leurs plus chers intérêts, ils se dévouent eux-mêmes à la malédiction
en s’écriant : « Que son sang soit
sur nous », et ils appellent cette malédiction jusque sur leurs
enfants : « et sur nos enfants ».
Cependant le Dieu plein de miséricorde n’a pas ratifié entièrement leur
jugement ; car il en a choisi parmi eux et parmi leurs enfants qui ont fait
pénitence, un Paul par exemple, et ces milliers de Juifs qui embrassèrent la
foi dans la ville de Jérusalem (Ac 2, 41 ; 4, 4). — Saint Léon le Grand : (serm. 8 sur
la passion.) Le crime des Juifs surpasse de beaucoup la faute de Pilate, mais
il ne laisse pas toutefois d’être coupable, lui qui sacrifie ses convictions
personnelles pour se rendre complice du crime d’autrui : « Alors il leur accorda la délivrance de Barrabas, et après
avoir fait flageller Jésus, il le leur livra pour être crucifié ». — Saint Jérôme : Il faut savoir que Pilate
ne fit en cela qu’exécuter la loi romaine, qui ordonnait de flageller d’abord
celui qui devait être crucifié. Jésus fut donc livré aux soldats pour être
flagellé, et les coups de fouets déchirèrent le corps si saint, et cette
poitrine où Dieu reposait. — Saint Augustin : Voici qu’on
s’apprête à flageller le Seigneur, voici qu’on le frappe, sa peau sacrée se
déchire sous la violence des coups de fouets, et ces coups, que la cruauté
multiplie, laissent sur ses épaules leurs traces sanglantes. O douleur ! Un
Dieu est là étendu devant l’homme, et il souffre le châtiment [des vils
criminels], lui en qui on n’a pu trouver aucune trace de péché. — Saint Jérôme : Or, tout cela s’est
fait, parce qu’il est écrit : « De
nombreux coups de fouets sont réservés aux pécheurs » (Ps 31), et
que cette flagellation nous en délivre. Pilate, en se lavant les mains,
proclame que les oeuvres des Gentils sont purifiées, et que nous devenons
étrangers à l’impiété des Juifs. — Saint Hilaire : (can. 33.) A
l’instigation des prêtres, le peuple choisit Barrabas, dont le nom signifie
le fils du père. Ce nom est une prophétie de la future infidélité des Juifs,
qui préféreront à Jésus-Christ, l’antéchrist le fils du péché. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Barrabas, l’homme qui excitait des séditions dans la foule, et qui est délivré à la demande des Juifs, est la figure du démon qui règne jusqu’à présent sur eux, et leur rend ainsi toute paix impossible. |
Lectio 5 [85607] Catena in Mt., cap. 27 l. 5 Augustinus
de Cons. Evang. Post accusationes Christi, consequens est ut ipsam domini
passionem videamus, quam Matthaeus sic incipit: tunc milites praesidis suscipientes
Iesum in praetorio, congregaverunt ad eum universam cohortem. Hieronymus. Quia enim rex Iudaeorum fuerat
appellatus, et hoc ei Scribae et sacerdotes crimen obiecerant, quod sibi in
populo Israel usurparet imperium, illudentes hoc faciunt, ut nudatum
pristinis vestibus induant chlamydem coccineam pro rufo linteo, quo reges
veteres utebantur, et pro diademate imponant ei coronam spineam, pro sceptro
regali dent calamum, et adorent quasi regem; et hoc est quod subditur et
exuentes eum, chlamydem coccineam circumdederunt ei, et plectentes coronam de
spinis posuerunt super caput eius. Augustinus de Cons. Evang. Per hoc autem
intelligitur Marcum dixisse indutum purpura. Pro regia enim purpura chlamys
illa coccinea ab illudentibus adhibita erat; et est rubra quaedam purpura
cocco simillima. Potest etiam fieri ut purpuram etiam Marcus commemoraverit,
quam chlamys habebat, quamvis esset coccinea. Chrysostomus in Matth. Quae igitur erit nobis
cura de reliquo, si contumelias ab alieno patiamur, postquam Christus hoc
passus est? Etenim quod fiebat in Christum, ultimus terminus contumeliae
erat; nec una particula tantum, sed universum corpus patiebatur iniurias:
caput per coronam et arundinem et colaphos; facies, quia conspuebatur; genae,
quia alapis caedebantur; corpus totum per flagella, et quia denudatum est per
circumdationem chlamydis, et per fictam adorationem; manus per arundinem,
quam dederunt ei pro sceptro; ac si timerent ne aliquid praetermitterent
gravissimae praesumptio-nis. Augustinus de Cons. Evang. Apparet autem
Matthaeum recapitulando ista commemorasse, non quod tunc factum sit cum eum
Pilatus crucifigendum tradidisset. Ioannes enim antequam quam diceret quod
eum Pilatus crucifigendum tradiderit, ista commemoravit. Hieronymus. Nos autem omnia haec intelligamus
mystice. Quomodo enim Caiphas dixit: oportet unum hominem mori pro omnibus,
nesciens quid diceret; sic et isti quodcumque fecerunt, licet alia mente
fecerint, tamen nobis qui credimus, sacramenta tribuebant. In chlamyde coccinea, opera gentium cruenta sustentat; in corona
spinea maledictum solvit antiquum; in calamo venenata occidit animalia; sive
calamum tenebat in manu, ut sacrilegium scriberet Iudaeorum. Hilarius in Matth. Vel aliter. Susceptis
omnibus corporis nostri infirmitatibus a domino, omnium deinde martyrum,
quibus regnum secum erat debitum, sanguine cocci colore perfunditur, spinis
quoque, idest compungentium quondam peccatis gentium, coronatur: est enim
aculeus in spinis, ex quibus Christo victoriae corona contexitur. In calamo
vero earumdem gentium infirmitas atque inanitas manu comprehensa firmatur;
quin etiam capiti eius illiditur, ut infirmitas gentium manu Christi
comprehensa etiam in Deum patrem, qui caput eius est, conquiescat. Origenes in Matth. Vel calamus mysterium
fuit, quod priusquam crederemus, confidebamus in virga arundinea Aegypti, vel
cuiuscumque regni contrarii Deo; quem accepit, ut triumphet eum in ligno
crucis. Percutiunt autem cum hoc calamo caput Christi Iesu, quoniam semper
regnum illud verberat Deum patrem caput salvatoris. Remigius. Vel aliter. Per chlamydem
coccineam caro domini designatur, quae rubra dicitur propter sanguinis
effusionem; per spineam coronam susceptio peccatorum nostrorum, quia in
similitudinem carnis peccati apparuit. Rabanus. Calamo igitur Christi caput
percutiunt qui divinitati eius contradicentes, errorem suum auctoritate
sanctae Scripturae, quae calamo scribitur, confirmare conantur. Spuunt in
faciem eius qui praesentiam gratiae illius verbis execrandis respuunt, et
Iesum in carne venisse denegant. Falso autem illum adorant qui in eum
credunt, sed perversis actibus despiciunt. Augustinus de quaest. Evang. Quod autem
dominum in passione exuerunt veste propria, et induerunt fucata, signati sunt
haeretici, qui eum dicunt verum corpus non habuisse, sed fictum. |
Versets
27-30.
— Saint Augustin : (De l’harm. des
Evang., 3, 9.) Après les accusations portées contre Jésus-Christ nous
arrivons, par une suite naturelle, au récit de la passion proprement dite que
saint Matthieu commence ainsi : « Alors
les soldats du gouverneur amenèrent Jésus dans le prétoire, et rassemblèrent
autour de lui toute la cohorte ». — Saint Jérôme : Comme Jésus avait
été appelé roi des Juifs, et que les scribes et les prêtres lui avaient fait
un crime d’avoir voulu usurper le pouvoir sur le peuple d’Israël, les
soldats, pour se moquer de lui, le dépouillent de ses vêtements et le
couvrent d’un manteau d’écarlate, pour figurer le manteau bordé de rouge que
portaient les anciens rois. Pour diadème, ils lui placent sur la tête une
couronne d’épines ; pour sceptre royal, ils lui donnent un roseau, et ils se
prosternent devant lui comme devant un roi, ce que l’Évangéliste nous raconte
en ces termes : « Et après lui
avoir ôté ses habits, ils le couvrirent d’un manteau d’écarlate, ils
tressèrent une couronne d’épines et la posèrent sur sa tête ». — Saint Augustin : (De l’harmonie des
Evang., 3, 9.) Ainsi s’explique ce que dit saint Marc, qu’on le revêtit de
pourpre, car c’est en place du manteau de pourpre qu’ils le couvrirent de ce
manteau d’écarlate pour se moquer de lui ; et il y a en effet une certaine
pourpre, dont la couleur se rapproche tout à fait de l’écarlate. Il peut se
faire aussi que saint Marc veuille parler de la pourpre qui se trouvait dans
ce manteau, quoiqu’il fût de couleur écarlate. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
Comment pourrons-nous encore être sensibles aux outrages que nous pourrions
recevoir de la part d’autrui, après que Jésus-Christ s’est soumis à d’aussi
indignes traitements ? En effet, ce qui arrivait au Christ était bien le
dernier degré de l’outrage, car ce n’était pas une petite partie de lui-même,
mais tout son corps, qui était exposé à ces indignités : la tête, par la
couronne d’épines, par le roseau et les soufflets ; le visage, par les
crachats dont on le couvrait ; les joues, par les soufflets dont il était
frappé, tout le corps, par la flagellation et parce qu’on revêtit sa nudité
d’un manteau et qu’on fit mine de l’adorer ; les mains, par le roseau qu’ils
lui donnèrent pour sceptre, comme s’ils eussent craint d’omettre la moindre
partie de ce que l’audace la plus effrontée peut suggérer. — Saint Augustin : (De l’harm. des
Evang., 3, 9.) Il est certain que saint Matthieu a rapporté ces tristes
détails, comme par récapitulation, et non comme ayant eu lieu après que
Pilate eut livré Jésus aux Juifs pour être crucifié, car saint Jean les place
avant que Jésus fût abandonné aux Juifs par Pilate. — Saint Jérôme : Quant à nous, nous
donnons à toutes ces circonstances une signification spirituelle. De même que
Caïphe fit cette prophétie sans savoir ce qu’il disait : « Il faut qu’un seul homme meure pour
tous », de même les Juifs, dans tout ce qu’ils entreprirent contre
Jésus, nous offrent a nous, qui avons la foi, bien qu’ils aient eu une
intention toute différente, de mystérieux symboles. Jésus, dans ce manteau
d’écarlate, porte les oeuvres sanguinaires des Gentils ; par sa couronne
d’épines, il détruit l’antique malédiction ; par son roseau, il tue toutes les
bêtes venimeuses ; ou bien, il tient ce roseau à la main, pour écrire
l’action sacrilège des Juifs. — Saint Hilaire : (can. 33.) Ou
encore : le Seigneur, ayant pris sur lui toutes les infirmités de notre
corps, se présente à nous, sous ce manteau d’écarlate, couvert du sang de
tous les martyrs qui ont mérité de régner avec lui. Il est aussi couronné
d’épines, c’est-à-dire de tous les péchés des peuples qui le transpercent, et
lui forment une couronne de victoire ; ce roseau représente la faiblesse et
l’infirmité de ces mêmes nations, à qui le Seigneur communique, en les
prenant par la main, une force [toute divine]. On le frappe à la tête avec ce
roseau, c’est-à-dire que les nations faibles et infirmes, soulevées par la
main de Jésus-Christ, se reposent en Dieu le Père, qui est la tête du Christ. — Origène : Ou
bien, ce roseau est un symbole mystérieux de la confiance que nous avions
dans le roseau de l’Egypte (4 R 18, 21) ou de quelque autre puissance
contraire à Dieu, avant que nous ayons embrassé la foi. Jésus-Christ prend ce
roseau pour en triompher sur le bois de la croix ; c’est avec ce roseau
qu’ils frappent la tête de Jésus-Christ, car la puissance ennemie dirige
toujours ses coups contre Dieu le Père, qui est la tête du Sauveur. — Saint Rémi : Ou bien, dans un autre
sens, ce manteau d’écarlate figure la chair du Seigneur, qui nous apparaît
comme rouge, à cause du sang qu’il a répandu, et la couronne d’épines, nos
péchés qu’il a pris sur lui, parce qu’il s’est revêtu d’une chair semblable à
celle du péché. — Raban : Ceux-là donc frappent la tête de Jésus-Christ avec un
roseau, qui, osant s’élever contre sa divinité, s’efforcent d’appuyer leur
erreur sur l’autorité des Saintes Écritures écrites avec un roseau ; ceux qui
lui crachent au visage sont ceux qui repoussent, avec des paroles de
blasphèmes, la présence de sa grâce, et nient que Jésus soit venu revêtu
d’une chair mortelle. Enfin, ceux-là lui rendent des honneurs mensongers, qui
croient en lui, et ne témoignent que du mépris pour lui par la perversité de
leur conduite. — Saint Augustin : (Quest. Evang., 3, vers la fin.) Ils ont dépouillé le Seigneur dans sa passion, de ses vêtements, et l’ont revêtu d’un manteau de couleur, et, en cela, ils figurent les hérétiques, qui soutiennent que le corps de Jésus-Christ n’est point véritable, mais purement fantastique. |
Lectio 6 [85608] Catena in Mt.,
cap. Glossa. Postquam Evangelista
commemoravit ea quae ad illusionem Christi pertinent, nunc narrare incipit
processum crucifixionis ipsius: unde dicitur et postquam illuserunt ei,
exuerunt eum chlamyde, et induerunt eum vestimentis suis, et duxerunt eum ut
crucifigerent. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem in
fine factum esse intelligitur, cum iam duceretur ad crucifigendum; postquam
scilicet Hieronymus. Notandum autem, quod quando
flagellatur Iesus et conspuitur, non habet propria vestimenta, sed ea quae
propter peccata nostra sumpserat; cum autem crucifigitur et illusionis pompa
praeterierit, tunc pristinas vestes recipit, et proprium assumit ornatum;
statimque elementa turbantur, et creatori dat testimonium creatura. Origenes in Matth. Et de chlamyde quidem
scriptum est, quoniam denuo expoliaverunt eum; De[i]
corona autem spinea nihil tale Evangelistae scripserunt; ut iam non sint
spinae nostrae antiquae, postquam semel eas a nobis abstulit Iesus super
venerabile caput suum. Chrysostomus in Serm. de passione. Non autem
voluit dominus pati sub tecto, non in templo Iudaico, ne putares pro illa
tantum plebe oblatum: et ideo foras civitatem, foras muros, ut scias
sacrificium esse commune quod totius terrae est oblatio, quod communis est
purificatio; et hoc signatur cum dicitur exeuntes invenerunt hominem
Cyrenaeum nomine Simonem: hunc angariaverunt ut tolleret crucem eius. Hieronymus. Ne quis autem putet huic loco
Evangelistae Ioannis historiam esse contrariam: ille enim dicit, exeuntem
dominum de praetorio portasse crucem suam; Matthaeus autem refert, quod
invenerunt hominem Cyrenaeum, cui imposuerunt crucem Iesu. Sed hoc
intelligendum est quod egrediens de praetorio Iesus, ipse portaverit crucem
suam; postea obviam habuerunt Simonem, cui portandam crucem imposuerunt. Origenes in Matth. Aut egressi quidem
angariaverunt Simonem; appropinquantes autem ad locum in quo eum fuerant
suspensuri, imposuerunt crucem et ipsi, ut ipse eam portaret. Non fortuito
autem angariatus est Simon; sed secundum dispositionem Dei ductus est ad hoc
ut evangelica Scriptura dignus inveniretur, et ministerio crucis Christi. Non
solum autem salvatorem conveniebat accipere crucem suam, sed et nos
conveniebat eam portare, salutarem nobis angariam adimplentes; nec tamen sic
profecisset nobis eam accipere, sicut cum ipse eam accepit. Hieronymus. Mystice Christum suscipiunt
nationes, et peregrinus obediens portat ignominiam salvatoris. Hilarius in Matth. Indignum enim Iudaeis erat
Christi crucem ferre, quia fidei gentium erat in reliquum et crucem accipere
et compati. Remigius. Iste enim Simon non erat
Hierosolymita, sed peregrinus et advena, scilicet Cyrenaeus: Cyrene enim
civitas est Lybiae. Interpretatur autem Simon obediens, Cyrenaeus heres; unde
pulchre per eum designatur populus gentium, qui peregrinus erat testamentorum
Dei, sed credendo factus est civis sanctorum, et domesticus et heres Dei.
Gregorius in Evang. et Moralium. Vel aliter.
Per Simonem, qui crucem dominicam in angariam portat, designantur abstinentes
et arrogantes: quia per abstinentiam quidem carnem afficiunt, sed fructum
abstinentiae interius non requirunt; unde idem Simon crucem portat, sed non
moritur, quia abstinentes et arrogantes per abstinentiam quidem corpus
afficiunt, sed per desiderium gloriae mundo vivunt. Sequitur et venerunt in
locum qui dicitur Golgotha, quod est Calvariae locus. Rabanus. Golgotha enim Syrum nomen est, et
interpretatur Calvaria. Hieronymus. Audivi quemdam exposuisse
Calvariae locum, in quo sepultus est Adam; et ideo sic appellatum, quia ibi
antiqui hominis sit conditum caput. Favorabilis interpretatio et mulcens
aurem populi, nec tamen vera. Extra urbem enim et foris portam loca sunt in
quibus truncantur capita damnatorum, et Calvariae, idest decollatorum,
sumpsere nomen. Propterea autem ibi crucifixus est Iesus, ut ubi prius erat
area damnatorum, ibi erigerentur vexilla martyrii. Adam vero sepultum iuxta Ebron et Arbee, in Iesu filii Nave volumine
legimus. Hilarius in Matth. Locus autem crucis
talis est, ut positus in medio terrae, ad capessendam Dei cognitionem
universis gentibus esset aequalis. Sequitur et dederunt ei vinum bibere cum
felle mixtum. Augustinus de Cons. Evang. Hoc Marcus ita
narrat: et dabant ei bibere myrrhatum vinum. Fel quippe pro amaritudine
Matthaeus posuit: myrrhatum enim vinum amarissimum est: quamquam fieri possit
ut fel et myrrha vinum amarissimum redderent. Hieronymus. Amara vitis amarum vinum facit;
quo potant dominum Iesum, ut impleatur quod scriptum est: dederunt in cibum
meum fel. Et Deus loquitur ad Ierusalem: ego te plantavi vineam veram;
quomodo facta es in amaritudinem vitis alienae? Et cum gustasset, noluit
bibere. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem Marcus
ait: et non accepit, intelligitur: non accepit ut biberet; gustavit autem,
sicut Matthaeus testis est; et quod idem Matthaeus ait noluit bibere; hoc
Marcus dixit: non accepit. Tacuit etiam, quod
gustavit; quod autem cum gustasset noluit bibere, hoc indicat, quod
gustaverit quidem pro nobis mortis amaritudinem, sed tertia die resurrexit. Hilarius in Matth. Vel ideo oblatum
vinum felle admixtum bibere recusavit: non enim aeternae gloriae
incorruptioni peccatorum amaritudo miscetur. |
Versets
31-34.
— La Glose : Après
avoir rapporté toutes les railleries dont Jésus-Christ fut l’objet,
l’Évangéliste en vient aux circonstances de son crucifiement : « Et après s’être ainsi moqués de lui,
ils lui ôtèrent le manteau, lui remirent ses vêtements et l’emmenèrent pour
le crucifier ». — Saint Augustin : (De l’harm. des
Evang., 3, 9.) Il faut comprendre que tout ceci s’est passé vers la fin,
lorsque Jésus-Christ était emmené pour être crucifié, c’est-à-dire après que
Pilate l’eut livré aux Juifs. — Saint Jérôme : Il faut remarquer
que, lorsque Jésus est frappé de verges, et couvert de crachats, il n’a pas
les vêtements qui lui appartiennent, mais ceux dont il s’est revêtu pour
expier nos péchés ; mais lorsqu’il est crucifié, et que cette scène de
moqueries est passée, il reprend ses premiers vêtements et l’habillement qui
lui est propre, et aussitôt les éléments se troublent et la créature rend
témoignage au Créateur. — Origène : Il
est dit du manteau qu’ils l’en dépouillèrent, tandis qu’aucun des
évangélistes ne dit rien de semblable de la couronne d’épines, pour nous
apprendre qu’il ne nous reste plus rien de nos anciennes épines, depuis que
Jésus-Christ les a prises pour les placer sur sa tête vénérable. — Saint Jean Chrysostome : (serm. sur
la Pass.) Or, le Seigneur ne voulut souffrir ni dans l’intérieur d’une
habitation, ni dans le temple juif, pour ne pas vous laisser croire qu’il ne
s’était offert que pour ce peuple ; mais c’est en dehors de la ville et au
delà des murs [qu’il est crucifié], pour vous apprendre qu’il offre en
sacrifice universel la victime de toute la terre, et qui doit purifier tout
le genre humain. C’est ce que l’Évangéliste veut exprimer en ajoutant : « Comme ils sortaient de la ville,
ils trouvèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, qu’ils contraignirent de
porter la croix de Jésus ». — Saint Jérôme : Il ne faut pas
croire que le récit de saint Jean est ici contraire à celui de saint Mathieu,
parce que saint Jean raconte que Jésus, sortant du prétoire, porta lui-même
sa croix, tandis que, d’après saint Mathieu, ils rencontrèrent un homme de
Cyrène, qu’ils contraignirent de porter la croix de Jésus ; mais il faut
entendre qu’en sortant du prétoire, Jésus porta lui-même sa croix, et
qu’ayant ensuite rencontré Simon, les soldats le contraignirent de partager
ce fardeau avec Jésus. — Origène : Ou
bien, c’est en sortant qu’ils contraignirent Simon (Jn 19, 17), et c’est en
approchant du lieu où ils devaient le crucifier, qu’ils chargèrent Jésus de
la croix, pour qu’il la portât lui-même [jusqu’au lieu de son supplice]. Or,
ce n’est point par hasard que Simon fut ainsi contraint ; mais, par une
disposition particulière de Dieu, il fut amené à ce point d’être trouvé digne
de voir son nom écrit dans les saints Évangiles, et d’être associé au
précieux fardeau de la croix de Jésus-Christ, Ce n’était pas seulement le Sauveur
qui devait porter sa croix, nous devions aussi la porter nous-mêmes, en
obéissant à cette salutaire contrainte, et cependant nous ne pouvions
retirer, en la portant, un avantage égal à celui que Jésus nous procure en la
portant lui-même. — Saint Jérôme : Dans le sens
mystique, nous voyons ici les nations se charger de la croix du Christ, et
l’obéissance de l’étranger porter l’ignominie du Sauveur. — Saint Hilaire : (can. 33.) Le Juif
était indigne de porter la croix, et il était réservé à la foi des nations de
prendre la croix et de compatir aux souffrances [du divin crucifié]. — Saint Rémi : Ce Simon n’était pas
de Jérusalem, mais il était étranger et voyageur ; il était de Cyrène, qui
est une ville de Libye. Or, le nom de Simon veut dire obéissant, et celui de
cyrénéen, héritier, et il est une belle figure du peuple des Gentils, qui
était étranger aux alliances de Dieu, mais qui est devenu, par sa foi, le
concitoyen des saints, et l’héritier de la maison de Dieu. — Saint Grégoire : (hom. 32.) Ou
bien, dans un autre sens, Simon, qui porte la croix du Seigneur parce qu’il y
est contraint, est la figure de ceux qui sont à la fois mortifiés et pleins
d’orgueil ; ils affligent leur chair par les privations extérieures, mais
n’ont aucun souci du fruit intérieur de la mortification. C’est ainsi que
Simon porte la croix, mais sans mourir sur la croix, et il représente les chrétiens
mortifiés et superbes, qui châtient leur corps par les oeuvres de la
mortification, mais qui vivent encore au monde par le désir de la vaine
gloire. Suite : « Et
ils arrivèrent au lieu appelé Golgotha, c’est-à-dire le lieu du Calvaire ». — Raban : Golgotha est un nom syriaque, qui signifie Calvaire. — Saint Jérôme : J’ai entendu donner
cette explication que le Calvaire était le lieu de la sépulture d’Adam, et
que ce lieu avait reçu le nom de Calvaire, parce que la tête du premier homme
s’y trouvait ensevelie. C’est une interprétation qui peut obtenir de la vogue
et flatte agréablement l’esprit du peuple, mais qui n’est pas fondée, car en
dehors de la ville, et au delà des portes, se trouve le lieu où l’on tranche
la tête aux condamnés, et c’est de là que lui est venue le nom de Calvaire,
ou lieu des décapités. Or Jésus fut crucifié en ce lieu, pour ériger
l’étendard du martyre dans l’endroit même où les condamnés souffraient le
dernier supplice. Quant à Adam, il fut enterré, comme nous le lisons dans le
livre de Josué (Jos 14, 15), près d’Hébron et d’Arbé. — Saint Hilaire : (can. 33.) Le lieu
du crucifiement fut choisi de manière que, placé au milieu de la terre, il se
présentât également à tous les peuples de la terre, pour leur donner la
connaissance de Dieu. Suite : « Et ils lui donnèrent à boire du vin
mêlé avec du fiel ». — Saint Augustin : (De l’harm. des
Evang., 3, 11.) Saint Marc dit : « Ils
lui donnaient à boire du vin mêlé avec de la myrrhe ». Saint Mathieu
se sert du mot fiel, pour exprimer l’amertume de ce vin, car le vin mêlé à la
myrrhe est fort amer. Il n’est pas impossible non plus que ce fut le fiel et
la myrrhe réunis qui rendirent ce vin fort amer. — Saint Jérôme : C’est la vigne amère qui produit le vin amer, dont ils abreuvent le Seigneur Jésus, pour accomplir cette prophétie : « Ils ont mêlé le fiel à ma nourriture » (Ps 68), et ces autres paroles de Dieu à Jérusalem : « Je vous ai plantée comme une vigne où je n’avais mis que de bon plants, et comment, vigne étrangère, vous êtes-vous changée en amertume ? » (Jr 2) ; « Et, lorsqu’il en eût goûté, il ne voulut pas en boire ». — Saint Augustin (De l’harm. des
Evang.) : Saint Marc dit : « Il n’en prit point »,
c’est-à-dire : il n’en prit point pour le boire ; il en goûta seulement, comme
le rapporte saint Matthieu, et cette expression : « Il ne voulut pas le boire », est la même que celle de
saint Marc : « Il n’en prit point »,
excepté que cet Évangéliste passe sous silence que le Seigneur en a goûté.
Après l’avoir goûté, il ne veut pas en boire, pour nous apprendre qu’il a
goûté pour nous l’amertume de la mort, mais qu’il est ressuscité le troisième
jour. — Saint Hilaire : (can. 33.) Ou bien, il a refusé de boire ce vin mêlé de fiel, parce que l’amertume des péchés ne doit point se mêler à l’incorruptibilité de la gloire éternelle. |
Lectio 7 [85609] Catena in Mt.,
cap. 27 l. 7 Glossa. Praemisso quomodo Christus ad
locum passionis est ductus, hic Evangelista ipsam passionem prosequitur,
genus mortis exponens, cum dicit postquam autem crucifixerunt eum. Augustinus in Lib. 83 quaestionum. Sapientia
quidem Dei hominem ad exemplum quo recte viveremus, suscepit. Pertinet autem
ad vitam rectam ea quae non sunt metuenda non metuere. Sunt
autem homines qui quamvis mortem ipsam non timeant, genus tamen mortis
horrescunt. Ut ergo nullum mortis genus recte viventi homini metuendum esset,
illius hominis cruce ostendendum fuit. Nihil enim erat inter omnia genera
mortis, illo genere execrabilius et formidabilius. Augustinus in Serm. de passione. Quantum autem
valeat virtus crucis, advertat sanctitas vestra. Contempsit Adam praeceptum,
accipiens ex arbore pomum; sed quicquid Adam perdidit, Christus in cruce
invenit. De diluvio aquarum humanum genus arca lignea liberavit; de Aegypto
Dei populo recedente, Moyses mare virga divisit, Pharaonem prostravit, et
populum Dei redemit. Idem Moyses lignum in
aquam misit, et amaram aquam in dulcedinem commutavit. Ex
lignea virga de spirituali petra salutaris unda profertur: et ut Amalec
vinceretur, circa virgam Moyses expansis manibus extenditur: et lex Dei arcae
testamenti creditur ligneae: ut his omnibus ad lignum crucis, quasi per
gradus quosdam, veniatur. Chrysostomus in Serm. de passione. Ideo et in
excelso ligno, non sub tecto, passus est, ut etiam ipsius aeris natura
mundetur; sed et terra simile beneficium sentiebat, decurrentis de latere
sanguinis stillatione mundata. Glossa. Lignum etiam crucis significare
videtur Ecclesiam in quatuor mundi partibus diffusam. Rabanus. Vel secundum moralem sensum, crux per
suam latitudinem significat hilaritatem operantis, quia tristitia angustias
facit: latitudo enim crucis est in traverso ligno, ubi figuntur manus; per
manus autem opera intelligimus. Per altitudinem autem, cui caput adiungitur,
significatur expectatio retributionis de sublimi iustitia Dei. Longitudo
autem qua totum corpus extenditur, tolerantiam designat: unde longanimes
dicuntur qui tolerant. Profundum autem quod
terrae infixum est, secretum sacramenti praefigurat. Hilarius in Matth. Sic ergo in ligno
vitae cunctorum salus et vita suspenditur; unde dicitur postquam autem
crucifixerunt eum, diviserunt vestimenta eius, sortem mittentes. Augustinus de Cons. Evang. Hoc breviter a
Matthaeo dictum est; Ioannes autem distinctius explicat quemadmodum gestum
est: milites cum crucifixissent eum, acceperunt vestimenta eius, et fecerunt
quatuor partes, unicuique militi partem, et tunicam. Erat autem tunica
inconsutilis. Chrysostomus in Matth. Notandum ergo, quod non
parva haec abiectio Christi erat: quasi enim circa dehonoratum et omnium
vilissimum in Christo hoc agebant; in latronibus autem nihil tale operati
sunt. Dividere enim vestimenta in condemnatis valde vilibus et abiectis fit,
et nihil aliud habentibus. Hieronymus. Hoc autem quod circa Christum
gestum est, in Psalmo 22, 19 fuerat prophetatum; et ideo sequitur ut
adimpleretur quod dictum est per prophetam dicentem: diviserunt sibi
vestimenta mea, et super vestem meam miserunt sortem. Sequitur et sedentes
servabant eum, scilicet milites. Diligentia militum et sacerdotum nobis
profuit, ut maior et apertior resurgentis virtus appareat. Sequitur et
imposuerunt super caput eius causam ipsius scriptam: hic est Iesus rex
Iudaeorum. Non possunt autem digne admirari pro rei magnitudine, quod emptis
falsis testibus, et ad seditionem clamoremque infelici populo concitato,
nullam aliam invenerunt causam interfectionis eius, nisi quod rex Iudaeorum
esset: et illi forsitan illudentes ridentesque hoc fecerunt. Remigius. Divinitus autem procuratum fuit ut
talis titulus super caput eius poneretur, ut per hoc Iudaei agnoscerent
quoniam nec etiam occidendo facere potuerunt ut eum regem non haberent: per
mortis enim patibulum non amisit imperium, sed potius corroboravit. Origenes in Matth. Et princeps quidem sacerdotum,
secundum litteram legis, portabat in capite suo sanctificationem domini
scriptam; verus autem princeps sacerdotum et rex Iesus in cruce quidem habet
scriptum hic est rex Iudaeorum; ascendens autem ad patrem, pro litteris et
pro nomine quo nominatur, habet ipsum patrem. Rabanus. Quia enim rex simul et sacerdos est,
cum suae carnis hostiam in altari crucis offerret, regis quoque dignitatem
titulus praetendit; qui non infra, sed supra crucem ponitur: quia licet in
cruce pro nobis hominis infirmitate dolebat, super crucem tamen regis
maiestas fulgebat; quam per crucem non perdidit, sed potius confirmavit.
Sequitur tunc crucifixi sunt cum eo duo latrones, unus a dextris, et unus a
sinistris. Hieronymus. Sicut enim pro nobis maledictum
crucis factus est Christus, sic pro omnium salute inter noxios quasi noxius
crucifigitur. Leo Papa in Serm. 4 de passione. Duo autem
latrones, unus ad dexteram et unus ad sinistram, crucifiguntur, ut ipsa
patibuli specie monstraretur illa quae in iudicio ipsius omnium hominum est
facienda discretio. Passio igitur Christi salutis nostrae continet
sacramentum; et de instrumento quod iniquitas Iudaeorum paravit ad poenam,
potentia redemptoris, gradum fecit ad gloriam. Hilarius in Matth. Vel aliter. Duo latrones
laevae ac dexterae affiguntur, omnem humani generis universitatem vocari ad
sacramentum passionis domini ostendentes; sed quia per diversitatem fidelium
ac infidelium fit omnium secundum dexteram sinistramque divisio, unus ex
duobus ad dexteram eius situs, fidei iustificatione salvatur. Remigius. Vel per istos duos latrones
designantur omnes qui arctioris vitae continentiam apprehendunt: quicumque
enim sola intentione placendi Deo hoc faciunt, designantur per illum qui a
dextris Dei crucifixus est; qui vero pro appetitu humanae laudis vel aliqua
minus digna intentione, designantur per illum qui a sinistris crucifixus est. |
Versets
35-38.
— La Glose : L’Évangéliste
vient de nous raconter comment Jésus-Christ fut conduit au lieu de sa passion
; il poursuit le récit de sa passion, et nous décrit son genre de mort : « Après qu’ils l’eurent crucifié ». — Saint Augustin : (Livre des 83
Quest., quest. 25.) La sagesse de Dieu s’est revêtue de notre humanité, pour
nous donner l’exemple d’une vie irréprochable. Or, un homme d’une vie
irrépréhensible ne doit pas redouter ce qui n’est pas à craindre. Il y a
cependant des hommes qui, sans craindre la mort elle-même, redoutent certain
genre de mort. Il a donc été nécessaire de leur montrer, par l’exemple de cet
homme[-Dieu], qu’il n’y a aucun genre de mort redoutable pour un homme
vertueux, car la mort sur la croix était de toutes les morts la plus horrible
et la plus effroyable. — Saint Augustin : (serm. sur la
Pass.) Que votre sainteté considère, mes frères, quelle a été la grande
puissance de la croix. Adam n’a tenu aucun cas du commandement de Dieu, en
mangeant du fruit de l’arbre ; mais tout ce qu’Adam a perdu, Jésus-Christ l’a
retrouvé sur la croix. Une arche de bois a sauvé le genre humain des eaux du
déluge ; Moïse a divisé les eaux de la mer avec sa verge devant les Hébreux
qui sortaient de l’Egypte, et, [avec cette même verge], il terrassa Pharaon
et délivra le peuple de Dieu. Moïse jeta encore du bois dans l’eau et changea
ainsi son amertume en douceur ; c’est encore en frappant avec une verge de
bois le rocher spirituel qu’il en fit jaillir une eau salutaire, et, pour
obtenir la défaite d’Amalech, c’est autour de la verge que Moïse étend les
bras. Enfin, la loi de Dieu est confiée à l’arche d’alliance qui est de bois,
et c’est par toutes ces figures que nous arrivons, comme par autant de
degrés, jusqu’au bois de la croix. — Saint Jean Chrysostome : (hom. sur
la croix et le bon larron.) Jésus-Christ a voulu souffrir sur un arbre élevé,
et non sous un toit, comme pour purifier la nature de l’air ; mais la terre
elle-même éprouvait un bienfait semblable, purifiée qu’elle était par le sang
qui découlait du côté du Seigneur. — La Glose : L’arbre
de la croix peut aussi représenter l’Église répandue dans les quatre parties du
monde. — Raban : Ou bien, dans le sens moral, la largeur de la croix
signifie la joie qui accompagne les bonnes oeuvres, car la tristesse resserre
le cœur ; la largeur de la croix, c’est la barre transversale où les mains de
Jésus sont clouées, et, par les mains, il faut entendre les oeuvres. Le haut
de la croix, où la tête repose, représente l’attente de la récompense que
nous réserve la justice sublime de Dieu. La longueur de la croix, sur
laquelle le reste du corps est étendu, figure la patience, et de là vient
qu’on dit de ceux qui sont patients, qu’ils ont de la longanimité. La partie
de la croix qui s’enfonce dans la terre est le symbole des profondeurs que
renferme ce mystère. — Saint Hilaire : C’est ainsi que,
sur le bois de la vie, nous voyons suspendus la vie et le salut de tous les
hommes. « Après qu’ils l’eurent crucifié, ils se patagèrent ses
vêtements en les tirant au sort ». — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 3, 12.) Saint Mathieu raconte sommairement la scène du crucifiement ;
saint Jean raconte plus en détails comment elle s’est déroulée : « Les
soldats, dit-il, après l’avoir crucifié, prirent ses vêtements et en
firent quatre parts, une pour chaque soldat ; ils prirent aussi sa tunique ;
or cette tunique était sans couture ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
Considérez quelle grande humiliation pour Jésus-Christ. Ils le traitent à
l’égal du plus vil scélérat, tandis qu’ils ne font rien de semblable à
l’égard des voleurs, car on ne partageait les vêtements que des criminels de
la condition la plus vile et la plus abjecte, et qui ne possédaient rien
autre chose. — Saint Jérôme : Or, ce qui arriva au
Christ avait été prédit par le Roi-prophète (Ps. XXII, 19), et c’est pour
cela que l’Evangéliste ajoute : « afin que cette parole de l’Écriture
fût accomplie : ‘Ils ont partagé entre eux mes vêtements, et ils ont tiré ma
robe au sort’ ». « Et s’étant assis, ils le gardaient »,
c’est-à-dire les soldats. Le soin que prirent les soldats et les prêtres de
garder Jésus nous a grandement servi, en rendant plus certaine et plus
évidente la puissance de sa résurrection : « Et ils mirent au-dessus
de sa tête le sujet de sa condamnation écrit en ces termes : Celui-ci est
Jésus, le roi des Juifs ». Je ne puis assez admirer ce fait vraiment
extraordinaire, qu’après avoir acheté des faux témoins, et cherché à soulever
et à pousser des cris contre Jésus-Christ, ce peuple infortuné, ils n’aient
pu trouver d’autre cause de sa mort, si ce n’est qu’il était le roi des
Juifs. Peut-être aussi mirent-ils cette inscription par dérision et pour se
moquer de lui. — Saint Rémi : C’est par l’effet d’un
conseil tout divin que cette inscription fut placée au-dessus de la tête de
Jésus, afin que les Juifs fussent forcés de reconnaître que, même en le
mettant à mort, ils n’avaient pu faire qu’il ne fût pas leur roi, car, loin
de perdre sa royauté, il l’a bien plutôt consolidée par la mort ignominieuse
de la croix. — Origène : Le
grand prêtre devait, d’après le texte de la loi, porter écrit sur son front
le saint nom de Dieu (Ex 28, 36) ; mais le véritable prince des prêtres et le
vrai roi Jésus porte écrit au haut de sa croix : « Celui-ci est le
roi des Juifs ». En montant vers son Père, au lieu des lettres dont
se compose ce nom, et du nom qui lui est donné, il a son Père lui-même. — Raban : Comme il est tout à la fois prêtre et roi, en même temps
qu’il offre sur l’autel de la croix sa chair comme victime, l’inscription de
cette croix établit sa dignité royale. Cette inscription n’est pas placée au
bas, mais au haut de la croix, car, quoique par l’infirmité de sa chair humaine Jésus
souffrait pour nous sur la croix, l’éclat de la majesté royale ne laissait
pas de briller au-dessus de la croix, et loin de la lui faire perdre, sa
croix l’affermit d’une manière plus parfaite. Suite : « En
même temps, on crucifia avec lui deux voleurs, l’un à sa droite et l’autre à
sa gauche ». — Saint Jérôme : De même que Jésus
s’est rendu malédiction pour nous sur la croix, il consent à être crucifié
comme un criminel entre deux criminels, pour le salut de tous. — Saint Léon le Grand : (serm. 4 sur
la Pass.) Deux voleurs sont crucifiés, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche,
pour nous montrer dans ces supplices figuratifs le discernement et la
séparation que Jésus-Christ doit faire de tous les hommes au jugement
dernier. La passion de Jésus-Christ renferme donc le mystère de notre salut,
et la puissance du Rédempteur s’est fait un degré, pour monter dans la
gloire, de cet instrument, que l’iniquité des Juifs avait préparé pour son
supplice. — Saint Hilaire : (can. 33.) Ou bien,
dans un autre sens, les deux larrons qui sont crucifiés, l’un à sa gauche,
l’autre à sa droite, figurent que l’universalité du genre humain est appelée
à profiter du bienfait de la passion du Seigneur ; mais, comme la différence
qui existe entre les fidèles et les infidèles établit entre eux une
séparation marquée par la gauche et par la droite, l’un des deux placé à la
droite de Jésus est sauvé par la justification qui vient de la foi. — Saint Rémi : Ou bien, ces deux voleurs représentent tous ceux qui embrassent la pratique sévère d’une vie mortifiée, ceux qui entrent dans cette vie par le seul désir de plaire à Dieu sont figurés par le voleur qui est crucifié à droite ; et ceux qui n’agissent que pour obtenir la gloire qui vient des hommes, ou pour un autre motif aussi peu digne, le voleur qui est crucifié à gauche. |
Lectio 8 [85610] Catena in Mt.,
cap. 27 l. 8 Chrysostomus in Matth. Cum
Christum denudassent et crucifixissent, ultra procedunt, et in cruce videntes
affixum exprobrant ei: unde dicitur praetereuntes autem blasphemabant eum
moventes capita sua. Hieronymus. Blasphemabant quidem, quia
praetergrediebantur viam, et in vero itinere Scripturarum ambulare nolebant.
Movebant autem capita sua, quia iam ante moverant pedes, et non stabant supra
petram. Idipsum autem insultans dicit fatuus populus, quod falsi testes
confixerant; unde sequitur et dicentes: vah, qui destruis templum Dei, et in
triduo illud reaedificas. Remigius. Vah interiectio est
insultantis, sive irridentis. Hilarius in Matth. Quid ergo veniae
erit, cum post triduum reaedificatum templum Dei in corporis resurrectione
cernetur? Chrysostomus in Matth. Et quasi prioribus
signis incipientes detrahere, subiungunt salva temetipsum. Si filius Dei es,
descende de cruce. Chrysostomus in Serm. de passione. Sed e
contrario, quia filius Dei est, ideo non descendit de cruce: nam ideo venit
ut crucifigeretur pro nobis. Sequitur similiter et principes sacerdotum
illudentes cum Scribis et senioribus dicebant: alios salvos fecit, seipsum
non potest salvum facere. Hieronymus. Etiam nolentes Scribae et
Pharisaei confitentur quod alios salvos fecerit. Itaque vestra vos condemnat
sententia: qui enim alios salvos fecit, utique si vellet, et seipsum salvare poterat.
Sequitur si rex Israel est, descendat nunc de cruce; et credimus ei. Chrysostomus in Serm. de passione. Considera
autem nunc vocem filiorum Diaboli, quomodo imitantur vocem paternam. Diabolus
enim dicebat: mitte te deorsum, si filius Dei es; et Iudaei dicunt si filius
Dei es, descende de cruce. Leo Papa in Serm. 4 de passione. De quo
erroris fonte, Iudaei, talium blasphemiarum venena potastis? Quis vobis
magister tradidit? Quae doctrina persuasit, quod illum regem Israel, illum
Dei filium credere debeatis, qui se aut crucifigi non sineret, aut a
confixione clavorum liberum corpus excuteret? Non hoc vobis legis mysteria
aut prophetarum ora cecinerunt, sed illud vere legistis: faciem meam non
averti a confusione sputorum. Et iterum: foderunt manus meas et pedes meos;
dinumeraverunt omnia ossa mea. Numquid legistis: dominus descendit de cruce?
Sed legistis: dominus regnavit a ligno. Rabanus. Si autem tunc de cruce surgeret,
insultantibus cedens, virtutem nobis patientiae non demonstraret; sed
expectavit paululum, irrisionem sustinuit; et qui de cruce surgere noluit, de
sepulcro resurrexit. Hieronymus. Fraudulenta autem est promissio
cum addunt et credimus ei. Quid enim plus est, de cruce adhuc viventem
descendere, an de sepulcro mortuum resurgere? Resurrexit, et non credidistis;
ergo etiam si de cruce descenderet, non crederetis. Sed mihi videntur hoc
Daemones immittere. Statim enim ut crucifixus est dominus, senserunt virtutem
crucis et intellexerunt fractas vires suas esse; et hoc agunt ut de cruce
descendat. Sed dominus sciens adversariorum insidias, permanet in patibulo,
ut Diabolum destruat. Sequitur confidit in Deo: liberet eum nunc si vult.
Chrysostomus in Matth. O inquinati valde.
Numquid prophetae et iusti non erant, quia eos non eripuit a periculis Deus?
Si autem illorum gloriae non obfuit quod eis pericula induxistis: multo magis
in isto non oportebat vos scandalizari per ea quae patitur, quia semper per
ea quae dixit, hanc vestram removit suspicionem. Sequitur dixit enim: quia
filius Dei sum; per quod ostendere volebant eum pati ob seductoris et erronei
causam, et sicut superbum et vane gloriantem in his quae dicebat. Sic ergo
non solum Iudaei et milites desubtus eum deridebant, sed et desuper latrones
cum eo crucifixi; unde sequitur idipsum autem et latrones, qui crucifixi
erant cum eo, improperabant ei. Augustinus de Cons. Evang. Potest autem putari
Lucas repugnare ei quod hic dicitur, qui dicit, quod unus de latronibus
blasphemabat eum, quem alter increpabat, nisi intelligamus Matthaeum breviter
restringentem hunc locum, pluralem numerum pro singulari posuisse: sicut in
epistola ad Hebraeos legimus pluraliter dictum: clauserunt ora leonum, cum
solus Daniel significari intelligatur. Quid autem usitatius quam ut aliquis dicat:
en rustici mihi insultant, etiamsi unus insultet? Esset autem contrarium, si
Matthaeus dixisset ambos latrones conviciatos domino; cum vero dictum est
latrones, nec additum est ambo, potuit usitato locutionis modo per pluralem
numerum significari. Hieronymus. Vel potest dici, quod primum
uterque simul blasphemaverit; deinde, sole fugiente, terra commota, saxisque
diruptis, et ingruentibus tenebris, unus crediderit in Iesum, et priorem
negationem sequenti confessione emendaverit. Chrysostomus in Matth. Ut enim non existimes
ex quadam conniventia id gestum fuisse, neque latronem fuisse qui latro
videbatur; a contumelia ostendit tibi quoniam etiam in cruce positus latro
erat et inimicus, et repente transmutatus est. Hilarius in Matth. Quod autem latrones ambo
conditionem ei passionis exprobrant, universis etiam fidelibus scandalum
crucis futurum esse significat. Hieronymus. Vel in duobus latronibus uterque
populus gentilium et Iudaeorum primo dominum blasphemavit; postea signorum
multitudine alter exterritus egit poenitentiam, et usque hodie Iudaeos
increpat blasphemantes. Origenes in Matth. Sed et latro qui salvatus
est potest esse mysterium eorum qui post multas iniquitates crediderunt in
Christum. |
Versets
39-44.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
Les ennemis du Seigneur ne se contentent pas de le dépouiller de ses
vêtements et de le crucifier, ils vont plus loin, et, en le voyant attaché à
la croix, ils osent encore le couvrir d’outrages. « Or, les passants le blas-phémaient en branlant la tête ». — Saint Jérôme : Ils le
blasphémaient, parce qu’ils marchaient en dehors de la voie, et qu’ils ne
voulaient pas entrer dans le véritable chemin des Écritures ; ils branlaient
la tête, parce que leurs pieds chancelaient depuis longtemps et ne
s’appuyaient plus sur la pierre (Ps 72, 2 ; 39, 3). Le peuple insensé se
joint à eux pour l’insulter, en répétant les inventions des faux témoins : « Et ils lui disaient : Vah ! Toi qui
détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours ». — Saint Rémi : Vah ! est une
interjection qui exprime l’insulte et la moquerie. — Saint Hilaire : (can. 33.) Quel
pardon pourront-ils espérer lorsqu’après trois jours ils verront le temple de
Dieu rebâti dans la résurrection du Seigneur. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
Ils semblent même vouloir rabaisser ses anciens miracles, en ajoutant : « Que ne te sauves-tu toi-même ? Si tu
es le Fils de Dieu, descends de la croix ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
Mais, au contraire, c’est justement parce qu’il est le Fils de Dieu qu’il ne
descend pas de la croix, car il n’est venu sur la terre qu’afin d’être
crucifié pour notre salut. « Les princes des prêtres, avec les
Scribes et les Anciens, se moquaient aussi de lui en disant : Il a sauvé les
autres, et il ne peut se sauver lui-même ». — Saint Jérôme : Même s’ils ne le
veulent pas, les scribes et les pharisiens sont forcés de confesser qu’il a
sauvé les autres. Vous êtes donc condamnés par vos propres paroles, car celui
qui a sauvé les autres pourrait se sauver lui-même s’il le voulait. Suite : « S’il est roi d’Israël, qu’il
descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ». — Saint Jean Chrysostome : (serm. sur
la Pass.) Écoutez cette voix des enfants du Diable, quelle fidèle imitation
de celle du Père. Le démon disait : « Jette-toi
en bas, si tu es le Fils de Dieu », et les Juifs : « Si tu es le Fils de Dieu, descends
de la croix ». — Saint Léon le Grand : (serm. sur la
Pass.) A quelle source d’erreurs, ô Juifs, avez-vous puisé ces blasphèmes
empoisonnés ? Quel maître vous a enseignés, quelle doctrine vous a persuadés
que vous ne deviez reconnaître pour roi d’Israël et pour Fils de Dieu que
celui qui ne permettrait pas qu’on le crucifie, ou qui détacherait son corps
des clous qui perçaient [ses pieds et ses mains] sur la croix ? Ce n’est pas
ce que vous ont annoncé les paroles mystérieuses de la Loi ou les oracles
prophétiques, car vous y avez vraiment lu : « Je n’ai point détourné mon visage des crachats ignominieux »,
et encore : « Ils ont percé mes pieds
et mes mains, et ils ont compté tous mes os ». (Ps 21.) Est-ce que vous avez lu quelque
part : Le Seigneur est descendu de la croix ? N’avez-vous pas lu au contraire
: « C’est par le bois que le
Seigneur a régné » ? — Raban : Si, cédant à cette injurieuse invitation, il é tait
descendu de sa croix, il ne nous eût pas fait voir toute l’étendue de sa
patience ; mais il attendit quelque temps, supporta toutes ces railleries,
et, après avoir refusé de descendre de la croix, il sortit du tombeau
glorieusement ressuscité. — Saint Jérôme : Ils ajoutent : « et nous croirons en lui »,
promesse pleine de mensonge, car qu’est-ce qui exige plus de puissance, de
descendre encore vivant de la croix, ou de s’arracher aux bras de la mort
dans le tombeau ? Or, il est ressuscité et vous n’avez pas cru en lui ; donc,
s’il descendait de la croix, vous ne croiriez pas davantage. Mais il me
semble qu’ en tenant ce langage, ils obéirent à l’inspiration des démons,
car, aussitôt que le Seigneur fut crucifié, ils éprouvèrent la vertu de sa
croix ; ils comprirent que leur puissance était brisée, et ils font tous
leurs efforts pour que le Seigneur descende de la croix. Mais Notre-Seigneur,
qui connaissait les ruses de ses ennemis, reste attaché sur la croix, pour
détruire la puissance du démon. « Il
met sa confiance en Dieu ; si donc Dieu le veut, qu’il le délivre maintenant ».
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
O hommes profondément corrompus, est-ce que les prophètes et les justes
avaient cessé d’être prophètes et justes, parce que Dieu ne les a pas
délivrés du danger ? Or, si les épreuves que vous avez accumulées sur leur
tête, n’ont pu en rien obscurcir leur gloire, combien moins les souffrances
de cet homme devaient-elles vous scandaliser, car toutes ses paroles tendaient
à éloigner ces doutes de votre esprit. « Il
leur dit : Je suis le Fils de Dieu ». Ils veulent persuader par là
qu’il endure ces souffrances pour avoir voulu séduire et tromper, et comme un
homme plein d’orgueil qui se glorifie dans ses vaines prétentions. Or, non seulement
les Juifs et les soldats, qui étaient au bas de la croix, en faisaient
l’objet de leurs risées, mais aussi, à ses côtés, les voleurs qui étaient
crucifiés avec lui : « Les voleurs
qui étaient crucifiés avec lui lui faisaient les mêmes reproches ». — Saint Augustin : (De l’harm. des
Evang.) Au premier abord, il semblerait que saint Luc est ici en
contradiction avec ce que saint Matthieu dit ici, puisqu’il rapporte que l’un
des voleurs blasphémait contre Jésus, ce que l’autre reprochait à son
compagnon. Mais il faut nous rappeler que saint Matthieu, abrégeant
singulièrement son récit, a mis le pluriel pour le singulier, comme nous le
voyons dans ce passage de l’Epître aux Hébreux : « Ils ont fermé la gueule des lions », alors qu’il ne s’agissait que du seul
Daniel (Jg 14, et 1 R 17 ; Dn 16). Quelle expression plus ordinaire que quand
quelqu’un dit : « Ces rustres m’insultent », bien qu’on ne
veuille parler que d’un seul ? Il y aurait contradiction, si saint Matthieu
avait dit que les deux voleurs outrageaient le Seigneur ; mais comme il dit
simplement : « Les voleurs »,
sans ajouter : les deux, il faut en conclure que, selon l’usage ordinaire, il
s’est servi du pluriel pour le singulier. — Saint Jérôme : Ou bien, on peut
dire encore que tous deux commencèrent par blasphémer ; mais, qu’après avoir
vu le soleil s’obscurcir, la terre trembler, les rochers se fendre, les
ténèbres se répandre sur la terre, l’un d’eux crut en Jésus et racheta son
incrédulité par la confession [qu’il fit ensuite de la divinité du Seigneur].
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
Et ne pensez pas que tout cela soit l’effet d’un arrangement concerté à
l’avance, et que celui qui passait pour un voleur ne le fût pas en effet ;
les outrages [dont il ne craint pas de couvrir Jésus-Christ] prouvent que,
jusque sur la croix, il avait les sentiments d’un voleur et d’un ennemi de
Jésus-Christ, et cependant il fut changé en un seul instant. — Saint Hilaire : (can. 33.) Ces deux
voleurs, qui lui reprochent les humiliations de sa passion, sont un signe que
la croix sera aussi un sujet de scandale pour tous les fidèles (1 Co 1, 23). — Saint Jérôme : Ou bien, ces deux
voleurs représentent les deux peuples, Juif et Gentil, qui, tous deux, ont
d’abord blasphémé le Seigneur ; mais ensuite l’un d’eux, effrayé par la
multitude des miracles dont il était témoin, fit pénitence, et, jusqu’à ce
jour, il reproche aux Juifs leurs blasphèmes. — Origène : Le larron qui a été sauvé est encore le symbole de ceux qui, après une vie pleine d’iniquités, ont embrassé la foi en Jésus-Christ. |
Lectio 9 [85611] Catena in Mt.,
cap. 27 l. 9 Chrysostomus in Serm. de passione. Non
poterat ferre creatura iniuriam creatoris; unde sol retraxit radios suos, ne
videret impiorum facinora; et ideo dicitur a sexta autem hora tenebrae factae
sunt super universam terram usque ad horam nonam. Origenes in Matth. Ab hoc textu quidam
calumniantur evangelicam veritatem. Defectio enim solis a saeculo semper fuit
in suo tempore facta; sed defectio solis, quae secundum consuetudinem
temporum ita currentium fieri solet, non in alio tempore fit nisi in conventu
solis et lunae, quando luna subtus currens, solis impedit radios occurrentis
ei: in tempore autem quo passus est Christus, manifestum est quoniam
conventus non erat lunae ad solem, quoniam tempus erat paschale, quod
consuetudinis est agere quando luna plena est. Quidam autem credentium
volentes defensionem aliquam inducere contra hoc, dixerunt quoniam illa
defectio solis convenienter secundum cetera prodigia nova contra consuetudinem
facta est. Dionysius ad Polycarpum. Cum ambo apud
Heliopolim essemus, ambo simul incidentem mirabiliter soli lunam notabamus
(non enim eiusce coniunctionis tunc aderat tempus), ipsamque rursus ab hora
nona usque in vesperam ad solis diametrum supra naturae vires restitutam. Insuper
et eam lunae incidentiam observavimus ab oriente coepisse, et usque ad
solaris corporis finem pervenisse, ac tum demum resilisse, nec ex ea, ut
assolet, parte luminis defectum et restitutionem contigisse, sed ex adverso
diametri. Chrysostomus in Matth. Tribus etiam
horis tenebrae permanserunt, cum eclipsis in momento transeat; non enim habet
moram, ut sciunt illi qui consideraverunt. Origenes in Matth. Sed adversus hoc
filii huius saeculi dicunt: quomodo hoc factum tam mirabile nemo Graecorum
aut barbarorum scripsit eorum qui notaverunt, si quid tale novum factum est
aliquando? Et Phlegon quidem in chronicis suis scripsit, in principatu
Tiberii Caesaris factum, sed non signavit in luna plena. Arbitror ergo sicut
cetera signa quae facta sunt in passione ipsius, scilicet velum scissum et
terra tremens et cetera in Ierusalem tantummodo facta sunt. Aut
si latius voluerit quis extendere ad terram Iudaeam, sicut in tertio libro
regum dixit Abdias ad Eliam: vivit Deus tuus, si est gens aut regnum, ubi non
misit dominus meus quaerere te, ostendens quoniam satis eum in gentibus
quaesierat circa Iudaeam. Est autem consequens intelligere quasdam
tenebrosissimas nubes et multas et magnas concurrisse super Ierusalem et terram
Iudaeae; et ideo factae sunt tenebrae profundae a sexta hora usque ad nonam.
Duae enim creaturae in sexta die factae fuisse intelliguntur: ante sextam
quidem animalia, in sexta autem homo; et ideo conveniebat pro salute hominis
morientem in hora sexta suspendi, et a sexta hora propter hoc tenebras fuisse
factas super omnem terram usque ad nonam. Et sicut Moyse manus extendente in
caelum factae sunt tenebrae super Aegyptios, servos Dei tenentes in
servitute; similiter et Christo in sexta hora manus extendente in cruce ad
caelum super populum qui clamaverat: crucifige eum, factae sunt tenebrae, et
ab omni lumine sunt privati, in signum futurarum tenebrarum, quae
comprehensurae erant gentem Iudaeam. Item sub Moyse factae sunt tenebrae
super omnem terram Aegypti tribus diebus; omnibus autem filiis Israel erat
lumen; sub Christo autem factae sunt tenebrae super omnem Iudaeam tribus
horis: quoniam propter peccata sua privati sunt a lumine Dei patris, et a
splendore Christi, et ab illuminatione spiritus sancti. Lumen autem super
omnem reliquam terram, quod ubique illuminat omnem Ecclesiam Dei in Christo.
Et si usque ad horam nonam tenebrae factae fuerunt super Iudaeam, manifestum
est quoniam iterum eis lumen refulsit: quia cum plenitudo gentium intraverit,
tunc omnis Israel salvus fiet. Chrysostomus in Matth. Vel aliter. Hoc
admirandum erat quod in omnem terram tenebrae sunt factae, quod numquam prius
contigerat. In Aegypto enim solum tenebrae factae sunt, quando Pascha
perficiendum erat: quae enim tunc agebantur, horum typus erant. Et
intuere, quod fuerint tenebrae in media die, quando ubique terrarum dies
erat: ut omnes qui habitabant terram, hoc miraculum cognoscerent. Hoc autem
est signum quod petentibus promittebat dare, dicens: generatio prava et
adultera signum quaerit; et signum non dabitur ei, nisi signum Ionae
prophetae, crucem signans et resurrectionem. Etenim multo mirabilius est in
eo qui crucifixus erat hoc fieri, quam ambulante eo super terram. Hoc autem
sufficiens erat eos convertere, non solum magnitudine miraculi, sed quia hoc
gestum est postquam omnia locuti fuerant quae voluerant, et satietatem
acceperant contumeliarum. Qualiter autem non admirati sunt universi, neque
aestimaverunt eum esse Deum? Quia scilicet hominum genus tunc multa malitia
et desidia detinebatur: et hoc miraculum factum confestim transiit, et non
noverant quae esset causa eius quod gerebatur. Et propter hoc ipse postea
loquitur, ut ostendat se vivere, et quod ipse hoc miraculum fecit; unde
sequitur et circa horam nonam clamavit Iesus voce magna dicens: eli, eli,
lamma sabactani; hoc est: Deus meus, Deus meus, ut quid dereliquisti me? Hieronymus. Principio vigesimi primi Psalmi
usus est. Illud vero quod est in medio versiculi, respice in me, superfluum
est: legitur enim in Hebraeo: eli, eli, lamma sabactani, hoc est: Deus meus,
Deus meus, quare me dereliquisti? Ergo impii sunt qui Psalmum ex persona
David, sive Esther et Mardochaei dictum putant, cum etiam Evangelistae
testimonia ex eo sumpta super salvatore intelligantur, ut est illud:
diviserunt sibi vestimenta mea, et: foderunt manus meas. Chrysostomus in Matth. Ideo autem emisit
propheticam vocem, ut usque ad ultimam horam testimonium perhibeat veteri
testamento, et ut videant quoniam honorat patrem, et non est Deo contrarius:
et ideo Hebraicam vocem emisit, ut eis fieret cognita et manifesta. Origenes in Matth. Requirendum est autem: quid
est quod a Deo derelictus est Christus? Et quidam quia non possunt exponere
derelinqui Christum a Deo, dicunt quod per humilitatem dictum est. Sed
manifeste intelligere poteris quid sit quod dicit, faciens comparationem
gloriae illius quam habuit apud patrem ad confusionem quam contemnens
sustinuit crucem. Hilarius in Matth. Per haec autem verba
ingenia contendunt haeretica, quod aut defecisse omnino Dei verbum in animam
corporis volunt, dum corpus officio animae vivificat; aut omnino nec fuerit
Christus homo natus, quia in eo Dei verbum modo spiritus habitaverit
prophetalis; quasi Iesus Christus animae solum, et corporis homo communis,
hoc habeat sui exordium quo esse coepit homo qui nunc a Dei verbo contracta
rursum protectione desertus clamet Deus meus, quare me dereliquisti? Vel
certe in animam verbi natura mutata, paterno Christus in omnibus usus
auxilio, nunc inops eius mortique permissus solitudinem suam conqueratur,
relinquentemque se arguat. Sed inter has impias infirmasque sententias,
Ecclesiae fides imbuta apostolicis doctrinis non partitur Iesum Christum, ne
filius Dei et non filius hominis intelligatur; nam querela derelicti
morientis infirmitas est; promissio autem Paradisi, viventis Dei regnum est.
Habes in conquerente ad mortem relictum se esse, quia homo est; habes eum qui
moritur profitentem se in Paradiso regnare, quia Deus est. Non ergo mireris verborum
humilitatem, et querimonias derelicti, cum formam servi sciens, scandalum
crucis videas. Glossa. Dicitur autem Deus eum deseruisse in
morte, quia potestati persequentium eum exposuit; subtraxit enim
protectionem, sed non solvit unionem. Origenes in Matth. Postquam autem vidit super
omnem terram Iudaeam tenebras, hoc dixit, ostendere volens: dereliquisti me,
pater; idest, talibus exinanitum calamitatibus tradidisti, ut populus qui
fuerat apud te honoratus, recipiat quae in me ausus est, ut privetur a lumine
tuae prospectionis; sed et pro salute gentium dereliquisti me. Quid autem tam
bonum fecerunt qui ex gentibus crediderunt, ut pretioso sanguine super terram
effuso pro eis, eruerem eos a maligno? Aut quid tale dignum facturi sunt homines,
pro quibus patior ista? Forsitan autem et videns peccata hominum pro quibus
patiebatur, dixit quare me dereliquisti? Ut fierem quasi qui colligit
stipulam in messe, et racemos in vindemia. Non autem aestimes humano more
salvatorem ista dixisse, propter calamitatem quae comprehenderat eum in
cruce: si enim ita acceperis, non audies magnam vocem eius, quae ostendit
aliquid esse magnum absconditum. Rabanus. Vel salvator hoc dixit, nostros
circumferens motus, qui in periculis positi, a Deo deseri nos putamus. Humana
enim natura propter peccatum a Deo fuerat derelicta; sed quia filius Dei
factus est noster advocatus, quorum suscepit culpam, deplorat miseriam: in
quo ostendit quantum flere debeant qui peccant, quando sic flevit qui nunquam
peccavit. Sequitur quidam autem illic stantes et audientes, dicebant: Eliam
vocat iste. Hieronymus. Non omnes, sed quidam: quos
arbitror milites fuisse Romanos, non intelligentes Hebraici sermonis
proprietatem; sed ex eo quod dixit eli, eli, putant Eliam ab eo invocatum.
Sin autem Iudaeos, qui hoc dixerint, intelligere voluerimus, hoc more sibi
solito fecisse, ut dominum imbecillitatis infament, qui Eliae auxilium
deprecetur. Sequitur et continuo currens unus ex eis, acceptam spongiam
implevit aceto, et imposuit arundini, et dabat ei bibere. Augustinus in Serm. de passione. Sic ergo
propinator fontium potatur aceto, mellis dator cibatur felle, flagellatur
remissio, condemnatur venia, illuditur maiestas, ridetur virtus, perfunditur
largitor imbrium sputis. Hilarius in Matth. Est autem acetum vinum quod
per vitium aut incuriae aut vasis acescit; vinum autem est honor
immortalitatis aut virtus. Cum igitur in Adam coacuisset, ipse accepit et
potavit ex gentibus. In calamo enim et spongia ut potaret offertur; idest ex
corporibus gentium in se ad communionem immortalitatis ea quae in nobis erant
vitiata transfudit. Remigius. Vel aliter. Iudaei acetum erant
degenerantes a vino patriarcharum et prophetarum; habebant fraudulenta corda,
quasi spongiam cavernosis atque tortuosis latibulis. Per arundinem designatur
sacra Scriptura, quae in hoc facto implebatur: sicut enim lingua Hebraea vel
Graeca dicitur loquela, quae fit per linguam, sic et arundo dici posset
littera, vel Scriptura, quae fit per arundinem. Origenes in Matth. Et forsitan quicumque
secundum doctrinam ecclesiasticam sapiunt, vivunt autem male, dant ei vinum
bibere felle permixtum; qui autem alienas a veritate sententias applicant
Christo, quasi eas dicenti, hi spongiam implentes aceto imponunt calamo
Scripturae, et offerunt ori eius. Sequitur ceteri vero dicebant: sine,
videamus an veniat Elias liberans eum. Rabanus. Quia enim milites prave sonum vocis
dominicae intelligebant, ideo inaniter adventum Eliae expectabant. Deum ergo, quem salvator Hebraico sermone invocabat, inseparabiliter
semper secum habebat. Augustinus in Serm. de passione. Cum ergo nil
iam Christo restaret ex poenis, mors moratur, quia suum esse ibi nil sentit.
Suspecta est vetustati novitas. Hunc primum, hunc solum vidit hominem peccati
nescium, noxa liberum, iuris sui legibus nil debentem. Accedit tamen
confoederata Iudaico mors furori, et desperata vitae invadit auctorem; unde
sequitur Iesus autem iterum clamans voce magna, emisit spiritum. Quare autem
displicet, si Christus de sinu patris ad nostram servitutem venit, ut nos
suae redderet libertati; nostram mortem suscepit, ut nos eius morte
liberemur, quando nos despectu mortis mortales in deos retulit, terrenos
caelestibus aestimavit? Quantum enim divina virtus operum contemplatione
lucebat, tantum pati pro subiectis, pro servis mori, insigne est caritatis
immensae. Ergo haec prima causa est dominicae passionis, quia sciri voluit
quantum amaret hominem Deus, qui plus amari voluit quam timeri. Secunda causa
est ut sententiam mortis, quam iuste dederat, iustius aboleret. Quia namque
primus homo, adiudicante Deo, de reatu incurrerat mortem, et eam transmisit
ad posteros, venit de caelo secundus homo peccati nescius, ut mors
damnaretur, quae rapere iussa reos, innocentiae ipsum invadere praesumpsit
auctorem. Nec mirandum est, si pro nobis posuit quod suscepit a nobis,
scilicet animam, qui propter nos fecit tanta, et talia largitus est nobis.
Augustinus contra Felicianum. Absit enim a
fidelibus ista suspicio, ut sic Christus senserit mortem nostram, ut quantum
in se est, vita perderet vitam. Nam si hoc ita esset, quomodo illo triduo
potuisse dicimus aliquid vivere, si vitae fons dicitur aruisse? Sensit igitur
mortem deitas Christi participatione humana, sive humani affectus, quem
sponte susceperat, non naturae suae potentiam perdidit, per quam cuncta
vivificat. In morte enim nostra sine dubio destitutum vita corpus animam
nostram non perimit, dum discedens anima non vim suam perdit, sed quod
vivificaverat hoc dimittit, et quantum in se est, alterius mortem facit, ipsa
non recipit. De salvatoris nunc anima dicemus, qui, ut non dicam propter
inhabitantem divinitatem et propter iustitiam singularem, certe propter
communem moriendi sortem corpus illo triduo sic potuit deserere, ut ipsa non
posset penitus interire. Credo enim Dei filium mortuum esse, non secundum
poenam iniustitiae, quam ex toto non habuit, sed secundum legem naturae, quam
pro humani generis redemptione suscepit. Damascenus de fide Orth. Etsi tamen mortuus
est ut homo, et sancta eius anima ab incontaminato divisa est corpore; tamen
deitas inseparabilis ab utrisque permansit; ab anima, dico, et corpore. Et
neque sic una hypostasis in duas divisa est: corpus enim et anima, sicut a
principio in verbi hypostasi habuerunt existentiam, ita etiam in morte.
Numquam enim neque anima, neque corpus propriam habuerunt hypostasim, praeter
eam quae verbi est hypostasis. Hieronymus. Divinae autem potestatis indicium
est emittere spiritum, ut ipse quoque dixerat: nemo potest tollere animam
meam a me; sed ego pono eam, et iterum sumo eam: spiritum enim in hoc loco
pro anima intelligamus; seu quod vitale aut spirituale corpus faciat, seu
quod ipsius animae substantia spiritus sit, iuxta id quod scriptum est: auferes
spiritum eorum, et deficient. Chrysostomus in Matth. Propter hoc autem et
voce magna clamavit, ut ostendatur quoniam secundum eius potestatem id
geritur. Per hoc enim quod moriens vocem emisit magnam, apertissime se verum
Deum esse ostendit: quoniam homines cum moriuntur, vix tenuem vocem emittere
possunt. Augustinus de Cons. Evang. Quid autem voce
magna dixerit, Lucas declaravit: dixit enim: et clamans Iesus voce magna,
ait: pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Hilarius in Matth. Vel spiritum cum clamore
magnae vocis emisit, dolens se non omnia peccata portare. |
Versets
45-50.
— Saint Jean Chrysostome : (serm. sur
la passion.) La créature ne pouvait supporter la vue des outrages faits au
Créateur ; aussi le soleil retira-t-il ses rayons pour ne pas être témoin des
forfaits de ces impies : « Depuis
la sixième heure jusqu’à la neuvième, les ténèbres couvrirent toute la terre ».
— Origène : Il
en est qui argumentent de ce texte pour attaquer la vérité de l’Evangile ;
car depuis le commencement du monde, les éclipses de soleil ont toujours eu
lieu dans les temps prévus. Or, ces phénomènes qui arrivent périodiquement à
des époques prévues d’avance, n’ont jamais lieu que lorsque le soleil se
rencontre avec la lune, et que la lune, s’interposant entre le soleil et la
terre, empêche ses rayons de parvenir jusqu’à nous. Or, à l’époque de l’année
où la passion de Jésus-Christ eut lieu, il est évident qu’il ne pouvait y
avoir de conjonction du soleil et de la lune, puisqu’on était au temps de
Pâque, qui se célèbre à l’époque de la pleine lune. Des chrétiens, pour
résoudre cette difficulté, ont avancé que cet obscurcissement du soleil avait
été un miracle, comme tant d’autres faits qui se produisirent alors en dehors
des lois ordinaires de la nature. — Saint Denis : (lettre à
Polyc.) Comme nous étions tous deux à Héliopolis, nous vîmes tout d’un coup
et sans y être préparés, la lune s’interposer entre le soleil et la terre
(car ce n’était pas le temps de la rencontre naturelle de ces deux astres),
nous la vîmes de nouveau depuis la neuvième heure jusqu’au soir, couvrir
contrairement aux lois de la nature le diamètre du soleil. Nous vîmes cette
éclipse commencer à l’Orient, s’avancer vers le couchant, et puis revenir
pour ainsi dire sur ses pas. [Nous fûmes encore témoins de ce fait
extraordinaire], que ce ne fut pas du même côté du soleil que la lune
s’avança sur cet astre, et se retira ensuite, mais dans un sens
diamétralement opposé. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
Les ténèbres durèrent trois heures, tandis qu’une éclipse de soleil ne dure
qu’un instant, et n’a point de temps d’arrêt, comme le savent les astronomes.
— Origène : Mais
les enfants du siècle nous font cette objection : Comment se fait-il qu’aucun
écrivain grec ou étranger n’ait rapporté un fait aussi étonnant, alors qu’ils
nous ont transmis avec soin le souvenir de tous les événements
extraordinaires dont ils ont été témoins ? Il est vrai que Phlégon, dans ses
chroniques, rapporte qu’une éclipse eut lieu sous l’empire de Tibère César, mais
il ne dit pas que ce fut à l’époque de la pleine lune. C’est ce qui me porte
à croire que ce prodige, aussi bien que tous les autres qui eurent lieu
pendant la passion du Seigneur, tels que le tremblement de terre et le voile
du temple déchiré, et d’autres, furent restreints à la ville de Jérusalem. Ou
si l’on veut l’étendre à toute la Judée, il faudra donner à ces paroles le
sens qu’elles ont dans ce passage du livre des Rois, où Abdias dit à Elie : « Vive le Seigneur votre Dieu, il n’y
à point de nation ni de royaume où mon Seigneur n’ait envoyé vous chercher »
(3 R 18), c’est-à-dire qu’il l’avait cherché dans les contrées voisines de la
Judée. Nous devons donc admettre que d’épaisses et profondes ténèbres
s’étendirent sur toute la ville de Jérusalem et sur toute la terre de Judée.
La terre fut couverte d’épaisses ténèbres depuis la sixième heure jusqu’à la
neuvième heure. Car nous lisons que deux espèces différentes d’êtres ont été
créés le sixième jour, les animaux avant la sixième heure, et l’homme à cette
heure là même. Il convenait donc que celui qui mourait pour le salut du genre
humain fût attaché sur la croix à la sixième heure, et que par suite, les
ténèbres se répandissent sur toute la terre de la sixième heure à la
neuvième. Lorsque Moïse leva ses mains vers le ciel (Ex 10), les ténèbres se
répandirent sur les Egyptiens qui tenaient le peuple de Dieu en servitude ;
de même à la sixième heure, alors que le Christ étendait ses mains sur la
croix et les levait vers le ciel, les ténèbres enveloppèrent ce peuple qui
avait crié : « Crucifiez-le »,
et il se trouva privé de toute lumière, en signe des ténèbres qui devaient
envelopper toute la nation juive. Sous Moïse encore, les ténèbres couvrirent
pendant trois jours toute la terre d’Egypte, tandis que tous les enfants
d’Israël étaient dans la lumière ; c’est ainsi que pendant la passion de
Jésus-Christ, les ténèbres se répandirent pendant trois heures sur toute la
Judée, parce qu’elle était privée, en punition de ses péchés, de la lumière
de Dieu le Père, de la splendeur du Christ, et de la clarté de l’Esprit
saint, tandis que la lumière éclairait tout le reste de la terre, figure de
cette lumière qui éclaire dans tous les lieux l’Église de Dieu en
Jésus-Christ. Et si les ténèbres couvrirent toute la Judée, jusqu’à la
neuvième heure, il s’ensuit que la lumière a dû de nouveau briller à leurs
yeux : « Car lorsque la plénitude
des nations sera entrée, alors tout Israël sera sauvé » (Rm 11). — Saint Jean Chrysostome : (hom. 87.)
Ou bien suivant une autre explication, ce qu’il y avait d’admirable, c’est
que ces ténèbres étaient répandues sur toute la face de la terre, ce qui
n’était jamais arrivé auparavant. Car les ténèbres ne couvrirent que l’Egypte
seule, au moment de la célébration de la Pâque, ténèbres qui étaient la
figure de celles qui eurent lieu à la mort de Jésus-Christ. Et remarquez que
ces ténèbres se répandent au milieu du jour, au moment où il fait jour
partout sur la terre, afin que tous les habitants de la terre fussent témoins
de ce prodige. C’est là ce signe que Jésus promettait de donner aux Juifs qui
lui en faisaient la demande, lorsqu’il disait : « Cette génération
adultère et perverse demande un signe, et il ne lui en sera pas donné d’autre
que celui du prophète Jonas », figure de sa croix et de sa
résurrection ; car il était bien plus étonnant qu’il opérât ce prodige, étant
attaché sur la croix, que pendant le cours de sa vie. Ce miracle suffisait
certainement pour les convertir, non seulement par la grandeur du fait
considé[ré en lui-même], mais encore parce que le Seigneur l’opéra après
qu’ils eurent épuisé contre lui toutes les insultes, tous les outrages que la
haine put leur suggérer. Mais comment purent-ils tous se défendre d’un
sentiment d’admiration, et reconnaître qu’il était Dieu ? C’est que le genre
humain tout entier était livré à une malice prodigieuse, et plongé dans une
torpeur inexprimable ; que ce miracle fut de courte durée et qu’ils en
ignoraient la cause. Aussi Jésus fait entendre ensuite sa voix, pour leur
montrer qu’il est encore vivant et qu’il est l’auteur de ce miracle : « Et
sur la neuvième heure, Jésus jeta un grand cri en disant : Eli ! Eli ! lamma
sabacthani ? » c’est-à-dire : « Mon Dieu ! mon Dieu !
pourquoi m’avez-vous abandonné ? » — Saint Jérôme : Notre-Seigneur a
cité le commencement du psaume vingt et unième. Ces paroles qui se trouvent
au milieu du verset : « Jetez les yeux sur moi », ont été
surajoutées, car le texte hébreu porte seulement : « Eli, Eli, lamma
sabactani ? », c'est-à-dire : « Mon Dieu ! mon Dieu !
pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Il n’y a donc que des impies qui
puissent prétendre que ce psaume a pour objet la personne de David, d’Esther
et de Mardochée, puisque les Évangélistes lui ont emprunté d’autres
témoignages qu’ils appliquent au Sauveur, celui-ci en particulier : « Ils
se sont partagé mes vêtements, et ils ont percé mes mains ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 88.)
Or, Jésus cite ces paroles du prophète, pour rendre hommage jusqu’au dernier
moment, à l’Ancien Testament, et pour faire voir qu’il honore son Père, et ne
lui est pas opposé, et il prononce ces paroles en hébreu, pour être compris et
reconnu des Juifs qui l’entendent. — Origène : Examinons
pourquoi Jésus-Christ a été abandonné de Dieu. Quelques-uns, dans
l’impossibilité d’expliquer comment le Christ peut être délaissé de Dieu,
disent que c’est par humilité qu’il s’est ainsi exprimé ; mais vous pourrez
comprendre facilement le sens de ces paroles, en comparant la gloire dont le
Fils de Dieu jouit dans le sein de son Père avec la honte et l’ignominie
qu’il méprise en souffrant la mort de la croix. — Saint Hilaire : (Liv. 10 sur la
Trinité.) De ces paroles, les hérétiques veulent conclure ou que le Verbe de
Dieu s’est comme anéanti en prenant la place de l’âme unie au corps, et en
lui donnant la vie qu’il reçoit de l’âme, ou bien que Jésus-Christ n’était
pas un homme véritable, parce que le Verbe de Dieu n’habitait en lui que
comme il était autrefois dans l’esprit des prophètes. Il semble, d’après ces
hérétiques, que Jésus-Christ ne soit qu’un homme ordinaire, composé d’un
corps et d’une âme comme nous, et qu’il ne date son existence que du jour où
il a été fait homme, lui qui, dépouillé de la protection de Dieu qui se
retire de lui, s’écrie : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’avez-vous
abandonné ? » Ou bien encore, ajoutent-ils, la nature humaine
s’étant comme confondue avec l’âme du Verbe, Jésus-Christ a été secouru en
tout par la puissance de son Père, et maintenant qu’il est privé de ce
secours, et abandonné à la mort, il se plaint de cet abandon, et en appelle à
celui qui l’a délaissé. Mais au milieu de ces opinions aussi faibles
qu’impies, la foi de l’Église, toute pénétrée de la doctrine des Apôtres, ne
divise point Jésus-Christ, et ne laisse point à penser qu’il ne soit pas à la
fois Fils de Dieu et Fils de l’homme. En effet, la plainte qu’il fait
entendre dans son délaissement, c’est la faiblesse de l’homme qui va mourir,
et la promesse qu’il fait du paradis [au bon larron], c’est le royaume du
Dieu vivant. En se plaignant d’être abandonné au moment de sa mort, il vous
prouve qu’il est homme, mais tout en mourant, il assure qu’il règne dans le
paradis, et vous montre ainsi qu’il est Dieu. Ne soyez donc pas surpris de
l’humilité de ses paroles et des plaintes qu’il fait entendre dans son
délaissement, lorsque sachant bien qu’il a revêtu la forme d’esclave, vous
êtes témoin du scandale de la croix. — La Glose : On
dit que Dieu a délaissé son Fils au moment de sa mort, parce qu’il l’a exposé
au pouvoir de ses persécuteurs, il lui a retiré sa protection, mais n’a point
brisé les liens qui l’unissaient à lui. — Origène : Lorsqu’il
vit les ténèbres couvrir toute la terre de Judée, Jésus prononça ces paroles
dont voici le sens : Vous m’avez abandonné, mon Père, c’est-à-dire vous m’avez
livré comme anéanti sous le poids de telles calamités, afin que ce peuple que
vous avez comblé d’honneur, reçoive le châtiment de tout ce qu’il a osé
entreprendre contre moi, et qu’il soit privé de la lumière de vos regards.
Vous m’avez aussi abandonné pour le salut des nations. Mais quel si grand
bien ont pu faire les hommes qui ont embrassé la foi parmi les Gentils, pour
mériter d’être racheté de l’enfer par tout mon sang précieux répandu sur la terre
? Ou comment les hommes pourront-ils reconnaître dignement les supplices que
je souffre pour eux ? Peut-être que jetant les regards sur les péchés des
hommes qu’il expiait sur la croix, il dit à Dieu : « Pourquoi
m’avez-vous abandonné ? » Pour que je devienne comme celui qui
ramasse les épis qui restent après la moisson et les grains échappés à la
main du vendangeur. (Mi 7) Ne pensez pas cependant que ce soit sous
l’impression d’un sentiment purement humain et comme vaincu par la douleur
qu’il endure sur la croix que le Sauveur s’exprime de la sorte ; si vous
l’entendiez ainsi, vous ne comprendriez pas ce grand cri qu’il jette, et qui
nous annonce un grand mystère caché. — Raban : Ou bien le Sauveur jette ce cri, parce qu’il s’était
comme revêtu de nos sentiments, et que lorsque nous sommes dans le danger,
nous nous croyons abandonnés de Dieu. En effet, Dieu avait abandonné la
nature humaine par suite du péché, mais comme le Fils de Dieu est devenu
notre avocat, il pleure la misère de ceux dont il a pris sur lui les fautes,
et il nous apprend par là combien les pécheurs doivent verser de larmes, en
voyant ainsi pleurer celui qui n’a jamais commis le péché. Suite : « Quelques-uns
de ceux qui étaient présents, entendant cela, disaient : Il appelle Elie. »
— Saint Jérôme : Ce n’est pas tous,
mais quelques-uns, sans doute les soldats romains qui ne comprenaient pas
l’hébreu, et qui pensaient qu’il appelait Elie, parce qu’il s’était écrié :
Eh ! Eh ! Si l’on veut attribuer cette réflexion aux Juifs, il faudra dire
que suivant leur habitude, ils accusent le Seigneur de faiblesse, parce qu’il
demande le secours d’Elie. Suite : « Et
aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il emplit de vinaigre, et,
l’ayant mise au bout d’un roseau, il lui présenta à boire ». — Saint Augustin : (de la passion.)
Ainsi celui qui alimente les fontaines est abreuvé de vinaigre ; celui qui
nous donne le miel est nourri de fiel ; la miséricorde est flagellée ; celui
qui accorde le pardon est condamné ; la majesté est insultée ; la vertu
tournée en dérision, et celui qui répand les pluies fécondantes est couvert
de crachats. — Saint Hilaire : (can. 33.) Le
vinaigre est un vin qui s’est aigri ou par sa mauvaise qualité, ou par le
mauvais état du vase qui le contient, ou par négligence. Le vin représente
l’honneur de l’immortalité et de la vertu. Or, lorsque le vin se fut aigri en
Adam, le Seigneur en prit et en fut abreuvé par les nations. Ce vin est
présenté au moyen d’une éponge placée au bout d’un bâton ; c’est-à-dire que
le Seigneur reçut du corps des nations les faiblesses qui avaient corrompu en
nous le principe de l’immortalité, et qu’il les fit pour ainsi dire passer en
lui-même, pour communiquer l’immortalité [à tout ce qui avait été altéré et
corrompu]. — Saint Rémi : Ou bien, les Juifs
eux-mêmes étaient ce vinaigre, eux qui étaient comme un vin dégénéré des
patriarches et des prophètes, et qui avaient des cœurs creusés par la fraude,
comme l’est une éponge par les cavités profondes et tortueuses qu’elle
renferme. Le roseau figure la sainte Écriture qui recevait ainsi son accomplissement
; car de même qu’on appelle langue grecque ou hébraïque le langage que ces
langues servent à former, ainsi on peut donner le nom de roseau aux lettres
où à l’écriture qui sont tracées au moyen d’un roseau. — Origène : Peut-être
aussi peut-on dire que tous ceux qui ont la science de la doctrine
ecclésiastique, mais dont la vie est mauvaise, donnent à boire à Jésus-Christ
du vin mélangé de fiel. Ceux, au contraire, qui appliquent à Jésus-Christ des
maximes qui sont opposées la vérité, comme s’il en était l’auteur, ceux-là
placent au bout du roseau de l’Écriture une éponge remplie de vinaigre, et la
présentent aux lèvres du Seigneur. Suite : « Les
autres disaient : Attendez, voyons si Elie viendra le délivrer ». — Raban : Les soldats ne comprenaient pas le sens des paroles du Seigneur,
aussi ils attendaient, mais bien inutilement, l’arrivée d’Elie. Quant à
Notre-Seigneur, il était uni d’une manière indissoluble avec le Dieu qu’il
invoquait en langue hébraïque. — Saint Augustin : (serm. sur la
Pâque.) Après que Jésus-Christ eut épuisé toutes les peines, la mort
s’arrête, car elle sent qu’il n’y a rien en lui qui lui appartienne. La
nouveauté est suspecte à la vétusté ; c’est le premier, c’est le seul homme
qu’elle voit sans péché, pur de tout crime, et n’étant soumis en aucune
manière à ses lois. Mais la mort ne laisse pas de s’associer à la fureur des
Juifs, et elle se jette en désespérée sur l’auteur de la vie ; ensuite :
« Or, Jésus, jetant encore un grand cri, rendit l’esprit ». Qu’y a-t-il donc qui puisse nous déplaire,
en ce que Jésus-Christ ait quitté le sein de son Père, pour venir nous
délivrer de notre servitude et nous faire partager sa liberté ; qu’il se soit
soumis à notre mort pour nous en affranchir par sa propre mort, alors qu’en
nous inspirant le mépris de la mort, il nous a placés, simples mortels, au
rang des dieux, et malgré notre origine terrestre, nous a égalés aux esprits
célestes ? Car autant sa puissance divine brille dans le spectacle de ses
oeuvres, autant il nous donne une preuve éclatante de son immense charité, en
consentant à souffrir pour ses sujets, et à mourir pour ses serviteurs. Telle
fut la première raison de la passion du Seigneur, il voulut faire connaître
combien Dieu aimait l’homme, lui qui veut être bien plus aimé que craint des
hommes. La seconde cause, ce fut de détruire avec plus de justice la juste
sentence de mort qu’il avait portée contre l’homme. Le premier homme avait au
jugement de Dieu, encouru la mort par son péché, et l’avait transmise à ses
descendants ; le second (1 Co 15, 47) vint du ciel, pur de tout péché, pour
condamner la mort qui, n’ayant reçu de droits que sur les coupables, avait
osé s’attaquer à la source même de toute innocence. Il n’est point surprenant
qu’il ait quitté pour nous ce qu’il a reçu de nous, c’est-à-dire son âme, lui
qui a fait tant pour nous, et qui nous a comblés de tant de bienfaits. — Saint Augustin : (contre Félic.,
chap. 14.) Que les fidèles se gardent bien de penser que Jésus-Christ ait pu
ressentir sa mort humaine, de manière qu’en ce qui le concerne, la Vie ait
perdu la vie ; car s’il en était ainsi, comment, pendant ces trois jours,
pourrions-nous dire que tout ce qui existe ait conservé la vie, si la source
même de la vie avait été desséchée ? La divinité du Christ n’a donc ressenti
la mort que par son union à notre humanité, ou par la communion aux
faiblesses de notre nature qu’il avait prises volontairement ; mais il n’a
point perdu la puissance de sa nature, qui donne la vie à tout ce qui existe.
Lorsque nous mourons nous-mêmes, il est évident que notre corps, privé de la
vie, n’en dépouille pas notre âme ; l’âme, en se retirant, ne perd point sa
vertu, elle ne fait qu’abandonner le corps qu’elle vivifiait, et c’est
elle-même qui est la cause de la mort du corps, loin d’en être la victime.
Quant à l’âme du Sauveur, nous dirons que ce n’est ni à cause de la divinité
dont elle était le temple, ni par suite de sa pureté extraordinaire, mais
d’après les lois ordinaires de la mort, qu’elle a pu abandonner son corps
pendant ces trois jours, sans être elle-même exposée aux coups de la mort.
Car je crois que le Fils de Dieu est mort, non pour subir la peine due au
péché, peine qu’il ne put encourir en aucune façon, mais par une suite d’une
loi de la nature à laquelle il s’est soumis pour la rédemption du genre
humain. — Saint Jean Damascène : (de la
foi orthodoxe 3, 21.) Quoique Jésus-Christ soit mort comme homme, et que son
âme sainte ait été séparée de son corps exempt de toute souillure, cependant
la divinité est restée inséparablement unie à l’une et à l’autre,
c’est-à-dire à l’âme et au corps, et l’unité de personne n’a souffert aucune
division. Le corps et l’âme ont eu, dès le commencement, leur existence dans
la personne du Verbe, et l’ont conservée jusque dans la mort ; car ni le
corps ni l’âme n’ont eu d’autre personnalité que celle du Verbe. — Saint Jérôme : C’est pour
Jésus-Christ un acte de puissance toute divine que de rendre l’esprit, comme
lui-même l’avait prédit : « Personne ne peut m’ôter la vie ; mais
c’est de moi-même que je la quitte, et j’ai le pouvoir de la reprendre ».
L’esprit, dans ce passage, doit être pris pour l’âme, soit parce qu’il donne
la vie au corps et le rend pour ainsi dire spirituel, soit parce que l’esprit
est l’essence de l’âme, selon ces paroles : « Vous leur ôterez
l’esprit, et ils tomberont dans la défaillance ». (Ps 103.) — Saint Jean Chrysostome : (hom. 88.)
Il jette un grand cri pour montrer qu’il agit ici en vertu de sa puissance,
et en criant ainsi d’une voix forte au moment où il expire, il prouve de la
manière la plus évidente, qu’il est le Dieu véritable, puisque les hommes,
prêts de rendre le dernier soupir, peuvent à peine faire entendre un souffle
de voix. — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 3, 18) Saint Luc nous apprend quel fut l’objet de ce grand cri : « Et
Jésus s’écria d’une voix forte : Mon Père, je remets mon âme entre vos mains ».
— Saint Hilaire : (can. 33.) Ou bien, il expire en jetant un grand cri par la douleur qu’il éprouve de ne pouvoir effacer les péchés de tous les hommes (Is 53, 6 ; 1 P 2, 24). |
Lectio 10 [85612] Catena in Mt.,
cap. Origenes in Matth. Duo autem fuisse vela
intelliguntur: unum quod velat sancta sanctorum, aliud exterius sive
tabernaculi, sive templi. In passione ergo domini salvatoris, velum quod erat
a foris conscissum est a sursum usque deorsum, ut ab initio mundi usque ad
finem conscisso velamine, mysteria publicentur, quae usque ad adventum domini
rationabiliter fuerunt occulta. Cum autem venerit quod perfectum est, tunc
auferetur etiam secundum velum, ut videamus etiam quae interius sunt occulta,
scilicet veram arcam testamenti, et sicut ipsa se habet natura, videamus
Cherubim et alia. Hilarius in Matth. Vel ideo velum templi
scinditur, quia exinde populus est divisus in partes, et veli honor cum
custodia Angeli protegentis auferetur. Leo Papa in Serm. de passione. Est autem ad
testimonium venerandae passionis sufficiens signum elementorum inopinata
turbatio; unde sequitur et terra mota est, et petrae scissae sunt, et
monumenta aperta sunt. Hieronymus. Nulli enim dubium est quid
significet iuxta litteram magnitudo signorum, ut crucifixum dominum suum et
caelum et terra et omnia demonstrarent. Hilarius in Matth. Movetur terra, quia capax
huius mortui esse non poterat; petrae scissae sunt, omnia enim valida et
fortia penetrans Dei verbum, et potestas aeternae virtutis irruperat; et
monumenta aperta sunt: erant enim mortis claustra reserata. Sequitur et multa
corpora sanctorum qui dormierant surrexerunt: illuminans enim mortis
tenebras, et Infernorum obscura collustrans, mortis spolia detrahebat. Chrysostomus in Matth. Ipso quidem in cruce
manente eum irridentes dicebant alios salvos fecit; seipsum non potest salvum
facere. Sed quod in se facere noluit, in servorum corporibus, cum multa
superabundantia demonstravit. Si enim quatriduanum Lazarum exurgere magnum
fuit, multo magis eos repente qui olim dormierant, apparere viventes; quod
futurae resurrectionis erat indicium. Ut autem non putaretur esse phantasma
quod factum est, Evangelista subiungit et exeuntes de monumentis post
resurrectionem eius, venerunt in sanctam civitatem, et apparuerunt multis.
Hieronymus. Quomodo autem Lazarus mortuus
resurrexit, sic et multa corpora sanctorum resurrexerunt, ut dominum
ostenderent resurgentem; et tamen cum monumenta aperta sunt, non ante
resurrexerunt quam resurgeret dominus, ut esset primogenitus resurrectionis
ex mortuis. Sanctam autem civitatem in qua visi sunt resurgentes, aut
Ierusalem caelestem intelligamus, aut hanc terrenam, quae ante sancta fuerat:
sancta enim appellabatur civitas Ierusalem propter templum et sancta
sanctorum, et ob distinctionem aliarum urbium, in quibus idola colebantur.
Quando vero dicitur apparuerunt multis, ostenditur non generalis fuisse
resurrectio quae omnibus appareret, sed specialis ad plurimos, ut hi viderent
qui cernere merebantur. Remigius. Quaeret autem aliquis quid de illis
factum sit qui resurgente domino surrexerunt. Credendum quippe est quoniam
ideo surrexerunt ut testes essent dominicae resurrectionis. Quidam autem
dixerunt, quod iterum mortui sunt, et in cinerem conversi, sicut et Lazarus,
et ceteri quos dominus resuscitavit. Sed istorum dictis nullo modo est fides
accommodanda: quoniam maius illis esset tormentum qui surrexerunt, si iterum
mortui essent, quam si non resurgerent. Incunctanter ergo credere debemus
quia qui resurgente domino a mortuis resurrexerunt, ascendente eo ad caelos,
et ipsi pariter ascenderunt. Origenes in Matth. Semper autem haec eadem
magna quotidie fiunt: velum enim templi ad relevandum quae intus habentur
scinditur sanctis. Terra etiam movetur, idest omnis caro, novo verbo et novis
rebus secundum novum testamentum. Petrae autem scinduntur, quae mysterium
fuerunt prophetarum, ut in profundis eorum posita spiritualia mysteria
videamus. Monumenta autem dicuntur corpora peccatricum animarum, idest
mortuarum Deo; cum autem per gratiam Dei animae huiusmodi fuerint suscitatae,
corpora eorum, quae prius fuerunt monumenta, fiunt corpora sanctorum, et
videntur a seipsis exire, et sequuntur eum qui resurrexit, et in novitate
vitae ambulant cum eo: et qui digni sunt habere conversationem in caelis,
ingrediuntur in sanctam civitatem per singula tempora, et apparent multis
videntibus opera bona ipsorum. Sequitur centurio autem, et qui cum eo erant
custodientes Iesum, viso terraemotu et his quae fiebant, timuerunt valde,
dicentes: vere filius Dei erat iste. Augustinus de Cons. Evang. Non est contrarium
quod Matthaeus viso terraemotu dicit admiratum centurionem et eos qui cum eo
erant, cum Lucas dicat hoc admiratum, quod emissa magna voce expirasset: in
eo enim quod Matthaeus non solum dixit viso terraemotu, sed et addidit his
quae fiebant, integrum locum fuisse demonstravit Lucae, ut diceret
centurionem ipsam domini mortem fuisse miratum: quia et hoc inter illa est
quae tunc mirabiliter facta erant. Hieronymus. Ex hoc considerandum, quod
centurio in ipso scandalo passionis vere Dei filium confiteatur, et Arius in
Ecclesia praedicet creaturam. Rabanus. Unde merito per centurionem
fides Ecclesiae designatur, quae, vel mysteriorum caelestium per mortem
domini reserato, continuo Iesum et vere iustum hominem, et vere Dei filium,
synagoga tacente, confirmat. Leo in Serm. 13 de passione. Exemplo
igitur centurionis contremiscat in redemptoris sui supplicio terrena
substantia, rumpantur infidelium mentium petrae, et qui mortalitatis
gravabantur sepulcris, discussa obstaculorum mora prosiliant; appareant nunc
quoque in civitate sancta, idest Ecclesia Dei, futurae resurrectionis
indicia; et quod credendum est in corporibus, fiat in cordibus. Sequitur
erant autem ibi mulieres multae a longe, quae secutae erant Iesum a Galilaea,
ministrantes ei. Hieronymus. Consuetudinis enim Iudaicae
fuit, nec ducebatur in culpam more gentis antiquo, ut mulieres de substantia
sua victum atque vestitum praeceptoribus ministrarent. Hoc,
quia scandalum facere poterat in gentibus, Paulus abiecisse se memorat.
Ministrabant autem domino de substantia sua, ut meteret illarum carnalia,
cuius illae metebant spiritualia: non quia indigebat cibis dominus
creaturarum, sed ut typum ostenderet magistrorum, quia victu atque vestitu ex
discipulis deberent esse contenti. Sed videamus quales comites habuerit;
sequitur enim inter quas erat Maria Magdalene, et Maria Iacobi et Ioseph
mater, et mater filiorum Zebedaei. Origenes in Matth. Apud Marcum autem
tertia illa Salome appellatur. Chrysostomus in Matth. Hae autem
mulieres considerabant quae gerebantur, quae maxime erant compassibiles; et
quae sequebantur ministrantes usque ad pericula affuerunt, maximam
fortitudinem ostendentes: quia cum discipuli fugerunt, ipsae affuerunt. Hieronymus contra Helvidium. Ecce, inquit
Helvidius, Iacobus et Ioseph sunt filii Mariae matris domini, quos Iudaei
appellaverunt fratres Christi. Dicit autem Iacobi minoris ad distinctionem
Iacobi maioris, qui erat filius Zebedaei. Impium enim dicit esse Helvidius
hoc sentire de Maria, ut cum aliae feminae ibi fuerint, matrem eius abesse
dicamus; aut alteram esse Mariam, nescio quam confingamus, praesertim cum
Evangelium Ioannis testetur eam illic fuisse praesentem. O furor caecus, et
in proprium exitium mens vesana. Audi quid Ioannes Evangelista dicat: stabat
iuxta crucem Iesu mater eius, et soror matris eius Maria Cleophae, et Maria
Magdalene. Nulli dubium est duos fuisse apostolos, Iacobi nuncupatos
vocabulo: Iacobum Zebedaei, et Iacobum Alphaei. Iste autem nescio quis minor
Iacobus, quem Mariae filium Scriptura commemorat: si apostolus est, Alphaei
filius erit, si non est apostolus, sed tertius nescio quis Iacobus, quomodo
putandus est frater domini, et quomodo tertius ad distinctionem maioris minor
appellabitur? Cum maior et minor non inter tres, sed inter duos soleant
praebere distantiam; et frater domini apostolus sit, Paulo dicente: alium
apostolorum vidi neminem, nisi Iacobum fratrem domini. Ne autem hunc Iacobum putes filium Zebedaei, lege actus apostolorum,
iam ab Herode fuerat interemptus. Restat conclusio, ut Maria ista, quae
Iacobi minoris scribitur mater, fuerit uxor Alphaei, et soror Mariae matris
domini, quam Mariam Cleophae Ioannes Evangelista commemorat. Si
autem inde tibi alia atque alia videtur, quod alibi dicatur Maria Iacobi
minoris mater, et alibi Maria Cleophae, disces Scripturae consuetudinem,
eumdem hominem diversis nominibus appellari; sicut Raguel socer Moysi Ietro
dicitur. Et similiter dicitur Maria Cleophae uxor Alphaei; haec eadem dicta
est Maria mater Iacobi minoris; quae si mater esset domini, magis eam, ut in
omnibus locis, matrem alterius voluisset intelligi. Verum etsi alia fuerit
Maria Cleophae, et alia Maria Iacobi et Ioseph mater, hoc tamen constat non
eamdem Mariam Iacobi et Ioseph esse quam matrem domini. Augustinus de Cons. Evang. Possemus autem
dicere alias mulieres a longe, ut tres Evangelistae dicunt, et alias iuxta
crucem fuisse, ut Ioannes dicit, nisi Matthaeus et Marcus Mariam Magdalene
nominassent inter stantes longe, quam scilicet Ioannes nominavit inter
stantes iuxta crucem. Quomodo autem hoc intelligitur, nisi quia eo intervallo
erant ut et iuxta dici possent, quia in conspectu eius praesto aderant, et a
longe in comparatione turbae propinquius circumstantis cum centurione et
militibus. Possumus etiam intelligere quod illae quae simul aderant cum matre
domini, postquam eam discipulo commendavit, abire iam coeperant, ut a
densitate turbae se eruerent, et cetera quae facta sunt, longius intuerentur;
ut Evangelistae, qui post mortem domini eas commemoraverunt, et longe stantes
commemorent. |
Versets
51-56.
— Origène : De
grands événements suivirent ce grand cri jeté par Jésus : « Et voici que le voile du temple se
déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ». — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 3, 10.) Ces paroles prouvent suffisamment que le voile fut déchiré au
moment même où Jésus rendit l’esprit. Si l’Evangéliste n’avait pas dit : « Et
voilà », mais simplement : « Le voile du temple se déchira »,
on ne pourrait dire au juste si saint Matthieu et saint Marc ne font que
résumer leurs souvenirs, tandis que saint Luc suit dans son récit l’ordre
naturel des faits en disant : « Le soleil s’obscurcit », et
aussitôt après : « Et le voile du temple se déchira » ; ou
si saint Luc résume ce que les deux premiers rapportent dans l’ordre
chronologique. — Origène : Il
y avait deux voiles, l’un qui fermait le Saint des Saints (Ex 26, 14 ; Nb 4,
4 ; 3 R 3, 50 ; 8, 6), et l’autre, à l’extérieur, devant le temple, ou devant
le tabernacle. Au moment où le Sauveur expira, ce voile extérieur fut déchiré
de haut en bas, pour signifier que les mystères qui avaient été cachés selon
les desseins de la sagesse de Dieu depuis le commencement du monde, jusqu’à
l’avènement du Seigneur, allaient être révélés d’une extrémité de la terre à
l’autre. Mais lorsque viendra l’état parfait, alors le second voile sera
également déchiré, pour que nous puissions voir ce qui est caché à
l’intérieur, c’est-à-dire l’arche véritable de l’Alliance, et les chérubins
et les autres merveilles du ciel dans leur propre nature. — Saint Hilaire : Ou bien, le voile
du temple se déchire, parce que, dès ce moment, le peuple se divise en deux
parties, et que la gloire de ce voile disparaît avec l’ange qui le couvrait
de sa protection. — Saint Léon le Grand : (serm. 10 sur
la passion.) Le bouleversement subit de tous les éléments est un témoignage suffisant
rendu à cette auguste passion [du Fils de Dieu] : « Et la terre
trembla, et les pierres se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent ». — Saint Jérôme : Personne ne peut
douter de la signification littérale de tous ces prodiges grandioses, où l’on
voit le ciel, la terre et tous les éléments proclamer ainsi que c’est leur Seigneur
qui vient d’être crucifié. — Saint Hilaire : La terre tremble,
parce qu’elle était incapable de recevoir ce mort ; les pierres se fendent,
parce que le Verbe de Dieu et la puissance de l’Éternel, pénétrant tout ce
qui était solide et capable de résistance, les ont forcées ; les tombeaux
furent ouverts ; car les portes des cachots de la mort furent brisées. « Et
plusieurs corps des saints, qui étaient dans le sommeil de la mort,
ressuscitèrent ». Illuminant en effet les ténèbres de la mort et
révélant les mystères obscurs des Enfers, Jésus venait à bout des dépouilles
de la mort. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 88.)
Les ennemis du Seigneur insultaient et se moquaient de lui, parce qu’il ne
descendait pas de la croix : « Il a sauvé les autres, disent-ils, et
il ne peut se sauver lui-même ». Mais ce qu’il n’a point voulu faire
en lui-même, il l’a fait, bien au delà, dans les corps de ses serviteurs ;
car si ce fut un prodige surprenant de voir Lazare sortir du tombeau quatre
jours après sa mort, combien fut-il plus extraordinaire de voir tout d’un
coup apparaître pleins de vie ceux qui s’étaient endormis depuis si longtemps
du sommeil de la mort, ce qui était un présage de la résurrection dernière.
Et afin qu’on ne vînt à penser que ces apparitions n’étaient qu’imaginaires,
l’Évangéliste ajoute : « Et sortant de leurs tombeaux après la
résurrection de Jésus, ils vinrent dans la ville sainte et apparurent à
plusieurs. — Saint Jérôme : Ces corps des saints
ressuscitèrent de la même manière que Lazare était ressuscité, pour prouver
la résurrection du Seigneur. Et quoique leurs tombeaux fussent ouverts, ils
ne ressuscitèrent qu’après la résurrection du Seigneur, afin qu’il fût le
premier né de la résurrection d’entre les morts. (Col 1, 18.) La sainte cité,
où apparurent ceux qui ressuscitèrent, figure ou la Jérusalem céleste, ou la
Jérusalem de la terre, qui fut autrefois la cité sainte ; car Jérusalem était
appelée la ville sainte à cause du temple, du Saint des Saints, et de sa
séparation d’avec les autres villes livrées au culte des idoles. Ces paroles
: « Et ils apparurent à plusieurs » prouvent que cette
résurrection n’eut pas un caractère général qui la rendît visible aux yeux de
tous, mais qu’elle fut restreinte à un certain nombre pour en rendre témoins
ceux qui méritaient cette faveur. — Saint Rémi : On demandera peut-être
que devinrent ceux qui ressuscitèrent en même temps que le Seigneur ; car
nous devons croire qu’ils ressuscitèrent pour être témoins de la résurrection
du Seigneur. Il en est qui ont avancé qu’ils étaient morts de nouveau, et
retournés en poussière comme Lazare et les autres que Jésus a ressuscités.
Mais on ne peut ajouter foi en aucune manière à une semblable opinion, car c’eût
été pour eux un tourment bien plus grand de mourir de nouveau, après leur
résurrection, que de ne pas ressusciter du tout. Nous devons donc croire à
n’en pouvoir douter, qu’ils ressuscitèrent pour prendre part à la
résurrection du Seigneur, et qu’ils montèrent avec lui au ciel le jour de son
ascension. — Origène : Tous
les jours, ces grands prodiges se renouvellent sous nos yeux ; car tous les
jours le voile du temple se déchire devant les saints pour leur révéler les
secrets mystérieux qu’il renferme ; la terre, c’est-à-dire toute chair, est
ébranlée en entendant la parole nouvelle et les nouveaux mystères que contient
le Nouveau Testament ; les rochers se fendent, parce qu’ils sont la figure
des prophètes, pour nous laisser voir à découvert les mystères qui s’y
trouvent cachés. Les sépulcres des morts sont les corps des âmes pécheresses,
et qui sont mortes aux yeux de Dieu, mais lorsque ces âmes sont ressuscitées
par la grâce de Dieu, leurs corps, qui auparavant étaient des tombeaux de
morts, deviennent les corps des saints, et ces âmes paraissent sortir
d’elles-mêmes, elles suivent celui qui est ressuscité, et elles marchent avec
lui dans une sainte nouveauté de vie, et ceux qui sont dignes de vivre la vie
du ciel, entrent dans la cité sainte, chacun en son temps, et ils
apparaissent aux yeux d’un grand nombre qui sont témoins de leurs bonnes
oeuvres. Suite : « Le
centurion et ceux qui avec lui étaient les gardiens de Jésus, voyant le
tremblement de terre, et tout ce qui se passait, furent épouvantés, et ils
dirent : « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu ». — Saint Augustin : (de l’accord des
Evang., 3, 20.) Il n’y a point de contradiction entre saint Matthieu qui
rapporte qu’en voyant ce tremblement de terre, le centurion et tous ceux qui
étaient avec lui furent saisis de frayeur, et saint Luc qui attribue cette
frayeur au grand cri que Jésus jeta en mourant ; car saint Matthieu n’ayant
pas dit simplement : « A la vue de ce tremblement de terre »,
mais ayant ajouté : « et de tout ce qui se passait », prouve
l’intégrité du récit de saint Luc, où nous lisons, qu’en voyant la mort du Seigneur,
le centurion fut saisi de crainte, puisque ce prodige se trouve compris dans
les phénomènes extraordinaires qui arrivèrent alors. — Saint Jérôme : Remarquons ici qu’au
milieu de ce scandale de la passion, le centurion confesse que Jésus est Fils
de Dieu, tandis qu’au sein de 1’Église, Arius le proclame une simple
créature. — Raban : C’est donc avec raison que le centurion est la figure de
la foi de l’Église, lui qui, aussitôt que le voile qui couvrait les mystères
célestes est déchiré par la mort du Seigneur, le proclame un homme vraiment
juste et le vrai Fils de Dieu, alors que la synagogue garde le silence. — Saint Léon le Grand : (serm. 13 sur
la passion.) Que toute créature terrestre tremble d’effroi à l’exemple du
centurion devant le supplice de son Rédempteur, que les rochers des âmes
infidèles se brisent, et que ceux qui étaient comme accablés sous le poids
des tombeaux de la mortalité, se hâtent d’en sortir en renversant tous les
obstacles qui les arrêtent ; qu’ils se montrent aussi dans la cité sainte,
c’est-à-dire dans l’Église de Dieu, comme preuve de la résurrection future,
et qu’on voie dès maintenant s’accomplir dans les cœurs, ce qui, [d’après la
foi chrétienne], doit un jour s’accomplir dans les corps. Suite : « Il
y avait là aussi, à quelque distance de la croix, plusieurs femmes qui
avaient suivi Jésus depuis la Galilée, pour le servir ». — Saint Jérôme : C’était, chez les
Juifs, une coutume consacrée par les mœurs antiques, et que personne ne
songeait à blâmer que les femmes prennent soin de fournir, sur leurs propres
biens, à ceux qui les instruisaient le vêtement et la nourriture. Saint Paul
nous rapporte qu’il renonça à cet usage, parce qu’il pouvait être un sujet de
scandale pour les Gentils. Or, elles assistaient le Seigneur de leur avoir,
et lui permettaient ainsi de moissonner leurs biens matériels, alors qu’elles
moissonnaient elles-mêmes ses grâces spirituelles. Ce n’est pas que le
Seigneur eût besoin d’être nourri par ses créatures ; mais il voulait ainsi
donner l’exemple à ceux qui devaient enseigner l’Évangile, et leur apprendre
à se contenter de la nourriture et du vêtement qu’ils recevraient de leurs
disciples. Mais voyons quelles étaient ces pieuses compagnes : « Parmi
elles, étaient Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la
mère des fils de Zébédée ». — Origène : Dans
saint Marc, la troisième est appelée Salomé. Saint Jean Chrysostome : (hom. 88.) Ces femmes considéraient ce qui se passait, conduites par un profond sentiment de compassion. Elles le suivaient pour le servir, [pendant son ministère public, lorsqu’il parcourait la Judée et la Galilée pour les évangéliser, car, à cette heure, elles ne pouvaient que compatir à ses souffrances. Et voyez jusqu’où va leur constance ; elles suivaient Jésus, pour avoir soin de son entretien] (ajout du traducteur de 1868); elles
l’accompagnèrent jusqu’au milieu des dangers, et firent ainsi preuve du plus
grand courage, en restant avec lui alors que tous les disciples avaient pris
la fuite. — Saint Jérôme : (contre Helvid.) Il
est donc évident, dit Helvidius, que Jacques et Joseph, que les Juifs
appellent les frères de Jésus-Christ, sont les enfants de Marie, mère du
Seigneur. L’Évangéliste dit : « de Jacques le mineur », pour
le distinguer de Jacques le Majeur, fils de Zébédée ; et ce serait, ajoute
Helvidius, se rendre coupable d’impiété à l’égard de Marie, que de penser
qu’elle pût être absente dans cette circonstance où les autres femmes étaient
près de Jésus, ou qu’il y eut là on ne sait quelle autre Marie de notre
invention, alors surtout que l’évangile de saint Jean atteste qu’elle était
présente au pied de la croix. O fureur aveugle, ô âme dont la folie tourne à
sa propre ruine, entends ce que dit saint Jean l’Évangéliste : « Or,
la mère de Jésus, et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et
Marie-Madeleine étaient debout près de la croix ». Personne ne doute
qu’il y ait eu deux apôtres du nom de Jacques : Jacques, fils de Zébédée, et
Jacques, fils d’Alphée. Ce je ne sais quel Jacques le Mineur, que l’Écriture
appelle fils de Marie, ne peut être que le fils d’Alphée, s’il est apôtre ;
et s’il ne l’est pas, mais qu’il soit je ne sais quel troisième disciple du
nom de Jacques, comment peut-on le regarder comme le frère du Seigneur ? Et
comment, s’il est le troisième du nom de Jacques, peut-il être appelé Jacques
le Mineur, par opposition à Jacques le Majeur ? car la distinction de Majeur
et de Mineur ne peut exister entre trois, mais entre deux personnes
seulement. Et, d’ailleurs, saint Paul l’appelle frère du Seigneur, dans son épître
aux Galates : « Je n’ai vu aucun autre apôtre, si ce n’est Jacques,
frère du Seigneur ». Et pour vous bien convaincre que saint Paul ne
veut point parler de Jacques, fils de Zébédée, lisez les Actes des Apôtres,
et vous y verrez qu’à cette époque Hérode l’avait déjà fait mettre à mort,
Concluons donc que cette Marie, qui est appelée mère de Jacques le Mineur,
était l’épouse d’Alphée et la sœur de Marie, mère du Seigneur, et celle que
saint Jean l’évangéliste appelle Marie, femme de Cléophas. Si vous croyez
qu’il y ait ici deux personnes différentes, parce qu’elle est d’un côté
Marie, mère de Jacques le Mineur, et, de l’autre, Marie, femme de Cléophas,
rappelez-vous que c’est la coutume des Écritures de donner deux noms
différents à la même personne, comme, par exemple, Raguel, qui est aussi
appelée Jéthro (Ex 2, 3.) C’est ainsi que la même femme est appelée à la fois
Marie de Cléophas, femme d’Alphée, et Marie, mère de Jacques le Mineur ; et
si elle était la mère du Seigneur, il lui aurait donné ce nom comme dans tous
les autres passages. Mais, quand même Marie de Cléophas serait différente de
Marie, mère de Jacques et de Joseph, il n’en serait pas moins vrai que Marie,
mère de Jacques et de Joseph, n’est point Marie, mère du Seigneur. — Saint Augustin : (De l’accord des Evang., 13, 21.) Nous pourrions encore dire que les femmes qui se tenaient à distance de la croix, au rapport des trois Évangélistes, sont différentes de celles qui se tenaient près de la croix, d’après le récit de saint Jean, si saint Luc et saint Matthieu n’avaient placé Marie-Madeleine parmi celles qui se tenaient au loin, et saint Jean parmi celles qui étaient debout près de la croix. Comment donc expliquer cette difficulté ? C’est en disant qu’elles étaient à une distance telle qu’elles étaient tout à la fois près de la croix, parce qu’elles étaient en présence et comme en face, et loin de la croix en comparaison de la foule, qui se tenait plus près, avec le centurion et sa cohorte. Nous pouvons encore admettre que les femmes, qui étaient avec la mère du Seigneur, commencèrent à s’éloigner, lorsque Jésus l’eut confiée à saint Jean, pour se retirer de la foule et considérer de loin ce qui se passait, ce qui explique comment les Évangélistes, qui n’en parlent qu’après la mort du Seigneur, aient pu dire qu’elles se tenaient au loin. |
Lectio 11 [85613] Catena in Mt.,
cap. 27 l. 11 Glossa. Postquam Evangelista
retulerat ordinem dominicae passionis et mortem, nunc agit de eius sepultura,
dicens cum sero autem factum esset, venit quidam homo dives ab Arimathaea
nomine Ioseph, qui et ipse discipulus erat Iesu. Remigius. Arimathaea ipsa est et Ramatha
civitas Helcanae et Samuelis, quae sita est in regione Chanaitica, iuxta
Diospolim. Iste autem Ioseph, secundum saeculi statum, magnae fuit dignitatis;
sed multo maioris meriti apud Deum fuisse laudatur, siquidem iustus fuisse
describitur. Decebat quippe eum talem existere qui corpus sepeliret, quatenus
per iustitiam meritorum dignus esset tali officio. Hieronymus. Dives autem refertur non de iactantia
scriptoris, quod virum nobilem atque ditissimum referat Iesu fuisse
discipulum; sed ut ostendat causam quare a Pilato corpus Christi potuerit
impetrare. Sequitur hic accessit ad Pilatum, et petiit corpus Iesu: pauperes
enim et ignoti non essent ausi ad Pilatum praesidem Romanae potestatis
accedere et crucifixi corpus impetrare. In alio autem Evangelio Ioseph iste
Bulites appellatur, idest consiliarius; et de ipso quidem putant primum
Psalmum fuisse compositum: beatus vir qui non abiit in consilio impiorum.
Chrysostomus in Matth. Inspice autem huius
viri fortitudinem: in mortis enim periculum se tradidit, inimicitias ad omnes
assumens, propter benevolentiam Christi; et non solum audet corpus Christi
petere, sed et sepelire; unde sequitur et accepit et involvit illud in
sindone munda. Hieronymus. Ex simplici sepultura domini,
ambitio divitum condemnatur, qui nec in tumulis quidem possunt carere
divitiis. Possumus autem iuxta intelligentiam spiritualem et hoc sentire,
quod corpus domini non auro, non gemmis, non serico, sed linteamine puro
obvolvendum sit; quamquam et hoc significet, quod ille in sindone munda
involvit Iesum qui pura mente eum susceperit. Remigius. Vel aliter. Quia sindon lineus
pannus est; linum autem ex terra procreatur, et cum magno labore ad candorem
perducitur; designatur quia corpus illius, quod ex terra, idest ex virgine,
sumptum est, per laborem passionis pervenit ad candorem immortalitatis. Rabanus. Hinc etiam Ecclesiae mos
obtinuit ut sacrificium altaris non in serico neque in panno tincto, sed in
lino terreno celebretur, ut a beato Papa Silvestro legimus esse statutum.
Sequitur et posuit illud in monumento suo novo, quod exciderat in Augustinus in Serm. 2 de sabbato sancto. Ideo
autem salvator in aliena sepultura ponitur, quia pro aliorum moriebatur
salute. Ut quid ergo in propria sepultura qui in se
mortem propriam non habebat? Ut quid illi tumulus in terris, cuius sedes
manebat in caelis? Ut quid illi sepultura propria, qui tridui tantum temporis
spatio in sepulcro non tam mortuus iacuit, quam velut in lectulo conquievit?
Sepulcrum autem mortis est habitaculum necessarium: ergo non erat mortis
habitaculum Christo, quia vita est; nec opus habebat semper vivens habitaculo
defunctorum. Hieronymus. In novo autem ponitur monumento,
ne post resurrectionem, ceteris corporibus remanentibus, surrexisse alius
fingeretur. Potest autem et novum sepulcrum, Mariae virginalem uterum
demonstrare. In monumento autem exciso in petra conditus est, ne si ex multis
lapidibus aedificatus fuisset, suffossis tumuli fundamentis, ablatus furto
diceretur. Augustinus in Serm. 2 de sabbato sancto. Si
etiam sepulcrum fuisset in terra, dicere poterant: suffoderunt terram, et
furati sunt eum. Si fuisset lapis parvulus superpositus, dicere poterant:
dormientibus nobis tulerunt eum; unde sequitur et advolvit saxum magnum ad
ostium monumenti, et abiit. Hieronymus. Saxum enim magnum appositum
ostendit, non absque auxilio plurimorum sepulcrum potuisse reserari. Hilarius in Matth. Mystice autem Ioseph
apostolorum habet speciem. Hic in munda sindone corpus involvit, et quidem in
hoc eodem linteo reperimus de caelo ad Petrum universorum animantium genera
submissa: ex quo intelligitur sub lintei illius nomine consepeliri Christo
Ecclesiam. Domini ergo corpus infertur in vacuam et novam requiem lapidis
excisi, quia per apostolorum doctrinam in pectus duritiae gentilis quodam
doctrinae opere excisum Christus infertur, rude scilicet ac novum, et nullo
antea ingressu timoris Dei pervium. Et quia nihil praeter eum oporteat in
pectora nostra penetrare, lapis ostio advolvitur: ut quia nullus antea in nos
divinae cognitionis auctor fuerat illatus, nullus absque eo postea inferatur.
Origenes in Matth. Non autem fortuito
scriptum est, quoniam involvit corpus in sindone munda, et posuit in
monumento novo, et quod advolvit lapidem magnum: quoniam omnia quae sunt
circa corpus Iesu, munda sunt et nova, et omnia magna valde. Remigius. Postquam autem corpus domini
sepultum est, ceteris ad propria remeantibus, solae mulieres, quae eum
arctius amaverunt, perseveraverunt, et diligenti cura notaverunt locum in quo
corpus domini poneretur; quatenus congruo tempore munus suae devotionis ei
offerrent; et ideo sequitur erant autem ibi Maria Magdalene et altera Maria
sedentes contra sepulcrum. Origenes in Matth. Mater autem filiorum
Zebedaei non scribitur sedere contra sepulcrum: forsitan enim usque ad crucem
pervenire potuit. Istae autem, quasi maiores in caritate, neque his quae
postea gesta sunt defuerunt. Hieronymus. Vel ceteris relinquentibus
dominum, mulieres in officio perseverant, expectantes quod promiserat Iesus;
et ideo meruerunt primae videre resurrectionem, quia qui perseveraverit usque
in finem, hic salvus erit. Remigius. Quod usque hodie sanctae mulieres,
idest humiles animae sanctorum, in hoc saeculo faciunt, et pia curiositate
attendunt quemadmodum passio Christi completa sit. |
Versets
57-61.
— La Glose : L’Évangéliste,
ayant rapporté toute la suite de la passion et de la mort du Seigneur,
raconte maintenant ce qui concerne sa sépulture : « Le soir étant
venu, vint un homme riche d’Arimathie, nommé Joseph, qui était aussi disciple
de Jésus ». — Saint Rémi : Arimathie est la même
ville que Ramatha, patrie de Samuel et d’Helcana (1 R 1), et elle est située
dans le pays de Chanaan, près de Diospolis. Ce Joseph avait dans le monde une
haute position ; mais l’Évangéliste le loue de ce qu’il jouissait, aux yeux
de Dieu, d’une considération plus grande encore, car, nous dit-il, il était
juste (Lc 23, 50). Il était en effet convenable que ce fût un homme de ce
mérite qui ensevelit le corps de Jésus, et qui, par la grandeur de ses
vertus, fût digne de lui rendre ce devoir. — Saint Jérôme : On nous dit qu’il
était riche, non point par vanité de l’écrivain et pour nous apprendre qu’un
homme aussi distingué par sa noblesse que par son opulence était disciple de
Jésus, mais pour expliquer comment il put obtenir de Pilate le corps du Seigneur
: « Il vint trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus ».
Des pauvres, des gens du peuple, n’auraient osé venir trouver Pilate,
gouverneur qui représentait la puissance romaine, et lui demander le corps
d’un crucifié. Ce Joseph est appelé, par un autre Évangéliste, bouleutès,
c’est-à-dire conseiller (Mc 15, 42), et plusieurs pensent que c’est à lui que
s’applique ce premier psaume : « Heureux l’homme qui n’a pas été dans
le conseil des impies ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 88.)
Considérez le courage de cet homme : il s’expose à perdre la vie, en attirant
sur lui la haine de tous les ennemis de Jésus, par l’affection [qu’il ne
craint pas de lui témoigner], et non seulement il ose demander le corps de
Jésus, mais encore l’ensevelir : « Et Joseph, ayant reçu le corps,
l’enveloppa dans un linceul blanc ». — Saint Jérôme : La sépulture si
simple du Seigneur condamne les prétentions ambitieuses des riches qui ne veulent
pas être privés de leurs richesses, même dans leurs tombeaux. Nous pouvons
aussi entendre, dans un sens spirituel, la sépulture du corps du Seigneur,
qui est enseveli, non dans l’or, ni dans les pierres précieuses, ni dans la
soie, mais dans un linge pur, figure de celui qui reçoit Jésus dans un cœur
pur et qui l’enveloppe ainsi dans un linceul blanc. — Saint Rémi : Ou bien, dans un autre
sens, comme le mot ‘sindon’[, que nous traduisons par linceul], est un tissu
de lin, que le lin vient de la terre, et qu’on ne peut lui donner une
blancheur éclatante que par beaucoup de travail, c’est une figure mystérieuse
de ce corps qui vient de la terre, c’est-à-dire du sein d’une Vierge, et qui
n’est parvenu que par les épreuves de sa passion à la gloire éclatante de
l’immortalité. — Raban : C’est de là qu’est venu l’usage, dans l’Église, d’offrir
le sacrifice de l’autel, non sur la soie, ni sur une étoffe de couleur, mais
sur un tissu de lin qui vient de la terre, comme l’a ordonné le bienheureux
pape Sylvestre. Suite : « Et
il le déposa dans le sépulcre neuf qu’il avait fait creuser pour lui dans le
roc ». — Saint Augustin : (serm. 2 pour le
Samedi saint.) Le Sauveur est déposé dans un sépulcre étranger, parce qu’il
mourait pour le salut des autres. Pourquoi aurait-il eu une sépulture en
propre, puisque, par lui-même, il n’était pas sujet à la mort ? Qu’avait-il
besoin d’un tombeau sur la terre, lui qui n’avait cessé d’avoir son trône
dans le ciel ? A quoi pouvait lui servir un sépulcre qui lui appartint, lui
qui n’y resta que trois jours, plutôt comme un homme qui se repose dans un
lit que comme un mort étendu dans un tombeau. Le sépulcre, c’est la demeure de
la mort, et la demeure de la mort ne pouvait être celle de Jésus-Christ, qui
est la vie, et Celui qui vit éternellement n’avait nul besoin du séjour des
morts. — Saint Jérôme : il est déposé dans
un sépulcre neuf, car les autres corps restant dans le tombeau après sa
résurrection, on aurait pu supposer que c’était un autre qui était
ressuscité. Ce sépulcre neuf peut aussi figurer le sein virginal de Marie. Le
corps du Seigneur a été enseveli dans un tombeau creusé dans le roc, car si
ce tombeau avait été composé de plusieurs pierres, on n’eût pas manqué
d’objecter qu’on en avait creusé les fondations, pour dérober secrètement le
corps. — Saint Augustin : Et encore, si ce
tombeau avait été aménagé dans la terre, ils auraient pu dire : Ils ont
creusé sous terre, et ils l’ont enlevé. S’il n’eût été fermé que par une
petite pierre, ils n’auraient pas manqué de dire : Ils sont venus le dérober
pendant que nous dormions. D’où ce qui suit : « Et ayant roulé
une grande pierre à l’entrée du tombeau, il s’en alla ». — Saint Jérôme : Cette grande pierre,
qui couvre le sépulcre, prouve suffisamment qu’on n’aurait pu l’ouvrir sans
le concours d’un grand nombre de personnes. — Saint Hilaire : (can. 33.) Dans le
sens mystique, Joseph est une figure des Apôtres ; il ensevelit le corps dans
un linceul blanc. Nous constatons que c’est dans un linge semblable que saint
Pierre vit descendre du ciel vers lui toutes sortes d’animaux, ce qui
signifie que 1’Église a été ensevelie avec Jésus-Christ. Le corps du Seigneur
est donc placé dans ce lieu de repos, creusé tout nouvellement dans la
pierre, parce que Jésus-Christ est déposé, par la prédication des Apôtres,
dans le cœur si dur des infidèles, que le travail de la doctrine a creusé,
mais qui était jusque-là inaccessible à tout sentiment de crainte de Dieu.
Une pierre ferme l’entrée de ce tombeau, pour nous apprendre que nul que le
Seigneur ne doit entrer dans nos cœurs, et que, puisqu’avant lui personne
n’avait fait pénétrer en nous la connaissance de Dieu, personne ne puisse y être
ensuite introduit que par lui. — Origène : Ce
n’est point par hasard qu’il est écrit que Joseph enveloppe le corps dans un
linceul pur, qu’il le dépose dans un sépulcre neuf, et qu’il roule une grande
pierre à l’entrée, car tout ce qui approche le corps de Jésus doit avoir pour
caractère la pureté, la nouveauté, la grandeur. — Saint Rémi : Après que le corps fut
enseveli, tandis que tous les autres retournaient chez eux, les femmes seules
qui l’avaient aimé plus tendrement restèrent près de son corps et remarquèrent
avec grand soin l’endroit où on venait de l’ensevelir, afin de pouvoir, en
temps convenable, lui offrir l’hommage de leur piété : « Or,
Marie-Madeleine et l’autre Marie étaient là, se tenant près du tombeau ». — Origène : Nous
ne lisons pas dans l’Évangile que la mère des enfants de Zébédée fut
elle-même assise près du sépulcre, peut-être n’avait-elle pu aller que
jusqu’au pied de la croix ; mais les autres femmes, animées d’une charité
plus grande, ne voulurent pas ne pas assister à tout ce qui devait suivre. — Saint Hilaire : Ou bien, alors que tous les autres abandonnent le Seigneur, celles-ci persévèrent dans leur dévouement à Jésus, et attendent l’effet de ses promesses. Aussi elles méritèrent de voir les premières le Seigneur ressuscité, « car celui-là seul qui persévère jusqu’à la fin sera sauvé » (Mt 10, 22 ; 24, 13). — Saint Rémi : C’est ce que continuent de faire, jusqu’à ce jour, les saintes femmes, c’est-à-dire les âmes de ce temps qui considèrent, avec une pieuse curiosité, comment s’accomplit et se termine la passion du Christ. |
Lectio 12 [85614] Catena in Mt., cap. 27 l. 12 Hieronymus.
Non suffecerat principibus sacerdotum crucifixisse dominum salvatorem,
nisi sepulcrum custodirent, et quantum in illis est, manus imponerent resurgenti;
unde dicitur altera autem die, quae est post parasceven. Rabanus. Parasceve dicitur praeparatio: hoc
nomine vocatur sexta sabbati, in qua praeparabant necessaria sabbato, ut de
manna dictum est: sexta die colligetis duplum: quia enim sexta die factus est
homo, in septima requievit Deus, ideo sexta die Iesus pro homine moritur, et
in sabbato quievit in sepulcro. Hieronymus. Principes autem sacerdotum licet
immensum facinus in nece domini perpetraverint, tamen non sufficit eis, nisi
etiam post mortem eius conceptae nequitiae virus exerceant, famam eius
lacerantes; et quem innocentem sciebant, seductorem vocant: unde dicunt
domine, recordati sumus quia seductor ille dixit. Sicut autem Caiphas ignorans ante prophetaverat dicens: expedit unum
hominem mori pro populo, et non tota gens pereat, sic modo; seductor enim
erat Christus, non a veritate in errorem mittens, sed a falsitate in
veritatem, a vitiis ad virtutes, a morte ad vitam ducens. Remigius. Ex hoc autem dicunt eum dixisse post
tres dies resurgam, quia dixerat: sicut fuit Ionas tribus diebus et tribus
noctibus in ventre ceti, et cetera. Sed videndum quomodo post tres dies
resurrexerit. Nonnulli voluerunt tres horas tenebrarum, unam intelligi
noctem; et lucem quae secuta est tenebras, diem; sed hi vim figuratae
locutionis ignoraverunt. Figurate enim sexta feria, qua passus est,
comprehendit noctem praecedentem; sequitur autem nox sabbati cum suo die; nox
vero dominici diei comprehendit suum diem; ac per hoc verum est quod post
triduum resurrexit. Augustinus in Serm. de passione. Ideo autem
post tres dies resurrexit, ut in passione filii totius Trinitatis
monstraretur assensus; triduum enim legitur in figura, quia Trinitas, quae in
principio fecerat hominem, ipsa in fine hominem per Christi reparat
passionem. Sequitur iube ergo custodiri sepulcrum
usque in tertium diem. Rabanus. Discipuli enim Christi
fures spiritualiter erant: quia ab ingratis Iudaeis scripta novi et veteris
testamenti ablata in usum Ecclesiae conferebant, et salvatorem qui eis
promissus fuerat, illis nocte dormientibus, hoc est infidelitate torpentibus,
abstulerunt, gentibus credendum tradentes. Hilarius in Matth. Metus furandi corporis, et
sepulcri custodia atque obsignatio, stultitiae atque infidelitatis testimonium
est: quod signare sepulcrum eius voluerunt, cuius praecepto conspexissent de
sepulcro mortuum suscitatum. Rabanus. In hoc autem quod dicunt et erit
novissimus error peior priore, ignoranter verum dicunt: peior enim fuit
contemptus poenitentiae in Iudaeis quam error ignorantiae. Chrysostomus in Matth. Vide etiam qualiter
nolentes concertant ad demonstrandam veritatem: irrefragabilis enim
demonstratio resurrectionis facta est per ea quae praetenderunt: quia enim
custoditum est sepulcrum, nulla fraus facta est. Si autem fraus facta non
est, manifeste et irrefragabiliter dominus surrexit. Quid autem Pilatus
respondeat, subiungitur ait illis Pilatus: habetis custodiam: ite, custodite,
sicut scitis. Rabanus. Quasi dicat: sufficiat vobis quod
consensi in necem innocentis; de cetero vester error vobiscum permaneat.
Sequitur illi autem abeuntes munierunt sepulcrum, signantes lapidem cum
custodibus. Chrysostomus in Matth. Non autem permittit
Pilatus solos milites sigillare: si enim soli milites sigillassent, possent
dicere quoniam milites permiserunt quod discipuli corpus domini furarentur,
et ita resurrectionis infringere fidem: nunc hoc dicere non possunt, cum
ipsimet sepulcrum sigillassent. |
Versets
62-65.
— Saint Jérôme : Il ne suffisait pas
aux princes des prêtres d’avoir crucifié le Dieu Sauveur ; il fallait encore
qu’ils gardent son tombeau, et qu’autant qu’il était en eux ils lui fassent
violence pour l’empêcher de ressusciter. « Or, le lendemain,
c’est-à-dire le jour d’après la préparation du sabbat ». — Raban : Le mot ‘parasceve’ veut dire préparation, et ce nom était
donné au sixième jour pendant lequel on préparait tout ce qui était
nécessaire pour le sabbat, comme il était recommandé pour la manne : « Le
sixième jour, vous en recueillerez le double ». C’est le sixième
jour que l’homme a été créé, et c’est le septième que Dieu s’est reposé.
Ainsi, Jésus est mort le sixième jour, comme homme, et il s’est reposé le
septième dans le tombeau. — Saint Jérôme : Ce n’est pas assez
pour les princes des prêtres d’avoir commis un immense forfait en mettant le
Seigneur à mort, il faut encore que leur malice empoisonnée se répande sur
lui après sa mort, qu’ils déchirent sa réputation, et qu’ils traitent de
séducteurs celui dont ils connaissent l’innocence : « Ils disent donc
à Pilate : ‘Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur, lorsqu’il
vivait encore, a dit’ ». Ils agissent ici comme Caïphe, qui avait
prophétisé précédemment, sans savoir ce qu’il disait : « Il est
avantageux qu’un seul homme périsse pour tout le peuple, et que la nation
entière ne périsse pas » (Jn 11). En effet, Jésus-Christ était un
séducteur, qui ne faisait point passer de la vérité à l’erreur, mais du
mensonge à la vérité, du vice à la vertu, de la mort à la vie. — Saint Rémi : Ils prétendent qu’il a
dit : « Je ressusciterai après trois jours », parce qu’il
avait fait autrefois cette prédiction : « De même que Jonas resta
trois jours et trois nuits dans le sein de la baleine, etc... » (Mt
12). Mais il nous faut examiner comment il a ressuscité trois jours après sa
mort. Il en est quelques-uns qui ont voulu compter trois heures d’obscurité
pour une nuit, et pour un jour l’aurore qui suivit les ténèbres ; mais ils
n’ont point compris la portée du langage figuré. Dans ce langage, le sixième
jour où Jésus-Christ a souffert comprend la nuit précédente, vient ensuite la
nuit du samedi avec le jour qui la suit, et la nuit du dimanche comprend le
jour qui vient après. C’est ainsi qu’il est vrai de dire que le Seigneur est
ressuscité trois jours après sa mort. — Saint Augustin : (Serm. sur la
Pass.) Il est ressuscité trois jours après sa mort, pour montrer le
consentement que toute la Trinité avait donné à la passion du Fils de Dieu,
et ces trois jours sont une figure de la Trinité qui avait créé l’homme au
commencement, et qui le répare à la fin par la passion de Jésus-Christ. Suite : « Commandez
donc que le sépulcre soit gardé jusqu’au troisième jour ». — Raban : Les disciples de Jésus-Christ étaient des voleurs au sens
spirituel, parce qu’ils faisaient servir à l’usage de 1’Église les écrits de
l’Ancien et du Nouveau Testament, qu’ils avaient enlevés aux Juifs coupables
d’ingratitude, et qu’ils leur ont enlevé le Sauveur qui leur avait été promis,
pendant qu’ils dormaient du sommeil de l’infidélité, pour le transmettre aux
Gentils qui devaient croire en lui. — Saint Hilaire : Cette crainte qu’on
enlève le corps, cette garde du sépulcre, ce sceau qu’ils y apposent sont un
témoignage de leur folie et de leur incrédulité qui les portent à sceller le
sépulcre de celui à la voix duquel ils avaient un vu mort sortir plein de vie
du tombeau. — Raban : En ajoutant : « Et cette dernière imposture
serait pire que la première », ils disent vrai à leur insu, car le
mépris de la grâce de la pénitence fut pour les Juifs pire que l’erreur
causée par leur ignorance. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 88.) Voyez encore comment, sans le vouloir, ils concourent à la démonstration de la vérité, car cette mesure qu’ils firent prendre devint une preuve péremptoire de la résurrection : car, puisque le tombeau fut gardé, aucune fraude n’a été possible, et s’il n’y a pas eu de fraude, il est donc certain et incontestable que le Seigneur est ressuscité. Or, voici ce que leur répond Pilate : « Pilate leur dit : ‘Vous avez des gardes, allez, gardez-le comme vous l’entendrez’ ». — Raban : Il semble leur dire : Qu’il vous suffise de m’avoir fait
consentir à la mort de l’innocent ; pour le reste, soyez seuls responsables
de votre coupable erreur. « Ils s’en allèrent donc, et, pour
s’assurer du sépulcre, ils eu scellèrent la pierre et y mirent des gardes ».
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 89.) Pilate ne voulut pas que le sceau fût mis sur le sépulcre par les soldats seulement ; car, si les soldats seuls avaient scellé le tombeau, les Juifs auraient pu dire alors que les soldats avaient laissé les disciples enlever le corps du Seigneur, et détruire ainsi la foi en sa résurrection ; mais ils n’oseraient maintenant l’avancer, puisqu’ils ont eux-mêmes scellé le sépulcre. |
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Caput 28 |
CHAPITRE 28 —
[Le triomphe du Roi]
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Lectio 1 [85615] Catena in Mt.,
cap. Augustinus de Cons. Evang. De hora vero qua
mulieres venerunt ad monumentum, non contemnenda exoritur quaestio. Cum enim
Matthaeus hic dicat vespere autem sabbati quae lucescit in prima sabbati:
quid est quod dicit Marcus: et valde mane una sabbatorum venit Maria
Magdalene et altera Maria videre sepulcrum? Aperte quippe prima noctis, quod
est vespere, ipsam noctem voluit significare Matthaeus, cuius noctis fine
venerunt ad monumentum; ergo quoniam sabbato impediebantur ut non ante
facerent, ab eo tempore nominavit noctem ex quo eis licere coepit ut facerent
quodcumque vellent tempore eiusdem noctis. Sic itaque dictum est vespere
sabbati, ac si diceretur, nocte sabbati, idest nocte quae sequitur diem
sabbati: quod ipsa verba eius satis indicant; sic enim ait quae lucescit in
prima sabbati: quod fieri non potest nisi tantummodo primam noctis
particulam, idest solum initium noctis, intellexerimus dicto vespere
significatum. Neque enim ipsum initium noctis lucescit in prima sabbati; sed
ipsa nox quae in luce incipit terminari; et usitatus modus loquendi est
divinae Scripturae a parte totum significare. Vespere
ergo noctem significavit, cuius extremum est diluculum: diluculo enim
venerunt ad monumentum. Rabanus. Quod dictum est, quia sanctae
mulieres vespere sabbati quae lucescit in prima sabbati, venerunt videre
sepulcrum, ita intelligendum: quia vespere quidem venire coeperint; sed
lucescente mane in prima sabbati ad sepulcrum pervenerunt; idest, vespere
aromata paraverunt, quibus corpus domini ungere desiderabant, sed aromata
vespere praeparata, mane ad sepulcrum detulerunt; quod Matthaeus quidem
brevitatis causa obscurius posuit; sed Evangelistae alii quo ordine factum
sit evidentius ostendunt. Sepulto namque sexta feria domino, reversae a
monumento mulieres praeparaverunt aromata et unguenta, quamdiu operari
licebat; et sabbato quidem siluerunt secundum legis mandatum, sicut Lucas
aperte designat; cum autem transisset sabbatum, vesperaque adveniente, tempus
operandi rediisset, prompte ad devotionem emerunt quae minus praeparaverant
aromata, sicut Marcus commemorat: ut venientes ungerent Iesum; et valde mane
veniunt ad monumentum. Hieronymus. Vel aliter. Quod diversa tempora
istarum mulierum in Evangeliis describuntur, non mendacii signum est, ut
impii obiciunt, sed sedulae visitationis officia, dum crebro abeunt et
redeunt, et non patiuntur a sepulcro domini diu abesse vel longius. Remigius. Sciendum autem quia Matthaeus
mystice loquens studuit nobis insinuare, illa sacratissima nox quantam
dignitatem ex honore devictae mortis et dominicae resurrectionis accepit;
ideo dixit vespere autem sabbati quae lucescit in prima sabbati. Cum
consuetus ordo temporum habeat ut vesperae non lucescant in diem, sed potius
obtenebrescant in noctem; ostenditur his verbis quod dominus totam hanc
noctem luce suae resurrectionis festivam et coruscam reddidit. Beda in Hom. in vigilia Paschae. Ab exordio
etiam mundanae creationis usque huc ita temporum cursus distinguebatur, ut
dies noctem praecederet: quia homo a luce Paradisi peccando lapsus, in huius
saeculi tenebras aerumnasque decidit. Aptissime autem nunc dies sequitur
noctem, quando per fidem resurrectionis a peccati tenebris et umbra mortis ad
lucem vitae, Christo largiente, reducimur. Severianus in Serm. de passione. Est autem
vespera sabbati quae lucescit; quia illuminatur per Christum sabbatum, non
deletur. Non, inquit supra, veni solvere legem, sed adimplere. Illuminatur, ut in diem dominicam luceat, clarescat in Ecclesia quod
in synagoga, Iudaeis obscurantibus, fuscabatur. Sequitur
venit Maria Magdalene et altera Maria videre sepulcrum. Sero quidem mulier currit
ad veniam, quae mature cucurrit ad culpam: quae de Paradiso perfidiam
sumpserat, festinat fidem sumere de sepulcro; contendit rapere de morte
vitam, quae de vita rapuerat mortem. Non autem dixit: venerunt, sed venit,
sub uno nomine. Veniunt duae mysterio, non casu: venit ipsa, sed altera, ut
mutaretur mulier virtute, non sexu. Praecedunt autem apostolos feminae quae
Ecclesiarum typum ad dominicum deferunt sepulcrum, Maria scilicet, et Maria.
Maternum Christi unum nomen in duas geminatur feminas: quia haec Ecclesia ex
duobus populis veniens, idest ex gentibus et Iudaeis, una esse
figuratur.Venit autem Maria ad sepulcrum, sicut ad resurrectionis uterum, ut
iterum Christus ex sepulcro nasceretur fidei, qui carni fuerat generatus ex
ventre; et eum quem clausa virginitas ad praesentem tulerat vitam, clausum
sepulcrum ad vitam redderet sempiternam. Divinitatis insigne est clausam
virginem reliquisse post partum, et de sepulcro clauso exisse cum corpore.
Sequitur et ecce terraemotus factus est magnus. Hieronymus. Dominus noster unus atque idem
filius Dei et hominis, iuxta utramque naturam divinitatis et carnis, nunc
magnitudinis suae, nunc humilitatis signum demonstrat; unde et in praesenti
loco quisquis homo sit qui crucifixus est, qui sepultus, tamen quae foris
aguntur, ostendunt filium Dei. Hilarius in Matth. Motus enim terrae
resurrectionis est virtus, cum concusso mortis aculeo, et illuminatis illius
tenebris, resurgente virtutum caelestium domino, Inferorum trepidatio
commovetur. Chrysostomus in Matth. Vel ideo terraemotus
factus est, ut exurgant et evigilent mulieres: etenim accesserant, ut
unguentum mitterent; et quia in nocte haec gerebantur, probabile est quasdam
obdormisse. Beda in Hom. super venit Maria Magdalene. Quod
etiam terraemotus, resurgente domino de sepulcro, sicut etiam moriente in
cruce, factus est magnus, significat terrena quidem corda per fidem passionis
prius, ac resurrectionis eius ad poenitentiam concutienda salubri pavore
permota. Severianus in Serm. Paschae. Si autem
sic terra tremuit cum dominus ad veniam sanctorum resurgeret: quomodo
contremiscet, cum noxiorum omnium surget ad poenam? Dicente
propheta: terra tremuit, cum resurgeret in iudicio Deus. Et quomodo domini
praesentiam sustinebit quae Angeli praesentiam sustinere non valuit? Nam
sequitur Angelus domini descendit de caelo. Surgente siquidem Christo, morte
pereunte, terrenis redditur caeleste commercium, et mulieri cui fuerat cum
Diabolo lethale consilium, cum Angelo colloquium fit vitale. Hilarius. Misericordiae enim Dei patris
insigne est, resurgente filio ab Inferis, virtutum caelestium ministeria
mittere; atque ideo prior resurrectionis ipse est index ut quodam famulatu
paternae voluntatis resurrectio nuntiaretur. Beda. Quia enim Christus Deus et homo est,
inter acta humanitatis semper ei Angelorum ministeria Deo debita non desunt.
Sequitur et accedens revolvit lapidem, non ut egressuro domino ianuam pandat,
sed ut egressus eius iam facti hominibus praestet indicium. Qui enim mortalis
clauso virginis utero potuit nascendo ingredi mundum, ipse factus immortalis,
clauso sepulcro potuit resurgendo exire de mundo. Remigius. Significat autem revolutio lapidis
reservationem sacramentorum Christi, quae littera legis tegebantur: lex
namque in lapide scripta fuit, et ideo per lapidem designatur. Severianus. Non autem dixit: volvit, sed
revolvit lapidem: quia lapis advolutus probavit mortem, et revolutus extitit
resurrectionis assertor. Mutatur hic ordo rerum: sepulcrum mortem, non
mortuum devorat; domus mortis mansio fit vitalis; uteri nova forma mortuum
recipit, reddit vivum. Sequitur et sedebat super eum; sedebat inquam, cui
nulla inerat lassitudo, ut fidei doctor, ut resurrectionis magister; sedebat
supra petram, ut soliditas sedentis daret credentibus firmitatem; ponebat
Angelus super petram fundamenta fidei, super quam Christus erat Ecclesiam
fundaturus. Vel per lapidem monumenti potest designari mors, qua omnes
premebantur: per hoc ergo quod Angelus super lapidem sedit, significatur quod
Christus mortem sua virtute subiecit. Beda. Et recte stans apparuit Angelus qui
adventum domini in mundo praedicebat, ut stando designaret quia dominus ad
debellandum mundi principem veniret. Praeco autem resurrectionis sedisse
memoratur, ut sedendo significaret eum, superato mortis auctore, sedem regni
iam conscendisse perpetui. Sedebat autem super lapidem revolutum, quo ostium
monumenti claudebatur, ut claustra Inferorum sua ipsum virtute deiecisse
doceret. Augustinus de Cons. Evang. Potest autem movere
quomodo secundum Matthaeum Angelus super lapidem sedebat revolutum a
monumento, cum Marcus dicat mulieres introeuntes in monumentum vidisse
iuvenem sedentem in dextris, nisi intelligamus aut Matthaeum tacuisse de
Angelo quem intrantes viderunt, Marcum autem de illo quem viderunt sedentem
super lapidem, ut duos viderint, et a duobus sigillatim audierint quae
dixerunt Angeli de Iesu: aut certe quod dicit Marcus: intrantes in
monumentum, in aliqua septa maceriae debemus accipere, qua communitum locum
tunc fuisse credibile est, idest in aliquod spatium ante petram, in qua
excisa locus factus fuerat sepulturae, ut ipsum viderint in eodem spatio
sedentem a dextris quem dicit Matthaeus sedentem super lapidem. Sequitur erat
autem aspectus eius sicut fulgur, et vestimenta eius sicut nix. Severianus. Vultus claritas a vestium candore
separatur, et facies fulguri, nivi vestis Angeli comparatur: quia fulgur de
caelo, nix de terra: unde propheta: laudate dominum de terra (...) ignis,
grando, nix, et cetera. In facie ergo Angeli claritas caelestis servatur
naturae; in veste significatur gratia communionis humanae: et sic temperatur
species Angeli colloquentis, ut carnalis oculi et vestium ferant placidam
claritatem, et ex fulgore vultus nuntium sui tremerent, et revererentur
auctoris. Idem in alio Serm. Quid autem facit indumentum
ubi tegendi necessitas non habetur? Sed Angelus nostrum habitum, nostram
formam in resurrectione praefiguratur, ubi homo ipsa corporis sui claritate
vestitur. Hieronymus. In candido etiam vestitu
Angelus significat gloriam triumphantis. Gregorius in Evang. Vel
aliter. In fulgure terror timoris est, in nive autem blandimentum candoris:
quia vero omnipotens Deus et terribilis est peccatoribus, et blandus iustis,
recte testis resurrectionis eius Angelus et in fulgure vultus et in candore
habitus demonstratur, ut de ipsa sua specie et terreret reprobos et mulceret
pios; unde sequitur prae timore autem eius exterriti sunt custodes, et facti
sunt velut mortui. Rabanus. Timoris anxietate sunt exterriti qui
amoris fiduciam non habebant; et facti sunt velut mortui qui resurrectionis
veritatem credere noluerunt. Severianus in Serm. Paschae. Custodiebant enim
crudelitatis studio, non pietatis obsequio: stare enim non potest quem
conscientia destituit et impellit reatus. Hinc est quod Angelus percellit
impios, pios alloquitur et solatur. Sequitur respondens autem Angelus dixit
mulieribus. Hieronymus. Custodes quidem timore perterriti
ad instar mortuorum stupefacti iacent; et Angelus tamen non illos, sed
mulieres consolatur, dicens nolite timere vos: quasi dicat: illi timeant in
quibus remanet incredulitas; ceterum vos, quia Iesum quaeritis crucifixum,
audite quod surrexerit, et promissa perfecerit; unde sequitur scio enim quod
Iesum, qui crucifixus est, quaeritis. Severianus. Adhuc enim crucifixum et mortuum
requirebant, quarum fidem saeva passionis procella turbaverat, et tentationis
ita eas pondus incurvaverat, ut caeli dominum quaererent in sepulcro. Non est
hic. Rabanus. Per praesentiam carnis, qui tamen
nusquam deest per praesentiam maiestatis. Sequitur surrexit enim, sicut dixit.
Chrysostomus in Matth. Quasi dicat: et si mihi
non creditis, illius mementote verborum. Deinde et alia sequitur
demonstratio, cum subditur venite, et videte locum ubi positus erat dominus.
Hieronymus. Ut si meis verbis non creditis,
vacuo credatis sepulcro. Severianus. Angelus ergo praedicit nomen,
crucem dicit, loquitur passionem; sed mox resurrectionem, mox dominum
confitetur; et Angelus post tanta supplicia, post sepulcrum agnoscit dominum
suum; cur homo aut minoratum Deum in carne iudicat, aut in passione existimat
defecisse virtutem? Dicit autem crucifixum, et ostendit locum ubi positus
erat dominus, ne alter, et non idem resurrexisse crederetur ex mortuis. Et si
dominus in eadem redit carne, et suae resurrectionis facit indicia, quare
homo in alia putat se carne rediturum? Aut carnem forte servus dedignatur
suam, cum nostram dominus non mutavit? Rabanus. Non autem solis vobis hoc gaudium
magnum concessum est occulto corde tenere, sed similiter amantibus debetis
illud pandere; unde sequitur et cito euntes dicite discipulis eius quia
surrexit. Severianus. Quasi dicat: revertere ad virum,
mulier iam sanata, et suade fidem quae perfidiam ante suasisti: refer homini
resurrectionis indicium cui ante consilium ruinae dedisti. Sequitur et ecce praecedet vos in Galilaeam. Chrysostomus in Matth. Hoc autem dicit
eripiens eos a periculis, ne timor fidem impediret. Hieronymus. Mystice autem praecedet vos
in Galilaeam, hoc est in volutabrum gentilium, ubi ante error erat lubricum,
et firmo ac stabili pede vestigium non tenebat. Sequitur ibi eum videbitis:
ecce praedixi vobis. Beda. Bene autem dominus in Galilaea
videtur a discipulis, qui iam de morte ad vitam, iam de corruptione ad
incorruptionem transierat: Galilaea quippe transmigratio interpretatur.
Felices feminae quae triumphum resurrectionis mundo annuntiare meruerunt;
feliciores animae quae in die iudicii, percussis pavore reprobis, gaudium
beatae resurrectionis intrare meruerint. |
Versets
1-7.
— Saint Augustin : (serm. sur la
résurrect.). Après les insultes et les coups, après le fiel mêlé de vinaigre,
après les douleurs et le supplice de la croix, bref après la mort même et la
descente aux Enfers, le corps renouvelé du Seigneur renaît du sein même du
trépas, la vie sort du tombeau où elle était cachée, le salut ressuscite au
milieu de la mort où il a puisé une splendeur plus éclatante. — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 3, 24.) Une question qui n’est pas à négliger est de savoir l’heure
précise à laquelle les femmes vinrent au sépulcre ; car comment concilier ce
que dit saint Matthieu : « Le soir du sabbat, à l’aube du premier
jour de la semaine", avec le récit de saint Marc : « Et le
premier jour de la semaine, de grand matin, Marie Magdeleine et une autre
Marie vinrent voir le sépulcre ». Nous répondons que saint Matthieu,
par le soir, qui est la première partie de la nuit, a voulu exprimer toute la
nuit vers la fin de laquelle les femmes vinrent au sépulcre. Comme elles ne
pouvaient le faire auparavant à cause du jour de sabbat, saint Matthieu
désigne par le mot nuit, la partie de cette nuit où il leur fut permis d’accomplir
ce qu’elles souhaitaient. Cette expression « Le soir du sabbat »
revient donc à celle-ci : « La nuit du sabbat », c’est-à-dire la nuit qui suit le jour du
sabbat, et ce qui suit le prouve assez : « Lorsque le premier jour de
la semaine commençait à luire ». Ce qui ne serait point vrai, si
nous ne comprenions par le mot soir, que la première partie, que le
commencement de la nuit ; car ce n’est pas au commencement de la nuit qu’on
voit luire l’aurore du premier jour de la semaine, c’est dans le cours de la
nuit elle-même, alors qu’elle se dispose à faire place à la lumière, et on
sait que l’usage de la Sainte Écriture est d’exprimer le tout par la partie.
Le mot soir signifie donc ici la nuit, à l’extrémité de laquelle on voit
poindre l’aurore, et c’est à l’aurore naissante que les saintes femmes
vinrent au sépulcre. — Saint Bède : [référence à vérifier] Ou
bien dans un autre sens, ce que dit saint Matthieu, que les femmes vinrent au
tombeau le soir du sabbat, lorsque le premier jour de la semaine commençait à
peine à luire, doit s’entendre eu ce sens qu’elles se disposèrent à partir le
soir, mais qu’elles n’arrivèrent au tombeau qu’à l’aurore du premier jour de
la semaine ; c’est-à-dire qu’elles préparèrent, le soir, les parfums dont
elles voulaient embaumer le corps du Seigneur, mais elles ne portèrent au tombeau,
que le matin, ces parfums préparés de la veille. Saint Matthieu, voulant
abréger, s’est exprimé ici d’une manière plus obscure, mais les autres
Évangélistes ont rapporté plus clairement les faits dans l’ordre où ils se
sont passés. Lorsque le Seigneur fut enseveli le sixième jour, les saintes
femmes quittèrent le tombeau et préparèrent les parfums et les aromates, tant
qu’il leur était permis de le faire, elles suspendirent leur travail le jour
du sabbat pour obéir aux prescriptions de la loi, comme saint Luc le dit en
propres termes. Mais lorsque le jour du sabbat fut passé, et que le retour de
la nuit leur permit de reprendre leur travail, pleines d’une tendre charité,
elles se hâtèrent d’acheter les parfums qu’elles n’avaient pas eu le temps de
préparer entièrement, comme le rapporte saint Marc, pour venir embaumer
Jésus, et c’est de grand matin qu’elles arrivent au tombeau. — Saint Jérôme : Ou bien encore, que
les Évangélistes racontent que les femmes sont venues à des heures
différentes, ce n’est pas un signe qu’ils mentent, comme l’objectent les
impies, mais une preuve du pieux empressement de ces saintes femmes, qui les
porte à visiter souvent le sépulcre, et ne leur permet pas d’être longtemps
éloignées du tombeau du Seigneur. — Saint Rémi : Il faut aussi se
rappeler que dans le sens mystique, saint Matthieu a voulu nous faire
comprendre quel honneur le triomphe de Jésus-Christ sur la mort, et sa
glorieuse résurrection avaient fait rejaillir sur cette nuit sacrée, et c’est
pour cela qu’il dit : « Le soir du sabbat, à l’aube du premier jour
de la semaine ». Car d’après la marche naturelle du temps, le soir
n’aboutit pas immédiatement au jour, mais s’obscurcit, au contraire, jusqu’à
la nuit complète ; l’Évangéliste veut donc nous montrer par ces paroles que
le Seigneur a fait de toute de cette nuit, par la splendeur de sa
résurrection, une nuit de clarté et d’allégresse. — Saint Bède : Depuis le commencement
de la création du monde jusque là, la marche naturelle du temps était que le
jour précédât la nuit, parce que l’homme, ayant perdu par son péché la
lumière du paradis, était tombé dans les ténèbres et dans les douleurs de ce
monde. Mais maintenant par une raison pleine de sagesse, le jour vient après
la nuit ; car, par la foi en la résurrection, nous passons des ténèbres du
péché et de l’ombre de la mort à la lumière de la vie par la grâce de
Jésus-Christ. — Sévérianus : (serm. sur la passion.) « A l’aube su
premier jour de la semaine ». Jésus-Christ ne vient pas détruire,
mais éclairer le jour du sabbat : « Je ne suis pas venu détruire la
loi, a-t-il dit, mais l’accomplir ». Dieu éclaire ce jour
pour lui donner la splendeur qui convient au jour du Seigneur, et le faire
briller dans toute l’Eglise, alors que dans la synagogue il était couvert des
ténèbres que les Juifs répandaient autour de lui. — Suite. " Marie Magdeleine
vint, avec l’autre Marie, voir le sépulcre ». La femme accourt le
soir pour obtenir son pardon, elle qui avait couru le matin vers le crime ;
elle avait puisé dans le paradis la méchanceté, elle se hâte de venir puiser
la foi au sépulcre du Seigneur, elle s’efforce d’arracher la vie du sein même
de la mort, après qu’elle avait trouvé la mort au sein même de la vie. Or,
l’Évangéliste ne dit point : « Elles vinrent », mais : « Elle
vint ». Sous le même nom, elles viennent à deux, non par hasard,
mais par une raison mystérieuse. Marie Magdeleine vient elle-même, mais elle
vient toute autre, un changement s’est opéré en elle, non pas dans son sexe,
mais dans les dispositions de son âme. Ces femmes, appelées toutes deux
Marie, précèdent les Apôtres, et portent pour ainsi dire le symbole des
Églises au tombeau du Seigneur. Marie est le nom de la mère de Jésus-Christ,
ce même nom est porté simultanément par deux femmes comme figure de l’unité
de l’Église qui est composée de deux peuples, c’est-à-dire des Gentils et des
Juifs. Or, Marie vint au sépulcre comme au sein qui devait enfanter la
résurrection, d’où Jésus-Christ devait naître de nouveau à la foi, comme il
était né du sein de sa mère à cette vie mortelle ; de manière que le sépulcre
fermé rendit à la vie éternelle celui que le chaste sein d’une vierge avait
enfanté à la vie présente. C’est une preuve éclatante de sa divinité d’avoir
laissé intacte et ferme le sein de la Vierge qui lui avait donné le jour,
comme aussi d’être sorti avec son corps de ce tombeau qu’il laisse également
fermé. Suite : « Et
voici qu’il se fit un grand tremblement de terre ». — Saint Jérôme : Notre-Seigneur, tout
à la fois Fils de Dieu, et Fils de l’homme, selon sa double nature divine et
humaine, donne tour à tour des signes, tantôt de sa grandeur, tantôt de son
humilité ; ainsi dans cet endroit, quoique celui qui a été crucifié et qui a
été enseveli soit homme, cependant tous ces prodiges qui éclatent au dehors,
proclament qu’il est en même temps Fils de Dieu. — Saint Hilaire : (can. dern. sur S.
Matth.) Ce tremblement de terre, c’est la puissance de résurrection que
déploie en ressuscitant le Seigneur des vertus célestes, lorsqu’après avoir
émoussé l’aiguillon de la mort, et éclairé ses profondes ténèbres, il fait
trembler les enfers et les saisit d’épouvante. — Saint Jean Chrysostome : (hom, 89.)
Ou bien, ce tremblement de terre eut lieu pour tirer les saintes femmes de
leur sommeil ; car elles étaient venues pour embaumer le corps, et comme il faisait
nuit, il est probable que quelques-unes d’entre elles s’étaient endormies. — Saint Bède : La terre tremble,
lorsque le Seigneur ressuscite du tombeau, comme elle a tremblé lorsqu’il
était mort sur la croix, et nous annonce qu’il faut que les cœurs des hommes,
pour se convertir, soient pénétrés d’une crainte salutaire par la foi que
nous devons avoir d’abord en sa passion, puis en sa résurrection. — Saint Jérôme : [référence à vérifier] Si
la terre a ainsi tremblé, alors que le Seigneur ressuscitait pour la
justification des saints, combien plus tremblera-t-elle lorsqu’il se lèvera
pour punir les pécheurs, selon cette parole du prophète : « La terre
a tremblé, lorsque le Seigneur se levait pour le jugement » (Ps 75).
Comment pourra-t-elle soutenir la présence de Dieu, elle qui n’a pu soutenir
la présence d’un ange ? « Et un ange du Seigneur descendit du ciel ».
Du moment que Jésus-Christ ressuscite, et que la mort est détruite, l’échange
se rétablit entre le ciel et la terre, et la femme qui avait reçu autrefois
du démon un conseil de mort, entend sortir de la bouche d’un ange des paroles
de vie. — Saint Hilaire : C’est un effet
insigne de la miséricorde de Dieu le Père, d’employer au moment où son Fils
ressuscita des enfers le ministère des Vertus célestes, et il devient ainsi
lui-même comme le héraut de la première résurrection en la faisant annoncer
par un de ceux qui sont les ministres habituels de la volonté de son Père. — Saint Bède : Jésus-Christ étant
tout à la fois Dieu et homme, jamais le ministère des anges, auquel il avait
droit comme Dieu, ne lui a fait défaut dans le cours de sa vie mortelle : « Il
s’approcha, et renversa la pierre », non pas pour ouvrir un passage
par où le Seigneur put sortir du tombeau, mais prouver, au contraire, qu’il
en était déjà sorti ; car le mortel qui a pu venir au monde sans ouvrir par
sa naissance le sein d’une vierge, a bien pu, en ressuscitant à une vie
immortelle, sortir du monde en laissant fermé le tombeau qu’il quittait. — Saint Rémi : Cette pierre renversée
signifie que les mystères de Jésus-Christ qui étaient couverts par la lettre
de la loi, sont maintenant dévoilés ; car la loi a été écrite sur la pierre,
et cette pierre en est la figure. — Sévérianus : Il ne dit pas : « Il roula la pierre »,
mais : « Il la renversa » ; car la pierre, roulée à l’entrée
du tombeau, était une preuve de la mort de Jésus-Christ, tandis qu’étant
renversée, elle est une démonstration de sa résurrection. L’ordre naturel des
choses est ici renversé ; le tombeau dévore la mort elle-même, et non le mort
; la demeure de la mort devient un séjour vivifiant ; nous voyons ici un sein
d’un nouveau genre, il reçoit un mort et rend un vivant. Suite : « Et
il était assis sur la pierre ». Il était assis sans être sujet à
aucune fatigue ; mais comme docteur de la foi, pour annoncer la résurrection
; et il était assis sur la pierre pour que la solidité de cette chaire pût
affermir la foi des croyants. L’ange posait les fondements de la foi sur
cette pierre sur laquelle Jésus-Christ devait fonder son Église. — Ou bien cette pierre du tombeau
peut être considérée comme une figure de la mort qui pesait sur tous les
hommes ; et l’ange assis sur la pierre nous représente Jésus-Christ qui a
triomphé de la mort par sa puissance. — Saint Bède : (hom. 1.) L’ange qui
est venu annoncer au monde l’avènement du Seigneur se tint debout avec
raison, déclarant par cette attitude que le Seigneur était venu pour
combattre le prince de ce monde, tandis que le héraut de la résurrection nous
est représenté assis, pour marquer que le Seigneur était monté sur son trône
éternel après avoir triomphé de l’auteur de la mort. Il était assis sur la
pierre renversée, qui fermait précédemment l’entrée du sépulcre, pour nous
apprendre qu’il avait fait tomber par sa puissance les portes de l’enfer. — Saint Augustin : (De l’acc. des
Evang., 3, 24.) On pourra peut-être s’émouvoir de ce que, d’après le récit de
saint Matthieu, l’ange était assis sur la pierre du sépulcre qu’il avait
renversée, tandis que saint Marc nous dit que les femmes étant entrées dans
ce sépulcre, virent un jeune homme assis à la droite. Mais il faut comprendre
que saint Matthieu n’a point parlé de l’ange qu’elles virent en entrant dans
le sépulcre, ni saint Marc de celui qui était assis sur la pierre, de manière
qu’elles virent deux anges, et entendirent séparément de leur bouche ce
qu’ils venaient leur apprendre de Jésus. Ou bien encore, ces paroles de Marc :
« Elles entrèrent dans le tombeau », doivent s’expliquer
d’un mur de clôture, dont il est probable que le tombeau était entouré, ou
d’un endroit particulier qui se trouvait devant la pierre dans laquelle on
avait creusé le tombeau, de manière que les saintes femmes aient pu dans ce
même endroit, voir assis, à droite, l’ange qui, d’après saint Matthieu était
assis sur la pierre. Suite : « Son visage brillait comme
l’éclair, et son vêtement blanc comme la neige ». — Sévérianus : L’éclat du visage est distinct de la blancheur des
vêtements ; son visage est comparé à l’éclair, et ses vêtements à la neige,
parce que l’éclair vient du ciel, et que la neige vient de la terre, c’est
pour cela que le prophète a dit : « Louez le Seigneur du sein de la
terre, feu, grêle, neige, etc... » (Ps 147) L’ange conserve sur son
visage l’éclat de sa nature céleste, et ses vêtements figurent la faveur
qu’il nous fait d’entrer en communion avec notre nature. L’aspect de cet ange
qui s’adresse aux saintes femmes est donc tempéré de manière que des yeux
mortels puissent supporter la douce clarté de ses vêtements, et que l’éclat
de son visage leur fassent craindre et révérer en lui l’envoyé de celui qui
les a créées. — Idem : Mais pourquoi ces
vêtements, là où il n’y a aucune nécessité de se couvrir ? C’est que l’ange
figure ici, par avance, la forme et la figure que nous devons avoir dans la
résurrection, alors que l’homme sera revêtu d’un corps éclatant. — Saint Jérôme : Par ce vêtement
blanc, l’ange nous représente encore la gloire de Jésus-Christ triomphant. — Saint Grégoire : (hom. sur la Pâq.)
Ou bien dans un autre sens, la foudre produit le tremblement et la crainte ;
la neige frappe par sa blancheur. Or, comme le Dieu tout-puissant est à la
fois terrible pour les pécheurs, et plein de douceur pour les justes, l’ange,
témoin de sa résurrection, doit apparaître avec un visage éclatant et des
vêtements blancs comme la neige, afin que son aspect épouvante à la fois les
méchants, et calme les craintes des âmes pieuses ; ainsi : « Les
gardes en furent tellement saisis de frayeur qu’ils en devinrent comme
morts ». — Raban : La
crainte et l’anxiété les glacent d’effroi, parce qu’ils n’avaient pas la
confiance qu’inspire l’amour, et ils devinrent comme morts, parce qu’ils ne
voulurent pas croire la vérité de la résurrection. — Sévérianus : Car montaient la garde par un instinct de cruauté,
et non par un sentiment de piété. Or, celui que sa conscience abandonne et
que le remords accable, ne peut rester debout. Voilà pourquoi l’ange renverse
les impies, tandis qu’il adresse la parole aux âmes justes pour les consoler.
Suite : « Et
l’ange prit la parole, s’adressant aux femmes ». — Saint Jérôme : Les gardes, glacés
d’effroi, sont là étendus immobiles comme des morts, et cependant ce n’est
pas à eux, mais aux saintes femmes, que l’ange adresse des paroles de
consolation : « Pour vous, ne craignez pas », comme s’il
leur disait : Qu’ils craignent ceux qui persévèrent dans leur
incrédulité, mais pour vous qui cherchez Jésus crucifié, apprenez qu’il est
ressuscité et qu’il a accompli les prédictions qu’il a faites : « Car
je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié ». — Sévérianus : Elles cherchaient encore celui qui avait été
crucifié et qui était mort, car la cruelle tempête de la passion avait
troublé leur foi, et le poids de cette épreuve les avait tellement abattues
qu’elles cherchaient, dans le tombeau, le Seigneur du ciel. « Il
n’est point ici ». — Raban : Il n’y est point présent corporellement, lui qui se
trouve cependant partout par la présence de sa majesté : « Il est
ressuscité comme il l’avait dit ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 89.)
L’ange semble leur dire : Si vous ne voulez pas me croire, souvenez-vous de
ses paroles. Il leur donne ensuite une autre preuve en ajoutant : « Venez
et voyez le lieu où avait été mis le Seigneur ». — Saint Jérôme : Si ne croyez pas à
mes paroles, vous en croirez du moins au sépulcre qui est vide. — Sévérianus : [référence à vérifier] L’ange
rappelle donc d’abord le nom de Jésus-Christ, puis sa croix et sa passion ;
mais il ne tarde pas à parler de sa résurrection, et bientôt il proclame
qu’il est le Seigneur. Ainsi, après de si grands supplices, après le tombeau,
l’ange n’hésite pas à reconnaître Jésus-Christ pour son Dieu, pourquoi donc
l’homme prétend-il ou que Dieu s’est amoindri en se faisant homme, ou que sa
puissance lui a fait défaut dans sa passion ? L’ange dit : « qui a
été crucifié », et il montre le lieu où on avait mis le corps du Seigneur,
afin qu’on ne pût croire que c’était un autre et non pas lui-même qui était
ressuscité d’entre les morts. Or, puisque le Seigneur a voulu ressusciter
dans la même chair et donner des preuves si évidentes de sa résurrection,
pourquoi l’homme croirait-il qu’il doit ressusciter dans une chair différente
de la sienne ? Est-ce que le serviteur aurait du dédain pour sa chair, alors
que le Seigneur n’a pas voulu changer celle qu’il a reçue de nous ? — Raban : Mais une aussi grande joie n’est pas réservée à vous
seuls et n’est pas destinée à rester cachée dans vos cœurs ; vous devez
publier cette heureuse nouvelle à ceux qui partagent votre amour pour
Jésus-Christ. « Et hâtez-vous d’aller dire à ses disciples qu’il est
ressuscité ». — Sévérianus : Comme s’il disait : Femme qui est maintenant guérie,
reviens trouver cet homme, et persuade-le de la foi, toi qui l’a persuadé
autrefois de l’incrédulité ; porte à l’homme la preuve de la résurrection,
toi qui lui as donné autrefois le conseil qui l’a perdu. « Voici
qu’il sera avant vous en Galilée ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 89.)
L’ange ajoute ces paroles, pour leur ôter toute crainte de danger qui aurait
pu être un obstacle à la foi. — Saint Jérôme : Il vous précédera
dans la Galilée, c’est-à-dire au sens mystique, dans le bourbier des nations,
là où il n’y avait auparavant qu’erreur ténébreuse et terrain glissant, et où
on ne pouvait poser le pied avec sûreté. « C’est là que vous le
verrez ; je vous en avertis par avance ». — Saint Bède : C’est avec raison que le Seigneur apparaît à ses disciples dans la Galilée, lui qui avait déjà passé de la mort à la vie, de la corruption à l’incorruptibilité, car le mot Galilée signifie transmigration. Heureuses femmes, qui méritèrent d’annoncer au monde le triomphe de la résurrection. Plus heureuses encore les âmes qui, au jour du jugement, mériteront d’entrer dans la joie de la bienheureuse résurrection, tandis que les méchants seront saisis d’épouvante. |
Lectio 2 [85616] Catena in Mt.,
cap. 28 l. 2 Hilarius. Mulieribus per
Angelum adhortatis confestim dominus occurrit, ut nuntiaturae expectantibus
discipulis resurrectionem non Angeli potius quam Christi ore loquerentur;
unde dicitur et exierunt cito de monumento cum timore et gaudio magno. Augustinus de Cons. Evang. Egressae autem
dicuntur a monumento, hoc est ab illo loco ubi erat horti spatium ante
lapidem effossum. Hieronymus. Duplex autem mentes mulierum
tenebat affectus: timoris et gaudii: et alter de miraculi magnitudine, alter
ex desiderio resurgentis: et tamen uterque femineum concitabat gradum; unde
sequitur currentes nuntiate discipulis eius. Pergebant
enim ad apostolos, ut per illos fidei seminarium spargeretur. Quae autem sic
quaerebant, quae ita currebant, merebantur obviam habere dominum resurgentem;
unde sequitur et ecce Iesus occurrit illis, dicens: avete. Rabanus. Per hoc ostendit, se omnibus
iter virtutum inchoantibus, ut ad salutem perpetuam pervenire queant,
adiuvando occurrere. Hieronymus. Primae mulieres merentur
audire avete, ut maledictum Evae mulieris, in mulieribus solveretur. Severianus. In istis vero feminis
Ecclesiae figuram manere evidenter ostendit: quia discipulos suos Christus de
resurrectione arguit trepidantes; occurrens autem istis non potestate terret,
sed praevenit caritatis ardore: Christus enim in Ecclesia se salutat, quam
suum recipit in corpus. Augustinus de Cons. Evang. Colligimus et
Angelorum allocutionem bis numero eas habuisse venientes ad monumentum,
scilicet cum viderunt unum Angelum, de quo narrant Matthaeus et Marcus; et
cum postea viderunt duos, ut narrant Lucas et Ioannes; et similiter ipsius
domini bis: semel scilicet illic quando Maria hortulanum putavit; et nunc
iterum cum eis occurrit in via, ut eas ipsa repetitione firmaret, atque a
timore recrearet. Severianus. Sed ibi Mariae non tangendi datur
facultas; hic non solum tangendi, sed tenendi copia tota conceditur; unde
sequitur illae autem accesserunt et tenuerunt pedes eius, et adoraverunt eum.
Rabanus. Superius quidem dictum est, quia
clauso surrexit monumento, ut immortale iam factum doceret esse corpus quod
in monumento clausum fuerat mortuum; tenendos autem mulieribus tunc praebuit
pedes, ut intimaret veram se carnem habere, quae a mortalibus tangi posset.
Severianus in Serm. de resurrectione. Istae
quidem tenent pedes Christi quae in Ecclesiae typo, evangelicae
praedicationis tenent et merentur excursum, ac sic fide astringunt sui
vestigia salvatoris, ut totius deitatis perveniant ad honorem. Illa autem
merito audit: noli me tangere, quae in terris deflet dominum, et sic in
sepulcro quaerit mortuum ut in caelis eum nesciat regnare cum patre. Quod ergo
eadem Maria, nunc in fidei vertice constituta, tangit Christum, ac tenet toto
sanctitatis affectu, nunc imbecillitate carnis et feminea infirmitate deiecta
dubitat, et tactum sui non meretur auctoris, non facit quaestionem. Siquidem
illud de figura est, hoc de sexu; illud est de divina gratia, hoc de humana
natura: quia nos ipsi cum divina scimus, Deo vivimus; cum humana sapimus,
caecamur ex nobis. Tenuerunt autem pedes eius, ut scirent in capite Christi
virum esse, se autem esse in pedibus Christi, et datum sibi virum sequi, non
praeire ipsum. Quod autem dixerat Angelus, dicit et dominus, ut quas
firmaverat Angelus, Christus redderet firmiores. Sequitur tunc ait illis
Iesus: nolite timere. Hieronymus. Et in veteri et in novo testamento
hoc semper observandum est: quod quando angustior apparuerit visio, primum
timor pellatur, ut sic, mente placata, possint quae dicuntur, audiri. Hilarius in Matth. In contrarium autem ordo
causae principalis est redditus: ut quia a sexu muliebri coepta mors esset,
ipsi primum resurrectionis gloriae et visus et nuntius redderetur; unde
dominus subdit ite, nuntiate fratribus meis ut eant in Galilaeam: ibi me
videbunt. Severianus. Vocat fratres quos corporis sui
fecit esse germanos; vocat fratres quos benignus heres sibi praestitit
coheredes; vocat fratres quos patris sui adoptavit in filios. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem dominus
non ubi primum se monstraturus erat, sed in Galilaea, ubi postea visus est,
se videndum mandavit et per Angelum et per seipsum, quemvis fidelem facit
intentum ad quaerendum, in quo mysterio dictum intelligitur: Galilaea namque
interpretatur vel transmigratio, vel revelatio. Prius itaque, secundum
transmigrationis significationem, quid aliud occurrit intelligendum, nisi
quia Christi gratia de populo Israel transmigratura erat ad gentes, quibus
apostoli praedicantes Evangelium nullo modo crederent, nisi eis ipse dominus
viam in cordibus hominum praepararet? Et hoc intelligitur praecedet vos in
Galilaeam. Quod autem subditur ibi eum videbitis, sic intelligitur: idest,
ibi membra eius invenietis; ibi vivum corpus eius in his qui vos susceperint,
agnoscetis. Secundum autem quod Galilaea interpretatur revelatio, non iam in
forma servi intelligendum est, sed in illa in qua aequalis est patri. Illa
erit revelatio tamquam vera Galilaea, cum similes ei erimus, et videbimus eum
sicuti est. Ipsa etiam erit beatior transmigratio ex
isto saeculo in illam aeternitatem. |
Versets
8-10.
— Saint Hilaire : (can. 41) L’ange
avait à peine cessé de parler aux saintes femmes que Jésus se présenta devant
elles, afin qu’en annonçant aux disciples, qui étaient dans l’attente, la
nouvelle de la résurrection, elles pussent leur transmettre plutôt ses
paroles que celles de l’ange. — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 13, 24.) L’Evangéliste dit qu’elles s’éloignèrent du tombeau,
c’est-à-dire de l’enclos en forme de jardin, qui se trouvait devant le
sépulcre creusé dans le roc. — Saint Jérôme : Leur âme était
partagée entre deux sentiments, la crainte et la joie, produites, l’une par
la grandeur du miracle, l’autre par le désir de voir Jésus ressuscité, et ces
deux sentiments réunis leur faisaient presser leur marche : « Et
elles coururent annoncer cette nouvelle aux disciples ». Elles allaient trouver les Apôtres, afin
que la semence de la foi fût répandue par leur ministère. Un zèle aussi
ardent, un empressement aussi marqué les rendait dignes que le Seigneur
ressuscité vînt à leur rencontre : « En même temps, Jésus se présenta
devant elles et leur dit : Je vous salue ». — Raban : Il nous apprend ainsi qu’il va, par sa grâce, au-devant
de ceux qui commencent à marcher dans la voie des vertus, et leur donne de
parvenir au salut éternel. — Saint Jérôme : Les femmes sont les
premières qui méritent d’entendre cette parole : « Le salut soit à
vous », et nous sommes ainsi affranchis dans la personne des femmes
de la malédiction encourue par Eve [la première] femme. — Sévérianus : Nous voyons, dans ces
femmes, une figure parfaite de l’Église, car, en s’adressant à ses disciples,
Jésus-Christ leur reproche leurs doutes sur la résurrection et les rassure
contre leurs appréhensions, tandis qu’en venant au-devant de ces saintes
femmes, il ne les effraye pas par le spectacle de sa puissance, mais les
prévient par l’ardeur de sa charité, car c’est à lui-même qu’il souhaite le
salut dans la personne de l’Église, avec laquelle il ne fait qu’un seul
corps. — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 3, 24.) Nous concluons de la lecture comparée [des Évangélistes] que
les anges ont adressé deux fois la parole aux saintes femmes dans leur visite
au tombeau : la première fois lorsqu’elles virent l’ange dont parle saint
Matthieu et saint Marc, et la seconde lorsqu’elles virent les deux dont
parlent saint Luc et saint Jean. Le Seigneur leur parla également deux fois,
d’abord lorsque Marie le prit pour le jardinier, et, une seconde fois,
lorsqu’il vint à leur rencontre, dans le chemin, pour affermir leur courage
et dissiper toutes leurs craintes par cette seconde manifestation. — Sévérianus : Mais, d’un côté, Jésus ne permet pas à Marie de le
toucher, ici, au contraire, il accorde aux saintes femmes, la permission non seulement
de le toucher, mais de tenir embrassés ses pieds : « Elles
s’approchèrent, et, embrassant ses pieds, elles l’adorèrent ». — Raban : Nous avons dit plus haut qu’il est ressuscité sans ouvrir
son tombeau, pour nous apprendre que ce même corps, qui avait été déposé
après sa mort dans un tombeau fermé, était revêtu d’immortalité. Il présente
maintenant ses pieds aux pieux embrassements des femmes, pour leur prouver
qu’il a une véritable chair, qui peut être touchée par les mortels. — Sévérianus : Ces femmes tiennent embrassés les pieds de
Jésus-Christ, parce qu’elles sont, dans l’Église, la figure de la prédication
évangélique, et qu’elles ont mérité cet honneur [par leur pieux empressement]
; et elles étreignent ainsi, par la foi, les pieds de leur Sauveur, pour
obtenir l’honneur de connaître la divinité toute entière. Celle au contraire
qui, sur la terre, pleure le Seigneur, et qui cherche comme mort, dans le
sépulcre, celui dont elle ne sait pas qu’il règne dans les cieux avec son
Père, c’est à juste titre qu’elle entend de sa bouche ces paroles : « Ne
me touchez pas ». Il n’y a aucune difficulté que ce soit la même
Marie, qui, d’un côté, élevée au sommet de la foi, touche les pieds de
Jésus-Christ et l’étreint de toute la force d’un saint amour, et qui, de
l’autre, abattue sous le poids de l’infirmité de la chair et de la faiblesse
naturelle à son sexe, est agitée par le doute et ne mérite point de toucher
son Créateur. D’un côté, sa foi est un symbole ; de l’autre, ses doutes
viennent de la faiblesse de son sexe. Ici, il faut voir l’action de la grâce
divine ; là, l’infériorité de la nature humaine, car, lorsque nous parvenons
à la connaissance des choses divines, nous vivons pour Dieu ; mais, lorsque
nous avons des goûts terrestres, notre aveuglement vient de nous-mêmes. Ces
saintes femmes embrassèrent les pieds du Seigneur, pour apprendre ainsi que, [dans
un sens figuré], la tête de Jésus-Christ était l’homme, que, pour elles,
elles étaient à ses pieds, et qu’elles devaient suivre et non précéder en
Jésus-Christ l’homme qui leur était donné. Le Seigneur leur répète ce que
l’ange leur avait dit, pour augmenter en elles la confiance que le discours
de l’ange leur avait inspirée. Suite : « Alors Jésus leur dit :
Ne craignez point ». — Saint Jérôme : Nous pouvons
remarquer, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, que toutes les fois
que Dieu favorise les hommes d’une vision plus auguste, il commence par
bannir la crainte, pour que les hommes puissent entendre dans le calme de
leur âme les paroles qu’il veut leur adresser. — Saint Hilaire : Nous voyons
reproduit ici, mais dans un sens contraire, la marche suivie dans le grand
événement qui a été la cause de notre perte ; c’est par une femme que la mort
est entrée dans le monde, ce sont des femmes aussi qui, les premières,
méritent de voir et d’annoncer la gloire de la résurrection, et c’est pour
cela que le Seigneur ajoute : « Allez, et dites à mes frères qu’ils
se rendent en Galilée ; c’est là qu’ils me verront ». — Sévérianus : Il appelle ses frères ceux qu’il s’est unis par les
liens du corps qu’il a pris ; il appelle ses frères ceux que, dans sa bonté,
il a fait ses cohéritiers, lui l’héritier de Dieu ; il appelle ses frères
ceux qu’il a adoptés pour les enfants de son Père. — Saint Augustin : (De l’accord des Evang., 3, 24.) Chaque fidèle doit être attentif à rechercher dans quel dessein mystérieux le Seigneur commande, et par l’ange et par lui-même à ses disciples, d’aller pour le voir, non pas dans l’endroit où il devait d’abord se manifester, mais dans la Galilée, où il a été vu plus tard. Le mot Galilée signifie à la fois transmigration et révélation ; or, que nous donne à comprendre le sens de ‘transmigration’, si ce n’est que la grâce de Jésus-Christ devait passer du peuple d’Israël aux Gentils, auxquels les Apôtres n’auraient jamais confié le dépôt de la prédication évangélique, si le Seigneur lui-même ne leur avait préparé la voie dans le cœur des hommes ? C’est ce que veulent dire ces paroles : « Il vous précédera en Galilée ». Celles qui suivent : « C’est là que vous le verrez » signifient : C’est là que vous trouverez ses membres ; c’est là que vous reconnaîtrez son corps vivant dans la personne de ceux qui vous recevront. Si l’on donne au mot Galilée le sens de ‘révélation’, ce mot signifiera qu’il faut comprendre Jésus-Christ, non plus dans la forme de serviteur, mais dans cette nature qui le rend l’égal de son Père. Cette révélation, comme une véritable Galilée, aura lieu « lorsque nous lui serons semblables, et que nous le verrons tel qu’il est ». Ce sera là aussi la plus heureuse transmigration, celle de cette vie à l’éternité. |
Lectio 3 [85617] Catena in Mt.,
cap. 28 l. 3 Chrysostomus in Matth. Signorum
quae circa Christum apparuerunt, quaedam fuerunt orbi terrarum communia, puta
tenebrae, quaedam propria militibus custodientibus, sicut mira Angeli
apparitio et terraemotus, quae propter milites facta sunt, ut stupefierent,
et ab ipsis fiat testimonium veritatis: veritas enim a contrariis divulgata
magis refulget, quod et contigit; unde dicitur quae cum abiissent, scilicet
mulieres, ecce quidam de custodibus venerunt in civitatem, et nuntiaverunt
principibus sacerdotum omnia quae facta fuerant. Rabanus. Simplex quidem animi qualitas et
indocta hominum rusticitas saepe veritatem rei, ut est, sine fraude
manifestat; at contra versuta malignitas falsitatem verisimilibus verbis pro
vero commendare decertat. Hieronymus. Principes ergo sacerdotum qui
debuerant converti ad poenitentiam, et Iesum quaerere resurgentem,
perseverant in malitia, et pecuniam quae ad usus templi data fuerat, vertunt
in redemptionem mendacii, sicut et ante triginta argenteos inde dederunt
proditori; unde sequitur et congregati cum senioribus, consilio accepto,
pecuniam copiosam dederunt militibus, dicentes: dicite quia discipuli eius
nocte venerunt, et furati sunt eum nobis dormientibus. Severianus. Non enim contenti sunt
interfecisse magistrum; immo etiam quomodo discipulos perdere possint,
moliuntur; et discipulorum crimen esse faciunt virtutem magistri. Plane
amiserunt milites, perdiderunt Iudaei; sed discipuli magistrum suum non
furto, sed fide; virtute, non fraude; sanctitate, non crimine; vivum, non
mortuum sustulerunt. Chrysostomus in Matth. Qualiter enim
furarentur discipuli, homines pauperes et idiotae, et neque apparere
audentes? Si enim adhuc Christum vivum videntes fugerunt, qualiter mortuo eo
non timuissent tot militum multitudinem? Numquid ostium sepulcri poterant
evertere? Lapis enim imminebat magnus, multis indigens manibus. Numquid etiam
non erat sigillum superimpositum? Propter quid autem non furati sunt prima
nocte, quando nullus sepulcro affuit? Sabbato
enim petierunt a Pilato custodiam. Quid autem sibi volunt haec sudaria quae
Petrus vidit iacentia? Si enim vellent furari, non essent nudum
corpus furati; non solum ne iniuriarentur, sed ne etiam in exeundo tardarent
et tribuerent militibus se detinendi facultatem; maxime quia myrrha erat
corpori et vestimentis affixa, ita glutinosa ut non facile esset a corpore
avellere vestimenta: quare non persuasibilia sunt quae de furto dicta sunt. Unde per quae resurrectionem obumbrare conantur, per haec eam faciunt
clarere. Dicentes enim quod discipuli furati sunt,
confitentur non esse corpus in sepulcro; furtum autem ostendit esse mendax
custodia militum et discipulorum pavor. Remigius. Sed si custodes dormierunt, quomodo
furtum viderunt? Et si non viderunt, quomodo testes fuerunt? Et ideo quod
voluerunt facere non potuerunt. Glossa. Ne autem timore principis a mendacio
revocarentur, timentes propter negligentiam puniri, subdunt et si hoc auditum
fuerit a praeside, nos suadebimus ei, et securos vos faciemus. Chrysostomus in Matth. Vide omnes corruptos.
Pilatus enim ipse persuasus est, plebs Iudaica commota est, milites corrupti
sunt; unde sequitur at illi, accepta pecunia, fecerunt sicut erant edocti. Si
pecunia apud discipulum tantam habuit virtutem ut eum faceret magistri
proditorem, non mireris si pecunia milites superantur. Hilarius. Emitur ergo resurrectionis silentium
et mendacium furti argento, quia honore scilicet saeculi, qui in pecunia est
et cupiditate, Christi gloria denegatur. Rabanus. Sicut autem sanguinis reatus, quem
sibi et posteris suis ipsi imprecabantur, gravi peccatorum sarcina illos
premit; ita emptio mendacii per quod resurrectionis denegant veritatem, reatu
eos constringit perpetuo; unde sequitur et divulgatum est verbum istud apud
Iudaeos usque in hodiernum diem. Severianus. Apud Iudaeos quidem divulgatum
est, non apud Christianos: quod enim in Iudaea Iudaeus obscurabat auro, fide
toto claruit in mundo. Hieronymus. Omnes autem qui stipe templi et
his quae conferuntur ad usus Ecclesiae abutuntur in aliis rebus quibus suam
expleant voluntatem, similes sunt Scribarum et sacerdotum redimentium
mendacium et salvatoris sanguinem. |
Versets
11-15.
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 90.)
Parmi les prodiges qui entourèrent la mort et la résurrection de
Jésus-Christ, les uns, comme les ténèbres furent communs à tout l’univers,
les autres furent particuliers aux soldats qui gardaient le tombeau, comme
l’apparition miraculeuse de l’ange et le tremblement de terre que Dieu permit
pour 1es remplir d’effroi et les forcer de rendre témoignage à la vérité. Car
la vérité brille d’un plus vif éclat lorsqu’elle est répandue par ses propres
adversaires, et c’est ce qui est arrivé ici : « Quand elles furent parties, quelques-uns des gardes vinrent
dans la ville, et annoncèrent aux princes des prêtres tout ce qui s’était
passé ». — Raban : Souvent la simplicité d’une âme sans instruction, et même
une ignorance grossière, révèle la vérité sans artifice et telle qu’elle est,
tandis que l’astucieuse malignité s’efforce de faire passer le mensonge pour
la vérité, en lui donnant les dehors de la vraisemblance. — Saint Jérôme : Ainsi, les princes
des prêtres qui auraient dû se livrer à la pénitence, et chercher eux aussi
Jésus ressuscité, persévèrent dans leur malice et se servent de l’argent qui
devait être consacré à l’usage du temple pour acheter un mensonge, de même
qu’ils ont donné précédemment trente pièces d’argent au traître Judas : « Ceux-ci rassemblèrent les anciens,
et, ayant tenu conseil, ils donnèrent une grosse somme d’argent aux soldats,
en leur recommandant : ‘Dites que ses disciples sont venus pendant la
nuit et l’ont dérobé pendant que nous dormions’ ». — Sévérianus : Ce n’est pas assez pour eux d’avoir mis le Maître à
mort, ils cherchent encore les moyens de perdre les disciples, et veulent
leur faire un crime de la puissance de leur maître. Oui les soldats ont
laissé échapper, et les Juifs ont perdu le corps de Jésus ; mais, si les
disciples l’ont enlevé, ce n’est point furtivement, mais par la foi ; ce
n’est point par fraude, mais par leur vertu ; ce n’est point par un crime,
mais par leur sainteté, et ils l’ont enlevé plein de vie, et non comme une
victime de la mort. — Saint Jean Chrysostome : (hom. 90.)
Car comment les disciples, des hommes pauvres, sans esprit, et qui n’osaient
se montrer, auraient-ils osé enlever [le corps de leur maître] ? Si,
lorsqu’ils vivaient encore, ils se sont tous enfui, comment, après sa mort,
n’auraient-ils pas craint cette multitude de gens armés ? Et encore, est-ce
qu’ils pouvaient renverser la pierre du sépulcre qui ne pouvait être soulevée
que par de nombreux bras ? Est-ce que le sceau public n’y avait pas été
apposé ? Pourquoi d’ailleurs ne l’ont-ils pas dérobé la première nuit,
lorsqu’il n’y avait aucune garde au tombeau ? car ce n’est que le jour du
sabbat qu’ils demandèrent une garde à Pilate. Que signifient encore ces
suaires que Pierre vit gisant dans le sépulcre ? Si les disciples avaient
voulu dérober le corps, ils n’auraient pas enlevé un corps dénudé, non seulement
par respect, mais encore pour ne pas être retardés en le dénudant et donner
aux soldats les moyens de s’emparer d’eux, d’autant plus que la myrrhe était
tellement gluante et collée au corps et au linceul qu’il était fort difficile
de le détacher du corps. Tout ce qu’on a dit sur ce vol prétendu n’a donc
aucune vraisemblance, si bien que tout ce que [les Juifs] ont amassé pour
obscurcir le fait de la résurrection n’a servi qu’à le rendre plus éclatant,
car, en publiant que les disciples ont enlevé le corps de Jésus, ils avouent
que le corps n’était plus dans le sépulcre. Or, la crainte dont les Apôtres
étaient remplis, et le soin avec lequel les soldats gardaient le tombeau
démontrent que cet enlèvement était un mensonge. — Saint Rémi : Mais si d’ailleurs les
gardes dormaient, comment purent-ils voir qu’on avait enlevé le corps ? et,
s’ils n’ont pu le voir, comment ont-ils pu servir de témoins ? Ils n’ont donc
pu atteindre le but qu’ils se proposaient. — La Glose : Ils
vont même au-devant de la crainte que les soldats auraient pu avoir que le
gouverneur punisse leur négligence, s’ils répandaient ce mensonge : « Et si cela vient à la connaissance
du gouverneur, nous l’apaiserons et nous vous mettrons à couvert ». — Saint Jean Chrysostome : (hom. 90.)
Voyez comme la corruption est générale : Pilate lui-même s’est laissé gagner,
le peuple juif soulever et les soldats corrompre. « Et les soldats ayant reçu l’argent firent ce qu’on leur avait
dit ». Puisque l’argent a une
telle force sur l’esprit d’un disciple que de lui faire trahir son Maître, ne
soyez pas surpris de voir des soldats gagnés eux-mêmes à prix d’argent. — Saint Hilaire : C’est à ce prix
qu’on achète le silence sur la résurrection et le mensonge de l’enlèvement du
corps, parce qu’en effet la gloire du monde, qui consiste dans l’estime et le
désir de l’argent, est une négation de la gloire de Jésus-Christ. — Raban :
De même que le crime du sang répandu, qu’ils ont appelé sur eux et sur leurs
enfants, les accable du poids énorme de leurs péchés, ainsi ce mensonge
qu’ils achètent, et qui a pour but de nier la vérité de la résurrection, les
tient enchaînés dans les liens d’un crime qui dure à jamais : « Et ce bruit qu’ils répandirent se
répète encore aujourd’hui parmi les Juifs ». — Sévérianus : (comme précéd.) Ce bruit s’est répandu parmi les
Juifs, mais non parmi les chrétiens, car ce que les Juifs ont voulu obscurcir
dans la Judée, à prix d’or, la foi l’a fait briller du plus vif éclat dans
tout l’univers. — Saint Hilaire : [référence à vérifier] Tous ceux qui font abus de l’argent du temple, ou de tout ce qui doit servir à l’usage de l’Église, pour satisfaire leurs désirs [ou leurs passions], sont semblables aux scribes et aux prêtres qui achètent à prix d’argent le mensonge et le sang du Sauveur. |
Lectio 4 [85618] Catena in Mt.,
cap. 28 l. 4 Beda. Postquam dominicam resurrectionem
ab Angelo nuntiatam beatus Matthaeus asseruit, visionem domini etiam a
discipulis impletam refert, dicens undecim autem discipuli abierunt in Galilaeam,
in montem ubi constituerat illis Iesus: nam pergens dominus ad passionem, ait
discipulis: postquam surrexero praecedam vos in Galilaeam. Angelus
quoque mulieribus ait: dicite discipulis eius, quia praecedet vos in
Galilaeam. Quapropter iussioni magistri obedientia discipulorum obsequitur.
Recte autem undecim discipuli ad adorandum pergunt: iam enim unus perierat,
qui dominum ac magistrum suum tradiderat. Hieronymus. Post resurrectionem ergo Iesus in
Galilaeae monte conspicitur, ibique adoratur; licet quidam dubitent, et
dubitatio eorum nostram augeat fidem. Sequitur et videntes eum adoraverunt,
quidam autem dubitaverunt. Remigius. Hoc autem Lucas Evangelista plenius
manifestat: refert enim quia cum dominus resurgens a mortuis ipse apparuisset
discipulis, ipsi conturbati et exterriti, existimabant se spiritum videre.
Rabanus. In monte quidem apparuit eis dominus,
ut significaret quoniam corpus, quod de communi generis humani terra nascendo
susceperat, resurgendo iam super terrena omnia sublevaverat; et ut admoneret
fideles, si illic celsitudinem resurrectionis eius cupiunt videre, hic ab
infimis voluptatibus ad superna studeant desideria transire. Iesus autem
discipulos in Galilaeam praecedit, quia Christus resurrexit a mortuis
primitiae dormientium. Sequuntur autem hi qui sunt Christi, et suo ordine ad
vitam de morte transmigrant, in sua specie divinitatem contemplantes; et huic
congruit quod Galilaea revelatio interpretatur. Augustinus de Cons. Evang. Sed considerandum
est quomodo corporaliter in Galilaea dominus videri potuerit: quia enim non
ipso die quo resurrexit, visus est, manifestum est: nam in Ierusalem visus
est eo die in initio noctis, ut Lucas et Ioannes aptissime consonant; neque
etiam in sequentibus octo diebus, post quos dicit Ioannes discipulis
apparuisse dominum, ubi primo vidit eum Thomas, qui eum non viderat die
resurrectionis eius: nisi quis dicat non illos undecim qui iam tunc apostoli
vocabantur, sed discipulorum illic undecim fuisse ex multo numero
discipulorum. Sed occurrit aliud quod obsistit; Ioannes enim quando
commemoravit non in monte ab undecim, sed ad mare Tiberiadis a septem
piscantibus visum esse dominum: hoc iam tertio (inquit) manifestavit se Iesus
discipulis suis; quod intelligendum est ad numerum dierum retulisse, non ad
numerum manifestationum. Si autem acceperimus intra illos octo dies, antequam
eum Thomas vidisset, ab undecim discipulis quibusque dominum visum, non erit
hoc ad mare Tiberiadis tertio manifestatum esse, sed quarto; ac per hoc
cogimur intelligere, post omnia factum esse quod eum in monte Galilaeae
discipuli undecim viderunt. Invenimus itaque apud
quatuor Evangelistas decies commemoratum dominum visum ab hominibus esse post
resurrectionem: semel ad monumentum a mulieribus; iterum eisdem egredientibus
a monumento in itinere; tertio Petro; quarto duobus euntibus in castellum;
quinto pluribus in Ierusalem, ubi non erat Thomas; sexto ubi vidit eum
Thomas; septimo ad mare Tiberiadis; octavo in monte Galilaeae secundum
Matthaeum; nono, quod dicit Marcus, novissime recumbentibus, quia iam non
erant in terra cum illo convivaturi; decimo in ipso die, non iam in terra,
sed elevatum in nube, cum in caelum ascenderet: quod Marcus et Lucas
commemorant. Sed non omnia scripta sunt, sicut Ioannes fatetur: crebra enim
erat eius cum illis conversatio per dies quadraginta, priusquam ascendisset
in caelum. Remigius. Videntes ergo discipuli dominum
cognoverunt, et idcirco dimissis in terram vultibus adorabant; et ideo pius
et clemens magister, ut omnem dubietatem auferret a cordibus eorum, accedens
ad eos corroboravit in fide; unde sequitur et accedens Iesus locutus est eis,
dicens: data est mihi omnis potestas in caelo et in terra. Hieronymus. Illi autem potestas data est qui
paulo ante crucifixus, qui sepultus in tumulo, qui postea resurrexit. Rabanus. Non enim hoc de coaeterna patri
divinitate, sed de assumpta loquitur humanitate, secundum quam minoratus est
paulo minus ab Angelis. Severianus. Filius quippe Dei virginis filio,
Deus homini, divinitas carni contulit, quod semper ipse cum patre possedit.
Hieronymus. In caelo autem et in terra
potestas data est, ut qui ante regnabat in caelo, per fidem credentium regnet
in terris. Remigius. Quod ergo Psalmista de resurgente
domino dicit: constituisti eum super opera manuum tuarum, hoc nunc dominus
dicit data est mihi omnis potestas in caelo et in terra. Et hic sciendum,
quia antequam dominus surrexisset a mortuis, noverant Angeli se subiectos
homini Christo. Volens ergo Christus etiam hominibus notum fieri quod data
esset sibi omnis potestas in caelo et in terra, praedicatores misit, qui
verbum vitae cunctis nationibus praedicarent; unde sequitur euntes ergo
docete omnes gentes. Beda. Qui enim ante passionem suam dixerat: in
viam gentium ne abieritis, surgens a mortuis dicit: ite, docete omnes gentes.
Quapropter confundantur Iudaei, qui dicunt Christum tantummodo ad suam
salutem esse venturum; erubescant et Donatistae, qui localiter Christum
concludere cupientes, dixerunt eum tantummodo in Africa esse, non in aliis
regionibus. Hieronymus. Primum ergo docent omnes gentes,
deinde doctas intingunt in aqua: non enim potest fieri ut corpus Baptismi
recipiat sacramentum, nisi ante anima fidei susceperit veritatem. Baptizantes
eos in nomine patris et filii et spiritus sancti: ut quorum est una
divinitas, sit una largitio, nomenque Trinitatis unus Deus. Severianus. Omnes ergo gentes potestas
una eademque recreat ad salutem, quas creavit ad vitam. Didymus de spiritu sancto. Licet autem quis
possit existere saxei, ut ita dicam, cordis et penitus mentis alienae, qui
ita baptizare conetur ut unum de praedictis nominibus praetermittat,
videlicet contrarius Christo legislatori; tamen sine perfectione baptizabit,
immo penitus a peccatis liberare non poterit quos a se existimaverit
baptizatos. Ex his autem colligitur quam indivisa sit substantia Trinitatis,
et patrem vere filii esse patrem, et filium vere patris filium, et spiritum
sanctum vere patris et Dei filii esse spiritum, et insuper sapientiae et veritatis,
idest filii Dei. Haec est salus credentium, et dispensatio ecclesiasticae
disciplinae in hac Trinitate perficitur. Hilarius in Matth. Quid enim in hoc Hieronymus. Consideratur autem hic ordo
praecipuus. Iussit apostolos, ut primum docerent universas gentes, deinde fidei
tingerent sacramento, et post fidem ac Baptisma, quae essent observanda
praeciperent; unde sequitur docentes eos servare omnia quaecumque mandavi
vobis. Rabanus. Quia sicut corpus sine spiritu
mortuum est, ita fides sine operibus mortua est. Chrysostomus in Matth. Quia vero eis magna
iniunxerat, erigens eorum sensus, dicit et ecce ego vobiscum sum omnibus
diebus usque ad consummationem saeculi; quasi dicat: ne dicatis difficile
esse iniunctum negotium, ego sum vobiscum, qui omnia facio levia. Non autem
cum illis solum dixit se futurum esse, sed et cum omnibus qui post illos
credunt: non enim usque ad consummationem saeculi apostoli mansuri erant; sed
sicut uni corpori fidelibus loquitur. Rabanus. Ex hoc autem intelligitur quod usque
ad finem saeculi non sunt defuturi in mundo qui divina mansione et
inhabitatione sunt digni. Chrysostomus in Matth. Rememorat autem eis et
consummationem, ut eos magis attrahat, et ne praesentia solum inspiciant, sed
et futura bona, et sine fine mansura; quasi dicat: tristitia quam
sustinebitis, simul cum praesenti vita consumetur, et totum saeculum in
consummationem deveniet; bona autem quibus potiemini, sunt in aeternum
permansura. Beda. Quaeritur autem quare hic dicat
ecce ego vobiscum sum, cum alibi dixisse legatur: vado ad eum qui me misit.
Sed alia sunt quae humanitati ascribuntur, et alia quae divinitati. Ivit ad
patrem per humanitatem, manet autem cum discipulis in forma qua est patri
aequalis. Quod autem dicit usque ad consummationem saeculi, finitum pro infinito
ponitur: nam qui in praesenti saeculo manet cum electis, eos protegendo, ipse
post finem cum eis manebit, eos remunerando. Hieronymus. Qui ergo usque ad consummationem
saeculi cum discipulis se esse promittit, et illos ostendit semper esse
victuros, et se nunquam a credentibus recessurum. Leo Papa in Serm. de passione. Qui enim
ascendit in caelos, non deserit adoptatos, et ipse deorsum confortat ad
patientiam qui sursum invitat ad gloriam; cuius gloriae participes nos faciat
ipse Christus rex gloriae, qui est Deus benedictus in saecula. Amen. |
Versets
16-20.
— Saint Bède : (hom. 1.) Après nous
avoir rapporté comment l’ange vint annoncer la résurrection du Seigneur,
saint Mathieu raconte comment le Seigneur se manifesta à ses disciples : « Or, les onze disciples s’en
allèrent en Galilée, sur la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre »,
car, lorsqu’il se dirigeait vers le lieu de sa mort, il avait dit à ses
disciples : « Après que je
serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée » (Mt 26, Mc 14).
L’ange avait dit aussi aux femmes : « Annoncez
à ses disciples qu’il vous précédera en Galilée ». C’est donc à un
ordre de leur divin Maître que les disciples obéissent. L’Évangéliste ne
compte avec raison que onze disciples qui vont pour adorer Jésus, car un
d’eux avait péri, celui qui avait trahi son Seigneur et son Maître. — Saint Jérôme : Après sa
résurrection, Jésus se manifeste donc sur une montagne de Galilée, et il y
est adoré malgré le doute de quelques-uns, doute qui sert à augmenter notre
foi. « Et, le voyant, ils
l’adorèrent, et quelques-uns néanmoins doutèrent ». — Saint Rémi : C’est ce que l’évangéliste
Luc explique plus clairement, car il rapporte que lorsque le Seigneur, après
sa résurrection, apparut à ses disciples, ceux-ci, troublés et saisis de
frayeur, s’imaginaient voir un esprit. — Raban : Le Seigneur apparaît à ses disciples sur une montagne,
pour signifier que ce corps, qu’il avait pris en naissant, de la terre,
origine commune de tous les hommes, avait été, par sa résurrection, élevé
au-dessus de toutes les choses terrestres, et aussi pour apprendre aux
fidèles que, pour contempler là-haut les sublimes mystères de sa
résurrection, il faut s’efforcer de quitter ici-bas les voluptés charnelles
et s’élever jusqu’aux désirs des choses du ciel. Or, Jésus précède ses
disciples en Galilée, parce qu’il est ressuscité comme les premiers de ceux
qui dorment (1 Co 16). Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ viennent après
lui, et passeront, chacun à son rang, de la mort à la vie, pour contempler la
divinité dans sa propre nature ; et le mot Galilée, qui signifie révélation,
confirme cette interprétation. — Saint Augustin : (De l’accord des
Evang., 3, 24.) Mais il faut examiner comment le Seigneur a pu se manifester
corporellement dans la Galilée, car il est certain que ce ne fut pas le jour
même de sa résurrection, puisque ce jour-là, vers le commencement de la nuit,
il se manifesta dans la ville de Jérusalem, comme saint Luc et saint Jean
s’accordent à le dire. Ce ne fut pas non plus les huit jours suivants,
puisque saint Jean rapporte qu’après ces huit jours, il apparut à ses
disciples et que Thomas le vit pour la première fois, puisqu’il ne l’avait
pas vu le jour de sa résurrection, à moins toutefois que l’on ne prétende que
les onze dont il parle n’étaient point les onze qui portaient dès lors le nom
d’Apôtres, mais que c’étaient onze disciples choisis dans le grand nombre de ses
disciples. Mais voici à cela une autre difficulté, lorsque saint Jean raconte
que le Seigneur fut vu, non pas sur la montagne par les onze, mais sur les
bords de la mer de Tibériade, par sept d’entre eux occupés à la pêche, il
s’exprime ainsi : « Ce fut pour la
troisième fois que Jésus se manifesta à ses disciples », ce qu’il
faut entendre du nombre, non des jours, mais des manifestations. Or si nous
admettons que cette apparition aux onze disciples, quels qu’ils soient, eut
lieu dans l’intervalle de ces huit jours, avant qu’il apparut à Thomas,
l’apparition sur les bords du lac de Tibériade ne sera plus la troisième,
mais la quatrième, et nous serons ainsi forcés d’admettre que ce fut tout à
fait en dernier lieu que Jésus apparut aux disciples sur la montagne de
Galilée. Nous trouvons donc, dans les quatre Évangélistes, que le Seigneur
s’est manifesté par dix fois différentes après sa résurrection : une première
fois, aux femmes qui visitaient son tombeau ; une seconde fois, à ces mêmes
femmes, lorsqu’elles revenaient de visiter le sépulcre ; la troisième fois, à
Pierre ; la quatrième, à deux disciples qui allaient au bourg [d’Emmaüs] ; la
cinquième, à plusieurs autres disciples, parmi lesquels ne se trouvait pas
Thomas, dans la ville de Jérusalem ; la sixième, à Thomas lui-même, au
milieu des autres disciples ; la septième, près du lac de Tibériade ; la
huitième, sur la montagne de Galilée, d’après saint Matthieu ; la
neuvième, au rapport de saint Marc, dans le dernier repas qu’il fit avec ses
disciples, et après lequel il ne devait plus manger avec eux sur la terre ;
la dixième fois, non plus sur la terre, mais lorsqu’il s’élevait sur une nuée
et montait ainsi au ciel, dernière manifestation que rapportent saint Marc et
saint Luc. Mais tout ce qu’a fait Jésus n’a pas été écrit, comme le déclare
saint Jean, car Jésus eut de fréquentes relations avec ses disciples, pendant
les quarante jours qui précédèrent son ascension. — Saint Rémi : Les disciples, en
voyant le Seigneur, le reconnurent aussitôt, et ils l’adoraient les yeux
baissés vers la terre. C’est pourquoi ce bon et tendre Maître, pour faire
disparaître toute incertitude de leurs cœurs, s’approcha d’eux et les
fortifia dans la foi : « Et Jésus
s’approchant, leur parla ainsi : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel
et sur la terre ». — Saint Jérôme : Cette puissance a
été donnée à celui qui venait d’être crucifié, enseveli dans le tombeau, et
qui était ensuite ressuscité. — Raban : Il ne parle pas ici de sa divinité coéternelle au Père,
mais de l’humanité qu’il avait prise, et selon laquelle il avait été mis un
peu au-dessous des anges. — Sévérianus : (ou S. Chrysolog., serm. 80.) Car le Fils de Dieu a
communiqué au fils de la Vierge, Dieu à l’homme, la Divinité à la chair, ce
qu’il possédait de toute éternité avec son Père. — Saint Jérôme : Toute puissance lui
est donnée dans le ciel et sur la terre, afin qu’il pût régner sur la terre,
par la foi que les chrétiens auraient en lui, comme il règnait auparavant
dans le ciel. — Saint Rémi : Ce que le Psalmiste a
prédit du Seigneur ressuscité : « Vous
l’avez établi sur l’œuvre de vos mains », le Seigneur se l’applique
à lui-même dans ces paroles : « Toute
puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre ». Et il faut
se rappeler ici qu’avant que le Seigneur fût ressuscité d’entre les morts,
les anges savaient qu’ils étaient soumis au Christ fait homme. Or,
Jésus-Christ voulant aussi faire connaître aux hommes que toute puissance lui
avait été donnée dans le ciel et sur la terre, il envoya des prédicateurs
pour annoncer la parole de vie à tous les peuples : « Allez donc, enseignez toutes les nations ». — Saint Bède : Lui qui, avant sa
passion, leur avait dit : « Vous
n’irez point dans la voie des nations », (Mt 10) leur dit lorsqu’il
est ressuscité des morts : « Allez,
instruisez tous les peuples ». Que les Juifs soient donc confondus,
eux qui prétendent que le Christ ne viendra seulement que pour le salut de
leur nation. Que les donatistes rougissent, eux qui voulant renfermer
Jésus-Christ dans un espace déterminé, ont osé dire qu’il n’était que dans
l’Afrique, à l’exclusion des autres contrées de la terre. — Saint Jérôme : Ils commencent par enseigner les nations, et c’est après les avoir enseignées qu’ils les baptisent dans l’eau ; car il est impossible que le corps reçoive le sacrement de baptême avant que l’âme ait reçu la vérité de la foi : « en les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », afin qu’il n’y ait qu’une seule et même grâce, comme il n’y a entre eux qu’une seule et même divinité, puisque le nom de Trinité ne signifie qu’un seul Dieu. — Sévérianus : (ou S. Chrysolog.,
serm. 80.) C’est donc la même puissance qui répare et sanctifie toutes les
nations qu’elle a créées et appelées à la vie. — Dydime : (Du Saint-Esprit, liv. 2.)
Il peut exister des hommes assez insensés, et, pour ainsi dire, sans cœur et
sans bon sens, pour essayer de baptiser en omettant un de ces trois noms,
contrairement à la loi portée par Jésus-Christ ; mais leur baptême sera sans
effet, et ils ne pourront délivrer de leurs péchés ceux qu’ils auront cru
baptiser de la sorte. Concluons de là combien la substance de la Trinité est
indivisible, et que le Père est vraiment le Père du Fils, le Fils vraiment le
Fils du Père, et l’Esprit saint réellement l’Esprit du Père et du Fils-Dieu,
et aussi de la sagesse et de la vérité, c’est-à-dire du même Fils de Dieu.
Voilà la foi qui sauve les fidèles, et l’économie de la discipline
ecclésiastique trouve sa perfection dans cette auguste Trinité. — Saint Hilaire : Que ne contient pas
en effet ce sacrement de notre salut ? Tout y est plein, tout y est
parfait, comme venant de celui qui possède toute plénitude et toute
perfection. Le nom de Père exprime la nature de la première personne ; mais
elle est Père seulement, et ne doit pas à un autre, comme les hommes, d’être
Père. Le Père n’a pas été engendré, il est éternel ; il a toujours en lui le
principe qui le fait exister ; il n’est connu que du Fils. Le Fils est
engendré de celui qui ne l’a pas été, un de celui qui est un, vrai de celui
qui est vrai, vivant de celui qui est vivant, parfait de celui qui est
parfait, vertu de la Vertu, sagesse de la Sagesse, gloire de la Gloire, image
du Dieu invisible, figure du Père qui n’a pas été engendré. L’Esprit saint ne
peut pas être séparé de la confession que nous faisons du Père et du Fils, et
cette consolation de notre espérance ne nous fait défaut en aucune
circonstance. C’est lui qui est le gage des promesses futures, par les
opérations de ses dons, lui qui est la lumière de l’intelligence, lui qui est
la splendeur des esprits. Les hérétiques, qui ne peuvent pas changer ces vérités,
essaient de les expliquer d’une manière toute humaine. C’est ainsi que
Sabellius étend la paternité jusqu’au Fils, et admet une distinction plutôt
dans leurs noms divers que dans leurs personnalités différentes, [reconnaissant
lui-même à sa manière], un Père et un Fils, puisque, suivant lui, le Fils
n’est autre que le Père. C’est ainsi qu’Ebion n’attribue d’autre origine à
Jésus-Christ que celle qu’il tire de la Vierge Marie, et qu’il prétend que ce
n’est pas l’homme qui vient de Dieu, mais Dieu qui vient de l’homme. C’est
ainsi que les Ariens font sortir du néant et du temps la substance, la
sagesse et la vertu de Dieu. Qu’y a-t-il d’étonnant qu’ils enseignent des
erreurs contradictoires sur l’Esprit saint, eux qui sont assez téméraires
pour affirmer que le Fils, de qui il procède, a été soumis à la création. — Saint Jérôme : Considérons ici
l’ordre essentiel établi par Jésus-Christ ; il ordonne à ses disciples :
premièrement, d’enseigner toutes les nations ; puis de les purifier dans le
sacrement de la foi, et ensuite de leur apprendre ce qu’il faut observer
après avoir embrassé la foi et reçu le baptême : « et leur apprenant à observer toutes les choses que je vous ai
commandées ». — Raban : Car, de même qu’un corps sans âme est mort, ainsi la foi
sans les oeuvres est morte. — Saint Jean Chrysostome : Comme il
vient de leur faire des commandements d’une haute importance, il relève leur
courage en ajoutant : « Et voici
que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles », comme
s’il leur disait : Ne dites pas que les commandements que je vous fais sont
difficiles, car je suis avec vous, moi qui rends toutes choses légères. Et il
leur promet d’être, non seulement avec eux, mais encore avec tous ceux qui
croiront après eux, car les Apôtres ne devaient pas demeurer en vie jusqu’à
la fin des siècles, et le Seigneur s’adresse à tous les fidèles comme à un
seul corps. — Raban : Nous devons conclure de ces paroles, que, jusqu’à la fin
du monde, il y aura toujours des hommes dignes d’être choisis de Dieu pour
lui servir de demeure. — Saint Jean Chrysostome : (hom.
90.) Il leur rappelle la fin de toutes choses, pour les attirer plus
fortement à lui, et leur faire jeter les yeux, non pas seulement sur les
biens du temps, mais sur les biens futurs, qui doivent durer éternellement,
et il semble leur dire : Les épreuves que vous aurez à supporter passeront
avec cette vie, et le monde tout entier passera lui-même et sera détruit,
tandis que les biens dont vous serez comblés dureront éternellement. — Saint Bède : Mais comment le Seigneur
a-t-il pu dire : « Voici que je suis avec vous », alors qu’il dit dans
un autre endroit : « Je m’en vais
vers celui qui m’a envoyé ? » C’est que les attributs de la nature
divine sont différents des propriétés de la nature humaine. Le Seigneur ira
vers son Père par son humanité, et il restera avec ses disciples dans cette
nature divine qui le rend l’égal de son Père. Dans ces paroles : « jusqu’à la consommation des siècles »,
il emploie le fini pour signifier l’infini, car il est évident que celui qui
reste dans le siècle présent avec les élus, pour les protéger, demeurera
éternellement avec eux après la fin du monde, pour les récompenser. — Saint Jérôme : En promettant donc
d’être avec ses disciples jusqu’à la consommation des siècles, il leur
déclare qu’ils vivront toujours, et qu’il n’abandonnera jamais ceux qui
croiront en lui. — Saint Léon le Grand : (serm. sur la Paque.) Celui qui monte dans les cieux n’abandonne pas ceux qu’il a adoptés, et il les fortifie en leur inspirant la patience sur la terre, en même temps qu’il les appelle à la gloire dans le ciel. Que Jésus-Christ lui-même, le roi de gloire, nous rende participants de cette gloire, lui qui est le Dieu béni dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. |