CHAINE D’OR SUR L’ÉVANGILE DE SAINT LUC
Édition numérique, http ://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique,
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Traduction entièrement vérifiée et reprise par Charles
Duyck en 2012.
Explication suivie des QUATRE EVANGILES
par le docteur angélique
SAINT THOMAS D’AQUIN
composée des interprètes grecs et latins, et surtout des ss. Pères
admirablement coordonnés et enchaînés
de manière à ne former qu’un seul texte suivi et appelé à juste titre
la
CHAÎNE D’OR
Edition où le texte corrigé par le P. Nicolaï a été revu avec le plus grand soin sur les textes originaux grecs et latins
TRADUCTION NOUVELLE
par
M. L’ABBE J.-M.
PERONNE
Chanoine titulaire de l’Eglise de Soissons, ancien professeur d’Ecriture sainte et d’éloquence sacrée
Tome premier
PARIS
LIBRAIRIE DE LOUIS VIVÈS, ÉDITEUR
rue Delambre, 9
1868
TABLE AUTOMATIQUE
Sancti Thomae de Aquino, Catena aurea in quatuor
Evangelia, Expositio in Ioannem |
EXPLICATION
SUIVIE DES QUATRE ÉVANGILES PAR SAINT THOMAS L’ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON
SAINT LUC |
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Prooemium |
PRÉFACE DE SAINT LUC
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[85726] Catena in Lc., pr. Induam
caelos tenebris, et saccum ponam operimentum eorum. Dominus dedit mihi
linguam eruditam, ut sciam sustentare eum qui lapsus est verbo. Erigit mane, mane
erigit mihi aurem, ut audiam quasi magistrum.
(Isaias 50, 3-4). Glossa. Inter cetera incarnationis Christi mysteria,
quae Isaias propheta diligenter et aperte praenuntiat, dicit induam caelos
tenebris etc., ex quibus verbis accipere possumus Evangelii secundum Lucam
materiam, modum scribendi, finem et conditionem scriptoris. Augustinus de Cons. Evang. Lucas enim circa
sacerdotalem domini stirpem atque personam magis occupatus videtur, unde per
vitulum significatus est, propter maximam victimam sacerdotis. Ambrosius in Luc. Vitulus enim sacerdotalis
est victima, unde bene congruit vitulo hic Evangelii liber, qui a
sacerdotibus inchoavit et consummavit in vitulo, qui omnium peccata
suscipiens pro totius mundi vita est immolatus; et ipsam vituli immolationem
Lucas stylo quodam pleniore diffudit. Glossa. Quia igitur passionem Christi
principaliter exponere Lucas intendit, huius Evangelii materia significari
potest in eo quod dicitur induam caelos tenebris, et saccum ponam operimentum
eorum; nam ad litteram in passione Christi tenebrae factae sunt, et in
discipulis fides obscurata est. Hieronymus super Isaiam. Et Christus despectus
erat et ignobilis quando pendebat in cruce; et absconditus est vultus eius
atque despectus, ut humano corpore divina potentia celaretur. Hieronymus de viris illustribus. Sermo autem
Lucae tam in Evangelio quam in actibus apostolorum comptior est et saeculari
redolet eloquentia. Unde subditur dominus dedit mihi linguam eruditam. Ambrosius in Luc. Nam licet Scriptura divina
mundanae evacuet sapientiae disciplinam, quod maiore fucata verborum ambitu
quam rerum ratione subnixa sit; tamen si quis in Scripturis divinis etiam
illa quae imitanda illi putant, quaerat, inveniet. Sanctus enim Lucas velut quemdam
historicum ordinem tenuit, et plura nobis gestorum domini miracula revelavit;
ita tamen ut omnes sapientiae virtutes Evangelii ipsius complecteretur
historia. Quid enim praecellentius ad sapientiam naturalem, quam quod
spiritum sanctum creatorem etiam dominicae incarnationis extitisse reseravit?
Docet moralia in eodem libro, quemadmodum scilicet amare inimicum debeam;
docet etiam rationalia, cum lego quoniam qui fidelis est in minimo, et in
magno fidelis est. Eusebius in Eccles. Hist. Is ergo genere
quidem Antiochenus, arte medicus, secundum hanc medicinam quam ex apostolorum
vel societate vel traditione susceperat, duos nobis medicinales libros,
quibus non corpora sed animae curentur explicuit. Unde sequitur ut sciam
sustentare eum qui lapsus est verbo. Hieronymus super Isaiam. Dicit enim se a
domino accepisse sermonem, quomodo lapsum errantemque populum sustentet, et
revocet ad salutem. Graecus expositor. Cum autem Lucas bonae
indolis esset et capacitatis strenuae, Graecorum scientiam consecutus est.
Grammaticam siquidem atque poesim adeptus perfecte, rethoricam autem et
persuadendi leporem assecutus ad plenum, neque philosophiae muneribus caruit;
denique et medicinam acquirit, et quoniam naturae velocitate satis de humana
gustaverat sapientia, ad altiorem convolat. Accelerat igitur ad Iudaeam, et
visibiliter et verbo tenus Christum adit. Cumque veritatem cognosceret, verus
efficitur Christi discipulus, plurimum magistro commoratus. Glossa. Unde subditur erigit mane, quasi a
iuventute ad saecularem sapientiam; mane erigit mihi aurem ad divina, ut
audiam quasi magistrum, scilicet ipsum Christum. Eusebius in Eccles. Hist. Tradunt autem quod
Evangelium suum ex Pauli ore conscripserit, sicut et Marcus quae ex Petri ore
fuerant praedicata conscripsit. Chrysostomus super Matthaeum. Uterque autem
eorum magistrum imitatus est; hic quidem Paulum super flumina fluentem, ille
autem Petrum breviloquio studentem. Augustinus de Cons. Evang. Eo autem tempore
scripserunt quo non solum ab Ecclesia Christi, verum etiam ab ipsis adhuc in
carne manentibus apostolis probari meruerunt. Et haec prooemialiter dicta
sufficiant. |
— La Glose : Le prophète Isaïe qui prédit avec tant d’exactitude et de clarté les divers mystères de l’incarnation de Jésus-Christ, dit au chapitre 50 : « J’envelopperai les cieux de ténèbres, et je les couvrirai comme d’un sac. Le Seigneur m’a donné une langue savante, afin que je puisse soutenir par la parole celui qui est abattu. Il m’éveille et me touche l’oreille tous les matins, afin que je l’écoute comme un maître » (Is 50). Ces paroles peuvent nous faire connaître l’objet et le genre de l’Évangile selon saint Luc, le but que cet évangéliste s’est proposé et dans quelles conditions il l’a écrit. — S. Augustin : (De l’ac. des Ev., lib. 1, cap. 2 et 6). Saint Luc paraît s’être proposé surtout de décrire l’origine sacerdotale du Sauveur, et tout ce qui a rapport à sa personne. De là vient qu’on lui donne pour emblème un boeuf, le boeuf étant la principale victime que les prêtres offraient en sacrifice. — S. Ambroise : (Préf. sur Luc). Le boeuf est par excellence la victime sacerdotale; le livre de cet évangéliste est donc parfaitement figuré par un boeuf, puisqu’il commence par l’histoire d’une famille sacerdotale, et le termine en racontant beaucoup plus au long que les autres l’immolation de cette victime, figurée par les taureaux de l’ancienne loi, et qui se chargeant des péchés de tous les hommes, a été immolée pour la vie du monde entier. — Glos. Saint Luc s’étant proposé principalement de raconter la passion de Jésus-Christ, l’objet de cet évangile se trouve comme indiqué dans ces paroles : « J’envelopperai les cieux de ténèbres, et je les couvrirai comme d’un sac. » Car, dans la passion du Sauveur, les ténèbres se répandirent littéralement sur la terre, et la foi des disciples fut couverte de nuages. — S. Jérôme : (sur Is 53). Jésus-Christ lui-même sur la Croix était couvert de mépris et d’opprobres, son visage était comme voilé par les ignominies, de manière que sa puissance toute divine était cachée sous l’infirmité d’un corps mortel. — S. Jérôme : Le style de saint Luc, tant dans son Évangile que dans les Actes des Apôtres, est plus pur et plus élégant [que celui des autres évangélistes], et on y ressent comme un parfum de l’éloquence profane, ce que semblent figurer ces paroles : « Le Seigneur m’a donné une langue savante. » — S. Ambroise : (com. préc.) Car bien que les divines Écritures rejettent ces formes étudiées qu’affecte la sagesse profane, qui s’appuie bien plus sur l’éclat prétentieux des paroles que sur la vérité des choses, cependant si l’on veut chercher dans les saintes Écritures elles-mêmes des modèles que l’éloquence profane ne dédaignerait pas d’imiter, on en trouvera facilement. Saint Luc, en effet, a suivi un certain ordre historique, il nous révèle en plus grand nombre les miracles opérés par Notre Seigneur, et en même temps son évangile renferme des leçons de toutes les vertus. Ainsi quoi de plus sublime pour la sagesse naturelle que ce récit où saint Luc nous représente l’Esprit saint comme le créateur même de l’incarnation du Seigneur ? Il nous enseigne, dans son livre, [d’une manière non moins relevée], toutes les vertus morales, comment par exemple, je dois aimer mon ennemi (Lc 6, Lc 27, Lc 32, Lc 35) ; il enseigne même des leçons des choses qu’on pourrait appeler simplement rationnelles, par exemple : « Celui qui est fidèle dans les petites choses, l’est aussi dans les grandes. » (Lc 16, 10). — Eusèbe (Hist. ecclés., 3, 4.) Saint Luc, né à Antioche, où il exerçait la profession de médecin, puisa dans la société ou dans la tradition des Apôtres, les principes d’une médecine bien différente, et composa deux livres où sont expliquées les règles de cet art céleste, qui apprend à guérir non pas les corps mais les âmes : « afin que je puisse soutenir par la parole celui qui est abattu. » — S. Jérôme : Il nous apprend en effet lui-même que le Seigneur lui a confié le ministère de la parole pour soutenir le peuple errant et fatigué, et le ramener dans les voies du salut. — Commentaire grec. Or, saint Luc étant doué d’un esprit distingué et d’une vaste intelligence, se rendit habile dans les sciences des Pères Grecs : Il acquit une connaissance parfaite de la grammaire et de la poésie, et s’instruisit à fond des règles de la rhétorique et de l’art de persuader, il excella également dans la philosophie, et enfin dans la médecine. Mais lorsque grâce à cette prodigieuse activité, il eut assez goûté les fruits de la sagesse humaine, il sentit le désir de posséder une sagesse plus élevée, il se rendit donc en toute hâte dans la Judée, et vint trouver Jésus-Christ pour jouir de sa présence et s’instruire à son école. La vérité s’étant fait connaître à lui, il devint un vrai disciple de Jésus-Christ, et resta longtemps auprès de ce divin Maître. — Glose. C’est ce qu’indiquent encore ces autres paroles : « Il m’éveille dès le matin, » (comme on forme dès la jeunesse à la science profane; il m’éveille dès le matin et me touche l’oreille, pour la sagesse divine), pour que j’écoute attentivement les leçons du maître, c’est-à-dire de Jésus-Christ lui-même. — Eusèbe : (comme précéd.) On dit qu’il écrivit son évangile sous la dictée de saint Paul, de même que saint Marc écrivit l’évangile qui porte son nom d’après les leçons de saint Pierre. — S. Jean Chrysostome : (sur Matth., hom. 4). Ils ont tous deux imité leur Maître, l’un à l’exemple de saint Paul répand ses eaux avec abondance, comme un fleuve majestueux, l’autre imite saint Pierre, qui s’est appliqué à être concis. — S. Augustin : (De l’ac. des Evang., 4, 8.) Les évangélistes ont écrit dans un temps où ils ont mérité de recevoir l’approbation non seulement de l’Église de Jésus-Christ, mais des apôtres eux-mêmes qui vivaient encore. Ces préliminaires suffisent. |
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Caput 1 |
CHAPITRE 1
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Lectio 1 [85727] Catena in Lc., cap. 1 l. 1 Eusebius Eccles. Hist. Lucas in initio Evangelii sui, causam cur scripserit
indicavit, videlicet quoniam multi alii temere praesumpserant enarrare res
quae sibi magis erant ad liquidum compertae : et hoc est quod dicit quoniam
quidem multi conati sunt ordinare narrationem rerum. Ambrosius in prooem. in Lucam. Nam sicut multi in Iudaeorum populo
divino infusi spiritu prophetaverunt, alii autem pseudoprophetae erant potius
quam prophetae; sic et nunc in novo testamento multi Evangelia scribere
conati sunt, quae boni nummularii non probarunt : et aliud quidem fertur Evangelium
quod duodecim scripsisse dicuntur : ausus est etiam Basilides Evangelium
scribere : fertur aliud secundum Thomam, et aliud secundum Matthiam. Beda. Multos ergo eos non tam numerositate quam haereseos
multifariae diversitate connumerat, qui non spiritus sancti munere donati,
sed vacuo labore conati, magis ordinaverunt narrationem, quam historiae
texuerunt veritatem. Ambrosius. Qui enim conatus est ordinare, suo labore conatus est,
nec implevit suo conatu : sine conatu sunt enim donationes et gratia Dei,
quae ubi se infuderit, rigare consuevit, ut non egeat, sed redundet
scriptoris ingenium : et ideo bene dicit rerum quae in nobis completae sunt,
vel quae in nobis redundant : quod enim redundat, nulli deficit, et de
completo nemo dubitat, cum fidem effectus astruat, exitus prodat. Origenes in Lucam. Dicit autem rerum, quia non secundum phantasiam,
iuxta haereticos, exercuit Iesus carnalem ipsius adventum; sed cum veritas
esset, revera negotium prosecutus est. Affectum autem suum indicat ex hoc quod ait quae in nobis completae
sunt; idest, quae in nobis manifestissimae sunt ostensae : id enim quod
Graece legitur peplirophorimenon uno verbo Latinus sermo non explicat : certa
enim fide et ratione cognoverat, neque in aliquo fluctuabat. Chrysostomus. Evangelista autem non solum testimonio contentus est
proprio, sed ad apostolos totum refert, inde robur venatur sermoni; et ideo
subdit sicut tradiderunt nobis qui ab initio ipsi viderunt. Eusebius
Eccles. Hist. Certus est quod veritatem, vel Paulo exponente, vel aliis
apostolis qui ab initio ipsi viderant, vel sibi tradiderant, consecutus sit.
Chrysostomus.
Dicit autem viderunt, quia hoc maxime robur nanciscitur credulitatis, quod
addiscitur ab his qui praesentialiter viderunt. Origenes.
Palam est autem quod cuiusdam doctrinae finis est in ipsa doctrina, sicut
geometriae; alterius vero doctrinae finis in opere computatur, sicut
medicinae; et ita est in sermone Dei. Et ideo postquam significaverat
scientiam ex hoc quod dixerat ipsi viderunt, demonstrat opera ex hoc quod
sequitur : et ministri fuerunt sermonis vel verbi. Ambrosius.
Nam congruit ista locutio, ut maius mysterium verbi quam auditum esse
credamus; sed quia non prolativum verbum, sed substantiale significatur, non
vulgare verbum, sed caeleste intelligamus, cui apostoli ministrarunt. Cyrillus.
Quod autem dicit, huius verbi visores fuisse apostolos, concordat cum
Ioanne, qui dicit : verbum caro factum est, et habitavit in nobis, et vidimus
gloriam eius. Verbum namque, mediante carne, visibile factum est. Ambrosius.
Non solum autem secundum corpus viderunt dominum, sed etiam secundum
verbum. Viderunt enim verbum, qui cum Moyse et Elia viderunt gloriam verbi;
alii non viderunt, qui corpus tantummodo videre potuerunt. Origenes.
Et in Exodo quidem scriptum est : populus videbat vocem domini; vox autem
auditur potius quam videtur. Sed propterea ita scriptum est ut ostenderetur
nobis aliis videri oculis vocem domini, quibus illi aspiciunt qui merentur.
Porro in Evangelio non vox cernitur, sed sermo qui voce praestantior est.
Theophylactus.
Ex hoc enim manifeste innuitur quod Lucas non fuit discipulus ab initio,
sed processu temporis; alii autem fuerunt discipuli ab initio, ut Petrus et
filii Zebedaei. Beda
in Lucam. Et tamen Matthaeus quoque et Ioannes in multis quae scriberent,
ab his qui infantiam, pueritiam, genealogiamque eius scire et gestis
interesse potuerant, audire opus habebant. Origenes.
Deinde facultatem scribendi replicat : quoniam ea quae scripsit, non
rumore cognoverit, sed ab initio fuerit ipse consecutus : unde sequitur visum
est et mihi, assecuto a principio omnia diligenter, ex ordine tibi scribere,
optime Theophile. Ambrosius.
Cum dicit visum est et mihi, non negat Deo visum : a Deo enim praeparatur
voluntas hominum. Prolixiorem autem hunc Evangelii librum quam ceteros esse
nemo dubitaverit; et ideo non ea quae falsa sunt, sed quae vera, sibi
vindicat : et ideo dicit assecuto quidem omnia visum est scribere : non
omnia, sed ex omnibus : quia quae fecit Iesus si scribantur omnia, nec ipsum
mundum capere arbitror. Consulto autem quae ab aliis sunt scripta praeteriit,
ut propriis quibusdam singuli Evangeliorum libri mysteriorum gestorumque
miraculis eminerent. Theophylactus.
Scribit autem ad Theophilum virum inclytum, fortassis et principem, quia
quod dicit cratiste, idest optime, sive strenue, non dicebatur nisi
principibus et praesidibus; sicut et Paulus Festo praesidi dixit : cratiste
(hoc est optime vel strenue) Feste. Beda. Theophilus autem interpretatur amans Deum vel amatus a Deo. Quisquis
ergo amat Deum, sive a Deo se desiderat amari, ad se scriptum putet
Evangelium, et ut sibi datum munus, sibique commendatum pignus conservet. Non
autem novorum quorumlibet eidem Theophilo et velut ignotorum ratio pandenda;
sed eorum de quibus eruditus est, verborum promittitur veritas exprimenda,
cum subditur ut cognoscas eorum verborum de quibus eruditus es, veritatem;
scilicet, ut quo quid ordine a domino gestum dictumve sit, agnoscere queas. Chrysostomus.
Vel aliter. Ut certitudinem habeas, et securus existas, quae auditu
perceperas, prospiciens in Scriptura. Theophylactus
in Lucam. Plerumque enim cum sine scripto aliquid dicitur, calumniantur
illud quasi falsum; cum vero quis quae dicit scripserit, tunc magis credimus
: quia nisi putaret vera, non scriberet. Chrysostomus.
Vel aliter. Totum Evangelistae prooemium duo continet : conditionem eorum
qui ante eum Evangelium scripserant, puta Matthaei et Marci; et rursum cur et
ipse scribere proposuit. Cum vero dixisset conati sunt, vocabulum protulit
potens applicari et ad praesumptuose aggredientes materiam, et ad honeste
pertractantes illam. Duabus enim additionibus dubiam sententiam certificat.
Primo quidem quia dixit quae in nobis completae sunt rerum; secundo quia
dixit sicut tradiderunt nobis qui ab initio ipsi viderunt. Simul autem hoc
quod dico tradiderunt indicare mihi videtur quod et ipsi moneantur propagare;
velut enim illi tradiderunt, ipsos quoque oportebit accipientes seriatim ad
invicem promulgare. Nondum autem commendantibus Scripturae quae tradita
fuerint, contingebat inconvenientia plurima provenire diuturnitate temporis,
unde merito quae de primis visoribus verbi et ministris verbi acceperant, in
scriptis universo mundo traditionem praestiterunt, et calumnias propellentes,
et oblivionem destruentes, et ex ipsa traditione integritatem accomodantes. |
Versets 1-4.
— Eusèbe : (Hist. ecclésiast., 3, 4.) Saint Luc commence son récit en nous faisant connaître la raison qui l’a déterminé à écrire son évangile; probablement parce que plusieurs avaient eu la prétention téméraire de raconter les choses dont il avait une connaissance plus parfaite : « Plusieurs, dit-il, s’étant efforcé de mettre par ordre l’histoire des choses. » — S. Ambroise : (Préf. sur Luc.) Car, de même que chez le peuple juif, un grand nombre de prophètes ont prophétisé sous l’inspiration de l’Esprit saint, tandis que d’autres n’étaient que de faux prophètes, de même aujourd’hui, sous la nouvelle loi, plusieurs ont entrepris d’écrire des évangiles qui ne sont pas de bon aloi; c’est ainsi qu’on nous donne un évangile, écrit, dit-on, par les douze Apôtres, un évangile que Basilide a eu la prétention d’écrire, un autre encore qui aurait pour auteur saint Thomas, un autre enfin saint Mathias. — S. Bède : (Préf. sur Luc.) Lorsque saint Luc dit plusieurs, il a donc moins égard à leur nombre qu’à la diversité des hérésies que professaient ces prétendus évangélistes, qui sans avoir été favorisés des dons de l’Esprit saint et ne s’appuyant que sur leurs vains efforts, ont cherché bien plutôt à composer des histoires qu’à reproduire la vérité historique des faits. — S. Ambroise : (Ibid.) Celui qui s’est efforcé de mettre en ordre, n’a dû ses efforts qu’à son travail personnel, et n’en peut espérer aucun résultat; au contraire, les dons et la grâce de Dieu n’exigent point d’efforts, et quand la grâce se répand dans une âme, elle l’arrose si largement, que l’esprit de l’écrivain loin d’être stérile, devient d’une inépuisable fécondité. C’est donc avec raison que saint Luc ajoute : « Des choses qui se sont accomplies parmi nous, » ou dont nous avons une connaissance surabondante, car ce qui est abondant ne fait défaut à personne, comme aussi personne ne doute de ce qui s’est accompli, puisque la foi s’appuie alors sur des faits qui en sont la démonstration la plus claire. — Tite de Bostr. (sur la Préf. de S. Luc.) Il ajoute : « Des choses, » car ce n’est pas dans un corps fantomatique, comme le prétendent les hérétiques que Jésus a fait son avènement parmi nous, mais comme il était la vérité, c’est réellement dans la vérité qu’il a accompli son oeuvre. — Origène : (Hom. 1 sur Luc.) Il nous fait connaître qu’elles ont été pour lui les suites de cet avènement, en ajoutant : « Qui se sont accomplies parmi nous, » c’est-à-dire qui nous ont été dévoilées dans toute leur clarté, (comme le signifie le mot grec πεπληροφορημενων, que le latin ne peut rendre par un seul mot), car la connaissance de ces mystères était chez lui le résultat d’une foi certaine, raisonnée, et qui ne variait en quoi que ce soit. — S.
Jean Chrysostome : (Ch. des Pèr gr.) L’Évangéliste ne s’en
rapporte pas seulement à son témoignage personnel, mais il s’appuie
exclusivement sur celui des Apôtres, pour donner plus de poids à ses paroles
: « Ainsi que nous les ont
rapportées, ajoute-t-il, ceux qui
les ont eux-mêmes vues dès le commencement. » — Eusèbe : (Hist. ecclés., 3, 4.) Il est donc certain que c’est dans les enseignements de saint Paul ou des autres Apôtres qui ont été attachés dès le commencement à la personne du Sauveur et la lui ont transmise, que saint Luc a puisé la vérité historique de son récit. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Il se sert du mot, « ils ont vu, » parce que le témoignage de témoins oculaires des faits, est pour nous le plus ferme motif de crédibilité. — Origène : De l’aveu de tous, l’objet final de certaines sciences est dans ces sciences elles-mêmes, comme la géométrie; pour d’autres, comme la médecine, cet objet est dans l’application, il en est ainsi de la parole de Dieu; aussi après nous avoir indiqué la source de la science par ces paroles : « Ils ont vu, » il nous en fait connaître les oeuvres pratiques en ajoutant : « Et ils ont été ministres de la parole (ou du Verbe.) » — S. Ambroise : Cette dernière expression ne signifie pas que le ministère de la parole s’adressait plutôt à la vue qu’à l’ouïe; mais comme ici, ce Verbe n’était pas un Verbe parlé, mais un Verbe substantiel, saint Luc veut nous faire comprendre que ce n’est pas d’une parole ordinaire, mais d’une parole toute céleste, que les Apôtres furent les ministres. — S. Cyrille d’Alexandrie : Saint Jean confirme ce que dit ici saint Luc, que les Apôtres ont vu ce Verbe de leurs yeux par ces paroles : « Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire » ; car c’est par le moyen de la chair que le Verbe s’est rendu visible. — S. Ambroise : Mais ce n’est pas seulement comme homme revêtu de notre chair qu’ils ont vu Notre Seigneur, ils l’ont vu comme Verbe, lorsque avec Moïse et Elie, ils ont été témoins de la gloire du Verbe, qui est resté invisible pour ceux qui n’ont pu voir que son corps. — Origène : Il est écrit dans l’Exode : « Le peuple voyait la voix du Seigneur. » Cependant la voix s’entend plutôt qu’elle n’est vue; mais l’écrivain sacré s’exprime de la sorte pour nous faire comprendre que la voix du Seigneur est visible pour d’autres yeux, que Dieu ouvre à ceux qui en sont dignes. Or, dans l’Évangile, ce n’est pas simplement la voix qui est vue, mais une parole qui est bien supérieure à la voix. — Théophylacte : (préf. sur Luc.) Nous pouvons conclure logiquement de ces paroles, que saint Luc n’a pas été un des premiers disciples du Sauveur, mais qu’il ne l’est devenu que dans la suite. D’autres se sont attachés à Jésus-Christ dès le commencement, comme Pierre et les fils de Zébédée. — S. Bède : Et cependant saint Matthieu et saint Jean, pour un grand nombre de faits qu’ils racontent, ont dû nécessairement avoir recours à ceux qui connaissaient les détails de l’enfance de Jésus, de sa jeunesse, de sa généalogie, et qui avaient pu être témoins de ses actions. — Origène : Saint Luc établit ensuite
le droit qu’il avait d’écrire l’Évangile puisque ce qu’il écrivit, il ne le
connut pas par des rumeurs incertaines, mais par des traditions qui
remontaient à l’origine des faits : « Il
m’a semblé bon, après avoir tout appris dès le commencement, cher Théophile,
d’en écrire l’histoire avec ordre. » — S. Ambroise : En disant : « Il m’a semblé bon, » il n’exclut pas le bon plaisir de Dieu; car c’est Dieu lui-même qui prédispose la volonté de l’homme (Pv 8, 35). Or, personne n’ignore que l’Évangile de saint Luc est plus étendu que les autres, aussi saint Luc prend-il soin de s’en tenir non à ce qui est faux mais à la vérité des faits qu’il raconte : « C’est après avoir été très exactement informé, que j’ai cru devoir écrire, » non tout [ce qu’il avait appris], mais une partie; car si toutes les choses qu’a faites Jésus étaient rapportées en détail, je ne crois pas, [dit saint Jean], que le monde pût contenir les livres où elles seraient écrites. Du reste, c’est à dessein qu’il a omis une grande partie des faits racontés par les autres Évangélistes, afin que chaque Évangile dût son caractère particulier à la nature des mystères et des miracles qu’il renferme. — Théophylacte : Il adressa son Évangile à Théophile, c’était un personnage distingué, peut-être même un prince; car l’épithète « kratiste », c'est-à-dire excellent ou éminent, ne se donnait qu’aux princes et aux gouverneurs, comme nous voyons saint Paul appeler le gouverneur Festus : « kratiste », c'est-à-dire « Très excellent Festus. » — S. Bède : Théophile signifie qui aime Dieu ou qui est aimé de Dieu ; qui que vous soyez donc, si vous aimez Dieu, ou si vous désirez être aimé de Dieu, regardez cet Évangile comme écrit pour vous, et conservez-le comme un présent qui vous est fait, comme un gage qui vous est confié. Et ce ne sont pas des choses nouvelles, ou des secrets inconnus qu’il doit expliquer à ce même Théophile; il lui promet de lui exposer la vérité des choses dont il a été instruit, afin, dit-il, « de vous faire connaître la vérité des choses qu’on vous a enseignées », c’est-à-dire pour que vous puissiez connaître dans leur ordre naturel, les paroles et les actions du Seigneur, dont le souvenir nous a été conservé. — S. Jean Chrysostome : Ou encore, afin que vous ayez une certitude inébranlable des vérités que vous avez apprises, en les voyant consignées dans l’Écriture. — Théophylacte : Souvent, en effet, nous regardons comme faux des faits qu’on avance en paroles, sans qu’on les mette par écrit; si, au contraire, on prend soin de les écrire, nous y ajoutons foi plus volontiers; car, [pensons-nous], s’il n’était sûr de la vérité de ce qu’il dit, il ne l’écrirait point. — S. Jean Chrysostome : On peut dire encore que toute cette préface de saint Luc contient deux choses : dans quelles conditions ceux qui l’ont précédé (saint Matthieu et saint Marc) ont écrit l’Évangile, et pour quel motif il a entrepris lui-même de l’écrire. Cette expression : « Ils se sont efforcés, » peut donc s’appliquer, et à ceux qui n’ont mis la main à cette oeuvre que par présomption, et à ceux qui l’ont entreprise dans les conditions de respect et d’honneur qu’elle réclame. Or, le sens douteux de cette expression se trouve précisé par une double explication que saint Luc nous donne. Premièrement, lorsqu’il dit : « Des choses qui se sont accomplies parmi nous » ; secondement, quand il ajoute : « Ainsi que nous les ont transmises ceux qui les ont eux-mêmes vues dès le commencement. » Ce mot « ils nous ont transmis, » me paraît encore renfermer un avertissement donné à ceux qui reçoivent l’Évangile, de travailler eux-mêmes à sa propagation; car de même que les Apôtres l’ont transmis, ceux qui l’ont reçu doivent à leur tour le transmettre à d’autres. Lorsque les faits de l’Écriture n’étaient pas encore consignés par écrits, il en résultait bien des inconvénients à mesure qu’on s’éloignait des faits. Aussi ceux qui avaient recueilli ces faits de la bouche des premiers disciples et des ministres du Verbe, agirent-ils sagement en les consignant dans des écrits qui les répandirent dans tout l’univers, dissipèrent les calomnies, prévinrent un fâcheux oubli, et constituèrent ainsi par la tradition l’intégrité des saints Évangiles. |
Lectio 2 [85728] Catena in Lc., cap. 1 l. 2 Chrysostomus. Evangelicae narrationis exordium a Zacharia sumit et
nativitate Ioannis, mirum ante mirum edisserens, minus ante maius, nam
quoniam virgo paritura erat, praeparavit gratia ut vetus prius conciperet.
Declarat autem tempus, cum dicit fuit in diebus Herodis; et adicit
dignitatem, cum subdit regis Iudaeae. Alius autem Herodes fuit qui Ioannem
occidit; sed ille tetrarcha fuit, hic autem rex. Euthymius.
Rex, inquam, ille qui infantes occidit, pater illius Herodis, qui
praecursorem interemit. Beda
in Lucam. Tempus autem Herodis alienigenae regis dominico attestatur
adventui; praedictum namque fuerat quia non deficiet princeps de Iuda, neque
dux de femore eius, donec veniat qui mittendus est. Ex quo enim patres ex
Aegypto exierunt, suae gentis iudicibus usque ad Samuelem prophetam, ac
deinde regibus usque ad transmigrationem Babyloniae regebantur. Post reditum
vero Babyloniae pontifices rerum summam gerebant usque ad Hircanum regem
simul et pontificem, quo ab Herode interempto, Iudaeae regnum ipsi Herodi
alienigenae iussu Augusti Caesaris traditur gubernandum; cuius trigesimo
primo anno, iuxta prophetiam supradictam, qui mittendus erat advenit. Ambrosius.
Docet autem nos divina Scriptura, non solum mores in his qui praedicabiles
sunt, sed etiam parentes oportere laudari : ut veluti transmissa immaculatae
puritatis hereditas, in his quos volumus laudare, praecellat. Non solum
igitur a parentibus, sed etiam a maioribus sancti Ioannis nobilitas
propagatur, non saeculari potestate sublimis, sed religionis successione
venerabilis. Plena est igitur laudatio, quae genus, mores, officium, factum,
iudicium comprehendit. Officium in sacerdotio : unde dicit sacerdos quidam
nomine Zacharias. Beda.
De sacerdotali enim prosapia Ioannes ortus est, ut eo potentius
imitationem sacerdotii praeconizaret, quo ipsum ad sacerdotale genus
pertinere claresceret. Ambrosius.
Genus autem comprehendit in maioribus : unde sequitur de vice Abia, idest
nobilis inter familias. Beda.
Erant enim principes sanctuarii, idest summi sacerdotes, tam de filiis
Eleazar quam de filiis Ithamar, quorum vices, secundum ministeria sua, ut
ingrederentur domum Dei, vigintiquatuor sortibus David distinxit; in quibus
familiae Abia, de qua Zacharias ortus est, sors contingit octava. Non autem
frustra primus novi testamenti praeco in octavae sortis iure nascitur : quia
sicut septenario saepe numero propter sabbatum vetus testamentum, sic novum
aliquoties per octonarium propter sacramentum dominicae vel nostrae
resurrectionis exprimitur. Theophylactus.
Volens etiam ostendere quod ab utroque parente legaliter ex sacerdotali
genere erat, subdit et uxor illius de filiabus Aaron, et nomen eius
Elisabeth. Non enim permittebatur de alia tribu uxorem accipere, sed de sua.
Elisabeth interpretatur Dei requies. Zacharias vero memoria domini. Beda.
Iustis enim parentibus Ioannes est genitus, ut eo confidentius iustitiae
praecepta populis daret, quo haec ipsa non quasi novitia didicisset, sed
velut hereditario iure a progenitoribus accepta servaret. Unde sequitur erant autem ambo iusti ante Deum. Ambrosius in Lucam. Et sic mores in aequitate comprehendit. Bene
autem dicit ante Deum. Fieri enim potest ut aliquis affectata bonitate
populari iustus videatur mihi, iustus autem ante Deum non sit, si iustitia
non ex mentis simplicitate formetur, sed adulatione simuletur. Perfecta
igitur laus est ante Deum iustum esse : solus enim perfectior est qui ab eo
probatur qui non potest falli. Factum autem comprehendit in mandato, in
iustificatione iudicium. Unde sequitur incedentes in omnibus mandatis et
iustificationibus domini. Cum enim mandatis caelestibus obedimus, in mandatis
domini incedimus; cum congrue iudicamus, tenere domini iustificationes
videmur. Providere autem oportet bona non solum
coram Deo, sed etiam coram hominibus. Unde sequitur sine
querela. Nulla enim querela est ubi et mentis bonitas concordat et facti, et
plerumque iustitia durior hominum querelam excitat. Origenes
in Lucam. Potest etiam aliquid iustum iniuste fieri, ut si iactantiae
causa quis pauperi elargiatur; quod non est sine querela. Sequitur et non
erat illis filius, eo quod esset sterilis Elisabeth, et ambo processissent in
diebus suis. Chrysostomus.
Non solum autem Elisabeth erat sterilis, sed et patriarcharum coniuges,
Sara, Rebecca, Rachel; quod dedecus erat antiquis : nec enim possumus dicere
quod peccati effectus esset sterilitas, quia cuncti iusti, cuncti virtuosi. Haec autem fuit sterilitatis causa, ut cum videris virginem parientem
dominum, non sis incredulus, exercitans mentem tuam in alvo sterilium. Theophylactus. Et ut etiam tu addisceres quod lex Dei
multiplicationem filiorum non appetit corporalem, sed magis spiritualem.
Processerant autem ambo, non secundum corpus, sed secundum spiritum,
ascensiones in corde ponentes, et vitam suam ut diem et non ut noctem
habentes, quasi in die honeste ambulantes. |
Versets 5-7.
— S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pèr. grecs) Saint Luc commence son récit par l’histoire de Zacharie et de la naissance de Jean-Baptiste; préludant ainsi par le récit d’un moindre prodige au récit d’un prodige plus étonnant. Une Vierge devait être mère, la grâce nous prépare à ce mystère, en nous montrant une femme âgée devenue féconde pour la première fois. Le temps se trouve indiqué par ces paroles : « Dans les jours d’Hérode, » et la dignité d’Hérode par ces autres : « Roi de Judée. » Cet Hérode était différent de celui qui mit à mort Jean-Baptiste, il était roi, tandis que ce dernier n’était que tétrarque. — Euthymius : Ce roi qui a mis à mort les enfants [innocents] était le père d’Hérode qui fit tuer le Précurseur. — S. Bède : Ce règne d’Hérode, qui était étranger, est une preuve de la venue du Messie. Il avait été prédit en effet (Gn 49) : « Le sceptre ne sortira point de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé. » Or, depuis la sortie d’Égypte, les Juifs furent gouvernés par des juges de leur nation, jusqu’au prophète Samuel, et ensuite par des rois jusqu’à la captivité de Babylone. Au retour de la captivité à Babylone, ce furent les grands-prêtres qui exercèrent le pouvoir souverain jusqu’à Hyrcan, tout à la fois roi et pontife. Hyrcan ayant été mis à mort par Hérode, César-Auguste donna le royaume de Judée à ce dernier qui était étranger; et ce fut la trente-et-unième année de son règne qu’eut lieu, selon la prophétie de Jacob, l’avènement de celui qui devait venir. — S. Ambroise : La sainte Écriture nous apprend que pour être vraiment digne de louanges, il faut se rendre recommandable, non seulement par ses qualités personnelles, mais encore par le mérite de ses parents et par l’éclat d’une vertu sans tache qu’on a reçue d’eux comme un précieux héritage. Aussi la noblesse de saint Jean-Baptiste remonte-t-elle au delà de ses parents jusqu’à ses ancêtres, et tire tout son éclat, non des dignités profanes, mais d’une longue succession de piété [et de vertu]. L’éloge est donc complet, puisqu’il embrasse la race [d’où il descend], les vertus de ses parents, leurs fonctions, leurs actions, leur justice. Les fonctions, c’étaient les fonctions sacerdotales : « Il y avait un prêtre nommé Zacharie. » — S. Bède : Or saint Jean naquit d’une famille sacerdotale, afin qu’il pût annoncer le changement du sacerdoce ancien, avec d’autant plus de force, que lui-même était connu pour appartenir à la race sacerdotale. — S. Ambroise : L’Évangéliste désigne la race par les ancêtres en disant : « De la famille d’Abia, » c’est-à-dire d’une famille distinguée entre les premières familles. — S. Bède : Car les princes du sanctuaire, c’est-à-dire les grands-prêtres étaient choisis parmi les enfants d’Eléazar, comme parmi les enfants de Thamar, et David avait partagé au sort en vingt-quatre sections, les fonctions du ministère qu’ils devaient remplir dans la maison de Dieu. Or, le huitième sort était échu à la famille d’Abia, de laquelle Zacharie était sorti. Ce n’est pas sans raison que le premier héraut du Nouveau Testament naît le huitième jour du sort, car le nombre huit désigne quelquefois le Nouveau Testament à cause du mystère du dimanche ou de notre résurrection, comme le nombre sept signifie souvent l’Ancien Testament, à cause du jour du sabbat. — Théophylacte : L’Évangéliste veut montrer que saint Jean-Baptiste descendait légalement, par ses deux parents, de la race sacerdotale, en ajoutant : « Sa femme était de la race d’Aaron, et elle avait nom Elisabeth, » car il n’était point permis de prendre une femme dans une autre tribu que la sienne. Or Elisabeth signifie repos de Dieu, et Zacharie, souvenir du Seigneur. — S. Bède : Saint Jean naît de parents justes, ainsi pouvait-il annoncer au peuple les préceptes de la vraie justice avec d’autant plus de confiance qu’il ne les avait pas appris comme une chose nouvelle pour lui, mais qu’il les avait gardés lui-même comme un héritage qu’il avait reçu de ses ancêtres. « Tous deux étaient justes devant Dieu, » dit l’Évangéliste. — S. Ambroise : Il comprend ainsi sous le nom de justice la sainteté de leur vie, il ajoute avec beaucoup de sens : « devant Dieu, » car il peut arriver que par un vain désir de popularité on paraisse juste aux yeux des hommes sans l’être devant Dieu, si par exemple cette justice ne vient pas d’une intention simple et droite, mais n’est que simulée par le désir de plaire. C’est donc faire d’un homme un éloge complet que de dire : « il est juste devant Dieu », car on n’est vraiment parfait qu’au témoignage de celui qui ne peut être trompé. Saint Luc comprend les actes de la vie dans l’accomplissement des commandements, et la justice dans l’observation des ordonnances. « Ils marchaient, dit-il, dans les commandements et les ordonnances du Seigneur. » Nous marchons dans les commandements du Seigneur, lorsque nous obéissons à ses divins préceptes, et nous gardons ses ordonnances, lorsque toutes nos actions sont faites avec jugement. Or, nous devons avoir soin de faire le bien, non seulement devant Dieu, mais devant les hommes (Rm 12, 17; 2 Co 8, 21), et c’est pour cela qu’il ajoute « d’une manière irréprochable. » La conduite est irréprochable lorsque la doctrine et la pureté de l’intention viennent se joindre à la bonté de l’action, et souvent encore une justice trop austère devient l’objet des reproches du monde. — Origène : (hom. 2.) Une action juste peut aussi être faite par des motifs qui ne le sont pas, par exemple, si l’on fait des libéralités à un pauvre par esprit d’ostentation, ce qui n’est pas irréprochable. « Et ils n’avaient pas de fils, parce qu’Elisabeth était stérile, et ils étaient l’un et l’autre avancés en âge.» — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pèr. gr., Hom. sur la Genèse.) Elisabeth ne fut pas la seule stérile, les épouses des patriarches, Sara, Rébecca, Rachel (ce qui était un sujet de honte chez les anciens), l’étaient aussi, et nous ne pouvons pas dire que leur stérilité fût une punition de leur péché, puisque toutes étaient justes et vertueuses. Si donc Dieu permit qu’elles fussent stériles, c’était pour nous préparer à croire sans difficulté le mystère d’une Vierge qui enfante le Seigneur, après avoir cru préalablement à la fécondité des femmes stériles. — Théophylacte : Dieu veut encore vous donner une autre leçon, c’est que la loi de Dieu demande beaucoup plus la fécondité spirituelle des enfants que la fécondité charnelle; aussi voyez-vous Zacharie et Elisabeth avancés dans la vie, beaucoup moins selon le corps que selon l’esprit, disposant des degrés dans leur coeur (cf. Ps 85, 6), regardant leur vie comme un jour [brillant] et non comme une nuit [ténébreuse], et marchant dans la décence comme durant le jour. |
Lectio 3 [85729] Catena in Lc., cap. 1 l. 3 Beda. Per Moysen dominus unum constituit summum sacerdotem, cui
mortuo unum succedere iussit; et hoc usque ad David tempora servatum est, a
quo plures fieri domino agente decretum est : unde nunc Zacharias in ordine
vicis suae sacerdotio functus esse asseritur cum dicitur factum est autem cum
sacerdotio fungeretur Zacharias in ordine vicis suae ante Deum, secundum
consuetudinem sacerdotalem, sorte exiit ut incensum poneret ingressus in
templum domini. Ambrosius. Videtur autem hic Zacharias summus designari sacerdos :
quia semel in anno solus summus sacerdos in secundo sanctuario intrabat, non
sine sanguine, quem offerret pro se, et pro populi delictis. Beda.
Non autem nunc nova sorte electus est cum incensum esset adolendum, sed prisca
sorte, cum ex ordine sui pontificatus in vicem Abia succederet. Sequitur et
omnis multitudo populi erat orans foris hora incensi. Incensum in sancta
sanctorum a pontifice deferri, expectante foris templum omni populo, decimo
die septimi mensis est iussum, et hanc diem expiationis sive propitiationis
vocari; cuius diei mysterium apostolus ad Hebraeos pandens, Iesum ostendit
pontificem esse verum, qui in sanguine proprio caeli secreta subiit, ut
propitium nobis faceret patrem, et interpellaret pro peccatis eorum qui adhuc
prae foribus orantes expectant. Ambrosius.
Hic est autem ille summus sacerdos qui adhuc forte quaeritur, quia verus
adhuc ignoratur : qui enim sorte eligitur, humano iudicio non comprehenditur.
Ille igitur quaerebatur, et alius figurabatur, verus in aeternum sacerdos,
qui non hostiarum cruore, sed proprio, patrem Deum generi reconciliaret
humano : et tunc quidem vices erant, nunc autem est perpetuitas. |
Versets 8-10.
— S. Bède : Dieu avait établi par Moïse un seul grand-prêtre; à sa mort un autre devait le remplacer par ordre de succession. Cette loi fut observée jusqu’au règne de David qui, par l’inspiration de Dieu, en institua plusieurs. Voilà pourquoi l’Évangéliste nous dit que Zacharie remplissait en son rang les fonctions du sacerdoce : « Or Zacharie remplissant sa fonction de prêtre devant Dieu dans le rang de sa famille, il arriva par le sort, selon ce qui s’observait entre les prêtres, d’avoir à entrer dans le sanctuaire du Seigneur pour offrir l’encens.» — S. Ambroise : Zacharie nous paraît ici désigné comme grand-prêtre, car le grand-prêtre seul pouvait entrer une seule fois l’année dans le second sanctuaire, non sans y porter du sang qu’il offrait pour ses propres péchés et pour ceux du peuple (He 9, 8; cf. Ex 30, 10; Lev 16, 2.12.17.19). — S. Bède : Ce ne fut point une nouvelle élection du sort qui le désigna au moment où il fallait offrir l’encens, c’était d’après l’ordre établi anciennement, qu’il remplissait les fonctions du sacerdoce dans le rang de la famille d’Abia. « Cependant toute la multitude du peuple était au dehors en prière, à l’heure de l’encens . » Aux termes de la loi, le pontife devait présenter l’encens dans le saint des saints, le dixième jour du septième mois, pendant que tout le peuple attendait hors du temple, et ce jour devait être appelé le jour de l’expiation ou de propitiation. L’Apôtre expliquant aux Hébreux le mystère de ce jour, leur montre Jésus, pontife véritable, pénétrant avec son propre sang dans les secrètes profondeurs des cieux, pour nous rendre propice Dieu son Père, et intercéder pour les péchés de ceux qui attendent encore en priant à la porte du ciel. — S. Ambroise : Zacharie est ce grand-prêtre désigné par le sort, parce que le véritable grand-prêtre est encore inconnu, car celui qui est choisi au sort ne doit point son élection au suffrage des hommes. Le grand-prêtre était donc demandé au sort, et il était la figure d’un autre, c’est-à-dire du grand-prêtre véritable et éternel qui devait réconcilier le genre humain avec Dieu son Père, non par le sang des victimes, mais par son propre sang. Alors c’était par ordre de famille que les prêtres se succédaient, maintenant le sacerdoce est éternel. |
Lectio 4 [85730] Catena in Lc., cap. 1 l. 4 Chrysostomus. Ingressus Zacharias in templum ut preces ferret pro
cunctis ad Deum, et quasi Dei et hominum mediator, vidit Angelum intus
stantem : unde dicitur apparuit autem illi Angelus domini stans a dextris
altaris incensi. Ambrosius.
Bene apparuisse dicitur ei qui eum repente conspexit; et hoc specialiter
aut de Angelis aut de Deo Scriptura divina tenere consuevit; ut quod non
potest praevideri, apparere dicatur. Non enim similiter sensibilia videntur,
et is cuius in voluntate situm est videri, et cuius naturae est non videri.
Origenes
in Lucam. Et hoc tantum in praesenti saeculo dicimus, sed et in futuro cum
migraverimus a mundo, non omnibus vel Deus vel Angeli apparebunt : sed ille
tantum videbit qui mundum habuit cor. Locus autem nec nocere poterit
quemquam, nec iuvare. Chrysostomus.
Manifeste autem apparuit, non in somnis : eo quod nimis arduum
annuntiabatur, unde manifestiori et mirabiliori visione egebat. Damascenus
de fide Orth. Tamen Angeli non ut sunt, hominibus patefiunt, sed
transfigurati, prout possunt visores aspicere in quodcumque iusserit dominus.
Basilius. Dicit autem altaris incensi, eo quod alterum erat altare
deputatum ad holocausta. Ambrosius. Non immerito autem Angelus videtur in templo, quia veri
sacerdotis annuntiabatur iam adventus, et caeleste sacrificium parabatur, in
quo Angeli ministrarent : non enim dubites assistere Angelum quando Christus
immolatur. Apparuit autem a dextris altaris incensi, quia
divinae insigne misericordiae deferebat : dominus enim a dextris est mihi, ne
commovear. Chrysostomus.
Non potest autem homo, quantumcumque sit iustus, absque timore cernere
Angelum : unde et nunc Zacharias aspectum non tolerans praesentiae Angeli,
nec fulgorem illum valens sufferre, turbatur : et hoc est quod subditur et
Zacharias turbatus est videns. Sicut autem auriga perterrito, loraque
dimittente, corruunt equi praecipites, totaque quadriga pervertitur; sic
accidere consuevit animae quoties ab aliquo stupore vel sollicitudine
deprimitur : unde et hic subditur et timor irruit super eum. Origenes
in Lucam. Nova quippe facies humanis se obtutibus praebens turbat mentem,
animumque consternat : unde Angelus sciens hanc humanam esse naturam, primum
perturbationi medetur : nam sequitur ait autem ad illum Angelus : ne timeas,
Zacharia. Athanasius
in vita Antonii. Unde non difficilis est bonorum spirituum malorumque
discretio : si enim post timorem successerit gaudium, a domino venisse
sciamus auxilium, quia securitas animae praesentis maiestatis indicium est;
si autem incussa formido permanserit, hostis est qui videtur. Non
solum autem trepidantem refocillat, sed etiam novo laetificat nuntio, subdens
quoniam exaudita est deprecatio tua, et uxor tua Elisabeth pariet tibi filium. Augustinus
de quaest. Evang. Ubi primo hoc attendendum est, quia non est verisimile
ut cum pro peccatis populi vel salute vel redemptione sacrificium ille
offerret, potuerit publicis votis relictis homo senex, uxorem habens, pro
accipiendis filiis orare praesertim; nam nemo orat accipere quod accepturum
esse desperat. Usque adeo autem ille iam se habiturum filios desperabat, ut
hoc Angelo promittenti non crederet. Ergo quod ei dicitur exaudita est
deprecatio tua, pro populo intelligendum est; cuius populi quoniam salus et
redemptio et peccatorum abolitio per Christum futura erat, adhuc nuntiatur
Zachariae nasciturus filius, quia praecursor Christi destinabatur. Chrysostomus.
Vel quod exaudita sit eius deprecatio, probat per hoc quod gignendus erat
ei filius, clamans : ecce agnus Dei qui tollit peccata mundi. Theophylactus.
Quasi ipso dicente : unde erit mihi hoc manifestum? Ait Angelus : ex hoc
quod Elisabeth pariet tibi filium, credes quod peccata populo sunt remissa.
Ambrosius.
Vel aliter. Plena semper et redundantia sunt divina beneficia, non exiguo
constricta munere, sed uberi bonorum coacervata congestu, ut hic, ubi primum
precationis fructus promittitur, deinde sterilis partus uxoris : cuius nomen
praenuntiat subdens et vocabis nomen eius Ioannem. Beda.
Singularis meriti indicium datur, quoties hominibus a Deo vel imponitur
nomen vel nuntiatur. Chrysostomus
in Ioannem. Illud quoque oportet exprimere, quoniam in quibus ab ipsa
teneritate infantiae virtus refulgere debebat, a principio divinitus sumebant
nomina; his vero qui postea debebant excrescere, nomen postea imponebatur.
Beda.
Ioannes ergo interpretatur in quo est gratia, vel domini gratia : quo
nomine declaratur primo parentibus eius gratiam, quibus decrepitis nasceretur
filius, esse donatam; deinde ipsi Ioanni, qui magnus coram domino erat
futurus; postremo etiam filiis Israel, quos ad dominum erat conversurus :
unde sequitur et erit gaudium tibi et exultatio. Origenes.
Quando enim iustus oritur in mundo, ministri nativitatis eius laetantur :
quando vero ille nascitur qui quasi ad poenas et ergastulum relegatur,
minister consternatur et concidit. Ambrosius.
Sanctus autem non solum parentum gratia, sed etiam salus est plurimorum :
unde sequitur et multi in nativitate eius gaudebunt. Admonemur hoc loco, sanctorum
generatione laetari, admonentur parentes gratias agere : non enim mediocre
munus est Dei, dare liberos, propagatores generis, successionis heredes. |
Versets 11-14.
— S. Jean Chrysostome : (hom. 2 sur l’incompréhens. natur. de Dieu.) Zacharie étant entré dans le temple pour offrir à Dieu les prières de tout le peuple, comme médiateur entre Dieu et les hommes, vit l’ange debout dans le sanctuaire : « Et l’ange du Seigneur lui apparut, debout à droite de l’autel de l’encens. » — S. Ambroise : L’expression : « Il lui apparut, » est très juste, puisque Zacharie l’aperçut tout à coup, et c’est ainsi que l’Écriture s’exprime lorsqu’elle parle de Dieu ou des anges; les choses que l’on voit sans s’y attendre, elle dit qu’elles apparaissent. En effet, on ne voit pas de la même manière les choses sensibles et celui dont la nature est invisible, et qui ne se découvre que lorsqu’il le veut. — Origène : (hom. 3.) Cette vérité s’applique non seulement au temps présent, mais au siècle futur, lorsque nous sortirons de ce monde, Dieu ou les anges n’apparaîtront pas à tous les hommes, mais le verront seulement ceux qui auront le coeur pur. Quant au lieu, il ne peut être ni utile ni nuisible à personne. — S. Jean Chrysostome : (Chaîne des Pères grecs) Cette apparition fut sans obscurité et différente de celles qui ont lieu dans le sommeil; il s’agissait d’annoncer un événement extraordinaire, il fallait donc une vision évidente et certaine. — S. Jean Damascène : (de la foi orthod., lib. 2.) Les anges cependant n’apparaissent pas aux hommes tels qu’ils sont, mais ils revêtent pour se rendre visibles, la forme que Dieu lui-même a déterminée. — S. Basile : (Chaîne des Pères grecs) Il dit : « À la droite de l’autel de l’encens, » parce qu’il y avait un autre autel réservé pour les holocaustes. — S. Ambroise : Ce n’est pas sans raison que l’ange apparaît dans le temple, il venait annoncer la venue du véritable grand-prêtre, et Dieu préparait déjà le sacrifice céleste dont les anges eux-mêmes sont les ministres, car nous ne devons pas douter de la présence des anges au sacrifice où Jésus-Christ est immolé. Il apparut à droite de l’autel de l’encens, parce qu’il apportait le signe de la miséricorde divine : « Le Seigneur est à ma droite, afin que je ne sois pas ébranlé. » (Ps 15). — S. Jean Chrysostome : (hom. 2, sur l’incompr. nat. de Dieu.) L’homme, quelque juste qu’il soit, ne peut voir apparaître un ange sans éprouver un sentiment de crainte, aussi Zacharie ne pouvant ni supporter l’aspect de l’ange, ni soutenir l’éclat qui l’environne, se trouble : « Et Zacharie fut troublé en le voyant. » Lorsque le conducteur d’un char s’épouvante et abandonne les rênes, les coursiers s’emportent, et le char tout entier se renverse; ainsi en est-il de l’âme, toutes les fois qu’elle est sous le poids de la crainte ou de l’inquiétude : « Et la frayeur le saisit, » ajoute l’Évangéliste. — Origène : (hom. 4.) Une forme nouvelle vient-elle à s’offrir aux regards de l’homme, elle jette le trouble dans son esprit et l’effroi dans son âme; aussi l’ange qui connaît cette disposition de la nature humaine, cherche d’abord à calmer cet effroi : « Mais l’ange lui dit : Ne craignez point, Zacharie». — S. Athanase : (vie de S. Ant.) Voici donc un moyen facile de distinguer les bons esprits des mauvais; si la joie succède à la crainte, c’est un indice certain de l’intervention divine; car la paix de l’âme est un signe et comme un fruit de la présence de la majesté divine, mais si la frayeur qu’on a éprouvée persévère, c’est l’ennemi du salut qui apparaît. — Origène : Il ne se contente pas de calmer son effroi, mais il lui apprend une nouvelle qui le comble de joie : « Votre prière, lui dit-il, a été exaucée, et Elisabeth, votre épouse, enfantera un fils ». — S. Augustin : (Quest. évang., liv. 2, q. 1.) Remarquons ici tout d’abord, qu’il n’est point vraisemblable qu’au moment où il offrait le sacrifice pour les péchés du peuple ou pour son salut et sa rédemption, Zacharie, ce vieillard, dont la femme était avancée en âge, ait prié Dieu de lui accorder des enfants, en laissant de côté les prières pour le peuple ; car personne ne songe à demander dans ses prières ce qu’il n’a aucune espérance d’obtenir. Or Zacharie avait si peu l’espérance d’avoir des enfants qu’il refuse de croire à la promesse de l’ange. Ces paroles donc : « Votre prière a été exaucée », doivent s’entendre de la prière qu’il faisait pour le peuple. Mais comme le salut, la rédemption de ce peuple et la rémission des péchés devaient avoir lieu par Jésus-Christ; l’ange annonce de plus à Zacharie qu’il lui naîtrait un fils destiné à être le précurseur du Christ. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Ou bien pour preuve que sa prière est exaucée, il lui prédit la naissance d’un fils qui devait un jour proclamer : « Voici l’Agneau de Dieuqui enlève les péchés du monde. » — Théophylacte : À cette question secrète de Zacharie : comment serai-je assuré de cette promesse ? l’ange répond : En voyant Elisabeth devenir mère d’un fils, vous ne pourrez douter que les péchés du peuple ne soient remis. — S. Ambroise : Ou bien encore, la plénitude et l’abondance sont les caractères des bienfaits de Dieu, ils ne sont point renfermés dans d’étroites limites, mais ils embrassent dans leur abondance tous les biens réunis; ainsi l’ange annonce d’abord à Zacharie l’heureux effet de sa prière, puis il lui prédit que sa femme, jusqu’alors stérile, lui donnerait un fils dont il indique le nom par avance : « Vous lui donnerez le nom de Jean, ». — S. Bède : C’est toujours une preuve de mérite extraordinaire que Dieu lui-même impose un nom aux hommes, ou bien change celui qu’ils portaient. — S. Jean Chrysostome : Remarquons aussi que les hommes qui devaient donner dès leur plus tendre jeunesse des signes d’une vertu éclatante, ont reçu dès le début leur nom du ciel, tandis que ceux dont la vertu ne devait se manifester que dans le cours de leur vie, n’ont reçu ce nom que plus tard. — S. Bède : Or Jean signifie, qui a la grâce, ou grâce du Seigneur. Ce nom présage d’abord la grâce que Dieu faisait à ses parents en leur donnant un fils dans leur extrême vieillesse, ensuite la grâce que Dieu faisait Jean lui-même qui devait être grand devant Dieu, enfin aux enfants d’Israël qu’il devait convertir au Seigneur; c’est pour cela qu’il ajoute : « Vous en serez dans la joie et dans le ravissement. » — Origène : En effet, lorsqu’un juste vient au monde, les auteurs de sa naissance se réjouissent, tandis que la naissance d’un enfant qui semble prédestiné à des châtiments et à la prison, jette ceux qui lui ont donné le jour dans la consternation et l’abattement. — S. Ambroise : Les saints ne sont pas seulement une grâce pour leurs parents, mais encore le salut d’un grand nombre : « Plusieurs, ajoute l’ange, se réjouiront de sa naissance. » Apprenons ici à nous réjouir de la naissance des saints; que les parents apprennent à en rendre grâces à Dieu, car c’est une grâce insigne que Dieu leur fait, lorsqu’il leur donne des enfants destinés à perpétuer leur race et à recueillir l’héritage de leurs biens. |
Lectio 5 [85731] Catena in Lc., cap. 1 l. 5 Ambrosius. Post laetitiam plurimorum, magnitudo virtutis
promittitur, cum dicitur erit enim magnus coram domino. Non corporis, sed animae
magnitudinem declaravit : est coram domino magnitudo animae, magnitudo
virtutis. Theophylactus. Multi namque magni dicuntur, sed coram hominibus,
non coram Deo, sicut hypocritae : ita etiam et parentes Ioannis iusti coram
domino dicti sunt. Ambrosius.
Deinde non fines alicuius propagavit imperii, non triumphos bellici
certaminis reportavit; sed, quod est amplius, praedicans in deserto, delicias
hominum corporisque lasciviam magna animi virtute depressit : unde sequitur et
vinum et siceram non bibet. Beda.
Sicera interpretatur ebrietas; quo vocabulo Hebraei omne quod inebriare
potest populum, sive de frugibus seu de qualibet alia materia confectum,
significant. Proprium vero in lege Nazaraeorum erat, vino et sicera tempore
obsecrationis abstinere : unde Ioannes, ceterique tales, ut semper Nazaraei,
idest sancti, manere possint, semper his abstinere satagunt : non enim decet
vino, in quo est luxuria, inebriari eum qui musto spiritus sancti desiderat
impleri : unde recte cui vini ebrietas tollitur, spiritus gratia cumulatur.
Sequitur autem et spiritu sancto replebitur adhuc ex utero matris suae. Ambrosius.
Cui spiritus sanctus infunditur, magnarum est plenitudo virtutum. Siquidem
sanctus Ioannes antequam nasceretur, matris adhuc in utero positus, spiritus
accepti gratiam designavit, cum in utero parentis exiliens domini
evangelizavit adventum. Alius est spiritus vitae huius, alius gratiae; ille
nascendo sumit exordium, moriendo defectum; iste non aetatibus coercetur, non
obitu extinguitur, non alvo matris excluditur. Graecus.
Quod autem erit opus Ioannis, quidve per spiritum sanctum peraget,
ostendit subdens et multos filiorum Israel convertet ad dominum Deum ipsorum.
Origenes
in Lucam. Ioannes quidem plurimos convertit; domini autem opus est ut
omnes ad Deum patrem convertat. Beda.
Cum autem Ioannes, qui Christo testimonium perhibens, in eius fide populos
baptizabat, dicitur filios Israel ad dominum Deum ipsorum convertisse, patet
Christum dominum Deum esse Israel : unde desinant Ariani Christum dominum
Deum esse negare : erubescant Photiniani Christo ex virgine principium dare :
cessent Manichaei alium populi Israel, atque alium Christianorum Deum credere.
Ambrosius.
Non autem egemus testimonio, quod plurimorum sanctus Ioannes corda
convertit, in quo nobis propheticae Scripturae et evangelicae suffragantur :
vox enim clamantis in deserto : parate viam domino : non enim de se, sed de
domino praedicabat praenuntius Christi; et ideo sequitur et ipse praecedet
ante illum in spiritu et virtute Eliae. Bene praecedet ante illum, qui
praenuntius natus, praenuntius mortuus est. Bene etiam iungitur in spiritu et
virtute Eliae. Origenes
in Lucam. Non dicit in anima Eliae, sed in spiritu et in virtute : spiritus
enim qui fuerat in Elia, venit in Ioannem, et similiter virtus eius. Ambrosius.
Nunquam enim sine virtute spiritus, vel sine spiritu virtus : et ideo in
spiritu et virtute, quia sanctus Elias et virtutem habuit magnam, et gratiam
: virtutem, ut ad fidem animos populorum a perfidia retorqueret, virtutem
abstinentiae atque patientiae, et spiritum prophetandi. In deserto Elias, in
deserto Ioannes; ille Achab regis gratiam non quaesivit, hic sprevit Herodis;
ille Iordanem divisit, hic ad lavacrum salutare convertit; hic prioris, ille
sequentis domini praecursor adventus. Beda.
Quod autem de Elia per Malachiam praedictum est, hoc per Angelum de Ioanne
dicitur, cum subditur ut convertat corda patrum in filios; spiritualem
antiquorum sanctorum scientiam populis praedicando infundens; et incredulos
ad prudentiam iustorum; quae est non de legis operibus iustitiam praesumere,
sed ex fide salutem quaerere. Graecus.
Vel aliter. Parentes Ioannis et apostolorum Iudaei fuerunt; sed tamen
contra Evangelium ex superbia et infidelitate saeviebant. Itaque tamquam
benigni filii Ioannes prius et apostoli consequenter eis veritatem
monstrabant, in propriam iustitiam et prudentiam eos attrahentes : sic etiam
Elias reliquias Hebraeorum convertet ad apostolorum veritatem. Beda. Quia vero Zachariam pro plebe supplicantem dixerat exauditum,
subiungit parare domino plebem perfectam : in quo docet quo ordine plebs
eadem salvari et perfici debeat, ad praedicationem scilicet Ioannis
poenitendo, et credendo in Christum. Theophylactus. Vel aliter. Ioannes plebem paravit, non incredulam,
sed perfectam, idest praeparatam ad suscipiendum Christum. Origenes. Sacramentum
autem Ioannis usque nunc expletur in mundo; quicumque enim crediturus est in
Iesum Christum, antea spiritus et virtus Ioannis ad animam illius venit, et
praeparat domino populum perfectum. |
Versets 15-17.
— S. Ambroise : Après avoir annoncé que la naissance de Jean serait pour beaucoup un sujet de joie, l’ange prédit la grandeur de sa vertu : « Il sera grand devant le Seigneur, » etc. Il n’est point ici question de la grandeur du corps, mais de la grandeur de l’âme. Or, devant Dieu, la grandeur de l’âme n’est autre que la grandeur de la vertu. — Théophylacte : Il en est beaucoup à qui l’on donne le nom de grands, mais c’est devant les hommes, et non pas devant Dieu, tels sont les hypocrites. Les parents de Jean, au témoignage de l’Évangéliste, étaient eux-mêmes justes devant Dieu. — S. Ambroise : Jean n’a point reculé les frontières d’un empire, il n’a point moissonné de lauriers à la suite d’une glorieuse victoire; mais il a fait plus, il a prêché dans le désert, il a foulé aux pieds les délices du monde, et la mollesse des plaisirs des sens par l’étonnante austérité de sa vie. « Il ne boira, dit l’ange, ni vin, ni aucune liqueur enivrante ». — S. Bède : Le mot « sicera » signifie ivresse, et les Hébreux s’en servent pour désigner toute boisson qui peut enivrer, qu’elle soit extraite de grains ou d’une autre matière. Or, la loi (Nb 6, 5) prescrivait aux Nazaréens de s’abstenir de vin et de toute liqueur enivrante pendant tout le temps de leur consécration; c’est pourquoi Jean et d’autres, favorisés d’une semblable grâce, se sont interdit pour toujours ces boissons, afin de demeurer toujours nazaréens, c’est-à-dire saints. Il n’est pas convenable, en effet, de s’enivrer de vin, qui est la voie de la luxure, quand on désire être rempli de l’effusion de l’Esprit saint. Aussi celui qui renonce à cette ivresse, mérite que la grâce du Saint-Esprit se répande en abondance dans son âme, « Il sera rempli de l’Esprit saint dès le sein de sa mère, » ajoute l’Évangéliste. — S. Ambroise : Celui qui reçoit ainsi l’abondance de l’Esprit saint, reçoit en même temps la plénitude des plus éminentes vertus. Voyez, en effet, saint Jean-Baptiste; avant de naître, étant encore dans le sein de sa mère, il fait connaître la grâce qu’il a reçue, lorsqu’en tressaillant dans le sein qui le renferme, il annonce l’avènement et la présence du Seigneur. Cette vie de la nature est toute différente de la vie de la grâce, la première commence à notre naissance pour finir à notre mort; la vie de la grâce, au contraire, n’est point limitée par les années, elle ne s’éteint point à la mort, elle n’est pas exclue du sein qui nous porte. — Commentaire grec : Mais quelles seront les oeuvres que Jean-Baptiste accomplira sous la conduite de l’Esprit saint, les voici : « Il convertira plusieurs des enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu ». — Origène : (hom. 4.) Jean devait en convertir un grand nombre, la mission du Seigneur était de les convertir tous à Dieu son Père. — S. Bède : En disant de Jean-Baptiste qu’il a converti un grand nombre des enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu, alors qu’en rendant témoignage à Jésus-Christ, il baptisait les peuples qui croyaient en lui, l’Évangéliste prouve par là même que le Christ était le Dieu d’Israël. Que les ariens cessent donc de nier que Jésus-Christ soit le Seigneur Dieu, que les Photiniens rougissent de ne faire remonter son origine qu’au sein de la Vierge Marie, que les Manichéens ne viennent plus dire que le Dieu d’Israël est différent du Dieu des chrétiens. — S. Ambroise : Nous n’avons d’ailleurs nul besoin qu’on nous prouve que saint Jean a converti les coeurs en grand nombre, alors que les écrits des prophètes et le saint Évangile nous l’attestent. La voix de celui qui crie dans le désert : « Préparez la voie du Seigneur, » [ce baptême que le peuple venait recevoir en foule, ne sont-ils pas une preuve des conversions qu’il opérait dans la multitude ?] Car ce n’était pas lui-même, mais le Seigneur qui était l’objet des prédications de ce précurseur du Christ. C’est pourquoi l’Évangéliste ajoute : « Et il marchera devant lui, avec l’esprit et la puissance d’Elie». Il a marché, en effet, devant lui, puisqu’il a été son précurseur dans sa naissance comme dans sa mort, et ce qu’il ajoute : « avec l’esprit et la vertu d’Élie, » n’est pas moins juste. — Origène : Il ne dit pas : Avec l’âme d’Élie, mais : « Dans l’esprit et la vertu d’Elie »; car l’esprit qui avait animé Elie vint remplir Jean-Baptiste, aussi bien que sa vertu. — S. Ambroise : L’esprit, en effet, est inséparable de la vertu, comme la vertu l’est de l’esprit, voilà pourquoi l’ange joint l’esprit à la vertu. Car le saint prophète Elie eut à la fois une grande vertu et une grâce surabondante, une grande vertu pour ramener à la foi le coeur des peuples infidèles, la vertu de pénitence, la vertu de patience, et l’esprit de prophétie. [Ces deux grands hommes eurent d’autres traits d’analogie], Elie habitait le désert, Jean y passa toute sa vie. Elie ne rechercha jamais les bonnes grâces du roi Achab, Jean dédaigna la faveur d’Hérode; l’un divisa les eaux du Jourdain, l’autre en fit un bain salutaire; Jean fut le précurseur du premier avènement du Seigneur, Elie doit l’être du second. — S. Bède : Ce que le prophète Malachie a prédit d’Elie, l’ange l’applique à Jean-Baptiste, lorsqu’il ajoute : « pour réunir les coeurs des pères avec leurs enfants, » en leur communiquant par ses prédications la science spirituelle de leurs saints ancêtres; « et rappeler les incrédules à la prudence des justes, » prudence qui n’a point la prétention de trouver la justification dans les oeuvres de la loi, mais qui ne la cherche que dans la foi. — Saint Grégoire : (ou Commentaire Grec ?) Ou bien encore, les Juifs étaient parents de Jean et des Apôtres, et cependant par orgueil autant que par incrédulité, ils se déchaînaient contre l’Évangile. Que fit alors Jean-Baptiste, et après lui les Apôtres ? comme des enfants pleins de douceur, ils découvraient la vérité à leurs pères, et cherchaient ainsi à les rendre participants de leur propre justice et de leur prudence. C’est ainsi qu’Elie doit convertir les restes des Hébreux à la vérité prêchée par les Apôtres. — S. Bède : L’ange avait dit précédemment que la prière de Zacharie pour le peuple avait été exaucée, il ajoute « Pour préparer au Seigneur un peuple parfait, » et nous apprend ainsi comment ce même peuple sera sauvé et rendu parfait, c’est-à-dire par la pénitence et par la foi en Jésus-Christ, que doit prêcher Jean-Baptiste. — Théophylacte : Ou encore : Jean a préparé un peuple qui n’était pas incrédule, mais parfait, c’est-à-dire prêt à recevoir le Christ. — Origène : (Hom. 4.) Le mystère, figuré par la prédication de Jean-Baptiste, s’accomplit encore dans le monde; car pour que nous puissions croire en Jésus-Christ, il faut que l’esprit et la vertu de Jean vienne dans notre âme pour préparer au Seigneur un peuple parfait. |
Lectio 6 [85732] Catena in Lc., cap. 1 l. 6 Chrysostomus. Habito respectu Zacharias ad propriam aetatem, quin
etiam coniugis sterilitate conspecta, diffisus est : unde dicitur et dixit
Zacharias ad Angelum : unde hoc sciam? Quasi dicat : quomodo hoc fiet? Et
causam dubitationis subdit ego enim sum senex, et uxor mea processit in
diebus suis; quasi dicat : aetas intempesta, natura inepta; ego generans
debilis, terra sterilis. Non autem censetur propter hoc dignus esse
venia sacerdos, dum seriem rerum expostulat : quandocumque enim Deus aliquid
indicat, oportet in fide suscipere; nam super huiusmodi disceptare contumacis
est animae : unde sequitur et respondens Angelus dixit ei : ego sum Gabriel,
qui asto ante Deum. Beda.
Quasi dicat : si homo talia signa promitteret, impune signum flagitare
liceret; at cum Angelus promittat, iam dubitare non decet. Sequitur et missus
sum loqui ad te, et haec tibi evangelizare. Chrysostomus.
Ut cum audias me a Deo missum fore, nihil humanum aestimes ex his quae
tibi dicuntur : neque enim ex me loquor, sed mittentis relata denuntio; haec
est enim nuntii bonitas, ut nihil ex se referat. Beda.
Ubi notandum est, quod Angelus se et ante Deum stare, et ad evangelizandum
Zachariae missum esse testatur. Gregorius
in Evang. Quia et cum ad nos veniunt Angeli, sic exterius implent
ministerium, ut tamen nunquam interius desint per contemplationem : quia etsi
circumscriptus est angelicus spiritus, summus tamen spiritus, qui Deus est,
circumscriptus non est. Angeli itaque etiam missi ante ipsum sunt : quia
quomodolibet missi veniant, intra ipsum currunt. Beda.
Dat autem ei signum quod rogatur : ut qui discredendo locutus est, iam
tacendo credere discat : unde sequitur et ecce eris tacens, et non poteris
loqui. Chrysostomus. Ut a vi generativa ad organa vocalia vincula
transferantur. Nec intuitu sacerdotii ei parcitur; sed ob hoc plectebatur
amplius : quia circa fidem ceteris praeesse debebat. Theophylactus.
Sed quia verbum kophos, quod etiam infra subiungitur, potest tam surdum
quam mutum significare, bene ait eris surdus, et non poteris loqui.
Convenienter enim haec duo passus est : tamquam enim inobediens surditatem
incurrit, et tamquam contradictor taciturnitatem. Chrysostomus.
Dicit autem et ecce, quasi dicat : in hoc instanti. Sed considera
miserationem domini in hoc quod sequitur usque in diem quo haec fient; quasi
dicat : cum per eventus rerum quod dico ostendero, et noveris te iure
punitum; tunc te de poena eripiam. Et causam poenae ostendit cum subditur pro
eo quod non credidisti verbis meis, quae implebuntur in tempore suo; non
attendens virtutem eius qui misit me, cui ego assisto. Si autem is qui erga
nativitatem mortalem incredulus erat punitur; qualiter qui caelestem, et
ineffabilem calumniatur, vitabit ultionem? Graecus.
Dum autem haec intrinsecus agerentur, dilatio temporis admirari cogebat
expectantem forinsecus multitudinem : unde sequitur et erat plebs expectans
Zachariam, et mirabatur quod tardaret ipse in templo. Cumque per diversa
vagaretur suspicio, quilibet dictabat ad libitum, donec Zacharias egrediens
docuit silendo quod latendo perpessus est : unde sequitur egressus autem non
poterat loqui ad illos : et cognoverunt quod visionem vidisset in templo.
Theophylactus.
Innuebat autem populo Zacharias forte causam taciturnitatis interroganti,
quam loqui non valens, per nutum declarabat : unde sequitur et ipse erat
innuens illis, et permansit mutus. Ambrosius.
Est autem nutus quidam sine verbo corporalis actus, indicare moliens, nec
exprimens voluntatem. |
Versets 18-22.
— S. Jean Chrysostome : (sur l’incompréh. nat. de
Dieu.) Zacharie, ne considérant que son âge et la
stérilité de sa femme, se laisse aller au doute : « Et Zacharie dit à
l’ange : À quoi pourrai-je connaître [la vérité de ce que vous m’annoncez] ? »
en d’autres termes : Comment cela se fera-t-il ? et il donne les raisons
qu’il a de douter : « Car je suis vieux, et ma femme est avancée en
âge.» Comme s’il disait :
L’âge est contraire, la nature impuissante, je suis sans force pour engendrer,
et de son côté, la terre est stérile. Ces raisons ne suffisent pas au
jugement de quelques-uns, pour excuser le prêtre Zacharie d’avoir fait toutes
ces questions; car quand Dieu parle, on doit recevoir sa parole avec foi;
vouloir la discuter, c’est faire preuve d’un esprit opiniâtre. Aussi voyez la
suite : « Et l’ange lui répondit : Je suis Gabriel qui suis toujours
présent devant Dieu. » — S. Bède : Comme s’il disait : Si un homme vous annonçait un semblable prodige, vous auriez droit de lui demander un signe de la vérité de ses paroles; mais quand c’est un ange qui promet, le doute n’est plus permis : « Et j’ai été envoyé pour vous parler et vous annoncer cette bonne nouvelle. » — S. Jean Chrysostome : Dès lors donc que vous savez que je suis envoyé de Dieu, ne voyez plus rien de naturel dans ce que je vous dis; car je ne parle point de moi-même, je ne fais que vous transmettre les paroles de celui qui m’a envoyé. En effet, la vertu, le mérite d’un envoyé, c’est de ne rien dire de sa propre autorité. — S. Bède : Remarquez ici qu’au témoignage de l’ange, il est tout à la fois devant Dieu et envoyé pour annoncer à Zacharie la naissance de son fils. — S. Grégoire : (hom. 34 sur les Evang.) En effet, lorsque les anges viennent nous trouver, ils remplissent extérieurement leur ministère sans interrompre intérieurement l’exercice de la contemplation; car si leur esprit est limité, l’Esprit souverain qui est Dieu, n’a point de bornes. Ainsi les anges sont toujours devant lui, même quand ils sont en mission, puisque c’est dans l’immensité de Dieu qu’ils accomplissent leur message. — S. Bède : L’ange donne ensuite le signe qui lui a été demandé. Zacharie n’a fait usage de la parole que pour exprimer son incrédulité, qu’il apprenne désormais à croire par le silence ! : « Et voici que vous allez devenir muet, et vous ne pourrez plus parler… ». — S. Jean Chrysostome : Les liens qui le rendaient incapable de procréer, sont transportés à l’organe de la voix; le sacerdoce dont il est revêtu n’est point une raison pour qu’il soit épargné, au contraire, la punition sera plus grande, parce qu’il devait donner aux autres l’exemple d’une foi plus vive. — Théophylacte : Le mot grec χωφοs qui est utilisé plus haut signifie autant sourd que muet, on peut donc donner ce sens aux paroles de l’ange : Puisque vous ne croyez point, vous deviendrez sourd, et vous ne pourrez plus parler. Juste châtiment de sa double faute, la désobéissance est punie par la surdité, et la contradiction par la mutité. — S. Jean Chrysostome : L’ange dit : Et voici, c’est-à-dire à l’instant même. Considérez toutefois la miséricorde de Dieu dans ce qui suit : « jusqu’au jour où ces choses arriveront; » comme s’il lui disait : Lorsque l’accomplissement de ma prédiction en aura démontré la vérité, et que tu auras reconnu la justice de ton châtiment, alors tu en seras délivré. Il lui en fait aussi connaître clairement la cause : « parce que vous n’avez pas cru à mes paroles, qui s’accompliront en leur temps; » méconnaissant ainsi la puissance de celui qui m’a envoyé, et devant lequel je suis toujours présent. Or, si tel fut le châtiment de Zacharie pour avoir refusé de croire à un enfantement naturel, comment ceux qui blasphèment la naissance divine et ineffable pourront-ils échapper à la vengeance ? — Commentaire grec : (ou Antipat. de Bostr., Chronique des Pères grecs.) Tandis que ces choses se passaient dans l’intérieur du temple, la multitude qui attendait au dehors était surprise de ce que Zacharie tardait à revenir : « Cependant le peuple attendait Zacharie, et s’étonnait de ce qu’il demeurait si longtemps dans le temple. » Chacun se livrait à ses conjectures et donnait ses suppositions; Zacharie étant enfin sorti, leur apprit, par son silence forcé, ce qui lui était arrivé dans l’intérieur du temple. « Et étant sorti, il ne pouvait leur parler. Et ils comprirent qu’il avait eu une vision dans le sanctuaire. » — Théophylacte : Zacharie faisait des signes au peuple qui lui demandait probablement pourquoi il était devenu muet ; ne pouvant parler, il s’exprimait par signes : « Et il leur faisait des signes et il demeura muet. » — S. Ambroise : Un signe est un mouvement du corps qui n’est point accompagné des paroles, et qui cherche à faire connaître la volonté, sans pouvoir l’exprimer complètement. |
Lectio 7 [85733] Catena in Lc., cap. 1 l. 7 Beda. Vicis suae tempore pontifices templi tantum officiis
mancipati, non solum a complexu uxorum, sed ab ipso quoque domorum suarum
abstinebant ingressu; unde dicitur et factum est ut impleti sunt dies officii
eius, abiit in domum suam. Quia enim tunc
sacerdotalis ex stirpe Aaron successio quaerebatur, necessario tempus
substituendae soboli procurabatur. At quia nunc non carnalis successio, sed
profectio spiritualis inquiritur, sacerdotibus, ut semper altari queant
assistere, semper castitas observanda praecipitur. Sequitur post hos autem
dies concepit Elisabeth uxor eius : post dies scilicet officii Zachariae
completos. Gesta sunt autem haec mense Septembri, octavo Calendas Octobris,
quando oportebat Iudaeos ieiunium Scenopegiae celebrare, imminente
aequinoctio, in quo incipit nox esse maior quam dies : quia Christum oportet
crescere, Ioannem autem minui. Nec frustra tunc dies ieiuniorum erat, quia
per Ioannem erat hominibus afflictio poenitentiae praedicanda. Sequitur et
occultabat se mensibus quinque. Ambrosius.
Quae causa occultationis nisi pudor? Sunt enim quaedam tempora praescripta
coniugio, quando dare operam procreandis liberis sit decorum, dum anni
vigent, dum suscipiendorum liberorum spes est. At ubi et matura aevi senectus
successerit, et aetas est regendis liberis habilior quam creandis, pudor est
legitimi licet coitus gestare indicia, et gravari alienae aetatis onere, et
tumescere alvum non sui temporis fructu. Pudebat ergo eam propter aetatem :
unde intelligi potest causa, quia iam non conveniebant inter se concubitu
coniugali : neque enim ea quae senilem non erubesceret coitum, erubesceret
partum; haec tamen erubescit onus parentis, quamdiu nescit mysterium religionis.
Sed quae occultabat se quia conceperat filium, iactare se coepit, quia
generabat prophetam. Origenes
in Lucam. Et ideo dicit mensibus quinque; idest, donec Maria
conciperet, et fetus eius exultans cum gaudio prophetaret. Ambrosius.
Et quamvis partus sui erubesceret aetatem, rursus caruisse se gaudebat
opprobrio, dicens quia sic fecit mihi dominus. Chrysostomus.
Scilicet solvit sterilitatem, donum supra naturam concessit, et petra
infructuosa spicas virentes produxit : abstulit dedecus dum genitricem fecit
: unde sequitur in diebus quibus respexit auferre opprobrium meum inter
homines. Ambrosius.
Pudor enim est feminis nuptiarum praemia non habere, quibus haec sola est
causa nubendi. Chrysostomus.
Dupliciter igitur gaudet, dum et a nota sterilitatis ipsam eripuit
dominus, et quoniam illustrem partum enixa est. Non enim ut in ceteris
gignentium solus concubitus intervenit, sed gratia caelestis huius ortus fuit
exordium. Beda.
Mystice autem per Zachariam sacerdotium Iudaeorum, per Elisabeth potest
lex ipsa designari, quae sacerdotum doctrinis exercitata spirituales Deo
filios gignere debebat, sed non valebat; quia neminem ad perfectionem adduxit
lex. Erant ambo iusti, quia bona est lex, et sacerdotium pro illo tempore
sanctum : ambo processerant in diebus suis, quia adveniente Christo iam
incurvantur ad senium. Ingreditur Zacharias
templum, quia sacerdotum est intrare in sanctuarium mysteriorum caelestium;
foris erat multitudo, quia mystica penetrare nequit. Dum altari thymiama
imponit, nasciturum Ioannem agnoscit : quia dum doctores flamma divinae
lectionis ardent, gratiam Dei per Iesum prodituram reperiunt; et hoc per
Angelum, quia lex per Angelos ordinata est. Ambrosius. In uno autem vox totius plebis obmutuit, quia in uno
totus ad Deum loquebatur populus : transivit enim ad nos Dei verbum, et in
nobis non tacet. Mutus est qui non intelligit legem. Cur
enim tibi magis videatur mutus esse qui sermonem quam qui mysterium nescit?
Innuenti similis est populus Iudaeorum, qui actuum suorum praestare non
potest rationem. Beda.
Et tamen Elisabeth concipit Ioannem, quia interiora legis sacramentis
Christi abundant : conceptum quinque mensibus occultat, quia Moyses quinque
libris mysteria Christi designat, seu quia Christi dispensatio in quinque
mundi aetatibus per sanctorum dicta vel facta figuratur. |
Versets 23-25.
— S. Bède : Tant que duraient leurs fonctions, les prêtres, tout entiers aux offices de leur ministère, s’abstenaient de tout rapport avec leurs épouses, et s’interdisaient même l’entrée de leurs maisons. C’est pourquoi l’Évangéliste ajoute : « Quand les jours de son ministère furent accomplis, il rentra dans sa maison». Les prêtres qui se succédaient alors, devaient être de la race d’Aaron, c’était donc un devoir aussi légitime que nécessaire de se donner une postérité. Maintenant, au contraire, ce ne sont plus les lois d’une succession charnelle, mais une perfection toute spirituelle qui donne droit au sacerdoce, aussi les prêtres sont-ils obligés d’observer une continence perpétuelle, pour être dignes d’offrir le sacrifice de l’autel. « Après ces jours-là, sa femme Elisabeth conçut…», c’est-à-dire après les jours où Zacharie avait rempli les devoirs de son ministère. Ceci se passait au mois de septembre, le huit des calendes d’octobre, alors que les Juifs célébraient le jeûne de la fête des Tabernacles, à l’approche de l’équinoxe, où la nuit commence à être plus longue que le jour; en effet, le Christ devait croître et Jean diminuer. Et ce n’est pas sans raison que ces jours étaient des jours de jeûne; car Jean-Baptiste devait prêcher aux hommes les austérités de la pénitence. « Et elle se tenait cachée pendant cinq mois, ». — S. Ambroise : Pourquoi se tenait-elle cachée, si ce n’est par un sentiment de pudeur ? Il est en effet pour les époux un temps déterminé par la nature, où c’est chose louable de chercher à avoir des enfants; lorsqu’on est dans la vigueur de l’âge, et qu’on peut espérer en obtenir. Mais lorsqu’on atteint les limites d’une vieillesse presque épuisée et qu’on arrive à cet âge où l’on est plus propre à élever des enfants qu’à les engendrer, il y a une espèce de honte pour une femme de porter les signes d’une fécondité bien que légitime, d’être chargée d’un fardeau qui convient à un autre âge, et d’une grossesse qui n’est plus de saison. Elle avait donc de la honte à cause de son âge; nous pouvons comprendre par là qu’Elisabeth et Zacharie n’avaient plus ensemble les rapports qu’ont entre eux les époux; car si elle n’avait pas eu de honte d’avoir des rapports sexuels jusque dans sa vieillesse, elle n’en aurait pas eu davantage de devenir mère. Cependant elle rougit du poids de la maternité tant qu’elle ignore ce qu’elle a de mystérieux. Bientôt, celle qui se dérobait aux regards, parce qu’elle était devenue mère, commence à se glorifier, parce qu’elle porte un prophète dans son sein. — Origène : (Chronique des Pères grecs.) Aussi l’Évangéliste ajoute : « Elle se cachait pendant cinq mois, » c’est-à-dire jusqu’au temps où Marie elle-même conçut [son divin fils], et que l’enfant d’Elisabeth, tressaillant de joie dans son sein, commença de remplir les fonctions de prophète. — S. Ambroise : Elle rougissait d’être mère à son âge, mais en même temps elle se réjouissait d’être délivrée de l’opprobre de la stérilité. « C’est là, disait-elle, la grâce que le Seigneur m’a faite, ». — S. Jean Chrysostome : (ou Origène) C’est-à-dire il a fait cesser ma stérilité, en m’accordant un don qui dépasse les forces de la nature, et une pierre inféconde a produit des épis verdoyants, il m’a délivré de l’opprobre [de la stérilité] en me rendant mère, « dans les jours où il m’a regardée pour effacer mon opprobre d’entre les hommes. » — S. Ambroise : Car c’est une espèce de honte pour les femmes d’être privées du fruit de l’union des époux, puisqu’elles n’ont point d’autre raison de se marier. — S. Jean Chrysostome : C’est donc pour Elisabeth une double joie d’être affranchie par le Seigneur de l’opprobre de la stérilité, et de mettre au monde un enfant illustre; car ce n’est pas ici comme pour les autres, l’union des époux seule, mais la grâce divine qui a été le principe de cette naissance. — S.
Bède : Dans un sens mystique, on peut dire que
Zacharie représente le sacerdoce judaïque, et Elisabeth la loi, qui
développée par les explications des prêtres devait engendrer à Dieu des
enfants spirituels, mais qui restait impuissante, « parce que la loi
n’a conduit personne à la perfection. » Tous deux étaient justes,
parce que la loi est bonne et le sacerdoce est saint, pour ce qui est de ce
temps-là. Tous deux étaient avancés en âge, parce qu’à la venue au
Christ les hommes étaient pour ainsi dire courbés sous le poids des ans.
Zacharie entre dans le temple, parce que c’est aux prêtres qu’il appartient
de pénétrer dans le sanctuaire des mystères célestes. La multitude se tenait
au dehors parce qu’elle ne peut pénétrer le secret des choses spirituelles.
Tandis que Zacharie place l’encens sur l’autel, la naissance de Jean-Baptiste
lui est révélée; c’est en effet lorsque les docteurs sont embrasés du feu
divin que renferment les saintes lettres qu’ils découvrent la grâce de Dieu
qui se répand par Jésus-Christ; c’est par un ange que ses mystères sont
révélés, parce que « la loi a été donnée par le ministère des
anges. » — S. Ambroise : Le peuple tout entier devient comme muet dans la personne d’un seul, parce qu’il parlait à Dieu par l’intermédiaire d’un seul; la parole de Dieu a passé aussi jusqu’à nous, et elle n’est point muette au milieu de nous : celui-là est muet qui ne comprend pas la loi. Pourquoi, en effet, celui qui ne peut émettre aucun son articulé vous paraîtrait-il plus muet que celui qui n’a aucune connaissance des saints mystères ? Le peuple juif ressemble à un homme qui fait des signes, lui qui ne peut rendre raison de ce qu’il fait. — S. Bède : Et cependant Elisabeth conçoit Jean-Baptiste, parce que les secrètes profondeurs de la loi sont pleines des mystères de Jésus-Christ. Elle cache cette conception pendant cinq mois, parce que Moïse a renfermé dans ses cinq livres les mystères du Christ, ou parce que toute l’économie de la rédemption de Jésus-Christ a été figurée dans les cinq âges du monde par les paroles et les actions des saints. |
Lectio 8 [85734] Catena in Lc., cap. 1 l. 8 Beda. Quia Christi incarnatio vel sexta aetate saeculi futura, vel
ad impletionem legis erat profutura, recte sexto mense concepti Ioannis
missus ad Mariam Angelus nasciturum nuntiat salvatorem : unde dicitur in
mense autem sexto. Mensem sextum Martium intellige, cuius
vigesima quinta die dominus noster et conceptus traditur et passus, sicut et
vigesima quinta die mensis Decembris natus. Quod si vel hoc die, ut nonnulli
arbitrantur, aequinoctium vernale, vel illo solstitium brumale fieri
credamus; convenit cum lucis incremento concipi vel nasci eum qui illuminat
omnem hominem venientem in hunc mundum. At si quis ante dominicae nativitatis
et conceptionis tempus considerat lucem vel crescere, vel tenebras superare
convicerit, dicimus et nos, quia Ioannes ante faciem adventus eius regnum
caelorum evangelizabat. Basilius.
Adeunt autem nos caelestes spiritus, non quasi ex seipsis, sed ex eo quod
divinae sapientiae decorem conspiciunt; unde sequitur missus est Angelus
Gabriel a Deo. Gregorius in Evang. Ad Mariam enim virginem non quilibet Angelus,
sed Gabriel Archangelus mittitur : ad hoc quippe ministerium summum Angelum
venire dignum fuerat qui summum omnium nuntiabat : qui idcirco privato nomine
censetur, ut signetur per vocabulum in operatione quid valeat. Gabriel enim
Dei fortitudo nominatur; per Dei ergo fortitudinem nuntiandus erat qui
virtutum dominus et potens in praelio ad debellandas potestates aereas
veniebat. Glossa. Additur autem et locus quo mittitur, cum subditur in
civitate Galilaeae, cui nomen Nazareth : Nazaraeus enim, idest sanctus
sanctorum, nuntiabatur venturus. Beda. Aptum autem humanae restaurationis principium, ut Angelus a
Deo mitteretur ad virginem partu consecrandam divino : quia prima perditionis
humanae fuit causa, cum serpens a Diabolo mittebatur ad mulierem spiritu
superbiae decipiendam : unde sequitur ad virginem. Augustinus
de sancta Virgin. Illum enim solum virginitas decenter parere potuit qui
in sua nativitate parem habere non potuit. Oportebat enim caput nostrum
propter insigne miraculum secundum corpus nasci de virgine, quod significaret
membra sua de virgine Ecclesia secundum spiritum nascitura. Hieronymus.
Et bene Angelus ad virginem mittitur, quia semper est Angelis cognata
virginitas. Profecto in carne praeter carnem vivere, non terrena vita est,
sed caelestis. Chrysostomus
super Matth. Non autem Angelus post partum annuntiat virgini, ne nimium
exinde turbaretur : et ideo ante conceptionem illam alloquitur, non in
somnis, immo visibiliter assistit : nam quasi magnam valde relationem
accipiens egebat ante rei eventum visione solemni. Ambrosius.
Bene autem utrumque posuit Scriptura, ut et desponsata esset, et virgo :
virgo, ut expers virilis consortii videretur; desponsata, ne temeratae
virginitatis adureretur infamia, cui gravis alvus corruptelae videretur
insigne praeferre. Maluit autem dominus aliquos de suo ortu quam de matris pudore
dubitare : sciebat enim teneram esse virginis verecundiam et lubricam famam
pudoris nec putavit ortus sui fidem matris iniuriis astruendam. Servatur
itaque sanctae Mariae sicut pudore integra, ita et inviolabilis opinione
virginitas : nec decuit sinistra virginibus opinione viventibus velamen
excusationis relinqui, quod infamata mater quoque domini videretur. Quid
autem Iudaeis, quid Herodi posset ascribi, si natum viderentur ex adulterio
persecuti? Quemadmodum autem ipse diceret : non veni legem solvere, sed
adimplere, si videretur coepisse a legis iniuria, cum partus innuptae lege
damnetur? Quid quod etiam fides Mariae verbis maior adsciscitur, et mendacii
causa removetur? Videretur enim culpam obumbrare voluisse mendacio innupta
praegnans. Causam autem mentiendi desponsata non habuit, cum coniugii
praemium et gratia nuptiarum partus sit feminarum. Non mediocris quoque causa
est ut virginitas Mariae falleret principem mundi, qui cum desponsatam viro
cerneret, partum non potuit habere suspectum. Origenes
in Lucam. Si enim non habuisset sponsum, statim cogitatio tacita Diabolum
surrepsisset, quomodo quae non accubuit cum viro, praegnans esset. Debet iste
conceptus esse divinus, debet aliquid humana natura esse sublimius. Ambrosius.
Sed tamen magis fefellit principes saeculi : Daemonum enim malitia facile
etiam occulta deprehendit; at vero qui saecularibus vanitatibus occupantur,
scire divina non possunt. Quin etiam locupletior testis pudoris maritus
adhibetur, qui posset et delere iniuriam et vindicare opprobrium, si non
agnosceret sacramentum : de quo subditur cui nomen erat Ioseph de domo David.
Beda. Quod non tantum ad Ioseph, sed etiam pertinet ad Mariam. Legis
namque erat praeceptum ut de sua quisque tribu aut familia acciperet uxorem.
Sequitur et nomen virginis Maria. Beda.
Maria Hebraice stella maris, Syriace vero domina vocatur; et merito : quia
et totius mundi dominum, et lucem saeculis meruit generare perennem. |
Versets 26-27.
— S. Bède : Comme l’incarnation du Christ devait avoir lieu dans le sixième âge du monde, ou bien devait être l’accomplissement de la loi, c’est avec raison que le sixième mois de la conception de Jean-Baptiste, un ange est envoyé à Marie pour lui annoncer la naissance du Sauveur du monde : « Au sixième mois, » dit l’Évangéliste. Par ce sixième mois, il faut entendre le mois de mars, et c’est le vingt-cinq de ce mois que, selon la tradition, Notre Seigneur a été conçu et a souffert sa passion, comme aussi c’est le vingt-cinq du mois de décembre qu’il est né. Si nous admettons avec quelques auteurs que l’équinoxe du printemps a lieu le vingt-cinq mars, et le solstice d’hiver le vingt-cinq décembre, nous pouvons dire qu’il était convenable que l’accroissement du jour coïncidât avec la conception et la naissance de celui qui éclaire tout homme venant en ce monde. Si l’on prétend au contraire que même avant l’époque de la naissance et de la conception du Sauveur les jours commencent à croître, ou qu’ils sont plus longs que les nuits, nous dirons alors que Jean-Baptiste précédait l’avènement du Seigneur, et qu’il évangélisait déjà le royaume des cieux. — S. Basile : (sur Isaïe) Les esprits célestes ne viennent pas à nous de leur propre mouvement, c’est Dieu qui les envoie [lorsque notre utilité l’exige]; car leur occupation est de contempler l’éclat de la divine sagesse. « L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu, » etc. — S. Grégoire ou Commentaire Grec. : (hom. 34 sur les Evang.) Ce n’est point un ange quelconque, mais l’archange Gabriel qui est envoyé à la Vierge Marie. Il n’appartenait, en effet, qu’au plus grand des anges de venir annoncer le plus grand des événements. L’Écriture lui donne un nom spécial et significatif, il se nomme Gabriel, qui veut dire force de Dieu. C’était donc à la force de Dieu qu’il était réservé d’annoncer la naissance du Dieu des armées, du fort dans les combats qui venait triompher des puissances de l’air. — La Glose : L’Évangéliste désigne également le lieu où il est envoyé. « Dans la ville de Galilée qui se nomme Nazareth; » car c’est le Nazaréen, c’est-à-dire le Saint des Saints, dont la naissance est annoncée. — S.
Béde : Dieu commence admirablement l’œuvre de notre
réparation, en envoyant un ange à une vierge qu’un enfantement divin devait
consacrer, parce que le démon aussi avait commencé l’oeuvre de notre perte en
envoyant le serpent à la femme pour la séduire par l’esprit d’orgueil. « Il
fut envoyé à une vierge. » — S. Augustin : (de la sainte Vierg., chap. 15.) La virginité seule était digne d’enfanter celui qui, dans sa naissance, n’a pu avoir d’égal. Notre chef, par un miracle éclatant, devait naître d’une vierge selon la chair, par un miracle hors du commun, et figurer ainsi que l’Église vierge donnerait à ses membres une naissance toute spirituelle. — S. Jérôme : (serm. sur l’assomp.). C’est avec raison qu’un ange est envoyé à une vierge; car la virginité a toujours été unie par des liens étroits avec les anges. En effet, vivre dans la chair, sans obéir aux inspirations de la chair, ce n’est pas la vie de la terre, c’est la vie du ciel. — S. Jean Chrysostome : (sur Matth., hom. 4.) L’ange n’attend pas que l’enfantement ait eu lieu pour en faire connaître le mystère à la Vierge, cet événement l’eût jetée dans le plus grand trouble. C’est avant la conception qu’il délivre son message, et ce n’est point en songe, mais dans une apparition visible [et solennelle], telle que l’exigeait avant l’accomplissement, l’importance de l’évènement qu’il venait lui annoncer. — S. Ambroise : L’Écriture établit clairement ces deux choses, qu’elle était épouse et vierge. [« Elle était mariée, » etc.] Vierge, ce qui la sépare de tout commerce avec un homme; épouse, pour que sa virginité fût à l’abri de tout déshonneur, alors que sa grossesse aurait été pour tous un indice de corruption. Le Seigneur aima mieux en voir quelques-uns douter de sa naissance immaculée, que de la pureté de sa mère. Il savait combien l’honneur d’une vierge est délicat, combien sa réputation fragile, et il ne voulut pas que la foi à sa naissance miraculeuse s’élevât sur le déshonneur de sa mère. La virginité de Sainte Marie a donc été inviolable, dans l’opinion des hommes, comme elle l’était en elle-même. Il ne fallait pas laisser pour excuse aux vierges, dont la réputation est malheureusement douteuse, que la mère du Sauveur elle-même n’avait pas été à l’abri du soupçon et du déshonneur. Que pourrait-on reprocher aux Juifs aussi bien qu’à Hérode, s’ils n’avaient paru persécuter que le fruit de l’adultère ? Comment Jésus lui-même aurait-il pu dire : « Je ne suis point venu détruire la loi, mais l’accomplir », s’il avait paru commencer par une violation de la loi, la loi condamnant l’enfantement de toute personne non mariée. Rien, d’ailleurs, ne donne plus de créance aux paroles de Marie que ce mariage, et n’éloigne davantage tout soupçon de mensonge. Qu’elle fût devenue mère sans être mariée, elle eût paru vouloir couvrir sa faute sous le voile du mensonge; étant mariée, au contraire, elle n’avait aucune raison de mentir, puisque la fécondité des épouses est tout à la fois la récompense et le privilège du mariage. Une raison non moins importante, c’est que la virginité de Marie mettait en défaut le prince du monde; en la voyant engagée dans les liens du mariage, il ne pouvait avoir aucun soupçon de son enfantement virginal. — Origène : (hom. 6.) Supposez-la, au contraire, non mariée, aussitôt cette pensée secrète fût venue au démon : Comment celle qui n’a point d’époux, est-elle devenue mère ? Cette conception doit être divine, il y a ici quelque chose de supérieur à la nature humaine. — S.
Ambroise : Mais ce mariage déjoua bien plus encore
toutes les pensées des princes de la terre; car la malice des démons pénètre
facilement dans le secret des choses cachées; mais ceux qui sont plongés dans
les préoccupations du monde sont incapables de comprendre les choses divines.
Disons encore que nous avons ainsi un témoin plus fidèle et plus sûr de la
virginité de Marie dans la personne de son époux, qui pouvait, et se plaindre
de l’outrage qui lui était fait, et en poursuivre le châtiment, s’il n’eût
connu le mystère de cet enfantement. « Il s’appelait Joseph, dit
l’Évangéliste, et il était de la maison de David. » — S. Bède : Ces paroles sont vraies à la fois et de Joseph, et de Marie; car aux termes de la loi, chacun devait prendre femme dans sa tribu, ou dans sa famille. « Et cette vierge s’appelait Marie. » Marie, en hébreu, signifie étoile de la mer, et en syriaque, maîtresse, noms qui conviennent parfaitement à Marie qui a enfanté le Maître du monde, et la lumière éternelle des siècles. |
Lectio 9 [85735] Catena in Lc., cap. 1 l. 9 Ambrosius. Disce virginem moribus; sola in penetralibus, quam nemo
virorum videret, solus Angelus reperiret : unde dicitur et ingressus Angelus
ad eam. Et ne quo degeneri depravaretur affatu, ab Angelo
salutatur. Graecus.
Contra vocem prius editam mulieri dirigitur nunc
sermo ad virginem. In illa doloribus partus est causa peccati punita; in hac
per gaudium moestitia pellitur : unde iucunditatem non absurde praenuntiat
Angelus virgini, dicens ave. Quod autem digna cognosceretur sponsalium,
attestatur cum dicit gratia plena : quasi enim quaedam arrha aut dos sponsi
ostenditur, quod fecunda sit gratiis. Horum enim quae dicit, haec sunt
sponsae, alia sponsi. Hieronymus. Et bene gratia plena : quia ceteris per partes
praestatur; Mariae vero simul se totam infudit gratiae plenitudo. Vere gratia
plena, per quam largo spiritus sancti imbre superfusa est omnis creatura. Iam
autem erat cum virgine qui ad virginem mittebat Angelum, et praecessit
nuntium suum dominus, nec teneri potuit locis qui omnibus habetur in locis :
unde sequitur dominus tecum. Augustinus. Magis quam mecum : ipse enim in tuo est corde, in tuo
fit utero, adimplet mentem, adimplet ventrem. Graecus. Hoc autem est totum legationis complementum. Dei enim
verbum, ut sponsus supra rationem unionem efficiens, tamquam ipse germinans,
idemque germinatus, totam naturam humanam sibi ipsi conformavit. Ultimum vero
ponitur tamquam perfectissimum et compendiosum benedicta tu in mulieribus :
una scilicet prae cunctis mulieribus : ut etiam benedicantur in te mulieres,
sicut mares in filio; sed magis uterque in utrisque. Velut
enim per unam feminam et unum marem peccatum simul ac tristitia intravit :
sic et nunc per unam et unum benedictio revocata est et laetitia et ad
singulos est profusa. Ambrosius
de Salut. Ang. Disce autem virginem a verecundia, quia pavebat : nam
sequitur quae cum audisset, turbata est in sermone eius. Trepidare virginum
est, et ad omnes ingressus viri pavere, omnes viri affatus vereri. Disce,
virgo, verborum vitare lasciviam : Maria etiam salutationem Angeli verebatur.
Graecus.
Cum assueta foret his visionibus, Evangelista non visioni, sed relatibus
turbationem attribuit, dicens turbata est in sermone eius. Attende autem
virginis et pudicam et prudentem et animam simul et vocem. Audita laetitia
dictum examinavit, et neque manifeste obstitit per incredulitatem, nec statim
paret ex levitate; Evae levitatem evitans simul et duritiam Zachariae; unde
sequitur et cogitabat qualis esse ista salutatio : non conceptio, nam adhuc
ignorabat immensitatem mysterii, sed salutatio : numquid libidinosa, ut a
viro ad virginem; an divina, dum Dei faceret mentionem dicens dominus tecum?
Ambrosius
in Lucam. Benedictionis etiam novam formulam mirabatur, quae nusquam est
ante comperta : soli Mariae hoc servabatur. Origenes
in Lucam. Si enim scivisset Maria ad alium quempiam similem factum esse sermonem,
utpote quae habebat legis scientiam, nunquam eam, quasi peregrinam, talis
salutatio exterruisset. |
Versets 28-29.
— S. Ambroise : Reconnaissez la Vierge à ses moeurs. Elle est seule dans l’intérieur de sa demeure, loin de tous les regards des hommes, un ange seul peut arriver jusqu’à elle : « L’ange étant entré où elle était, ». Il ne faut point qu’elle soit déshonorée par une conversation indigne d’elle, c’est un ange qui est chargé de la saluer. — S. Grégoire de Nysse : (disc. sur la Nativ.) Le discours qu’il lui adresse est opposé à celui que la première femme entendit autrefois. Pour Eve l’enfantement dans la douleur fut la juste punition de son péché; pour Marie, la tristesse fait place à la joie, et l’ange lui annonce le sujet d’une joie bien légitime, en lui disant : « Je vous salue. » Il ajoute : « Pleine de grâce, » et il proclame ainsi qu’elle est digne de l’union qu’il vient lui annoncer. Car cette plénitude de grâce est comme le gage ou la dot destinée à son époux; en effet, les paroles de l’ange conviennent tour à tour, les unes à l’épouse, les autres à l’époux. — S.
Jérôme : (serm.
sur l’Assomp.) Oui elle est pleine de grâce, car la
grâce n’est donnée aux autres créatures que partiellement [et avec mesure];
Marie l’a reçue toute entière et dans sa plénitude. Oui, elle est vraiment
pleine de grâce, elle par qui toute créature a été inondée des eaux
abondantes de l’Esprit saint. Celui qui avait envoyé son ange à cette divine
Vierge était déjà avec elle, le Seigneur avait précédé son ambassadeur; et le
Dieu qui remplit tout de son immensité, ne pouvait être retenu par la
distance des lieux : « Le Seigneur est avec vous. » — S. Augustin : (serm. 14 sur la Nativ. du Seig.) Il est avec vous plus qu’il n’est avec moi; car il est lui-même dans votre coeur, il s’incarne dans vos entrailles, il remplit votre âme, il remplit votre sein. — Commentaire grec : (ou Géom., Chronique des Pères grecs.) C’est là le complément de l’ambassade céleste, le Verbe de Dieu contracte comme un époux une union incompréhensible à la raison; engendrant tout à la fois et engendré, il s’associe intimement toute la nature humaine. Les dernières paroles de l’ange sont le couronnement et l’abrégé de tout ce qui précède : « Vous êtes bénie entre les femmes, » c’est-à-dire seule entre toutes les femmes; par là même toutes les femmes seront bénies en vous, comme tous les maris en votre Fils, ou plutôt les uns et les autres seront bénis en vous deux. En effet, c’est par une seule femme et un seul homme que le péché et la douleur sont entrés dans le monde; c’est aussi par une seule femme et par un seul homme que la bénédiction, que la joie sont appelées et répandues sur toute créature. — S. Ambroise : Reconnaissez encore la Vierge à sa pudeur; elle fut alarmée : « Ayant entendu ces paroles, elle en fut troublée. » C’est le propre des vierges d’être accessible à la crainte, de trembler à l’approche d’un homme, de redouter tout entretien avec lui. Apprenez de là, ô vierges, à éviter toute licence dans vos paroles, puisque Marie redoute la salutation d’un ange. — Commentaire grec : (ou Géom.) Comme ces visions du ciel lui étaient familières, ce n’est point à la vision elle-même, mais aux paroles de l’ange que l’Évangéliste attribue son trouble : « Ayant entendu ces paroles, elle en fut troublée. » Remarquez encore tout à la fois la pudeur et la prudence de cette Vierge, les sentiments de son âme, les paroles qui sortent de sa bouche. Elle entend parler de joie, elle examine ce qu’on lui dit, elle ne résiste pas ouvertement par incrédulité, elle ne croit pas aussitôt à la légère, elle évite à la fois la légèreté d’Eve, et l’obstination de Zacharie : « Et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation. » Car elle ignorait encore la grandeur du mystère qui allait s’accomplir en elle. Cette salutation est-elle inspirée par la passion, comme serait celle d’un homme à une vierge ? Ou bien est-elle divine, puisqu’on fait intervenir le nom même de Dieu : « Le Seigneur est avec vous. » — S. Ambroise : Elle s’étonne aussi de cette nouvelle formule de bénédiction inusitée jusque-là; car elle était réservée à Marie seule. — Origène : (hom. 6.) Si par la connaissance qu’elle avait de la loi, elle avait su qu’un autre avant elle avait été l’objet d’un semblable discours, elle n’en eût point été effrayée, comme d’une chose extraordinaire. |
Lectio 10 [85736] Catena in Lc., cap. 1 l. 10 Beda. Quia salutatione insolita virginem turbatam viderat,
quasi familiarius notam vocans ex nomine, ne timere debeat iubet : unde
dicitur et ait ei Angelus : ne timeas, Maria. Graecus.
Quasi dicat : non accessi decepturus, immo deceptionis absolutionem
depromere; non veni praedaturus inviolabilem tuam virginitatem, sed conditori
puritatis et custodi contubernia reserare; non sum serpentis minister, sed
perimentis serpentem legatus; sponsalium tractator, non insidiarum molitor.
Sic ergo nequaquam distrahentibus ipsam considerationibus vexari permisit, ne
diiudicaretur infidus minister negotii. Chrysostomus.
Qui autem apud Deum meretur gratiam, non habet quid timeat; unde sequitur
invenisti enim gratiam apud Deum. Qualiter autem illam quisque reperiet, nisi
humilitate mediante? Humilibus enim dat Deus gratiam. Graecus.
Inveniet enim gratiam virgo coram Deo, quia splendore pudicitiae propriam
exornans animam, gratum Deo se habitaculum praeparavit; nec solum caelibatum
inviolabilem conservavit, sed etiam immaculatam conscientiam custodivit.
Origenes in Lucam. Invenerant enim plures gratiam ante eam; et ideo subdit
quod proprium est, dicens ecce concipies in utero. Graecus.
Quod dicitur ecce, celeritatem et praesentiam denotat, insinuans cum eius
verbo celebratam esse conceptionem. Dicit
autem concipies in utero, ut demonstret, dominum ab ipso utero virginali et
de nostra substantia carnem suscipere. Venit enim divinum verbum emundaturum
naturam humanam, et partum, et nostrae generationis primordia; et ideo sine
peccato et humano semine, per singula sicut nos in carne concipitur, et novem
mensium spatio gestatur in utero. Gregorius
Nyssenus. Sed quoniam contingit specialiter divinum concipi spiritum, et
spiritum parere salutarem, secundum prophetam; ideo addidit et paries filium.
Ambrosius.
Non autem omnes sunt sicut Maria, ut dum de spiritu sancto concipitur,
verbum pariant; sunt autem quae abortivum excludant verbum, antequam pariant;
sunt quae in utero Christum habeant, sed nondum formaverint. Gregorius
Nyssenus. Cum autem expectatio partus mulieribus timorem incutiat, sedat
timoris metum dulcis partus relatio, cum subditur et vocabis nomen eius Iesum
: salvatoris enim adventus est cuiuslibet timoris propulsio. Beda
super Lucam. Iesus autem salvator sive salutaris interpretatur. Graecus.
Dicit autem tu vocabis, non pater : patre enim caret quantum ad inferiorem
generationem, sicut et matre respectu supernae. Cyrillus.
Hoc autem nomen de novo fuit verbo impositum, nativitati congruens carnis,
secundum illud propheticum : vocabitur tibi nomen novum quod os domini
nominavit. Graecus.
Verum quia hoc nomen commune est sibi cum successore Moysi, idcirco
innuens Angelus quod non erit secundum illius similitudinem, subiungit hic
erit magnus. Ambrosius.
Dictum est quidem etiam de Ioanne quia erit magnus; sed ille quasi homo
magnus, hic quasi Deus magnus. Late enim funditur Dei virtus, late caelestis
substantiae magnitudo porrigitur : non loco clauditur, non opinione
comprehenditur, non aestimatione concluditur, non aetate variatur. Origenes.
Vide ergo magnitudinem salvatoris quomodo in toto orbe diffusa sit :
ascende in caelos, quomodo caelestia repleverit; descende cogitatione ad
abyssos, et vide eum illuc descendisse : si hoc videris, pariter intueberis
opere completum hic erit magnus. Graecus.
Neque carnis assumptio deitatis derogat celsitudini; immo potius
humanitatis humilitas sublimatur; unde sequitur et filius altissimi
vocabitur. Non utique tu impones vocabulum, sed ipse vocabitur : a quo nisi a
consubstantiali genitore? Nullus enim filium novit nisi pater. Penes quem
vero infallibilis est notitia geniti, is verus interpres est erga
impositionem congruam nominis : propter quod dicit : hic est filius meus
dilectus, ab aeterno siquidem est, quamvis nunc ad nostram doctrinam nomen
eius patuerit. Et ideo ait vocabitur, non : fiet vel generabitur : nam et
ante saecula fuerat consubstantialis patri. Hunc ergo concipies, huius mater
efficieris, hunc virginalis cella concludet, cuius caeleste spatium capax non
extitit. Chrysostomus.
Ceterum si quidem enorme quibusdam videtur, Deum habitare corpus; nonne
sol, cuius est corpus sensibile, quocumque radios mittit, non laeditur in
propria puritate? Multo ergo magis iustitiae sol ex utero virginali
mundissimum corpus assumens, non tantum contaminatus non est, immo etiam
ipsam matrem sanctiorem ostendit. Graecus.
Et ut virginem redderet memorem prophetarum, subdit et dabit illi dominus
Deus sedem David patris eius, ut noscat liquido quoniam qui nasciturus est ab
ea, ipse est Christus, quem illi promiserunt ex David semine nasciturum. Cyrillus.
Non tamen ex Ioseph est editum corpus Christi mundissimum; secundum enim
unam lineam cognationis profluxerant Ioseph et virgo, ex qua formam
humanitatis unigenitus sumpsit. Basilius. Non autem in materiali sede David sedit dominus,
translato Iudaico regno ad Herodem; sed sedem appellat David, in qua resedit
dominus, indissolubile regnum; unde sequitur et regnabit in domo Iacob in
aeternum. Chrysostomus. Dicit autem ad praesens domum Iacob eos qui de numero
Iudaeorum crediderunt in illum : ut enim Paulus dicit : non omnes qui ex
Israel sunt, hi sunt Israelitae; sed qui sunt filii promissionis, computantur
in semine. Beda. Vel domum Iacob totam Ecclesiam dicit, quae vel de bona
radice nata, vel cum oleaster esset, merito tamen fidei in bonam est inserta
olivam. Graecus. Nullius autem est in aeternum regnare, nisi Dei solius :
quo fit ut etsi propter incarnationem dicatur David sedem accipere, tamen
idem ipse, inquantum Deus, rex aeternus agnoscitur. Sequitur
et regni eius non erit finis : non solum inquantum Deus est, sed etiam in eo
quod homo : et in praesenti quidem habet regnum multorum, finaliter vero
universorum, cum ei omnia subicientur. Beda.
Omittat ergo Nestorius dicere hominem tantum ex virgine natum, et hunc a
verbo Dei non in unitatem personae esse receptum : Angelus enim qui ait
eumdem ipsum patrem habere David, quem filium altissimi vocari praenuntiat,
in duabus naturis unam Christi personam demonstrat. Non autem ideo futuri
temporis verbis Angelus utitur, quia secundum haereticos Christus ante Mariam
non fuerit, sed quia secundum eamdem personam homo cum Deo idem filii nomen
sortitur. |
Versets 30-33.
— S. Bède : L’ange, voyant la Vierge troublée par cette salutation étrange pour elle, l’appelle par son nom, comme s’il la connaissait plus familièrement, et l’engage à déposer tout sentiment de crainte. « Et l’ange lui dit : Ne craignez pas, Marie, ». — Commentaire grec : (Photius, Chronique des Pères grecs.) Comme s’il disait : Je ne suis point venu pour vous tromper, mais pour apporter le pardon de l’ancienne déception, je ne viens point non plus porter atteinte à votre inviolable virginité, mais préparer en vous une demeure à l’auteur, au gardien de toute pureté; je ne suis pas l’envoyé du serpent, mais l’ambassadeur de celui qui détruit son empire, je viens non vous tendre un piége, mais traiter de l’union mystérieuse [que Dieu veut contracter avec vous]. Il ne veut pas la laisser en proie à des pensées inquiétantes, pour sauver l’honneur de la mission divine qu’il vient remplir. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs.) Celui qui mérite de trouver grâce aux yeux de Dieu n’a rien à craindre. « Vous avez, lui dit-il, trouvé grâce devant Dieu. » Comment chacun peut-il à son tour trouver grâce devant Dieu ? par l’humilité; car c’est aux humbles que Dieu donne sa grâce. (Jc 4 et 1 P 5) — Commentaire grec : (ou Photius.) Cette Vierge a trouvé grâce devant Dieu, parce que l’éclat de sa chasteté qui était le plus bel ornement de son âme, en a fait une demeure agréable à Dieu; et que non seulement elle a gardé une virginité perpétuelle, mais a conservé son âme pure de toute tache. — Origène : (Chronique des Pères grecs.) Plusieurs avant elle, avaient trouvé grâce devant Dieu : aussi l’ange ajoute ce qui lui est exclusivement propre : « Voilà que vous concevrez dans votre sein. » Cette expression voilà indique la rapidité, l’actualité de l’opération divine, la conception a lieu au moment même où il parle. — Sév. Ant. « Vous enfanterez dans votre sein, » paroles qui démontrent que Notre Seigneur a pris dans le sein virginal une chair semblable à notre chair. En effet, le Verbe divin venait purifier à la fois la nature humaine, notre naissance, l’origine de notre génération; il a donc, à l’exception du péché et du concours de la semence de l’homme, été conçu comme nous dans la chair, et porté neuf mois dans le sein de sa mère. — Gregoire de Nysse : (ou Géom., Chronique des Pères grecs.) Mais comme il en est qui conçoivent l’esprit divin et enfantent l’esprit du salut, selon l’expression du prophète, l’ange ajoute : « Et vous enfanterez un Fils. » — S. Ambroise : Il en est peu qui, comme Marie, enfantent le Verbe qu’ils ont conçu par la grâce de l’Esprit saint. Il en est qui rejettent au dehors le Verbe à peine conçu, et qui ne l’enfantent jamais; il en est qui portent Jésus-Christ dans leur sein, mais sans que jamais il arrive à être formé [dans leur cœur]. — Gregoire de Nysse : (disc. pour la Nativ. du Seig.) L’attente de leur délivrance inspire ordinairement aux femmes de vives craintes, aussi l’ange calme ces appréhensions par les charmes de l’enfantement qu’il annonce : « Et vous l’appellerez Jésus. » L’avènement d’un Sauveur suffit pour dissiper tout sentiment de crainte. — S. Bède : Le nom de Jésus signifie Sauveur ou salutaire. — Commentaire grec : L’ange dit à Marie : C’est vous qui lui donnerez ce nom, et non pas son père; car il n’a point de père dans sa génération temporelle, comme il n’a point de mère dans sa génération divine. — S.
Cyrille : Ce nom fut un nom nouveau donné au Verbe
de Dieu et parfaitement en rapport avec sa naissance selon la chair, selon
cette parole du prophète : « On vous appellera d’un nom nouveau, que
la bouche du Seigneur vous donnera. » — Commentaire
grec : (ou Géom.)
Mais comme ce nom lui était commun avec le successeur de Moïse, l’ange
fait ressortir la différence qui les sépare en ajoutant : « Il sera
grand. » — S. Ambroise : Il a été dit aussi de Jean-Baptiste qu’il serait grand, mais d’une grandeur humaine, tandis que Jésus sera grand d’une grandeur toute divine; car la puissance de Dieu se répand au loin, et la grandeur de la substance divine s’étend au delà de tous les espaces connus. Elle n’est limitée par aucun lieu, elle est incompréhensible à l’esprit humain, supérieure à toutes nos pensées, inaccessible aux variations des temps. — Origène : (hom. 6.) Admirez donc la grandeur du Sauveur Jésus, comme elle est répandue par tout l’univers. Montez dans les cieux, elle y remplit tout de sa présence; descendez par la pensée dans les abîmes, vous verrez qu’elle vous y a précédé. A cette vue, reconnaissez l’accomplissement de cette prédiction : « Il sera grand. » — Commentaire grec : (ou Photius, comme précéd.) Et ne croyez pas que l’incarnation du Fils de Dieu porte la moindre atteinte à la majesté divine, au contraire, elle élève jusqu’aux cieux notre pauvre humanité : « Et il sera appelé, dit l’ange, le Fils du Très-Haut. » Ce n’est pas vous qui lui donnerez ce nom : « Il sera appelé, » et par qui donc, si ce n’est par son Père qui lui est consubstantiel ? Le père seul a la connaissance parfaite de son fils, dans sa bouche le nom donné à son fils ne peut être qu’infaillible ; il peut seul aussi lui donner le nom qui lui convient, ce qu’il fait quand il dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » Il l’est de toute éternité, bien que ce nom ne nous ait été révélé que dans le temps pour notre instruction; aussi l’ange dit : « Il sera appelé, » et non pas, « il deviendra », ou « il sera engendré »; car avant tous les siècles il était consubstantiel à son Père. Celui donc que l’immensité des cieux ne peut contenir, c’est lui que vous concevrez, c’est lui dont vous deviendrez la mère, c’est lui que votre sein virginal va renfermer. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs.) Il en est qui regardent comme souverainement étrange, inconvenant même que Dieu fasse son habitation d’un corps [mortel]. Mais est-ce que le soleil qui est un corps sensible, et qui pénètre tout de ses rayons, voit pour cela s’obscurcir son éclat ? A plus forte raison le soleil de justice, en prenant un corps très pur dans le sein d’une vierge, ne perd rien de sa pureté; bien loin de là, il ajoute à la sainteté de sa mère. — Commentaire grec : (ou Sév. d’Ant., Chronique des Pères grecs.) L’ange voulant rappeler au souvenir de Marie les oracles des prophètes, ajoute : « Et Dieu lui donnera le trône de David son père, », afin qu’elle sache à n’en pouvoir douter, que celui dont elle deviendra la mère, c’est le Christ qui, selon les prophètes, devait naître de la race de David. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs.) Toutefois, gardons-nous de croire que le corps très pur de Jésus-Christ soit l’oeuvre de Joseph; mais tous deux descendaient des mêmes ancêtres, Joseph et Marie, dans le sein de laquelle le Fils de Dieu s’est revêtu de notre humanité. — S. Basile : (à Amphiloch.) Ce n’est point sur le trône temporel de David que le Seigneur s’est assis, puisque le gouvernement du peuple juif était passé aux mains d’Hérode; le trône de David, dont le Seigneur s’est mis en possession, c’est son royaume immortel. Aussi voyez ce qui suit : « Et il régnera sur la maison de Jacob éternellement, ». — S. Jean Chrysostome : (hom. 7 sur Matth.) Par la maison de Jacob dont il est ici question il entend ceux d’entre les Juifs qui ont cru en lui. Car comme dit saint Paul : « Tous ceux qui descendent d’Israël, ne sont pas pour cela Israélites…, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont réputés être les enfants d’Abraham. » (Rm 11.) — S.Bède : Ou bien encore, la maison de Jacob, c’est toute l’Église, qui est sortie d’une bonne racine, ou qui, d’olivier sauvage qu’elle était, a été greffée sur l’olivier franc par le mérite de sa foi. — Commentaire grec : (ou Géom.) A Dieu seul il appartient de régner éternellement; aussi, bien que l’ange déclare qu’il prendra possession du trône de David par suite de son incarnation, en tant que Dieu, il est le roi éternel des siècles. « Et son royaume n’aura point de fin. » Non seulement comme Dieu, mais aussi en tant qu’il est homme; dans le temps présent, il règne sur un grand nombre, à la fin des siècles, son empire s’étendra sur tous sans exception, lorsque toutes choses lui seront soumises. — S. Bède : Que Nestorius cesse donc de dire que l’homme seul est né de la Vierge, et qu’en Jésus-Christ l’homme n’a point été uni au Verbe de Dieu en unité de personne; car l’ange proclame Fils du Très-Haut, celui-là même qu’il déclare être le Fils de David, et démontre ainsi qu’en Jésus-Christ, il n’y a qu’une seule personne en deux natures. S’il parle au futur, ce n’est pas, comme le disent les hérétiques, que le Christ n’ait pas existé avant Marie, mais parce qu’il a reçu le nom de Fils lorsque l’homme, uni à Dieu, n’a plus formé qu’une seule personne. |
Lectio 11 [85737] Catena in Lc., cap. 1 l. 11 Ambrosius. Neque non credere Angelo Maria debuit, neque tam temere
usurpare divina; unde dicitur dixit autem Maria ad Angelum : quomodo fiet
istud? Temperatior est ista responsio quam verba
sacerdotis. Haec ait quomodo fiet istud? Ille respondit unde hoc sciam? Negat
ille se credere, et quasi fidei adhuc alium quaerit auctorem; ista se facere
profitetur, nec dubitat esse faciendum, quod quomodo fiat inquirit. Legerat
Maria : ecce concipiet in utero, et pariet filium : ideo credidit futurum;
sed quomodo fieret ante non legerat : non enim quemadmodum fieret vel
prophetae tanto fuerat revelatum : tantum enim mysterium non hominis fuit,
sed Angeli ore promendum. Gregorius
Nyssenus. Attende etiam mundae virginis vocem : partum annuntiat Angelus;
ipsa vero virginitati innititur, praestantiorem incorruptibilitatem angelica
visione diiudicans : unde dicit quoniam virum non cognosco. Basilius.
Cognitio multifarie dicitur : dicitur enim cognitio nostri conditoris
sapientia, ac magnalium suorum notitia, nec non mandatorum custodia, et quae
fit apud eum appropinquatio, et copula nuptialis, ut hic accipitur. Gregorius
Nyssenus. Haec igitur Mariae verba indicium sunt eorum quae tractabat in
mentis arcano : nam si causa copulae coniugalis Ioseph desponsari voluisset,
cur admiratione ducta est dum sibi narratur conceptio? Cum nimirum ipsa praestolaretur ad tempus mater effici iuxta legis naturam.
Verum quia oblatum corpus Deo quasi quoddam ex sacris inviolabile reservari
decebat, ideo dicit quoniam virum non cognosco; quasi dicat : etsi sis
Angelus, tamen quod virum cognoscam ex impossibilibus cernitur; qualiter
igitur mater ero carens coniuge? Ioseph siquidem in sponsum agnovi. Graecus. Sed considera qualiter virgini solvit dubium Angelus, ac
explanat intemeratum connubium, et ineffabilem partum : sequitur enim et
respondens Angelus dixit ei : spiritus sanctus superveniet in te. Chrysostomus.
Quasi dicat : non quaeras ordinem naturalem ubi naturam transcendunt et
superant quae tractantur. Dicis quomodo fiet istud, quoniam virum non
cognosco? Quinimmo eo ipso continget quod es coniugis inexperta : nam si
virum experta fuisses, non digna censereris hoc mysterio : non quia profanum
sit coniugium, sed quia virginitas potior. Decebat enim communem omnium
dominum, et in nativitate nobiscum participare, et ab ea discrepare : quod
enim ex utero nasceretur, habuit commune nobiscum; quod autem absque
concubitu nasceretur, plus a nobis obtinuit. Gregorius Nyssenus. Quam beatum corpus illud quod ob exuberantem
munditiam virginis Mariae, ut videtur, donum animae ad seipsum allexit. In
singulis enim ceteris vix utique anima sincera sancti spiritus impetrabit
praesentiam; sed nunc caro receptaculum efficitur spiritus. Tabulas enim nostrae naturae quas culpa confregerat, denuo verus
legislator de terra nostra sibi dolavit, absque concubitu divinitatis suae
corpus susceptibile creans, quod divinus digitus sculpsit, scilicet spiritus
superveniens virgini. Chrysostomus.
Insuper et virtus altissimi obumbrabit tibi. Altissimi regis virtus
Christus est, qui per adventum spiritus sancti formatur in virgine. Gregorius
Moralium. Per obumbrationis enim vocabulum, incarnandi Dei utraque natura
significatur : umbra enim a lumine formatur et corpore; dominus autem per
divinitatem lumen est : quia ergo lumen incorporeum in eius erat utero
corporandum, recte ei dicitur virtus altissimi obumbrabit tibi; idest, corpus
in te humanitatis accipiet incorporeum lumen divinitatis : hoc enim Mariae
dicitur propter mentis refrigerium caelitus datum. Beda.
Non ergo virili, quod non cognoscis, semine, sed spiritus sancti, quo
impleris, opere concipies : concupiscentiae in te non erit aestus, ubi umbram
faciet spiritus sanctus. Gregorius
Nyssenus. Vel dicit obumbrabit tibi : quia sicut corporis umbra
praecedentium charactere conformatur, ita indicia deitatis filii ex virtute
generandi patebunt. Sicut enim in nobis quaedam vivifica virtus in materia
corporali conspicitur qua homo formatur, sic in virgine altissimi virtus per
vivificantem spiritum pariter corpori insitam materiam carnis ex virgineo
corpore ad formandum novum hominem assumpsit : unde sequitur ideoque et quod
nascetur ex te sanctum. Athanasius.
Profitemur enim quoniam naturae humanae assumptum ex Maria corpus
verissimum extitit, et idem secundum naturam corpori nostro : soror namque
nostra Maria est, cum omnes ab Adam descenderimus. Basilius
Lib. de Spir. s. Unde et Paulus dicit quoniam misit Deus filium suum natum
non per mulierem, sed ex muliere. Nam hoc quod dico : per mulierem,
transituram poterat indicare nativitatis sententiam; quod autem dicitur ex muliere,
manifestat communionem naturae geniti respectu parentis. Gregorius
Moralium. Ad distinctionem autem nostrae sanctitatis, Iesus singulariter
sanctus nasciturus asseritur : nos quippe etsi sancti efficimur, non tamen
nascimur, quia ipsa naturae corruptibilis cognatione constringimur : ille
autem solus veraciter sanctus natus est qui ex coniunctione carnalis copulae
conceptus non est; qui non, sicut haereticus desipit, alter in humanitate,
alter in deitate est; ut purus homo conceptus atque editus, et post per
meritum ut Deus esset accepit : sed nuntiante Angelo, et adveniente spiritu,
mox verbum in utero, mox intra uterum verbum caro : unde sequitur vocabitur
filius Dei. Theophylactus.
Vide quomodo sanctam Trinitatem declaravit, non solum spiritum sanctum
commemorans, sed et virtutem, idest filium, et altissimum, scilicet patrem. |
Versets 34, 35.
— S. Ambroise : Marie ne devait point refuser de croire aux paroles de l’ange, elle ne devait point non plus accepter témérairement les prérogatives divines qu’il lui annonçait. [Que fait-elle ?] « Or, Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il ? » question bien plus mesurée que celle du prêtre Zacharie. « Comment cela se fera-t-il ? » demande Marie; « à quoi connaîtrai-je la vérité de ce que vous m’annoncez ? » dit Zacharie. Il refuse donc de croire ce qu’il déclare ne pas comprendre, et il demande pour appuyer sa foi d’autres motifs de crédibilité. Marie, au contraire, se rend aux paroles de l’ange, elle ne doute nullement de leur accomplissement, elle n’est inquiète que de la manière dont elles s’accompliront. Elle avait lu [dans les prophètes] : « Voici qu’une vierge concevra et enfantera un fils, » elle croit donc à l’accomplissement de cette prophétie; mais elle n’avait pas lu comment elle s’accomplirait, car Dieu ne l’avait pas révélé même au premier des prophètes; ce n’était pas à un homme, mais à un ange, qu’il était réservé de faire connaître un si grand mystère. — S. Grégoire de Nysse : (disc. sur la Nativ. du Seig.) Considérez encore les paroles de cette Vierge si pure. L’ange lui prédit qu’elle enfantera, elle s’attache à sa virginité, la conservation de sa chasteté est à ses yeux d’un plus grand prix que l’apparition miraculeuse de l’ange. Aussi elle dit : « Je ne connais point d’homme. » — S. Basile : (Chronique des Pères grecs.) Le mot connaître a plusieurs sens. On appelle connaissance, la science de Dieu notre créateur, la notion que nous avons de ses perfections et des voies qui mènent à lui, l’observation de ses commandements, et aussi les rapports des époux entre eux, et c’est dans ce dernier sens qu’il faut l’entendre ici. — S. Grégoire de Nysse : (comme précéd.) Ces paroles de Marie nous dévoilent les pensées les plus intimes de son âme; car si elle avait voulu épouser Joseph pour l’union physique propre au mariage, pourquoi cet étonnement, lorsqu’on lui parle de conception ? puisqu’elle pouvait s’attendre à devenir mère un jour selon les lois de la nature. Mais il fallait conserver dans toute sa pureté ce chaste corps qui avait été offert à Dieu comme une chose sacrée, aussi dit-elle à l’ange : « Je ne connais point d’homme. » Comme si elle lui disait : Vous êtes un ange, cependant c’est pour vous chose naturellement impossible, à savoir que je ne connais point d’homme; comment donc deviendrai-je mère sans avoir d’époux, puisque je reconnais Joseph pour mon époux ? Commentaire grec : (ou Géom., Chronique des Pères grecs) Considérez comment l’ange lève le doute de la Vierge, et lui explique la chaste union et l’enfantement ineffable [qui doit la suivre] : « Et l’ange lui répondit : L’Esprit saint surviendra en vous. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 49 sur la Genèse.) Ne semble-t-il pas lui dire : Ne cherchez pas les lois de la nature, là où la nature est dépassée par la sublimité des choses que je vous annonce ? Vous dites : « Comment cela se fera-t-il, parce que je ne connais point d’homme ? » Et c’est justement parce que vous n’avez pas connu votre époux, que ce mystère doit s’accomplir en vous; car si vous aviez connu un homme, Vous n’en auriez pas été jugée digne; non pas, sans doute, que le mariage soit une chose profane aux yeux de Dieu, mais parce que la virginité lui est supérieure. Il convenait, en effet, que le Seigneur de tous les hommes eût avec nous, dans sa naissance, des rapports de conformité, comme aussi des traits de dissemblance. Il naît du sein d’une femme, et en cela il nous est semblable; mais il naît en dehors des lois des conceptions ordinaires, et par là il nous est supérieur. — S. Grégoire de Nysse : (comme précéd.) Bienheureux ce corps qui, par suite de l’incomparable pureté de la Vierge Marie, a mérité, semble-t-il, d’être intimement uni à l’Esprit saint; dans les autres, à peine si une âme pure mérite la présence de ce divin esprit; ici c’est la chair elle-même qui devient son tabernacle. (Et dans le liv. de la vie de Moïse ou de la vie parf.) Ces tables de notre nature que le péché avait brisées, le vrai législateur les taille et les façonne de nouveau avec notre terre; il prend, sans union charnelle, un corps capable d’être uni à sa divinité, et que le doigt de Dieu lui-même a sculpté, c’est-à-dire l’Esprit saint qui est survenu dans la Vierge. — S. Jean Chrysostome : (Dans le disc. sur la nativ. du Christ.) « Et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. » La vertu du Très-Haut c’est le Christ lui-même qui est formé dans le sein de Marie par la venue de l’Esprit saint. — S. Grégoire : (Moral., 18, 12.) Ces paroles : « Vous couvrira de son ombre, » signifient les deux natures du Dieu incarné; car l’ombre est le résultat de la lumière et de l’interposition d’un corps. Or, le Seigneur est lumière par sa divinité, et comme cette lumière incorporelle devait se revêtir d’un corps dans le sein de Marie, l’ange lui dit avec raison : « La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, » c’est-à-dire le corps de l’humanité qui est en vous recevra la lumière incorporelle de la divinité. Ces paroles peuvent aussi s’entendre des consolations célestes que Dieu devait répandre dans son âme. — S. Bède : Ce n’est donc point par le concours de l’homme que vous n’avez jamais connu, que vous concevrez, mais par l’opération de l’Esprit saint dont vous serez toute remplie, et vous demeurerez inaccessible aux ardeurs de la concupiscence, parce que le Saint-Esprit vous couvrira de son ombre. — S.
Grégoire de Nysse : (comme précéd.) « La
vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. » L’ombre d’un corps est produite par un objet préexistant, et reçoit
de lui sa forme, ainsi les preuves de la divinité de son Fils éclateront dans
la vertu miraculeuse de sa génération. Car de même que la matière corporelle
qui est en nous possède une vertu vivifiante qui sert à former l’homme, ainsi
la vertu du Très-Haut, par l’opération de l’Esprit vivificateur, a pris dans
le corps virginal de Marie la partie de matière qui devait servir à former
l’homme nouveau. C’est ce qu’indiquent les paroles suivantes : « C’est
pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous,…» — S. Athanase : (lettre contre les hérétiq. à Epict.) Nous faisons profession de croire que le corps du Sauveur, formé des éléments matériels de la nature humaine, a été un véritable corps, de même nature que le nôtre; car Marie est notre soeur, puisque tous, comme elle, nous sommes descendus d’Adam. — S. Basile : (de l’Esprit saint, chap. 5.) Voilà pourquoi saint Paul dit : Dieu a envoyé son Fils né d’une femme, il ne dit point par le moyen d’une femme, mais d’une femme; car cette expression « par une femme » aurait pu donner l’idée d’une génération qui ne serait qu’un passage, tandis que ces paroles « né d’une femme » établissent clairement l’identité de nature entre le fils et la mère. — S. Grégoire : (Mor.,
18, 27.) L’ange déclare que Jésus sera saint dès sa naissance, mais d’une
sainteté toute différente de la nôtre. En effet, nous pouvons acquérir la
sainteté; mais nous ne la possédons pas dès notre naissance, enchaînés que
nous sommes dans les liens d’une nature sujette à la corruption, [ce qui nous
fait dire avec le prophète (Ps 50)
: « Voilà que j’ai été conçu dans l’iniquité, »]. Celui-là seul est
véritablement saint, dont la conception n’est pas la suite d’une union
charnelle; qui n’est point autre dans son humanité, autre dans sa divinité,
comme l’imaginent les hérétiques, qui n’a point commencé par être simplement
un homme dans sa conception, dans sa naissance, et mérité ensuite de devenir
Dieu; mais qui, aussitôt que l’ange eut parlé, et que l’Esprit saint fut
survenu, fut le Verbe descendu dans le sein de Marie, et immédiatement le
Verbe fait chair dans ses chastes entrailles. C’est ce que prouvent les
paroles suivantes : « Il sera appelé le Fils de Dieu. » — Théophylacte (ou Commentaire grec) : : (ou Géom.) (Chronique des Pères grecs) Considérez comment l’ange, parlant à Marie, fait intervenir toute la Trinité, en mentionnant distinctement l’Esprit saint, le Verbe et le Très-Haut, c'est-à-dire le Père. |
Lectio 12 [85738] Catena in Lc., cap. 1 l. 12 Chrysostomus. Quoniam praecedens dictum superabat virginis mentem,
ad humiliora declinavit sermonem, per sensibilia ipsi suadens : unde dicit et
ecce Elisabeth cognata tua. Animadverte Gabrielis industriam : non memoravit
eam Sarae vel Rebeccae vel Rachelis, quia antiquiora erant exempla : sed
imminens factum inducit, ut eius mentem corroboret, et ob hoc et aetatem
commemoravit, cum dicit et ipsa concepit filium in senectute sua : et
defectum naturae, sequitur enim et hic mensis est sextus illi quae vocatur
sterilis. Non enim a principio conceptus Elisabeth statim annuntiavit, sed
acto sex mensium spatio, ut tumor ventris perhibeat argumentum. Gregorius
Nazianzenus. Sed quaeret aliquis : qualiter ad David Christus refertur?
Siquidem Maria de sanguine manavit Aaron, cuius cognatam Angelus Elisabeth
asseruit. Sed hoc nutu superno contingit ut regium genus sacerdotali stirpi
iungeretur, ut Christus qui rex est et sacerdos, ab utrisque secundum carnem
nasceretur. Legitur etiam in Exodo, quoniam Aaron primus secundum legem
sacerdos duxit ex tribu Iudae coniugem Elisabeth filiam Aminadab; et attende
sacratissimam spiritus administrationem, dum et hanc Zachariae coniugem
statuit Elisabeth vocari, reducens nos ad illam Elisabeth quam duxerat Aaron.
Beda.
Sic ergo, ne virgo se parere posse diffidat, accepit exemplum sterilis
anus pariturae, ut discat omnia Deo possibilia esse, etiam quae naturae
ordini videntur esse contraria : unde sequitur quia non erit impossibile apud
Deum omne verbum. Chrysostomus.
Ipse namque cum sit naturae dominus, cuncta potest cum velit, qui cuncta
peragit et disponit, vitae mortisque lora gubernans. Augustinus
contra Faustum. Quisquis autem dicit : si omnipotens Deus est, faciat ut
ea quae facta sunt, facta non fuerint : non percipit se dicere ut ea quae
vera sunt, eo ipso quod vera sunt, falsa sint. Potest enim facere quod
aliquid non sit quod erat : velut cum aliquem qui coepit esse nascendo,
faciat non esse moriendo. Quis autem dicat ut id quod iam non est, faciat non
esse? Quidquid enim praeteritum est, iam non est; si de ipso fieri aliquid
potest, adhuc est de quo fiat. Et si est, quomodo praeteritum est? Non ergo
est quod vere diximus fuisse; sed ideo verum est illud fuisse, quia in nostra
sententia verum est, non in ea re quae iam non est : hanc autem sententiam
Deus falsam facere non potest. Omnipotentem autem Deum non ita dicimus ac si
eum etiam mori posse credamus. Ille plane omnipotens vere solus dicitur qui
vere est, et a quo solo est quidquid aliquo modo est. Ambrosius.
Vide autem humilitatem virginis, vide devotionem : sequitur enim dixit
autem Maria : ecce ancilla domini. Ancillam se dicit quae mater eligitur, nec
repentino exaltata promisso est. Mitem enim humilemque paritura, humilitatem
debuit etiam ipsa praeferre : simul etiam ancillam se dicendo, nullam sibi
praerogativam tantae gratiae vindicavit, quin faceret quod iuberetur : unde
sequitur fiat mihi secundum verbum tuum. Habes obsequium, vide votum. Ecce
ancilla domini, apparatus officii est; fiat mihi secundum verbum tuum,
conceptus est voti. Eusebius.
Alius aliud quiddam in praesenti sermone virginis extollet apicibus; hic
quidem constantiam, hic obedientiae promptitudinem; alius quod non allecta
est tam splendidis et arduis per magnum Archangelum promissis pollicitis;
alius quod non excessit modum in dando instantias, sed aequaliter cavit et
Evae levitatem et Zachariae inobedientiam : mihi autem humilitatis
profunditas non minus conspicitur admiranda. Gregorius
Moralium. Per ineffabile namque sacramentum concepto sancto partu
inviolabili secundum veritatem utriusque naturae, eadem virgo ancilla domini
fuit et mater. Beda.
Accepto autem virginis consensu, mox Angelus caelestia repetit : unde
sequitur et discessit ab illa Angelus. Eusebius.
Non solum impetrans quod optabat, sed stupens in virginea forma, et
virtutis plenitudine. |
Versets 36-38.
— S. Jean Chrysostome : (Hom. 49 sur la Genèse.) Le langage que l’ange avait tenu jusqu’alors à la Vierge était au-dessus de son intelligence; il descend donc à des choses plus accessibles, et cherche à la persuader par des faits sensibles : « Et voici qu’Elisabeth, votre cousine. » Remarquez l’à propos de ces paroles. Gabriel ne rappelle pas à Marie les exemples de Sara, ou de Rébecca, ou de Rachel, ils étaient trop anciens; il lui cite un fait tout récent, pour produire en elle une conviction assurée. Dans ce même dessein il fait ressortir aussi l’âge : « Elle a conçu aussi elle-même un fils dans sa vieillesse, » et l’impuissance de la nature quand il ajoute : « Et c’est ici le sixième mois pour elle qu’on disait stérile, ». Il ne lui a point appris dès le commencement la conception d’Elisabeth, mais après six mois écoulés, afin que les signes visibles de sa grossesse fussent une preuve de la vérité de ses paroles. — S. Grégoire : de Naz. (Chronique des Pères grecs, de ses poésies.) Vous me demanderez peut-être : Comment le Christ descend-il de David ? Marie est évidemment de la famille d’Aaron, puisqu’au dire de l’ange, elle est la cousine d’Elisabeth ; il faut voir ici l’effet d’un dessein providentiel [de Dieu], qui voulait unir le sang royal à la race sacerdotale, afin que Jésus-Christ, qui est à la fois prêtre et roi, eût aussi pour ancêtres, selon la chair, les prêtres et les rois. Nous lisons aussi dans l’Exode, qu’Aaron a pris, dans la tribu de Juda, une épouse du nom d’Elisabeth, fille d’Aminadab. Et voyez combien est admirable la conduite providentielle de l’Esprit de Dieu, en permettant que l’épouse de Zacharie s’appelât aussi Elizabeth, pour nous rappeler ainsi l’épouse d’Aaron qui portait également ce nom d’Elisabeth. — S. Bède : Pour faire disparaître toute défiance dans l’esprit de la Vierge sur la vérité de son enfantement, l’ange lui cite l’exemple d’une femme stérile qui enfantera dans sa vieillesse, elle apprendra ainsi que tout est possible à Dieu, même ce qui paraît le plus contraire aux lois de la nature; car, ajoute-t-il : « Rien ne sera impossible à Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Il est le souverain Maître de la nature, il peut donc tout ce qu’il veut, lui qui fait et dispose toutes choses, et qui tient dans ses mains les rênes de la vie et de la mort. — S. Augustin : (contr. Faust., 26, 5.) Il en est qui tiennent ce langage : Si Dieu est tout-puissant, qu’il fasse que les choses qui ont existé n’aient pas existé. Ils ne voient pas que ce langage revient à dire : Qu’il fasse que les choses qui sont vraies, par là même qu’elles sont vraies soient fausses. Dieu sans doute peut faire que ce qui existait n’existe plus, c’est ainsi que par un acte de sa puissance, celui qui a reçu l’existence en naissant, la perd en mourant. Mais qui pourra dire que Dieu ôte l’existence à ce qui ne l’a déjà plus ? Car tout ce qui est passé a déjà cessé d’exister; si dans ce qui est passé il y a encore quelques éléments d’existence, ces éléments existent réellement, et s’ils existent, comment sont-ils passés ? Quand nous affirmons en vérité qu’une chose a existé, elle n’existe donc plus, elle existe dans notre pensée et non dans la chose elle-même qui a cessé d’être; or Dieu ne peut faire que cette affirmation soit fausse. Nous disons que Dieu est tout-puissant, mais non pas dans ce sens que nous pensions qu’il puisse mourir. Celui-là seul peut être appelé sans restriction tout-puissant, qui existe véritablement et de qui seul tout ce qui existe reçoit l’être et la vie. — S. Ambroise : Voyez l’humilité de la Vierge, voyez sa religion : « Alors Marie lui dit : Voici la servante du Seigneur. » Elle se proclame la servante du Seigneur, elle qui est choisie pour être sa mère; elle ne conçoit aucun orgueil d’une promesse aussi inespérée; elle devait enfanter celui qui est doux, humble par excellence, elle devait elle-même donner l’exemple de l’humilité. En se proclamant d’ailleurs la servante du Seigneur, elle ne s’attribue d’autre part dans cette grâce si extraordinaire, que de faire ce qui lui était ordonné; c’est pour cela qu’elle ajoute : « Qu’il me soit fait selon votre parole » ; vous avez vu son obéissance, vous voyez la disposition de son coeur : « Voici la servante du Seigneur» ; c’est la préparation à remplir son devoir : « Qu’il me soit fait selon votre parole, » c’est l’expression de son désir. — Eusèbe : (ou Géom., Chronique des Pères grecs) Chacun célébrera à sa manière les vertus qui éclatent dans ces paroles de la Vierge; l’un admirera son assurance, l’autre la promptitude avec laquelle elle obéit, un autre qu’elle n’ait point été éblouie par les promesses magnifiques et sublimes du premier des archanges, un autre enfin qu’elle n’ait point porté trop loin la résistance; elle s’est tenue également en garde et contre la légèreté d’Eve et contre la désobéissance de Zacharie. Pour moi, sa profonde humilité ne me paraît pas moins digne d’admiration. — S. Grégoire : Par un mystère vraiment ineffable, la même Vierge dut à une conception sainte et à un enfantement virginal d’être la servante du Seigneur, et sa mère selon la vérité, des deux natures. — S.
Bède : Aussitôt que l’ange a obtenu le consentement
de la Vierge, il remonte vers les cieux : « Et l’ange s’éloigna
d’elle. » — Eusèbe : (vel Geometer, ubi sup.) Il la quitte non seulement satisfait d’avoir obtenu ce qu’il désirait, mais plein d’admiration pour la perfection de cette divine Vierge et pour la sublimité de sa vertu. |
Lectio 13 [85739] Catena in Lc., cap. 1 l. 13 Ambrosius. Angelus cum abscondita nuntiaret, ut fides astrueretur,
exemplo feminae sterilis conceptum virgini nuntiavit. Ubi hoc audivit Maria,
non quasi incredula de oraculo, nec quasi incerta de nuntio, nec quasi
dubitans de exemplo; sed quasi laeta pro voto, religiosa pro officio, festina
prae gaudio in Origenes in Lucam. Iesus enim, qui in utero illius erat, festinabat
adhuc in ventre matris Ioannem positum sanctificare : unde sequitur cum
festinatione. Ambrosius.
Nescit tarda molimina spiritus sancti gratia. Discite, virgines, non
circumcursare per alienas aedes, non demorari in plateis, non aliquos in
publico miscere sermones. Theophylactus.
Propter hoc abiit in montana, quia Zacharias in montanis habitabat, unde
sequitur in civitatem Iuda, et intravit in domum Zachariae. Ambrosius.
Discite vos, sanctae mulieres, sedulitatem, quam praegnantibus debeatis
exhibere cognatis. Mariam autem quae sola in intimis penetralibus versabatur,
non a publico virginitatis pudor, non a studio asperitas montium, non ab officio
prolixitas itineris retardavit. Discite etiam, virgines, humilitatem Mariae :
venit propinqua ad proximam, iunior ad seniorem; nec solum venit, sed et
prior salutavit : unde sequitur et salutavit Elisabeth. Decet enim ut quanto castior virgo, tanto humilior sit, noveritque
deferre senioribus. Sit magistra humilitatis in qua est professio castitatis.
Est etiam causa pietatis : quia superior venit ad inferiorem, ut inferior
adiuvetur; Maria ad Elisabeth; Christus ad Ioannem. Chrysostomus
super Matth. Vel aliter celabat quae supra dicta sunt in se virgo, nec
cuiquam hominum pandit : non enim credebat ab aliis posse fidem adhiberi
mirandis relatibus; immo magis putabat se pati convicia si diceret, quasi
volens scelus proprium palliare. Graecus.
Ad solam autem refugit Elisabeth : sic enim consueverat propter
cognationem, et propter ceteram huiusmodi coniunctionem. Ambrosius.
Cito autem adventus Mariae, et praesentiae dominicae beneficia declarantur
: nam sequitur et factum est, ut audivit salutationem Mariae Elisabeth,
exultavit infans in utero eius. Vide distinctionem, singulorumque verborum
proprietates. Vocem prior Elisabeth audivit, sed Ioannes prior gratiam
sensit; illa naturae ordine audivit, iste exultavit ratione mysterii; illa
Mariae, iste domini sensit adventum. Graecus.
Propheta enim parente acutius videt et audit, salutatque prophetatum; sed
quoniam verbis non poterat, saltat in utero; quod maximum existit in gaudio.
Quis unquam novit tripudium nativitate antiquius? Insinuavit gratia quae
naturae ignota extiterant; reclusus ventre miles agnovit dominum ac regem
oriturum, ventris tegmine non obstante mysticae visioni : inspexit enim non
palpebris, sed spiritu. Origenes.
Non autem antea repletus fuerat spiritu donec assisteret quae Christum
gerebat in utero; tunc autem et spiritu erat plenus, et resultabat in parente
: unde sequitur et repleta est spiritu sancto Elisabeth. Non autem dubium est
quin quae tunc repleta est spiritu sancto, propter filium sit repleta. Ambrosius.
Illa autem quae se occultaverat et conceperat filium, iactare se coepit,
quia gerebat prophetam; et quae erubescebat ante, benedicit : unde sequitur
et exclamavit voce magna, et dixit : benedicta tu inter mulieres. Magna voce
clamavit, ubi domini sensit adventum, quia religiosum credidit partum. Origenes.
Dicit autem benedicta tu inter mulieres : nulla enim unquam tantae fuit
gratiae particeps aut esse poterit; unius enim divini germinis parens est
unica. Beda.
Eadem autem voce ab Elisabeth qua a Gabriele benedicitur, quatenus et
Angelis et hominibus veneranda monstretur. Theophylactus.
Quia vero aliae sanctae mulieres fuerunt, quae tamen genuerunt filios
peccato inquinatos, subiungit et benedictus fructus ventris tui. Vel aliter
intelligitur. Dixerat benedicta tu inter mulieres; deinde quasi interrogante
aliquo, quare, subiungit et benedictus fructus ventris tui, sicut dicitur in
Psalmo 117, 26-27 : benedictus qui venit in nomine domini, Deus dominus, et
illuxit nobis. Consuevit enim sacra Scriptura et pro quia recipere. Origenes.
Fructum autem ventris Dei genitricis dominum dixit : quia nequaquam ex
viro, sed ex sola Maria processit : nam qui semen sumpserunt a patribus,
fructus eorum existunt. Graecus.
Solus ergo hic fructus benedictus : quia absque viro et absque peccato
producitur. Beda.
Iste est fructus, qui David promittitur : de fructu ventris tui ponam
super sedem tuam. Severus.
In qua parte emergit Eutychis redargutio, dum fructus ventris Christus asseritur ;
omnis enim fructus est eiusdem naturae cum planta : unde et virginem
relinquitur eiusdem fuisse naturae cum secundo Adam, qui tollit peccata
mundi. Sed et qui phantasticam opinionem de carne Christi confingunt, in vero
Dei genitricis partu erubescant; nam ipse fructus ex ipsa substantia procedit
arboris. Ubi sunt etiam dicentes, quasi per aquaeductum Christum transisse
per virginem? Advertant ex dictis Elisabeth, quam replevit spiritus, Christum
fructum fuisse ventris. Sequitur unde hoc mihi ut veniat mater domini mei ad
me? Ambrosius.
Non quasi ignorans dicit : scit enim esse sancti spiritus gratiam et
operationem, ut mater domini matrem prophetae ad profectum sui pignoris
salutet : sed quasi non humani hoc meriti, sed divinae gratiae munus esse cognoscat,
ita dicit unde hoc mihi : hoc est qua iustitia, quibus factis, pro quibus
meritis? Origenes.
Convenit autem hoc dicens cum filio; nam et Ioannes indignum se sentiebat
adventu Christi ad ipsum. Matrem autem domini nuncupat adhuc virginem existentem,
praeoccupans eventum ex dicto prophetico. Divina autem promissio duxerat
Mariam ad Elisabeth, ut Ioannis testimonium ab utero perveniret ad dominum;
ex tunc enim Ioannem dominus in prophetam constituit : unde sequitur ecce
enim, ut facta est vox salutationis tuae in auribus meis, exultavit infans in
utero meo. Augustinus
ad Dardanum. Hoc autem ut diceret, sicut Evangelista praelocutus est,
repleta est spiritu sancto; quo proculdubio revelante cognovit quid illa exultatio
significasset; idest, infantis illius venisse matrem, cuius ipse praecursor,
et demonstrator esset futurus. Potuit ergo esse ista significatio rei tantae
a maioribus cognoscendae, non a parvulo cognitae : non enim dixit : exultavit
in fide infans in utero meo, sed exultavit in gaudio. Videmus autem
exultationem non solum parvulorum, sed etiam pecorum : non utique de aliqua
fide vel religione, vel quacumque rationabili cognitione venientem. Sed haec
inusitata et nova extitit, quia in utero, et eius adventu quae omnium
salvatorem fuerat paritura. Ideo haec exultatio, et tamquam matri domini
reddita resalutatio, sicut solent miracula fieri, facta est divinitus in
infante, non humanitus ab infante; quamquam etiam si usque adeo in illo puero
est acceleratus usus rationis et voluntatis ut intra viscera materna iam
posset agnoscere, credere et consentire, etiam hoc in miraculis habendum
divinae potentiae, non ad humanae tradendum exemplar naturae. Origenes.
Venerat autem mater domini visura Elisabeth miraculosum conceptum, quem
retulerat Angelus, ut per hoc sequatur credulitas potioris ad virginem
manaturi : et ad hanc fidem facit sermo Elisabeth, dicentis et beata quae
credidisti, quoniam perficientur ea quae dicta sunt tibi a domino. Ambrosius.
Vides minime dubitasse Mariam, sed credidisse; et ideo fructum fidei
consecutam. Beda.
Nec mirum, si dominus redempturus mundum, operationem suam inchoavit a
matre; ut per quam salus omnibus parabatur, eadem prima fructum salutis
hauriret ex pignore. Ambrosius.
Sed et vos beati qui audivistis et credidistis : quaecumque enim
crediderit anima, et concipit et generat Dei verbum, et opera eius agnoscit.
Beda.
Omnis autem anima quae verbum Dei mente concepit, virtutum statim celsa
cacumina gressu conscendit amoris, quatenus civitatem Iuda, idest
confessionis et laudis arcem, penetrare, et usque ad perfectionem fidei, spei
et caritatis, quasi tribus in ea mensibus valeat commorari. Gregorius
super Ezech. Simul et de praeterito et de praesenti et de futuro per
prophetiae spiritum tacta est, quae et eam promissionibus Angeli credidisse
cognovit, et matrem nominans, quia redemptorem humani generis in utero
portaret, intellexit : et cum omnia perficienda praediceret, quid etiam de
futuro sequeretur aspexit. |
Versets 39-46.
— S. Ambroise : L’ange qui annonçait à Marie des choses aussi mystérieuses, lui donne pour affermir sa foi, l’exemple d’une femme stérile qui était devenue mère. A cette nouvelle, Marie s’en va vers les montagnes de Judée, non parce qu’elle ne croit point aux paroles de l’ange ou parce qu’elle n’est point certaine de la divinité de son message, non pas qu’elle doute de l’exemple qu’il lui donne ; non, c’est un saint désir qui la transporte, c’est un sentiment religieux du devoir qui la pousse, c’est une joie divine qui lui inspire cet empressement : « Marie partit en hâte et s’en alla dans les montagnes, ». Toute remplie de Dieu qu’elle est, où pourrait-elle diriger ses pas, si ce n’est vers les hauteurs. — Origène : (hom. 7.) Jésus qu’elle portait dans son sein, avait hâte lui-même d’aller sanctifier Jean-Baptiste, qui était encore dans le sein de sa mère : « Elle s’en alla en toute hâte, ». — S. Ambroise : La grâce de l’Esprit saint ne connaît ni lenteurs ni délais. Apprenez, ô vierges, à ne point circuler ni traîner sur les places publiques et à ne prendre aucune part aux conversations qui s’y tiennent. — Théophylacte : Elle va vers les montagnes, parce que c’est là qu’habitait Zacharie : « En une ville de Juda, et elle entra dans la maison de Zacharie. » — S. Ambroise : Apprenez aussi, femmes chrétiennes, les soins empressés que vous devez à vos parentes, lorsqu’elles sont sur le point d’être mères. Voyez Marie, elle vivait seule auparavant dans une profonde retraite, aujourd’hui ni la pudeur naturelle aux vierges ne l’empêche de paraître en public, ni les montagnes escarpées n’arrêtent son zèle, ni la longueur du chemin ne lui fait retarder le bon office qu’elle va rendre à sa cousine. Vierges, apprenez encore quelle fut l’humilité de Marie. Elle vient vers sa parente, elle vient, elle la plus jeune, visiter celle qui est plus âgée, et non seulement elle la prévient, mais elle la salue aussi la première : « Et elle salue Elisabeth. » En effet, plus une vierge est chaste, plus aussi son humilité doit être grande, plus elle doit avoir de déférence pour les personnes plus âgées; celle qui fait profession de chasteté, doit aussi être maîtresse en humilité. Il y a encore ici un motif de charité, le supérieur vient trouver son inférieur pour lui venir en aide, Marie vient visiter Elisabeth, Jésus-Christ, Jean-Baptiste. — S. Jean Chrysostome : (sur. Matth., hom. 4.) Disons encore que la Vierge Marie cachait avec soin ce que l’ange lui avait dit, et ne le découvrait à personne; elle savait qu’on n’ajouterait point foi à un récit aussi merveilleux, et elle craignait qu’il ne lui attirât des outrages, si elle en parlait, et qu’on ne l’accusât de vouloir ainsi pallier son crime et son déshonneur. — Commentaire grec. : (Géom., comme précéd.) C’est près d’Elisabeth seule qu’elle va se réfugier; elle avait coutume d’en agir ainsi à cause de sa parenté qui les unissait, et plus encore à cause de la conformité de leurs sentiments et de leurs moeurs. — S. Ambroise : Les bienfaits de l’arrivée de Marie et de la présence du Seigneur se font immédiatement sentir : « Aussitôt qu’Elisabeth eut entendu la voix de Marie qui la saluait, son enfant tressaillit dans son sein, ». Remarquez ici la différence et la propriété de chacune des paroles de l’auteur sacré. Elisabeth entendit la voix la première, mais Jean ressentit le premier l’effet de la grâce; elle entendit d’après l’ordre naturel, mais Jean tressaillit par suite d’une action toute mystérieuse; l’arrivée de Marie se fait sentir à Elisabeth, la venue du Seigneur à Jean-Baptiste. — Commentaire grec : (ou Géom., comme précéd.) Le prophète voit et entend plus clairement que sa mère, il salue le prince des prophètes, et au défaut de la parole qui lui manque, il tressaille dans le sein de sa mère (ce qui est le signe le plus expressif de la joie); mais qui jamais a ressenti ces tressaillements de la joie avant sa naissance ? La grâce produit, des effets inconnus à la nature : le soldat renfermé dans les entrailles de sa mère reconnaît son Seigneur et son roi dont la naissance approche, l’enveloppe du sein maternel n’est point un obstacle à cette vision mystérieuse; car il le voit non des yeux ou du corps, mais des yeux de l’âme. — Origène : (Chronique des Pères grecs) Il ne fut pas rempli de l’Esprit saint avant l’arrivée de celle qui portait Jésus-Christ dans son sein, et c’est au même instant qu’il en fut rempli et qu’il tressaillit dans les entrailles de sa mère : « Et Elisabeth fut remplie de l’Esprit saint. » Nul doute qu’Elizabeth n’ait dû à son fils d’avoir été elle-même remplie de l’Esprit saint. — S. Ambroise : Elisabeth s’était dérobée aux regards du monde du moment qu’elle avait conçu un fils, elle commence à se réjouir publiquement de porter dans son sein un prophète; elle éprouvait alors une espèce de honte, maintenant elle bénit Dieu : « Et s’écriant à haute voix, elle dit : Vous êtes bénie entre toutes les femmes, » elle s’écrie à haute voix, aussitôt qu’elle ressent l’arrivée du Seigneur, parce qu’elle crut à la divinité de l’enfantement de Marie. — Origène : (Ch. des Pèr. qr.) Elle lui dit « Vous êtes bénie entre toutes les femmes »; elle est la seule qui ait reçu et qui ait pu recevoir une si grande abondance de grâce, car elle seule est la mère d’un enfant divin. — S. Bède : Elisabeth la bénit dans les mêmes termes que l’ange Gabriel, pour montrer qu’elle est digne de la vénération des anges et des hommes. —
Théophylacte : Mais les siècles précédents avaient
vu d’autres saintes femmes qui ont donné le jour à des enfants souillés par
le péché; elle ajoute donc : « Et le fruit de vos entrailles est
béni. » Ou dans un autre sens elle venait de dire : « Vous
êtes bénie entre toutes les femmes » ; elle en donne maintenant
la raison comme si quelqu’un la lui demandait : « Et le fruit de vos
entrailles est béni, », c’est
ainsi que nous lisons dans le psaume 117 : « Béni soit celui qui
vient au nom du Seigneur. Le Seigneur est le vrai Dieu, et il a fait paraître
sa lumière sur nous, » car suivant l’usage de l’Écriture, et a le même sens que parce que. — Origène : Elle appelle le Seigneur le fruit des entrailles de la mère de Dieu, parce qu’il n’a point un homme pour père, et qu’il est né de Marie seule, car ceux qui sont nés d’un père mortel, sont considérés comme ses fruits. — Commentaire grec. : (ou Géom.) C’est donc ici le seul fruit vraiment béni, parce qu’il a été produit sans le concours de l’homme et l’influence du péché. — S. Bède : C’est ce fruit que Dieu promettait à David en ces termes : « J’établirai sur votre trône le fruit de vos entrailles. » — Eusèbe : Le Christ est le fruit des entrailles de Marie, cette vérité suffit pour détruire l’hérésie d’Eutychès : car tout fruit est de même nature que la plante; c’est ainsi que la Vierge est donc de même nature que le nouvel Adam qui vient effacer les péchés du monde. Que ceux qui se forment l’idée d’une chair fantastique en Jésus-Christ, rougissent de leur opinion en considérant l’enfantement véritable de la mère de Dieu, car le fruit provient de la substance même de l’arbre. Où sont encore ceux qui osent dire que le Christ n’a fait que passer dans la Vierge comme par un canal. Qu’ils apprennent de ces paroles d’Elisabeth remplie de l’Esprit saint, que le Sauveur est le fruit des entrailles de Marie. « D’où
me vient que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? » — S. Ambroise : Ce n’est point par ignorance qu’elle parle ainsi, elle sait en effet que c’est la grâce et l’action de l’Esprit saint qui ont porté la mère du Seigneur à venir saluer la mère du prophète pour la sanctification de son enfant, mais elle reconnaît hautement qu’humainement elle n’a pu mériter cette grâce, et que c’est un don purement gratuit de la miséricorde divine : « D’où me vient cet honneur ? » c’est-à-dire, à quelles oeuvres de justice, à quelles actions, à quelles vertus en suis-je redevable ? — Origène : (Chronique des Pères grecs) Elisabeth partage ici les sentiments de son fils, car Jean lui-même se sentait indigne que Jésus-Christ descendît jusqu’à lui. En proclamant mère du Seigneur Marie, qui était vierge, elle anticipe sur l’événement par une inspiration prophétique. C’est une disposition toute providentielle qui conduit Marie chez Elisabeth, pour que Jean-Baptiste, encore dans le sein de sa mère, rende témoignage au Seigneur, car dès lors le Sauveur investit Jean-Baptiste du titre de prophète, comme l’expliquent les paroles suivantes : « Votre voix, aussitôt que vous m’avez saluée, n’a pas plutôt frappé mes oreilles, que l’enfant a tressailli de joie dans mon sein. » — S. Augustin : (à Dardanus, lett. 57.) Pour parler ainsi, comme l’Évangéliste le déclare, Elisabeth a été remplie de l’Esprit saint, et c’est lui, sans aucun doute, qui lui a révélé la signification de ce tressaillement mystérieux de son enfant, tressaillement qui lui annonçait la venue de la mère d’un enfant qui devait être le Précurseur et le héraut. L’explication d’un si grand mystère a pu être connue des personnes plus âgées, comme Marie et Elisabeth, sans l’être de l’enfant lui-même; car Elisabeth ne dit point : L’enfant a tressailli dans mon sein par un mouvement de foi, mais « a tressailli de joie. » Nous voyons tous les jours tressaillir, non seulement des enfants, mais même des animaux, sans que ni la foi, ni la religion, ni aucune cause intelligente y aient la moindre part; mais ici le tressaillement est extraordinaire et d’un genre tout nouveau, parce qu’il se produit dans le sein d’Elisabeth, et à l’arrivée de celle qui devait enfanter le Sauveur de tous les hommes. Ce tressaillement donc, qui fut comme le salut rendu à la mère du Seigneur, a eu pour cause, comme tous les miracles, un acte de la puissance divine dans cet enfant, et non un mouvement naturel de l’enfant lui-même. Et alors même qu’on admettrait dans cet enfant un usage prématuré de la raison et de la volonté qui aurait pu lui permettre, dès le sein de sa mère, un sentiment de connaissance, de foi, de sympathie, on devrait l’attribuer à un miracle de la puissance divine, et non à une simple action des lois naturelles. — Origène
: (Chronique des Pères grecs) La mère du Sauveur
était venu visiter Elisabeth, pour voir la conception miraculeuse que l’ange
lui avait annoncée, et s’affermir ainsi dans la foi au miracle bien plus
surprenant dont une vierge devait être l’objet. C’est cette foi qu’Elisabeth
célèbre par ces paroles : « Et
vous êtes bienheureuse d’avoir cru, parce que les choses qui vous ont été
dites de la part du Seigneur s’accompliront en vous. » — S. Ambroise : Vous le voyez, Marie n’a nullement douté, mais elle a cru, et a recueilli le fruit de sa foi. — S. Bède : Rien d’étonnant si le Seigneur, Rédempteur du monde, commence par sa mère l’oeuvre de sa rédemption; c’est par elle que le salut devait être donné à tous les hommes, il était juste qu’elle reçût la première le fruit du salut de l’enfant qu’elle portait dans son sein. — S. Ambroise : Bienheureux vous aussi qui avez entendu et qui avez cru; car toute âme qui croit, conçoit et engendre le Fils de Dieu, et mérite de connaître ses oeuvres. — S. Bède : Toute âme aussi qui a conçu le Verbe de Dieu, monte aussitôt par les pas de l’amour jusqu’aux sommets les plus élevés des vertus, pénètre dans la ville de Juda, c’est-à-dire dans la citadelle de la louange et de la joie, et y demeure comme pendant trois mois dans la pratique parfaite de la foi, de l’espérance et de la charité. — S.
Grégoire : (sur Ezech., hom. 4.) L’inspiration prophétique d’Elisabeth s’étendit à la fois au passé,
au présent et à l’avenir. Elle connut que Marie avait ajouté foi aux
promesses de l’ange; en la proclamant mère du Seigneur, elle comprit qu’elle
portait dans son sein le Rédempteur du genre humain; et en prophétisant tout
ce qui devait s’accomplir en elle, elle plongea son regard jusque dans les
profondeurs de l’avenir. |
Lectio 14 [85740] Catena in Lc., cap. 1 l. 14 Ambrosius.
Sicut peccatum a mulieribus coepit, ita et bona a mulieribus inchoantur :
unde non otiosum videtur quod et ante Ioannem Elisabeth prophetizat, et Maria
ante domini generationem. Sequitur autem ut Mariae
quo persona melior, eo prophetia sit plenior. Basilius. Virgo enim intentione sublimi ac speculatione profunda
immensitatem contemplans mysterii, quasi profundius gradiens, magnificat Deum
: unde dicitur et ait Maria : magnificat anima mea dominum. Graecus. Quasi diceret : mirabilia quae Deus praenuntiavit, in meo
corpore exercebit; sed anima mea infructuosa apud Deum non erit. Convenit
autem mihi et voluntatis fructum afferre : nam quantum amplo doceor miraculo,
tantum teneor glorificare in me mirabilia operantem. Origenes
in Lucam. Si autem dominus nec augmentum nec detrimentum recipere potest;
quid est quod Maria loquitur magnificat anima mea dominum? Sed si considerem
dominum salvatorem imaginem esse invisibilis Dei, et animam factam ad eius
imaginem, ut sit imago imaginis : tunc videbo quoniam, in exemplo eorum qui
solent imagines pingere, quando magnificavero animam meam opere, cogitatione,
sermone, tunc imago Dei grandis efficitur, et ipse dominus, cuius imago est
in anima mea, magnificatur. Lectio 15 [85741] Catena in Lc., cap. 1 l. 15 Basilius.
Primus spiritus fructus est pax et gaudium. Quia ergo virgo sancta totam
sibi hauserat spiritus gratiam, merito subiungit et exultavit spiritus meus
in Deo salutari meo. Idem animam dicit et spiritum. Consueta autem in
Scripturis exultationis prolatio insinuat alacrem quemdam et iocosum habitum
animae in his qui digni sunt. Proinde virgo exultat in domino ineffabili
cordis tripudio et resultatione in strepitu honesti affectus. Sequitur in Deo
salutari meo. Beda.
Quia eiusdem Iesu, idest salvatoris, spiritus virginis aeterna divinitate
laetatur, cuius caro temporali conceptione foetatur. Ambrosius.
Magnificat ergo anima Mariae dominum, et exultat spiritus eius in Deo : eo
quod anima et spiritu patri filioque devota, unum Deum, per quem omnia, pio
veneratur affectu. Sit autem in singulis Mariae anima, ut magnificet dominum,
sit in singulis spiritus Mariae, ut exultet in domino. Si secundum carnem una
mater est Christi, secundum fidem tamen omnium fructus est Christus : omnis
enim anima accipit Dei verbum; si tamen immaculata et immunis a vitiis sit,
et intemerato castimoniam pudore custodiat. Theophylactus.
Ille autem Deum magnificat, qui digne sequitur Christum, et dum
Christianus vocatur, Christi non minuit dignitatem, magna et caelestia operando;
et tunc spiritus eius, idest spirituale chrisma exultabit, idest proficiet,
et non mortificabitur. Basilius.
Si quando vero lux in cor suum irrepserit, et ad Deum diligendum, et
contemnenda corporea per illam obscuram et brevem imaginem perfectam
perceperit iustorum conscientiam, absque ulla difficultate consequetur in
domino gaudium. Origenes.
Prius autem anima magnificat dominum, ut postea exultet in Deo : nisi enim
antea crediderimus, exultare non possumus. |
Verset 47.
« Alors Marie dit : Mon âme glorifie le Seigneur». — S. Ambroise : C’est par les femmes que le péché a commencé, c’est aussi par les femmes que commence la réparation du mal; aussi n’est-ce pas sans dessein qu’Elisabeth prophétise avant Jean-Baptiste, et Marie avant la naissance du Seigneur; mais il s’ensuit que la prophétie de Marie est d’autant plus parfaite qu’elle est elle-même plus élevée en dignité. — S. Basile : (Ch. des Pèr, gr., explic. du Ps 33.) Cette Vierge sainte, guidée par une inspiration sublime et une vue profonde, contemple l’immense étendue de ce mystère, et pénétrant plus avant dans ses profondeurs, elle rend gloire à Dieu : « et Marie dit : Mon âme glorifie le Seigneur. » — Commentaire grec : : (Athanas., Chronique des Pères grecs) — Elle semble dire : Le mystère étonnant que Dieu a prédit, c’est dans mon corps qu’il doit l’opérer, mais mon âme ne peut rester stérile devant lui. Il faut que je lui offre le fruit de ma volonté, car plus est grand le miracle dont je suis l’objet, plus aussi je dois glorifier l’auteur de toutes ces merveilles. — Origène : (hom. 8.) Puisque le Seigneur ne peut ni recevoir aucun accroissement, ni souffrir aucune diminution, que signifient ces paroles de Marie : « Mon âme exalte le Seigneur ? » Il nous faut considérer que le Dieu Sauveur est l’image du Dieu invisible, que notre âme a été faite à son image, et qu’elle est ainsi l’image de l’image; nous reconnaîtrons alors qu’à l’exemple des peintres qui reproduisent [sur la toile] les traits d’un visage, lorsque nous élevons notre âme par nos oeuvres, nos paroles, nos pensées, l’image de Dieu s’agrandit en nous, et le Seigneur lui-même, dont nous portons l’image dans notre âme, en reçoit comme une espèce d’agrandissement. « Et
mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sauveur ». — S.
Basile : (Sur
le Ps 32.) Le
premier fruit de l’Esprit c’est la paix et la joie. La Vierge sainte qui
avait reçu l’Esprit saint dans toute sa plénitude, ajoute avec raison : « Et mon esprit tressaille de joie en
Dieu mon sauveur. » L’âme et l’esprit sont ici une même chose.
L’Écriture sainte emploie ordinairement le mot de ravissement, [de
transport], pour exprimer dans les personnes qui en sont dignes, un état de
l’âme remplie de joie et d’allégresse. La Vierge est donc ravie dans le
Seigneur par un tressaillement ineffable de son coeur, et par le transport
d’une affection pure. « en Dieu
mon Sauveur. » — S. Bède : L’esprit de la sainte Vierge se réjouit de l’éternelle divinité de ce même Jésus (c’est-à-dire Sauveur) dont la chair est engendrée par une conception temporelle. — S. Ambroise : L’âme de Marie glorifie donc le Seigneur, et son esprit est ravi en Dieu son Sauveur, parce que toute dévouée par son âme et son esprit au Père et au Fils, elle honore d’un culte d’amour le Dieu unique, auteur de tout ce qui existe. Ayez donc tous l’âme de Marie pour glorifier le Seigneur, ayez tous son esprit pour être ravis de joie en Dieu votre Sauveur. Si selon la chair, il n’y a qu’une mère du Christ, selon la foi, Jésus est le fruit de tous les coeurs. Toute âme en effet reçoit le Verbe de Dieu, à la condition qu’elle soit pure, exempte de tout vice et qu’elle conserve sa chasteté sous la garde d’une pudeur inviolable. — Théophylacte : Celui-là glorifie Dieu, qui marche dignement à la suite de Jésus-Christ, qui porte le nom de chrétien sans laisser amoindrir en lui la dignité du Christ qu’il relève au contraire par des actions grandes et vraiment célestes; l’esprit, ou ce qui est la même chose, l’onction spirituelle, est comme ravi de joie, c’est-à-dire qu’il s’accroît de jour en jour et n’est point exposé à s’éteindre. — S. Basile : (comme précéd.) Si parfois je ne sais quelle lumière venant à pénétrer votre âme vous donne une connaissance subite de Dieu, et vous éclaire si pleinement qu’elle vous porte à aimer Dieu et à mépriser toutes les choses de la terre; que cette image si obscure encore et cette impression si rapide vous aident à comprendre l’état des justes qui trouvent en Dieu une joie toujours égale, toujours persévérante. — Origène : L’âme doit commencer par glorifier le Seigneur, avant d’être ravie en lui; car si nous n’avons pas d’abord la foi, nous ne pouvons pas nous réjouir. |
Lectio 16 [85742] Catena in Lc., cap. 1 l. 16 Graecus. Causam manifestat cur se magnificare Deum deceat ac
exultare in illo, dicens quia respexit humilitatem ancillae suae; quasi
diceret : ipse providit, non ego expectavi; humilibus eram contenta. Nunc
autem ad ineffabile consilium eligor, et exaltor de terra ad sidera. Augustinus. O vera humilitas, quae Deum hominibus peperit, vitam
mortalibus edidit, caelos innovavit, mundum purificavit, Paradisum aperuit,
et hominum animas liberavit. Facta est Mariae
humilitas scala caelestis, per quam Deus descendit ad terras. Quid enim est
dicere respexit, nisi approbavit? Multi enim videntur in conspectu hominum
humiles esse; sed eorum humilitas a domino non respicitur. Si enim veraciter
humiles essent Deumque ab hominibus non se laudari vellent; non in hoc mundo,
sed in Deo spiritus eorum exultaret. Origenes
in Lucam. Sed quid humile atque deiectum habebat quae Dei filium gestabat
in utero? Sed considera quoniam humilitas in Scripturis una de virtutibus
praedicatur, quae a philosophis atyphia, sive metriotis, dicitur. Sed et nos
eam possumus appellare quodam circuitu, cum aliquis non est inflatus, sed
ipse se deicit. Beda.
Cuius autem humilitas respicitur, recte beata ab omnibus cognominatur :
unde sequitur ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes. Athanasius.
Si enim secundum prophetam beati sunt qui habent semen in Sion, et
proximos in Ierusalem : quantum debet esse praeconium divinae ac sacrosanctae
virginis Mariae, quae secundum carnem verbi genitrix est effecta? Graecus.
Non autem se beatam appellat inani vexata gloria : unde enim focus in ipsa
superbiae, quae se ancillam domini nuncupavit? Sed sacro tacta spiritu quae futura sunt praescivit. Beda. Decebat enim ut, sicut per superbiam primi parentis mors in
mundum intravit, ita per humilitatem Mariae vitae introitus videretur. Theophylactus.
Et ideo dicit omnes generationes; non solum Elisabeth, sed etiam omnes
credentium nationes. |
Verset 48.
« Parce qu’il a regardé
l’humilité de sa servante, et désormais toutes les générations me diront
bienheureuse ». — Commentaire grec : (ou Isid., Chronique des Pères grecs) Marie fait connaître la cause de la gloire qu’elle rend à Dieu et de ses divins transports : « Parce qu’il a regardé l’humilité de sa servante, » c’est-à-dire : c’est lui qui le premier a jeté les yeux sur moi contre mon attente, j’étais contente de mon humble condition, et maintenant Dieu me choisit pour l’accomplissement d’un dessein vraiment ineffable, et m’élève de la terre aux cieux. — S. Augustin : (Serm. sur l’Assomp.) O véritable humilité qui a mérité d’enfanter un Dieu à la terre, de rendre la vie aux pauvres mortels, de renouveler les cieux, de purifier le monde, d’ouvrir le paradis, et de rendre à la liberté les âmes des hommes ! L’humilité de Marie est devenue comme une échelle céleste dont Dieu s’est servi pour descendre sur la terre. Car que signifient ces paroles : « Il a regardé », si ce n’est « il a approuvé » ? Il en est beaucoup qui paraissent humbles aux yeux des hommes, mais Dieu ne daigne pas jeter les regards sur leur humilité; car s’ils étaient sincèrement humbles, ils désireraient voir Dieu loué par tous les hommes, et leur esprit chercherait non dans ce monde, mais en Dieu ses transports et sa joie. — Origène : (hom. 8.) Mais qu’y avait-il donc de si humble et de si bas dans celle qui portait le Fils de Dieu dans son sein ? Il faut remarquer ici que l’humilité dans la sainte Écriture est la vertu à laquelle les philosophes donnent le nom de « ¢tufia », c'est-à-dire de modestie. Nous pouvons nous-mêmes la définir par une périphrase en disant qu’on est humble lorsqu’on n’est pas enflé d’orgueil, et qu’on s’abaisse volontairement. — S.
Bède : C’est parce que Dieu a daigné jeter les yeux
sur son humilité que tous la proclament bienheureuse : « Et désormais toutes les générations me diront
bienheureuse. » — S. Athanase : (Chronique des Pères grecs) Et en effet, si au dire du prophète (Is 31, selon les 70) ceux-là sont bienheureux qui ont des enfants dans Sion et leur famille dans Jérusalem, que dirons-nous du bonheur de la divine et très sainte Vierge Marie, qui est devenue la mère du Verbe fait chair ? — Commentaire grec. : (ou Métaphraste, Chronique des Pères grecs) Si elle se proclame bienheureuse, ce n’est point par un sentiment de vaine gloire; et comment l’orgueil aurait-il pu trouver accès dans celle qui s’est appelée la servante du Seigneur ? C’est donc par une inspiration de l’Esprit saint qu’elle prédit ses destinées futures. — S. Bède : C’est par l’orgueil de notre premier père, que la mort était entrée dans le monde; il était juste que les voies qui conduisent à la vie nous soient ouvertes par l’humilité de Marie. — Théophylacte : Elle dit : « Toutes les générations, » non seulement Elisabeth, mais toutes les nations qui doivent un jour embrasser la foi. |
Lectio 17 [85743] Catena in Lc.,
cap. 1 l. 17 Theophylactus. Ostendit virgo non per
suam virtutem se beatam praedicandam; sed causam assignat, dicens quia fecit
mihi magna qui potens est. Quae tibi magna fecit? Credo ut creatura
ederes creatorem, famula dominum generares, ut per te mundum Deus redimeret,
per te illuminaret, per te ad vitam revocaret. Titus. Quomodo vero magna, nisi quod manens
illibata concipio, superans nutu Dei naturam? Digna reputata sum sine viro,
non quomodocumque genitrix effici, sed unigeniti salvatoris. Beda. Respicit autem hoc ad initium carminis,
ubi dictum est magnificat anima mea dominum : sola enim anima illa cui
dominus magna facere dignatur, dignis eum praeconiis magnificare potest. Titus. Dicit autem qui potens est, ut si quis
diffidat in conceptionis negotio, dum virgo manens concepit, retorqueat
miraculum ad potentiam operantis. Nec quia unigenitus accessit ad feminam, ex
hoc inquinatur : quia sanctum est nomen eius. Basilius. Sanctum vero dicitur nomen Dei, non
quia in syllabis quamdam significativam virtutem contineat, sed quia
quomodolibet Dei speculatio sancta dignoscitur et sincera. Beda. Singularis enim potentiae culmine
transcendit omnem creaturam, et ab universis quae fecit lege segregatur; quod
Graeca locutione melius intelligitur : in quo ipsum verbum quod dicit agion,
quasi extra terram esse significat. |
Verset 49.
« Parce
que celui qui est tout-puissant a fait en moi de grandes choses, et son nom
est saint ». —
Théophylacte : La Vierge déclare que ce n’est point
à sa vertu qu’elle devra d’être proclamée bienheureuse, elle en donne ici la
véritable cause : « Parce que
Celui qui est tout-puissant a fait en moi de grandes choses. » — S. Augustin : (Serm. sur l’assomp.) Quelles sont les grandes choses que Dieu a faites en vous ? Vous avez mis au monde votre Créateur, vous sa créature, vous avez enfanté votre Seigneur, vous sa servante, et c’est par vous que Dieu a racheté le monde, par vous qu’il lui a apporté la lumière, par vous qu’il lui a rendu la vie. — Tite : (de Bostr.) Comment a-t-il opéré en moi de grandes choses ? c’est que j’ai conçu sans cesser d’être vierge, triomphant ainsi des lois de la nature par l’action de Dieu. J’ai été jugée digne de devenir, sans le secours d’un homme, non pas une mère quelconque, mais la Mère du Sauveur unique des hommes. — S. Bède : Ces paroles se rapportent au commencement de ce cantique où il est dit : « Mon âme exalte le Seigneur. » Car l’âme en qui Dieu a daigné opérer de grandes choses peut seule célébrer dignement ses grandeurs. —
Tite. (comme
précéd.) Elle dit : « Celui
qui est tout puissant, » afin que si quelque doute vient à s’élever
sur le mystère de cette conception opérée dans une vierge sans qu’elle perde
sa virginité, ce miracle trouve aussitôt son explication dans la puissance de
Dieu. Et loin de nous la pensée que le Fils unique qu’elle a porté dans son
sein ait été pour elle la cause de quelque souillure, « parce que son nom est saint. » — S. Basile : (sur le Ps 32, vers la fin). Le nom de Dieu est appelé saint, non qu’il y ait dans les syllabes qui le composent aucune puissance sanctificatrice, mais parce que toute intelligence des merveilles que nous contemplons en lui est sainte et pure. — S. Bède : Sa puissance est tellement élevée, qu’elle surpasse toute créature et qu’elle le place à une distance incommensurable de toutes les choses qu’il a créées. Cette pensée ressort beaucoup mieux dans le texte grec où le mot ¡γιον signifie « qui est élevé au-dessus de la terre ». |
Lectio 18 [85744] Catena in Lc., cap. 1 l. 18 Beda.
A specialibus se donis ad generalia Dei iudicia convertens, totius humani
generis statum describit, subdens et misericordia eius a progenie in progenies
timentibus eum; quasi dicat : non solum mihi fecit magna qui potens est, sed
et in omni gente qui timet Deum acceptus est illi. Origenes in Lucam. Misericordia enim Dei, non in una generatione,
sed in sempiternum extenditur a generatione in generationem. Graecus. Et misericordia eius, quam habet in generationes
generationum, ego concipio; ac ipse corpori animato coniungitur, nostram
tractans salutem solius intuitu pietatis. Miseretur autem non qualitercumque,
sed his quos timor eius compescuit in qualibet natione : unde dicitur
timentibus eum; qui scilicet poenitentia ducti, ad fidem et poenitentiam
convertuntur; nam qui obstinati sunt, incredulitatis vitio clauserunt sibi
ianuam pietatis. Theophylactus. Vel per hoc innuit, quod timentes misericordiam
consequenter in generatione ista, idest in praesenti saeculo, et futura,
idest in saeculo futuro; in hoc saeculo centuplum accipientes, in illo vero
multo maiora. |
Verset 50.
« Et
sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent». — S. Bède : De ces dons particuliers, Marie s’élève jusqu’aux jugements de Dieu, qui embrassent l’universalité du genre humain dont elle décrit l’état : « Et sa miséricorde, dit-elle, s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent. » Elle semble dire : Ce n’est point seulement pour moi que le Tout-puissant a fait de grandes choses, mais dans toute nation, celui qui a la crainte de Dieu est sûr d’obtenir ses faveurs. — Origène : (hom. 8.) Car la miséricorde de Dieu n’est pas restreinte à une seule génération, mais elle s’étend à perpétuité de génération en génération. — Commentaire grec. : (Victor, Chronique des Pères grecs.) C’est par cette miséricorde qu’il existe d’âge en âge, que j’ai conçu et qu’il s’est uni lui-même à un corps vivant, pour traiter l’affaire de notre salut par un sentiment d’amour. Toutefois, sa miséricorde ne s’exerce pas indistinctement, mais sur ceux qui dans toute nation sont soumis à la crainte de Dieu. Voilà pourquoi Marie ajoute : « sur ceux qui le craignent, » c’est-à-dire sur ceux que le repentir amène à la foi et à une vraie pénitence, car ceux qui résistent avec obstination se sont fermés, par leur incrédulité coupable, la porte de la miséricorde. — Theophylactus : Ou bien encore, ces paroles signifient que ceux qui craignent Dieu obtiendront miséricorde, et dans cette génération, c’est-à-dire dans le siècle présent, et dans la génération future, ou dans le siècle à venir, et qu’ils recevront le centuple en ce monde, et dans la vie future une récompense beaucoup plus grande. |
Lectio 19 [85745] Catena in Lc., cap. 1 l. 19 Beda. Humani generis statum describens, quid superbi et quid
humiles mereantur, ostendit dicens fecit potentiam in brachio suo, idest in
ipso Dei filio : sicut enim tuum brachium est quo operaris, sic brachium Dei
dictum est eius verbum, per quod operatus est mundum. Origenes in Lucam. Timentibus autem se fecit potentiam in brachio
suo : quia licet infirmus ad Deum accesseris, si timueris eum, promissam
virtutem consequeris. Theophylactus.
In brachio suo, scilicet eius filio incarnato, potentiam fecit : quia
natura devicta est, virgine pariente et Deo humanato. Graecus.
Vel dicit fecit pro faciet potentiam; non ut dudum per Moysen contra
Aegyptios, nec per Angelum, puta quando multa millia rebellium prostravit
Assyriorum, nec quoquam alio mediante, nisi in proprio brachio triumphum
docuit, intelligibiles hostes superando; unde sequitur dispersit superbos
mente cordis sui, scilicet quamlibet mentem elatam, non parentem eius
adventui; quin etiam aperuit, et vitiosas ostendit superbas cogitationes
eorum. Cyrillus.
Magis autem proprie de Daemonum hostili caterva intelligenda sunt haec :
hos enim saevientes in terra dissipavit adveniens dominus, et compeditos ab
eis obedientiae suae restituit. Theophylactus.
Potest hoc etiam et de Iudaeis intelligi, quos in omnem dispersit regionem
sicut nunc dispersi sunt. |
Verset 51.
« Il a
déployé la force de son bras, il a dissipé ceux qui s’élevaient d’orgueil dans
les pensées de leur cœur». — S. Bède : En décrivant l’état du genre humain, Marie prédit le châtiment qui attend les orgueilleux, et la récompense réservée à ceux qui sont humbles : « Il a déployé la force de son bras, », c’est-à-dire, du Fils de Dieu lui-même; car de même que c’est par votre bras que vous agissez, le Verbe par qui Dieu a créé le monde s’appelle le bras de Dieu. — Origène : (hom. 8.) C’est pour ceux qui le craignent qu’il a déployé la force de son bras, car quelle que soit votre infirmité, lorsque vous approchez de Dieu, si vous le craignez, vous obtiendrez le secours qu’il vous a promis. — Théophylacte : Ce bras dont il a fait éclater la puissance, c’est aussi le Fils de Dieu incarné, parce que la nature a été vaincue par le miracle d’une vierge devenue mère, et d’un Dieu fait homme. — Commentaire grec. : (Photius) Il a fait, ou plutôt, il fera éclater sa puissance, non comme autrefois, lorsqu’il anéantit par Moise l’armée des Egyptiens, ou qu’il détruisit par un ange, au nombre de plusieurs mille, l’armée des Assyriens rebelles. Ici c’est par sa seule puissance et sans le concours de personne, qu’il triomphe des intelligences révoltées contre lui : « Il a dissipé les orgueilleux dans les pensées de leur coeur, » c’est-à-dire, il a dissipé toute âme qui a refusé de croire à sa venue; bien plus, il a dévoilé et mis à découvert leurs pensées superbes et criminelles. — S. Cyrille d’Alexandrie : (Chronique des Pères grecs) Toutefois, c’est principalement des cohortes ennemies des démons que ces paroles doivent s’entendre, car la venue du Seigneur a dissipé ces cruels ennemis du genre humain, et a replacé sous l’obéissance de Dieu ceux qu’ils retenaient dans des chaînes de l’esclavage. — Théophylacte : On peut encore les appliquer aux Juifs, qu’il a dispersés dans toutes les contrées du monde, comme ils le sont encore aujourd’hui. |
Lectio 20 [85746] Catena in Lc., cap. 1 l. 20 Beda.
Quod dixit fecit potentiam in brachio suo, et quod praemiserat, et
misericordia eius a progenie in progenies, his versiculis per singula
continuata est annectendum : quia scilicet per omnes saeculi generationes et
perire superbi, et humiles exaltari, pia iustaque divinae potentiae
dispensatione non cessant : unde dicitur deposuit potentes de sede, et exaltavit
humiles. Cyrillus.
Magna sapiebant Daemones et Diabolus, gentilium sapientes, Pharisaei et
Scribae : hos tamen deposuit, erexitque humiliantes se sub potenti manu Dei,
dans illis virtutem calcandi serpentes et scorpiones, omnemque potestatem inimici.
Erant et quandoque Iudaei potestate superbi; sed prostravit hos incredulitas;
ex gentibus autem ignobiles et humiles per fidem ad apicem conscenderunt.
Graecus.
Deitatis enim tribunal noster intellectus esse cognoscitur; sed iniquae
virtutes post transgressionem incubuerunt praecordiis protoplasti, tamquam in
proprio solio. Ob hoc ergo venit dominus, et spiritus iniquos eiecit a
sedibus voluntatum, et prostratos a Daemoniis exaltavit, eorum conscientias
purgans, et eorum mentem statuens propriam sedem. |
Verset 52.
« Il
a renversé les grands de leur trône, et il a élevé les petits ». — S. Bède : Ces dernières paroles : « Il a fait éclater la puissance de son bras, » et celles qui précèdent : « Sa miséricorde s’exerce d’âge en âge, » doivent être rattachées chacune à l’un des membres de ce verset, parce qu’il est vrai de dire que, à travers toutes les générations, les orgueilleux ne cessent d’être abaissés et les humbles d’être élevés par une disposition aussi juste que miséricordieuse de la puissance divine. Elle ajoute donc : « il a renversé les grands de leur trône, et il a élevé les petits. » — S. Cyrille d’Alexandrie : Les démons, et le prince des démons, les sages parmi les gentils, les pharisiens et les scribes avaient tous de hautes idées d’eux-mêmes. Dieu cependant les a tous renversés, et il a relevé ceux qui s’humiliaient sous sa main puissante, en leur donnant le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puissance de l’ennemi. Les Juifs eux-mêmes s’enorgueillirent autrefois de leur puissance, mais leur incrédulité les a renversés à terre, tandis que parmi les gentils, ceux qui étaient humbles, sans éclat aux yeux des hommes, ont été élevés par la foi au faite de la véritable grandeur. — Commentaire grec. : (ou Macaire, Chronique des Pères grecs) Nous savons que notre esprit doit être le siège de la divinité; mais aussitôt le péché de notre premier père, les puissances d’iniquité ont envahi l’intérieur de notre âme, pour y régner comme sur leur propre trône. Or Dieu est venu justement sur la terre pour chasser ces esprits mauvais du siége de nos volontés, et relever ceux que les démons avaient terrassés, en purifiant leurs consciences et en établissant son trône dans leur coeur. |
Lectio 21 [85747] Catena in Lc., cap. 1 l. 21 Glossa. Quia humana prosperitas praecipue in honoribus potentatuum
et in abundantia divitiarum consistere videtur, post deiectionem potentium et
exaltationem humilium de divitum exinanitione et pauperum repletione
mentionem facit, dicens esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes.
Basilius
super Psal. Disponit quidem nos praesens verbum etiam quoad sensibilia,
edocens rerum mundanarum incertitudinem. Caduca siquidem sunt haec, sicut
unda quae ab impetu ventorum hinc inde diffunditur. Intellectualiter autem
sumendo, esuriebat genus humanum, exceptis Iudaeis : hos namque ditaverat
legis traditio, et sanctorum dogmata prophetarum. Quia vero non humiliter
haeserunt verbo humanato, dimissi sunt inanes, nihil deferentes, non fidem,
non scientiam : et spe bonorum privati sunt, et a terrena Ierusalem et a vita
futura exclusi. Quos vero de gentibus fames et sitis contriverat, cum
haesissent domino, repleti sunt spiritualibus bonis. Glossa.
Qui etiam aeterna toto studio quasi esurientes desiderant, saturabuntur,
cum Christus apparuerit in gloria; sed qui terrenis gaudent, in fine totius
beatitudinis inanes dimittentur. |
Verset 53.
« Il
a rempli de biens ceux qui étaient affamés, et il a renvoyé les mains vides ceux qui étaient
riches». — La Glose : Comme la prospérité humaine semble consister surtout dans les honneurs des puissants de ce monde et dans l’abondance des richesses, après avoir parlé de l’humiliation des grands et de l’élévation des humbles, elle prédit que les riches seront réduits au plus entier dénuement, et les pauvres remplis de toutes sortes de biens : « Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés et renvoyé les riches les mains vides,» — S. Basile : (sur les Psaum.) Nous pouvons entendre ces paroles mêmes des choses sensibles, et y apprendre l’incertitude des choses de ce monde. Elles sont bien fragiles, en effet, comme ces flots que l’impétuosité des vents brise et disperse de tous côtés. Entendues dans le sens spirituel, ces paroles signifient que le genre humain tout entier était comme affamé, à l’exception des Juifs, que la promulgation de la loi et les enseignements des saints prophètes avaient enrichis. Mais ils ont refusé de s’attacher humblement au Verbe incarné, et ils ont été renvoyés vides de tous biens et dans le plus entier dénuement, privés de la foi, de la science, de l’espérance des biens, exclus tout ensemble de la Jérusalem terrestre et de la vie future. Ceux au contraire, parmi les gentils, que la faim et la soif avaient complètement épuisés, se sont attachés au Seigneur et ont été remplis de tous les biens spirituels. — La Glose : Ceux aussi qui ont faim des biens éternels, qui les désirent ardemment, seront rassasiés, lorsque Jésus-Christ apparaîtra dans sa gloire, mais pour ceux qui placent leur joie dans les choses de la terre, ils seront, à la fin des siècles, renvoyés vides de tous biens et de toute félicité. |
Lectio 22 [85748] Catena in Lc., cap. 1 l. 22 Glossa. Post generalem divinae pietatis et iustitiae
commemorationem, ad singularem novae incarnationis dispensationem convertit
verba, dicens suscepit Beda.
Obedientem scilicet, et humilem : nam qui contemnit humiliari, non potest
salvari. Basilius. Israel enim dicit non materialem, quem sola
nobilitabat appellatio, sed spiritualem, qui nomen fidei retinebat, habens
oculos tendentes ad Deum videndum per fidem. Potest etiam ad Israel carnalem
hoc adaptari, cum ex eo infiniti crediderunt. Hoc autem fecit recordatus
misericordiae suae : hoc enim implevit quod Abrahae promisit, dicens :
quoniam benedicentur in semine tuo omnes cognationes terrae. Huius ergo promissionis,
Dei genitrix recordata dicebat sicut locutus est ad patres nostros, Abraham,
et semini eius in saecula. Nam et Abrahae dictum est : statuam pactum meum
inter me et te, et inter semen tuum post te in generationibus suis foedere
sempiterno, ut sim Deus tuus et seminis tui post te. Beda.
Semen autem dicit non tam carne progenitos, quam fidei eius vestigia
secutos quibus adventus salvatoris in saecula promissus est. Glossa.
Quia ipsa promissio haereditatis nullo fine claudetur, et usque in finem
saeculi credentes non deerunt, et beatitudinis gloria erit perennis. |
Versets 54-55.
« Et il a pris en sa
protection Israël, se ressouvenant de sa miséricorde, selon la promesse qu’il
a faite à nos pères, à Abraham et à sa postérité pour toujours. » — La Glose : Après avoir rappelé en général les effets de la miséricorde et de la justice divine, Marie en vient aux effets particuliers du nouveau mystère de l’Incarnation qui vient de s’accomplir : « Il a pris en sa protection Israël, son serviteur, ». Il l’a pris comme un médecin prend un malade, il s’est rendu visible parmi les hommes, afin qu’Israël (c’est-à-dire, voyant Dieu) (cf. Gn 28), devînt son serviteur. — S. Bède : Et son serviteur obéissant, humble; car celui qui refuse de s’humilier ne peut être sauvé. — S.
Basile : (ou
Cyril.) Elle ne veut point parler d’Israël selon la
chair, qui ne tirait sa noblesse que de son nom, mais d’Israël selon
l’esprit, qui tenait son nom de sa foi, et dont les yeux s’appliquaient à
voir Dieu par la foi. On peut aussi appliquer ces paroles aux Israélites
selon la chair, puisqu’un nombre infini d’entre eux ont embrassé la foi. Dieu
agit de la sorte en souvenir de sa miséricorde, car il accomplissait la
promesse faite à Abraham (Gn 22) : « Tous les peuples de la terre seront
bénis en celui qui sortira de vous. » C’est cette même promesse que
la Mère de Dieu célèbre lorsqu’elle dit : « Selon
la promesse qu’il a faite à nos pères, à Abraham, pour toujours».
Dieu avait dit en effet à Abraham (Gn
17) : « J’affermirai mon alliance
avec vous, et après vous avec votre race dans la suite de leurs générations,
par un pacte éternel, afin que je sois votre Dieu, et le Dieu de votre
postérité après vous. » — S. Bède : Cette postérité doit s’entendre beaucoup moins des descendants d’Abraham selon la chair, que des imitateurs de sa foi, et c’est à eux que la venue du Sauveur a été promise pour des siècles. — La Glose : En effet, la promesse qui a pour objet cet héritage n’aura point de terme, jusqu’à la fin des siècles il y aura des croyants, et la glorieuse félicité qui leur est réservée sera éternelle. |
Lectio 23 [85749] Catena in Lc., cap. 1 l. 23 Ambrosius. Tamdiu mansit Maria, quamdiu Elisabeth pariendi tempus
impleret; unde dicitur mansit autem Maria cum illa quasi mensibus tribus.
Theophylactus. In sexto enim mense conceptionis praecursoris venit
Angelus ad Mariam; quae mansit cum Elisabeth mensibus tribus; et sic novem
menses implentur. Ambrosius. Non autem sola familiaritas est causa quod diu mansit,
sed etiam tanti vatis profectus : nam si primo ingressu tantus profectus
extitit, ut ad salutationem Mariae exultaret infans in utero, repleretur
spiritu sancto mater infantis; quantum putamus usu tanti temporis sanctae
Mariae addidisse praesentiam? Bene ergo inducitur exhibuisse officium, et
mysticum numerum custodisse. Beda. Anima enim casta quae spiritualis verbi
desiderium concipit, necesse est ut alta caelestis exercitus iuga subeat, et
quasi trium mensium dies ibidem demorata, quousque fidei et spei et caritatis
luce radietur, perseverare non desistat. Theophylactus.
Quando vero Elisabeth paritura erat, virgo recessit; unde sequitur et
reversa est in domum suam; scilicet propter multitudinem quae ad partum congregari
debebat; inconveniens autem erat in talibus virginem esse praesentem. Graecus.
Mos enim est virginibus cedere quoties praegnans parit. Ut autem propriam
applicuit domum, alio quidem nullatenus abiit; ibi vero manebat ulterius,
donec adesse partus horam cognovit, ubique Ioseph dubitans ab Angelo edocetur. |
Verset 56.
« Marie
demeura avec Elisabeth environ trois mois, et elle s’en retourna en sa
maison. » — S. Ambroise : Marie demeura jusqu’au temps de la délivrance d’Elisabeth, selon le récit de l’Évangéliste : « Marie demeura avec elle environ trois mois, ». — Théophylacte : C’est le sixième mois de la conception du Précurseur que l’ange est venu trouver Marie, elle demeura trois mois avec Elisabeth, ce qui fait les neuf mois accomplis. — S. Ambroise : Ce n’est pas seulement l’intimité de Marie avec sa cousine, mais le désir d’être utile à un si grand prophète qui la détermine à prolonger son séjour. En effet, si dès son arrivée, les grâces du ciel se répandirent avec tant d’abondance, qu’à la salutation de Marie l’enfant tressaillit dans le sein de sa mère, et que la mère elle-même fut remplie de l’Esprit saint, que ne dut pas ajouter la présence de Marie pendant un si long espace de temps ? Nous disons donc avec raison, que Marie remplit ici un véritable ministère, et qu’elle a observé dans son séjour un nombre mystérieux. — S. Bède : Car l’âme chaste, qui conçoit le désir du Verbe spirituel, doit nécessairement monter au sommet élevé des célestes exercices, y demeurer comme pendant trois mois, et y persévérer jusqu’à ce qu’elle soit éclairée pleinement de la lumière rayonnante de la foi, de l’espérance et de la charité. — Théophylacte : Lorsqu’Elisabeth fut sur le point d’enfanter, la Vierge la quitta : « Et elle s’en retourna dans sa maison, », à cause du grand nombre de personnes qui devaient se réunir à l’occasion de l’enfantement : Or il n’était pas convenable que la Vierge fût présente dans ces circonstances. — Commentaire grec. : ou Métaphraste (Chronique des Pères grecs) Il est d’usage, en effet, que les vierges se retirent lorsqu’une femme est sur le point d’enfanter. Dès qu’elle fut rentrée dans sa maison, elle n’en sortit plus, elle y demeura jusqu’au moment où elle connut que l’heure de son enfantement était proche, et ce fut alors qu’un ange fut envoyé pour éclaircir le doute de Joseph. |
Lectio 24 [85750] Catena in Lc., cap. 1 l. 24 Ambrosius. Si diligenter advertas plenitudinis verbum, nusquam
invenies positum nisi in generatione iustorum; unde et nunc dicitur Elisabeth
autem impletum est tempus pariendi : plenitudinem enim habet iusti vita;
inanes autem sunt dies impiorum. Chrysostomus. Idcirco autem Deus Elisabeth partum retardavit, ut
gaudium augeretur, et famosiorem faceret mulierem; unde sequitur et audierunt
vicini et cognati eius quia magnificavit dominus misericordiam suam cum illa,
et congratulabantur ei. Nam qui sterilitatem eius cognoverant, testes divinae
gratiae sunt effecti. Nemo autem viso infante cum silentio discedebat; sed
Deum, qui illum ex insperato concesserat, collaudabat. Ambrosius. Habet enim sanctorum editio laetitiam plurimorum,
quoniam commune est bonum : iustitia enim communis est virtus; et ideo in
ortu iusti futurae vitae insigne praemittitur, et gratia secuturae virtutis,
exaltatione vicinorum praefigurante signatur. |
Versets 57-58.
— S. Ambroise : Si vous voulez y faire attention, vous ne trouverez jamais employé le mot plénitude que pour la génération des justes, c’est pour cela que l’Évangéliste ajoute : « Le temps d’Elisabeth fut accompli. » Car on peut dire que la vie des justes est pleine, tandis que les jours des impies sont vides. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Dieu retarda l’enfantement d’Elisabeth pour en augmenter la joie, et rendre cette femme plus célèbre, comme l’indiquent les paroles suivantes « Les voisins et les parents apprirent que le Seigneur avait manifesté sa miséricorde envers elle, se réjouissaient avec elle. » Ceux qui savaient qu’elle était stérile, devinrent ainsi les témoins de la grâce divine; aucun de ceux qui avaient vu l’enfant ne se retirait sans exprimer son admiration, et louer Dieu qui l’avait accordé contre toute espérance. — S. Ambroise : La naissance des saints est un sujet de joie publique, parce qu’elle est un bien général; la justice, en effet, est une vertu qui a pour objet l’intérêt de tous, c’est pourquoi dans la naissance du juste on voit un présage de la vie qui doit suivre, et de la grâce qui doit en enfanter les vertus, grâce dont la joie des voisins est le symbole. |
Lectio 25 [85751] Catena in Lc.,
cap. 1 l. 25 Chrysostomus. Circumcisionis norma primo
tradita est Abrahae in signum distinctionis, ut genus patriarchae impermixtum
conservetur, et sic promissa bona consequi valeant; ubi autem pacti
consummatur negotium, appositum signum de medio tollitur : sic igitur et per
Christum circumcisione cessante Baptismus succedit; sed antea Ioannem
circumcidi decebat; unde dicitur et factum est, in die octavo venerunt
circumcidere puerum. Dixerat enim dominus : infans octo dierum circumcidatur
in vobis. Hanc autem temporis mensuram a divina clementia constitutam autumo
duplici de causa : primo quidem ut in tenerrima aetate levius patiatur
dolorem sectionis carnis; secundo ut ex ipsis operibus moneamur quoniam hoc
agebatur in signum : tener enim puer minime discernit quae circa ipsum fiunt.
Post circumcisionem autem nomen imponebatur; unde sequitur et vocabant
eum nomine patris sui Zachariam. Hoc autem ideo fiebat, quia prius oportet
sumere signaculum domini, et postea nomen humanum : vel quia nullus, nisi
prius abiciat carnalia, quod significat circumcisio, dignus est quod in libro
vitae nomen eius scribatur. Ambrosius. Mire autem sanctus Evangelista
praemittendum putavit quod plurimi infantem patris nomine Zachariam appellandum
putarunt; ut advertas, matri non nomen alicuius displicuisse de genere; sed
id sancto infusum spiritu, quod ab Angelo ante Zachariae fuerat
praenuntiatum. Et quidem ille mutus intimare vocabulum filii nequivit uxori;
sed per prophetiam Elisabeth didicit quod non didicerat a marito : unde
sequitur et respondens mater eius dixit : nequaquam; sed vocabitur Ioannes.
Nec mireris, si nomen mulier quod non audivit asseruit, quando spiritus ei
sanctus, qui Angelo mandaverat, revelavit : neque poterat domini ignorare
praenuntium, qui prophetaverat Christum. Et bene sequitur et dixerunt ad
illam : quia nemo est in cognatione tua qui vocetur hoc nomine : ut
intelligas nomen non generis esse, sed vatis. Zacharias quoque nutu
interrogatur : unde sequitur innuebant autem patri eius quem vellet vocari
eum. Sed quia incredulitas ei affatum eripuerat, et auditum; quod voce non
poterat, manu et litteris est locutus : unde sequitur et postulans
pugillarem, scripsit dicens : Ioannes est nomen eius : hoc est, non ei nos
nomen imponimus qui iam a Deo nomen accepit. Origenes in Lucam. Zacharias quidem
interpretatur memor Dei; Ioannes autem significat demonstrantem : ceterum et
absentis memoria, et praesentis demonstratio est. Debebat autem Ioannes non
memoriam Dei ut absentis exprimere, immo digito demonstrare praesentem,
dicens : ecce agnus Dei. Chrysostomus. Quin etiam hoc nomen Ioannes
gratia Dei interpretatur. Quod ergo, gratia divina
favente, non natura, Elisabeth hunc filium cepit, beneficii memoriam in nomine
pueri conscripserunt. Theophylactus. Quia
vero cum muliere circa hoc nomen pueri pater mutus concordavit, sequitur et
mirati sunt universi : nemo enim huius nominis erat in cognatione eorum, ut
aliquis diceret quod antea hoc ambo cogitassent. Gregorius Nazianzenus. Editus ergo Ioannes
Zachariae solvit silentium : unde sequitur apertum est autem illico os eius
et lingua eius. Absurdum enim erat ut cum vox verbi progressa fuisset, pater
maneret elinguis. Ambrosius. Merito etiam continuo resoluta est
lingua eius : quia quam vinxerat incredulitas, solvit fides. Credamus igitur
et nos, ut lingua nostra, quae incredulitatis vinculis est ligata, rationis
voce solvatur : scribamus spiritu mysteria, si volumus loqui. Scribamus
praenuntium Christi, non in tabulis lapideis sed in tabulis cordis carnalibus
: etenim qui Ioannem loquitur, Christum prophetizat : sequitur enim et
loquebatur benedicens Deum. Beda. Allegorice autem Ioannis celebrata
nativitas, gratia novi testamenti est inchoata; cui vicini et cognati nomen
patris quam Ioannis imponere malebant : quia Iudaei qui ei legis
observatione, quasi affinitate, iuncti erant, magis iustitiam quae ex lege
est sectari, quam fidei gratiam suscipere cupiebant. Sed Ioannis, hoc est
gratiae Dei, vocabulum, mater verbis, pater litteris nuntiare satagunt : quia
et lex ipsa Psalmique et prophetae apertis sententiarum vocibus gratiam
Christi praedicant, et sacerdotium illud vetus figuratis caeremoniarum ac
sacrificiorum umbris eidem testimonium perhibet. Pulchreque Zacharias octavo
die prolis editae loquitur : quia per domini resurrectionem, quae octava die,
hoc est post septimum sabbati, facta est, occulta legalis sacerdotii arcana
patuerunt. |
Versets 59-64.
— S. Jean Chrysostome : La loi de la circoncision fut donnée surtout à Abraham comme un signe distinctif pour que la race du saint patriarche se conservât [pure et] sans mélange d’autre peuple, afin qu’elle pût obtenir les biens qu’il lui avait promis. Mais dès que l’oeuvre de l’alliance est consommée, le signe qui l’annonçait doit être supprimé. C’est ainsi que le baptême succède à la circoncision qui a pris fin en Jésus-Christ; mais jusque-là Jean devait être circoncis : « Et il arriva qu’au huitième jour, ils vinrent circoncire l’enfant, ». Dieu avait dit : L’enfant mâle de huit jours sera circoncis. La bonté divine avait fixé ce terme de huit jours pour deux raisons, à mon avis : premièrement, pour que dans un âge aussi tendre, la douleur produite par l’incision de la chair soit moins vive; secondement, pour nous apprendre par le fait lui-même, que la circoncision était un signe; car l’enfant, à cet âge, ne peut comprendre ce que signifient les actes dont il est l’objet. Après la circoncision, on donnait le nom à l’enfant. « Et ils le nommaient Zacharie, du nom de son père, ». On suivait cet ordre, parce qu’il faut tout d’abord recevoir le signe distinctif du Seigneur, avant de prendre le nom que l’on doit porter; ou bien encore, parce qu’il faut renoncer à toutes les choses charnelles signifiées par la circoncision, pour être digne de voir son nom écrit dans le livre de vie. — S. Ambroise : Admirez comment l’Évangéliste a commencé par dire que plusieurs de ceux qui étaient présents avaient voulu donner à l’enfant le nom de Zacharie, son père; pour vous faire comprendre que sa mère n’avait rien contre un nom quelconque de la famille, mais que l’Esprit saint lui avait révélé le nom que l’ange avait auparavant annoncé à Zacharie. Zacharie étant muet ne put faire connaître ce nom à son épouse, Elisabeth apprit donc par révélation ce qu’elle ne pouvait savoir de son mari : « Et prenant la parole, elle dit : ‘non, il sera appelé Jean’ ». Ne soyez pas surpris, si elle indique avec tant d’assurance un nom dont personne ne lui a parlé; car l’Esprit saint qui avait confié ce nom à l’ange, le lui a révélé. En effet, celle qui avait annoncé prophétiquement la venue du Christ, ne devait pas ignorer le nom de son précurseur. Les paroles qui suivent : « Et ils lui dirent : ‘Il n’y a personne de votre parenté qui soit appelé de ce nom’ », sont dites pour que vous compreniez que ce n’est pas ici un nom de famille, mais le nom d’un prophète. On interroge aussi Zacharie par signes : « Ils faisaient signe au père pour savoir comment il voulait qu’on le nommât ». Mais comme son incrédulité lui avait fait perdre la parole et l’ouïe, il est obligé de faire connaître par signes et en écrivant, ce qu’il ne pouvait exprimer par la parole : « Et ayant demandé des tablettes, il écrivit dessus : Jean est son nom, ». C’est-à-dire, nous ne donnons pas un nom à celui qui l’a déjà reçu de Dieu. — Origène : (Chronique des Pères grecs). Zacharie signifie qui se souvient de Dieu, Jean, celui qui montre. Or, le souvenir a pour objet celui qui est absent, et on ne montre que celui qui est présent. En effet, Jean devait non pas rappeler le souvenir de Dieu comme absent, mais le montrer du doigt présent au milieu des hommes, en disant : « Voici l’Agneau de Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Le nom de Jean signifie aussi grâce de Dieu, c’est par une action de la grâce divine, et non pas un effet des lois naturelles qu’Elisabeth est devenue mère, et la mémoire d’un si grand bienfait se trouve éternisée dans le nom de son enfant. — Théophylacte : Le père – qui était muet -se trouve d’accord avec sa femme sur le nom de l’enfant, ce qui explique les paroles suivantes : « Et tous furent remplis d’étonnement, ». Personne, en effet, dans leur famille, ne portait ce nom, on ne pouvait donc dire qu’il était venu à la pensée des deux époux. — S. Grégoire de Nazianze : (disc. 12.) Jean, dès sa naissance, rend à son père l’usage de la parole : « Sa bouche s’ouvrit et sa langue se délia ». Il eût été contre la raison que le père demeurât muet, lorsque la voix du Verbe s’était fait entendre. — S. Ambroise : Il était convenable que sa langue fût aussitôt déliée; l’incrédulité l’avait comme enchaînée, la foi la rend à la liberté. Croyons nous aussi, et notre langue, captive dans les liens de l’incrédulité, sera libérée par la voix de la raison; écrivons les mystères dans notre esprit, si nous voulons parler; gravons le nom du Précurseur du Christ, non sur des tables de pierre, mais sur les tables de chair de notre coeur (cf. 2 Cor 3, 3; Rm 9, 30.31); car celui qui parle de Jean, annonce le Christ; en effet l’Évangéliste ajoute : « Et il parlait en bénissant Dieu. » — S. Bède : Dans le sens allégorique, la solennité de la naissance de Jean est le commencement de la grâce du Nouveau Testament. Ses voisins et ses parents voulaient lui donner le nom de son père, plutôt que celui de Jean, parce que les Juifs, qui lui étaient unis par l’observation de la loi comme par une espèce d’affinité, désiraient bien plus suivre la justice qui vient de la loi, que de recevoir la grâce de la foi ; mais la mère et le père de Jean font tout, l’une de vive voix, l’autre en écrivant, pour faire prévaloir le nom de Jean (qui veut dire grâce de Dieu), parce que la loi elle-même, les psaumes et les prophètes proclament ouvertement la grâce de Jésus-Christ; et le sacerdoce ancien lui rend également témoignage par les ombres figuratives des cérémonies et des sacrifices. D’une manière admirable, Zacharie recouvre la parole le huitième jour de la naissance de son fils, figure de la résurrection du Seigneur, qui eut lieu le huitième jour, c’est-à-dire après le jour du sabbat qui était le septième, et dévoila tous les mystères du sacerdoce de l’ancienne loi. |
Lectio 26 [85752] Catena in Lc., cap. 1 l. 26 Theophylactus. Sicut in taciturnitate Zachariae miratus
est populus, ita et cum locutus est : unde dicitur et factus est timor super
omnes vicinos eorum, et super omnia montana Iudaeae divulgabantur omnia verba
haec : ut propter haec duo, magnum aliquid circa natum puerum universi
existiment. Haec autem omnia dispensative fiebant, ut qui testis esse Christi
debebat, existeret fide dignus : unde sequitur et posuerunt omnes qui
audierant in corde suo, dicentes : quis, putas, puer iste erit? Beda.
Praecurrentia enim signa praebent iter praecursori veritatis, et futurus
propheta praemissis commendatur auspiciis : unde sequitur etenim manus domini
erat cum illo. Glossa. Prodigia enim Deus in illo peragebat, quae non
faciebat Ioannes, sed dextera divina. Graecus.
Mystice autem tempore divinae resurrectionis, praedicata gratia Christi,
salubris timor non solum Iudaeorum, qui erant vicini vel situ loci vel
scientia legis, sed etiam exterarum gentium corda concussit; nec tantum
montana Iudaeae, sed omnia mundani regni, mundanaeque sapientiae culmina
Christi fama transcendit. |
—
Théophylacte : Le peuple avait été surpris de la
mutité de Zacharie, il ne le fut pas moins lorsqu’il recouvra l’usage de la
parole : « Tous furent saisis de
crainte et partout dans la montagne de Judée on racontait toutes ces choses »,
c’est-à-dire que ces deux prodiges leur donnèrent à tous une haute idée des
destinées de cet enfant. Tous ces événements étaient réglés par une économie
divine, afin que celui qui devait être le témoin du Christ, fût un témoin
digne de foi. Aussi l’auteur sacré ajoute : « Tous les conservèrent dans leur cœur, et ils disaient : Que
pensez-vous que sera un jour cet enfant ? » — S.
Bède : En effet, ces signes avant-coureurs ouvrent
la voie au précurseur de la vérité, et le futur prophète se présente sous les
auspices les plus imposants : « Car
la main du Seigneur était avec lui. » — La glose : (ou Métaphraste, Chronique des Pères grecs) En effet, Dieu opérait en lui des prodiges dont Jean n’était pas l’auteur, mais la main (ou la droite) de Dieu. — Commentaire
grec : Cette crainte est au sens mystique la
figure de la crainte salutaire que produisit la prédication de la grâce de
Jésus-Christ, dans les temps qui suivirent sa résurrection, et qui ébranla
les coeurs non seulement des Juifs (qui étaient proches, soit par la contrée
qu’ils habitaient, soit par la connaissance de la loi), mais encore des
nations les plus éloignées. Et la renommée de Jésus-Christ, non seulement a
franchi les montagnes de la Judée, mais a surpassé les sommets les plus
élevés des royaumes du monde et de la sagesse humaine. |
Lectio 27 [85753] Catena in Lc., cap. 1 l. 27 Ambrosius. Bonus Deus, et facilis indulgere peccatis,
non solum ablata restituit, sed etiam insperata concedit. Nemo ergo diffidat, nemo veterum conscius delictorum praemia divina
desperet. Novit Deus mutare sententiam, si tu noveris
emendare delictum : ille siquidem dudum mutus prophetizat : unde dicitur et
Zacharias pater eius repletus est spiritu sancto. Chrysostomus.
Scilicet operatione sancti spiritus; nec quocumque modo gratiam spiritus
sancti nactus, sed ad plenum; et fulgebat in eo prophetiae donum : unde
sequitur et prophetavit. Origenes
in Lucam. Plenus autem spiritu sancto Zacharias duas prophetias
generaliter nuntiat : primam de Christo, alteram de Ioanne : quod manifeste
de verbis illius probatur, in quibus quasi de praesenti, et quasi iam
versaretur in mundo, loquitur de Ioanne; et primo de salvatore, dicens
benedictus dominus Deus Israel, quia visitavit et fecit redemptionem plebis
suae. Chrysostomus. Dum Deum benediceret Zacharias, visitationem dicit
esse factam ab eo erga populum suum : sive materiales Israelitas quis velit
accipere, venit enim ad oves quae perierant domus Israel; sive spirituales,
idest fideles, qui digni fuerunt hac visitatione, efficacem erga se divinam
provisionem facientes. Beda.
Visitavit autem dominus plebem suam quasi longa infirmitate tabescentem,
et quasi venditam sub peccato, unici filii sui sanguine redemit : quod quia
Zacharias proxime faciendum cognoverat, prophetico more quasi iam factum
narrat. Dicit autem plebem suam, non quia veniens suam invenit, sed quia
visitando suam fecit. |
Versets 67-68.
— S.
Ambroise : Dieu est bon et se montre facile à
pardonner les fautes, non seulement il rend les biens que le péché a fait
perdre, mais il accorde des grâces inespérées. Que personne donc ne se laisse
aller à la défiance, que personne, au souvenir de ses fautes passées, ne
désespère des dons de Dieu. Dieu saura bien changer ses jugements, si vous
savez expier vos fautes. Voyez Zacharie, il était muet tout à l’heure, et il
prophétise : « Et Zacharie, son
père, ayant été rempli de l’Esprit saint. » — S.
Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) C’est-à-dire
qu’il prophétise sous l’inspiration de l’Esprit saint qui lui donne sa grâce,
non dans une certaine mesure, mais dans sa plénitude, et fait briller en lui
le don de prophétie : « Et il prophétisa. » — Origène : (hom. 10.) La prophétie de Zacharie, inspirée par l’Esprit saint, a deux grands objets, le premier, Jésus-Christ; le second, Jean-Baptiste, ce qui paraît clairement dans ses paroles : il y parle du Sauveur, comme s’il était présent et vivant au milieu du monde ; il y parle du Sauveur, disant : « Béni soit le Dieu d’Israël, parce ce qu’il a visité et racheté son peuple, ». — S. Jean Chrysostome : En bénissant Dieu, Zacharie déclare qu’il a visité son peuple, soit qu’on veuille entendre les Israélites selon la chair; car il est venu pour sauver les brebis perdues de la maison d’Israël (Mt 15, 24), soit les Israélites spirituels (c’est-à-dire les fidèles) qui s’étaient rendus dignes de cette visite, en méritant les effets sensibles de la providence de Dieu à leur égard. — S. Bède : Le Seigneur a visité son peuple qui était comme défaillant sous le poids d’une longue infirmité, et il a racheté du sang de son Fils unique ce peuple vendu au péché. Zacharie savait que cette rédemption allait s’opérer prochainement, et selon l’usage des prophètes, il l’annonce comme si déjà elle était accomplie. Il dit : « son peuple, » non qu’il le fût à sa venue, mais il l’a fait son peuple en le visitant. |
Lectio 28 [85754] Catena in Lc., cap. 1 l. 28 Theophylactus.
Videbatur Deus dormire, peccata multa respiciens; sed in novissimis
incarnatus temporibus excitatus est, et contrivit Daemones, qui nos oderant :
unde dicitur et erexit cornu salutis nobis in domo David pueri sui. Origenes
in Lucam. Quia de semine David secundum carnem natus est Christus : unde
dicitur cornu salutis nobis in domo David : sicut et alibi dictum est : vinea
facta est in cornu, idest in Iesu Christo. Chrysostomus.
Cornu autem nominat potestatem, gloriam et famam, metaphorice a brutis
animalibus illud accipiens, quibus loco muniminis et gloriae cornua Deus
dedit. Beda.
Cornu etiam salutis regnum salvatoris Christi vocatur. Ossa siquidem omnia
carne involuta sunt : cornu excedit carnem : et ideo cornu salutis regnum
Christi vocatur, quo mundus et carnis gaudia superantur; in cuius figuram
David et Salomon cornu olei sunt in regni gloriam consecrati. |
Verset 69.
« De
ce qu’il nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son
serviteur ». —
Théophylacte : Dieu paraissait dormir à notre égard à
la vue de nos fautes sans nombre, mais en s’incarnant dans les derniers
temps, il s’est comme éveillé et a écrasé les démons, nos mortels ennemis : « Et il a élevé une corne du salut dans la maison de David, son
serviteur. » — Origène : En effet, c’est de la race de David que le Christ est né selon la chair, c’est pourquoi l’Évangéliste dit : « La corne du salut dans la maison de David, » comme on lit ailleurs (Is 5) « Une vigne a été plantée sur un lieu élevé » (littéralement sur une corne), c’est-à-dire en Jésus-Christ. — S. Jean Chrysostome : (Discours sur Anne, Chronique des Pères grecs) — Le mot corne signifie ici la puissance, la gloire, la renommée, c’est une expression métaphorique prise des animaux à qui Dieu a donné des cornes pour leur servir à la fois de défense et d’ornement. — S. Bède : Le règne du Sauveur Jésus-Christ est aussi appelé la corne du salut; en effet, tous les os sont recouverts de chair, mais les cornes s’élèvent au-dessus du reste du corps, le règne de Jésus-Christ est donc appelé corne du salut, parce qu’il domine le monde et les joies de la chair, et c’est en figure de ce règne que David et Salomon ont été consacrés pour la gloire de leur règne avec une corne remplie d’huile (cf. 1 R 16, 13; 3 R 1, 39). |
Lectio 29 [85755] Catena in Lc., cap. 1 l. 29 Theophylactus.
Quod de domo David Christus nasceretur, Michaeas mentionem facit dicens :
et tu, Bethlehem, terra Iuda, nequaquam minima es; ex te enim exiet dux, qui
regat populum meum Israel. Sed et omnes prophetae de incarnatione dixerunt :
et ideo dicitur sicut locutus est per os sanctorum prophetarum. Graecus.
Per quod innuit, Deum per illos esse locutum, et non esse humanum quod
dixerunt. Beda.
Dicit autem qui a saeculo sunt : quia tota veteris testamenti Scriptura
prophetice de Christo processit : nam et ipse pater Adam, et ceteri patrum,
factis suis eius dispensationi testimonium reddunt. |
Verset 70.
« Selon
ce qu’il avait promis par la bouche de ses saints prophètes, qui ont été dès
le commencement ». — Théophylacte : Michée a prédit que le Christ naîtrait de la maison de David (Mich 5) : « Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la plus petite, car c’est de toi que doit sortir celui qui gouvernera mon peuple d’Israël; » mais tous les prophètes ont annoncé le mystère de l’incarnation, aussi Zacharie ajoute : « Comme il l’avait promis par la bouche de ses saints prophètes, » etc. — Commentaire grec. : (Prêt. Vict. Chronique des Pères grecs) C’est donc Dieu qui a parlé par leur bouche, et ce qu’ils ont annoncé, ne vient point de l’homme. — S. Bède : Il dit : « qui ont été dès le commencement », parce que tous les écrits de l’ancien Testament ont été une annonce prophétique de Jésus-Christ, car notre premier père Adam et les autres patriarches ont rendu témoignage par leurs actions à la divine économie de la rédemption. |
Lectio 30 [85756] Catena in Lc., cap. 1 l. 30 Beda.
Cum primo breviter praemisisset erexit cornu salutis nobis, continuo
explanans quid dixerit, subdit salutem ex inimicis nostris; quasi dicat
erexit nobis cornu, idest erexit nobis salutem ex inimicis nostris, et de
manu omnium qui oderunt nos. Origenes
in Lucam. Non autem putemus nunc de corporalibus inimicis dici, sed de
spiritualibus. Venit enim dominus Iesus fortis in praelio destruere omnes
inimicos nostros, ut nos de eorum insidiis et tentationibus liberos faceret. |
Verset 71.
« de nous sauver de nos ennemis et des mains de tous ceux qui nous haïssent ». — S. Bède : Zacharie développe ce qu’il n’a fait qu’indiquer par ces paroles : « Il a suscité pour nous une corne de salut, » en ajoutant : « pour nous sauver de nos ennemis, » comme s’il disait : il nous a élevé le signe du salut, [c’est-à-dire, il nous a suscité un Sauveur] pour nous délivrer de nos ennemis, et des mains de tous ceux qui nous haïssent. — Origène : (hom. 46). Gardons-nous de croire qu’il veuille parler ici des ennemis corporels, il s’agit des ennemis spirituels; le Seigneur Jésus, le fort dans les combats, est venu détruire tous nos ennemis, pour nous délivrer de leurs embûches et de leurs tentations. |
Lectio 31 [85757] Catena in Lc.,
cap. 1 l. 31 Beda. Dixerat dominum, iuxta eloquia
prophetarum, in domo David nasciturum : dicit eumdem, ad explendum testamentum
quod Abrahae disposuit, nos esse liberaturum : quia his praecipue patriarchis
de suo semine vel congregatio gentium vel Christi est incarnatio promissa. Praemittitur
autem David, quia Abrahae sanctus Ecclesiae coetus est promissus; David
autem, quod ex eo Christus nasciturus esset, audivit. Et ideo post id quod
dictum est de David, subdit de Abraham, dicens ad faciendam misericordiam cum
patribus nostris. Origenes in Lucam. Ego puto quod in adventu
domini salvatoris et Abraham et Isaac et Iacob fruiti sint misericordia Dei.
Non est enim credibile ut qui prius viderunt diem illius et laetati sunt,
postea in adventu ipsius nihil utilitatis acciperent : cum scriptum sit :
pacem faciens per sanguinem crucis suae, sive super terram, sive in caelis.
Theophylactus. Christi etiam gratia se usque
ad illos extendit qui mortui extiterunt quia per eum resurgemus non solum
nos, sed et qui fuerunt ante mortui. Fecit et misericordiam cum patribus
nostris, secundum quod eorum spem et desiderium implevit : unde sequitur et
memorari testamenti sui sancti, illius scilicet de quo dicitur : benedicens
benedicam tibi et multiplicabo te. Multiplicatus
est enim Abraham in omnibus gentibus per imitationem fidei eius adoptatis in
filios : sed etiam patres videntes suos filios talia beneficia recepisse,
congaudent et recipiunt misericordiam in seipsis : unde sequitur iusiurandum
quod iuravit ad Abraham patrem nostrum daturum se nobis. Basilius. Nemo autem audiens quod
iurasset dominus Abrahae, ad iurandum sit promptus : sicut enim furor de Deo
dictus non significat passionem, sed punitionem; sic neque Deus iurat ut
homo, sed verbum eius loco iuramenti nobis ad veritatem exprimitur immutabili
sententia quod promissum est approbans. |
Versets 72-73.
« pour exercer sa miséricorde envers nos pères et se souvenir de son alliance sainte, selon qu’il a juré à Abraham, notre père, de nous accorder cette grâce ». — S.
Bède : Zacharie venait de dire que le Seigneur
devait naître dans la maison de David, selon les oracles des prophètes; il
ajoute que pour accomplir l’alliance qu’il fit avec Abraham il sera notre
libérateur, car c’est à ces deux saints patriarches, c’est-à-dire à celui qui
devait naître d’eux que Dieu a promis la réunion de tous les peuples de la
terre, ou l’incarnation du Christ ; il met David le premier, parce que
la promesse de la formation de l’Église fut faite à Abraham, et à David la
prédiction de la naissance du Christ. Voilà pourquoi après David, vient
Abraham : « pour exercer sa
miséricorde envers nos pères. » — Origène : (hom. 10). Je suis convaincu qu’à la venue du Seigneur, notre Sauveur, Abraham, Isaac et Jacob ont ressenti les effets de sa miséricorde; pourrait-on croire en effet que la venue du Seigneur ait été sans utilité pour ces saints patriarches qui avaient vu le jour du Sauveur et s’en étaient réjouis, alors qu’il est écrit (Col 1) : « Qu’il a pacifié par le sang de sa croix la terre et les cieux. » — Théophylacte : La grâce de Jésus-Christ s’est étendue à ceux mêmes qui étaient morts, car nous ne sommes pas les seuls qui ressusciteront par Jésus-Christ, mais encore tous ceux qui sont morts avant sa venue. Il a fait miséricorde à nos pères, en comblant leurs espérances et leurs désirs, « pour se souvenir, dit Zacharie, de son alliance sainte, » celle dont Dieu a dit : « Je te comblerai de bénédictions, et je te multiplierai à l’infini. » (Hb 6). Abraham s’est en effet multiplié dans toutes les nations qui sont devenues ses enfants adoptifs par l’imitation de sa foi. Disons encore que les patriarches en voyant leurs enfants comblés de si grands bienfaits, en ont éprouvé une joie sensible, et ressenti eux-mêmes les effets de la miséricorde divine, c’est ce que signifient ces paroles : « Voilà le serment qu’il a fait à Abraham, notre père, il a juré qu’il nous ferait cette grâce. » — S.
Basile : (Chronique
des Pères grecs) Que personne ne s’appuie sur ces
paroles : « Dieu a fait le serment à Abraham, » pour
autoriser l’habitude qu’il a de jurer : car de même que ce que nous appelons
la fureur du Seigneur ne signifie pas une passion en Dieu, mais le châtiment
des coupables, de même aussi Dieu ne jure pas à la manière des hommes, mais
sa parole est appelée serment pour exprimer plus fortement la vérité; et
parce qu’elle accomplit avec une résolution immuable tout ce qu’il a promis. |
Lectio 32 [85758] Catena in Lc., cap. 1 l. 32 Chrysostomus.
Quia exortum nobis cornu salutis ex domo David dixerat, ostendit quod per
ipsum et gloriam participamus, et dispendia inimici vitavimus : unde dicit ut
sine timore, de manu inimicorum nostrorum liberati, serviamus illi. Duo
praedicta non facile reperiet aliquis sese comitantia : plures enim evitant
pericula, sed vita gloriosa privantur; sicut sceleris patratores, qui de
carcere ex indulgentia regia absolvuntur : e contra gaudent alii gloria, sed
ob hanc periclitari coguntur; sicut milites bellicosi vitam inclytam
amplexantes, securitate multoties caruerunt. Sed hoc cornu et salvat et
glorificat : salvat quidem eripiens a manibus hostium, non leviter, sed
mirifice, ut non sit ultra timendum : et hoc est quod dicit ut sine timore.
Origenes
in Lucam. Vel aliter. Crebro de hostium manu aliqui liberantur, sed non
absque timore : cum enim metus et discrimen ante praecesserint, et sic de
inimicorum manu quis eruatur, liberatus est quidem, sed non sine timore :
ideo dixit, quod Christi adventus sine timore nos a manibus hostium eripi
fecit. Non enim eorum insidias sensimus, sed repente ab eis nos segregans
eduxit ad sortis propriae mansionem. |
Verset 74.
« Afin qu’étant délivrés des mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte ». — S.
Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs comme préc.) Après
avoir prédit qu’une corne de salut, [qu’un puissant Sauveur] sortirait pour
nous de la maison de David, Zacharie déclare que par lui encore nous serons
couverts de gloire, et nous n’aurons rien à craindre de nos ennemis : « afin qu’étant délivrés des mains de
nos ennemis, nous le servions sans crainte. » Ces deux choses se
trouvent difficilement réunies : il en est beaucoup en effet qui échappent
aux dangers, mais dont la vie reste sans gloire, tels sont les criminels à
qui la clémence du souverain fait grâce de la prison. D’autres, au contraire,
ont la gloire en partage, mais au prix de quels dangers ils sont forcés de
l’acquérir ? Tels sont les guerriers qui ont embrassé la glorieuse
carrière des armes, mais qui souvent ne connaissent pas la sécurité. Ce
puissant Sauveur, et nous délivre, et nous couvre de gloire; il nous délivre
en nous arrachant aux mains de nos ennemis, non pas à moitié, mais d’une
manière admirable, et sans nous laisser aucun sujet de crainte, comme le dit
Zacharie : « Afin qu’étant
délivrés des mains de nos ennemis, » — Origène : (hom. 10). Ou bien encore, on en voit souvent qui sont délivrés des mains de leurs ennemis, mais ce n’est pas sans crainte, il faut au contraire passer par les alarmes, par les dangers, pour être délivré de leurs mains, au contraire on leur a échappé sans doute, mais ce n’a pas été sans crainte. Aussi dit-il que Jésus-Christ, par sa venue sur la terre, nous a délivrés des mains de nos ennemis, sans qu’il nous en ait coûté aucune crainte; nous ne sommes pas tombés dans les embûches de nos ennemis, il nous a tout d’un coup arrachés à leur puissance pour nous faire entrer dans l’héritage qu’il nous avait destiné. |
Lectio 33 [85759] Catena in Lc., cap. 1 l. 33 Chrysostomus.
Glorificat Zacharias dominum, quia fecit nos sibi servire cum plena
fiducia, non carnaliter, ut Iudaei in sanguine victimarum, sed spiritualiter
in bonis operibus : et hoc est quod dicit in sanctitate et iustitia : est
enim sanctitas apta circa Deum aequitas; iustitia vero quae est circa
homines, puta quod aliquis reverenter exequatur divina, et quo ad homines
laudabiliter conversetur. Dicit autem non coram hominibus, ut hypocritae
volentes hominibus placere, sed coram Deo, sicut hi quorum commendatio non
est ab hominibus, sed a Deo; et hoc non semel aut ad tempus, sed singulis
diebus et quamdiu vixerint : unde dicit omnibus diebus nostris. Beda.
Nam qui vel ante mortem ab eius servitio discedit, vel immunditia qualibet
sive iniustitia fidei suae sinceritatem commaculat, vel coram hominibus
tantum et non coram Deo, sanctus et iustus esse contendit, nondum perfecte de
manu spiritualium inimicorum liberatus domino servit, sed exemplo veterum
Samaritanorum diis gentium pariter et domino servire conatur. |
Verset 75
« dans la sainteté et dans la justice, en sa présence, tous les jours de notre vie ». — S.
Jean Chrysostome : (comme précéd.) Zacharie glorifie Dieu en ce
qu’il nous a donné de le servir avec une pleine confiance, non pas d’une
manière charnelle, comme les Juifs, par le sang des victimes, mais
spirituellement par nos bonnes oeuvres, c’est ce que veulent dire ces paroles
: « dans la sainteté et la
justice » ; car la sainteté consiste dans l’observation exacte
des devoirs envers Dieu, la justice dans l’accomplissement fidèle de nos
devoirs envers les hommes. Tel est celui qui observe religieusement les
préceptes divins, et qui s’acquitte parfaitement de tout ce qu’il doit aux
autres hommes. Il dit : non pas devant les hommes, comme font les hypocrites
qui veulent plaire aux hommes, mais « devant
Dieu, » comme ceux qui recherchent l’approbation de Dieu et non pas
celle des hommes (Rm 2, 29), et
cela non pas une seule fois, ou pour un temps, mais chaque jour et toute la
vie, comme il ajoute : « tous les
jours de notre vie. » — S. Bède : Car ceux qui avant leur mort abandonnent le service de Dieu, ou qui déshonorent par quelque souillure la pureté de la foi, ou l’innocence de leur conduite; ou bien ceux qui veulent être justes et saints devant les hommes, plutôt que devant Dieu, ne servent pas Dieu après avoir été pleinement délivrés des mains de leurs ennemis spirituels; mais à l’exemple des anciens Samaritains, ils veulent servir à la fois le Seigneur et les dieux des Gentils. |
Lectio 34 [85760] Catena in Lc., cap. 1 l. 34 Ambrosius.
Pulchre cum de domino prophetaret, ad prophetam sua verba convertit, ut
hoc quoque beneficium esse domini designaret; ne cum publica numeraret, sua
quasi ingratus tacuisse videretur; unde dicitur et tu, puer, propheta
altissimi vocaberis. Origenes in Lucam. Ideo reor Zachariam festinasse ut loqueretur ad
puerum, quia sciebat eum post paululum in eremo moraturum, nec se eius posse
habere praesentiam. Ambrosius.
Sed fortasse aliqui quasi irrationabilem mentis excessum putent quod octo
dierum infantem alloquitur; verum si tenemus superiora, intelligimus profecto
quod potuit vocem patris natus audire, qui Mariae salutationem antequam
nasceretur audivit. Sciebat propheta alias esse aures prophetae, quae spiritu
Dei, non corporis aetate reserantur. Habebat intelligendi sensum qui
exultandi habebat affectum. Beda.
Nisi forte putandus est Zacharias propter eos qui aderant potius
instruendos futura sui filii munera, quae dudum per Angelum didicerat, mox ut
loqui potuit, praedicare voluisse. Audiant Ariani, quod Christum quem Ioannes
prophetando praeibat, altissimum vocat, sicut in Psalmo 86, 5 dicitur : homo
natus est in ea, et ipse fundavit eam altissimus. Chrysostomus.
Sicut autem regibus commilitones sunt qui eis viciniores existunt, sic
Ioannes cum esset amicus sponsi, de prope eius adventum praecessit : et hoc
est quod subditur praeibis enim ante faciem domini parare vias eius. Alii
enim prophetae eminus Christi mysterium praedicaverunt; hic vero proprius
praedicavit, ut et Christum videret, et eum ceteris indicaret. Gregorius
Moralium. Quisquis autem praedicando a sordibus vitiorum corda audientium
mundat, venienti sapientiae ad cor viam praeparat. |
Verset 76.
« Et vous, petit enfant, vous serez appelé le prophète du Très-Haut; car vous marcherez devant la face du Seigneur pour lui préparer ses voies ». — S. Ambroise : Après cette magnifique prophétie qui a le Sauveur pour objet, Zacharie ramène son discours au prophète du Seigneur, et déclare ainsi que sa naissance est un don de Dieu. En énumérant les bienfaits de Dieu envers tous les hommes, il ne veut point paraître envelopper dans un silence d’ingratitude les grâces qui lui sont particulières, aussi dit-il : « Et vous, enfant, vous serez appelé le prophète du Très-Haut, ». — Origène : (hom. 40). Zacharie, je le suppose, s’est hâté d’adresser la parole à son enfant, parce qu’il savait qu’il devait bientôt se retirer dans le désert, et qu’il ne jouirait pas longtemps de sa présence. — S. Ambroise : Il en est peut-être qui regarderont comme un écart d’esprit contraire à toute raison que Zacharie s’adresse à un enfant de huit jours. Mais si nous nous rappelons ce qui précède, nous comprendrons que celui qui a entendu la voie de Marie avant même d’être né, a pu, aussitôt sa naissance entendre la voix de son père. En vertu de son esprit prophétique, il savait que les prophètes ont d’autres oreilles qui s’ouvrent sous l’impression de l’Esprit saint, et non par le progrès de l’âge; comment n’aurait-il pas eu le don d’intelligence, lui dont le coeur avait bien pu tressaillir ? — S.
Bède : On peut dire aussi que Zacharie, pour
l’instruction de ceux qui étaient présents, aussitôt qu’il put parler publia
les fonctions que son fils devait un jour remplir, et que l’ange lui avait
révélées. Que les Ariens entendent qu’on donne ici le nom de Très-Haut au
Christ dont Jean a été le précurseur et le prophète, comme il est écrit dans
le livre des Psaumes (86.5) : « Un
homme est né en elle, et le Très-Haut lui-même l’a fondée. » — S. Jean Chrysostome : (Ch. des Pèr. gr). Ceux qui ont avec les rois des rapports plus étroits deviennent leurs compagnons d’armes, ainsi Jean-Baptiste qui était l’ami de l’époux a précédé de plus près son arrivée, c’est le sens de ces paroles : « Vous marcherez devant la face du Seigneur pour lui préparer les voies. » Les autres prophètes, en effet, ont annoncé longtemps auparavant les mystères de la vie du Christ; Jean l’a prédit de plus près, puisqu’il a vu le Christ de ses yeux, et tout à la fois l’a montré aux autres. — S. Grégoire (Moral., 19, 2.) Tout prédicateur qui purifie des souillures du vice les âmes de ceux qui l’écoutent, prépare les voies à la sagesse qui veut prendre possession du coeur. |
Lectio 35 [85761] Catena in Lc., cap. 1 l. 35 Theophylactus. Qualiter praecursor viam domini praeparavit,
exponit subdens ad dandam scientiam salutis plebi eius. Salus dominus Iesus
est; data est autem plebi scientia salutis idest Christi, a Ioanne, qui
testimonium perhibebat de Christo. Beda.
Quasi Iesu, idest salvatoris, nomen exponere et diligentius commendare
desiderans, salutis mentionem frequentat. Sed
ne temporalem salutem promitti putarent, subdit in remissionem peccatorum
eorum. Theophylactus.
Non enim aliter cognitus esset Deus, nisi plebi peccata dimisisset : Dei
enim est peccata dimittere. Beda.
Verum Iudaei non Christum suscipere, sed Antichristum malunt expectare :
quia non intus a peccati dominio, sed foris ab humanae servitutis iugo
cupiunt liberari. |
Verset 77.
— Théophylacte : Zacharie explique comment le Précurseur doit préparer la voie du Seigneur, en ajoutant : « pour donner à son peuple la science du salut. » Le salut, c’est le Seigneur Jésus, et la science du salut, c’est-à-dire de Jésus-Christ ont été donnés au peuple par Jean-Baptiste qui rendait témoignage à Jésus-Christ (cf. Jn 1, 7.15.16.19.32.34; 3, 25; 5, 33, etc.). — S.
Bède : Il désire faire connaître le nom de Jésus, c'est-à-dire
du Sauveur, et semble répéter à dessein le mot de salut, mais pour qu’on ne
l’entende point de la promesse d’un salut purement temporel, il ajoute : « pour la rémission de leurs
péchés. » — Théophylacte : Dieu, en effet, n’eût pas été connu, s’il n’eut pardonné les péchés à son peuple, car c’est le propre de Dieu de remettre les péchés. — S. Bède : Mais les Juifs n’ont pas voulu recevoir le Christ; ils aiment mieux attendre l’Antéchrist, parce qu’ils veulent être affranchis, non de la tyrannie intérieure du péché, mais du joug extérieur de la servitude temporelle. |
Lectio 36 [85762] Catena in Lc., cap. 1 l. 36 Theophylactus. Quia Deus peccata nobis dimisit, non propter opera
nostra, sed propter misericordiam suam; ideo convenienter addidit per viscera
misericordiae Dei nostri. Chrysostomus. Quam quidem misericordiam non ipsimet inquirentes
invenimus : sed desuper nobis Deus aperuit; unde sequitur in quibus, scilicet
misericordiae operibus, visitavit nos, assumpta carne, oriens ex alto. Graecus. In altis permanens, tamen in terrenis praesens, non
divisionem patiens neque circumscriptionem : quod intellectus noster
comprehendere non potest, nec ulla serie verborum exprimere. |
Verset 78.
—
Théophylacte : Si Dieu nous a remis nos péchés, ce
n’est point en considération de nos oeuvres, mais par un effet de sa
miséricorde; aussi Zacharie ajoute-t-il à juste titre : « par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 44 sur Matth.) Et cette miséricorde, ce n’est pas nous qui l’avons trouvée comme fruit de nos propres recherches, mais c’est Dieu lui-même qui a daigné nous apparaître du haut du ciel : « par lesquelles (c’est-à-dire par ses entrailles), le soleil se levant du haut des cieux (c’est-à-dire Jésus-Christ), nous a visités (en se revêtant de notre chair). » — Commentaire grec. : (c’est-à-dire Sévère, Chronique des Pères grecs) Il habite au plus haut des cieux, et cependant il se rend présent sur la terre, sans être assujetti à aucune division, à aucune limite; mystère que nulle intelligence ne peut comprendre, que nulle parole ne peut exprimer. |
Lectio 37 [85763] Catena in Lc., cap. 1 l. 37 Beda.
Recte Christus oriens vocatur, quia nobis ortum verae lucis aperuit : unde
sequitur illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent. Chrysostomus.
Tenebras hic appellat non materiales, sed errorem, et a fide distantiam.
Basilius.
Tenebrosa enim erat plebs gentilis, quae idolorum cultu gravabatur, donec
lux orta dispersit caliginem, et splendorem veritatis expandit. Gregorius
Moralium. Umbra vero mortis oblivio mentis accipitur : sicut enim mors hoc
quod interficit, agit ut non sit in vita, ita oblivio hoc quod interficit,
agit ut non sit in memoria : unde Iudaeorum populus, qui Dei oblitus fuerat,
dicitur in umbra mortis sedere. Umbra etiam mortis mors carnis accipitur :
quia sicut vera mors est qua anima separatur a Deo, ita umbra mortis est qua
caro separatur ab anima : unde voce martyrum dicitur : operuit nos umbra
mortis. Per umbram etiam mortis imitatio Diaboli, qui mors in Apocalypsi
dicitur, designatur : quia sicut umbra iuxta qualitatem corporis ducitur, ita
actiones iniquorum de specie imitationis eius exprimuntur. Chrysostomus.
Recte autem dicit sedent : non enim ambulabamus in tenebris, sed sedebamus.
Theophylactus.
Non solum autem oriens dominus his qui in tenebris sedent illuminat, sed
aliquid amplius facit : unde sequitur ad dirigendos pedes nostros in viam
pacis. Via pacis est via iustitiae, ad quam direxit pedes, idest affectus
animarum nostrarum. Gregorius
in Evang. Tunc enim gressus nostros in viam pacis dirigimus quando per
illud actionum iter pergimus in quo ab auctoris nostri gratia non discordemus.
Ambrosius.
Simul et illud adverte, quam paucis Elisabeth, quam multis Zacharias
prophetizet; et uterque sancto impletus spiritu loquebatur; sed disciplina
servatur, ut mulier discere magis quae divina sunt studeat quam docere. |
Verset 79
« pour
éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, et
pour conduire nos pieds dans le chemin de la paix. » — S. Bède : Le nom d’Orient convient parfaitement au Christ, parce qu’il nous a ouvert l’entrée de la vraie lumière : « pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, ». — S. Jean Chrysostome : (hom. 44 sur Matth.) Les ténèbres dont il parle ici ne sont pas les ténèbres matérielles, mais les erreurs, l’éloignement de la foi (ou l’impiété). — S. Basile : (sur Is 2.) Dans quelles ténèbres était plongé le peuple des gentils, appesanti par le culte des idoles, jusqu’à ce que la lumière soit venu dissiper cette profonde obscurité et répandre partout les splendeurs de la vérité ! — S. Grégoire : (Moral., 4, 47.) L’ombre de la mort, c’est l’oubli de l’esprit; la mort fait que ce qu’elle détruit n’est plus dans la vie; ainsi l’oubli fait que ce qu’il atteint n’est plus dans la mémoire; voilà pourquoi il dit du peuple juif qui avait oublié Dieu, qu’il était assis dans l’ombre de la mort. L’ombre de la mort peut aussi s’entendre de la mort du corps, la mort véritable est celle qui sépare l’âme d’avec Dieu; l’ombre de la mort est celle qui sépare l’âme d’avec le corps; ce qui fait dire aux martyrs (Ps 43) : « L’ombre de la mort nous a couverts. » L’ombre de la mort peut encore signifier l’imitation du démon qui est appelé mort dans l’Apocalypse (Ap 6). En effet, l’ombre est toujours proportionnée à la forme du corps, ainsi les actions des impies sont une espèce d’imitation du démon. — S. Jean Chrysostome : L’expression : « ils sont assis, » est des plus justes; en effet, nous ne marchions pas dans les ténèbres, mais nous étions assis [sans aucun espoir de délivrance]. — Théophylacte : Le Seigneur, en se levant sur notre terre, n’éclaire pas seulement ceux qui sont assis dans les ténèbres, sa mission est plus étendue : « pour diriger nos pas dans la voie de la paix. » La voix de la paix c’est la voix de la justice, dans laquelle il a dirigé nos pas, c’est-à-dire les affections de nos âmes. — S. Grégoire : (hom. 32 sur les Evang.) Nous dirigeons nos pas dans la voie de la paix, lorsque dans nos actions nous suivons le chemin qui ne s’écarte jamais de la grâce de notre Créateur. — S. Ambroise : Remarquez en même temps que la prophétie d’Elisabeth est courte, tandis que celle de Zacharie est beaucoup plus étendue; cependant tout deux parlaient sous l’inspiration de l’Esprit saint dont ils étaient remplis, mais nous voyons ici l’observation de cette règle qui veut que la femme s’applique plus à connaître les choses divines qu’à les enseigner aux autres. |
Lectio 38 [85764] Catena in Lc., cap. 1 l. 38 Beda. Praedicator patientiae futurus, ut liberius auditores suos a
mundi illecebris erudiendo sustollat, primaevam in desertis transigit vitam;
unde dicitur puer autem crescebat. Theophylactus. Secundum corporalem aetatem. Et confortabatur
spiritu : simul enim cum corpore spirituale donum crescebat, et spiritus
operationes in eo magis ac magis ostendebantur. Origenes in Lucam. Vel crescebat spiritu, nec in eadem permanebat
mensura qua coeperat; sed semper crescebat spiritus in eo, semper voluntas
eius ad meliora tendens habebat profectus, et mens divinius aliquid
contemplabatur. Exercebat se memoria, ut plura in thesauro suo reconderet.
Addit autem et confortabatur : infirma enim est humana natura : legimus enim
: caro autem infirma. Confortanda est itaque spiritu : spiritus
enim promptus est. Multi confortantur carne; athleta autem Dei spiritu
roborandus est, ut sapientiam carnis elidat : unde recessit, fugiens tumultum
urbium propter frequentiam; sequitur enim et erat in desertis : ubi purior
aer est, caelum apertius, et familiarior Deus : ut quia nondum Baptismi et
praedicationis tempus advenerat, vacaret orationibus, et cum Angelis
conversaretur, appellaret dominum, et illum audiret dicentem : ecce adsum. Theophylactus.
Vel erat in desertis ut extra multorum malitiam nutriretur, et ut neminem
vereretur arguere : si enim fuisset in mundo, forte fuisset amicitia et
conversatione hominum depravatus : simul etiam ut esset fide dignus qui
praedicaturus erat Christum. Occultabatur
autem in desertis, donec placuit Deo ipsum Israelitico populo demonstrare :
unde sequitur usque ad diem ostensionis suae ad Israel. Ambrosius. Pulchre autem tempus quo fuit in utero propheta
describitur, ne Mariae praesentia taceatur, sed tempus siletur infantiae, eo
quod praesentia matris domini in utero roboratur qui infantiae impedimenta
nescivit. |
Verset 80.
— S. Bède : Le prédicateur futur de la pénitence pour prêcher un jour avec plus de liberté le détachement des plaisirs séducteurs du monde, passe dans le désert les premières années de sa vie : « L’enfant croissait, » dit le texte sacré. — Théophylacte : Il croissait extérieurement en suivant les progrès de l’âge : « Et il se fortifiait. » Les dons spirituels se développaient en même temps que le corps, et les opérations de l’esprit se manifestaient avec plus d’éclat de jour en jour. — Origène
: (hom. 2.) Ou bien il
croissait en esprit et ne s’arrêtait pas au premier degré de perfection;
l’esprit acquérait toujours en lui une nouvelle force, sa volonté tendant
toujours vers un but plus parfait, était dans un progrès continuel, et son
âme s’élevait à des contemplations de plus en plus divines. Sa mémoire
s’exerçait pour amasser dans ses trésors les plus pures vérités.
L’Évangéliste ajoute : « Et il se
fortifiait. » La nature humaine est faible, comme nous le lisons
[dans le saint Évangile (Mt 26)] : « La chair est faible, » il
faut donc que l’esprit la fortifie, car l’esprit est prompt. Il en est
beaucoup qui ont en partage la force du corps; mais l’athlète de Dieu doit
rechercher la force de l’esprit pour détruire la sagesse de la chair.
Jean-Baptiste se retira donc dans le désert pour fuir le tumulte des villes
et leurs assemblées bruyantes : « Et
il était dans les déserts » ; là où l’air est plus pur, le ciel
plus ouvert, et Dieu plus familier. Parce que le temps où devait commencer
son baptême et sa prédication n’était pas encore arrivé, il s’appliquait à la
prière, il conversait avec les anges, il invoquait le Seigneur, et
l’entendait lui dire : « Me voici. » (cf. Is 58, 9) — Théophylacte : Ou bien il demeurait dans le désert pour y être élevé loin de la malice des foules, et pour qu’un jour il pût les reprendre de ses crimes sans aucune crainte; car s’il avait vécu au milieu du monde, peut-être l’amitié, la société des hommes l’eussent dépravé, c’était aussi pour qu’il fût un témoin digne de foi lorsqu’il annoncerait le Christ. Il vivait donc caché dans le désert jusqu’à ce qu’il plût à Dieu de le montrer au peuple d’Israël : « jusqu’au jour de sa manifestation dans Israël. » — S.
Ambroise : [Il est digne de remarque que]
l’Évangéliste raconte le temps de la vie du prophète dans le sein de sa mère,
pour ne point passer sous silence la présence de Marie, tandis qu’au
contraire il ne dit rien de son enfance, parce que la force que la présence
de Marie lui a communiquée dès le sein de sa mère, l’a délivré de toutes les
faiblesses de l’enfance. |
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Caput 2 |
CHAPITRE 2
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Lectio 1 [85765] Catena in Lc., cap. 2 l. 1 Beda. Nasciturus in carne Dei filius, sicut de virgine
natus virginitatis sibi decus ostendit esse gratissimum; ita pacatissimo
tempore saeculi procreatur; quia pacem quaerere docuit, et pacis sectatores
invisere dignatur. Nullum autem potuit magis esse pacis indicium quam una
totum orbem descriptione concludi; cuius moderator Augustus, tanta duodecim
annis circa tempus dominicae nativitatis pace regnavit ut, bellis toto orbe
sopitis, prophetae praesagium ad litteram videatur implesse : unde dicitur
factum est autem in diebus illis, exiit edictum a Caesare Augusto ut
describeretur universus orbis. Graecus.
Tunc etiam nascitur Christus cum principes Iudaeorum defecerant, et ad
Romanos principes translatum erat imperium, quibus Iudaei tributa solvebant;
et sic impletur prophetia praedicens : non deficere ducem de Iuda, nec
principem de femoribus eius, donec veniat qui mittendus est. Iam vero Caesare
Augusto quadragesimum secundum annum imperii peragente, exiit ab eo edictum
totum orbem conscribi ad tributa solvenda; quod cuidam Cyrino Caesar
commiserat, quem Iudaeae et Syriae praesidem statuit : unde sequitur haec
descriptio prima facta est a praeside Syriae Cyrino. Beda.
Signat hanc descriptionem vel primam esse earum quae totum orbem
concluserint, quia pleraeque iam partes terrarum saepe leguntur fuisse
descriptae; vel primo tunc coepisse quando Cyrinus in Syriam missus est. Ambrosius.
Pulchre autem praesidis nomen addidit, ut seriem temporis designaret : nam
si consules ascribuntur tabulis emptionis, quanto magis redemptioni omnium
debuit tempus ascribi? Beda.
Superna autem dispensatione professio census ita descripta est ut in suam
quisque patriam ire iuberetur : secundum quod sequitur et ibant omnes ut
profiterentur singuli in civitatem suam : quod ideo factum est, ut dominus
alibi conceptus, alibi natus, insidiantis Herodis furorem facilius evaderet :
unde sequitur ascendit autem et Ioseph a Galilaea de civitate Nazareth in
Iudaeam. Chrysostomus.
Domino autem dirigente Augustus hoc edictum censuit, ut unigeniti
praesentiae famuletur : nam hoc edictum matrem attrahebat in patriam quam
prophetae praedixerant, scilicet in Bethlehem Iudae; unde dicit civitatem
David quae vocatur Bethlehem. Graecus.
Ideo autem addidit civitatem David, ut promissionem factam David a Deo,
quod ex fructu ventris eius rex perpetuus adveniret, esse completam annuntiet
: unde sequitur eo quod esset de domo et familia David. Per hoc autem quod
Ioseph erat de cognatione David, contentus fuit Evangelista ipsam quoque
virginem de cognatione David promulgare, cum lex divina praeciperet
coniugales copulas ex eadem progenie contrahi : unde sequitur cum Maria
desponsata sibi uxore praegnante. Cyrillus.
Dicit autem eam fuisse desponsatam, innuens quod solis sponsalibus
praecedentibus est conceptio subsecuta; neque enim ex virili semine sancta
virgo concepit. Gregorius
in Evang. Mystice autem nascituro domino mundus describitur : quia ille
apparebat in carne qui electos suos ascriberet in aeternitate. Ambrosius.
Et dum professio saecularis ostenditur, spiritualis implicatur, non
terrarum regi dicanda, sed caeli. Professio ista fidei, census animorum est :
abolito enim synagogae censu vetusto, novus census Ecclesiae parabatur.
Denique ut scias censum non Augusti esse, sed Christi, totus orbis profiteri
iubetur. Quis autem poterat professionem totius orbis exigere, nisi qui
totius orbis habebat imperium? Non enim Augusti, sed : domini est terra et plenitudo
eius. Beda.
Qui etiam vocabulum Augusti perfectissime complevit, utputa suos et augere
desiderans, et augere sufficiens. Theophylactus.
Conveniens etiam erat ut per Christum cultus multorum deorum deficeret, et
unus Deus coleretur : unde unus rex orbi imperasse describitur. Origenes
in Lucam. Diligentius autem intuenti sacramentum quoddam videtur figurari,
quod in totius orbis professione describi oportuerit et Christum, ut cum
omnibus scriptus sanctificaret omnes, et cum orbe relatus in censum
communionem sui praeberet orbi. Beda. Sicut autem tunc imperante Augusto et praesidente Cyrino,
ibant singuli in suam civitatem ut profiterentur censum; sic, modo imperante
Christo per doctores Ecclesiae praesides, profiteri debemus censum iustitiae.
Ambrosius.
Haec est ergo prima professio mentium domino, cui omnes profitentur, non
praeconis evocatione, sed vatis dicentis : omnes gentes, plaudite manibus.
Denique ut sciant censum esse iustitiae, veniunt ad eum Ioseph et Maria, hoc
est iustus et virgo : ille qui verbum servaret, ista quae pareret. Beda.
Civitas nostra et patria est patria beata, ad quam crescentibus quotidie
virtutibus ire debemus. Quotidie autem sancta Ecclesia suum comitata
doctorem, de rota mundanae conversationis, quod Galilaea sonat, in civitatem
Iuda, scilicet confessionis et laudis, ascendens, censum suae devotionis regi
aeterno persolvit, quae, in exemplo beatae virginis Mariae, concipit nos
virgo de spiritu; quae alii quidem desponsata ab alio fecundatur, dum
praeposito sibi pontifici visibiliter iungitur, sed invisibilis spiritus
virtute cumulatur. Unde et bene Ioseph auctus interpretatur, indicans ipso
nomine, quod instantia loquentis magistri nil valet, nisi augmentum superni
iuvaminis, ut audiatur, acceperit. |
Versets 1-5.
— S. Bède : Le Fils de Dieu ayant résolu de paraître au monde dans une chair mortelle, voulut naître d’une vierge et montrer ainsi combien la gloire de la virginité lui était chère; il voulut aussi naître dans un temps de paix générale, parce qu’il devait enseigner aux hommes à chercher la paix, et qu’il daigne visiter ceux qui aiment la paix. Quelle preuve plus évidente de cette paix universelle que ce dénombrement de tout l’univers sous l’empereur Auguste, qui, vers le temps de la naissance du Sauveur, après avoir terminé les guerres par toute la terre, régna pendant douze ans au milieu d’une paix si profonde, qu’il semble avoir accompli à la lettre la prédiction du prophète Isaïe (Is 2, 4) ? L’Évangéliste commence donc en ces termes : « Or, il arriva en ces jours, qu’il parut un édit de César Auguste pour le recensement de toute la terre. » — Commentaire grec. : (ou Métaphraste et le moine Alexandre, Chronique des Pères grecs) Remarquez encore que Jésus-Christ vient au monde lorsque le sceptre de la souveraineté n’est plus entre les mains des Juifs, mais entre celles des empereurs romains dont ils sont devenus tributaires. Ainsi se trouve accomplie la prophétie qui annonçait que le sceptre ne sortirait point de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que vint celui qui devait être envoyé. (Gn 49.) Ce fut la quarante-deuxième année du règne de César-Auguste que parut cet édit qui ordonnait de procéder au recensement de tout l’univers pour établir le paiement des impôts. L’empereur Auguste confia le soin de ce dénombrement à Cyrinus, qu’il avait nommé gouverneur de la Judée et de la Syrie. « Ce premier dénombrement se fit pendant que Cyrinus était gouverneur de Syrie. » — S. Béde : Ces paroles signifient que ce dénombrement fut le premier de ceux qui s’étendirent à tout l’univers, puisque plusieurs parties du monde avaient déjà été soumises à ce dénombrement; ou bien que l’opération du recensement commença lorsque Cyrinus fut envoyé en Syrie. — S. Ambroise : L’Évangéliste fait mention du nom du gouverneur, et avec raison, pour bien préciser l’époque dont il parle; si, en effet, on inscrit en tête des contrats de vente le nom des consuls, n’est-il pas bien plus juste de déterminer d’une manière certaine, par cette inscription, le temps de la rédemption du monde ? — S. Bède : Ce dénombrement, par une disposition divine, ordonnait à chacun de se rendre dans son pays : « Et tous allaient se faire enregistrer dans sa ville. » Dieu le voulut ainsi, afin que la conception et la naissance du Seigneur ayant lieu dans deux endroits différents, il pût échapper plus facilement à la fureur du perfide Hérode : « Alors Joseph partit aussi de Galilée, de la ville de Nazareth ». — S.
Jean Chrysostome : (pour la nativ. de J.-C.) En publiant cet
édit, l’empereur Auguste ne fût que l’instrument de la Providence divine, qui
voulait qu’il secondât ainsi la présence de son Fils unique à Bethléem; car
cet édit amenait nécessairement sa mère dans cette ville prédite par les
prophètes, c’est-à-dire à Bethléem de Juda : « Joseph vint en Judée, à la ville de David, appelée
Bethléem. » — Commentaire grec. : (ou Irénée, cont. les hér., 3, 2.) L’Évangéliste désigne cette ville sous le nom de ville de David, pour nous apprendre que la promesse que Dieu avait faite à David (que le Roi éternel sortirait de sa race) (cf. 2 R 7, 12; Ps 131, 11), se trouvait accomplie; c’est aussi pour cela qu’il ajoute : « parce qu’il était de la maison et de la famille de David. » Par là même que Joseph était de la race de David, l’Évangéliste prouvait que la Vierge en descendait également, puisque la loi divine ordonnait que les mariages fussent contractés dans la même famille, il se contente donc d’ajouter : « avec Marie son épouse, qui était enceinte. » — S. Cyrille d’Alexandrie : (Chronique des Pères grecs Comme préc.) L’auteur sacré dit : « sa fiancée », insinuant que Joseph et Marie n’étaient que fiancés au moment de la conception; car cette conception s’est faite toute entière en dehors de l’action de l’homme. — S. Grégoire : (hom. 8 sur les Evang.) Dans le sens mystique, le dénombrement du monde s’opère lorsque le Seigneur est sur le point de naître, parce qu’on allait voir paraître dans une chair mortelle celui qui inscrivait le nom de ses élus sur les livres de l’éternité. — S. Ambroise : Il ne s’agit extérieurement que d’un dénombrement profane; mais nous y voyons s’accomplir le recensement spirituel qui se fait, non pour le roi de la terre, mais pour le roi des cieux. La profession de la foi chrétienne, c’est le recensement des âmes; l’antique recensement de la synagogue n’existe plus, le nouveau recensement de l’Église [chrétienne] lui succède. Enfin ce dénombrement doit s’étendre à tout l’univers, pour vous faire comprendre que ce n’est pas le dénombrement d’Auguste, mais celui de Jésus-Christ, car qui pouvait décréter le recensement du monde entier, si ce n’est le Maître souverain de tout l’univers. La terre, dans son intégralité, est à Dieu (Ps 23), et non pas à César. — S. Bède : Il remplit aussi parfaitement la signification du nom d’Auguste, puisqu’il a tout à la fois la volonté et la puissance nécessaires pour augmenter le nombre des siens. — Théophylacte : Il convenait que le Christ remplaçât la religion du polythéisme par le culte d’un seul Dieu. C’est un roi unique qui a régné sur l’univers. — Origène : (hom. 11.) Si nous voulons y faire attention, nous découvrirons la signification mystérieuse de l’inscription du Christ dans le dénombrement de l’univers. Il fut inscrit sur le registre commun à tous, pour les sanctifier tous; il fut compris dans le dénombrement de tout l’univers, pour entrer ainsi en communion avec tous les hommes. — S. Bède : De même qu’alors sous l’empire d’Auguste et le gouvernement de Cyrinus, chacun allait dans son pays pour s’y faire enregistrer et y déclarer ses biens; de même aussi sous l’empire de Jésus-Christ, qui nous gouverne par les docteurs, chefs de son Église, nous devons nous soumettre au recensement qui a pour objet la pratique de la justice. — S. Ambroise : C’est donc ici le premier recensement, mais le recensement des âmes. Tous viennent s’y soumettre, [parce que nul n’en est excepté]. Ils obéissent, non à la proclamation des officiers publics, mais à la prédiction du prophète qui, [bien des siècles à l’avance], avait dit (Ps 46) : « Nations, applaudissez toutes des mains». Et pour qu’on sache bien que c’est ici le recensement spirituel de la justice, Marie et Joseph, c’est-à-dire un juste et une vierge viennent s’y soumettre, l’un qui devait être le gardien du Verbe, l’autre qui allait l’enfanter. — S. Bède : Notre ville et notre patrie, c’est le repos bienheureux vers lequel nous devons nous avancer chaque jour par un progrès continuel dans les vertus. Chaque jour la sainte Église, à la suite de ses docteurs, se dégage du cercle toujours agité de la vie mondaine (ce que signifie le mot Galilée), pour venir dans la ville de Juda (c’est-à-dire de la confession et de la louange), et y payer au roi éternel le tribut de sa piété. A l’exemple de la bienheureuse Vierge Marie, elle nous a conçus par l’opération de l’Esprit saint; épouse d’un autre, elle est fécondée par ce divin Esprit, elle est unie visiblement au souverain pontife, qui est son chef, mais elle est comblée des dons et de la vertu invisible de l’Esprit saint; le nom de Joseph signifie « qui est secouru » ; son nom même nous indique que le zèle du Maître qui enseigne ne peut rien, si l’assistance du secours divin ne vient ouvrir le coeur de ceux qui sont enseignés. |
Lectio 2 [85766] Catena in Lc., cap. 2 l. 2 Ambrosius. Breviter sanctus Lucas et quo modo et quo
tempore et quo loco secundum carnem Christus natus sit explicavit dicens
factum est autem cum essent ibi, impleti sunt dies ut pareret. Quo modo
quidem, quia nupta concepit, sed virgo generavit. Gregorius
Nyssenus. Apparens enim ut homo, non per omnia legibus humanae naturae
subicitur : nam quod ex muliere nascitur, humilitatem redolet; virginitas
vero, quae ortui deservivit, ostendit quam transcenderet hominem. Huius ergo
iucunda portatio, ortus immaculatus, partus facilis, absque corruptela
nativitas : nec ex luxu incipiens, nec doloribus edita : quia namque ea quae
naturae nostrae mortem per culpam inseruit, damnata est ut cum doloribus
pareret, oportebat parentem vitae cum gaudio partum perficere. Eo autem tempore per incorruptionem virgineam ad vitam transmigrat
mortalium in quo diminui incipiunt tenebrae, et nocturna immensitas
exuberantia radii deficere cogitur. Mors enim peccati finem pravitatis
attigerat; sed de cetero tendit ad nihilum propter verae lucis praesentiam,
quae radiis evangelicis totum orbem lustravit. Beda. Eo etiam tempore dignatus est incarnari quo mox natus censu
Caesaris ascriberetur, atque ob nostri liberationem ipse servitio subderetur
: unde etiam non solum propter iudicium regii stemmatis, sed etiam propter
nominis sacramentum dominus in Gregorius
in Evang. Bethlehem quippe domus panis interpretatur : ipse namque est qui
ait : ego sum panis vivus, qui de caelo descendi. Locus ergo in quo dominus
nascitur, domus panis antea vocabatur, quia futurum erat ut ibi ille per
naturam carnis appareret qui electorum mentes interna satietate reficeret.
Beda.
Sed et usque ad consummationem saeculi dominus in Nazareth concipi, in Bethlehem
nasci non desinit cum quilibet audientium, verbi flore suscepto, domum in se
aeterni panis efficit; quotidie in utero virginali, hoc est in animo
credentium, per fidem concipitur, per Baptismum gignitur. Sequitur et peperit
filium suum primogenitum. Hieronymus
contra Helvidium. Ex hoc Helvidius nititur approbare, primogenitum dici
non posse nisi eum qui habeat et fratres, sicut unigenitus ille vocatur qui
parentibus sit solus filius. Nos autem ita definimus. Unigenitus est
primogenitus, non omnis primogenitus est unigenitus. Primogenitum non esse
dicimus eum quem alii subsequuntur, sed ante quem nullus : alioquin si non
est primogenitus nisi is quem sequantur et fratres, tamdiu sacerdotibus
primogenita non debentur, quamdiu et alii fuerint procreati, ne forte partu
postea non sequente, unigenitus sit, et non primogenitus. Beda.
Est etiam unigenitus in substantia divinitatis, primogenitus susceptione
humanitatis; primogenitus in gratia, unigenitus in natura. Hieronymus.
Nulla autem ibi obstetrix, nulla muliercularum sollicitudo intercessit.
Ipsa pannis involvit infantem; ipsa mater et obstetrix fuit; unde sequitur et
pannis eum involvit. Beda.
Qui totum mundum vario vestit ornatu, pannis vilibus involvitur, ut nos
stolam primam recipere valeamus. Per quem omnia facta sunt, manus pedesque
astringitur, ut nostrae manus ad opus bonum exertae, nostri sint pedes in
viam pacis directi. Graecus.
O admirabilem coarctationem et peregrinationem quam subiit qui continet
orbem. Ab initio captat penuriam, et eam in seipso decorat. Nimirum
si voluisset, venire poterat movendo caelum, concutiendo terram, emittens
fulmina; non autem sic processit : non enim perdere, sed salvare volebat, et ab
ipsis primordiis humanam conculcare superbiam; atque ideo non tantum homo
fit, sed etiam homo pauper; et pauperem matrem elegit, quae caret his quibus
natum infantem reclinet; sequitur enim et reclinavit eum in praesepio. Beda.
Duri praesepis angustia continetur cui caelum sedes est, ut nos per
caelestis regni gaudia dilatet. Qui panis est Angelorum, in praesepio
reclinatur, ut nos quasi sancta animalia carnis suae frumento reficiat. Cyrillus. Reperit etiam hominem factum bestialem in anima : et ideo
in praesepio loco pabuli ponitur, ut vitam bestialem mutantes, ad consonam
homini perducamur scientiam, pertingentes non fenum, sed panem caelestem,
vitae corpus. Beda. Qui autem ad dexteram patris sedet, in diversorio loco eget,
ut nobis in domo patris sui multas mansiones praeparet; unde sequitur quia
non erat eis locus in diversorio. Nascitur non in parentum domo, sed in
diversorio, et in via : quia per incarnationis mysterium via factus est, qua
nos ad patriam, ubi veritate et vita fruemur, adduceret. Gregorius in Evang. Et ut ostenderet quia per humanitatem quam
assumpserat, quasi in alieno nascebatur, non secundum potestatem, sed
secundum naturam. Ambrosius. Propter te ergo infirmitas, in se potentia; propter te
inopia, in se opulentia; noli hoc aestimare quod cernis, sed quod redimeris
agnosce. Plus, domine Iesu, iniuriis tuis debeo quod redemptus sum, quam
opibus quod creatus sum. Non prodesset nasci, nisi etiam redimi profuisset. |
Versets 6-7.
— S. Ambroise : Saint Luc rapporte en très peu de mots la manière dont le Christ est né, la date et le lieu de sa naissance selon la chair : « Pendant qu’ils étaient là, il arriva que le temps où elle devait enfanter s’accomplit, » etc. Le mode de sa naissance, c’est qu’une femme qui était mariée l’a conçu, et qu’elle l’a engendré en demeurant vierge. — S. Grégoire de Nysse : (Chronique des Pères grecs) En effet, en se revêtant de notre humanité, il n’est point soumis en tout aux lois de la nature humaine. Il naît d’une femme, il est vrai, et c’est la part de l’humanité; mais la virginité qui lui a donné naissance, montre qu’il est supérieur à l’homme. La Vierge l’a porté dans la joie, sa conception est sans tache, son enfantement sans difficulté, sa naissance sans souillure, sans déchirement et sans douleurs. Celle qui a déposé dans notre nature le germe de la mort par sa désobéissance, a été condamnée à enfanter dans la douleur; la mère de celui qui est la vie devait enfanter dans la joie. Il entre dans cette vie mortelle par la pureté incorruptible d’une vierge, à l’époque de l’année où les ténèbres commencent à diminuer, et où la longueur des nuits cède nécessairement devant les flots de lumière que répand l’astre du jour. En effet, la mort du péché avait atteint le terme de sa gravité, dès lors elle allait disparaître devant la clarté de la vraie lumière qui allait répandre sur tout l’univers les rayons éclatants de la prédication évangélique. — S. Bède : Le Christ a daigné s’incarner encore à cette époque, afin qu’aussitôt sa naissance, il fût compris dans le dénombrement commandé par César, et soumis lui-même à la servitude pour nous délivrer. Il naît à Bethléem, non seulement pour prouver sa descendance royale, mais à cause de la signification mystérieuse de ce nom. — S. Grégoire : (hom. 8 sur les Evang.) Car Bethléem veut dire maison du pain; c’est lui, en effet, qui a dit : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. » Le lieu donc où naquit le Sauveur était appelé maison du pain, parce qu’on devait y voir apparaître dans une chair mortelle, celui qui rassasie intérieurement les âmes des élus. — S. Bède : Jusqu’à la consommation des siècles, le Seigneur ne cesse point d’être conçu à Nazareth, de naître à Bethléem; en effet, chacun de ses disciples qui reçoit en lui la fleur du Verbe, devient la maison du pain éternel; chaque jour encore, il est conçu par la foi dans un sein virginal, (c’est-à-dire dans l’âme des croyants), et il est engendré par le baptême. « Et
elle enfanta son premier né. » — S. Jérôme : (cont. Helv.) Helvidius s’efforce de prouver par ce passage qu’on ne peut donner le nom de premier né qu’à celui qui a des frères; de même qu’on appelle fils unique celui qui est le seul enfant de ses parents. Pour nous, voici notre explication : Tout fils unique est premier né, mais tout premier né n’est pas fils unique. Nous appelons premier né, non pas celui après lequel naissent d’autres enfants, mais celui avant lequel il n’y a eu aucun enfant (cf. Nb 18, 15). En effet, si on n’est le premier né, qu’autant qu’on aura des frères après soi, les prêtres n’auront aucun droit sur les premiers nés, avant la naissance d’autres enfants; car alors au défaut de ces autres enfants, il y aurait un fils unique, il n’y aurait point de premier né. — S. Bède : Jésus est aussi fils unique dans sa nature divine, premier né dans son union avec l’humanité; premier né dans la grâce, unique dans sa nature. — S. Jérôme : (cont. Helv.) Personne ne reçut l’enfant à sa naissance, aucune femme ne donna à Marie les soins ordinaires, elle seule enveloppa son enfant de langes, elle fut à la fois la mère et celle qui reçut l’enfant : « Et elle l’enveloppa de langes. » — S. Bède : Celui qui revêt le monde entier de sa parure si variée, est enveloppé dans de pauvres langes, afin que nous puissions recouvrir la robe première de notre innocence; celui par qui tout a été fait, voit ses mains et ses pieds comme enchaînés, afin que nos mains soient libres pour toute sorte de bonnes oeuvres, et que nos pieds soient dirigés dans la voie de la paix. — Commentaire grec : (ou Métaphraste, Chronique des Pères grecs) A quels admirables abaissements se réduit, à quels voyages lointains s’assujettit celui qui contient le monde entier dans son immensité ! Dès son entrée dans le monde, il recherche la pauvreté et la rend honorable dans sa personne. — S. Jean Chrysostome : (hom. pour la nativ. de J.-C.) Sans doute, s’il eût voulu, il pouvait venir en ébranlant les cieux, en faisant trembler la terre, en lançant la foudre; il a rejeté tout cet appareil, car il venait, non pour perdre, mais pour sauver l’homme, et, dès sa naissance, fouler aux pieds l’ orgueil humain. Il ne lui suffit donc pas de se faire homme, il se fait homme pauvre, et il choisit une mère pauvre, qui n’a point même de berceau pour y déposer son enfant nouveau né : « Et elle le coucha dans une crèche. » — S. Bède : Celui qui a le ciel pour trône, se renferme dans une crèche étroite et dure pour dilater nos coeurs par les joies du royaume des cieux; celui qui est le pain des anges est déposé dans une crèche, pour nous nourrir comme un troupeau sanctifié du pur froment de sa chair [divine]. — S. Cyrille d’Alexandrie : (Chronique des Pères grecs) Il a trouvé l’homme devenu animal jusque dans son âme, et il se place dans la crèche comme nourriture, afin que nous changions cette vie tout animale pour arriver à l’intelligence digne de l’homme, nourris que nous sommes, non de l’herbe des champs, mais du pain céleste, du corps de vie. — S. Bède : Celui qui est assis à la droite de Dieu le Père, manque de tout dans une pauvre retraite, pour nous préparer plusieurs demeures dans la maison de son Père (Jn 14, 2) : « Car il n’y avait point de place pour eux dans les hôtelleries. » Il naît, non dans la maison de ses parents, mais dans un lieu étranger, et en voyage, parce que dans le mystère de son incarnation, il est devenu la voie qui nous conduit à la patrie céleste (où nous jouirons pleinement de la vérité et de la vie) (Jn 14). — S. Grégoire : (hom. 8 sur les Evang.) C’est aussi pour nous enseigner qu’en prenant notre humanité, il naissait comme dans un lieu étranger, non à sa puissance, mais à la nature dont il se revêtait. — S.
Ambroise : C’est pour vous qu’il s’abaisse à cet
état d’infirmité, lui qui est en lui-même toute puissance; pour vous, qu’il
se réduit à cette pauvreté, lui qui possède toute richesse. Ne vous arrêtez
point à ce que vous voyez, mais considérez que c’est par là que vous êtes
racheté. Seigneur Jésus, je dois plus à vos humiliations qui m’ont racheté, qu’aux
oeuvres de votre puissance qui m’ont créé. Que m’eût-il servi de naître sans
le bienfait inestimable de la rédemption ? |
Lectio 3 [85767] Catena in Lc., cap. 2 l. 3 Ambrosius. Videte quemadmodum divina curia fidem
astruat. Angelus Mariam, Angelus Ioseph, Angelus pastores edocet, de quibus
dicitur et pastores erant in regione eadem vigilantes, et custodientes
vigilias noctis super gregem suum. Chrysostomus.
Ioseph quidem in somnis apparuit Angelus; pastoribus autem visibiliter
quasi rudioribus : non autem Angelus ivit Ierosolymam, non requisivit Scribas
et Pharisaeos; erant enim corrupti, et prae invidia cruciabantur; sed hi
erant sinceri, antiquam conversationem patriarcharum et Moysis colentes. Est
autem semita quaedam ad philosophiam perducens innocentia. Beda.
Nusquam autem in tota veteris testamenti serie reperimus Angelos, qui tam
sedulo apparuere patribus, cum luce apparuisse. Sed hoc privilegium recte
huic tempori est servatum quando exortum est in tenebris lumen rectis corde :
unde sequitur et claritas Dei circumfulsit illos. Ambrosius.
Ex utero funditur, sed coruscat a caelo; terreno in diversorio iacet, sed
caelesti lumine viget. Graecus.
Verum pavidi facti sunt in miraculo; unde sequitur et timuerunt timore
magno. Sed Angelus, cum pavor ingruerit, fugat ipsum : unde sequitur et dixit
illis Angelus : nolite timere. Non solum sedat terrorem, sed etiam
alacritatem infundit : sequitur enim ecce enim evangelizo vobis gaudium
magnum, quod erit omni populo : non soli populo Iudaeorum, sed etiam omnibus.
Causa autem gaudii ostenditur, novus et admirabilis partus manifestatur ex
ipsis nominibus : nam sequitur quia natus est vobis hodie salvator, qui est
Christus dominus : quorum primum, idest salvator, est actionis; tertium
autem, scilicet dominus, maiestatis. Cyrillus
de Incarn. Unigen. Sed id quod in medio ponitur, scilicet Christus, non
naturam significat, sed hypostasim compositam. In Christo enim salvatore
unctionem fore celebratam fatemur; non tamen figuralem, sicut olim in regibus
ex oleo, quasi ex prophetica gratia, neque ad perfectionem alicuius negotii,
iuxta illud : haec dicit dominus Christo meo Cyro, qui quamquam esset
idololatra, dictus est Christus, ut caelesti censura totam occuparet
Babyloniorum provinciam. Fuit autem unctus salvator spiritu sancto humanitus
in forma servi; ungens autem ut Deus spiritu sancto credentes in eum. Graecus.
Huius autem nativitatis et tempus ostendit cum dicit hodie, et locum cum subdit
in civitate David, et signa cum subiungit et hoc vobis signum : invenietis
infantem pannis involutum, et positum in praesepio. Ecce pastoribus Angeli pastorem praecipuum praedicant, tamquam agnum
in antro manifestatum et editum. Beda. Crebris autem infantia salvatoris et Angelorum
praeconiis et Evangelistarum nobis est conculcata testimoniis, ut nostris
altius cordibus quid pro nobis factum sit infigatur. Et notandum, quod signum
nati salvatoris datur non Tyrio exceptum ostro, sed pannis squalentibus
involutum : non in ornatis auro stratoriis, sed in praesepibus inveniendum. Maximus
in Serm. Nativ. Sed si tibi panni fortassis vilescunt, Angelos
collaudantes admirare : si praesepe despicis, erige parumper oculos, et novam
in caelo stellam protestantem mundo nativitatem dominicam contuere : si
credis vilia, crede mirifica : si de his quae humilitatis sunt disputas, quae
alta sunt et caelestia venerare. Gregorius
in Evang. Mystice autem quod vigilantibus pastoribus Angelus apparet,
eosque claritas Dei circumfulsit, hoc est quod illi prae ceteris videre
sublimia merentur qui fidelibus gregibus praeesse sollicite sciunt : dumque
ipsi pie super gregem vigilant, divina super eos latius gratia coruscat. Beda.
Significant enim mystice pastores isti gregum, doctores quosque ac
rectores fidelium animarum. Nox, cuius vigilias custodiebant super gregem
suum, pericula tentationum indicat, a quibus se suosque subiectos custodire
non desistunt. Et bene, nato domino, pastores super gregem vigilant : quia
natus est qui dicit : ego sum pastor bonus; sed et tempus imminebat quo idem
pastor oves suas, quae dispersae erant, ad vitae pascua revocaret. Origenes
in Lucam. Ceterum, si ad secretiorem oportet ascendere intellectum, dicam
quosdam fuisse pastores Angelos qui res humanas regerent; et cum horum
unusquisque suam custodiam conservaret, venisse Angelum nato domino, et
annuntiasse pastoribus, quia verus esset pastor exortus. Angeli enim ante
adventum salvatoris parum poterant commissis sibi utilitatis afferre : vix
enim aliquis unus ex singulis gentibus credebat in Deum; nunc autem populi
accedunt ad fidem Iesu. |
Versets 8-12.
— S. Ambroise : Voyez comme Dieu prend soin d’établir et de confirmer la foi : c’est un ange qui instruit Marie, un ange qui instruit Joseph, un ange encore qui instruit les bergers dont il est dit : « Il y avait aux environs des bergers qui vivaient aux champs et qui veillaient la nuit sur leur troupeau, » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) L’ange apparut à Joseph pendant son sommeil, [comme à un homme qu’il était facile d’amener à la foi], il apparaît visiblement aux bergers plus grossiers. Cet ange ne se rend point à Jérusalem, il ne s’adresse pas aux scribes et aux pharisiens, ils étaient trop corrompus et victimes de leur envie. Mais ces bergers étaient simples et conservaient les habitudes des patriarches et les traditions de Moise. Or l’innocence est une voie sûre qui conduit à la sagesse. — S.
Bède : (hom.) Dans toute l’histoire de l’Ancien Testament, où les apparitions des
anges aux patriarches avaient des caractères si particuliers, nous ne voyons
nulle part qu’ils aient apparu environnés de lumière, c’était un privilège
réservé au temps où au milieu des ténèbres, la lumière s’est levée pour les
coeurs droits : « Et une clarté
divine les environna. » — S. Ambroise : Jésus sort du sein d’une mère mortelle, mais il brille du plus haut des cieux, il est couché dans un asile terrestre, mais il resplendit d’une lumière céleste. — Commentaire grec. (ou Géom., Chronique des Pères grecs) Ce miracle les remplit de frayeur : « Et ils furent saisis de crainte, ». Mais l’ange dissipe bientôt cette frayeur qui les trouble : « Et il leur dit : ‘Ne craignez point’ ». Non content d’apaiser leur crainte, il leur inspire un vif sentiment de joie. Voici en effet la suite : « Voici que je vous annonce le sujet d’une grande joie qui sera pour tout le peuple », non seulement pour le peuple juif, mais pour tous les hommes. La cause de cette joie, c’est cet enfantement nouveau et vraiment admirable d’après les noms que l’ange donne à cet enfant. Il ajoute : « parce qu’il vous est né aujourd’hui un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur ». Le premier de ces noms (celui de Sauveur), exprime l’action; le troisième (celui de Seigneur), la majesté. — S. Cyrille d’Alexandrie : (Chronique des Pères grecs.) Le nom qui est au milieu (celui de Christ), [désigne l’onction], il n’exprime pas la nature, mais l’union hypostatique des deux natures. Nous croyons que Jésus-Christ notre Sauveur, a reçu une onction solennelle, ce n’est pas cette onction figurative (telle que les rois la recevaient autrefois avec l’huile sainte), et qui était conférée par une grâce prophétique. Ce n’est point non plus cette onction conférée pour l’accomplissement d’un grand dessein, comme nous le voyons dans ce passage d’Isaïe (Is 45) « Voici ce que dit le Seigneur à Cyrus qui est son Christ. » Il l’appelle son Christ, quoiqu’il fût idolâtre, parce qu’il devait exécuter le décret de Dieu en s’emparant de toute la province de Babylone. Mais pour le Sauveur, il a reçu l’onction de l’Esprit Saint comme homme et dans la forme de l’esclave qu’il avait prise, et il donne, en tant que Dieu, l’onction de l’Esprit saint à tous ceux qui croient en lui. — Commentaire grec : (ou Géom.) : L’ange leur fait connaître ensuite le moment de cette naissance : « Aujourd’hui », le lieu : « Dans la ville de David », et les signes pour le reconnaître : « Et voici le signe que je vous donne, Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche». C’est ainsi que les anges annoncent à des pasteurs le prince des pasteurs qui naît et se manifeste comme un agneau dans une étable. — S. Bède : Tout ce qui a rapport à l’enfance du Sauveur nous est clairement enseigné, et par les déclarations fréquentes des anges, et par les nombreux témoignages des Évangélistes, pour graver plus profondément dans nos coeurs les mystères opérés pour notre salut. Et remarquez le signe auquel ils reconnaîtront le Sauveur qui vient de naître. Ce n’est pas un enfant enveloppé dans une pourpre éclatante, mais dans de misérables langes, il n’est point couché sur des tapis brochés d’or, ils le trouveront dans une crèche. — S. Maxime : (serm. sur la Nativ.) Si ces langes vous semblent misérables, admirez le concert de louanges des esprits célestes. Si la crèche vous inspire du mépris, élevez un peu les yeux, et contemplez cette nouvelle étoile qui annonce au monde la naissance du Seigneur. Vous croyez à ce qui est abaissement dans ce mystère, croyez aussi à tout ce qu’il a de merveilleux; et si les humiliations qu’il renferme sont pour vous matière à discussion, que le caractère de grandeur et de divinité dont il est empreint, soit l’objet de votre vénération. — S. Grégoire : (hom. 8 sur les Ev.) Dans le sens mystique, l’apparition de l’ange aux bergers qui veillaient sur leurs troupeaux, et la clarté divine qui les environna nous apprennent que ceux qui gouvernent avec sollicitude les brebis fidèles qui leur sont confiées, sont admis de préférence à tous les autres, à contempler les mystères les plus sublimes; et tandis qu’ils veillent religieusement sur leur troupeau, la grâce divine répand sur eux des flots de lumière. — S. Bède : (hom.) Ces pasteurs de troupeaux représentent en effet les docteurs et les directeurs des âmes fidèles; la nuit pendant laquelle ils veillaient tour à tour sur leur troupeau, figure les dangers des tentations dont ils ne cessent de défendre, s’en préservant eux-mêmes et les âmes qui leur sont soumises. Ce n’est pas d’ailleurs sans dessein que les bergers veillent sur leur troupeau ; car celui qui vient de naître, c’est celui qui dit de lui-même (Jn 10) : « Je suis le bon pasteur, » car aussi bien le temps approche où ce même pasteur doit ramener les brebis dispersées dans les pâturages de la vie (cf. Jn 10, 16; 11, 52). — Origène : (hom. 12.) S’il faut élever notre intelligence à un sens plus mystérieux, je dirai que les anges étaient comme des pasteurs chargés de diriger les choses humaines. Alors que chacun d’eux remplissait cette mission de vigilance, un ange vint annoncer aux pasteurs la naissance du véritable pasteur; car les anges avant la venue du Sauveur, ne pouvaient être que faiblement utiles à ceux qui étaient commis à leur garde, à peine, en effet, trouvait-on dans chaque nation un homme qui crût en Dieu, tandis qu’aujourd’hui tous les peuples à l’envi embrassent la foi de Jésus. |
Lectio 4 [85768] Catena in Lc., cap. 2 l. 4 Beda. Ne parva unius angeli videretur auctoritas, postquam
unus sacramentum novae nativitatis edocuit, statim multitudo caelestium
agminum affuit ; unde dicitur et subito facta est cum angelo multitudo
militiae caelestis. Bene
chorus adveniens angelorum, militiae caelestis vocabulum accipit, qui et duci
illi in praelio qui ad debellandas aereas potestates apparuit, humiliter
obsecundat, et ipse potestates easdem contrarias, ne mortales tantum tentare
valeant quantum volunt, fortiter armis caelestibus perturbat. Quia vero deus
et homo nascitur, hominibus pax et deo gloria canitur ; unde sequitur
laudantium deum, et dicentium : gloria in altissimis deo. Uno angelo, uno
evangelizante nuntio natum in carne deum, mox multitudo militiae caelestis in
laudem creatoris prorumpit, ut et christo devotionem impendat, et nos suo
instruat exemplo, quoties aliquis fratrum sacrae eruditionis verbum
insonuerit, vel ipsi quae pietatis sunt ad mentem reduxerimus, deo statim
laudes corde, ore et opere reddendas. Chrysostomus. Et olim quidem angeli ad
puniendum mittebantur, puta ad israelitas, ad david, ad sodomitas, ad gemitus
convallem ; nunc e contra canunt in terra gratias agentes deo : eo quod suum
descensum ad homines eis reseravit. Gregorius moralium. Simul etiam laudant, quia
redemptioni nostrae voces suae exultationis accommodant : simul etiam, quia
dum nos conspiciunt recipi, suum gaudent numerum impleri. Beda. Optant etiam pacem hominibus, cum subdunt et in terra pax hominibus :
quia quos infirmos prius abiectosque despexerant, nascente in carne domino,
iam socios venerantur. Cyrillus. Haec autem pax per christum facta est : reconciliavit enim nos per se
deo et patri, culpam hostilem de medio auferens ; duos populos in unum
hominem pacificavit, ac caelicolas et terrenos in unum gregem composuit. Beda. Quibus autem hominibus pacem poscant, exponunt dicentes bonae
voluntatis, eis scilicet qui suscipiunt natum christum : non enim est pax
impiis, sed pax multa diligentibus nomen dei. Origenes in lucam. Sed diligens lector inquirat quomodo
salvator dicat : non veni pacem mittere super terram ; et nunc angeli de eius
nativitate cantent in terra pax hominibus. Sed hoc quod pax esse dicitur in
hominibus bonae voluntatis, solvit quaestionem ; pax enim quam non dat
dominus super terram, non est pax bonae voluntatis. Augustinus de trin.. Pertinet enim iustitia ad
bonam voluntatem. Chrysostomus. Aspice autem mirandum
processum : angelos ad nos deduxit prius, ac deinde duxit hominem ad superna
: factum est caelum terra, cum terrena deberet recipere. Origenes in lucam. Mystice autem videbant angeli, se opus quod
eis creditum fuerat, implere non posse absque eo qui vere salvare poterat ;
et medicinam suam inferiorem esse quam hominum cura poscebat : unde sicut si
veniat aliquis archiater qui habeat summam in medicina notitiam : et illi qui
prius sanari nequiverant, cernentes magistri manu putredines cessare
vulnerum, non invideant, sed in laudes archiatri erumpant, et dei, qui sibi
aegrotantibusque tantae [tantae] scientiae hominem miserit ; sic multitudo
angelorum pro christi adventu deum laudat. |
Versets 13-14.
— S. Bède : Le témoignage d’un seul ange pouvait paraître insuffisant; aussitôt donc que cet ange est venu annoncer le mystère de la nouvelle naissance, on voit paraître la multitude des légions célestes : « Au même instant se joignit à l’ange une grande troupe de l’armée céleste. » Le nom de milice céleste que donne l’Évangéliste au choeur des anges est parfaitement choisi, car elle exécute humblement les ordres et seconde dans les combats les efforts du chef puissant qui est venu triompher des puissances de l’air, jeter le trouble parmi les légions ennemies, et les empêcher d’agir à leur gré contre les hommes. Celui qui vient de naître est tout à la fois Dieu et homme, c’est donc à juste titre que les anges annoncent la paix aux hommes, et chantent gloire à Dieu : « Ils louaient Dieu et disaient : Gloire à Dieu au plus haut des cieux. » Un seul ange, un seul envoyé du ciel, vient d’annoncer qu’un Dieu vient de naître dans une chair mortelle, et aussitôt la multitude des légions célestes proclame la gloire du Créateur. Elle témoigne ainsi de son amour pour Jésus-Christ, et nous instruit par son exemple. Toutes les fois, en effet, que l’un de nos frères nous fait entendre la parole de la science sacrée, ou lorsque nous-mêmes nous repassons dans notre âme une pensée pieuse, notre coeur, notre bouche, nos oeuvres doivent aussitôt rendre gloire à Dieu. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Autrefois les anges étaient envoyés pour punir, aux Israélites, à David, aux habitants de Sodome, à la vallée des gémissements; maintenant au contraire, ils chantent à Dieu un cantique d’actions de grâces, parce qu’il leur a fait connaître sa venue parmi les hommes. — S. Grégoire : (Moral., 28, 7.) Ils chantent les louanges de Dieu, pour mettre leurs concerts en harmonie avec le bienfait de notre rédemption; heureux ainsi de voir les hommes réconciliés appelés à compléter leur nombre [dans les cieux]. — S. Bède : Ils souhaitent la paix aux hommes, en ajoutant : « Et sur la terre paix aux hommes, », parce que, Dieu s’étant incarné, ils vénèrent des compagnons dans ceux qu’ils avaient vus en proie à toute sorte d’infirmités et d’humiliations. — S. Cyrille d’Alexandrie : (Chronique des Pères grecs) Cette paix est l’oeuvre de Jésus-Christ, il nous a réconciliés par lui-même à Dieu son Père (2 Cor 5, 18 et 19; Ep 2, 16; Col 1, 20. 22), en effaçant les fautes qui nous rendaient ses ennemis. Il a pacifié les deux peuples pour n’en faire qu’un seul homme, et a formé un seul troupeau des habitants du ciel et de ceux qui sont sur la terre. — S. Bède : Mais à quels hommes les anges souhaitent-ils la paix ? Ils l’expliquent eux-mêmes en ajoutant : « de bonne volonté, » c’est-à-dire à ceux qui recevront le Christ qui vient de naître, car il n’y a point de paix pour les impies (Is 57), elle est le partage de ceux qui aiment le nom de Dieu (Ps 118). — Origène : Le lecteur attentif demandera comment le Sauveur a pu dire (Lc 12) : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, » tandis que les anges chantent à sa naissance : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté » ; mais la question se trouve résolue par ces paroles mêmes : « Paix aux hommes de bonne volonté, » car la paix dont Dieu n’est pas l’auteur, n’est pas la paix de bonne volonté. — S. Augustin : (de la Trin., 13, 1-3.) La justice fait partie de la bonne volonté. — S. Jean Chrysostome : (Ch. des Pèr. 9r.) Voyez la marche admirable que Dieu a suivie, il a fait d’abord descendre les anges jusqu’à nous, pour faire remonter ensuite l’homme jusqu’au ciel; le ciel s’est fait terre pour relever les choses de la terre. — Origène : (comme précéd.) Dans le sens mystique, les anges reconnaissaient qu’ils ne pouvaient accomplir la mission qui leur avait été confiée sans le secours de celui qui seul avait la puissance de sauver, et que tous leurs remèdes étaient inefficaces pour guérir les hommes. Ainsi, lorsqu’un médecin d’une science supérieure arrive près d’un malade que d’autres n’ont pu guérir, dès que ceux-ci voient la gangrène des plaies les plus profondes disparaître au simple toucher du savant docteur, loin de lui porter envie, ils célèbrent les louanges du médecin et de Dieu, qui leur a envoyé ainsi qu’aux malades, un homme d’une science si éminente; c’est ainsi que la multitude des anges loue et remercie Dieu d’avoir envoyé Jésus-Christ sur la terre. |
Lectio 5 [85769] Catena in Lc., cap. 2 l. 5 Graecus. Quae visa sunt et relata stuporem ingesserunt pastoribus;
et sic ovilia sua omiserunt, et profecti sunt nocte Bethlehem, lucem
indagantes salvatoris; unde dicitur et factum est ut discesserunt ab eis
Angeli in caelum, pastores loquebantur ad invicem : transeamus usque
Bethlehem, et videamus hoc verbum quod factum est. Beda. Vere quasi vigilantes non dixerunt : videamus puerum, sed
verbum quod factum est; idest, verbum quod semper erat videamus quomodo pro
nobis caro factum est : siquidem hoc ipsum verbum dominus est; sequitur enim
quod fecit dominus et ostendit nobis; idest, videamus quomodo verbum ipsum se
fecerit, et ostenderit nobis carnem suam. Ambrosius
in Lucam. Vide quam singulariter Scriptura singulorum libret momenta
verborum : etenim cum caro domini videtur, videtur verbum, quod est filius.
Non mediocre fidei tibi hoc videatur exemplum : non vilis persona pastorum :
simplicitas enim quaeritur, non ambitio desideratur. Sequitur et venerunt
festinantes; nemo enim cum desidia Christum requirit. Origenes
in Lucam. Quia vero festinantes venerunt, et non pedetentim, ideo sequitur
et invenerunt Mariam, quae scilicet fudit Iesum in partu, et Ioseph, scilicet
dispensatorem ortus dominici, et infantem positum in praesepio, scilicet
ipsum salvatorem. Beda.
Est autem iusti ordinis, ut honore digno celebrata verbi incarnatione, ad
ipsam quandoque verbi gloriam intuendam pertingatur; unde sequitur videntes
autem cognoverunt de verbo quod dictum erat illis de puero hoc. Graecus.
Occulta scilicet fide felicia relata contuentes, nec contenti de veritate
stupere, quae primitus viderant et perceperant Angelo nuntiante, non solum
Mariae et Ioseph promebant, sed etiam ceteris; et, quod est amplius, eorum
mentibus infigebant; unde sequitur et omnes qui audierunt mirati sunt, et de
his quae dicta erant a pastoribus ad ipsos. Quomodo enim non erat mirandum
videre caelicolam in terrenis, et terram pace conciliari caelestibus, et
ineffabilem illum infantulum numine quidem caelestia, humanitate vero
terrestria connectentem ad invicem, et sui compagine foedus mirandum
praestantem? Glossa.
Nec solum mirantur de incarnationis mysterio, sed etiam de tanta pastorum
attestatione qui fingere inaudita nescirent, sed simplici facundia vera
praedicarent. Ambrosius.
Nec contemnenda putes quasi vilia verba pastorum : a pastoribus enim Maria
colligit fidem : unde sequitur Maria autem conservabat omnia verba haec,
conferens in corde suo. Discamus sanctae virginis in omnibus castitatem, quae
non minus ore pudica quam corpore argumenta fidei conferebat in corde. Beda.
Virginalis enim pudicitiae iura custodiens, secreta Christi quae noverat,
nemini divulgare volebat; sed conferebat ea quae facienda legerat cum his
quae iam facta cognovit; non ore promens, sed clausa in corde custodiens.
Graecus.
Quicquid etiam ei retulerat Angelus, quicquid a pastoribus audierat,
cuncta congerebat in mente; et ad invicem comparans, unam in omnibus mater
sapientiae cernebat concordiam. Vere Deus erat qui natus erat ex ea. Athanasius.
Singuli autem in Christi nativitate exultabant, non humanitus, sicut in
puero nato soliti sunt homines congaudere, sed in Christi praesentia, et
lucis divinae fulgore; unde sequitur et reversi sunt pastores glorificantes
et laudantes Deum in omnibus quae audierant. Beda.
Scilicet ab Angelis; et viderant, scilicet in Bethlehem, sicut dictum est
ad illos; idest in hoc glorificant quod non aliud venientes invenerant, quam
dictum est ad illos : sive sicut dictum est ad illos, gloriam Deo laudesque
referunt : etenim hoc illis facere dictum est ab Angelis, non quidem verbo
imperantibus, sed formam suae devotionis offerentibus, cum Deo in excelsis
gloriam resonarent. Beda.
Mystice autem intellectualium pastores gregum, immo cuncti fideles,
exemplo horum pastorum transeant cogitatione usque in Bethlehem, et
incarnationem Christi dignis celebrent honoribus. Transeamus autem abiectis
concupiscentiis carnalibus toto mentis desiderio usque in Bethlehem supernam,
idest domum panis vivi; ut quem illi in praesepio videre vagientem, nos in
patris solio mereamur videre regnantem; non est autem tanta beatitudo cum
desidia ac torpore quaerenda; sed alacriter sunt Christi sequenda vestigia.
Videntes autem cognoverunt. Et nos quae dicta sunt de salvatore nostro, plena
dilectione festinemus amplecti, ut hoc in futuro perfectae cognitionis visu
comprehendere valeamus. Beda.
Dominici etiam gregis pastores praecedentium patrum vitam, in qua panis
vitae servatur, quasi Bethlehem portas contemplando subeunt; nihilque in hac
aliud reperiunt quam virginalem Ecclesiae pulchritudinem, quasi Mariam,
virilem spiritualium doctorum coetum, quasi Ioseph, et humilem Christi
adventum Scripturae paginis sacrae insertum, quasi in praesepio positum
Christum infantem. Origenes
in Lucam. Vel praesepe illud Israel erat, secundum illud : cognovit bos
possessorem suum, et asinus praesepe domini sui. Beda.
Non celavere autem silentio pastores quae agnoverant : quia Ecclesiae
pastores in hoc ordinati sunt ut quae in Scripturis didicerunt, auditoribus ostendant.
Beda. Magistri etiam spiritualium gregum modo ceteris dormientibus
contemplando caelestia subeunt, modo fidelium exempla quaerendo circumeunt,
modo ad publicum pastoralis officii docendo revertuntur. Beda. Unusquisque etiam qui privatus vivere creditur, pastoris
officium tenet, si bonorum actuum cogitationumque mundarum aggregans
multitudinem, hanc iusto moderamine gubernare, Scripturarum pastu nutrire, et
contra Daemonum insidias servare contendit. |
Versets 15-20.
— Commentaire grec. (Géomét.) L’apparition de l’ange, les mots qu’il prononce, jetèrent les bergers dans un grand étonnement; ils laissèrent donc leurs troupeaux et partirent cette nuit-là même pour Bethléem, à la recherche de cette lumière du Sauveur : « Il arriva que les anges les quittèrent et remontèrent vers le ciel ; quant aux bergers, ils se disaient l’un à l’autre : Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons le Verbe qui est arrivé. » — S. Bède : C’est le langage d’hommes qui veillent véritablement; ils ne disent pas : voyons cet enfant, mais voyons le Verbe qui a été fait, c’est-à-dire voyons comment ce Verbe qui a été de tout temps a été fait chair pour nous, car ce Verbe c’est le Seigneur, comme la suite l’indique : « que le Seigneur a fait et nous a révélé, » c’est-à-dire voyons comment le Verbe s’est fait lui-même, et nous a manifesté sa chair. — S. Ambroise : Voyez avec quel soin la sainte Écriture pèse le sens de chacune des paroles qu’elle emploie; en effet, celui qui voit la chair du Seigneur, voit le Verbe qui est le Fils de Dieu. Gardez-vous de faire peu de cas de cet exemple de foi, parce qu’il vous est donné par de pauvres bergers, Dieu recherche la simplicité et rejette les prétentions orgueilleuses : « Et ils se hâtèrent de venir, ». Personne ne doit chercher Jésus-Christ avec négligence. — Origène : (hom. 13.) Parce qu’ils se dépêchèrent sans traîner en route, « ils trouvèrent Marie (qui avait enfanté Jésus), Joseph (le protecteur de la naissance du Seigneur), et l’enfant couché dans une crèche, » c’est-à-dire le Sauveur lui-même. — S. Bède : Il est dans l’ordre qu’après avoir rendu à l’incarnation du Verbe les honneurs qui lui sont dus, on soit admis à contempler la gloire elle-même du Verbe : « et l’ayant vu, ils reconnurent la vérité de ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant, ». — Commentaire grec. : (c’est-à-dire Photius, Chronique des Pères grecs) Ils contemplent avec foi dans le secret de leurs coeurs l’accomplissement de l’heureuse nouvelle qui leur a été annoncée, et non contents de ce sentiment d’admiration, ils racontaient tout ce qu’ils avaient vu et entendu, non seulement à Marie et à Joseph, mais à tous ceux qu’ils rencontraient, et (ce qui est mieux encore) ils le gravaient dans les coeurs : « Et tous ceux qui l’entendirent furent dans l’admiration de ce que leur avaient dit les bergers, ». Et quel plus juste sujet d’admiration que de voir celui qui habite dans les cieux, s’unissant à la terre pour la réconcilier avec les cieux, et cet ineffable petit enfant, unissant étroitement ensemble les choses célestes par sa divinité, avec les choses terrestres par son humanité, offrant ainsi une admirable alliance entre ces deux natures intimement unies en lui-même. — La Glose : L’objet de cette admiration n’est pas seulement le mystère de l’Incarnation, mais le témoignage si frappant des bergers, incapables d’imaginer ce qu’ils n’auraient pas entendu, et qui publiaient la vérité avec une éloquence pleine de simplicité. — S. Ambroise : Gardez-vous de mépriser comme de peu d’importance les paroles des bergers, car Marie recueille ces paroles pour confirmer sa foi : « Or Marie conservait toutes ces choses en elle-même, les repassant dans son cœur ». Apprenons quelle était en toutes choses la chasteté de la Sainte Vierge; non moins pure dans ses paroles que dans son corps, elle repassait dans son coeur les preuves de la foi. — S. Bède : (hom.) Fidèle observatrice des lois de la pureté virginale, elle ne voulait révéler à personne les mystères du Christ qu’elle connaissait, mais elle rapprochait les prédictions qu’elle avait lues de leur accomplissement qu’elle avait sous les yeux, et sans en rien publier elle gardait tout renfermé dans son coeur. — Commentaire grec. (ou Métaphraste, Chronique des Pères grecs) Tout ce que l’ange avait dit à Marie, tout ce qu’elle avait appris des bergers, elle le conservait dans son âme, elle en faisait le rapprochement, et cette Mère de la sagesse en admirait la parfaite harmonie, qui lui faisait reconnaître un Dieu dans celui dont elle était la Mère. — S. Athanase : (Chronique des Pères grecs) La naissance de Jésus-Christ était le sujet d’une joie universelle, non pas d’une joie toute humaine comme celle qu’inspire la naissance d’un enfant ordinaire, mais d’une joie céleste produite par la présence du Christ et par l’éclat de la lumière divine : « Et les bergers s’en retournèrent glorifiant et louant Dieu de tout ce qu’ils avaient entendu. » — S. Bède : De ce qu’ils avaient entendu des anges, et de ce qu’ils avaient vu à Bethléem, selon ce qui leur avait été dit. Ainsi ils glorifient Dieu de ce qu’ils ont trouvé celui qu’on leur avait annoncé, et non un autre; ou bien encore ils glorifient, ils louent Dieu, selon ce qui leur avait été dit par les anges qui ne leur en avaient point fait une loi, mais leur offraient un modèle parfait de religion dans l’hymne de gloire qu’ils avaient chanté à Dieu au plus haut des cieux. — Bède : (Hom.) Dans le sens mystique, les pasteurs du troupeau des âmes, disons mieux, tous les fidèles, à l’exemple de ces bergers doivent aller par la pensée jusqu’à Bethléem, et célébrer par de dignes hommages l’incarnation du Christ. Mais commençons par rejeter bien loin toutes les basses concupiscences de la chair avant de nous élever sur l’aile des plus ardents désirs de notre coeur jusqu’à la Bethléem céleste (c’est-à-dire la maison du pain vivant), où nous serons rendus dignes de voir régner sur le trône de Dieu le Père, celui que les bergers ont mérité de voir vagissant dans la crèche. Point de négligence, point de langueur dans la recherche d’un si grand bonheur, c’est avec ardeur qu’il faut suivre les pas de Jésus-Christ. Après qu’ils eurent vu, ils connurent, et nous aussi, hâtons-nous de recevoir avec un coeur plein d’amour tout ce qui nous est dit sur notre Sauveur, afin que nous puissions arriver à le connaître parfaitement dans les splendeurs de la vision des cieux. — S. Bède : (sur Luc.) Les pasteurs du troupeau du Seigneur vont aussi contempler la vie des Pères qui les ont précédés, et où se conserve le pain de vie, comme s’ils entraient dans la ville de Bethléem; et ils n’y trouvent rien d’autre que la beauté virginale de l’Église, c’est-à-dire Marie; la noble cohorte des docteurs spirituels, c’est-à-dire Joseph, et l’humble avènement du Christ inscrit dans les pages de la sainte Écriture, c’est-à-dire Jésus-Christ enfant couché dans la crèche. — Origène : (hom. 43). Ou bien cette crèche est celle qu’Israël n’a point connu, d’après ces paroles d’Isaïe : « Le bœuf a connu celui à qui il appartient, et l’âne l’étable de son maître ». — S. Bède : (in hom.) Les bergers n’ont point enseveli dans le silence les mystères qui leur avaient été manifestés, parce que les pasteurs de l’Église sont établis pour enseigner aux fidèles les vérités qu’ils ont puisées dans les saintes Écritures. — S. Bède : (sur Luc.) [Ajoutons encore que] les pasteurs du troupeau des âmes, tandis que tous les autres se livrent au sommeil, tantôt s’adonnent à la contemplation des choses célestes, tantôt parcourent la vie des saints pour recueillir leurs exemples, et reprennent ensuite par l’enseignement l’exercice du ministère pastoral. — S.
Bède : (hom.) Chaque fidèle, même celui qui semble renfermé dans la vie privée,
remplit l’office de pasteur, s’il prend soin de recueillir une multitude de
bonnes oeuvres et de chastes pensées, de la gouverner dans une sage mesure,
de la nourrir des pâturages de la sainte Écriture, et de la préserver des
embûches du démon. |
Lectio 6 [85770] Catena in Lc., cap. 2 l. 6 Beda.
Exposita nativitate dominica, subiungit Evangelista atque ait et postquam
consummati sunt dies octo ut circumcideretur puer. Ambrosius.
Quis puer, nisi ille de quo dictum est : puer natus est nobis, et filius
datus est nobis et : factus est enim sub lege, ut eos qui sub lege erant
lucrifaceret? Epiphanius
Adver. Haeres. Dicunt autem Ebionis et Cerinthi sequaces : sufficit
discipulo, si sit sicut magister eius : circumcidit autem se Christus; tu
ergo circumcidaris. Falluntur autem destruentes sua principia. Si enim
fateretur Ebion Christum Deum caelitus descendentem octavo die fuisse
circumcisum, tunc praeberet circumcisioni materiam argumenti; sed cum nudum
hunc asserit hominem, non puer est causa ut circumcidatur, sicut nec infantes
sunt suae circumcisionis auctores. Nos enim Deum ipsum fatemur caelitus
descendentem, et in claustro virgineo moram debitam fetibus protraxisse,
quoadusque sibi ex utero virgineo humanitatis carnem perfecte componeret, in qua
circumcisus est veraciter, non apparenter octavo die, quatenus cum ad
spiritualem effectum figurae pervenerint, tam ab ipso, quam a suis discipulis
divulgentur non ultra figurae, sed veritas. Origenes
in Lucam. Sicut enim mortui sumus cum illo moriente, et consurreximus
resurgenti; sic cum eo circumcisi sumus : unde nequaquam nunc indigemus
circumcisione carnali. Epiphanius.
Pluribus autem ex causis circumcisus est Christus. Et primo quidem ut
ostendat carnis veritatem contra Manichaeum et illos qui apparenter eum
dicunt prodiisse : deinde ut pateat quod nequaquam deitati consubstantiale
corpus extiterit, ut fatur Apollinaris; neque caelitus detulit illud, ut
asserit Valentinus : et ut confirmet circumcisionem, quam olim instituerat
eius adventui servientem : quin etiam ut nulla sit Iudaeis excusatio : nam
nisi circumcisus fuisset, obicere poterant quod non possent incircumcisum
Christum recipere. Beda.
Ut etiam nobis obediendi virtutem commendaret exemplo, et ut eos qui sub
lege positi legis onera portare nequiverant, sua compassione iuvaret; ut qui
in similitudine carnis peccati advenit, remedium quo caro peccati consueverat
mundari, non respuat. Idem enim salutiferae curationis auxilium circumcisio
in lege contra originalis peccati vulnus agebat quod nunc Baptismus revelatae
gratiae tempore consuevit; excepto quod regni caelestis ianuam nondum intrare
poterant, sed in sinu Abrahae post mortem beata requie consolati supernae
pacis ingressum spe felici expectabant. Athanasius.
Nihil enim aliud exprimebat circumcisio nisi generationis vetustae
spoliationem per hoc quod circumcidebatur pars corporis quae corporalis
nativitatis causa existit. Hoc autem tunc temporis
agebatur in signum futuri per Christum Baptismatis. Idcirco
postquam venit signatum, cessavit figura : ubi namque tota vetustas tollitur
per Baptismum, superfluum est quod partis sectio praefigurat. Cyrillus.
Octavo autem die consuetum erat carnalem celebrari circumcisionem : octavo
enim die Christus a mortuis resurrexit, et insinuavit nobis spiritualem
circumcisionem, dicens : euntes, docete omnes gentes, baptizantes eos. Beda.
In eius autem resurrectione praefigurata est utraque nostra resurrectio,
et carnis et spiritus : Christus enim circumcisus nostram naturam docuit et
nunc per ipsum a vitiorum labe purgandam, et in novissimo die a mortis peste
restaurandam; et sicut dominus octava die, hoc est post septimam sabbati,
resurrexit; ita et ipsi post sex huius saeculi aetates et septimam sabbati
animarum, quae nunc interim in alia vita geritur, quasi octavo tempore
surgemus. Cyrillus.
Secundum legis praeceptum eodem die impositionem nominis recipit; unde
sequitur vocatum est nomen eius Iesus, quod interpretatur salvator : editus
enim fuit ad totius orbis salutem, quam sua circumcisione praefiguravit :
secundum quod apostolus dicit : circumcisi estis circumcisione non manufacta
in expoliatione corporis carnis, scilicet in circumcisione Christi. Beda.
Sed et hoc quod eodem die suae circumcisionis nomen accepit, ad
imitationem priscae observationis fecit : Abraham enim, qui primum
circumcisionis sacramentum accepit, in die suae circumcisionis amplificatione
nominis benedici promeruit. Origenes
in Lucam. Nomen autem Iesu gloriosum omnique cultu dignissimum, nomen quod
est super omne nomen, non decuit primum ab hominibus appellari, neque ab eis
afferri in mundum : unde signanter Evangelista subdit quod vocatum est ab
Angelo priusquam in utero conciperetur. Beda. Huius autem nominis etiam
electi in sua spirituali circumcisione participes existere gaudent; ut sicut
a Christo Christiani, ita etiam a salvatore salvati vocentur; quod illis a
Deo vocabulum non solum priusquam in utero Ecclesiae per fidem conciperentur,
sed etiam ante tempora saecularia vocatum est. |
Verset 21.
— S. Bède : (hom. sur la circoncis.) Après le récit de la naissance du Sauveur, [vient celui de la circoncision] : « Lorsque les huit jours furent accomplis pour circoncire l’enfant. » — S. Ambroise : Quel est cet enfant ? celui dont il a été dit (Is 9) : « Un enfant nous est né; un fils nous a été donné », car il s’est assujetti à la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi. — S. Epiphane : (Chronique des Pères grecs). Les sectateurs d’Ebion et de Cérinthe nous disent : Il suffit au disciple d’être comme Son maître; le Christ a été circoncis, vous devez donc, vous aussi, vous soumettre à la circoncision. Ces hérétiques sont dans l’erreur et détruisent leurs propres principes. En effet, si Ebion admettait que c’est le Christ Dieu descendu des cieux qui a été circoncis le huitième jour, il fournirait une preuve en faveur de la circoncision; mais il affirme que le Christ n’est qu’un homme. Or, cet enfant ne peut être la cause déterminante de sa circoncision, pas plus que les enfants ne sont les auteurs de leur propre circoncision. Pour nous, nous professons que le Christ est Dieu lui-même descendu du ciel, qu’il a séjourné dans le sein d’une vierge le temps voulu par les lois de la nature, jusqu’au moment où la chair de son humanité a été entièrement formée de ce sein virginal; c’est dans cette chair qu’il a été circoncis le huitième jour en réalité, et non en apparence. Or, puisque les figures sont parvenues à leur accomplissement spirituel, ni lui, ni ses disciples ne doivent chercher à propager ces figures, mais la vérité seule. — Origène : (hom. 14.) Car de même que nous sommes morts avec Jésus-Christ dans sa mort, et que nous sommes ressuscités dans sa résurrection, ainsi nous avons été circoncis avec lui, et nous n’avons plus besoin de la circoncision charnelle. — S. Epiphane : Le Christ s’est soumis à la circoncision pour plusieurs raisons; premièrement, il a voulu prouver ainsi la vérité de sa chair contre les Manichéens et ceux qui prétendent qu’il n’est venu sur la terre qu’en apparence; secondement, il a fait voir par là que son corps n’était pas consubstantiel à la divinité, comme le soutient Apollinaire, et qu’il ne l’avait point apporté du ciel comme l’affirme Valentin; troisièmement, il a voulu confirmer, par son exemple, la loi de la circoncision qu’il avait autrefois instituée comme préparation à sa venue; quatrièmement enfin, il a voulu ôter ainsi aux Juifs toute excuse, car s’il n’avait pas reçu la circoncision, ils auraient pu objecter qu’ils ne pouvaient recevoir un Christ incirconcis. — S. Bède : (hom. comme précéd.) Il voulait encore nous recommander fortement, par son exemple, la vertu d’obéissance, et aussi aider, en compatissant à leurs maux, ceux qui succombaient sous le joug pesant de la loi. Il fallait que celui qui venait, revêtu de la chair du péché, se soumît au remède institué pour purifier la chair; car sous la loi, la circoncision avait comme remède salutaire contre la plaie du péché originel la même efficacité que le baptême sous le régime de la grâce. Avec cette exception cependant qu’on ne pouvait encore entrer dans le royaume céleste, on était admis après la mort dans le sein d’Abraham, pour y jouir d’un doux repos, et y attendre, dans une bienheureuse espérance, l’entrée du séjour de la paix éternelle. — S. Athanase : La circoncision qui avait lieu sur cette partie du corps, qui est la cause de la naissance corporelle, ne signifiait autre chose que le dépouillement de la génération charnelle. On la pratiquait alors comme signe du baptême que le Christ devait instituer. Aujourd’hui donc que nous possédons l’objet figuré, la figure a cessé d’exister; puisque la chair du vieil homme se trouve détruite tout entière par le baptême, l’incision figurative d’une partie de la chair est maintenant superflue. — S. Cyrille d’Alexandrie : (Chronique des Pères grecs) C’était la coutume chez les Juifs de célébrer la circoncision de la chair le huitième jour, car c’est le huitième jour que le Christ est ressuscité, et qu’il nous a donné l’idée de la circoncision spirituelle par ces paroles « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant, ». — S. Bède : La résurrection de Jésus-Christ est la figure de notre double résurrection, de celle du corps et de celle de l’âme. En effet, par sa circoncision, il nous enseigne que c’est par lui que notre nature peut dans cette vie être purifiée de la souillure des vices, et qu’au dernier jour elle doit être délivrée de la corruption du tombeau. De même que le Seigneur est ressuscité le huitième jour, c’est-à-dire après le septième jour du sabbat, nous aussi, après les six âges du monde, après le septième âge du repos des âmes qui, en attendant, s’écoule dans l’autre vie, nous ressusciterons comme au huitième âge. — S.
Cyrille d’Alexandrie : Pour obéir encore aux
prescriptions de la loi, le Seigneur reçut le même jour le nom qui lui était
destiné : « On lui donna le nom de
Jésus. » Ce nom signifie Sauveur,
car il est né pour le salut du monde entier, salut dont sa circoncision
était la figure selon ce que l’Apôtre dit [aux Colossiens (Col 2)] : « Vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’est pas faite
de main d’homme, de la circoncision du Christ, mais qui consiste dans le
dépouillement du corps charnel. » — S. Bède : C’est le jour même de sa circoncision que son nom lui a été donné, conformément à la coutume ancienne. En effet, Abraham, qui reçut le premier sacrement figuratif de la circoncision, mérita ce jour-là même de voir son nom augmenté par une bénédiction spéciale. — Origène : (hom. 44.) Le nom glorieux de Jésus, digne de tous les honneurs, ce nom qui est au-dessus de tous les noms, ne devait pas être donné d’abord par les hommes, ni publié par eux ; aussi l’Évangéliste ajoute-t-il d’une manière significative : « nom que l’ange lui avait donné avant qu’il eût été conçu dans le sein maternel, ». — S. Bède : Les élus eux-mêmes se réjouissent d’être rendus participant de la gloire de ce nom dans leur circoncision; car de même que les chrétiens tirent leur nom du nom de Christ, ainsi ils sont appelés sauvés du nom de Sauveur, et ce nom, Dieu leur a donné non seulement avant qu’ils fussent conçus par la foi dans le sein de l’Église, mais avant tous les siècles. |
Lectio 7 [85771] Catena in Lc., cap. 2 l. 7 Cyrillus. Post circumcisionem rursus expectatur purgationis tempus;
unde dicitur et postquam impleti sunt dies purgationis eius secundum legem
Moysi. Beda. Si legis ipsius verba diligentius inspexeris,
profecto reperies quod ipsa Dei genitrix, sicut a commixtione virili, sic et
a legali fit iure immunis. Non enim omnis mulier pariens, sed ea quae
suscepto semine peperit, designatur immunda, rituque docetur esse mundanda;
ad distinctionem scilicet illius quae virgo concepit et peperit. Sed ut nos a
legis vinculo solveremur, sicut Christus, ita et beata Maria legi est sponte
subiecta. Titus.
Unde eleganter Evangelista protulit, quod completi sunt dies purgationis
eius secundum legem : nam revera non incumbebat necessitas virgini sacrae ut
dies purgationis eius expectaretur, quae cum ex spiritu sancto concepisset,
caruit coniugio. Sequitur tulerunt illum
in Ierusalem, ut sisterent eum domino. Athanasius. Sed quando paternis aspectibus latuit
dominus; aut quis locus excipitur ab eius imperio, ut ibi existendo semotus a
patre sit, nisi afferatur Ierosolymam, et introducatur in templum? Sed forte
causa nostri huiusmodi scripta sunt. Sicut enim non gratia sui homo factus
est et circumcisus in carne, sed ut nos per gratiam faceret deos, et ut
spiritualiter circumcidamur; sic propter nos sistitur domino, ut discamus Deo
praesentare nosipsos. Beda.
Post tricesimum autem et tertium circumcisionis diem domino sistitur,
mystice insinuans neminem nisi circumcisum vitiis, dominicis dignum esse
conspectibus; neminem nisi mortalitatis nexibus absolutum, supernae civitatis
gaudia posse perfecte subire. Sequitur
sicut scriptum est in lege domini. Origenes in Lucam. Ubi sunt qui Deum legis negant a Christo fuisse
in Evangelio praedicatum? An putandum est quod
filium suum bonus Deus sub lege inimici fecit, quam ipse non dederat? In lege
enim Moysi scriptum est quod sequitur : quia omne masculinum adaperiens
vulvam sanctum domino vocabitur. Beda.
Quod dicit adaperiens vulvam, et hominis et pecoris primogenitum
significat; quod utrumque sanctum domino vocari, atque ideo sacerdotis esse,
praeceptum est; ita dumtaxat ut pro hominis primogenito pretium acciperet et
omne animal immundum redimi faceret. Gregorius
Nyssenus. Hoc autem legis decretum in solo incarnato Deo, singulariter et
ab aliis differenter, impleri videtur : ipse namque solus ineffabiliter
conceptus ac incomprehensibiliter editus, virginalem uterum aperuit, non ante
a connubio reseratum; servans et post partum mirabile inviolabiliter
signaculum castitatis. Ambrosius
in Lucam. Non enim virilis coitus vulvae virginalis secreta reseravit :
sed immaculatum semen inviolabili utero spiritus sanctus infudit. Qui ergo
vulvam sanctificavit alienam ut nasceretur propheta, hic est qui aperuit
matri suae vulvam, ut immaculatus exiret. Beda.
Quod ergo ait adaperiens vulvam, consuetae nativitatis more loquitur; non
quod dominus sacri ventris hospitium, quod ingressus sanctificarat, egressus
devirginasse credendus sit. Gregorius
Nyssenus. Solus autem hic partus masculinus spiritualiter esse conspicitur
qui nil de femineitate culpae portavit : unde revera sanctus vocatus est :
unde et Gabriel quasi hoc decretum ad ipsum solum pertinere memorans, dicebat
: quod ex te nascetur sanctum, vocabitur filius Dei. Et in ceteris quidem
primogenitis sanctos illos vocari evangelica solertia statuit, tamquam
oblatione divina sortitos huiusmodi nomen : at in totius primogenito
creaturae, quod nascitur sanctum pronuntiat Angelus, quasi proprie sanctum
existens. Ambrosius.
Solus enim per omnia in natis de femina sanctus dominus Iesus, qui
terrenae contagia corruptelae immaculati partus novitate non senserit, et
caelesti maiestate depulerit : nam si litteram sequimur, quomodo sanctus
omnis masculus, cum multos sceleratissimos fuisse non lateat? Sed ille sanctus quem in figura futuri mysterii legis divinae
praescripta signabant; eo quod solus sanctae Ecclesiae virginis ad generandos
populos aperiret genitale secretum. Cyrillus. O profunditas scientiarum sapientiae et scientiae Dei.
Offert hostias qui per singulas hostias honoratur cum patre; figuras legis
custodit veritas; qui legis est conditor sicut Deus, legem custodivit ut
homo; unde sequitur et ut darent hostiam, secundum quod dictum erat in lege
domini, par turturum, aut duos pullos columbarum. Beda. Hostia autem haec pauperum erat; praecepit quippe dominus in
lege ut qui possent agnum pro filio aut filia, simul et turturem sive
columbam offerrent : qui vero non sufficiebant ad offerendum agnum, duos iam turtures
vel duos columbae pullos offerrent. Ergo dominus cum dives
esset, pauper fieri dignatus est, ut nos sua paupertate divitiarum suarum
donaret esse participes. Cyrillus.
Videndum autem quid haec oblata insinuant. Nimirum loquacissima est turtur
in avibus; et columba est animal mansuetum. Talis autem factus est erga nos
salvator, mansuetudinem perfecte colens, et ut turtur orbem allexit, replens
hortum suum propriis melodiis. Occidebatur
ergo turtur aut columba, ut ipse per figuras nobis pandatur passurus in carne
pro vita mundi. Beda.
Vel columba simplicitatem, turtur indicat castitatem : quia et columba
simplicitatis, et castitatis amator est turtur; ita ut si coniugem casu
perdiderit, non ultra aliam quaerere curet. Merito ergo turtur et columba
domino offeruntur in hostiam : quia simplex et pudica fidelium conversatio
est illi iustitiae sacrificium gratum. Athanasius.
Ideo vero bina iussit offerri, quia homine consistente ex anima et
corpore, duplum a nobis poscit Deus, castitatem et mansuetudinem, non solum
corporis, sed etiam animae : alioquin erit homo fictor et hypocrita, gerens
in tegumentum occultae malitiae innocentiam apparentem. Beda.
Cum vero utraque avis propter consuetudinem gemendi praesentes sanctorum
luctus designet; in hoc tamen differunt, quod turtur solivagus, columba autem
gregatim volare consuevit; et ob id iste secretas orationum lacrymas, illa
publicos Ecclesiae conventus insinuat. Beda.
Vel columba, quae gregatim volat, activae vitae frequentiam demonstrat;
turtur qui singularitate gaudet, speculativae vitae culmina denuntiat. Et
quia aeque utraque conditori accepta est hostia, consulte Lucas utrum
turtures an pulli columbarum pro domino sint oblati non dixit, ne unum alteri
vivendi ordinem praeferret, sed utrumque sequendum doceret. |
Versets 22-24.
— S. Cyrille : (comme précéd.) Après la cérémonie de la circoncision venait celle de la purification dont l’Évangéliste dit : « Lorsque le temps de la purification de Marie fut accompli, selon la loi de Moïse, ». — S. Bède : Si vous examinez avec attention le texte de cette loi, vous conclurez certainement que la Mère de Dieu était affranchie de cette prescription légale, comme elle l’avait été de toute union charnelle. Car ce n’est point toute femme qui enfante qui est déclarée impure et doit être purifiée rituellement, mais celle qui enfante après avoir reçu la semence de l’homme, pour distinguer de celle qui conçut et enfanta sans cesser d’être vierge. Cependant Marie, à l’exemple de Jésus-Christ son fils, se soumet d’elle-même à cette loi, pour nous délivrer du joug de la loi. — Tite. Aussi l’Évangéliste se sert-il de cette expression pleine de justesse : « Lorsque les jours de sa purification furent accomplis selon la loi. » Et en réalité la Vierge sainte n’avait nul besoin d’attendre le jour de sa purification, elle qui, ayant conçu de l’Esprit saint, n’avait contracté aucune souillure. « Ils
le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur. » — S. Athanase : (Chronique des Pères grecs) Mais quand donc le Seigneur cessa-t-il [un seul instant] d’être en la présence de son Père, de manière à échapper à ses regards ? et quel est l’endroit de la terre qui ne soit pas soumis à son empire, et où le Fils soit séparé de son Père, à moins qu’on ne l’apporte à Jérusalem et qu’on le présente au temple ? N’oublions pas que toutes ces circonstances sont écrites à cause de nous; car de même que ce n’est point pour lui que le Sauveur s’est fait homme, et qu’il a été circoncis, mais pour faire de nous comme autant de dieux par sa grâce, et nous donner l’exemple de la circoncision spirituelle; de même, c’est à cause de nous qu’il se présente à son Père, pour nous apprendre à nous offrir tout entiers au Seigneur. — S. Bède : C’est le trente-troisième jour après la circoncision qu’il est présenté au temple, pour nous apprendre dans un sens mystique, que pour être digne des regards du Seigneur, il faut avoir retranché tous les vices par la circoncision spirituelle, et qu’à moins d’être affranchi de tous les biens de la mortalité, on ne peut entrer pleinement dans les joies de la cité céleste. « comme
il est écrit dans la loi du Seigneur. » — Origène : (hom. 14.) Où sont ceux qui nient que Jésus-Christ ait prêché dans l’Évangile le Dieu de la loi ? Admettra-t-on que le Dieu bon ait assujetti son Fils à la loi de son ennemi, que lui-même n’avait point donnée ? En effet, il est écrit dans la loi de Moïse : « Tout mâle ouvrant le sein de sa mère sera appelé la chose sainte du Seigneur. » — S. Bède : Ces paroles : « Ouvrant le sein de sa mère, » s’appliquent également au premier né de l’homme et des animaux, l’un et l’autre, selon la loi, devaient être offerts au Seigneur, et appartenir au prêtre, avec cette différence que pour le premier né de l’homme, il devait en recevoir le prix, et qu’il faisait racheter le premier né de tout animal impur. — S. Grégoire de Nysse : Cette prescription de la loi parait s’accomplir dans le Dieu incarné d’une manière toute particulière et toute différente des autres. Il est le seul, en effet, dont la conception ineffable et la naissance incompréhensible n’ait point ouvert le sein virginal que le mariage avait respecté, et qui a conservé miraculeusement après ce divin enfantement le sceau de la chasteté. — S. Ambroise : Car ce n’est point l’union conjugale qui a ouvert le chaste sein de la Vierge, mais l’Esprit saint qui a déposé dans ce sanctuaire inviolable le principe d’une naissance immaculée. Celui qui avait sanctifié le sein d’une autre femme pour la rendre mère d’un prophète, ouvrit lui-même le sein de sa mère pour en sortir sans aucune souillure. — S. Bède : L’Évangéliste, en disant : « Tout mâle qui ouvre le sein de sa mère, » ne fait que s’accommoder au langage en usage pour les naissances ordinaires; car loin de nous la pensée que le Seigneur ait fait perdre par sa naissance la virginité au chaste sein qu’il avait sanctifié en y venant faire sa demeure. — S. Grégoire de Nysse : (comme précéd.) C’est ici le seul enfant mâle qui, dans sa conception toute spirituelle, n’a rien contracté de la faute de la première femme. Aussi est-il appelé saint dans la force du terme, et l’ange Gabriel déclare pour ainsi dire que cette dénomination consacrée par la loi n’appartient qu’à lui seul, lorsqu’il dit : « Le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. » Pour les autres premiers nés, ils sont appelés saints, dans le style des Écritures, parce qu’ils tiennent ce nom de leur consécration à Dieu; mais quant au premier né de toute créature, l’ange proclame qu’il naît saint d’une sainteté qui lui appartient en propre. — S. Ambroise : Mais entre tous les enfants nés de la femme, Notre Seigneur Jésus-Christ est le seul que le miracle inouï jusqu’alors de sa naissance immaculée ait préservé de la contagion de la corruption terrestre, qu’il a écarté par sa puissance toute divine. Si nous prenions les choses au pied de la lettre, comment pourrait-on dire que tout enfant mâle est saint, alors que nous savons qu’un grand nombre d’entre eux ont été les plus scélérats des hommes ? Mais celui-là seul est véritablement saint, que les préceptes de la loi divine annonçaient d’avance en figure du mystère qui devait s’accomplir, parce que seul il devait ouvrir le sein mystérieux de la sainte Église vierge, pour engendrer tous les peuples à Dieu. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs, hom. 17.) O profondeur des conseils de la sagesse et de la science de Dieu ! celui qui est honoré avec son Père dans tous les sacrifices, lui offre lui-même des victimes; la vérité observe les cérémonies figuratives de la loi, celui qui comme Dieu est l’auteur de la loi, se soumet comme homme aux prescriptions de la loi : « et pour offrir en sacrifice, ainsi que le prescrit la loi du Seigneur, deux tourterelles ou deux petits de colombes » (Lv 16). — S. Bède : (hom. sur la Purific.) C’était l’offrande des pauvres; en effet, la loi de Dieu prescrivait que ceux qui en avaient le moyen devaient offrir pour un enfant mâle ou pour une fille, un agneau, et en même temps une tourterelle ou une colombe : s’ils étaient pauvres et n’avaient pas le moyen d’offrir un agneau, ils offraient à la place deux tourterelles ou deux petits de colombe. Ainsi le Seigneur, de riche qu’il était, a daigné se faire pauvre, afin de nous faire entrer par sa pauvreté en participation de ses richesses. — S. Cyrille : (comme précéd.) Examinons quelle est la signification [mystérieuse] de ces offrandes. La tourterelle est de tous les oiseaux celle dont le chant est le plus fréquent ; et la colombe est un animal plein de douceur. Or, c’est sous ces deux qualités que notre Sauveur s’est présenté à nous, toute sa vie a été le modèle de la plus parfaite douceur, et comme la tourterelle il a attiré à lui tout l’univers, en remplissant son jardin de ses célestes mélodies (cf. Ct 2, 1). On immolait donc une tourterelle ou une colombe en figure de celui qui devait être immolé pour la vie du monde. — S. Bède : (comme précéd.) Ou bien la colombe est le symbole de la simplicité, et la tourterelle l’emblème de la chasteté, parce que la colombe aime par instinct la simplicité, et la tourterelle la chasteté. En effet, si la tourterelle vient à perdre sa compagne, elle n’en cherche pas une autre. C’est donc à bon droit qu’on offrait à Dieu une tourterelle et une colombe pour être immolés, parce que la vie simple et chaste des fidèles est aux yeux de Dieu un sacrifice agréable de justice. — S. Athanase : (ch. des Pères grecs) La loi ordonnait d’offrir deux de ces oiseaux, parce que l’homme étant composé d’un corps et d’une âme, Dieu demande de nous deux choses, la chasteté et la douceur, non seulement du corps, mais aussi de l’âme; autrement l’homme ne serait à ses yeux qu’un trompeur et un hypocrite cherchant à dissimuler la malice secrète de son coeur, sous les dehors d’une innocente trompeuse. — S. Bède : (comme précéd.) Ces deux oiseaux, par l’habitude qu’ils ont de gémir, sont l’emblème des pieux gémissements des saints pendant la vie présente; ils diffèrent cependant en ce que la tourterelle recherche la solitude, tandis que la colombe aime à voler par compagnies. Aussi l’une représente plus particulièrement les larmes secrètes de l’oraison, et l’autre les assemblées publiques de l’Église. —
Bède (sur
Luc.) Ou bien encore la colombe qui aime à voler par troupes, signifie le
grand nombre de ceux qui mènent la vie active; la tourterelle qui recherche
la solitude représente les âmes qui gravissent les hauteurs de la vie
contemplative. Ces deux offrandes sont également agréables à Dieu, aussi
est-ce avec dessein que saint Luc ne précise pas si on a offert au Seigneur
des tourterelles ou des petits de colombes, pour ne point paraître donner la
préférence à l’un de ces deux genres de vie, mais nous enseigner que nous
devions suivre l’un et l’autre. |
Lectio 8 [85772] Catena in Lc., cap. 2 l. 8 Ambrosius in Lucam. Non solum ab Angelis et prophetis, a
pastoribus et a parentibus, sed etiam a senioribus et iustis generatio domini
accepit testimonium; unde dicitur et ecce homo erat in Ierusalem cui nomen
Simeon, et homo iste iustus et timoratus. Beda.
Quia difficulter iustitia sine timore custoditur : non illum dico timorem
qui temporalia sibi bona subtrahi perhorrescit, quem perfecta dilectio foras
mittit; sed timorem domini sanctum qui manet in saecula, quo iustus Deum
quanto ardentius diligit, tanto solertius offendere cavet. Ambrosius.
Et bene iustus, qui non suam sed populi gratiam requirebat; unde sequitur
et expectans consolationem Israel. Gregorius
Nyssenus. Non utique mundanam felicitatem in consolationem Israel prudens Simeon
expectabat; sed veram translationem ad veritatis decorem per separationem a
legis umbra : habuerat namque per oracula quod visurus esset Christum domini
priusquam de saeculo praesenti transmigraret; unde sequitur et spiritus
sanctus erat in eo; a quo scilicet iustificabatur. Et responsum acceperat a
spiritu sancto non visurum se mortem nisi prius videret Christum domini. Ambrosius.
Cupiebat ipse quidem corporeae vinculis fragilitatis absolvi; sed
expectabat videre promissum; sciebat enim quia beati oculi qui eum viderent.
Gregorius
Moralium. In quo etiam discimus quanto desiderio ex plebe Israelitica
sancti viri incarnationis eius mysterium videre cupierunt. Beda.
Videre autem mortem, experiri eam significat; multumque felix mortem
videbit carnis quicumque Christum domini prius oculis carnis videre
sategerit, conversationem habendo in caelesti Ierusalem, templi Dei limina
frequentando, hoc est sanctorum, in quibus Deus habitat, exempla sectando.
Eadem autem spiritus gratia, qua olim venturum praecognoverat, et nunc
venientem cognovit; unde sequitur et venit in spiritu in templum. Origenes
in Lucam. Et tu si vis tenere Iesum et amplexari manibus, omni labore
nitere ut ducem habeas spiritum, veniasque ad templum Dei; sequitur enim et
cum inducerent puerum Iesum parentes eius, scilicet Maria mater et Ioseph,
qui putabatur pater, ut facerent secundum consuetudinem legis pro eo; et ipse
accepit eum in ulnas suas. Gregorius Nyssenus. Quam beatus ille sacer ad sacra introitus, per
quem ad vitae terminum maturavit. Beatae manus quae verbum
vitae palpaverunt, et ulnae quoque quas ad susceptionem paravit. Beda.
Accepit autem iustus secundum legem puerum Iesum in ulnas suas, ut
significet iustitiam operum, quae ex lege erat, per manus et brachia
figuratorum, humili quidem, sed salutari fidei evangelicae gratia mutandum.
Accepit senior infantem Christum, ut insinuet hoc saeculum quasi senio iam
defessum, ad infantiam et innocentiam Christianae conversationis rediturum. |
Versets 25-28.
— S. Ambroise : Ce ne
sont pas seulement les anges et les prophètes, les bergers et les parents
eux-mêmes de Jésus, mais les vieillards et les justes qui viennent rendre
témoignage à sa naissance : « Or il y avait à Jérusalem un homme
appelé Siméon, il était juste et craignant Dieu. » — S. Bède : [L’Évangéliste nous dit qu’il était juste et craignant Dieu], parce qu’il est difficile de conserver la justice sans la crainte, non pas cette crainte qui redoute de se voir enlever les biens de la terre (et que la charité parfaite chasse dehors), mais cette chaste crainte de Dieu qui demeure éternellement, et qui porte le juste à fuir toute offense de Dieu, d’autant plus soigneusement qu’il a pour lui un amour plus ardent. — S.
Ambroise : Oui il était véritablement juste, lui qui
cherchait, non pas sa consolation, mais celle de son peuple : « Et il
attendait la consolation d’Israël. » — S. Grégoire : de Nysse (comme précéd.) Ce n’est point la félicité de ce monde que le sage Siméon attendait pour la consolation d’Israël, mais le vrai passage pour son peuple aux splendeurs de la vérité qui devaient l’arracher aux ombres de la loi, car il lui avait été révélé qu’il verrait le Christ du Seigneur avant de quitter le siècle : « Et l’Esprit saint était en lui (comme principe de sa justice), » — S. Ambroise : Il désirait sans doute voir se briser les liens qui l’attachaient à ce corps fragile, mais il attendait de voir celui qui était promis, car il savait qu’heureux seraient les yeux qui mériteraient de le voir. — S. Grégoire : (Moral., 7, 4.) Nous pouvons juger de là combien vifs et ardents étaient les désirs des saints du peuple d’Israël, pour voir le mystère de l’incarnation du Sauveur. — S.
Bède : Voir la mort, c’est en subir les atteintes,
mais heureux mille fois celui qui, avant de voir la dissolution de son corps
par la mort, se sera efforcé de voir auparavant des yeux du coeur, le Christ
du Seigneur, en transportant par avance sa vie dans la céleste Jérusalem, en
fréquentant la maison de Dieu, c’est-à-dire, en suivant les exemples des
saints, dans lesquels Dieu a fixé sa demeure. Or, c’est la même grâce de
l’Esprit saint, qui lui avait annoncé par avance l’avènement du Sauveur, qui
lui fait connaître le moment de sa venue : « Et il vint au temple
conduit par l’Esprit. » — Origène : (hom. 14.) Et vous aussi, si vous voulez tenir Jésus et le serrer entre vos bras, faites tous vos efforts pour que l’Esprit saint lui-même vous serve de guide au temple de Dieu : « Et comme les parents de l’enfant Jésus (Marie sa mère, et Joseph qui passait pour son père), l’y apportaient, afin d’accomplir pour lui ce qu’ordonnait la loi, il le prit dans ses bras. » — S. Grégoire de Nysse : Quelle est heureuse l’entrée de ce saint vieillard dans le temple, puisqu’elle l’approche du terme désiré de sa vie ! Heureuses ses mains qui ont mérité de toucher le Verbe de vie; heureux ses bras qu’il ouvrit pour recevoir l’enfant divin. — S. Bède : Cet homme qui était juste selon la loi, prit l’enfant Jésus dans ses bras, pour signifier que la justice des oeuvres légales figurées par les mains et par les bras, devait faire place à la grâce humble mais efficace et salutaire de la foi évangélique. Ce vieillard prit dans ses bras le Christ enfant, pour annoncer que ce siècle accablé de vieillesse, allait revenir à l’enfance et à l’innocence de la vie chrétienne. |
Lectio 9 [85773] Catena in Lc., cap. 2 l. 9 Origenes
in Lucam. Si ad tactum fimbriae vestimenti mulier sanata est, quid
putandum est de Simeone, qui in suas ulnas accepit infantem, et gaudebat
videns parvulum a se gestari, qui venerat ad vinctos resolvendos, sciens
neminem eum posse de claustro corporis emittere cum spe futurae vitae, nisi
is quem in brachiis continebat; unde dicitur et benedixit Deum, et dixit :
nunc dimittis servum tuum, domine. Theophylactus.
Quod dicit domine, confitentis est quod ipse mortis est et vitae dominus;
et sic puerum quem suscepit, Deum confitetur. Origenes.
Quasi dicat : quamdiu Christum non tenebam, clausus eram, et de vinculis
exire non poteram. Basilius.
Si autem voces iustorum inquiras, omnes super hoc mundo et eius flebili
mora ingemiscunt. Heu mihi, dicit David, quia incolatus meus prolongatus est.
Ambrosius.
Vide ergo iustum velut corporeae carcere molis inclusum velle dissolvi, ut
incipiat esse cum Christo. Sed qui vult dimitti, veniat in templum, veniat in
Ierusalem, expectet Christum domini, accipiat in manibus verbum Dei, et
complectatur velut quibusdam fidei suae brachiis; tunc dimittetur ut non
videat mortem, qui viderit vitam. Graecus.
Simeon autem benedicebat Deum inter cetera, quod promissa sibi facta
sortita erant efficaciae veritatem : nam consolationem Israel oculis
prospicere meruit, et manibus portare : et ideo dicit secundum verbum tuum;
idest, cum finem obtinuerim promissorum. At ubi visibiliter sensi quod
desiderabam, nunc solvis tuum servum, nec gustu mortis attonitum, nec
haesitationis cogitationibus conturbatum; et ideo subditur in pace. Gregorius
Nyssenus. Quia postquam Christus culpam hostilem destruxit, nos quoque
patri reconciliavit, facta est translatio sanctorum in pace. Origenes.
Quis est autem qui de saeculo isto recedit in pace, nisi is qui intelligit
quod Deus erat in Christo mundum reconcilians sibi; nihilque habet inimicum
Deo, sed omnem pacem bonis in se operibus assumpsit? Graecus.
Fuerat autem sibi repromissum non visurum se mortem nisi prius videret
Christum domini; et ideo hoc impletum ostendens, subdit quia viderunt oculi
mei salutare tuum. Gregorius
Nyssenus. Beati oculi tui tam animae quam corporis; hi quidem visibiliter
Deum suspicientes, illi vero non solum quae visa sunt attendentes, immo
illuminati fulgore spiritus domini, verbum in carne cognoscentes : salutare
namque quod tuis oculis percepisti, ipse Iesus est, quo nomine salus
declaratur. Cyrillus.
Fuerat autem Christi mysterium quod patuit in ultimis temporibus saeculi
praeparatum ante mundi originem; unde sequitur quod parasti ante faciem
omnium populorum. Athanasius. Scilicet confectam toti mundo per Christum salutem. Qualiter
ergo supra dictum est, quod expectabat Israel consolationem? Eo quod scilicet
tunc futuram esse consolationem Israel agnovit in spiritu cum et omnibus
populis paratum est salutare. Graecus.
Attende etiam sagacitatem digni et venerandi senis : antequam dignus
videretur beatae visionis, praestolabatur solamen Israel; ut autem quod
sperabat obtinuit, exclamat se vidisse salutem omnium populorum : adeo enim
infantis ineffabile iubar illustravit eum, ut processu temporis secutura mox
sibi fierent nota. Theophylactus.
Signanter autem dicit ante faciem, ut scilicet omnibus eius incarnatio
appareret. Hoc autem salutare dicit esse gentium lumen et gloriam Israel;
unde sequitur lumen ad revelationem gentium. Athanasius.
Gentes enim ante Christi adventum in ultimis tenebris erant constitutae,
cognitione divina privatae. Cyrillus.
Sed Christus adveniens factus est lux tenebrosis et erraticis, quos
diabolica manus pressit. Vocati sunt autem a Deo patre ad notitiam filii, qui
est lux vera. Athanasius.
Israel autem, licet tenuiter, lege illuminabatur; et ideo non dicit quod
lumen illis protulerit, sed subdit et gloriam plebis tuae Israel : memorans
antiquam historiam, quod sicut olim Moyses dominum alloquendo gloriosam
retulit faciem, sic et ipsi divinam humanitatis lucem pertingentes, vetus
abicientes velamen, in eamdem imaginem transformarentur de gloria in gloriam.
Cyrillus.
Nam etsi quidam eorum inobedientes fuerint, tamen reliquiae salvae factae
sunt, et per Christum pervenerunt ad gloriam. Harum primitiae fuere divini
apostoli, quorum fulgores universum orbem illuminant. Fuit etiam Christus
singulariter Israel gloria, quia secundum carnem ex eis processit; quamvis
cunctis ut Deus praeesset per saecula benedictus. Gregorius
Nyssenus. Et ideo signanter dixit plebis tuae, quia non ab eis tantum est
adoratus, sed insuper ex eis est secundum carnem natus. Beda.
Et bene revelatio gentium, Israelis gloriae praefertur, quia, cum
plenitudo gentium introierit, tunc omnis Israel salvus erit. |
Versets 29-32.
— Origène : (hom. 15.) S’il suffit à une femme malade de toucher simplement le bord du vêtement de Jésus pour être guérie, que devons-nous penser de Siméon, qui tint ce divin enfant dans ses bras ? Quelle dut être sa joie de porter dans ses bras celui qui était venu pour briser les chaînes des captifs, sachant que personne ne pouvait le tirer de la prison de son corps avec l’espérance de la vie future, si ce n’est cet enfant qu’il tenait dans ses bras ? « Et il bénit Dieu en disant : C’est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur. » — Théophylacte : En disant : Seigneur, il reconnaît qu’il est le maître de la mort et de la vie, et il proclame la divinité de l’enfant qu’il reçoit dans ses bras. — Origène : Il semble dire : Tant que je ne tenais pas le Christ dans mes bras, j’étais captif et je ne pouvais briser mes liens. — S. Basile : (hom. sur l’act. de gr.) Si vous examinez les paroles des justes, vous trouverez que tous gémissent sur les misères de ce monde, et sur la triste prolongation de cette vie : « Malheur à moi, dit David, parce que mon exil s’est prolongé. » (Ps 119.) — S. Ambroise : Considérez ce juste qui désire voir tomber les murs épais de la prison de son corps pour commencer à être avec Jésus-Christ. Mais que celui qui veut [sincèrement] sa délivrance, vienne dans le temple, qu’il se rende à Jérusalem, qu’il attende la venue du Christ du Seigneur, qu’il reçoive dans ses mains le Verbe de Dieu, et qu’il le tienne embrassé pour ainsi dire dans les bras de sa foi; alors [les liens se briseront], et il ne verra point la mort, parce qu’il aura vu de ses yeux celui qui est la vie. — Chronique des Pères grecs : Siméon bénit Dieu entre autres parce que les promesses qui lui avaient été faites, avaient reçu leur plein accomplissement, car il mérita de voir de ses yeux et de porter dans ses bras celui qui était la consolation d’Israël, c’est pour cela qu’il dit : « selon votre parole, » c’est-à-dire, lorsque j’aurai vu l’accomplissement de ce qui m’a été promis. Mais maintenant que j’ai contemplé la présence visible de celui qui était l’objet de mes désirs, vous pouvez délivrer votre serviteur qui ne sera ni effrayé des approches de la mort, ni troublé par aucune pensée de défiance ou d’incertitude; aussi ajoute-t-il : « en paix. » — S. Grégoire de Nysse : Dès que Jésus-Christ a détruit le péché qui faisait de nous les ennemis de Dieu et qu’il nous a réconciliés avec son Père, les saints quittent cette vie dans une profonde paix. — Origène : Quel est celui, en effet, qui sort de ce monde en paix, si ce n’est celui qui a compris que Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde (2 Co 5), qui n’a rien en lui de contraire à Dieu, mais qui, par ses bonnes oeuvres, a établi dans son âme une paix parfaite ? —
Chronique des Pères grecs : Il lui avait été promis
qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Christ du Seigneur, et il montre
l’accomplissement de cette promesse dans les paroles suivantes : « Parce
que mes yeux ont vu le Sauveur que vous nous donnez. » — S. Grégoire de Nysse : Bienheureux les yeux et de votre âme et de votre corps, ceux-ci, parce qu’ils ont joui de la présence visible de Dieu; ceux-là, parce que sans s’arrêter à ce spectacle visible, ils ont été éclairés des splendeurs de l’Esprit et ont reconnu le Verbe de Dieu dans une chair mortelle, car ce Sauveur que vos yeux ont vu, c’est Jésus lui-même, dont le nom seul annonce le salut à la terre. — S. Cyrille : Or l’avènement du Christ était ce mystère qui a été révélé dans les derniers temps, mais qui avait été préparé dès avant l’origine du monde, c’est pour cela que Siméon ajoute : « Que vous avez préparé devant la face de tous les peuples, ». — S. Athanase : Il veut parler ici du salut que Jésus-Christ est venu apporter à l’univers entier. Comment donc est-il dit plus haut que Siméon attendait la consolation d’Israël ? C’est que l’Esprit saint lui avait fait connaître, que le peuple d’Israël recevrait sa consolation, lorsque le salut serait révélé à tous les peuples de la terre. — Chronique des Pères grecs : Considérez la pénétration de ce saint et auguste vieillard : avant qu’il fût honoré de cette bienheureuse vision, il attendait la consolation d’Israël, mais aussitôt qu’il a contemplé l’objet de ses espérances, il s’écrie qu’il a vu le salut de tous les peuples, car les splendeurs qui environnent ce divin enfant l’inondent d’une si vive lumière, que les événements qui doivent arriver dans la suite des temps lui sont pleinement révélés. —
Théophylacte : C’est d’une manière significative que
Siméon dit : « Devant la face de tous les peuples, » car
l’incarnation du Sauveur devait apparaître à tous les hommes. Il ajoute que
ce salut sera la lumière des nations et la gloire d’Israël : « pour
être la lumière qui éclairera les nations. » — S. Athanase : En effet, avant l’avènement de Jésus-Christ, les nations étaient plongées dans les plus profondes ténèbres, privées qu’elles étaient de la connaissance du vrai Dieu. — S. Cyrille : Mais Jésus-Christ, par son incarnation, est devenu la lumière de ceux qui erraient dans les ténèbres de l’ignorance et de l’erreur, et sur lesquels la main du démon s’était appesantie; et ils ont été appelés par Dieu le Père à la connaissance de son Fils, qui est la vraie lumière. — S. Athanase : Le peuple d’Israël était éclairé, quoique faiblement, par la loi, aussi le vieillard Siméon ne dit pas que le Sauveur est venu leur apporter la lumière, mais il ajoute : « Pour être la gloire d’Israël, votre peuple. » Il rappelle le souvenir de l’histoire des anciens temps, alors que Moise sortait de ses entretiens avec Dieu, la figure toute rayonnante de gloire; ainsi après avoir eux-mêmes contemplé la divine lumière que répand l’humanité du Verbe, ils devaient rejeter le voile ancien pour être transformés en la même image [de clarté en clarté], et de gloire en gloire. — S. Cyrille : Car bien qu’un certain nombre d’entre eux se soient montrés rebelles, cependant ceux que Dieu s’est réservés ont été sauvés, et sont parvenus à la gloire par Jésus-Christ notre Seigneur. Les saints Apôtres qui ont éclairé tout l’univers de la lumière de leur céleste doctrine, ont été les prémices de ce peuple. Jésus-Christ lui-même a été personnellement la gloire du peuple d’Israël, parce qu’il a daigné sortir de ce peuple selon la chair, lui qui comme Dieu est le maître de tous les hommes et béni dans tous les siècles. — S. Grégoire de Nysse : Siméon dit avec dessein : « de votre peuple, » parce que non seulement il en a été adoré, mais il a voulu naître de ce peuple selon la chair. — S. Béde : Il dit qu’il sera la lumière des nations, avant d’ajouter : « et la gloire d’Israël, » parce que tout Israël ne sera sauvé que lorsque la multitude des nations sera entrée dans l’Église (Rm 11). |
Lectio 10 [85774] Catena in Lc., cap. 2 l. 10 Graecus. Transcendentium rerum notitia quoties in memoriam venerit,
toties renovat in mente miraculum; unde dicitur et erant pater eius et mater
mirantes super his quae dicebantur de illo. Origenes in Lucam. Tam ab Angelo quam a multitudine caelestis
exercitus, necnon et a pastoribus et ipso Simeone. Beda. Patrem salvatoris appellat, non quod vere pater fuerit ei,
sed quod ad famam Mariae conservandam pater sit ab omnibus aestimatus. Augustinus
de Cons. Evang. Quamvis et eo modo pater illius valeat dici, quo et vir
Mariae recte intelligitur sine commixtione carnis, ipsa copulatione coniugii;
multo videlicet coniunctius quam si esset aliunde adoptatus. Neque enim
propterea non erat appellandus Ioseph pater Christi, quia non eum concumbendo
genuerat; quandoquidem pater esset et ei quem non ex sua coniuge procreatum
aliunde adoptasset. Origenes.
Qui autem altius aliquid inquirit, potest dicere quoniam generationis ordo
a David usque ad Ioseph deducitur; et ne videretur frustra Ioseph nominari,
quia pater non fuerat salvatoris, ut generationis ordo haberet locum, pater
domini appellatus est. Graecus. Laudibus autem divinis exhibitis, vertit se Simeon ad
benedictionem adducentium puerum; unde sequitur et benedixit illis Simeon.
Benedictione igitur utrumque donat; occultorum vero praesagia dirigit tantum
ad matrem; quatenus per communem benedictionem non privetur Ioseph
similitudine patris; per ea vero quae dicit matri seorsum a Ioseph, veram praedicet
genitricem; unde sequitur et dixit ad matrem eius : ecce positus est hic in
ruinam et in resurrectionem multorum in Israel. Ambrosius. Vide uberem in omnes gratiam domini in generatione
diffusam, et prophetiam incredulis negatam esse, non iustis. Ecce et Simeon
prophetizat, in ruinam et resurrectionem multorum venisse Christum Iesum.
Origenes. Qui simpliciter exponit, potest dicere in ruinam eum
venisse infidelium, et in resurrectionem credentium. Chrysostomus. Sicut enim lux, etsi oculos debiles turbet, lux est;
hoc modo salvator perseverat, etsi corruant plurimi; neque enim est eius
officium destructio, sed eorum vesaniae. Quamobrem
non solum ex salute bonorum, sed etiam ex malorum dissipatione virtus eius
ostenditur; nam sol quoniam multum radiat, propterea visus debiles praecipue
perturbat. Gregorius
Nyssenus. Attende autem distinctionis exquisitam prolationem : praeparatio
quippe salutis dicitur coram omni populo; sed casus et sublevatio plurium.
Divinum enim propositum est salus et deificatio singulorum : casus autem et
sublevatio consistit in plurium intentione, credentium et non credentium.
Quod autem iacentes et increduli subleventur, non est absurdum. Origenes.
Qui autem curiosus interpres est, dicit nequaquam eum cadere qui ante non
steterit. Da mihi igitur qui fuerit ille qui stetit, et in cuius ruinam
salvator advenerit? Gregorius
Nyssenus. Sed per hoc designat ruinam ad infima : quasi non puniendos
aequaliter ante incarnationis mysterium et post datam dispensationem et
praedicationem. Et maxime hi sunt ex Israel, quos necesse erat et pristinis
bonis carere, et poenas luere graviores quam omnes aliae gentes : eo quod
dudum prophetatum in eis et adoratum et ex eis productum minime susceperunt.
Idcirco specialiter eis minatur ruinam, non solum a spirituali salute, sed
etiam propter destructionem urbis et habitantium civitatem. Resurrectio vero
promittitur credentibus, partim quidem velut sub lege iacentibus, et ab eius
servitute sublevandis; partim vero velut consepultis cum Christo, et ei
consurgentibus. His
autem verbis intellige per concordiam intellectuum ad dicta prophetica, unum
et eumdem Deum et legislatorem et in prophetis et in novo testamento locutum esse
: lapidem namque ruinae et petram scandali futurum, ne confundantur credentes
in eum, sermo propheticus declaravit. Origenes
in Lucam. Est autem et altius quid intelligendum adversus eos qui contra
conditorem latrant dicentes : ecce Deus legis et prophetarum, videte qualis
sit. Ego, inquit, occidam, et ego vivificabo. Sed si propterea cruentus est
iudex et crudelis conditor, quia haec dicit, manifestissimum est et Iesum
esse illius filium; eadem siquidem de eo hic scripta sunt, quod veniat in ruinam
et resurrectionem multorum. Ambrosius.
Ut scilicet iustorum iniquorumque merita discernat, et pro nostrorum
qualitate factorum iudex verus et iustus aut supplicia decernat aut praemia.
Origenes.
Videndum est autem ne forte salvator non aeque aliis in ruinam venerit et
in resurrectionem : quia enim peccato stabam, primo mihi utilitas fuit ut
caderem et peccato morerer. Denique et sancti prophetae cum augustius aliquid
contemplabantur, cadebant in faciem suam, ut peccata per ruinam plenius
purgarentur : hoc ipsum et salvator tibi primum concedit. Peccator eras;
cadat in te peccator, ut possis dehinc resurgere et dicere : si commortui
sumus, et convivemus. Chrysostomus.
Resurrectio quidem est conversatio nova : cum enim lascivus castus
efficitur, avarus misericors, atrox mansuescit, resurrectio celebratur,
mortuo quidem peccato, resurgente vero iustitia. Sequitur et in signum cui
contradicetur. Basilius.
Signum contradictionem accipiens proprie crux dicitur a Scriptura. Fecit
enim, inquit, Moyses serpentem aeneum, et posuit pro signo. Gregorius
Nyssenus. Miscet autem dedecus gloriae. Huius enim rei nobis christicolis
est hoc signum indicium; contradictionis vero, dum ab his quidem accipitur ut
ridiculosum et horribile, ab his vero admodum venerandum. Vel forsan ipsum
Christum nominat signum, tamquam supra naturam existentem et signorum
auctorem. Basilius.
Est enim signum alicuius rei mirabilis et occultae indicativum; visum
quidem a simplicioribus, intellectum vero ab habentibus exercitatum intellectum.
Origenes
in Lucam. Omnia autem quae de Christo narrat historia, signum sunt cui
contradicitur : non quod contradicant hi qui credunt in eum : nos quippe
scimus omnia vera esse quae scripta sunt : sed quia apud incredulos universa
quae de eo scripta sunt, signum sunt cui contradicetur. Gregorius
Nyssenus. Haec siquidem de filio dicuntur; spectant tamen ad eius
genitricem, dum singula sibi assumit simul periclitata et glorificata : nec
tantum prospera, sed illi denuntiat etiam dolorosa; nam sequitur et tuam
ipsius animam pertransibit gladius. Origenes.
Nulla docet historia beatam Mariam ex hac vita gladii occisione migrasse;
praesertim cum non anima, sed corpus ferro soleat interfici : unde restat
intelligi gladium illum de quo dicitur : et gladius in labiis eorum, hoc est,
dolorem dominicae passionis animam eius pertransisse : quae etsi Christum
utpote Dei filium sponte propria mori, mortemque ipsam non dubitaret esse
devicturum : ex sua tamen carne procreatum, non sine doloris affectu potuit
videre crucifigi. Ambrosius.
Vel prudentiam Mariae non ignaram mysterii caelestis ostendit : vivum est
enim verbum Dei, et validum et acutius omni gladio acutissimo. Augustinus
de quaest. Nov. et Vet. Testam. Vel per hoc significavit quod Maria, per quam
gestum est incarnationis mysterium, in morte domini stupore quodam dubitavit,
videns filium Dei sic humiliatum ut usque ad mortem descenderet. Et sicut
gladius pertransiens iuxta hominem, timorem facit, non percutit; ita et
dubitatio moestitiam fecit, non tamen occidit : quia non sedit in animo, sed
pertransiit quasi per umbram. Gregorius
Nyssenus. Sed nec ipsam solam in ea passione occupari significat cum
subditur ut revelentur ex multis cordibus cogitationes. Quod dicit ut eventum
designat; non autem causaliter ponitur. His enim omnibus evenientibus, secuta
est erga multos intentionum detectio : quidam enim Deum fatebantur in cruce;
alii nec sic ab infamiis et criminationibus desistebant. Vel hoc dictum est,
quatenus tempore passionis pateant ex plurium cordibus meditationes, et
emendentur per resurrectionem : velox enim illis post ambiguitatem certitudo
supervenit : nisi forte revelationem illuminationem quis aestimet, ut solitum
est Scripturae. Beda.
Sed et usque ad consummationem saeculi praesentis Ecclesiae animam gladius
durissimae tribulationis pertransire non cessat, cum signo fidei ab improbis
contradici; cum audito Dei verbo multos cum Christo resurgere, sed plures a
credulitate ruere, gemebunda pertractat; cum revelatis multorum cordium
cogitationibus, ubi optimum Evangelii sevit semen, ibi zizania vitiorum vel
plus iusto praevalere, vel sola germinare conspicit. Origenes
in Lucam. Cogitationes etiam malae in hominibus erant; quae propterea
revelatae sunt, ut occideret eas ille qui pro nobis mortuus est. Quamdiu enim
absconditae erant, impossibile erat eas penitus interfici; unde et nos si
peccaverimus, debemus dicere : iniquitatem meam non abscondi. Si enim
revelaverimus peccata nostra non solum Deo, sed his qui possunt mederi vulneribus
nostris, delebuntur peccata nostra. |
Versets 33-35.
— Chronique des Pères grecs : Chaque fois que la connaissance des choses surnaturelles revient à la mémoire, chaque fois aussi elles produisent dans l’âme un nouveau sentiment d’admiration [et d’étonnement] : « Et le père et la mère de Jésus étaient dans l’admiration des choses que l’on disait de lui. » — Origène : (hom. 19.) Des choses qui avaient été annoncées par l’ange et publiées par la multitude de l’armée céleste, aussi bien que par les bergers et par Siméon lui-même. — S. Bède : Joseph est appelé le père du Sauveur, non qu’il soit véritablement un père pour lui [(comme les photiniens l’ont osé blasphémer)], mais parce que Dieu voulait qu’il passât aux yeux de tous pour son père, afin de sauvegarder la réputation de Marie. — S. Augustin : Il peut être appelé d’ailleurs le père de Jésus dans le même sens qu’il est appelé l’époux de Marie, sans avoir avec elle aucun rapport charnel, et par le seul fait de l’union conjugale; et à ce titre il est son père d’une manière plus étroite que s’il l’avait adopté pour son enfant. Car pourquoi refuser à Joseph le nom de père de Jésus-Christ, parce qu’il ne l’avait pas engendré par un rapport sexuel, alors qu’il pourrait être appelé très bien le père d’un enfant qu’il aurait adopté, sans même que son épouse en fût la mère ? — Origène : Si l’on désire une raison plus élevée, voici ce que l’on peut répondre : La suite de la généalogie descend de David jusqu’à Joseph; or, on ne verrait pas trop pourquoi le nom de Joseph s’y trouve, puisqu’il n’est pas le père du Sauveur; il est donc appelé le père du Seigneur, pour ne point déranger l’ordre de la généalogie. — Chronique des Pères grecs : Après avoir offert à Dieu un juste tribut de louanges, Siméon bénit à leur tour ceux qui ont apporté l’enfant au temple : « Et Siméon les bénit. » Cette bénédiction s’adresse à tous les deux, mais il réserve pour la mère de Jésus la prédiction des secrets divins. La bénédiction commune à Joseph et à Marie respecte les droits que lui donne son titre de père (littéralement : « de son apparence de paternité ») ; mais la prédiction que Siméon fait à Marie, indépendamment de Joseph, proclame hautement qu’elle est la véritable mère de Jésus : « Et il dit à Marie, sa mère : ‘Cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël’. » — S. Ambroise : La grâce de Dieu se répand sur tous avec abondance par la naissance du Sauveur, et si le don de prophétie est refusé aux incrédules, il est accordé aux justes; c’est ainsi que Siméon prophétise que le Christ Jésus est venu pour la ruine et la résurrection de plusieurs. — Origène : (hom. 17.) D’après l’explication la plus simple, on peut dire que Jésus-Christ est venu pour la ruine des infidèles et pour le salut de ceux qui croient. — S. Jean Chrysostome : (ch. des Pères grecs) La lumière, bien qu’elle fatigue et trouble les yeux débiles, ne laisse pas d’être toujours la lumière; ainsi le Sauveur ne cesse point d’être Sauveur, quoiqu’un grand nombre d’hommes se perdent. Leur ruine, en effet, n’est point son œuvre, elle est l’oeuvre de leur folie. Aussi sa puissance éclate à la fois dans le salut des bons, et dans la ruine des méchants; car plus le soleil est brillant, plus il éblouit et trouble les yeux affaiblis. — S. Grégoire de Nysse : (Chronique des Pères grecs) Considérez attentivement avec quel heureux choix d’expressions il fait ressortir cette distinction; la révélation du salut doit se faire devant tout le peuple, mais la ruine et le relèvement ne sont le partage que d’un grand nombre. Dieu, en effet, se propose le salut de tous les hommes, et leur élévation à une gloire toute divine, mais le relèvement et la perte dépendent de la volonté d’un grand nombre, de ceux qui embrassent la foi, et de ceux qui la rejettent. Or, il n’y a rien d’absurde à penser que ceux qui sont abattus, et que les incrédules soient relevés. — Origène : Un interprète trop subtil objectera peut-être que nul ne peut tomber s’il n’était préalablement debout; qu’il me dise donc quel est celui que le Sauveur a trouvé debout, et pour la ruine duquel il serait venu. — S. Grégoire de Nysse : Le saint vieillard Siméon veut donc ici parler d’une ruine profonde, c’est-à-dire que le châtiment des coupables ne devait pas être, après l’accomplissement du mystère de l’incarnation et la prédication de l’Évangile, le même qu’il était avant la venue du Sauveur. Et il a surtout en vue les enfants d’Israël qui devaient perdre tous les biens dont ils jouissaient, et encourir des châtiments plus terribles que toutes les autres nations, parce qu’ils ont refusé de recevoir celui que leurs prophètes avaient annoncé, celui qui a été adoré parmi eux, celui qui est né du milieu d’eux. Ils sont donc particulièrement menacés de ruine, non seulement parce qu’ils n’ont rien à espérer pour le salut de leurs âmes, mais parce qu’ils verront l’entière destruction de leur ville et de ses habitants. Au contraire, la résurrection est promise à tous ceux qui croient, tant à ceux qui sont comme abattus sous le joug de la loi et qui seront relevés de cette servitude, qu’à ceux qui sont ensevelis avec Jésus-Christ, et qui ressusciteront avec lui. — S. Grégoire de Nysse : (serm. sur la renc. du Seig.) De l’admirable concordance de ces paroles avec les oracles prophétiques, apprenez que c’est un seul et même Dieu, un seul et même législateur qui a parlé dans les prophètes et dans le Nouveau Testament. En effet, les prophètes ont annoncé que le Christ serait une pierre de chute, une pierre de scandale (Ps 117, 22; Mt 21, 42; Is 8, 14; Rm 9, 33), afin que ceux qui croient en lui ne soient pas confondus. [Il est donc une cause de ruine pour ceux qui sont scandalisés de l’humilité de sa chair, et un principe de résurrection pour ceux qui ont reconnu la certitude de l’accomplissement des conseils divins.] — Origène : Il y a encore ici une leçon plus élevée à l’adresse de ceux qui se récrient contre le Dieu créateur en disant : « Voyez quel est ce Dieu de la loi et des prophètes : C’est moi, dit-il, qui fais mourir, et c’est moi qui rend la vie. » (Dt 32.) Or, si à cause de ces paroles vous le traitez de juge cruel et de créateur barbare, il est on ne peut plus évident que Jésus est son fils; car l’Écriture ne s’explique pas autrement à son égard, en disant qu’il est venu pour la ruine et la résurrection de plusieurs. — S. Ambroise : C’est-à-dire qu’il est venu pour apprécier et juger les mérites des justes et des pécheurs, et nous décerner, en juge équitable et intègre, des châtiments ou des récompenses, selon la nature de nos oeuvres. — Origène
: (hom. 17.) Il n’est peut-être
pas inutile de remarquer que le Sauveur n’est pas venu à l’égard de tous pour
la ruine et pour la résurrection, entendues dans le même sens. En effet,
comme je me tenais debout dans le péché, il a été d’abord dans mon intérêt de
tomber, et de mourir au péché; et les saints prophètes eux-mêmes, quand une
vision auguste se révélait à leurs yeux, tombaient la face contre terre, afin
de se purifier davantage de leurs péchés par cette chute volontaire. Le
Sauveur vous accorde d’abord la même grâce. Vous étiez pécheur; que le
pécheur qui est en vous, tombe [et meure], pour que vous puissiez ressusciter
et dire : « Si nous mourons avec lui, nous vivrons aussi avec
lui. » (2 Tim 2.) — S. Jean Chrysostome : Or, la résurrection, c’est une vie toute nouvelle; lorsqu’un impudique devient chaste, un avare miséricordieux, un homme violent, plein de douceur, c’est une véritable résurrection, où nous voyons le péché frappé de mort, et la justice ressuscitée. « Et à devenir un signe que l’on contredira. » — S. Basile : La croix est appelée par l’Écriture, dans un sens véritable, un signe de contradiction; car il est dit que Moïse fit un serpent d’airain, et l’éleva pour être un signe. (Nb 21.) — S. Grégoire de Nysse : (Chronique des Pères grecs) L’ignominie se trouve ici mêlée à la gloire. Ce signe nous offre, à nous chrétiens, ce double caractère de contradiction, lorsque les uns n’y voient qu’un objet de dérision et d’horreur; de gloire, lorsqu’il est pour les autres un signe vénérable. Peut-être aussi est-ce Jésus-Christ lui-même qui est ce signe, lui qui est supérieur à toute la nature, et l’auteur de tous les signes [miraculeux]. — S. Basile : En effet, un signe est comme un indice qui nous fait connaître une chose mystérieuse et cachée; les plus simples voient le signe extérieur, mais il n’est compris que de ceux qui ont l’intelligence exercée. — Origène : (hom. 17.) Or, tout ce que l’histoire [évangélique] nous raconte de Jésus-Christ est contredit, non pas, sans doute, par nous qui croyons en lui, et qui savons que tout ce qui est écrit de lui est la vérité, mais par les incrédules, pour lesquels tout ce que l’Écriture nous rapporte du Sauveur est un signe de contradiction. — S.
Grégoire de Nysse : Cette prédiction concerne le
Fils, mais elle s’adresse aussi à sa mère qui partage tous ses dangers comme
toutes ses gloires, et le vieillard Siméon ne lui prédit pas seulement des
joies, mais des afflictions et des douleurs : « Et votre âme sera
percée d’un glaive. » — Origène : Nous ne voyons dans aucune histoire que Marie ait fini ses jours par le glaive, d’ailleurs ce n’est pas l’âme, mais le corps qui est accessible aux coups mortels du glaive. Il nous faut donc entendre ici ce glaive dont le Psalmiste a dit : « Ils ont un glaive sur leurs lèvres » (Ps 58), et c’est ce glaive, c’est-à-dire la douleur que Marie éprouva de la passion du Sauveur, qui transperça son âme. Car bien qu’elle sût que Jésus-Christ, comme Fils de Dieu, mourrait, parce qu’il le voulait, et qu’elle ne doutât nullement qu’il triompherait de la mort, cependant elle ne put voir crucifier le propre fils de ses entrailles sans un vif sentiment de douleur. — S. Ambroise : Ou bien peut-être Siméon veut-il nous apprendre par ces paroles, que Marie, dans sa sagesse, n’ignorait point le secret des célestes mystères; car le Verbe de Dieu est vivant et efficace, et plus pénétrant que le glaive le plus aigu et le plus tranchant (Hb 4.) — S. Augustin : (Quest. sur l’Anc. et le Nouv. Test., chap. 73). Ou bien enfin, peut-être veut-il signifier que Marie elle-même, par laquelle s’est accompli le mystère de l’incarnation, a eu à la mort du Seigneur, et sous l’impression de la douleur comme un moment de doute et d’hésitation, en voyant le Fils de Dieu réduit à ce degré d’humiliation qui le faisait mourir sur une croix. Et de même qu’un glaive qui ne fait qu’effleurer un homme, lui donne un vif sentiment de crainte, mais sans le blesser; ainsi le doute lui inspira un vif sentiment de tristesse, mais sans donner la mort, parce qu’il ne s’arrêta pas dans son âme, mais la traversa seulement comme une ombre. — S. Grégoire de Nysse : La mère de Jésus n’est point la seule dont le vieillard Siméon nous prédit les sentiments au temps de la passion du Sauveur; il ajoute : « afin que les pensées cachées dans le coeur de plusieurs soient découvertes. » Cette manière de parler indique tout simplement le fait qui doit arriver, et nullement la cause qui le produit. En effet, à la suite de tous ces événements, le voile qui couvrait les intentions d’un grand nombre, fut découvert; les uns reconnaissaient un Dieu dans celui qui mourait sur la croix, les autres, malgré cet affreux supplice, ne cessaient de l’accabler d’injures et d’outrages. Ou bien ces paroles signifient qu’au temps de la passion, on vit à découvert les pensées d’un grand nombre de coeurs, à qui la résurrection inspira ensuite de meilleurs sentiments; car le doute de quelques instants fit bientôt place à une certitude inébranlable. Peut-être encore le mot révélation a ici le sens d’illumination, comme dans beaucoup d’autres endroits de l’Écriture. — S. Bède : Jusqu’à la fin du monde, l’âme de l’Église est toujours traversée par le glaive de la plus amère tribulation, lorsqu’elle voit, en gémissant, que le signe de la foi est en butte aux contradictions des méchants, lorsqu’à la prédication de la parole de Dieu, elle en voit un grand nombre ressusciter à la vie avec Jésus-Christ, mais un grand nombre aussi tomber des hauteurs de la foi dans l’abîme de l’incrédulité; lorsque, pénétrant les pensées cachées dans le coeur d’une multitude de chrétiens, elle s’aperçoit que là où elle avait semé la bonne semence de l’Évangile, l’ivraie des vices l’emporte sur cette bonne semence, et quelque fois l’étouffe et la remplace entièrement. — Origène : (hom. 17.) Il y avait dans les hommes bien des pensées mauvaises qui ont été révélées, pour être détruites par celui qui a voulu mourir pour nous; car tant qu’elles demeuraient cachées, il était impossible de les détruire entièrement. Si donc nous avons péché, nous devons dire avec le Roi-prophète : « Je n’ai point caché mon iniquité » (Ps 31, 3; cf. Job 31, 33); car si nous découvrons nos péchés, non seulement à Dieu, mais à ceux qui ont le pouvoir de guérir les blessures de notre âme, nos péchés seront complètement effacés. |
Lectio 11 [85775] Catena in Lc., cap. 2 l. 11 Ambrosius in Lucam. Prophetaverat Simeon, prophetaverat
copulata coniugio, prophetaverat virgo, debuit et vidua prophetare; nec qua professio
deesset aut sexus; et ideo dicitur et erat Anna prophetissa filia Phanuel de
tribu Aser. Theophylactus.
Immoratur Evangelista circa Annae descriptionem, et patrem et tribum
enarrans; testes quasi multos adducens qui patrem et tribum viderunt. Gregorius
Nyssenus. Vel quia tunc temporis cum hac aliae quaedam eodem nomine
nuncupabantur. Ut igitur ad eam manifesta discretio fieret patrem eius
commemorat, et generis qualitatem describit. Ambrosius.
Anna vero et stipendiis viduitatis et moribus talis inducitur ut digna
fuisse credatur quae redemptorem omnium nuntiaret; unde sequitur haec
processerat in diebus multis, et vixerat cum viro suo annis septem a
virginitate sua, et haec vidua usque ad annos octuaginta quatuor. Origenes
in Lucam. Neque enim spiritus sanctus fortuito habitavit in ea : bonum
enim est primum si qua potest virginitatis gratiam possidere; si autem hoc
non potuerit, sed evenerit ei ut perdat virum, vidua perseveret : quod quidem
non solum post mortem viri, sed etiam cum ille vivit, debet habere in animo
ut etiam si non evenerit, voluntas ipsius et propositum a domino coronetur,
et dicat : hoc voveo, hoc promitto : si mihi humanum aliquid, quod non opto,
contigerit, nihil aliud faciam quam incontaminata, et vidua perseverem. Iuste
ergo sancta mulier spiritum prophetandi meruit accipere, quia longa
castitate, longis etiam ieiuniis ad hoc culmen ascenderat; unde sequitur quae
non discedebat de templo, ieiuniis et obsecrationibus serviens die ac nocte.
Gregorius
Nyssenus. In quo liquet quod ceterarum virtutum inerat ei congeries. Et
aspice eam conformem Simeoni virtutibus : simul enim erant in templo, simul
etiam digni reputati sunt prophetica gratia; unde sequitur et haec ipsa hora
superveniens confitebatur domino; hoc est, regratiabatur, videndo mundi
salutem in Israel, et confitebatur de Iesu, quoniam ipse esset redemptor,
idemque salvator; unde sequitur et loquebatur de illo omnibus qui expectabant
redemptionem Israel. Verum quia Anna prophetissa modicum aliquid et non nimis
clarum de Christo disseruit, Evangelium non seriatim induxit quae ab ea sunt
dicta. Forsan autem ob hoc aliquis Simeonem praevenisse fatebitur, eo quod is
quidem formam legis gerebat : nam et ipsum nomen notat obedientiam; illa vero
gratiae, quod interpretatio nominis manifestat : inter quos Christus medius
erat : idcirco illum quidem dimisit cum lege morientem, hanc vero fovet ultra
viventem per gratiam. Beda.
Iuxta intellectum etiam mysticum Anna Ecclesiam significat, quae in
praesenti sponsi sui est morte quasi viduata. Numerus etiam annorum
viduitatis eius tempus Ecclesiae designat, quo in corpore constituta
peregrinatur a domino. Septies quippe duodeni octuaginta quatuor faciunt : et
septem quidem ad huius saeculi cursum, qui diebus septem volvitur, duodecim
vero ad perfectionem doctrinae apostolicae pertinent. Ideoque sive
universalis Ecclesia, seu quaelibet anima fidelis, quae totum vitae suae
tempus apostolicis curat mancipare institutis, octoginta quatuor annis domino
servire laudatur. Tempus etiam septem annorum, quo cum viro suo manserat,
congruit : nam propter dominicae privilegium maiestatis, quo in carne
versatus docuit, in signum perfectionis simplex septem annorum est numerus
expressus. Arridet etiam Ecclesiae mysteriis et Anna, quae gratia eius interpretatur,
et filia est Phanuelis, qui facies Dei dicitur, et de tribu Aser, idest
beati, descendit. |
Versets 36-38.
— S. Ambroise : Siméon avait prophétisé, une femme mariée avait prophétisé, une vierge avait prophétisé; il fallait qu’une veuve aussi eût part à ce don de prophétie, pour que chaque condition, comme chaque sexe fût représenté dans cette circonstance : « Il y avait aussi une prophétesse nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser,» . — Théophylacte : L’Évangéliste entre dans tous les détails qui peuvent nous faire connaître Anne, il nous dit quel était son père, sa tribu, et semble produire de nombreux témoins qui connaissaient son père et sa tribu. — S. Grégoire de Nysse : (serm. sur la renc. du Seig.) Ou bien peut-être en ce temps-là d’autres personnes portaient-elles le même nom. Il fallait donc, pour la désigner plus clairement, dire quel était son père, sa famille et sa condition. — S. Ambroise : Anne, par le mérite d’une longue viduité et par ses vertus, se présente avec tous les titres qui la rendent digne d’annoncer le Rédempteur de tous les hommes : « Elle était avancée en âge, elle n’avait vécu que sept ans avec son mari, depuis sa virginité ; restée veuve, elle avait quatre-vingt-quatre ans. » — Origène : (hom. 17.) Ce n’est point fortuitement [et sans mérite de sa part] que l’Esprit saint avait fixé en elle sa demeure. La première et la plus excellente grâce, c’est la grâce de la virginité; mais si une femme n’a pu y atteindre, et qu’elle vienne à perdre son mari, qu’elle reste veuve, et qu’elle soit dans cette disposition, non seulement après la mort de son mari, mais lorsqu’il vit encore; ainsi, en supposant même qu’elle ne devienne pas veuve, Dieu couronnera sa bonne volonté et sa généreuse résolution. Voici donc le langage qu’elle doit tenir : Je fais voeu, je promets, si ce malheur m’arrive (ce que je suis loin de désirer), de ne plus songer qu’à rester veuve et chaste toute ma vie. C’est donc à juste titre que cette sainte femme mérita de recevoir l’esprit de prophétie, parce que tant d’années passées dans la pratique de la chasteté, dans les jeûnes [et dans les prières], l’avaient élevée à ce haut degré de sainteté : « Elle ne quittait point le temple, servant Dieu, jour et nuit, dans le jeûne et dans la prière. » — S. Grégoire de Nysse : Nous voyons par cette énumération qu’elle possédait toutes les autres vertus. Et voyez quelle conformité de vertus avec Siméon. Ils étaient ensemble dans le temple, ils furent tous deux, au même moment, jugés dignes du don de prophétie : « Et, survenant à cette même heure, elle louait le Seigneur, » c’est-à-dire qu’elle lui rendait grâce en voyant le salut du monde au milieu du peuple d’Israël, et elle proclamait que Jésus était à la fois Rédempteur et le Sauveur [de tous les hommes] : « Et elle parlait de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d’Israël. » Mais comme la prophétesse Anne parle peu du Christ, et en termes peu précis, l’Évangéliste n’a pas cru devoir rapporter ses propres expressions. Peut-être pourrait-on dire que Siméon a parlé le premier, parce qu’il représentait la loi (car son nom veut dire obéissance), tandis qu’Anne (suivant l’interprétation de son nom), représentait la grâce. Le Christ se trouvait entre les deux, il laisse donc mourir avec la loi le vieillard Siméon, tandis qu’il prolonge la vie de cette sainte veuve qui représente la vie de la grâce. — S.
Bède : Dans le sens allégorique, Anne est la figure
de l’Église qui, dans la vie présente, est comme veuve par la mort de son
époux. Le nombre des années de sa viduité représente la durée du pèlerinage
de l’Église loin du Seigneur. En effet, sept fois douze font
quatre-vingt-quatre. Or, le nombre sept exprime la suite des siècles (qui
sont compris dans l’espace de sept jours), et le nombre douze se rapporte à
la perfection de la doctrine apostolique. On peut donc dire, soit de l’Église
universelle, soit de toute âme fidèle qui, dans tout le cours de sa vie,
demeure fidèle à la doctrine des Apôtres, qu’elle a servi le Seigneur pendant
quatre-vingt-quatre ans. Les sept ans qu’elle avait passés avec son mari
rentrent aussi dans cette interprétation; car c’est par suite d’un privilège
particulier à la majesté du Seigneur, de sa vie mortelle, que le nombre de
sept années a été choisi pour exprimer la perfection. La prophétesse Anne est
également favorable à ces significations mystérieuses, qui ont l’Église pour
objet; car Anne veut dire sa grâce, elle
est fille de Phanuel, qui signifie face
de Dieu, elle est de la tribu d’Aser, qui veut dire bienheureux. |
Lectio 12 [85776] Catena in Lc., cap. 2 l. 12 Beda. Praetermisit hoc loco Lucas quae a Matthaeo satis exposita
noverat : dominum videlicet post hoc, ne ab Herode necandus inveniretur, in
Aegyptum a parentibus esse delatum, defunctoque Herode, sic demum in
Galilaeam reversum, Theophylactus. Erat quidem eorum civitas Bethlehem sicut patria, Augustinus de Cons. Evang. Forte autem hoc movet quomodo dicat
Matthaeus propterea cum puero parentes eius iisse in Galilaeam, quia metu
Archelai in Iudaeam ire noluerunt; cum propterea magis iisse in Galilaeam
videantur, quia civitas eorum erat Nazareth Galilaeae, sicut Lucas hic non
tacet. Sed intelligendum est, ubi Angelus in somnis in Aegypto dixit ad
Ioseph : surge, et accipe puerum et matrem eius, et vade in terram Israel,
sic intellectum primo esse a Ioseph, ut putaret iussum se esse pergere in
Iudaeam : ipsa enim intelligi primitus potuit terra Israel. Porro autem
postea, quoniam comperit illic regnare filium Herodis Archelaum, noluit
obicere se illi periculo; cum posset terra Israel etiam sic intelligi, ut
etiam Galilaea illi deputaretur, quia et ipsam populus Israel incolebat. Graecus. Vel aliter. Enumerat hic Lucas tempus ante descensum in
Aegyptum; neque enim ante purgationem eam Ioseph deduxisset. Ante vero quam
in Aegyptum descenderent, non receperant per oracula ut Theophylactus. Poterat autem secundum corpus ex ipso utero in
mensura maturae aetatis prodire; sed videretur hoc secundum phantasiam : propterea
paulatim crescit; unde sequitur puer autem crescebat et confortabatur. Beda.
Notanda est distinctio verborum : quia dominus Iesus Christus in eo quod
puer erat, idest habitum humanae fragilitatis induerat, crescere et
confortari habebat. Athanasius
contra Arianos. Ceterum si, secundum quosdam, caro in divinam naturam
mutata est, quomodo capiebat augmentum? Increato enim augmentum attribuere
nefarium est. Cyrillus.
Decenter vero aetatis incremento sapientiae coniunxit augmentum, cum dicit
et confortabatur, scilicet spiritu; nam iuxta mensuram aetatis corporeae,
natura divina sapientiam propriam revelabat. Theophylactus.
Si enim dum parvus aetate erat, omnem sapientiam demonstrasset, videretur
prodigium; sed per profectum aetatis seipsum ostendebat, ut totum impleret
orbem. Non autem quasi suscipiens sapientiam, spiritu confortari dicitur :
quod enim ab initio perfectissimum est, quomodo potest deinde perfectius
fieri? Unde sequitur plenus sapientia; et gratia Dei erat in illo. Beda.
Sapientia quidem, quia in ipso habitat omnis plenitudo divinitatis
corporaliter; gratia autem, quia homini Iesu Christo magna gratia donatum est
ut ex quo homo fieri coepisset, perfectus esset et Deus; multo autem magis in
eo quod verbum Dei et Deus erat, nec confortari indigebat, nec habebat
augeri. Adhuc autem cum parvulus esset, habebat gratiam Dei; ut quomodo in
illo omnia mirabilia fuerant, ita et pueritia mirabilis esset, ut Dei
sapientia compleretur. Sequitur et ibant parentes eius per omnes annos in Ierusalem,
in die solemni Paschae. Chrysostomus.
In Hebraeorum solemnitatibus non solum tempus, sed etiam locum observare
lex iusserat : et ideo nec domini parentes extra Hierosolymam celebrare
Pascha volebant. Augustinus
de Cons. Evang. Quomodo autem ibant parentes eius per omnes annos
pueritiae Christi in Ierusalem, si Archelai timore illuc prohibebantur
accedere? Hoc mihi dissolvere non esset difficile, nec si aliquis
Evangelistarum expressisset quamdiu regnaret Archelaus : fieri enim poterat
ut per diem festum inter tam ingentem turbam latenter ascenderent mox
reversuri; ubi tamen aliis diebus habitare metuerunt, ut nec solemnitate
praetermissa essent irreligiosi, nec continua mansione conspicui. Cum vero
etiam de regno Archelai omnes quam fuerit diuturnum tacuerint, iste quoque
intellectus patet : quod Lucas dicit, per omnes annos eos ascendere solitos
in Ierusalem, tunc accipimus factum, cum iam non timeretur Archelaus. |
Versets 39-41.
— S. Bède : Saint Luc omet ici ce qu’il savait avoir été raconté par saint Matthieu, c’est-à-dire, la fuite en Égypte, où les parents de l’enfant Jésus le transportèrent pour le dérober aux recherches homicides du roi Hérode; et après la mort de ce tyran, le retour en Galilée, dans la ville de Nazareth, où le Sauveur fixa son séjour. Les Évangélistes ont coutume en effet d’omettre certains faits qu’ils savent avoir été racontés, ou qu’ils prévoient, sous l’inspiration de l’Esprit, devoir l’être par les autres Évangélistes. Ils poursuivent donc la suite de leur récit comme s’ils n’avaient omis aucun fait intermédiaire. Toutefois, un lecteur attentif, en comparant avec soin le récit d’un autre Évangéliste, voit immédiatement où les faits qui ont été omis doivent trouver place. Saint Luc donc, passant sous silence plusieurs de ces faits intermédiaires, continue ainsi son récit : « Et après qu’ils eurent accomplis tout ce qu’ordonnait la loi du Seigneur, ils revinrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. » — Théophylacte : Bethléem était leur ville comme patrie, et Nazareth l’était comme lieu de leur domicile. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 9.) On peut être surpris que saint Matthieu donne pour motif du retour des parents avec l’enfant dans la Galilée, la crainte qu’ils avaient d’Archélaüs, et qui les empêchait de se fixer dans la Judée, tandis que le motif déterminant de leur retour en Galilée, c’est que Nazareth, située dans la Galilée, était leur ville, comme saint Luc le remarque en cet endroit. Voici l’explication de cette difficulté : Lorsque l’ange apparaît en Égypte à Joseph pendant son sommeil, pour lui dire : « Levez-vous, prenez l’enfant et sa mère, et allez dans la terre d’Israël, » on peut très bien entendre que Joseph crut que l’ange lui donnait l’ordre de retourner en Judée, qui put se présenter la première à son esprit sous le nom de terre d’Israël. Mais lorsqu’ensuite il eut appris qu’Archélaüs, fils d’Hérode, régnait en Judée, il ne voulut point s’exposer à un si grand danger, d’autant plus que par terre d’Israël, il pouvait aussi bien entendre la Galilée, puisque le peuple d’Israël l’habitait également. — Chronique des Pères grecs : ou Métaphr. Ou bien encore, on peut dire que saint Luc parle ici du temps qui précède la fuite en Egypte, car Joseph ne fut point parti avant le temps de la purification de Marie. Or, avant de fuir en Egypte, aucune révélation ne les avait avertis d’aller à Nazareth, et ils s’y rendaient naturellement pour habiter de préférence dans leur patrie. En effet, ils n’étaient venus à Bethléem que pour s’y faire inscrire, et après avoir satisfait à la loi du dénombrement qui avait déterminé leur voyage, ils retournent à Nazareth. —
Théophylacte : Le Sauveur aurait pu naître et sortir
du sein de sa mère dans la plénitude de l’âge, mais ce développement
instantané eut paru dépourvu de réalité, il veut donc croître par degrés et
en suivant les progrès de l’âge : « L’enfant croissait et se
fortifiait. » — S. Bède : Il faut faire attention à la signification bien distincte de ces paroles; car Notre Seigneur Jésus-Christ n’avait besoin de croître et de se fortifier, que parce qu’il s’était fait enfant, et qu’il avait revêtu notre nature fragile et mortelle. — S. Athanase : (de l’incarn. de J.-C.) Mais si, comme quelques-uns le prétendent, la chair avait été changée et absorbée par la nature divine, comment pouvait-elle prendre de l’accroissement ? car on ne peut sans blasphème attribuer de l’accroissement à celui qui est incréé. — S. Cyrille : ou plutôt Théodor. (Chronique des Pères grecs) Comme il convient, l’Évangéliste joint l’accroissement de la sagesse aux progrès de l’âge, en disant : « Et il se fortifiait, » c’est-à-dire en esprit, car la nature divine se déclarait par degrés en se proportionnant aux progrès de l’âge. — Théophylacte : S’il eût fait éclater toute sa sagesse dès sa plus tendre enfance, on eût vu là un prodige étonnant, il se révéla donc en suivant le progrès de l’âge, pour parcourir ainsi toutes les phases de la vie. Si du reste il est dit qu’il se fortifiait en esprit, ce n’est point dans ce sens qu’il reçut la sagesse comme par degrés, car comment celui qui, dès le commencement avait toute perfection, aurait-il pu devenir plus parfait ? Aussi l’Évangéliste ajoute : « Il était plein de sagesse, et la gloire de Dieu était en lui. » — S. Bède : Plein de sagesse, parce que la plénitude de la divinité habitait en lui corporellement (Col 2, 9); plein de grâce, parce que Jésus-Christ fait homme a reçu dès le premier moment de son incarnation cette grâce extraordinaire d’être aussi Dieu parfait, en même temps qu’il devenait homme. A plus forte raison, en tant que Verbe de Dieu, et Dieu lui-même, il n’avait besoin ni de croître, ni de se fortifier. On peut dire encore que la grâce de Dieu était en lui, tout petit enfant qu’il était, afin de donner ainsi à son enfance remplie de la sagesse de Dieu ce caractère admirable qui est empreint sur sa vie toute entière. « Or ses parents allaient tous les
ans à Jérusalem à la fête de Pâques. » — S. Jean Chrysostome : (2 Disc. contr. les Juifs.) La loi obligeait les Israélites à célébrer les grandes solennités, non seulement dans le temps, mais dans le lieu marqué, aussi les parents du Seigneur ne voulaient point célébrer la fête de Pâques hors de Jérusalem. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 20.) Mais comment Marie et Joseph pouvaient-ils se rendre chaque année à Jérusalem pendant toutes les années de l’enfance de Jésus, alors que la crainte d’Archélaüs devait les en éloigner ? Cette difficulté serait facile à résoudre, alors même qu’un des Évangélistes aurait précisé la durée du règne d’Archélaüs, car les parents de Jésus pouvaient très bien venir à Jérusalem sans être remarqués parmi cette grande multitude qui s’y rendait pour la fête de Pâques, d’autant plus qu’ils s’en retournaient aussitôt. Au contraire ils pouvaient craindre d’y fixer leur séjour dans un autre temps de l’année. Ils ne risquaient pas ainsi de manquer aux devoirs de la religion en négligeant la fête, et ils ne s’exposaient point à être remarqués par un séjour prolongé. Mais comme tous les Évangélistes se taisent sur la durée du règne d’Archélaüs, nous sommes autorisés à entendre ce passage de saint Luc : « Ils allaient tous les ans à Jérusalem, » d’un temps où Archélaüs n’était plus à redouter. |
Lectio 13 [85777] Catena in Lc., cap. 2 l. 13 Cyrillus. Quia
dixerat Evangelista quod puer crescebat et confortabatur, proprium sermonem
verificat, inducens Iesum una cum sacra virgine in Ierusalem ascendentem :
unde dicitur et cum factus esset Iesus annorum duodecim, ascendentibus illis
in Hierosolymam, et cetera. Graecus.
Non enim indicium sapientiae transcendit aetatis mensuram; sed quo tempore
penes nos discretionis ratio perfici consuevit, duodecimo scilicet anno,
Christi sapientia demonstratur. Ambrosius in Lucam. Vel a duodecimo anno dominicae sumitur
disputationis exordium : hic enim praedicandae fidei evangelizantium numerus
debebatur. Basilius.
Possumus et hoc dicere : quia sicut septenario numero, sic et duodenario,
qui multiplicatis inter se invicem septenarii partibus constat, vel rerum vel
temporum universitas ac perfectio designetur : atque ideo quo omnia loca vel
tempora doceat occupari, recte a duodecimo numero iubar Christi sumit
exordium. Beda.
Quod autem dominus per omnes annos cum parentibus in Pascha Hierosolymam
venit, humilitatis est humanae indicium : hominis namque est ad offerenda Deo
sacrificia concurrere, et eum orationibus conciliare. Fecit ergo dominus,
inter homines homo natus, quod faciendum hominibus per Angelos imperavit Deus
: unde dicitur secundum consuetudinem diei festi. Sequamur igitur iter
humanae conversationis eius, si deitatis gloriam delectamur intueri. Graecus.
Celebrato autem festo, aliis remeantibus, Iesus latenter remansit; unde
sequitur consummatisque diebus, cum redirent, remansit puer Iesus in
Ierusalem; et non cognoverunt parentes eius. Dicit autem consummatis diebus,
quia septem diebus durabat solemnitas. Ideo autem latenter remanet, ne
parentes impedimento essent disputationi peragendae cum legisperitis : vel
forsitan hoc evitans, ne videatur parentes contemnere, si mandantibus non
pareret. Latenter ergo remanet, ne aut retrahatur, aut sit inobediens. Origenes
in Lucam. Non autem miremur parentes vocatos, quorum alter ob partum, alter
ob obsequium, patris et matris meruerunt vocabula. Beda.
Sed quaeret aliquis quomodo Dei filius tanta parentum cura nutritus,
potuerit obliviscendo relinqui. Cui respondendum : quia filiis Israel moris
fuit ut temporibus festis vel Hierosolymam confluentes, vel ad propria
redeuntes, seorsum viri, seorsum feminae incederent, infantesque vel pueri
cum quolibet parente indifferenter ire potuerunt; ideoque Mariam vel Ioseph
vicissim putasse puerum Iesum, quem secum non cernebant, cum altero parente
reversum; unde sequitur existimantes autem illum esse in comitatu, venerunt
iter diei, et requirebant eum inter cognatos et notos. Origenes.
Sicut autem quando insidiabantur ei Iudaei, elapsus est de medio eorum, et
non apparuit; sic et nunc puto remansisse puerum Iesum, et parentes eius ubi
remanserit ignorasse : sequitur enim et non invenientes, reversi sunt in
Ierusalem, requirentes eum. Glossa.
Una quidem die reversi sunt a Ierusalem; secunda quaerunt inter cognatos
et notos; et non invenientes, tertia die regressi sunt in Ierusalem, et ibi
invenerunt; unde sequitur et factum est post triduum, invenerunt eum in
templo. Origenes.
Non statim ut quaeritur invenitur : non enim inter cognatos et carnis
propinquos invenitur Iesus : neque enim poterat humana cognatio Dei filium
continere. Non invenitur inter notos, quia maior est mortali notitia. In
multorum comitatu non potest inveniri; nec ubique invenerunt, sed in templo.
Et tu ergo quaere Iesum in templo Dei, quaere in Ecclesia, ubi Christi
sermonem atque sapientiam, idest filium Dei, reperies. Ambrosius.
Post triduum reperitur in templo, ut esset indicio quia post triduum
triumphalis passionis, in sede caelesti et honore divino fidei nostrae se
ostenderet, resurgens qui mortuus credebatur. Glossa.
Vel quia quaesitus adventus Christi a patriarchis ante legem non est
inventus, quaesitus a prophetis et iustis sub lege non est inventus :
quaesitus a gentilibus sub gratia invenitur. Origenes.
Quia vero parvulus erat, invenitur in medio praeceptorum, sanctificans et
erudiens eos; unde dicitur sedentem in medio doctorum, audientem illos, et
interrogantem; et hoc, pietatis officio, ut nos doceret quid pueris, quamvis
sapientes et eruditi sint, conveniret, ut audiant potius magistros quam
docere desiderent, et se vana ostentatione non iactent. Interrogabat autem
non ut addisceret, sed ut interrogans erudiret : ex uno quippe doctrinae
fonte manat et interrogare et respondere sapienter; unde sequitur stupebant
autem omnes qui eum audiebant, super prudentia et responsis suis. Beda.
Ad ostendendum enim quia homo erat, homines magistros humiliter audiebat;
ad probandum vero quia Deus erat, eisdem loquentibus sublimiter respondebat.
Graecus.
Quaerit enim rationabiliter, audit prudenter, respondetque prudentius :
quod stuporem faciebat; unde sequitur et videntes admirati sunt. Chrysostomus
super Ioannem. Nullum quippe miraculum egit dominus in pueritia; hoc tamen
unum prodit Lucas, per quod mirabilis videbatur. Beda.
Divina siquidem lingua sapientiam prodebat, sed infirmitatem aetas
praetendebat humanam : unde Iudaei inter alta quae audiunt, et infima quae
vident, dubia admiratione turbantur. Nos autem nequaquam miremur, scientes
secundum Isaiae prophetiam quod sic parvulus natus est nobis quod permanet
Deus fortis. Graecus.
Miranda vero Dei genitrix maternis affecta visceribus, quasi cum lamentis
inquisitionem dolorosam ostendit, et omnia sicut mater et fiducialiter, et
humiliter, et affectuose exprimit; unde sequitur et dixit mater eius ad illum
: fili, quid fecisti nobis sic? Ecce pater tuus et ego dolentes quaerebamus
te. Origenes.
Noverat virgo sacrata hunc non esse filium Ioseph; et tamen patrem vocat illius
sponsum suum, propter Iudaeorum suspicionem, aestimantium ipsum vulgo fore
conceptum. Dicetur autem forte simplicius, quod eum honoravit spiritus
sanctus patris nomine, eo quod puerum Iesum educavit; artificiosius vero eo
quod genealogiam Ioseph ex David produxit, ne superflua censeretur. Cur autem
dolentes eum quaerebant? An ex eo quod perierit puer, an erraverit? Absit.
Numquid etiam fieri poterat ut perditum formidarent infantem quem dominum
esse cognoverant? Sed quomodo tu, si quando Scripturas legis, quaeris in eis
sensum cum dolore, non quod Scripturas errasse arbitreris; sed veritatem quam
intrinsecus habent, quaeris invenire; ita illi quaerebant Iesum, ne forte
relinquens eos reversus esset ad caelos, cum illi placuisset iterum
descensurus. Oportet ergo eum qui quaerit Iesum, non negligenter et dissolute
transire, sicut multi quaerunt, et non inveniunt; sed cum labore et dolore.
Glossa.
Vel metuebant ne, quod Herodes in infantia eius patrasse quaesierat, tunc
iam in pueritia positum, inventa opportunitate, alii interficerent. Graecus.
Sed ipse dominus respondet ad omnia, et corrigens quodammodo dictum eius
de eo qui putabatur pater, verum patrem manifestat, docens non per infima
gradi, sed in altum extolli; unde sequitur et ait ad illos : quid est quod me
quaerebatis? Beda.
Non eos quod filium quaerant vituperat; sed quid ei potius cui ipse
aeternus est filius, debeat, eos cogit oculos mentis tollere; unde sequitur
nesciebatis quia in his quae patris mei sunt oportet me esse? Ambrosius.
Duae sunt in Christo generationes : una est paterna, altera materna;
paterna divinior, materna vero quae in nostrum laborem usumque descendit.
Cyrillus.
Hoc igitur dicit, ostendens se mensuram humanam transcendere, et innuens
quod sacra virgo effecta sit minister negotii cum peperit carnem. Ipse vero
naturaliter et vere Deus erat, et filius patris excelsi. Hinc autem Valentini
sequaces audientes quod templum erat Dei, pudeat dicere, quod creator et
legis Deus et templi, non ipse pater est Christi. Epiphanius
Adv. Haer. Attendat et Ebion, quod post annos duodecim et non post
tricesimum annum Christus reperiretur stupendus in sermonibus gratiae.
Quamobrem non est dicere, quod postquam venit ad eum spiritus in Baptismo,
factus fuit Christus; sed ab ipsa pueritia et templum agnovit et patrem. Graecus.
Haec est demonstratio prima sapientiae et virtutis pueri Iesu; quae namque
puerilia eius vocant, diabolicae putamus esse considerationis : nisi quis ea
sola velit acceptare nequaquam his quae tenemus oppugnantia, sed magis
consona propheticis dictis : quia speciosus prae filiis hominum, et matri
obediens, et moribus facetus, et visu non modicum venerandus et placidus, ad
loquendum facundus, dulcis et providus, et multum strenuitate cognitus,
tamquam qui repletus sapientia fuerat; et sicut in aliis sic conversationis
humanae atque locutionis, quamvis supra hominem, terminus et ratio;
mansuetudo enim sibi praecipuum elegit locum. Super haec autem omnia nihil
ascendit super verticem eius, nec humana manus, excepta materna. Hinc autem
possumus utilitatem consequi : dum enim Mariam increpat dominus quaerentem
ipsum inter propinquos, omissionem vinculorum sanguinis apertissime suggerit;
ostendens quod non contingit metam perfectionis attingere eum qui adhuc vagatur
in his quae corpori conferunt; et quod homo deficit a perfectione per
affectum cognatorum. Sequitur et ipsi non intellexerunt verbum quod locutus
est ad illos. Beda.
Quia scilicet de sua divinitate ad eos loquebatur. Origenes
in Lucam. Vel nesciebant utrum dicens in his quae patris mei sunt,
significaret in templo, an aliquid altius, et quod magis aedificat :
unusquisque enim nostrum, si bonus fuerit atque perfectus, possessio Dei
patris est, et habet in medio sui Iesum. |
Versets 41-50.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) L’Évangéliste vient de dire que l’enfant croissait et se fortifiait, il en donne maintenant la preuve en nous montrant Jésus se rendant à Jérusalem avec la sainte Vierge sa mère : « Lorsqu’il eut atteint sa douzième année, comme ils étaient montés à Jérusalem. » — Chronique des Pères grecs : ou Géom. La manifestation de la sagesse ne dépasse pas ici la portée de l’âge, c’est à l’époque de la vie où nous devenons capables de discernement et de réflexions (c’est-à-dire, à l’âge de douze ans), que la sagesse de Jésus-Christ se révèle. — S. Ambroise : Ou bien il commence ses enseignements à l’âge de douze ans, pour figurer le nombre des premiers prédicateurs de l’Évangile. — S. Basile: (sur Luc.) Nous pouvons encore dire que, comme le nombre sept, le nombre douze (formé des deux parties du nombre sept multipliées l’une par l’autre) figure l’universalité et la perfection des temps et des choses; c’est donc pour nous apprendre que son enseignement doit remplir tous les temps et tous les lieux, que Jésus-Christ commence à en répandre les premiers rayons à l’âge de douze ans. — S. Bède : (hom.) Notre Seigneur venait tous les ans avec ses parents célébrer la fête de Pâques dans le temple de Jérusalem, et il nous donne en cela un exemple de sa profonde humilité comme homme, car c’est un des premiers devoirs de l’homme d’être fidèle à offrir à Dieu des sacrifices, et de se le rendre favorable par ses prières. Le Seigneur fait homme a donc accompli parmi les hommes ce que Dieu avait commandé aux hommes par ses anges : « selon la coutume de cette fête, » dit l’Évangéliste; soyons donc fidèles nous-mêmes à suivre les pas de ce Dieu fait homme, si nous aspirons au bonheur de contempler un jour la gloire de sa divinité. — Chronique des Pères grecs : ou Métaph. Après la fête tous s’en retournèrent, mais Jésus resta secrètement : « Les jours de la fête étant passés, l’enfant Jésus resta dans la ville de Jérusalem, et ses parents ne s’en aperçurent pas. » L’Evangéliste dit : « Les jours de la fête étant passés, » parce que la solennité de la fête de Pâques durait sept jours. Le Sauveur reste secrètement, afin que ses parents ne puissent s’opposer à la discussion qu’il désirait avoir avec les docteurs de la loi; ou bien peut-être voulait-il éviter de paraître mépriser l’autorité de ses parents, en refusant de leur obéir. Il reste donc secrètement, pour agir en toute liberté, ou pour ne pas s’exposer au reproche de désobéissance. — Origène : (hom. 19.) Ne soyons pas surpris de voir l’Évangéliste donner à Marie et à Joseph le nom de parents de Jésus, alors que Marie par son enfantement, et Joseph par les soins dont il entourait ce divin enfant, ont mérité d’être appelés son père et sa mère. — S. Bède : (sur Luc.) On demandera sans doute comment les parents de Jésus, qui veillaient avec une si grande sollicitude sur ce divin enfant, ont pu le laisser par oubli dans la ville de Jérusalem. Nous répondons que les Juifs, à l’époque des grandes fêtes de l’année, soit en se rendant à Jérusalem, soit en retournant dans leur pays, avaient coutume de marcher par troupes, les hommes séparés des femmes, et les enfants pouvaient aller indifféremment avec les uns ou avec les autres. Marie et Joseph ont donc pu croire chacun de leur côté que l’enfant Jésus, qu’ils ne voyaient point avec eux, se trouvait soit avec son père, soit avec sa mère. C’est ce qu’ajoute l’Évangéliste : « Mais pensant qu’il était avec quelqu’un de leur compagnie, ils marchèrent tout un jour, puis ils le cherchèrent parmi leurs parents et leurs connaissances». — Origène : L’enfant Jésus resta dans la ville de Jérusalem, en laissant ignorer à ses parents qu’il y était resté, comme plus tard il s’échappa et disparut du milieu des Juifs, qui lui dressaient des embûches : « Et ne le trouvant pas, ils revinrent à Jérusalem pour le chercher, ». — La
Glose : Le premier jour, ils quittèrent Jérusalem,
le second ils le cherchèrent parmi leurs parents et leurs proches ; et
ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem et là ils le trouvèrent :
« Et après trois jours, ils le trouvèrent dans le temple. » — Origène : (hom. 18.) Ou ne trouve pas Jésus dès qu’on le cherche; car Jésus ne se trouve ni parmi ses parents ou parmi ceux qui lui sont unis par les liens du sang, (car la condition humaine ne peut contenir le Fils de Dieu). (Et hom. 19). Ils ne le trouvèrent point parmi leurs parents, car une parenté toute naturelle ne pouvait avoir au milieu d’elle le Fils de Dieu, qui est supérieur à toute connaissance et à toute science humaine. Où donc le trouvent-ils ? Dans le temple. Si vous voulez aussi chercher le Fils de Dieu, cherchez-le d’abord dans le temple, hâtez-vous d’y entrer, c’est là que vous trouverez le Christ, la parole et la sagesse du Père, c’est-à-dire le Fils de Dieu. — S. Ambroise : Ils le trouvent dans le temple après trois jours, comme figure que trois jours après sa passion triomphante, alors qu’on le croyait victime de la mort, il se montrerait plein de vie à notre foi, assis sur son trône des cieux, au milieu d’une gloire toute divine. — La Glose : Ou bien ces trois jours de recherche signifiaient que les patriarches avant la loi, avaient cherché l’avènement de Jésus-Christ sans le trouver, que les prophètes et les justes sous la loi l’avaient également cherché sans être plus heureux, tandis que les Gentils qui l’ont cherché sous la loi de grâce l’ont trouvé. — Origène : (hom. 19.) Comme il était le Fils de Dieu, on le trouve au milieu des docteurs, leur inspirant la sagesse et les instruisant; mais parce qu’il était enfant on le trouve au milieu d’eux, ne leur faisant point de leçons expresses, mais se contentant de les interroger : « Ils le trouvèrent assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. » Il agit ainsi pour donner l’exemple de la soumission et de la déférence qui convient aux enfants, et leur apprendre la conduite qu’ils doivent tenir, fussent-ils doués d’une sagesse et d’une science [supérieures à leur âge]. Ils doivent écouter leurs maîtres plutôt que de chercher à les instruire et à se produire par un sentiment de vaine ostentation. Jésus interroge les docteurs, non pas sans doute pour s’instruire, mais bien plutôt pour les enseigner en les interrogeant, car c’est de la même source d’intelligence et de doctrine que viennent ses questions et ses réponses pleines de sagesse : « Et tous ceux qui l’entendaient, admiraient la sagesse de ses réponses, ». — S. Bède : Pour montrer qu’il était homme, il écoutait modestement des docteurs qui n’étaient que des hommes; mais pour prouver qu’il était Dieu, il répondait à leurs questions d’une manière sublime. — Chronique des Pères grecs : ou Métaph. Il interroge avec intelligence, il écoute avec sagesse, et répond avec plus de sagesse encore, ce qui ravissait d’admiration ceux qui l’entendaient : « Et tous ceux qui l’entendaient étaient confondus de sa sagesse et de ses réponses. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 20 sur Jean.) Le Sauveur n’a fait aucun miracle dans son enfance, et saint Luc ne nous en raconte que ce seul fait, qui ravit d’admiration ceux qui en furent témoins. — S. Bède : Ses paroles, en effet, révélaient une sagesse divine, mais son âge le couvrait des dehors de la faiblesse humaine; aussi les Juifs, partagés entre les choses sublimes qu’ils entendaient et la faiblesse extérieure qui paraissait à leurs yeux éprouvaient un sentiment d’admiration mêlé de doute. Mais pour nous rien ici de surprenant, car nous savons par le prophète Isaïe, que s’il a voulu naître petit enfant pour nous, il n’en reste pas moins le Dieu fort. — Chronique
des Pères Grecs : (ou Métaphr. et Géom.) Admirons ici la mère
de Dieu, dont les entrailles maternelles sont si vivement émues; elle lui
dépeint, en gémissant, ses anxiétés pendant cette douloureuse recherche, et
exprime tous les sentiments qui l’agitent avec la confiance, la douceur et la
tendresse d’une mère : « Et sa mère lui dit : Mon fils, pourquoi
avez-vous agi ainsi avec nous ? Votre père et moi, nous vous
cherchions, tout affligés.» — Origène : (Chronique des Pères grecs.) Cette Vierge sainte savait bien qu’il n’était point le fils de Joseph, et cependant elle appelle son époux le père de Jésus, pour se conformer à l’opinion des Juifs qui pensaient que son divin Fils avait été conçu comme les autres enfants. (hom. 17.) L’explication la plus simple est de dire que l’Esprit saint a honoré Joseph du nom de père de Jésus, parce qu’il a été chargé de l’élever. D’après une interprétation plus recherchée, on peut dire que l’Evangéliste ayant fait descendre la généalogie de Jésus-Christ de David à Joseph, cette généalogie paraîtrait donnée sans raison, [si Joseph n’était pas appelé le père de Jésus]. (hom. 19.) Mais pourquoi le cherchaient-ils tout affligés ? craignaient-ils qu’il n’ait péri ou qu’il se fût égaré ? Loin de nous cette pensée. Comment auraient-ils pu craindre la perte de cet enfant dont ils connaissaient la divinité ? Lorsque vous lisez les saintes Écritures, vous cherchez avec une certaine peine à en découvrir le sens, ce n’est pas, sans doute, que vous pensiez que la divine Écriture puisse renfermer des erreurs [ou des choses dites au hasard]; mais vous désirez trouver la vérité qui est cachée sous l’écorce de la lettre. C’est ainsi que Marie et Joseph cherchaient l’enfant Jésus, en craignant que peut-être il ne les eût quittés et ne fût remonté dans les cieux, pour en descendre de nouveau lorsqu’il le jugerait à propos. Celui donc qui cherche Jésus, ne doit point agir avec négligence et avec mollesse, comme font plusieurs qui le cherchent et ne le trouvent point, mais il doit faire de grands efforts, et se donner de la peine. — La Glose : Peut-être aussi craignaient-ils que d’autres ennemis de Jésus, profitant de l’occasion, ne missent à exécution, contre ce divin enfant, les desseins homicides qu’Hérode avait formés contre lui dès son berceau. — Chronique
des Pères grecs : (ou Métaph. et Géom.) Cependant Notre Seigneur répond pleinement
à la question de sa mère; il redresse, pour ainsi parler, ce qu’elle vient de
dire de celui qui passait pour son père, et déclare qui est son véritable
père, enseignant ainsi à sa sainte mère à s’élever dans les régions
supérieures à tout ce qui est terrestre : « Et il leur dit : Pourquoi
me cherchez-vous ? » — S. Bède : Il ne les blâme pas de ce qu’ils le cherchaient comme leur fils, mais il les force de lever les yeux de leur âme vers les devoirs qu’il doit remplir à l’égard de celui dont il est le Fils éternel : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux choses de mon Père ? » — S. Ambroise : Il y a en Jésus-Christ deux générations, l’une paternelle, l’autre maternelle. La première est une génération divine; c’est par la seconde qu’il est descendu jusqu’à notre pauvre nature pour la sauver. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs.) En parlant de la sorte, il montre qu’il s’élève au-dessus de la nature humaine, et tout en reconnaissant que la sainte Vierge est devenue l’instrument de la rédemption en devenant sa mère selon la chair, il proclame en même temps qu’il est vraiment Dieu, et le Fils du Très-Haut. Que les partisans de Valentin, après avoir entendu dire que Jésus est le temple de Dieu, rougissent d’affirmer que le Créateur et le Dieu de la loi et du temple n’est point le Père de Jésus-Christ. — S. Epiphane : (cont. les hérés., 2, 31.) Qu’Ebion lui-même remarque que c’est à l’âge de douze ans, et non point après sa trentième année, que Jésus-Christ ravit en admiration par la sagesse et la grâce de ses discours; on ne peut donc avancer qu’il n’est devenu Christ, en recevant l’onction divine, qu’au jour de son baptême, lorsque l’Esprit saint descendit sur lui; mais dès son enfance même, il faisait profession d’honorer le temple et de reconnaître Dieu pour son Père. — Chronique des Pères grecs : Ce fut ici la première manifestation de la sagesse et de la puissance de l’enfant Jésus; car ce que l’on raconte des occupations et des actions de son enfance, [ne] sont [pas seulement des puérilités, mais] des inventions diaboliques [qui, dans un but évidemment mauvais, cherchent à dénaturer ce qui est rapporté dans les Evangiles et dans les saintes Ecritures.] On peut seulement admettre que ce qui est généralement cru parmi les fidèles, et qui est loin d’être contraire à nos croyances, s’accorde plutôt avec les oracles prophétiques, c’est-à-dire que Jésus était le plus beau des enfants des hommes, plein d’obéissance pour sa mère, d’un caractère aimable, d’un aspect tout à la fois majestueux et simple, d’une éloquence naturelle, doux et obligeant, d’une activité et d’un courage en rapport avec la sagesse dont il était rempli; enfin, d’une mesure et d’une modération parfaite dans toute sa vie et dans ses discours, bien qu’on y ressentait quelque chose de surhumain; car l’humilité et la modestie forment son principal caractère. Aucune main d’ailleurs n’entreprit de le diriger dans toute sa conduite, excepté celle de sa mère. Jésus nous donne ici une imposante leçon. Le reproche qu’il fait à Marie, de le chercher parmi ses proches, nous suggère clairement le détachement des liens du sang, et nous apprend qu’il est impossible d’arriver à une vertu éminente pour celui qui aime à s’égarer dans les satisfactions de la nature, et qu’on s’éloigne de la perfection par un trop grand amour pour ses proches. « Et ils ne comprirent pas les paroles qu’il leur dit. » — S. Bède : Ils ne comprirent pas ce qu’il venait de leur dire de sa divinité. — Origène : (hom. 20.) Ou bien ils ignoraient si par ces paroles : « aux choses qui regardent le service de mon Père, » il voulait parler du temple, ou si ces paroles renfermaient un sens plus élevé, d’une utilité plus immédiate; car chacun de nous, s’il est bon et vertueux, devient la demeure et comme le siége de Dieu le Père; et si nous sommes la demeure et le siége de Dieu, nous avons Jésus au milieu de nous. |
Lectio 14 [85778] Catena in Lc., cap. 2 l. 14 Graecus.
Totam intermediam Christi vitam, quae est inter ostensionem aetatis et
tempus Baptismatis, velut immunem alicuius famosi et publici miraculi et
doctrinae, Evangelista sub uno verbo colligit dicens et descendit cum eis, et
venit Nazareth. Origenes
in Lucam. Crebro Iesus descendit cum discipulis suis, nec semper versatur
in monte : quia non valebant qui variis morbis laborabant, ascendere in
montem; idcirco et nunc descendit ad illos qui deorsum erant. Sequitur et erat
subditus illis. Graecus.
Quandoque enim verbo prius leges instituens, ipse secundario opere
comprobabat; sicut illud : bonus pastor animam suam ponit pro ovibus suis;
ipse namque paulo post, nostram salutem exquirens, animam exposuit propriam :
aliquando vero prius vivendi proponit exemplar, et postea promebat verbo
tenus sanctionem, sicut hic, haec tria prae ceteris opere monstrans, diligere
Deum, honorare parentes, Deum vero et ipsis praeferre parentibus. Cum enim
reprehenderetur a parentibus, minoris curae cetera reputat quam quae sunt
Dei. Denique ipsis quoque parentibus obedientiam praestat. Beda.
Quid enim magister virtutis nisi officium pietatis impleret? Quid inter
nos aliud quam quod agi a nobis vellet, ageret? Origenes.
Discamus ergo et nos filii parentibus nostris esse subiecti. Quod si
patres non fuerint, subiciamur his qui patrum habent aetatem. Iesus filius
Dei subicitur Ioseph et Mariae; ego vero subiciar episcopo, qui mihi
constitutus est pater. Puto quod intelligebat Ioseph quia maior se erat
Iesus, et trepidus moderabatur imperium. Videat ergo unusquisque quod saepe
qui subiectus est, maior sit : quod si intellexerit, non elevabitur superbia
qui est sublimior dignitate, sciens sibi meliorem esse subiectum. Gregorius Nyssenus. Amplius : quoniam impuberibus adhuc est
imperfecta discretio, egetque per provectos ad statum provehi perfectiorem;
ideo cum pertigisset duodecimum annum, paret parentibus, ut ostendat quod
quicquid per promotionem perficitur, antequam ad finem perveniat, obedientiam
tamquam perducentem ad bonum utiliter amplexatur. Basilius in Lib. Relig. Ab ipsa autem primaeva aetate parentibus
obediens quemlibet laborem corporeum humiliter et reverenter sustinuit. Cum
enim homines essent honesti et iusti, egeni tamen, et necessariorum penuriam
patientes, teste praesepi partus venerandi ministro, manifestum est quod
sudores corporeos continuo frequentabant, necessaria vitae sibi quaerentes. Iesus
autem obediens illis, ut Scriptura testatur, etiam in sustinendo labores subiectionem
plenariam sustinebat. Ambrosius.
Et miraris si patri defert qui subditur matri? Non utique infirmitatis,
sed pietatis est ista subiectio. Attollat licet caput haereticus, ut alienis
auxiliis asserat eum qui mittitur indigere; numquid et humano egebat auxilio,
ut materno serviret imperio? Deferebat ancillae, deferebat simulato patri; et
miraris si Deo detulit? An homini deferre pietatis est, deferre Deo
infirmitatis? Beda.
Virgo autem sive quae intellexit, sive quae nondum intelligere potuit,
omnia suo pariter in corde quasi ruminanda et diligentius scrutanda
recondebat; unde sequitur et mater eius conservabat omnia verba haec,
conferens in corde suo. Graecus.
Considera prudentissimam mulierem Mariam, verae sapientiae matrem,
qualiter scholaris sit pueri : non enim ut puero, neque ut viro, sed ut Deo
vacabat; ulterius et illius voces divinas et opera reputabat : idcirco nil ex
dictis aut actis ab eo incassum illi cadebat; sed sicut ipsum verbum prius in
visceribus, ita nunc eiusdem modos et dicta concipiebat, et in corde suo
quodammodo fovebat; et hoc quidem iam secum in praesenti contemplabatur : hoc
autem expectabat in futurum clarius revelandum : et hac quidem tamquam regula
et lege per totam vitam utebatur : unde sequitur et Iesus proficiebat aetate
et sapientia et gratia apud Deum et homines. Theophylactus.
Sed inquiunt : quomodo potest aequalis patri esse in substantia qui quasi
imperfectus crescere dicitur? Non autem in eo quod est verbum, dicitur incrementum
suscipere, sed in eo quod factus est homo. Si enim vere profecit postquam
factum est caro, qui ante imperfectus extiterat; quid ergo gratias agimus ei
velut incarnato pro nobis? Qualiter autem, si ipse est vera sapientia, in
sapientia potest augeri? Vel qualiter qui ceteris largitur gratiam, ipse in
gratia promovetur? Amplius : si nemo scandalizatur cum audit quod verbum
seipsum humiliaverit, infirma quaedam de Deo verbo sentiens : sed potius
miratur misericordiam eius : quomodo non est supervacaneum scandalizari
audiendo quod profecit? Nam sicut pro nobis
humiliatus est, sic pro nobis profecit, ut nos in eo proficiamus qui lapsi
fuimus per peccatum : nam quicquid spectat ad nos, ipse vere pro nobis
Christus suscepit, ut cuncta reformet in melius. Cyrillus.
Et attende quod non dixit proficere verbum, sed Iesum, ne simplex verbum
proficere intelligas, sed verbum carnem factum. Theophylactus.
Et sicut verbum in carne passum fatemur, quamvis sola caro fuit passa,
quia caro verbi erat quae patiebatur; ita proficere dicitur ex eo quod
humanitas proficiebat in ipso. Gregorius
Nazianzenus. Dicitur autem secundum humanitatem proficere, non quod ipsa
suscipiat augmentum quae ab initio fuit perfecta; sed ex eo quod paulatim
manifestabatur. Theophylactus.
Naturalis enim lex respuit hominem sensu maiore uti quam aetas corporis
patiatur. Erat itaque verbum factum homo perfectum, cum sit virtus et
sapientia patris; verum quia dandum erat aliquid nostrae naturae moribus, ne
aliquod extraneum a videntibus reputetur; tamquam homo, paulatim crescente
corpore, manifestabat seipsum, et quotidie sapientior ab audientibus et
videntibus censebatur. Graecus.
Proficiebat ergo secundum aetatem quidem, corpore in virilem statum
promoto; sapientia autem per eos qui ab eo divina docebantur; gratia vero,
qua cum gaudio promovemur, credentes in fine obtinere quae ab ipso promissa
sunt; et hoc quidem apud Deum ex eo quod assumpta carne paternum opus
peregit; apud homines vero per conversionem eorum a cultu idolorum ad summae
Trinitatis notitiam. Theophylactus.
Dicit enim apud Deum et homines : quia prius decet placere Deo, et postea
hominibus. Gregorius
Nyssenus. Differenter etiam proficit verbum in his qui ipsum suscipiunt :
secundum enim mensuram illius apparet aut infans, aut adultus, aut perfectus. |
Versets 51, 52.
— Chronique des Pères grecs (ou Géom.) Toute la vie de Jésus-Christ qui
s’est écoulée depuis ce moment jusqu’au temps de sa manifestation et de son baptême,
et qui n’a été signalée ni par la publicité d’aucun miracle, ni par l’éclat
de sa doctrine, se trouve résumée dans ces seules paroles de l’Évangéliste : « Et il descendit avec eux, et il
vint à Nazareth, et il leur était soumis. » — Origène : Nous voyons que Jésus descendait fréquemment avec ses disciples, et qu’il ne restait pas toujours sur la montagne; car ceux qui étaient affligés de diverses maladies ne pouvaient le suivre sur la montagne. C’est pour le même motif qu’il descend aujourd’hui vers ceux qui habitent une région inférieure à la sienne. « Et
il leur était soumis. » — Chronique des Pères grecs : [Notre Seigneur suit tour à tour ces deux méthodes :] Tantôt il commence par établir la loi, et puis il la confirme par ses oeuvres, comme lorsque ayant dit : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis, » lui-même, quelque temps après, sacrifia sa propre vie pour notre salut. Quelquefois, au contraire, il donne tout d’abord l’exemple, et trace ensuite dans ses enseignements la règle qu’il faut suivre. C’est ce qu’il fait ici en nous apprenant, par sa conduite, ces trois principaux devoirs : Aimer Dieu, honorer ses parents, et savoir leur préférer Dieu [quand il le faut]. En effet, au reproche que lui font ses parents, il répond en mettant au premier rang, et avant tous les autres devoirs, le service de Dieu; puis il rend ensuite à ses parents l’obéissance qui leur est due. — S. Bède : Comment, en effet, celui qui venait nous enseigner toute vertu aurait-il pu ne pas remplir ce devoir de piété filiale ? Que pourrait-il faire parmi nous, que ce qu’il veut que nous fassions nous-mêmes ? — Origène : Apprenons donc nous aussi à être des enfants soumis à leurs parents; si nous avons eu le malheur de les perdre, soyons soumis à ceux qui ont le même âge qu’eux. Jésus, le Fils de Dieu, se soumet à Joseph et à Marie, je me soumettrai à l’évêque que Dieu m’a donné pour père. Sans doute, Joseph devait comprendre que Jésus était au-dessus de lui, et n’exercer qu’en tremblant son autorité sur cet enfant. Que chacun donc réfléchisse aussi que souvent il est bien inférieur à celui qui lui obéit; cette pensée le défendra contre tout sentiment d’orgueil, lorsqu’il verra que celui au-dessus duquel il est placé par sa dignité lui est de beaucoup supérieur en vertu. — S. Grégoire de Nysse : Disons encore que l’esprit de discernement et la raison sont très imparfaits dans les enfants, et qu’ils ont besoin d’être développés par ceux qui sont plus âgés, [ou si l’on veut, d’être conduits par des mains sages et expérimentées] jusqu’à un degré plus éminent de vertu. Or, [c’est pour confirmer cette vérité que] Jésus, parvenu à l’âge de douze ans, nous donne l’exemple de l’obéissance à ses parents; et il nous apprend ainsi que tout ce qui ne peut s’élever à la perfection que par degrés successifs, pour arriver à cette fin désirée, doit embrasser la pratique de l’obéissance, comme une des voies les plus sûres qui puisse l’y conduire. — S. Basile : (Cons. monast., chap. 4.) Par cette obéissance parfaite qu’il professe à l’égard de ses parents dès sa première enfance, Jésus accepte humblement, et avec respect, tous les pénibles travaux de leur condition. Car bien qu’ils fussent vertueux, honorés, ils étaient pauvres cependant, et dans la gène (comme le prouve la crèche qui reçut l’enfant divin à sa naissance), et il est clair qu’ils devaient pourvoir à leur existence par un travail assidu et à la sueur de leur front. Or, Jésus qui leur obéissait (comme le déclare l’Écriture), devait partager tous ces travaux avec une entière soumission. — S. Ambroise : Vous êtes surpris qu’il puisse être soumis à son Père céleste, tout en obéissant à sa mère ? Rappelez-vous que cette obéissance n’est pas chez lui la suite de la faiblesse, mais un acte de piété filiale. Les hérétiques ont beau lever ici la tête, et prétendre que celui qui est envoyé par son Père a besoin d’un secours étranger. Avait-il besoin du secours des hommes, parce qu’il était soumis à l’autorité de sa mère ? Il était soumis à l’humble servante [de Dieu], il était soumis à celui qui n’était son père que de nom, et vous êtes étonné qu’il soit soumis à Dieu ? C’est un devoir de piété filiale, que d’obéir à l’homme, serait-ce un acte de faiblesse que d’obéir à Dieu ? — S.
Bède : Cependant l’auguste Vierge renfermait toutes
ces choses dans son coeur pour les repasser, pour les méditer avec soin, soit
qu’elle les comprît [dans toute leur étendue], soit qu’elle ne pût les
comprendre encore : « Et sa mère
conservait toutes ces choses en son coeur. » — Chronique des Pères grecs : Considérez l’admirable prudence de Marie, cette mère de la vraie sagesse, comme elle se rend le disciple de son enfant. Car ses leçons n’étaient point pour elle les leçons d’un enfant, ni d’un homme ordinaire, mais les leçons d’un Dieu. Elle repassait ensuite dans son âme ses paroles et les actions divines dont elle était témoin, elle n’en laissait perdre aucune; et de même qu’elle avait autrefois conçu le Verbe lui-même dans son sein, ainsi elle concevait pour ainsi dire ses paroles et ses actions, et les fécondait dans son coeur d’une certaine façon. Elle contemplait avec bonheur ce qu’elle pouvait en comprendre, et elle attendait la révélation plus claire que l’avenir lui en réservait. Telle fut la règle dont elle se fit comme une loi dans tout le cours de sa vie. « Et Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes ». [— Théophilactus : Jésus n’est pas devenu sage progressivement, mais la sagesse qui était en lui se déclarait successivement et par degrés, comme par exemple, lorsque discutant avec les scribes, la prudence et la haute portée de ses questions jetaient dans l’étonnement tous ceux qui l’entendaient. Il croissait donc en sagesse, en ce sens qu’il se révélait en présence d’un plus grand nombre et les ravissait d’admiration; la manifestation de sa sagesse en était chez lui comme le progrès. Considérez comment l’Évangéliste, expliquant ce qu’était pour Jésus ce progrès dans la sagesse, ajoute aussitôt : « Et en âge. » Il veut par là nous faire entendre que l’accroissement de l’âge était la mesure de l’accroissement extérieur de la sagesse.] — S. Cyrille (Théophylacte) : (Tres., liv. 10, chap. 7.) Mais, disent les Eunomiens, comment pouvait-il être égal et consubstantiel à son Père, lui que nous voyons soumis à un accroissement successif comme une créature imparfaite ? Nous répondons que ce n’est pas en tant que Verbe, mais en tant qu’il s’était fait homme, que l’Évangéliste dit : « Il croissait en sagesse, ». Car si après son incarnation, il a véritablement acquis une nouvelle perfection qu’il n’avait pas auparavant, quelle reconnaissance lui devrions-nous de ce qu’il s’est incarné pour nous ? D’ailleurs s’il est la véritable sagesse, de quel accroissement était-il susceptible ? et comment celui qui est le principe et la source de la grâce pour tous les hommes, aurait-il pu croître lui-même en grâce ? Disons plus : est-on scandalisé d’entendre dire que le Verbe s’est humilié, et en conçoit-on des idées peu favorables à la divinité; et n’admire-t-on pas bien plutôt la grandeur de sa miséricorde ? Pourquoi donc serait-on scandalisé de ses progrès dans la sagesse ? C’est pour nous qu’il a daigné s’humilier, c’est pour nous aussi qu’il s’est soumis à ce progrès successif, et pour nous faire avancer dans sa personne, nous, que le péché avait fait tomber si bas; car il s’est soumis, en réalité, à toutes les conditions de notre nature, pour les réformer et leur imprimer un nouveau caractère de perfection. — S.Cyrille : Et remarquez encore que l’Évangéliste ne dit pas : Le Verbe croissait, mais : « Jésus croissait, » il veut nous faire comprendre que ce n’est point le Verbe considéré comme Verbe, mais le Verbe fait chair qui s’est soumis à cet accroissement. — Théophylacte : Bien que la chair seule ait été sujette à la souffrance, nous disons que le Verbe a souffert dans la chair dont il s’est revêtu, parce que c’était la chair du Verbe qui souffrait, ainsi disons-nous que le Verbe croissait, parce que l’humanité qui lui était unie était soumise à cet accroissement. — S. Grégoire de Naziance : Et encore, nous disons qu’il croissait en tant qu’homme, non pas que son humanité, qui était parfaite dès le premier moment de l’incarnation, pût recevoir quelque nouvel accroissement, mais parce qu’elle se développait progressivement. — Théophylacte : L’ordre naturel s’oppose à ce que l’homme fasse paraître une intelligence supérieure à son âge. Le Verbe (fait homme) avait donc toute perfection, puisqu’il est la puissance et la sagesse du Père; mais pour se conformer aux conditions de notre nature, et ne point donner un spectacle extraordinaire à ceux qui en seraient témoins, il passait par tous les degrés du développement naturel de l’homme aux divers âges de sa vie, et ceux qui le voyaient, qui l’entendaient, trouvaient que sa sagesse s’accroissait de jour en jour. — Chronique des Pères grecs : (Amphil.) Il croissait en âge, parce que son corps atteignait successivement la virilité; il croissait en sagesse dans les divines leçons qu’il donnait à ceux qu’il instruisait; il croissait dans cette grâce qui nous fait nous-même croître et avancer avec joie dans l’espérance d’obtenir à la fin les biens qui nous sont promis. Il croissait devant Dieu, parce qu’il accomplissait l’oeuvre de son Père dans la chair qu’il avait prise; il croissait devant les hommes en les retirant du culte des idoles pour les élever à la connaissance de la divine Trinité. — Théophilactus : L’Évangéliste dit qu’il croissait devant Dieu et devant les hommes, parce qu’il faut plaire à Dieu, avant de plaire aux hommes. — S.
Grégoire de Nysse : (hom. 3 sur
le Cant. des Cant.) Le Verbe ne croît point de la même manière dans ceux
qui le reçoivent, mais il apparaît dans les divers degrés par lesquels il a
passé de l’enfance, de l’âge adulte et de la perfection. |
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Caput 3 |
CHAPITRE 3
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Lectio 1 [85779] Catena in Lc., cap. 3 l. 1 Gregorius in Evang. Redemptoris praecursor quo tempore verbum
praedicationis accepit, memorato Romanae reipublicae principe et Iudaeae regibus
designatur, cum dicitur anno autem quintodecimo imperii Tiberii Caesaris. Quia
enim illum praedicare veniebat qui ex Iudaea quosdam, et multos ex gentibus
redempturus erat; per regem gentium et principes Iudaeorum praedicationis
eius tempora designantur. Quia autem gentilitas colligenda erat in Romana
republica, unus praefuisse describitur, cum dicitur imperii Tiberii Caesaris. Graecus.
Mortuo enim Augusto monarcha, a quo Romani principes nomen Augusti adepti
sunt, Tiberius post illum ad iura monarchiae succedens, decimumquintum annum
suscepti principatus agebat. Origenes
in Lucam. Et in prophetico quidem sermone solis Iudaeis praedicato, solum
Iudaeorum regnum describitur : visio Isaiae in diebus Oziae, Ioathan et Achaz
regum Iuda; at in Evangelio, quod erat praedicandum universo mundo, dominium
describitur Tiberii Caesaris, qui totius orbis dominus videbatur. Verum si
solum hi qui sunt de gentibus essent salvandi, satis erat solius Tiberii
facere mentionem; sed quia oportebat et Iudaeos credere, ob hoc etiam
Iudaeorum regna describuntur, seu tetrarchiae, cum subditur procurante Pontio
Pilato Iudaeam, tetrarcha autem Galilaeae Herode : Philippo autem fratre eius
tetrarcha Ituraeae et Trachonitidis regionis, et Lysania Abilinae tetrarcha.
Gregorius.
Quia enim Iudaea erat pro culpa perfidiae dispergenda, in Iudaeae regno
per partem et partem plurimi principabantur, secundum illud : omne regnum in
seipsum divisum desolabitur. Beda.
Pilatus quidem duodecimo anno Tiberii Caesaris in Iudaeam missus, procurationem
gentis suscepit; atque ibi per decem continuos annos usque ad ipsum pene
finem Tiberii perduravit. Herodes autem et Philippus et Lysanias filii sunt
Herodis illius sub quo dominus natus est, inter quos et ipse Herodes
Archelaus frater eorum decem annis regnavit, qui a Iudaeis apud Augustum
criminatus, apud Viennam exilio periit. Regnum
autem Iudaeae quo minus validum fieret, idem Augustus per tetrarchias
dividere curavit. Gregorius. Et quia Ioannes illum praedicavit qui simul
rex et sacerdos existeret; Lucas Evangelista praedicationis eius tempora non
solum per regnum, sed etiam per sacerdotium designavit; unde subditur sub
principibus sacerdotum Anna et Caipha. Beda. Ambo quidem
incipiente praedicatione Ioannis, idest Annas et Caiphas, principes fuere
sacerdotum; sed Annas illum annum, Caiphas vero eum quo crucem dominus
ascendit, administrabat, tribus aliis in medio pontificatu perfunctis : verum
hi maxime qui ad domini passionem pertinent, ab Evangelista commemorantur.
Legalibus namque tunc praeceptis vi et ambitione cessantibus, nulli
pontificatus honor vitae vel generis merito reddebatur; sed Romana potestate
summa sacerdotii praestabatur. Iosephus enim refert, quod Valerius Graccus
Anna a sacerdotio deturbato, Ismaelem pontificem designavit filium Baphi; sed
etiam hunc non multo post abiiciens, Eleazarum Ananiae pontificis filium
surrogavit : post annum vero et hunc arcet officio, et Simoni cuidam Caiphae
filio pontificatus tradidit ministerium; quo non amplius ipse quam unius anni
spatio perfunctus, Iosephum, cui et Caiphas nomen fuit, accepit successorem :
itaque omne hoc tempus quo dominus noster docuisse describitur, intra
quadriennii spatia coarctatur. Ambrosius.
Congregaturus autem Ecclesiam Dei filius, ante operatur in servulo; et
ideo bene dicitur factum est verbum domini super Ioannem Zachariae filium :
ut Ecclesia non ab homine coeperit, sed a verbo. Bene autem Lucas compendio
usus est, ut Ioannem declararet prophetam, dicens factum est super eum verbum
Dei, alia non addens : nullus enim eget iudicio sui qui verbo Dei abundat.
Unum itaque dicens, omnia declaravit; at vero Matthaeus et Marcus et vestitu
et cinctu et cibo prophetam declarare voluerunt. Chrysostomus.
Verbum autem Dei hic mandatum esse dicitur : quia non a se venit Zachariae
filius, sed Deo ipsum movente. Theophylactus.
Per totum autem tempus praeteritum usque ad sui ostensionem occultus fuit
in deserto; et hoc est quod subditur in deserto : ut nulla suspicio
innascatur hominibus, ut gratia affinitatis ad Christum, vel conversationis a
teneris annis, talia de ipso testaretur : unde ipse testificans dicebat : ego
nesciebam illum. Gregorius
Nyssenus. Simul etiam qui in spiritu et virtute Eliae hanc vitam ingressus
est, amotus a conversatione humana, invisibilium speculationi vacans, ne
huiusmodi fallaciis quae per sensus ingeruntur assuetus, quamdam confusionem
ac errorem incurreret erga viri boni discretionem. Et ideo ad tantum
divinarum gratiarum elevatus est apicem, ut plusquam prophetis sibi gratia
infunderetur : quia mundum et expers cuiuslibet naturalis passionis
desiderium suum a principio usque ad finem divinis aspectibus obtulit. Ambrosius.
Desertum etiam est ipsa Ecclesia : quia plures filii desertae, magis quam
eius quae habet virum. Factum est ergo verbum domini, ut quae erat ante
deserta fructum nobis terra generaret. |
Versets 1-2.
— S. Grégoire : (hom. 20 sur les Evang.) L’époque où le Précurseur du divin Rédempteur reçut la mission de prêcher et d’annoncer la parole de Dieu, est solennellement désignée par le nom de l’empereur romain et des princes qui régnaient sur la Judée : « L’an quinzième de l’empire de Tibère César ». Jean-Baptiste venait annoncer celui qui venait racheter une partie des Juifs et un grand nombre d’entre les Gentils, et c’est pour cela que sa prédication se trouve datée du règne de l’empereur des Gentils et des rois de Judée; et comme la gentilité devait être réunie dans l’empire romain, il n’est parlé que d’un seul prince qui gouvernait l’empire romain : « L’an quinzième de l’empire de Tibère César, ». — Chronique des Pères grecs : Après la mort de l’empereur Auguste, de qui les empereurs romains prirent le nom d’Auguste, Tibère lui succéda à la tête de l’empire, et il était alors dans la quinzième année de son règne. — Origène : (Hom. 21.) Les oracles prophétiques qui ne s’adressaient qu’aux Juifs ne font mention que du règne des princes de la nation juive : « Vision d’Isaïe, au temps d’Ozias, de Joathan, d’Achaz et d’Ezéchias, rois de Juda » (Is 1). Mais la prédication de l’Évangile qui devait retentir dans tout l’univers, est datée de l’empire de Tibère César, qui paraissait être le maître du monde. Si les Gentils seuls avaient dû avoir part à la grâce du salut, il aurait suffi de parler de Tibère; mais comme les Juifs devaient aussi embrasser la foi, il est également fait mention des principautés et des tétrarchies de la Judée : « Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode, tétrarque de la Galilée, son frère Philippe tétrarque d’Iturée et du pays de la Trachonitide, et Lysanias tétrarque d’Abilène.» — S. Grégoire : La Judée se trouvait alors divisée en plusieurs petites principautés, comme un signe de la division dont Dieu devait punir la coupable perfidie des Juifs; selon ces paroles du Sauveur : « Tout royaume divisé contre lui-même sera désolé. » (Lc 11.) — S. Bède : Pilate fut envoyé comme gouverneur en Judée la douzième année du règne de Tibère César, et il conserva ce gouvernement pendant dix années consécutives, presque jusqu’à la fin de la vie de Tibère. Hérode, Philippe et Lysanias sont les fils du roi Hérode, sous le règne duquel naquit le Sauveur. Il faut ajouter à ces trois frères, Hérode Archélaüs, qui régna dix ans, et qui ayant été accusé auprès d’Auguste par les Juifs, fut exilé à Vienne où il mourut. L’empereur Auguste, pour affaiblir re royaume de Judée, le partagea alors en plusieurs tétrarchies. — S. Grégoire : (hom. 20.) Jean-Baptiste venait annoncer celui qui était roi et prêtre à la fois, L’évangéliste saint Luc précise donc l’époque de sa prédication, non seulement par ceux qui régnaient alors sur la Judée, mais par les grands-prêtres actuels des Juifs : « sous les grands-prêtres Anne et Caïphe. » — S. Bède : Tous deux, Anne et Caïphe, étaient grands-prêtres lorsque Jean commença sa prédication, mais Anne exerçait le souverain pontificat cette année-là même, Caïphe, l’année même où Notre Seigneur Jésus-Christ fut crucifié. Il y eut bien dans l’intervalle trois autres grands-prêtres, mais l’Évangéliste ne fait mention que de ceux qui ont pris une part plus active à la passion du Sauveur. Les préceptes de la loi étaient obligés de céder devant la violence et l’ambition; ce n’était ni le mérite personnel, ni la dignité de la famille qui obtenait le souverain pontificat, la puissance romaine en disposait à son gré. En effet, l’historien Josèphe nous rapporte qu’un des premiers actes de Valérius Gratus avait été de dépouiller le pontife Anne de la souveraine sacrificature, pour en revêtir Ismaël, fils de Baphi. Quelque temps après, Ismaël en était dépouillé à son tour, et avait pour successeur Eléazar, fils du grand-prêtre Ananias. L’année suivante, Valérius ôtait à Ismaël les insignes du pontificat pour les remettre à un certain Simon, fils de Caïphe. Un an après, Simon avait pour successeur Joseph, qui s’appelait aussi Caïphe. Tout le temps de la prédication de Notre Seigneur se trouve ainsi compris dans un espace de quatre ans. — S. Ambroise : Le Fils de Dieu qui devait [former et] rassembler son Église, commence à opérer par sa grâce dans son serviteur : « La parole du Seigneur se fit entendre à Jean, fils de Zacharie.» Ainsi ce n’est pas un homme, mais le Verbe de Dieu qui préside à la première formation de l’Église. Saint Luc proclame Jean prophète par cette formule abrégée : « La parole de Dieu se fit entendre à Jean. » En effet, celui qui est rempli de la parole de Dieu a-t-il besoin d’une autre recommandation, et l’Évangéliste n’a-t-il pas tout dit dans ces seules paroles ? Saint Matthieu et saint Marc ont voulu au contraire rehausser en Jean-Baptiste le titre de prophète par la description de son vêtement, de sa ceinture et de sa nourriture. — S. Jean Chrysostome : (hom. 40 sur Matth.) La parole de Dieu, c’est ici le commandement de Dieu, parce qu’en effet, le fils de Zacharie n’est point venu de son chef, mais par l’impulsion de Dieu lui-même. — Théophylacte : Pendant tout le temps qui s’écoula depuis son enfance jusqu’au jour où il devait paraître [en Israël], il demeura caché dans le désert, et l’Évangéliste ajoute ici : « dans le désert » ; pour détourner jusqu’à l’ombre du soupçon que les liens du sang ou d’une amitié contractée dès l’enfance portaient Jean-Baptiste à rendre témoignage à Jésus. Aussi le Précurseur nous assure-t-il expressément qu’il ne le connaissait pas (Jn 1). — S. Grégoire de Nysse : (de la Virgin.) Celui qui était venu dans l’esprit et la vertu d’Elie, devait aussi se séparer du commerce des hommes, et s’appliquer à la contemplation des choses invisibles, de peur qu’habitué aux illusions que produisent les sens, il ne vînt à perdre ces clartés intérieures et celles qui devaient lui faire discerner et reconnaître le Sauveur. Aussi il fut rempli d’une telle abondance des grâces divines, qu’aucun prophète n’en reçut jamais de semblables, parce que durant tout le cours de sa vie, il ne cessa d’offrir aux regards de Dieu une âme pure de tout désir vicieux et de toute passion naturelle. — S. Ambroise : L’Église elle-même est comme un désert, parce que celle qui était abandonnée a plus d’enfants que celle qui avait un mari (Is 54, 1; voyez aussi Gal 4, 27). Le Verbe de Dieu s’est donc fait entendre, pour que la terre qui était auparavant déserte, nous produisît des fruits de salut. |
Lectio 2 [85780] Catena in Lc., cap. 3 l. 2 Ambrosius. Factum verbum vox secuta est : verbum enim prius intus
operatur, sequitur vocis officium; unde dicitur et venit in omnem regionem
Iordanis. Origenes
in Lucam. Iordanis idem est quod descendens : descendit enim Dei fluvius
aquae salubris. Quae autem loca decebat perambulare Baptistam, nisi Iordani
circumadiacentia? Ut si quem poenitere contingeret, protinus occurreret
fluenti humiditas ad recipiendum poenitentiae Baptismum; subditur enim
praedicans Baptismum poenitentiae in remissionem peccatorum. Gregorius
in Evang. Cunctis legentibus liquet quia Ioannes Baptismum poenitentiae
non solum praedicavit, verum etiam quibusdam dedit; tamen Baptismum suum in remissionem
peccatorum dare non potuit. Chrysostomus super Ioannem. Cum enim
nondum oblata esset hostia, nec descendisset spiritus, qualiter erat fienda
remissio? Quid est ergo quod Lucas dicit in remissionem peccatorum? Erant
siquidem Iudaei ignari, nec culpas proprias perpendebant. Quoniam igitur haec
erat causa malorum; ut peccata agnoscerent ad redemptorem quaerendum, venit
Ioannes hortans illos poenitentiam agere, ut per poenitentiam effecti
meliores atque contriti ad recipiendam veniam satagant. Apte ergo, cum dixisset quod venit praedicans Baptismum poenitentiae,
addidit in remissionem peccatorum; quasi dicat : idcirco suadebat illis
poenitere, ut subsequentem veniam facilius impetrarent, credentes in
Christum, nam nisi poenitentia ducerentur, nequaquam exposcerent gratiam :
unde Baptisma illud nullam aliam habet causam, nisi quod praeparatorium erat
ad fidem Christi. Gregorius. Vel Ioannes dicitur praedicans Baptismum poenitentiae in
remissionem peccatorum; quoniam Baptismum quod peccata solveret, quia dare
non poterat, praedicabat : ut sicut incarnatum verbum patris praecurrebat
verbo praedicationis, ita Baptismum poenitentiae, quo peccata solvuntur,
praecurret suo Baptismate, quo peccata solvi non possunt. Ambrosius. Et ideo plerique sancto Ioanni typum legis imponunt, eo
quod lex peccatum denuntiare potuit, donare non potuit. Gregorius Nazianzenus. Et ut aliquatenus de
Baptismatum differentia disseramus, baptizavit Moyses, sed in aqua, nube et
mari; hoc autem figuraliter agebatur. Baptizavit quoque Ioannes non utique
ritu Iudaeorum, non enim solum in aqua, sed etiam in remissionem peccatorum :
non tamen omnino spiritualiter : neque enim addit, in spiritu. Baptizat
Iesus, sed in spiritu : et hic est perfectio. Est quoque quartum Baptisma, quod
fit per martyrium et sanguinem, quo etiam ipse Christus est baptizatus; quod
ceteris est venerabilius nimis, eatenus, quatenus iteratis contagiis non
foedatur. Est etiam quintum ex lacrymis, laboriosius tamen; iuxta quod quidam
singulis noctibus suum rigat cubile et stratum in lacrymis. Sequitur sicut
scriptum est in libro Isaiae prophetae : vox clamantis in deserto. Ambrosius.
Bene vox dicitur Ioannes verbi praenuntius : quia vox praecedit inferior,
verbum sequitur quod praecellit. Gregorius in Evang. Qui etiam in deserto clamat, quia derelictae ac
destitutae Iudaeae solatium redemptionis annuntiat. Quid
autem clamaret, aperitur, cum dicitur parate viam domini, rectas facite
semitas eius. Omnis enim qui fidem rectam et bona opera praedicat, quid aliud
quam venienti domino ad corda audientium viam parat, ut rectas Deo semitas
faciat, dum mundas in animo cogitationes per sermonem bonae praedicationis
format? Origenes
in Lucam. Vel in corde nostro via praeparanda est domino : magnum enim est
cor hominis et spatiosum; si tamen fuerit mundum. Neque in corporis
quantitate, sed in virtute sensuum, magnitudinem eius intellige, quae tantam
scientiam capiat veritatis. Praepara ergo in tuo corde viam domino per
conversationem bonam, et egregiis vel perfectis operibus dirige semitam
vitae, ut in te sermo Dei absque offensa perambulet. Basilius.
Et quia semita est via quam praecedentes calcaverant, et quam priores
homines corruperant, eam iterato dirigere iubet sermo illis qui a
praecedentium zelo recedunt. Chrysostomus.
Clamare autem parate viam domini, non regis erat, sed praecursoris
officium : et ideo eum vocaverat vocem, quia verbi erat praecursor. Cyrillus.
Sed quasi quis responderet, et diceret : qualiter viam praeparabimus
domino, vel qualiter eius semitas rectas faciemus, cum plura sint impedimenta
honestam vitam volentibus ducere? Ad hoc propheticus sermo respondet. Sunt
enim viae quaedam et semitae nequaquam ad eundum habiles; adeo ut alicubi ad
tumulos et iuga tollantur, alicubi declives sint; et ad hoc removendum dicit
omnis vallis implebitur, et omnis mons et collis humiliabitur. Quaedam viarum
inaequaliter dispositae sunt; et dum nunc sursum erigunt, nunc vergunt
deorsum, valde sunt ad eundum difficiles; et quantum ad hoc subdit et erunt
prava in directa et aspera in vias planas. Hoc autem intelligitur actum esse
per nostri salvatoris potentiam : quondam enim evangelicae conversationis et
vitae iter erat ad eundum difficile, ex eo quod et mentes singulorum mundanae
voluptates oppresserant; ut autem Deus factus homo peccatum damnavit in
carne, explanata sunt omnia, et reddita sunt ad eundum facilia; et nec
collis, nec vallis proficere volentibus obviat. Origenes.
Quando enim venit Iesus, et spiritum suum misit, omnis vallis repleta est
operibus bonis et fructibus spiritus sancti; quos si habueris, non solum
vallis esse desistis, sed etiam mons Dei esse incipies. Gregorius
Nyssenus. Vel quietam in virtutibus conversationem significat per
convalles, secundum illud : valles abundabunt frumento. Chrysostomus.
Elatos autem superbos nomine montis denuntiat, quos Christus humiliavit.
Colles autem desperatos appellat, non solum ob superbiam mentis suae, sed
propter desperationis sterilitatem : collis enim nullos fructus producit.
Origenes
in Lucam. Vel intelligas quoniam montes et colles, qui sunt adversariae
potestates, per adventum Christi prostrati sunt. Basilius.
Sicut autem colles respectu montium magnitudine differunt, in aliis sunt
idem; sic et adversae potestates proposito quidem conformes sunt, immanitate
tamen offensionum secernuntur. Gregorius.
Vel vallis impleta crescit, mons autem et collis humiliatus decrescit :
quia in fide Christi et gentilitas plenitudinem gratiae accepit, et Iudaea
per errorem perfidiae hoc unde tumebat perdidit. Humiles enim donum accipiunt, quod a se corda superbientium repellunt. Chrysostomus in Matthaeum. Vel per hoc declarat legis difficultatem
in fidei facilitatem conversam; ac si dicat : non ulterius sudores et dolores
imminent; sed gratia et remissio peccatorum facilem viam pariunt ad salutem.
Gregorius
Nyssenus. Vel iubet valles impleri, deiici vero colles et montes; volens
ostendere quod nec ob defectum virtutis ordo sit concavus, nec discrepet ob
excessum. Gregorius. Prava autem directa fiunt, cum malorum corda per
iniustitiam detorta, ad iustitiae regulam diriguntur. Aspera autem in vias
planas immutantur, cum immites atque iracundae mentes per infusionem supernae
gratiae ad lenitatem mansuetudinis redeunt. Chrysostomus. Deinde horum subicit causam, dicens et videbit omnis
caro salutare Dei : ostendens quoniam usque ad fines mundi diffundetur
Evangelii virtus atque cognitio, ex more ferino et obstinata voluntate ad
mansuetudinem et lenitatem humanum genus convertens. Non
autem solum Iudaei et proselyti, immo tota humana natura salutare Dei videbit. Chrysostomus. Idest, patris qui filium misit ut nostrum salvatorem.
Caro autem praesens accipitur pro toto homine. Gregorius in Evang. Vel aliter. Omnis caro, idest omnis homo,
salutare Dei, videlicet Christum, in hac vita videre non potuit. Propheta
ergo oculum ad extremum iudicii diem tendit, quando hunc omnes et electi et
reprobi pariter videbunt. |
Versets 3-6.
— S. Ambroise : Le Verbe s’est fait entendre, la voix suivit de près, car le Verbe agit d’abord à l’intérieur, et la voix lui sert ensuite d’instrument [et d’interprète] : « Et il vint dans toute la région du Jourdain. » — Origène : (hom. 2.) Le mot Jourdain signifie qui descend, parce que le fleuve des eaux salutaires descend des hauteurs de Dieu. Or quels lieux Jean-Baptiste devait-il parcourir de préférence, si ce n’est les bords du Jourdain; ainsi lorsque le repentir touchait un coeur, on pouvait aussitôt recevoir le baptême de la pénitence dans les eaux du fleuve : « Prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés. » — S. Grégoire : (hom. 20.) Chacun voit clairement par ces paroles que non seulement Jean prêchait le baptême de la pénitence, mais qu’il le donnait à quelques-uns, et cependant ce baptême ne pouvait en réalité remettre les péchés. — S. Jean Chrysostome : (hom. 10 sur Matth.) Et quelle rémission des péchés était possible, alors que la victime [pour les péchés du monde] n’était pas encore immolée, et que l’Esprit saint n’était pas encore descendu sur la terre ? Pourquoi donc ces paroles de saint Luc : « pour la rémission des péchés » ? Les Juifs étaient profondément ignorants, et vivaient dans une grande indifférence à l’égard de leurs fautes, c’était là la cause de tous leurs maux. Ce fut donc pour les obliger à reconnaître leurs péchés et à chercher le Rédempteur, que Jean vint les exhorter à faire pénitence, afin que contrits de leurs fautes et revenus à de meilleurs sentiments, ils fissent tous leurs efforts pour obtenir leur pardon. C’est donc avec dessein que l’Évangéliste, après avoir dit que « Jean vint prêchant le baptême de la pénitence, » ajoute : « pour la rémission des péchés, » comme s’il disait : il les exhortait à se repentir, pour les disposer à obtenir plus facilement leur pardon par la foi en Jésus-Christ. Si en effet ils n’avaient pas été conduits par la pénitence, ils n’auraient pas songé à demander la grâce [de la rémission de leurs péchés]. Or ce baptême n’avait pas d’autre raison d’être que de les préparer à croire en Jésus-Christ. — S. Grégoire : (hom. 20.) Ou bien l’Évangéliste dit que Jean prêchait le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés, parce qu’il avait la mission de prêcher le baptême qui remet les péchés, baptême qu’il ne pouvait donner. Ainsi de même qu’il était par la parole de sa prédication le Précurseur du Verbe incarné, de même son baptême impuissant pour la rémission des péchés précédait le baptême de la pénitence qui les remet véritablement. — S. Ambroise : C’est pour cela qu’il en est plusieurs qui virent dans saint Jean la figure de la loi, parce que la loi pouvait bien faire connaître le péché, mais ne pouvait le remettre. — S. Grégoire : de Nazianze. (Disc. 39.) Disons quelques mots de la nature et du caractère des différents baptêmes. Moïse a baptisé dans l’eau, dans la nuée et dans la mer, mais d’une manière figurative. Jean a baptisé, mais non pas selon le rit des Juifs, car il ne baptisait pas seulement dans l’eau, mais pour la rémission des péchés, cependant son baptême n’était pas tout à fait spirituel, car l’Évangéliste n’ajoute point : par l’Esprit. Jésus baptise, mais par l’Esprit, et c’est le baptême parfait. Il est encore un quatrième baptême, le baptême du martyre et du sang que Jésus-Christ lui-même a voulu recevoir, baptême plus auguste et plus vénérable que les autres, parce qu’il n’est point exposé à être profané par les rechutes dans le péché. On peut encore compter un cinquième baptême, baptême des larmes, baptême laborieux, dans lequel David se purifiait en arrosant chaque nuit de ses larmes le lit où il prenait son repos. « comme
il est écrit dans le livre du prophète Isaïe (Is 40) : ‘Voix de celui
qui crie dans le désert.’ » — S. Ambroise : C’est avec raison que Jean-Baptiste, le Précurseur du Verbe est appelé « la voix, » car la voix précède le Verbe dont elle dépend, tandis que le Verbe qui vient après lui est supérieur. — S. Grégoire : (hom. 7 et 20.) Jean-Baptiste crie dans le désert, parce qu’il vient annoncer les consolations de la rédemption aux Juifs abandonnés et plongés dans la détresse. Et quel était le sens de ses prédications ? Voici : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. » Tout homme qui prêche la véritable foi et la nécessité des bonnes oeuvres, que fait-il d’autre que de préparer la voie du Seigneur dans les coeurs de ceux qui l’écoutent, et de rendre droits ses sentiers en faisant naître dans les âmes des pensées pures par ses saintes prédications. — Origène : (hom. 21.) Ou bien encore, c’est nous-mêmes qui devons préparer la voie au Seigneur dans notre coeur. Car le cœur de l’homme est grand et spacieux, si toutefois il est pur, car sa grandeur ne consiste pas dans les dimensions extérieures, mais dans la force et la grandeur de son intelligence qui le rend capable de contenir la vérité. Préparez donc par une vie sainte la voie au Seigneur dans votre coeur, redressez le sentier de votre vie par l’excellence et la perfection de vos oeuvres, afin que la parole de Dieu puisse pénétrer en vous sans obstacle. — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Ce sentier, c’est la voie qu’ont parcourue leurs ancêtres, et que les premiers hommes ont corrompue; la parole de Dieu commande donc à ceux qui sont loin d’imiter le zèle de leurs pères de redresser de nouveau ce sentier. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Ce n’était point au Roi de crier : « Préparez la voie du Seigneur, » c’était l’office du Précurseur, et il est appelé la voix, parce qu’il était le Précurseur du Verbe. — S. Cyrille : (Liv. 3, sur Isaïe, ch. 40.) Jean-Baptiste prévient cette question qu’on pouvait lui faire : Comment préparerons-nous la voie du Seigneur ? Comment encore redresserons-nous ses sentiers ? Ceux qui veulent mener une vie vertueuse rencontrent tant d’obstacles ! A quoi répondrait la parole prophétique : Il y a, en effet, des chemins et des sentiers qui ne sont nullement praticables, parce que tantôt ils s’élèvent sur les collines et sur des endroits abrupts, tantôt ils descendent brusquement dans les vallées; c’est pour éloigner cette difficulté que le saint Précurseur ajoute : « Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées. » Certains chemins sont en effet pleins d’inégalités : ils montent vers le haut, puis descendent vers le bas ; ils ne vont que péniblement dans la même direction. Aussi : « les chemins tortueux deviendront droits, et les raboteux unis ». C’est ce que Notre Sauveur a opéré spirituellement par sa puissance. Autrefois, en effet, le chemin de la vertu et de la sainteté évangélique était difficile à parcourir, parce que les âmes étaient comme appesanties sous le poids des plaisirs sensuels; mais aussitôt qu’un Dieu fait homme eut expié le péché dans sa chair (Rm 8), toutes les voies furent aplanies, aucune colline, aucune vallée ne fit plus obstacle à ceux qui voulaient avancer. — Origène : (hom. 22.) Lorsque Jésus fut venu et qu’il eut envoyé son Esprit, toute vallée a été remplie de bonnes oeuvres et des fruits de l’Esprit saint; si vous possédez ces fruits, non seulement vous cesserez d’être une vallée, mais vous commencerez à devenir la montagne de Dieu. — S. Grégoire de Nysse : (Chronique des Pères grecs) Ou bien les vallées sont ici la figure de la pratique paisible des vertus, selon cette parole du Roi-prophète : « Les vallées seront pleines de froment. » (Ps 69.) — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Sous le nom de montagne, Jean-Baptiste désigne les orgueilleux et les superbes que Jésus-Christ a humiliés, les collines sont ceux qui sont désespérés, non seulement à cause de l’orgueil de leur esprit, mais par suite de l’impuissance et de la stérilité de leur désespoir, car une colline ne produit aucun fruit. — Origène : (hom. 22.) Par ces collines et ces montagnes, vous pourriez encore entendre les puissances ennemies qui ont été abaissées par la venue du Christ. — S. Basile : Comme les collines, si on les compare aux montagnes, en diffèrent par la grandeur, mais leur sont semblables pour le reste; ainsi les puissances ennemies sont toutes égales par la volonté [qu’elles ont de nous nuire], mais diffèrent entre elles par l’énormité du mal qu’elles causent. — S. Grégoire : (hom. 20.) Ou bien cette vallée qui croît en se comblant, cette montagne qui décroît en s’abaissant, c’est la gentilité que la foi en Jésus-Christ a remplie de la plénitude de la grâce, et les Juifs qui, par leur coupable perfidie, ont perdu cette hauteur dont ils étaient si fiers, car les humbles reçoivent les grâces que les superbes éloignent de leur coeur par leur orgueil. — S. Jean Chrysostome : (hom. 40 sur Matth.) Ou bien par cette comparaison il nous apprend qu’aux difficultés de la loi va succéder la facilité de la foi, comme s’il disait : Vous n’aurez plus à craindre ni travaux pénibles, ni douleurs, mais la grâce et la rémission des péchés vous ouvriront une voie facile pour arriver au salut. — S. Grégoire de Nysse : Ou bien, il ordonne de combler les vallées et d’abaisser les collines et les montagnes, pour nous apprendre que la vertu bien réglée ne doit ni présenter de vide causé par le défaut des bonnes oeuvres, ni offrir d’inégalités par l’excès du bien. — S. Grégoire : (hom. 20.) Les chemins tortueux deviennent droits lorsque les coeurs des méchants, que l’iniquité avait rendus tortueux, rentrent dans la droiture de la justice, et les chemins raboteux deviennent unis, lorsque les âmes irascibles et violentes reviennent à la bénignité de la douceur par l’infusion de la grâce céleste. — S. Jean Chrysostome : Jean-Baptiste motive ensuite la nécessité [de tous ces changements] : « Et toute chair verra le salut de Dieu. » Il nous apprend ainsi que la vertu et la connaissance de l’Évangile se répandront jusqu’aux extrémités de la terre pour changer en douceur et en bonté les moeurs féroces et l’opiniâtre volonté du genre humain. Ce ne sont pas seulement les Juifs appelés prosélytes, mais toute la nature humaine qui est appelée à contempler le salut de Dieu. — S. Cyrille : (sur Isaïe, 3, 40) ou S. Jean Chrysostome : C’est-à-dire le salut de Dieu le Père qui a envoyé son Fils pour être notre Sauveur. La chair est prise ici pour l’homme tout entier. — S. Grégoire : (hom. 20.) Ou bien dans un autre sens, toute chair, c’est-à-dire tout homme, n’a pu voir en cette vie le salut de Dieu qui est Jésus-Christ; le saint prophète porte donc ses regards jusqu’au jour du jugement dernier, où tous les hommes, les réprouvés comme les élus, verront également [le salut de Dieu]. |
Lectio 3 [85781] Catena in Lc., cap. 3 l. 3 Chrysostomus. Manens aliquis in pristino statu, et mores
suos et consuetudinem non relinquens, nequaquam rite ad Baptismum venit. Si
quis ergo velit baptizari, egrediatur : unde signanter dicitur et dicebat ad
turbas quae exibant, ut baptizarentur ab ipso. Egredientibus itaque ad
lavacrum turbis, loquitur quae sequuntur; si enim iam egressi essent,
nequaquam ad eos diceret genimina viperarum. Chrysostomus.
Ille itaque cultor deserti videns omnes incolas Palaestinae circumstantes
ipsum et admirantes, non flectebatur pro tanta reverentia, sed insurgens in
ipsos arguebat eos. Sacra
autem Scriptura, secundum stimulantes passiones, plerumque ferarum nomina
imponit hominibus; interdum canes eos nominans causa procacitatis, equos ob
luxum, asinos propter dementiam, et leones et pardos causa rapacitatis et
petulantiae, aspides causa doli, serpentes et viperas causa veneni et
calliditatis. Unde et nunc Ioannes Iudaeos audacter genimina viperarum vocat. Basilius
contra Eunom. Oportet autem scire, quod haec nomina natus et filius de
animalibus dicuntur; genimen vero potest dici fetus antequam effingatur;
fructus etiam palmarum genimina dicuntur; raro autem in animalibus
accipiuntur, et semper in malo. Chrysostomus
in Matthaeum. Ferunt autem viperam matrem coeundo necare, cuius semen
excrescens perimit matrem; et sic prodit in lucem scisso parentis utero, in
vindictam quodammodo parentis genitoris; itaque parricida est proles viperea.
Tales erant Iudaei, qui patres spiritales eorum atque doctores occidebant.
Quid autem si non invenit eos peccantes, sed incipientes converti? Non
debebat eis conviciari, sed permulcere. Dicendum, quod non adhibebat mentem
his quae fiebant exterius; mentis enim eorum arcana cognoverat domino
revelante : nimis enim se iactabant in progenitoribus. Hanc ergo radicem
scindens nominat illos genimina viperarum, non quidem vituperans patriarchas,
aut eos viperas nominans. Gregorius
in Evang. Sed quia per hoc quod bonis invident eosque persequuntur, patrum
suorum carnalium vias sequentes, quasi venenati filii de veneficis parentibus
nati sunt. Quia vero supradicta sententia intendit quod extremo Christus
examine ab omni carne videbitur, recte subditur quis ostendit vobis fugere a
ventura ira? Ventura ira est animadversio ultionis extremae. Ambrosius.
Ostenditur autem his Dei miseratione infusa prudentia, ut gerant suorum
poenitentiam delictorum, futuri terrorem iudicii provida devotione metuentes
: aut fortasse, iuxta quod scriptum est : estote prudentes sicut serpentes,
ostenduntur habere prudentiam naturalem, qui profutura videant et sponte
deposcant, sed adhuc noxia non relinquant. Gregorius.
Quia vero tunc fugere ab ira peccatorum non valet qui nunc ad lamenta
poenitentiae non recurrit, subditur facite ergo fructus dignos poenitentiae.
Chrysostomus.
Non enim satis est poenitentibus peccata dimittere, sed opus est eius
fructus ferre, secundum illud : declina a malo, et fac bonum; sicut non
sufficit ad sanationem sagittam evellere, sed oportet ulceri medicamentum
apponere. Non autem dicit fructum, sed fructus, copiam designans. Gregorius.
Nec solum fructus poenitentiae, sed dignos poenitentiae admonet esse
faciendos. Quisquis enim illicita nulla commisit, huic conceditur ut licitis
utatur; at si quis in culpam lapsus est, tanto a se licita debet abscindere,
quanto meminit se perpetrasse illicita. Neque enim par fructus esse boni
operis debet eius qui minus, et qui amplius deliquit : aut eius qui in
nullis, et eius qui in quibusdam facinoribus cecidit. Per hoc ergo cuiuslibet
conscientia convenitur, ut tanto maiora quaerat bonorum lucra per
poenitentiam, quanto graviora sibi intulit damna per culpam. Maximus.
Poenitentiae fructus est impassibilitas animae, qua plenarie non fruimur,
dum interdum passionibus instigamur : nondum enim fructus poenitentiae dignos
peregimus. Poeniteamus ergo veraciter, ut a
passionibus expediti, peccatorum veniam consequamur. Gregorius. Sed Iudaei de generis nobilitate
gloriantes, idcirco se agnoscere peccatores nolebant, quia de Abrahae stirpe
descenderant : quibus recte dicitur et ne coeperitis dicere : patrem habemus
Abraham. Chrysostomus.
Non hoc indicans quod ab Abraham naturali origine non descenderent; sed
quia nihil prodest ab Abraham descendisse, nisi secundum virtutem cognationem
observent. Cognationis namque leges consuevit Scriptura vocare non eas quae
secundum naturam consistunt, sed quae derivantur a virtute vel vitio; quibus
namque se quisque conformem statuit, horum filius, vel frater vocatur. Cyrillus.
Quid enim confert carnalis generositas, nisi consimilibus studiis
fulciatur? Vanum est igitur extolli de bonis praedecessoribus, et deficere ab
eorum virtutibus. Basilius.
Neque enim equum velocem esse facit patris erga cursum strenuitas; sed
veluti ceterorum animalium probitas consideratur in singulis, sic quoque laus
propria viri discernitur quam praesentium bonorum in se comprobat argumentum.
Turpe namque est alienis ornari decoribus quem virtus propria non venustat.
Gregorius
Nyssenus. Sic igitur Iudaeorum promulgato exilio, consequenter ingerit
convocationem gentilium, quos lapides appellat : unde sequitur dico enim
vobis, quia potest Deus de lapidibus istis suscitare filios Abrahae. Chrysostomus
in Matthaeum. Quasi dicat : ne putetis quod, si vos perieritis, filiis
privetur patriarcha : potest enim Deus etiam ex lapidibus homines illi
praebere, et ad illum perducere sanguinem : nam et ab ipso principio sic
evenit : ei namque quod est ex lapidibus homines fieri, aequipollet exitus
filii ab illo emortuo utero Sarae. Ambrosius.
Sed licet Deus possit diversas convertere et mutare naturas, tamen mihi
plus mysterium quam miraculum prodest. Quid enim aliud quam lapides
habebantur qui lapidibus serviebant, similes utique his qui fecerant eos?
Prophetatur igitur saxosis gentilium fides infundenda pectoribus, et futuros
per fidem Abrahae filios oraculo pollicetur. Ut autem scias quia lapidibus
comparati sunt homines, arboribus quoque homines comparavit, cum subdit iam
enim securis posita est ad radicem arboris. Exempli autem ideo facta est
mutatio, ut illo comparationis processu quidam intelligatur homini clementior
iam profectus. Origenes
in Lucam. Et quidem si iam ingrueret consummatio et temporum finis
instaret, nulla mihi quaestio nasceretur : dicerem enim propterea hoc
prophetatum esse, quia illo tempore complebitur. Cum autem tanta post saecula
fluxerint ex quo spiritus sanctus hoc dixit, ego puto Israelitico populo
prophetari, quod praecisio eius vicina sit. His enim qui egrediebantur ad eum
ut baptizarentur, haec inter cetera loquebatur. Cyrillus.
Securim ergo in praesenti nominat mortiferam iram, quae divinitus irruit
in Iudaeos propter exercitam impietatem in Christum. Non tamen haesisse
radici securim praenuntiat, sed ad radicem, idest iuxta radicem positam :
decisi namque fuerunt rami, nec radicitus extirpata est planta; reliquiae
enim Israel salvae fient. Gregorius.
Vel aliter. Arbor huius mundi est universum genus humanum : securis vero
est redemptor noster, qui velut ex manubrio et ferro, tenetur ex humanitate, sed
incidit ex divinitate : quae videlicet securis iam ad radicem arboris posita
est, quia etsi per patientiam expectata, videtur tamen quid factura est. Et
notandum, quod non iuxta ramos securim positam, sed ad radicem dicit : cum
enim malorum filii tolluntur, quid aliud quam rami infructuosae arboris
abscinduntur? Cum vero tota simul progenies cum parente tollitur, infructuosa
arbor a radice abscissa est. Unusquisque autem perversus paratam citius
Gehennae concremationem invenit, qui fructum boni operis contemnit; unde
sequitur omnis ergo arbor quae non facit fructum bonum excidetur, et in ignem
mittetur. Chrysostomus.
Eleganter dictum est non faciens fructum, et adicitur bonum : officiosum
enim hoc animal Deus creavit, et naturalis est sibi exercitiorum instantia,
otium vero innaturale. Obest enim inertia etiam cunctis corporis membris,
nulli autem ut animae : ea namque cum continuo sit naturaliter mobilis,
otiari non patitur. Sicut autem otium malum est, ita et indecens exercitium.
Ex eo autem quod praemisit poenitentiam, praedicat quod securis adiacet, non
quidem incidens, sed terrorem incutiens. Ambrosius.
Faciat ergo fructum qui potest gratiae, et qui debet poenitentiae. Adest
dominus qui fructum requirat, fecundos vivificet, steriles reprehendat. |
Versets 7-9.
— Origène : (hom. 22.) Celui qui persévère dans son premier état de vie, et qui ne quitte ni ses moeurs ni ses habitudes, n’est pas digne de se présenter au baptême. S’il veut mériter cette grâce, qu’il sorte tout d’abord de sa vie ancienne. Aussi l’Évangéliste dit-il en termes exprès : « Jean-Baptiste s’adressait à la foule qui sortait pour être baptisée par lui. » C’est donc à la foule qui sortait pour venir à son baptême, qu’il adresse les paroles suivantes, car si elle fût entièrement sortie, il ne l’eût pas appelée race de vipères. — S. Jean Chrysostome : (hom. 41 sur Matth.) Cet habitant du désert, à la vue de tous les habitants de la Palestine qui l’entourent, pleins d’admiration pour sa personne, ne se laisse pas influencer par ces témoignages de profonde vénération, mais il s’élève avec force contre eux, et ne craint pas de leur reprocher leurs crimes. (Et hom. 12 sur la Gen.) La sainte Écriture caractérise ordinairement les hommes en leur donnant des noms d’animaux en rapport avec les passions qui les dominent, elle les appelle parfois des chiens à cause de leur insolence, des chevaux à cause de leur penchant à la luxure, des ânes à cause de leur défaut d’intelligence, des lions et des léopards à cause de leur voracité et de leur caractère violent, des aspics à cause de leur esprit rusé, des serpents et des vipères à cause de leur venin et de leurs démarches tortueuses, et c’est pour cela que Jean-Baptiste appelle ouvertement les Juifs, « race de vipères. » — S. Basile : (cont. Eunom., 2.) Il faut savoir que les noms de fils et d’engendré se donnent aux êtres animés; le mot race peut s’appliquer au foetus avant sa formation, on donne aussi quelquefois ce nom aux productions des arbres; mais rarement on l’emploie en parlant des animaux, et toujours en mauvaise part. — S. Jean Chrysostome : (sur Matth.) On dit que la vipère tue le mâle qui la féconde, et que les petits, à leur tour, tuent leur mère en naissant, et viennent au monde en déchirant son sein, comme pour venger la mort de leur père. La race de la vipère est donc une race parricide. Tels étaient les Juifs qui mettaient à mort leurs pères spirituels et leurs docteurs. Mais comment expliquer ce langage, puisque les Juifs ne persévèrent plus dans leurs péchés, mais qu’ils commencent à se convertir ? Au lieu de les outrager, ne devait-il pas chercher à les attirer ? Nous répondons que Jean ne s’arrêtait pas à ces démonstrations extérieures, Dieu lui avait révélé le secret de leurs coeurs, et il y voyait qu’ils étaient trop fiers de leurs ancêtres. C’est pour détruire dans sa racine cette vaine présomption, qu’il les appelle « race de vipères, » sans faire remonter ce reproche jusqu’aux patriarches, qu’il se garde bien de traiter de la sorte. — S. Grégoire : (hom. 20.) Il se sert de cette expression, parce que pleins d’envie à l’égard des justes qu’ils persécutaient, ils suivaient en cela les voies de leurs ancêtres selon la chair, semblables à des enfants infectés du poison que leurs pères, remplis eux-mêmes de venin, leur ont communiqué en leur donnant le jour. Comme les paroles qui précèdent, se rapportent à la manifestation de Jésus-Christ en présence de tous les hommes au jour du jugement dernier, Jean-Baptiste leur dit : « Qui vous a enseigné à fuir la colère à venir ? » La colère à venir, ce sont les effets de la vengeance du dernier jour. — S. Ambroise : Nous voyons par là que la miséricorde de Dieu leur avait inspiré la prudence qui les portait à se repentir de leurs péchés, en redoutant, par une religieuse prévoyance, les terreurs du jugement dernier. Ou bien peut-être, le Précurseur veut-il dire que, conformément à ces paroles du Sauveur : « Soyez prudents comme des serpents, » les Juifs ont cette prudence naturelle qui fait voir et rechercher spontanément ce qui est utile, mais qui n’est pas assez puissante pour éloigner entièrement de ce qui est nuisible. — S. Grégoire : (hom. 20.) Comme le pécheur qui ne recourt pas maintenant aux larmes de la pénitence, ne pourra se dérober alors aux effets de la colère de Dieu, Jean-Baptiste ajoute : « Faites donc de dignes fruits de pénitence. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 10 sur Matth.) En effet, il ne suffit pas aux pécheurs repentants de renoncer à leurs péchés, il faut encore qu’ils produisent des fruits de pénitence, selon cette parole du Psalmiste : « Eloignez-vous du mal, et faites le bien » (Ps 30); de même qu’il ne suffit pas pour être guéri, d’arracher le fer de la plaie, mais il faut encore appliquer sur la blessure les médicaments qui doivent hâter sa guérison. Jean-Baptiste ne dit pas ici : Faites du fruit, mais : « Faites des fruits, » pour indiquer qu’elle en doit être l’abondance. — S. Grégoire : (hom. 20.) Il les prévient que ce ne sont pas seulement des fruits, mais de dignes fruits de pénitence qu’ils doivent produire. Celui, en effet, qui n’a commis aucune action défendue, peut se permettre l’usage des choses licites. Mais celui qui est tombé dans des fautes graves, doit s’interdire d’autant plus rigoureusement les choses permises, qu’il se souvient d’en avoir commis de défendues. Les fruits des bonnes oeuvres ne doivent pas être les mêmes pour celui qui s’est rendu moins coupable et pour celui qui l’est davantage, pour celui qui n’est tombé dans aucun crime, et pour celui qui en a plusieurs à se reprocher. Le saint Précurseur fait donc ici un appel à la conscience de chacun, pour l’engager à devenir d’autant plus riche en bonnes oeuvres, qu’il a éprouvé par ses fautes des pertes plus considérables. — S. Maxime : (Chronique des Pères grecs) Le fruit de la pénitence, c’est une espèce d’impassibilité de l’âme [vis-à-vis du mal], impassibilité qui ne nous est pleinement acquise que lorsque nous sommes insensibles aux instigations de nos passions; jusque là, nous n’avons pas fait de dignes fruits de pénitence. Que notre repentir soit donc sincère, afin que, délivrés de nos passions, nous obtenions le pardon de nos péchés. — S. Grégoire : (hom. 22.) Mais les Juifs, fiers de la noblesse de leurs ancêtres, ne voulaient point se reconnaître pécheurs, parce qu’ils descendaient de la race d’Abraham. Aussi Jean-Baptiste leur dit à juste titre : « Et ne vous mettez point à dire : Abraham est notre père. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Il ne leur conteste pas qu’ils descendent d’Abraham par une filiation naturelle, mais il veut leur faire entendre qu’il ne leur sert de rien de descendre d’Abraham, s’ils ne peuvent montrer en même temps la descendance qui vient de la vertu. En effet, dans le style de l’Écriture, les règles de la parenté ne sont pas celles qui sont formées par le sang, mais celles qui viennent de la ressemblance des vertus ou des vices, et chacun est appelé le fils ou le frère de ceux dont il reproduit en lui la ressemblance. — S. Cyrille : Que sert, en effet, d’être d’une descendance illustre, si on ne cherche à l’appuyer par de nobles instincts. C’est donc une vanité que de se glorifier de la noblesse et des vertus de ses ancêtres, et de ne prendre aucun souci d’imiter leurs vertus. — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Ce n’est point l’agilité de son père qui rend un cheval prompt à la course. Or, de même que ce qui fait le mérite de tous les autres animaux, ce sont les qualités personnelles; ainsi ce qui rend un homme digne d’éloges, ce sont les bonnes oeuvres actuelles dont il peut donner la preuve; car il est honteux de se parer de la gloire d’autrui, quand on ne peut la soutenir par ses vertus personnelles. — S. Grégoire de Nysse : Après avoir prédit l’exil des Juifs [et prophétisé leur réprobation], il prédit comme une suite nécessaire la vocation des Gentils, qu’il appelle des pierres : « Je vous déclare que de ces pierres mêmes Dieu peut faire naître des enfants à Abraham. » — S. Jean Chrysostome : (sur Matth.) Il semble leur dire : Ne croyez pas que si vous venez à périr, le patriarche Abraham cessera d’avoir des enfants; car Dieu peut susciter des hommes de ces pierres mêmes, et en faire de véritables enfants d’Abraham. Et c’est ce qu’il a fait autrefois; car en faisant naître un fils du sein stérile de Sara, n’a-t-il pas opéré un prodige semblable à celui de faire sortir des hommes des pierres elles-mêmes. — S. Ambroise : Mais quoique Dieu puisse à son gré changer et transformer les natures créées, cependant le mystère que renferme ces paroles m’est plus avantageux que le miracle; car qu’étaient-ils autre chose que des pierres ceux qui adoraient des idoles de pierre, semblables à ceux qui les avaient faites ? Jean-Baptiste prophétise donc que la foi pénétrera les coeurs de pierre des Gentils, et prédit qu’ils deviendront, par la foi, de véritables enfants d’Abraham. Pour nous faire mieux comprendre quels hommes il a comparés à des pierres, il les compare encore à des arbres, dans les paroles suivantes : « La cognée est déjà à la racine de l’arbre. » Il change de comparaison pour vous faire comprendre par cette allégorie déjà plus relevée, qu’il s’est fait dans l’homme un certain progrès [qui les approche du bien]. — Origène : (hom. 23.) Si la consommation de toutes choses était proche, si nous touchions à la fin des temps, il n’y aurait pour moi aucune difficulté, et je dirais tout simplement que cette prophétie doit recevoir alors son accomplissement. Mais puisqu’il s’est écoulé tant de siècles depuis cette prédiction de l’Esprit saint; je pense que cette prophétie s’adresse au peuple juif, à qui Jean-Baptiste prédit sa destruction prochaine; car c’est à ceux qui venaient à lui pour être baptisés qu’il tenait ce langage. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Cette cognée qui doit les frapper dans le temps présent, c’est la vengeance exterminatrice qui vint fondre sur les Juifs du haut du ciel, pour punir l’attentat impie et sacrilège qu’ils commirent sur la personne de Jésus-Christ. Il ne dit point cependant que la cognée va trancher la racine, mais qu’elle a été mise à la racine de l’arbre, (c’est-à-dire auprès de la racine), car les branches ont été retranchées sans que l’arbre ait été détruit jusque dans sa racine, parce que les restes du peuple d’Israël doivent être sauvés. — S. Grégoire : (hom. 20.) Ou bien dans un autre sens, cet arbre c’est le genre humain tout entier. La cognée, c’est notre Rédempteur, que l’on peut tenir par l’humanité dont il s’est revêtu, et qui est comme le manche de la cognée, mais qui tient de la divinité la vertu de retrancher. Cette cognée est déjà mise à la racine de l’arbre; car bien qu’elle attende avec patience, on voit cependant le coup qu’elle s’apprête à frapper. Et remarquez qu’il ne dit point : La cognée est déjà placée sur les branches, mais : « à la racine. » En effet, lorsque les enfants des méchants sont détruits, ce sont les branches de l’arbre stérile qui sont retranchées. Mais lorsque toute la race des méchants est exterminée avec son père, c’est l’arbre infructueux qui est coupé jusque dans sa racine. Or, tout homme vicieux doit s’attendre à être jeté dans le feu de l’enfer qui lui a été préparé pour punir sa négligence à produire le fruit des bonnes œuvres : « Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Le saint Précurseur dit judicieusement : « qui ne fait point de fruit, et même de bon fruit » ; car Dieu a créé l’homme pour travailler et pour produire, et l’application persévérante au travail lui est naturelle, tandis que l’oisiveté est contre sa nature. En effet, l’inaction est nuisible à tous les membres de son corps, mais bien plus encore à son âme, qui, étant essentiellement active, ne peut rester un instant dans l’oisiveté. Mais de même que l’oisiveté est funeste, [le mouvement et] le travail ont aussi leur danger [(lorsqu’ils servent au mal.)] Après avoir exhorté à faire pénitence, il annonce que la cognée est à la racine, non encore pour couper et pour retrancher, mais pour [menacer et] inspirer une salutaire terreur. — S. Ambroise : Que celui donc qui le peut, produise des fruits de grâce; que celui pour qui c’est un devoir rigoureux, fasse des fruits de pénitence; voici le Seigneur qui vient chercher des fruits, et donner la vie à ceux qui produisent des fruits abondants, et condamner ceux qui sont stériles. |
Lectio 4 [85782] Catena in Lc., cap. 3 l. 4 Gregorius in Evang. In praemissis verbis Baptistae Ioannis constat,
quod audientium corda turbata sunt, quae consilium quaerebant, cum
subinfertur et interrogabant eum turbae dicentes : quid ergo faciemus? Origenes
in Lucam. Tres ordines inducuntur sciscitantium Ioannem super salute sua :
unus quem Scriptura appellat turbas; alius quem publicanos nominat; tertius
qui militum appellatione censetur. Theophylactus. Et quidem publicanis
et militibus a malo abstinere praecepit; turbis autem, quasi non malitiosis
existentibus, bonum aliquod praecepit observari; unde sequitur respondens
autem dicebat illis : qui habet duas tunicas, det non habenti. Gregorius.
Propter hoc quod tunica plus est necessaria usui nostro quam pallium, ad
fructum dignum poenitentiae pertinet ut non solum exteriora quaecumque, sed
ipsa nobis valde necessaria dividere cum proximis debeamus; scilicet vel
tunicam qua vestimur, vel escam qua carnaliter vivimus; unde sequitur et qui
habet escas, similiter faciat. Basilius.
Hic autem docemur quod ex omni eo quod affluit supra proprii victus
necessitatem, tenemur erogare illi qui non habet, propter Deum, qui
quaecumque possidemus largitus est. Gregorius.
Quia enim in lege scriptum est : diliges proximum tuum sicut teipsum,
minus proximum amare convincitur qui non cum eo in necessitate illius etiam
ea quae sunt sibi necessaria partitur : idcirco de dividendis cum proximo
duabus tunicis datur praeceptum; quoniam si una dividitur, nemo vestitur.
Inter haec autem sciendum est quantum misericordiae opera valeant, cum ad
fructus dignos poenitentiae ipsa prae ceteris praecipiuntur. Ambrosius.
Alia enim officiorum praecepta propria sunt singulorum : misericordia
communis est usus : ideo commune praeceptum est omnibus ut conferant non
habenti. Misericordia est plenitudo virtutum. Misericordiae tamen ipsius pro
possibilitate conditionis humanae mensura servatur, ut non sibi unusquisque
totum eripiat, sed quod habet cum paupere partiatur. Origenes
in Lucam. Profundiorem autem locus iste recipit intellectum. Quomodo enim
non debemus duobus servire dominis, sic nec duas habere tunicas, ne sit unum indumentum
veteris hominis et alterum novi : sed debemus nos exuere veterem hominem, et
ei dare qui nudus est : alius enim habet unum, alius vero omnino non habet,
contraria scilicet fortitudo; et quomodo scriptum est ut in profundum maris
praecipitemus nostra delicta, sic proiici a nobis oportet vitia atque
peccata, et iacere super eum qui eorum nobis causa extitit. Theophylactus.
Quidam autem tunicas duas esse dixit spiritum Scripturae et litteram.
Habentem vero duo haec monet Ioannes ut instruat ignorantem, et det ei ad
minus litteram. Beda.
Quantum autem Baptistae sermo virtutem habuerit, hinc probatur, cum et
publicanos et milites ad consilium salutis suae coegerit inquirendum; unde
sequitur venerunt autem publicani ut baptizarentur, et dixerunt : magister,
quid faciemus? Chrysostomus.
Magna est virtutis fortitudo, dum felicitatis viam requirunt ab indigo
locupletes. Beda.
Praecepit ergo eis ne ultra praescriptum exigant; unde sequitur et ille
dixit ad eos : nihil amplius quam quod vobis constitutum est faciatis.
Publicani vero appellantur hi qui vectigalia publica exigunt, sive qui
conductores sunt vectigalium fisci, vel rerum publicarum; nec non et hi qui
saeculi huius lucra per negotia sectantur, eodem vocabulo censentur; quos
omnes pariter in suo quemque gradu ab agenda fraude coercet; ut dum primo se
ab alienorum temperarent appetitu, tandem ad propria cum proximis
communicanda pertingerent. Sequitur interrogabant autem eum et milites,
dicentes : quid faciemus et nos? Iustissimo autem moderamine praemonet, ne ab
eis calumniando praedam requirant, quibus militando prodesse debuerant; unde
sequitur et ait illis : neminem concutiatis, scilicet per violentiam, neque
calumniam faciatis, scilicet per fraudulentam malitiam; et contenti estote
stipendiis vestris. Ambrosius.
Docens idcirco stipendia militiae constituta, ne dum sumptus quaeritur,
praedo grassetur. Gregorius
Nazianzenus. Stipendium enim appellat imperialem provisionem, et deputata
per legem dignitatibus munera. Augustinus
contra Faustum. Sciebat enim eos cum militarent non esse homicidas, sed
ministros legis; et non ultores iniuriarum suarum, sed salutis publicae
defensores : alioquin responderet eis : arma abjicite, militiam istam
deserite, neminem percutite, vulnerate, prosternite. Quid enim culpatur in
bello? An quia moriuntur quandoque morituri, ut dominentur in pace victuri?
Hoc reprehendere timidorum est, non religiosorum. Nocendi cupiditas,
ulciscendi crudelitas, implacatus atque implacabilis animus, feritas
rebellandi, libido dominandi, et si qua similia, haec sunt quae in bellis
iure culpantur; quae plerumque ut etiam inde puniantur, adversus violentiam
resistentium, sive Deo, sive aliquo legitimo imperio iubente, gerenda ipsa
bella suscipiuntur a bonis, cum in eo rerum humanarum ordine inveniuntur ubi
eos vel iubere tale aliquid, vel in talibus obedire iuste ipse ordo
constringit. Chrysostomus
super Matth. Volebat autem Ioannes quando publicanis et militibus
loquebatur, ad aliam maiorem philosophiam ipsos traducere; sed quoniam nondum
erant ad illam idonei, minora reserat : ne si potiora proferret, nequaquam
illis intenderent, et his etiam privarentur. |
Versets 10-14.
— S. Grégoire : (hom. 20.) Ces paroles de Jean-Baptiste prouvent qu’il avait fait naître un trouble [salutaire] dans l’âme de ses auditeurs, puisqu’ils viennent lui demander ce qu’ils doivent faire : « Et la foule l’interrogeait : ‘Que devons-nous faire ?’» — Origène : (hom. 23.) Trois sortes d’hommes viennent demander à Jean ce qu’ils doivent faire pour être sauvés; les uns que l’Écriture appelle la foule, les autres qui sont les publicains, et les troisièmes qu’elle comprend sous le nom de soldats. — Théophylacte : Or, il recommande aux publicains et aux soldats de s’abstenir de tout mal, mais quant au peuple, qu’il regarde comme moins enclin au mal, il prescrit la pratique des bonnes oeuvres : « Il leur répondit : Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n’en a point, ». — S. Grégoire : (hom. 20.) La tunique est d’un usage plus nécessaire que le manteau; aussi un des fruits principaux de la pénitence est de nous faire partager avec le prochain non seulement les choses extérieures [plus ou moins utiles], mais celles qui nous sont le plus nécessaires, comme la tunique dont nous sommes vêtus, les aliments qui soutiennent notre existence : « et que celui qui a de quoi manger fasse de même. » — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Nous apprenons de là l’obligation où nous sommes de donner pour Dieu tout ce qui n’est pas nécessaire à notre propre nourriture à ceux qui sont dans l’indigence, parce que c’est Dieu qui nous a donné tout ce que nous possédons. — S. Grégoire : (hom. 20.) Il est écrit dans la loi : « Vous aimerez votre prochain comme vous-même. » Donc on n’aime pas son prochain, quand on ne partage pas même son nécessaire avec celui qui se trouve dans l’extrême besoin. Il est commandé de partager avec le prochain une des deux tuniques que l’on possède, car si on n’en avait qu’une à partager, elle ne pourrait servir de vêtement à aucun des deux. Nous pouvons juger par toutes ces recommandations, de quel prix sont les oeuvres de miséricorde, puisqu’elles tiennent le premier rang parmi les dignes fruits de pénitence. — S. Ambroise : Chaque condition a ses devoirs particuliers, la pratique de la miséricorde est un devoir commun à tous les hommes, et c’est pour tous les hommes une obligation rigoureuse de donner à celui qui est dans l’indigence. La miséricorde comprend pour ainsi dire toutes les vertus; cependant la pratique de la miséricorde a ses règles, et doit se mesurer sur les moyens et les ressources de chacun, elle n’oblige pas à se dépouiller entièrement de ce qu’on possède, mais à le partager avec le pauvre. — Origène : (hom. 23.) Ce passage renferme un sens plus profond : en effet, de même que nous ne pouvons servir deux maîtres, de même nous ne devons pas avoir deux tuniques, dont l’une serait le vêtement du vieil homme, et l’autre le vêtement de l’homme nouveau. Nous devons au contraire dépouiller le vieil homme et revêtir celui qui est nu, car l’un a Dieu [ ?] dans son coeur, et l’autre en est privé. [« contraria scilicet fortitudo » : expression incompréhensible, « sautée » par l’abbé Peronne]. Il est écrit que nous devons précipiter nos péchés au fond de la mer; nous devons également repousser loin de nous nos fautes et nos vices, et les rejeter pour ainsi dire sur celui qui en a été pour nous la cause. — Théophylacte : Il en est qui voient dans ces deux tuniques l’esprit et la lettre de l’Écriture. Jean recommande à celui qui possède l’un et l’autre, d’instruire les ignorants et de leur enseigner an moins la lettre de la sainte Écriture. — S. Bède : La puissance de la parole de Jean-Baptiste était si grande, qu’elle forçait les publicains et les soldats eux-mêmes à venir lui demander ce qu’ils devaient faire pour être sauvés : « Des publicains vinrent aussi, pour se faire baptiser, et ils lui dirent : ‘Maître, que devons-nous faire ?’». — S. Jean Chrysostome : (hom. 24 ou 25.) Qu’elle est grande la puissance de la vertu, puisqu’elle amène les riches du monde à venir demander, à celui qui n’a rien, le chemin du vrai bonheur ? — S. Bède : Le saint Précurseur leur recommande de n’exiger rien au delà de ce qui leur est prescrit : « Il leur dit : N’exigez rien de plus de ce qui vous a été prescrit. » On appelait publicains ceux qui levaient les impôts, qui avaient la charge de collecteurs des contributions ou des revenus publics, et on donnait ce nom par extension à ceux qui cherchaient à augmenter leurs richesses par le négoce et les affaires. Jean-Baptiste leur fait à tous un précepte de s’abstenir de toute fraude, chacun à son niveau, et en réprimant ainsi tout désir de s’emparer du bien d’autrui, il les amène à partager leurs propres biens avec le prochain : « Et des soldats vinrent aussi l’interroger, disant : ‘Et nous, que devons-nous faire ?’». Il leur donne cette règle de juste modération, de ne dépouiller jamais injustement ceux qu’ils doivent défendre et protéger par état : « Et il leur dit : Abstenez-vous de toute concussion (ou de toute violence), ne commettez aucune injustice (par des voies frauduleuses), et contentez-vous de votre paie ». — S. Ambroise : Il enseigne par là que la milice reçoit une paie légalement établie, de peur qu’en laissant aux soldats de pourvoir à leur subsistance, on n’ouvre ainsi la porte au pillage. — S. Grégoire : de Naz. (Disc. 9 contr. Jul.) Il donne ici le nom de paie à la solde impériale et au traitement assigné par la loi à ceux qui étaient en place. — S. Augustin : (contr. Faust., liv. 22, ch. 7.) Jean-Baptiste savait que les soldats, lorsqu’ils font la guerre, ne sont pas des homicides, mais les exécuteurs de la loi, qu’ils ne sont point les vengeurs des injures particulières, mais les défenseurs du salut public. Autrement il leur eût répondu : Dépouillez-vous de vos armes, et quittez le service militaire, ne frappez, ne blessez, ne tuez personne. Qu’y a-t-il en effet de coupable dans la guerre ? Est-ce de donner la mort aux uns pour laisser les autres régner en paix après la victoire ? Condamner la guerre à ce point de vue n’est point un acte de religion, mais de lâcheté. Ce qui est justement condamné dans les guerres, c’est le désir de nuire, c’est la cruauté dans la vengeance, c’est d’avoir une âme impitoyable, implacable, c’est la férocité dans le combat, c’est la fureur de dominer et autres excès semblables. Or c’est pour punir ces excès ou les violences de ceux qui se révoltent, soit contre Dieu, soit contre le commandement d’une autorité légitime, que les bons eux-mêmes font la guerre, lorsqu’ils se trouvent dans des circonstances telles que l’ordre et la justice leur font un devoir ou de commander de prendre les armes, ou d’obéir à ce commandement. — S. Jean Chrysostome : (hom. 25 sur Matth.) En parlant ainsi aux publicains et aux soldats, Jean-Baptiste voulait les élever à une perfection plus grande, mais comme ils n’en étaient pas encore capables, il leur donne des préceptes plus faciles, car s’il leur avait proposé tout d’abord les obligations d’une vie plus parfaite, ils n’y auraient donné aucune attention, et seraient demeurés privés de la connaissance des devoirs plus ordinaires. |
Lectio 5 [85783] Catena in Lc., cap. 3 l. 5 Origenes
in Lucam. Dignum erat ut plus Ioanni quam ceteris hominibus deferretur,
qui aliter quam cuncti mortales vixerat : quam ob causam diligebant quidem
eum iustissime, sed non servabant in caritate modum; unde dicitur existimante
autem populo, et cogitantibus omnibus in cordibus suis de Ioanne, ne forte
ipse esset Christus, et cetera. Ambrosius.
Quid autem ineptius quam quod is qui in alio aestimatur, in seipso esse
non creditur? Quem per mulierem venturum putabant, per virginem venisse non credunt
: et utique divini adventus signum in virginis partu, non in mulieris
constitutum est. Origenes.
Habet autem periculum dilectio, si modum transeat : debet enim qui aliquem
diligit, naturam et causas considerare diligendi, et non plus diligere quam
meretur : nam mensuram caritatis modumque si transcenderit, et qui diligit et
qui diligitur in peccato erit. Graecus.
Unde Ioannes non fuit gloriatus in habita opinione de ipso ab hominibus,
nec aliquatenus visus est primatum appetere; sed infirmam humilitatem
amplexus est; unde sequitur respondit Ioannes, dicens omnibus : ego quidem
baptizo vos in aqua. Beda.
Quomodo autem respondit eis qui in secreto cordis quia Christus esset,
cogitabant, nisi quia non solum cogitabant, sed etiam, sicut alius Evangelista
declarat, missis ad eum sacerdotibus ac Levitis, an esset Christus
inquirebant? Ambrosius.
Vel videbat Ioannes cordis occulta. Sed consideremus cuius gratia : Dei
enim munus est qui revelat, non virtus hominis qui divino magis adiuvatur
beneficio, quam naturali cernit officio. Cito autem respondens probavit non
esse se Christum, qui visibili operatur officio : nam cum ex duabus naturis,
idest ex anima homo subsistat et corpore, visibile per visibilia, invisibile
per invisibile mysterium consecratur : aqua enim corpus abluitur, spiritu
animae delicta mundantur : licet etiam in ipso fonte sanctificatio
divinitatis aspiret : et ideo aliud fuit Baptisma poenitentiae, aliud est
gratiae : istud Baptisma ex utroque, illud ex uno : opus hominis est gerere poenitentiam
delictorum, Dei munus est gratiam implere mysterii. Declinans ergo maiestatis
invidiam, non verbo sed opere declaravit non esse se Christum; unde sequitur
venit enim fortior me post me. In hoc quod dicit fortior me, comparationem
non fecit : neque enim inter Dei filium et hominem ulla poterat esse
comparatio; sed quia multi fortes, fortior nemo nisi Christus. Denique fecit comparationem, eo quod addiderit cuius non sum dignus
solvere corrigiam calceamentorum eius. Augustinus
de Cons. Evang. Matthaeus quidem dicit : cuius non sum dignus calceamenta
portare. Itaque si ad rem pertinet aliud intelligere in eo quod dictum est :
calceamenta portare, et corrigiam calceamentorum solvere, ut unus
Evangelistarum hoc, alii aliud dicerent, omnes verum narraverunt : si autem
nihil intendit Ioannes, cum de calceamentis domini diceret, nisi excellentiam
eius et humilitatem suam; quodlibet horum dixerit, sive de solvenda
calceamentorum corrigia, sive de portandis calceamentis, eamdem tamen
sententiam tenuit quisquis etiam verbis suis per calceamentorum memoriam,
eamdem significationem humilitatis expressit. Ambrosius.
Per hoc etiam quod dicit : cuius non sum dignus calceamenta portare,
evangelicae praedicationis ostendit in apostolos gratiam esse collatam, qui
sunt calceati in Evangelium. Videtur tamen
ideo hoc dicere quod plerumque Ioannes personam accipit populi Iudaeorum. Gregorius in Evang. Sed et Ioannes se indignum esse ad solvendum
corrigiam calceamenti eius denuntiat; ac si aperte dicat : ego redemptoris
vestigia denudare non valeo, qui sponsi nomen mihi immeritus non usurpo. Mos
enim apud veteres fuit ut si quis eam quae sibi competeret, accipere nollet
uxorem, ille ei calceamentum solveret qui ad hanc sponsus iure propinquitatis
veniret. Vel quia calceamenta ex mortuis animalibus fiunt, incarnatus dominus
quasi calceatus apparuit, qui morticina nostrae corruptionis assumpsit.
Corrigia ergo calceamenti est ligatura mysterii. Ioannes itaque solvere
corrigiam calceamenti eius non valet : quia incarnationis mysterium nec ipse
investigare sufficit qui hanc per prophetiae spiritum agnovit. Chrysostomus
in Matthaeum. Et quia dixerat quod suum Baptisma nil plus haberet quam
aquam, consequenter ostendit excellentiam exhibiti per Christum Baptismatis,
cum subdit ipse vos baptizabit in spiritu sancto et igni : per ipsam dicti
metaphoram ostendens abundantiam gratiae : non enim ait : dabit vobis
spiritum sanctum, sed baptizabit : ac rursus per id quod de igne subicit,
ostendit virtutem gratiae; et sicut Christus aquam vocat spiritus gratiam,
ostendens per vocabulum aquae, nitorem qui contingit ex ea, et consolationem
immensam quae mentibus capacibus illius ingeritur; sic et Ioannes per ignis
vocabulum exprimit fervorem et rectitudinem gratiae, necnon et peccatorum
consumptionem. Beda.
Potest et spiritus sanctus nomine ignis significatus intelligi : quia
incendit per amorem, et per sapientiam corda quae replet, illuminat : unde et
apostoli Baptisma spiritus in ignis visione percipiunt. Sunt qui ita
exponunt, quod in praesenti in spiritu, et in futuro baptizaremur in igne; ut
videlicet, sicut in remissionem omnium peccatorum ex aqua et spiritu
renascimur; ita et tunc de levibus quibusdam peccatis Purgatorii ignis ante
ultimum iudicium Baptismate permundemur. Origenes
in Lucam. Et quomodo Ioannes iuxta Iordanem fluvium venientes ad Baptismum
praestolabatur, et alios abigebat, dicens : generatio viperarum, eos vero qui
confitebantur peccata, suscipiebat, sic stabit in igneo flumine dominus Iesus
iuxta flammeam rhomphaeam; ut quicumque post exitum vitae huius ad Paradisum
transire desiderat, et purgatione indiget, hoc eum amne baptizet, et ad
Paradisum transmittat : eum vero qui non habet signum priorum Baptismatum,
lavacro igneo non baptizet. Basilius.
Non autem propter hoc quod dicit baptizabit vos in spiritu sancto,
integrum quis esse Baptisma fatebitur in quo nomen solius spiritus invocatum
est : oportet enim semper illibatam manere assignatam traditionem in
vivificante gratia : nam addere vel minuere quicquam excludit a vita perpetua
: sicut enim credimus, sic et Baptisma suscipimus in nomine patris et filii
et spiritus sancti. Graecus. Per hoc ergo quod dicit baptizabit in spiritu sancto,
ostendit abundantiam gratiae et beneficii copiam. Ne
autem aliqui putent quod dona largiri et potestas et voluntas est creatori :
punire vero inobedientes nullam sibi fore causam; ob hoc subdit cuius
ventilabrum in manu eius : ostendens quod non solum munificus est dignis, sed
etiam praevaricationum ultor. Ventilabrum autem promptitudinem iudicii
exprimit : non enim cum induciis, sed in instanti et absque quolibet
intervallo separat damnandos a collegio salvandorum. Cyrillus. Per hoc autem quod subdit et permundabit aream suam,
designat Baptista Ecclesiam pertinere ad Christum, quasi ad dominum. Beda. Per aream enim praesens Ecclesia figuratur, in qua multi sunt
vocati, pauci vero electi; cuius areae purgatio et nunc viritim geritur, cum
quisque perversus vel ob manifesta peccata de Ecclesia, sacerdotali castigatione,
eicitur, vel ob occulta post mortem divina districtione damnatur. Et
universaliter in fine perficietur, quando mittet filius hominis Angelos suos,
et colligent de regno eius omnia scandala. Ambrosius.
Ventilabri ergo indicio, discriminandorum dominus declaratur ius habere
meritorum, eo quod dum frumenta ventilantur in area, plena a vacuis velut
quodam aurae spirantis examine separantur; unde sequitur et congregabit
triticum in horreum suum; paleas autem comburet igne inextinguibili. Per hanc
comparationem dominus ostendit quod iudicii die solida merita fructusque
virtutis ab inanis iactantiae, exiliumque factorum infructuosa levitate
discernat, perfectioris meriti viros locaturus in mansione caelesti. Ipse
enim perfectior fructus est qui meruit eius esse conformis qui sicut granum
tritici excidit, ut plurimos fructus afferret. Cyrillus.
At paleae lentos et inanes signant, et quolibet vento peccati ventilatos
et volubiles. Basilius.
Conferunt autem his qui digni sunt regno caelorum velut palea tritico; non
tamen intuitu divinae caritatis et proximorum hoc faciunt, sive spiritualibus
donis, sive corporalibus beneficiis. Origenes
in Lucam. Vel quia absque vento non possunt triticum et paleae separari;
ideo habet ventilabrum in manu sua; quod alios paleas, alios triticum esse
demonstrat. Cum enim esses palea levis, idest incredulus, ostendit te esse
tentatio quod latebas. Cum autem fortiter
tentamenta toleraveris, non te faciet fidelem tentatio atque patientem; sed
virtutem, quae in te latebat, profert in medium. Gregorius Nyssenus. Expedit autem scire, quod nec bona quae per
repromissiones reposita sunt honeste viventibus, talia sunt ut verbo valeant
explicari : quia nec oculus vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis
ascenderunt : nec peccatorum poenae ad aliquid eorum quae in praesenti sensum
afficiunt, proportionem habent : et quamvis aliquae illarum poenarum per
nostra nominentur vocabula, differt tamen non modicum : cum enim audis ignem,
aliud quiddam conicere doceris ex eo quod additur inextinguibili, quod in
istum ignem non cadit. Gregorius Moralium. Miro modo expressus est ignis Gehennae : ignis
namque noster corporeus per congesta ligna nutritur, nec valet nisi fotus
subsistere; at contra Gehennae ignis, cum sit corporeus, et in se missos
reprobos corporaliter exurat, lignis non nutritur, sed creatus semel
inextinguibilis durat. |
Versets 15-17.
— Origène : (hom. 23.) Il était juste que Jean fût environné de plus d’honneurs que les autres hommes, lui dont la vie était différente de celle de tous les autres mortels. Aussi les Juifs avaient-ils pour lui une bien légitime prédilection, mais leur affection n’était pas modérée : « Or, comme tout le peuple flottait dans ses pensées, et que tous se demandaient dans leurs coeurs s’il ne serait pas le Christ, etc... » — S. Ambroise : Quoi de plus insensé que de refuser de croire, lorsqu’il vint lui-même en personne, celui qu’ils voulaient reconnaître dans la personne d’un autre ? Ils pensaient que le Messie devait naître d’une femme, et ils ne veulent pas croire qu’il ait pu naître d’une Vierge, et cependant le signe que Dieu avait donné de l’avènement du Sauveur, c’était l’enfantement d’une Vierge et non celui d’une femme. — Origène : (hom. 25.) L’affection a ses périls, si elle franchit les justes limites. Quand on aime quelqu’un, on doit considérer attentivement la nature et les motifs de son affection, et ne pas aimer celui qu’on aime plus qu’il ne le mérite, car si l’on dépasse la mesure et les limites de la charité, celui qui aime comme celui qui est aimé se rendent coupables. — Chronique des Pères grecs : Aussi Jean ne pensa pas à se glorifier de l’opinion que tous avaient de lui, et ne parut jamais désirer d’être le premier; loin de là, il fit toujours profession de l’humilité la plus profonde : « Mais Jean répondit, s’adressant à tous : ‘Moi, je vous baptise dans l’eau.» — Bède : Comment put-il répondre à ceux qui pensaient dans leurs coeurs qu’il pouvait être le Christ ? C’est que non seulement telle était leur pensée, mais qu’ils lui avaient député des prêtres et des lévites pour lui demander s’il était le Christ, comme le raconte un autre Évangéliste. — S. Ambroise : Ou bien, c’est que Jean lisait dans le secret des coeurs, mais considérez de qui lui venait cette prérogative, car la grâce de Dieu seule peut révéler [ce qu’il y a de plus caché dans le fond des cœurs], et non la puissance de l’homme qui reçoit bien plus de lumières du secours d’en haut, que de ses facultés naturelles. Or, il répondit aussitôt et sans hésiter qu’il n’était pas le Christ, lui qui n’exerçait qu’un ministère visible. L’homme, en effet, est un composé de deux natures, c’est-à-dire de l’âme et du corps; la partie visible est consacrée par une action visible, la partie invisible reçoit une consécration mystérieuse et invisible. Ainsi l’eau lave le corps et le purifie, mais l’Esprit purifie l’âme de ses fautes, quoique l’eau elle-même soit comme pénétrée du souffle de la grâce divine. Le baptême de la pénitence est donc différent du baptême de la grâce, celui-ci opère par ces deux choses réunies, l’eau et l’Esprit; celui-là par l’eau seulement : l’oeuvre de l’homme c’est de faire pénitence de ses fautes, c’est la part exclusive de Dieu de réaliser la grâce du mystère. Aussi Jean-Baptiste repoussant tout désir ambitieux de grandeur, déclare, non par ses paroles, mais par ses oeuvres, qu’il n’est pas le Christ, c’est pour cela qu’il ajoute : « Un autre va venir plus puissant que moi, ». En disant : « plus puissant que moi, » il n’établit point une comparaison, car aucune comparaison n’est possible entre le Fils de Dieu et un homme, mais il veut simplement dire que s’il y en a beaucoup [parmi les anges et les hommes] qui aient de la puissance, le Christ seul est plus puissant qu’eux tous. Enfin, il est si loin de vouloir faire une comparaison, qu’il ajoute : « dont je ne suis pas digne de dénouer la courroie de la chaussure. » — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 12.) Saint Matthieu dit au contraire : « dont je ne suis pas digne de porter la chaussure. » S’il y a quelque intérêt à donner un sens différent à ces deux locutions : « porter la chaussure, » ou : « dénouer les cordons de la chaussure, » de manière qu’un Évangéliste ait rapporté la première de ces deux locutions, et l’autre la seconde, il faut admettre que tous deux ont dit la vérité. Si au contraire, en parlant de la chaussure du Seigneur, Jean-Baptiste ne s’est proposé que de faire ressortir la supériorité du Christ et son humble dépendance, ces deux locutions figurées, parlant l’une de dénouer les courroies de sa chaussure, l’autre de porter ses chaussures, expriment la même vérité, chacun des deux employant ses propres mots pour parler des chaussures, et ont pour but de faire ressortir la profonde humilité du saint Précurseur. — S. Ambroise : Ces paroles : « Je ne suis pas digne de porter sa chaussure, » signifient encore que le ministère et la grâce de la prédication ont été confiés aux Apôtres qui ont aux pieds la chaussure de l’Évangile (Ep 6, 15). Cependant on peut dire que Jean-Baptiste s’exprime de la sorte, parce qu’il représente la personne du peuple juif. — S. Grégoire : (hom. 7.) Jean-Baptiste se déclare indigne de dénouer la courroie de sa chaussure, comme s’il disait : Je ne puis découvrir les pieds du Rédempteur puisque je ne puis prendre le nom d’époux qui ne m’appartient pas. C’était la coutume, en effet, chez les anciens, que lorsqu’un homme ne voulait point prendre la femme qu’il devait épouser, celui qui devenait alors son époux ôtait la chaussure du premier qui l’avait refusée (cf. Dt 25); ou bien encore, comme les chaussures sont faites avec la peau des animaux qui sont morts, Notre Seigneur, par son incarnation, est venu dans le monde portant aux pieds les dépouilles mortelles de notre nature corruptible. La courroie de la chaussure est comme le noeud du mystère. Jean-Baptiste ne peut donc dénouer la courroie de la chaussure du Sauveur, parce qu’il est incapable de pénétrer le mystère de l’incarnation que l’esprit prophétique seul lui a fait connaître. — S. Jean Chrysostome : (hom. 11.) Il venait de déclarer que son baptême n’était qu’un baptême d’eau, il montre maintenant l’excellence du baptême institué par le Christ : « Pour lui, il vous baptisera dans l’Esprit saint et le feu », exprimant ainsi par cette métaphore l’abondance de la grâce, car il ne dit pas : Il vous donnera l’Esprit saint, mais : « Il vous baptisera [dans l’Esprit saint]. » Il ajoute : « et dans le feu, » pour montrer toute la puissance de la grâce. Et de même que Jésus-Christ exprime sous la figure de l’eau (cf. Jn 4, 14) la grâce de l’Esprit saint, c’est-à-dire la pureté qu’elle produit et l’ineffable consolation dont elle inonde les âmes qui en sont dignes; ainsi Jean-Baptiste, sous l’image du feu, veut exprimer la ferveur et la pureté que la grâce produit dans l’âme avec la destruction complète du péché. — S. Bède : Sous la figure du feu, on peut encore entendre l’Esprit saint qui embrase par l’amour et tout à la fois éclaire par la sagesse les coeurs qu’il remplit de sa présence, et c’est pour exprimer cette vérité que les Apôtres ont reçu le baptême de l’Esprit sous l’image d’un feu visible. Il en est qui expliquent ce passage en disant que le baptême de l’Esprit est pour le temps présent, et le baptême du feu pour la vie à venir; en ce sens que de même que nous puisons une nouvelle naissance dans l’eau et l’Esprit saint pour la rémission de tous nos péchés, de même nous serons purifiés de nos fautes plus légères par le baptême de feu du purgatoire, avant le Jugement Dernier. — Origène : (hom. 24.) De même encore que Jean-Baptiste attendait sur les bords du fleuve du Jourdain ceux qui venaient demander son baptême, qu’il repoussait les uns, en les appelant : « Race de vipères, » et recevait les autres qui faisaient l’aveu [sincère] de leurs péchés, ainsi le Seigneur Jésus se tiendra sur les bords du fleuve de feu près du glaive flamboyant. Tout homme qui, au sortir de cette vie voudra entrer dans le paradis et aura besoin d’être purifié, sera baptisé dans ce bain de feu avant d’être introduit dans le paradis. Quant à celui qui ne portera point le signe des premiers baptêmes, il ne pourra être baptisé dans ce baptême de feu. — S. Basile : (traité de l’Esprit saint, ch. 2.) De ces paroles de Jean-Baptiste : « Il vous baptisera dans l’Esprit saint », n’allez pas conclure que la seule invocation de l’Esprit saint rend le baptême parfait, car pour les signes sacrés qui nous confèrent la grâce, nous devons suivre dans toute leur intégrité les règles de la tradition. Vouloir y ajouter ou en retrancher quelque chose, c’est se retrancher de la vie éternelle, car nous baptisons au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, pour conformer notre baptême à notre croyance. — Chronique des Pères grecs : Ces paroles : « Il vous baptisera dans l’Esprit saint, » signifient donc l’abondance de la grâce et la richesse du bienfait. Mais parce qu’on pourrait croire que c’est le propre de la puissance et de la volonté du Créateur de répandre ses bienfaits, tandis qu’il n’entre nullement dans ses attributs de punir les rebelles; Jean-Baptiste ajoute : « Il tient le van en sa main, » nous enseignant ainsi qu’il est aussi sévère pour venger les prévaricateurs qu’il est magnifique pour récompenser la vertu. Le van signifie la promptitude dans l’exécution du jugement, car en un instant, sans aucun débat, sans acun délai, il séparera les damnés de la société des élus. — S. Cyrille : (Trés., 2, 4) En ajoutant : « Et il nettoiera son aire, » Jean-Baptiste nous apprend que Jésus-Christ est le souverain Maître de l’Église. — S. Bède : L’aire est en effet la figure de l’Église de la terre, où il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Cette aire se nettoie en partie dans la vie présente, lorsqu’un mauvais chrétien est retranché de l’Église par le jugement sacerdotal, en punition de ses fautes publiques et scandaleuses; ou bien lorsque après sa mort il est condamné au tribunal de Dieu pour des crimes secrets; et elle sera nettoyée entièrement à la fin du monde, quand le Fils de l’homme enverra ses anges pour faire disparaître de son royaume tous les scandales. — S. Augustin [S. Ambroise ?] : Le van, que le Seigneur tient en sa main, signifie qu’à lui seul appartient le droit de discerner les mérites des hommes, parce qu’en effet, lorsqu’on vanne le blé dans l’aire, le souffle de l’air fait comme une espèce de discernement du bon grain d’avec le mauvais : « Et il amassera le froment dans son grenier, » : par cette comparaison, le Seigneur nous enseigne qu’au jour du jugement, il fera le discernement des mérites solides et des véritables fruits de vertu d’avec la légèreté stérile de toutes ces actions vaines, aussi chétives que présomptueuses, et placera dans la demeure des cieux les hommes d’une vertu parfaite. Or, les hommes qui sont des fruits parfaits sont ceux qui ont été jugés dignes de ressembler à celui qui a été semé comme un grain de blé pour produire ensuite des fruits plus abondants. (Jn 12.) — S. Cyrille : La paille, au contraire, est l’emblème des âmes indolentes et vaines, et dont la mobilité flotte à tout vent de péché. — S. Basile : Les chrétiens de cette espèce ne laissent pas d’être utiles à ceux qui sont jugés dignes du royaume des cieux, comme la paille l’est au froment ; soit en leur communiquant les dons spirituels, soit en leur donnant des secours extérieurs, bien qu’ils ne le fassent point par un motif d’amour de Dieu ou de charité du prochain. — Origène : (hom. 26) Comme le blé ne peut être séparé de la paille que par le mouvement de l’air, le juste juge est représenté tenant à la main un van, qui fait connaître que les uns sont de la paille et les autres du froment. En effet, lorsque vous n’étiez qu’une paille légère (c’est-à-dire incrédule), la tentation vous a fait voir ce que vous étiez sans le savoir, mais lorsque vous avez supporté courageusement les épreuves, la tentation ne vous rend pas fidèle et patient, mais elle fait éclater la vertu qui était au dedans de votre âme. — S. Grégoire de Nysse : Il est utile de se rappeler que les biens qui nous sont promis et que Dieu tient en réserve pour ceux qui vivent saintement, dépassent de beaucoup toutes les explications que nous pouvons en donner; car ni l’oeil de l’homme n’a vu, ni son oreille n’a entendu, ni son coeur n’a compris l’excellence de ces biens. Il en est de même des châtiments réservés aux pécheurs, ils n’ont aucune proportion avec les peines sensibles de cette vie. Nous les exprimons sans doute par les noms dont nous faisons usage dans notre langue, mais quelle distance les sépare de nos peines ordinaires ! car lorsque vous entendez parler de feu, et que l’Évangéliste ajoute : « inextinguible, » aussitôt votre attention se porte sur un feu tout différent du nôtre, auquel ne convient point cette expression. — S. Grégoire : (Moral., 15, 17.) Expression merveilleuse [et étonnante] pour désigner le feu de l’enfer. En effet, notre feu matériel ne peut être entretenu que par la quantité de bois qu’on y jette, et il ne dure qu’à la condition d’être toujours alimenté; au contraire, le feu de l’enfer, quoiqu’il soit matériel et qu’il brûle corporellement les réprouvés qui y sont précipités, n’est point alimenté par le bois, mais une fois créé, il dure toujours et ne s’éteint jamais. |
Lectio 6 [85784] Catena in Lc., cap. 3 l. 6 Origenes in Lucam. Annuntiaverat Ioannes Christum, Baptismum spiritus
sancti praedicabat, et cetera quae Evangelii tradit historia : exceptis ergo
his alia annuntiasse monstratur in eo quod dicitur multa quidem et alia
exhortans evangelizabat populo. Theophylactus. Exhortatio enim eius erat bona doctrina; et ideo convenienter
Evangelium dicitur. Origenes. Et quomodo in Evangelio secundum Ioannem de Christo
refertur, quia multa et alia locutus est, sic et in praesenti loco intellige
quod Lucas hic dixit, quoniam maiora quaedam a Ioanne annuntiabantur quam ut
deberent litteris credi. Miramur autem Ioannem, quo inter natos mulierum
maior nemo fuerit, quod in tantam opinionem meritis virtutis ascenderit ut a
plerisque Christus putaretur; sed illud multo mirabilius, quod non timuit
Herodem, non formidavit interitum; unde sequitur Herodes autem tetrarcha cum
corriperetur ab illo, et cetera. Eusebius Eccles. Hist. Dicitur autem tetrarcha ad differentiam
alterius Herodis, quo regnante natus est Christus : erat enim ille rex, hic
autem tetrarcha. Erat autem illi coniux Aretae regis Arabum filia, quam, cum
coniux esset fratris sui Philippi, more sacrilego duxit, quamvis prolem
haberet a fratre : his enim solum licebat hoc agere quorum fratres sine prole
vitam compleverant. Super hoc Herodem reprehenderat Baptista.
Primo quidem diligenter eius audiebat sermones, cum sciret eos ponderosos, et
consolatione plenos; sed Herodiadis concupiscentia cogebat eum aspernari
verba Ioannis : unde et eum detrudit in carcerem; et hoc est quod dicitur
adiecit et hoc super omnia, et inclusit Ioannem in carcere. Beda.
Non autem his diebus captus est Ioannes, sed, iuxta Evangelium Ioannis,
post aliqua gesta signa a domino, et post eius Baptismum diffamatum. Sed a
Luca propter exaggerandam malitiam Herodis praeoccupatum est : qui cum
videret ad praedicationem Ioannis multos confluere, milites credere,
publicanos poenitere, totum vulgus Baptisma suscipere, ipse e converso non
solum Ioannem contemnit, sed vinculat et occidit. Glossa.
Ante etiam quam Lucas aliquid narret de actibus Iesu, dicit Ioannem ab
Herode captum; ut ostendat se solummodo ea domini facta praecipue
descripturum quae eo anno gesta sunt quo Ioannes captus est vel punitus. |
Versets 18-20.
—
Origène : Jean-Baptiste avait annoncé Jésus-Christ,
il avait prêché le baptême de l’Esprit saint et les autres vérités que nous
rapporte le récit évangélique. Mais, outre celles-là, il en prêchait d’autres
encore, comme nous le voyons par ces paroles : « Il disait beaucoup
d’autres choses au peuple dans les discours qui lui faisait. » — Théophylacte : Ses exhortations contenaient la bonne doctrine, et l’auteur sacré les appelle avec raison l’Évangile. — Origène : De même que nous lisons, dans l’Evangile selon saint Jean, que Jésus-Christ fit encore beaucoup d’autres discours, et beaucoup d’autres miracles; ainsi ces paroles de saint Luc doivent nous faire comprendre que Jean-Baptiste enseignait encore des vérités d’une trop haute portée pour pouvoir être rapportées par écrit. Nous sommes remplis d’admiration pour Jean-Baptiste, parce qu’il est le plus grand de tous ceux qui sont nés de la femme, parce que son éminente vertu l’a élevé à une si haute renommée, que plusieurs ont pensé qu’il était le Christ, mais qu’il parut bien plus admirable encore de n’avoir ni craint Hérode ni redouté la mort : « Mais Hérode le Tétrarque ayant été repris par Jean, » etc. —
Eusèbe : (hist.
ecclés., 1, 43.) Cet Hérode est appelé tétrarque
pour le distinguer de l’autre Hérode qui régnait sur la Judée lors de la
naissance du Christ : ce dernier était roi, l’autre n’était que tétrarque.
Or, il avait pour femme la fille d’Arétas, roi d’Arabie, avec laquelle il
avait contracté une union sacrilège, puisqu’elle était la femme de son frère
Philippe, et qu’elle en avait eu des enfants; car ces sortes d’unions
n’étaient permises qu’à ceux dont les frères étaient morts sans postérité.
C’est de ce crime que Jean-Baptiste avait repris Hérode. D’abord ce prince se
rendit attentif aux paroles du saint Précurseur, car il les savait pleines à
la fois de sévérité et de douceur, mais la passion qu’il avait pour Hérodiade
le portait à mépriser les reproches de Jean-Baptiste, c’est pourquoi il le
fit mettre en prison : « Il ajouta ce crime à tous les autres, dit
l’Évangéliste, et fit mettre Jean en prison. » — S. Bède : Ce ne fut point à l’époque dont il est ici question que Jean-Baptiste fut fait captif, mais d’après l’Évangile selon saint Jean, ce fut après que le Seigneur eut opéré quelques miracles, et après que la renommée de son baptême se fut répandue au loin. Cependant, saint Luc [place ici la captivité du saint Précurseur], pour faire ressortir toute la méchanceté d’Hérode, qui, voyant la foule accourir à la prédication de Jean, les soldats croire à sa parole, les publicains se convertir, tout le peuple recevoir le baptême, à l’encontre de tous les autres, non seulement ne fait aucun cas des paroles de Jean-Baptiste, mais le charge de chaînes et le fait mettre à mort. — La Glose : C’est avant que saint Luc ait commencé le récit des actions de Jésus, qu’il raconte la captivité de Jean, pour nous montrer qu’il va s’appliquer uniquement à raconter les événements qui se sont passés depuis l’année où Jean-Baptiste fut jeté dans les fers ou mis à mort. |
Lectio 7 [85785] Catena in Lc., cap. 3 l. 7 Ambrosius. Pulchre in his quae a ceteris dicta sunt, Lucas
compendium sumpsit. Et intelligendum magis quod a Ioanne
dominus baptizatus est, quam expressum reliquit; unde dicitur factum est
autem, cum baptizaretur omnis populus, et Iesu baptizato et orante, apertum
est caelum. Baptizatus est autem dominus, non mundari volens, sed mundare
aquas; ut ablutae per carnem Christi, qui peccatum non cognovit, Baptismatis
ius haberent. Gregorius
Nazianzenus. Accedit etiam Christus ad Baptismum, forsan sanctificaturus
Baptistam; quod autem nulli dubium est, ut totum veteranum Adam immergat
aquae. Ambrosius.
Quae etiam sit dominici causa Baptismatis, dominus ipse declarat, dicens :
sic decet implere omnem iustitiam. Quae est ergo iustitia, nisi quia quod
alterum tibi facere velis, prior ipse incipias, et tuo alios horteris
exemplo? Nemo igitur refugiat lavacrum gratiae, quando Christus lavacrum
poenitentiae non refugit. Chrysostomus.
Fuerat autem Baptisma Iudaicum quod sordes carnis amovebat, non
conscientiae crimina; nostrum autem Baptisma separat a peccatis, lavat
animam, et spiritus copiam elargitur. Baptisma vero Ioannis Iudaico
praestantius fuit : neque enim ad observantiam corporalium mundificationum
inducebat, sed monebat a vitio in virtutem converti : nostro vero Baptismate
minus, eo quod nec spiritum sanctum administrabat, nec remissionem quae per
gratiam sit exhibebat; cum quasi finis quidam esset utrorumque Baptismatum.
Sed neque Iudaico Baptismate, nec nostro baptizatus est Christus : quia nec
indulgentia peccatorum egebat, nec illa caro expers erat spiritus sancti quae
per spiritum sanctum ab ipso principio concepta est. Sed baptizatus est
Ioannis Baptismate, ut ex ipsa natura Baptismatis scias quia neque causa
peccati, neque propter indigentiam doni baptizatus est. Dicit autem baptizato
et orante, ut perpendas quod, suscepto Baptismate, opportuna sit iugis oratio.
Beda.
Quia etsi peccata sunt omnia in Baptismo laxata, non adhuc terrenae carnis
est fragilitas solidata : nam quasi transito mari rubro gratulamur submersos
Aegyptios; sed in deserto mundanae conversationis hostes concurrunt alii, qui
duce Christi gratia nostro sudore vincantur, donec perveniamus ad patriam.
Chrysostomus.
Dicit autem apertum est caelum, tamquam hactenus reclusum fuisset. Iam
autem ovili superno et infimo in unum redacto, et uno existente ovium
pastore, caelum patuit, et homo terricola aggregatus est Angelis. Beda.
Non enim ei caelum tunc apertum est cuius oculi interiora cernebant; sed
virtus ibi Baptismatis ostenditur, de quo quisque cum egreditur, regni
caelestis ei ianua aperitur, dumque caro innoxia frigentibus tangitur aquis,
opposita quondam noxiis rhomphaea extinguitur ignea. Chrysostomus.
Descendit etiam spiritus sanctus ad Christum tamquam ad generis nostri
principium, ut in Christo sit primo, qui non sibi, sed nobis potius illum
suscepit : unde sequitur et descendit spiritus sanctus corporali specie,
sicut columba, in ipsum. Non existimet aliquis quod cum non habuit eum,
suscepit ipsum : ipse namque illum desursum tamquam Deus mittebat; at idem ut
homo recipiebat inferius. Igitur ex eo devolavit in eum, ex ipsius deitate ad
eius humanitatem. Augustinus
de Trin. Absurdissimum autem est, cum iam triginta annorum esset,
accepisse spiritum sanctum : sed venit ad Baptismum sicut sine peccato, ita
non sine spiritu sancto. Si enim de Ioanne scriptum est : spiritus sancto
replebitur ab utero matris suae, quid de homine Christo credendum est, cuius
carnis ipsa conceptio non carnalis, sed spiritualis fuit? Nunc ergo corpus suum, idest Ecclesiam, praefigurare dignatus est, in
qua baptizati praecipue accipiunt spiritum sanctum. Chrysostomus. Redolebat illud Baptisma aliquid vetustatis, et
partim sapiebat novitatem : quod enim Baptisma susciperet a propheta,
ostendebat aliquid vetustatis : quod autem spiritus descenderit, novum
aliquid designabat. Ambrosius. Merito autem spiritus se in corpore demonstravit,
quoniam divinitatis substantia non videtur. Advertamus mysterium quare sicut
columba : simplicitatem enim lavacri requirit gratia : quoniam in typo veteri
columba quondam ad illam arcam, quae sola fuit diluvii immunis, reversa est.
Chrysostomus. Vel nunc ut mansuetudinem magistri declaret, in
specie columbina apparet; in Pentecoste autem quemadmodum ignis, ut ostendat
poenam. Cum enim oportebat delictis ignoscere, mansuetudo necessaria erat;
sed ut adepti sumus gratiam, restat examinis et iudicii tempus. Cyprianus de Simpl. Praelat. Est autem columba simplex et laetum
animal, non felle amarum, non moribus saevum, non ungulae laceratione
violentum; hospitia humana deligere, unius domus nosse consortium; cum
generant filios simul sedere; cum commeant, volatu invicem cohaerere;
conversatione communi vitam suam degere; oris osculo concordiam pacis
agnoscere; legem circa omnia unanimitatis implere. Chrysostomus. Et quidem Christus in ortu suo per plurima se
manifestaverat oracula : verum quia noluerunt advertere, cum medio latuerit
tempore, rursum se ab alio clariore patefecit principio. Non
stella, sed desuper indicabat pater in undis Iordanis, et spiritus devolabat
protrahens illam vocem super verticem eius qui baptizabatur; unde sequitur et
vox de caelo facta est : tu es filius meus dilectus, in te complacui mihi. Ambrosius.
Vidimus spiritum, sed in specie corporali; et patrem quem videre non
possumus, audiamus : invisibilis enim est pater, sed et filius invisibilis
secundum divinitatem : sed demonstrare se voluit in corpore : et quia pater
corpus non gerebat, ideo probare voluit nobis in filio sese praesentem,
dicens tu es filius meus. Athanasius
de Syn. Nyc. Sacra quidem Scriptura ex nomine filii duplicem intellectum
ostendit; unum quidem, ut in Evangelio Ioannis dicitur : dedit eis potestatem
ut fiant filii Dei; alterum autem intellectum, iuxta quem Isaac est filius
Abrahae. Christus ergo non simpliciter dicitur Dei filius, sed cum articuli
additione, ut comprehendamus quoniam ipse solus est qui revera et secundum
naturam est filius; quamobrem et unigenitus dicitur : nam si secundum
insaniam Arii dicitur filius, sicut qui hoc nomen per gratiam assequuntur; in
nullo a nobis differre videbitur. Restat ergo, secundum alium intellectum,
fatendum esse Christum filium Dei, secundum quem Isaac filius Abrahae esse
cognoscitur : quod enim ab alio naturaliter gignitur, non autem ab extrinseco
sumit exordium, filium natura recenset. Sed dicitur : numquid ut hominis est
passibilis nativitas filii? Minime; sed Deus cum sit indivisibilis,
impassibiliter pater est filii : unde verbum patris dicitur : quia nec ipsum
verbum humanum passibiliter producitur; et cum simplex sit natura divina,
unius solius filii pater est; et propter hoc additur dilectus. Chrysostomus.
Cum enim quis unum solum possidet filium, maxime diligit; si vero pater
factus sit plurium, dispertitus affectus remittitur. Athanasius.
Cum autem antea propheta protulerit Dei promissa dicentis : mittam
Christum filium meum, nunc apud Iordanem, quasi consummato promisso, decenter
subiungit in te complacui mihi. Beda.
Ac si dicat : in te placitum meum constitui, idest hoc per te gerere quod
mihi placet. Gregorius
super Ezech. Vel aliter. Omnis qui poenitendo corrigit aliqua quae fecit,
eo ipso quod poenitet, se sibi displicuisse indicat, quia emendat quod fecit.
Et quia omnipotens pater humano modo de peccatoribus locutus est, dicens :
poenitet me fecisse hominem, quasi sibimetipsi displicuit in peccatoribus
quos creavit : in solo autem Christo sibi complacuit, quia in solo eo non invenit
culpam, in qua se reprehendat quasi per poenitentiam. Augustinus
de Cons. Evang. Quod autem Matthaeus dicit : hic est filius meus, Lucas
autem tu es filius meus dilectus, ad eamdem sententiam explicandam valet : vox
enim caelestis unum horum dixit; sed Matthaeus ostendere voluit ad id valere
quod dictum est : hic est filius meus, ut illis qui potius audiebant,
indicaretur quod ipse esset filius Dei : non enim Christo indicabatur, qui
sciebat; sed audiebant qui aderant, propter quos etiam ipsa vox facta est. |
Versets 21-22.
— S. Ambroise : Saint Luc abrège à dessein ce qui a été raconté par les autres Évangélistes, et il laisse à entendre plutôt qu’il ne raconte lui-même, le baptême du Seigneur par Jean-Baptiste : « Or, il arriva que comme tout le peuple recevait le baptême, Jésus ayant été aussi baptisé et se trouvant en prière, que le ciel s’ouvrit. » Notre Seigneur voulut être baptisé, non pour se purifier, lui qui n’a pas connu le péché, mais pour communiquer aux eaux, par le contact de sa chair immaculée, la vertu de purifier les hommes dans le baptême. — S. Grégoire de Nazianze : Jésus-Christ voulut encore être baptisé, peut-être pour sanctifier Jean-Baptiste lui-même, mais sans aucun doute pour submerger dans l’eau le vieil Adam tout entier. — S. Ambroise : Notre Seigneur nous apprend d’ailleurs lui-même pourquoi il voulut recevoir le baptême, quand il dit : « C’est ainsi qu’il nous faut accomplir toute justice. » Or, en quoi consiste la justice ? à commencer par faire ce que vous voulez qu’on vous fasse à vous-mêmes et à donner le premier l’exemple. Que personne donc ne se refuse à recevoir le baptême de la grâce, quand Jésus-Christ n’a pas dédaigné de recevoir le baptême de la pénitence. — S. Jean Chrysostome : Il y avait un baptême chez les Juifs qui purifiait le corps de ses souillures, mais sans purifier la conscience de ses crimes; notre baptême, au contraire, efface les péchés, purifie l’âme et communique l’abondance de l’Esprit saint. Le baptême de Jean était supérieur au baptême des Juifs; car il ne demandait pas comme disposition nécessaire l’observance des purifications extérieures et légales, mais la conversion sincère du vice à la vertu. Cependant il était beaucoup moins efficace que le nôtre, parce qu’il ne conférait pas l’Esprit saint et ne donnait pas la rémission des péchés par la grâce [sanctifiante]; c’était comme un milieu entre ces deux baptêmes. Or, Jésus-Christ ne voulut recevoir ni le baptême des Juifs, ni le nôtre, parce qu’il n’avait aucun besoin de la rémission des péchés, et que sa chair, conçue dès le commencement par l’opération de l’Esprit saint, n’en avait jamais été séparée. Mais il voulut recevoir le baptême de Jean, pour que la nature même de ce baptême vous fasse comprendre qu’il n’était baptisé ni pour obtenir la rémission des péchés, ni pour recevoir les dons de l’Esprit saint. L’Évangéliste nous dit que Jésus ayant été baptisé, priait, pour vous apprendre qu’après avoir reçu le baptême, la prière continuelle est un devoir pour tout chrétien. — S. Bède : Tous les péchés, sans doute, sont effacés dans le baptême, mais la fragilité de cette chair périssable et mortelle est loin d’être affermie; nous nous félicitons d’avoir traversé la mer Rouge où les Égyptiens ont été engloutis (Ex 14, 17), mais nous rencontrons dans le désert de la vie du monde d’autres ennemis dont il nous faut triompher par de grands efforts, sous la conduite de la grâce de Jésus-Christ, jusqu’à ce que nous parvenions à notre patrie. — S. Jean Chrysostome : L’Évangéliste ajoute : « Le ciel s’ouvrit », comme s’il était demeuré fermé jusque-là ; mais désormais le bercail du ciel et celui de la terre n’en font plus qu’un, il n’y a plus qu’un seul pasteur des brebis, le ciel est ouvert, et l’homme, habitant de la terre, est associé aux anges [qui habitent les cieux]. — S. Bède : Le ciel ne s’ouvrit pas pour Jésus, dont les yeux pénétraient jusque dans les profondeurs des cieux, mais ce miracle eut lieu pour nous montrer la vertu du baptême; la porte du royaume des cieux est immédiatement ouverte à celui qui émerge de l’eau du baptême, et en même temps que sa chair innocente est plongée dans les eaux, le glaive de feu qui menaçait autrefois les, coupables se trouve éteint. — S. Jean Chrysostome : L’Esprit saint descendit aussi sur le Christ comme sur le principe de notre race, pour être premièrement en Jésus-Christ qui le reçut, non pas pour lui, mais bien plutôt pour nous-même : « Et l’Esprit saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe, ». Que personne donc ne pense qu’il reçut l’Esprit saint, comme s’il ne l’avait pas eu jusqu’alors; car c’est lui-même qui, comme Dieu, l’envoyait du haut du ciel, et lui-même qui le recevait comme homme sur la terre. L’Esprit saint descendait de lui, c’est-à-dire de sa divinité, pour venir se reposer sur lui, c’est-à-dire sur son humanité. — S. Augustin : (de la Trin., 15, 26.) Ce serait une énorme absurdité de penser que Jésus reçut l’Esprit saint à l’âge de trente ans; il vint alors pour recevoir le baptême sans avoir de péché, mais non sans avoir l’Esprit saint; car s’il est dit de Jean-Baptiste : « Il sera rempli de l’Esprit saint dès le sein de sa mère » (Lc 1), que doit-on penser de Jésus-Christ l’Homme-Dieu, dont la conception ne fut pas l’oeuvre de la chair, mais l’opération du Saint-Esprit ? Aujourd’hui donc il daigne porter la figure de son corps, c’est-à-dire de son Église, dans laquelle tous ceux qui sont baptisés reçoivent l’Esprit saint — S. Jean Chrysostome : Ce baptême présentait un mélange tout à la fois d’ancienneté et de nouveauté; d’ancienneté, parce que Jésus recevait le baptême des mains d’un prophète; de nouveauté, parce que l’Esprit saint descendit sur lui. — S. Ambroise : Or, le Saint-Esprit apparut à juste titre sous une forme corporelle, parce qu’il ne peut être vu dans la substance de sa divinité. Considérons encore les [autres] raisons mystérieuses pour lesquelles il apparut sous la forme d’une colombe. La grâce du baptême exige la simplicité, [et veut que nous soyons simples comme des colombes; la grâce du baptême exige aussi la paix du cœur], figurée par cette branche d’olivier qu’une colombe rapporta autrefois dans l’arche, qui fut seule préservée des eaux du déluge. — S. Jean Chrysostome : Ou bien encore, l’Esprit saint apparaît sous la forme d’une colombe, comme signe de la douceur du divin Maître, tandis que le jour de la Pentecôte, il descend sous l’image du feu, pour figurer les châtiments [réservés aux coupables]. En effet, lorsqu’il fallait pardonner les péchés, la douceur était nécessaire, mais maintenant que nous avons reçu la grâce, nous n’avons plus à attendre, [si nous sommes infidèles], que le jugement et la condamnation. — S. Cyprien : (de l’unité de l’Église.) La colombe est un animal aimable et simple, qui n’a ni fiel ni morsures cruelles, ni griffes déchirantes; elle aime l’habitation de l’homme, elle s’attache à une seule maison. Lorsque les colombes ont des petits, ni le père ni la mère ne les quittent; lorsqu’elles prennent leur essor, c’est toujours de concert; elles passent leur vie ensemble et leurs baisers réciproques sont l’expression de l’affection qui les unit et de la parfaite concorde qui ne cesse de régner entre elles. — S. Jean Chrysostome : A la naissance de Jésus-Christ, bien des oracles avaient manifesté sa divinité, mais les hommes n’y prêtèrent aucune attention. Lors donc qu’il eût mené, pour un temps, une vie cachée, il se manifesta de nouveau par des signes plus éclatants. Ce ne fut pas une étoile, mais dans les eaux du Jourdain, c’est l’Esprit saint qui descend sur lui, c’est le Père qui fait entendre sa voix au-dessus de sa tête pendant qu’on le baptise : « Et, du ciel, une voix se fit entendre : vous êtes mon Fils bien-aimé, en vous jeme suis complu.» — S.
Ambroise : Nous avons vu l’Esprit saint, mais sous
une forme visible, écoutons maintenant la voix du Père que nous ne pouvons
voir. En effet, le Père est invisible, le Fils l’est également dans sa
divinité, mais il s’est rendu visible dans le corps dont il s’est revêtu; et
comme le Père n’avait point ce corps, il a voulu nous prouver qu’il était
présent dans le Fils en disant : « Vous êtes mon Fils
bien-aimé. » — S. Athanase : La sainte Écriture donne au nom de Fils deux significations différentes, la première, comme dans ce passage de l’Évangile de Jean : « Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » ; la seconde, lorsque par exemple elle dit qu’Isaac est fils d’Abraham. Or, Jésus-Christ est appelé non pas simplement Fils de Dieu, mais avec l’addition de l’article : « Vous êtes mon Fils, » pour nous faire comprendre qu’il est le seul qui soit véritablement le Fils de Dieu par nature. Aussi est-il appelé encore : « Fils unique ». S’il était Fils de Dieu dans le sens absurde d’Arius, comme ceux qui n’obtiennent ce nom que par un effet de la grâce, il ne différerait en rien de nous autres. Il ne nous reste donc qu’à dire, dans le second sens, que Jésus-Christ est vraiment le Fils de Dieu, comme Isaac est vraiment le fils d’Abraham. En effet, celui qui est engendré naturellement par un autre, et qui ne tire point son origine d’un autre principe extérieur, est regardé comme le Fils par nature. Mais dira-t-on peut-être : Est-ce que la naissance du Fils a été accompagnée de souffrance comme la naissance de l’homme ? nullement. Dieu est indivisible, il est donc le Père impassible de son Fils, qui est appelé Verbe du Père, parce que le Verbe de l’homme lui-même est produit sans aucune souffrance. De plus, comme la nature divine est simple, Dieu est Père d’un seul Fils, c’est pourquoi il ajoute : « bien-aimé. » — S. Jean Chrysostome : Car celui qui n’a qu’un fils concentre dans ce fils toute son affection, si au contraire il est père de plusieurs enfants, son affection s’affaiblit en se répandant sur chacun d’eux. — S. Athanase
: Le prophète avait été autrefois l’organe des
promesses de Dieu, lorsqu’il disait par sa bouche : « J’enverrai le
Christ mon Fils. » Aujourd’hui que cette promesse reçoit son
accomplissement sur les bords du Jourdain, Dieu ajoute : « J’ai mis
en vous mes complaisances. » — S. Bède : Comme s’il disait : J’ai mis en vous mon bon plaisir, c’est-à-dire j’ai résolu d’exécuter par vous toutes mes volontés. — S. Grégoire : (hom. 8 sur Ezéch.) Ou bien dans un autre sens, tout homme qui répare, en se repentant, le mal qu’il a commis; par le fait même de son repentir, indique qu’il se déplaît à lui-même, puisqu’il corrige le mal qu’il a fait. Ainsi le Père tout-puissant a parlé des pécheurs à la manière des hommes, quand il a dit : « Je me repens d’avoir fait l’homme, » et pour ainsi parler, il s’est déplu dans les pécheurs qu’il a créés. Mais Jésus-Christ est le seul dans lequel il s’est complu, parce qu’il est le seul dans lequel il n’a point trouvé de faute qui pût devenir pour lui l’objet d’un blâme ou d’un repentir. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 14.) D’après saint Matthieu, Dieu aurait dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » ; d’après saint Luc : « Vous êtes mon Fils bien-aimé » ; mais ces deux variantes expriment la même pensée. La voix céleste ne s’est servi que de l’une des deux, mais saint Matthieu a voulu montrer que ces paroles « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, » avaient surtout pour objet de faire connaître à ceux qui les entendaient, que Jésus était le Fils de Dieu, car elles ne pouvaient apprendre à Jésus-Christ ce qu’il savait, c’est donc pour ceux qui étaient présents que cette voix se fit entendre. |
Lectio 8 [85786] Catena in Lc., cap. 3 l. 8 Origenes in Lucam. Cum autem baptizatum dominum dixisset,
generationem domini exponit, non a superioribus ad inferiora deducens, sed a
Christo usque ad ipsum pervenit Deum; unde dicit et ipse Iesus erat incipiens
quasi annorum triginta. Quando enim baptizatus est, et mysterium secundae
generationis assumpsit, tunc dicitur incepisse, ut tu quoque priorem
nativitatem destruas, et in secunda regeneratione nascaris. Gregorius
Nazianzenus. Est ergo considerandum qui esset qui baptizatus est, et a
quo, et quando. Mundus siquidem, et a Ioanne, et iam inceptis miraculis; ut
ex hinc suscipiamus doctrinam nos praemundandi, et humilitatem amplexandi,
quin et in perfectione et spiritualis et carnalis aetatis praedicandi :
quorum primum dictum est Baptisma suscipientibus, et non praemunientibus se
per habitum bonum; nam etsi relaxationem peccatorum faciat donum Baptismi,
verendum tamen est ne ad eumdem vomitum revertamur. Secundum dictum est
adversus insurgentes contra dispensatores mysterii : siquidem ipsi dignitate
praecellunt. Tertium editum est illis qui de iuventa confidunt, et quodlibet
tempus arbitrantur ad praelationem vel doctrinam spectare. Purgatur Iesus, et
tu purgationem contemnis; a Ioanne, ac tu in tuum monitorem insurgis;
tricenarius, tu autem docendo seniores, lanuginem praevenis. Sed adsunt
Danielis et similium exempla in ore : nam quilibet noxius ad respondendum
paratus est. Non est autem lex Ecclesiae quod raro contingit, eo quod nec
unica hirundo ver statuit. Chrysostomus.
Vel idcirco usque ad illam aetatem quae cuncta peccata recipit, expectat, totam
legem perficiens, ne quis dicat, quod ideo legem solvit, quod eam non poterat
consummare. Graecus. Ob hoc etiam tricenarius accedit ad Baptisma, ut ostendat
quod spiritualis regeneratio viros parit perfectos secundum spiritualem
aetatem. Beda. Potest etiam tricenalis baptizati salvatoris aetas, nostri
etiam Baptismatis intimare mysterium, propter fidem scilicet Trinitatis, et
operationem Decalogi. Gregorius Nazianzenus. Baptizandus est tamen infantulus,
si necessitas urgeat : nam utilius est insensibiliter sanctificari, quam non
signatos transmigrare. Sed dices : Christus tricenarius baptizatur, cum Deus
esset; tu vero iubes accelerare Baptisma. Sed cum dixisti : Deus, id obiectum
solvisti. Ipse non indigebat purgamine, nec aliquod imminebat ei periculum
dum differret Baptisma; at tibi in parvum non redundat piaculum, si
transmigres in corruptione natus, non autem incorruptionis veste indutus. At forsan times ne baptizatus Baptismatis munditiam custodias et
propterea differs Baptismum. Sed melius est nonnunquam
parumper inquinari, quam omnino gratia carere. Cyrillus.
Licet tamen Christus secundum carnem careat patre, suspicabantur aliqui
eum patrem habere; unde sequitur ut putabatur filius Ioseph. Ambrosius
in Lucam. Bene ut putabatur, qui vere non erat; sed ideo putabatur, quia
eum Maria, quae Ioseph viro suo erat desponsata genuerat. Cur autem Ioseph
magis quam Mariae generatio describitur, cum Maria de spiritu sancto genuerit
Christum, et Ioseph a generatione domini videatur alienus, dubitare possemus,
nisi consuetudo nos instrueret Scripturarum, quae semper viri originem
quaerit : maxime cum in Ioseph origine etiam origo sit Mariae : nam cum vir
iustus fuerit Ioseph, utique ex tribu sua et ex patria sua accepit uxorem :
itaque et census tempore ascendit Ioseph de domo et de patria David, ut
profiteretur cum Maria uxore sua. Quae ex eadem domo et ex eadem patria
professionem defert, utique eiusdem tribus et eiusdem patriae se esse designat
: unde generationem Ioseph explicans subdit qui fuit Heli. Illud autem
advertamus, quod sanctus Matthaeus Iacob, qui fuit pater Ioseph, filium
Nathan esse commemorat; Lucas vero Ioseph, cui desponsata fuit Maria, filium
Heli esse descripsit. Quomodo unius duo patres, scilicet Heli et Iacob, esse
potuerunt? Gregorius
Nazianzenus. Dicunt autem quidam quod unica est successio a David usque ad
Ioseph; licet diversis nominibus ab utroque Evangelista narratur. Sed hoc
absurde fatentur : quoniam initium huius generationis duos fratres obtinuit,
Nathan scilicet et Salomonem : unde generationes diversimode profluxerunt.
Eusebius
Eccl. Hist. Ipsorum ergo verborum sententiae intellectum attentius
explicemus : si enim approbante Matthaeo Ioseph esse filium Iacob, Lucas
similiter approbasset Ioseph esse filium Heli, esset aliqua controversia.
Ceterum cum approbante Matthaeo, Lucas plurium opinionem declararet, non
propriam, dicens ut putabatur, non arbitror aliquod relinqui dubium. Cum enim
essent inter Iudaeos diversae opiniones de Christo, et omnes reducerent ipsum
ad David propter promissiones ei factas; plurimi autem assererent Christum a
David esse futurum per Salomonem et alios reges; quidam hanc opinionem
vitabant, eo quod plurima de regibus dicuntur enormia; et quia de Iechonia
Ieremias dixit, quod non oriretur semen ex eo collocandum in sede David :
quorum opinionem commemorat Lucas, sentiens enarrare Matthaeum qualis esset
veritas generationis : et haec est prima ratio. Est et alia profundior.
Matthaeus enim cum inciperet scribere ante conceptionem Mariae, et carnalem
nativitatem Iesu, opportune velut in historia praemittit carnalem progeniem :
unde et generationem a superioribus derivat descendens : cum enim verbum Dei
carnem acciperet, descendebat. Sed Lucas ad factam per lavacrum
regenerationem prosilit, et ibi aliam generum successionem exponit, et ab
imis ad prima sublevans, pariter et peccatorum, quos narravit Matthaeus,
memoriam abdicat (eo quod quicumque in Deo renascitur, sit alienus a
criminosis parentibus, Dei filius factus), et eorum qui secundum Deum vitam
duxerunt honestam, meminit. Sic enim Abrahae dictum est : tu proficisceris ad
patres tuos, non quidem carnales, sed in Deo patres, propter similitudinem
honestatis. Igitur ei qui in Deo nascitur ascribit parentes, qui sunt
secundum Deum per aequiparantiam morum. Augustinus
de quaest. Nov. et Vet. Testam. Vel aliter. Matthaeus a David per
Salomonem descendit ad Ioseph; Lucas vero ab Heli, qui tempore fuit salvatoris,
ascendit per traducem Nathan filii David, et Heli et Ioseph iunxit tribum,
ostendens unius generis esse utrumque; ac per hoc non solum Ioseph filium
esse salvatorem, sed et Heli. Ipsa enim ratione qua Ioseph filius dicitur
esse salvator, ipsa etiam est Heli filius, et caeterorum omnium qui de eadem
tribu sunt. Hinc est quod dicit apostolus : quorum patres, et ex quibus
Christus secundum carnem. Augustinus
de quaest. Evang. Vel tres causae concurrunt, quarum aliquam Evangelista
secutus sit : aut enim unus Evangelista patrem eius a quo genitus est,
nominavit, alter vero vel avum maternum, vel aliquem de cognatis maioribus
posuit : aut unus erat Ioseph naturalis pater et alter eum adoptavit : aut
more Iudaeorum, cum sine filiis unus decessisset, eius uxorem propinquus
recipiens, filium quem genuit propinquo mortuo deputavit. Ambrosius.
Traditur enim, Nathan, qui a Salomone genus duxit, Iacob generasse filium,
et uxore superstite decessisse, quam postea Melchi accepit uxorem, ex qua
generatus est Heli; rursus Heli, fratre Iacob sine liberis decedente,
copulatus est fratris uxori, et generavit alium Ioseph, qui iuxta legem
Iacobi filius dicitur : quoniam semen fratris defuncti iuxta legis veteris
seriem suscitabat. Beda.
Vel aliter. Iacob fratris Heli sine liberis defuncti uxorem de mandato
legis accipiens genuit Ioseph, natura quidem germinis filium suum, secundum
vero legis praeceptum efficitur filius Heli. Augustinus
de quaest. Nov. et Vet. Testam. Probabilius enim intelligimus Lucam
adoptantis originem tenuisse, qui noluit Ioseph genitum dicere ab illo cuius
filium esse narravit. Commodius enim filius dictus est eius a quo fuerat
adoptatus, quam diceretur ab illo genitus cuius carne non erat natus.
Matthaeus autem dicens : Abraham genuit Isaac, Isaac autem genuit Iacob,
atque in hoc verbo, quod est genuit, perseverans donec in ultimo diceret :
Iacob autem genuit Ioseph, satis expressit ad eum se patrem perduxisse
originem generantium, a quo Ioseph non adoptatus, sed genitus erat. Quamquam
si etiam genitum Lucas diceret Ioseph ab Heli, nec sic nos hoc verbum
perturbare deberet : neque enim absurde quisque dicitur non carne, sed
caritate genuisse quem sibi filium adoptavit. Merito autem Lucas adoptionis
originem suscepit : quia per adoptionem efficiuntur filii Dei; per carnalem
vero generationem filius Dei potius propter nos filius hominis factus est.
Chrysostomus.
Quia vero haec pars Evangelii consistit in serie nominum, nihil pretiosum
exinde acquiri existimant. Ne igitur hoc patiamur, experiamur etiam hunc
passum scrutari. Est enim ex nudis nominibus copiosum haurire thesaurum, quia
plurimum rerum indicativa sunt nomina : nam et divinam clementiam, et oblatas
a mulieribus gratiarum actiones sapiunt : cum enim filios impetrabant, nomen
imponebant a dono. Glossa.
Interpretatur igitur Heli, Deus meus, vel scandens; qui fuit Mathat, idest
donans peccata; qui fuit levi, idest additus. Ambrosius.
Pulchre Lucas, quoniam filios Iacob non poterat plures comprehendere, ne
extra generationes evagari superflua serie videretur, licet in aliis longe
posterioribus patriarcharum tamen antiqua nomina non praetermittenda
arbitratus est : Ioseph, Iudae, Simeonis et levi. Quatuor enim genera in his cognoscimus fuisse virtutum : in Iuda
passionis dominicae per figuram mysterium prophetatum; in Ioseph praecessisse
castitatis exemplum, in Simeone vindictam pudoris; in levi officium
sacerdotis; unde
sequitur qui fuit Melchi, idest rex meus; qui fuit Ianne, idest dextera; qui
fuit Ioseph, idest accrescens (fuit autem alius iste Ioseph); qui fuit
Mathathiae, idest donum Dei, vel aliquando; qui fuit Amos, idest onerans, vel
oneravit; qui fuit Nahum, idest consolatio, vel consolans; qui fuit Hesli,
idest, adiuva me; qui fuit Nagge, idest meridies, vel meridianum; qui fuit
Mahath, idest desiderium; qui fuit Mathathiae, ut supra; qui fuit Semei,
idest obediens; qui fuit Ioseph, idest augmentum; qui fuit Iuda, idest
confitens; qui fuit Ioanna, idest dominus, vel gratia eius, vel dominus
misericors; qui fuit Resa, idest misericors; qui fuit Zorobabel, idest
princeps, vel magister Babylonis; qui fuit Salathiel, idest petitio mea Deus;
qui fuit Neri, idest lucerna mea; qui fuit Melchi, idest regnum meum; qui
fuit addi, idest robustus, vel violentus; qui fuit Cosan, idest dominans; qui
fuit Helmadam, quod est Dei mensura; qui fuit Her, quod est vigilans, vel
vigilia, vel pelliceus; qui fuit Iesu, quod est salvator; qui fuit Eliezer,
idest Deus meus adiutor; qui fuit Iorim, idest dominus exultans, vel
exaltans; qui fuit Mathat, ut supra; qui fuit levi, ut supra; qui fuit
Simeon, id est audivi tristitiam, vel signum; qui fuit Iuda, ut supra; qui
fuit Ioseph, ut supra; qui fuit Iona, idest columba, vel dolens; qui fuit
Eliakim, quod est Dei resurrectio; qui fuit Melcha, idest rex eius; qui fuit
Menna, quod est viscera mea; qui fuit Mathathiae, idest donum; qui fuit
Nathan, idest dedit, vel dantis. Ambrosius.
Per Nathan autem expressam advertimus prophetiae dignitatem; ut quia unus
omnis Christus Iesus, in singulis quoque maioribus genera virtutum diversa
praecederent. Sequitur qui fuit David. Origenes
in Lucam. Dominus descendens in mundum, assumpsit peccatorum hominum
personam, et nasci voluit de stirpe Salomonis, ut refert Matthaeus, cuius peccata
scripta sunt, et ceterorum, ex quibus multi fecerunt malum in conspectu Dei.
Quando vere ascendit, et secundo per Baptismum ortus esse describitur, ut
refert Lucas, non per Salomonem, sed per Nathan nascitur, qui arguit patrem
super Uriae morte, ortuque Salomonis. Augustinus
in Lib. Retract. Dicendum autem, quod huiusmodi nominis propheta arguit
David, ne putetur idem fuisse homo, cum alter fuerit. Gregorius
Nazianzenus. Sed a David ultra, secundum utrumque Evangelistam, est
generis processus indivisibilis; unde sequitur qui fuit Iesse. Glossa.
Interpretatur David manu fortis, Iesse incensum. Sequitur qui fuit Obed,
quod est servitus; qui fuit Booz, quod est fortis; qui fuit Salomon, quod est
sensibilis, vel pacificus; qui fuit Naasson, quod est augurium, vel
serpentinus; qui fuit Aminadab, idest populus voluntarius; qui fuit aram,
quod est erectus, vel excelsus; qui fuit Esron idest sagitta; qui fuit
Phares, quod est divisio; qui fuit Iudae, idest confitens; qui fuit Iacob,
quod est supplantator; qui fuit Isaac, quod est risus, vel gaudium; qui fuit
Abraham, quod est pater multarum gentium, vel videns populum. Chrysostomus.
Matthaeus quidem tamquam qui Iudaeis scribebat, nihil statuit ulterius
scribere nisi quod ab Abraham et David Christus processerat : hoc enim maxime
placabat Iudaeos. Lucas vero, sicut qui omnibus communiter loquebatur,
ulterius protendit sermonem, attingens usque ad Adam; unde sequitur qui fuit
Thare. Glossa.
Quod interpretatur exploratio, sive nequitia; qui fuit Nachor, quod est
requievit lux; qui fuit Sarug, quod est corrigia, vel comprehendens lorum,
vel perfectio; qui fuit Ragau, quod est aegrotus, vel pascens; qui fuit
Phaleg, quod est dividens, vel divisum; qui fuit Heber, quod est transitus;
qui fuit sale, quod est tollens; qui fuit Cainan, quod est lamentatio, vel
possessio eorum. Beda. Nomen et generatio Cainan, iuxta Hebraicam veritatem neque in
Genesi, neque in verbis dierum invenitur, sed Arphaxad Selaa vel sale filium
nullo interposito genuisse perhibetur. Scito ergo Lucam hanc generationem de
Septuaginta interpretum editione sumpsisse, ubi scriptum est quod Arphaxad
centum triginta quinque annorum genuerit Cainan, et ipse Cainan cum triginta
quinque fuerit annorum, genuerit sale. Sequitur qui fuit
Arphaxad. Glossa.
Quod est sanans depopulationem; qui fuit Sem quod est nomen, vel
nominatus; qui fuit Noe, quod est requies. Ambrosius.
Noe quidem iusti inter dominicas generationes commemoratio non debuit
praetermitti : ut quia aedificator Ecclesiae nascebatur, eum sui generis
auctorem praemisisse videatur qui eam in typo ante fundaverat. Qui fuit
Lamech. Glossa.
Quod est humiliatum vel percutiendum, percussum vel humilem; qui fuit
Mathusalem, quod est mortis emissio, vel mortuus est, et interrogavit. Ambrosius.
Huius ultra diluvium numerantur anni; ut quoniam solus est Christus unus,
cuius vita nullam sentit aetatem, in maioribus quoque suis non sensisse
diluvia videretur. Qui fuit Enoch : et hic pietatis dominicae et divinitatis
manifestum indicium est, eo quod nec mortem senserit dominus, et ad caelum
remeaverit, cuius generis auctor raptus ad caelum est. Unde manifestum est
Christum potuisse non mori, sed voluisse, ut nobis mors illa prodesset : et
ille quidem raptus ne malitia mutaret cor eius; dominus autem, quem malitia
saeculi mutare non poterat, eo unde venerat, naturae suae maiestate remeavit.
Beda.
Pulchre autem a baptizato Dei filio usque ad Deum patrem ascendens,
septuagesimo gradu Enoch ponit, qui dilata morte translatus est in Paradisum;
ut significet eos qui in gratiam adoptionis filiorum ex aqua et spiritu
sancto regenerantur, interim post corporis absolutionem, aeternam
suscipiendos in requiem : septuagenarius enim, propter septimam sabbati,
illorum requiem significat qui iuvante Dei gratia Decalogum legis impleverunt.
Glossa.
Interpretatur autem Enoch dedicatio; qui fuit Iared, quod est defendens,
sive continens; qui fuit Malaleel, quod est laudatus Dei, vel laudans Deum;
qui fuit Cainan, ut supra; qui fuit Enos, idest homo desperans, vel violentus;
qui fuit Seth, quod est positio sive posuit. Ambrosius. Seth posterior filius Adae non siletur; ut cum duae sint
populi generationes, significaretur in typo, in posteriore potius quam in
priore generatione Christum numerandum. Sequitur qui fuit
Adam. Glossa.
Quod est homo, vel terrenus, vel indigens. Qui fuit Dei. Ambrosius.
Quid pulchrius potuit convenire quam ut sancta generatio a Dei filio
inciperet, et usque ad Dei filium duceretur; creatusque praecederet in
figura, ut natus in veritate sequeretur; ad imaginem factus praeiret, propter
quem Dei imago descenderet? Putavit etiam Lucas ad
Deum Christi originem referendam, quod verus Christi generator Deus sit, vel
secundum generationem veram pater, vel secundum lavacrum et regenerationem
mystici auctor numeris. Et ideo non a principio generationem eius coepit
describere, sed posteaquam Baptisma eius explicuit; ut secundum naturam et
secundum gratiam Dei filium demonstraret. Quod autem evidentius divinae
generationis indicium, quam quod de generatione dicturus patrem praemisit
loquentem tu es filius meus dilectus? Augustinus. De Cons. Evang. Satis etiam per hoc demonstravit, non
se ideo dixisse Ioseph filium Heli, quod de illo genitus : sed quod ab illo potius
fuerit adoptatus; cum etiam ipsum Adam filium dixit, cum sit factus a Deo;
sed per gratiam, quam postea peccando amisit, tamquam filius in Paradiso
constitutus sit. Theophylactus. Ideo etiam generationem finit in Deum, ut addiscamus
quod qui in medio sunt patres, Christus ad Deum eriget, et filios Dei faciet;
et ut etiam crederetur Christi generatio sine semine fuisse; quasi dicat : si
non credis quod secundus Adam factus sit sine semine, devenias ad primum Adam
: invenies enim absque semine factum a Deo. Augustinus de Cons. Evang. Et Matthaeus quidem significare voluit
dominum descendentem ad nostram mortalitatem; ideo generationes ab Abraham
usque ad Christi nativitatem descendendo commemoravit ab initio Evangelii
sui. Lucas autem non ab initio, sed a Baptismo Christi generationes narrat,
nec descendendo, sed ascendendo, tamquam sacerdotem in expiandis peccatis
magis assignans; cui Ioannes testimonium perhibuit dicens : ecce qui tollit
peccata mundi. Ascendendo autem pervenit ad Deum, cui mundati et expiati
reconciliamur. Ambrosius. Nec sic Evangelistae discrepare videantur, qui veterem
ordinem sunt secuti. Nec mireris, si ab Abraham plures secundum Lucam
successiones usque ad Christum sunt, pauciores secundum Matthaeum, cum per
alias personas generationem fatearis esse decursam. Potest enim fieri ut alii
longaevam transegerint vitam, alterius vero generationis viri immatura aetate
decesserint : cum videamus quam plures senes cum suis nepotibus vivere, alios
vero viros statim filiis obire susceptis. Augustinus de Cons. Evang. Convenientissime autem Lucas baptizato
domino generationes per septuaginta septem personas sursum versus numerat;
nam et ascensus ad Deum, cui per peccatorum abolitionem reconciliamur, expressus
est; et per Baptismum fit homini omnium remissio peccatorum, quae illo numero
significantur : nam undecies septem, septuaginta et septem sunt : in denario
autem perfectio beatitudinis est; unde manifestum est quod transgressio
denarii designat peccatum per superbiam plus aliquid habere cupientis. Hoc
autem septies propterea ducitur, ut motu hominis facta significetur illa
transgressio : ternario enim numero incorporea pars hominis significatur;
quaternario vero corpus; motus autem in numeris non exprimitur, cum dicimus :
unum, duo, tria; sed cum dicimus : semel, bis, ter. Unde
per septies undecim significatur motu hominis facta transgressio. |
Versets 23-38.
— Origène : (hom. 28.) Après avoir raconté le baptême du Seigneur, l’Évangéliste donne sa généalogie, non point en descendant des pères aux enfants, mais en remontant de Jésus-Christ jusqu’à Dieu même : « Or Jésus avait, quand il commença son ministère, environ trente ans ». Saint Luc dit qu’ « il commença », lorsqu’il eut reçu dans le baptême, comme une seconde et mystérieuse naissance, pour vous enseigner la nécessité de détruire la première naissance, afin de renaître mystérieusement une seconde fois. — S. Grégoire : (disc. 39.) Considérons quel est celui qui est baptisé, de qui il reçoit le baptême et quand. C’est celui qui est la pureté même, qui reçoit le baptême des mains de Jean, après qu’il a déjà commencé à opérer des miracles, apprenons de là l’obligation de purifier d’abord notre âme, de pratiquer l’humilité, et de ne point nous charger du ministère de la prédication avant d’avoir atteint l’âge parfait aussi bien pour l’esprit que pour le corps. La première de ces leçons s’adresse à ceux qui veulent recevoir le baptême sans aucune disposition, sans y être aucunement préparés par une vie bonne, [sans y apporter cette vertu solide qui garantit les effets de la justification par la grâce], car le baptême remet sans doute et efface les péchés passés, mais on doit toujours craindre de retourner à son vomissement. La seconde leçon est pour ceux qui se montrent dédaigneux à l’égard des dispensateurs des saints mystères qu’ils voient plus élevés en dignité. La troisième leçon s’adresse à ceux qui, pleins de confiance dans leur jeunesse, s’imaginent qu’on peut à tout âge se charger de l’enseignement ou des fonctions [redoutables de l’épiscopat]. Eh quoi ! Jésus s’abaisse jusqu’à se purifier, et vous, vous dédaignez fièrement de le faire. [Il s’humilie jusqu’à recevoir le baptême] des mains de Jean-Baptiste, et vous affectez vis-à-vis de votre Maître un esprit d’indocilité ? Jésus a trente ans lorsqu’il commence à enseigner, et vous à peine sorti de l’adolescence, vous croyez pouvoir enseigner les vieillards, [sans avoir ni l’autorité de l’âge ni celle qui vient de la vertu] ? M’alléguerez-vous l’exemple de Daniel et d’autres semblables, car celui qui fait mal est toujours prêt à justifier sa conduite. Je vous répondrai, moi, que ce qui arrive rarement, ne fait pas loi dans l’Église; une seule hirondelle ne fait pas le printemps [(on n’est pas géomètre pour avoir tracé une seule ligne, on n’est pas bon pilote après une seule navigation)]. — S. Jean Chrysostome : On peut dire encore que Jésus attend pour accomplir toute la loi, l’âge où l’on est capable de tous les péchés, afin qu’on ne pût dire qu’il détruisait la loi parce qu’il ne pouvait l’observer. — Chronique des Pères grecs : (Séver. d’Antioch.) On peut dire aussi qu’il reçoit le baptême à trente ans, pour montrer que la régénération spirituelle rend les hommes parfaits en proportion de l’âge spirituel. — S. Bède : Enfin on peut dire que Notre Sauveur a voulu être baptisé à l’âge de trente ans comme figure du mystère de notre baptême, où nous faisons profession de croire à la sainte Trinité et de pratiquer les préceptes du Décalogue. — S. Grégoire de Naz. : (Disc. 40.) Cependant on doit baptiser les petits enfants s’il y a nécessité, car il vaut mieux recevoir la justification sans en avoir la conscience, que de sortir de cette vie sans être marqué du signe sacré du baptême. Vous me direz peut-être : Quoi ! Jésus-Christ qui était Dieu, attend l’âge de trente ans pour se faire baptiser, et vous voulez qu’on se hâte de recevoir le baptême ? En reconnaissant que Jésus-Christ était Dieu, vous avez répondu à cette objection. Il n’avait aucun besoin d’être purifié, il ne courait aucun danger en différant de recevoir le baptême; pour vous, au contraire, vous vous exposez au plus grand des malheurs, si vous quittez cette vie avec cette seule naissance qui vous a engendré à une vie de corruption, et sans être revêtu du vêtement incorruptible de la grâce. Sans doute vous craignez que, baptisé, vous ne puissiez garder la pureté du baptême et c’est pourquoi vous différez l’âge du baptême. Mais il vaut mieux s’exposer à quelques légères souillures que d’être entièrement privé de la grâce qui sanctifie. — S. Cyrille : Quoique Jésus-Christ n’eût pas de père selon la chair, on croyait assez généralement qu’il en avait un, c’est cette opinion que l’Évangéliste exprime en disant : « Etant, comme l’on croyait, fils de Joseph. » — S. Ambroise : Cette expression, « comme l’on croyait, » est très juste, car il ne l’était pas en effet, mais il passait pour l’être, parce que Marie sa mère était l’épouse de Joseph. Mais pourquoi donner la généalogie de Joseph plutôt que celle de Marie, alors que Marie a enfanté Jésus-Christ par l’opération de l’Esprit saint, et que Joseph est tout à fait étranger à cette divine naissance ? Nous aurions lieu d’en être surpris, si nous ne savions que c’est la coutume de l’Écriture, de remonter toujours à l’origine du mari [plutôt que de la femme], ce qui est ici d’autant plus naturel, que Marie et Joseph avaient une même origine. En effet, comme Joseph était un homme juste, il dut choisir une épouse de sa tribu et de sa famille. Aussi à l’époque du dénombrement, nous voyons Joseph, qui était de la maison et de la famille de David, se rendre à Bethléem pour s’y faire inscrire avec Marie son épouse, [qui était enceinte]. Puisqu’elle se fait inscrire comme étant de la même tribu et de la même famille, c’est qu’elle en était en effet; voilà donc pourquoi l’Évangéliste nous donne la génération de Joseph et la commence ainsi : « qui fut fils d’Héli. » Mais remarquons que d’après saint Matthieu, Jacob, qui fut père de Joseph, est fils de Nathan, tandis que d’après saint Luc, Joseph, époux de Marie, est fils d’Héli. Or, comment un seul et même homme peut-il avoir deux pères, Héli et Jacob ? — S. Grégoire de Naz. : Quelques-uns prétendent qu’il n’y a qu’une seule généalogie de David à Joseph, mais reproduite sous des noms différents par les deux Evangélistes. Mais cette opinion est tout simplement absurde, puisque en tête de cette généalogie, nous voyons deux frères, Nathan et Salomon, tous deux souches de deux générations tout à fait distinctes. — Eusèbe : (Hist. eccl., 1, 6.) Entrons plus avant dans l’intelligence de ces paroles si tandis que saint Matthieu affirme que Joseph est fils de Jacob, saint Luc, de son côté, affirmait également que Joseph est fils d’Héli, il y aurait quelque difficulté. Mais comme en face de l’affirmation de saint Matthieu, saint Luc ne fait qu’exprimer l’opinion d’un certain nombre de personnes, et non pas la sienne, en disant : « comme l’on croyait, » il ne peut y avoir de place pour le doute. En effet, il y avait parmi les Juifs diverses opinions sur la personne du Christ; tous le faisaient descendre de David par suite des promesses que Dieu lui avait faites; mais la plupart croyaient qu’il devait descendre de David par Salomon et par les autres rois ses successeurs, tandis que d’autres rejetaient cette opinion à cause des crimes énormes dont plusieurs de ces rois s’étaient rendus coupables, et aussi parce que Jérémie avait prédit de Jéchonias, qu’aucun rejeton de sa race ne s’assoierait sur le trône de David (Jr 21). Or, c’est cette dernière opinion que rapporte saint Luc, bien qu’il sût que la généalogie rapportée par saint Matthieu fût seule la vraie. A cette première raison nous pouvons en ajouter une plus profonde; saint Matthieu commence son Évangile avant le récit de la conception et de la naissance temporelle de Jésus-Christ; il était donc naturel qu’il fit précéder ce récit, comme dans toute histoire, de la généalogie de ses ancêtres selon la chair. Voilà pourquoi il donne cette généalogie en descendant des ancêtres aux enfants, parce qu’en effet le Verbe divin est descendu en se revêtant de notre chair. Saint Luc, au contraire, saute comme d’un bond jusqu’à la nouvelle naissance que Jésus semble prendre dans les eaux du baptême, et il dresse une autre généalogie en remontant des derniers aux premiers, [des enfants à leurs pères]. De plus, il passe sous silence le nom des rois coupables que saint Matthieu avait inséré dans sa généalogie, parce que tout homme qui reçoit de Dieu une nouvelle naissance, devient étranger à ses parents coupables, en qualité d’enfant de Dieu, et il ne fait mention que de ceux qui ont mené une vie vertueuse aux yeux de Dieu. Car ainsi qu’il fut dit à Abraham : « Vous irez rejoindre vos pères, » (Gn 15), non pas vos pères selon la chair, mais vos pères selon Dieu, à cause de la conformité de votre vie avec leurs vertus. Ainsi saint Luc donne à celui qui a reçu de Dieu une nouvelle naissance des ancêtres selon Dieu, à cause de la ressemblance de moeurs qui existe entre les pères et les enfants. — S.
Augustin : (quest.
sur l’Anc. et le Nouv. Test., quest. 65.) Ou bien
encore, saint Matthieu descend de David par Salomon jusqu’à Joseph; saint Luc
au contraire remonte d’Héli contemporain du Sauveur par la ligne de Nathan
fils de David, et il réunit les tribus d’Héli et de Joseph; montrant ainsi
qu’ils sont de la même famille, et qu’ainsi le Sauveur n’est pas seulement
fils de Joseph, mais d’Héli. Par la même raison, en effet, que le Sauveur est
appelé fils de Joseph, il est aussi le fils d’Héli et de tous les ancêtres de
la même tribu; vérité que l’Apôtre exprime en ces termes : « qui ont
pour pères les patriarches, et de qui est sorti selon la chair
Jésus-Christ. » — S. Augustin : (quest. év., 2, 5.) On peut donner trois différentes explications de cette divergence entre les deux généalogies de saint Matthieu et de saint Luc : ou bien, l’un donne le nom du père de Joseph, l’autre celui de son aïeul maternel ou d’un de ses ancêtres; ou bien d’un côté nous avons le père naturel de Joseph, de l’autre son père adoptif; ou bien encore l’un des deux [qui nous sont donnés comme pères de Joseph], étant mort sans enfants, son plus proche parent aura épousé sa femme, selon la coutume des Juifs, et donné ainsi un enfant à celui qui était mort. — S. Ambroise : La tradition nous apprend en effet, que Nathan qui descend de Salomon, eut un fils nommé Jacob, et mourut avant sa femme que Melchi épousa, et dont il eut un fils appelé Héli. Jacob à son tour étant mort sans enfants, Héli épousa la femme de son frère et en eut pour fils un autre Joseph, qui, d’après la loi, est appelé fils de Jacob, parce qu’Héli, conformément aux dispositions de la loi (Dt 25), donnait des enfants à son frère mort. — S. Bède : Ou bien encore, on peut dire que Jacob, pour obéir à la loi, a épousé la femme de son frère Héli, mort sans enfants, et qu’il en eut Joseph, qui était son fils dans l’ordre naturel, mais qui d’après les prescriptions de la loi, était le fils d’Héli. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 1, 3.) Il est plus probable que saint Luc nous a donné la généalogie des ancêtres adoptifs de Joseph, puisqu’il ne dit pas que Joseph ait été engendré par celui dont il l’appelle le fils. On conçoit mieux, en effet, qu’on puisse appeler un homme le fils de celui qui l’a adopté, que de dire qu’il a été engendré par celui qui n’est pas son père naturel. Saint Matthieu, au contraire, en s’exprimant de la sorte : « Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, » et en continuant ainsi jusqu’à la fin de la généalogie, qu’il termine en disant : « Jacob engendra Joseph, » nous indique assez clairement qu’il a voulu donner la généalogie des ancêtres naturels de Joseph, plutôt que la généalogie de ses ancêtres adoptifs. Mais supposons même que saint Luc ait dit que Joseph ait été engendré par Héli, il n’y aurait pas de quoi nous troubler; ne peut-on pas dire en effet, sans absurdité, que celui qui adopte un fils l’engendre, non selon la chair, mais par l’affection qu’il lui porte ? Or saint Luc nous donne la généalogie des ancêtres adoptifs de saint Joseph, parce que c’est la foi au Fils de Dieu qui nous fait enfants adoptifs de Dieu, tandis que la généalogie naturelle nous apprend plutôt que c’est pour nous que le Fils de Dieu est devenu Fils de l’homme. — S. Jean Chrysostome : (hom. 31 sur l’Ep. aux Rom.) Comme cette partie de l’Évangile ne se compose que d’une suite de noms, elle ne parait offrir à quelques-uns rien de bien important. Pour ne pas tomber dans cette erreur, approfondissons cette partie de l’Évangile, car on peut trouver un riche trésor dans ces noms qui, pour la plupart, renferment de précieuses significations, puisqu’ils nous rappellent la bonté divine et la pieuse reconnaissance des saintes femmes qui donnaient aux enfants qu’ils avaient obtenus un nom commémoratif de la grâce qu’ils avaient reçue. — La Glose : (interlin.) Héli
signifie mon Dieu, ou celui qui monte, il fut fils de
Mathat, c’est-à-dire qui pardonne les
péchés, qui fût fils de Lévi, c’est-à-dire qui est ajouté. — S. Ambroise : Saint Luc ne pouvait faire entrer dans sa généalogie un plus grand nombre des enfants de Jacob, sous peine de s’étendre inutilement dans une série de noms étrangers au but qu’il se proposait; cependant il n’a point voulu passer entièrement sous silence les noms antiques et vénérables des patriarches, et il choisit entre tous les autres, Joseph, Juda, Siméon et Lévi : en eux nous reconnaissons quatre espèces de vertus. Juda, en effet, est la figure prophétique du mystère de la passion du Seigneur; Joseph est le parfait modèle de la chasteté; Siméon, le vengeur de la pudeur outragée, et Lévi, le représentant du ministère sacerdotal. —
Suite. Il fut fils de Melchi, c’est-à-dire mon roi; qui le fut de Janné, c’est-à-dire
main droite; qui le fut de Joseph,
c’est-à-dire accroissement (ce
Joseph est différent du premier); qui le fut de Mathathias, c’est-à-dire don de Dieu ou quelquefois; qui le fut d’Amos, c’est-à-dire qui charge ou qui a chargé; qui le fut de Nahum, c'est-à-dire consolation ou
qui console ; qui le fut d’Hesli, c’est-à-dire secourez-moi; qui le fut de Nagge,
c'est-à-dire midi ou de midi ; qui le fut de Mathat,
c’est-à-dire désir; qui le fut de Mathathias,
même signification que ci-dessus; qui le fut de Séméi, c’est-à-dire obéissant; qui le fut de Joseph,
c’est-à-dire accroissement; qui le
fut de Juda, c’est-à-dire qui loue; qui
le fut de Joanna, c’est-à-dire Seigneur ou grâce du Seigneur ou miséricorde
du Seigneur; qui le fut de Résa, c’est-à-dire miséricordieux; qui le fut de Zorobabel, c’est-à-dire prince ou maître de Babylone; qui le fut de Salathiel, c’est-à-dire Dieu est l’objet de ma demande; qui le
fut de Néri, c’est-à-dire mon flambeau;
qui le fut de Melchi, c’est-à-dire mon
royaume; qui le fût d’Addi, c’est-à-dire robuste ou violent; qui
le fut de Cosan, c’est-à-dire prévoyant;
qui le fut d’Helmadan,
c'est-à-dire mesure de Dieu ; qui le fut d’Her,
c’est-à-dire qui est vigilant, ou veille ou séduisant; qui le fut de Jésus, c’est-à-dire Sauveur; qui le fut d’Eliézer, c’est-à-dire mon Dieu est mon secours; qui le fut de Jorim, c’est-à-dire joie de Dieu ou joie; qui le fut
de Mathath, même signification que ci-dessus; qui le fut de Lévi, comme
ci-dessus; qui le fut de Siméon, c’est-à-dire qui a entendu la tristesse ou le
signe; qui le fut de Juda, c’est-à-dire qui loue; qui le fut de
Joseph, comme ci-dessus ; qui le fut de Jona, c’est-à-dire colombe ou plaintif; qui le fut d’Eliachim, c’est-à-dire résurrection de Dieu; qui le fut de
Melcha, c’est-à-dire son roi; qui
le fut de Menna, c’est-à-dire mes
entrailles; qui le fut de Mathathias, c’est-à-dire don de Dieu; qui le fut de Nathan, c’est-à-dire qui a donné ou qui donne. — S. Ambroise : Nathan personnifie le symbole de la dignité prophétique; ainsi comme le seul Jésus-Christ réunit toutes les vertus, ces différents genres de vertus ont commencé par briller dans chacun de ses ancêtres. Suite : « qui fut fils de David. » — Origène : (hom. 28.) Le Seigneur, en descendant du ciel sur la terre, s’est soumis [en tout] à la condition des pécheurs, et a voulu, comme le rapporte saint Matthieu, descendre de Salomon, dont les crimes sont inscrits [dans les livres saints], et d’autres rois qui ont fait le mal devant Dieu. Mais quand il monte des eaux du baptême, où il vient de prendre comme une nouvelle naissance, ce n’est point de Salomon que saint Luc le fait descendre, mais de Nathan, qui vint reprocher à son père, David, la mort d’Urie et la naissance de Salomon. — S.
Augustin : Il
faut dire que le prophète cite un David du même nom, pour qu’on ne pense pas
qu’il s’agit du même personnage alors qu’il s’agit d’un autre. [ ?] S. Grégoire de Nazianze : A partir de David, la succession de la généalogie est la même dans les deux Évangélistes. Suite. « qui fut fils de Jessé. » — Glose. (interl.) David veut dire qui est puissant, et Jessé signifie encens. Suite. Qui fut fils d’Obed, qui veut dire servitude; qui le fut de Booz, c’est-à-dire fort; qui le fut de Salomon, c’est-à-dire sensible ou pacifique; qui
le fut de Naasson, c’est-à-dire augure ou
qui tient du serpent; qui le fut
d’Aminadab, c’est-à-dire le peuple
volontaire; qui le fut d’Aram, c’est-à-dire dressé ou élevé; qui le
fut d’Esrom, c’est-à-dire flèche; qui
le fut de Pharès, c’est-à-dire division;
qui le fut de Juda, c’est-à-dire qui
loue; qui le fut de Jacob, c’est-à-dire qui supplante; qui le fut d’Isaac, c’est-à-dire rire ou joie; qui le fut d’Abraham, qui veut dire père de beaucoup de nations ou qui voit le peuple. — S. Jean Chrysostome : (hom. 1.) Saint Matthieu, qui écrivait pour les Juifs, s’est proposé seulement d’établir dans son récit que Jésus-Christ descendait d’Abraham et de David, ce qui devait surtout satisfaire les Juifs. Saint Luc, au contraire, dont l’Évangile s’adressait à tous, poursuit la généalogie jusqu’à Adam. Suite : « Qui fût fils de Tharé. » — La Glose : (interlin.) Tharé veut dire épreuve ou injustice; qui fut fils de Nachor, c’est-à-dire repos de la lumière; qui le fut de Sarug, c’est-à-dire courroie, ou qui tient les rênes ou perfection; qui le fut de Ragaü, c’est-à-dire malade ou paissant; qui le fut de Pharès [Phaleg ?], c’est-à-dire qui divise ou qui est divisé; qui le fut d’Héber, c’est-à-dire passage; qui le fut de Salé, c’est-à-dire qui enlève; qui le fut de Cainan, qui veut dire lamentation ou leur possession. — S. Bède : Ni le nom ni la génération de Cainan ne se trouvent dans le texte hébreu de la Genèse ou du livre des jours, où il est dit qu’Arphaxad fut le père immédiat de Sélaa ou Salé. Saint Luc a pris cette génération intermédiaire dans la version des Septante, où il est écrit qu’Arphaxad, âgé de cent trente-cinq ans, engendra Cainan, lequel engendra Salé à l’âge de trente-cinq ans. Suite : « Qui fut fils d’Arphaxad. » — La Glose : (interl.) Arphaxad veut dire qui répare la désolation; qui fut fils de Sem, c’est-à-dire nom ou nommé; qui le fut de Noé, c’est-à-dire repos. — S. Ambroise : Le nom du juste Noé ne devait pas être omis dans la généalogie du Seigneur; car puisqu’il venait au monde pour fonder son Église, il était juste qu’il comptât parmi ses ancêtres celui qui avait figuré l’établissement de l’Église dans la construction de l’arche. Suite : « Qui fut fils de Lamech. » — La
Glose : (interl.) Lamech veut
dire humilié ou qui frappe, ou qui est frappé ou qui est
humble; qui le fut de Mathusalem, c’est-à-dire envoi de la mort ou qui est
mort, ou qui interrogea. — S. Ambroise : Les années de Mathusalem sont comptées avant le déluge; car Jésus-Christ, parce qu’Il est unique, n’ayant été soumis dans sa vie à aucune vicissitude de l’âge, ne devait point non plus ressentir les effets du déluge dans ses ancêtres. « Qui fut fils d’Enoch. » Enoch est un signe éclatant de la sainteté du Seigneur et de sa divinité, en ce que le Seigneur n’a pas été soumis à la mort, et qu’il est remonté au ciel, de même qu’Enoch, un de ses ancêtres avait été enlevé dans le ciel. Nous voyons par là que Jésus-Christ aurait pu ne pas mourir, mais qu’il a voulu mourir pour que sa mort nous soit profitable. Enoch fut enlevé dans le ciel de peur que le mal ne vînt à changer les dispositions de son coeur (Sg 4, 11; He 11, 5). Mais quant au Seigneur, qui était inaccessible à la méchanceté du siècle, il est remonté par un effet de sa puissance divine dans le lieu d’où il était descendu. — S. Bède : En remontant du Fils de Dieu baptisé jusqu’à Dieu le Père, saint Luc place comme à dessein le soixante-dixième, Enoch qui fut transporté dans le paradis sans passer par la mort, pour signifier que ceux qui ont été régénérés dans l’eau et l’Esprit saint, par la grâce de l’adoption des enfants, seront reçus dans le repos éternel après avoir atteint la perfection de leur vie corporelle; car le nombre soixante-dix, à cause du jour du sabbat qui est le septième, figure le repos de ceux qui ont accompli le décalogue de la loi par le secours de la grâce de Dieu. — La Glose : (interl.) Enoch veut dire dédicace; qui fut fils de Jared, c’est-à-dire qui défend ou qui contient; qui le fut de Malalehel, c’est-à-dire loué de Dieu ou louant Dieu; qui le fut de Caïnan, dont la signification est la même que précédemment; qui le fut d’Enos, c’est-à-dire homme, ou désespérant ou violent; qui le fut de Seth, c’est-à-dire position ou qui posa. — S. Ambroise : Le nom de Seth, le dernier fils d’Adam, n’est pas omis dans cette généalogie; car comme il y a deux générations de peuples différents, le nom de Seth signifie que le Christ doit faire partie de la seconde génération plutôt que de la première. Suite : « Qui fut fils d’Adam. » — La
Glose : (interlin.) Adam veut
dire homme ou terrestre, ou qui a besoin.
Suite : « qui fut fils de Dieu ». — S.
Ambroise : Quoi de plus beau et de plus convenable
que de commencer cette sainte généalogie par le Fils de Dieu, et de la
conduire jusqu’au Fils de Dieu. Ainsi celui qui est créé, précède comme
figure celui qui naît ensuite Fils de Dieu en vérité. Nous voyons paraître
d’abord celui qui a été fait à l’image de Dieu et pour le salut duquel
l’image substantielle de Dieu est descendue sur la terre. Saint Luc a cru
encore devoir faire remonter jusqu’à Dieu l’origine de Jésus-Christ, parce
que Dieu a véritablement engendré le Christ, soit dans l’éternelle et
véritable génération, soit dans le baptême, où il lui communique comme une
nouvelle et mystérieuse naissance. Aussi n’a-t-il point commencé son Évangile
par la généalogie du Sauveur, mais il ne la place qu’après le récit de son
baptême, pour montrer ainsi qu’il était le Fils de Dieu et par nature, et par
la grâce. Et encore, quelle preuve plus évidente de la divine génération de
Jésus-Christ que de faire précéder l’exposé de sa généalogie de ces paroles
solennelles du Père : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 3.) Saint Luc, en donnant Joseph comme fils d’Héli, n’a point voulu nous faire entendre qu’il était son fils naturel et véritable, mais son fils adoptif, et une preuve évidente, c’est qu’il dit dans le même sens qu’Adam est fils de Dieu, lorsque chacun sait qu’après avoir été créé de Dieu, Adam fut placé dans le paradis, et qu’il devint comme le Fils de Dieu par un effet de cette grâce, qu’il perdit bientôt par son péché. — Théophylacte : L’Évangéliste poursuit la généalogie jusqu’à Dieu, qui la termine, et il nous apprend ainsi, d’abord que Jésus-Christ élèvera jusqu’à Dieu les personnages qui en forment la succession intermédiaire, et qui deviendront ainsi fils de Dieu; secondement, il veut nous convaincre que la génération du Christ s’était accomplie sans l’intervention de l’homme, comme s’il disait : Si vous ne pouvez croire que la génération du second Adam s’est accomplie sans l’intervention d’un homme, remontez jusqu’au premier Adam, et vous trouverez que Dieu lui a donné l’existence sans avoir besoin de ces causes naturelles. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 4.) Saint Matthieu a voulu surtout nous représenter le Seigneur descendant jusqu’à notre nature mortelle; dans ce dessein, il commence son Évangile par la généalogie de Jésus-Christ en descendant d’Abraham jusqu’à Jésus-Christ. Saint Luc, au contraire, ne donne cette généalogie qu’après le récit du baptême de Jésus-Christ, non en descendant mais en remontant, [c’est-à-dire qu’il remonte des enfants à leurs pères]; son but est surtout de faire ressortir dans la personne du Sauveur le caractère du. pontife qui doit effacer les péchés, c’est pourquoi il donne sa généalogie [après qu’une voix du ciel a fait connaître ce qu’il était], après que Jean-Baptiste lui a rendu ce témoignage : « Voilà celui qui efface les péchés du monde », et en remontant ainsi des enfants à leurs pères, il arrive jusqu’à Dieu avec lequel nous sommes réconciliés par la grâce qui expie nos crimes et nous en purifie. — S. Ambroise : Ceux qui ont suivi l’ordre ancien ne sont pas pour cela en contradiction avec notre Évangéliste. Ne soyez pas non plus surpris si d’Abraham à Jésus-Christ vous trouvez dans saint Luc un plus grand nombre de générations que dans saint Matthieu, puisque vous reconnaissez que ces deux Évangélistes donnent la généalogie du Sauveur par des personnages tout différents. Il a pu très bien arriver, en effet, que les personnages d’une généalogie aient vécu plus longtemps, tandis que les personnages de l’autre sont morts dans un âge peu avancé; puisque nous voyons des vieillards vivre assez longtemps pour voir leurs petits enfants, tandis que nous en voyons d’autres mourir presque aussitôt la naissance de leurs propres enfants. — S.
Augustin : (Quest.
évang., 2, 6.) Après le baptême du Seigneur, c’est
par une raison pleine de convenance que saint Luc compte soixante-dix-sept
personnes dans sa généalogie, et qu’il suit l’ordre ascendant; il figure ainsi
notre élévation vers Dieu, avec lequel nous sommes réconciliés par la
rémission de nos péchés; car le baptême remet tous les péchés figurés par ce
nombre. En effet, onze fois sept font soixante-dix-sept. Or, le nombre dix
exprime le bonheur parfait, donc le nombre supérieur au nombre dix représente
le péché qui, par orgueil, veut avoir plus. Ce nombre se trouve multiplié
sept fois pour indiquer que cette transgression vient de l’action volontaire
de l’homme. En effet, le nombre trois représente dans l’homme la partie
immatérielle (cf. Lc 10, 27); et le nombre quatre, la partie
corporelle. Or, le mouvement et l’action ne sont point représentés par les
nombres, lorsque nous disons : un, deux, trois; mais bien lorsque nous
comptons une fois, deux fois, trois fois; donc la multiplication du nombre
sept par onze, signifie que la transgression est le résultat de la volonté de
l’homme. |
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Caput 4 |
CHAPITRE 4
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Lectio 1 [85787] Catena in Lc., cap. 4 l. 1 Theophylactus. Post Baptismum Christus tentatur, innuens
nobis quod postquam erimus baptizati, tentationes imminent nobis; unde
dicitur Iesus autem plenus spiritu sancto regressus est a Iordane. Cyrillus.
Dudum dixit Deus : non permanebit spiritus meus in hominibus istis, eo
quod sunt caro; ubi vero regeneratione per aquam et spiritum ditati sumus,
facti sumus divinae naturae participes per spiritus sancti participationem.
Primogenitus autem in multis fratribus, primus recepit spiritum, qui et
spiritus dator est, ut etiam ad nos per ipsum perveniat gratia spiritus
sancti. Origenes
in Lucam. Quando igitur legis Iesum plenum spiritu sancto, et in actibus
scribitur de apostolis, quod repleti fuerint spiritu sancto, vide ne aequales
putes esse apostolos salvatori : quomodo enim si volueris dicere, haec vasa
plena sunt vino vel oleo, non statim dices, quod aequali mensura sunt plena;
sic et Iesus et Paulus pleni erant spiritu sancto; sed vas Pauli multo minus
erat quam Iesu, et tamen erat secundum mensuram suam utrumque repletum.
Accepto itaque Baptismo, salvator plenus spiritu sancto, qui super eum in
specie columbae de caelis venerat, ducebatur a spiritu : quia quotquot
spiritu Dei ducuntur, hi filii Dei sunt; iste autem supra omnes proprie
filius Dei est. Beda.
Ne cui autem veniret in dubium a quo spiritu ductum sive expulsum, alii
Evangelistae dicerent in desertum, consulte Lucas demum intulit et agebatur in
desertum a spiritu quadraginta diebus : ne quid contra eum valuisse spiritus
putaretur immundus, qui plenus spiritu sancto quaecumque volebat, agebat.
Graecus.
Si vero nos arbitrio proprio nostram vitam disponimus, quomodo ipse
trahebatur invitus? Quod ergo dicitur agebatur spiritu, huiusmodi habet
intellectum : sponte spiritualem duxit conversationem, ut locum exhiberet
tentanti. Basilius.
Non enim verbo provocans inimicum, sed opere incitans quaerit desertum :
delectatur enim Diabolus in deserto, non patitur esse in urbibus, contristat
ipsum concordia civium. Ambrosius.
Agebatur igitur consilio in desertum, ut Diabolum provocaret : nam nisi
ille certasset, non mihi iste vicisset : mysterio, ut illum Adam de exilio
liberaret qui de Paradiso in desertum eiectus est; exemplo, ut ostenderet
nobis Diabolum ad meliora tendentibus invidere, et tunc magis esse cavendum
ne mysterii gratiam deserat mentis infirmitas; unde sequitur et tentabatur a
Diabolo. Cyrillus.
Ecce factus est in athletis iubens agones Deus in his, qui coronat
sanctorum vertices. Gregorius
Moral. Hostis tamen noster mentem mediatoris Dei et hominum tentatione
quassare non valuit : sic enim dignatus est tentationes exterius suscipere,
ut tamen eius mens interius divinitati inhaerens inconcussa permaneret. Origenes
in Lucam. Tentatur autem Iesus a Diabolo quadraginta diebus; et quae
fuerint tentamenta nescimus; quae ideo forsitan praetermissa sunt, quia
maiora erant quam ut litteris traderentur. Basilius.
Vel dominus per quadragenam intentatus mansit; noverat enim Diabolus quod
ieiunabat et non famescebat; et ideo non audebat accedere; unde sequitur et
nihil manducavit in diebus illis : ieiunavit siquidem, ostendens quod illi
qui se vult ad pugnas tentationum accingere, sobrietas est necessaria. Ambrosius
in Lucam. Tria igitur sunt quae ad usum proficiunt salutis humanae :
sacramentum, desertum et ieiunium. Nemo nisi qui legitime certaverit,
coronatur; nemo autem ad certamen virtutis admittitur, nisi prius ab omnibus
ablutus maculis delictorum, gratiae caelestis munere consecretur. Gregorius
Nazianzenus. Quadraginta siquidem diebus ieiunavit nihil manducans : erat
enim Deus : nos autem ieiunium possibilitati proportionamus, licet zelus
aliquibus progredi suadeat ultra posse. Basilius.
Sed tamen non sic utendum est carne ut per egestatem alimenti naturalis
vigor eius solvatur; neque ut ad ultimum torporem intellectus urgeatur per
dissolutionis excessum. Unde dominus noster semel hoc peregit, sed per totum
consequens tempus ordine debito gubernavit corpus; et similiter Moyses et
Elias. Chrysostomus.
Valde autem prudenter factum est quod in ieiunando eorum non excessit
numerum; ne scilicet putaretur apparenter venisse, non autem recepisse veram
carnem, aut praeter humanam esse naturam. Ambrosius.
Quadraginta autem dierum mysticum numerum recognoscis : tot enim diebus
aquas abyssi effusas esse meministi, et tot ieiunio dierum sanctificato
refusam caeli serenioris ostendit clementiam, tot ieiunio dierum Moyses
perceptionem legis emeruit, tot annos in eremo constituti patres panem
Angelorum consecuti sunt. Augustinus
de Cons. Evang. Numerus autem iste laboriosi huius temporis sacramentum
est, quo sub disciplina regis Christi adversus Diabolum dimicamus. Hic enim
numerus temporalem vitam significat : tempora enim annorum quadripartitis
vicibus currunt : quadraginta autem quater habent decem : porro ipsa decem ab
uno usque ad quatuor progrediente numero consummantur; quod declarat quod
quadraginta dierum ieiunium, hoc est humiliationem animae, consecravit et lex
et prophetae per Moysen, et Eliam, et Evangelium per ipsius domini ieiunium.
Basilius.
Verum quia non esurire supra hominem est, assumpsit dominus passionem
famis, indicans eam non esse peccatum, et concessit cum voluit naturae
humanae quae sua sunt pati et agere; unde sequitur et consummatis illis
esuriit, non coactus ad necessitatem quae praeest naturae, sed quasi
provocans Diabolum ad duellum : sentiens enim Diabolus, quia ubi fames, ibi
imbecillitas, aggreditur ad tentandum; et quasi tentationum excogitator,
famem Christo patienti suadebat lapidibus appetitum sedare; unde sequitur
dixit autem illi Diabolus : si filius Dei es, dic lapidi huic ut panis fiat.
Ambrosius.
Tria praecipue docemur tela esse Diaboli, quibus ad convulnerandam mentem
hominis consuevit armari : gulae unum, aliud iactantiae, tertium ambitionis.
Inde ergo coepit unde iam vicit, scilicet Adam. Discamus igitur cavere gulam,
cavere luxuriam, quia telum est Diaboli. Sed quid sibi vult talis sermo : si
filius Dei es, nisi quia cognoverat Dei filius esse venturum, sed venisse per
hanc infirmitatem corporis non putabat? Aliud est explorantis, aliud
tentantis : ideo profitetur se credere, et homini conatur illudere. Origenes
in Lucam. Rogato autem patre a filio panem, nec dante lapidem pro pane,
iste quasi adversarius et fallax, pro pane dabat lapidem. Basilius.
Suadebat quidem lapidibus appetitum sedare; hoc est, permutare desiderium
ab alimento naturali ad existentia praeter naturam. Origenes.
Puto etiam quod usque hodie lapidem Diabolus ostendit, ut hortetur
singulos ad loquendum : dic ut lapis iste panis fiat. Si videris haereticos
dogmatum suorum mendacium pro pane comedere, scito lapidem eorum esse
sermonem, quem monstrat eis Diabolus. Basilius.
Dissipator autem tentationum Christus non repellit a natura famem; unde
sequitur et respondit ad illum Iesus : scriptum est, quia non in solo pane
vivit homo, sed in omni verbo Dei. Theophylactus.
Quasi dicat : non solis panibus humana natura sustentatur; immo sufficit
verbum Dei ad nutriendum universam naturam humanam. Taliter pastus est
Israeliticus populus, colligens annis quadraginta manna, et gaudens
volatilium praeda. Divino consilio Elias convivas habuit corvos; Eliseus
herbis agrestibus socios nutrivit. Cyrillus.
Vel aliter. Terrenis cibis terrenum nostrum alitur corpus; anima vero
rationalis divino verbo vigoratur ad bonam habitudinem spiritus : non enim naturam incorpoream corpus alit. Gregorius
Nyssenus. Unde non alitur virtus pane, nec per carnes bene se habet anima
et pinguescit : aliis epulis vita sublimis educatur et crescit : nutrimentum
boni castitas, panis sapientia, pulmentum iustitia, potus impassibilis
status, delectatio bene sapere. Ambrosius.
Vides igitur quo genere utatur armorum, quo hominem a spiritualis
nequitiae incursione defendat adversum incitamenta gulae : non enim quasi
Deus utitur potestate : quid enim mihi proderat? Sed quasi homo commune sibi
accepit auxilium, ut divino pabulo lectionis intentus famem corporis negligat,
alimentum verbi acquirat : non enim potest qui verbum sequitur, panem
desiderare terrenum : humanis enim divina praestare non dubium est. Simul cum
dicit non in solo pane vivit homo, ostendit hominem esse tentatum, hoc est
susceptionem nostram, non suam divinitatem. |
Versets 1-4.
— Théophylacte : Notre Seigneur Jésus-Christ a voulu être tenté après son baptême, pour nous apprendre qu’après notre baptême nous devons nous attendre à la tentation : « Jésus, plein de l’Esprit saint, revint des bords du Jourdain, ». — S. Cyrille : Bien longtemps auparavant Dieu avait dit : « Mon Esprit ne demeurera pas dans ces hommes », parce qu’ils ne sont que chair; mais aussitôt que nous sommes enrichis de la régénération par l’eau et par l’Esprit, nous sommes devenus par l’infusion de l’Esprit saint, participants de la nature divine. Or celui qui est le premier né d’un grand nombre de frères, a reçu le premier l’Esprit saint qu’il communique lui-même aux autres, afin que la grâce de l’Esprit saint pût arriver par lui jusqu’à nous. — Origène : (hom. 29.) Lorsque vous voyez que Jésus est plein de l’Esprit saint, et que vous lisez dans les Actes, que les Apôtres furent remplis de l’Esprit saint, gardez-vous de penser que les Apôtres ont reçu l’Esprit saint dans la même mesure que le Sauveur. En effet, lorsque vous dites : Ces vases sont pleins de vin ou d’huile, vous ne voulez pas toujours dire qu’ils en contiennent la même quantité; de même aussi Jésus et Paul étaient pleins de l’Esprit saint, mais le vase de Paul était beaucoup plus petit que celui de Jésus, et cependant chacun de ces vases était rempli suivant sa capacité. Or, le Sauveur, après avoir été baptisé et rempli de l’Esprit saint, qui était descendu des cieux sur sa tête sous la forme d’une colombe, était conduit par l’Esprit, car tous ceux qui sont poussés par l’Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu (Rm 8), mais Jésus était le Fils propre de Dieu, d’une manière bien plus excellente que tous les autres. — S. Bède : Afin que personne ne pût douter quel était cet Esprit qui, au récit des Évangélistes, avait conduit Jésus dans le désert; saint Luc dit en termes exprès : « Il était poussé par l’Esprit dans le désert pendant quarante jours. » Il n’est donc pas possible de supposer que l’esprit impur ait pu avoir quelque autorité sur celui qui, rempli de l’Esprit saint, agissait en tout d’après sa propre volonté. — Chronique des Pères Grecs (Sev. d’Ant.) Mais comment le Sauveur a-t-il été comme entraîné malgré lui, alors que nous-mêmes agissons en tout dans la plénitude de notre libre arbitre ? Il faut donc entendre ces paroles : « Il était poussé par l’Esprit » dans ce sens, que c’est volontairement qu’il a embrassé cette vie de solitude spirituelle pour donner lieu au démon de le tenter. — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Il ne provoque point l’ennemi en le défiant par ses paroles, mais en l’excitant par cette démarche, il gagne le désert ; car le démon se plaît dans le désert et ne peut supporter les villes, où l’union des habitants est pour lui un sujet de tristesse. — S.
Ambroise : Jésus était donc poussé dans le désert,
tout à la fois, par un conseil divin pour provoquer le démon au combat, car
si le démon ne l’eût point attaqué, le Sauveur n’en eût point triomphé dans
notre intérêt; pour accomplir un mystère, c’est-à-dire, pour délivrer de
l’exil cet Adam qui avait été chassé du paradis dans le désert; enfin pour
nous apprendre par son exemple que le démon voit avec un oeil d’envie ceux
qui tendent à une vie plus parfaite, et que nous devons alors nous tenir sur
nos gardes, pour ne pas nous exposer à perdre par la faiblesse de notre âme
la grâce du sacrement que nous avons reçu : « Et il fut tenté par le
démon. » — S. Cyrille : Le voilà descendu au rang des combattants, celui qui comme Dieu ordonne et règle les combats; [le voilà parmi ceux qui sont couronnés], celui qui place la couronne sur le front des saints. — S. Grégoire : (Moral., 3, 11) Cependant l’ennemi de notre salut ne put ébranler par la tentation l’âme du médiateur de Dieu et des hommes; il a daigné se soumettre extérieurement à la tentation, mais de telle sorte que son âme demeurait intérieurement unie à la divinité sans que rien pût l’en séparer. — Origène : (hom. 29.) Jésus fut tenté pendant quarante jours, et nous ne savons quelles furent ces tentations, car peut-être les Évangélistes n’en disent rien, parce qu’elles étaient trop fortes pour être décrites. — S. Basile : Ou bien encore, on peut dire que le Seigneur fut quarante jours sans être tenté, car le démon voyant qu’il jeûnait sans éprouver la faim, n’osait s’approcher de lui : « Et il ne mangea rien pendant ces jours, ». Notre Seigneur a voulu jeûner pour nous apprendre que la tempérance est nécessaire à celui qui veut se préparer aux combats des tentations. — S. Ambroise : Trois choses donc concourent puissamment au salut de l’homme, la grâce du sacrement, la solitude, le jeûne. Nul n’est couronné s’il n’a combattu en se conformant aux lois du combat (2 Tm 1, 5), et personne n’est admis aux combats de la vertu avant d’être purifié des souillures de ses fautes et consacré par l’effusion de la grâce céleste. — S. Grégoire de Nazyance : (Disc. 40.) Le Sauveur a jeûné quarante jours sans prendre aucune nourriture, car il était Dieu; mais pour nous, nous devons proportionner la pratique du jeûne à nos forces, bien que le zèle persuade à quelques-uns qu’ils peuvent aller bien au delà. — S. Basile : Cependant il ne faut point macérer sa chair en la privant de nourriture, jusqu’à lui faire perdre toute son énergie naturelle, ou jusqu’à réduire l’esprit à une extrême langueur par suite de l’épuisement complet du corps. Aussi Notre Seigneur ne prolongea son jeûne de la sorte qu’une seule fois, et dans tout le reste de sa vie il se conforma pour la direction de son corps aux lois ordinaires de la nature, comme Moïse et Elie avaient fait eux-mêmes. — S. Jean Chrysostome : (hom. 13.) Par un dessein plein de sagesse, le Sauveur ne voulut point jeûner plus longtemps que n’avait fait Moïse et Elie, pour ne point donner lieu de croire qu’il n’avait qu’un corps imaginaire, ou qu’il avait pris une nature supérieure à la nôtre. — S. Ambroise : (cf. Gn 7, 4.12; Dt 9, 9; 10, 10; Ex 16, 35; Nb 14, 33; Dt 8, 2; Jos 5, 6; Ac 7, 36) Vous reconnaissez ce nombre mystérieux de quarante jours, vous vous rappelez que les eaux du déluge tombèrent sur la terre pendant le même nombre de jours; qu’après quarante jours sanctifiés par le jeûne, Dieu ramena la douceur d’un ciel plus serein; que c’est après quarante jours de jeûne que Moïse fut jugé digne de recevoir la loi [de la bouche de Dieu], et que pendant quarante années les patriarches furent nourris dans le désert du pain des anges. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 4.) Ce nombre quarante est le symbole de cette vie laborieuse, pendant laquelle, sous la conduite et le commandement de Jésus-Christ notre roi, nous combattons contre le démon. Ce nombre, en effet, signifie la durée de la vie présente; ainsi chaque année se divise en quatre parties égales; de plus le nombre quarante contient quatre fois dix, et ces quatre dizaines forment quarante, multipliées par le chiffre qui part de l’unité pour aller jusqu’au nombre quatre. Nous voyons donc ici que le jeûne de quarante jours (où l’humiliation de l’âme) fut consacré sous la loi et les prophètes par Moïse et par Elie, et sous la loi de l’Évangile par le jeûne du Seigneur lui-même. — S. Basile : Mais comme il est au-dessus de la nature de l’homme de ne pas se nourrir, Notre Seigneur se soumet à ce besoin de la faim qu’il sait n’être point un péché; et il laisse, lorsque telle est sa volonté, la nature humaine soumise aux lois de sa condition : « Et quand ces jours furent passés, il eut faim. » Cette faim n’est point chez lui l’effet d’une nécessité naturelle, mais il veut par là provoquer le démon au combat. En effet, le démon croyant que cette faim est l’indice nécessaire de sa faiblesse, entreprend de le tenter, et cherchant pour ainsi dire à inventer de nouveaux moyens de tentation, il conseille au Sauveur qu’il voit souffrant de la faim, d’apaiser sa faim avec des pierres changées en pain : « Le diable lui dit : ‘Si vous êtes le Fils de Dieu, dites à cette pierre qu’elle devienne du pain’. » — S. Ambroise : Les trois tentations du Sauveur nous enseignent que le démon cherche surtout à blesser notre âme par les trois traits de la sensualité, de la vaine gloire et de l’ambition. Il commence par la tentation par laquelle il remporta sa première victoire, à savoir sur Adam. Apprenons donc à éviter la sensualité, à fuir l’impureté, car ce sont les traits dont le démon veut nous percer. Mais que veulent dire ces paroles : « Si vous êtes le Fils de Dieu » ? C’est que le démon savait bien que le Fils de Dieu devait venir sur la terre, mais qu’il ne croyait pas qu’il dût venir revêtu d’une chair passible et mortelle. Le démon cherche tout à la fois à savoir ce qu’est le Sauveur et à le tenter, il fait profession de croire à sa puissance [comme Dieu], et en même temps il cherche à se jouer de lui comme homme. — Origène : (hom. 29.) Le père à qui son fils demande du pain ne lui donne pas une pierre, mais le démon qui est un ennemi artificieux et trompeur, donne une pierre pour du pain. — S. Basile : Il conseillait au Sauveur d’apaiser sa faim avec des pierres, c’est-à-dire de détourner le désir des aliments naturels sur des choses qui sont en dehors de toute condition alimentaire. — Origène : Je pense que jusqu’à ce jour le démon, en leur montrant une pierre, excite tous les hommes à dire : « Commandez à cette pierre qu’elle devienne du pain. » Quand vous voyez, en effet, les hérétiques manger, au lieu de pain, le mensonge de leurs fausses doctrines, soyez certain que leurs discours sont cette pierre qui leur est montrée par le démon. — S. Basile : Notre Seigneur Jésus-Christ, en repoussant les tentations, ne délivre pas la nature de la faim, [comme si elle était une cause de mal, puisqu’elle a pour but, au contraire, la conservation de notre vie; mais en maintenant la nature dans ses propres limites, il nous apprend quelle est sa nourriture] : « Jésus lui répondit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu. » — Théophylacte : C’est-à-dire, le pain n’est pas le seul aliment qui entretienne l’existence de l’homme, le Verbe de Dieu peut lui seul alimenter et nourrir tout le genre humain. C’est ainsi que le peuple d’Israël fut nourri pendant quarante ans de la manne qu’il recueillait (Ex 16, 15), et des oiseaux qui lui furent envoyés (Nb 11, 32); ainsi par l’ordre de Dieu, des corbeaux pourvurent miraculeusement à la nourriture d’Elie (3 R 17, 6); ainsi encore Elisée nourrît ses compagnons avec des herbes sauvages (4 R 4, 7). — S. Cyrille : Ou bien dans un autre sens, notre corps qui est d’origine terrestre, se nourrit d’aliments terrestres, mais l’âme raisonnable puise dans le Verbe divin la force nécessaire à la santé spirituelle. — S. Grégoire de Naz. : En effet, un aliment matériel ne peut devenir la nourriture d’une nature incorporelle. — S. Grégoire de Nysse. (hom. 5 sur l’Ecclés.) La vertu ne se nourrit donc point de pain, et ce n’est pas la chair des animaux qui donne à l’âme la santé et l’embonpoint spirituel; la vie surnaturelle se développe et s’accroît par d’autres aliments, sa nourriture c’est la tempérance, son pain c’est la sagesse, la justice est son mets le plus exquis, la fermeté sa boisson, son plaisir le goût de la vertu. — S. Ambroise : Vous voyez de quel genre d’armes se sert le Sauveur pour défendre l’homme contre les insinuations de l’esprit du mal qui lui suggère la tentation de la sensualité. Il n’use pas ici de sa puissance comme Dieu (quel avantage m’en reviendrait-il ?) mais il recherche comme homme le secours qui est à la portée de tous les hommes, et tout occupé de la nourriture des divins enseignements, il oublie la faim du corps, pour obtenir plus sûrement la nourriture de la parole divine. En effet, celui qui cherche à suivre le Verbe ou la parole de Dieu, ne peut plus faire d’un pain matériel l’objet de ses désirs, car il ne fait aucun doute que les choses divines sont infiniment au-dessus des choses de la terre. Ajoutons que par ces paroles : « L’homme ne vit pas seulement de pain. » Notre Seigneur fait voir que son humanité seule a été soumise à la tentation, c’est-à-dire, ce qu’il avait pris de notre nature et non pas sa divinité. |
Lectio 2 [85788] Catena in Lc., cap. 4 l. 2 Theophylactus. Primo inimicus Christum de gula tentaverat,
sicut et Adam; deinde de cupiditate sive avaritia, in hoc quod ostendit ei
omnia regna mundi; unde sequitur et duxit illum Diabolus in montem excelsum,
et ostendit ei omnia regna orbis terrae in momento temporis. Gregorius
in Evang. Quid mirum si se permisit ab illo in montem duci qui se pertulit
etiam a membris ipsius crucifigi? Theophylactus.
Sed qualiter ostendit ei omnia regna orbis terrae? Quidam dicunt, quod
mente haec ei ostendit; ego autem dico, quod sensibiliter et in phantasia
apparere fecit. Titus.
Vel descripsit orbem verbo et velut quamdam domum intentioni eius
manifestavit, ut existimabat. Ambrosius.
Bene autem in momento temporis saecularia et terrena monstrantur : non
enim tam conspectus celeritas indicatur, quam caducae fragilitas potestatis
exprimitur. In momento enim cuncta illa praetereunt; et saepe honor saeculi
abiit antequam venerit. Sequitur et ait illi : tibi dabo potestatem hanc
universam et gloriam illorum, quia mihi tradita sunt, et cui volo do illa.
Titus.
In utroque mentiebatur : neque enim habebat, nec conferre poterat quo
carebat : nullus enim obtinet potestatem, sed ad pugnam est adversarius
derelictus. Ambrosius.
Alibi enim legitur quia omnis potestas a Deo est; itaque a Deo est
potestatum ordinatio, a malo ambitio potestatis; nec est potestas mala, sed
is qui male utitur potestate. Quid ergo? Bonum est uti potestate, studere
honori? Bonum, si deseratur, non eripiatur. Distingue tamen hoc ipsum bonum;
alius enim bonus in saeculo; alius perfectae virtutis usus. Bonum est enim
Deum quaerere et cognoscendae divinitatis studium nullis occupationibus
impediri. Quod si is qui Deum quaerit, propter fragilitatem carnis et mentis
angustias saepe tentatur; quanto magis qui saeculum quaerit, obnoxius est. Docemur ergo ambitionem despicere, eo quod diabolicae subicit
potestati. Titus. Habet autem forensis gratia domesticum periculum, et ut dominetur
aliis prius servit; curvatur ad obsequium ut honore donetur; et dum vult esse
sublimior, simulata humilitate fit vilior; unde subdit tu ergo si adoraveris
coram me, erunt tibi omnia subdita. Cyrillus.
Quomodo tu, cuius sors est inextinguibilis flamma, qualiter omnium domino
quae sua sunt spondes? Putasti cultorem habere, cuius metu tremunt universa?
Origenes
in Lucam. Vel aliter totum. Duo reges certatim regnare festinant : peccati
rex peccatoribus Diabolus, et iustitiae rex iustis Christus : sciensque
Diabolus ad hoc venisse Christum ut regnum eius tolleret, ostendit ei omnia
regna mundi : non quidem regnum Persarum et Indorum, sed regnum suum, quomodo
regnaret in mundo, quomodo scilicet alii regnentur a fornicatione, alii ab
avaritia : et ostendit ei in puncto temporis, hoc est in praesenti temporum
cursu, qui ad comparationem aeternitatis puncti obtinet instar : neque enim
necessarium habebat salvator ut ei diutius huius saeculi negotia
monstrarentur; sed statim ut aciem luminum suorum ad contemplandum vertit, et
peccata regnantia, et eos qui regnarentur a vitiis conspexit. Dicit ergo ad
eum : venisti ut adversus me de imperio dimices. Adora me, et accipe regnum
quod teneo. Verum dominus vult quidem regnare, sed iustitia, ut absque
peccato regnet; et vult gentes sibi esse subiectas, ut serviant veritati; nec
sic vult regnare ceteris ut ipse regnetur a Diabolo; unde sequitur et
respondens Iesus dixit illi : scriptum est : dominum Deum tuum adorabis, et
illi soli servies. Beda.
Dicens Diabolus salvatori si procidens adoraveris me, e contrario audit,
quod ipse magis adorare eum debeat quasi dominum et Deum suum. Cyrillus.
Qualiter autem, si, secundum haereticos, filius est creatura, adoratur?
Quod crimen inferretur adversus eos qui servierunt creaturae et non creatori,
si filium secundum eos creaturam existentem colimus tamquam Deum? Origenes.
Vel aliter. Hos, inquit, omnes propterea mihi volo esse subiectos, ut
dominum Deum adorent et ipsi soli serviant; tu autem a me vis incipere
peccatum, quod ego dissoluturus huc veni. Cyrillus.
Hoc autem mandatum eius tetigit intima; ante adventum enim eius ipse
ubique colebatur : lex autem divina eiciens ipsum a dominio usurpato, adorare
statuit solum eum qui naturaliter Deus est. Beda.
Quaeret autem aliquis quomodo conveniat quod hic praecipitur, soli domino
serviendum, apostoli verbo, qui dicit : per caritatem servite invicem. Sed in
Graeco dulia intelligitur servitus communis, hoc est sive Deo, sive homini
exhibita; latria autem vocatur servitus divinitatis cultui debita. Iubemur
ergo per caritatem servire invicem, quod est Graece duleuin; iubemur uni Deo
servire, quod est Graece latreuin : unde hic dicitur et illi soli servies;
quod est Graece latreuis. |
Versets 5-8.
— Théophylacte : L’ennemi de notre salut avait d’abord tenté Jésus-Christ par la sensualité, comme il avait autrefois tenté Adam, il le tente en second lieu par la cupidité ou par l’avarice, en lui montrant tous les royaumes du monde : « Et le démon le conduisit sur une haute montagne, et il lui montra tous les royaumes de la terre, en un instant. » — S. Grégoire : (hom. 6 sur les Evang.) Qu’y a-t-il d’étonnant que le Sauveur ait permis au démon de le conduire sur cette montagne, lui qui a bien voulu être crucifié par les suppôts du démon ? — Theophylactus : Mais comment le démon a-t-il pu lui faire voir tous les royaumes du monde ? Il en est qui prétendent que cette vision fut toute intérieure, mais mon avis est qu’elle fut extérieure et fantastique. — Tite de Bostr. Ou bien le démon fit de vive voix cette description du monde, et il le représenta à la pensée du Sauveur, sous la forme d’une maison comme il le pensait. — S. Ambroise : L’Évangéliste fait remarquer avec justesse que ce fut en un instant qu’il montra tous les royaumes du monde, et il veut exprimer ainsi la fragilité de cette puissance passagère, bien plus que le tableau rapide [que le démon fit passer sous les yeux du Sauveur], car toutes ces choses passent en un moment, et souvent la gloire du siècle disparaît avant qu’elle soit venue. « Et il lui dit : Je vous donnerai
toute cette puissance, avec sa gloire, car elle m’a été remise et je la
donne à qui je veux. » — Tite de Bostr. Il faisait un double mensonge, car il ne possédait pas cette puissance, et il ne pouvait donner ce qu’il n’avait pas. En effet, la puissance du démon est nulle, et Dieu n’a laissé à cet ennemi que le pouvoir de nous faire la guerre. — S. Ambroise : Il est dit ailleurs : « Toute puissance vient de Dieu, » c’est donc à Dieu qu’il appartient [de donner,] de régler la puissance, mais c’est du démon que vient l’ambition du pouvoir; ce n’est pas le pouvoir qui est mauvais, c’est l’usage condamnable qu’on en fait. Quoi donc ! Est-ce un bien que d’exercer le pouvoir ? que de rechercher les honneurs ? C’est un bien d’exercer le pouvoir lorsqu’on vous le défère, mais non lorsque vous l’usurpez. Et encore faut-il distinguer soigneusement ce bien, car il y a un bien relatif dans ce monde, et il y a un bien absolu qui consiste dans la perfection de la vertu. C’est ainsi qu’il est bien de chercher Dieu et de ne se laisser détourner par aucune préoccupation du soin assidu de connaître la Divinité. Or, si celui qui cherche Dieu est bien souvent tenté par suite de la fragilité de sa chair et de la faiblesse de son esprit, combien plus celui qui est tout entier dans la recherche des honneurs du monde. Le Sauveur nous apprend donc ici à mépriser l’ambition, comme étant soumise à la puissance du démon. — Tite de Bostr. D’ailleurs la faveur publique a ses périls qui lui sont propres; pour dominer les autres, il faut d’abord se faire leur esclave, il faut se courber servilement sous la volonté des autres pour en obtenir les honneurs qu’on désire, et tandis qu’on veut s’élever au-dessus de tous, on s’avilit sous les dehors d’une humilité mensongère. Aussi écoutez le démon : « Si donc vous voulez m’adorer, toutes ces puissances seront à vous. » — S. Cyrille d’Alexandrie : Comment toi, dont le sort est de brûler dans un feu qui ne s’éteint pas, oses-tu promettre au Seigneur de toutes choses ce qui lui appartient ? Quoi ! tu as espéré avoir pour adorateur celui dont la crainte fait trembler tout ce qui existe ! — Origène : (hom. 30.) On peut encore expliquer ces paroles dans un sens tout différent. Deux rois veulent régner ici-bas à l’envi l’un de l’autre : le roi du péché, le démon, veut régner sur les pécheurs; le roi de la justice, Jésus-Christ, sur les justes. Or le démon, sachant bien que le Christ venait détruire son royaume, lui fait voir tous les royaumes du monde, non pas le royaume des Perses et des Mèdes, mais son royaume à lui, comment il règne sur le monde, c’est-à-dire, comment il règne sur les uns par la fornication, sur les autres par l’avarice, et il lui fait voir en un instant, c’est-à-dire, dans la durée du temps présent, ce qu’il obtient en un instant en face de l’éternité. Le Sauveur n’avait pas besoin qu’il lui mît devant les yeux un plus long tableau des choses du monde; aussitôt qu’il eut ouvert les yeux pour regarder, il vit d’un seul coup d’oeil le règne du péché et l’esclavage de ceux qui étaient soumis à la domination des vices. Le démon lui tient donc ce langage : « Vous êtes venu pour me disputer l’empire, adorez-moi, et je vous donne le royaume qui est en ma possession. Mais le Seigneur veut régner, il est vrai, mais comme étant la justice, c’est-à-dire qu’il veut régner sans péché; il veut que les nations lui soient soumises, pour qu’il les place sous l’empire de la vérité, et il ne veut pas de ce règne qui le soumettrait lui-même à l’empire du démon : « Et Jésus lui répondit : Il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul. » — S. Bède : Le démon fait au Sauveur cette proposition : « Si vous consentez à vous prosterner et à m’adorer », et il apprend de sa bouche, au contraire, que lui-même doit plutôt l’adorer comme son Seigneur et son Dieu. — S. Cyrille : (Très.) Mais pourquoi, si, comme le veulent les hérétiques, il est fils de la créature, doit-il être adoré ? Ou est le crime de ceux qui adorent la créature au lieu du Créateur, si nous-mêmes nous adorons comme Dieu le Fils qui n’est d’après eux qu’une simple créature ? — Origène : Ou bien dans un autre sens : Je veux que tous les hommes me soient soumis, afin qu’ils adorent le Seigneur leur Dieu, et ne servent que lui seul; et tu veux que je commence par donner l’exemple de la prévarication, moi qui suis venu pour détruire le péché ? — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Cette parole pénétra le démon jusqu’au fond de son âme. Avant la venue du Sauveur, il était honoré partout, et voilà que la loi divine le chasse du trône qu’il avait usurpé, et déclare que l’adoration n’est due qu’à celui qui est Dieu par nature. — S. Bède : Si l’on demande comment ce précepte, de ne servir que Dieu seul, peut se concilier avec ces paroles de l’Apôtre : « Assujettissez-vous les uns aux autres par une charité spirituelle » (Ga 5), [nous répondrons que] le mot dulie qui vient du grec, exprime cette espèce de culte ordinaire et commun que nous rendons soit à Dieu, soit aux hommes, c’est dans ce sens qu’il nous est commandé de nous rendre les serviteurs les uns des autres; au contraire, le mot latrie signifie le culte d’adoration que nous devons à Dieu seul, et c’est dans ce sens qu’on dit « vous ne servirez que lui seul », en grec latreuein. |
Lectio 3 [85789] Catena in Lc., cap. 4 l. 3 Ambrosius. Sequitur iactantiae telum, quo in proclive delinquitur :
quia dum homines gloriam virtutis suae iactare desiderant, de loco meritorum et
statione decidunt : unde dicitur et duxit illum in Ierusalem, et statuit eum
supra pinnaculum templi. Origenes in Lucam. Sequebatur plane, quasi athleta ad tentationem
sponte proficiscens, et quodammodo loquebatur : duc quo vis, et invenies me
in omnibus fortiorem. Ambrosius.
Ita est autem iactantia ut dum se putat unusquisque ad altiora
conscendere, sublimium usurpatione factorum ad inferiora trahatur; unde
sequitur et dixit illi : si filius Dei es, mitte te hinc deorsum. Athanasius.
Non autem contra divinitatem certamen Diabolus iniit, neque enim audebat;
et ideo dicebat si filius Dei es : sed cum homine certamen iniit, quem
quondam seducere potuit. Ambrosius.
Vere autem diabolica vox est quae mentem hominis de gradu altiori meritorum
praecipitare contendit. Simul infirmitatem suam Diabolus malitiamque designat
: quia nemini potest nocere nisi ipse deorsum se miserit : nam qui relictis
caelestibus terrena eligit, voluntarium quoddam praecipitium vitae labentis
incurrit. Simul quoniam telum suum Diabolus vidit obtusum, qui omnes proprie
subiecerat potestati, plus coepit quam hominem iudicare. Transfigurat autem
se Satanas velut Angelum lucis, et de Scripturis saepe divinis laqueum
fidelibus parat; unde sequitur scriptum est enim : quoniam Angelis suis
mandavit de te, ut conservent te, et quia in manibus tollent te, ne forte
offendas ad lapidem pedem tuum. Origenes.
Unde tibi, Diabole, hoc scire, quod ista scripta sunt? Numquid legisti
prophetas vel divina eloquia? Legisti quidem non ut ipse ex lectione eorum
melior fieres, sed ut de simplici littera eos qui amici sunt litterae
interficias. Scis quia si de aliis eius voluminibus loqui volueris, non
decipies. Ambrosius.
Ergo non te capiat haereticus, quia potest de Scripturis aliqua exempla
proferre : utitur et Diabolus testimoniis Scripturarum, non ut doceat, sed ut
fallat. Origenes. Vide autem quomodo et in ipsis
testimoniis versipellis est; vult enim minuere gloriam salvatoris, quasi
Angelorum indigeat auxilio : offensurus pedem, nisi eorum manibus sublevetur.
Hoc enim testimonium non de Christo, sed de sanctis generaliter scriptum est
: neque enim indiget Angelorum auxilio qui maior est Angelis, quin potius
disce, Diabole, quod nisi Deus adiuvaret Angelos, offenderent pedem suum; et
tu propterea offendisti, quia credere in Iesum Christum Dei filium noluisti.
Quare autem siles quod sequitur : super aspidem et basiliscum ambulabis, nisi
quia tu es basiliscus, tu draco, tu leo? Ambrosius.
Sed dominus rursus ne ea quae de se fuerant prophetata, ad arbitrium
Diaboli putaret esse facienda, sed divinitatis propriae auctoritate servata,
versutiae eius occurrit; ut quia Scripturarum exemplum praetenderat,
Scripturarum vinceretur exemplis; unde sequitur et respondens Iesus ait illi
: dictum est quia non tentabis dominum Deum tuum. Chrysostomus.
Diabolicum enim est seipsum inicere ad pericula, et tentare si eripiat
Deus. Cyrillus.
Non enim tentantibus largitur Deus auxilia, sed credentibus in eum : unde
Christus tentantibus eum non ostendebat miracula, quibus dicebat : generatio
prava signum quaerit, et non dabitur ei. Chrysostomus.
Aspice autem quomodo non turbatus est dominus; immo de Scripturis
humillime cum iniquo disceptat, ut conformeris Christo pro posse. Novit
Diabolus arma Christi, quibus succubuit : ex mansuetudine eum cepit, ex
humilitate devicit. Tu quoque, cum videris hominem effectum Diabolum, et tibi
obviantem, eo modo devincas, doceas animam tuam formare os condecens ori
Christi : sicut enim cum Romanus forsan residet iudex, non exaudiet responsum
ignorantis eo modo loqui quo ipse, sic et Christus nisi suo modo loquaris,
non exaudiet te, nec vacabit tibi. Gregorius
Nyssenus. Legitime autem pugnanti agonum reperitur terminus; vel quod
adversarius sua sponte cedat vincenti, vel trino casu deponitur secundum
pugnatoriae artis decretum; unde sequitur et consummata omni tentatione
Diabolus recessit usque ad tempus ab illo. Ambrosius.
Non dixisset Scriptura omnem tentationem consummatam, nisi in tribus
praemissis esset omnium materia delictorum : quia causae tentationum, causae
cupiditatum sunt : scilicet carnis oblectatio, spes gloriae, aviditas
potentiae. Athanasius.
Accesserat quidem ad eum hostis ut ad hominem; non inveniens autem in ipso
antiqui sui seminis signa, discessit. Ambrosius. Vides ergo ipsum
Diabolum in stadio non esse pertinacem, cedere verae solere virtuti; et si
invidere non desinat, tamen instare formidat, quia frequentius refugit
triumphari. Audito itaque Dei nomine, recessit, inquit, usque ad tempus; postea
enim non tentaturus, sed aperte pugnaturus venit. Theophylactus.
Vel quia de voluptate tentaverat in deserto, recessit ab eo usque ad
tempus crucis, in quo eum erat de tristitia tentaturus. Maximus.
Vel Diabolus in deserto Christo suggesserat praeferre mundi materiam
divino amori; quem dominus retrocedere iussit, quod erat indicium divini
amoris : unde postea satagebat praevaricatorem eum facere dilectionis ad
proximos; et ideo docente eo semitas vitae provocabat ad illius insidias
Pharisaeos et Scribas, ut ad eorum odium perverteretur. Sed dominus
dilectionis intuitu, quem habebat in eos, monebat, arguebat, beneficia
conferre non cessabat. Augustinus
de Cons. Evang. Totum autem hoc similiter Matthaeus narrat, sed non eodem
ordine : unde incertum est quid prius factum sit : utrum regna terrae prius
demonstrata sint ei et postea in pinnam templi levatus sit; an hoc prius et
illud postea : nihil tamen ad rem, dum omnia facta esse manifestum sit. Maximus.
Ob hoc autem Evangelistarum hanc iste, illam vero ille praemittit, quia
inanis gloria et avaritia ad invicem sese gignunt. Origenes
in Lucam. Ioannes autem, quia a Deo exordium fecerat, dicens : in
principio erat verbum, tentationem domini non descripsit, quia Deus tentari
non potest, de quo ei erat sermo : quia vero in Matthaei Evangelio et in Luca
generatio hominis scribitur et in Marco : homo autem est qui tentatur; ideo
Matthaeus, Lucas et Marcus tentationem domini descripserunt. |
Versets 9-13.
— S. Ambroise : [A la tentation de sensualité] succède celle de la vaine gloire, qui fait tomber dans les honteux abaissements du péché; car aussitôt que les hommes cherchent à mettre en avant la gloire de leur vertu, ils tombent du rang où leurs mérites les avait élevés : « et le démon le conduisit à Jérusalem, et le déposa sur le pinacle du temple.» — Origène : (hom. 31.) Jésus suivait le démon comme un athlète qui marche volontairement au combat, et il semblait lui dire : Conduis-moi où tu voudras, tu me trouveras supérieur à toutes tes intrigues. — S. Athanase ou S. Ambroise : C’est le propre de la vaine gloire, en inspirant à celui qu’elle domine de s’élever présomptueusement à un degré supérieur par la pratique d’oeuvres plus parfaites, de le faire tomber dans les actions les plus humiliantes : « et il lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous au bas. » — S. Athanase : (Chronique des Pères grecs) Ce n’est pas contre la divinité que le démon engage le combat (il n’eût osé le faire), aussi c’est pourquoi il dit à Jésus : « Si vous êtes le Fils de Dieu, » mais c’est contre l’homme qu’il avait autrefois réussi à séduire. — S. Athanase ou S. Ambroise : C’est bien ici la voix du démon qui cherche à précipiter l’homme du haut rang où ses vertus l’ont élevé, mais il dévoile en même temps toute sa faiblesse et toute sa méchanceté, puisqu’il ne peut nuire à personne avant qu’on ne se soit pour ainsi dire précipité soi-même dans l’abîme. En effet, celui qui, aux choses du ciel, préfère les biens trompeurs de la terre, se jette comme volontairement dans un précipice où il trouve la mort. Cependant lorsque le démon vit son arme émoussée, lui qui avait soumis tous les hommes à son empire, il jugea que Jésus était plus qu’un homme. Or, il est à remarquer que Satan se transforme souvent en ange de lumière (2 Co 11), et dresse des piéges aux fidèles à l’aide des saintes Écritures : « Car il est écrit : ‘Il donnera pour vous des ordres à ses Anges pour vous garder’, et ‘Ils vous prendront dans leurs mains, de peur que votre pied ne heurte une pierre.» — Origène : (hom. 34.) Comment peux-tu savoir, ô démon ! que ces paroles se trouvent dans l’Écriture, as-tu jamais lu les Prophètes ou les saintes Lettres ? Oui, tu les a lues, non pour devenir meilleur par cette lecture, mais pour tuer avec la lettre seule ceux qui s’attachent exclusivement à la lettre. (2 Co 3.) Tu sais que si tu empruntais tes témoignages à d’autres livres, tu ne pourrais réussir à tromper. — S. Ambroise : Ne vous laissez donc pas séduire par les hérétiques qui pourront vous citer des témoignages de l’Écriture, le démon lui-même a recours à l’Écriture, non pour enseigner, mais pour tromper. — Origène : Vous voyez, du reste, l’artifice du démon jusque dans la citation de ces témoignages; il veut amoindrir la gloire du Sauveur, comme s’il avait besoin du secours des anges, et que son pied dût heurter, s’il n’était soutenu par leurs mains. Or, ces paroles du Psalmiste ne s’appliquent nullement au Christ, mais en général à tous les saints; car celui qui est au-dessus de tous les anges n’a nullement besoin de leur secours. Apprends donc plutôt, ô démon, que les anges eux-mêmes heurteraient leur pied, si la main de Dieu ne les soutenait, c’est ainsi que toi-même tu es venu heurter contre l’écueil, parce que tu as refusé de croire en Jésus-Christ, Fils de Dieu. Mais pourquoi donc passes-tu sous silence les paroles qui suivent : « Vous marcherez sur l’aspic et le basilic », sinon parce que tu es toi-même ce basilic, ce dragon, ce lion ? — S. Ambroise : Cependant Notre Seigneur, voulant nous apprendre que tout ce qui avait été prédit de lui ne devait pas s’accomplir selon le bon plaisir du démon, mais par la volonté souveraine de sa divinité, déjoue les artifices [de ce malin esprit], et comme il a emprunté ses armes à l’Écriture, le Sauveur lui oppose l’autorité triomphante des Écritures : « Et Jésus lui répondit : Il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (des hom. sur l’ép. aux Hébr.) C’est en effet une inspiration diabolique que de se jeter dans le danger, pour tenter si Dieu nous en délivrera. — S. Cyrille : Dieu accorde son secours, non à ceux qui le tentent, mais à ceux qui croient en lui; aussi Jésus-Christ ne voulut point faire de miracles en présence de ceux qui étaient venus pour le tenter : « Cette génération perverse, disait-il, demande un prodige, et il ne lui sera point donné. » — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Voyez comme le Seigneur, sans être troublé, discute humblement avec le démon, vous donnant ainsi un exemple que vous devez imiter autant qu’il est possible. Le démon connaît les armes dont Jésus-Christ s’est servi pour le terrasser, il l’a combattu par la douceur, et en a triomphé par l’humilité. Vous donc aussi, si vous rencontrez un homme devenu l’instrument du démon pour lutter contre vous, cherchez à en triompher par les mêmes armes. Que votre âme apprenne à conformer vos paroles aux paroles du Christ; car de même que le juge romain, assis sur son tribunal, n’écoute point la demande de celui qui ne sait point parler son langage, ainsi Jésus-Christ ne vous exaucera point et ne prêtera aucune attention à vos paroles, si vous ne parlez son langage. — S. Grégoire de Nysse : Celui qui lutte suivant les règles, arrive au terme du combat, soit que son adversaire cède de lui-même au vainqueur, soit qu’à la troisième défaite il dépose les armes suivant les lois du combat : « Et ayant épuisé toutes ses tentations, il se retira jusqu’au temps marqué. » — S. Athanase ou S. Ambroise : La sainte Écriture n’eût pas dit que le démon avait épuisé toutes les tentations, si les trois qui précédent n’étaient l’occasion de tous les crimes. En effet, toutes les tentations viennent des concupiscences qui sont le plaisir de la chair, le désir de la gloire et l’ambition du pouvoir. — S. Athanase : L’ennemi de notre salut s’était approché de Jésus comme d’un homme, mais n’ayant trouvé en lui aucun des caractères de ses premiers ancêtres, il se retira. — S. Ambroise : Vous voyez donc que le démon n’est point opiniâtre dans ses poursuites, il cède d’habitude le terrain à la véritable vertu, et s’il ne cesse point de porter envie, il craint de revenir à la charge, parce qu’il redoute la honte de fréquentes défaites. Aussitôt donc qu’il entend le nom de Dieu, il se retire pour un temps, dit l’Évangéliste; car il revint plus tard, non plus pour tenter le Sauveur, mais pour le combattre à force ouverte. — Théophylacte : Ou bien, comme il l’avait tenté dans le désert par l’attrait de la sensualité, il se retira de lui jusqu’au temps de sa passion, où il devait le tenter par la crainte de la douleur. — S. Maxime : Ou bien encore, le démon avait suggéré à Jésus-Christ, dans le désert, de préférer les biens matériels à l’amour divin, le Sauveur lui ordonne de se retirer, ce qui était un signe de l’amour qu’il avait pour Dieu. Dans la suite, le démon s’efforça donc de lui faire transgresser le précepte de l’amour du prochain, ainsi il excitait les scribes et les pharisiens à lui dresser des embûches, alors qu’il leur enseignait les sentiers de la véritable vie, pour le forcer de les haïr. Mais le Seigneur, ne perdant jamais de vue l’amour qu’il avait pour eux, ne cessait de les avertir, de les reprendre et de leur faire du bien. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 6.) Saint Matthieu rapporte également l’ensemble de ces tentations, mais dans un ordre différent. Nous ne savons donc ce qui eut lieu d’abord, de la deuxième ou de la troisième tentation, c’est-à-dire si le démon fit voir au Sauveur tous les royaumes du monde avant de le transporter sur le pinacle du temple; mais peu importe, dès lors qu’il est certain que ces deux faits sont véritables. — S. Maxime : L’un des Évangélistes a placé la seconde tentation avant la troisième; l’autre, la troisième avant la seconde, parce que la vaine gloire et l’avarice s’engendrent mutuellement. — Origène : (hom. 29.) L’évangéliste saint Jean, qui commence son Évangile par la génération divine, et donne ce magnifique exode : « Au commencement était le Verbe, » n’a pas raconté les tentations du Sauveur, parce que la divinité dont il voulait surtout parler est inaccessible à la tentation. Au contraire, saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, qui avaient surtout pour objet de décrire la génération temporelle, et la vie humaine de Notre Seigneur, nous ont raconté sa tentation. |
Lectio 4 [85790] Catena in Lc., cap. 4 l. 4 Origenes in Lucam. Quia dominus tentatorem vicerat, virtus ei addita
est; quantum scilicet ad manifestationem; unde dicitur et egressus est Iesus
in virtute spiritus in Galilaeam. Beda.
Virtutem spiritus signa miraculorum dicit. Cyrillus.
Agebat autem miracula, non ab extrinseco, et quasi acquisitam habens
spiritus sancti gratiam, sicut alii sancti; sed potius, cum esset naturaliter
Dei filius et consors omnium quae sunt patris, tamquam propria virtute et
operatione, utitur ea quae est spiritus sancti. Decebat autem ex tunc eum
notum fieri, et humanationis fulgere mysterium apud eos qui erant de sanguine
Israel; ideo sequitur et fama exiit per universam regionem de illo. Beda.
Et quia sapientia pertinet ad doctrinam, virtus vero refertur ad opera,
utraque hic coniunguntur; unde sequitur et ipse docebat in synagogis eorum.
Synagoga Graece, Latine dicitur congregatio; quo nomine non solum turbarum
conventum, sed et domum in qua ad audiendum verbum Dei conveniebant, Iudaei
appellare solebant; sicut nos Ecclesias et loca et choros fidelium vocamus.
Verum differt inter synagogam quae congregatio, et Ecclesiam quae convocatio
interpretatur : quia scilicet et pecora et quaeque res congregari in unum
possunt; convocari non possunt nisi ratione utentia : ideo novae gratiae
populum quasi maiore dignitate praeditum, rectius Ecclesiam quam synagogam
nominare apostolicis doctoribus visum est. Merito autem et magnificatus a
praesentibus asseveratur praecedentibus factorum dictorumve indiciis, cum
sequitur et magnificabatur ab omnibus. Origenes
in Lucam. Cave autem ne beatos tantum illos iudices, et te arbitreris
privatum esse Christi doctrina : quia nunc etiam in toto orbe docet per
organa sua, et nunc magis glorificatur ab omnibus quam illo tempore quo
tantum in una provincia cognoscebatur. Cyrillus.
Largitur autem sui notitiam illis inter quos educatus est secundum carnem;
unde sequitur et venit Nazareth, ubi erat nutritus. Theophylactus.
Ut et nos doceat prius proprios beneficare et docere, deinde et ad
reliquos amicitiam spargere. Beda.
Confluebant autem die sabbati in synagogis, ut feriatis mundi negotiis ad
meditanda legis monita quieto corde residerent; unde sequitur et intravit
secundum consuetudinem suam die sabbati in synagogam. Ambrosius.
Ita autem dominus ad omnia se curvavit obsequia, ut ne lectoris quidem
aspernaretur officium; unde sequitur et surrexit legere, et traditus est illi
liber Isaiae. Accepit quidem librum, ut ostenderet seipsum esse qui locutus
est in prophetis, et removeret sacrilegia perfidorum, qui alium Deum dicunt
veteris testamenti, alium novi; vel qui initium Christi dicunt esse de
virgine; quomodo enim coepit ex virgine qui ante virginem loquebatur? Origenes.
Non autem fortuito revolvit librum, et caput de se vaticinans reperit
lectionis; sed hoc providentiae Dei fuit; unde sequitur et ut revolvit
librum, invenit locum ubi scriptum erat : spiritus domini super me; Christus
enim est qui ita commemoratur. Athanasius.
Explicans enim nobis causam factae in mundo revelationis, id est suae
humanationis, hoc dicit : sicut enim filius, cum sit spiritus dator, non
recusat fateri tamquam homo, quod in spiritu Dei eicit Daemonia; ita non
recusat dicere spiritus domini super me, pro eo quod factus est homo. Cyrillus.
Similiter autem fatemur eum unctum fuisse inquantum carnem suscepit; unde
sequitur propter quod unxit me : non enim ungitur divina natura, sed quod
nobis cognatum existit : sic etiam et quod dicit se missum, imputandum est
humanitati; nam sequitur evangelizare pauperibus misit me. Ambrosius.
Vides Trinitatem coaeternam atque perfectam : ipsum loquitur Scriptura
Iesum Deum hominemque in utero perfectum; loquitur et patrem et spiritum
sanctum, qui cooperator ostenditur quando corporali specie sicut columba
descendit in Christum. Origenes
in Lucam. Pauperes autem nationes dicit : isti enim erant pauperes nihil
omnino possidentes, non Deum, non legem, non prophetas, non iustitiam, non
reliquas virtutes. Ambrosius.
Vel universaliter ungitur oleo spirituali et virtute caelesti, ut
paupertatem conditionis humanae, thesauro resurrectionis rigaret aeterno.
Beda.
Mittitur etiam evangelizare pauperibus, dicens : beati pauperes, quia
vestrum est regnum caelorum. Cyrillus.
Forsitan enim pauperibus spiritu in his ostendit exhibitum liberale donum
inter omnia dona quae per Christum obtinentur. Sequitur sanare contritos
corde. Vocat contritos corde debiles, fragilem mentem habentes, et resistere
nequeuntes insultibus passionum; quibus remedium sanitatis promittit. Basilius.
Vel contritos corde venit sanare, idest remedium dare habentibus cor
contritum a Satana per peccatum : eo quod prae ceteris peccatum cor humanum
prosternit. Beda.
Vel quia scriptum est : cor contritum et humiliatum Deus non spernit, ideo
missum se dicit ad sanandum contritos corde, secundum illud : qui sanat
contritos corde. Sequitur et praedicare captivis remissionem. Chrysostomus.
Captivationis vocabulum multiplex est. Est enim captivatio bona, sicut
Paulus dicit : captivantes omnem intellectum ad obedientiam Christi. Est et
prava et sensibilis; quae est a corporalibus hostibus. Sed deterior est
intelligibilis, de qua hic dicit : fungitur enim peccatum pessima tyrannide,
praecipiens mala, et obedientes confundens. Ab hoc intelligibili carcere nos
Christus eripuit. Theophylactus.
Possunt autem et haec de mortuis intelligi, qui captivi existentes, soluti
sunt ab Inferni dominio per Christi resurrectionem. Sequitur et visum caecis.
Cyrillus.
Profluentes enim a Diabolo tenebras in corda humana, Christus quasi sol iustitiae
removit, faciens homines filios non noctis et tenebrarum, sed lucis et diei :
qui enim aliquando errabant, perceperunt iustorum semitas. Sequitur dimittere
confractos in remissionem. Origenes
in Lucam. Quid enim ita fractum, atque collisum fuerat ut homo, qui a Iesu
dimissus est et sanatus? Beda.
Vel dimittere confractos in remissionem, idest eos, qui legis pondere
importabili fuerant depressi relevare. Origenes.
Ista autem omnia praedicta sunt, ut post visionem ex caecitate, post
libertatem ex vinculis, post sanitatem a diversis vulneribus veniamus ad
annum domini acceptum; unde sequitur praedicare annum domini acceptum. Aiunt
autem quidam iuxta simplicem intelligentiam, anno uno Evangelium salvatorem
in Iudaea praedicasse; et hoc est quod dicitur praedicare annum domini
acceptum. Vel annus domini acceptus est totum tempus Ecclesiae, quo dum
versatur in corpore, peregrinatur a domino. Beda.
Neque enim solus ille annus quo dominus praedicabat fuit acceptabilis, sed
etiam iste quo praedicat apostolus dicens : ecce nunc tempus acceptabile.
Post annum sane domini acceptabilem, subdit et diem retributionis, scilicet
extremae, quando reddet unicuique secundum opus suum. Ambrosius.
Vel diem hunc annum domini acceptum dicit perpetuis diffusum temporibus,
qui redire in orbem laboris nesciat, continuationem fructus hominibus et
quietis indulgeat. Sequitur et cum plicuisset librum, reddidit ministro, et
sedit. Beda.
Librum audientibus illis qui aderant legit; sed lectum ministro reddidit :
quia dum esset in mundo, palam locutus est, docens in synagogis et templo;
sed ad caelestia reversurus, his qui ab initio viderant, et ministri sermonis
fuerant, evangelizandi officium tradidit. Stans legit, quia nobis Scripturas
quae de ipso erant aperuit, quando in carne dignatus est operari; sed reddito
libro residet, quia se supernae quietis solio restituit : stare enim
operantis est, sedere autem quiescentis vel iudicantis. Sic et praedicator
verbi surgat et legat, idest operetur, et praedicet; et resideat, idest
praemia quietis expectet. Revolutum autem librum legit, quia Ecclesiam misso
spiritu omnem veritatem docuit; plicatum ministro reddidit, quia non omnia
omnibus dicenda, sed pro captu audientium committit doctori dispensandum
verbum. Sequitur et omnium in synagoga oculi erant intendentes in eum. Origenes
in Lucam. Et nunc etiam si volumus, oculi nostri possunt intendere in
salvatorem : cum enim principalem cordis tui direxeris aciem ad sapientiam et
veritatem Deique unigenitum contemplandum, oculi tui intuentur Iesum. Cyrillus.
Tunc autem omnium oculos convertebat ad se, quodammodo stupentium qualiter
litteras novit quas non didicit. Sed quoniam mos erat Iudaeis promulgatas de
Christo prophetias dicere consummari vel in quibusdam eorum praepositis, vel
in aliquibus sanctis prophetis, dominus hoc praedicavit; unde sequitur coepit
autem dicere ad illos : quia hodie impleta est haec Scriptura in auribus
vestris. Beda.
Quia scilicet, sicut illa Scriptura praedixerat, et magna faciebat, et
maiora dominus evangelizabat. |
Versets 14-21.
— Origène : (hom. 32.) La victoire que Notre Seigneur venait de remporter sur le tentateur, donna un nouvel accroissement, ou plutôt un nouveau degré de manifestation à sa vertu : « Et Jésus retourna en Galilée dans la vertu de l’Esprit, ». — S. Bède : Cette vertu de l’Esprit, c’est la puissance de faire des miracles. — S. Cyrille : Le Sauveur ne faisait pas des miracles par une puissance qui lui fut extrinsèque, et comme les autres saints qui agissaient en vertu de la grâce de l’Esprit saint qu’ils avaient reçue; mais comme il était le Fils de Dieu par nature, et qu’il entrait en participation de tous les attributs du Père, il se sert pour agir de la vertu de l’Esprit saint comme lui appartenant en propre. Il était du reste convenable qu’il se manifestât désormais et qu’il fît éclater aux yeux des enfants d’Israël le mystère de l’incarnation : « Et sa renommée se répandit dans toute la région, ». — S. Bède : La sagesse se rapporte à la doctrine, et la puissance aux oeuvres, aussi l’Evangéliste réunit ici ces deux attributs : « Et il enseignait dans leurs synagogues, ». Le mot synagogue, qui vient du grec, veut dire réunion, les Juifs appelaient ainsi non seulement l’assemblée du peuple, mais encore le lieu où il se réunissait pour entendre la parole de Dieu. C’est ainsi que nous donnons le nom d’églises aux lieux et aux assemblées de fidèles qui chantent les louanges de Dieu. Il y a cependant une différence entre le mot synagogue qui veut dire réunion, et le mot église qui signifie assemblée; des animaux, ou n’importe quelles autres choses, peuvent former une réunion, tandis qu’une assemblée ne peut se composer que d’êtres doués de raison. C’est pour cela que les docteurs apostoliques ont jugé plus convenable de donner le nom d’Église, plutôt que celui de synagogue aux réunions du peuple, élevé par la grâce à une plus grande dignité. C’est avec raison que tous les assistants publiaient ses louanges, lui à qui tous les faits et tous les oracles précédents avaient rendu un si éclatant témoignage : « Et il était exalté par tous. » — Origène : Gardez-vous de penser que ceux-là seuls furent heureux [qui eurent le bonheur d’entendre les enseignements du Sauveur], et de croire que vous êtes privé de sa doctrine; car aujourd’hui encore, il enseigne dans tout l’univers par ses organes, et sa gloire est célébrée par un plus grand nombre de voix qu’au temps de sa vie mortelle, où il n’était connu que par les hommes d’une seule contrée. — S. Cyrille : Notre Seigneur se fait connaître à ceux parmi lesquels il a passé les premières années de sa vie mortelle : « Et il vint à Nazareth, où il avait été élevé ». — Théophylacte : Il nous apprend ainsi à instruire d’abord de préférence nos proches, et à leur faire du bien avant de répandre sur les autres les effets de notre charité. — S. Bède : Ils se réunissaient en foule le jour du sabbat dans les synagogues, où, libres des préoccupations des affaires du monde, ils pouvaient méditer dans un coeur calme et tranquille les divins enseignements de la loi : « Et il entra, selon sa coutume, le jour du sabbat, dans la synagogue ». — S. Ambroise : Notre Seigneur s’est tellement familiarisé avec tous les abaissements, qu’il n’a pas dédaigné la fonction de lecteur : « Et il se leva pour lire, et on lui donna le livre des prophéties d’Isaïe, ». Il prit le livre pour faire comprendre que c’était lui qui avait parlé par la bouche des prophètes, et pour écarter cette doctrine sacrilège, qui prétend que le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas le même que le Dieu du Nouveau, ou qui ne fait remonter l’origine de Jésus-Christ qu’à sa conception dans le sein de la Vierge; comment soutenir, en effet, que son existence date seulement de sa conception, lui qui faisait entendre sa voix avant même que la Vierge existât ? — Origène : Or, ce ne fut point par hasard, mais par un effet de la Providence divine, qu’en déroulant le livre, il tomba sur la prophétie qui prédisait sa venue : « Et l’ayant déroulé, il trouva l’endroit où il était écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi ». En effet, c’est bien Jésus-Christ qui est évoqué dans cette prophétie. — S. Athanase : (2e discours contre les Ar.) Il parle de la sorte pour nous expliquer les causes de son incarnation et de sa manifestation en ce monde; car de même que lui, qui, comme Fils de Dieu, envoie et donne l’Esprit saint, ne fait pas difficulté d’avouer, comme homme, que c’est par l’Esprit de Dieu qu’il chasse les démons; de même, en tant qu’il s’est fait homme, il ne craint pas de dire : « L’Esprit du Seigneur est sur moi. » — S.
Cyrille : C’est ainsi que nous confessons qu’il a
reçu l’onction comme homme revêtu de notre nature : « C’est pourquoi il m’a consacré par son onction » ;
car ce n’est pas la nature divine qui reçoit cette onction, mais la nature
qui lui est commune avec la nôtre. Ainsi encore lorsqu’il dit qu’il a été
envoyé, il faut l’entendre de son humanité : « Il m’a envoyé évangéliser les pauvres. » — S. Ambroise : Vous voyez la Trinité coéternelle et parfaite. L’Écriture proclame que Jésus est Dieu parfait et homme parfait, elle proclame également la divinité du Père et de l’Esprit saint le coopérateur du Père qui est descendu sur Jésus Christ sous la forme extérieure d’une colombe. — Origène
: Les pauvres ici sont toutes les nations pauvres eu effet, parce
qu’elles étaient dénuées de tout bien, sans Dieu, sans loi, sans prophètes,
sans justice, sans aucunes vertus. — S. Ambroise : Ou encore, il reçoit dans sa plénitude l’onction de l’huile spirituelle et de la vertu céleste pour enrichir la pauvreté de la nature humaine du trésor de sa résurrection. — S. Bède : Dieu l’envoie prêcher l’Évangile aux pauvres, et leur dire : « Bienheureux vous qui êtes pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous. » — S. Cyrille : Peut-être veut-il dire par là que de tous les biens dont Jésus-Christ est la source, la meilleure part est donnée aux pauvres en esprit. Suite. « Guérir les coeurs brisés. » Ces coeurs brisés ce sont les faibles, dont l’âme est fragile, qui ne peuvent résister aux assauts des passions, et à qui il promet le retour à la santé. — S. Basile : Ou bien il vient guérir les coeurs brisés, c’est-à-dire apporter un remède à ceux dont Satan a comme brisé le coeur par le péché; car il n’y a rien qui brise et écrase le coeur humain comme le péché. — S.
Bède : Ou bien encore, comme il est écrit que Dieu
ne rejette pas un coeur contrit et humilié (Ps. L), le Sauveur dit qu’il est envoyé pour guérir ceux dont le
coeur est contrit, selon cette parole : « Il
guérit ceux dont le coeur est brisé. » Suite. « Et annonce la délivrance aux captifs. » — S. Jean Chrysostome : (sur le Ps 125.) Le mot captivité a plusieurs significations : il y a une captivité bonne et louable, dont saint Paul a dit : « Réduisant en captivité toute intelligence sous l’obéissance de Jésus-Christ. » (2 Co 10.) Mais il y a une captivité mauvaise [dont le même Apôtre a dit : « Ils traînent captives de jeunes femmes chargées de péchés. » (2 Tm 3.)]. La captivité peut être corporelle et venir d’ennemis extérieurs; mais la plus affreuse est celle de l’âme, dont il est ici question, car le péché exerce sur l’âme la plus dure tyrannie, il lui fait comme une loi du mal, et la couvre de confusion lorsqu’elle lui obéit; c’est de cette captivité spirituelle que Jésus-Christ nous a délivrés. — Théophylacte : On peut encore entendre ces paroles des morts qui étaient aussi captifs, et qui furent délivrés du joug du tyran de l’enfer par la résurrection de Jésus-Christ. Suite. « Et le bienfait de la vue aux aveugles. » — S. Cyrille d’Alexandrie : Jésus-Christ, le vrai soleil de justice, a dissipé ces ténèbres épaisses que le démon avait amassées dans le coeur des hommes; ils étaient enfants de la nuit et des ténèbres, il les a faits enfants du jour et de la lumière, [au témoignage de l’Apôtre (1 Th 5)]; car il a fait entrer dans le sentier de la justice ceux qui étaient égarés loin de la véritable voie. Suite. « Rendre à la liberté ceux qu’écrasent leurs fers. » — Origène : Qu’y avait-il, en effet, de plus brisé, de plus broyé que l’homme, à qui Jésus-Christ est venu rendre la liberté et la guérison ? — S. Bède : Ou bien encore, il est venu rendre la liberté aux opprimés, c’est-à-dire à ceux qui étaient comme écrasés sous le fardeau insupportable de la loi. —
Origène : Toutes ces choses qui ont été prédites, la
vue rendue aux aveugles, la liberté aux captifs, la guérison à ceux qui
étaient blessés, nous amènent naturellement à l’année favorable du Seigneur :
« Et publier l’année salutaire du
Seigneur. » Quelques-uns, prenant ces paroles dans leur sens le plus
simple [et le plus littéral], disent que le prophète, en faisant cette
prédiction, avait en vue l’année pendant laquelle le Sauveur a prêché
l’Évangile dans la Judée, et que c’est pour cette raison que le prophète dit :
« Et publier l’année salutaire du
Seigneur. » Ou bien encore, cette année favorable du Seigneur, c’est toute la durée de l’existence de l’Église qui voyage loin du Seigneur, tant qu’elle reste dans ce corps mortel (2 Co 5). — S. Bède : Ce ne fut pas seulement l’année de la prédication du Seigneur, qui fut l’année favorable, mais encore celle où l’Apôtre disait dans ses prédications : « Voici maintenant le temps favorable. » (2 Co 6.) Après l’année favorable du Seigneur, il ajoute : « Et le jour de la rétribution, » c’est-à-dire de la rétribution dernière, où Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres. — S. Ambroise : Ou bien encore, cette année favorable du Seigneur, c’est l’année de l’éternité, qui ne ramènera plus le cercle des travaux de ce monde, et qui donnera aux hommes la jouissance des fruits éternels d’un repos qui ne finira jamais. Suite : « Ayant replié le livre, il le rendit, et s’assit. » — S. Bède : Il lut ce livre en présence de ceux qui étaient là pour l’écouter, mais après cette lecture il le rendit au ministre. En effet, tandis qu’il était dans le monde, il parlait publiquement, enseignant dans les synagogues et dans le temple, mais lorsqu’il fut sur le point de remonter vers le ciel, il confia le ministère de la prédication à ceux qui avaient été dès le commencement les témoins de ses actions et les ministres de sa parole. Il se tient debout pour faire cette lecture, parce qu’en nous expliquant les Ecritures qui se rapportaient à lui, il daignait agir dans la nature humaine dont il s’était revêtu; mais il s’asseoit après avoir rendu le livre, parce qu’il rentre alors en possession du trône de son éternel repos. En effet, celui qui agit se tient ordinairement debout, et c’est le propre de celui qui se repose ou qui rend la justice d’être assis. Tel doit être le prédicateur de la parole de Dieu, il doit se tenir debout pour lire, c’est-à-dire pour agir et pour prêcher; il doit s’asseoir, c’est-à-dire attendre le repos pour récompense. Il lut ce livre après l’avoir déroulé, parce qu’il a enseigné à l’Église toute vérité par l’Esprit de vérité qu’il lui a envoyé; il le rendit au ministre après l’avoir plié, parce que toute doctrine ne peut être enseignée à tous indistinctement, mais les docteurs sont obligés de proportionner leur enseignement à l’intelligence de ceux qui les écoutent. Suite. « Et tous dans la synagogue avaient les yeux attachés sur lui ». — Origène : Et maintenant encore, si nous le voulons, nous pouvons fixer nos regards sur le Sauveur, car si vous dirigez l’intention de votre coeur vers la sagesse, la vérité et la contemplation du Fils unique de Dieu, vos yeux alors s’arrêtent sur Jésus. — S.
Cyrille : Il attirait sur lui les regards de tous
ces hommes étonnés de voir qu’il savait les Écritures sans les avoir
apprises. Et comme les Juifs avaient coutume de dire que les prophéties qui
concernaient le Christ, avaient reçu leur accomplissement dans quelques-uns
de leurs chefs, [de leurs rois] ou des saints prophètes, Notre Seigneur leur
fait voir en lui l’accomplissement de cette prophétie : « Et il commença à leur dire : C’est aujourd’hui que cette
prophétie que vous venez d’entendre est accomplie. » — S. Bède : c’est qu’en effet, comme l’Ecriture l’avait annoncé, le Seigneur accomplissait et enseignait de grandes choses. |
Lectio 5 [85791] Catena in Lc., cap. 4 l. 5 Chrysostomus in Matthaeum. Cum venisset in Nazareth
dominus, a miraculis abstinet, ne provocaret eos ad maiorem livorem.
Praetendit autem eis doctrinam non minus admirandam miraculis : erat enim
quaedam divina gratia ineffabilis in dictis salvatoris concurrens, animas
permulcens auditorum; unde dicitur et omnes testimonium illi dabant et
mirabantur in verbis gratiae quae procedebant de ore ipsius. Beda.
Testimonium illi dabant, attestando illum vere esse ut dixerat, de quo
propheta cecinerat. Chrysostomus.
Sed stulti admirantes sermonis virtutem, parvipendunt ipsum ab eo qui
putabatur pater; unde sequitur et dicebant : nonne hic est filius Ioseph?
Cyrillus.
Sed quid impedit ut venerabilis et admirabilis sit, si filius esset, ut
putabatur, Ioseph? Nonne vides divina miracula? Satanam iam prostratum,
nonnullos ab his aegritudinibus liberatos? Chrysostomus.
Post multum enim tempus et signorum ostensionem profectus est ad eos, nec
eum sustinuerunt, sed iterum se succendebant invidia; unde sequitur et ait
illis : utique dicetis mihi hanc similitudinem : medice, cura te ipsum.
Quanta audivimus facta in Capharnaum, fac et hic in patria tua. Cyrillus.
Commune quidem proverbium erat apud Hebraeos ad improperium excogitatum :
clamabant enim aliqui contra medicos infirmos : medice, sana te ipsum. Glossa.
Quasi dicerent : quia in Capharnaum plures te curasse audivimus, cura
etiam teipsum; idest, fac similiter in tua civitate, ubi conceptus es et
nutritus. Augustinus
de Cons. Evang. Cum autem iam magna ab illo facta fuisse commemorat, quae
se nondum narrasse scit; quid evidentius quam hoc eum scienter praeoccupasse
narrandum? Neque enim tantum ab eius Baptismo progressus est, ut oblitus
putetur nondum se aliquid commemorasse de his quae in Capharnaum gesta
fuerant. Ambrosius.
Non otiose autem salvator se excusat quod nulla in patria sua miracula
virtutis operatus sit, ne fortassis aliquis viliorem patriae nobis esse
debere putaret affectum; nam sequitur ait autem : amen dico vobis, quia nemo
propheta acceptus est in patria sua. Cyrillus.
Quasi dicat : vultis multa prodigia inter vos a me fieri, penes quos sum
nutritus; sed non latet me quaedam communis, quae multis accidit, passio :
contemnuntur enim quodammodo semper etiam optima quaeque quando non raro
contingunt alicui, sed suppetunt ad velle; et sic etiam contingit in
hominibus : familiaris enim, quia semper praesto est, debita reverentia
privatur a notis eius. Beda.
Prophetam autem dici in Scripturis Christum et Moyses testis est, qui
dicit : prophetam vobis suscitabit Deus de fratribus vestris. Ambrosius.
Hoc autem exemplo declaratur quod frustra opem misericordiae caelestis
expectes, si alienae fructibus virtutis invideas : aspernator enim Deus
invidorum est, et ab his qui divina beneficia in aliis persequuntur, miracula
suae pietatis avertit. Dominicae quippe carnis actus divinitatis exemplum
est, et invisibilia eius nobis per ea quae sunt visibilia demonstrantur.
Videte igitur quid mali invidia afferat : indigna propter invidiam patria
iudicatur in qua civis operetur, quae digna fuit in qua Dei filius nasceretur.
Origenes
in Lucam. Quantum ad Lucae historiam pertinet, nondum in Capharnaum
fecisse aliquod signum describitur : nam antequam veniret in Capharnaum, in
Nazareth dixisse legitur quaecumque audivimus facta in Capharnaum. Unde puto in praesenti sermone aliquid latitare mysterii, et Nazareth
in typo Iudaeorum, Capharnaum in typo praecessisse gentium. Erit enim tempus
quando dicturus est populus Israel : quae ostendis universo orbi, ostende et
nobis; praedica sermonem tuum populo tuo Israel, ut saltem cum subintraverit
plenitudo gentium, tunc omnis Ambrosius.
Bene autem apto comparationis exemplo arrogantia civium retunditur
invidorum, dominicumque factum Scripturis docetur veteribus convenire; nam
sequitur et in veritate dico vobis : multae viduae erant in diebus Eliae :
non quia Eliae dies fuerunt, sed in quibus Elias operatus est. Chrysostomus.
Ipse quidem terrestris Angelus, caelestis homo, qui nec tectum, nec
mensam, nec amictum habebat, ut multi, clavem caelorum gerit in lingua; et
hoc est quod sequitur quando clausum est caelum annis tribus et mensibus sex.
Postquam autem caelum seravit, terramque reddit sterilem, regnabat fames, et
consumpta sunt corpora; unde sequitur cum facta esset fames in terra. Basilius.
Ut enim aspexit ex saturitate non modicum generari opprobrium, per famem illis
ieiunium attulit, quo culpam eorum, quae in immensum crescebat, cohibuit.
Corvi autem facti sunt iusto cibi ministri, qui consueverunt aliorum pabula
usurpare. Chrysostomus.
Sed quoniam exsiccatus est fluvius, ex quo pocula iusto dabantur, vade, inquit
Deus, in Sareptam Sidoniae; illic mandabo mulieri viduae ut pascat te; unde
et hic sequitur et ad nullam earum missus est Elias, nisi in Sareptam
Sidoniae ad mulierem viduam : quod ex quadam Dei dispensatione factum est :
fecit enim Deus eum per longum iter pergere usque in Sidonem, ut visa mundi
peste poscat a domino pluvias. Multi autem tunc temporis opulenti erant; sed
nullus tale aliquid fecit ut vidua; reverentia enim mulieris ad prophetam,
non praediorum, sed voluntatis fiebant divitiae. Ambrosius.
Mystice autem dicit in diebus Eliae : quia dies faciebat illis qui in eius
operibus lucem videbant gratiae spiritualis; et ideo aperiebatur caelum
videntibus divina mysteria, claudebatur quando fames erat, quia nulla erat
cognoscendae divinitatis ubertas. In vidua autem illa ad quam Elias directus
est, typus Ecclesiae praemissus est. Origenes
in Lucam. Occupante enim fame populum Israel, scilicet audiendi sermonem
Dei, venit propheta ad viduam, de qua dicitur : multi filii desertae magis
quam eius quae habet virum; et cum venisset, panem illius et alimenta
multiplicat. Beda.
Sidonia autem venatio inutilis, Sarepta incendium vel angustia panis
interpretatur : quibus omnibus gentilitas exprimitur, quae inutili venationi
dedita, idest lucris et negotiis saeculi serviens, incendium carnalium
cupiditatum panisque spiritualis angustias patiebatur; donec Elias, idest
propheticus sermo, cessante Scripturarum intelligentia, pro perfidia
Iudaeorum venit ad Ecclesiam, ut receptus pasceret et reficeret corda credentium.
Basilius.
Quaelibet etiam anima viduata et privata virtute et divina notitia,
postquam divinum verbum recipit, propria delicta cognoscens, docetur nutrire
verbum virtutum panibus, et irrigare fonte vitae doctrinam veritatis. Origenes
in Lucam. Sed et aliud ad eumdem sensum pertinens loquitur, cum subdit et
multi leprosi erant in Israel sub Eliseo propheta; et nemo eorum mundatus
est, nisi Naaman Syrus; qui utique non erat ex Israel. Ambrosius.
Mystice autem populus Ecclesiam contingit, ut sequatur populus ille ex
alienigenis congregatus, ante leprosus, prius quam mystico baptizaretur in
flumine; idest, post sacramenta Baptismatis, maculis corporis et mentis
ablutis, immaculata virgo coepit esse sine ruga. Beda.
Naaman enim, qui decorus interpretatur, populum significat nationum, qui
septies lavari iubetur; quia illud Baptisma salvat quod septiformis spiritus
regenerat. Caro eius post lavacrum sicut pueri apparet; quia mater gratia
omnes in unam parit infantiam : vel quia Christo conformatur, de quo dicitur
: puer natus est nobis. |
Versets 22-27.
— S. Jean Chrysostome : (hom. 49 sur Matth.) Notre Seigneur s’abstient de faire des miracles dans la ville de Nazareth, pour ne point exciter contre lui une plus grande envie dans le coeur de ses habitants. Mais il leur annonce une doctrine non moins admirable que ses miracles, car les paroles du Sauveur étaient accompagnées d’une grâce ineffable et divine qui charmait tous ceux qui l’entendaient : « Et tous lui rendaient témoignage, et admiraient les paroles toutes de grâce qui sortaient de sa bouche». — S. Bède : Ils lui rendaient témoignage, en attestant qu’il était vraiment, comme il le disait, celui que le prophète avait annoncé. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 49 sur Matth.) Mais les insensés, tout en admirant la puissance de sa parole, n’ont
que du mépris pour sa personne, à cause de celui qu’ils regardent comme son
père : « Et ils disaient :
N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » — S. Cyrille : Mais fut-il, comme vous le pensez, le fils de Joseph, en serait-il moins digne de votre admiration et de vos hommages ? Ne voyez-vous pas les miracles divins qu’il opère, Satan terrassé, et les nombreux malades qu’il a délivrés de leurs infirmités ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 49.) Longtemps après, et après avoir montré beaucoup de signes, il revint à Nazareth; et ils ne purent le supporter davantage, et ils manifestèrent contre lui l’envie la plus ardente : « Et il leur dit : Sans doute vous m’appliquerez ce proverbe : ‘Médecin, guéris-toi toi-même ; tout ce que nous avons entendu dire que vous avez fait à Capharnaüm, faites-le ici aussi, dans votre patrie’ ». — S. Cyrille : C’était chez les Hébreux un proverbe de mépris; ainsi on criait aux médecins qui étaient malades : « Médecin, guéris-toi toi-même. » — La Glose : Ils veulent lui dire : Nous avons appris que vous aviez guéri un grand nombre de malades à Capharnaüm, guérissez-vous vous-même, c’est-à-dire faites les mêmes prodiges dans votre ville, lieu de votre conception et de votre première éducation. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 12.) Puisque saint Luc rappelle ici les grands prodiges que Notre Seigneur a déjà opérés, et qu’il sait bien n’avoir pas racontés lui-même, il est donc évident que c’est en connaissance de cause qu’il place en premier lieu cet événement. En effet, la distance qui le sépare du baptême du Sauveur, est trop peu grande pour qu’on puisse supposer qu’il a oublié qu’il n’a encore rien dit de ce qui s’est passé dans la ville de Capharnaüm. — S. Ambroise : Ce n’est pas sans raison que le Sauveur s’excuse de n’avoir fait aucun miracle dans sa patrie, il ne voulait pas qu’on pût croire que nous devions faire peu de cas de l’amour de la patrie : « Et il dit : Je vous dis en vérité, qu’aucun prophète n’est accueilli dans sa patrie, ». — S. Cyrille : Comme s’il leur disait : Vous voulez me voir opérer de nombreux prodiges au milieu de vous, parmi lesquels se sont passées mes premières années; mais je n’ignore pas un sentiment trop commun à la plupart des hommes; d’une certaine façon, ils n’ont que du mépris pour les choses les plus excellentes, lorsqu’elles se répètent fréquemment et comme à volonté. Il en est de même des hommes, celui avec lequel on vit dans une espèce de familiarité cesse d’être respecté, comme il le devrait, par ses proches qui ont l’habitude de le voir toujours au milieu d’eux. — S. Bède : Que le Christ soit appelé prophète dans les Écritures, Moïse en fait foi quand il dit : « Dieu vous suscitera un prophète d’entre vos frères. » (Dt 18.) — S. Ambroise : Cet exemple nous apprend qu’en vain nous espérons le secours de la miséricorde céleste, si nous portons envie au mérite de la vertu de nos frères. Dieu, en effet, méprise souverainement les envieux, et prive des miracles de sa bonté ceux qui persécutent dans les autres les bienfaits de sa main divine. Les oeuvres que Notre Seigneur faisait pendant sa vie mortelle, étaient des preuves de sa divinité, et ses perfections invisibles nous étaient manifestées par ce qui paraissait aux yeux. Voyez quel mal produit l’envie, la patrie de Jésus est jugée indigne, à cause de son envie, d’être témoin des oeuvres du Sauveur, elle qui avait été jugée digne d’être le lieu de sa conception divine. — Origène : (hom. 33.) A s’en tenir au récit de saint Luc, on n’y voit point que Jésus ait fait jusque-là aucun miracle à Capharnaüm, car cet Évangéliste raconte simplement qu’avant de venir à Capharnaüm, Jésus avait passé plusieurs années de sa vie à Nazareth. Je pense donc que ces paroles des habitants de Nazareth [: « Les grandes choses qu’on nous a racontées que vous faisiez à Capharnaüm, »] renferment quelque mystère, et que Nazareth représente ici les Juifs, et Capharnaüm les Gentils. En effet, il viendra un temps où le peuple d’Israël dira : Montrez-nous aussi ce que vous avez fait voir à tout l’univers, prêchez votre doctrine à votre peuple d’Israël, afin que lorsque toutes les nations seront entrées, le peuple d’Israël puisse aussi avoir part au salut. En leur disant donc : « Aucun prophète n’est accueilli dans sa patrie », Notre Seigneur leur répondit dans un sens plus figuré que littéral. Il est vrai que Jérémie ne fut pas bien reçu dans son pays d’Anathoth, et qu’il en fut de même des autres prophètes. Cependant, voici le sens le plus probable de ces paroles : Le peuple de la circoncision fut la patrie de tous les prophètes, et les nations reçurent avec plus d’empressement le témoignage de Moïse et des prophètes qui annonçaient Jésus-Christ, que ceux d’entre les Juifs qui refusèrent de reconnaître Jésus pour le Sauveur du monde. — S. Ambroise : Notre Seigneur apporte ici un exemple bien propre à réprimer l’arrogance de ses concitoyens envieux et jaloux, et il leur montre que sa conduite est conforme aux anciennes Écritures : « Je vous le dis en vérité, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d’Elie, » non que ces jours appartinssent à Elie, mais parce qu’il opéra ses prodiges dans ces jours (cf. Is 1; Os 1; Am 1; Za 14, etc.). — S. Jean Chrysostome : (hom. sur les Ep. de S. Paul.) Cet ange terrestre, cet homme tout céleste, qui n’avait ni demeure, ni table, ni vêtements, ce que le plus grand nombre des hommes possède, portait dans une de ses paroles, pour ainsi dire, la clef des cieux; ce que Notre Seigneur indique par ce qui suit : « Lorsque le ciel fut fermé pendant trois ans et six mois. » Or, lorsqu’il eut ainsi fermé le ciel, et frappé la terre de stérilité, elle fut en proie à la famine, et tous les corps dépérirent : « et qu’il y eut une grande famine sur la terre. » — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Lorsque, en effet, Elie eut considéré que l’abondance était la source des plus grands scandales, il imposa aux hommes par la famine, un jeûne nécessaire, pour mettre ainsi un frein à leurs excès qui ne connaissaient plus de bornes. C’est alors que l’on vit des corbeaux qui, d’ordinaire, dérobent aux autres leur nourriture, devenir les messagers du ciel pour nourrir cet homme juste. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Mais comme le fleuve où il se désaltérait était desséché, Dieu lui dit : « Allez à Sarepta, ville des Sidoniens, là je commanderai à une femme veuve de vous nourrir, » Et Notre Seigneur ajoute : « et Elie ne fut envoyé à aucune d’elles, mais à une veuve de Sarepta, dans le pays des Sidoniens. » Elie agit en cela par une disposition toute particulière de Dieu, qui le conduisit par un long chemin jusque dans le pays de Sidon, afin qu’étant témoins de la famine qui désolait ces contrées, il priât Dieu de répandre la pluie sur la terre. Or il y avait alors bien des riches dans ce pays, et aucun d’eux n’imita l’exemple de cette veuve, la vénération qu’elle eut pour le prophète lui fit trouver des richesses, non dans les biens [qu’elle n’avait pas], mais dans sa bonne volonté. — S. Ambroise : Dans le sens mystique, ces paroles : « dans les jours d’Elie », signifient qu’Elie était pour eux comme la lumière du jour, parce qu’ils voyaient dans ses oeuvres l’éclat de la grâce spirituelle qui était en lui. Ainsi le ciel s’ouvrait pour ceux qui étaient témoins des divins mystères, et il se fermait durant la famine, alors qu’il n’y avait aucun moyen facile d’arriver à la connaissance de Dieu. Cette veuve, à laquelle Elie fut envoyé, est une figure de l’Église. — Origène : Pendant que la famine désolait le peuple d’Israël, affamé d’entendre la parole de Dieu, le prophète est venu trouver cette veuve, dont il est dit dans le prophète Isaïe (Is 54) : « L’épouse abandonnée est devenue plus féconde que celle qui a un époux », et en demeurant chez elle il multiplia son pain et ses autres aliments. — S. Bède : Sidon veut dire chasse inutile; Sarepta signifie incendie ou disette du pain; toutes significations qui conviennent parfaitement au peuple des Gentils. En effet, livré tout entier à une chasse stérile, c’est-à-dire à la recherche des richesses et des gains du commerce du monde, il était en proie à l’incendie des concupiscences charnelles et à la disette du pain spirituel, jusqu’à ce que l’intelligence des Écritures ayant disparu complètement par suite de la perfidie des Juifs, Elie, c’est-à-dire la parole prophétique, vint trouver l’Église pour nourrir et fortifier les coeurs des vrais croyants qui le recevraient. — S. Basile : On peut encore voir ici la figure de toute âme veuve, pour ainsi dire, dénuée de force et privée de la connaissance de Dieu, lorsque cette âme reçoit la parole divine, en reconnaissant ses fautes, Dieu lui apprend à nourrir cette parole avec le pain des vertus, et à arroser la science de la vertu avec la source de la vie. — Origène : (hom. 33.) Notre Seigneur cite encore un autre fait à l’appui de la même vérité, en ajoutant : « Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël, au temps du prophète Elisée, et aucun d’entre eux ne fut guéri, si ce n’est Naaman le Syrien, » qui ne faisait point partie du peuple d’Israël. — S. Ambroise : [Nous avons dit précédemment que cette veuve vers laquelle Elie fut envoyé, était la figure de l’Église]. Or, dans un sens allégorique, le peuple s’approche de l’Église pour marcher à sa suite. C’est ce peuple composé des nations étrangères, ce peuple couvert de lèpre avant qu’il fût plongé dans le baptême du fleuve mystique, mais qui après avoir reçu le sacrement de baptême qui l’a purifié de toutes les souillures du corps et de l’âme, a commencé à devenir une Vierge immaculée sans rides. — S. Bède : En effet, Naaman qui veut dire beau, représente le peuple des Gentils; il lui est ordonné de se laver sept fois, parce que le baptême qui nous sauve est celui qui nous régénère par les sept dons de l’Esprit saint. Sa chair, après avoir été lavée, devient comme celle d’un enfant, parce que la grâce, qui est notre mère, nous fait tous renaître à une seule et même enfance, ou bien parce que nous sommes rendus semblables à Jésus-Christ dont il est dit : « Un enfant nous est né. » (Is 9.) |
Lectio 6 [85792] Catena in Lc., cap. 4 l. 6 Graecus. Quia pravam eorum intentionem redarguerat, ideo
indignantur; et hoc est quod dicitur et repleti sunt omnes in synagoga ira : pro
eo etiam quod dixerat hodie completa est haec prophetia, arbitrati sunt quod
seipsum compararet prophetis; et ideo indignantur, et fugant eum extra
civitatem; unde sequitur et surrexerunt, et eiecerunt illum extra civitatem. Ambrosius.
Nec mirum, si perdiderunt salutem qui eiecerunt de suis finibus
salvatorem. Dominus autem, qui docuerat apostolos exemplo sui omnibus omnia
fieri, nec volentes repudiat, nec invitos alligat, nec eicientibus
reluctatur, nec rogantibus deest. Non mediocriter autem invidia proditur,
quae caritatis oblita in acerba odia causas amoris inflectit. Cum enim ipse
dominus per populos beneficia diffunderet, illi iniurias irrigabant; unde
sequitur et duxerunt illum usque ad supercilium montis, super quem civitas
illorum erat aedificata, ut praecipitarent eum. Beda.
Peiores sunt Iudaei discipuli Diaboli Diabolo magistro; ille enim ait :
mitte te deorsum : isti facto mittere conantur; sed illorum mente mutata
subito, vel obstupefacta, descendit, quia adhuc illis poenitentiae locum reservat;
unde sequitur ipse autem transiens per medium illorum ibat. Chrysostomus.
In quo et quae sunt humanitatis et quae sunt divinitatis ostendit : stare
enim in medio insidiantium et non apprehendi, divinitatis eminentiam
ostendebat; discedere vero, dispensationis approbat mysterium. Ambrosius.
Simul intellige non ex necessitate fuisse, sed voluntariam corporis
passionem : etenim quando vult capitur, quando vult elabitur. Nam quemadmodum
a paucis teneri potuit, qui a populo non tenetur? Sed voluit sacrilegium esse multorum, ut a paucis quidem affligeretur,
sed pro toto orbe moreretur. Quin etiam malebat
Iudaeos adhuc sanare quam perdere; ut inefficaci furoris exitu desinerent
velle quod implere non possent. Beda.
Nondum etiam venerat hora passionis, quae in parasceve Paschae futura
extiterat; necdum locum passionis adierat, qui non in Nazareth, sed
Hierosolymis hostiarum sanguine figurabatur; nec hoc genus mortis elegerat,
qui crucifigendum se a saeculo praeconabatur. |
Versets 28-30.
— Chronique des Pères grecs (Cyr) Ils s’indignent contre lui, parce qu’il les a repris de leur coupable intention : « En entendant ces paroles, ils furent tous remplis de colère dans la synagogue. » Comme il leur avait dit : « Aujourd’hui cette prophétie s’est accomplie, » ils crurent qu’il se comparait lui-même aux prophètes, ils s’indignèrent et ils le chassèrent hors de leur ville : « Et se levant, ils le chassèrent hors de la ville, ». — S.
Ambroise : Il n’est pas étonnant qu’ils aient perdu
le salut, eux qui chassent le Sauveur de leur pays. Cependant le Seigneur qui
avait enseigné à ses Apôtres, par son exemple, à se faire tout à tous, ne
repousse pas les hommes de bonne volonté, mais il ne contraint pas non plus
ceux qui résistent; il ne lutte pas contre ceux qui le rejettent, il ne fait
pas défaut à ceux qui le prient [de rester avec eux]. Il fallait cependant
que leur jalousie fut bien grande pour leur faire oublier la charité, et pour
changer en haine mortelle les motifs de la plus légitime affection. En effet,
c’est alors que le Sauveur répandait ses bienfaits sur tout le peuple, qu’ils
lui prodiguent leurs outrages : « Et
ils le conduisirent sur le sommet de la montagne, sur laquelle leur ville
était bâtie, pour l’en précipiter. » — S. Bède : Les Juifs, disciples du démon, sont mille fois pires que leur maître lui-même; le démon s’est contenté de dire à Jésus : « Jetez-vous en bas, » tandis que les Juifs cherchent à le précipiter eux-mêmes. Mais Jésus change tout à coup leurs dispositions, ou les frappe de stupeur et d’aveuglement, et descend de la montagne, parce qu’il veut leur laisser encore l’occasion de se repentir : « Or Jésus passant au milieu d’eux, s’en alla. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 47 sur Jean.) Notre Seigneur fait paraître ici tout à la fois les attributs de la divinité et les signes de son humanité. En effet, en passant au milieu de ceux qui le poursuivaient, sans qu’ils puissent se saisir de lui, il montre la supériorité de sa nature divine; et en s’éloignant d’eux, il prouve le mystère de son incarnation. — S. Ambroise : Comprenez encore ici que sa passion a été non un acte forcé, mais complètement volontaire. Ainsi, on se saisit de sa personne quand il le veut, il échappe à ses ennemis quand il le veut; car comment un petit nombre de personnes aurait-il pu le retenir captif, puisqu’il ne pouvait être arrêté par un peuple tout entier ? Mais il ne [ ?] voulut pas [ ?] qu’un si grand sacrilège fût commis par la multitude; et il devait être crucifié par un petit nombre, lui qui mourait pour le monde entier. D’ailleurs, son désir était de guérir les Juifs plutôt que de les perdre, et il voulait que le résultat de leur impuissante fureur leur fît renoncer à des desseins qu’ils ne pouvaient accomplir. — S. Bède : [Ajoutons encore que] l’heure de sa passion n’était pas encore venue, puisqu’elle ne devait arriver que le jour de la préparation de la fête de Pâques. Il n’était pas non plus dans le lieu marqué pour sa passion, qui était figurée par les victimes qu’on immolait, non pas à Nazareth, mais à Jérusalem. Enfin ce n’était pas de ce genre de mort qu’il devait mourir, puisqu’il était prédit depuis des siècles qu’il serait crucifié. |
Lectio 7 [85793] Catena in Lc., cap. 4 l. 7 Ambrosius. Non indignatione commotus dominus, nec scelere offensus,
Iudaeam deseruit; quin etiam immemor iniuriae, memor clementiae, nunc
docendo, nunc sanando, infidae plebis corda demulcet; unde dicitur et
descendit in Capharnaum civitatem Galilaeae, ibique docebat illos sabbatis.
Cyrillus.
Quamvis enim sciret quod inobedientes essent et duri cordis, tamen visitat
illos, sicut bonus medicus illos qui ultima laborant aegritudine tentat
sanare. Docebat autem in synagogis confidenter,
secundum illud : nequaquam occulte locutus sum, nec in obscuro loco terrae.
In sabbato quoque disputabat cum eis, quia vacabant. Mirati sunt ergo de
doctrinae virtute et potestatis magnitudine; unde sequitur et stupebant in
doctrina eius, quia in potestate erat sermo ipsius; idest non blandus, sed
imperiosus ad salutem. Iudaei autem putabant esse Christum sicut
aliquem sanctorum aut prophetarum. Ut
autem maiorem de eo opinionem accipiant, transcendit mensuram propheticam;
non enim dicebat : haec dicit dominus, ut prophetae consueverant dicere; sed
sicut dominus legis, quae sunt supra legem proferebat, transferens litteram
ad veritatem, et figuras ad spiritualem intelligentiam. Beda. Sermo etiam doctoris in potestate fit, cum ea quae docet
operatur : qui enim facto destruit quod praedicat, contemnitur. Cyrillus. Opportune autem dogmatibus plerumque ardua miscet opera :
quos enim non disponit ratio ad cognoscendum, hos instigat signorum ostensio
: unde sequitur et in synagoga erat homo habens Daemonium immundum. Ambrosius. Sabbato medicinae divinae opera coepta significat, ut
inde nova creatura coeperit unde vetus creatura ante desivit; ne sub lege
esse Dei filium, sed supra legem, in ipso principio designaret. Bene etiam
sabbato coepit, ut ipsum se ostenderet creatorem, quia opera operibus
interserit, et prosequitur opus quod ipse ante iam coeperat; ut si domum
faber renovare disponat, non a fundamentis, sed a culminibus incipit solvere
vetustatem, ita ut ibi prius manum admoveat ubi ante desierat. Deinde a
minoribus incipit, ut ad maiora perveniat. Liberare a Daemone etiam homines,
sed in verbo Dei, possunt; resurrectionem mortui imperare, divinae solius est
potestatis. Cyrillus. Calumniabantur autem Iudaei gloriam Christi, dicentes :
hic non eicit Daemones nisi in Beelzebub principe Daemoniorum; ad quod
removendum cum repraesentarentur Daemones invictae potestati eius, nec
tolerarent congressum deitatis, saevam vocem emittebant; unde et hic sequitur
exclamavit voce magna dicens : sine : quid nobis et tibi, Iesu Nazarene? Venisti
perdere nos? Beda.
Quasi dicat : paululum a me vexando quiesce, cui nulla est societas cum
nostra fraude. Ambrosius.
Nec quemquam movere debet quod Iesu Nazareni nomen in hoc libro Diabolus
dixisse primus inducitur : nec enim ab eo Christus nomen accepit, quod de
caelo Angelus ad virginem detulit. Est huius impudentiae Diabolus, ut inter
homines aliquid primus usurpet, et ad homines quasi novum deferat, quo
terrorem suae potestatis incutiat; unde sequitur scio enim te, quia sis
sanctus Dei. Athanasius.
Non dicebat eum sanctum Dei, quasi aliis sanctis similis, sed quasi eo
singulariter sancto existente cum articuli adiectione : ipse est enim
naturaliter sanctus, cuius participatione omnes alii sancti vocantur : neque
tamen hoc dicebat quasi eum veraciter nosset, sed se cognoscere fingebat.
Cyrillus. Putaverunt enim Daemones quod per huiusmodi laudem
facerent ipsum inanis gloriae amatorem, ut abstineret ab eorum contrarietate,
utpote pro gratia gratiam recompensans. Chrysostomus. Voluit etiam Daemon perturbare ordinem rerum, et
apostolorum rapere dignitatem, et suggerere multis ut ei obediant. Athanasius. Quamvis igitur vera fateretur, compescebat tamen eius
sermonem, ne simul cum veritate etiam suam iniquitatem promulget; ut nos
etiam assuefaciat ne curemus de talibus, etsi vera loqui videantur. Nefas
est enim ut cum adsit nobis Scriptura divina, instruamur a Diabolo; unde
sequitur et increpavit illum, dicens : obmutesce, et exi ab illo. Beda.
Divina autem permissione liberandus a Daemone homo proicitur in medium, ut
virtus patefacta salvatoris plures ad viam salutis invitet; unde sequitur et
cum proiecisset illum Daemonium in medium, exiit ab illo, nihilque illi
nocuit. Videtur autem repugnare quod hic dicitur Marco qui ait : et
discerpens eum spiritus immundus, et exclamans voce magna, exivit ab eo, nisi
intelligamus hoc dixisse Marcum : discerpens eum, quod Lucas dicit et cum
proiecisset illum in medium; ut quod secutus ait nihilque illi nocuit,
intelligatur quia iactatio illa membrorum atque vexatio non eum debilitavit,
sicut solent exire Daemonia etiam quibusdam membris amputatis aut evulsis.
Unde merito pro tam integra restitutione sanitatis mirantur; nam sequitur et
factus est pavor in omnibus, et colloquebantur ad invicem, dicentes : quod
est hoc verbum quod in potestate et virtute imperat immundis spiritibus, et
exeunt? Theophylactus.
Quasi dicant : quale est praeceptum hoc quod praecepit exi ab eo, et exit?
Beda.
Expellere quidem Daemonia et homines sancti, sed in verbo Dei, possunt; ipsum
autem Dei verbum propria potestate virtutes operatur. Ambrosius.
Mystice autem qui in synagoga spiritum habebat immundum, populus est
Iudaeorum, qui innodatus Diaboli laqueis, simulatam corporis munditiam
interioris mentis sordibus inquinabat : et bene spiritum immundum habebat,
quia spiritum sanctum amiserat : introierat enim Diabolus, unde Christus
exierat. Theophylactus.
Sciendum est etiam, quod multi nunc Daemonia habent, scilicet qui Daemoniorum
desideria implent, ut furiosi habent Daemonium irae, et sic de ceteris. Sed
dominus in synagogam venit, cum mens hominis fuerit congregata, et tunc dicit
Daemoni inhabitanti obmutesce; et statim eiciens eum in medium, egreditur ab
eo; non enim decet hominem semper iracundum esse, bestiale namque hoc est;
nec semper absque ira, insensibile namque hoc est : sed medium iter ambulare
oportet, et iram contra mala habere; et sic proicitur homo cum immundus
spiritus ab eo egreditur. |
Versets 31-37.
— S. Ambroise : En quittant la Judée, Notre Seigneur ne cède ni à un sentiment d’indignation, ni au [juste] ressentiment du crime des Juifs; au contraire, il oublie cet outrage pour ne se souvenir que de sa clémence, et tantôt par ses enseignements, tantôt par les guérisons qu’il opère, il cherche à toucher les coeurs de ce peuple infidèle : « Et il descendit à Capharnaüm qui est une ville de Galilée, et il les enseignait le jour du sabbat.» — S. Cyrille : Il connaissait bien leur penchant à l’indocilité et la dureté de leur coeur, cependant il les visite comme un bon médecin qui s’efforce de guérir des malades qu’il voit réduits à l’extrémité. Il enseignait sans crainte dans les synagogues, selon ces paroles d’Isaïe : « Je n’ai point parlé en secret, ni dans quelque coin obscur de la terre. » (Is 45, 19.) Il choisissait le jour de sabbat pour discuter avec eux, parce que c’était pour eux le jour du repos; ils furent donc étonnés de la grandeur de sa doctrine, de sa vertu, de sa puissance : « Et sa doctrine les frappait d’étonnement, parce qu’il leur parlait avec autorité. » C’est-à-dire que ses paroles n’étaient point flatteuses, mais [entraînantes, et] qu’elles pressaient ceux qui les entendaient, de travailler à leur salut. Mais les Juifs ne voyaient dans Jésus-Christ qu’un saint ou un prophète; aussi pour leur donner de lui une plus haute et une plus juste idée, il s’élève au-dessus du langage prophétique. Son exorde, en effet, n’était pas [comme celui des prophètes] : « Voici ce que dit le Seigneur » ; mais comme maître de la loi, il enseigne une doctrine supérieure à la loi, et passe de la lettre à la vérité, des figures à leur accomplissement spirituel. — S. Bède : On peut dire encore que la parole d’un docteur a de l’autorité, lorsqu’il pratique ce qu’il enseigne, car on n’a que du mépris pour celui dont la conduite est en opposition avec ses discours. — S. Cyrille : A la prédication de la doctrine, Notre Seigneur joint avec à propos des oeuvres étonnantes, et persuade ainsi, par les signes qu’il montrait, ceux que la raison ne parvenait pas à convaincre de ce qu’il était : « Or, il y avait dans la synagogue un homme possédé du démon impur, ». — S. Ambroise : Notre Seigneur, en commençant le jour du sabbat les oeuvres de la rédemption divine, veut nous apprendre que la nouvelle création commence le jour même où l’ancienne création avait fini, et nous montrer tout d’abord que le Fils de Dieu n’est pas soumis à la loi mais qu’il était supérieur à la Loi. Il commence encore le jour du sabbat, pour montrer qu’il est le Créateur qui fait succéder aux oeuvres anciennes des oeuvres nouvelles, et poursuit le dessein qu’il avait commencé à réaliser si longtemps auparavant. Semblable à un ouvrier qui veut rebâtir une maison et qui en fait disparaître tout ce qu’elle a de ruineux, en commençant, non par les fondations, mais par le faîte et en démolissant d’abord ce qui avait été construit en dernier lieu. Ajoutons que le Sauveur commence par des oeuvres moins importantes pour arriver à celles qui ont plus d’éclat. Les hommes eux-mêmes peuvent délivrer du démon au nom et par le Verbe de Dieu, mais il n’appartient qu’à la puissance divine de commander aux morts de ressusciter (Lc 7, 14; Jn 11, 43). — S. Cyrille : Les Juifs calomniaient la gloire de Jésus-Christ en disant : « Il chasse les démons par Beelzebub, prince des démons. » C’est pour confondre cette accusation sacrilège, que les démons se trouvant en présence de son invincible puissance, et ne pouvant supporter l’approche de la divinité, jetaient des cris effrayants : « Et il jeta un grand cri en disant : Laissez-nous, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Vous êtes venu pour nous perdre ?» — S. Bède : Comme s’il disait : Cessez un peu de nous tourmenter, vous qui êtes complètement étranger à nos mauvais desseins. — S. Ambroise : On ne doit point s’étonner de lire dans l’Evangile, que le démon soit le premier à donner au Sauveur le nom de Jésus de Nazareth; car ce n’est pas du démon que le Christ a reçu ce nom, qui a été apporté du ciel par un ange à la très sainte Vierge. Mais telle est l’impudence du démon, qu’il cherche à introduire le premier parmi les hommes, un usage, une coutume, et la présente comme nouvelle pour imprimer une plus grande crainte de sa puissance. Il dit donc : « Je sais qui vous êtes, le saint de Dieu. » — S. Athanase : Il l’appelle le saint de Dieu, non pas comme s’il était semblable aux autres saints, mais comme étant saint d’une sainteté toute particulière, saint par excellence et avec addition de l’article. En effet, Jésus-Christ est le seul saint par nature, et les autres ne méritent le nom de saints que par leur participation à sa sainteté. Toutefois en parlant de la sorte, le démon ne le connaissait pas en réalité, mais il feignait de le connaître. — S. Cyrille : Les démons s’imaginèrent que des louanges de ce genre inspireraient au Sauveur l’amour de la vaine gloire, et le détourneraient de s’opposer à leurs desseins, [ou de les chasser], et qu’il leur rendrait ainsi service pour service. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur la 4e Ep. aux Corinth.) Le démon voulut aussi bouleverser l’ordre établi de Dieu, usurper la dignité des Apôtres et ranger un grand nombre d’hommes sous son obéissance. — S.
Athanase : Bien qu’il confessât la vérité, Jésus ne
laisse pas de lui imposer silence; il ne veut pas qu’avec la vérité il puisse
propager le mensonge, et il voulait aussi nous accoutumer à ne faire aucun
cas de semblables révélations, bien qu’elles paraissent conformes à la
vérité, car c’est un crime de choisir le démon pour maître, quand nous avons
pour nous instruire les saintes Écritures : « Mais Jésus lui dit avec menace : Tais-toi et sors de cet
homme. » — S. Bède : C’est par une permission divine que cet homme qui allait être délivré du démon est jeté au milieu de l’assemblée, Dieu voulait ainsi rendre plus éclatante la puissance du Sauveur, et en faire entrer un plus grand nombre dans les voies du salut : « Et lorsqu’il l’eût jeté à terre, le démon sortit de lui sans lui faire aucun mal.» Le récit de saint Matthieu paraît ici en contradiction avec celui de saint Marc, où nous lisons : « Et l’esprit impur l’agitant violemment, sortit de lui en jetant un grand cri. » (Mc 1, 21.) Mais on peut dire que ces paroles de saint Marc : « l’agitant violemment, » ont la même signification que ces autres de saint Luc : « et l’ayant jeté au milieu de l’assemblée. » Quant aux paroles suivantes : « et il ne lui fit aucun mal, » il faut les entendre dans ce sens, que cette agitation des membres et cette violente secousse ne fit éprouver à cet homme aucune faiblesse, comme il arrive d’ordinaire, lorsque les démons ne sortent des corps qu’ils possèdent qu’en coupant ou en brisant quelques membres. Aussi ceux qui sont présents sont-ils à bon droit surpris d’une guérison aussi complète : « et l’épouvante les saisit tous, et ils s’entretenaient entre eux, disant : ‘Quelle parole que celle-là ! Il commande avec autorité et puissance aux esprits impurs, et ils sortent !» — Théophylacte : Ils semblent dire : Quel est cet ordre qu’il vient de donner au démon : « Sors de cet homme, » et il est sorti ? — S. Bède : Les saints peuvent également chasser les démons, mais par la puissance du Verbe de Dieu; mais seul le Verbe de Dieu opère de semblables miracles par sa propre puissance. — S. Ambroise : Dans le sens allégorique, cet homme de la synagogue qui était possédé de l’esprit immonde, c’est le peuple des Juifs qui, enlacé dans les filets du démon, profanait la pureté apparente de son corps par les souillures [trop réelles] de son âme, il était possédé de l’esprit immonde, parce qu’il avait perdu l’Esprit saint, car le démon prenait possession de la demeure que le Christ venait de quitter. — Théophylacte : Il faut se rendre compte qu’il en est encore beaucoup aujourd’hui qui sont possédés du démon, c’est-à-dire ceux qui accomplissent les désirs que les démons leur inspirent; c’est ainsi que les furieux sont possédés du démon de la colère, et ainsi des autres. Or le Seigneur entre dans la synagogue, lorsque l’âme de l’homme se trouve toute réunie, et il dit au démon qui l’habite : Tais-toi, et aussitôt le démon jette cet homme dans le milieu et sort de lui. Il ne convient pas, en effet, que l’homme soit constamment dominé par la colère (c’est le propre des bêtes féroces), ni qu’il soit inaccessible au sentiment de la colère (ce qui serait insensibilité), mais il doit tenir un juste milieu, et manifester une certaine colère contre le mal, et c’est pourquoi cet homme est jeté au milieu de l’assemblée, lorsque l’esprit immonde sort de son corps. |
Lectio 8 [85794] Catena in Lc., cap. 4 l. 8 Ambrosius. Postquam Lucas virum a spiritu nequitiae
liberatum ante praemisit, substituit feminae sanitatem. Utrumque enim sexum dominus
curaturus advenerat; et prior sanari debuit qui prior creatus est; unde
dicitur surgens autem de synagoga introivit in domum Simonis. Chrysostomus
in Matthaeum. Manebat enim apud discipulos honorans ipsos, et ob hoc
animosiores reddens. Cyrillus.
Aspice autem quomodo manet penes virum inopem Christus, qui spontanea
voluntate paupertatem pro nobis passus est, ut discamus cum pauperibus
conversari, nec spernere depressos et pauperes. Sequitur socrus autem Simonis
tenebatur magnis febribus : et rogaverunt illum pro ea. Hieronymus
super Matthaeum. Modo salvator rogatus, modo ultro curat aegrotos;
ostendens se contra peccatorum quoque passiones et precibus semper annuere
fidelium; et ea quae ipsi minime in se intelligunt, vel intelligenda dare,
vel non intellecta dimittere : secundum illud : delicta quis intelligit? Ab
occultis meis munda me, domine. Chrysostomus.
Quod autem Matthaeus hic reticuit, non differt : illud enim est
brevitatis, hoc autem exquisitae interpretationis. Sequitur et stans super
illam, imperavit febri; et dimisit illam. Basilius.
In quo Lucas figuravit sermonem tamquam de praecepto animali sensibili
facto, sic dicens febri imperatum, et quod febris non omisit imperantis
operationem; unde sequitur et continuo surgens ministrabat illis. Chrysostomus.
Quia enim morbus curabilis erat, per modum medendi potestatem suam
declaravit, faciens quod minime ars medicinae facere potuisset : post febris
enim sedationem, multo tempore patientes egent ut pristinae restituantur
sanitati; tunc autem simul omnia facta sunt. Ambrosius.
Si autem altiori consilio ista perpendamus, animi debemus intelligere et
corporis sanitatem : ut prius animus, qui serpentis laborabat insidiis,
absolutus sit. Denique non prius Eva esuriit, quam serpentis eam versutia
tentavit; et ideo adversus ipsum auctorem peccati prius debuit medicina
salutis operari. Fortassis etiam in typo mulieris illius, variis criminum
febribus caro nostra languescebat; nec minorem febrem amoris esse dixerim
quam caloris. Beda.
Si enim virum a Daemonio liberatum moraliter animum ab immunda cogitatione
purgatum significare dixerimus; consequenter femina febribus tenta, sed ad
imperium domini curata, carnem ostendit a concupiscentiae suae fervore per
continentiae praecepta frenatam. Cyrillus.
Et nos ergo suscipiamus Iesum : cum enim visitaverit nos, et portamus eum
in mente et corde, tunc enormium voluptatum aestum extinguet, et incolumes
faciet, ut ministremus ei, hoc est, ei beneplacita peragamus. |
Versets 38-39.
— S.
Ambroise : Après la délivrance de cet homme possédé
de l’esprit impur, saint Luc raconte immédiatement la guérison d’une femme,
car le Seigneur était venu pour guérir l’un et l’autre sexe, et il devait
commencer par celui qui fut créé le premier : « Et étant sorti de la synagogue, il entra dans la maison de
Simon » — S. Jean Chrysostome : (hom. 28 sur Matth.) Il demeurait ainsi volontiers chez ses disciples, pour leur témoigner de l’honneur, et leur inspirer un zèle plus ardent. — S. Cyrille : Considérez [la condes-cendance du] Sauveur, qui demeure chez un homme pauvre, lui qui, de sa pleine volonté, s’est soumis à toutes les privations de la pauvreté, pour nous apprendre à aimer le commerce des pauvres, et à ne jamais mépriser les indigents et les malheureux. Suite : « La belle-mère de Simon avait une forte fièvre, et ils le prièrent pour elle. » — S. Jérôme : Tantôt le Sauveur attend qu’on le prie, tantôt il guérit de lui-même les malades [qui se présentent]. Il nous apprend par cette conduite, qu’il accorde aux prières des fidèles ces grâces puissantes qui aident les pécheurs à triompher de leurs passions, et que quant aux maladies intérieures qu’ils ne connaissent pas, ou bien il leur en donne l’intelligence, ou il leur pardonne ce qu’ils ne comprennent pas, selon ces paroles du Psalmiste : « Qui peut connaître ses péchés ? Purifiez-moi de celles qui sont cachées en moi. » (Ps 18.) — S. Jean Chrysostome : Que saint Matthieu ait passé ce fait sous silence, cela ne fait aucune contradiction, [et n’a d’ailleurs aucune importance], l’un s’est appliqué à être court, l’autre a voulu donner une explication plus complète. — Suite : « Alors se tenant debout auprès d’elle, il commanda à la fièvre qui la quitta.» — S.
Basile : (et
Orig., Chronique des Pères grecs) D’après le récit
de saint Luc, Notre Seigneur tient ici un langage figuré, il parle à la
fièvre comme à un être animé et intelligent, il lui commande de sortir, et la
fièvre obéit à ce commandement : « Et
la fièvre la quitta, et s’étant levée aussitôt, elle se mit à les
servir. » — S. Jean Chrysostome : Comme cette maladie n’est pas incurable, Notre Seigneur fait éclater sa puissance par la manière dont il la guérit, et en faisant ce que toute la science médicale n’aurait jamais pu faire. Car après que la fièvre a disparu, les malades sont encore bien longtemps à revenir à leur premier état de santé, tandis qu’ici tout se fait en même temps [(la cessation de la fièvre est suivie d’une guérison complète)]. — S. Ambroise : Si nous voulons examiner ce fait miraculeux à un point de vue plus élevé, nous devrons y reconnaître la guérison de l’âme aussi bien que celle du corps, et c’est l’esprit qui a souffert [le premier] des atteintes mortelles du serpent qui est aussi guéri le premier. D’ailleurs, Eve ne désire manger du fruit défendu qu’après avoir été séduite par la ruse perfide du serpent; c’est pourquoi le remède du salut devait agir d’abord contre l’auteur même du péché. Peut-être aussi cette femme est-elle la figure de notre chair languissante et malade de la fièvre des passions criminelles; en effet, la fièvre de l’amour n’est pas moins ardente que la fièvre qui vient de la chaleur. — S. Bède : Si dans cet homme délivré du démon, nous reconnaissons une figure de l’âme purifiée de ses pensées immondes, dans cette femme en proie à une fièvre ardente mais guérie par le commandement du Sauveur, nous pourrons voir la chair préservée des ardeurs de la concupiscence par les préceptes de la continence. — S. Cyrille : Nous donc aussi, recevons Jésus avec empressement, car s’il daigne nous visiter et que nous le portions dans notre âme et dans notre coeur, il éteindra le feu des voluptés coupables, et nous rendra la santé nécessaire pour le servir, c’est-à-dire pour accomplir ses volontés. |
Lectio 9 [85795] Catena in Lc., cap. 4 l. 9 Theophylactus. Considerandum est turbae desiderium : nam cum sol
occidisset, adducunt ad eum infirmos, non a tempore impediti; unde dicitur
cum autem sol occidisset, omnes qui habebant infirmos variis languoribus, ducebant
illos ad eum. Origenes. Ideo quidem circa solis occasum, idest elapsa die, illos
educebant, quia verecundabantur, vel timebant Pharisaeos; vel quia de die
intenti erant circa alia; vel quia putabant non licere sanare in sabbato. Ipse
autem sanabat eos; unde sequitur at ille singulis manus imponens, curabat
omnes. Cyrillus. Quamvis autem ut Deus potuisset omnes verbo pellere
morbos, tamen tangit eos, ostendens propriam carnem efficacem ad praestanda
remedia, nam caro Dei erat. Sicut enim ignis
appositus vasi aeneo imprimit ei propriae caliditatis effectum; sic
omnipotens Dei verbum, cum univit sibi veraciter assumptum templum ex virgine
animatum et intellectivum, particeps suae potestatis, eius effectum inseruit.
Tangat et nos, immo potius nos illum tangamus, quatenus et nos ab animarum
infirmitatibus liberet, nec non a Daemonum impugnatione et superbia; sequitur
enim exibant autem Daemonia a multis clamantia et dicentia : quia tu es
filius Dei. Beda.
Daemonia filium Dei confitentur, et, sicut postea dicitur, sciebant ipsum
esse Christum : quia cum ieiunio fatigatum eum Diabolus videret, verum
hominem intellexit; sed quia tentando non praevaluit, utrum filius Dei esset
dubitabat; nunc autem per signorum potentiam vel intellexit vel potius
suspicatus est esse filium Dei. Non igitur ideo Iudaeis eum crucifigere
persuasit, quia Christum sive Dei filium non esse putavit; sed quia se morte
illius non praevidit esse damnandum. De hoc enim mysterio a saeculis
abscondito dicit apostolus quod nemo principum huius saeculi cognovit : si
enim cognovissent, nunquam dominum gloriae crucifixissent. Chrysostomus
in Marcum. In hoc autem quod sequitur et increpans non sinebat ea loqui,
percipe Christi humilitatem : non sinebat ut Daemones immundi eum
manifestarent; non enim oportebat eos subripere officii apostolici gloriam,
nec decebat Christi mysterium lingua foeda publicari. Theophylactus.
Quia non est speciosa laus in ore peccatoris; vel quia nolebat invidiam
accendere Iudaeorum ex hoc quod ab omnibus laudaretur. Beda. Ipsi autem apostoli praecipiuntur reticere de illo, ne divina
maiestate praedicata, passionis dispensatio differretur. |
Versets 40-41.
— Théophylacte : Considérez l’empres-sement de cette multitude, bien que le soleil fût couché, ils amènent à ses pieds les infirmes, sans être arrêtés par l’heure avancée : « Lorsque le soleil fut couché, tous ceux qui avaient des infirmes souffrant de maladies diverses, les lui amènent, ». — Origène : Ils les amenaient après le coucher du soleil, c’est-à-dire à la fin du jour, parce que, dans le courant de la journée, ils étaient retenus par d’autres occupations, ou bien encore, parce qu’ils craignaient les pharisiens ou croyaient qu’il n’était pas permis de guérir le jour du sabbat; Jésus les guérissait : « Or, Jésus imposant les mains sur chacun d’eux, les guérissait.» — S. Cyrille : Il eut pu, sans doute, comme Dieu, guérir ces malades d’un seul mot, cependant il les touche et montre ainsi la puissance de sa chair pour opérer des guérisons, car c’était la chair d’un Dieu; or, de même que le feu approché d’un vase d’airain, lui communique sa propre chaleur, de même le Verbe tout-puissant de Dieu, en s’unissant véritablement ce temple animé et intelligent qu’il reçut de la vierge Marie, le rendit participant de sa puissance divine. Que Jésus daigne aussi nous toucher, ou plutôt touchons-le nous-mêmes jusqu’à ce que nos âmes soient libérées de leur faiblesse et pour être délivrés des attaques et de l’orgueil du démon : « Les démons sortaient du corps de plusieurs, criant et disant : ‘Vous êtes le Fils de Dieu’ ». — S.
Bède : Les démons confessent le Fils de Dieu, et,
comme l’Évangéliste le dit plus loin : « Ils
savaient qu’il était le Christ. » En effet, lorsque le démon le vit
épuisé par le jeûne, il en conclut qu’il était vraiment un homme, mais le
voyant inaccessible à la tentation, il se demandait s’il n’était pas le Fils
de Dieu; maintenant l’éclat et la puissance des miracles lui fait comprendre
ou plutôt soupçonner qu’il est le Fils de Dieu. Si donc il a porté les Juifs
à crucifier Jésus-Christ, ce n’est pas qu’il doutât qu’il fût le Christ ou le
Fils de Dieu, mais parce qu’il ne prévoyait pas que sa mort serait sa propre
condamnation. Car saint Paul dit de ce mystère caché depuis les siècles : « Que nul des princes de ce monde ne
l’a connu, car s’ils l’eussent connu, ils n’eussent jamais crucifié le
Seigneur de la gloire. » — S. Jean Chrysostome : « Mais il les menaçait, et ne leur permettait pas de dire, » : Admirez ici l’humilité de Jésus-Christ, il ne veut pas que les esprits immondes manifestent sa gloire. Il ne fallait pas, en effet, laisser usurper au démon la gloire du ministère apostolique, et il ne convenait pas que le mystère de Jésus-Christ fût annoncé par des langues impures. — Théophylacte : Ou bien, c’est parce que la louange qui sort de la bouche du pécheur n’a aucune beauté, ou parce qu’il ne voulait pas exciter davantage la jalousie des Juifs, en s’attirant les louanges de la multitude. — S. Bède : Les Apôtres eux-mêmes avaient ordre de ne point parler de lui, de peur que la connaissance de sa divinité venant à se répandre, le mystère de sa passion ne fût différé. |
Lectio 10 [85796] Catena in Lc., cap. 4 l. 10 Chrysostomus. Postquam satis utilitatis populis per
miracula est collatum, oportebat eum abesse : maiora namque putantur miracula
post absentiam operantis, dum ipsa magis exclamant, et vice vocis fruuntur;
unde dicitur facta autem die, egressus ibat in desertum locum. Graecus.
Abiit etiam in desertum, ut Marcus dixit, et orabat : non quod ipse
oratione indigeret, sed ut nobis bonae operationis fieret forma. Chrysostomus.
Pharisaei quidem, ipsis prodigiis praedicantibus, potentia Christi
scandalizabantur; populi vero eloquia audientes, acquiescebant et
sequebantur; unde sequitur et turbae requirebant eum, et venerunt usque ad
ipsum; et detinebant illum, ne discederet ab eis; non quidem aliqui primatum
aut Scribarum, sed quoscumque malitiae fucus non denigraverat, et illaesam
habebant conscientiam. Graecus.
Quod autem Marcus dicit apostolos pervenisse ad eum dicentes quod omnes
quaerunt te, Lucas vero dicat populus pervenisse, non discrepant ab invicem.
Applicuerant enim ad ipsum populi, apostolorum sequentes vestigia; dominus
autem gaudebat detentus, sed mandabat ut eum dimitterent, ut etiam alii
participes forent eius doctrinae, quasi tempore suae praesentiae non multum
duraturo; unde sequitur quibus ait : quia et aliis civitatibus oportet me
evangelizare regnum Dei, quia ideo missus sum. Marcus dicit : ad hoc veni,
ostendens divinitatis eius celsitudinem, et voluntariam exinanitionem; Lucas
vero dicit ad hoc missus sum, idest incarnationem ostendens, necnon
beneplacitum patris missionem appellans; et ille quidem simpliciter dicit :
ut praedicem, iste vero regnum Dei adiungit, quod est ipse Christus. Chrysostomus.
Simul etiam considera, quod poterat in eodem loco manendo, omnes attrahere
ad se; non tamen hoc fecit, praebens nobis exemplum ut perambulemus et
requiramus pereuntes, sicut pastor ovem perditam, et medicus accedit ad
infirmum : una enim anima recuperata, poterit aliquis mille delicta abolere;
unde et hic sequitur et erat praedicans in synagogis Galilaeae. Frequentabat
quidem synagogas, docens illos quod non esset seductor : nam si iugiter
inhabitata coleret, diffamarent eum velut latitantem. Beda.
Si autem occasu solis mystice mors domini exprimitur, die redeunte
resurrectio illius indicatur; cuius manifestata luce, a credentium turbis
requiritur, et in gentium deserto inventus, ne abeat detinetur; maxime cum
hoc contigerit prima sabbati, quo resurrectio celebrata est. |
Versets 42-44.
— S. Jean Chrysostome : Après avoir fait un nombre suffisant de miracles en faveur du peuple, le Seigneur devait se retirer, car les miracles paraissent plus grands après le départ de celui qui les a faits, ils proclament plus haut la puissance divine, et font l’office du langage : « Donc, dit l’Évangéliste, lorsqu’il fit jour il sortit dehors, et s’en alla en un lieu désert, ». — Chronique des Pères Grecs : Il s’en alla dans le désert (d’après saint Marc), et il priait, non pas qu’il eût besoin de prière, mais pour nous donner le modèle d’une prière parfaite. — S. Jean Chrysostome : (tiré des hom. Sur Matth.) Malgré tant de miracles éclatants, les pharisiens sont scandalisés de la puissance de Jésus-Christ, tandis que le peuple qui entendait ses paroles, marchait à sa suite : « Et la foule le cherchait, et elle vint jusqu’à lui. Et elle voulait le retenir pour qu’il ne les quittât pas. » Ce ne sont ni les premiers du peuple, ni les scribes qui le cherchent, mais ceux que la noirceur de la méchanceté n’avait pas atteint, et dont la conscience était restée pure. — Chronique des Pères grecs : Saint Marc dit que les Apôtres rejoignirent le Sauveur, pour lui dire que tout le monde le cherchait; d’après saint Luc, c’est le peuple lui-même qui vient trouver le Sauveur, mais il n’y a en cela aucune contradiction, car le peuple était venu le trouver à la suite des Apôtres. Le Seigneur éprouvait de la joie de se voir ainsi entouré par la foule, mais il commandait cependant qu’on le laissât aller, car il fallait que d’autres aussi fussent initiés à sa doctrine, parce que le temps de sa présence sur la terre ne devait pas être bien long : « Et il leur dit : Il faut aussi que j’annonce aux autres villes la bonne nouvelle du royaume de Dieu, car c’est pour cela que je suis envoyé. » Saint Marc dit : « C’est pour cela que je suis venu, » montrant ainsi l’excellence de sa divinité et son anéantissement volontaire. D’après saint Luc, au contraire, le Sauveur aurait dit : « C’est pour cela que je suis envoyé » ; et il exprime ainsi le mystère de son incarnation, et donne le nom de mission à la volonté du Père. L’un dit simplement : « afin que j’annonce » ; l’autre ajoute : « le royaume de Dieu, » qui est Jésus-Christ lui-même. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Considérez ici que le Sauveur pouvait attirer à lui tous les hommes, en demeurant dans le même endroit; cependant il ne le fit point, pour nous donner l’exemple d’aller à la recherche de ceux qui périssent, comme le pasteur court après la brebis perdue, comme le médecin va lui-même visiter ses malades; car sauver une seule âme, c’est mériter le pardon de bien des fautes : « Et il prêchait dans les synagogues de Galilée. » Il fréquentait les synagogues, pour leur prouver qu’il n’était pas un séducteur, car s’il eût recherché constamment les lieux inhabités, ils l’eussent accusé de vouloir se dérober à la connaissance des hommes. — S.
Bède : Si le coucher du soleil est une figure
allégorique de la mort du Seigneur, le retour du jour est un symbole de sa
résurrection; le peuple des croyants le recherche à la clarté de cette
lumière, et après l’avoir trouvé dans le désert des nations, il l’entoure et
cherche à le retenir, dans la crainte qu’il ne lui échappe, explication
d’autant plus probable que ce fait se passa le premier jour après le sabbat,
qui fut le jour de la résurrection du Sauveur. |
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Caput 5 |
CHAPITRE 5
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Lectio 1 [85797] Catena in Lc., cap. 5 l. 1 Ambrosius in Lucam. Ubi dominus impertivit multis varia genera
sanitatum, nec tempore, nec loco coepit a studio sanandi turba cohiberi : vespera
incubuit, sequebantur : stagnum occurrit, et turbae urgebant : unde dicitur
factum est autem cum turbae irruerent in eum. Chrysostomus.
Erant enim ei connexi, diligentes eum et mirantes, et tenere cupientes.
Quis enim discessisset, dum huiusmodi miracula faciebat? Quis noluisset solam
prospicere faciem, et os talia loquens? Neque enim in agendo miracula solum
admirabilis erat; sed visus eius abundabat plurima gratia; unde et loquentem
eum audiunt in silentio, seriem locutionis non irrumpentes; dicitur enim ut
audirent verbum Dei, et ipse stabat secus stagnum Genezareth. Beda.
Stagnum Genezareth idem dicunt esse quod mare Galilaeae, vel mare
Tiberiadis; sed mare Galilaeae ab adiacente provincia dicitur; mare autem
Tiberiadis a proxima civitate. Porro Genezareth a laci ipsius natura, quae
crispantibus aquis de seipso sibi excitare auram perhibetur, Graeco vocabulo
quasi generans sibi auram dicitur : neque enim in stagni morem sternitur
aqua, sed frequentibus auris spirantibus agitatur, haustu dulcis, et ad
potandum habilis. Sed Hebraeae linguae
consuetudine omnis aquarum congregatio, sive dulcis, sive salsa, mare
nuncupatur. Theophylactus.
Fugit autem dominus gloriam quanto magis ipsa eum sequebatur; et ideo a
turbis se separans ascendit in navem. Et vidit duas naves stantes secus
stagnum : piscatores autem descenderant, et lavabant retia. Chrysostomus. Quod signum erat vocationis. Secundum
vero Matthaeum invenit eos reficientes retia; tantus enim erat paupertatis excessus,
ut laniata repararent, nova nequeuntes habere. Volens autem diligenter
congregare spectaculum, ut nemo remaneret post tergum, sed omnes facie ad
faciem cernerent, ascendit in navim; unde dicitur ascendens autem in unam
navim, quae erat Simonis, rogavit eum a terra reducere pusillum. Theophylactus.
Vide autem Christi mansuetudinem, quomodo rogat Petrum; et Petri
obedientiam, quomodo in omnibus fuit obediens. Chrysostomus.
Postquam vero multa peregerat miracula, iterum doctrinam proponit, et
existens in mari piscatur existentes in terra; unde sequitur et sedens
docebat turbas de navicula. Gregorius
Nazianzenus. Cunctis condescendens, ut a profundis extrahat piscem,
hominem scilicet natantem in mobilibus rebus, et amaris huius vitae procellis.
Beda.
Mystice autem duae naves circumcisionem et praeputium figurant; quas videt
dominus, quia in utroque populo novit qui sunt eius, et ad futurae vitae
tranquillitatem quasi ad littus videndo, hoc est misericorditer visitando,
provehit. Piscatores sunt Ecclesiae doctores, qui nos per rete fidei
comprehendunt, et quasi littori, sic terrae viventium advehunt. Sed haec
retia modo laxantur in capturam, modo lota plicantur : quia non omne tempus
est habile doctrinae; sed nunc exercenda est lingua doctoris, et nunc suimet
cura gerenda. Navis Simonis est Ecclesia primitiva, de qua Paulus dicit : qui
operatus est Petro in apostolatum circumcisionis; bene una dicta, quia
multitudinis credentium erat cor unum et anima una. Augustinus
de quaest. Evang. De qua docebat turbas, quia de auctoritate Ecclesiae
docet gentes. Quod autem dominus ascendens in navim rogat eum a terra
reducere pusillum, significat temperate utendum verbo ad turbas, ut nec
terrena eis praecipiantur, nec a terrenis in profunda sacramentorum recedatur.
Vel prius in proximis regionibus gentibus
praedicandum, ut quod postea dicit duc in altum, ad remotiores gentes postea
praedicandum praecipiat. |
Versets 1-3.
— S. Ambroise : Après que Notre Seigneur eut opéré un grand nombre de guérisons de différentes sortes, l’empressement du peuple pour recourir à sa puissance salutaire ne put être arrêté ni par le temps, ni par les lieux; le soir est venu, ils ne cessent de marcher à sa suite, un lac se présente, ils se pressent autour de lui : « Un jour que la foule se précipitait sur lui, ». — S. Jean Chrysostome : Ils étaient comme enchaînés à sa divine personne, pleins d’amour et d’admiration pour lui, et ils voulaient le retenir au milieu d’eux. Et, en effet, qui aurait voulu se séparer de lui pendant qu’il opérait de si grands miracles ? Qui aurait refusé de contempler seulement cette face adorable et cette bouche d’où sortaient tant de merveilles ? Car le Sauveur n’était pas seulement admirable dans les miracles qu’il opérait, mais son aspect seul était rempli de grâce; aussi quand il parlait, on l’écoutait dans un profond silence, sans jamais oser l’interrompre : « La foule, se précipitant sur lui pour entendre la parole de Dieu, et lui-même se tenant sur le bord du lac de Génésareth,». [« Il était sur le bord du lac de Génésareth. »] — S. Bède : Le lac de Génésareth est le même qui porte le nom de mer de Galilée ou de Tibériade. On l’appelle mer de Galilée, de la province qui est baignée par ses eaux, et mer de Tibériade, de la ville qui en est voisine. Le nom de Génésareth vient de la nature même du lac, dont les ondes, en se ridant, produisent d’elles-mêmes les vents qui agitent ses flots. En effet, le mot Génésareth signifie qui produit de lui-même le vent. Les eaux, au lieu d’être calmes et tranquilles comme celles des autres lacs, sont souvent agitées par le souffle des vents, elles sont douces et agréables à boire. Mais dans la langue hébraïque, toute grande étendue d’eau douce ou salée, reçoit le nom de mer. —
Théophylacte : Plus la gloire s’attache au Sauveur,
plus il cherche à s’y dérober, c’est pourquoi nous le voyons s’éloigner de la
foule et monter dans une barque : « Et
il vit deux barques arrêtées au bord du lac, et dont les pêcheurs étaient
descendus pour laver leurs filets. » — S. Jean Chrysostome : C’était un signe que les pécheurs se reposaient. Selon saint Matthieu, Jésus les trouva raccommodant leurs filets; car ils étaient si pauvres qu’ils étaient obligés de réparer leurs filets déchirés, dans l’impossibilité d’en avoir de nouveaux. Il monte dans une barque pour rassembler convenablement toute la multitude, de manière que personne ne fût derrière lui, mais que tous puissent le voir en face : « Montant dans une des barques qui appartenaient à Simon, il le pria de s’éloigner un peu de la terre, ». — Théophylacte : Voyez l’humilité de Jésus-Christ, qui s’abaisse jusqu’à prier Pierre, et la soumission de Pierre, qui obéit en toutes choses à son divin Maître. — S.
Jean Chrysostome : Après avoir opéré un grand nombre
de miracles, il enseigne de nouveau sa doctrine, et tout en étant sur la mer,
il pêche ceux qui sont sur la terre : « Et
étant assis, il enseignait le peuple depuis la barque. » — S. Grégoire : de Nazianze. (disc. 31.) Il se montre plein de condescendance pour tous, afin de tirer le poisson de l’abîme, c’est-à-dire l’homme qui nage pour ainsi dire au milieu des choses inconstantes, et parmi les violentes tempêtes de cette vie. — S. Bède : Dans le sens allégorique, ces deux barques figurent les Juifs et les Gentils. Le Seigneur les voit toutes deux, parce qu’il connaît dans chaque peuple ceux qui sont à lui, et en les voyant près du rivage, c’est-à-dire en les visitant dans sa miséricorde, il les conduit au port tranquille de la vie éternelle. Les pêcheurs sont les docteurs de l’Église qui nous prennent dans les filets de la foi, et nous amènent au rivage de la terre des vivants. Ces filets, tantôt les pêcheurs les jettent pour pêcher, tantôt ils les plient après les avoir lavés, parce qu’en effet, tous les temps ne sont pas également propres à la réception de la doctrine, et que le docteur doit tantôt se livrer à l’enseignement, tantôt s’occuper de lui-même, et prendre soin de son âme. La barque de Simon, c’est l’Église primitive dont saint Paul a dit : « Celui qui a opéré en Pierre pour l’apostolat de la circoncision. » (Ga 2.) Notre Seigneur monte dans une seule de ces barques, parce que la multitude de ceux qui croyaient n’avait qu’un coeur et qu’une âme, (Ac 4.) — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 2.) De cette barque, il enseignait la foule, car c’est par l’autorité de l’Église que Pierre instruit les nations. Le Seigneur, en montant dans cette barque, prie son disciple de s’éloigner un peu de la terre, pour nous apprendre qu’il faut parler au peuple un langage plein de modération, il ne faut pas lui prêcher une doctrine terrestre, mais il faut se garder également de trop l’éloigner de la terre pour le jeter dans les profondeurs des mystères. Cette circonstance peut encore signifier qu’il faut d’abord prêcher l’Évangile aux peuples des pays voisins, de même que bientôt il dira : « Avancez en pleine mer, » c’est-à-dire prêchez aux nations plus éloignées. |
Lectio 2 [85798] Catena in Lc., cap. 5 l. 2 Cyrillus. Postquam sufficienter populum docuerat, regreditur iterum
ad magnificentias proprias, et per piscatoria ministeria piscatur discipulos;
unde sequitur ut autem cessavit loqui, dixit ad Simonem : duc in altum, et
laxate retia vestra in capturam. Chrysostomus. Condescendens enim hominibus, sicut magos per sidus
vocavit, sic et piscatores per piscatoriam artem. Theophylactus. Petrus autem non distulit; unde sequitur et
respondens Simon dixit illi : praeceptor, per totam noctem laborantes nihil
cepimus. Non autem addidit : non te audiam, nec secundis
laboribus me exponam; sed magis subdit in verbo autem tuo laxabo rete : quia
vero turbam de navicula dominus instruxerat, non sine mercede naviculae
dominum dereliquit, dupliciter beneficians ipsum : quia primo dedit ei
multitudinem piscium, et deinde discipulum ipsum fecit. Et cum hoc fecisset,
concluserunt piscium multitudinem copiosam. Tot autem pisces cepit ut non
posset eos foras educere, sed a sociis auxilium peteret; unde sequitur
rumpebatur autem rete eorum : et annuerunt sociis qui erant in alia navi, ut
venirent et adiuvarent eos. Per nutum ipsos vocant : quia ex stupore propter
capturam piscium loqui non poterant. Et sequitur de eorum auxilio, cum
dicitur et venerunt, et impleverunt ambas naviculas, ita ut pene mergerentur. Augustinus
de Cons. Evang. Ioannes quidem videtur simile miraculum dicere; sed illud
longe aliud est, quod factum est post resurrectionem domini ad mare
Tiberiadis : ibi enim non solum ipsum tempus valde diversum est, sed etiam
res ipsa plurimum distat : nam retia illic in dexteram partem missa, centum
quinquaginta tres pisces ceperunt, magnos quidem; sed pertinuit ad
Evangelistam dicere, quod cum tam magni essent, retia non sunt disrupta;
respicientem scilicet ad hoc factum quod Lucas commemorat, ubi prae multitudine
piscium retia rumpebantur. Ambrosius.
Mystice autem navis Petri, secundum Matthaeum fluctuat, secundum Lucam
repletur piscibus, ut et principia Ecclesiae fluctuantis, et posteriora
exuberantis agnoscas. Non turbatur ista quae Petrum habet; turbatur illa quae
Iudam habet : in utraque Petrus; sed qui suis meritis firmus est, turbatur
alienis. Caveamus igitur proditorem, ne per unum plurimi fluctuemus. Illic
turbatio ubi modica fides; hic securitas ubi perfecta dilectio. Denique etsi
aliis imperatur ut laxent retia sua, soli tamen Petro dicitur duc in altum,
hoc est in profundum disputationum. Quod est tam altum quam scire Dei filium?
Quae sunt autem apostolorum quae laxari iubentur retia, nisi verborum
complexiones, et quasi quidam orationis sinus, et disputationum recessus, qui
eos quos ceperint non amittant? Et bene apostolica instrumenta piscandi retia
sunt, quae non captos perimunt, sed reservant, et fluctuantes de infimis ad
superna transducunt. Dicit autem praeceptor, per totam noctem laborantes
nihil cepimus : quia non hoc humanae facundiae opus, sed supernae vocationis
est munus. Qui autem nihil ante ceperant, magnam in verbo domini concludunt
piscium multitudinem. Cyrillus.
Hoc autem fuit figura futuri : non enim incassum laborabunt evangelicae
doctrinae rete tendentes; sed greges gentium aggregabunt. Augustinus
de quaest. Evang. Quod autem retia rumpebantur piscium copia, et naviculae
impletae sunt, ita ut pene mergerentur, significat hominum carnalium
multitudinem tantam futuram in Ecclesia, ut etiam disruptione pacis per
haereses et schismata scinderetur. Beda.
Rumpitur autem rete, sed non labitur piscis, quia suos dominus inter
persequentium scandala servat. Ambrosius.
Alia autem navis est Iudaea, ex qua Ioannes et Iacobus eliguntur. Hi
igitur de synagoga ad navim Petri, hoc est ad Ecclesiam, convenerunt, ut
implerent ambas naviculas : omnes enim in nomine Iesu genuflectunt, sive
Iudaeus sive Graecus. Beda.
Vel alia navis est Ecclesia gentium, quae et ipsa, una navicula non
sufficiente, piscibus impletur electis : quia novit dominus qui sunt eius. Et
apud ipsum certus est suorum numerus electorum; dumque tot in Iudaea
credituros non invenit quot ad fidem vitamque praedestinatos novit aeternam,
quasi alterius navis receptacula piscibus quaerens suis, corda quoque gentium
fidei gratia replet. Et bene rupto reti socia navis advocatur, quando Iudas
proditor, Simon magus, Ananias et Saphira, et multi discipulorum abierunt
retro : ac deinde Barnabas et Paulus ad gentium sunt apostolatum segregati.
Ambrosius.
Possumus tamen et aliam Ecclesiam intelligere navim alterius : ab una enim
plures Ecclesiae derivantur. Cyrillus.
Innuit autem sociis ut auxiliarentur eis : multi enim sequuntur
apostolorum labores; et prius illi qui Evangeliorum ediderunt Scripturas,
post quos alii praesides et populorum pastores, et in deitatis doctrina
periti. Beda.
Harum autem impletio navium in fines saeculi crescit; sed quod impletae
merguntur, hoc est in submersione premuntur (non enim sunt submersae, sed
periclitatae), apostolus exponit dicens : in novissimis diebus erunt tempora
periculosa, et erunt homines seipsos amantes, etc. : nam mergi naves, est
homines in saeculo, ex quo electi per fidem fuerant, morum pravitate relabi. |
Versets 4-7.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Après avoir donné au peuple les enseignements qu’il jugeait convenables, le Sauveur reprend le cours de ses opérations merveilleuses, et en favorisant à ses disciples l’exercice de la pêche, il les prend lui-même dans ses filets : « Lorsqu’il eut cessé de parler, il dit à Simon : ‘Avancez en pleine mer, et jetez vos filets pour pêcher’. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Matth.) Il s’accommode aux [dispositions comme aux diverses occupations des] hommes, c’est par une étoile qu’il avait appelé les mages, c’est par le métier de la pêche qu’il appelle à lui les pécheurs. — Théophylacte : Pierre ne fait aucune difficulté d’obéir : « Et Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. » Il n’ajoute pas : Je ne vous écouterai pas, je ne veux pas m’exposer à de nouvelles fatigues. Loin de là, il s’empresse de répondre : « Mais sur votre parole, je jetterai le filet. » C’était de la barque de Pierre que Notre Seigneur avait enseigné le peuple, il ne veut pas laisser sans récompense le maître de la barque; et il le récompense doublement, d’abord il lui fait prendre une multitude innombrable de poissons, et en second lieu, il en fait lui-même son disciple : « Et l’ayant jeté, ils prirent une si grande quantité de poissons », [que leur filet se rompait. »] Pierre prit une telle quantité de poissons, qu’il ne pouvait les tirer hors de l’eau, et qu’il demanda du secours à ses compagnons : « Leur filait se rompait et ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l’autre barque de venir les aider. » Il les appelle en leur faisant signe; car l’étonnement que lui causait cette pèche abondante, lui ôtait [pour ainsi dire] l’usage de la parole. Les autres disciples répondent à son appel : « Et ils vinrent, et ils remplirent les deux barques, au point qu’elles enfonçaient». — S. Augustin : L’évangéliste saint Jean paraît raconter un miracle semblable, mais qui est cependant tout autre, et qui eut lieu après la résurrection du Seigneur sur la mer de Tibériade. Ces deux miracles diffèrent et quant au temps, et quant à la nature même du fait. Dans saint Jean, les filets, jetés à la droite de la barque, prennent cent cinquante-trois grands poissons, et l’Évangéliste a soin de dire que, malgré la grandeur des poissons, les filets ne se rompirent pas. Et il avait alors en vue le fait miraculeux raconté par saint Luc, où le filet se rompait sous le poids énorme des poissons qu’il contenait. — S. Ambroise : Dans le sens allégorique, la barque de Pierre qui, selon saint Matthieu, est agitée par les flots, et qui, selon saint Luc, est remplie de poissons, figure l’Église jouet des flots à son origine, et dans la suite, se réjouissant de la multitude innombrable de ses enfants. La barque qui porte Pierre n’est point agitée, mais celle qui portait Judas est ballottée par les flots. Pierre, il est vrai, se trouvait dans ces deux barques, mais bien qu’il demeurât ferme dans la conscience de son innocence personnelle, il était cependant agité par suite des crimes d’un autre. Gardons-nous donc de toute société avec les traîtres, il n’en faut qu’un seul pour nous jeter, nombreux, dans l’agitation et le trouble. Là où la foi est faible, il y a nécessairement trouble, là, au contraire, où la charité est parfaite, il y a [pleine et entière] sécurité. Remarquez enfin que si Notre Seigneur commande à tous les disciples de jeter leurs filets, c’est à Pierre seul qu’il dit : « Avance en pleine mer, » c’est-à-dire dans la profondeur des controverses. Qu’y a-t-il de plus profond que la connaissance du Fils de Dieu ? Mais quels sont ces filets qu’il commande aux Apôtres de jeter, sinon les réseaux des paroles, les détours des discussions et les profondes sinuosités des discours, qui ne laissent point échapper ceux qu’ils ont pris ? Les instruments dont se servent les Apôtres pour cette pêche spirituelle sont justement comparés à des filets qui ne tuent point ceux qu’ils prennent, mais les tiennent en réserve, et qui les retirent des flots agités, pour les transporter jusque dans les cieux. Pierre dit à Jésus : « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre, » parce que ce n’est point ici l’oeuvre de l’éloquence humaine, mais un don de la vocation céleste. Aussi ceux dont les efforts avaient été jusque là infructueux, prennent, sur la parole du Seigneur, une grande quantité de poissons. — S. Cyrille : C’était la figure de ce qui devait arriver dans la suite [aux prédicateurs de l’Évangile]; car ceux qui jetteront le filet de la doctrine évangélique ne travailleront pas inutilement, mais parviendront à réunir la multitude des nations. — S. Augustin : (Question évang., 2, 9.) Leurs filets se rompaient, et les barques étaient remplies de cette quantité de poissons, au point qu’elles étaient près de couler à fond, figure de cette multitude d’hommes charnels, qui devaient abonder un jour dans l’Église, au point de rompre la paix et de déchirer l’Église par les hérésies et par les schismes. — S. Bède : Le filet se rompt, mais le poisson ne s’échappe pas, parce que le Seigneur conserve les siens au milieu des scandales de ceux qui les persécutent. — S. Ambroise : L’autre barque représente la Judée, dans laquelle Jean et Jacques sont choisis; ils viennent de la synagogue à la barque de Pierre (c’est-à-dire à l’Église), et ils viennent pour remplir les deux barques, car tous juifs, ou grecs, doivent fléchir le genou au nom de Jésus. — S. Bède : Ou bien encore, la seconde barque c’est l’Église des Gentils qui, pour suppléer à l’insuffisance de la première est aussi remplie de poissons, qui représentent les élus; car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui, il a déterminé le nombre précis de ses élus; et comme il n’a pas trouvé dans la Judée autant de fidèles qu’il en avait prédestinés à la vie éternelle, il cherche pour ainsi dire une autre barque pour recevoir les poissons qui sont à lui, et il répand la grâce de la foi dans le coeur des Gentils. Le filet venant à se rompre, on a recours à la barque voisine; ainsi lorsque Judas le traître, Simon le Magicien, Ananie et Saphire, et un grand nombre de disciples se séparent de l’unité, Paul et Barnabé sont choisis pour exercer l’apostolat parmi les Gentils. — S. Ambroise : Nous pouvons encore voir dans cette seconde barque la figure d’une autre Église; car l’Église de Jésus-Christ qui est une, se divise en plusieurs Églises particulières. — S. Cyrille : Pierre fait signe à ses compagnons de venir à son secours, un grand nombre, en effet, se sont associés aux travaux des Apôtres d’abord ceux qui ont écrit les Évangiles, ensuite les autres évêques ou pasteurs des peuples, et les docteurs versés dans la science de la vérité. — S. Bède : Ces barques ne cessent de se remplir jusqu’à la fin du monde; lorsqu’elles sont pleines, elles s’enfoncent, ou plutôt elles sont exposées au danger d’être submergées; car elles ne le sont jamais en réalité. C’est ce qu’enseigne l’Apôtre, lorsqu’il dit : « Dans les derniers temps, il y aura des temps périlleux, les hommes s’aimeront eux-mêmes, » etc... En effet, les barques sont submergées lorsque les hommes que Dieu avait retirés du siècle par la vocation à la foi y sont de nouveau entraînés par la corruption des moeurs. |
Lectio 3 [85799] Catena in Lc., cap. 5 l. 3 Ambrosius. Admirabatur Petrus dona divina; et quo plus metuerat, praesumebat
minus; unde dicitur quod cum videret Simon Petrus, procidit ad genua Iesu,
dicens : exi a me, domine, quia homo peccator sum. Cyrillus.
Reducens enim ad conscientiam patrata delicta, tremit et trepidat, et
velut immundus mundum non credit se posse suscipere : acceperat enim a lege,
distinguendum esse inter maculatum et sanctum. Gregorius
Nyssenus. Cum enim mandasset demergere retia, tanta copia piscium capta
est, quantum ipse maris dominus et terrae voluerat. Vox enim verbi semper est
vox virtutis, cuius praecepto in origine mundi lux et ceterae creaturae
prodibant. In his admiratur Petrus; unde sequitur stupor enim circumdederat
eum, et omnes qui cum illo erant, in captura piscium quam ceperant; similiter
autem Iacobum et Ioannem filios Zebedaei, qui erant socii Simonis. Augustinus
de Cons. Evang. Andream non nominat, qui tamen intelligitur in ea navi
fuisse, secundum Matthaei et Marci narrationem. Et ait ad Simonem Iesus :
noli timere. Ambrosius.
Dic et tu exi a me, domine, quia peccator sum, ut respondeat Deus noli
timere. Indulgenti domino peccatum fatere. Vides quam bonus dominus, qui
tantum tribuit hominibus ut vivificandi habeant potestatem; unde sequitur ex
hoc iam homines eris capiens. Beda.
Hoc ad ipsum Petrum specialiter pertinet : exponit enim ei dominus quid
haec captura piscium significet; quod scilicet ipse sicut nunc per retia
pisces, sic aliquando per verba sit capturus homines : totusque facti huius
ordo quid in Ecclesia, cuius ipse typum tenet, quotidie geratur, ostendit.
Chrysostomus.
Considera autem eorum fidem et obedientiam; habentes enim opus prae
manibus appetibilis piscationis, cum audissent mandantem, non distulerunt,
sed relictis omnibus sequebantur. Talem enim obedientiam requirit a nobis
Christus, ut eam non praetermittamus, etiam si aliquid valde necessarium
urgeat; unde et sequitur et subductis ad terram navibus, relictis omnibus,
secuti sunt eum. Augustinus
de Cons. Evang. Matthaeus et Marcus breviter hoc perstringunt quemadmodum
gestum sit, quod Lucas hic apertius explicavit. Hoc tamen videtur distare
quod tantum Petro a domino dictum commemorat ex hoc iam homines eris capiens,
quod illi ambobus fratribus dictum esse narraverunt. Sed potuit utique prius
hoc Petro dici, cum de capta ingenti multitudine piscium miraretur, quod
Lucas insinuavit; ambobus postea, quod illi duo commemoraverunt. Vel
intelligendum est hoc primo fuisse factum quod Lucas commemorat; nec tunc eos
a domino vocatos, sed tantum fuisse praedictum Petro quod homines esset
capturus : non autem quod numquam pisces esset capturus : unde datur locus
intelligere eos ad capturam piscium remeasse, ut postea fieret quod Matthaeus
et Marcus narrant : tunc enim non subductis ad terram navibus, tamquam cura
redeundi, sed ita eum secuti sunt, tamquam vocantem aut iubentem. Sed si,
secundum Ioannem, iuxta Iordanem secuti sunt eum Petrus et Andreas; quomodo
ab aliis Evangelistis dicitur quod eos in Galilaea piscantes invenit et ad
discipulatum vocavit, nisi quia intelligendum est, non sic eos vidisse dominum
iuxta Iordanem ut ei inseparabiliter cohaererent, sed tantum cognovisse quis
esset, eumque miratos ad propria remeasse? Ambrosius. Mystice autem quos Petrus in verbo capit, negat suam
praedam, negat suum munus. Exi, inquit, a me,
domine. Noli timere et tu quae tua sunt domino deferre, quia quae sua sunt
nobis ille concessit. Augustinus
de quaest. Evang. Vel aliter. Ex persona Ecclesiae carnalibus hominibus
plenae Petrus dicit exi a me, quia homo peccator sum; tamquam Ecclesia turbis
carnalium impleta, et eorum moribus pene submersa, regnum spiritualium, in
quibus maxime persona Christi eminet, a se quodammodo repellat. Non enim hoc
voce linguae dicunt homines bonis ministris Dei, ut eos a se repellant; sed
voce morum et actuum suadent a se recedi, ne per bonos regantur, et eo
vehementius quo deferunt eis honorem; ut honorificentiam eorum significaverit
Petrus cadens ad pedes domini, mores autem in eo quod dixit exi a me. Beda.
Confortat autem dominus timorem carnalium, ne quis vel de suae conscientia
culpae tremens, vel de aliorum innocentia stupens sanctitatis iter formidet
aggredi. Augustinus
de quaest. Evang. Dominus autem dum non recessit ab eis, significat, in
bonis et spiritualibus viris non esse oportere hanc voluntatem ut peccatis turbarum
commoti, quo quasi securius tranquilliusque vivant, munus ecclesiasticum
deserant. Quod autem subductis ad terram navibus, relictis omnibus secuti
sunt eum, potest significare finem temporis quo ab huius mundi salo, qui
Christo inhaeserunt penitus recessuri sunt. |
Versets 8-11.
— S. Ambroise : Pierre était dans l’admiration des dons de Dieu, et plus il avait éprouvé de crainte, moins il était porté à la présomption : « Ce que voyant Simon Pierre, il tomba aux pieds de Jésus, en disant : Eloignez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur. » — S. Cyrille : Rappelant en sa conscience les fautes qu’il avait commises, il est saisi de crainte et d’effroi, il n’ose croire, impur qu’il est, qu’il puisse recevoir celui qui est la pureté même; car il avait appris de la loi, que ce qui est souillé doit être séparé de ce qui est saint (Lv 10, 10; cf. Ez 22, 26; 44, 23). — S. Grégoire de Nysse : Dès que Jésus eut ordonné de jeter les filets, on prit le nombre de poissons que lui, le Seigneur de la mer et de la terre, avait déterminé; car la voix du Verbe est toujours une voix de puissance, et c’est par son commandement, que l’origine du monde, la lumière et les autres créatures sortirent du néant. À la vue de ce miracle, Pierre est dans l’admiration : « Il était plongé dans la stupeur, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche de poissons qu’ils avaient faite ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, qui étaient associés à Simon. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2 17.) Saint Luc ne fait point mention d’André, bien qu’il fût dans cette barque, d’après le récit de saint Matthieu et de saint Marc. « Jésus
dit à Simon : Ne craignez point. » — S. Ambroise : Et vous aussi, dites à Jésus : Eloignez-vous de moi, parce que je suis un pécheur, et Dieu vous répondra : « Ne craignez point, » confessez votre péché au Seigneur qui est disposé à vous pardonner. Vous voyez combien il est bon, lui qui daigne accorder à des hommes le pouvoir de communiquer la vie : « Désormais, dit-il à Simon, vous serez pêcheurs d’hommes. » — S. Bède : C’est à Pierre que cette prérogative est spécialement accordée; le Seigneur lui explique le sens mystérieux de cette pêche miraculeuse, c’est-à-dire qu’il prendra un jour des hommes par ses discours, comme il vient de prendre des poissons dans ses filets; et toute la suite de ce fait miraculeux montre ce qui se fait tous les jours dans l’Église, dont Pierre est ici la figure. — S. Jean Chrysostome : (Hom. 14 sur Matth.) Considérez la foi et l’obéissance des Apôtres. Au milieu même des occupations de la pêche (et vous savez combien les pêcheurs sont avides du succès de leur pêche), dès qu’ils entendent l’ordre du Sauveur, sans aucun délai, ils quittent tout, et le suivent. Telle est l’obéissance que Jésus-Christ demande de nous, elle doit être notre premier soin, au milieu même des diverses nécessités de la vie : « Et, aussitôt, ramenant leurs barques à terre, ils le suivirent. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Le récit de saint Matthieu et de saint Marc est ici beaucoup plus court que celui de saint Luc, qui raconte le fait dans tous ses détails. Il semble d’ailleurs y avoir entre les deux récits cette différence que, d’après saint Luc, c’est à Pierre seul que le Sauveur aurait dit : « Désormais vous serez pécheur d’hommes, » tandis que suivant les deux autres Évangélistes, c’est aux deux frères que Jésus aurait adressé ces paroles. Mais Notre Seigneur a pu très bien les dire d’abord à Pierre seul, surpris et étonné de la grande quantité de poissons qu’on avait pris, comme saint Luc paraît l’insinuer, et les avoir redites ensuite aux deux frères, ainsi que le racontent les deux premiers Évangélistes. Ou bien encore, on peut entendre que la pêche miraculeuse, racontée par saint Luc, arriva en premier lieu, mais sans que les deux disciples fussent dès lors appelés par le Seigneur Jésus. Il se contenta de prédire à Pierre qu’il serait un jour pêcheur d’hommes. On peut donc légitimement supposer qu’ils retournèrent au métier de la pêche, et qu’alors eut lieu le fait raconté par saint Matthieu et saint Marc; alors, en effet, ils ne ramenèrent pas leurs barques à terre, avec la pensée de retourner à leurs anciennes occupations, mais ils suivirent Jésus en obéissant pleinement à l’ordre qu’il leur avait donné. Une autre difficulté se présente; si, d’après saint Jean, ce fut sur les bords du Jourdain que Pierre et André se mirent à la suite de Jésus, comment les autres Évangélistes peuvent dire que c’est dans la Galilée qu’il les trouva se livrant à la pèche, et qu’il les appela à l’apostolat ? Nous répondons que lorsqu’ils virent le Seigneur sur les bords du Jourdain, ils ne s’attachèrent pas inséparablement à lui, ils connurent seulement qui il était, et pleins d’admiration pour lui, ils retournèrent à leurs occupations. — S. Ambroise : Dans le sens allégorique, Pierre, en disant : « Seigneur, éloignez-vous de moi, » refuse de reconnaître que ceux qu’il prend dans les filets de ses enseignements soient sa conquête et son butin. Vous aussi, n’hésitez pas à renvoyer à Dieu le bien qui est en vous, puisque c’est Dieu qui vous communique ses propres dons — S. Augustin : (Quest. évang.) Ou bien dans un autre sens, Pierre représente l’Église remplie d’hommes charnels, quand il dit au Seigneur : « Eloignez-vous de moi, parce que je suis un pécheur. » L’Église, remplie de cette foule d’hommes charnels et presque submergée par leurs moeurs dépravées, semble éloigner d’elle le règne des hommes spirituels (dont la personne de Jésus-Christ est la plus haute représentation.) Ce n’est point de bouche que les hommes tiennent ce langage aux vertueux ministres de Dieu pour les éloigner d’eux, c’est par la voix de leurs moeurs et de leurs actions, qu’ils les pressent de se retirer pour se soustraire à la direction des bons. Et leurs instances sont d’autant plus vives, qu’ils leur témoignent en même temps de l’honneur [et du respect]. Pierre figurait ce respect, en se jetant aux pieds du Seigneur, et leurs moeurs, en disant : « Eloignez-vous de moi. » — S. Bède : Or, le Seigneur dissipe la crainte des hommes charnels qui, tremblant, pour quelques-uns, à la vue de leur conscience coupable, ou découragés par le spectacle de l’innocence des autres, redouteraient d’entrer dans la voie de la sainteté. — S. Augustin : (Quest. évang.) Le Seigneur, en ne se rendant pas à leurs désirs, apprend aux hommes vertueux et spirituels à ne pas se laisser aller au désir d’abandonner le ministère ecclésiastique pour mener une vie plus calme et plus tranquille, parce qu’ils ne peuvent supporter les désordres de la foule. Ils ramènent leurs barques à terre, et quittent tout pour suivre Jésus; et en cela ils figurent la fin des temps, où ceux qui se seront attachés à Jésus-Christ quitteront pour toujours la mer [agitée] du monde. |
Lectio 4 [85800] Catena in Lc., cap. 5 l. 4 Ambrosius
in Lucam. Quarto signo, ex quo in Capharnaum dominus venit leprosus
sanatur. Si autem quarto die solem illuminavit, et clariorem ceteris fecit,
hoc clarius opus aestimare debemus, de quo dicitur et factum est cum esset in
una civitate, et ecce vir plenus lepra. Bene ubi leprosus mundatur, certus
non exprimitur locus, ut ostendatur non unum populum specialis alicuius
civitatis, sed omnes populos fuisse sanatos. Athanasius.
Adoravit autem leprosus dominum Deum existentem in corpore; et neque
propter carnem putavit esse creaturam verbum Dei; nec pro eo quod verbum
erat, vilipendit carnem quam vestiebat; immo ut in templo creato adorabat
omnium creatorem, in faciem procidens; sequitur enim et videns Iesum et procidens
in faciem, rogavit eum. Ambrosius.
Quod in faciem procidit, humilitatis est et pudoris, ut unusquisque de
vitae suae maculis erubescat : sed confessionem verecundia non repressit :
ostendit vulnus, remedium postulavit, dicens domine, si vis, potes me
mundare. De voluntate domini non quasi pietatis incredulus dubitavit; sed
quasi iniquitatis suae conscius non praesumpsit : religionis autem et fidei
plena confessio est quae in voluntate domini posuit potestatem. Cyrillus.
Noverat enim lepram experimentis medicorum non cedere; sed vidit divina
maiestate pelli Daemones, et ceteros ab aliis valetudinibus curari, quae
coniecit divina dextera fieri. Titus.
Addiscamus etiam ex verbis leprosi corporalium infirmitatum medelam non
quaerere, sed divino beneplacito totum committere, qui novit opportuna, et
omnia iudicio disposuit. Ambrosius.
Eo autem sanat genere quo fuerat obsecratus; unde sequitur et extendens
Iesus manum, tetigit illum. Lex tangi leprosos prohibet; sed qui dominus
legis est, non obsequitur legi, sed legem facit. Non ergo tetigit, quia sine
tactu mundare non poterat, sed ut probaret quia subiectus non erat legi, nec
contagium timebat ut homines, sed quia contaminari non poterat qui alios
liberabat; simul e contrario ut lepra tactu domini fugaretur, quae solebat
contaminare tangentem. Theophylactus.
Ipsius enim sacra caro est purgativa, et vitam tribuens, sicut existens
verbi Dei caro. Ambrosius.
In hoc autem quod subdit volo, mundare, habes voluntatem, habes et
pietatis effectum. Cyrillus.
A maiestate autem processit imperiosum mandatum. Qualiter igitur in servis
computatur unigenitus filius, qui volendo tantummodo cuncta potest? Legitur
de Deo patre, quod omnia quaecumque voluit fecit. Qui vero sui patris
potestate fungitur, quomodo diversificabitur in natura ab eo? Solent etiam
quaecumque sunt eiusdem virtutis, eiusdem esse substantiae. Mirare tamen in
his Christum divine et corporaliter operantem : divinum enim est ita velle ut
praesto fiant omnia, humanum autem extendere dexteram. Unus itaque Christus
ex utrisque perficitur, eo quod verbum caro factum est. Gregorius
Nyssenus. Et quia cum utraque hominis particula, anima scilicet et
corpore, unita est deitas, per utraque patebant supernae naturae indicia.
Corpus enim reconditum in se lumen declarabat, cum palpando praestabat
remedia, sed anima praepotenti voluntate divinam ostendebat virtutem : velut
enim sensus tactus proprius corporis est, sic et animae voluntarius motus :
vult anima, tangit corpus. Ambrosius. Dicit ergo volo, propter Photinum; imperat propter
Arium; tangit propter Manichaeum. Nihil autem medium est inter opus Dei atque
praeceptum, ut intelligas medentis affectum, virtutem operis; unde sequitur
et confestim lepra discessit ab illo. Sed ne lepra transire possit in
medicum, unusquisque dominicae humilitatis exemplo iactantiam vitet; nam
sequitur et praecepit illi ut nemini diceret : ut scilicet doceret non
vulganda nostra beneficia, sed premenda, ut non solum a mercede abstineamus
pecuniae, sed etiam gratiae. Aut fortasse illa silentii causa est imperati,
quod meliores putabat, qui fide magis spontanea quam speratis beneficiis
credidissent. Cyrillus. Leproso etiam silente sufficiebat ipsa negotii vox ad
narrandum omnibus agnoscentibus per eum potestatem curantis. Chrysostomus in Matth. Et quia ut plurimum homines, dum aegrotant,
Dei sunt memores, ut autem convalescunt hebetantur, mandat ut Deum prae
oculis habeat, dans gloriam Deo; unde sequitur sed vade, ostende te sacerdoti
: ut scilicet mundatus leprosus committeret se sacerdotis aspectui; ac sic
per illius censuram numeraretur inter suos. Ambrosius. Et ut etiam intelligeret sacerdos non legis ordine, sed
gratia Dei supra legem esse curatum; et dum mandatur sacrificium secundum
praeceptum Moysi, ostendit dominus quia legem non solveret, sed impleret;
unde sequitur et offer pro emundatione tua sicut praecepit Moyses. Augustinus de quaest. Evang. Videtur hic approbare sacrificium quod
per Moysen praeceptum est, cum id non recipiat Ecclesia : quod ideo iussisse
intelligi potest, quia nondum coeperat esse sacrificium sanctum sanctorum,
quod corpus eius est : non enim oportebat auferri significativa sacrificia
priusquam illud quod significabatur confirmatum esset contestatione
apostolorum praedicantium, et fide credentium populorum. Ambrosius. Vel quia lex spiritualis est, videtur sacrificium
mandasse spirituale; unde dixit sicut praecepit Moyses; denique addidit in
testimonium illis. Titus. Haeretici perperam hoc accipiunt, dicentes in opprobrium
legis esse dictum. Qualiter autem iuberet offerre pro emundatione secundum
praeceptum Moysi? Chrysostomus in Matthaeum. Dicit ergo in testimonium illis, quia ex
hoc facto ostenditur Christum incomparabili excellentia Moysi praeferri; quia
enim Moyses insufficiens erat a sorore leprae pellere morbum, orabat dominum
ut eam liberaret; sed salvator in potestate divina protulit volo, mundare.
Cyrillus. Vel in testimonium illis, hoc est ad reprehensionem
eorum, et ad probationem quod legem revereor. Cum enim te curaverim, mitto te
ad sacerdotum experientiam, ut attesteris mihi quod non sum praevaricatus in
legem. Et quamvis dominus impendens remedia, moneret
nemini dicere, instruens nos evitare superbiam; fama tamen eius volabat,
undique installans auditui cunctorum miraculum; unde sequitur perambulabat
magis sermo de illo. Beda.
Unius autem perfecta salvatio multas ad dominum cogit turbas : unde
sequitur et conveniebant turbae multae, ut audirent et curarentur ab
infirmitatibus suis. Ut enim leprosus exterius se sanatum doceret, perceptum
beneficium, ut Marcus ait, etiam iussus non tacet. Gregorius
Moralium. Redemptor autem noster per diem miracula in urbibus exibet, et
ad orationis studium in nocte pernoctat : unde sequitur ipse autem secedebat
in desertum, et orabat : ut perfectis videlicet praedicatoribus innuat
quatenus nec activam amore speculationis funditus deserant, nec
contemplationis gaudia operationis nimietate contemnant; sed quieti
contemplantes sorbeant quod occupati erga proximos loquentes profundant. Beda.
Quod autem secedit orare, non ei naturae tribuas quae dicit volo, mundare,
sed ei quae extendens manum tetigit leprosum : non quod iuxta Nestorium
gemina sit filii persona; sed eiusdem personae, sicut naturae, sic et operationes
sunt duae. Gregorius
Nazianzenus. Et opera quidem in populo, orationes autem in deserto
peragebat ut plurimum; sanciens quod liceat parumper quiescere, ut mente
sincera cum Deo colloquamur. Neque enim ipse indigebat remotione, quia non
erat in eo quod remitteretur, cum Deus esset : sed ut pateat nobis et
operationis hora et altioris solertiae. Beda.
Typice autem leprosus humanum genus languidum peccatis designat, plenum
lepra : quia omnes peccaverunt, et egent gratia Dei, ut scilicet extenta
manu, idest verbo Dei humanam contingente naturam, a prisci erroris varietate
mundentur, et offerant Deo pro emundatione corpora sua hostiam vivam. Ambrosius.
Si autem leprae medicina verbum est, contemptus verbi lepra mentis est.
Theophylactus.
Vide autem, quod postquam mundatus est aliquis, tunc dignus est offerre
hoc munus, scilicet corpus et sanguinem domini, quod est divinae unitum
naturae. |
Versets 12-16.
— S. Ambroise : La guérison de ce lépreux est le quatrième miracle que fit Jésus depuis son entrée à Capharnaüm. Si, [lors de la création], Dieu a éclairé le quatrième jour des splendeurs du soleil, et l’a ainsi rendu plus brillant que les autres jours, nous devons regarder aussi ce miracle comme plus éclatant que les autres miracles. « Or, il arriva, comme il était dans une ville, qu’un homme couvert de lèpre, ». L’Évangéliste ne désigne pas d’une manière précise le lieu où ce lépreux fut guéri, pour nous apprendre que ce ne fut pas le peuple particulier d’une seule ville, mais tous les peuples de la terre qui eurent part à la guérison [spirituelle de l’âme]. — S.
Athanase : (lettre
à Adelph. contre les Ar.) Ce lépreux adora le
Seigneur son Dieu sous une forme humaine, la chair mortelle qu’il avait sous
les yeux ne lui fit point croire que le Verbe de Dieu fût une simple
créature; quoique reconnaissant dans Jésus le Verbe de Dieu, il ne méprisa
point la chair dont il était revêtu; au contraire, il se prosterne le visage
contre terre, pour adorer, comme dans un temple créé, le Créateur de toutes
choses : « Apercevant Jésus, il se
prosterna la face contre terre, et le pria. » — S. Ambroise : Il se prosterne la face contre terre par un sentiment d’humilité et de confusion, et nous apprend ainsi à tous à rougir des souillures de notre vie. Cependant cette confusion n’étouffe point l’aveu [qu’il veut faire de son infirmité]; il montre les plaies de son corps, et en demande la guérison : « Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. » Ce n’est point qu’il soit incrédule et qu’il doute de la bonté et de la volonté du Seigneur; mais la conscience qu’il avait de sa honteuse maladie, réprime chez lui tout sentiment de présomption. D’ailleurs quelle profession de foi, de religion plus parfaite que celle qui fait découler toute puissance de la volonté du Seigneur. — S. Cyrille : Il savait que la lèpre dont il était couvert ne pouvait être guérie par l’expérience des médecins, mais il vit la divine majesté chasser les démons, guérir toutes les maladies, et il en conclut que la droite de Dieu pouvait seule opérer ces merveilles. — Tite de Bostr. Apprenons, par ces paroles du lépreux, à ne pas rechercher avec trop d’empressement la guérison de nos infirmités corporelles, mais à tout remettre au bon plaisir de Dieu, qui fait chaque chose en son temps et dispose tout avec sagesse. — S. Ambroise : Notre Seigneur emploie dans la guérison du lépreux le moyen qu’il lui a comme indiqué dans sa prière : « Et Jésus, étendant la main, le toucha [en disant : Je le veux, soyez guéri]. » La loi défend de toucher les lépreux, mais le Maître de la loi n’est pas soumis à la loi, c’est lui qui en est l’auteur. Si donc il touche ce lépreux, ce n’est pas qu’il n’eût pu le guérir sans le toucher, mais c’était pour prouver qu’il n’était pas assujetti à la loi, et que loin de craindre d’être atteint par cette maladie contagieuse, comme les autres hommes, il était inaccessible à toute souillure, lui qui venait en délivrer les autres. Il voulait, au contraire, que la lèpre qui souille ordinairement la main qui la touche, disparût au simple contact de sa main divine. — Théophylacte : En effet, sa chair sacrée purifie et donne la vie, parce qu’elle est la chair du Verbe de Dieu. — S. Ambroise : Dans ces paroles : « Je le veux, soyez guéri », vous voyez à la fois l’expression de sa volonté bienfaisante et de sa tendre compassion. — S. Cyrille : (Tres., 12, 14.) Ce commandement suprême ne peut venir que de la divine majesté, comment donc pourrait-on assimiler le Fils unique aux serviteurs, lui qui peut tout par sa seule volonté ? Il est dit de Dieu le Père, « qu’il a fait tout ce qu’il a voulu » (Ps 113; 134); comment donc celui qui exerce la puissance de son Père, serait-il d’une nature différente ? Tout ce qui a la même puissance, a ordinairement la même substance. Cependant admirez comment Jésus-Christ joint ici l’opération divine à l’action humaine; car c’est le propre de la nature divine que la volonté soit aussitôt suivie de son effet, comme étendre la main est un acte de la nature humaine. Or, la personne unique de Jésus se compose de ces deux natures, parce qu’il est le Verbe fait chair. — S. Grégoire de Nysse : (disc. sur la résurr. de J.-C.) En Jésus-Christ, la divinité était unie aux deux substances constitutives de l’homme, à l’âme et au corps, et les attributs de la nature divine se manifestaient par l’une et l’autre de ces deux substances. Le corps révélait la divinité qu’il recouvrait en donnant la guérison par un simple attouchement, et l’âme faisait éclater la toute-puissance de Dieu par l’efficacité de sa volonté; car la volonté est l’action propre de l’âme, comme le toucher est le sens propre du corps, l’âme veut, le corps touche. — S. Ambroise : Notre Seigneur dit : « Je veux, » pour combattre l’hérétique Photius; il commande, pour condamner Arius, il touche le lépreux, pour confondre Manès. Aucun intervalle entre l’action de Dieu et son commandement, pour vous faire comprendre et l’affection du médecin, et la puissance de son opération : « Et aussitôt sa lèpre disparut. » Mais que chacun de nous évite toute vaine gloire en imitant l’exemple de l’humilité du Sauveur, s’il ne veut que la lèpre n’atteigne le médecin lui-même : « Et il lui ordonna de n’en parler à personne. » Il nous enseigne ainsi à ne point publier nos bienfaits, mais à les cacher et à ne rechercher ni rémunération pécuniaire, ni la récompense [plus délicate] de la reconnaissance. Peut-être aussi Notre Seigneur commande le silence à ce lépreux, parce qu’il préférait de beaucoup ceux qui croient par une foi spontanée, à ceux dont la foi a pour motifs les bienfaits qu’ils espèrent. — S. Cyrille : Mais quand même le lépreux eût gardé le silence, la voix seule de ce miracle suffisait pour faire connaître la puissance de celui qui avait opéré cette guérison, à tous ceux qui en seraient témoins. — S. Jean Chrysostome : (hom. 26 sur Matth.) Le plus souvent, la maladie réveille dans les hommes la pensée de Dieu, mais ils l’oublient bien vite, aussitôt qu’ils sont guéris ; Jésus recommande donc au lépreux d’avoir toujours Dieu devant les yeux, et de lui rendre gloire : « Allez, montrez-vous au prêtre. » Le Sauveur voulait que le lépreux guéri se soumît à l’examen [et au jugement du prêtre], et que ce fût sur sa déclaration qu’il fût réintégré dans la société de ceux qui étaient purs. — S. Ambroise : Il voulait aussi apprendre au prêtre que ce n’était point par l’observation des prescriptions de la loi, mais par la puissance bien supérieure à la loi de la grâce de Dieu, que ce lépreux avait été guéri. En ordonnant au lépreux d’offrir le sacrifice prescrit par Moïse, le Seigneur fait voir qu’il ne venait pas détruire la loi, mais l’accomplir : « Et offrez pour votre guérison, le don prescrit par Moïse. » — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 3.) Le Sauveur paraît approuver ici le sacrifice prescrit par Moïse, et que cependant l’Église n’a point conservé. Si donc Notre Seigneur en fait ici un précepte au lépreux, c’est que le sacrifice du Saint des Saints, c’est-à-dire de son corps, n’était pas encore institué; car les sacrifices figuratifs ne devaient être abolis que lorsque le témoignage de la prédication des Apôtres et la foi des peuples croyants auraient établi le véritable sacrifice qu’ils figuraient. — S. Ambroise : Ou bien encore, comme la loi est spirituelle, il commande au lépreux d’offrir un sacrifice spirituel, c’est pourquoi il ajoute : « C’est que Moïse a ordonné, » et ensuite « en témoignage pour eux. » — Tite de Bost. Les hérétiques donnent une fausse signification à ces paroles, et prétendent qu’elles sont dans la pensée du Sauveur un blâme jeté sur la loi. Mais comment supposer qu’il commande à ce lépreux d’offrir un sacrifice pour sa guérison, comme Moïse l’a prescrit, [s’il avait l’intention de blâmer ici la loi] ? — S. Cyrille ou S. Jean Chrysostome : Il ajoute « en témoignage pour eux, » parce que cette guérison prouve l’excellence incomparable de Jésus-Christ sur Moïse. Moïse, en effet, n’ayant pu guérir sa soeur de la lèpre, priait le Seigneur de l’en délivrer (Nb 12); au contraire, c’est avec une souveraine autorité que le Sauveur prononce ces paroles : « Je le veux, soyez guéri. » — S. Jean Chrysostome ou S.Cyrille : (hom. 26 sur Matth.) Ou bien encore, pour leur être en témoignage, c’est-à-dire pour leur condamnation et pour leur prouver que je respecte la loi; car après vous avoir guéri, je vous renvoie à l’examen des prêtres, pour être une preuve que je ne suis point un violateur de la loi. Le Seigneur, en guérissant ce lépreux, lui avait recommandé de n’en parler à personne, pour nous apprendre à fuir l’orgueil; mais malgré cette recommandation, sa renommée se répandait partout et publiait le miracle qu’il venait d’opérer : « Cependant sa renommée se répandait de plus en plus, ». — S. Bède : La guérison parfaite d’un seul en amène une multitude autour de lui : « Et on venait par troupes nombreuses pour l’entendre, et pour être guéri de ses maladies, ». Car le lépreux, pour montrer qu’il était guéri extérieurement et intérieurement, publiait partout (au témoignage de saint Marc) et malgré la défense qui lui avait été faite, le bienfait de sa guérison. — S. Grégoire : (Moral., 6, 17). Notre divin Rédempteur consacre le jour à opérer des miracles dans les villes, et il passe les nuits dans l’exercice de la prière : « Et il se retirait dans la solitude, et priait. » Il enseignait ainsi aux prédicateurs qui tendent à la perfection à ne pas renoncer entièrement à la vie active par un trop grand amour de la vie contemplative; comme aussi à ne pas sacrifier les joies de la contemplation aux occupations absorbantes de la vie active, mais à puiser dans le calme de la contemplation les vérités qu’ils verseront ensuite dans les âmes lorsqu’ils travailleront au salut du prochain. — S. Bède : Lorsque vous voyez le Sauveur se retirer dans la solitude pour prier, n’attribuez pas cette action à la nature qui dit : « Je le veux, soyez guéri » ; mais à celle qui étend la main pour toucher le lépreux. Ce n’est pas, sans doute, qu’il y ait deux personnes en Jésus-Christ, comme le prétend Nestorius; mais il y a deux opérations dans une seule et même personne, comme il y a deux natures. — S. Grégoire de Nazianze : (disc. 28.) Notre Seigneur opère ordinairement ses oeuvres au milieu du peuple, et se livre à la prière dans la solitude, et il autorise ainsi un repos momentané, qui nous permet de nous entretenir avec Dieu dans la sincérité de notre âme. En effet, il n’avait besoin pour lui-même ni de retraite [ni de solitude], puisque étant Dieu, il n’était pas sujet au relâchement de l’âme, il voulait donc nous apprendre qu’il est une heure pour la vie active, une autre pour des occupations plus élevées [; et nous enseigner le temps qui convient à l’action, et celui qui est favorable à l’exercice plus sublime de la contemplation]. — S. Bède : Dans le sens allégorique, ce lépreux représente le genre humain languissant et affaibli par suite de ses péchés; et tout couvert de lèpre; « car tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu » (Rom., III), c’est-à-dire qu’ils ont besoin que Dieu, étendant la main (c’est-à-dire que le Verbe de Dieu contractant une union étroite avec la nature humaine), il les purifie de leurs anciennes erreurs, et leur permette d’offrir, pour leur guérison, leurs corps comme une hostie vivante. — S. Ambroise : Si le Verbe est le remède tout puissant de la lèpre, le mépris du Verbe est donc la lèpre de l’âme. — Théophylacte : Remarquez encore que celui qui est purifié devient digne de présenter à Dieu son offrande, c’est-à-dire le corps et le sang du Seigneur, qui sont unis à la nature divine. |
Lectio 5 [85801] Catena in Lc., cap. 5 l. 5 Cyrillus.
Scribae et Pharisaei, qui facti fuerant prodigiorum Christi visores,
audiebant ipsum quoque docentem; unde dicitur et factum est in una dierum, et
Iesus sedebat docens; et erant Pharisaei sedentes, et legis doctores, qui
venerant ex omni castello Galilaeae, et Iudaeae, et Ierusalem; et virtus
domini erat ad sanandum eos. Non quasi mutuo acciperet potestatem alterius,
sed quasi Deus et dominus propria operabatur virtute. Fiunt autem homines
saepe donorum spiritualium digni; sed plerumque deficiunt ea ratione quam
novit donorum largitor; quod in Christo non accidit : affluebat enim in
praestandis remediis virtus divina. Quia vero necessarium erat, ubi tanta
Scribarum et Pharisaeorum turba convenerat, aliquid fieri ex his quae virtuti
attestarentur ipsius coram eis qui eum parvipendebant, factum est quoddam
miraculum in paralytico : in quo quia defecisse videbatur medicinalis ars,
portabatur a proximis ad supernum et caelestem medicum; unde sequitur et ecce
viri portantes in lecto hominem qui erat paralyticus; et quaerebant eum
inferre, et ponere ante eum. Chrysostomus.
Mirandi vero sunt qui paralyticum adduxerunt, qualiter cum nequissent
intrare per ostium, novum aliquid et alienum attentaverunt; unde sequitur et non
invenientes qua parte eum inferrent prae turba, ascenderunt supra tectum. Detegentes autem tectum deponunt grabatum, et ponunt in medio
paralyticum; unde sequitur et per tegulas submiserunt illum cum lecto in
medium ante Iesum. Dicet aliquis demissum fuisse locum a quo
per tegulas deposuerunt paralytici lectum. Beda.
Hominem autem dominus a paralysi curaturus, primo peccatorum vincula
dissolvit, ut ostenderet eum ob nexus culparum artuum dissolutione damnari,
nec nisi his relaxatis membrorum posse recuperatione sanari; unde sequitur
quorum fidem ut vidit, dixit : homo, remittuntur tibi peccata tua. Ambrosius.
Magnus dominus, qui aliorum merito ignoscit aliis; et dum alios probat,
aliis relaxat errata. Cur apud te, homo, collega non valeat, cum apud Deum
servus et interveniendi meritum et ius habeat impetrandi? Si gravium
peccatorum diffidis veniam, adhibe precatores, adhibe Ecclesiam quae pro te
precetur, cuius contemplatione, quod tibi dominus negare posset, ignoscat.
Chrysostomus
in Matthaeum. Occurrebat autem et in hoc ipsius patientis fides : non enim
sustinuisset se inferius submitti, nisi credidisset. Augustinus
de Cons. Evang. Quod autem dicit homo, dimittuntur tibi peccata, ad hoc
insinuandum valet quia homini dimittebantur peccata, qui hoc ipso quod homo
erat, non posset dicere : non peccavi : simul etiam ut ille qui homini
dimittebat, intelligeretur Deus. Chrysostomus.
Nos autem si corporaliter patimur, satagimus nocivum abicere; cum vero
male sit animae, differimus; atque ideo nec a corporis nocivis curamur.
Abscindamus igitur fontem malorum, et cessabunt aegritudinum fluxus. Metu
autem multitudinis suam intentionem aperire Pharisaei non audebant, sed solum
in cordibus suis meditabantur; unde sequitur et coeperunt cogitare Scribae et
Pharisaei, dicentes : quis est hic qui loquitur blasphemias? Chrysostomus.
In quo mortis praecipitant sententiam. Erat enim mandatum in lege, quod
quicumque blasphemaret in Deum, morte puniretur. Ambrosius.
Itaque ab ipsis ex operibus suis Dei filius accipit testimonium; nam et
validius est ad fidem quod confitentur inviti, et perniciosius ad culpam quod
negant qui suis assertionibus relinquuntur; unde sequitur quis potest peccata
dimittere, nisi solus Deus? Magna infidae plebis amentia, ut cum confessa fuerit
solius Dei esse donare peccata, non credat Deo peccata donanti. Beda.
Verum enim dicunt : quia nemo peccata dimittere nisi Deus potest, qui per
eos quoque dimittit quibus dimittendi tribuit potestatem. Et ideo Christus vere
Deus esse probatur, quia dimittere peccata quasi Deus potest. Ambrosius.
Dominus autem salvos volens facere peccatores, ex occultorum cognitione
Deum se esse demonstrat; unde sequitur ut autem cognovit Iesus cogitationes
eorum, respondens dixit ad illos : quid cogitatis in cordibus vestris? Cyrillus.
Quasi dicat : o Pharisaei, quia dicitis quis potest peccata dimittere,
nisi solus Deus? Respondeo vobis : quis potest secreta cordis scrutari, nisi
solus Deus? Qui per prophetas dicit : ego dominus scrutans corda et probans
renes. Chrysostomus.
Si ergo increduli estis erga primum, scilicet remissionem peccati, ecce
aliud adicio, dum intima vestra patefacio : quin etiam aliud dum paralytici
corpus consolido; unde subdit quid est facilius, dicere : dimittuntur tibi
peccata, an dicere : surge et ambula? Palam quidem est quia consolidare
corpus facilius est : quanto namque nobilior est anima corpore, tanto est
excellentior absolutio criminum : verum, quia illud non creditis eo quod
lateat, adiciam quod minus est; apertius tamen, quatenus quod est magis
occultum per hoc demonstretur. Et quidem cum allocutus est infirmantem, non
dixit : dimitto tibi peccata, propriam exprimens potestatem; sed remittuntur
tibi peccata. Cogentibus autem illis, evidentius propriam declarat
potestatem, dicens ut autem sciatis quia filius hominis potestatem habet in
terris dimittendi peccata. Theophylactus.
Vide quod in terra dimittit peccata : dum enim sumus in terra, peccata
nostra delere possumus, postquam vero a terra tollimur, non valebimus
confiteri : clauditur enim ianua. Chrysostomus.
Demonstrat autem peccatorum veniam per corporis sanationem; unde sequitur
ait paralytico : tibi dico : surge. Ipsam vero corporis sanationem demonstrat
per lecti portationem, ut sic non reputetur phantasia quod factum est; unde
sequitur tolle grabatum tuum, et vade in domum tuam; quasi dicat : ego
volebam per tuam passionem curare illos qui sani videntur, infirmantur autem
in anima; sed quia nolunt, vade tuam correcturus familiam. Ambrosius.
Nec mora ulla sanitatis intervenit; unum dictorum remediorumque momentum
est; unde sequitur et confestim consurgens coram illis, tulit lectum in quo
iacebat, et abiit in domum suam, magnificans Deum. Cyrillus.
Quo facto patuit quod filius hominis potest in terra relaxare peccata;
quod pro se et pro nobis dixerat. Ipse namque ut Deus factus homo tamquam
dominus legis peccata dimittit. Sortiti sumus etiam nos ab eo tam mirabilem
gratiam : dictum est enim discipulis : quorum remiseritis peccata,
remittuntur eis. Quomodo autem non magis ipse peccata dimittit, qui ceteris
potestatem faciendi hoc tradidit? Chrysostomus.
Reges autem terreni et principes homicidas absolventes, a poena praesenti
liberant, a criminibus autem expiare non possunt. Ambrosius.
Spectant autem surgentem increduli, mirantur abeuntem; unde sequitur et
stupor apprehendit omnes, et magnificabant Deum. Chrysostomus
in Matthaeum. Paulatim serpunt Iudaei magnificantes Deum, non tamen putant
eum Deum esse; obstabat enim eis caro : nec tamen erat modicum aestimare eum
praecipuum esse mortalium et a Deo processisse. Ambrosius.
Divini autem operis miracula malunt timere quam credere; unde sequitur et
repleti sunt timore, dicentes : quia vidimus mirabilia hodie. Si autem
credidissent, non timuissent utique, sed dilexissent : perfecta enim dilectio
foras timorem excludit. Non otiosa autem huius paralytici nec angusta
medicina est, quoniam orasse praemittitur, non propter suffragium, sed
propter exemplum. Augustinus
de quaest. Evang. De paralytico enim potest intelligi animam dissolutam
membris, hoc est operationibus, Christum quaerere, idest voluntatem verbi
Dei; impediri autem a turbis, scilicet cogitationum, nisi tecta, idest operta
Scripturarum, aperiat, et per hoc ad notitiam Christi perveniat, hoc est, ad
eius humilitatem fidei pietate descendat. Beda.
Et bene domus Iesu tegulis contecta describitur, quia sub contemptibili
litterarum velamine spiritualis gratiae virtus invenitur. Ambrosius.
Unusquisque autem aeger petendae praedicatores salutis debet adhibere, per
quos nostrae vitae compago resoluta, actuumque nostrorum clauda vestigia,
verbi caelestis remedio reformentur. Sint igitur aliqui monitores mentis, qui
animum hominis, quamvis exterioris corporis debilitate torpentem, ad
superiora erigant, quorum rursus adminiculis et attollere et humiliare se
facilis ante Iesum locetur, dominico videri dignus aspectu : humilitatem enim
respicit dominus. Augustinus
de quaest. Evang. Hi ergo a quibus deponitur, bonos doctores Ecclesiae
possunt significare; quod autem cum lecto deponitur, significat ab homine in
ista carne adhuc constituto Christum debere cognosci. Ambrosius.
Dominus autem plenam spem resurrectionis ostendens, peccata donat
animorum, et debilitatem carnis excludit : hoc est enim totum hominem esse
curatum. Quamvis igitur magnum sit hominibus peccata dimittere, tamen multo
divinius est resurrectionem donare corporibus, quandoquidem Deus resurrectio
est. Lectus autem qui tolli iubetur, nihil est aliud quam corpus humanum.
Augustinus
de quaest. Evang. Ut non iam in carnalibus gaudiis tamquam in lecto
requiescat infirmitas animae, sed magis ipsa contineat affectiones carnales,
et tendat ad domum suam, idest requiem secretorum cordis sui. Ambrosius.
Vel domum repetere suam, hoc est ad Paradisum redire : ea enim est vera
domus quae hominem prima suscepit, non iure amissa, sed fraude. Merito ergo
restituitur, quoniam venerat qui nexum fraudis aboleret, iusque reformaret. |
Versets 17-26.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Les scribes et les pharisiens qui avaient été témoins des miracles de Jésus-Christ, venaient aussi entendre ses leçons : « Un jour qu’il enseignait étant assis, des pharisiens et des docteurs de la loi étaient également assis près de lui, qui venaient de tous les villages de la Galilée, de la Judée et de Jérusalem ; et la vertu du Seigneur opérait pour guérir les malades. » Cette vertu n’était pas une puissance d’emprunt, c’était comme Dieu et comme Seigneur qu’il faisait ces miracles, par sa propre puissance. Souvent les hommes se rendent dignes de recevoir les dons spirituels, mais souvent aussi ils s’écartent du but que s’est proposé l’auteur de ces dons. Il n’en fut pas ainsi de Jésus-Christ, car une vertu toute divine affluait en lui pour guérir les malades. Or, il était nécessaire de donner à cette foule réunie de scribes et de pharisiens un témoignage éclatant de sa puissance, pour confondre ceux qui n’avaient pour lui que du mépris; il guérit donc miraculeusement ce paralytique. Toutes les ressources de la médecine avaient été impuissantes pour le guérir, ceux qui s’intéressent à lui l’apportent donc au céleste et tout-puissant médecin : « Et voilà que des gens portaient sur un lit un homme paralytique, cherchaient à le faire entrer et à le mettre devant lui.» — S. Jean Chrysostome : Les hommes qui portent ce paralytique sont vraiment admirables, ils ne peuvent le faire entrer par la porte, ils ont recours à un moyen nouveau et singulier : « Et ne trouvant point par où le faire entrer, à cause de la foule, ils montèrent sur le toit, ». Ils découvrirent le toit pour descendre le lit, et ils déposèrent le paralytique au milieu de la maison : « Et ils le descendirent à travers les tuiles, au milieu, devant Jésus. » On peut imaginer que l’endroit par où ils descendirent le lit du paralytique par les tuiles était sans doute peu élevé. — S.
Bède : Avant de guérir cet homme de sa paralysie, le
Seigneur l’affranchit d’abord des liens du péché; il lui apprend ainsi que l’affaiblissement
de ses membres est la punition des fautes dont son âme est comme enchaînée,
et qu’il faut rompre ces chaînes spirituelles pour qu’il puisse recouvrer la
santé. « Voyant leur foi, Jésus dit : ‘Homme, tes péchés te sont
remis’ ». — S. Ambroise : Qu’il est grand le Seigneur qui pardonne aux uns, en considération du mérite des autres, qui accueille favorablement les uns, et pardonne aux autres leurs égarements ! O homme ! comment pourriez-vous refuser d’écouter les prières de vos semblables, lorsqu’auprès de Dieu, un serviteur a le droit d’intervenir par ses mérites et d’obtenir ce qu’il demande ? Si donc vous désespérez d’obtenir le pardon de fautes énormes, ayez recours aux prières des autres, ayez recours à la médiation de l’Église, qui priera pour vous, et en sa considération, Dieu vous accordera le pardon qu’il aurait pu vous refuser à vous-même. — S. Jean Chrysostome : (Hom. 30 sur Matth.) Disons cependant que la foi de ce paralytique concourait aussi pour demander sa guérison, car s’il n’avait eu la foi, il n’aurait pas consenti à ce qu’on le descendît ainsi aux pieds de Jésus. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 25.) Notre Seigneur lui dit : « O homme ! vos péchés vous sont remis. » Et en parlant ainsi, il insinue que les péchés étaient remis à un homme qui, par là même qu’il était homme, ne pouvait dire : « Je suis sans péché. » Il voulait encore faire entendre que celui qui remettait les péchés était Dieu. — S. Jean Chrysostome : (tiré des hom. 14, 30 sur Matth.) Lorsque nous sommes atteints de souffrances corporelles, nous nous empressons bien vite de les faire cesser; si, au contraire, notre âme vient à être malade, nous différons [de recourir aux remèdes], et c’est pour cela que nous n’obtenons pas la guérison de nos infirmités corporelles. Retranchons donc courageusement la source du mal, et le cours de ces infirmités s’arrêtera. Or, les pharisiens, dans la crainte de la multitude, n’osaient manifester leurs pensées, ils se contentaient de les remuer dans leurs coeurs : « Et ils commencèrent à dire en eux-mêmes : Qui est celui qui profère des blasphèmes ? » — S. Cyrille ou S. Jean Chrysostome : En formulant cette accusation, ils se hâtent bien légèrement de prononcer la sentence de mort. Car la loi ordonnait de punir de mort tout homme coupable de blasphème contre Dieu. — S. Ambroise : C’est ainsi qu’ils viennent eux-mêmes témoigner en faveur de l’oeuvre de la toute puissance du Fils de Dieu, car rien n’établit plus fortement la foi qu’un aveu involontaire, comme aussi rien n’augmente autant la culpabilité que la négation de ceux qui se condamnent par leurs propres assertions : « Qui peut remettre les péchés que Dieu seul ? » Quelle folie de la part de ce peuple infidèle, de reconnaître d’un côté que Dieu seul peut remettre les péchés, et de ne point croire de l’autre au Dieu qui remet les péchés. — S. Bède : Ils disent vrai, Dieu seul peut remettre les péchés, et il les remet aussi par ceux auxquels il a donné ce pouvoir. Nous avons donc ici une preuve que Jésus-Christ est vraiment Dieu, puisqu’il peut remettre les péchés comme Dieu. — S. Ambroise : Mais comme la volonté du Seigneur est de sauver les pécheurs, il leur prouve sa divinité par la connaissance qu’il a des choses cachées : «Jésus, connaissant leurs pensées, prit la parole et leur dit : ‘Quelles pensées avez-vous en vous-mêmes ?’ ». — S. Cyrille : Il semble leur dire : Vous dites, ô pharisiens : « Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul ? » et moi je vous réponds : « Qui peut scruter les secrets des coeurs, si ce n’est Dieu seul ? » Lui qui dit par la bouche des prophètes : « Je suis le Seigneur qui scrute les coeurs et pénètre les reins » (Jr 10; Ps 7, 10; 1 Paralip 28, 9; Sg 6, 4; Sof 12; Ap 2, 23). — S. Jean Chrysostome : (hom. 30 sur Matth.) Si vous refusez de croire le premier miracle (la rémission des péchés), j’en ajoute un second, en dévoilant vos pensées les plus secrètes, et un troisième en rendant la force au corps de ce paralytique : « Lequel est le plus facile, de dire : ‘Tes péchés te sont remis’ ou de dire : ‘Lève-toi et marche’ ? » Il est évident qu’il est beaucoup plus facile de rendre la force à un corps affaibli, car l’âme est beaucoup plus noble que le corps, et la rémission de ses fautes est d’autant plus excellente. Mais comme vous refusez de croire au premier miracle, parce qu’il reste caché, j’en ajouterai un autre qui lui est inférieur, mais qui est visible et qui vous démontrera la vérité de celui qui est invisible. Remarquez encore qu’en adressant la parole au paralytique, Notre Seigneur ne lui dit pas : « Je vous remets vos péchés, » pour établir sa propre puissance, mais « Vos péchés vous sont remis ». Lorsqu il y est forcé par la malice de ses ennemis, il la déclare ouvertement, en disant : « Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme, a, sur la terre, le pouvoir de remettre les péchés, etc... » — Théophylacte : Vous le voyez, c’est sur la terre qu’il remet les péchés; en effet, tant que nous sommes sur la terre, nous pouvons effacer nos péchés, mais lorsque nous l’aurons quittée, nous ne pourrons plus les confesser, car la porte sera fermée. — S. Jean Chrysostome : (hom. 30 sur Matth) Le Sauveur prouve la rémission des péchés par la guérison du corps : « Il dit au paralytique : ‘Je vous le commande, levez-vous’, » et il prouve la guérison du corps de ce paralytique, en lui commandant d’emporter son lit, afin qu’on ne prenne pas ce qui s’était passé pour une illusion : « Prenez votre lit, et rentrez dans votre maison.», comme s’il lui disait : Je voulais me servir de votre infirmité pour guérir ceux qui paraissent pleins de santé, mais dont l’âme est bien malade, puisqu’ils refusent la guérison, allez convertir votre famille. — S. Ambroise : La guérison s’opère sans retard, le Sauveur guérit cet homme au même moment qu’il parle, « Et se levant aussitôt devant eux, prit le lit sur lequel il était couché et s’en retourna dans sa maison, en glorifiant Dieu ». — S. Cyrille : Ce miracle prouve que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés; ce qu’il déclare ici pour rétablir sa divinité et pour notre instruction. En effet, c’est en tant que Dieu fait homme, et comme maître de la loi, qu’il remet lui-même les péchés; mais nous avons reçu nous-mêmes ce pouvoir admirable, car il a dit à ses disciples : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. » Et comment n’aurait-il pas à un plus haut degré le pouvoir de remettre les péchés, lui qui a communiqué ce pouvoir aux autres ? — S. Jean Chrysostome : Les rois et les princes de la terre, quand ils font grâce aux homicides, les délivrent du supplice qu’ils devaient subir en ce monde, mais ils ne peuvent les absoudre de leurs crimes. — S. Ambroise : Les Juifs incrédules voient le paralytique se lever et s’étonnent qu’il marche : « Et ils furent tous frappés de stupeur, et glorifiaient Dieu.» — S. Jean Chrysostome : (hom. 30 sur Matth.) Les Juifs rampent encore dans des pensées terrestres, tout en louant Dieu, mais sans reconnaître que Jésus-Christ lui-même était Dieu, car la chair était pour eux un obstacle, et toutefois, c’était beaucoup déjà de le reconnaître comme le premier des mortels et comme l’envoyé de Dieu. — S. Ambroise : Ils sont témoins des miracles de sa toute-puissance, et ils aiment mieux se laisser dominer par la crainte que diriger par la foi : « Et ils furent remplis de crainte, disant : ‘Nous avons vu aujourd’hui des choses merveilleuses’». S’ils avaient cru, ils eussent cessé de craindre pour aimer, car l’amour parfait chasse la crainte (1 Jn 4). Or, la guérison de ce paralytique nous donne un enseignement peu banal et important; Notre Seigneur commença par prier, non par nécessité, mais pour nous donner l’exemple. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 4.) On peut voir dans ce paralytique une image de l’âme privée de ses membres, c’est-à-dire de ses opérations, cherchant Jésus-Christ (c’est-à-dire, la volonté du Verbe de Dieu). Elle ne peut arriver jusqu’à lui, empêchée qu’elle en est par la foule tumultueuse de ses pensées; il faut qu’elle découvre le toit, c’est-à-dire le voile des Écritures, pour arriver ainsi à la connaissance de Jésus-Christ, c’est-à-dire pour descendre pieusement jusqu’à l’humilité de la foi. — S. Bède : Ce n’est pas sans dessein que la maison où se trouve Jésus nous est représentée comme couverte de tuiles, parce que, sous le voile grossier de la lettre, nous trouvons la vertu de la grâce spirituelle. — S. Ambroise : Chacun de nous, s’il est malade, doit recourir aux prières de ses frères pour obtenir sa guérison, pour que l’assemblage tout brisé de notre vie et les pas chancelants de nos oeuvres soient raffermis par le remède de la parole céleste. Il faut donc pour les âmes de sages directeurs, qui élèvent vers le ciel l’esprit de l’homme appesanti par l’infirmité du corps. Il faut aussi que l’homme se prête facilement à tous les mouvements qu’on lui imprime, qu’il se laisse élever, abaisser, pour être placé devant Jésus, et être rendu digne de ses regards, car le Seigneur abaisse ses regards sur les humbles (cf. Lc 1, 48). — S. Augustin : (Quest. évang.) Ceux donc qui déposent le paralytique peuvent représenter les vrais docteurs de l’Église, et le lit sur lequel il est déposé signifie que c’est pendant que l’homme est revêtu d’un corps mortel qu’il doit chercher à connaître Jésus-Christ. — S. Ambroise : Le Seigneur voulant établir l’espérance pleine et entière de la résurrection, pardonne les péchés de l’âme et guérit l’infirmité de la chair, c’est la guérison de l’homme tout entier. Il est grand sans doute de remettre aux hommes leurs péchés, mais il est plus divin de rendre la vie aux corps par la résurrection, puisque Dieu lui-même est la résurrection; or, le lit qu’on ordonne au paralytique d’emporter, ce n’est rien d’autre que le corps humain. — S. Augustin : (Quest. évang.) Il ne faut pas que l’infirmité de l’âme se repose davantage dans les joies charnelles, comme sur un lit, mais au contraire, qu’elle réprime les affections de la chair, et se dirige vers sa maison, c’est-à-dire vers le repos mystérieux de son coeur. — S. Ambroise : Ou bien encore, regagner sa maison c’est retourner au paradis. C’est en effet la véritable maison, qui fut la première habitation de l’homme et qu’il a perdue contre toute justice par la fraude du démon. Il faut donc que cette habitation lui soit rendue à l’avènement de celui qui est venu pour détruire la fraude du démon, et rendre à la justice tous ses droits. |
Lectio 6 [85802] Catena in Lc., cap. 5 l. 6 Augustinus
de Cons. Evang. Post paralyticum sanatum, de conversione publicani subiungit,
dicens et post haec exiit et vidit publicanum nomine levi, sedentem ad
telonium. Ipse est Matthaeus, qui et levi. Beda.
Sed Lucas et Marcus propter honorem Evangelistae, nomen tacent vulgatum;
Matthaeus autem in sermonis principio accusator sui factus, Matthaeum se et
publicanum nominat, ne quis a salute desperet pro immanitate peccatorum, cum
ipse de publicano in apostolum sit mutatus. Cyrillus.
Publicanus enim fuerat levi, vir avarus, effrenis erga superflua, alieni
amator, (hoc enim est publicanorum officium); sed ab ipsis officinis malitiae
detrahitur, Christo eum vocante; unde sequitur et ait illi : sequere me. Ambrosius.
Sequi iubet, non corporis gressu, sed mentis affectu. Itaque ille verbo vocatus,
propria dereliquit qui rapiebat aliena; unde sequitur et relictis omnibus,
surgens secutus est eum. Chrysostomus
in Matthaeum. Ubi et vocantis virtutem et vocati obedientiam considera.
Neque enim obstitit, neque vacillavit; sed protinus paruit, nec in propriam
domum ire voluit ut suis hoc intimaret, sicut nec piscatores. Basilius.
Nec solum fenora telonii postposuit, sed etiam contempsit pericula quae
sibi ac suis accidere poterant, dum calculos telonii dimitteret imperfectos.
Theophylactus.
Et sic ab accipiente censum a transeuntibus, Christus censum accepit : non
quidem eius accipiens pecuniam, sed totaliter eum transferens ad suum
consortium. Chrysostomus.
Vocatum autem levi dominus honoravit, dum cum eo confestim epulatus est : hoc
enim maiorem praestabat fiduciam; unde sequitur et fecit ei convivium magnum
levi in domo sua. Nec solum cum eo discumbit, immo cum pluribus; unde
sequitur et erat turba multa publicanorum et aliorum qui cum illis erant
discumbentes. Convenerant enim publicani ad eum sicut ad collegam, et hominem
eiusdem officii, sed et ipse glorians de praesentia Christi, convocavit
omnes. Christus etiam quodlibet genus remedii exhibebat, et non solum
disputando et praestando sanitatis remedia, vel etiam redarguendo aemulos,
sed etiam comedendo, nonnullos errantium corrigebat; inde nos instruens quod
quodlibet opus et tempus potest nobis utilitatem afferre. Sed nec
publicanorum participationem vitavit propter utilitatem sequentem, more
medici, qui nisi tangeret saniem, non liberaret a morbo. Ambrosius.
Cum peccatoribus enim manducando, etiam cum gentibus non prohibet nos
inire convivium. Chrysostomus.
Sed tamen dominus inculpatus est inde a Pharisaeis invidentibus et
volentibus a Christo discipulos separare; unde sequitur et murmurabant
Pharisaei et Scribae dicentes ad discipulos eius : quare cum publicanis et
peccatoribus manducatis et bibitis? Ambrosius.
Serpentina vox est : hanc primam vocem serpens emisit dicens Evae : quid
dixit Deus : nolite manducare, et cetera? Ergo patris sui venena diffundunt.
Augustinus
de Cons. Evang. Videtur autem Lucas hoc aliquanto differentius ab aliis
Evangelistis commemorasse : non enim dicit tantum domino obiectum esse quod
cum publicanis et Pharisaeis manducaret et biberet, sed discipulis; quod de
ipso ac de ipsis acciperetur. Propterea enim Matthaeus et Marcus de Christo
discipulis obiectum narrant : quia quod discipuli cum publicanis et
peccatoribus manducabant, magistro magis obiciebatur, quem sectando
imitabantur. Una ergo sententia est, tanto melius insinuata quanto quibusdam
verbis, manente veritate variata. Chrysostomus.
Ipse autem dominus in contrarium eorum sermonem convertit, ostendens non
esse culpam cum peccatoribus conversari, sed etiam consonum misericordiae
propriae; unde sequitur et respondens Iesus dixit ad illos : non egent medico
qui sani sunt, sed qui male habent; in quo commonet eos communis
infirmitatis, et de numero languentium eos esse ostendit; se vero medicum
esse latenter subiungit non enim veni vocare iustos, sed peccatores. Gregorius
Nyssenus. Quasi dicat : adeo peccatores non abominor, quod eorum tantum
gratia veni, non ut maneant peccatores, sed ut convertantur, et boni fiant.
Augustinus
de Cons. Evang. Unde addit in poenitentiam, quod ad explanandam sententiam
valet, ne quisquam peccatores ob hoc ipsum quod peccatores sunt, diligi
arbitretur a Christo; cum et illa similitudo de aegrotis bene intimet quid
velit Deus vocando peccatores, tamquam medicus aegrotos, ut ab iniquitate
tamquam ab aegritudine salvi fiant. Ambrosius.
Sed quomodo dum iustitias dilexit, neque vidit David iustum derelictum, si
iustus derelinquitur, peccator asciscitur? Nisi intelligas quod eos iustos
dicit qui ex lege praesumant, et Evangelii gratiam non requirant. Nemo autem
iustificatur ex lege, sed redimitur ex gratia. Non vocat ergo eos qui se
iustos dicunt : usurpatores enim iustitiae non vocantur ad gratiam : nam si
gratia est ex poenitentia, utique qui fastidit poenitentiam, abdicat gratiam.
Beda.
Peccatores autem vocat eos qui sua mala attendentes, nec per legem
iustificari se posse putantes, Christi gratiae se poenitendo subiciunt. Chrysostomus.
Ironice autem dicit illos iustos, sicut quando dicitur : ecce Adam factus
est quasi unus nostrum. Quod autem nullus erat iustus super terram, ostendit
Paulus dicens : omnes peccaverunt et egent gratia Dei. regorius
Nyssenus. Vel dicit non egere sanos et iustos medico, scilicet Angelos;
sed male habentes et peccatores, idest nos : quia morbum peccati incurrimus,
qui in caelis non est. Beda. Per Matthaei autem electionem fides gentium exprimitur, qui
prius mundanis inhiabant, sed nunc Christi corpus sedula devotione conficiunt.
Theophylactus.
Vel publicanus est qui principi mundi servit, et debitum carni reddit; cui
gulosus reddit escas, adulter voluptatem, et alius aliud. Cum autem viderit
eum dominus sedentem in telonio, idest non moventem se ad maiorem nequitiam;
tunc a malo erigetur et sequetur Iesum, et suscipiet in domo animae dominum.
Ambrosius.
Qui autem domicilio Christum recipit interno, maximis delectationibus
exuberantium pascitur voluptatum. Itaque libenter dominus ingreditur, et in
eius recumbit affectu. Sed rursus accendit invidia perfidorum, et futurae
poenae species praefiguratur : epulantibus enim fidelibus in regno caelorum,
perfidia ieiuna torquebitur. Beda. Vel per hoc designatur Iudaeorum invidia, quae de gentium
salute torquetur. Ambrosius.
Simul etiam ostenditur quantum sit inter aemulos legis et gratiae : quod
illi qui legem sequuntur, mentis famem patientur aeternam; qui vero verbum in
interioribus animae receperunt, alimenti caelestis et fontis ubertate
recreati, esurire et sitire non possunt. Et ideo, qui animo ieiunabant,
murmurabant. |
Verset 27-32.
— S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 1, 26.) Après la guérison du paralytique, l’Évangéliste raconte la conversion du publicain : « Après cela, Jésus étant sorti, vit un publicain, nommé Lévi, assis au bureau des impôts. » Matthieu et Lévi sont une seule et même personne. — S. Bède : Saint Luc et saint Marc, par honneur pour cet Évangéliste, ne font point connaître le nom qu’il portait ordinairement ; au contraire, saint Matthieu, devenant lui-même son accusateur (Pr 18, 17) au commencement de son récit, se fait connaître sous le nom de Matthieu et de publicain; que personne donc ne désespère de son salut à cause de l’énormité de ses péchés, puisque Matthieu, de publicain, est devenu apôtre. — S.
Cyrille : Lévi avait été publicain, dominé par
l’avarice, avide du superflu, convoitant le bien d’autrui (ce qui était le
caractère propre des publicains), mais il est arraché à toutes ces pratiques
injustes par la voix de Jésus-Christ qui l’appelle : « Et il lui dit : Suivez-moi. » — S.
Ambroise : Il lui ordonne de le suivre, non par le
mouvement du corps, mais par les affections de l’âme. Docile à cette parole
qui l’appelle, Matthieu abandonne ses propres biens, lui, le ravisseur du
bien d’autrui : « Et ayant tout
quitté, il se leva et le suivit. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 31 sur Matth.) Considérez tout à la fois la puissance de celui qui appelle, et l’obéissance de celui qui est appelé, il ne s’oppose pas et n’hésite pas ; il obéit aussitôt sans résister ; il ne veut pas même retourner chez lui, pour faire connaître aux siens sa résolution; ainsi avaient fait les pêcheurs eux-mêmes. — S. Basile : (Ascet.) Non seulement il sacrifie volontiers tous les profits de l’impôt, mais encore il compte pour rien les dangers que lui et les siens pouvaient courir, en laissant les comptes de l’impôt sans être réglés. — Théophylacte : C’est ainsi que Jésus-Christ leva l’impôt sur celui qui le percevait sur tous les passants, non pas, sans doute, en recevant de lui une somme d’argent, mais en le faisant entrer dans la pleine et entière participation de tous ses biens. — S. Jean Chrysostome : Après avoir appelé Lévi, le Seigneur s’empressa de l’honorer, en acceptant le repas qu’il lui offre, pour lui inspirer plus de confiance. « Et Lévi lui fit un grand banquet dans sa maison. » Non seulement il se met à table avec lui, mais avec beaucoup d’autres : « Et il y avait une foule nombreuse de publicains, et d’autres qui étaient à table avec eux. » Les publicains s’étaient réunis chez lui comme chez un collègue et un homme de la même profession; mais lui, heureux et fier de la présence de Jésus-Christ, les invita tous à ce banquet. Jésus-Christ profitait de toutes les occasions comme moyen de faire le bien; ce n’était pas seulement en discutant, en guérissant les malades, ou en confondant ses ennemis, mais même en prenant ses repas, qu’il redressait les erreurs et ramenait les âmes égarées; c’est ainsi qu’il nous apprenait à rendre utiles toutes les circonstances comme toutes nos actions. Il ne déclinait pas même la société des publicains en vue du bien qui devait en résulter, agissant comme un médecin qui ne peut guérir une maladie, s’il ne touche la plaie. — S. Ambroise : En mangeant avec les pécheurs, il nous autorise à nous asseoir à la table des Gentils. — S.
Jean Chrysostome : Et cependant les pharisiens
jaloux, et qui voulaient séparer de lui ses disciples, lui en font un
reproche : « Et les pharisiens et
les scribes murmuraient et disaient à ses disciples : Pourquoi mangez-vous et
buvez-vous avec des publicains et des pécheurs ? » — S. Ambroise : Cette parole vient du serpent, n’est-ce pas lui, en effet, qui prononça le premier cette parole en disant à Eve (Gn 3) : « Pourquoi Dieu vous a-t-il dit : Ne mangez point ?, etc... » C’est ainsi qu’ils cherchent à répandre le venin de leur père. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 27.) Le récit de saint Luc paraît ici tant soit peu différent de celui des autres Évangélistes. D’après saint Luc, ce n’est pas personnellement à Notre Seigneur qu’ils font un reproche de manger avec les publicains et les pharisiens, mais à ses disciples, reproche cependant qui s’adresse aussi bien à Jésus-Christ qu’à ses disciples. Aussi d’après le récit de saint Matthieu et de saint Marc, le reproche est fait et au Sauveur et à ses disciples, mais c’est surtout au Maître que ce reproche s’adresse, puisqu’en mangeant avec les publicains et les pécheurs ses disciples ne faisaient que l’imiter. Nous avons donc ici la même pensée, [le même sens], d’autant plus clairement expliquée, que les expressions sont différentes, sans que la vérité soit altérée. — S. Jean Chrysostome : (hom. 31 sur Matth.) Notre Seigneur tire une conclusion toute contraire du reproche qui lui est fait; il déclare que non seulement ce n’est pas une faute que de vivre avec les pécheurs, mais que c’est une oeuvre de miséricorde. « Jésus leur répondant, leur dit : Ce ne sont point ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais ceux qui sont malades. » Il leur rappelle ainsi qu’ils sont atteints de l’infirmité commune, et qu’ils sont du nombre des malades, et qu’il est lui-même le médecin. Suite. « Car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, » — S. Grégoire de Nysse : c’est-à-dire : Je suis si loin de fuir la société des pécheurs, que c’est pour eux seuls que je suis venu, non pour qu’ils demeurent pécheurs, mais pour qu’ils se convertissent et deviennent vertueux. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Aussi, ajoute-t-il : « à la pénitence, » ce qui explique parfaitement sa pensée, et prévient cette erreur que les pécheurs seraient aimés de Jésus-Christ pour cette raison qu’ils sont pécheurs. En effet, la comparaison empruntée aux malades, exprime très bien quelle est la volonté de Dieu qui appelle les pécheurs, de même qu’un médecin appelle les malades, pour les guérir de leurs iniquités comme d’une maladie. — S. Ambroise : Mais comment est-il écrit que Dieu aime la justice (Ps 10) ? Comment David n’a-t-il jamais vu le juste délaissé (Ps 26) ? si cependant le pécheur est appelé, tandis que le juste est abandonné. Les justes dont le Sauveur parle ici sont donc peut-être ceux qui placent dans la loi une confiance présomptueuse, et ne recherchent pas la grâce de l’Évangile. Or, nul n’est justifié par la loi, et tous sont rachetés par la grâce. Le Sauveur n’appelle donc pas ceux qui se proclament justes; car ceux qui s’attribuent eux-mêmes la justice, ne peuvent être appelés à la grâce, et si la grâce vient de la pénitence, celui qui dédaigne la pénitence, renonce à la grâce. — Bède : Les pécheurs dont il est ici question sont ceux qui, pénétrés de la grandeur de leurs fautes, et n’attendant point leur justification de la loi, se disposent à recevoir la grâce de Jésus-Christ par la pénitence. — S. Jean Chrysostome : (hom. 31.) C’est par ironie qu’il donne aux derniers le nom de justes, comme autrefois, lorsque Dieu dit a l’homme : « Voici Adam devenu comme l’un de nous ». En effet, saint Paul, affirme que personne absolument n’était juste sur la terre, lorsqu’il dit : « Tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu. » (Rm 3.) — S. Grégoire de Nysse : Ou bien encore, il dit que ceux qui se portent bien et les justes, c’est-à-dire les anges, n’ont pas besoin de médecin, mais bien les malades et les pécheurs, c’est-à-dire nous, qui sommes tombés dans la maladie du péché, qui ne peut exister dans le ciel. — S. Bède : L’élection de saint Matthieu représente la foi des Gentils, qui ne soupiraient qu’après les choses de la terre, et qui maintenant nourrissent le corps de Jésus-Christ avec une tendre dévotion (Mt 25). — Théophylacte : Ou bien encore, ce publicain est tout homme qui est l’esclave du prince du monde, et qui accorde à sa chair tout ce qu’elle demande, les mets exquis s’il est sensuel, la volupté s’il est adultère, et ainsi des autres passions. Mais lorsque le Seigneur le voit assis au bureau des impôts, c’est-à-dire ne se donnant plus de mouvement pour commettre de plus grandes injustices, il le retire du mal, et alors cet homme marche à la suite de Jésus, et reçoit le Seigneur dans la demeure de son âme. — S. Ambroise : Or, celui qui reçoit Jésus-Christ dans cette demeure intérieure, se nourrit au sein des plus pures délices et des plus ineffables voluptés, aussi est-ce avec joie que le Seigneur entre dans son âme, et se repose dans son affection. Mais alors l’envie des méchants se rallume, et nous représente leurs tourments de la vie future, car pendant que les fidèles prennent part au banquet du royaume des cieux, les infidèles seront tourmentés par un jeûne éternel. — S. Bède : Ou bien encore, c’est la figure de l’envie des Juifs qui s’affligent du salut des Gentils. — S. Ambroise : Nous y voyons aussi combien est différent le sort des disciples de la loi et des disciples de la grâce, car les sectateurs de la loi souffriront la faim éternelle de l’âme, tandis que ceux qui auront reçu le Verbe dans l’intérieur de leur âme, fortifiés par cet aliment céleste et par les eaux de cette source abondante, ne peuvent éprouver ni la faim ni la soif, et c’est ce qui excite les murmures de ceux dont l’âme est privée de toute nourriture. |
Lectio 7 [85803] Catena in Lc., cap. 5 l. 7 Cyrillus.
Postquam primum verbum acceperunt a Christo, ab aliis ad alia se
transferunt, volentes ostendere sacros discipulos, et ipsum cum eis Iesum
minime curasse de lege : unde dicitur at illi dixerunt ad eum : quare
discipuli Ioannis ieiunant frequenter et observationes faciunt, similiter et
Pharisaei; tui autem edunt et bibunt? Quasi dicant : comeditis cum publicanis
et peccatoribus, cum iubeat lex immundo non communicare; sed in excusationem
praevaricationis vobis accedit misericordia. Cur ergo non ieiunatis, ut mos
est secundum legem volentibus vivere? Sed sancti quidem idcirco ieiunant ut
corpus affligentes, quietent passiones ipsius; sed Christus non egebat
ieiunio ad perfectionem virtutis, cum tamquam Deus absolutus esset a quolibet
vinculo passionis; sed nec eius comitiva ieiunio egebat, sed particeps
gratiae eius sine ieiunio decorata virtuose conversabatur. Quod si Christus
quadraginta diebus ieiunaverat, non hoc fuit ut in se passionem mortificaret,
sed ut normam abstinentiae ostendat carnalibus. Augustinus
de Cons. Evang. Evidenter autem Lucas alios de aliis hoc dixisse narravit;
unde ergo Matthaeus dixit : tunc accesserunt ad eum discipuli Ioannis
dicentes : quare nos et Pharisaei ieiunamus? Nisi quia et ipsi aderant, et
omnes certatim ut quisque poterat hoc obiecerunt. Augustinus
de quaest. Evang. Est autem duplex ieiunium : unum in tribulatione ad
propitiandum Deum in peccatis; aliud in gaudio, cum tanto minus delectant
carnalia, quanto spiritualium maior sarcina est. Interrogatus ergo dominus
cur discipuli eius non ieiunarent, de utroque ieiunio respondit : et primo de
ieiunio tribulationis : sequitur enim quibus ipse ait : numquid potestis
filios sponsi, dum cum illis est sponsus, facere ieiunare? Chrysostomus
in Matthaeum. Quasi dicat : praesens tempus laetitiae est et alacritatis;
non igitur immiscenda sunt tristia. Cyrillus.
Salvatoris enim nostri in hoc saeculo demonstratio nihil aliud fuit quam
quaedam festivitas, intelligibiliter quasi quamdam sponsam copulans illi
nostram naturam, ut quondam sterilis fecunda fieret. Igitur filii sponsi esse
noscuntur quicumque vocati sunt ab eo per novam et evangelicam disciplinam;
non autem Scribae cum Pharisaeis, qui solam legis umbram considerant. Augustinus
de Cons. Evang. Per hoc autem quod solus Lucas dicit non potestis filios
sponsi facere ieiunare, intelligitur eos ipsos qui loquebantur, fuisse
facturos ut lugentes ieiunarent filii sponsi, quando ipsi essent sponsum
occisuri. Cyrillus.
Ubi vero concesserat filiis sponsi quod non decebat eos laborare, tamquam
qui spiritualem solemnitatem habebant, ne inter nos annullaretur ieiunium,
dispensative subiungit dicens venient autem dies cum ablatus fuerit ab eis
sponsus; tunc ieiunabunt in illis diebus. Augustinus
de quaest. Evang. Quasi dicat : tunc desolabuntur, et in moerore et luctu
erunt, donec eis per spiritum sanctum gaudia consolatoria tribuantur. Ambrosius.
Vel aliter. Non hoc ieiunium relegatur quo conficitur caro, et corporis
luxuria castigatur; hoc ieiunium nos commendat Deo. Sed non possumus ieiunare
qui Christum habemus, et Christi carnem epulamur et sanguinem. Basilius.
Filii etiam sponsi ieiunare nequeunt, hoc est animae nutrimentum non
sumere, sed vivere in omni verbo quod de ore Dei procedit. Ambrosius.
Sed qui sunt illi dies quibus nobis Christus auferetur, cum ipse dixerit :
vobiscum ero usque ad consummationem mundi? Sed nemo tibi Christum potest
auferre, nisi te illi ipse auferas. Beda.
Quamdiu enim sponsus nobiscum est, in laetitia sumus, nec ieiunare
possumus nec lugere; cum autem per peccata ille recedit, tunc indicendum est
ieiunium, et requirendus luctus. Ambrosius.
Denique de animi dictum est ieiunio, ut sequentia declarant; sequitur enim
dicebat autem similitudinem ad illos, quod nemo commissuram, idest particulam
ablatam, a vestimento novo immittit in vestimentum vetus. Appellavit ieiunium
vestimentum vetus, quod exuendum apostolus aestimavit, dicens : spoliate vos
veterem hominem cum actibus suis. In eadem igitur forma series convenit
praeceptorum, ne actus veteris et novi hominis misceamus. Augustinus
de quaest. Evang. Vel aliter. Dono spiritus sancti percepto, genus etiam
ieiunii quod fit per laetitiam iam renovati in vitam spiritualem
convenientissime celebrant; quod antequam accipiant, dicit eos esse tamquam
vetera vestimenta, quibus inconvenienter pannus novus assuitur, idest aliqua
particula doctrinae quae ad novae vitae temperantiam pertinet : quia si hoc
fiat, et ipsa doctrina quodammodo scinditur, quae docet generale ieiunium non
a concupiscentia ciborum tantum, sed ab omni laetitia temporalium
delectationum : cuius particulam quae ad cibos pertinet dicit non oportere
hominibus adhuc veteri consuetudini deditis impartiri : quia et illic quasi
concisio videtur fieri, et ipsi vetustati non convenit. Dicit etiam eos esse
similes veteribus utribus; unde sequitur et nemo mittit vinum novum in utres
veteres. Ambrosius.
Fragilitas humanae conditionis aperitur, cum corpora nostra exuviis
defunctorum animalium comparantur. Augustinus de quaest. Evang. Veteribus
autem utribus comparantur apostoli, qui vino novo quasi spiritualibus
praeceptis facilius disrumpuntur quam contineant; unde sequitur alioquin
rumpit vinum novum utres, et ipsum effunditur et utres pereunt. Erunt autem
novi utres, cum post ascensionem accepto desiderio consolationis eius, orando
et sperando innovabuntur; unde sequitur sed novum vinum in utres novos
mittendum est, et utraque conservantur. Beda.
Vino siquidem intus reficimur, veste autem foris tegimur. Vestis ergo sunt
bona opera quae foris agimus, quibus coram hominibus lucemus; vinum fervor
fidei, spei et caritatis. Aliter. Veteres utres sunt Scribae et Pharisaei;
novus pannus et novum vinum praecepta Evangelii. Gregorius
Nyssenus. Vinum enim de novo elicitum, propter fervorem naturalis humidi, fumosum
est despumans naturali agitatione a se materialem immunditiam. Tale vinum,
novum testamentum est, quod antiqui utres qui, propter incredulitatem
inveterati sunt, non capiunt; immo scinduntur excellentia doctrinae, necnon
et gratiam spiritus incassum fluere faciunt, quia in malevolam animam non
introibit sapientia. Beda. Sed cuicumque animae nondum innovatae, sed in vetustate
malitiae perseveranti, novorum mysteriorum sacramenta non debent committi.
Qui etiam praeceptis evangelicis praecepta legis miscere volunt, ut Galatae,
vinum novum in utres veteres mittunt. Sequitur et nemo bibens vetus, statim
vult novum; dicit enim : vetus melius est : quia Iudaeis vitae veteris saliva
imbutis, novae gratiae praecepta sordebant : quia maiorum traditionibus commaculati
dulcedinem spiritualium verborum percipere non valebant. |
Versets 33-39
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Jésus-Christ ayant répondu à leur première question, ils passent à un autre point, et veulent lui montrer que les disciples et Jésus lui-même ne prennent aucun soin d’observer la loi : « Alors ils lui demandèrent : Pourquoi les disciples de Jean jeûnent-ils fréquemment et font-ils des prières, pareillement aussi les Pharisiens, tandis que les vôtres mangent et boivent ? », c’est-à-dire : Vous mangez avec les publicains et avec les pécheurs, bien que la loi défende toute communication avec ceux qui sont impurs (Lv 15), et vous excusez cette transgression par un motif de miséricorde; mais pourquoi donc ne jeûnez-vous pas comme tous ceux qui veulent conformer leur conduite aux prescriptions de la loi ? Les saints jeûnent, il est vrai, pour réprimer leurs passions par la mortification du corps; mais Jésus-Christ n’avait pas besoin du jeûne pour s’élever à la perfection de la vertu, puisque, comme Dieu, il était inaccessible à tout entraînement des passions. Le jeûne n’était pas plus nécessaire à son humanité, puisqu’elle participait à la grâce qui était en lui, et y puisait, sans jeûner, une force qui la maintenait au même degré de vertu. Si donc le Christ se soumit à un jeûne de quarante jours, ce ne fut point pour réprimer en lui les passions, mais pour donner aux hommes charnels une règle de mortification. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 27.) Evidemment saint Luc paraît faire entendre que cette question fut adressée au Sauveur de différents côtés, et qu’elle concernait plusieurs personnes; comment donc saint Matthieu s’exprime-t-il de la sorte : « Alors les disciples de Jean s’approchèrent et dirent : Pourquoi, tandis que les pharisiens et nous nous jeûnons souvent, [vos disciples ne jeûnent-ils pas] ? » si ce n’est parce que les disciples de Jean étaient présents, et que tous à l’envi s’empressèrent de faire cette objection. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 18.) Il y a deux sortes de jeûnes, le jeûne de l’affliction pour obtenir de Dieu le pardon des péchés; et le jeûne de la joie, où l’on est d’autant moins sensible aux plaisirs de la chair, qu’on jouit en plus grande abondance des délices spirituels. Or, le Sauveur, à qui l’on demandait pourquoi ses disciples ne jeûnaient pas, s’explique successivement sur ces deux sortes de jeûne, et d’abord sur le jeûne de la tribulation : « Il leur répondit : Pouvez-vous faire jeûner les fils de l’Epoux, tandis que l’Epoux est avec eux ? » — S. Jean Chrysostome : (hom. 31 sur Matth.) Comme s’il leur disait : Le temps actuel est un temps de joie et d’allégresse, il ne faut donc pas vouloir y mêler la tristesse ? — S. Cyrille : La manifestation de notre Sauveur dans ce monde fut comme une véritable fête, il venait célébrer des noces toutes spirituelles avec notre nature, pour la rendre féconde, de stérile qu’elle était; les fils de l’Epoux sont donc tous ceux qui sont appelés par la loi nouvelle de l’Évangile, et non les scribes et les pharisiens qui ne considèrent que l’ombre de la loi. — S. Augustin : (de l’harm. des Evang., 2, 27.) La réponse du Sauveur d’après le seul saint Luc : « Pouvez-vous faire jeûner les amis de l’Epoux, » donne à entendre que ceux qui lui faisaient cette question, feraient pleurer et jeûner les fils de l’Epoux, parce qu’ils devaient être un jour les auteurs de la mort de l’Epoux. — S.
Cyrille : En établissant qu’il ne convient pas aux
fils de l’Epoux de s’affliger, alors qu’ils célèbrent une fête toute spirituelle,
Notre Seigneur ne veut point détruire le jeûne, aussi fait-il cette réserve :
« Mais viendront des jours où l’Epoux leur sera enlevé; ils jeûneront
en ces jours-là ». — S. Augustin : (Quest evang, 2, 18) C’est-à-dire ils seront dans la désolation, dans la tristesse et les larmes, jusqu’à ce que la joie et la consolation leur aient été rendues par l’Esprit saint. — S. Ambroise : Ou bien encore, le jeûne, dont Notre Seigneur ajourne ici la pratique, n’est pas celui qui mortifie la chair et réprime les penchants de la concupiscence (car ce jeûne, au contraire, nous rend agréables à Dieu), mais [il veut dire que] nous ne pouvons jeûner, nous qui possédons le Christ, et qui sommes nourris de sa chair et de son sang. — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Ou encore, les fils de l’Epoux ne peuvent jeûner, c’est-à-dire se priver de la nourriture de l’âme, mais ils doivent vivre de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. — S. Ambroise : Mais quels sont donc ces jours dans lesquels le Christ nous sera enlevé, alors que lui-même nous dit : « Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles ? » Non, personne ne peut vous enlever le Christ, si vous-même ne commencez par vous détacher de lui. — S. Bède : Tant que l’Epoux est avec nous, nous sommes dans la joie, et nous ne pouvons ni jeûner, ni pleurer; mais quand nos péchés nous séparent de lui, c’est alors qu’il faut recourir au jeûne et nous condamner aux larmes. — S. Athanase ou S. Ambroise : Disons enfin que Notre Seigneur veut parler ici du jeûne de l’âme, comme le prouvent les paroles suivantes : « Il leur proposa aussi cette comparaison : Personne ne met à un vieux vêtement un morceau pris à un vêtement neuf. » Il appelle le jeûne un vêtement vieux, dont l’Apôtre nous exhorté à nous dépouiller, lorsqu’il dit : « Dépouillez-vous du vieil homme et de ses actes. » (Col 3.) Toute la suite des préceptes de Notre Seigneur concourt donc à établir cette vérité que nous ne devons pas mêler les actes du vieil homme avec ceux du nouveau. — S.
Augustin : (Quest.
évang., 2, 18.) On peut encore donner cette autre
explication : Après avoir reçu le don de l’Esprit saint, quoi de plus
convenable que les fils de l’Epoux déjà renouvelés dans la vie spirituelle,
pratiquent le jeûne qui s’accomplit sans la joie ? Avant qu’ils aient
reçu l’Esprit saint, le Sauveur les compare à des vêtements vieux auxquels il
ne faut pas coudre un morceau de drap neuf, c’est-à-dire un fragment de la
doctrine qui a pour objet la tempérance de la loi nouvelle; car dans ce cas
la doctrine est comme rompue par ce fragment, puisque le jeûne qu’elle prêche
est un jeûne général, qui interdit non seulement le désir des aliments, mais
toute joie qui vient des plaisirs de la terre. Notre Seigneur ne veut pas que
l’on donne ce fragment de doctrine, qui a pour objet les aliments, à ceux qui
sont encore esclaves des anciennes coutumes, autrement il se fera une
déchirure, et ce fragment de doctrine nouvelle ne pourra s’unir avec ce qui
est vieux. Le Sauveur les compare encore à des vieilles outres : « De
même personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres. » — S. Ambroise : il nous fait voir la fragilité de la condition humaine, en comparant nos corps aux dépouilles des animaux morts. — S. Augustin : (Quest. évang.) Il compare les Apôtres à des outres déjà vieilles, parce qu’ils se rompent sous l’effort du vin nouveau des préceptes spirituels qu’ils ne peuvent contenir : « Autrement le vin nouveau rompra les outres et se répandra, et les outres seront perdues. » Ils étaient déjà devenus des outres neuves, lorsqu’après l’ascension du Seigneur, l’Esprit saint vint les renouveler, en leur inspirant le désir de ses [divines] consolations, l’esprit de prière et d’espérance : « Mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves, et l’un et l’autre sont conservées. » — S. Bède : Le vin nous donne des forces à l’intérieur; le vêtement couvre extérieurement notre corps; les bonnes oeuvres que nous faisons en dehors et qui font luire notre lumière devant les hommes, sont donc le vêtement; et la ferveur de la foi, de l’espérance et de la charité, est comme le vin. On peut dire encore que les vieilles outres sont les scribes et les pharisiens, tandis que le fragment de drap neuf et le vin nouveau sont les préceptes de l’Évangile. — S. Grégoire de Nysse : (disc. sur Abrah.) Le vin nouveau, par la fermentation qui lui est naturelle, chasse au dehors, par un mouvement qui tient également à sa nature, l’écume et la lie impure qu’il contient. Ce vin, c’est le Nouveau Testament, que les outres anciennes, vieillies par leur incrédulité, ne peuvent contenir; bien plus, elles se rompent par la force de l’excellence de la doctrine, et laissent ainsi s’écouler la grâce de l’Esprit saint; car la sagesse n’entre pas dans une âme qui veut le mal. (Sg 1.) — S. Bède : On ne doit donc point donner les sacrements des mystères nouveaux à une âme qui n’est pas renouvelée et qui persévère encore dans son ancienne malice. Ceux encore qui veulent mêler la pratique de l’Évangile aux préceptes de la loi, comme les Galates (Ga 3), mettent le vin nouveau dans de vieilles outres. « Et personne, venant de boire du vin vieux, n’en veut aussitôt du nouveau, car il dit : Le vieux est meilleur. » Notre Seigneur veut parler ici des Juifs qui, pénétrés de la saveur de la vie ancienne, n’avaient que du dégoût pour les préceptes de la loi de grâce; et qui, souillés par les traditions de leurs ancêtres, étaient incapables de goûter la douceur des enseignements spirituels. |
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Caput 6 |
CHAPITRE 6
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Lectio 1 [85804] Catena in Lc., cap. 6 l. 1 Ambrosius in Lucam. Non solum comprehensione verborum, sed etiam
ipso usu specieque gestorum incipit hominem dominus veteris observatione
legis exuere; unde dicitur factum est autem in sabbato secundo primo, cum
transiret per sata, vellebant discipuli eius spicas et manducabant,
confricantes eas manibus suis. Beda. Non habentes enim discipuli
spatium manducandi propter importunitatem turbarum, esuriebant ut homines;
sed vellentes spicas inediam consolabantur : quod est indicium austerioris
vitae, non praeparatas escas, sed simplices quaerere cibos. Theophylactus. Dicit autem in sabbato secundo primo : quia Iudaei
omnem festivitatem sabbatum nuncupabant : requies enim dicitur sabbatum :
multoties ergo contingebat in parasceve festivitas, et vocabant parascevem
sabbatum propter festum; deinde principale sabbatum secundum primum dicebant,
quasi secundum existens a praecedentis diei festivitate. Cyrillus.
Duplex enim erat festum; et principalis festi et alterius solemnitatis
sabbati. Isidorus.
Vel dicit secundo primo quia secundum erat Pascha, primum autem azymorum;
cum immolarent enim Pascha in sero, sequenti die festum azymorum celebrabant.
Quod autem ita sit, patet ex hoc quod apostoli vellebant spicas, et
manducabant : in illo namque tempore spicae flectuntur a fructu. Epiphanius
contra Haer. Die igitur sabbati visi sunt transeuntes per segetes, et
spicas edebant, ostendentes quoniam dissolutum est vinculum sabbati, ubi
magnum advenit sabbatum, hoc est Christus, qui fecit nos quiescere ab opere
delictorum nostrorum. Cyrillus.
Pharisaei autem et Scribae ignari sacrarum Scripturarum, in unum
conspiraverant, ad reprehendendum Christi discipulos; unde sequitur quidam
autem Pharisaeorum dicebant illis : quid facitis quod non licet in sabbatis?
Dic mihi tu : cum in sabbato tibi mensa proponitur, nonne frangis panem? Quid
igitur alios reprehendis? Beda.
Alii vero dicunt, ipsi domino haec fuisse obiecta; sed a diversis et ipsi
domino et discipulis potuerunt obici; et cuicumque obiectum, ad ipsum maxime
respicit. Ambrosius.
Dominus autem defensores legis arguit nescire quae legis sunt, exemplum
inducens David; unde sequitur et respondens Iesus ad eos, dixit : nec hoc
legistis quod fecit David, cum esurisset ipse et qui cum eo erant? Cyrillus.
Quasi dicat : cum expresse dicat lex Moysi : iudicate iustum iudicium, nec
considerabitis personam in iudicio; qualiter increpatis discipulos, qui usque
in hodiernum diem extollitis David ut sanctum et prophetam, cum Moysi
praeceptum non servaverit? Chrysostomus
in Matthaeum. Et attende, quod quandocumque domino sit sermo pro servis,
idest discipulis, servos ducit in medium, scilicet David et sacerdotes;
quando vero pro se, introducit patrem, sicut ibi : pater meus usque modo
operatur, et ego operor. Theophylactus.
Aliter autem eos reprimit cum subditur et dicebat illis, quia dominus est
filius hominis etiam sabbati; quasi dicat : ego sum dominus sabbati tamquam
dispositor, et sicut legislator potestatem habeo solvere sabbatum : filius
enim hominis vocatus est Christus, qui Dei existens filius, miraculose
dignatus est filius hominis propter homines fieri et vocari. Chrysostomus
in Matthaeum. Marcus autem de communi natura hoc ipsum protulisse fatetur
: dicebat enim : propter homines sabbatum factum est, non homo propter
sabbatum. Expedit igitur potius sabbatum homini subici, quam hunc colla
subicere sabbato. Ambrosius.
Non mediocre autem mysterium hoc est. Ager enim est hic mundus; agri seges
in satione humani generis fecunditas numerosa sanctorum; spicae agri fructus
Ecclesiae, quos operibus discutientes suis apostoli pascebantur, nostro se
alentes profectu, et tamquam folliculis corporum, mentium fructus ad fidei
lucem praeclaris operum suorum miraculis eruebant. Beda.
Spicas enim confricant : quia in illis quos in corpus Christi volunt
traicere, mortificant veterem hominem cum actibus suis, a terrena intentione
extrahendo. Ambrosius.
Sed hoc putabant Iudaei sabbato non licere; Christus autem novae gratiae
munere designabat otium legis opus gratiae : mire tamen secundo primum, non
primo secundum sabbatum dixit : quia sabbatum illud ex lege solutum est quod erat
primum; et hoc primum factum est quod secundo constitutum est. Sabbatum
igitur dicitur secundum iuxta numerum, primum iuxta operationis gratiam :
melius est enim sabbatum quo impunitas datur, quam quo poena praescribitur.
Aut hoc forte primum est in praedestinatione consilii, et secundum in
sanctione decreti. Deinde quod David cum sociis fugit, hic praefiguratus in
lege Christus est, qui cum apostolis principem mundi lateret. Quomodo autem
ille observator legis atque defensor panes et ipse manducavit, et dedit his
qui secum erant, quos non licebat manducare nisi sacerdotibus; nisi ut per
illam demonstraret figuram, sacerdotalem cibum ad usum transire populorum;
sive quod omnes vitam sacerdotalem debemus imitari; sive quod omnes filii
Ecclesiae sacerdotes sunt? Ungimur enim in
sacerdotium sanctum, offerentes nosmetipsos Deo hostias spirituales. Si
autem sabbatum propter homines factum est; utilitas autem hominum postulabat
esurientem hominem, qui diu fuerit terrae fructibus abdicatus, veteris famis
vitare ieiunia : non utique lex solvitur, sed impletur. |
Versets 1-5.
— S. Ambroise : Ce n’est pas seulement par ses enseignements, mais par sa conduite et par ses actes, que Notre Seigneur commence à dépouiller l’homme des observances de l’ancienne loi. « Or, un jour de sabbat, appelé le second-premier, comme Jésus passait le long des blés, ses disciples cueillaient des épis et les mangeaient, en les frottant dans leurs mains. » — S. Bède : La foule qui les importunait ne laissait pas aux disciples le temps de manger, et comme ils éprouvaient le besoin de la faim (car c’étaient des hommes…), ils l’apaisent en mangeant les épis qu’ils froissent entre leurs mains, preuve d’une vie simple et austère, qui, loin de chercher des mets apprêtés, se contente des aliments les plus simples. — Théophylacte : C’était, dit l’Évangéliste, le sabbat second-premier, parce que les Juifs donnaient le nom de sabbat à toutes les fêtes. En effet, le mot sabbat signifie repos. Or, il arrivait souvent qu’une fête tombait la veille du sabbat, et on appelait ce jour sabbat à cause de la fête; puis alors le véritable jour du sabbat était appelé second-premier, comme étant le second après la fête qui avait précédé. — S. Jean Chrysostome : (hom. 40 sur Matth.) Il y avait alors une double fête, celle du jour même du sabbat et celle de la solennité qui lui succédait, [et à laquelle on donnait aussi le nom de sabbat]. — S. Isidore : Il appelle ce sabbat second-premier, parce que c’était le second jour de Pâque, et le premier des Azymes. En effet, on immolait la pâque le soir, et le jour suivant on célébrait la fête des Azymes. Ce qui rend cette explication plus vraisemblable, c’est que nous voyons les Apôtres arracher des épis et les manger; car dans cette époque de l’année, les épis s’inclinent sous le poids des grains qu’ils contiennent. — S. Epiphane : (contre les hérés., liv. I, ch. xxx.) Ils passaient donc le long des champs de blé un jour de sabbat, et ils mangeaient des épis pour montrer que la contrainte de la loi du sabbat a cessé d’exister depuis la venue du grand sabbat, c’est-à-dire de Jésus-Christ, qui nous a donné le repos après les fatigues que nos crimes nous avaient causées. — S. Cyrille : Les pharisiens et les scribes, dans leur ignorance des saintes Écritures, conspiraient entre eux pour accuser les disciples de Jésus-Christ : « Alors quelques-uns des pharisiens leur dirent : Pourquoi faites-vous ce qu’il n’est pas permis de faire ? » Mais dites-moi vous-mêmes, lorsque la table est servie devant vous le jour du sabbat, hésitez-vous à rompre le pain ? Pourquoi donc reprenez-vous les autres ? — S. Bède : Il en est qui prétendent que ce reproche fut fait à Notre Seigneur en personne, mais il a pu très bien être fait par différentes personnes et au Sauveur lui-même, et à ses disciples; et quoiqu’il en soit, c’était surtout à lui que le reproche s’adressait. — S. Ambroise : Or, le Seigneur accuse à son tour les défenseurs de la loi, de ne pas connaître ce que la loi renferme, et il leur cite à l’appui l’exemple de David : « Jésus leur répondit : N’avez-vous pas lu ce que fit David lorsqu’il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui ». — S. Cyrille : Comme s’il disait : La loi de Moïse fait cette recommandation expressément : « Jugez selon la justice, ne faites point acception de personnes dans vos jugements » ; pourquoi donc accusez-vous mes disciples, vous qui ne cessez d’exalter David comme un saint et comme un prophète, bien qu’il n’ait pas observé le commandement de Moïse ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 40 sur Matth.) Remarquez que, lorsque Notre Seigneur prend la défense de ses serviteurs (c’est-à-dire de ses disciples), il cite à l’appui l’exemple de simples serviteurs, celui de David et des prêtres, mais quand il répond à ses propres accusateurs, il en appelle à l’exemple de son Père, comme lorsqu’il dit : « Mon Père agit sans cesse, et moi j’agis aussi (Jn 5, 17). » — Théophylacte : Il leur répond encore d’une autre manière : « Et il ajouta : Le Fils de l’homme est maître même du sabbat », comme s’il disait : Je suis maître du sabbat, et j’en dispose à mon gré, et comme législateur, j’ai le pouvoir de supprimer le sabbat. Jésus-Christ était appelé Fils de l’homme, parce que tout Fils de Dieu qu’il était, il a daigné devenir miraculeusement Fils de l’homme et en porter le nom par amour pour les hommes. — S. Jean Chrysostome : D’après saint Marc, Notre Seigneur justifie ses disciples par une considération propre à tous les hommes : « Le sabbat, leur dit-il, a été fait pour les hommes, et non l’homme pour le sabbat. » Donc il faut mettre le sabbat au-dessous de l’homme, plutôt que de placer l’homme sous le joug du sabbat, — S. Ambroise : Cette action des disciples renferme un grand mystère. Le champ de blé, c’est le monde entier; la moisson, dont ce champ est couvert, c’est la prodigieuse fécondité des saints répandus dans le champ du genre humain; les épis sont les fruits de l’Église; les Apôtres en font tomber les grains et les mangent, c’est-à-dire qu’ils se nourrissent de nos progrès dans la vertu, en séparant de leur enveloppe extérieure les oeuvres et les fruits de l’âme pour les faire paraître à la lumière de la foi par les miracles éclatants de leurs oeuvres. — S. Bède : Ils broient les épis dans leurs mains, c’est-à-dire qu’ils font mourir, par leurs actes, le vieil homme dans ceux qu’ils veulent unir au corps de Jésus-Christ, en les séparant de toute intention terrestre. — S. Ambroise : Les Juifs croyaient que c’était là une action défendue le jour du sabbat; mais Jésus-Christ, en venant apporter le bienfait inestimable de la grâce nouvelle, voulait désigner à la fois le repos de la loi et le travail de la grâce. C’est dans un dessein tout particulier que saint Luc appelle ce jour le sabbat second-premier, et non premier-second, parce qu’en effet le sabbat établi par la loi, qui était le premier, est supprimé, et celui qui était le second par ordre de temps est devenu le premier. Il est donc appelé second par ordre de temps, et premier, à cause de l’excellence de l’opération de la grâce; car le sabbat qui délivre du châtiment est supérieur à celui qui prescrit la punition. Ou encore, ce sabbat est le premier dans les desseins éternels de Dieu, et le second par ordre d’institution. David, qui fuit avec ses compagnons, est dans la loi la figure de Jésus-Christ qui se dérobe avec ses disciples [à la connaissance et aux poursuites] du prince du monde. Mais pourquoi ce fidèle observateur et ce zélé défenseur de la loi mange-t-il lui-même de ces pains, et en donne-t-il à ceux qui étaient avec lui (alors que les prêtres seuls pouvaient en manger) ? C’était pour nous montrer par cette action, que la nourriture réservée jusqu’alors aux prêtres, deviendrait la nourriture des peuples, ou bien que tous nous devions imiter les vertus de la vie sacerdotale, ou enfin que tous les enfants de l’Église sont de véritables prêtres. En effet, nous recevons l’onction sainte qui nous consacre prêtres pour nous offrir nous-mêmes à Dieu comme des hosties spirituelles. (1 P 2) Mais puisque le sabbat a été fait pour les hommes, et que leur utilité demandait que l’homme ne fût plus soumis au jeûne prolongé d’une faim mortelle (lui qui avait été si longtemps privé des fruits de la terre), la loi, loin d’être détruite, reçoit ici son accomplissement. |
Lectio 2 [85805] Catena in Lc., cap. 6 l. 2 Ambrosius. Hic ad alia progreditur dominus; nam qui totum hominem
salvum facere disposuerat, per singula membra curabat; unde dicitur factum
est autem in alio sabbato ut intraret in synagogam, et doceret. Beda.
Sabbatis maxime curat et docet, non solum propter insinuandum spirituale
sabbatum, sed etiam propter celebriorem populi conventum. Cyrillus.
Docebat autem revera transcendentia intellectum, et quae salutis futurae
per eum reserabant audientibus semitam; deinde, praecedente doctrina, subito
divinam ostendebat virtutem; unde sequitur et erat ibi homo, et manus eius
dextera arida. Beda.
Quia vero destructionem sabbati quam in discipulis arguebant, probabili
magister excusaverat exemplo, nunc ipsum observando magistrum calumniari
volunt; unde sequitur observabant autem Scribae et Pharisaei si in sabbato
curaret; ut scilicet si non curet, crudelitatis vel imbecillitatis; si curet,
transgressionis vitio arguant; unde sequitur ut invenirent unde accusarent
eum. Cyrillus.
Hic enim est mos adversarii : pascit in se doloris morbum aliorum
praeconiis. Sed dominus novit omnia, et corda rimatur; unde sequitur ipse
autem sciebat cogitationes eorum et ait homini qui habebat manum aridam :
surge et sta in medio. Et surgens stetit; ut forsan incitaret ad pietatem
crudelem Pharisaeum, et ipsa passio flammas mitigaret livoris. Beda.
Praeveniens autem dominus calumniam quam sibi praeparabant, arguit eos qui
praecepta legis male interpretando etiam a bonis operibus sabbato aestimabant
feriandum, cum lex a servili opere, idest a malis, abstinere praecipiat in
sabbato; unde sequitur ait autem ad illos Iesus : interrogo vos, si licet
sabbato bene facere an male? Cyrillus.
Nimis est idonea quaestio : nam si licet in sabbato bene facere, nec
aliquid obstat ut laborantes a Deo misericordiam consequantur, desinas
colligere adversus Christum calumniam : si autem non licet in sabbato
benefacere, et lex prohibet animarum salutem, factus es legis accusator.
Ipsam quoque sabbati sanctionem si velimus discutere, ad opus pietatis
introductum fuisse reperiemus. Iussit enim in sabbato feriari : ut quiescat
puer tuus et ancilla tua, bos tuus et quodlibet pecus tuum. Qui vero bovis
miseretur et ceterorum pecorum, quomodo non miserebitur hominis gravi morbo
perplexi? Ambrosius.
Lex autem in praesentibus formam praefiguravit futurorum; in quibus utique
malorum feriae sunt, non bonorum : nam licet saecularia opera conquiescant,
non otiosus tamen boni operis actus est, in Dei laudes requiescere. Augustinus
de quaest. Evang. Cum autem dominus corpus curaverit, sic interrogavit :
animam salvam facere, an perdere? Vel quia illa miracula propter fidem
faciebat, ubi salus est animae; vel quia ipsa sanatio manus dexterae salutem
animae significabat, quae a bonis operibus cessans, aridam quodammodo
dexteram habere videbatur; vel animam pro homine posuit, sicut dici solet :
tot animae ibi fuerunt. Augustinus
de Cons. Evang. Sed potest movere quomodo Matthaeus dixerit quod ipsi interrogaverunt
dominum, si licet curare sabbato; cum Lucas hic illos potius a domino
interrogatos esse perhibeat. Itaque intelligendum est, quod illi prius
interrogaverunt dominum, si licet sabbato curare. Deinde intelligens
cogitationes eorum, aditum accusandi quaerentium, constituit in medio eum
quem fuerat sanaturus, et interrogavit quae Marcus et Lucas eum interrogasse
commemorant. Sequitur et circumspectis omnibus. Titus.
Quasi collectis omnium oculis, quin etiam incitata mente eorum ad
considerationem negotii, dixit homini : extende manum tuam : ego tibi mando
qui creavi hominem. Audit autem qui laesam habebat manum, et sanus fit; unde
sequitur et extendit, et restituta est sanitati manus eius. Quos autem
oportebat in miraculo stupere, augent malitiam; unde sequitur ipsi autem
repleti sunt insipientia, et colloquebantur ad invicem, quidnam facerent de
Iesu. Origenes.
Et, ut narrat Matthaeus, exeunt et consiliantur, ut occidant eum. Cyrillus.
Cernis, o Pharisaee, operantem divina, ac superna maiestate liberantem
languentes, et mortem portas ex livore. Beda. Homo autem iste humanum genus significat infecunditate boni
operis arefactum pro manu in primo parente ad pomum extensa, quam sanavit
innocens manus in cruce extensa. Et bene manus in synagoga
erat arida; quia ubi maius donum scientiae, ibi transgressor maiori subiacet
culpae. Ambrosius.
Audisti igitur verba dicentis extende manum tuam. Communis ista
generalisque medicina est : et tu qui putas manum habere te sanam, cave ne
avaritia vel sacrilegio contrahatur. Extende saepius eam, ut proximum iuves,
ut viduae praesidium feras, eripias iniuriae quem vides iniuste contumeliae
subiacere; extende ad pauperem, qui te obsecrat; extende ad dominum pro
peccatis tuis : sic manus extenditur, sic manus sanatur. |
Versets 6-11.
— S. Ambroise : Notre
Seigneur passe à des oeuvres différentes; il venait pour sauver l’homme tout
entier, il commence par le guérir partiellement, un membre après l’autre : « Un
autre jour de sabbat, Jésus entra dans la synagogue pour y enseigner. » — S. Bède : Il choisit de préférence le jour du sabbat, pour enseigner et pour guérir, non seulement afin d’annoncer ainsi le sabbat spirituel, mais aussi parce que le peuple se trouvait réuni en plus grand nombre. — S. Cyrille : Il enseignait des vérités qui surpassaient l’intelligence, et il ouvrait à ceux qui l’entendaient la voix du salut, qu’il venait apporter au monde; et ensuite il donnait pour appui à sa doctrine les oeuvres de sa toute-puissance : « Et il y avait là un homme dont la main droite était desséchée. » — S. Bède : Le Maître vient de justifier par un exemple des plus louables la conduite de ses disciples, accusés de violer le jour du sabbat; ses ennemis l’observent maintenant lui-même pour le calomnier : « Or, les scribes et les pharisiens l’observaient pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat, » tout disposés à l’accuser de cruauté et d’impuissance, s’il ne le guérissait point, ou de violer le sabbat s’il le guérissait : « afin dit l’Évangéliste, d’avoir sujet de l’accuser. » — S. Cyrille : Tel est bien le caractère de l’homme envieux, il nourrit en lui-même sa douleur avec les louanges qu’il entend donner aux autres; mais le Seigneur connaît toutes choses et pénètre le secret des coeurs : « Or comme il connaissait leurs pensées, il dit à l’homme qui avait la main desséchée : Levez-vous, et tenez-vous là debout au milieu, et se levant, il se tint debout. » Peut-être le Sauveur voulait-il exciter la commisération de ces pharisiens cruels, et amortir le feu de la passion qui les dévorait. — S.
Bède : Cependant Notre Seigneur, voulant prévenir
l’accusation qu’ils préparaient contre lui, leur reproche de mal interpréter
les prescriptions de la loi, eux qui croyaient qu’on devait s’interdire même
les bonnes oeuvres le jour du sabbat, tandis que la loi ne défend que les
oeuvres serviles, c’est-à-dire les oeuvres mauvaises : « Alors Jésus
leur dit : Je vous le demande, est-il permis de faire du bien ou du mal le
jour du sabbat ? » — S. Cyrille : Cette question était pleine d’opportunité. En effet, s’il est permis de faire le bien le jour du sabbat, et que rien ne s’oppose à ce que la miséricorde de Dieu vienne au secours de ceux qui souffrent, cessez donc de réunir vos accusations calomnieuses contre Jésus-Christ. Si au contraire, il n’est pas permis de faire du bien le jour du sabbat, et si la loi défend de sauver les âmes, vous devenez l’accusateur de la loi. De plus, si nous voulons examiner les motifs mêmes de l’institution du sabbat, nous trouverons qu’il a été établi dans un but de miséricorde. En effet, Dieu commande le repos le jour du sabbat, « afin, dit-il, que votre serviteur, votre servante, votre boeuf et vos animaux puissent se reposer. » (Ex 20, 22.) Or, celui qui a compassion du boeuf et des autres animaux, pourrait-il être sans pitié pour un homme qui souffre d’une maladie cruelle ? — S. Ambroise : La loi était dans le temps présent la figure de la vie future, où nous nous reposerons en nous abstenant de toute oeuvre corporelle, mais non des bonnes œuvres ; en effet, bien que les activités d’ici-bas prennent fin, il n’y aura pas de repos pour les œuvres bonnes, telle que la louange de Dieu. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 7.) Lorsque Notre Seigneur eut guéri cet homme, il fait cette question aux pharisiens : « Est-il permis de sauver l’âme ou de la laisser périr ? » Il parle de la sorte, parce qu’il opérait ses miracles pour établir la foi qui est le salut de l’âme; ou encore, parce que la guérison de la main droite était le symbole du salut de l’âme qui, en cessant de faire des bonnes oeuvres, avait pour ainsi dire la main droite desséchée; ou bien enfin, l’âme ici est prise pour l’homme tout entier, comme lorsqu’on dit : « Il y avait là tant d’âmes (Gn 46, 27). » — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 35.) On peut être surpris que, d’après saint Matthieu, ce sont les pharisiens qui demandent à Notre Seigneur s’il est permis de guérir le jour du sabbat, tandis que, d’après saint Luc, c’est le Sauveur lui-même qui leur fit cette question. Nous répondons que les pharisiens ont pu très bien demander les premiers à Notre Seigneur, s’il était permis de guérir le jour du sabbat; et que lui-même ensuite connaissant leurs pensées, et sachant qu’ils cherchaient une occasion de l’accuser, plaça au milieu d’eux cet homme qu’il voulait guérir, et leur adressa la question que saint Marc et saint Luc mettent dans sa bouche. « Et les ayant tous regardés, » etc. — Tite
de Bost. Il attire par là les regards de tous ceux qui sont présents, il
concentre en même temps toute leur attention sur l’oeuvre qu’il va faire, et
il dit à cet homme : « Étendez votre main, » je vous le
commande, moi qui ai créé l’homme ; cet homme qui avait la main
paralysée, obéit, et il est guéri sur le champ : « Il l’étendit, et
elle fut guérie, ». Ce miracle qui aurait dû les remplir
d’admiration, ne fait qu’augmenter leurs mauvaises dispositions : « Mais
eux, remplis de fureur, se consultaient sur ce qu’ils feraient de
Jésus. » — S. Jean Chrysostome (hom. 41.) ou Origène : Et comme le rapporte saint Matthieu, ils s’en vont et tiennent conseil pour le faire mourir. — S. Cyrille : Vous êtes témoin, pharisien, des oeuvres divines de sa toute-puissance, vous le voyez guérir les malades par une vertu venue d’en-haut, et, par un noir sentiment d’envie, vous conspirez pour le faire mourir. — S. Bède : Cet homme représente le genre humain frappé de stérilité pour le bien, et dont la main a été comme desséchée pour s’être étendue vers le fruit que mangea notre premier parent. Cette main innocente, qui sera étendue sur une croix, a guéri cette main désséchée. Nous voyons cette main paralysée jusqu’au milieu de la synagogue; car plus le don de la science est grand, plus aussi la transgression de la loi est coupable. — S. Ambroise : Vous avez entendu les paroles du Sauveur : « Étendez votre main. » C’est le remède général qu’il propose à tous les hommes. Vous donc qui croyez avoir la main saine, craignez que l’avarice ou le sacrilège ne vienne à la fermer; étendez-la continuellement pour secourir le prochain, pour protéger la veuve, pour délivrer de l’injustice celui que vous voyez sous le poids d’une accusation inique; étendez-la vers le pauvre qui vous supplie, étendez-la vers Dieu pour vos péchés : c’est ainsi qu’il faut étendre la main, et c’est ainsi qu’elle est guérie. |
Lectio 3 [85806] Catena in Lc., cap. 6 l. 3 Glossa. Insurgentibus adversarii contra Christi miracula et doctrinam,
apostolos elegit quasi defensores veritatis et testes : quorum electioni
orationem praemittit; unde dicitur factum est autem in illis diebus, exiit in
montem orare. Ambrosius.
Noli insidiatrices aperire aures, ut putes filium Dei quasi infirmum
rogare, ut impetret quod implere non possit : potestatis enim auctor,
obedientiae magister, ad praecepta virtutis suo nos informat exemplo. Cyrillus.
Scrutemur igitur in his quae Christus egit, qualiter nos doceat
orationibus divinis insistere, semotim scilicet et secreto, nemine vidente,
amota quoque mundana sollicitudine, ut sursum ad divinae speculationis
intuitum erigatur intentio : quod designatur in hoc quod semotim orabat Iesus
in montem. Ambrosius.
Ubique etiam solus obsecrat : Dei enim consilium humana vota non capiunt;
nec quisquam interiorum potest esse particeps Christi. Non autem omnis qui
orat, ascendit in montem, sed qui orat a terrenis ad superiora progrediens;
sed non ille qui de saeculi divitiis aut de honore sollicitus est. Omnes sublimes
in montem ascendunt : quare in Evangelio invenies solos in montem cum domino
ascendisse discipulos. Species autem tibi, Christiane, datur; forma
praescribitur quam debeas aemulari, cum sequitur et erat pernoctans in
oratione Dei. Quid enim te pro salute tua facere oportet, quando pro te
Christus in oratione pernoctat? Chrysostomus.
Exurge igitur et tu tempore noctis. Purior
est enim tunc temporis anima; ipsae tenebrae, silentium nimium possunt
sufficienter ad compunctionem perducere. Ceterum
si ipsum quoque caelum inspicias punctatum stellis, quasi infinitis
luminibus; si consideres quod qui per diem saltant iniurianturque, hi tunc
nihil, a mortuis discrepant; detestaberis quemlibet ausum humanum. Haec omnia
sufficiunt ad animam erigendam : tunc non vexat inanis gloria, non acedia,
non concitatio occupat; non sic ignis ferri sequestrat rubiginem, velut
nocturna oratio aeruginem peccatorum. Quem de die solis aestus perussit,
nocte refrigeratur. Quemlibet rorem superant nocturnae lacrymae; et contra
concupiscentiam valent, et quemlibet timorem. Si vero praedicto rore non
foveatur, homo arescit sub die. Quapropter licet non multum ores, semel ora
vigilando, et sufficit : ostende quod non solum ad corpus nox pertinet, sed
etiam ad animam. Ambrosius.
Quid autem te facere convenit cum vis aliquod officium pietatis adoriri,
quando Christus missurus apostolos prius oravit? Sequitur enim et cum dies
factus esset, vocavit discipulos suos, et elegit duodecim ex ipsis, quos et
apostolos nominavit; quos scilicet ad propagandum auxilium salutis humanae
per terrarum orbem satores fidei destinavit. Simul adverte caeleste consilium
: non sapientes aliquos, non divites, non nobiles, sed piscatores et
publicanos, quos dirigeret, elegit; ne divitiis aut potentiae nobilitatisque
auctoritate traxisse aliquos ad suam gratiam videretur; ut veritatis ratio,
non disputationis gratia praevaleret. Cyrillus.
Attende autem maximam Evangelistae sedulitatem; non solum dicit electos
fuisse sacros apostolos, immo nominatim eos enumerat, ne quisquam audeat
alios inscribere apostolorum catalogo. Simonem quem cognominavit Petrum, et
Andream fratrem eius. Beda.
Non modo primum eum cognominavit, sed longe prius; cum ab Andrea adducto
dicitur : tu vocaberis Cephas, quod interpretatur Petrus. Sed volens Lucas
nomina apostolorum enumerare, cum necesse haberet Petrum dicere, breviter
voluit innuere quod non hoc antea cognominaretur, sed ita dominus
cognominaverit. Eusebius.
Secunda autem combinatio est Iacobi et Ioannis; unde sequitur Iacobum et
Ioannem; ambos scilicet filios Zebedaei, qui etiam piscatores fuerunt. Post
hos autem dicit Philippum et Bartholomaeum. Philippum dicit Ioannes fuisse de
Bethsaida, concivem Andreae et Petri; ipse quoque Bartholomaeus, vir simplex
et expers scientiae mundanae et amaritudinis. Matthaeus vero ex his qui prius
census exigebant vocatus est, de quo subdit Matthaeum et Thomam. Beda.
Matthaeus compari suo Thomae in ordine, humilitatis causa se supponit, cum
a ceteris Evangelistis praelatus sit. Sequitur Iacobum Alphaei et Simonem,
qui vocatur Zelotes. Glossa.
Quia scilicet fuit de Cana Galilaeae, qui interpretatur zelus, quod
additur ad differentiam Simonis Petri. Sequitur Iudam Iacobi, et Iudam
Iscariotem qui fuit proditor. Augustinus de Cons. Evang. In nomine
Iudae Iacobi Lucas videtur discrepare a Matthaeo, qui eum Thaddaeum appellat.
Sed quis unquam prohibuit duobus vel tribus nominibus unum hominem vocari?
Eligitur autem Iudas proditor, non per imprudentiam, sed per providentiam :
susceperat quidem hominis fragilitatem, et ideo nec has partes recusavit
infirmitatis humanae : voluit ab apostolo suo tradi, ut tu a socio proditus
moderate feras, tuum errasse iudicium, periisse beneficium. Beda.
Mystice autem mons in quo apostolos elegit, altitudinem designat
iustitiae, qua instituendi erant, et eam praedicaturi : sic et lex in monte
data fuit. Cyrillus.
Quod si libet interpretationem apostolicorum nominum scire, scito quia
Petrus dicitur dissolvens vel agnoscens; Andreas decora potentia vel respondens;
Iacobus autem supplantator doloris; Ioannes domini gratia; Matthaeus donatus;
Philippus os magnum vel orificium lampadis; Bartholomaeus filius aquas
suspendentis; Thomas abyssus, vel geminus; Iacobus Alphaei supplantator
gressus vitae; Iudas confessio, et Simon obedientia. |
Versets 12-16.
— La Glose : Pendant
que les ennemis de Jésus-Christ se déclarent contre ses miracles et sa
doctrine, il choisit ses Apôtres pour être les défenseurs et les témoins de la
vérité, et avant de les choisir il se livre à la prière : « En ces jours là, il se retira sur
la montagne pour prier. » — S. Ambroise : Prenez garde d’entendre ces paroles avec un esprit prévenu, et de penser que si le Fils de Dieu prie, c’est parce qu’il est faible et pour obtenir ce qu’il ne peut faire de lui-même, car l’auteur de toute puissance a voulu se rendre maître de l’obéissance, et nous enseigner par son exemple les préceptes de la vertu. — S. Cyrille : Méditons attentivement, dans la conduite de Jésus-Christ, l’exemple qu’il nous donne de persévérer dans la prière, en nous tenant à l’écart, dans le secret, loin des regards des hommes, séparé de toutes les préoccupations du monde, afin que notre esprit puisse s’élever librement sur les sommets de la contemplation divine; c’est ce que nous apprend Notre Seigneur en se retirant sur la montagne pour prier. — S. Ambroise : En toute circonstance, Jésus prie seul [et sans témoins]; en effet, les voeux des hommes ne peuvent s’élever jusqu’aux conseils de Dieu, et personne ne peut entrer en participation des pensées intimes du Christ. Tous ceux qui prient ne montent point sur la montagne, mais celui-là seul qui, dans sa prière, s’élève des préoccupations de la terre aux pensées du ciel, et jamais celui qui poursuit avec sollicitude les richesses et les honneurs du siècle. Toutes les âmes détachées de la terre montent sur la montagne; aussi dans l’Évangile, vous voyez les disciples seuls monter sur la montagne avec leur divin Maître. L’Évangéliste vous donne, chrétiens, la règle et l’exemple que vous devez imiter dans les paroles suivantes : « Et il passait la nuit à prierDieu. » Que ne devez-vous pas faire pour votre salut, quand vous voyez Jésus-Christ passer pour vous toute la nuit en prières. — S. Jean Chrysostome : Levez-vous donc aussi vous-même pendant la nuit, car alors l’âme est plus pure, et le silence et l’obscurité de la nuit sont on ne peut plus favorables à la componction du coeur. D’ailleurs, si vous considérez le ciel parsemé d’étoiles, et cette multitude innombrables d’astres lumineux; si d’un autre côté vous réfléchissez que tous ceux qui, pendant le jour, se livrent aux plaisirs et aux oeuvres d’iniquité, sont alors absolument semblables à des morts, comment pourrez-vous ne pas détester tous les crimes des hommes ? Que ces pensées sont suffisantes pour élever l’âme, elle n’est alors ni tourmentée par la vaine gloire, ni dominée par la mollesse ou par une passion violente; non, l’action du feu n’est pas si puissante pour faire disparaître la rouille du fer, que la prière pendant la nuit pour effacer la rouille des péchés. Elle rafraîchit pendant la nuit celui que l’ardeur du soleil a brûlé durant le jour, les larmes versées pendant la nuit ont une valeur supérieure à n’importe quelle rosée, elles triomphent de la concupiscence et de tout sentiment de crainte; mais si l’homme n’est point humecté de cette rosée féconde, il a tout à craindre des feux du jour. Si donc vous ne pouvez prier beaucoup pendant la nuit, priez au moins une fois lorsque vous vous éveillez, cela suffit, et montrez ainsi que le repos de la nuit n’est pas seulement utile au corps mais à l’âme. — S. Ambroise : Vous voyez encore ce que vous devez faire avant d’entreprendre quelque oeuvre de piété, puisque Jésus-Christ a prié avant de choisir ses Apôtres : « Et dès l’aurore, il appela près de lui ses disciples, et il en choisit douze parmi eux, à qui il donna le nom d’apôtres», c’est-à-dire ceux qu’il destinait à propager parmi les hommes tous les moyens de salut, et à répandre par toute la terre la semence de la foi. Et remarquez ici l’ordre des décisions de Dieu; ce ne sont point des sages, des riches, des nobles, mais des pêcheurs et des publicains qu’il choisit pour cette mission; il ne veut point qu’on puisse attribuer à l’influence puissante des richesses, de l’autorité, de la noblesse, la conversion des hommes à la grâce de l’Évangile, il veut triompher par la puissance naturelle de la vérité, et non par la supériorité du raisonnement [et de l’éloquence]. — S. Cyrille : Remarquez encore avec quel soin l’Évangéliste, non seulement raconte l’élection des saints Apôtres, mais en fait une énumération exacte pour que personne n’osât en inscrire d’autres que ceux qu’il énumère : « Simon, auquel il donna le nom de Pierre, et André son frère. » — S. Bède : Ce ne fut point alors que Pierre reçut pour la première fois ce surnom, mais longtemps auparavant, lorsqu’ayant été amené à Jésus par André, Jésus lui dit : « Tu t’appelleras Céphas, qui veut dire Pierre. » (Jn 1, 42,) Saint Luc avait l’intention de donner l’énumération des noms des Apôtres, il devait nécessairement y faire entrer le nom de Pierre, il indique donc brièvement que ce nom n’était pas primitivement le sien, mais qu’il lui a été donné par le Sauveur. — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) Le second couple est composé de Jacques et de Jean : « Jacques et Jean » ; ils étaient tous deux fils de Zébédée et pécheurs de profession. Viennent ensuite Philippe et Barthélemy; Philippe, d’après saint Jean, était de Bethsaïde, concitoyen d’André et de Pierre, ainsi que Barthélemy, homme simple, étranger à la science du monde, sans aigreur. Matthieu fut appelé alors qu’il était receveur des impôts : « Matthieu et Thomas. » — S. Bède : Matthieu, par humilité, met son nom après celui de Thomas, son collègue, tandis que les autres Évangélistes le mettent avant. Suite : « Jacques, fils d’Alphée, et Simon, qui est appelé le zélote. » — La Glose : Il est ainsi appelé, parce qu’il était de Cana, en Galilée; or, Cana vent dire zèle, et on l’appelle ainsi pour le distinguer de Simon Pierre : « Judas, fils de Jacques, et Judas Iscariote, qui le trahit. » — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 30.) En citant le nom de Judas, fils de Jacques, Saint Luc paraît différer ici de saint Matthieu, qui donne à Judas le nom de Thaddée; mais qui empêche qu’un même homme ait porté deux ou trois noms ? Le Sauveur choisit pour Apôtre Judas le traître, non par imprévoyance de l’avenir, mais par un dessein providentiel, il avait pris volontairement la fragilité de la nature humaine, il ne refuse pas même les conséquences de cette fragilité; il a voulu être trahi par un de ses Apôtres, afin que si vous êtes vous-même victime de la trahison d’un ami, vous supportiez patiemment les suites de l’opinion erronée que vous aviez de lui, et l’inutilité de vos bienfaits. — S. Bède : Dans le sens mystique, la montagne sur laquelle Jésus-Christ choisit les Apôtres, représente la hauteur de la justice, à laquelle ils devaient parvenir et qu’ils devaient prêcher, et c’est pour ce motif que la loi fut donnée sur une montagne. — S.
Cyrille : Si vous êtes désireux de connaître la
signification des noms des Apôtres, sachez que Pierre veut dire qui délie, ou qui reconnaît, André, puissance brillante, ou qui
répond; Jacques, qui supplante la douleur; Jean, la grâce du Seigneur; Matthieu, qui est donné; Philippe, bouche grande ou orifice de la lampe; Barthélemy, fils de celui qui suspend les eaux; Thomas, abîme ou jumeau; Jacques,
fils d’Alphée, qui supplante les pas de
la vie; Jude, confession, Simon,
obéissance. |
Lectio 4 [85807] Catena in Lc., cap. 6 l. 4 Cyrillus.
Celebrata ordinatione apostolorum, pluribus congregatis et de regione
Iudaeorum, nec non a maritima Tyri et Sidonis, qui erant idololatrae, constituit
eos totius orbis doctores, utpote qui evocarent Iudaeos a legis servitute
cultores autem Daemonum ab errore gentili ad veritatis cognitionem; unde
dicitur et descendens de monte cum illis, stetit in loco campestri, et turba
discipulorum eius, et multitudo copiosa plebis ab omni Iudaea et Ierusalem et
maritima. Beda.
Non a proximo mari Galilaeae maritima dicit, quia hoc non miraculi loco
poneretur; sed a mari magno cognominatur, in quo etiam Tyrus et Sidon
comprehendi poterant; de quibus sequitur et Tyri et Sidonis; quae quia
civitates gentium sunt, consulto nominatim ponuntur, ut quanta sit fama
virtusque salvatoris intimetur, quae exteras etiam ad sanitatem doctrinamque
capessendam civitates accersierat; unde sequitur qui venerant ut audirent eum.
Theophylactus.
Hoc est ad animarum medelam; et sanarentur a languoribus suis, hoc est ad
medelam eorum corporum. Cyrillus.
Postquam autem sacros publicavit apostolos, plurima et ardua fecit
miracula : ut qui convenerant Iudaei et gentiles, scirent eos decoratos esse
a Christo dignitate apostolatus; et quod ipse non erat sicut unus aliorum
hominum, magis autem Deus, ut verbum incarnatum; unde sequitur et omnis turba
quaerebat eum tangere, quia virtus de illo exibat et sanabat omnes. Neque
enim alienam virtutem accipiebat Christus : sed cum naturaliter esset Deus,
propriam virtutem super infirmos emittens sanabat omnes. Ambrosius.
Adverte autem omnia diligenter, quomodo et cum apostolis ascendat, ac
descendat ad turbas; quomodo eum turba non sequitur ad excelsa; denique ubi
descendit, invenit infirmos : in excelsis enim infirmi esse non possunt. Beda.
Raro hoc quoque uspiam vel turbas dominum ad altiora sequi, vel quempiam
debilem invenies in monte curari; sed extincta febre libidinum, accensaque scientiae
luce, pedetentim quemquam ad culmen subire virtutum. Turba autem quae dominum
tangere potuit, spiritus illius virtute sanatur ut supra leprosus domino
tangente mundatur. Tactus ergo salvatoris opus est salutis, quem tangere est
fideliter in eum credere a quo tangi est eius munere sanari. |
Versets 17-19.
— S. Cyrille : Après avoir choisi ses Apôtres, alors qu’il voyait rassemblée autour de lui une grande multitude de peuples de la Judée et aussi de la région maritime de Tyr et de Sidon (contrées dont les habitants étaient idolâtres), il les établit docteurs de tout l’univers; pour affranchir les Juifs de la servitude de la loi, et rappeler des erreurs des Gentils à la connaissance de la vérité, ceux qui rendaient au démon un culte idolâtre : « Il descendit ensuite avec eux, et s’arrêta dans un lieu en forme de plaine, avec la troupe de ses disciples, et une grande multitude de peuple de toute la Judée, de Jérusalem et de la contrée maritime [de Tyr et de Sidon]. » — S.
Bède : Cette région maritime, d’où venait cette
multitude qui suivait le Sauveur, n’est point celle qui avoisinait la mer de
Galilée, il n’y aurait eu en cela rien d’extraordinaire, mais c’était la
région qui touche à la grande mer (et où pouvaient se trouver Tyr et Sidon),
comme l’indique l’Évangéliste : « et de Tyr et de Sidon. »
Ces deux villes qui étaient habitées par des Gentils, sont expressément
désignées pour faire ressortir la grandeur de la renommée et de la puissance
du Sauveur, qui presse des villes idolâtres de venir lui demander la guérison
[de leurs maux] et les enseignements [de la vérité] : « qui étaient
venus pour l’entendre. » — Théophylacte : C’est-à-dire, pour la guérison de leurs âmes, et pour être délivrés de leurs infirmités, c’est-à-dire pour la guérison de leurs corps. — S. Cyrille : Après avoir choisi et désigné les saints Apôtres, Jésus voulant convaincre les Juifs et les Gentils rassemblés en grand nombre, que par ce choix il les avait élevés à la dignité de l’apostolat, et que lui-même était plus qu’un homme, qu’il était Dieu et le Verbe incarné, opéra devant eux plusieurs miracles éclatants : « Et tout le peuple cherchait à le toucher, parce qu’une vertu sortait de lui et les guérissait tous. » En effet, Jésus-Christ n’avait pas recours à une puissance étrangère, mais comme il était Dieu par nature, il guérissait tous les malades en répandant sur eux sa propre puissance. — S. Ambroise : Considérez attentivement toutes ces circonstances, comment Jésus monte avec les Apôtres et descend ensuite vers la foule, car la foule [ne pouvait voir le Christ que dans un lieu peu élevé, elle] ne peut le suivre sur les hauteurs, [sur le sommet des montagnes], mais dès qu’il descend, il trouve des infirmes, car les infirmes ne peuvent se trouver sur les hauteurs. — S. Bède : Rarement vous verrez la foule suivre le Seigneur sur les hauteurs, ou un malade guéri sur une montagne; mais quand la fièvre des plaisirs sensuels est éteinte, et le flambeau de la science divine allumé, chacun tend à s’élever successivement jusqu’au sommet élevé des vertus. La foule qui a eu le bonheur de toucher le Seigneur, est guérie par la vertu de cet attouchement, comme nous avons vu plus haut le lépreux guéri par l’attouchement du Seigneur. L’attouchement du Sauveur est donc un moyen certain de salut, le toucher, c’est croire fermement en lui, être touché par lui, c’est être guéri par sa grâce. |
Lectio 5 [85808] Catena in Lc., cap. 6 l. 5 Cyrillus. Post apostolorum ordinationem, ad evangelicae vitae novitatem
salvator suos discipulos rectificavit. Ambrosius. Divinitatis autem prompturus oracula, incipit esse
sublimior; etsi in humili stabat, tamen oculos elevavit; unde dicitur et ipse
elevatis oculis. Quid est levare oculos nisi interius lumen
aperire? Beda.
Et quamvis generaliter omnibus loquatur, specialius tamen oculos in
discipulos levat; sequitur enim in discipulos suos : ut his qui verbum
intenta cordis aure percipiunt, latius saporis intimi lumen aperiat. Ambrosius.
Quatuor autem tantum beatitudines Lucas posuit, octo vero Matthaeus; sed
in istis octo illae sunt quatuor, et in istis quatuor illae octo. Hic enim
quatuor velut virtutes amplexus est cardinales; ille in illis octo mysticum
ordinem reseravit : sicut enim spei nostrae octava perfectio est, ita octava
summa virtutum est. Primam autem beatitudinem paupertatis uterque Evangelista
posuit : ordine enim prima est, et parens quaedam virtutum : quia qui
contempserit saecularia, ipse merebitur sempiterna : nec potest quisquam
meritum regni caelestis adipisci qui a mundi cupiditate pressus emergendi non
habet facultatem; unde sequitur dicebat : beati pauperes. Chrysostomus.
In Evangelio quidem quod est secundum Matthaeum, beatos fieri dixit
pauperes spiritu, ut intelligamus esse pauperem spiritu, habentem intellectum
modestum, et quodammodo remissum : unde dicit salvator : discite a me, quia
mitis sum et humilis corde. Hic autem beatos asserit pauperes, non addito
spiritu, pauperes appellans divitias contemnentes : decebat enim ut cum
praenuntiaturi essent salutiferi Evangelii dogma, mentem non gererent
cupidam, sed promptum affectum haberent erga maiora. Basilius.
Non autem omnis quem paupertas premit, beatus est, sed qui Christi
praeceptum mundanis praetulerit opibus. Plures enim pauperes sunt in
substantia, avarissimi tamen secundum affectum; quos non salvat paupertas,
sed affectus damnat. Nihil enim involuntarium beatificabile est, eo quod
omnis virtus libero designatur arbitrio. Beatus ergo pauper, quasi Christi
discipulus, qui pro nobis paupertatem sustinuit : nam ipse dominus quodlibet
opus implevit quod ad beatitudinem ducit, se praebens exemplar discentibus.
Eusebius.
Sed cum caeleste regnum in multis gradibus bonorum consideretur, primus
gradus scandentium est eorum qui divino intuitu colunt paupertatem; tales
autem fecit eos qui primo facti sunt eius discipuli : ob hoc in eorum persona
dicit quia vestrum est regnum Dei; quasi demonstrative hoc proferens ad
praesentes, ad quos etiam oculos elevavit. Chrysostomus. Postquam igitur mandavit paupertatem colere, ea quae
consequuntur inopiam coronat honoribus. Contingit autem
paupertatem colentes, necessariorum incurrere defectum, et vix acquirere
victum; idcirco non sinit discipulos pusillanimes super hoc fieri, dicens
beati qui nunc esuritis. Beda.
Idest, beati qui castigatis corpus vestrum et servituti subicitis, qui in
fame et siti verbo operam datis : quia caelestium tunc gaudiorum habebitis
ubertate perfrui. Gregorius
Nyssenus. Altius autem, sicut secundum sensibilem escam diversificatur
participantium appetitus ad comestibilium species, sic et in cibo animae, ab
his quidem opinabile, ab his autem appetitur quod naturaliter est bonum :
unde hic secundum Matthaeum beatificantur qui iustitiam loco cibi et potus
reputant; non, inquam, particularem, sed universalem virtutem, quam qui
esurit beatificandum dicit. Beda.
Apertissime nos instruens nunquam nos satis iustos aestimare debere, sed
quotidianum iustitiae semper amare profectum; ad cuius perfectam saturitatem
non in hoc saeculo, sed in futuro possumus pervenire, ut Psalmista ostendit
dicens : satiabor cum manifestabitur gloria tua; unde sequitur quia
saturabimini. Gregorius Nyssenus. Avidis enim iustitiae, desideratorum copiam
spondet. Nihil enim eorum quae secundum voluptatem in vita quaeruntur satiat
inquirentes; solum autem virtutis studium subsequitur praemium quod
indeficiens gaudium inserit animae. Cyrillus. Consequitur autem inopiam non solum defectus rerum ad
delectationes facientium, sed etiam depressus vultus propter moestitiam; unde
sequitur beati qui nunc fletis. Beatificat flentes, non
eos qui simpliciter ab oculis lacrymas emittunt : commune enim est hoc tam
fidelibus quam infidelibus, si quid tristium accidat. Magis autem illos
beatos asserit qui levem vitam et implicitam carnalibus voluptatibus deditam
vitant, refutantes delicias, et pene lacrymantes propter odium mundanorum. Chrysostomus.
Magnum quid vero secundum Deum tristitia est, et impetrat poenitentiam in
salutem; unde Paulus, cum non haberet suos defectus flere, pro alienis
lugebat. Talis luctus est alacritatis materia : unde sequitur quia ridebitis.
Etenim si nihil prosumus his pro quibus flemus, tamen proficimus
nobismetipsis : nam qui sic aliena deflet, multo magis non praeteribit
inflebiliter sua delicta; magis autem nec facile labetur in scelus. Non
dissolvamur in hac brevi vita, ne suspiremus in infinita : non quaeramus
delicias, a quibus manat luctus et dolor nimius; sed tristemur tristitia, quae
germinat veniam. Est etiam dominum saepius reperire lugentem, ridentem
nequaquam. Basilius.
Promittit autem flentibus risum, non quidem emissum per mandibulas sonum,
sed meram et impermixtam cuilibet tristitiae alacritatem. Beda.
Qui ergo propter divitias hereditatis Christi, propter panem vitae
aeternae, propter spem caelestium gaudiorum, fletus, esuriem, paupertatemque
pati desiderat, beatus est; multo autem beatior qui has virtutes inter
adversa servare non trepidat; unde sequitur beati eritis cum vos oderint
homines : licet enim homines odiant corde nefando dilectum cor Christo
laedere nequeunt. Sequitur et cum separaverint vos. Separent, et a synagoga
expellant : Christus invenit et confirmat. Sequitur et exprobraverint.
Exprobrent nomen crucifixi : ipse commortuos sibi conresuscitat, et consedere
facit in caelestibus. Sequitur et eiecerint nomen vestrum tamquam malum : ubi
nomen Christianorum significat, quod a gentilibus Iudaeisque saepissime
quantum ad ipsos memoriae abrasum, et ab hominibus est abiectum, nulla
existente causa odii, nisi propter filium hominis; qui scilicet credentes
nomen Christi, suum cognomen facere voluerunt. Docet ergo eos ab hominibus
insectandos, sed ultra homines esse beandos; unde sequitur gaudete in illa
die, et exultate : ecce enim merces vestra multa est in caelo. Chrysostomus.
Multum et paucum mensuratur dignitate proferentis. Quaeramus igitur : quis
multam promisit mercedem? Si quidem propheta vel apostolus, velut homo paucum
esse multum existimavit; nunc autem dominus, qui possidet perennes thesauros,
et opes quae quemlibet intellectum transcendunt, multam pollicitus est
mercedem. Basilius.
Rursus, magnum aliquando absolutam habet intentionem; sicut magnum est
caelum, et magna est terra; aliquando vero ad aliquid habet relationem : ut
magnus equus et bos in comparatione similium. Sic arbitror multam fore
mercedem repositam patientibus opprobria propter Christum, non tamquam
comparatam ad ea quae penes nos sunt, sed in se multam existentem, et tamquam
a Deo donatam. Damascenus.
Illa etiam quae mensurari vel numerari possunt, determinate ingeruntur;
quod autem ex quadam excellentia omnem transcendit mensuram et numerum,
indeterminate dicitur magnum et multum : puta quando dicimus multam esse Dei misericordiam.
Eusebius.
Deinde muniens discipulos ad pugnam adversariorum, quam passuri erant per
totum orbem praedicantes, subdit secundum haec enim faciebant prophetis
patres eorum. Ambrosius.
Quia prophetas Iudaei usque ad mortem corporis persecuti sunt. Beda.
Quia vera dicentes solent persecutionem pati; nec tamen ideo prophetae
antiqui timore persecutionis a veritatis praedicatione defecerunt.
Ambrosius. In hoc ergo quod dicit beati pauperes, habes temperantiam, quae
a peccato abstinet, saeculum calcat, illecebrosa non quaerit. Beati qui
esuritis : habes iustitiam : qui enim esurienti compatitur, compatiendo
largitur, largiendo fit iustus, quia iustitia eius manet in aeternum. Beati
qui nunc fletis; habes prudentiam, cuius est flere quotidiana, et ea quae
aeterna sunt quaerere. Beati eritis cum vos oderint homines : habes
fortitudinem; sed eam quae non odium meretur ex crimine, sed persecutionem
patiatur ex fide. Sic enim ad passionis
pervenitur coronam, si gratiam hominum negligas, divinam sequaris. Ergo
temperantia cordis habet munditiam, iustitia misericordiam, pacem prudentia,
mansuetudinem fortitudo. Connexae sibi sunt et concatenatae
virtutes, ut qui unam habet, plures habere videatur : et sanctis una competit
virtus; sed eius quae fuerit uberior, uberius est praemium. Quanta
hospitalitas in Abraham, quanta humilitas? Sed quia fide praestitit, fidei
prae ceteris meruit principatum. Ergo unicuique plura praemia, quia plurima
incentiva virtutum; sed quod in aliquo merito copiosius, hoc etiam in praemio
redundantius. |
Versets 20-23.
— S. Cyrille : Après avoir choisi ses Apôtres, le Sauveur forme ses disciples à la nouveauté de la vie évangélique. — S. Ambroise : Sur le point d’annoncer les divins oracles, il prend une attitude sublime. Le lieu où il se trouve est peu élevé, mais il lève bien haut les yeux : « Alors levant les yeux vers ses disciples. » Qu’est-ce que lever les yeux, si ce n’est découvrir la lumière dont son âme était pleine ? — S. Bède : Il s’adressait à tous en général, cependant il lève plus particulièrement les yeux sur ses disciples : « vers ses disciples », c’est-à-dire qu’il verse en plus grande abondance la lumière de sa grâce intérieure sur ceux qui écoutent sa parole avec un coeur attentif. — S.
Ambroise : Saint Luc ne rapporte que quatre
béatitudes, tandis que saint Matthieu en compte huit, mais on peut dire que
les huit renferment les quatre, comme aussi les quatre comprennent les huit.
Saint Luc a voulu tout ramener aux quatre vertus cardinales, saint Matthieu,
dans les huit béatitudes, nous donne la signification mystérieuse du nombre
huit, car ce nombre huit est la perfection de notre espérance, et comprend
aussi toutes les vertus. Les deux Évangélistes mettent la pauvreté en tête
des autres béatitudes; en effet, elle est la première et comme la mère des
vertus, parce que celui qui méprisera les choses du temps, méritera celles de
l’éternité, et s’il veut obtenir la gloire du royaume des cieux, il faut
nécessairement qu’il se dégage de l’amour du monde qui le presse de toutes
parts : « Et il dit : Bienheureux
les pauvres. » — S. Cyrille ou S. Jean Chrysostome: Dans l’Évangile selon saint Matthieu, nous lisons : « Bienheureux les pauvres d’esprit, » pour nous faire comprendre qu’il y a des pauvres d’esprit qui ont la modestie et l’humilité de l’intelligence, c’est dans ce sens que le Sauveur dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. » Ici, Notre Seigneur dit simplement : « Bienheureux les pauvres, » sans ajouter « d’esprit, » c’est-à-dire bienheureux les pauvres qui méprisent les richesses. Il convenait, en effet, que ceux qui devaient annoncer les vérités de l’Évangile du salut, n’eussent point un esprit cupide, et que leurs affections fussent placées en lieu plus élevé. — S. Basile : (Ps 33.) Cependant gardons-nous de croire que tous ceux que la pauvreté accable, aient part à cette béatitude, elle est réservée à ceux-là seuls qui sacrifient les richesses de la terre aux préceptes de Jésus-Christ. Combien, en effet, sont pauvres des biens de la terre, mais on ne peut plus cupides par leurs désirs; la pauvreté ne les sauve point, mais leurs désirs sont la cause de leur damnation, car rien de ce qui est involontaire ne peut mériter le bonheur éternel, parce qu’on ne peut comprendre la vertu sans le libre arbitre. Bienheureux donc celui qui est pauvre, comme l’est un disciple de Jésus-Christ, qui a souffert pour nous la pauvreté, car le Seigneur a voulu accomplir le premier toutes les oeuvres qui conduisent à la béatitude, en se rendant le modèle de ses disciples. — Eusèbe : On parvient au royaume des cieux par plusieurs degrés de vertus; or, le premier degré est franchi par ceux qui pratiquent la pauvreté pour plaire à Dieu, et Jésus fit cette grâce à ceux qui, les premiers, devinrent ses disciples. Aussi est-ce en s’adressant personnellement à ceux qui étaient devant lui et vers lesquels il avait levé les yeux, qu’il dit : « parce que le royaume des cieux est à vous. » — S.
Cyrille ou S. Jean Chrysostome : Après avoir
recommandé la pratique de la pauvreté, il promet les honneurs aux privations
qu’elle impose. Or, comme ceux qui ont en partage la pauvreté manquent
souvent des choses nécessaires, et peuvent à peine se procurer de quoi vivre,
il affermit ses disciples contre la perspective d’une condition aussi pénible
en leur disant : « Bienheureux
vous qui maintenant avez faim. » — S. Bède : C’est-à-dire bienheureux vous qui châtiez votre corps et le réduisez en servitude, qui vous livrez au ministère de la prédication en souffrant la faim et la soif, parce que vous jouirez un jour de l’abondance des joies célestes. — S. Grégoire de Nysse : (Des béatit., disc. 4.) Dans un sens plus élevé, de même que, pour la nourriture matérielle, les goûts divers des hommes leur font préférer diverses espèces d’aliments; de même pour ce qui est de la nourriture de l’âme, les uns recherchent un bien purement imaginaire, et les autres ce qui est naturellement bon. Aussi saint Matthieu proclame-t-il bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice comme d’une nourriture et comme d’un breuvage, justice qui n’est point la justice considérée comme vertu particulière, mais la justice universelle, et il proclame bienheureux celui qui a faim de cette justice. — S.
Bède : Notre Seigneur nous enseigne on ne peut plus
clairement que nous ne devons jamais nous estimer assez justes, mais chercher
à nous avancer de jour en jour dans la justice; et ce n’est pas dans ce
monde, mais dans la vie future que nous en serons pleinement rassasiés,
suivant cette parole du Psalmiste : « Je
serai rassasié lorsqu’apparaîtra votre gloire (Ps 16). » Aussi le
Sauveur ajoute : « parce que vous
serez rassasiés. » — S. Grégoire de Nysse : Il promet à ceux qui sont avides de la justice, l’abondance de tous les biens désirables, car aucune des voluptés qu’on recherche dans la vie ne peut rassasier ceux qui les poursuivent; seul, le désir de la vertu est suivi d’une récompense qui répand dans l’âme une gloire sans limite comme sans durée. — S. Cyrille : Une des suites de la pauvreté, c’est non seulement la privation de toutes les choses qui procurent quelque plaisir, mais encore la tristesse qu’elle répand sur le visage, c’est pourquoi il ajoute : « Bienheureux vous qui pleurez maintenant. » Il appelle bienheureux ceux qui pleurent, non pas ceux dont les yeux versent extérieurement des larmes (ce qui est commun aux fidèles et aux infidèles, quand le malheur les atteint), mais il proclame surtout bienheureux ceux qui fuient une vie légère toute plongée dans les vices et dans les voluptés de la chair, ceux qui ont horreur de ce qui fait les délices des hommes, et qui sont comme dans les pleurs par le dégoût que leur causent les vanités du monde. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) La tristesse qui est selon Dieu, est d’un grand prix à ses yeux, et elle obtient la pénitence qui conduit au salut. Aussi saint Paul, qui n’avait point de fautes personnelles à pleurer, versait des larmes pour les péchés d’autrui; heureuses larmes qui deviennent une source de joie : « parce que vous rirez. » Si, en effet, nos larmes sont inutiles à ceux pour qui nous les répandons, elles ne sont pas inutiles pour nous, car celui qui pleure ainsi les péchés des autres, à plus forte raison pleurera ses propres fautes, et se garantira plus facilement contre de nouvelles chutes. Gardons-nous donc de la dissolution pendant cette vie si courte, pour ne point nous exposer à des gémissements sans fin; ne recherchons pas les plaisirs qui sont une source de larmes amères et de douleur profonde, mais affligeons-nous de cette tristesse qui engendre le pardon. Souvenons-nous, d’ailleurs, qu’on vit bien souvent le Seigneur pleurer, mais qu’on ne le vit point rire une seule fois. — S. Basile : (hom. sur l’act. de grâces.) Il promet la joie, le rire à ceux qui pleurent, non point sans doute ce rire extérieur qui sort des lèvres, mais une joie pure et sans mélange d’aucune tristesse. — S. Bède : Heureux donc celui qui, en vue du riche héritage de Jésus-Christ, du pain de la vie éternelle, de l’espérance des joies célestes, désire subir les larmes, la faim, la pauvreté; mais plus heureux celui qui pratique courageusement ces vertus au milieu de l’adversité : « Vous serez bienheureux quand les hommes vous haïront. » Les hommes peuvent vous haïr, mais la méchanceté de leur coeur ne peut atteindre un coeur aimé de Jésus-Christ. Suite : « Lorsqu’ils vous sépareront. » Qu’ils vous séparent, qu’ils vous chassent de la synagogue, Jésus-Christ saura bien vous trouver et vous fortifier : « Ils vous traiteront injurieusement. » Ils vous feront un outrage du nom du crucifié, mais lui-même ressuscite ceux qui meurent avec lui, et il les fait asseoir avec lui dans les cieux (Ep 2, 6;2 Tm 2, 2). Suite : « Et ils rejetteront votre nom comme mauvais. » Il veut parler du nom des chrétiens que les Gentils et les Juifs se sont efforcés, autant qu’ils le pouvaient, de détruire complètement, et que les hommes ont rejeté, sans aucun autre motif de haine que le Fils de l’homme, et parce que les fidèles ont choisi pour leur nom le nom même du Christ (Ac 11, 26). Il leur prédit donc qu’ils seront persécutés par les hommes, mais que le bonheur qui les attend est au-dessus de toute pensée humaine : « Réjouissez-vous en ce jour-là, et soyez transportés de joie, car voici que votre récompense est grande dans les cieux. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) La signification de ces mots beaucoup et peu, doit se mesurer par la dignité de celui qui les emploie. Or, quel est celui qui promet une grande récompense ? Un prophète ou un Apôtre, qui ne sont que des hommes, eussent estimé peut-être comme considérable ce qui ne l’était pas, mais ici celui qui promet cette grande récompense, c’est le Seigneur qui possède des trésors éternels et des richesses au-dessus de toute conception humaine. — S. Basile : Quelquefois encore le mot grand a une signification absolue comme dans ces propositions : Le ciel est grand, la terre est grande; quelquefois une signification purement relative, comme lorsque nous disons qu’un cheval est grand, qu’un boeuf est grand, par comparaison avec d’autres animaux. Or, j’estime que la récompense réservée à ceux qui sont en butte aux outrages pour Jésus-Christ sera grande, non par comparaison avec les choses de la terre, mais grande en elle-même et digne de la magnificence du Dieu qui la donne. — S. Jean Damascène : (De la log., chap. 40.) Tout ce qui peut être mesuré ou compté s’exprime d’une manière déterminée, mais on appelle grandes, considérables en général, les choses qui, par leur excellence, sont au-dessus de tout nombre et de toute mesure, et c’est ainsi que nous disons que la miséricorde de Dieu est grande. — Eusèbe : Notre Seigneur arme ensuite les Apôtres pour le combat contre leurs adversaires, combat qu’ils devaient soutenir en prêchant l’Évangile par tout l’univers, et il ajoute : « C’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes. » — S. Ambroise : En effet, les Juifs persécutèrent les prophètes, jusqu’à leur ôter la vie. — S. Bède : Ceux qui disent la vérité sont ordinairement persécutés, mais jamais les anciens prophètes ne cessèrent d’annoncer la vérité par crainte de la persécution. — S. Ambroise : « Bienheureux les pauvres. » Voilà la tempérance qui s’abstient du mal, foule aux pieds les choses du monde et ne recherche point les plaisirs séducteurs : « Bienheureux vous qui avez faim. » Voilà la justice, car celui qui a faim, a compassion de celui qui éprouve le même besoin, la compassion le rend charitable, la charité le rend juste, et sa justice demeure éternellement (Ps 111, 8). « Bienheureux vous qui pleurez maintenant. » Voilà la prudence qui pleure sur les choses du jour qui passe, et s’attache aux biens de l’éternité. « Vous serez bienheureux quand les hommes vous haïront. » Voilà la force, non celle qui s’attire la haine par ses violences criminelles, mais celle qui souffre la persécution pour la foi. C’est ainsi que vous mériterez la couronne réservée à la souffrance, si vous méprisez la faveur des hommes pour ne rechercher que celle de Dieu. La tempérance produit donc la pureté du coeur, la justice produit la miséricorde, la prudence produit la paix, la force produit la douceur. Ces vertus sont unies et étroitement liées entre elles, de sorte que celui qui en possède une, paraît avoir toutes les autres. Les saints ont tous une vertu qui leur est propre, mais celle qui est plus féconde en fruits de salut, est aussi celle qui obtient la plus grande récompense. Quel amour de l’hospitalité, quelle humilité profonde dans Abraham ! mais comme il a brillé surtout par sa foi ! c’est à cette vertu qu’il doit son plus beau titre de gloire. Chacun donc peut obtenir plusieurs récompenses, parce qu’il a un grand nombre d’occasions de pratiquer les vertus; mais la vertu dont la fécondité aura été plus grande, recevra aussi la récompense la plus magnifique. |
Lectio 6 [85809] Catena in Lc., cap. 6 l. 6 Cyrillus.
Praedicto, quod paupertas propter Deum causa sit cuiuslibet boni, et quod
esurire et flere non vacabit mercede sanctorum, transfert sermonem ad
apposita, et innuit ipsa damnationis et supplicii fore materiam; unde dicitur
verumtamen vae vobis divitibus, qui habetis consolationem vestram. Cyrillus.
Haec enim dictio vae semper in Scripturis dicitur his qui non possunt
evadere a futuro supplicio. Ambrosius.
Licet autem in pecuniariis copiis multa sint lenocinia delictorum,
pleraque tamen sunt incentiva virtutum; quamquam virtus subsidia non
requirat, et commendatior sit collatio pauperis, quam divitis liberalitas;
tamen non eos qui habent divitias, sed eos qui uti his nesciant, sententiae
caelestis auctoritate condemnat. Nam ut ille pauper laudabilior est qui
prompto largitur affectu, ita criminosior dives est qui de eo referre gratiam
Deo debuit quod accepit, nec censum ad communem usum datum sine usu
abscondere. Non census igitur, sed affectus in crimine est. Et quamquam nulla
poena gravior sit quam successorum profutura compendiis anxio timore servare,
tamen quoniam avaritiae desideria congerendi quadam voluptate pascuntur, qui
consolationem vitae praesentis habuerunt, remunerationem perpetuam
perdiderunt. Possumus tamen hic divitem intelligere populum Iudaeorum, vel
haereticos, vel certe Pharisaeos, qui ubertate verborum, et quodam ambitiosae
facundiae patrimonio delectati, simplicitatem verae fidei supergressi,
thesauros inutiles condiderunt. Sequitur vae vobis qui saturati estis, quia
esurietis. Beda.
Dives ille purpuratus saturabatur, epulans quotidie splendide; sed dirum
vae sustinebat esuriens, quando de Lazari, quem despexerat, digito guttam
aquae quaerebat. Basilius.
Quod autem necessaria sit abstinentiae ratio, palam est ex eo quod
apostolus eam inter fructus spiritus enumeravit. Subiectio enim corporis per
nihil aliud sic obtinetur, sicut per abstinentiam; qua sicut quodam freno
decet compescere iuventutis fervorem. Est igitur abstinentia interemptio
criminis, amotio passionum, vitae spiritualis initium, obtundens in se
illecebrarum aculeum. Ne autem coincidentia fiat cum inimicis Dei, decet
accipi quodlibet cum exigit tempus, ad ostendendum quod mundis omnia munda;
procedendo quidem ad necessaria vitae, abstinendo autem omnino ab his quae
faciunt ad voluptatem. Attamen nec eamdem horam sibi cunctos sancire
possibile, nec modum, nec mensuram. Sit autem communis intentio non expectare
repletionem; replere namque ventrem, ipsum quoque corpus inutile facit erga
proprias operationes, somnolentum, et ad nocumenta dispositum. Beda.
Aliter. Si beati sunt illi qui iustitiae semper esuriunt opera, infelices
e contra aestimandi sunt qui sibi in desideriis placentes, nullam veri boni
famem patiuntur. Sequitur vae vobis qui ridetis nunc, quia lugebitis et
flebitis. Basilius.
Cum dominus ridentes nunc arguat, palam est quod numquam erit fideli
tempus risus; et praecipue in tanta multitudine eorum qui in peccato moriuntur,
pro quibus oportet lugere. Superfluus autem risus est immoderantiae signum,
et effrenis animae motus; sed usque ad vultus iucunditatem exprimere
passionem animae non dedecet. Chrysostomus.
Dic autem mihi cur concuteris et defluis qui debes assistere terribili
iudicio, et ponere rationem de omnibus hic operatis? Beda.
Quia vero ipsa peccati nutrix adulatio, sicut oleum flammis, sic in culpa
ardentibus solita est ministrare fomentum, subdit vae cum benedixerint vobis
omnes homines. Chrysostomus. Non autem contrarium est quod hic dicitur
ei quod alibi dominus dicit : luceat lux vestra coram hominibus, ut scilicet
manifestemus bene agere ad gloriam Dei, non ad propriam. Perniciosum enim
quid est inanis gloria : et inde sumit ortum iniquitas atque desperatio, et
mater malorum avaritia. Quod si viam quaeris divertendi ab hoc, dirigas
aspectum semper ad Deum, et esto contentus ea quae apud eum est gloria : nam
si in qualibet facultate doctiores eligere oportet in arbitros, quomodo
virtutis experimentum pluribus credis, non autem illi qui prae omnibus eam
novit, et dare et coronare potest? A quo si gloriam cupis, vita laudem
humanam : de nullo enim alio magis consuevimus admirari quam de respuente
gloriam. Quod si nos, multo magis dominus omnium. Deinde illud consideres,
quod hominum gloria celeriter deficit, quia per cursum temporis oblivioni
traditur. Sequitur secundum haec enim faciebant pseudoprophetis patres eorum.
Beda.
Pseudoprophetae significantur, eo quod ad captandum vulgi favorem futura
praeloqui conentur. Itaque dominus in monte beatitudines solummodo proborum,
in campo vero etiam vae describit reproborum : quia rudes adhuc auditores
necesse est terroribus ad bona compelli, perfectos autem satis est praemiis
invitari. Ambrosius.
Et attende quod Matthaeus, praemiis ad virtutem et fidem populos
provocavit; hic autem etiam a criminibus atque peccatis futurorum
suppliciorum denuntiatione deterruit. |
Versets 24-26.
— S. Cyrille : Notre
Seigneur vient d’enseigner que la pauvreté supportée en vue de Dieu, est la
cause de tout bien, et que la faim et les larmes auront droit à la récompense
des saints; il passe maintenant aux vices opposés à ces vertus, et les
présente comme une cause de damnation et de supplice : « Malheur à
vous, riches, qui avez votre consolation. » — S. Jean Chrysostome ou S.Cyrille : (hom. 17 sur la Gen.) Cette locution malheur s’adresse toujours dans l’Écriture à ceux qui ne peuvent échapper au supplice de la vie future. — S. Ambroise : L’abondance des richesses est la source de bien des séductions coupables, mais aussi de bien des inspirations vertueuses. Quoique la vertu ne recherche pas l’opulence, et que l’aumône du pauvre soit plus agréable à Dieu que la libéralité du riche; cependant ce ne sont point ceux qui ont des richesses, mais ceux qui ne savent point en faire usage qui sont atteints par la sentence divine. En effet, le pauvre a d’autant plus de mérite, qu’il donne par un mouvement spontané du coeur; et le riche est d’autant plus coupable, qu’il devait rendre grâce à Dieu de ce qu’il a reçu, et ne point réserver inutilement une fortune qui ne lui a été donnée que pour l’utilité commune. Ce ne sont donc point les richesses qui sont mauvaises, c’est l’attachement aux richesses qui est coupable. Et quoiqu’il n’y ait pas de plus grand tourment pour l’avare que d’entasser avec crainte et inquiétude des trésors dans l’intérêt de ses héritiers, cependant, parce que ses désirs d’amasser ont pour lui quelque attrait, il est juste que ceux qui ont la consolation de la vie présente, perdent les joies de la vie éternelle. Nous pouvons aussi comprendre que ces riches sont la figure du peuple juif ou des hérétiques, ou plutôt des pharisiens qui, se complaisant dans l’abondance des paroles et dans l’éloquence prétentieuse de leurs discours, ont dépassé la simplicité de la vraie foi et amassé des trésors inutiles. « Malheur à vous qui êtes rassasiés,
parce que vous aurez faim. » — S. Bède : Ce riche, vêtu de pourpre, se rassasiait en s’asseyant tous les jours à des tables splendidement servies, mais il souffrit ensuite ce cruel malheur, lorsque [dévoré par la soif], il demandait que Lazare - qu’il avait méprisé - trempât le bout de son doigt dans l’eau [pour rafraîchir sa langue]. — S. Basile : L’Apôtre prouve la nécessité de la tempérance, en la plaçant parmi les fruits de l’Esprit (Ga 5). En effet, voulez-vous soumettre votre corps ? pas d’autre moyen d’y arriver que la tempérance, elle est comme un frein à l’aide duquel nous devons modérer l’ardeur de la jeunesse. La tempérance est donc la mort des crimes, l’apaisement des passions, le principe de la vie spirituelle, elle émousse l’aiguillon des plaisirs séducteurs. Néanmoins, pour éviter d’être confondus avec les ennemis de Dieu, nous devons, lorsque les circonstances l’exigent, accepter ce qui nous est présenté, pour montrer que tout est pur pour ceux qui sont purs, et user des choses nécessaires à la vie, en nous interdisant tout ce qui peut favoriser la volupté. D’ailleurs, tous ne peuvent pas s’imposer la même heure, ni la même manière, ni la même mesure dans la pratique de la tempérance, mais tous doivent avoir la même intention, de ne point aller jusqu’à la satiété, car la réplétion de l’estomac rend le corps lui-même impuissant à remplir ses fonctions, l’appesantit et le dispose au mal. — S. Bède : Ou encore, si ceux qui ont faim des oeuvres de justice, sont heureux, combien sont malheureux, au contraire, ceux qui cherchent à satisfaire tous leurs désirs, et n’éprouvent aucune faim du bien véritable. « Malheur à vous qui riez maintenant car vous serez dans le deuil et dans les larmes. » — S. Basile : Puisque le Seigneur menace ici ceux qui rient, il est donc évident que dans aucun temps, le vrai fidèle ne doit s’abandonner au rire, à la vue surtout de la multitude si grande de ceux qui meurent dans le péché et sur lesquels il faut bien plutôt verser des larmes. D’ailleurs, le rire immodéré est le signe d’un esprit déréglé et d’une âme désordonnée; toutefois il n’est pas défendu de manifester la joie intérieure, en donnant au visage une certaine expression de gaieté. — S. Jean Chrysostome : Mais dites-moi pourquoi cette dissipation, ces rires immodérés dans un chrétien qui doit paraître au terrible jugement de Dieu, et rendre compte de tout ce qu’il a fait ici-bas ? — S. Bède : La flatterie nourrit le péché, et, semblable à l’huile qui excite le feu, elle fournit un aliment à l’ardeur du mal; aussi Notre Seigneur ajoute : « Malheur à vous, quand les hommes vous loueront, » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Cette recommandation n’est point opposée à ces autres paroles que prononce ailleurs le Sauveur : « Que votre lumière luise devant les hommes (Mt 5). » En effet, nous devons avoir un saint empressement à faire le bien pour la gloire de Dieu, et non pour notre propre gloire, car rien de plus funeste que la vaine gloire, elle engendre l’injustice, le désespoir et l’avarice, mère de tous les maux. Si donc vous voulez éviter ces funestes effets, tenez vos regards constamment tournés vers Dieu, et contentez-vous de la gloire qui vient de lui. Car, si, en toute espèce de chose, on doit choisir les plus savants pour arbitres, comment pourriez-vous confier l’appréciation de votre vertu aux hommes plutôt qu’à Dieu, qui la connaît mieux qu’eux tous, qui en est à la fois l’auteur et la récompense ? Si vous désirez la gloire qui vient de Dieu, fuyez donc les louanges des hommes, car nul n’a plus de droit à notre admiration que celui qui dédaigne la gloire, et si tels sont nos sentiments, à plus forte raison ceux du souverain Maître de toutes choses. Considérez, d’ailleurs, que la gloire des hommes passe bien vite, parce que le cours rapide du temps la fait tomber dans l’oubli. « Car c’est ainsi que leurs pères
faisaient aux faux prophètes. » — S. Bède : Les faux prophètes sont ainsi appelés, parce qu’ils s’efforçaient de prédire l’avenir pour gagner la faveur du peuple. Or, Notre Seigneur n’a proclamé sur la montagne que les béatitudes des bons, tandis que, descendu dans la plaine, il prédit aussi les supplices des réprouvés, parce que les auditeurs encore ignorants, ont besoin d’être poussés dans la voie du bien par la crainte des châtiments, tandis qu’il suffit pour les parfaits, de les inviter par l’attrait des récompenses. — S. Ambroise : Remarquez encore que saint Matthieu attire les peuples à la foi et à la vertu par la perspective des récompenses, tandis que saint Luc cherche à les éloigner des crimes et du péché par la menace des châtiments futurs. |
Lectio 7 [85810] Catena in Lc., cap. 6 l. 7 Beda.
Quia dixerat supra quid ab inimicis pati possent, nunc qualiter cum eisdem
inimicis agere debeant ostendit, dicens sed vobis dico qui auditis. Ambrosius.
Non otiose plurimorum factorum caelestium enumeratione progressus ad hunc
locum serius venit, ut populus divinis miraculis roboratus ultra legis
tramitem virtutum vestigiis progredi edoceretur. Denique inter tria maxima,
spem, fidem et caritatem, maior est caritas, quae ordinatur cum dicitur
diligite inimicos vestros. Basilius.
Inimici quidem proprium est obesse et insidiari. Omnis igitur qui
qualitercumque nocet alicui, dicitur inimicus. Cyrillus.
Conveniens autem erat huiusmodi conversatio doctoribus sanctis, qui
praedicaturi erant ubique terrarum salutarem sermonem; quos si contingeret
velle recipere de persequentibus vindictam, omisissent eos ad cognitionem
veritatis vocare. Chrysostomus
in Matthaeum. Non autem dicit : ne odio habeas; sed : diligas; neque
simpliciter mandavit diligere, sed etiam benefacere; unde sequitur benefacite
his qui oderunt vos. Basilius.
Verum quia homo ex corpore consistit et anima, secundum animam quidem
benefaciemus, huiusmodi arguentes et commonentes eos, et omnino ad
conversionem manuducentes; secundum corpus autem benefacientes eis in
necessariis victui. Sequitur benedicite maledicentibus vobis. Qui
enim percutiunt proprias animas, digni sunt lacrymis et fletibus, non
maledictionibus. Nihil enim detestabilius est anima maledica, nec immundius
lingua quae maledictiones effert. Homo es; aspidum venena non evomas, nec
vertaris in belluam. Est tibi datum os, non ut mordeas, sed ut aliorum
vulnera sanes. Inimicos autem mandavit nobis annumerare gradui amicorum, non
quorumcumque, sed praecipuorum, pro quibus orare solemus; unde sequitur orate
pro persequentibus vos. Plerique autem e contra procumbentes, et fronte super
terram percutientes, et manus expandentes, non pro suis criminibus orant
Deum, sed adversus inimicos; quod nihil aliud est quam seipsum transfodere.
Cum eum qui prohibuit contra inimicos orare, precaris ut te maledicentem
inimicis exaudiat, quomodo possibile est audiri, quando provocas exauditurum,
verberando inimicum coram rege, etsi non manibus, verbis tamen? Quid facis,
homo? Stas ut veniam impetres peccatorum, et imples os amaritudine.
Mitigationum est tempus, orationis et gemitus, non furoris. Beda.
Sed merito movetur quaestio, quomodo in prophetis inveniuntur multae
imprecationes adversus inimicos. Ubi videndum est, quia prophetae per
imprecationem quid esset futurum cecinerunt, non optantis voto, sed spiritu
praevidentis. Cyrillus.
Vetus autem lex mandabat non offendere alios; vel si prius fuerimus laesi,
non ultra proportiones laedentium iras protendere; sed perfectio legis in
Christo est, et in suis mandatis; unde sequitur et qui te percutit in
maxillam, praebe ei et alteram. Chrysostomus in Matthaeum. Nam et medici cum calce feriuntur ab
insanis, tunc maxime miserentur eis, et accingunt se ad eorum remedia. Tu
quoque similem habeas coniecturam erga persequentes : ipsi namque sunt qui
praecipue infirmantur; nec prius desistamus quam totam amaritudinem
evomuerint; tunc uberes gratias agent tibi, et ipse Deus te coronabit, eo
quod fratrem tuum in pessima aegritudine liberasti. Basilius.
Fere autem cuncti contra hoc mandatum procedimus; et praesertim potentes
vel principes, non solum si passi fuerint contumelias, sed et si praestita
eis non sit reverentia, adversarios reputantes quicumque eos minus reveriti
sunt quam se reputaverunt dignos. Est autem magna infamia principis esse
promptum ad vindictam : nam et qualiter alium docebit nil mali pro malo
rependere, qui nocenti retribuere satagit? Cyrillus.
Vult autem dominus insuper esse contemptorem rerum; unde sequitur et ab eo
qui aufert tibi vestimentum, etiam tunicam noli prohibere : haec est enim
virtus animae quae omnino aversa est a passione cupiditatis divitiarum. Decet
enim eum qui pius est et oblivisci malorum, ut et ea quibus caros amicos
iuvamus, persequentibus conferamus. Chrysostomus
in Matthaeum. Non autem dixit : fer humiliter iniuriantis impetum; sed :
procedas per sapientiam, et ulterius te disponas ad patiendum quae ille cupiat
facere, superans insolentiam eius ubertate prudentiae, ut habito pudore in
excellenti patientia tua discedat. Sed dicet aliquis : quomodo potest hoc
fieri? Cum videris Deum factum hominem, tot passum pro te, adhuc quaeris et
dubitas quomodo possibile sit nequitiis ignoscere conservorum? Quis tale
passus est quale dominus tuus dum ligaretur, flagellaretur, sputa perferens,
mortem patiens? Unde sequitur omni autem petenti te tribue. Augustinus
de Serm. Dom. Non dicit : omnia petenti; sed ut id des quod iuste et
honeste potes, idest quod nec tibi, nec alteri noceat, quantum sciri aut
credi ab homine potest; et cui iuste negaveris quod petit, indicanda est
iustitia; et aliquando melius aliquid tribues, cum petentem iniusta
correxeris. Chrysostomus.
In hoc tamen peccamus non modicum, non solum non dando petentibus, sed et
eos increpando. Cur, inquis, non laborat? Cur otiosus alitur? Dic mihi : et
tu laborando possides? Sed et si laboras, ad hoc laboras ut vituperes alium?
Propter unicum panem et tunicam appellas cupidum. Nihil tribuis? Nec
convicieris. Cur nec tu misereris, et volentibus dissuades? Si cunctis
indifferenter erogaverimus, semper miserebimur. Quia enim Abraham cunctos
recipiebat, recepit et Angelos. Nam etsi homicida sit et praedo, nonne tibi
dignus videtur panis habendi? Non igitur simus severi aliorum censores, ne
nos quoque exquisite iudicemur. Sequitur et qui aufert quae tua sunt, ne
repetas. Chrysostomus.
A Deo percipimus omnia; quod autem dicimus meum et tuum, nuda tantum sunt
verba : si namque domum tuam asseris, emisisti verbum carens subsistentia rei
: nam et aer et solum et caementum creatoris sunt, tu etiam ipse qui domum
construxisti : sed et si tuus sit usus dubitatur, non solum propter mortem,
sed etiam propter rerum eventus. Anima tua non possidetur a te, et quo pacto
tuae reputabuntur opes? Vult autem Deus tua fore quae tibi pro fratribus
credita sunt; fient autem tua, si pro aliis dispensaveris; si vero tibi
affluenter expenderis, quae sunt tua iam facta sunt aliena. Sed propter
nefandam opum cupidinem homines in curiis conrixantur; contra quod Christus
ait et qui aufert quae tua sunt, ne repetas. Augustinus
de Serm. Dom. Quod de veste, domo, fundo, iumento, et generaliter omni
pecunia dicit. Non autem Christianum oportet sic possidere servum quomodo
equum aut argentum. Servus si honestius a te regeretur quam ab illo qui eum
tibi cupit auferre; nescio utrum quisquam dicere audeat eum debere contemni.
Chrysostomus.
Est autem nobis insita lex naturalis, per quam dignoscimus quid sit virtus
et vitium; unde sequitur et prout vultis ut faciant vobis homines, et vos
facite illis similiter. Non ait : quaecumque non vultis ut faciant, nec vos
faciatis : cum enim duae sint viae quae ducunt ad virtutem, scilicet
abstinentia mali, et operatio boni, hanc ponit, per istam et illam
significans. Et si quidem dixisset : ut sitis homines, diligite bestias,
esset mandatum difficile; si vero homines diligere iussit, ad quod naturalis
monitio est, quam difficultatem res continet, quam leones et lupi servant, in
quibus naturalis cognatio amicitiam cogit? Ostenditur igitur quod Christus
nihil statuit nostram transcendens naturam; sed quod dudum inseruit
conscientiae nostrae, docet; ut propria voluntas pro lege sit tibi; ut si vis
bene tibi, bene facias alii; si vis ut alius tui misereatur, proximi
miserearis. |
Versets 27-31.
— S.
Bède : Après avoir prédit à ses disciples ce qu’ils
pourraient avoir à souffrir de la part de leurs ennemis, il leur apprend
maintenant la conduite qu’ils devront tenir à l’égard de ces mêmes ennemis : « Mais je vous dis, à vous qui
m’écoutez. » — S. Ambroise : Ce n’est point sans raison qu’il a fait précéder d’une suite d’actions toute célestes d’aussi sublimes enseignements. Il voulait enseigner aux peuples, fortifiés par ces miracles de la puissance divine, à s’avancer comme sur les pas de ces prodiges, au delà des limites étroites de la loi. D’ailleurs, de ces trois grandes vertus, la foi, l’espérance et la charité, c’est la charité qui est la première (1 Co 13, 13; Ct 1, 4), et c’est elle que le Sauveur nous recommande, lorsqu’il dit : « Aimez vos ennemis. » — S. Basile : (règles abrég., rép. à la quest., 176.) C’est le propre des ennemis de nuire et de tendre des embûches; tous ceux donc qui, de quelque manière que ce soit, cherchent à nuire quelqu’un, sont ses ennemis. — S. Cyrille : Il fallait pénétrer de ces [divins] enseignements les saints docteurs qui devaient prêcher la parole du salut par tout l’univers; car s’ils s’étaient laissé aller à tirer vengeance de leurs persécuteurs, jamais ils ne les auraient appelés à la connaissance de la vérité. — S. Jean Chrysostome : (hom. 48 sur Matth.) Il ne dit pas : Ne haïssez point, mais : « Aimez, » et non seulement il leur recommande d’aimer mais même de faire du bien : « Faites du bien à ceux qui vous haïssent. » — S. Basile : Or, l’homme étant composé d’une âme et d’un corps, nous faisons du bien à l’âme de nos ennemis en les reprenant, en les avertissant, en les amenant, comme par la main, à se convertir à une vie meilleure, et nous faisons du bien à leur corps, en leur procurant les choses nécessaires à la vie. « Faites
du bien à ceux qui vous maudissent. » — S. Jean Chrysostome : Ceux qui blessent ainsi leur âme sont bien plus dignes de larmes amères que de malédictions; quoi de plus détestable, en effet, qu’une âme d’où sortent les malédictions, quoi de plus immonde que la langue qui les profère ? Vous êtes des hommes, ne distillez pas ainsi le venin de l’aspic, ne vous changez pas en bête féroce; Dieu vous a donné la bouche, non pour déchirer, mais pour guérir les plaies de vos frères; et quant à vos ennemis, il vous ordonne de les mettre au rang de vos amis, et non de n’importe lesquels mais de vos amis les plus chers, de ceux pour lesquels vous avez coutume de prier : « Priez pour ceux qui vous persécutent». Mais, au contraire, la plupart de ceux qui se couchent et se prosternent la face contre terre, les mains étendues, au lieu de supplier Dieu de leur pardonner leurs crimes, l’implorent contre leurs ennemis, c’est-à-dire qu’ils se percent de leurs propres mains. Quoi, vous priez celui qui a défendu les imprécations contre les ennemis, d’écouter les malédictions que vous proférez contre eux, et vous espérez d’être exaucés, vous qui provoquez sa juste colère, en frappant votre ennemi devant son roi ? [car vous le frappez réellement], sinon avec la main, au moins par vos paroles. Que faites-vous donc, ô homme ? Vous venez implorer le pardon de vos péchés, et votre bouche est remplie d’amertume, ah ! croyez-moi, c’est le temps de la pacification, de la prière, des gémissements, et non celui de la fureur. — S. Bède : Mais on se demande alors, pourquoi nous trouvons dans les prophètes tant d’imprécations contre les ennemis ? Nous répondons que, par ces imprécations, les prophètes ont simplement prédit ce qui devait arriver; ainsi ce n’étaient point des voeux qui exprimaient leurs désirs, mais des prédictions qui leur étaient révélées par l’Esprit saint. — S. Cyrille : L’ancienne loi défendait toute offense envers le prochain, ou si on en avait été offensé le premier, elle défendait de dépasser dans la vengeance la mesure de l’offense qu’on avait reçue; mais la perfection de la loi ne se trouve ici que dans Jésus-Christ et dans ses commandements : « A celui qui vous frappe sur une joue, présentez encore l’autre. » — S. Jean Chrysostome : En effet, lorsque les médecins reçoivent des coups de pieds des furieux qu’ils cherchent à guérir, leur compassion pour ces malheureux redouble, et ils s’appliquent avec plus de zèle à leur guérison; telle est la conduite que vous devez tenir à l’égard de ceux qui vous persécutent; car ce sont eux surtout qui sont malades, ne cessez donc point de leur prodiguer des soins, jusqu’à ce qu’ils aient vomi toute l’amertume [de leur âme]; alors ils vous rendront grâces, et Dieu lui-même vous couronnera, pour avoir délivré votre frère d’une maladie des plus funestes. — S. Basile : (sur Is 1, 23.) Presque tous les hommes transgressent ce commandement, surtout les puissants et les princes, non seulement quand on les outrage, mais encore quand on leur manque de respect; ils regardent comme des ennemis tous ceux qui ne leur rendent pas les honneurs dont ils se croient dignes. Or, c’est une grande honte pour un prince que de céder si facilement à la vengeance; comment, en effet, pourra-t-il enseigner aux autres à ne point rendre le mal pour le mal (Rm 12), lui qui est si prompt à se venger de ceux qui l’offensent ? — S. Cyrille : Le Seigneur veut encore que nous professions un grand mépris pour les biens que nous possédons : « Celui qui vous prend votre manteau, laissez-le prendre aussi votre tunique. » Voilà la vertu d’une âme entièrement exempte de la passion et du désir des richesses; en effet, celui qui est miséricordieux, doit oublier le mal qu’on lui fait, et abandonner à ses ennemis ce qu’il donnerait à ses meilleurs amis. — S. Jean Chrysostome : (hom. 18 sur Matth.) Le Sauveur ne dit pas : Supportez humblement la violence de celui qui vous outrage; mais procédez avec sagesse, et préparez-vous à souffrir tout le mal qu’il veut vous faire; dominez son insolence par une prudence à toute épreuve, et faites qu’il se retire couvert de honte à la vue de votre patience inaltérable. Vous me direz, comment pouvoir mettre en pratique ce précepte ? Quoi ! en voyant celui qui s’est fait homme et qui a tant souffert pour vous, vous hésitez encore, et vous demandez comment on peut pardonner à ses frères les outrages dont ils se sont rendus coupables ? Mais qui donc d’entre vous a jamais souffert d’aussi grands outrages que votre Seigneur, chargé de chaînes, flagellé de coups, couvert de crachats, et enfin mis à mort ? Il ajoute : « Donnez à quiconque vous demande. » — S. Augustin : (serm. du Seig., 1, 40.) Il ne dit pas : Donnez-leur tout ce qu’ils demandent, mais : « Tout ce que vous pouvez leur donner d’après les règles de la justice et de la bienséance, » c’est-à-dire ce qui n’est nuisible ni pour lui ni pour vous, autant qu’il est possible à l’homme de le prévoir; et lorsque vous lui refusez justement ce qu’il demande, il faut lui faire apprécier la justice de ce refus, et souvent vous lui ferez un présent bien supérieur à ce qu’il désire, en lui faisant comprendre l’injustice de sa demande. — S. Jean Chrysostome : Nous nous rendons souvent grandement coupables, non seulement en ne donnant pas à ceux qui nous demandent, mais en les accablant de reproches. Pourquoi, dites-vous, ne travaille-t-il point ? pourquoi vit-il dans l’oisiveté ? Dites-moi, et vous-même, est-ce par votre travail que vous avez acquis les biens que vous possédez ? et si vous travaillez, est-ce pour acquérir le droit de blâmer les autres ? Quoi ! parce qu’un homme vous demande du pain et de quoi se vêtir, vous l’accusez de cupidité ? Ne lui donnez rien, soit, mais au moins ne l’outragez pas; vous êtes sans pitié pour lui, pourquoi vouloir éteindre la compassion dans le coeur de ceux qui voudraient le secourir. Si nous donnons à tous indifféremment, nous pratiquons toujours la miséricorde. C’est parce qu’Abraham exerçait l’hospitalité à l’égard de tous, qu’il mérita de recevoir des anges. Celui qui vous demande est un homicide, un brigand, n’est-il pas au moins digne que vous lui donniez du pain ? Ne nous érigeons donc jamais en censeurs sévères des autres, si nous ne voulons être jugés aussi avec la même sévérité. « Si
l’on vous ravit votre bien, ne le réclamez pas. » — S. Jean Chrysostome : (Hom. 10 sur la 1re Épître aux Corinth.) C’est de Dieu que nous recevons tout ce que nous avons; nous disons le mien, le tien, mais ce sont de vains mots. Vous dites que votre maison vous appartient, c’est une parole dépourvue de sens; car l’air, la terre, les pierres appartiennent au Créateur, aussi bien que vous qui avez construit la maison. J’admets que vous en ayez la jouissance, avec quelle incertitude, tant à cause de la mort, que par suite de la vicissitude des choses humaines ? Votre vie même ne vous appartient pas, à quel titre vos biens seraient-ils à vous ? Cependant Dieu veut que les biens qu’il vous a confiés, deviennent votre propriété, mais à la condition que vous les partagerez avec vos frères; si au contraire, vous ne les prodiguez que pour votre utilité personnelle, ils cessent d’être à vous. Or, comme le désir déréglé des richesses est une source de discussions et de procès, Notre Seigneur fait cette recommandation : « Ne redemandez pas votre bien à celui qui vous le ravit. » — S. Augustin : (disc. du Seig., 1, 26.) Il veut parler ici des vêtements, des habitations, des terres, des animaux, et en général de tous les biens. Un chrétien qui possède un esclave, ne doit pas l’assimiler à la possession d’un cheval ou de l’argent; cependant si vous traitez votre esclave avec plus d’égards que celui qui veut vous l’enlever, je ne sais si quelqu’un oserait dire qu’il ne vous est point permis de le revendiquer. — S. Jean Chrysostome : Nous avons tous en nous une loi naturelle qui nous fait discerner le vice et la vertu, [le bien d’avec le mal]; aussi Notre Seigneur ajoute : « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pareillement pour eux. » Il ne dit pas : Ne faites point vous-mêmes ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse. Il y a bien, en effet, deux voies qui conduisent à la vertu, s’abstenir du mal et faire le bien; le Sauveur se contente de parler de la seconde voie qui, dans son esprit, renferme la première. Or, s’il s’était exprimé de la sorte : Voulez-vous être des hommes ? aimez les animaux, ce commandement serait assez difficile, mais il nous commande d’aimer nos semblables, pour lesquels il nous a donné une inclination naturelle, où est donc la difficulté de cette loi que nous voyons observée par les lions et les loups eux-mêmes, qu’un instinct naturel porte à s’aimer entre eux. Il nous est ici montré que Notre Seigneur Jésus-Christ ne nous commande donc rien qui soit au-dessus de notre nature, il ne fait que renouveler ce qu’il a gravé lui-même dans notre conscience, et il veut que votre propre volonté devienne votre loi; vous voulez qu’on vous fasse du bien, faites-en aux autres; vous voulez qu’on ait compassion de vous, commencez par avoir compassion du prochain. |
Lectio 8 [85811] Catena in Lc., cap. 6 l. 8 Chrysostomus. Dixerat dominus diligendos esse inimicos.
Ne autem putares hyperbolice esse dictum, aestimans solum ad terrorem eis
dici, adicit rationem, dicens et si diligitis eos qui vos diligunt, quae
vobis est gratia? Plures quidem causae sunt quae dilectiones constituunt;
dilectio vero spiritualis universas praecellit; nihil enim terrenum eam
parit; non utilitas, non beneficium, non natura, non tempus, sed de caelo
descendit. Quid autem miraris si non indiget beneficio ut consistat, quando
nec ex casu malorum pervertitur? Pater quidem passus iniurias, rumpit foedus
amoris; coniux post iurgia virum relinquit; filius si longaevum videat
patrem, gravatur : at Paulus ibat ad lapidantes, benefacturus eis; Moyses
lapidatur a Iudaeis, et orat pro eis. Veneremur itaque spirituales amicitias,
quia sunt insolubiles. Unde arguens volentes pigrescere, subdit, nam et
peccatores diligentes se diligunt; quasi dicat : quia volo vos his amplius
aliquid possidere, non moneo solum amicos diligere, sed etiam inimicos. Benefacientibus
etiam benefacere commune est omnibus. Ostendit autem se parum plus petere
quam sit moris peccatorum, qui benefaciunt amicis; unde sequitur et si
benefacitis his qui vobis benefaciunt, quae vobis est gratia? Siquidem et
peccatores hoc faciunt. Beda.
Non solum autem dilectionem vel beneficium peccatorum, quasi infructuosa
redarguit, sed etiam mutuum; unde sequitur et si mutuum dederitis his a
quibus speratis recipere, quae gratia est vobis? Nam et peccatores
peccatoribus fenerantur, idest mutuantur, ut recipiant aequalia. Ambrosius.
In tres autem partes philosophia sibi videtur divisisse iustitiam : unam
in Deum, quae pietas vocatur; alteram in parentes vel reliquum genus humanum;
tertiam in mortuos, ut his exequiarum iura solvantur. At dominus, legis
oraculum ac prophetiae fastigium supergressus, in eos quoque qui laeserunt,
pietatis correxit officium, cum subdit verumtamen diligite inimicos vestros.
Chrysostomus
in Genesim. In quo plus tibi quam illi conferes : ille enim diligitur a
conservo, tu vero efficieris similis Deo. Est autem maximae virtutis quando
nocere volentes beneficiis complectimur; unde subditur et benefacite. Sicut
enim fornacem succensam aqua proiecta extinguit, sic iram ratio cum lenitate
: quod enim est aqua igni, hoc est irae humilitas et mansuetudo. Et sicut non
extinguitur ignis per ignem, sic nec ira per iram mitigatur. Gregorius
Nyssenus. Debet autem homo vitare damnosam sollicitudinem, ne quaerat ab
inope divitiarum augmenta, aeris et auri metallorum sterilium exigens
fructum; unde subdit et mutuum date, nihil inde sperantes. Malignam fenorum
excogitationem si quis appellet furtum et homicidium, non peccabit : nam quid
refert suffosso pariete quemquam erepta possidere, ac fenorum necessitate
possidere illicita? Basilius.
Talis autem avaritiae species, Graece tocos idest partus, Latine fenus,
quasi fetus propter mali fecunditatem, ut arbitror, appellatur. Aut fortasse
partus dicitur propter partus dolores, quos animis eorum qui mutuo ad usuram
acceperunt, inducere solet. Animalia temporis progressu nascuntur, adolescunt
et pariunt; at fenus statim cum oritur parere incipit. Animalia quae citius
pariunt, citius parere cessant : sed avarorum pecunia simul cum omni tempore
adaugetur. Animalia ubi pariendi vim ad sobolem suam transtulerunt, ipsa
parere cessant; at feneratorum pecuniae et novas pariunt, et veteres
renovant. Nullus itaque mortiferam hanc bestiam attendet. Sed magna, inquis,
o pauper, necessitas, et utilitas est ut mutuum sumam. Et quaenam haec est
utilitas? Rursum veniet tibi paupertas, et eadem cum accessione necessitas.
Meditare iam unde restituas. Unde tibi pecuniae intantum multiplicabuntur ut
et sufficiant ad usus necessitatem, et ad restitutionem? Verum ais : quomodo
igitur me enutriam nisi fenus accipiam? Mille sunt victus parandi solertiae.
Manus habes, labora, servi, tandem mendica : omnia tibi tolerabiliora sunt
quam pecuniam ad usuram sumere. Ceterum dives ait : quale illud est mutuum
cui nulla retributionis spes adiuncta est? Considera vim dicti, et
legislatoris admiraberis humanitatem. Cum pauperi dare voles propter dominum,
idem et donum est et mutuum : donum quidem, quia non speras receptionem;
mutuum vero, propter domini magnificentiam, qui paucis per pauperem acceptis,
magna pro ipsis reddet; unde sequitur et erit merces vestra multa. Non vis
universorum dominum obnoxium tibi ipsi habere ad persolvendum? Aut si quis in
urbe dives promittat se tibi pro alio exsoluturum, fideiussionem ipsius
accipies, Deum autem pro pauperibus persolutorem non admittes? Chrysostomus.
Attende mutui naturam mirabilem : alius recipit, et alius obligat se pro
debitis, centuplum in praesenti reddens, in futuro vero vitam aeternam. Ambrosius.
Quanta misericordiae merces qui filiis divinae misericordiae asciscitur?
Sequitur enim et eritis filii altissimi. Sequere igitur misericordiam, ut
merearis gratiam. Late patet benignitas Dei : super ingratos pluit, malis
fecunda non negat terra proventus. Sequitur quia ipse benignus est super
ingratos et malos. Beda.
Vel temporalia bona largiendo, vel caelestia dona singulari gratia
inspirando. Cyrillus.
Magnum est ergo praeconium pietatis : reddit enim haec virtus nos Deo
conformes, et quasi quaedam signa sublimis naturae nostris imprimit animabus;
unde sequitur estote ergo misericordes sicut et pater vester misericors est.
Athanasius.
Ut scilicet aspicientes beneficia eius, bona quae facimus, non hominum,
sed eius intuitu faciamus; quatenus a Deo, non ab hominibus praemia
consequamur. |
Versets 32-37.
— S. Jean Chrysostome : Le Seigneur venait de commander l’amour des ennemis, mais n’allez pas croire qu’il parle ici hyperboliquement et et qu’il pense que c’est le seul moyen d’inspirer un sentiment de crainte; car écoutez la raison de ce commandement : « Et si vous aimez ceux qui vous aiment, quel est votre mérite ? » Plusieurs causes concourent à former les affections, mais l’affection spirituelle est supérieure à toutes les autres, elle ne reconnaît pour cause rien de terrestre, ni l’utilité, ni les bienfaits, ni la nature, ni le temps, mais elle descend directement du ciel. Quoi d’étonnant qu’elle se forme indépendamment de tout bienfait, puisqu’elle ne peut être ébranlée par les mauvais traitements ? Un père outragé rompt les liens d’amour qui l’attachaient à son épouse; une femme se sépare de son mari à la suite de querelles domestiques; un enfant regarde comme un fardeau un père dont les jours se prolongent dans un âge avancé; mais, au contraire, saint Paul allait vers ceux qui voulaient le lapider pour leur faire du bien (Ac 14); Moïse tourmenté, et comme lapidé par les Juifs, prie pour eux. (Ex 17.) Ayons donc une profonde vénération pour les amitiés spirituelles, parce qu’elles sont indissolubles. Notre Seigneur ajoute, pour stimuler les indifférents : « Les pécheurs aiment aussi ceux qui les aiment, » comme s’il disait : Je veux que vous vous éleviez à une vertu plus éminente, voilà pourquoi je vous commande d’aimer non seulement vos amis; mais même vos ennemis; car il est naturel à tous les hommes de faire du bien à ceux qui leur en font. Il leur apprend donc qu’il exige d’eux plus qu’il n’est ordinaire aux pécheurs de faire, quand ils se montrent bienfaisants pour leurs amis : « Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quel est votre mérite ? Les pécheurs aussi en font autant.» — S.
Bède : Ce n’est pas seulement l’affection et les
bienfaits des pécheurs qu’il déclare sans mérite et sans fruit, mais aussi le
prêt fait dans les mêmes conditions. « Et
si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel est votre
mérite ? Car les pécheurs eux-mêmes prêtent à leurs semblables, pour en
recevoir l’équivalent. » — S. Ambroise : La philosophie divise la justice en trois parties, l’une qui a Dieu pour objet et qu’on appelle religion; la seconde, qui comprend les devoirs envers les parents et le reste du genre humain; la troisième, qui s’étend aux morts, et nous oblige de leur rendre convenablement les derniers devoirs. Mais Notre Seigneur Jésus-Christ, s’élevant au-dessus des prescriptions de la loi et des oracles des prophètes, étend l’obligation de faire du bien jusqu’à ceux qui nous ont fait tort : « Pour vous, aimez vos ennemis, ». — S. Jean Chrysostome : En agissant ainsi, vous ferez beaucoup plus pour vous que pour eux-mêmes; quant à eux, ils ont l’affection de leur semblable, mais pour vous, vous devenez semblable à Dieu. Or, c’est un acte de grande vertu, que de combler de nos bienfaits ceux qui cherchent à nous faire du mal, comme Notre Seigneur nous le recommande; car, comme l’eau jetée sur une fournaise ardente, suffit pour l’éteindre, tel est l’effet de la raison jointe à la douceur; en effet l’humilité et la douceur sont à la colère, ce que l’eau est au feu, et de même que le feu ne peut éteindre le feu, ainsi la colère ne peut apaiser la colère. — S. Grégoire de Nysse : (disc. contre les usur.) L’homme doit éviter cette damnable cupidité qui lui fait demander à l’indigent un produit de l’or ou de l’argent qu’il lui prête, et exiger les fruits d’un métal stérile, c’est le sens de cette recommandation : « Prêtez sans en espérer rien, ». Celui qui traitera de vol et d’homicide la funeste invention de l’usure, ne se trompera pas; car quelle différence entre celui qui perce les murs pour s’emparer du bien qui ne lui appartient pas, et celui qui s’approprie le gain illicite, produit par l’argent qu’il a prêté ? — S. Basile : Dans la langue grecque, il me semble, ce genre d’avarice est justement appelé τόχος (en latin « fenus »), enfantement, à cause de sa coupable fécondité. Ou peut-être parle-t-on de «procréation » à cause des douleurs de l’enfantement qui ont coutume de s’abattre sur les âmes de ceux qui ont accepté un prêt usuraire. En effet, ce n’est qu’avec le temps que les animaux grandissent et se reproduisent, mais à peine l’usure a pris naissance, qu’elle devient féconde. Les animaux les plus précoces à se reproduire, cessent aussi plutôt d’engendrer; mais l’argent des avares ne fait que se multiplier d’années en années. Les animaux, en transmettant à leurs petits la faculté d’engendrer, cessent eux-mêmes d’engendrer, mais l’argent des avares produit continuellement de nouveaux fruits, et renouvelle les premiers. Ne vous exposez donc point aux mortelles atteintes de ce monstre cruel. Mais, dites-vous, grande est la nécessité du pauvre, et il est bon que je fasse un emprunt. Que vous servirait-il, en effet, d’éviter l’indigence actuelle, si elle doit revenir bientôt fondre sur vous, plus grande et plus écrasante ? Demandez-vous comment vous pourrez rendre [ce que vous empruntez]; comment l’argent pourra se multiplier assez dans vos mains, pour qu’une partie vous soulage de votre indigence, qu’une autre représente et conserve le capital, et qu’une troisième produise l’intérêt. Mais me direz-vous, comment faire pour subvenir à mes besoins si je ne fais pas d’emprunt ? Il y a mille moyens de mettre en œuvre son ingéniosité. Vous avez des mains, travaillez, mettez-vous en service, mendiez enfin s’il le faut, tout est préférable à un emprunt usuraire. Le riche me dira encore : Qu’est-ce que le prêt sans espérance d’intérêt ? Méditez la vertu de la parole divine, et vous admirerez la grande humanité de son auteur. Lorsque vous donnez au pauvre pour l’amour du Seigneur, vous faites à la fois un prêt et un don; un don, car vous n’espérez point d’intérêt; un prêt, parce que la bonté de Dieu se charge de vous rendre le peu que vous donnez au pauvre, comme le Sauveur vous en assure : « Car votre récompense sera grande. » Est-ce que vous refuseriez d’avoir le Tout-Puissant pour caution et pour débiteur ? Quoi ! vous acceptez la caution d’un citoyen riche, et vous refuseriez la caution que Dieu vous donne pour le pauvre ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 3 sur la Genèse.) Considérez l’admirable nature du prêt : L’un reçoit, et c’est un autre qui s’oblige à payer ce qu’il doit, c’est-à-dire le centuple dans le temps présent, et après cette vie, la vie éternelle. — S. Ambroise : Quelle est grande la récompense de la miséricorde, puisqu’elle nous donne droit à l’adoption divine : « Et vous serez les enfants du Très-Haut. » Pratiquez donc la miséricorde, pour mériter la grâce qui lui est promise. La bonté de Dieu s’étend très largement, il fait tomber la pluie sur les ingrats, la terre féconde ne refuse pas ses fruits aux méchants : « Car il est bon aux ingrats et aux méchants. » — S. Bède : Soit qu’il leur donne les biens temporels, soit qu’il inspire, par sa grâce, le goût des biens célestes. — S. Cyrille : Quelles sont donc grandes les prérogatives de la miséricorde ! elle nous rend semblables à Dieu, elle imprime dans notre âme comme le sceau de la nature divine : « Soyez donc miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux, ». — S. Athanase : (disc. 4 contre les Ariens.) C’est-à-dire que la considération des bienfaits qu’il répand sur les hommes, doit nous porter à leur faire du bien, non point en vue des hommes, mais en vue de Dieu, afin d’obtenir de lui seul, et non pas des hommes, la récompense [de nos oeuvres de charité]. |
Lectio 9 [85812] Catena in Lc., cap. 6 l. 9 Ambrosius. Addidit dominus non temere iudicandum, ne tui conscius
ipse delicti in alterum cogaris ferre sententiam : unde dicit nolite iudicare.
Chrysostomus
in Matthaeum. Non iudices praecedentes te, idest qui discipulus es
magistrum, peccator innocentem; quos non oportet increpare, sed monere, et
caritative corrigere : nec etiam iudicandum est in incertis et
qualibuscumque, quae nec similitudinem habent peccati, aut quae non sunt
gravia, sive prohibita. Cyrillus.
Sedat ergo hic pessimam passionem nostrarum conscientiarum, contemptus
principium : quamvis enim deceat aliquos se circumspicere, et secundum Deum
conversari; hoc non faciunt, sed examinant aliena. Et si videant aliquos
infirmari, tamquam propriarum passionum obliti, faciunt hoc detractionis
materiam. Chrysostomus.
Nec facile reperies quemquam neque patremfamilias, neque claustralem
expertem huius erroris. Sunt autem et hae diabolicae tentationis insidiae :
nam qui severe discutit aliena, nunquam propriorum reatuum merebitur veniam;
unde sequitur et non iudicabimini; sicut enim pius et mitis reprimit
peccatorum timorem; sic severus et dirus adjicit criminibus propriis. Gregorius
Nyssenus. Non igitur cum acrimonia praecipitetis in servos sententiam, ne
similia patiamini : vocat enim iudicium asperiorem damnationem; unde sequitur
nolite condemnare, et non condemnabimini : non enim iudicium cum venia
prohibet. Beda.
Brevi autem sententia cuncta quae de conversando cum inimicis mandaverat,
comprehendendo concludit, dicens dimittite et dimittetur vobis, date et
dabitur vobis : ubi dimittere nos iniurias et dare beneficia iubet, ut et
nobis peccata dimittantur, et vita detur aeterna. Cyrillus.
Quod autem ampliori manu recompensationem accipiemus a Deo, qui largiflue
donat diligentibus eum, ostendit subdens mensuram bonam, et confertam, et
coagitatam et supereffluentem dabunt in sinum vestrum. Theophylactus.
Quasi dicat : sicut si farinam sine parcitate mensurare velles, conferres
eam, coagitares et supereffunderes abunde; sic dominus mensuram magnam et
supereffluentem dabit in sinum vestrum. Augustinus
de quaest. Evang. Dicit autem dabunt, quia per illorum merita quibus vel
calicem aquae frigidae in nomine discipuli dederunt, mercedem caelestem
recipere merebuntur. Sequitur eadem quippe mensura qua mensi fueritis,
remetietur vobis. Basilius.
Qua enim mensura unusquisque vestrum mensurat in bene operando aut
peccando, eadem vel praemia vel poenas feret. Theophylactus.
Interrogabit autem fortassis aliquis subtilius : si enim supereffluenter
redditur, quo modo eadem est mensura? Ad
quod dicimus, quod non dixit : in Cyrillus.
Hoc autem solvit apostolus dicens : qui parce seminat, hoc est modice et
manu tenaci, parce et metet, hoc est non copiose; et qui seminat in
benedictionibus, in benedictionibus et metet, hoc est, copiose. Si quis autem
non habet, si non faciat, non delinquit : in eo enim quod habet acceptatur,
non in eo quo caret. |
Versets 37-38.
— S. Ambroise : Notre
Seigneur condamne ensuite le jugement téméraire, et vous défend de vous
rendre les juges des autres, alors que votre conscience vous accuse vous-même
: « Ne jugez point. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Ne jugez pas ceux qui sont placés au-dessus de vous; disciples, ne jugez pas vos maîtres; pécheurs, ne jugez pas ceux qui sont innocents; contentez-vous, sans leur faire de reproches, de les avertir et de les corriger avec charité. Gardez-vous aussi de juger dans les choses incertaines et douteuses qui n’ont pas le caractère du péché, ou qui ne sont ni graves ni défendues. — S. Cyrille : Notre Seigneur veut réprimer ici cette détestable passion qui domine nos âmes, et qui est le principe de nos mépris. On en voit, en effet, un grand nombre qui, au lieu de s’observer eux-mêmes, et de vivre selon les prescriptions de la loi de Dieu, ne s’occupent qu’à examiner la conduite des autres; et dès qu’ils y surprennent quelques faiblesses, comme oubliant leurs propres passions, ils en font le sujet de leurs conversations malignes. — S. Jean Chrysostome : (lettre à Démét.) A peine trouverez-vous un seul homme (père de famille ou vivant dans un cloître), qui soit exempt de ce défaut; cependant, ce sont là autant de tentations dangereuses du démon; car celui qui juge sévèrement les fautes d’autrui, n’obtiendra jamais le pardon de ses propres fautes : « [Ne jugez pas], et vous ne serez pas jugés. » En effet, celui qui est doux et miséricordieux pour les autres, a beaucoup moins à craindre pour ses péchés; mais celui qui est dur et sévère pour ses frères, ajoute à ses propres crimes. — S. Grégoire de Nysse : Ne vous hâtez donc pas de juger rigoureusement vos serviteurs, si vous ne voulez être traités de même; car par ce jugement sévère vous vous attirez une condamnation plus rigoureuse : « Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. » Notre Seigneur ne défend donc pas le jugement accompagné du pardon. — S. Bède : Le Sauveur résume ensuite, dans une courte sentence, tous les commandements qu’il avait faits sur les rapports que nous devons avoir avec nos ennemis : « Pardonnez, et il vous sera pardonné, donnez et l’on vous donnera.». C’est-à-dire qu’il nous ordonne de pardonner les injures, et de répandre des bienfaits sur nos ennemis, si nous voulons obtenir le pardon de nos péchés, et la vie éternelle pour récompense. — S. Cyrille : Il nous montre ensuite [avec quelle munificence], avec quelle libéralité nous serons récompensés par le Dieu qui donne avec largesse à ceux qui l’aiment : « Ils verseront dans votre sein une bonne mesure, pressée et remuée, et se répandant par dessus les bords. » — Théophylacte : C’est-à-dire : De même que pour mesurer largement une mesure de farine, vous la pressez, vous l’agitez, et vous en versez jusqu’à la faire déborder; de même le Seigneur versera dans votre sein une mesure abondante, et qui, [pour ainsi dire], se répandra par dessus les bords. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 8.) Il dit : « Ils verseront, » car ils recevront la récompense céleste par les mérites de ceux auxquels ils auront donné, ne fût-ce qu’un verre d’eau froide, parce qu’ils étaient disciples de Jésus-Christ. (Mt 10, 42.) « On usera pour vous de la même mesure dont vous aurez usé pour les autres, ». — S. Basile : La mesure dont chacun de vous se sert dans le bien qu’il fait, comme dans le mal qu’il commet, sera aussi la mesure des récompenses ou des châtiments qu’il recevra. — Théophylacte : Mais peut-être nous fera-t-on cette question tant soit peu subtile : Si la récompense est si abondante, comment peut-on dire qu’elle est égale à la mesure dont nous nous sommes servi ? Nous répondons que Notre Seigneur ne dit point : Il vous sera donné dans une mesure égale en quantité, mais : « dans la même mesure. » Vous avez bien agi, on agira bien à votre égard, ce qui signifie : rendre la même mesure; mais Notre Seigneur dit que cette mesure sera surabondante, parce qu’il rendra mille fois plus de bien [qu’on en a fait]. Il en est de même pour le jugement; celui qui juge, et qui est ensuite jugé, reçoit dans la même mesure, mais il sera jugé plus sévèrement qu’il n’a jugé lui-même son semblable; en cela la mesure est surabondante. — S. Cyrille : L’Apôtre résoud cette difficulté, lorsqu’il dit : « Celui qui sème peu (c’est-à-dire en petite quantité et d’une main avare), moissonnera peu (c’est-à-dire une moisson peu abondante); et celui qui sème dans les bénédictions, moissonnera aussi dans les bénédictions (c’est-à-dire avec abondance.) » (2 Co 9, 6.) Si on ne possède rien, on n’est pas coupable en ne donnant point; car Dieu nous tient compte des biens que nous avons, et non de ceux qui ne sont pas en notre possession. |
Lectio 10 [85813] Catena in Lc., cap. 6 l. 10 Cyrillus. Addidit dominus praedictis parabolam valde necessariam;
unde dicitur dicebat autem illis et similitudinem. Erant enim eius discipuli futuri
mundi doctores; unde decebat eos scire viam conversationis honestae, quasi
illustratam mentem habentes divino fulgore ne caeci caecos ducerent; et ideo
subdit numquid potest caecus caecum ducere? Nonne
ambo in foveam cadunt? Et si contingat aliquos hoc attingere ut aequalem
virtutem docentium virtuti possideant, sistant in mensura docentium, et
illorum sequantur vestigia; unde sequitur non est discipulus supra magistrum;
perfectus autem omnis erit, scilicet discipulus, si sit sicut magister eius;
unde et Paulus dicit : imitatores mei estote, sicut et ego Christi. Christo
ergo non iudicante, cur tu iudicas? Neque enim venit iudicare mundum, sed
misereri. Theophylactus.
Vel aliter. Si tu alium iudicas, et ipse in eisdem peccas, nonne
assimilaris caeco caecum ducenti? Quomodo enim ille a te ducetur ad bonum,
cum et tu pecces? Non est enim discipulus supra magistrum. Si igitur tu
peccas, qui te magistrum et ductorem putas, ubi erit qui a te disciplinatur
et ducitur? Perfectus enim erit discipulus, si sit sicut magister eius. Beda.
Vel sensus huius sententiae pendet ex superioribus, ubi danda eleemosyna
et iniuria dimittenda praecipitur. Si te, inquit, ira contra violentum, et
contra petentem avaritia caecaverit, numquid tu mente vitiata vitium eius curare
poteris? Si etiam magister Christus, qui quasi Deus potuit suas ulcisci
iniurias, maluit persecutores patiendo reddere mitiores, eamdem necesse est
quod discipuli, qui puri homines sunt, regulam perfectionis sequantur. Augustinus
de quaest. Evang. Vel quod dicit numquid potest caecus caecum ducere? Ideo
subiunxit, ut non sperarent a Levitis se accepturos mensuram illam de qua
dixit dabunt in sinum vestrum, quoniam decimas dabant eis quos caecos dixit,
quia Evangelium non tenerent; ut illam remunerationem per discipulos domini
potius plebs inciperet iam sperare; quos imitatores suos volens ostendere,
addit non est discipulus supra magistrum. Theophylactus.
Inducit autem dominus et aliam parabolam de eodem, subdens quid autem
vides festucam, idest modicum criminis, in oculo fratris tui, trabem autem
quae in oculo tuo est, idest peccatum tuum maximum, non consideras? Beda.
Hoc autem ad superiorem sensum respicit, ubi caecum a caeco duci, idest
peccantem a peccatore castigari non posse praemonuit; unde dicitur aut
quomodo potes dicere fratri tuo : frater, sine eiciam festucam de oculo tuo,
ipse in oculo tuo trabem non videns? Cyrillus.
Quasi dicat : qui gravibus obnoxius est peccatis, quae trabem vocat, qualiter
damnat eum qui pauca vel quandoque nil mali commisit? Hoc enim festuca
significat. Theophylactus.
Convenit autem hoc omnibus, et maxime doctoribus, qui subditorum cum
minima peccata puniant, propria impunita relinquunt. Propter hoc eos dominus hypocritas
vocat, qui ex hoc aliorum peccata iudicant ut iusti videantur; unde sequitur
hypocrita, eice primum trabem de oculo tuo, et tunc perspicies ut educas
festucam de oculo fratris tui. Cyrillus.
Videlicet teipsum primum mundum ostendas a magnis peccatis; consequenter
consules proximo modica committenti. Basilius.
Videtur enim revera cognitio sui ipsius gravissimum omnium : neque enim
solus oculus exteriora videns super se visu non utitur; sed et ipse noster
intellectus, cum alienum velociter coniectat peccatum, lentus est erga
propriorum perceptionem defectuum. |
Versets 39-42.
— S. Cyrille : Notre Seigneur ajoute aux enseignements qui précèdent une parabole bien nécessaire : « Il leur faisait aussi cette comparaison. » En effet, ses disciples étaient appelés à devenir les docteurs du monde; ils devaient donc connaître toutes les règles d’une vie sainte, et répandre les clartés d’une lumière toute divine, pour éviter d’être des aveugles servant de guide à d’autres aveugles. Il leur dit donc : « Un aveugle peut-il conduire un autre aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous les deux dans une fosse ? » S’il arrive à quelques-uns d’atteindre au même degré de vertu que ceux qui les enseignent, qu’ils se contentent de cette mesure, et marchent toujours sur les traces de leurs maîtres; car, dit Notre Seigneur : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître. » Or tout disciple est parfait s’il devient comme son maître. Aussi saint Paul dit aux Philippiens : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ. » (Ph 3.) Pourquoi donc voulez-vous juger les autres, alors que Jésus-Christ ne juge pas ? Car il n’est pas venu pour juger le monde, mais pour exercer envers lui sa miséricorde. (Jn 3.) — Théophylacte : Ou encore, si vous jugez les autres, et que vous soyez coupable des mêmes fautes que lui, ne ressemblez-vous pas à l’aveugle qui conduit un autre aveugle ? Comment le conduirez-vous au bien, alors que vous suivez la voie du mal ? Le disciple n’est point au-dessus du maître. Si donc vous ne savez éviter le péché, vous qui vous décernez le titre de maître et de conducteur, que deviendra celui qui devient votre disciple et se place sous votre conduite ? Car tout disciple sera parfait, s’il est comme son maître. — S. Bède : Ou bien le sens de ces paroles dépend des enseignements qui précèdent, où Notre Seigneur recommande de donner l’aumône et de pardonner les injures. Si vous vous laissez aveugler par la colère contre celui qui vous fait violence, et par l’avarice à l’égard de celui qui vous demande du secours, comment, dans cette disposition coupable de votre âme, pourrez-vous les guérir de leurs propres vices ? Voyez Jésus-Christ, notre Maître; il était Dieu, il pouvait venger les injures qui lui étaient faites, et cependant il a préféré adoucir la fureur de ses ennemis en les supportant avec patience; n’est-il donc pas nécessaire que ses disciples, qui ne sont que des hommes, suivent la même règle de perfection. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 9.) Ou bien encore, Notre Seigneur, par ces paroles : « Est-ce qu’un aveugle peut conduire un autre aveugle ? » veut leur ôter l’espoir de recevoir des lévites cette mesure dont il a dit : « Ils verseront dans votre sein, » etc. En effet, ils payaient les décimes à ceux que le Sauveur appelle des aveugles, parce qu’ils ne recevaient pas l’Évangile. Il veut donc que le peuple commence à attendre cette récompense des disciples du Seigneur, qu’il déclare être ses imitateurs en disant : « Le disciple n’est point au-dessus du maître. » —
Théophylacte : Le Seigneur ajoute une autre parabole
sur le même objet : « Pourquoi voyez-vous une paille (c’est-à-dire
une faute légère) dans l’oeil de votre frère, tandis que vous n’apercevez
pas la poutre, (c’est-à-dire les fautes énormes) qui sont dans votre
oeil ? » — S. Bède : Cette comparaison fait suite à la précédente, où le Sauveur nous déclare qu’un aveugle ne peut servir de guide à un autre aveugle, (c’est-à-dire qu’un pécheur ne peut être repris par un autre pécheur); Notre Seigneur ajoute donc : « Comment pouvez-vous dire à votre frère : Mon frère, laissez-moi ôter la paille de votre oeil, vous qui ne voyez pas la poutre qui est dans le vôtre ? » — S. Cyrille : C’est-à-dire : Comment celui dont la conscience est chargée de crimes énormes (figurés par la poutre) peut-il condamner celui qui n’en a que de légers, ou même qui n’en a aucun à se reprocher ? car c’est ce que la paille signifie. — Théophylacte : Cette leçon s’adresse à tous, mais surtout aux docteurs qui punissent sévèrement, dans leurs disciples, les moindres fautes, tout en s’accordant le bénéfice de l’impunité pour les plus grandes; c’est ce qui leur attire de la part du Seigneur le reproche d’hypocrisie, parce qu’ils jugent sévèrement les péchés d’autrui pour faire ressortir leur propre justice : « Hypocrites, ôtez d’abord la poutre de votre oeil, et alors tu verras à ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère.» — S. Cyrille : C’est-à-dire purifiez-vous d’abord de ces crimes énormes qui souillent votre conscience, et alors vous pourrez vous montrer zélé pour corriger votre prochain de ses fautes légères. — S. Basile : (hom. 9 sur l’Hexam.) La connaissance de soi-même est en effet de la dernière importance; l’oeil qui considère les choses extérieures, ne peut voir ce qui se passe en lui-même; ainsi en est-il de notre esprit, lorsqu’il est prompt à juger les péchés d’autrui, il devient lent à découvrir ses propres défauts. |
Lectio 11 [85814] Catena in Lc., cap. 6 l. 11 Beda.
Contra hypocritam quae coeperat dominus exequitur dicens non est enim
arbor bona quae facit fructus malos, neque arbor mala faciens fructum bonum :
quasi dicat : si veram et non fictam vis habere iustitiam, quae verbis
ostentas, etiam facto compensa : quia etsi se bonum fingat hypocrita, non est
bonus qui facit opera mala; et si reprehendat insontem, non ideo malus est
qui facit opera bona. Titus.
Hoc autem audiens, non sumas inde tibi favorem inertiae : naturaliter enim
arbor movetur, tu vero libero arbitrio fungeris; et omnis arbor sterilis ad
aliquid ordinata est, tu vero factus es ad opera virtutum. Isidorus
abbas. Non ergo poenitentiam, sed pertinaciam mali excludit : cum enim
mala sit, non potest fructus bonos producere; in virtutem vero conversa fructificat.
Quod autem est arboribus natura, hoc est nobis affectio. Etsi ergo arbor mala
non potest fructum bonum producere, poterit tamen. Chrysostomus
in Matthaeum. Quamvis autem fructus causetur ex arbore, facit tamen
notitiam arboris, eo quod arboris distinctio per fructum apparet; unde
sequitur unaquaeque enim arbor de fructu suo cognoscitur. Cyrillus.
Sed et vita morum uniuscuiusque erit significativa : neque enim
extrinsecis ornamentis et fictis humilitatibus, vere felicitatis
apprehenditur decor, sed et ex his quae aliquis operatur : cuius rei exemplum
ponens subdit neque enim de spinis colligunt ficus. Ambrosius.
In spinis istius mundi ficus illa reperiri non potest; quae quia fecundis
fructibus melior est, bene species ei resurrectionis aptatur : vel quia, ut
legisti : ficus dederunt grossos suos; quod immaturus et caducus et inutilis
in synagoga fructus ante praecessit : vel quia immatura nostra vita est in
corpore, matura in resurrectione : et ideo procul a nobis debemus saeculares
sollicitudines abdicare, quae mordent animum, mentemque adurunt, ut maturos
fructus culturae diligentis possimus adipisci. Hoc ergo ad mundum et
resurrectionem; alterum ad animam et corpus refertur, cum subditur neque de
rubo vindemiant uvam; vel quia nemo peccatis fructum acquirit animae suae,
quae sicut uva, proxima terris corrumpitur, in superioribus maturatur; vel
quia nemo potest damnationem carnis evadere, nisi quem Christus redemerit,
qui sicut uva pependit in ligno. Beda.
Vel spinas et rubum, saeculi curas et punctiones puto esse vitiorum; ficus
vero et uvam, dulcedinem novae conversationis et fervorem dilectionis. Non
autem de spinis ficus, neque uva de rubo colligitur : quia mens adhuc veteris
hominis consuetudine depressa similare potest, sed fructus novi hominis ferre
non potest. Sed sciendum, quod sicut ferax palmes sepi involutus recumbit,
portansque fructum spina non suum usibus servat humanis; sic dicta vel acta
malorum si quando prosunt bonis, non hoc ipsi faciunt mali, sed fit de illis
Dei consilio. Cyrillus.
Postquam autem ostendit quod ex operibus potest discerni homo bonus et
malus, sicut ex fructibus arbor; nunc idem ostendit per aliud signum, dicens
bonus homo de bono thesauro cordis sui profert bonum; et malus homo de malo thesauro
profert malum. Beda.
Idem est thesaurus cordis quod radix est arboris. Qui ergo in corde
thesaurum patientiae perfectique habet amoris, optimos fructus effundens
diligit inimicum, et cetera facit quae supra edocuit; at qui thesaurum nequam
corde servat, contraria facit. Basilius.
Verbi etiam conditio cor a quo processit manifestat, evidenter ostendens
dispositionem praecordiorum nostrorum; unde sequitur ex abundantia enim
cordis os loquitur. Chrysostomus
in Matthaeum. Naturalis enim consequentia est ut cum intus abundet
nequitia, effluant oretenus verba nequam : unde cum audiveris hominem
inhonesta proferentem, non tantam in eo putes latere malitiam quanta verbis
exprimitur; sed coniecta fontem rivo esse uberiorem. Beda.
Per oris etiam locutionem dominus universa quae dicto, vel facto, vel
cogitatu de corde proferimus, insinuat; moris enim est Scripturarum, verba
pro rebus ponere. |
Versets 43-45.
— S. Bède : Notre Seigneur continue à parler ici contre les hypocrites : « L’arbre qui produit de mauvais fruits, n’est pas bon, et le mauvais arbre ne produit pas de bons fruits.» ; paroles dont voici le sens : Si vous voulez avoir une vertu véritable et sincère, montrez-vous dans les oeuvres ce que vous êtes en paroles; car l’hypocrite qui se couvre du masque de la vertu, n’est cependant pas vertueux, s’il fait le mal; et s’il ose reprendre un innocent, ses reproches ne le rendent pas pour cela mauvais, puisqu’il fait le bien. — Tite de Bost. Que ces paroles ne favorisent point votre négligence, un arbre est soumis aux lois qui régissent la nature végétale; pour vous, au contraire, vous avez l’usage de votre libre arbitre; tout arbre stérile a été créé pour une fin particulière; pour vous, vous avez été créé pour pratiquer la vertu. — S. Isidore : (Liv. 4, lettre 81.) Ce n’est point le repentir, mais la persévérance dans le mal, que le Sauveur condamne [par ces paroles]; tant que la disposition de l’âme reste mauvaise, elle ne peut produire de bons fruits; mais si elle se tourne du côté du bien, alors elle produit des fruits de vertu. Ce qui est pour l’arbre sa nature est pour nous l’affection, aussi elle peut ce qui est impossible à un arbre mauvais, c’est-à-dire produire de bons fruits. — S. Jean Chrysostome : (Hom. 43 sur Matth.) Quoique le fruit naisse de l’arbre, il le fait néanmoins connaître, en ce sens que l’espèce d’un arbre se distingue par ses fruits. — S.
Cyrille : Ainsi la vie de tout homme est
l’expression véritable de ses moeurs, car ce n’est point aux ornements
extérieurs, aux dehors d’une feinte humilité qu’on reconnaît l’éclat du vrai
bonheur, mais par les oeuvres que chacun opère; vérité que le Sauveur
confirme par ces paroles : « On ne
cueille point de figues sur des épines. » — S. Ambroise : Ce n’est point parmi les épines de ce monde qu’on peut trouver ce figuier qui est l’image de la résurrection, parce que les seconds fruits en sont meilleurs que les premiers, ou encore, parce que, selon ces paroles du livre des Cantiques (Ct 2) : « Les figuiers ont donné leurs premières figues, » les fruits qu’ils ont donnés au temps de la synagogue, n’étaient ni mûrs, ni durables, ni utiles; ou bien encore, parce que notre vie ne parvient pas à sa maturité dans ce corps mortel, mais seulement dans sa résurrection. Nous devons donc rejeter loin de nous les sollicitudes de la terre qui déchirent l’âme et consument l’esprit, afin d’obtenir par nos soins assidus des fruits d’une maturité parfaite. Ainsi ces paroles se rapportent à la vie présente et à la résurrection, et les suivantes à l’âme et au corps. « On ne vendange point de raisin sur des ronces, » c’est-à-dire que le péché ne peut faire produire aucun fruit à l’âme qui, semblable au raisin, se corrompt si elle est trop près de la terre, et ne peut mûrir que dans les hauteurs; ou bien que personne ne peut échapper à la damnation de la chair, s’il n’est racheté par Jésus-Christ, qui, comme le raisin, a été suspendu sur le bois. — S. Bède : Ou bien encore, les épines et les ronces signifient les soucis du siècle et les atteintes perçantes des vices, tandis que les figues et le raisin représentent les douceurs de la vie nouvelle et l’ardeur de la charité. Or, on ne cueille point de figues sur les épines, ni de raisin sur les ronces, parce que l’âme qui est encore courbée sous le poids des habitudes du vieil homme, peut bien avoir l’apparence [trompeuse de la fécondité], mais ne peut produire les fruits de l’homme nouveau. Remarquons encore que, de même que la branche féconde de la vigne, s’appuie et s’enlace aux buissons, de sorte que les épines supportent et conservent pour l’usage de l’homme, un fruit qui n’est pas le leur; ainsi les paroles ou les actions des méchants peuvent quelquefois être utiles aux bons, ce qui doit être attribué, non à la volonté des méchants, mais aux desseins providentiels de Dieu [qui sait tirer le bien du mal]. — S.
Cyrille : Après avoir montré que le bon et le
méchant peuvent se reconnaître à leurs oeuvres, comme on reconnaît un arbre à
ses fruits, Notre Seigneur enseigne la même vérité sous une autre figure : « L’homme bon tire le bien du bon
trésor de son coeur, et l’homme mauvais tire le mal du mauvais trésor de son
coeur. » — S. Bède : Le trésor du coeur est comme la racine de l’arbre; celui donc qui possède dans son coeur un trésor de patience et d’amour parfait, produit des fruits excellents en aimant ses ennemis et en pratiquant tous les divins enseignements qui précèdent; mais celui qui n’a dans son coeur qu’un trésor de méchanceté, agit d’une manière tout opposée. — S.
Basile : De plus, la nature des paroles est un
indice certain de l’état du coeur d’où elles sortent, et en révèle clairement
les dispositions les plus intimes : « Car
la bouche parle de l’abondance du coeur. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 43 sur Matth.) Lorsque la source intérieure du mal est abondante, par une conséquence naturelle, les paroles mauvaises s’exhalent des lèvres; aussi quand vous entendez un homme proférer des paroles coupables, ne croyez pas que la méchanceté de son coeur est simplement égale à la malignité de ses discours, mais concluez [sans crainte de vous tromper], que la source est beaucoup plus abondante que le ruisseau. — S. Bède : Par les paroles qui sortent de la bouche, Notre Seigneur a voulu désigner tout ce qui prend sa source dans notre coeur, c’est-à-dire les paroles, les actions ou les pensées, car c’est la coutume des Écritures, d’employer les paroles pour les actes. |
Lectio 12 [85815] Catena in Lc., cap. 6 l. 12 Beda.
Ne aliquis sibi frustra blandiretur ex eo quod dictum est ex abundantia
cordis os loquitur, quasi verba solum et non magis opera veri Christiani
quaerantur, consequenter dominus adiungit quid autem vocatis me : domine,
domine, et non facitis quae dico? Quasi dicat : quid folia rectae
confessionis vos germinare iactatis, qui nullos operis boni fructus
ostenditis? Cyrillus.
Convenit autem soli supremae omnium naturae, dominationis et nomen et res.
Athanasius.
Non est ergo hoc verbum hominis, sed Dei ostendentis proprium ortum a
patre : dominus enim est qui natus est a solo domino. Non timeas autem
dualitatem : non enim secundum naturam separantur. Cyrillus.
Quae autem sit utilitas in mandatorum observatione, quodve damnum accidere
possit ex inobedientia, ostendit subdens omnis qui venit ad me, et audit
sermones meos, et facit eos, ostendam vobis cui similis sit. Similis est
homini aedificanti domum, qui fodit in altum, et posuit fundamentum supra
petram. Beda.
Petra erat Christus, qui fodit in altum, qui praeceptis humilitatis
terrena omnia de cordibus fidelium eruit, ne propter commodum temporale
serviant Deo. Basilius.
Ponere autem fundamentum supra petram, hoc est inniti fidei Christi, ut
immobilis perseveret in adversis, sive humanitus, sive divinitus accidant.
Beda.
Vel fundamentum domus, ipsa est intentio bonae conversationis, quod
perfectus verbi auditor in adimplendis Christi mandatis firmiter inserit.
Ambrosius.
Vel omnium fundamentum docet esse virtutum obedientiam caelestium
praeceptorum, per quam domus haec nostra, non profluvio voluptatum, non
nequitiae spiritualis incursu, non imbre mundano, non haereticorum possit
nebulosis disputationibus commoveri; unde sequitur inundatione autem facta,
illisum est flumen domui illi, et non potuit eam movere. Beda.
Inundatio tribus modis fit : vel immundorum spirituum, vel improborum
hominum, vel ipsa mentis aut carnis inquietudine; et quantum propriis viribus
homines fidunt, inclinantur; quantum vero invictissimae illi petrae
adhaerent, etiam labefactari nequeunt. Chrysostomus
in Matthaeum. Ostendit etiam nobis dominus quod nullam parit fides
utilitatem, si foeda sit conversatio; unde sequitur qui autem audit et non
facit, similis est homini aedificanti domum suam supra terram sine fundamento.
Beda.
Domus Diaboli mundus, qui in maligno positus est : quam super terram
aedificat, quia obsequentes sibi de caelis ad terrena detrahit; sine
fundamento fundamentum non habet, quia non ex propria natura subsistit; malum
quippe aedificat, quia omne peccatum sine substantia est, quod tamen,
quodcumque sit, in boni natura convalescit. Quia vero a fundo dicitur
fundamentum, possumus etiam fundamentum pro fundo positum non inconvenienter
accipere : sicut qui in puteo mergitur, putei fundo retinetur; sic anima
corruens, quasi in quodam fundi loco consistit, si se in aliqua peccati
mensura continet. Sed cum peccato in quod labitur non potest esse contenta,
dum quotidie ad deteriora deicitur, quasi in puteo in quem cecidit, fundum
non invenit quo figatur. Ingruente autem qualibet tentatione, et vere mali et
ficte boni peiores fiunt, donec ad extremum perpetuam labantur in poenam;
unde sequitur in quam illisus est fluvius, et continuo cecidit, et facta est
ruina domus illius magna. Potest etiam per impetum fluminis, extremi iudicii
discrimen intelligi, quando utraque domo consummata, ibunt impii in
supplicium aeternum, iusti autem in vitam aeternam. Cyrillus.
Vel super terram sine fundamento aedificat qui super arenam dubietatis,
quae secundum opinionem est, ponit fundamentum spiritualis fabricae, quos
paucae stillae tentationum dissiparunt. Augustinus
de Cons. Evang. Hunc autem sermonem domini prolixum sic exorsus est Lucas,
sicut et Matthaeus : uterque enim dixit beati pauperes; deinde multa quae
sequuntur in utriusque narratione similia sunt; et ad extremum sermonis ipsa
conclusio prorsus eadem reperitur, scilicet de homine qui aedificat supra
petram, et super arenam. Posset ergo facillime credi eumdem Lucas domini
interposuisse sermonem, aliquas tamen praetermisisse sententias quas
Matthaeus posuit, item alias posuisse quas Matthaeus non dixit; nisi moveret
quod Matthaeus in monte dicit habitum sermonem a domino sedente, Lucas autem
in loco campestri a domino stante. Non tamen istos duos sermones longa
temporis distantia separari hinc probabiliter creditur, quod et ante et
postea quaedam similia vel eadem ambo narrarunt. Quamquam illud possit
occurrere, in aliqua excelsiori parte montis primo cum solis discipulis
fuisse dominum, quando ex eis illos duodecim elegit; deinde cum eis
descendisse de monte, scilicet de ipsa montis celsitudine, in campestrem
locum, idest in aliquam aequalitatem quae in latere montis erat, et multas
turbas capere poterat, atque ibi stetisse, donec ad eum turbae
congregarentur; ac postea cum sedisset, accessisse propinquius discipulos
suos, atque illis ceterisque turbis praesentibus unum habuisse sermonem. |
Versets 46-49.
— S. Bède : Notre Seigneur ne veut pas qu’on se fasse illusion sur le sens de ces paroles : « La bouche parle de l’abondance du coeur, » comme s’il n’exigeait des vrais chrétiens que les paroles et non pas les oeuvres; il ajoute donc : « Pourquoi m’appelez-vous Seigneur, Seigneur, et ne faites-vous point ce que je dis, » c’est-à-dire : Pourquoi vous glorifiez-vous de produire les feuilles des louanges de Dieu, vous qui ne produisez aucun fruit de bonnes oeuvres. — S. Cyrille : Celui qui a le souverain domaine sur toute la nature, a droit au nom et à la chose exprimée par le nom. — S. Athanase : (Disc. cont. les sectat. de Sabell.) Ce langage n’est pas celui d’un homme, mais celui d’un Dieu qui fait voir qu’il est engendré par le Père, car celui-là seul est Seigneur, qui tire son origine de l’unique et seul Seigneur; cependant ne craignez pas de dualité, car tous deux ont une seule et même nature. — S.
Cyrille : Le Sauveur nous fait ensuite connaître
quels sont les avantages attachés à l’observation des commandements, et quel
malheur menace ceux qui les transgressent : « Celui qui vient à moi, qui écoute mes paroles et les met en
pratique, je vous montrerai à qui il est semblable. Il est semblable à un
homme qui bâtit sa maison, qui a creusé bien avant et en a posé le fondement
sur la pierre. » — S. Bède : Cette pierre, c’est Jésus-Christ; creuser bien avant, c’est à l’aide des préceptes de l’humilité, enlever du coeur des fidèles tout ce qui est terrestre, afin qu’ils ne servent pas Dieu pour des motifs matériels. — S. Basile : (commenc. des Prov.) Poser le fondement sur la pierre, c’est s’appuyer sur la foi de Jésus-Christ, pour demeurer ferme dans l’adversité, soit qu’elle vienne des hommes, soit qu’elle vienne de Dieu. — S. Bède : Ou bien encore, le fondement de la maison, c’est l’intention de mener une vie vertueuse, que le parfait disciple [conçoit et] place dans son âme pour accomplir fidèlement les préceptes de Jésus-Christ. — S. Ambroise : Ou enfin, il veut nous enseigner que le fondement de toutes les vertus est l’obéissance aux commandements du Ciel, obéissance qui fait que la maison que nous bâtissons ne peut être ébranlée ni par le torrent impétueux des passions, ni par la violence des esprits de malice, ni par les eaux entraînantes du monde, ni par les disputes ténébreuses des hérétiques, c’est pourquoi il ajoute : « Une inondation étant survenue, le torrent s’est rué contre cette maison et il n’a pas pu l’ébranler. » — S. Bède : Ce débordement arrive de trois manières : sous l’influence des esprits immondes, par l’agitation des méchants, par le trouble de l’âme ou de la chair; plus les hommes mettent leur confiance dans leurs propres forces, plus aussi leur chute est grande, et plus ils s’appuient sur la pierre invincible, plus ils sont inébranlables. — S. Jean Chrysostome : (Hom. 25 sur Matth.) Notre Seigneur nous enseigne encore que la foi ne sert de rien si la vie est souillée par des vices qui la déshonorent : « Celui qui écoute mes paroles sans les pratiquer, est semblable à un homme qui bâtit sa maison sur la terre sans fondement, ». — S. Bède : Le monde qui est tout entier fondé sur le malin esprit (1 Jn 5), est la maison du démon; il la bâtit sur la terre, parce qu’il détourne du ciel pour les ramener vers la terre ceux qui se rendent ses esclaves. Il bâtit sans fondement, parce que le péché n’a pas de fondement, il ne subsiste pas par sa propre nature; le mal, en effet, n’a point d’existence propre, [c’est une négation], et de quelque manière qu’il arrive, il s’unit à la nature du bien; comme le mot « fondement » a pour étymologie le mot « fond », on peut lui donner cette dernière signification; ainsi, de même que celui qui tombe dans un puits s’arrête nécessairement au fond, de même l’âme qui tombe dans le mal, s’arrête comme dans un espèce de fond, si elle ne dépasse pas une certaine mesure dans le mal qu’elle commet, mais lorsque, non contente du péché où elle est tombée, elle fait tous les jours de nouvelles et plus lourdes des chutes, elle ne trouve plus, pour ainsi dire, de fond qui l’arrête dans le puits où elle est tombée. Ainsi les méchants et ceux qui n’ont que l’apparence du bien, deviennent plus mauvais à chaque tentation qui vient fondre sur eux, jusqu’à ce qu’enfin ils tombent dans les châtiments éternels : « Le torrent est venu fondre sur cette maison et elle est tombée aussitôt, et grande a été la ruine de cette maison. » Par ce fleuve qui se précipite avec violence, on peut entendre les suites du jugement dernier, alors que l’une et l’autre de ces deux maisons étant détruites, les impies iront à l’éternel supplice, et les justes dans la vie éternelle. — S. Cyrille : Ou bien encore, ceux-là bâtissent sur la terre sans aucun fondement, qui posent sur le sable mouvant du doute et des opinions humaines, le fondement de l’édifice spirituel que quelques gouttes de tentations suffisent pour renverser. — S.
Augustin : (de
l’acc. des Evang., 2, 14.) L’exorde de ce long
discours du Sauveur est le même dans saint Matthieu et dans saint Luc ;
tous les deux disent : « Bienheureux
les pauvres. » La plupart des enseignements qui suivent, sont également
les mêmes dans les deux Évangélistes, et le discours se termine absolument de
la même manière, par la comparaison de l’homme qui bâtit sur la pierre ou sur
le sable. On serait donc autorisé à croire que saint Luc a rapporté ici le
même discours que saint Matthieu, en omettant certaines maximes que saint
Matthieu avait développées, pour en rapporter lui-même d’autres que saint
Matthieu avait omises; mais on est arrêté par cette difficulté que, suivant
saint Matthieu, lorsque le Seigneur fit ce discours, il était assis sur une
montagne, tandis que d’après saint Luc, le Sauveur était alors debout dans la
plaine. Cependant il est probable que ces deux discours eurent lieu à des
époques peu éloignées, par la raison que les deux Évangélistes placent
immédiatement avant et après ce discours des faits semblables ou même
identiques. On peut aussi supposer que Notre Seigneur s’est tenu d’abord seul
avec ses disciples sur la partie la plus élevée de la montagne, lorsqu’il fit
choix parmi eux des douze Apôtres, et qu’il est ensuite descendu avec eux, du
sommet de la montagne dans la plaine, c’est-à-dire sur un plateau qui se
trouvait à mi-côte et qui pouvait contenir une grande multitude. C’est là
qu’il s’est tenu debout jusqu’à ce que la foule fût assemblée autour de lui,
puis lorsqu’il se fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui, et c’est
devant eux et en présence de tout le peuple réuni, qu’il fit ce seul et même
discours [qui est rapporté par les deux Évangélistes]. |
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Caput 7 |
CHAPITRE 7
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Lectio 1 [85816] Catena in Lc., cap. 7 l. 1 Titus. Cum perfectioribus documentis suos refecisset discipulos,
vadit Capharnaum, ibi prodigiosa operaturus; unde dicitur cum autem implesset
omnia verba sua in aures plebis, intravit in Capharnaum. Augustinus
de Cons. Evang. Hic intelligendum est quia non ante quam haec verba
terminasset intravit, sed non esse expressum post quantum temporis
intervallum, cum istos sermones terminasset, intraverit Capharnaum : ipso
quippe intervallo leprosus ille mundatus est, quem suo loco Matthaeus
interponit. Ambrosius.
Pulchre autem ubi praecepta complevit, formam docet suorum praeceptorum
exequi : nam statim gentilis centurionis servus domino curandus offertur;
unde sequitur centurionis autem cuiusdam servus male habens, erat moriturus,
qui illi erat pretiosus. Quod moriturum dixerit, Evangelista non fefellit;
moriturus enim erat, nisi fuisset sanatus a Christo. Eusebius.
Strenuus siquidem in bellis erat iste centurio, et militibus Romanis
praefectus. Quia vero specialis serviens eius domi languens iacebat,
considerans quales salvator erga ceteros virtutes agebat sanando languidos,
et iudicans quod non secundum vires humanas haec agebantur miracula, mittit
ad eum ut ad Deum, non habito respectu ad apparens organum, quo cum hominibus
conversabatur; unde sequitur et cum audisset de Iesu, misit ad eum seniores
Iudaeorum, rogans eum ut veniret, et salvaret servum suum. Augustinus
de Cons. Evang. Quomodo ergo verum erit quod Matthaeus narrat : accessit
ad eum quidam centurio, cum ipse non accesserit? Ubi diligenter advertentes
intelligamus, Matthaeum non deseruisse usitatum modum loquendi : si enim ipsa
perventio usitate dicitur per alios fieri, quanto magis accessus per alios
fieri potest? Non ergo absurde Matthaeus per alios facto accessu centurionis
ad dominum, compendio dicere voluit, ipsum potius accessisse ad Christum,
quam illos per quos verba sua misit : quia quo magis credidit, eo magis
accessit. Chrysostomus
in Matthaeum. Qualiter etiam Matthaeus dicit quod ipse dixit : non sum
dignus ut intres sub tectum meum; Lucas autem hic dicit, quoniam rogat ut
veniat? Sed mihi videtur quod Lucas significat nobis Iudaicas blanditias.
Credibile enim est ut cum vellet abire centurio, retraheretur a Iudaeis
blandientibus, et dicentibus, quia nos euntes ducemus eum : unde et eorum
preces adulationibus plenae sunt; sequitur enim at illi cum venissent ad
Iesum, rogabant eum sollicite, dicentes : quia dignus est ut hoc illi
praestes : diligit enim gentem nostram, et synagogam ipse aedificavit nobis.
Decebat quidem ipsos dicere, quoniam ipse volebat venire et supplicare; nos
autem detinuimus, calamitatem videntes, et cadaver quod in domo iacebat, aut
promere fidei eius immensitatem; sed nolebant propter invidiam fidem viri
detegere; ne magnus aliquis esse videretur cui preces porriguntur. Quod autem
Matthaeus significat ipsum Israelitam non esse, Lucas vero dicit quoniam
aedificavit synagogam, non est contrarium; potuit enim et Iudaeus non esse,
et synagogam construxisse. Beda. In hoc autem ostendunt, quia sicut nos Ecclesiam, sic etiam
illi synagogam non conventum solummodo fidelium, sed etiam locum quo
conveniebant sint soliti appellare. Eusebius. Et seniores quidem Iudaeorum pro modicis sumptibus ad
opus synagogae datis gratiam poscunt; sed dominus non propter hoc, sed pro
maiori causa, volens scilicet generare credulitatem in cunctis mortalibus per
suam virtutem, seipsum exhibuit; unde sequitur Iesus autem ibat cum illis.
Ambrosius. Quod utique non ideo faciebat quia absens curare non
poterat; sed ut formam tibi daret humilitatis imitandae, ad reguli filium
noluit pergere, ne videretur magis divitiis detulisse; hic ipse perrexit, ne
videretur in centurionis famulo conditionem despexisse servilem. Centurio
vero militari tumore deposito, reverentiam sumit, et ad fidem facilis, et ad
honorificentiam promptus; unde sequitur et cum non longe esset a domo, misit
ad eum centurio amicos, dicens : domine, noli vexari. Non enim hominis, sed
Dei potestate coniecit dari a Christo hominibus sanitatem. Iudaei quidem
dignitatem eius praetenderant; iste vero indignum se asseruit non solum
beneficii, sed etiam susceptionis domini : non enim dignus sum ut sub tectum
meum intres. Chrysostomus in Matthaeum. Postquam enim liberatus est a Iudaeorum
taedio, tunc mittit dicens : ne putes prae taedio me non venisse; sed
indignum reputavi te domi recipere. Ambrosius.
Bene autem Lucas in occursum amicos dicit esse a centurione transmissos, ne
praesentia sua, et generare domini verecundiam videretur, et officio
provocasse; unde sequitur propter quod et meipsum non sum dignum arbitratus
ut venirem ad te; sed dic tantum verbo, et sanabitur puer meus. Chrysostomus.
Ubi attende centurionem debitam opinionem habentem de domino : non enim
dixit : ora; sed tantummodo : iube, dubitans ne se humiliando renueret.
Subdit nam et ego homo sum sub potestate constitutus, habens sub me milites;
et dico huic : vade, et vadit; et alii : veni, et venit; et servo meo : fac
hoc, et facit. Beda.
Hominem se potestati vel tribuni vel praesidis subditum dicit; imperare
tamen minoribus : ut subaudiatur, eum multo magis qui Deus sit, non per
adventum tantum corporis, sed per Angelorum ministeria posse implere quod vellet
: repellendae enim erant vel infirmitates corporum, vel fortitudines
contrariae, et verbo domini, et ministeriis Angelorum. Chrysostomus.
Est autem hic notandum, quod hoc verbum fac imperium designat dictum
servo. Ob hoc Deus cum hominem vellet creare non ait unigenito : fac hominem;
sed faciamus hominem, ut per formam consensus verborum declaret
aequiparantiam. Quia ergo in Christo considerabat excellentiam dominii, ob
hoc ait dic verbo : nam et ego dico servo meo, et cetera. Christus autem non
eum reprehendit, sed eius intentionem roboravit; unde sequitur quo audito
Iesus miratus est. Beda.
Sed quis in illo fecerat ipsam fidem nisi ille qui admirabatur? Sed et si
alius eam fecisset, quid miraretur qui praescius erat? Quod ergo miratur
dominus, nobis mirandum esse significat : omnes enim tales motus cum de Deo
dicuntur, non perturbati animi signa sunt, sed docentis magistri. Chrysostomus.
Ut autem liqueat tibi quod dominus hoc ideo dixit ut alios instruat,
prudenter Evangelista hoc aperiens subdit amen dico vobis, nec in Israel
tantam fidem inveni. Ambrosius.
Et quidem si sic legas : in nullo tantam fidem inveni in Israel, simplex
intellectus et facilis est; si vero iuxta Graecos : nec in Israel tantam
fidem inveni, fides huiusmodi etiam electioribus, et Deum videntibus
antefertur. Beda.
Non autem de omnibus retro patriarchis et prophetis, sed de praesentis
aevi loquitur hominibus; quibus ideo centurionis fides antefertur, quia illi
legis prophetarumque monitis edocti, hic autem nemine docente sponte credidit.
Ambrosius.
Probatur autem fides domini, et servi sanitas roboratur; unde sequitur et
reversi qui missi fuerant domum, invenerunt servum qui languerat sanum.
Potest ergo meritum domini et famulis suffragari, non solum fidei merito, sed
et studio disciplinae. Beda.
Plenius autem haec explicat Matthaeus, quod dicente domino centurioni :
vade, sicut credidisti fiat tibi, sanatus sit puer ex illa hora. Sed beato
Lucae moris est, quod plene viderit ab aliis Evangelistis exposita
abbreviare, vel etiam de industria praeterire; quae vero ab eis omissa vel
breviter cognoverit tacta, dilucidare solertius. Ambrosius.
Mystice autem servo centurionis populus nationum, qui mundanae servitutis
vinculis tenebatur, aeger lethalibus passionibus, beneficio domini sanandus
exprimitur. Beda.
Centurio autem, cuius fides Israeli praefertur, electos a gentibus
ostendit; qui quasi centenario milite stipati virtutum spiritualium sunt
perfectione sublimes : numerus enim centenarius, qui de laeva transfertur ad
dexteram, in caelestis vitae significationem poni consuevit. Tales ergo pro
his necesse est ut domino supplicent qui adhuc spiritu servitutis premuntur;
nos autem, qui de gentibus credimus, non ipsi ad dominum venire possumus,
quem in carne videre non valemus; sed ad eum accedere debemus per fidem.
Seniores autem Iudaeorum mittere, hoc est summos Ecclesiae viros, qui nos ad
dominum praecesserunt, suppliciter obsecrando patronos acquirere, qui nobis
testimonium reddentes, quod Ecclesiam aedificare curemus, pro nostris
peccatis intercedant. Pulchre autem dicitur quia Iesus non longe erat a domo,
quia prope timentes eum salutare ipsius; et qui naturali lege recte utitur,
quo bona quae novit operatur, eo illi qui bonus est appropiat. Ambrosius.
Non vult autem Iesum vexari centurio; quia quem Iudaeorum populus
crucifixit, inviolatum ab iniuria manere desiderat populus nationum; et, quod
ad mysterium spectat, vidit in pectora adhuc gentilium non esse penetrabilem
Christum. Beda.
Milites autem et servi, qui centurioni obediunt, virtutes sunt naturales,
quarum copiam multi ad dominum venientes deferunt secum. Theophylactus.
Vel aliter. Centurio est intellectus, qui multorum in militia princeps
existit, dum multas in hac vita res habet. Habet autem servum infirmum,
irrationabilem animae partem, irascibilem et concupiscibilem dico. Et mittit
ad Iesum mediatores Iudaeos, idest confessionis cogitationes et verba; et
confestim suscipit servum sanum. |
Versets 1-10.
— Tite de Bostr. Après avoir nourri ses disciples des leçons de la perfection chrétienne, Notre Seigneur vient à Capharnaüm pour y opérer des prodiges : « Après qu’il eut achevé tout ce discours au peuple, il vint à Capharnaüm. » — S. Augustin : (de l’acc. des Ev., 2, 20.) Nous voyons ici que le Sauveur n’entra dans Capharnaüm qu’après avoir terminé son discours, mais l’Évangéliste ne dit pas quel temps s’est écoulé entre la fin du discours et l’entrée de Jésus dans la ville, car c’est dans cet intervalle que fut guéri le lépreux, dont saint Matthieu place ici la guérison. — S. Ambroise : Par un admirable rapprochement, Notre Seigneur, après avoir fait connaître les obligations [de la vie chrétienne], enseigne la manière de les accomplir; en effet, on vient aussitôt lui demander la guérison du serviteur d’un centurion : « Or, un centurion avait un serviteur malade, sur le point de mourir, et qui lui était cher.» L’Évangéliste ne s’est pas trompé, en disant qu’il allait mourir; il serait mort en effet, si Jésus ne l’avait guéri. — Eusèbe : Le Centurion était renommé par sa bravoure dans les combats, et commandait une compagnie de soldats romains. Un de ses serviteurs, attaché spécialement à sa personne, était tombé malade; ce centurion, considérant la puissance que Jésus déployait pour guérir d’autres maladies, et jugeant bien que ces miracles étaient supérieurs aux forces de la nature humaine, envoie vers lui, comme à un Dieu, quelques-uns des anciens des Juifs sans être arrêté par les dehors de l’humanité dont le Sauveur s’était revêtu pour entrer en communication avec les hommes : « Ayant entendu parler de Jésus, il envoya vers lui quelques-uns des anciens, le priant de venir sauver son serviteur. » — S. Augustin : (de l’acc. des Ev., 2, 20.) Mais comment donc pourra-t-on considérer comme véridique le récit de saint Matthieu, où nous lisons « Un centurion s’approcha de lui, » puisqu’en réalité il ne vint point le trouver ? En examinant sérieusement cette difficulté, nous sommes amenés à conclure que saint Matthieu s’est conformé ici au langage ordinaire; si, en effet, on peut dire qu’on parvient jusqu’à quelqu’un par le moyen d’autres personnes, à plus forte raison, on peut dire qu’on s’en approche par l’intermédiaire de ces mêmes personnes. Ainsi, quoique le centurion ait député vers Jésus quelques-uns des anciens des Juifs, saint Matthieu a pu dire, pour abréger, que le centurion s’était plus approché lui-même de Jésus-Christ, que ceux qu’il avait chargés de sa requête, car plus sa foi fut vive, plus aussi il s’approcha de Jésus. — S. Jean Chrysostome : (hom. 27 sur Matth.) Comment concilier encore le récit de saint Matthieu, où le centurion dit lui-même à Jésus : « Je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit, » avec le récit de saint Luc, où il prie Jésus de venir chez lui ? Je réponds que saint Luc, à mon avis, a voulu nous représenter les flatteries des Juifs. Il est probable, en effet, que le centurion voulait aller lui-même trouver Jésus, et qu’il en fut détourné par le langage flatteur des Juifs qui lui dirent : « Nous irons et nous vous l’amènerons chez vous. » Voyez, en effet, comme ils mêlent à la prière qu’ils font à Jésus, l’éloge du centurion : « Et étant venus trouver Jésus, ils le prièrent avec grande instance en disant : il mérite que vous lui fassiez cette grâce, car il aime notre nation, et c’est lui qui nous a bâti la synagogue. » Ils auraient dû bien plutôt dire : Il voulait venir vous trouver et vous prier lui-même, mais nous l’en avons détourné en voyant son affliction et ce pauvre malade étendu chez lui sur son lit de douleur; ils auraient ainsi fait ressortir la grandeur de sa foi. Mais ils se gardent bien de faire connaître la foi de cet homme, retenus par la jalousie qui les dévorait, dans la crainte de faire éclater la grandeur de celui à qui une semblable prière était adressée. Il n’y a du reste aucune contradiction entre ce que rapporte saint Matthieu, que ce Centurion n’était point Israélite, et ce que disent ici les anciens des Juifs d’après saint Luc : « Il nous a bâti une synagogue, » car il pouvait bâtir une synagogue sans être du peuple juif. — S. Bède : Nous voyons ici que les Juifs avaient coutume d’appeler synagogue, comme nous appelons Église, non seulement l’assemblée des fidèles, mais encore le lieu où ils se réunissaient. — Eusèbe : Les anciens des Juifs demandent cette grâce pour le centurion, en reconnaissance des sommes modiques qu’il avait pu donner pour la construction de la synagogue; mais le Seigneur se rend à des motifs d’un ordre plus élevé, il veut engendrer la foi dans le coeur de tous les hommes par la manifestation de sa puissance : « Jésus s’en alla donc avec eux. » — S. Ambroise : S’il agit de la sorte, ce n’est point qu’il ne pût guérir cet homme sans aller le trouver, mais parce qu’il voulait nous donner un exemple d’humilité. Il ne voulut point aller dans la maison de l’officier du roi [qui l’en priait pour son fils], afin de ne point paraître céder à l’influence de ses richesses; il consent ici à se rendre dans la maison du centurion, pour qu’on ne pût supposer qu’il méprisait l’humble condition de son serviteur. Le centurion, de son côté, dépose toute fierté militaire, plein de respect et de foi, il s’empresse de rendre au Sauveur l’honneur qui lui est dû : « Il n’était plus loin de la maison, lorsque le centurion envoya des amis lui dire : ‘Ne prenez pas tant de peine’». Il savait, en effet, que ce n’était point par une puissance naturelle, mais par la toute-puissance de Dieu que Jésus-Christ guérissait les hommes. Les Juifs, [en pressant Jésus de venir], avaient donné pour motif qu’il était digne de cette grâce; le centurion se reconnaît indigne, non seulement du bienfait qu’il sollicite, mais encore de recevoir le Seigneur : « Je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 27.) Aussitôt qu’il fut délivré de l’ennuyeuse importunité des Juifs, il envoie dire à Jésus : Ce n’est point par négligence que je ne suis pas venu vous trouver moi-même, mais parce que je me suis cru indigne de vous recevoir dans ma maison. — S. Ambroise : Saint Luc rapporte que le centurion envoya ses amis à la rencontre de Jésus, pour ne point paraître blesser par sa présence la modestie du Sauveur, et provoquer sa bonté par cette démarche : « C’est pourquoi, dit-il, je ne me suis pas cru digne d’aller moi-même vous trouver, mais dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 27 sur Matth.) Considérez quelle idée juste et convenable le Centurion a du Seigneur, il ne lui dit pas : Priez, mais : « Ordonnez, » et dans la crainte qu’il ne refusât par un sentiment d’humilité, il ajoute : « Car moi qui suis soumis à la puissance d’un autre, j’ai des soldats sous mes ordres, et je dis à l’un ‘Va’, et il va ; et à un autre ‘Viens’ et il vient ; et à mon serviteur ‘Fais ceci’ et il le fait.» — S. Bède : Il déclare qu’il n’est qu’un homme soumis à l’autorité du tribun ou du gouverneur, et que cependant il commande à d’autres qui sont au-dessous de lui; donc, à plus forte raison, celui qui est Dieu, peut faire ce qu’il veut, non seulement par sa présence corporelle, mais encore par le ministère des anges; car c’est par la parole du Seigneur et par le ministère des anges, que les maladies du corps devaient être guéries, et les puissances ennemies mises en fuite. — S.
Jean Chrysostome : (de la nat. incompréhens. de Dieu, disc. 6.)
Remarquons encore que cette parole « Faites, »
exprime un ordre donné à un serviteur; aussi, lorsque Dieu voulut créer
l’homme, il ne dit point à son Fils unique : Faites l’homme, mais : « Faisons l’homme, »
indiquant ainsi l’égalité de rang et d’honneur par cette parole de conseil et
d’accord mutuel. C’est donc parce qu’il reconnaissait dans Jésus-Christ la
souveraine puissance, qu’il s’exprime de la sorte : « Dites seulement une parole, car moi, je dis à mon serviteur, »
etc. Aussi Jésus, loin de le reprendre, le confirme dans cette pensée : « Ce qu’ayant entendu, Jésus fut dans
l’admiration. » — S. Bède : Qui donc avait produit dans le centurion cette foi vive, si ce n’est celui-là même qui l’admirait; et quand un autre en eût été l’auteur, pourquoi cette admiration dans celui qui connaissait par avance [la foi de cet homme] ? Si donc le Seigneur se laisse aller à l’admiration, c’est pour nous faire partager le même sentiment, car toutes ces émotions de l’âme, lorsqu’on les attribue à Dieu, ne sont point un signe de trouble intérieur, mais une leçon salutaire qu’il nous donne. — S. Jean Chrysostome : (hom.
27 sur Matth.) Pour vous rendre plus certain que
Notre Seigneur, en parlant de la sorte, voulait instruire ceux qui étaient
présents, l’Évangéliste exprime clairement ce but en ajoutant : « Je vous le dis en vérité, je n’ai
pas trouvé une si grande foi, même en Israël. » — S. Ambroise : Si vous lisez : « Je n’ai trouvé chez personne autant de foi dans Israël, » le sens est simple et facile, mais si vous lisez selon le texte grec : « Je n’ai pas trouvé une si grande foi, même dans Israël, » la foi de cet homme est mise au-dessus même des élus et de ceux qui voient Dieu. — S. Bède : Notre Seigneur ne veut point parler ici de tous les patriarches et des prophètes des siècles passés, mais des hommes du temps présent, dont la foi est mise bien au-dessous de celle du centurion, parce qu’ils avaient reçu les enseignements de la loi et des prophètes, tandis que cet homme avait cru spontanément, et sans avoir aucun maître. — S. Ambroise : En même temps que le Sauveur fait l’éloge de la foi du maître, il rend la santé au serviteur : « De retour à la maison, ceux que le centurion avait envoyés, trouvèrent le serviteur qui avait été malade, guéri. » Le mérite du maître peut donc profiter aux serviteurs, non seulement le mérite de la foi, mais encore le zèle pour la vertu. — S. Bède : Saint Matthieu s’étend davantage sur les circonstances de la guérison de ce serviteur, au moment même où Jésus dit à son maître : « Allez, qu’il vous soit fait selon ce que vous avez cru, et le serviteur fut guéri à l’heure même », mais saint Luc a pour habitude d’abréger ou même d’omettre entièrement ce qu’il trouve suffisamment exposé par les autres Évangélistes, et de développer lui-même avec plus de soin ce qu’ils ont omis ou ce qu’ils n’ont fait qu’indiquer. — S. Ambroise : Dans le sens mystique, le serviteur du centurion représente le peuple des nations qui, enchaîné dans les liens de la servitude du monde, en proie à la maladie mortelle de ses passions, attend sa guérison de la miséricorde du Seigneur. — S. Bède : Le centurion, dont la foi est mise au-dessus de la foi d’Israël, représente les élus d’entre les Gentils, qui, entourés des vertus spirituelles comme d’une cohorte de cent soldats, s’élèvent à une perfection sublime, car le nombre cent, qui s’écrit de gauche à droite, figure ordinairement la vie céleste. Il faut de semblables intercesseurs à ceux que l’esprit de servitude tient courbés sous le joug de la crainte (Rm 8); pour nous qui avons embrassé la foi parmi les Gentils, nous ne pouvons aller nous-mêmes au Seigneur, que nous ne pouvons voir dans sa chair, mais nous devons nous approcher de lui par la foi. Députer vers Jésus les anciens des Juifs, c’est conjurer les plus saints personnages de l’Église qui nous ont précédés, de vouloir bien être nos patrons, et d’intercéder pour nos péchés, en nous rendant le témoignage que nous prenons soin d’édifier l’Église. L’Évangéliste fait bien de remarquer que Jésus n’était pas loin de la maison, parce que son salut est près de ceux qui le craignent, et le fidèle observateur de la loi naturelle s’approche d’autant plus de celui qui est bon par essence, qu’il pratique plus exactement le bien qu’il connaît. — S. Ambroise : Le centurion ne veut pas qu’on tourmente Jésus par des instances, parce que le peuple des nations désire préserver de tout mal celui que le peuple juif a crucifié. Enfin (dans un sens mystérieux), il vit que le Christ ne pouvait encore pénétrer dans le coeur des Gentils. — S. Bède : Les soldats et les serviteurs qui obéissent au centurion, sont les vertus naturelles dont un grand nombre de ceux qui viennent trouver le Seigneur, portent avec eux la riche abondance. — Théophylacte : Ou bien encore, ce centurion représente l’intelligence, qui est comme le chef d’une foule d’actions mauvaises, chargée qu’elle est en cette vie d’une multitude d’affaires [qui l’absorbent tout entier]. Elle a pour serviteur la partie de l’âme qui est dépourvue de raison (c’est-à-dire la partie irascible et concupiscible). Elle envoie vers Jésus des Juifs comme médiateur, c’est-à-dire des pensées et des paroles de confession, et elle obtient aussitôt la guérison de son serviteur. |
Lectio 2 [85817] Catena in Lc., cap. 7 l. 2 Cyrillus.
Mira dominus miris annectit; et supra quidem accersitus occurrit, hic vero
non vocatus accedit; unde dicitur et factum est, deinceps ibat in civitatem
quae vocatur Naim. Beda.
Naim est civitas Galilaeae in secundo milliario montis Thabor. Divino
autem nutu multa turba dominum comitatur, ut multi essent tanti miraculi
testes; unde sequitur et ibant cum illo discipuli eius et turba copiosa. Gregorius
Nyssenus. Resurrectionis autem experimentum non ita verbis sicut operibus
a salvatore didicimus, qui ab inferioribus inchoans opus miraculi, fidem
nostram assuefacit ad maiora. Primo quidem in aegritudine desperata servi
centurionis, resurrectionis incepit potestatem; post haec altiori potestate
ducit homines ad fidem resurrectionis, dum suscitavit filium viduae, qui
ferebatur ad monumentum; unde sequitur cum autem appropinquaret portae
civitatis, ecce defunctus efferebatur filius unicus matris suae. Diceret
enim aliquis de puero centurionis, quod moriturus non erat : ut igitur
temerariam linguam compesceret, iam defuncto iuveni Christum obviare fatetur
unico filio viduae; nam sequitur et haec vidua erat, et turba civitatis multa
cum illa. Aerumnae
molem brevibus verbis explicuit. Mater vidua erat, et non sperabat ulterius
filios procreare; non habebat in quem aspectum dirigeret vice defuncti; hunc
solum lactaverat, solus aderat alacritatis causa in domo; quicquid matri
dulce ac pretiosum, hic solus extiterat. Cyrillus.
Miseranda passio, et ad fletum et lacrymas potens provocare. Unde sequitur
quam cum vidisset dominus, misericordia motus super eam, dixit illi : noli
flere. Beda.
Quasi dicat : desiste quasi mortuum flere, quem mox vivum resurgere
videbis. Chrysostomus.
Iubens autem cessare a lacrymis qui consolatur moestos, monet nos
praesentibus defunctis consolationem recipere, resurrectionem sperantes.
Tenet autem feretrum vita obvians morti; unde sequitur et accessit, et
tetigit loculum; hi autem qui portabant steterunt. Cyrillus
in Ioannem. Ideo autem non solo verbo peragit miraculum, sed et feretrum
tangit, ut cognoscas efficax esse sacrum Christi corpus ad humanam salutem :
est enim corpus vitae, et caro verbi omnipotentis, cuius habet virtutem :
sicut enim ferrum adiunctum igni perficit opus ignis, sic postquam caro unita
est verbo quod vivificat omnia, ipsa quoque facta est vivificativa, et mortis
expulsiva. Titus.
Non autem salvator similis est Eliae deflenti filium Sareptanae, nec
qualis Eliseus, qui proprium corpus applicuit corpori defuncti, nec qualis
est Petrus, qui pro Thabita oravit; sed ipse est qui non entia velut entia
vocat, qui mortuos ut vivos alloqui potest; unde sequitur et ait :
adolescens, tibi dico : surge. Gregorius
Nyssenus. Qui dixit adolescentem, florentis significavit temporis horam,
primam producentem lanuginem : qui paulo ante muliebris erat maternorum
oculorum aspectui, iam aspirans ad tempus sponsalium, virga generis,
successionis ramus, baculus senectutis. Titus.
Incunctanter autem erectus est cui sunt mandata directa : divina enim
potestas est irrefragabilis : nulla mora, nulla orationum instantia; unde
sequitur et resedit qui erat mortuus, et coepit loqui; et dedit illum matri
suae. Indicia sunt haec verae resurrectionis : corpus enim exanime loqui non
potest; nec reportasset mulier ad domum defunctum filium inanimatum. Beda.
Pulchre autem Evangelista dominum prius misericordia motum esse super
matre, ac sic filium resuscitare testatur, ut in uno nobis exemplum imitandae
pietatis ostenderet, in altero fidem mirandae potestatis astrueret; unde
sequitur accepit autem omnes timor, et magnificabant Deum, dicentes : quia
propheta magnus surrexit in nobis, et quia Deus visitavit plebem suam. Cyrillus. Hoc magnum fuit in populo insensibili et ingrato : post
modicum enim nec prophetam, nec ad utilitatem populi procedere ipsum
existimavit. Neminem autem habitantium Iudaeam hoc miraculum latuit; unde
sequitur et exiit hic sermo in universam Iudaeam, et in omnem circa regionem.
Ambrosius. Idoneum autem est dicere, quod septem resurrectiones
ante dominicam narrantur; quarum prima est filii Sareptanae, secunda filii
Sunamitis, tertia quae facta est in reliquiis Elisei, quarta quae facta est
in Naim, quinta filiae archisynagogi, sexta Lazari, septima in Christi
passione, multa namque corpora sanctorum surrexerunt; octava est Christi, qui
expers mortis remansit ulterius, in signum quod communis resurrectio, quae
futura est in octava aetate, non tolletur morte, sed indissolubilis
permanebit. Beda. Defunctus autem qui extra portam civitatis multis est
intuentibus elatus, significat hominem lethali funere criminum soporatum, et
animae mortem non cordis adhuc cubili tegentem, sed ad multorum notitiam per
locutionis operisve indicium, quasi per civitatis ostia, propalantem. Portam
enim civitatis puto aliquem de sensibus esse corporalibus : qui bene filius
unicus matris suae fuisse perhibetur, quia una est ex multis personis
collecta mater Ecclesia : viduam autem esse Ecclesiam, omnis anima quae se
domini morte redemptam meminit, agnoscit. Ambrosius.
Hanc enim viduam populorum turba circumseptam plus video esse quam
feminam, quae resurrectionem unici adolescentis filii a pompa funeris revocat
ad vitam, quarum contemplatione lacrymarum, quae flere prohibetur eum cui
resurrectio debebatur. Beda.
Vel Novati dogma confunditur, qui dum poenitentium mundationem evacuare
conatur, matrem Ecclesiam de natorum suorum spirituali extinctione plorantem
spe vitae reddendae negat consolari debere. Ambrosius. Hic autem mortuus in loculo materialibus quatuor ad
sepulchrum ferebatur elementis; sed spem resurgendi habebat, quia ferebatur in
ligno; quod etsi nobis ante non proderat, tamen posteaquam Christus id
tetigit, proficere coepit ad vitam; ut esset iudicio salutem populo per
crucis patibulum refundendam. In secreto enim iacemus exanimes, cum vel ignis
immodicae cupiditatis exaestuat, vel frigidus humor exundat, et pigra quadam
corporis habitudine vigor hebetatur animorum. Beda.
Vel loculus in quo mortuus effertur, male secura desperati peccatoris
conscientia est : qui vero sepeliendum portant, vel immunda desideria, vel blandimenta
sunt sociorum; qui, domino loculum tangente, steterunt : quia superni
formidine iudicii tacta conscientia, carnales saepe voluptates et iniuste
laudantes coercens ad se revertitur, vocantique ad vitam respondet salvatori.
Ambrosius.
Si ergo grave peccatum est, quod poenitentiae tuae lacrymis ipse lavare
non possis, fleat pro te mater Ecclesia, assistat et turba; iam resurges a
funere, et incipies vitalia loqui, timebunt omnes; unius enim exemplo omnes
corriguntur : laudabunt etiam Deum, qui tanta nobis remedia vitandae mortis
indulsit. Beda. Visitavit autem Deus plebem suam, non solum semel verbum suum
incorporando, sed semper in corda mittendo. Theophylactus. Viduam etiam potes intelligere animam virum
amittentem, idest divinum sermonem : filius enim est intellectus, qui extra
civitatem effertur viventium; loculus eius est corpus eius, quod quidam
dixerunt esse sepulchrum : tangens autem eum dominus levat ipsum, iuvenescere
faciens eum qui surgens a peccato incipit loqui et alios edocere : non enim
prius ei crederetur. |
Versets 11-17.
— S. Cyrille : Notre
Seigneur opère prodiges sur prodiges; dans le miracle précédent, il avait
attendu qu’on vînt le prier, ici il vient sans être appelé : « Il s’en alla ensuite dans une ville
appelée Naïm. » — S.
Bède : Naïm est une ville de Galilée, située à deux
milles du mont Thabor; or, c’est par une permission divine que le Sauveur est
suivi de cette grande multitude, Dieu veut ainsi multiplier les témoins d’un
si grand miracle : « Et ses
disciples l’accompagnaient avec une grande foule de peuple. » — S.
Grégoire de Nysse : (Traité de l’âme et de la résurrection.) Le
Sauveur prouve la vérité de la résurrection moins par ses paroles que par ses
oeuvres. Il commence par des miracles moins importants pour préparer notre
foi à des prodiges plus éclatants, il essaie pour ainsi dire le pouvoir qu’il
a de ressusciter sur la maladie désespérée du serviteur du centurion; puis,
par un acte d’une plus grande puissance, il conduit les hommes à la foi de la
résurrection, en rendant à la vie le fils d’une veuve qu’on portait au
tombeau : « Comme il approchait de
la porte de la ville, il se trouva qu’on portait en terre un mort, fils
unique de sa mère. » — Tite de Bostr. On avait pu dire du serviteur du centurion, que sa maladie n’était pas mortelle; aussi, pour réprimer ce langage téméraire, Jésus marche à la rencontre d’un jeune homme qui était mort, fils unique d’une veuve : « Et celle-ci était veuve, et beaucoup de gens de la ville l’accompagnaient. » — S. Grégoire de Nysse : (de la créat. de l’homme.) Par ce peu de mots, l’Évangéliste nous fait connaître le poids de la douleur [qui accablait cette pauvre mère]. Elle était veuve, et ne pouvait plus espérer d’autres enfants, elle n’en avait aucun sur lequel elle pût reporter les regards de sa tendresse, à la place de celui qu’elle venait de perdre; il était le seul qu’elle eût nourri de son lait, lui seul était la joie de sa maison, lui seul était toute sa douceur, tout son trésor. — S.
Cyrille : Une si juste douleur était bien digne de
compassion et bien capable d’attrister et de faire couler les larmes : « Le Seigneur l’ayant vue, fut touché
de compassion pour elle, et lui dit : Ne pleurez point. » — S. Bède : C’est-à-dire, cessez de pleurer comme mort celui que vous allez voir ressusciter plein de vie. — S. Jean Chrysostome : (ou Tite dans la Chronique des Pères grecs) En disant à cette femme : « Ne pleurez pas, » celui qui console les affligés nous apprend à nous consoler de la perte de ceux qui nous sont chers, par l’espérance de la résurrection; cependant il touche le cercueil comme la vie qui va à la rencontre de la mort : « Et il s’approcha et toucha le cercueil ;et les porteurs s’arrêtèrent. » — S. Cyrille : Il n’opère point ce miracle par sa seule parole, mais il touche le cercueil et vous fait ainsi comprendre l’efficacité toute-puissante du corps sacré de Jésus-Christ pour le salut des hommes; c’est en effet un corps plein de vie et la chair du Verbe tout-puissant dont il a toute la vertu. De même, en effet, que le fer pénétré par le feu, produit les effets du feu; ainsi la chair étant unie au Verbe qui vivifie toutes choses, se pénètre elle-même d’une puissance vivifiante qui chasse la mort. — Tite
de Bostr. Le Sauveur ne ressemble point ici au prophète Élie, qui pleure
le fils de la femme de Sarepta (3 R 17),
ni au prophète Élisée, qui étendit son corps sur le cadavre [du fils de la
Sunamite] (4 R 4), ni à l’apôtre
saint Pierre, qui prie Dieu de rendre la vie à Thabitha (Ac 9); mais il est celui qui appelle ce qui n’est pas comme ce
qui est (Rm 4), et qui peut faire
entendre sa parole aux morts aussi bien qu’aux vivants : « Et il dit : Jeune homme, je te le commande, lève-toi. » — S. Grégoire de Nysse : En l’appelant « jeune homme, » Notre Seigneur nous apprend qu’il était à la fleur de l’âge, dans la première jeunesse. Il y a quelques heures encore, il était la joie et le bonheur des regards de sa mère, peut-être déjà il soupirait après le temps des épousailles : il deviendrait le chef de sa famille, la souche de sa postérité, et le bâton de vieillesse de sa mère. — Tite de Bostr. Ce jeune homme obéit aussitôt à l’ordre qui lui est donné, et se lève sur son séant, car rien ne peut résister à la puissance divine, elle ne souffre aucun retard, elle n’a besoin d’aucune instance : « Aussitôt le mort se leva sur son séant et commença à parler, et Jésus le rendit à sa mère. » Ce sont là les signes d’une véritable résurrection, car un corps privé de la vie n’a pas l’usage de la parole, et d’ailleurs cette femme n’eût point ramené dans sa maison le corps de son fils mort et inanimé. — S. Bède : L’Évangéliste suit un ordre admirable en nous représentant d’abord le Sauveur touché de compassion pour cette pauvre mère, et puis rendant son fils à la vie; il nous donne ainsi d’un côté l’exemple de la compassion que nous devons imiter, et de l’autre, un motif de croire à sa puissance admirable; aussi ajoute-t-il : « Tous furent saisis de crainte, et ils glorifiaient Dieu, disant : ‘Un grand prophète s’est levé parmi nous’ et ‘Dieu a visité son peuple’.» — S.
Cyrille : Ce prodige surprenant se fit au milieu
d’un peuple insensible et ingrat ; après peu de temps, ils ne croyaient
plus que Jésus fût un prophète, ni qu’il eût été envoyé pour le salut du
peuple juif. Cependant ce miracle fut connu de tous les habitants de la Judée
: « Et le bruit de ce prodige se
répandit dans toute la Judée, et dans tout le pays d’alentour. » — S. Ambroise : Il est bon de remarquer que la sainte Écriture rapporte sept résurrections avant celle du Seigneur. La première est celle du fils de la veuve de Sarepta (III R 17); la seconde, celle du fils de la Sumanite (4 R 4); la troisième, celle qu’opéra le corps d’Elisée (4 R 3); la quatrième, celle du fils de la veuve de Naïm (Lc 7); la cinquième, celle de la fille du chef de la synagogue (Mc 5); la sixième, celle de Lazare (Jn 11); la septième, celle qui eut lieu au temps de la passion du Sauveur, alors que les corps d’un grand nombre de saints ressuscitèrent. La huitième est celle de Jésus-Christ, qui, vainqueur à jamais de la mort, vit pour ne plus mourir, et pour signifier que la résurrection générale qui aura lieu au huitième âge du monde, ne sera plus sujette à la mort, mais sera suivie d’une vie éternelle. — S. Bède : Ce mort qui ressuscite, hors des portes de la ville, sous les yeux d’une grande multitude, représente l’homme plongé dans le sommeil de ses fautes mortelles, et la mort de l’âme, qui ne reste plus cachée dans l’intérieur du coeur, mais qui se produit au dehors, et qui, par ses paroles et par ses oeuvres, s’expose aux regards de tous, comme aux portes d’une ville, car chacun des sens de notre corps peut être considéré comme la porte d’une ville. C’est avec raison que l’Évangéliste fait remarquer que ce jeune homme était fils unique de sa mère, parce que l’Église, bien que composée d’un grand nombre de personnes, ne fait cependant qu’une seule mère; et toute âme qui se souvient d’avoir été rachetée par la mort du Seigneur, sait que l’Église est veuve. — S. Ambroise : Cette veuve qui est entourée d’une multitude de peuple, est à mes yeux plus qu’une femme, elle qui a mérité d’obtenir par ses larmes la résurrection de son fils unique. Ainsi l’Église rappelle à la vie le peuple le plus jeune du milieu des tristes solennités de la mort, et on lui défend de pleurer celui qui doit bientôt ressusciter. — S. Bède : Ainsi se trouve confondue l’erreur des Novatiens, qui, en voulant détruire la purification des pécheurs repentants, nient par la même que l’Église, notre mère, qui pleure la mort spirituelle de ses enfants, doive être consolée par l’espérance de leur rendre la vie. — S. Ambroise : Ce mort était porté dans son cercueil par les quatre éléments terrestres; mais il avait l’espérance de ressusciter parce qu’il était porté dans le bois. Ce bois jusque-là ne nous était d’aucune utilité, mais dès que Jésus-Christ l’eut touché, il devint un instrument de vie, et le signe du salut que le bois de la croix devait apporter à tous les peuples. Nous sommes étendus sans mouvement et sans vie dans le cercueil, lorsque le feu d’une passion violente nous consume, ou lorsque les eaux de l’indifférence nous submergent, et que la vigueur de notre âme se trouve comme émoussée et appesantie par le poids de ce corps terrestre. — S. Bède : Ou bien encore, le cercueil dans lequel ce jeune homme est porté, c’est la conscience toujours alarmée du pécheur désespéré; ceux qui le portent au tombeau sont les désirs impurs ou les flatteries des amis qui s’arrêtent aussitôt que le Seigneur touche le cercueil; souvent, en effet, la conscience que touche la crainte des jugements de Dieu, rejette les voluptés charnelles et les louanges injustes, rentre en elle-même, et répond au Sauveur qui la rappelle à la vie. — S. Ambroise : Si donc vous êtes coupable d’une grande faute que vous ne puissiez laver dans les larmes de la pénitence, recourez aux larmes de l’Église votre mère, que l’assemblée des fidèles vous aide aussi [dans ce pieux travail], et vous sortirez du tombeau, et votre bouche s’ouvrira de nouveau à des paroles de vie, et tous seront saisis de crainte (car l’exemple d’un seul est profitable à tous ceux qui en sont témoins), et ils loueront Dieu qui nous a donné de si grands moyens d’éviter la mort. — S. Bède : ainsi Dieu a visité son peuple, non seulement lorsqu’il l’a incarné une fois dans un corps mortel, mais lorsqu’il ne cesse de l’envoyer dans les coeurs. —
Théophylacte : Par cette veuve, vous pouvez aussi
entendre l’âme qui a perdu son époux, c’est-à-dire la parole divine; son fils
qui est emporté hors de la ville des vivants, c’est l’intelligence; le
cercueil, c’est son corps que plusieurs ont appelé un sépulcre. Or, aussitôt
que le Seigneur le touche, il le relève, il rend [la vie et] la jeunesse à
celui qui sort du péché et commence à parler et à instruire les autres; car
avant sa résurrection on n’eût point ajouté foi à ses paroles. |
Lectio 3 [85818] Catena in Lc., cap. 7 l. 3 Cyrillus. Miraculum quod omnes inhabitantes Iudaeam et Galilaeam
sciverant, referunt sancto Baptistae quidam ex eius discipulis, unde sequitur
et nuntiaverunt Ioanni discipuli eius de omnibus his. Beda.
Non simplici corde, ut opinor, sed invidia stimulante : nam et alibi conqueruntur
dicentes : Rabbi, qui erat tecum trans Iordanem, ecce hic baptizat; et omnes
veniunt ad eum. Chrysostomus.
Tunc autem magis ad eum erigimur cum incumbit necessitas : et ideo Ioannes
detrusus in carcerem, quando magis discipuli eius indigebant Iesu, tunc
mittit eos ad Christum; sequitur enim et convocavit duos de discipulis suis
Ioannes, et misit eos ad Iesum, dicens : tu es qui venturus es, an alium
expectamus? Beda.
Non ait : tu es qui venisti; sed : tu es qui venturus es? Et est sensus :
manda mihi, quia interficiendus ab Herode et ad Inferna descensurus sum,
utrum te et Inferis debeam nuntiare, qui superis nuntiavi; an hoc non
conveniat filio Dei, et alium ad haec sacramenta missurus es? Cyrillus.
Sed omnino reprobanda est talis opinio : nunquam enim reperimus sacram
Scripturam disserere, quod infernalibus praenuntiaverit Baptista Ioannes
salvatoris adventum. Illud etiam verum est dicere, quod non ignoravit
Baptista virtutem mysterii incarnationis unigeniti; unde et hoc cum aliis
noverat quod illuminaturus erat in Inferno manentes, cum pro omnibus
gustaverit mortem, tam vivis quam mortuis. Sed quoniam sermo sacrae
Scripturae hunc quidem praedixit venturum tamquam Deum et dominum; alii vero
missi sunt sicut famuli ante Christum : ideo omnium salvator et dominus a
prophetis nominabatur, qui venit vel qui venturus est, secundum illud :
benedictus qui venit in nomine domini; et in Habacuc : post modicum qui
venturus est veniet et non tardabit. Igitur divinus Baptista quasi nomen
accipiens a sacra Scriptura, misit quosdam discipulorum suorum quaesituros an
ipse sit qui venit vel qui venturus est. Ambrosius.
Sed quomodo fieri posset ut de quo dixerat : ecce qui tollit peccatum
mundi, adhuc eum Dei filium esse non crederet? Aut enim insolentiae est ei
tribuere divina quae nescit, aut de Dei filio dubitasse perfidiae est.
Nonnulli autem de ipso Ioanne intelligunt magnum quidem ita prophetam ut
Christum agnosceret; sed tamen non tamquam dubium, sed tamquam pium vatem
quem venturum crediderat, non credidisse moriturum. Non igitur fide, sed
pietate dubitavit, sicut et Petrus dicens : propitius tibi esto, domine, non
fiet hoc. Cyrillus.
Vel ex dispensatione interrogat; noverat enim ut praecursor passionis
Christi mysterium; sed ut discipulis suis constet quanta sit excellentia
salvatoris, ex propriis discipulis prudentiores misit, quos praecepit
sciscitari, et viva salvatoris voce conicere, si ipse est qui expectabatur;
unde subditur cum autem ad eum venissent viri, dixerunt : Ioannes Baptista
misit nos ad te, dicens : tu es qui venturus es, an alium expectamus? Sciens
autem ut Deus quo animo misisset eos Ioannes, et causam adventus eorum, tunc
temporis egit uberiora miracula; unde sequitur in ipsa autem hora curavit
multos a languoribus et plagis et spiritibus malis, et caecis multis donavit
visum. Non dicit eis expresse : ego sum; sed ducit eos magis ad rei
certitudinem, ut congrua ratione sumentes fidem ipsius revertantur ad eum qui
misit eos; unde non ad verba, sed ad propositum mittentis responsum exhibuit;
nam sequitur et respondens dixit illis : euntes renuntiate Ioanni quae
vidistis et audistis; quasi dicat : narrate Ioanni quae quidem audistis per
prophetas, consummari vero vidistis a me : ea enim tunc agebat quae
praedixerant prophetae eum facturum; de quibus subditur quia caeci vident,
claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt. Ambrosius.
Plenum sane testimonium, quo dominum propheta cognosceret : de ipso enim
fuerat prophetatum quia dominus dat escam esurientibus, erigit elisos, solvit
compeditos, illuminat caecos; et quod qui ista facit, regnabit in aeternum.
Ergo non humanae ista, sed divinae virtutis insignia sunt. Huius autem
Evangelii exempla vel rara vel nulla inveniuntur : unus Tobias oculos
recepit; et haec fuit Angeli, non hominis medicina; Elias mortuum suscitavit;
ipse tamen rogavit et flevit, hic iussit; Eliseus leprosum mundari fecit; non
tamen ibi valuit praecepti auctoritas, sed mysterii figura. Theophylactus.
Sunt enim haec verba Isaiae dicentis : Deus ipse veniet, et salvabit nos.
Tunc aperientur oculi caecorum, et aures surdorum patebunt; tunc saliet sicut
cervus, claudus. Beda.
Et, quod his non minus est, subditur pauperes evangelizantur, pauperes
scilicet spiritu vel opibus, intus illuminantur, ut inter divites et egenos
in praedicatione nulla distantia sit. Hoc magistri comprobavit veritatem;
quando omnis qui apud eum salvari potest, aequalis est. Ambrosius.
Sed tamen parva adhuc ista dominicae testificationis exempla : plenitudo
fidei crux domini, obitus, sepultura est; unde addidit et beatus est qui non
fuerit scandalizatus in me. Crux enim etiam electis scandalum posset afferre;
sed nullum hoc maius divinae personae est testimonium; nihil enim est quod
magis esse ultra humana videatur, quam totum se obtulisse pro mundo. Cyrillus.
Vel per hoc volebat ostendere quod quaecumque versabantur in cordibus
eorum, ab oculis ipsius effugere nequiverunt; ipsi enim erant qui
scandalizabantur de ipso. Ambrosius.
Mystice autem in Ioanne supra diximus typum esse legis, quae praenuntia
fuit Christi. Mittit ergo Ioannes discipulos suos ad Christum ut supplementum
scientiae consequantur, quia plenitudo legis est Christus : et fortasse isti
discipuli sunt duo populi, quorum unus ex Iudaeis credidit, alter ex
gentibus, qui ideo credidit, quia audivit. Voluerunt ergo et isti videre :
quia beati oculi qui vident. Cum autem venerint ad Evangelium, et cognoverint
illuminari caecos, ambulare claudos, tunc dicent : oculis nostris perspeximus
: videmur enim nobis vidisse quae legimus : aut fortasse in parte quadam
corporis nostri, omnes videmur investigasse dominicae seriem passionis :
fides enim per paucos ad plures pervenit. Lex ergo Christum venturum
annuntiat, Evangelii Scriptura venisse confirmat. |
Versets 18-23.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Quelques-uns des disciples de Jean rapportèrent à saint Jean Baptiste le miracle qu’avaient appris tous les habitants de la Judée et de la Galilée : « Cependant les disciples de Jean lui ayant rapporté tout cela,…» — S. Bède : Ce ne fut pas, je pense, dans une intention bien droite, mais par un sentiment de jalousie; car nous les voyons ailleurs se plaindre de Jésus en ces termes : « Maître, celui qui était avec vous au delà du Jourdain, et auquel vous avez rendu témoignage, voilà qu’il baptise, et que tous vont à lui. » (Jn 3.) — S. Jean Chrysostome : C’est surtout lorsque la nécessité nous presse, que nous devons nous élever jusqu’à Jésus, c’est pour cette raison que Jean, retenu en prison, envoie ses disciples à Jésus, alors qu’ils en avaient un plus grand besoin : « Jean-Baptiste appela deux de ses disciples, et les envoya vers Jésus pour lui dire : ‘Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?’» etc. — S. Bède : Il ne dit pas : Êtes-vous celui qui êtes venu ? mais : « Êtes-vous celui qui doit venir ? » c’est-à-dire : Je suis sur le point d’être mis à mort par Hérode, et de descendre aux enfers, faites-moi donc savoir si je dois annoncer votre arrivée dans les enfers, comme je l’ai annoncée sur la terre, ou bien si cette mission ne convenant pas au Fils de Dieu, vous devez en envoyer un autre pour l’accomplissement de ce mystère. — S. Cyrille : Mais cette explication doit être entièrement rejetée; nulle part, en effet, nous ne lisons dans les saintes Écritures que Jean-Baptiste ait annoncé la venue du Sauveur à ceux qui séjournent dans les enfers. Il est vrai aussi de dire que saint Jean Baptiste connaissait toute l’étendue du mystère de l’incarnation du Fils unique de Dieu; il savait donc, entre autres choses, qu’il devait porter la lumière à ceux qui habitaient les enfers, puisqu’il est mort pour tous les hommes, aussi bien pour les morts que pour les vivants. Mais comme les oracles de la sainte Écriture avaient prédit qu’il viendrait comme Dieu et comme Seigneur, et que les autres avaient été envoyés comme de simples serviteurs avant la venue du Christ, le Sauveur et le Seigneur de tous les hommes est appelé par les prophètes : « Celui qui vient, » ou « celui qui doit venir, » comme dans ce passage des Psaumes : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » (Ps 117), et dans cet autre du prophète Habacuc : « Encore un peu de temps, et celui qui doit venir, viendra sans tarder. » (Ha 2.) Jean-Baptiste emprunte donc cette manière de parler à la sainte Écriture, et envoie quelques-uns de ses disciples pour demander à Jésus s’il est celui qui vient, ou qui doit venir. — S. Ambroise : Mais comment peut-il se faire qu’après avoir proclamé Jésus celui qui efface les péchés du monde, Jean-Baptiste ne reconnut pas encore en lui le Fils de Dieu ? car, ou c’est une témérité impardonnable que d’attribuer [sans raison] les attributs de la divinité à celui qu’il ne connaît pas, ou c’est une coupable infidélité que de douter qu’il soit le Fils de Dieu. Quelques-uns ont vu dans Jean-Baptiste un grand prophète éclairé d’en haut, pour reconnaître le Christ; mais sans admettre que le doute soit entré dans son esprit, ils ont supposé que par un sentiment de pieuse affection, il avait cru que celui qu’il avait annoncé, ne serait pas sujet à la mort. Ce n’est donc point l’incrédulité, mais son amour [pour le Sauveur] qui est la cause de ce doute; c’est ainsi que nous voyons saint Pierre dire à Jésus-Christ : « A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera point. » (Mt 16.) — S. Cyrille : (Trés., liv. 2, chap. 4.) Ou bien, c’est avec un dessein particulier que Jean-Baptiste fait cette question. Il connaissait, en effet, comme précurseur, le mystère de la passion du Christ; mais il voulait que ses disciples apprissent par eux-mêmes l’excellence du Sauveur; il envoie donc vers lui les plus sages d’entre eux, en leur recommandant de s’informer et d’apprendre de la bouche même du Sauveur, s’il était celui qu’on attendait : « Ces hommes étant donc venus, lui dirent : Jean-Baptiste nous a envoyés vous demander : Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Or, Jésus, sachant comme Dieu dans quelle intention Jean les avait envoyés et le motif de leur venue, opéra sous leurs yeux un grand nombre de miracles éclatants : « A cette heure même, Jésus guérit un grand nombre de personnes affligées de maladies, d’infirmités et d’esprits mauvais ; et il rendit la vue à beaucoup d’aveugles, ». Il ne leur dit pas en termes exprès : « Je suis celui qui doit venir, » mais il leur en donne une plus grande certitude, et veut qu’ils puisent la foi en sa divinité dans des preuves sans réplique, avant de retourner vers celui qui les a envoyés. Il ne répond donc pas à la question, mais à l’intention de celui qui les a envoyés : « Alors il répondit aux envoyés : Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu, » c’est-à-dire : Racontez à Jean-Baptiste ce que vous avez entendu des prophètes, et ce que vous avez vu s’accomplir en moi-même. Il accomplissait, en effet, les merveilles que les prophètes avaient prédit de lui, et qu’il rappelle en leur disant : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent.» — S. Ambroise : Ce témoignage était sans doute plus que suffisant pour que le Précurseur fût convaincu que Jésus était son Seigneur; car c’est de lui que les prophètes avaient prédit : « Le Seigneur donne la nourriture à ceux qui ont faim, , il redresse ceux qui sont courbés, le Seigneur délie les captifs, il éclaire les aveugles et celui qui opère ces prodiges, règnera dans l’éternité. » (Ps 145.) Ce ne sont point les oeuvres de l’homme, mais les actes d’une puissance toute divine. De tels prodiges étaient rares, ou presque nuls avant l’Évangile; Tobie est le seul que nous voyons recouvrer la vue, et ce fut un ange et non pas un homme qui le guérit. (Tb 11.) Élie a ressuscité des morts, mais à force de prières et de larmes (3 R 17), ici Jésus n’a besoin que de commander; Élisée a guéri un lépreux, néanmoins ce ne fut point par l’autorité de son commandement, mais en figure d’un grand mystère. —
Théophylacte : C’était à la vue de ces prodiges,
qu’Isaïe disait : « Dieu viendra
lui-même et nous sauvera. Alors les yeux des aveugles verront le jour, et les
oreilles des sourds seront ouvertes; alors le boiteux bondira comme le
cerf. » — S. Bède : Et ce qui n’est pas un miracle moins éclatant : « Les pauvres sont évangélisés, » c’est-à-dire que les pauvres d’esprit ou des biens de la terre sont éclairés intérieurement, de sorte que les pauvres et les riches ont également part à la grâce de la prédication. C’est là une preuve de la vérité du Maître, que tous ceux qu’il peut sauver soient égaux devant lui. — S. Ambroise : Et cependant ce sont là encore de faibles témoignages de la divinité du Sauveur; ce qui donne à la foi toute sa plénitude, c’est la croix du Seigneur, sa mort, sa sépulture. Voilà pourquoi il ajoute : « Et bienheureux celui qui ne se sera pas scandalisé de moi. » La croix, en effet, pourrait être un sujet de scandale, même pour les élus, et cependant c’est la plus grande preuve de la divinité du Christ; car il n’y a rien qui soit plus au-dessus de l’humanité que de s’être offert seul pour le salut du monde entier. — S. Cyrille : Peut-être aussi voulait-il les convaincre par là, qu’aucune des pensées de leur coeur ne pouvait échapper à ses regards; car c’étaient eux-mêmes qui se scandalisaient de sa personne divine. — S. Ambroise : Nous avons dit plus haut que Jean était la figure de la loi qui a été comme le précurseur du Christ. Jean-Baptiste envoie donc ses disciples vers Jésus-Christ pour donner à leur science toute sa perfection; car le Christ est la plénitude de la loi. Ces deux disciples peuvent aussi figurer les deux peuples, les Juifs qui embrassèrent la foi, et les Gentils qui crurent après avoir entendu. Ils voulaient voir de leurs yeux, parce que bienheureux sont les yeux qui voient. Mais lorsqu’ils sont parvenus jusqu’à l’Évangile, et qu’ils ont reconnu que les aveugles ont recouvré la vue, que les boiteux marchent, etc.; alors ils diront : « Nous avons vu de nos yeux. » (1 Jn 1.) Car nous nous figurons que nous voyons ce que nous lisons; ou bien encore, il nous semble que nous avons parcouru toute la suite de la passion du Sauveur dans quelque partie de notre corps; car c’est par quelques-uns seulement que la foi s’est étendue à la multitude des fidèles. Ainsi la loi annonçait le Christ qui devait venir, et l’Évangile confirme sa venue. |
Lectio 4 [85819] Catena in Lc., cap. 7 l. 4 Cyrillus.
Coniecit dominus, tamquam hominum secreta cognoscens, aliquos dicturos : si
usque hodie ignorat Ioannes Iesum, qualiter eum ostendebat nobis, dicens :
ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi? Ut igitur sanaret hanc
passionem quae eis acciderat, damnum quod ex scandalo procedebat, exclusit;
unde dicitur et cum discessissent nuntii Ioannis, coepit dicere de Ioanne ad
turbas : quid existis in desertum videre? Arundinem vento agitatam? Quasi
dicat : mirati estis de Ioanne Baptista, et pluries perrexistis ad eum,
percurrentes tam longa deserti itinera : frustra siquidem, si sic levem ipsum
existimatis, ut similis sit arundini declinanti quocumque agitat ventus.
Talis enim esse videtur, si quae cognovit, ex levitate se ignorare fatetur.
Titus.
Non autem existis in desertum, ubi nulla iucunditas, civitatibus omissis,
nisi de hoc viro curam gerentes. Graecus.
Hoc autem post recessum discipulorum Ioannis dominus dixit : non enim
praesentibus eis proferre volebat Baptistae praeconia, ne blandientis verba
esse putarentur. Ambrosius.
Non otiose autem Ioannis hic persona laudatur, qui vitae amore posthabito,
iustitiae formam nec mortis terrore mutavit. Deserto enim mundus hic
comparari videtur adhuc sterilis, adhuc incultus; in quem negat nobis dominus
ita prodeundum ut mente carnis inflatos, vacuosque virtutis internae viros,
et fragili se gloriae saecularis sublimitate iactantes, exemplari quodam et
imagine nobis putemus imitandos, quos procellis huius mundi obnoxios vita
mobilis inquietat, iure arundini comparandos. Graecus.
Est etiam infallibile testimonium vitae Ioannis vestitus cum carcere, in
quem detrusus non fuisset, si scivisset favere principibus; unde sequitur sed
quid existis videre? Hominem mollibus vestimentis indutum? Ecce qui in veste
pretiosa sunt et in deliciis, in domibus regum sunt. Mollibus vestimentis
indutus viventes in deliciis significat. Chrysostomus.
Mollis autem vestis dissolvit rigidam animam; et si rigidum corpus assumat
et asperum, facile per huiusmodi mollitiem delicatum reddit et fragile. Facto
vero corpore molliori, necesse est et animam participare laesionem; nam ut
plurimum operationes ipsius consonant dispositionibus corporis. Cyrillus.
Qualiter ergo tanta sedulitas religionis ut carnales passiones subiceret,
ad tantam ignorantiam deveniret, nisi ex mentis levitate, quam non
asperitates, sed illecebrae mundanae delectant? Igitur si velut non colentem
deliciosa Ioannem imitamini, date ei robur continentiae competens si vero
nihil amplius debetur honestae conversationi, quid, omissa reverentia
delicatorum, incolam deserti, vileque tegumen et camelorum vellus miramini?
Chrysostomus
in Matthaeum. Per utrumque autem dictorum designat, quod Ioannes nec
naturaliter, nec facile mobilis erat, nec ulla voluptate flecteretur. Ambrosius.
Et quamvis plerosque mollioris cura vestis effeminet, tamen alia videtur
hic indumenta significare; humana scilicet corpora, quibus anima nostra
vestitur. Sunt autem mollia indumenta deliciosi actus et mores; hi vero
quibus fluida deliciis membra solvuntur, regni caelestis extorres sunt; quos
rectores mundi huius atque tenebrarum ceperunt : hi sunt enim reges qui
dominantur suorum operum aemulos. Cyrillus.
Sed forte inconveniens est circa hoc excusare Ioannem; fatemini enim eum imitabilem
esse; unde subdit sed quid existis videre? Prophetam? Utique dico vobis : et
plusquam prophetam. Prophetae namque praedicabant venturum : hic autem non
solum venturum praedicavit, sed et praesentem indicavit, dicens : ecce agnus
Dei. Ambrosius.
Maior sane propheta, in quo finis est prophetarum : quia multi cupierunt
videre quem iste conspexit, quem iste baptizavit. Cyrillus.
Cum igitur et a loco et a vestibus et ex concursu hominum morem eius
descripserit, introducit prophetae testimonium, dicens hic est, de quo
scriptum est, scilicet in Malachia : ecce mitto Angelum meum. Titus.
Angelum appellat hominem, non quia natura esset Angelus, homo enim
naturaliter erat; sed quia opus Angeli exercebat, nuntiando Christi adventum.
Graecus.
Quod autem subdit ante faciem tuam, propinquitatem designat : apparuit
enim hominibus prope Christi adventum; quapropter et plusquam prophetam ipsum
esse existimandum est; nam et hi qui in militiis collaterales sunt regibus,
digniores et familiariores sunt. Ambrosius.
Viam autem domino non solum nascendi secundum carnem ordine fideique
nuntio, sed etiam praecursu quodam paravit passiones; unde sequitur qui
praeparabit viam tuam ante te. Si
autem et Christus propheta, quomodo maior hic omnibus? Sed inter mulieris,
non virginis natos : maior enim iis fuit quibus aequalis poterat esse sorte
nascendi; unde sequitur dico enim vobis : maior inter natos mulierum propheta
Ioanne Baptista non est. Chrysostomus
in Matthaeum. Sufficit quidem domini vox praebens testimonium
praeeminentiae Ioannis inter homines; reperiet autem qui vult et rei
veritatem consonam, si mensam eius consideraverit, si vitam, si mentis
excellentiam : velut enim qui caelitus descendisset, degebat in terra, fere
nullam gerens curam de corpore, intellectualiter erectus in caelum, et soli
Deo coniunctus, de nullo mundanorum sollicitus; sermo severus et lenis : nam
cum populo Iudaeorum viriliter et ferventer, cum rege audacter, cum propriis
discipulis leniter conferebat : nil frustra vel leviter, omnia convenienter
agebat. Isidorus
abbas. Maior etiam inter natos mulierum Ioannes eo quod ab ipso matris
utero prophetavit, et positus in tenebris lumen quod iam venerat non
ignoravit. Ambrosius.
Denique eo usque cum Dei filio non poterit Ioannis esse ulla collatio ut
et infra Angelos aestimetur; unde sequitur qui autem minor est in regno Dei,
maior est illo. Beda.
Haec sententia duobus modis potest intelligi : aut enim regnum Dei
appellavit quod nondum accepimus, in quo sunt Angeli, et quilibet in eis minor,
maior est quolibet iusto portante corpus, quod aggravat animam; aut si regnum
Dei intelligi voluit huius temporis Ecclesiam, seipsum dominus significavit,
qui nascendi tempore minor erat Ioanne, maior autem divinitatis auctoritate
et potestate dominica : proinde secundum primam expositionem ita distinguitur
: qui autem minor est in regno Dei, ac deinde subinfertur maior est illo;
secundum posteriorem vero ita : qui autem minor est, ac deinde subinfertur in
regno Dei maior est illo. Chrysostomus.
Ut enim copia laudum Ioannis occasionem Iudaeis non daret praeferendi
Ioannem Christo, hoc subdidit. Ne autem putes quod comparative se dixerit
maiorem Ioanne. Ambrosius.
Alia enim est ista natura, nec humanis generationibus comparanda : non
potest enim homini cum Deo ulla esse collatio. Cyrillus.
Mystice autem, cum Ioannis praerogativam ostendit inter natos mulierum,
ponit ex opposito aliquid maius eo, scilicet qui per spiritum sanctum natus
est filius Dei : regnum enim donum Dei spiritus est. Quamvis ergo secundum
operationem et sanctitatem, minores sumus his qui legis mysterium sunt
assecuti, quos Ioannes significat : tamen maiora per Christum attingimus,
participes facti divinae naturae. |
Versets 24-28.
— S. Cyrille : (Tres., 2, 24.) Le Seigneur qui pénétrait le secret des cœurs humains, comprit qu’il s’en trouverait pour dire : Si Jean-Baptiste a été jusqu’à ce jour sans connaître Jésus, comment a-t-il pu le montrer au peuple en disant : « Voici l’Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde ? » C’est donc pour guérir cette impression défavorable, qu’il éloigne de leur esprit ce qui pouvait être pour eux un sujet de scandale : « Lorsque les envoyés de Jean furent partis, il commença à dire au peuple, en parlant de Jean : Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? un roseau agité par le vent ? » comme s’il disait : Vous avez été pleins d’admiration pour Jean-Baptiste, bien des fois vous avez été le trouver malgré les difficultés d’un voyage long et pénible dans le désert. Or, c’est en vain, si vous le croyez léger comme le roseau qui plie à tous les vents ? car voilà ce qu’il serait, si par légèreté d’esprit, il déclarait ignorer ce qu’il a connu. — Tite. Mais vous n’auriez point quitté les villes pour vous enfoncer dans le désert qui ne peut vous offrir aucun agrément, si vous n’aviez de cet homme une plus haute idée. — Siméon. (Chronique des Pères grecs) Notre Seigneur attendit le départ des disciples pour parler ainsi de Jean-Baptiste, il n’avait pas voulu faire en leur présence l’éloge du Baptiste, de peur qu’ils ne prennent ses paroles pour de la flatterie. — S. Ambroise : Ce n’est point sans raison que le Sauveur fait ici l’éloge de Jean-Baptiste qui, sacrifiant généreusement l’amour de la vie aux intérêts de la vérité et de la justice, demeura inébranlable en face même de la mort. Ce monde, en effet, peut être comparé à un désert stérile et inculte, où le Seigneur nous défend de marcher sur les traces, et en suivant les exemples de ces hommes remplis des pensées de la chair, vides de toute vertu intérieure, et qui s’enorgueillissent de l’éclat fragile de la gloire mondaine. Constamment agités par les tempêtes de ce monde, ils sont toujours en proie à la mobilité de leurs désirs, et méritent par là d’être comparés à des roseaux. — Siméon. (Chronique des Pères grecs) Le vêtement de Jean-Baptiste est un témoignage de la sainteté de sa vie, aussi bien que la prison, [où il est détenu]; car jamais il n’aurait été jeté dans les fers, s’il avait flatté les passions des princes : « Qu’êtes-vous allés voir ? un homme vêtu avec mollesse ? Mais ceux qui portent des vêtements précieux et vivent dans les délices, habitent les maisons des rois. » Ces hommes vêtus mollement, représentent ceux qui passent leur vie dans les délices. — S. Jean Chrysostome : (hom. 29 sur l’Ep. aux Héb.) La mollesse des vêtements affaiblit la vigueur de l’âme, et le corps fût-il ami de l’austérité et de la mortification, est bientôt énervé par cette molle délicatesse. Or, quand le corps est amolli, l’âme ne tarde pas à l’être; car les inclinations de l’âme sont presque toujours conformes aux dispositions du corps. — S. Cyrille : (Très., 2, 4.) Comment donc Jean-Baptiste, avec ce soin religieux de soumettre les passions de la chair, aurait-il pu tomber dans une si grande ignorance, sinon par la légèreté d’un esprit qui a horreur des austérités, et se laisse séduire par les délices du monde ? Si donc Jean vous paraît digne d’imitation, parce qu’il fuit cette vie délicate, accordez-lui la fermeté qui convient à cette vie mortifiée; si au contraire, vous ne devez rien à cette vie austère, pourquoi donc refuser votre admiration aux délices du monde, pour l’accorder à cet habitant du désert, à l’antre misérable qui lui sert de demeure, et à la peau de chameau dont il est couvert. — S. Jean Chrysostome : (hom. 38 sur Matth.) Par ces deux comparaisons, le Sauveur veut faire comprendre que Jean-Baptiste n’était point d’un caractère mobile et inconstant, et qu’aucune volonté n’était capable de le faire fléchir. — S. Ambroise : Bien qu’il soit vrai de dire que la recherche de la mollesse dans les vêtements, énerve la vigueur de l’âme dans le plus grand nombre; Notre Seigneur paraît vouloir indiquer ici un autre genre de vêtement, c’est-à-dire le corps dont notre âme est comme revêtue. Ces vêtements délicats sont les oeuvres de la volupté. Or, ceux qui laissent énerver leurs membres au contact de ces fausses délices sont bannis du royaume des cieux; les princes de ce monde et les puissances des ténèbres s’en emparent; car ils sont les rois qui exercent leur empire absolu sur les imitateurs de leurs oeuvres. — S.
Cyrille : (Trés.,
2, 4.) Mais vous jugez sans doute qu’il est superflu
d’excuser Jean-Baptiste de légèreté et de mollesse, puisque vous avouez qu’il
est digne d’imitation; alors : « Qu’êtes-vous
donc allés voir ? Un prophète. Oui, je vous le dis, et plus qu’un
prophète », car les prophètes prédisaient seulement qu’il allait
venir; mais pour Jean-Baptiste, non seulement il a prédit sa venue, mais il a
démontré sa présence au milieu des hommes, lorsqu’il a dit : « Voici l’agneau de Dieu. » — S. Ambroise : Oui certes, il est plus grand qu’un prophète, lui qui atteint la fin que se proposaient les prophètes, car beaucoup ont désiré contempler celui qu’il a mérité de voir et de baptiser (Mt 13; Lc 10). — S. Cyrille : (Trés., 2, 4.) Après avoir fait l’éloge de la vie de Jean-Baptiste et par le lieu qu’il habitait, et par ses vêtements, et par le concours qui se faisait autour de lui, Notre Seigneur cite en sa faveur le témoignage du prophète [Malachie] : « C’est de lui qu’il est écrit : Voilà que j’envoie mon ange. » — Tite de Bostr. Il lui donne le nom d’ange, non pas qu’il le fût en réalité, puisqu’il était homme par nature, mais parce qu’il remplissait les fonctions d’un ange en annonçant la venue du Christ. — Siméon (Chronique des Pères grecs): Ces paroles : « devant votre face, » nous montrent les rapports étroits de Jean-Baptiste avec Jésus-Christ; il parut, en effet, au moment de la venue de Jésus-Christ, et c’est pour cela que nous devons l’estimer plus qu’un prophète, car ceux qui, dans les armées, se tiennent aux côtés du roi, sont les premiers dignitaires du royaume et ses familiers les plus intimes. — S.
Ambroise : Jean-Baptiste a préparé la voie au
Seigneur, non seulement par le caractère miraculeux de sa naissance, et par
la prédication de la foi, mais en précédant Jésus dans sa glorieuse passion :
« qui préparera la voie devant
vous. » — S.
Ambroise : Mais si Jésus-Christ est prophète,
comment Jean-Baptiste est-il plus grand que tous les prophètes ? Il est
le plus grand de ceux qui sont nés de la femme et non d’une vierge,
c’est-à-dire qu’il a été le plus grand de tous ceux qui lui étaient
semblables par leur naissance : « Je
vous le dis, parmi ceux qui sont nés des femmes, il n’est point de prophète
plus grand que Jean-Baptiste. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 38 sur Matth.) Il suffisait sans doute de ce témoignage rendu par le Sauveur, que Jean était le plus grand des enfants des hommes; cependant, si vous voulez voir cette vérité confirmée par les faits, considérez quelle était la nourriture du saint Précurseur, sa vie, sa grandeur d’âme; en effet, il vivait sur la terre comme un homme descendu du ciel, ne prenant aucun soin de son corps, l’esprit toujours occupé des pensées du ciel, uni à Dieu seul, n’ayant aucun souci des choses de la terre; sa Parole était à la fois pleine de sévérité et de douceur; il parlait au peuple juif avec vigueur et fermeté, au roi Hérode avec audace, et il instruisait ses disciples avec douceur; rien de vain et de léger dans sa conduite toujours pleine de dignité. — S. Isidore : Jean est encore le plus grand de ceux qui sont nés de la femme, parce qu’il prophétisa dans le sein même de sa mère, et qu’au milieu des ténèbres qui l’environnaient, il reconnut la lumière qui allait éclairer l’univers. — S. Ambroise : Il est si vrai qu’il ne pouvait exister aucune comparaison entre Jean-Baptiste et le Fils de Dieu, que le Sauveur le place même au-dessous des anges : « Celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. » — S. Bède : Ce passage peut être interprété de deux manières, ou bien par ce royaume de Dieu, le Sauveur veut entendre ce royaume dont nous ne sommes pas encore en possession et qu’habitent les anges; or, le plus petit dans ce royaume est plus grand que tout juste revêtu de ce corps qui appesantit l’âme. (Sg 9, 15.) Ou bien, le royaume de Dieu, dans l’intention du Sauveur, c’est l’Église du temps présent, et alors c’est de lui-même que Notre Seigneur veut parler, lui qui est inférieur à Jean par la date de sa naissance, mais qui est plus grand par son autorité divine et par sa souveraine puissance. Dans le premier sens, il faut donc ainsi séparer les membres de cette proposition : « Celui qui est le plus petit dans le royaume de Dieu, » ajoutez : « est plus grand que lui » ; dans le second sens : « Celui qui est plus petit que lui, » ajoutez : « dans le royaume de Dieu est plus grand que lui. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 38 sur Matth.) Notre Seigneur fait cette réserve, de peur que la grandeur des louanges qu’il vient de donner à Jean-Baptiste, ne fût pour les Juifs une occasion de le mettre au-dessus du Christ. Ne croyez pas cependant qu’il ait voulu établir une comparaison en déclarant que Jean est plus grand que lui. — S. Ambroise : En effet, sa nature est toute différente et ne peut être comparée en aucune façon à la nature humaine, car nulle comparaison n’est possible entre Dieu et l’homme. — S. Cyrille : Dans le sens mystique, en même temps que le Sauveur proclame la supériorité de Jean-Baptiste sur tous les enfants des femmes, il lui oppose quelque chose de plus grand, celui qui devient Fils de Dieu par [la naissance qu’il reçoit de] l’Esprit saint, car le royaume du Seigneur, c’est l’Esprit de Dieu. Aussi, bien que sous le rapport des oeuvres et de la sainteté de la vie, nous soyons inférieurs à ceux qui ont pénétré le mystère de la loi, et dont Jean-Baptiste est la figure; cependant nous nous élevons plus haut par Jésus-Christ qui nous rend participants de la nature divine (2 P 1, 4). |
Lectio 5 [85820] Catena in Lc., cap. 7 l. 5 Chrysostomus in Matthaeum. Praemissa commendatione Ioannis,
magnum Pharisaeorum et legisperitorum prodidit crimen, qui nec post
publicanos Baptisma Ioannis acceperunt; unde dicitur et omnis populus audiens
et publicani iustificaverunt Deum, baptizati Baptismo Ioannis. Ambrosius
in Lucam. Iustificatur Deus per Baptismum, dum se homines peccata propria
confitendo iustificant : qui enim peccat, et confitetur Deo peccatum,
iustificat Deum : cedens ei vincenti, ab eoque gratiam sperans. In Baptismate
igitur iustificatur Deus, in quo est et confessio, et venia peccatorum. Eusebius
in Lucam. Quia etiam crediderunt, iustificaverunt Deum : apparuit enim eis
iustus in omnibus quae fecit. Pharisaei autem repellendo Ioannem, tamquam
inobedientes, non consonabant prophetae dicenti : ut iustificeris in
sermonibus tuis; unde sequitur Pharisaei autem et legisperiti consilium Dei
spreverunt in semetipsis, non baptizati ab eo. Beda.
Haec verba sive ex persona Evangelistae, sive ex persona salvatoris, ut
quibusdam placet, dicta sunt. Quod autem dicit in semetipsis, vel contra
semetipsos, significat quia qui gratiam Dei respuit, contra semetipsum facit.
Vel ad semetipsos missum Dei consilium stulti et ingrati vituperantur
noluisse recipere. Consilium ergo est Dei, quod per passionem et mortem
Christi salvare decrevit : quod Pharisaei et legisperiti spreverunt. Ambrosius.
Non condemnamus ergo, sicut Pharisaei, consilium Dei quod est in Ioannis
Baptismate : hoc est consilium quod magni consilii Angelus reperit. Ioannis
consilium nemo contemnit, Dei consilium quis refutet? Cyrillus.
Erat autem quidam modus ludendi talis consuetus apud filios Iudaeorum :
bipartiebatur puerorum caterva, qui rerum praesentis vitae deridentes
repentinam transmutationem, hi quidem canebant, hi vero moerebant; sed nec
gaudentibus congaudebant moerentes, nec qui gaudebant confirmabant se
flentibus; deinde arguebant se invicem improperantes incompassionis malitiam.
Tale quid passam fuisse Iudaeorum plebem una cum principibus Christus
innuebat; unde ex persona Christi subditur cui ergo similis dicam homines
generationis huius, et cui similes sunt? Similes sunt pueris sedentibus in
foro, et loquentibus ad invicem, et dicentibus : cantavimus vobis tibiis, et
non saltastis; lamentavimus, et non plorastis. Beda.
Generatio Iudaeorum comparatur pueris, quia doctores olim prophetas
habebant, de quibus dicitur ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem.
Ambrosius.
Cantaverunt autem prophetae spiritualibus modulis publicae salutis oracula
resultantes, fleverunt threnis flebilibus Iudaeorum dura corda mulcentes. Hoc canticum non in foro, non in plateis canebatur, sed in Ierusalem :
ipsa est enim dominicum forum, in quo praeceptorum caelestium iura conduntur. Gregorius
Nyssenus. Canticum autem et lamentatio nil aliud est quam excessus, hoc
quidem gaudii, illud vero moeroris. Resonat autem quaedam consona melodia ex
organo musico, secundum quam dum homo pede et motu consono corporis
commovetur, intrinsecam dispositionem manifestat; et ideo dicit lamentavimus,
et non plorastis. Augustinus
de quaest. Evang. Haec autem pertinent ad Ioannem et Christum. Quod enim
dicit lamentavimus, et non plorastis, ad Ioannem pertinet, cuius abstinentia
a cibis et potu luctum poenitentiae significabat; unde exponendo subdit venit
enim Ioannes Baptista neque manducans panem, neque bibens vinum; et dicitis :
Daemonium habet. Cyrillus.
Praesumunt criminari virum qualibet admiratione dignum : Daemonium habere
dicunt mortificantem legem peccati, quae latet in membris. Augustinus
de quaest. Evang. Quod autem dixerat cantavimus tibiis, et non saltastis,
ad ipsum dominum pertinet, qui utendo cum ceteris cibo et potu, laetitiam
regni significabat; unde sequitur venit filius hominis manducans et bibens;
et dicitis : ecce homo devorator et bibens vinum. Titus.
Noluit enim Christus abstinere ab huiusmodi cibis, ne occasionem daret
haereticis, qui dicunt creaturas esse malas, et vituperant carnes et vinum.
Cyrillus.
Ubi autem potuerunt ostendere dominum voratorem? Invenitur enim Christus ubique
reprimere immoderantiam, et ad modestiam ducere. Conversabatur autem cum
publicanis et peccatoribus; unde contra eum dicebant amicus publicanorum et
peccatorum; cum tamen nullatenus ipse posset in peccatum incidere, sed e
contra fiebat eis causa salutis : non enim coinquinatur sol radians super
totam terram, et frequenter superveniens immundis corporibus; nec sol
iustitiae laedetur conversando cum pravis. Nemo autem conetur comparare
propriam mensuram dignitatibus Christi : sed quilibet propriam fragilitatem
considerans vitet consortia talium : prava namque colloquia mores corrumpunt
bonos. Sequitur et iustificata est sapientia ab omnibus filiis suis. Ambrosius.
Sapientia Dei filius est per naturam, non per
profectum : quae iustificatur per Baptisma, in eo quod non per contumaciam
refutatur, sed per iustitiam Dei munus agnoscitur. In eo ergo iustificatio
Dei est, si non ad indignos et obnoxios, sed ad innocentes, per ablutionem
sanctos et iustos, videatur sua munera transtulisse. Chrysostomus.
Filios autem sapientiae dicit sapientes : consuevit enim Scriptura malos
magis ex peccato quam ex nomine indicare, bonos autem filios appellare
informantis eos virtutis. Ambrosius.
Bene autem dicit ab omnibus : quia circa omnes iustitia reservatur, ut
susceptio fiat fidelium et eiectio perfidorum. Augustinus
de quaest. Evang. Vel quod dicit iustificata est sapientia ab omnibus
filiis suis, ostendit filios sapientiae intelligere, nec in abstinendo, nec
in manducando esse iustitiam, sed in aequanimitate tolerandi inopiam : non
enim usus, sed concupiscentia reprehendenda est, dummodo congruas in
generibus alimentorum his cum quibus tibi vivendum est. |
Versets 29-35.
— S. Jean Chrysostome : (hom. 38 sur Matth.) Après avoir fait l’éloge de Jean-Baptiste, le Sauveur fait ressortir le crime énorme des pharisiens et des docteurs de la loi qui, même après l’exemple donné par les publicains, n’ont pas voulu recevoir le baptême de Jean : « Tout le peuple qui l’a entendu et les publicains ont reconnu la justice de Dieu, en se faisant baptiser du baptême de Jean. » — S. Ambroise : Dieu est justifié dans le baptême, lorsque les hommes se justifient eux-mêmes en confessant leurs péchés. En effet, celui qui, après avoir péché, confesse à Dieu ses fautes, justifie Dieu, en se soumettant au pouvoir de ce vainqueur, et en espérant de lui la grâce du salut. Dieu est justifié dans le Baptême, en lequel se trouvent l’aveu et le pardon des péchés. — Eusèbe : Ceux qui ont cru ont aussi justifié Dieu, car ils l’ont trouvé juste dans toutes ses œuvres. Les pharisiens, au contraire, qui refusaient d’écouter Jean-Baptiste, par une attitude de désobéissance, se mettaient en opposition avec ces paroles du prophète : « afin que vous soyez reconnu juste dans vos paroles. » (Ps 50.) « Or, les pharisiens et les docteurs de la loi ont rendu vain sur eux le conseil de Dieu, en ne se faisant pas baptiser par lui. » — S. Bède : Cette réflexion est de l’Évangéliste, ou de Notre Seigneur lui-même (comme plusieurs le pensent); cette expression : « Sur eux, » ou : « Contre eux, » signifie que celui qui méprise la grâce de Dieu, agit contre ses intérêts, ou bien encore, le Sauveur condamne ici la conduite de ces insensés et de ces ingrats, qui n’ont pas voulu recevoir le conseil que Dieu leur manifestait. Or, le conseil de Dieu, c’est le décret de sauver le monde par la passion et la mort de Jésus-Christ, conseil que les pharisiens et les docteurs de la loi ont méprisé. — S. Ambroise : Gardons-nous de mépriser, à l’exemple des pharisiens, le conseil de Dieu. Ce conseil de Dieu s’est manifesté dans le baptême de Jean-Baptiste, [qui donc peut douter qu’il se manifeste également dans le baptême de Jésus-Christ ?] C’est le conseil dont l’ange du grand conseil est l’auteur, [et que personne ne connaît : « Car qui connaît les desseins de Dieu (Rm 11) ? »] Personne ne méprise le conseil d’un homme, qui oserait rejeter le conseil de Dieu. — S. Cyrille : Voici l’espèce de jeu auquel se livraient les enfants des Juifs : une troupe d’enfants se partageaient en deux pour se jouer des vicissitudes si rapides de la vie présente; les uns chantaient, et les autres se lamentaient; mais ni ceux qui pleuraient ne participaient à la joie de ceux qui chantaient, ni ceux qui se réjouissaient ne prenaient part à la tristesse de ceux qui pleuraient, et alors ils se reprochaient mutuellement leur absence de sympathie. C’est l’image de la conduite du peuple juif et des princes des prêtres, au témoignage de Jésus-Christ : « A qui donc comparerai-je les hommes de cette génération et à qui sont-ils semblables ? Ils sont semblables à des enfants qui sont assis sur une place publique et qui se crient les uns aux autres : ‘Nous avons joué de la flûte pour vous et vous n’avez pas dansé ; nous vous avons chanté une lamentation, et vous n’avez pas pleuré. » — S. Bède : La génération présente des Juifs est comparée à des enfants, parce qu’ils avaient autrefois pour docteurs les prophètes dont il est écrit : « Vous avez tiré la louange la plus parfaite de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle (Ps 8). » — S. Ambroise : Or, les prophètes ont chanté, proclamant dans leurs mélodies spirituelles les oracles du salut du monde; ils ont pleuré pour attendrir par leurs plaintives lamentations les coeurs endurcis des Juifs. Ce n’était ni dans le Forum, ni sur les places publiques que ces chants se faisaient entendre, mais dans la ville de Jérusalem, car cette ville est comme le Forum du Seigneur, où se publient les droits immuables des commandements célestes. — S. Grégoire de Nysse : Les chants et les lamentations ne sont que l’effet d’une émotion vive de joie et de tristesse. Les instruments de musique laissent échapper une mélodie sympathique qui porte l’homme à manifester les sentiments intérieurs qu’elle fait naître par le mouvement cadencé de son pied ou de tout son corps; voilà pourquoi ces enfants disent : [« Nous avons chanté et vous n’avez pas dansé »] « nous nous sommes lamentés et vous n’avez point pleuré. » — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 11.) Notre Seigneur fait ici allusion à la conduite des Juifs à l’égard de Jean-Baptiste et de Jésus-Christ : ces paroles : « Nous nous sommes lamentés et vous n’avez point pleuré, » se rapportent à la prédication de Jean-Baptiste, qui, par l’austérité de sa manière de vivre sans manger ni boire, figurait la tristesse de la pénitence; aussi Notre Seigneur ajoute : « Car Jean-Baptiste est venu ne mangeant point de pain et ne buvant point de vin, et vous dites : ‘Il est possédé du démon’. » — S. Cyrille : Ils osent incriminer un homme digne de toute leur admiration, et ils traitent de possédé celui qui mortifiait la loi du péché cachée dans nos membres. — S. Augustin : (Quest. év., 2, 11.) Les paroles qui précèdent : « Nous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé, » sont une allusion à Notre Seigneur lui-même, qui, en adoptant la manière de vivre ordinaire des hommes avec lesquels il mangeait et buvait, était la figure de la joie du royaume : « Le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant, et vous dites : ‘C’est un mangeur et un buveur de vin’». — Tite de Bostr. Jésus-Christ, en effet, n’a point voulu s’interdire l’usage de ces aliments pour ôter tout prétexte aux hérétiques (cf. 1 Tm 4), qui disent que les créatures sont mauvaises et qui condamnent l’usage des viandes et du vin. — S. Cyrille : Mais où ont-ils donc trouvé que le Seigneur était un « gros mangeur » ? Ne voyons-nous pas au contraire qu’en toute circonstance il se garde de tout excès et conseille la tempérance et la modération ? Il ne dédaignait pas, il est vrai, d’entrer en relations avec les publicains et les pécheurs, aussi l’accusaient-ils d’être « l’ami des publicains et des pécheurs, » bien que cette fréquentation ne pût lui être aucunement nuisible, mais qu’elle devint, au contraire, pour les pécheurs la cause de leur salut. En effet, est-ce que le soleil qui inonde toute la terre de ses rayons, contracte la moindre souillure, parce que sa lumière pénètre souvent des corps impurs ? Comment donc le soleil de justice pourrait-il éprouver la moindre altération dans ses rapports avec les méchants. Cependant gardons-nous tous, qui que nous soyons, de prétendre aux mêmes privilèges que Jésus-Christ, mais en considérant notre propre fragilité, évitons le commerce des méchants, car les mauvaises conversations corrompent les bonnes moeurs (1 Co 15). « Et
la sagesse a été justifiée par tous ses enfants. » — S. Ambroise : Le Fils de Dieu est la sagesse de Dieu par nature et non par le progrès [de l’âge ou de l’étude]; cette sagesse est justifiée dans le baptême, lorsqu’elle n’est pas rejetée par opiniâtreté, mais qu’elle est reçue par la justice comme une grâce de Dieu. La justification de Dieu consiste donc à ce que ses dons soient communiqués, non à ceux qui s’en rendent indignes par leurs crimes, mais aux innocents qui sont devenus justes et saints par le baptême. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur les Psaumes.) Il appelle les sages les fils de la sagesse, car c’est la coutume de l’Écriture, de désigner les méchants par le mal qu’ils commettent plutôt que par leur nom, et d’appeler les bons, fils de la vertu qui les caractérise. — S. Ambroise : Il dit avec raison : « par tous ses enfants, » car la justice doit s’exercer sur tous les hommes, sur les justes, pour leur salut, sur les infidèles pour leur condamnation. — S. Augustin : (Quest. évang.) Ou bien encore, ces paroles : « La sagesse a été justifiée par tous ses enfants, » nous font entendre que les fils de la sagesse comprennent que la justice ne consiste ni à se permettre, ni à s’interdire la nourriture, mais à supporter la pauvreté avec patience, car ce n’est point l’usage modéré, mais la sensualité qui est ici coupable, et rien de plus légitime que de se conformer pour le choix des aliments aux habitudes de ceux avec lesquels vous êtes appelé à vivre. |
Lectio 6 [85821] Catena in Lc., cap. 7 l. 6 Beda.
Quia superius dictum fuerat : et omnis populus audiens et publicani
iustificaverunt Deum, baptizati Baptismate Ioannis, idem Evangelista, quae verbis
proposuerat, etiam factis astruit : iustificatam scilicet sapientiam a iustis
et poenitentibus, dicens rogabat autem illum quidam Pharisaeus ut manducaret
cum illo. Gregorius
Nyssenus. Haec conscriptio quemdam utilem intellectum sapit. Sunt enim plerique
eorum qui se iustificant inflati suspicione vani sensus, priusquam veniat
verum iudicium, separantes seipsos velut agnos ab hoedis, nec tecto, nec
escis cum plerisque communicare volentes, abominantes omnes quicumque non
extremum sed medium tenent callem in vita. Lucas ergo plus medicus animarum
quam corporum, ostendit ipsum Deum et salvatorem nostrum piissime alios
visitantem; unde sequitur et ingressus domum Pharisaei discubuit : non ut
aliquid de vitiis eius sortiatur, sed ut impartiatur de iustitia propria.
Cyrillus.
Mulier autem inhonestae vitae, promens autem fidelem affectum, venit ad
Christum, quasi potentem veniam commissorum largiri; sequitur enim et ecce
mulier quae erat in civitate peccatrix, ut cognovit quod Iesus accubuit in
domo Pharisaei, attulit alabastrum unguenti. Beda.
Alabastrum est genus marmoris candidi variis coloribus intertincti, quod
ad vasa unguentaria cavari solet, eo quod optime servare ea incorrupta
dicatur. Gregorius in Evang. Quia enim haec mulier turpitudinis suae
maculas aspexit, lavanda ad fontem misericordiae cucurrit : convivantes non
erubuit; nam quia semetipsam graviter erubescebat intus, nihil esse credidit
quod verecundaretur foris. Discite quo dolore ardet quae flere inter epulas
non erubescit. Gregorius
Nyssenus. Indignitatem autem suam ostendens stabat post tergum, deiectis
luminibus et effusa coma, pedes amplectens, lacrymisque eos perfundens; rebus
tristem animum ostendebat, veniam implorans; sequitur enim et stans retro
secus pedes eius, lacrymis coepit rigare pedes eius. Gregorius.
Oculis enim terrena cupierat; sed hos iam per poenitentiam conterens
flebat : capillos ad compositionem vultus exhibuerat; sed iam capillis
lacrymas tergebat; unde sequitur et capillis capitis sui tergebat. Ore
superba dixerat; sed pedes domini osculans, hoc in redemptoris sui vestigia
figebat; unde sequitur et osculabatur pedes eius. Unguentum sibi pro odore
suae carnis exhibuit; quod ergo sibi turpiter exhibuerat, hoc iam Deo
laudabiliter offerebat; unde sequitur et unguento ungebat. Quot ergo in se
habuit oblectamenta, tot de se invenit holocausta. Convertit ad virtutum
numerum, numerum criminum; ut totum Deo serviret in poenitentia quicquid ex
se Deum contempserat in culpa. Sic
igitur meretrix effecta est honestior virginibus : postquam enim accensa est
poenitentia, exarsit in Christi amorem. Et haec quidem quae dicta sunt
agebantur exterius; quae vero revolvebat eius intentio, multo ferventiora his
erant, quae solus Deus inspiciebat. Gregorius.
Haec autem Pharisaeus intuens despicit, et non solum venientem peccatricem
mulierem, sed etiam suscipientem dominum reprehendit. Videns autem Pharisaeus
qui vocaverat eum, ait intra se dicens : si hic esset propheta, sciret utique
quae et qualis mulier est quae tangit eum. Ecce Pharisaeus veraciter apud se
superbus, et fallaciter iustus, aegrum reprehendit de aegritudine, et medicum
de subventione : quae profecto mulier, si ad Pharisaei pedes venisset,
calcibus repulsa discederet. Inquinari enim se alieno peccato crederet, quia
hunc vera sua iustitia non replebat. Sic et quidam sacerdotali officio
praediti, si quid fortasse iuste exterius vel tenuiter egerint, protinus
subiectos despiciunt, et peccatores quosque in plebe positos dedignantur.
Necesse est autem ut cum peccatores quosque conspicimus, nosmetipsos prius in
eorum calamitate defleamus, quia fortasse in similibus aut lapsi sumus aut
labi possumus. Oportet autem ut sollicite discernamus quia districtionem
debemus vitiis, compassionem naturae. Si enim feriendus est peccator,
nutriendus est proximus; cum vero iam per poenitentiam percutit ipse quod
fecit, iam noster proximus peccator non est, quia hic in se punit quod
iustitia divina reprehendit. Inter duos ergo aegros medicus aderat : sed unus
in febre sensum tenebat, alter sensum perdiderat mentis : illa quippe flebat
quod fecerat, Pharisaeus autem de falsa iustitia elatus, vim suae valetudinis
exaggerabat. Titus.
Dominus autem non verba eius audiens, sed cogitationes inspiciens, dominum
se prophetarum ostendit; unde sequitur et respondens Iesus, dixit ad illum :
Simon, habeo tibi aliquid dicere. Glossa.
Quod quidem dixit eius cogitationi respondens. Pharisaeus autem ex verbis
domini attentior est factus; unde dicitur at ille ait : magister, dic. Gregorius.
De duobus autem ei debitoribus paradigma opponitur, quorum unus minus,
alius amplius debet; unde sequitur duo debitores erant cuidam feneratori :
unus debebat denarios quingentos, et alius quinquaginta. Titus.
Quasi dicat : neque tu absque debito es : quid igitur si in paucioribus
teneris? Non superbias, quia tu quoque venia eges; unde de venia subdit,
dicens non habentibus autem illis unde redderent, donavit utrisque. Glossa. Nullus enim potest per seipsum a debito peccati liberari,
nisi divina gratia veniam consequatur. Gregorius in Evang. Utrorumque autem debito dimisso, quis
amplius largitorem debiti diligat, Pharisaeus interrogatur : sequitur enim
quis ergo plus eum diligit? Quibus verbis protinus ille respondit aestimo
quia is cui plus donavit. Qua in re notandum est, quod dum sua sententia
Pharisaeus convincitur, quasi phreneticus funem portat ex quo ligetur; unde
sequitur at ille dixit ei : recte iudicasti. Enumerantur autem ei bona
peccatricis, enumerantur et mala falsi iusti; unde sequitur et conversus ad
mulierem, dixit Simoni : vides hanc mulierem? Intravi in domum tuam; aquam
pedibus meis non dedisti : haec autem lacrymis rigavit pedes meos. Ambrosius.
Quasi dicat : facilis est usus aquarum, non est facilis lacrymarum effusio
: tu promptis non es usus, haec effudit non prompta : lavans lacrymis pedes
meos, lavit maculas proprias : tersit comis, ut per eas sibi assumat sacros
sudores, et quibus venata est ad peccatum iuventutem, venata est sanctitatem.
Chrysostomus
in Matthaeum. Sicut autem ubi vehemens imber prorumpit, fit serenitas, sic
lacrymis effusis apparet tranquillitas, et perit caligo reatuum; et sicut per
aquam et spiritum, sic per lacrymas et confessionem denuo mundamur; unde
sequitur propter quod dico tibi : remittuntur ei peccata multa, quoniam
dilexit multum. Nam qui vehementer se ingesserunt malis, rursus et bonis
vehementer insistent, conscii ad quot debita se obligaverunt. Gregorius.
Tanto ergo amplius peccati rubigo consumitur, quanto peccatoris cor magno
caritatis igne concrematur. Titus.
Contingit autem saepius eum qui multum peccavit, per confessionem purgari;
pauca vero peccantem, ex arrogantia non venire ad confessionis remedium; unde
sequitur cui autem minus dimittitur, minus diligit. Chrysostomus in Matthaeum. Opus est ergo nobis ferventi anima, quia
nihil impedit hominem fieri magnum. Nullus ergo constitutorum in peccatis
desperet, nemo virtuosus dormitet : nec hic confidat, saepe enim meretrix
praecedet eum; nec ille diffidat, possibile namque est eum etiam primos
superare; unde et hic subditur dixit autem ad illam : remittuntur tibi
peccata tua. Gregorius
in Evang. Ecce quae ad medicum venerat aegra, sanata est; sed de salute eius
adhuc alii aegrotant; sequitur enim et coeperunt qui simul accumbebant dicere
intra se : quis est hic qui etiam peccata dimittit? Sed caelestis medicus
aegros non respicit, quos etiam de medicamento fieri deteriores vidit; eam
autem quam sanaverat, per pietatis suae sententiam confirmat; unde sequitur
dixit autem ad mulierem : fides tua te salvam fecit : quia scilicet hoc quod
petiit, posse se accipere non dubitavit. Theophylactus.
Postquam autem ei peccata dimisit, non sistit in remissione peccati, sed
adicit operationem boni; unde subditur vade in pace, idest in iustitia : quia
iustitia est pax hominis ad Deum, sicut peccatum est inimicitia inter Deum et
hominem; quasi dicat : operare omnia quae ad pacem Dei te ducunt. Ambrosius.
Hoc autem loco plerique pati videntur scrupulum quaestionis, utrum
videantur Evangelistae discordasse de fide. Graecus.
Quia enim quatuor Evangelistae dicunt Christum unctum fuisse unguento a
muliere, tres puto fuisse mulieres ex personarum qualitate, ex modo agendi,
ex differentia temporum. Ioannes quidem narrat de Maria sorore Lazari,
quoniam sex diebus ante Pascha unxit pedes Iesu in propria domo. At
Matthaeus, postquam dominus dixerat : scitis quia post biduum fiet Pascha,
subdit, quod in Bethania in domo Simonis leprosi mulier fudit unguentum super
domini caput; non autem unxit pedes, ut Maria; Marcus etiam Matthaeo
similiter. Lucas autem non circa tempus Paschae, sed
in medio Evangelii hoc refert. Chrysostomus autem binas asserit has mulieres
fuisse : unam quidem quae continetur in Ioanne, alteram vero cuius mentio fit
a tribus. Ambrosius. Hanc ergo mulierem inducit Matthaeus supra caput Christi
effundentem unguentum; et ideo noluit dicere peccatricem : nam peccatrix,
secundum Lucam, supra Christi pedes effudit unguentum. Potest
ergo non eadem esse, ne sibi contrarium Evangelistae dixisse videantur.
Potest etiam quaestio meriti et temporis diversitate dissolvi, ut adhuc illa
peccatrix sit, iam ista perfectior. Augustinus
de Cons. Evang. Eamdem enim Mariam bis hoc fecisse, arbitror
intelligendum; semel scilicet quod Lucas narravit, cum primo accedens cum
humilitate et lacrymis meruit remissionem peccatorum. Unde Ioannes, cum de
Lazaro resuscitando coepisset loqui, antequam veniret in Bethaniam, dicit :
Maria autem erat quae unxit dominum unguento, et tersit pedes eius capillis
suis, cuius frater Lazarus infirmabatur. Iam itaque hoc Maria fecerat. Quod
autem in Bethania rursum fecit, aliud est, quod ad Lucae narrationem non
pertinet, sed pariter narratur ab aliis tribus. Gregorius.
Mystico autem intellectu, Pharisaeus de falsa iustitia praesumens,
Iudaicum populum, peccatrix mulier, sed ad vestigia domini veniens et
plorans, conversam gentilitatem designat. Ambrosius
in Lucam. Vel princeps huius saeculi quidam leprosus est, domus autem
Simonis leprosi terra est; ergo dominus ex illis superioribus locis descendit
in terram; neque enim sanari potuisset haec mulier, quae speciem habet animae
vel Ecclesiae, nisi Christus venisset in terram. Merito autem speciem accipit
peccatricis, quia Christus quoque formam peccatoris accepit. Itaque si
constituas animam fideliter appropinquantem Deo, non peccatis turpibus et
obscoenis, sed pie servientem Dei verbo, habentem immaculatae fiduciam
castitatis; ad ipsum Christi caput ascendit : caput autem Christi Deus est. Sed qui caput non tenet Christi, ille pedes teneat. Peccator ad pedes,
iustus ad caput. Habet tamen etiam ea quae peccavit unguentum. Gregorius. Quid aliud unguento nisi bonus odor opinionis
exprimitur? Si igitur recta opera agimus, quibus opinione boni odoris
Ecclesiam respergamus, quid in corpore domini nisi unguentum fundimus? Sed
secus pedes mulier stetit : contra pedes enim domini stetimus, cum in
peccatis positi, eius itineribus renitebamur; sed si ad veram poenitentiam
post peccata convertimur, iam retro secus pedes stamus, quia eius vestigia
sequimur quem impugnabamus. Ambrosius. Defer et tu post peccata poenitentiam; ubicumque
audieris Christi nomen, accurre; in cuiuscumque interiorem domum Iesus intrasse
cognoveris, et ipse festina : cum repereris sapientiam, cum repereris
iustitiam in aliquibus penetralibus recumbentem, accurre ad pedes; hoc est,
vel extremam partem quaere sapientiae, lacrymis confitere peccata. Et
fortasse ideo non lavit pedes suos Christus, ut eos lacrymis nos lavemus.
Bonae lacrymae, quae non solum nostrum possunt lavare delictum, sed etiam
verbi caelestis rigare vestigium, ut gressus eius nobis exuberent. Bonae lacrymae, in quibus non solum redemptio peccatorum, sed etiam
iustorum refectio est. Gregorius.
Lacrymis enim domini pedes rigamus, si quibuslibet ultimis membris domini
compassionis affectu inclinemur. Capillis pedes domini tergimus, quando
sanctis eius, quibus ex caritate compatimur, ex his quae nobis superfluunt, miseremur.
Ambrosius.
Expande etiam capillos, sterne ante eum omnes corporis tui dignitates; non
mediocres capilli sunt qui possunt pedes tergere Christi. Gregorius.
Osculatur mulier pedes quos tersit : quod nos quoque plane agimus si studiose
diligimus quos ex largitate continemus. Potest
quoque per pedes ipsum mysterium incarnationis eius intelligi. Osculamur
igitur redemptoris pedes, cum mysterium incarnationis eius ex toto corde
diligimus. Unguento pedes ungimus, cum ipsam humilitatis
eius potentiam sacri eloquii bona opinione praedicamus. Sed
hoc etiam Pharisaeus vidit, et invidit; quia cum Iudaicus populus
gentilitatem Deum praedicare conspicit, sua apud se malitia tabescit. Sic
autem Pharisaeus retunditur ut per eum perfidus ille populus ostendatur :
quia videlicet infidelis ille populus nec ea quae extra se erant, unquam pro
domino tribuit; conversa autem gentilitas pro eo non solum rerum substantiam,
sed etiam sanguinem fudit; unde Pharisaeo dicit aquam pedibus meis non dedisti;
haec autem lacrymis rigavit pedes meos. Aqua quippe extra nos est, lacrymarum
humor intra nos est. Infidelis etiam ille populus Deo osculum non dedit, quia
ex caritate eum amare noluit cui ex timore servivit; osculum quippe
dilectionis est signum : vocata autem gentilitas redemptoris sui vestigia
osculari non cessat, quia in eius continuo amore suspirat. Ambrosius.
Non mediocris autem haec meriti est, de qua dicitur ex quo intravi, non
cessavit osculari pedes meos; ut aliud nisi sapientiam loqui nesciat, nisi
iustitiam diligere, nisi castitatem habere, nisi pudicitiam osculari. Gregorius.
Pharisaeo autem dicitur oleo caput meum non unxisti : quia ipsam quoque
divinitatis potentiam, in quam se Iudaicus populus credere spopondit, digna
laude praedicare neglexit; haec autem unguento unxit pedes meos : quia dum
incarnationis eius mysterium gentilitas credidit, summa laude eius etiam ima
praedicavit. Ambrosius.
Beatus qui potest et oleo ungere pedes Christi; sed beatior qui ungit
unguento : multorum enim florum in unum collecta spargit; et fortasse istud
unguentum non posset alius nisi Ecclesia sola deferre, quae diversi
spiraminis innumerabiles habet flores : et ideo nemo potest tantum diligere
quantum illa quae in pluribus diligit. In domo autem Pharisaei, idest in domo
legis et prophetae, non Pharisaeus, sed Ecclesia iustificatur : Pharisaeus
enim non credidit, ista credebat; lex mysterium non habet, quo occulta
mundantur; et ideo quod in lege minus est, consummatur in Evangelio. Duo
autem debitores, duo populi sunt feneratori illi thesauri caelestis obnoxii.
Non materialem autem feneratori huic debemus pecuniam, sed meritorum
examinata, aera virtutum; quarum merita gravitatis pondere, iustitiae specie,
sono confessionis expenduntur. Non mediocris autem est iste denarius, in quo
regis imago formatur. Vae mihi, si non habuero quod accepi : aut quia
difficile quisquam est qui feneratori huic debitum integrum possit exsolvere,
vae mihi, si non petiero concedi mihi debitum. Sed quis est populus iste qui amplius
debet, nisi nos, quibus amplius creditum est? Illis credita sunt eloquia Dei;
nobis creditur virginis partus Emmanuel, idest nobiscum Deus, domini crux,
mors, resurrectio. Itaque non est dubium quod plus debet qui plus accipit.
Secundum homines plus fortasse offendit qui plus debuerit; sed per
misericordiam domini causa mutatur, ut amplius diligat qui amplius debuit, si
tamen gratiam consequatur. Et ideo, quoniam nihil est quod digne Deo referre
possimus, vae mihi et si non dilexero. Reddamus ergo amorem pro debito;
amplius enim diligit cui donatur amplius. |
Versets 36-50.
— S. Bède : L’Évangéliste venait de dire : « Et tout le peuple qui l’écoutait et les publicains reconnurent la justice de Dieu, s’étant fait baptiser du baptême de Jean » ; il établit maintenant par des faits la même vérité, c’est-à-dire que la sagesse a été justifiée par les justes et par les pêcheurs repentants : « Or, un des pharisiens le pria de manger avec lui, » etc. — S. Grégoire de Nysse : (sur la femme pécher.) Ce récit renferme une leçon des plus utiles. En effet, la plupart de ceux qui se croient justes, enflés par la présomption et la vanité de leurs pensées, se séparent eux-mêmes comme des agneaux qui se séparent des boucs, avant que le jugement véritable vienne faire ce discernement; ils refusent d’habiter et de manger avec la foule, et ils ont en abomination tous ceux qui fuient les extrêmes, et gardent le juste milieu dans la conduite de la vie. Or, saint Luc, médecin des âmes bien plus que des corps, nous montre Dieu lui-même et notre Sauveur visitant avec bonté tous les hommes : « Il entra dans la maison du pharisien et se mit à table, » non pour prendre quelque chose de sa vie coupable, mais pour le rendre participant de sa propre justice. — S. Cyrille : Cependant une femme de mauvaise vie, mais conduite par un sentiment d’amour divin, vient trouver Jésus-Christ, comme celui qui peut [la délivrer de toutes ses fautes, et] lui accorder le pardon de ses crimes : « Et voilà qu’une femme, connue dans la ville pour pécheresse, ayant appris qu’il était à table dans la maison dans la maison du Pharisien, apporta un vase de parfums, » — S. Bède : L’albâtre est une espèce de marbre blanc nuancé de diverses couleurs, on en fait des vases destinés à contenir des parfums, qu’ils conservent, dit-on, sans altération. — S. Grégoire : (hom. 32 sur les Evang.) Cette femme a considéré les souillures dont l’a couverte sa vie infâme, elle accourt donc pour se purifier à la source même de la miséricorde, elle ne rougit point de paraître au milieu des convives; car elle éprouve intérieurement une si grande honte d’elle-même, qu’elle compte pour rien celle qui lui vient du dehors. Voyez quelle douleur consume cette femme qui ne rougit point de verser des larmes au milieu des joies d’un festin. — S. Grégoire de Nysse : Profondément convaincue de son indignité, elle se tient derrière Jésus, les yeux baissés et les cheveux épars, elle embrasse ses pieds et les inonde de larmes, elle manifeste ainsi par ses actes la tristesse de son âme, et implore son pardon : « Et se tenant derrière lui, près de ses pieds, elle commença à arroser ses pieds de ses larmes, ». — S. Grégoire : Ses yeux avaient convoité les jouissances de la terre, mais maintenant par la pénitence, elle en éteint le feu dans un déluge de larmes; elle avait fait servir ses cheveux à rehausser la beauté de son visage, elle s’en sert pour essuyer ses larmes : « Et elle essuyait les pieds du Sauveur avec ses cheveux. » Sa bouche s’était ouverte à des paroles inspirées par l’orgueil; elle baise les pieds du Sauveur, et imprime ses lèvres sur les pieds du Rédempteur : « Et elle baisait ses pieds. » Elle avait employé les parfums pour donner à son corps une agréable odeur, et ce qu’elle avait honteusement prodigué pour elle-même, elle en fait à Dieu un admirable sacrifice : « Et elle les oignait de parfum. » Ainsi, autant elle a trouvé de jouissances en elle-même, autant elle offre maintenant d’holocaustes; elle égale le nombre de ses vertus au nombre même de ses crimes; elle veut que tout ce qui en elle a été un instrument pour outrager Dieu, devienne un instrument de pénitence pour lui plaire. — S. Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Matth.) Ainsi cette femme de mauvaise vie devient plus vertueuse que les vierges; car à cette pénitence si pleine de ferveur, succède un amour plus ardent pour Jésus-Christ. Et nous ne parlons ici que de ce qui se passait à l’extérieur; car quelle ferveur bien plus grande dans les sentiments qui agitaient son âme, et dont Dieu seul était témoin ! — S. Grégoire : (hom. 33 sur les Evang.) En voyant ce spectacle, le pharisien n’a que du mépris pour cette femme, et il fait tomber ses reproches non seulement sur elle, qui ose venir trouver Jésus, mais sur le Seigneur qui l’accueille avec bonté : « Ce que voyant le pharisien qui l’avait invité se dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait qui est celle qui le touche, et que c’est une pécheresse. » Voilà ce pharisien avec son orgueil trop véritable et sa fausse justice, qui fait un crime au malade de son infirmité, et au médecin des soins qu’il lui prodigue. Sans doute, si cette femme se fût jetée à ses pieds, il l’aurait repoussée violemment avec dédain; il se fût imaginé que ce contact avec le péché d’autrui allait souiller son âme, parce qu’il n’était pas rempli de la véritable justice. C’est ainsi que quelques-uns de ceux qui exercent le ministère pastoral, dès qu’ils pratiquent quelques oeuvres médiocres de justice, regardent avec mépris ceux qui leur sont soumis, et affectent du dédain pour tous les pécheurs qu’ils rencontrent. Nous devons, au contraire, lorsque nous considérons l’état malheureux des pécheurs, déplorer dans leur calamité notre propre malheur, à la pensée que nous sommes déjà tombés, ou que nous pouvons tomber dans les mêmes fautes. Il faut d’ailleurs faire usage d’un grand discernement, nous devons être sévères pour les vices, pleins de compassion pour les personnes; si le pécheur doit être puni, le prochain a droit à notre charité. Je vais plus loin, et je dis que dès que le pécheur châtie lui-même par la pénitence le mal qu’il a fait, il cesse d’être pécheur, puisqu’il punit en lui-même ce que la justice divine condamne. Notre Seigneur se trouvait donc comme un médecin entre deux malades, mais l’un, jusque dans sa fièvre, conservait l’usage de la raison, tandis que l’autre avait perdu l’esprit; la femme pécheresse pleurait les fautes qu’elle avait commises; le pharisien, au contraire, fier de sa fausse justice, exagérait la force de sa santé. —
Tite de Bost. Cependant Notre Seigneur qui, sans
entendre les paroles du pharisien, voyait les pensées de son âme, lui prouve
qu’il est le Seigneur des prophètes : « Et Jésus lui répondant, lui
dit : Simon, j’ai quelque chose à vous dire. » — La Glose : Il répond ici à la pensée du pharisien, que cette parole rend plus attentif : « Il répondit Maître, dites. » — S. Grégoire : (hom. 33 sur les Evang.) Le Sauveur établit une comparaison entre deux débiteurs, dont l’un doit plus, et l’autre moins : « Un créancier avait deux débiteurs, l’un devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante.» —
Tite. Comme s’il disait : Vous-même vous n’êtes pas
sans quelque dette. Or, si vous êtes tenu par une dette quelconque, pourquoi
vous enorgueillir, puisque vous avez vous-même besoin de pardon ? C’est
à ce pardon que Jésus fait allusion en ajoutant : « Comme ils
n’avaient pas de quoi payer leur dette, il la leur remit à tous deux. » — La Glose : Car nul ne peut par lui-même être délivré de la dette du péché, si la grâce de Dieu ne lui octroie son pardon. — S.
Grégoire : (hom.
33 sur les
Evang.) Chacun des deux débiteurs ayant obtenu la remise de sa dette,
Notre Seigneur demande au pharisien lequel des deux devra plus aimer son
bienfaiteur : « Lequel l’aimera davantage ? Le pharisien répond
aussitôt : Celui, je pense, auquel il a le plus remis. » Remarquez que le pharisien est ici condamné
par son propre aveu, et que, comme un insensé atteint de frénésie, il porte
la corde qui doit servir à l’enchaîner : « Jésus lui dit : Vous avez
bien jugé. » Il énumère alors tous les actes de vertu de cette
pécheresse, et toutes les actions répréhensibles de ce faux juste : « Et
se tournant vers la femme, il dit à Simon : Voyez-vous cette femme ? Je
suis entré dans votre maison, vous ne m’avez point donné d’eau pour me laver
les pieds; elle, au contraire, a arrosé mes pieds de ses larmes. » — Tite de Bost. ou S. Ambroise : C’est-à-dire : Rien de plus facile que de présenter de l’eau, mais il n’est pas aussi facile de verser des larmes; vous ne m’avez pas donné ce qui vous était si facile, elle, au contraire, a versé sur mes pieds des larmes plus difficiles à répandre. Or, en lavant mes pieds avec ses larmes, elle a lavé ses propres souillures; elle les a essuyés avec ses cheveux, pour s’appliquer mes divines sueurs, et tout ce qui lui a servi à séduire, à entraîner la jeunesse dans le péché, elle l’a employé à poursuivre la sainteté. — S. Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Matth.) Lorsque la pluie est tombée avec abondance, le ciel reprend sa sérénité; ainsi après une abondante effusion de larmes, le calme renaît, le nuage de nos crimes se dissipe, et nous sommes purifiés de nouveau par les larmes et la confession, comme nous avons été autrefois régénérés par l’eau et par l’esprit : « C’est pourquoi, je vous le dis : Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé. » En effet, ceux qui se sont jetés à corps perdu dans le mal, se livrent avec autant d’énergie à la pratique du bien, au souvenir des dettes qu’ils ont contractées. — S. Grégoire : (hom. 33 sur les Evang.) Plus donc le coeur du pécheur brûle du feu de la charité, plus aussi ce feu consume la rouille [et les souillures] du péché. — Tite
de Bost. Il arrive souvent, en effet, qu’un grand pécheur obtient par la
confession le pardon de ses fautes, tandis que celui qui n’est coupable que
de fautes légères, refuse, par orgueil, de recourir au remède de la
confession, comme l’indiquent les paroles suivantes : « Celui à qui on remet
moins, aime moins. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 68 sur
Matth.) Ayons donc une âme pleine de ferveur; car rien ne s’oppose à ce
que nous parvenions à la perfection la plus éminente; que personne parmi les
pécheurs ne désespère de son salut; que personne parmi les justes ne se laisse
aller au relâchement; que le juste se garde d’une confiance présomptueuse
(car souvent une femme de mauvaise vie le précédera dans le royaume des
cieux); que le pécheur ne se décourage point; car il peut s’élever au-dessus
même des plus parfaits : « Puis il dit à cette femme : Vos péchés
vous sont remis. » — S. Grégoire : (hom. 33 sur les Evang.) Cette femme donc qui était venue malade trouver le médecin, obtient sa guérison, mais cette guérison même devient pour ceux qui en sont témoins une cause de maladie : « Et ceux qui étaient à table avec lui, dirent en eux-mêmes : Qui est celui-ci qui remet même les péchés ? » Mais le céleste médecin n’a point d’égard pour ces malades dont l’état ne fait qu’empirer par l’effet même des remèdes qui devaient les sauver, tandis qu’il fortifie par une parole de miséricorde celle qu’il venait de guérir : « Mais Jésus dit encore à cette femme : ‘Votre foi vous a sauvée’ » parce qu’en effet, elle n’a point hésité de croire qu’elle obtiendrait ce qu’elle demandait. — Théophylacte : Notre Seigneur ne se contente pas de lui accorder la rémission de ses péchés, il ajoute la grâce de faire le bien : « Allez en paix » (c’est-à-dire dans la justice); car la justice est la paix de l’homme avec Dieu, comme le péché est l’inimitié entre Dieu et l’homme; ce qui revient à dire : Faites tout ce qui peut vous conduire à la paix de Dieu, — S. Ambroise : Il en est beaucoup pour qui ce fait évangélique semble être une source d’embarras, et qui se demandent si les Évangélistes ne sont point ici en contradiction. — Sévère. (Chronique des Pères grecs) Comme les quatre Évangélistes racontent qu’une femme a répandu des parfums sur Jésus-Christ, je crois, eu égard à la condition des personnes, à leur manière d’agir, à la différence des temps, que ce sont trois personnes différentes. Ainsi saint Jean raconte de Marie, soeur de Lazare, que six jours avant la fête de Pâques, elle oignit les pieds de Jésus dans sa propre maison. Saint Matthieu, après ces paroles du Seigneur : « Vous savez que la pâque se fera dans deux jours, » ajoute, qu’à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme répandit des parfums sur la tête du Seigneur, et non sur ses pieds, comme Marie. Le récit de saint Marc est conforme à celui de saint Matthieu. Saint Luc enfin place ce fait, non aux approches de la fête de Pâques, mais au milieu de son Évangile. Saint Jean Chrysostome prétend qu’il y a ici deux femmes différentes : l’une dont parle saint Jean, la seconde dont il est question dans les trois autres Évangélistes. — S. Ambroise : Saint Matthieu nous rapporte que cette femme répandait ses parfums sur la tête de Jésus-Christ, aussi n’a-t-il pas voulu dire que c’était une pécheresse; car d’après saint Luc, cette femme pécheresse répandit ces parfums sur les pieds de Jésus-Christ. On peut donc admettre que ce sont deux personnes différentes, pour justifier les Évangélistes du reproche de contradiction. On peut aussi résoudre différemment cette question, en tenant compte de la différence de mérite et de temps, c’est-à-dire que la même personne, d’abord pécheresse, était depuis entrée dans les voies de la perfection. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 39.) Je pense qu’on peut aussi admettre que la même personne, appelée Marie, a répété la même action, une première fois, lorsque, comme le raconte saint Luc, elle s’approcha dans l’humiliation et dans les larmes, et obtint la rémission de ses péchés. Voilà pourquoi saint Jean avant de raconter la résurrection de Lazare, et lorsque Jésus n’était pas encore venu en Béthanie, s’exprime de la sorte : « Or, Marie était celle qui avait répandu des parfums sur le Seigneur, et lui avait essuyé les pieds avec ses cheveux, et Lazare, qui était malade, était son frère. » ; donc Marie avait déjà fait cette même action; elle la répète à Béthanie, sans que saint Luc en parle, parce qu’elle n’entrait point dans l’ordre de son récit, mais elle est racontée par les trois autres Évangélistes. — S. Grégoire : (hom. 33 sur les Evang.) Dans le sens mystique, le pharisien qui présume de sa fausse justice, c’est le peuple juif; cette femme pécheresse qui se jette aux pieds du Seigneur, et les arrose de ses larmes, c’est la Gentilité convertie au vrai Dieu. — S. Ambroise : Ou bien encore, le lépreux, c’est le prince du monde, et la maison de Simon le lépreux, c’est toute la terre. Or, le Seigneur est descendu des hauteurs des cieux sur la terre, parce que cette femme qui est la figure de l’âme et de l’Église, ne pouvait obtenir sa guérison, si le Christ n’était venu sur la terre. Elle nous apparaît sous la forme d’une pécheresse, parce que Jésus-Christ lui-même a pris la forme d’un pécheur. Supposez donc une âme qui s’approche sincèrement de Dieu, qui loin d’être esclave de ces crimes honteux, et qui blessent [ouvertement] la pudeur, obéit à la parole de Dieu avec amour et dans la confiance d’une chasteté inviolable; elle s’élève jusqu’à la tête de Jésus-Christ, et la tête de Jésus-Christ, c’est Dieu. (1 Co 11.) Mais que celui qui ne peut arriver jusqu’à la tête de Jésus-Christ, se tienne [humblement] à ses pieds, le pécheur à ses pieds, le juste près de sa tête; mais cependant l’âme qui a péché, a aussi son parfum. — S. Grégoire : (hom. 33 sur les Evang.) Que figure ce parfum, si ce n’est l’odeur d’une bonne renommée ? Si donc nous faisons des bonnes oeuvres, dont la réputation se répande comme un parfum par toute l’Église, que faisons-nous sinon répandre dans un sens véritable des parfums sur le corps du Seigneur. Cette femme se tenait à côté des pieds du Seigneur; car nous nous tenions directement contre ses pieds, lorsque vivant au milieu de nos péchés, nous résistions en quelque sorte à ses voies; mais lorsqu’après nos péchés, nous revenons à lui dans les sentiments d’une véritable pénitence, alors nous nous tenons derrière lui, à ses pieds; parce que nous suivons alors ses traces auxquelles résistions. — S. Ambroise : Vous donc aussi qui avez péché, rentrez dans les voies de la pénitence, accourez partout où vous entendrez le nom de Jésus-Christ, hâtez-vous de vous rendre dans toute maison où vous apprenez que Jésus est entré; lorsque vous aurez trouvé la sagesse et la justice assises dans quelque demeure secrète, accourez vous jeter à ses pieds, c’est-à-dire cherchez d’abord le dernier degré de la sagesse, et confessez vos péchés dans les larmes. Peut-être Jésus-Christ ne lava point ses pieds dans cette circonstance, afin que nous les lavions nous-mêmes dans les larmes; heureuses larmes qui peuvent non seulement laver nos fautes, mais arroser les pieds du Verbe divin, pour que ses pas deviennent pour nous une source abondante de grâces ! Larmes précieuses qui sont non seulement la rédemption des pécheurs, mais la nourriture des justes; [car c’est la voix d’un juste qui fait entendre ces paroles : « Mes larmes m’ont servi de pain le jour et la nuit »]. — S. Grégoire : (hom. 33 sur les Evang.) Nous lavons les pieds du Seigneur de nos larmes, lorsque par un sentiment d’affectueuse compassion, nous nous abaissons jusqu’aux membres les plus humbles du Seigneur; nous essuyons ses pieds avec nos cheveux, lorsque la charité nous porte à secourir de notre superflu les saints serviteurs de Dieu. — S. Ambroise : Déroulez aussi vos cheveux, jetez à ses pieds tout ce qui sert d’ornement à votre corps; les cheveux ne sont vraiment point méprisables, puisqu’ils sont jugés dignes d’essuyer les pieds de Jésus-Christ. — S. Grégoire : Cette femme baise les pieds du Sauveur après les avoir essuyés, c’est ce que nous faisons nous-même, lorsque nous aimons tendrement ceux dont nous avons secouru la pauvreté par nos largesses. Par les pieds du Seigneur, on peut encore entendre le mystère de l’incarnation; nous baisons donc les pieds du Rédempteur, lorsque nous nous attachons de tout notre coeur au mystère de son incarnation, nous répandons des parfums sur ses pieds, lorsque nous annonçons la puissance de son humble humanité par la bonne renommée de la parole sainte. Ce spectacle remplit le pharisien de jalousie; en effet, lorsque le peuple juif voit les Gentils devenir les prédicateurs du vrai Dieu, il sèche d’envie dans sa noire méchanceté. Les reproches qui lui sont faits, retombent sur ce peuple perfide et infidèle, qui ne consentit jamais à sacrifier pour le Seigneur, même ses biens extérieurs, tandis que les Gentils, après leur conversion, non seulement sacrifièrent leurs biens, mais répandirent leur sang. Voilà pourquoi Jésus dit au pharisien : « Vous ne m’avez pas donné d’eau pour me laver les pieds, cette femme, au contraire, m’a arrosé les pieds de ses larmes » ; l’eau, en effet, se trouve hors de nous, tandis que la source des larmes est en nous-même. Ce peuple infidèle ne donna pas non plus le baiser à Dieu, parce qu’au lieu de l’aimer par un sentiment de charité, il aima mieux le servir sous l’impression de la crainte (car le baiser est le signe de l’amour.) Au contraire, à peine la gentilité fut-elle appelée, qu’elle ne cessa de baiser les pieds du Rédempteur en soupirant continuellement après lui par un sentiment d’amour. — S. Ambroise : Le Sauveur fait ressortir la vertu héroïque de cette femme, lorsqu’il dit : « Depuis que je suis entré, elle n’a cessé de couvrir mes pieds de baisers, » c’est-à-dire qu’elle ne veut plus savoir que le langage de la sagesse, que l’amour de la justice, que les embrassements de la chasteté, que les baisers de la pudeur. — S. Grégoire : (hom. 33 sur les Evang) Jésus reproche au pharisien de n’avoir pas répandu de parfum sur sa tête, c’est-à-dire que le peuple juif a refusé à la puissance divine à laquelle il se vantait de croire, le juste tribut de louanges qui lui était dû; cette femme, au contraire, a répandu des parfums sur les pieds du Sauveur, figure en cela de la gentilité qui, non contente de croire au mystère de l’incarnation, a relevé par les plus grands éloges les profondes humiliations de ce mystère. — S. Ambroise : Heureux celui qui peut verser de l’huile sur les pieds de Jésus-Christ, mais plus heureux celui qui peut y répandre des parfums; car la réunion d’un grand nombre de fleurs forme un composé d’odeurs [les plus suaves et les plus variées]. Or, l’Église seule a le privilège de la composition de ce parfum, elle qui possède d’innombrables fleurs exhalant des odeurs si variées; aussi personne ne peut prétendre à un si grand amour que l’Église, qui aime par le coeur de tous [ses enfants]. Dans la maison du pharisien, c’est-à-dire dans la maison de la loi et des prophètes, ce n’est pas le pharisien, mais l’Église qui est justifiée; car le pharisien refuse de croire, tandis que l’Eglise embrassait la foi; la loi, d’ailleurs, n’a point ce mystère divin qui purifie les secrètes profondeurs de l’âme; mais ce que la loi ne peut donner, se trouve abondamment dans l’Évangile. Les deux débiteurs sont les deux peuples,
tous deux obligés à l’égard du créancier du trésor céleste; ce n’est point
une somme d’argent matériel que nous devons à ce [divin] créancier, mais l’or
pur de nos mérites, l’argent de nos vertus, dont la valeur consiste dans le
poids du caractère et la gravité des moeurs, dans l’empreinte de la justice,
dans le son que fait entendre la confession. De quel prix est cette pièce de
monnaie, où se trouve empreinte l’image de notre roi ! Malheur à moi, si
je ne l’ai pas conservée telle que je l’ai reçue ! Ou bien, puisqu’il
n’est personne qui puisse payer toute sa dette à ce [céleste] créancier,
malheur à moi, si je ne le supplie de me remettre toute ma dette ! Mais
quel est ce peuple qui doit plus ? c’est nous-mêmes à qui Dieu a donné
davantage. Aux Juifs, Dieu a confié ses oracles, à nous, il a donné le fruit de
l’enfantement virginal, l’Emmanuel (c’est-à-dire Dieu avec nous), la croix du
Sauveur, sa mort, sa résurrection. Il est donc hors de doute que celui qui a
reçu davantage, doit aussi davantage. Selon notre manière de concevoir les
choses, c’est quelquefois celui qui doit davantage, qui manque le plus
d’égards. Mais la miséricorde de Dieu a changé cet ordre, c’est celui qui
doit plus, qui aime aussi davantage, s’il est assez heureux pour obtenir la
grâce. Puisque donc nous n’avons rien qui soit digne d’être offert à Dieu,
malheur à moi, si je ne lui donne tout mon amour ! Payons donc nos
dettes, en aimant Dieu de tout notre coeur; car celui qui a reçu plus de
grâces, doit aussi donner plus d’amour. |
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Caput 8 |
CHAPITRE 8
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Lectio 1 [85822] Catena in Lc., cap. 8 l. 1 Theophylactus. Qui caelitus descendit, ut exemplum fieret
nobis et forma, instruit nos non pigritare in docendo; unde dicitur et factum
est deinceps, et ipse iter faciebat per civitates et castella, praedicans, et
evangelizans regnum Dei. Gregorius
Nazianzenus. Vadit quippe de loco in locum, non solum ut plures lucretur,
sed etiam ut multa dedicet loca. Dormit, laborat, ut somnum et laborem
sanctificet; plorat ut det pretium lacrymis; praedicat caelestia, ut
audientes exaltet. Titus.
Qui enim de caelo ad terram descendit, annuntiat habitantibus terram
regnum caeleste, ut terram in caelum convertat. Quis autem praedicare debebat
regnum Dei, nisi filius Dei, cuius est regnum? Venerunt plures prophetae, non
tamen praedicaverunt regnum caelorum : nam qualiter eorum quae non viderunt
sermonem praetenderent? Isidorus
abbas. Hoc autem regnum Dei aliquibus videtur altius et melius regno
caelesti; quibusdam vero unum et idem secundum essentiam, sed diversimode
nominari; aliquando quidem regnum Dei a regnante, aliquando autem regnum
caelorum a subditis Angelis et sanctis, qui caeli dicuntur. Beda.
More autem aquilae provocantis ad volandum pullos suos, dominus pedetentim
discipulos suos ad sublimia erigit. Siquidem primo docet in synagogis et
miracula facit; ex hinc duodecim, quos apostolos nominat, eligit; postmodum
omnes praedicans secum ducit; unde sequitur et duodecim cum illo. Theophylactus.
Non docentes, aut praedicantes, sed instruendi ab eo. Ne autem femineus
sexus prohiberi videretur sequi Christum, subditur et mulieres aliquae, quae
erant curatae a spiritibus malis et infirmitatibus; Maria quae vocatur
Magdalena, de qua septem Daemonia exierant. Beda.
Maria Magdalena ipsa est, cuius tacito nomine proxima lectio poenitentiam
narrat. Nam pulchre Evangelista ubi eam cum domino iter facere commemorat,
noto hanc vocabulo manifestat; ubi vero peccatricem, sed poenitentem
describit, mulierem generaliter dicit, ne nomen tantae famae, prisci erroris
nota fuscaret, de qua Daemonia septem exiisse referuntur. Gregorius in Evang. Quid enim per septem Daemonia nisi universa
vitia intelliguntur? Quia enim septem diebus omne tempus
comprehenditur, recte septenario numero universitas figuratur. Septem ergo Daemonia
Maria habuit, quae universis vitiis plena fuit. Sequitur
et Ioanna uxor Chusae procuratoris Herodis, et Susanna, et aliae multae, quae
ministrabant ei de facultatibus suis. Hieronymus
Comm. super Matth. Consuetudinis Iudaicae fuit, nec ducebatur in culpam
more gentis antiquo, ut mulieres de substantia sua victum atque vestitum
praeceptoribus darent. Hoc quia scandalum facere poterat in nationibus,
Paulus se abiecisse commemorat. Ministrabant autem domino de substantia sua,
ut meteret earum carnalia, cuius ipsae metebant spiritualia : non quod
indigeret cibis dominus creaturarum; sed ut typum ostenderet magistrorum,
quod victu atque vestitu de discipulis deberent esse contenti. Beda.
Interpretatur autem Maria amarum mare propter poenitentiae rugitum,
Magdalena turris, vel melius turrensis, a turre, de qua dicitur : factus est
spes mea turris fortitudinis a facie inimici. Ioanna dominus gratia eius, vel
dominus misericors interpretatur, videlicet quia eius est omne quod vivimus.
Si autem Maria mundata a sorde vitiorum Ecclesiam de gentibus insinuat, cur
non Ioanna eamdem designat Ecclesiam quondam idolorum cultui subditam? Nam
quilibet malignus spiritus dum pro regno Diaboli facit, quasi Herodis
procurator existit. Interpretatur Susanna lilium, aut gratia eius, propter
odoriferum caelestis vitae candorem, aureumque internae dilectionis ardorem. |
Versets 1-3.
— Théophylacte : Celui qui est descendu des cieux pour nous tracer la voie et nous donner l’exemple, nous enseigne à ne jamais négliger le devoir de l’instruction : « Et il arriva ensuite que Jésus parcourait les villes et les bourgs et prêchant la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. » — S. Grégoire de Naz. : Il va de pays en pays, non seulement pour gagner [à Dieu] un plus grand nombre d’âmes, mais encore pour consacrer par sa présence un plus grand nombre d’endroits. Il dort et se fatigue pour sanctifier notre sommeil et nos travaux; il pleure pour donner du prix à nos larmes, il annonce les mystères du ciel pour élever l’esprit de ceux qui l’écoutent. — Tite de Bostr. Celui qui est descendu du ciel sur la terre, annonce le royaume des cieux aux habitants de la terre, pour changer la terre en ciel [anticipé]. Mais qui peut annoncer dignement ce royaume, que le Fils de Dieu qui en est le souverain Maître ? Bien des prophètes ont paru sur la terre, mais sans annoncer le royaume des cieux, car comment auraient-ils pu parler des choses qu’ils n’avaient pas vues ? — S. Isidore : (Liv. XXIII, lettre 206.) Il en est qui pensent que ce royaume de Dieu est plus élevé et plus parfait que le royaume céleste; d’autres prétendent au contraire que c’est le même dans sa nature, mais auquel on donne des noms différents. On l’appelle parfois royaume de Dieu, parce qu’il a Dieu pour souverain; et quelquefois le royaume des cieux, quand on considère ce royaume dans ses sujets, c’est-à-dire dans les anges et les saints auxquels la sainte Écriture donne le nom de cieux. — S.
Bède : Comme l’aigle qui excite ses petits à voler (Dt 32), le Seigneur élève pas à pas ses
disciples vers les choses sublimes. Ainsi, il commence par enseigner dans les
synagogues, et par faire des miracles, puis il choisit les douze auxquels il
donne le nom d’Apôtres; ensuite il les prend tous avec lui, lorsqu’il va
prêcher [dans les villes et dans les bourgades], comme le rapporte
l’Évangéliste : « Et les douze
étaient avec lui. » —
Théophylacte : Ce n’est ni pour enseigner ni pour
prêcher qu’il les prend avec lui, mais pour continuer de les instruire. Afin
de montrer que les femmes n’étaient point exclues de la suite de
Jésus-Christ, l’Évangéliste ajoute : « Il y avait aussi quelques
femmes qu’il avait délivrées des esprits malins, et guéries de leurs
infirmités : Marie-Magdeleine, de laquelle étaient sortis sept démons. »
— S. Bède : Marie-Magdeleine est celle dont saint Luc a raconté la pénitence dans le chapitre précédent, sans citer son nom. Admirons comment l’Évangéliste désigne cette femme sous son nom propre, lorsqu’il nous la montre à la suite du Sauveur, tandis qu’en racontant ses péchés et sa pénitence, il lui donne simplement le nom de femme, de peur que le scandale de ses premiers égarements ne flétrit un nom aussi connu que le sien. Sept démons étaient sortis d’elle, [c’est-à-dire qu’elle avait été remplie de tous les vices]. — S. Grégoire : Que signifient, en effet, ces sept démons, sinon tous les vices réunis. Comme la division des sept jours comprend l’universalité du temps, le nombre sept est le symbole de l’universalité ; Marie-Magdeleine était donc possédée de sept démons, parce qu’elle avait en elle tous les vices. « Et Jeanne, femme de Chusa,
intendant de la maison d’Hérode, Suzanne, et plusieurs autres qui
l’assistaient de leurs biens. » — S. Jérôme : (sur Mt 27.) Suivant une coutume des Juifs, et qui n’avait rien de répréhensible dans les moeurs anciennes de cette nation, les femmes se chargeaient de fournir à ceux qui les enseignaient la nourriture et le vêtement. Saint Paul nous apprend qu’il ne voulut point user de ce droit, pour ne pas scandaliser les Gentils (1 Co 9.) Ces femmes assistaient le Seigneur de leurs biens; il moissonnait ainsi leurs biens temporels, alors qu’elles recueillaient de lui les richesses spirituelles. Ce n’est pas, sans doute, que le souverain Maître des créatures eût besoin d’être nourri par elles, mais il voulait être le modèle de tous ceux qui enseignent, et leur apprendre à se contenter de la nourriture et du vêtement que leur donneraient leurs disciples. — S. Bède : Marie veut dire mer pleine d’amertumes, à cause des gémissements de sa pénitence; Magdeleine signifie tour, ou mieux qui a la forme d’une tour, par allusion à cette tour dont parle le Roi-prophète : « Vous êtes devenu mon espérance, une forte tour contre l’ennemi (Ps 60). » Jeanne signifie grâce du Seigneur, ou le Seigneur miséricordieux, c’est-à-dire que tout ce qui soutient notre vie lui appartient. Or, si Marie purifiée de la souillure de ses vices, représente l’Église des nations, pourquoi Jeanne ne serait-elle pas aussi la figure de cette même Église, autrefois livrée au culte des idoles ? Ajoutons que tout malin esprit qui travaille à l’extension du royaume du démon, est comme l’intendant de la maison d’Hérode. Suzanne signifie lys ou grâce, à cause de la blancheur odoriférante d’une vie céleste, et de la flamme d’or de la charité intérieure. |
Lectio 2 [85823] Catena in Lc., cap. 8 l. 2 Theophylactus. Quod David in persona Christi praedixerat : aperiam
in parabolis os meum, hic dominus implet; unde dicitur cum autem turba plurima
conveniret, et de civitatibus properarent ad eum, dixit per similitudinem. Loquitur
autem dominus per similitudinem primo quidem ut attentiores faceret auditores
: consueverunt enim homines in obscuris se exercitare, et spernere manifesta
: deinde ut non caperent indigni quae mystice dicebantur. Origenes.
Et ideo signanter dicitur cum turba plurima conveniret : non enim sunt
multi, sed pauci qui per arctam viam incedunt, et qui inveniunt viam quae
ducit ad vitam : unde Matthaeus dicit quod extra domum docebat per parabolas,
sed intra domum parabolam discipulis exposuit. Eusebius.
Satis autem congrue Christus primam proponit parabolam multitudini, non
solum tunc astantium, sed etiam futurorum post illos, inducens ad audientiam
verborum suorum, cum dicit exiit qui seminat, seminare semen suum. Beda.
Satorem illum nullum melius quam filium Dei intelligere possumus, qui de
sinu patris, quo creaturae non erat accessus, egrediens, ad hoc venit in
mundum ut testimonium perhiberet veritati. Chrysostomus in Matthaeum. Exiit
autem qui ubique est, non localiter, sed per amictum carnis nobis
appropinquavit. Decenter autem adventum proprium Christus exitum nominat :
eramus enim exclusi a Deo; et sicuti condemnati et rebelles regi eiecti sunt;
qui vero reconciliare vult eos, exeundo ad ipsos extra cum eis loquitur,
donec dignos iam factos aspectu regio eos introducat : sic etiam Christus
fecit. Theophylactus.
Exiit autem nunc, non ut agricolas perderet aut combureret terram; sed
exiit seminare : saepe enim agricola qui seminat, ob aliam causam exit, non
solum ut seminet. Eusebius.
Exierunt autem nonnulli a patria caelesti, et ad homines descenderunt, non
tamen ut sererent, neque enim satores erant, sed administratorii spiritus in
ministerium missi. Moyses etiam et prophetae post eum non inseruerunt
hominibus mysteria regni caelorum; sed retrahendo insipientes ab errore
nequitiae et idolorum cultu, quasi colebant animas hominum, et in novalia
redigebant. Solus autem omnium sator verbum Dei exivit,
evangelizaturus nova semina, scilicet mysteria regni caelorum. Theophylactus. Non cessat autem Dei filius semper in nostris
animabus seminare; nam non solum cum docet, sed etiam cum creat, in nostris
animabus seminat semina bona. Titus.
Exiit autem ut seminaret semen suum; non autem accepit verbum quasi
mutuatum, cum ipse naturaliter sit verbum Dei vivi. Non est igitur suum
proprium semen Pauli vel Ioannis; sed habent cum acceperint; Christus autem
habet proprium semen, proferens doctrinam ex sua natura; unde et Iudaei
dicebant : qualiter hic litteras novit, quas non didicit? Eusebius.
Docet igitur duos esse gradus eorum qui recipiunt semina : primum quidem
eorum qui digni facti sunt vocatione caelesti, sed labuntur a gratia propter
negligentiam et torporem; secundum vero multiplicantium semen in bonis
fructibus. Ponit autem secundum Matthaeum tres differentias in quolibet
gradu. Nam qui corrumpunt semen, non similem habent perditionis modum; et qui
ab eo fructificant, non aequam recipiunt copiam. Sane actiones perdentium
ostendit semen. Quidam enim cum non peccaverint, suis animabus insita sibi
semina salubria perdiderunt, subtracta ab intentione et memoria eorum per
spiritus malignos et Daemones, qui volant per aerem, vel viros fallaces et
callidos, quae volatilia nuncupavit; unde subdit et dum seminat, aliud
cecidit secus viam. Theophylactus.
Non dixit quod seminans proiecit aliud secus viam, sed quod semen cecidit.
Qui enim seminat, docet rectum sermonem; sed sermo diversimode cadit in
audientes, ut quidam eorum via dicantur. Et conculcatum est, et volucres
caeli comederunt illud. Cyrillus.
Arida enim est et inculta quodammodo omnis via, eo quod a cunctis
conculcatur, ac nihil ex seminibus humatur in ea. Sic igitur habentes cor
indocile non penetrat divina monitio, ut possit laudem germinare virtutum;
sed tales sunt via frequentata immundis spiritibus. Sunt iterum aliqui
leviter gerentes fidem in se quasi in verborum simplicitate; horum fides
caret radice; de quibus subditur et aliud cecidit supra petram, et natum
aruit, quia non habebat humorem. Beda.
Petram dicit durum et indomitum cor. Hoc
est autem humor ad radicem seminis, quod iuxta aliam parabolam oleum ad
lampades virginum nutriendas, idest amor et perseverantia virtutis. Eusebius.
Sunt etiam aliqui qui per avaritiam et appetitum voluptatum et mundanas
sollicitudines, quas quidem spinas nuncupat, immissum sibi semen suffocari
fecerunt; de quibus subditur et aliud cecidit inter spinas; et simul exortae
spinae suffocaverunt illud. Chrysostomus
in Matthaeum. Sicut enim spinae non permittunt oriri semen, sed ex
condensatione suffocant immissum; sic sollicitudines vitae praesentis semen
spirituale fructificare non sinunt. Increpandus autem esset agricola qui
super sensibiles spinas, et petram, et viam seminaret. Non enim possibile est
petram terram fieri, nec viam non esse viam, nec spinas non esse spinas; in
rationalibus autem secus est; possibile est enim petram converti in terram
pinguem, et viam non conculcari, et spinas dissipari. Cyrillus.
Sunt autem terra pinguis et ferax, animae honestae et bonae, quae in
profundo suscipiunt verbi semina, et retinent, et fovent; et quantum ad hoc
subditur et aliud cecidit in terram bonam, et ortum fecit fructum centuplum.
Cum enim in mentem mundam ab omnibus perturbationibus verbum divinum
infunditur, tunc immittit radices in profundum, et germinat tamquam spica, et
convenienter perficitur. Beda. Fructum enim centuplum, fructum perfectum dicit : nam
denarius numerus pro perfectione semper accipitur, quia in decem praeceptis
legis custodia continetur : denarius autem numerus per semetipsum
multiplicatus in centenarium surgit; unde per centenarium magna perfectio
significatur. Cyrillus.
Quae autem sit sententia parabolae, accipiamus per eum qui eam composuit;
unde sequitur haec dicens clamabat : qui habet aures audiendi, audiat. Basilius. Audire pertinet ad intellectum : unde per hoc dominus
excitat ad exaudiendum attente mentionem eorum quae dicuntur. Beda. Quoties enim haec admonitio vel in Evangelio, vel in
Apocalypsi Ioannis interponitur, mysticum esse quod dicitur, quaerendumque a
nobis intentius ostenditur; unde discipuli ignorantes, salvatorem
interrogant; sequitur enim interrogabant autem eum discipuli eius quae esset
haec parabola. Nemo tamen putet finita mox parabola
discipulos hoc interrogasse; sed, ut Marcus ait : cum esset singularis,
interrogaverunt eum. Origenes.
Est autem parabola sermo quasi facti, non autem facti iuxta quod dicitur,
possibilis autem fieri; rerum significativus per transumptionem eorum quae in
parabola traduntur. Aenigma vero est processus sermonis in his quae traduntur
quasi facta; quae tamen non sunt facta, nec possibilia fieri, significant
vero aliquid in occulto; sicut quod dicitur in libro Iudicum quod ligna
iverunt ut ungerent sibi regem. Non est autem ad litteram factum quod dicitur
exiit qui seminat, sicut ea narrat historia, possibile tamen fuit fieri. Eusebius.
Dominus vero docuit eos causam quare turbis per parabolas loquebatur; unde
subditur quibus ipse dixit : vobis datum est nosse mysterium regni Dei. Gregorius
Nazianzenus. Cum hoc audis, non introducas diversas naturas secundum
quosdam haereticos, qui putant hos quidem esse pereuntis naturae, hos vero
salubris; quosdam vero sic se habere, ut eorum voluntas eos ducat ad peius
vel melius, sed addas ei quod dicitur vobis datum est, idest volentibus, et
simpliciter dignis. Theophylactus.
His autem qui sunt indigni tantis mysteriis obscure dicuntur; unde subditur
ceteris autem in parabolis, ut videntes non videant, et audientes non
intelligant. Videre enim se putant, non vident autem; et audiunt quidem, sed
non intelligunt. Huius ergo gratia hoc eis Christus abscondit, ne maius eis
praeiudicium generetur, si postquam noverint Christi mysteria, contempserint.
Qui enim intelligit et postea spernit, gravius punietur. Beda.
Recte igitur in parabolis audiunt, quando clausis sensibus cordis, non
curant cognoscere veritatem, obliti eius quod dominus dixerat : qui habet
aures audiendi, audiat. Gregorius
in Evang. Dominus autem dignatus est exponere quod dicebat, ut sciamus
rerum significationes quaerere etiam in his quae per semetipsum noluit
explanare; sequitur enim est autem haec parabola : semen est verbum Dei. Eusebius.
Destruentium autem immissa semina suis animabus tres dicit esse causas.
Quidam enim destruunt in se semen reconditum, dantes leviter auditum
volentibus fallere; de quibus subdit quod autem secus viam, hi sunt qui
audiunt; deinde venit Diabolus, et tollit verbum de corde eorum, ne credentes
salvi fiant. Beda.
Qui scilicet verbum quod audiunt, nulla fide, nullo intellectu, nulla
saltem tentandae utilitatis actione percipere dignantur. Eusebius.
Quidam vero cum in mentis profundo non susceperint verbum Dei, facile
extinguuntur adveniente adversitate; de quibus subdit nam qui supra petram,
hi sunt qui cum audierint, cum gaudio suscipiunt verbum; et hi radices non
habent, quia ad tempus credunt, et in tempore tentationis recedunt. Cyrillus.
Cum enim intrant Ecclesiam, laetanter attentant divina mysteria, sed ex
levi voluntate; ut autem egressi sunt Ecclesiam, obliviscuntur sacrarum
disciplinarum : et si fides Christiana non fluctuet, permanent; turbante vero
persecutione, profugam habent mentem, quia fides eorum caret radice. Gregorius.
Multi boni operis initia proponunt; sed mox ut fatigari adversitatibus vel
tentationibus coeperint, inchoata derelinquunt. Petrosa ergo terra humorem
non habuit, quae hoc quod germinaverat, ad fructus perseverantiam non
perduxit. Eusebius.
Quidam vero suffocant reconditum in eis semen divitiis et illecebris,
quasi quibusdam suffocantibus spinis; de quibus subditur quod autem in spinis
cecidit, hi sunt qui audierunt, et a sollicitudinibus, et divitiis, et
voluptatibus vitae, euntes suffocantur, et non referunt fructum. Gregorius.
Mirum quomodo dominus divitias spinas interpretatus sit, cum illae
pungant, istae delectent; et tamen spinae sunt, quia cogitationum suarum
punctionibus mentem lacerant, et cum usque ad peccatum pertrahunt, quasi
inflicto vulnere cruentant. Duo autem sunt quae divitiis iungit,
sollicitudines et voluptates : quia per curam mentem opprimunt, et per
affluentiam resolvunt. Suffocant autem semen, quia importunis cogitationibus
guttur mentis strangulant; et dum bonum desiderium intrare ad cor non sinunt,
quasi aditum vitalis flatus vetant. Eusebius.
Haec autem ex provisione a salvatore praedicta sunt. Sic autem se habere
patefacit effectus; non enim aliter aliqui a verbo divini cultus deficiunt
nisi secundum aliquem modorum praedictorum ab eo. Chrysostomus in
Matthaeum. Et ut plura brevibus comprehendam, hi quidem tamquam
negligentes audire, hi tamquam delicati et debiles, hi vero tamquam servi
facti voluptatis et rerum mundi, a bono desistunt. Bonus etiam ordo viae,
petrae et spinarum : opus enim est primo memoriae et cautelae, deinde
fortitudinis, consequenter contemptus praesentium. Consequenter ponit bonam
terram contrario modo se habentem ad viam, et petram, et spinas, cum subdit
quod autem in terram bonam, hi sunt qui in corde bono et optimo verbum
retinent, et fructum afferunt in patientia. Nam qui secus viam positi sunt,
non retinent verbum, sed rapit eis semen Diabolus : qui vero sunt in petra,
non sustinent in patientia tentationis insultum propter imbecillitatem; qui
vero sunt in spinis, non fructificant, sed suffocantur. Gregorius.
Terra ergo bona fructum per sapientiam reddit : quia nulla sunt bona quae
agimus, si non aequanimiter etiam proximorum mala toleramus. Fructum ergo per
patientiam reddunt : quia cum humiliter flagella suscipiunt, post flagella ad
requiem sublimiter cum gaudio suscipiuntur. |
Versets 4-15.
— Théophylacte : Notre Seigneur accomplit ici ce qu’avait prédit David, qui était la figure du Christ (cf. Mt 13, 35) : « J’ouvrirai ma bouche pour parler en paraboles : » (Ps 77.) « Or, comme le peuple s’assemblait en foule et se pressait de sortir des villes pour venir à lui, il leur dit en paraboles. » Le Sauveur parle en paraboles, pour rendre ceux qui l’écoutent plus attentifs, car les hommes aiment à exercer leur intelligence sur les choses obscures, et dédaignent au contraire celles qui sont trop claires ; secondement, afin que son langage demeurât inintelligible pour ceux qui étaient indignes de le comprendre. — Origène : (Chronique des Pères grecs) Aussi est-ce avec une intention marquée que l’Évangéliste dit : « Comme le peuple s’assemblait en foule, » Car ce n’est point la multitude, mais le petit nombre qui marchent dans la voie étroite, et qui trouvent le chemin qui conduit à la vie, c’est pour cette raison que saint Matthieu fait remarquer qu’il enseignait au dehors en paraboles, et que, rentré dans la maison, il expliquait la parabole à ses disciples. —
Eusèbe : Remarquez la convenance de cette première
parabole que Jésus propose à la foule, non seulement de ceux qui étaient
présents, mais encore de tous ceux qui devaient venir après eux, et comme il
excite vivement leur attention par ces premières paroles : « Le
semeur sortit pour semer. » — S. Bède : À nul autre ne convient mieux cette qualité de semeur qu’au Fils de Dieu, qui est sorti du sein de son Père (inaccessible à toute créature), pour venir en ce monde rendre témoignage à la vérité (Jn 19). — S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur Matth.) Celui qui remplit tout de son immensité est sorti, non point en allant d’un lieu dans un autre, mais en se revêtant de notre chair pour s’approcher de nous. Jésus-Christ donne avec raison à son avènement le nom de sortie, car nous étions exclus de la présence de Dieu; or lorsque des rebelles condamnés par leur roi sont bannis, celui qui veut les réconcilier sort pour venir les trouver, et converse en dehors avec eux jusqu’à ce qu’il les ait rendus dignes de paraître devant le roi, et qu’il les introduise en sa présence, c’est ce qu’a fait Jésus-Christ. — Théophylacte : Il sort maintenant, non pour perdre les laboureurs ou pour réduire la terre en cendres, mais il sort pour semer, car souvent le laboureur qui sème, sort pour autre chose que pour semer. — Eusèbe : Un grand nombre de fidèles serviteurs de Dieu sont sortis de la céleste patrie et sont descendus au milieu des hommes; mais ce n’était point pour semer, car ils n’étaient point semeurs, mais des esprits que Dieu envoyait pour remplir un ministère. (He 1, 14.) Moïse lui-même et les prophètes après lui n’ont point semé dans le coeur des hommes les mystères du royaume des cieux, mais en les arrachant à de coupables erreurs et au culte des idoles, ils cultivaient les âmes des hommes, et les défrichaient pour en faire une terre bien préparée. Seul le Verbe de Dieu, créateur et auteur de toutes les semences, est sorti pour répandre par la prédication de nouvelles semences, c’est-à-dire les mystères du royaume des cieux. — Théophylacte : Or, le Fils de Dieu ne cesse pas de semer dans nos âmes, car ce n’est pas seulement comme maître et docteur, mais comme créateur qu’il répand dans nos âmes la bonne semence. — Tite de Bostr. « Il sortit pour semer sa semence, » sa parole n’est point une parole d’emprunt, puisqu’il est par nature le Verbe du Dieu vivant. Ce n’était point leur propre semence que répandaient Paul ou Jean, mais celle qu’ils avaient reçue; Jésus-Christ, au contraire, sème sa propre semence, parce qu’il tire ses divins enseignements de sa propre nature; aussi les Juifs étonnés disaient-ils : « Comment connaît-il les Écritures, puisqu’il ne les a point apprises ? » (Jn 7.) —
Eusèbe : Ceux qui reçoivent la divine semence se
partagent donc en deux classes, la première se compose de ceux qui sont jugés
dignes de la vocation céleste, mais qui perdent cette grâce par suite de leur
négligence et de leur tiédeur; la seconde comprend ceux qui multiplient la
semence en produisant de bons fruits. D’après saint Matthieu, le Sauveur
établit trois degrés différents dans chaque classe; ceux; en effet, qui
reçoivent inutilement la semence, ne la perdent pas de la même manière, et
ceux qui la rendent féconde, ne produisent pas du fruit au même degré. Le
Sauveur expose donc les différentes circonstances où on laisse perdre la
semence. Les uns, sans même qu’ils aient péché, ont perdu la semence
salutaire qui avait été jetée dans leurs âmes; les esprits mauvais, les
démons qui volent dans l’air, ou les hommes fourbes et astucieux qu’il
désigne sous le nom d’oiseaux, viennent enlever la semence de leur esprit et
leur en font perdre le souvenir : « Et pendant qu’il semait, une
partie de la semence tomba le long du chemin. » — Théophylacte : Il ne dit pas que celui qui sème a jeté sa semence le long du chemin, mais que la semence y est tombée, car celui qui sème enseigne une doctrine irréprochable, mais cette parole tombe diversement dans l’esprit de ceux qui l’entendent, et quelques-uns d’entre eux sont représentés par ce chemin où elle fut foulée aux pieds et mangée par les oiseaux du ciel. — S. Cyrille : Tout chemin est inculte et stérile, parce qu’il est sans cesse foulé aux pieds, et aucune semence ne peut y être enfouie. Ainsi les coeurs indociles sont impénétrables aux divins enseignements, et aucune vertu ne peut y germer, c’est un chemin qui n’est fréquenté que par les esprits impurs. D’autres portent légèrement la foi en eux-mêmes, en ne s’attachant qu’aux simples paroles; leur foi manque de racines, et c’est d’eux que le Sauveur ajoute : « Une autre partie tomba sur la pierre, et ayant levée elle sécha, parce qu’elle n’avait pas d’humidité ». — S. Bède : La pierre est la figure des coeurs durs et indomptables, l’humidité est à la semence ce qu’est dans une autre parabole l’huile qui doit alimenter les lampes des vierges (Mt 25), et représente l’amour de la vertu et la persévérance dans le bien. — Eusèbe : Il en est d’autres qui laissent étouffer la semence qu’ils reçoivent par l’avarice, par le désir des voluptés, par les sollicitudes du monde, que Notre Seigneur compare à des épines : « Et une autre partie tomba parmi les épines, et les épines, poussant en même temps, l’étouffèrent. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur Matth.) Semblables, en effet, aux épines qui ne permettent pas à la semence de croître, mais l’étouffent par leur épaisseur, les sollicitudes de la vie présente ne permettent pas à la semence spirituelle de fructifier. Le laboureur qui sèmerait sur les épines matérielles, sur la pierre, sur le chemin, serait digne de blâme, car il est impossible que la pierre se change jamais en terre, que le chemin cesse d’être un chemin, que les épines ne soient plus des épines. Mais il n’en est pas de même dans les choses spirituelles, car la pierre peut devenir une terre fertile, le chemin peut n’être plus foulé aux pieds, et il est possible d’arracher les épines. — S. Cyrille : La terre riche et fertile, ce sont les âmes bonnes et vertueuses qui reçoivent dans leur profondeur la semence de la parole, qui la retiennent et la fécondent, et c’est d’elles qu’il est dit : « Une autre partie tomba dans une bonne terre, et ayant levé, elle produisit du fruit au centuple. » En effet, lorsque la parole divine tombe dans une âme libre de toute agitation, elle pousse de profondes racines, elle produit des épis et les fait arriver à une maturité parfaite. — S. Bède : Le fruit au centuple, c’est le fruit dans sa perfection, car le nombre dix exprime toujours la perfection, parce que l’accomplissement de la loi consiste dans l’observation des dix commandements; mais le nombre dix multiplié par lui-même, produit le nombre cent, qui est ainsi le symbole de la plus grande perfection possible. — S.
Cyrille : Écoutons l’explication de cette parabole
de la bouche même de celui qui en est l’auteur : « En disant cela, il criait : Que celui qui a des oreilles pour
entendre, entende. » — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Entendre, est un acte de l’intelligence, et par ces paroles, Notre Seigneur invite ceux qui l’écoutent à prêter une grande attention à l’explication qu’il va donner. — S. Bède : Toutes les fois, en effet, que nous rencontrons cet avertissement, soit dans l’Évangile, soit dans l’Apocalypse de saint Jean, il s’agit d’une vérité mystérieuse dont on nous engage à pénétrer le sens avec une attention plus scrupuleuse. Aussi les disciples reconnaissant leur ignorance, interrogent le Sauveur : « Or, ses disciples lui demandaient quel était le sens de cette parabole. » Cependant qu’on n’imagine pas que ce fut immédiatement après que Jésus eut achevé d’exposer cette parabole, que les disciples lui adressèrent cette question, mais comme le dit saint Marc : « Ils l’interrogèrent lorsqu’il se trouva seul (Mc 4). » — Origène : La parabole est comme le récit d’un fait imaginaire mais possible et vraisemblable, c’est un récit symbolique et figuré de quelque vérité dont on obtient le sens par l’application de toutes les circonstances de la parabole. L’énigme est le récit d’un événement qui nous est transmis comme un fait [réel], mais qui n’est ni réel ni possible, elle est l’enveloppe d’une vérité cachée, comme dans ce trait du livre des Juges (Jg 9), où nous lisons que les arbres s’assemblèrent pour se choisir un roi. Ce récit que l’Évangéliste raconte comme un fait historique : « Le semeur sortit pour semer, » n’est point arrivé à la lettre, quoiqu’il soit dans les choses possibles. —
Eusèbe : Or, le Seigneur fait connaître à ses
disciples la raison pour laquelle il parlait au peuple en paraboles : « Il leur dit : A vous il a été donné
de connaître le royaume de Dieu. » — S. Grégoire de Naz. : En entendant ces paroles, n’allez pas croire qu’il existe des natures différentes, avec certains hérétiques, qui prétendent qu’il est des hommes dont la nature est de se perdre, d’autres dont la nature est de se sauver, d’autres, au contraire, qui doivent à leur propre volonté de devenir bons ou mauvais; mais à ces paroles du Sauveur : « Il vous a été donné, » ajoutez : A vous qui le voulez, à vous qui en êtes dignes. — Théophylacte : Mais pour ceux qui sont indignes de si grands mystères, un voile recouvre ces vérités : « Tandis qu’aux autres il est annoncé en paraboles, en sorte que voyant ils ne voient point, et qu’en entendant ils ne comprennent pas. » ; ils croient voir, mais ils ne voient point, ils entendent, mais ils ne comprennent pas. Or, Jésus-Christ leur cache ces vérités, pour leur faire éviter un plus grand crime, celui de mépriser les mystères du Christ, après les avoir connus ; car celui qui n’a que du mépris pour les vérités dont l’intelligence lui a été révélée, sera puni plus sévèrement. — S.
Bède : Ceux-là donc entendent en paraboles, qui
ferment les sens et leur coeur pour ne point connaître la vérité et qui
oublient cette recommandation du Seigneur : « Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre. » — S. Grégoire : (Hom. 45 sur les Evang.) Cependant le Seigneur consent à expliquer à ses disciples cette parabole, pour nous apprendre à chercher le sens caché des choses qu’il n’a point voulu nous expliquer : « Voici donc le sens de cette parabole, la semence c’est la parole de Dieu. » — Eusèbe
: Or, il y a pour la semence qui est jetée dans nos âmes, trois causes de
destruction, Les uns détruisent cette semence en prêtant une oreille trop
légère aux discours des hommes qui ne veulent que les tromper : « Ce qui tombe le long du chemin, ce
sont ceux qui écoutent, le diable vient ensuite, et enlève la parole de leur
cœur de peur qu’ils ne croient et ne se sauvent. » — S. Bède : Ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu sans aucune foi, sans aucune intelligence, sans aucun désir de la mettre en pratique. — Eusèbe
: D’autres ne reçoivent cette parole qu’à la surface de leur âme, et la
laissent se dessécher [et périr] aux premières atteintes de l’adversité.
C’est d’eux que Notre Seigneur ajoute : « Ce
qui tombe sur la pierre, ce sont ceux qui, ayant écouté la parole, la
reçoivent avec joie, mais ceux-ci n’ont pas de racine, ils croient pour un
temps, et au temps de la tentation ils se retirent. » — S. Cyrille : Lorsqu’ils entrent dans l’Église, ils écoutent avec joie la prédication des divins mystères, mais avec une volonté bien faible; et à peine sortis de l’Église, ils oublient les enseignements sacrés. Si la foi chrétienne n’est l’objet d’aucune attaque, ils demeurent fidèles, mais si la persécution vient à se déclarer, ils se dérobent par la fuite au danger, parce que leur foi n’a point de racine. — S. Grégoire : (hom. 15 sur les Evang.) Il en est beaucoup qui se proposent de commencer à faire le bien, mais bientôt fatigués par l’adversité ou par les tentations, ils abandonnent leur entreprise. Cette terre pierreuse n’avait donc point l’humidité nécessaire, puisqu’elle n’a pu conduire à la maturité parfaite la semence qu’elle avait fait germer. — Eusèbe : D’autres enfin étouffent en eux la semence qu’ils ont reçue, dans les préoccupations des richesses et des plaisirs, qui sont comme autant d’épines qui étouffent la semence : « Ce qui tombe parmi les épines, ce sont ceux qui écoutent la parole, mais les sollicitudes des richesses et des plaisirs l’étouffent peu à peu, et ils ne portent point de fruit. » — S. Grégoire : (hom. 15 sur les Evang.) Il est étonnant que Notre Seigneur ait pu comparer les richesses aux épines, alors que les épines piquent [et déchirent], tandis que les richesses sont pleines de charmes. Et cependant ce sont des épines, parce qu’elles déchirent l’âme par les pointes acérées de leurs préoccupations, et lorsqu’elles entraînent jusqu’au péché, elles font des blessures sanglantes. Le Sauveur joint deux choses aux richesses : les sollicitudes et les plaisirs parce qu’elles accablent de soucis et énervent l’âme par leur abondance même. Toutes ces choses étouffent la semence, parce qu’elles étranglent pour ainsi dire l’âme par leurs pensées importunes, et en fermant ainsi l’accès du coeur à tout bon désir, elles étouffent la respiration et tuent la vie. — Eusèbe : C’est en vertu de sa prescience divine que Notre Seigneur prédit ces choses, et les faits se chargent de vérifier ces prédictions, car on ne s’éloigne des prescriptions de la divine parole que d’une de ces trois manières. — S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur Matth.) Pour résumer en peu de mots cette doctrine, on quitte la voie du bien, les uns par leur négligence à écouter la parole de Dieu, les autres par délicatesse ou par faiblesse, d’autres enfin, parce qu’ils se rendent esclaves de la volupté et des biens de ce monde. Remarquez encore dans quel ordre naturel se présentent d’abord le chemin, puis le terrain pierreux et les épines; il faut donc d’abord de la mémoire et de la vigilance, puis du courage, et enfin le mépris pour les choses présentes. Notre Seigneur oppose ensuite les qualités de la bonne terre aux qualités défectueuses du chemin, du terrain pierreux et des épines : « Mais ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux qui, écoutant la parole, la conservent dans un coeur bon et excellent, et portent du fruit par la patience. » Ceux qui sont représentés par le chemin, ne retiennent point la parole et laissent enlever la semence par le démon; ceux qui ressemblent au terrain pierreux ne soutiennent pas les assauts de la tentation trop forte pour leur faiblesse; enfin, ceux qui sont figurés par les épines ne portent aucun fruit, mais étouffent la parole dans son germe. — S. Grégoire : (hom. 45 sur les Ev.) Or, la bonne terre produit du fruit par la sagesse, parce que le bien que nous faisons est nul, si nous ne supportons en même temps avec patience le mal qui nous est fait. Ainsi ceux qui sont représentés par cette bonne terre, produisent du fruit par la patience, car après avoir supporté en toute humilité et en toute patience les épreuves qui leur sont envoyées, ils entrent dans le repos et dans la joie de l’éternité. |
Lectio 3 [85824] Catena in Lc., cap. 8 l. 3 Beda. Quia supra dixerat apostolis : vobis datum est nosse
mysterium regni Dei, ceteris autem in parabolis, nunc ostendit per eos
aliquando etiam ceteris idem mysterium esse revelandum, dicens nemo autem
lucernam accendens operit eam vase, aut subtus lectum ponit, sed supra
candelabrum ponit, ut intrantes videant lumen. Eusebius.
Quasi dicat : sicut lucerna accenditur ut luceat, non ut operiatur sub
modio vel lecto; sic etiam secreta regni caelorum in parabolis edita, quamvis
lateant alienos a fide, tamen penes omnes manifestum habebunt sensum; unde
subdit non enim est occultum quod non manifestetur, nec absconditum quod non
agnoscatur et in palam veniat; quasi dicat : quamvis plurima in parabolis
dicta sint, ut videntes non videant, et audientes non intelligant propter sui
incredulitatem, totus tamen sermo patebit. Augustinus
de quaest. Evang. Vel aliter totum. His verbis typice docet fiduciam
praedicandi, ne quis timore carnalium incommodorum lucem scientiae abscondat;
vasis enim et lecti nomine carnem, lucernae autem vocabulo verbum designat;
quod ob metum carnalium incommodorum occultat qui ipsam carnem praeponit
manifestationi veritatis, et ea quasi operit verbum qui praedicare trepidat.
Supra candelabrum autem ponit lucernam qui corpus suum ministerio Dei
subicit, ut superior sit praedicatio veritatis, et inferior servitus corporis.
Origenes
de Serm. Dom. Sed et qui vult adaptare lucernam perfectioribus Christi
discipulis persuadebit nobis per ea quae dicta sunt de Ioanne, quoniam ipse
erat lucerna ardens et lucens. Non decet ergo eum qui lucernam rationalem
accendit in anima, abscondere eam sub lecto ubi quis requiescit, nec sub
aliquo alio vase : quia qui facit hoc, non providet intrantibus domum, quibus
lucerna paratur : sed oportet superponere candelabro, idest omni Ecclesiae.
Chrysostomus
in Matthaeum. Hoc autem dicens, inducit eos ad vitae diligentiam, docens
eos strenuos esse quasi expositos aspectibus omnium, ac pugnantes in mundo
quasi in theatro; quasi dicat : ne consideretis quod manemus in modica parte
mundi; eritis enim omnibus noti : quia tantam virtutem impossibile est latere.
Maximus.
Vel forsan seipsum appellat dominus lucernam radiantem cunctis
habitantibus domum, idest mundum, cum sit naturaliter Deus, et factus
dispensative caro; et sic quasi lux ad instar lucernae retinetur in testa
carnis per mediam animam, sicut per lychnum ignis in testa lucernae. Vocat
autem candelabrum Ecclesiam, supra quam verbum divinum effulgens, quasi
quamdam domum illuminat radiis veritatis. Dixit autem similitudinarie vas aut
lectum, corporalem cultum legis, sub quo contineri non vult. Beda.
Instanter autem nos dominus docet verbo auscultare, ut et nostro illud
pectore continue ruminare, et alieno eructare sufficiamus auditui; unde
sequitur videte ergo quid audiatis. Qui enim habet, dabitur illi; et
quicumque non habet, etiam quod putat se habere, auferetur ab illo. Quasi
dicat : tota intentione verbo quod auditis operam date : quia qui amorem
habet verbi, dabitur illi et sensus intelligendi quod amat : at qui verbi
audiendi amorem non habet, etsi vel naturali ingenio, vel litterario callere
se putaverit exercitio, nulla sapientiae dulcedine gaudebit. Saepe enim
desidiosus ingenium accipit, ut de negligentia iustius puniatur; quia quod
sine labore assequi potuit, scire contemnit; et nonnunquam studiosus
tarditate intelligentiae premitur, ut eo maiora praemia retributionis
inveniat, quo magis studio inventionis elaborat. |
Versets 16-18.
— S. Bède : Notre Seigneur venait de dire aux Apôtres : « Pour vous, il vous a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu; mais pour les autres, il leur est proposé en paraboles, » il leur apprend maintenant qu’ils doivent un jour révéler ce même mystère aux autres : « Personne, après avoir allumé une lampe, ne la couvre d’un vase ou ne la met sous un lit, mais on la met sur un chandelier, afin que ceux qui entrent voient la lumière.» — Eusèbe : C’est-à-dire, de même qu’on n’allume une lampe que pour éclairer, et non pour la mettre sous un boisseau ou sous un lit, ainsi les secrets du royaume des cieux proposés en paraboles, restent cachés pour ceux qui n’ont pas la foi, mais cependant ils ne seront pas toujours incompréhensibles pour tous. « Car il n’y a rien de caché qui ne soit découvert, rien de secret qui ne soit connu et ne vienne au grand jour ». Comme s’il disait : Bien qu’un grand nombre de vérités leur aient été proposées sous forme de paraboles, de sorte qu’en voyant, ils ne voient point, et qu’en entendant ils ne comprennent point, par suite de leur incrédulité, cependant. toute vérité sera un jour éclaircie. — S. Augustin : (Quest. évang.) Ou bien autrement, Notre Seigneur enseigne ici dans un sens figuré, avec quelle confiance on doit prêcher la parole de Dieu, sans que jamais la crainte d’un dommage temporel porte à cacher la lumière de la science. En effet, le vase et le lit signifient la chair, de même que la lampe est le symbole de la parole. Celui qui cache la parole par crainte de quelque dommage temporel, préfère la chair à la manifestation de la vérité, et celui qui tremble d’annoncer cette parole la couvre pour ainsi dire [avec la chair]. Au contraire, celui qui consacre son corps au ministère de cette divine parole, place la lumière sur le chandelier, de manière que la prédication de la vérité domine toutes les exigences de la servitude du corps. — Origène : Ceux qui, dans cette lampe, veulent voir la figure des disciples plus parfaits de Jésus-Christ, rendent leur interprétation plausible, parce que l’Évangile dit de Jean-Baptiste qu’il était une lumière ardente et resplendissante (Jn 5). Que celui donc qui allume dans son âme cette lampe spirituelle, ne la cache ni sous un lit destiné au repos, ni sous un vase quelconque; agir de la sorte, c’est ne prendre aucun soin de ceux qui entrent dans la maison, et pour lesquels cette lampe est préparée; il faut donc placer cette lumière sur un chandelier, c’est-à-dire sur toute l’Église. — S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur Matth.) En leur parlant de la sorte, le Sauveur exhorte ses disciples à une sainte exactitude pour tous les devoirs de la vie, il veut qu’ils soient pleins de courage comme des hommes exposés aux regards de tous, et qui combattent au milieu du monde comme sur un théâtre; ne considérez pas, semble-t-il leur dire, que nous n’habitons qu’une faible partie de l’univers, vous serez connus de tous les hommes, parce qu’il est impossible qu’une si grande vertu demeure cachée. — S. Maxime : Ou bien encore, c’est lui-même que le Seigneur veut désigner par cette lampe qui brille aux yeux des habitants de la maison, c’est-à-dire du monde, puisqu’il est Dieu par nature, et qu’il s’est fait chair par une économie toute divine, et c’est ainsi que, semblable à la lumière d’une lampe, il est retenu par l’intermédiaire de son âme dans la terre de sa chair, comme la lumière est retenue par la mèche dans le vase de terre d’une lampe. Le chandelier, c’est l’Église, sur laquelle la parole divine brille de tout son éclat, et la remplit comme une maison des rayons de la vérité. Or il compare le culte matériel de la loi à un vase ou à un lit sous lequel il ne veut point rester caché. — S. Bède : Le Seigneur nous presse avec instance d’écouter la divine parole, afin que nous puissions la ruminer continuellement dans notre coeur, et la donner en nourriture aux autres : « Prenez donc garde comme vous écoutez, car on donnera à celui qui a, et à celui qui n’a pas, même ce qu’il croit avoir lui sera enlevé. » Comme s’il disait : Appliquez-vous à écouter cette divine parole avec toute l’attention possible, car celui qui aime cette parole, recevra l’intelligence pour comprendre ce qu’il aime, mais pour celui qui n’a point l’amour de cette divine parole, eût-il d’ailleurs du génie, et fût-il versé dans la connaissance des lettres, jamais il ne goûtera la douceur et la joie de la sagesse. Souvent, en effet, celui qui est atteint de paresse spirituelle, reçoit le don de l’Esprit, pour rendre ainsi sa négligence plus coupable, parce qu’il dédaigne de savoir ce qu’il aurait pu apprendre sans aucun travail. Quelquefois au contraire, celui qui est zélé pour s’instruire, souffre de la lenteur de son intelligence, afin de recevoir une récompense d’autant plus grande, qu’il a travaillé avec plus d’efforts pour apprendre. |
Lectio 4 [85825] Catena in Lc., cap. 8 l. 4 Titus.
Derelictis cognatis carnalibus, dominus insistebat doctrinae paternae.
Quia vero desiderabatur propter absentiam, accedunt ad eum : unde dicitur
venerunt autem ad illum mater et fratres eius, et non poterant adire eum prae
turba. Si audiveris de fratribus domini, addisce pietatem, et intellige
gratiam : nullus enim secundum divinitatem salvatoris frater est, unigenitus
enim est; sed pietatis gratia communicavit nobis in carne et sanguine, et
factus est frater noster, cum esset naturaliter Deus. Beda.
Fratres tamen domini secundum carnem dicuntur non filii beatae Mariae
genitricis Dei, secundum Elvidium, nec filii Ioseph de alia uxore secundum
quosdam putandi sunt; sed eorum potius intelligendi sunt esse cognati. Titus.
Putabant autem fratres eius quod cum eorum audiret praesentiam, dimitteret
populum, reveritus maternum nomen, et flexus amore materno; unde sequitur et
nuntiatum est illi : mater tua et fratres tui foris stant, volentes te videre.
Chrysostomus
in Matthaeum. Considera quale erat, astante ei toto populo, et ab ore eius
pendente, iam inchoata doctrina, eum foras extrahere. Ob hoc dominus quasi
increpando respondit; sequitur enim qui respondens dixit ad eos : mater mea
et fratres mei hi sunt qui verbum Dei audiunt et faciunt. Ambrosius.
Moralis magister, qui de se ceteris praebet exemplum, praescripturus
ceteris quoniam qui non reliquerit patrem aut matrem suam, non est filio Dei
dignus, sententiae huic ipse primus se subicit : non quod maternae refutet
pietatis obsequia : ipsius enim praeceptum est : qui non honorificaverit
patrem et matrem, morte moriatur; sed quia paternis se mysteriis amplius quam
maternis affectibus debere cognoscit. Neque tamen iniuriose refutantur
parentes; sed religiosiores copulae mentium docentur esse quam corporum. Ergo
hic non, ut quidam haeretici tendiculas aucupantur, mater negatur, quae etiam
de cruce agnoscitur; sed necessitudini corporali praescriptorum caelestium
forma praefertur. Beda.
Hi igitur qui verbum Dei audiunt et faciunt, mater domini vocantur, eo
quod illum quotidie suo exemplo vel dicto quasi parturiunt in cordibus
proximorum; fratres quoque sunt eius, cum et ipsi faciant voluntatem patris
eius qui in caelis est. Chrysostomus in Matthaeum. Non autem hoc dixit increpando matrem,
sed eam plurimum adiuvando. Nam si erga ceteros sollicitus erat, ut generaret
eis de se debitam opinionem, multo magis erga matrem : non autem elevasset
eam ad illa fastigia, si semper expectaret honorari ab eo tamquam a filio, non
autem eum dominum reputaret. Theophylactus.
Quidam vero hoc sic intelligunt, quod Christo docente quidam invidentes,
subsannantes eum super doctrina eius, dixerunt mater tua, et fratres tui
stant foris volentes te videre : tamquam propter hoc ignobilem eum
demonstrarent : et ideo qui mentem eorum cognovit, sic eis respondit, quoniam
non nocet vilis consanguinitas; sed si ignobilis quis existat, audiat autem
verbum Dei, ipsum consanguineum reputat. Quia tamen audire solum neminem
salvat, sed magis condemnat, subiungit et faciunt : decet enim audire, et
facere. Verbum autem Dei dicit suam doctrinam : quaecumque enim ipse dicebat,
patris erant. Ambrosius.
Mystice autem non debuit foris stare qui Christum quaerebat; unde et ille ait
: accedite ad eum, et illuminamini. Si enim foris stant, nec ipsi agnoscuntur
parentes; et propter nostrum fortasse non agnoscuntur exemplum, quemadmodum
nos non agnoscimur si foris stemus. Illud quoque intelligere non abhorret,
quia per figuram parentum demonstrat Iudaeos, ex quibus est Christus secundum
carnem, Ecclesiamque synagogae credidit praeferendam. Beda.
Intus enim eo docente venientes intrare nequeunt, cuius spiritualiter
intelligere dicta negligunt. Praeoccupans autem turba intravit in domum; quia
differente Iudaea, gentilitas confluxit ad Christum. Foris autem stantes
volunt Christum videre, qui spiritualem in lege sensum non quaerentes, sese
ad custodiam litterae foris fixerunt; et quasi Christum potius ad docenda
carnalia cogunt exire, quam se ad discenda spiritualia consentiunt intrare. |
Versets 19-21.
— Tite de Bostr. Notre Seigneur avait quitté ses parents selon la chair pour se livrer à la prédication de la doctrine de son père; et comme ils désiraient le voir, ils vinrent le trouver : « Cependant, sa mère et ses frères vinrent vers lui, et ils ne pouvaient l’aborder à cause de la foule.» Lorsque vous entendez parler des frères du Seigneur, que ce nom vous rappelle sa miséricorde et vous fasse comprendre l’étendue de sa grâce. En effet, personne ne peut être frère du Sauveur en tant qu’il est Dieu, puisqu’il est le Fils unique du Père, mais par un effet de son amour, il a daigné s’unir notre chair, notre sang, et il est devenu notre frère, lui qui était Dieu par nature (cf. He 2, 11. 13). — S. Bède : Ces frères du Seigneur, selon la chair, ne sont ni les fils de la bienheureuse Marie, mère de Dieu, comme le veut Helvidius, ni les fils de Joseph et d’une autre épouse, comme d’autres le prétendent ; mais il faut plutôt comprendre qu’il s’agit de ses cousins. — Tite de Bostr. Les frères de Jésus espéraient qu’en apprenant leur arrivée, par respect pour le nom de sa mère et pour l’amour qu’elle lui témoignait, il s’empresserait de laisser la multitude [qui l’écoutait] : « On vint donc lui dire : Votre mère et vos frères sont là dehors, et ils désirent vous voir.» — S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur Matth.) Considérez quelle indiscrétion c’était que d’enlever le Sauveur à tout ce peuple qui l’entourait et qui, suspendu à ses lèvres, écoutait ses divins enseignements. Aussi, Notre Seigneur leur en fait-il un reproche : « Il leur répondit : Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. » — S. Ambroise : Comme un sage maître, Jésus commence par donner l’exemple à ses disciples avant de leur enseigner que celui qui ne quitte point son père ou sa mère n’est pas digne du Fils de Dieu. Il veut donc pratiquer le premier ce commandement, non qu’il refuse d’accomplir à l’égard de sa mère les devoirs de la piété filiale (puisqu’il est l’auteur de ce commandement : « Quiconque n’honorera point son père ou sa mère sera puni de mort »), mais parce qu’il sait qu’il doit plus aux mystères divins qu’il a reçus de son Père, qu’à l’affection filiale qu’il a pour sa mère (cf. Ga 4, 19). Toutefois, sa réponse ne contient rien de blessant pour ses parents, mais elle nous apprend que l’union des âmes est plus auguste que les liens de la chair [et du sang]. Le Sauveur ne renie donc point sa mère (comme l’affirment certains hérétiques qui tendent des pièges à la simplicité), puisqu’il l’a reconnue du haut même de la croix, mais il nous enseigne à sacrifier les exigences du sang à l’accomplissement des devoirs célestes. — S. Bède : Ceux donc qui écoutent et qui pratiquent la parole de Dieu, méritent le nom glorieux de mère de Dieu, parce que chaque jour, par leurs exemples ou par leurs paroles, ils l’engendrent dans le coeur du prochain, et ils méritent également d’être appelés ses frères, puisqu’ils font aussi la volonté de son Père qui est dans les cieux. — S. Jean Chrysostome : (hom. 43 sur Matth.) Notre Seigneur ne veut pas non plus faire ici un reproche à sa mère, mais lui accorder une grâce signalée. En effet, s’il avait tant à coeur de donner une juste idée de sa personne au reste des hommes, combien plus devait-il le désirer pour sa mère, car jamais il ne l’eût élevé à un si haut degré de grandeur, si elle eût pu croire qu’il lui obéirait toujours comme un fils, et si au contraire elle ne l’eût reconnu comme son Dieu. — Théophylacte : Quelques-uns entendent ce passage dans un autre sens : Pendant que Jésus enseignait, disent-ils, des envieux qui voulaient jeter du discrédit sur sa doctrine, vinrent lui dire : « Votre mère et vos frères sont là dehors et veulent vous voir, » comme pour rappeler l’obscurité de sa naissance. Or Jésus, qui connaît leurs pensées, leur déclare qu’on n’est nullement rabaissé par une humble famille, mais que si un homme d’une constitution obscure écoute la parole de Dieu, il le regarde comme son frère. Cependant, comme il ne suffit pas d’écouter pour être sauvé, et que la parole de Dieu serait plutôt alors une cause de condamnation, il ajoute : « et qui la pratiquent, » car il faut tout à la fois écouter et mettre en pratique. La parole de Dieu, c’est sa doctrine, puisque tout ce qu’il enseignait venait de son Père. — S. Ambroise : Dans le sens mystique, celui qui cherche Jésus-Christ, ne doit pas se tenir dehors, c’est pour cela que le Roi-prophète a dit : « Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés. » (Ps 33.) Ceux qui restent dehors, ne sont pas reconnus de Jésus, fussent-ils ses parents; peut-être est-ce pour notre instruction qu’il ne veut pas les reconnaître, or comment espérer qu’il nous reconnaîtra, si nous persistons à rester dehors ? Il n’est pas interdit non plus de comprendre que les parents de Jésus sont la figure des Juifs, dont le Sauveur était issu par sa naissance temporelle, et qu’il veut nous apprendre ici la préférence donnée à l’Église sur la synagogue. — S. Bède : Tandis que Jésus enseigne dans l’intérieur de la maison, ceux qui négligent de s’appliquer au sens spirituel de ses paroles, ne peuvent entrer. Cependant la foule se presse pour entrer dans la maison, parce qu’en effet, à la différence des Juifs, les Gentils accoururent en foule à Jésus-Christ. Ceux qui se tiennent au dehors, veulent voir Jésus-Christ, parce que sans s’occuper du sens spirituel de la loi, ils s’attachent au dehors à l’observation de la lettre, et ils veulent pour ainsi dire contraindre Jésus-Christ à sortir pour leur enseigner une doctrine tout humaine, plutôt que de consentir à entrer eux-mêmes pour recevoir des enseignements tout spirituels. |
Lectio 5 [85826] Catena in Lc., cap. 8 l. 5 Cyrillus.
Quia discipuli omnes beneficiatos a Christo videbant, decebat etiam ipsos
sensim in beneficiis Christi delectari : non enim similiter quis considerat
quae fiunt in alienis corporibus ut in suo : et ideo dominus discipulos et
mari et ventis exposuit; unde dicitur factum est autem in una dierum, et ipse
ascendit in unam naviculam, et discipuli eius; et ait ad illos :
transfretemus trans stagnum. Et ascenderunt. Chrysostomus
in Matthaeum. Vitans quidem Lucas quaestionem quae sibi fieri posset de
temporum ordine, dicit eum in una dierum intrasse naviculam. Cyrillus.
Si autem vigilante domino accidisset tempestas, vel non timuissent
discipuli, vel non exhorruissent, vel non credidissent eum posse tale aliquid
facere. Quapropter dormit, praestans tempus timori; sequitur enim
navigantibus autem illis, obdormivit, et descendit procella venti in stagnum.
Ambrosius.
Supra habes quia pernoctabat in oratione; quomodo hic in tempestate
dormit? Sed exprimitur securitas potestatis; quomodo omnibus timentibus solus
intrepidus quiescebat, sed quiescebat corporis somno cum intenderet
divinitatis mysterio; nihil enim sine verbo fit. Cyrillus.
Cum magna autem dispensatione videtur esse peractum ne mox postquam
tempestas invadere coepit naviculam, quaererent ab eo suffragium, sed
postquam malum invaluit, ut manifestior fiat divinae maiestatis potestas;
unde dicitur et compellebantur, et periclitabantur : quod quidem dominus
permisit exercitationis gratia, ut cum confessi fuerint periculum, cognoscant
miraculi magnitudinem. Unde postquam magnitudo periculi in intolerabilem
metum eos urgebat, tamquam aliam spem non habentes salutis nisi solum ipsum
dominum virtutum, eum excitaverunt. Sequitur accedentes autem suscitaverunt
eum, dicentes : praeceptor, perimus. Augustinus
de Cons. Evang. Matthaeus quidem dicit : domine, salva nos, perimus;
Marcus autem : magister, non ad te attinet quia perimus? Eadem autem est
sententia excitantium dominum, volentiumque salvari. Nec opus est quaerere
quis horum potius Christo dictum sit : sive enim aliquid horum trium
dixerint, sive alia verba quae nullus Evangelistarum commemoravit, tantumdem
autem valentia, quid ad rem interest? Quamquam etiam hoc fieri potuerit ut,
pluribus eum excitantibus, omnia haec, aliud autem ab alio diceretur. Cyrillus.
Non autem erat possibile eos perire existente cum eis omnipotente : unde
illico surgit Christus, qui habet omnium potestatem, et sedat confestim
procellam et ventorum impetum. Et cessavit tempestas, et facta est
tranquillitas : in quo ostendit se Deum esse, cui dicitur : tu dominaris
potestati maris, motum autem fluctuum eius tu mitigas. . Beda.
Sic igitur in hac navigatione dominus utramque unius eiusdemque personae
naturam ostendit, dum is qui ut homo dormit in navi, furorem maris ut Deus
verbo coercet. Cyrillus.
Simul autem cum tempestate aquarum solvit tempestatem animarum; unde
sequitur dixit autem illis : ubi est fides vestra? In quo verbo ostendit quod
timorem non facit tentationum inductio, sed imbecillitas mentis. Sicut enim aurum probatur in igne, sic in tentationibus fides. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem ab aliis
Evangelistis aliis verbis dictum est. Matthaeus enim dicit eum dixisse : quid
timidi estis modicae fidei? Marcus autem dicit : quid timidi estis? Necdum
habetis fidem? Idest illam perfectam velut granum sinapis. Hoc ergo et ille
ait : modicae fidei; Lucas autem : ubi est fides vestra? Et totum quidem dici
potuit : quid timidi estis? Ubi est fides vestra? Modicae fidei? Unde aliud
hic, aliud ille commemorat. Ambrosius.
Pacata igitur tempestate ad imperium Christi, discipuli stupefacti
miraculo, susurrabant ad invicem; unde sequitur qui timentes, mirati sunt, ad
invicem dicentes : quis, putas, hic est, quia et ventis imperat et mari, et
obediunt? Non autem discipuli, ut ignorantes eum, hoc dixerunt ad invicem;
noverant enim eum Deum esse, et filium Dei Iesum : admirantur autem innatae
potestatis abundantiam, et divinitatis gloriam; quamvis similis nobis esset
et visibilis secundum carnem; unde dicunt quis est hic? Idest qualis et
quantus, et in quanta virtute et maiestate? Imperiosum enim est opus,
dominativum praeceptum, non servilis petitio. Beda.
Vel non discipuli, sed nautae et alii mirantur qui in navi erant.
Allegorice autem mare vel stagnum tenebrosus est et amarus mundi aestus.
Navicula arbor crucis, cuius beneficio fideles adiuti, emensis mundi
fluctibus, obtinent littus patriae caelestis. Ambrosius.
Itaque dominus, qui se intelligit propter divinum in terras mysterium
venisse, relictis parentibus navem ascendit. Beda.
Ascendunt autem et discipuli admoniti cum eo; unde ipse ait : si quis vult
post me venire, abneget semetipsum et tollat crucem suam et sequatur me.
Discipulis navigantibus, idest fidelibus saeculum calcantibus, et futuri
saeculi animo quietem meditantibus, et per sancti spiritus flatum, vel etiam
proprii remigii conatum, infidos mundi fastus certatim post terga
iactantibus, subito obdormivit dominus; idest, advenit tempus dominicae
passionis; et descendit procella, quia domino somnum mortis in cruce
subeunte, fluctus persecutionum daemoniacis flatibus exsurgunt. Fluctibus
autem non domini patientia turbatur, sed discipulorum imbecillitas concutitur
et trepidat : qui suscitarunt dominum ne eo dormiente pereant : quia cuius
mortem viderant, resurrectionem optant : quae si differetur, ipsi in
perpetuum perirent. Unde surgens increpat ventum : quia celeri resurrectione
per mortem destruit superbiam Diaboli, qui habebat imperium mortis.
Tempestatem autem aquae facit cessare, quia rabiem Iudaeorum morti eius
insultantium resurgens labefacit. Ambrosius.
Et advertas, sine tentatione neminem posse ex hoc vitae curriculo
demigrare, quia exercitium fidei tentatio est. Subiecti igitur sumus
nequitiae spiritualis procellis; sed quasi pervigiles nautae gubernatorem
excitemus, qui non serviat, sed imperet ventis; qui etsi iam non dormiat sui
corporis somno, caveamus tamen ne nostri corporis somno nobis dormiat, et
quiescat. Bene autem arguuntur qui praesente Christo timebant, cum utique ibi
aderat qui perire non posset. Beda.
Cui simile est quod post mortem discipulis apparens exprobravit
incredulitatem eorum : et sic tumidis gurgitibus sedatis, patefecit cunctis
potentiam suae divinitatis. |
Versets 22-25.
— S. Cyrille : Les disciples étaient [tous les jours] témoins de tous les bienfaits que Jésus-Christ répandait à profusion, il était juste qu’il en fît découler sur eux une partie; nous ne voyons pas en effet du même oeil le bien que l’on fait aux autres, et celui qui nous est fait à nous-mêmes; le Sauveur permet donc qu’ils soient exposés à une tempête sur la mer : « Un jour, étant monté sur une barque avec ses disciples, il leur dit : Passons à l’autre bord du lac, et ils partirent. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 29 sur Matth.) Saint Luc évite la question que pourrait soulever le temps précis où eut lieu ce miracle, en disant simplement que Jésus monta un jour sur une barque. — S. Cyrille : Si
cette tempête était arrivée pendant que le Sauveur veillait, les disciples
n’auraient eu aucune crainte, ou bien ils n’auraient pas cru que leur divin
Maître pût opérer un si grand prodige; il se laisse donc aller au sommeil
pour donner à la crainte tout le temps de se développer : « Comme ils naviguaient, il
s’endormit, et un vent impétueux s’éleva sur le lac. » — S. Ambroise : Vous avez lu plus haut qu’il passait les nuits en prière; pourquoi donc le voyons-nous dormir ici pendant la tempête ? C’est pour exprimer la sécurité de la toute-puissance qu’il repose seul sans crainte, alors que tous sont saisis d’effroi, mais ce sommeil n’atteignait que le corps; et, comme Dieu, il avait l’oeil ouvert sur ses disciples pour les protéger; car rien absolument ne se fait sans le Verbe. (Jn 1.) — S. Cyrille : Il semble que ce soit par un dessein particulier de la providence divine que les disciples ne crièrent pas au secours au premier moment que la barque fut assaillie par la tempête, mais lorsque le danger devint imminent, pour faire éclater davantage la toute-puissance du Sauveur : « Et ils étaient envahis par l’eau et étaient en péril, » dit l’Évangéliste. Le Sauveur le permit pour exercer leur vertu; car en confessant la grandeur du danger, ils étaient forcés de reconnaître la grandeur du miracle [qui les en délivrait]. Lors donc que l’imminence du péril les eut jetés dans une crainte inexprimable, ils reconnaissent qu’ils n’ont plus d’autre espoir de salut que dans le Seigneur des vertus, et ils se déterminent à l’éveiller. « S’approchant donc, ils le réveillèrent en disant : Maître, nous périssons. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 24.) D’après saint Matthieu, ils lui auraient dit : « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons » ; d’après saint Marc : « Maître, n’avez-vous pas de souci que nous périssions ? » De part et d’autre, ils expriment le même désir de réveiller le Sauveur et d’être sauvés du danger. Il est tout à fait inutile de chercher quelle formule précise de prière les Apôtres ont employée ? Se sont-ils servi d’une de celles qui sont rapportées par ces trois Évangélistes, ou d’une autre dont aucun n’aurait parlé, mais dont les termes seraient équivalents ? peu importe. D’ailleurs, on peut fort bien admettre que tous les disciples s’empressèrent d’éveiller leur divin Maître, mais que chacun lui parla d’une de ces trois différentes manières. — S. Cyrille : Il était du reste impossible que les Apôtres, ayant avec eux le Tout-Puissant, pussent jamais périr. Aussi Jésus-Christ, qui exerce une puissance souveraine sur tout ce qui existe, se lève et apaise subitement la tempête et la fureur des vents : « Et la tempête cessa, et il se fit un grand calme. » Il prouve ainsi qu’il est le Dieu dont le Psalmiste a chanté : « Vous dominez la puissance de la mer, vous apaisez ses flots soulevés. » (Ps 88.) — S. Bède : Dans cet événement de sa vie, le Seigneur fait voir clairement en lui deux natures dans une seule et même personne, puisque nous le voyons livré au sommeil, comme homme, et apaisant d’un seul mot, comme Dieu, la fureur de la mer. — S. Cyrille : Or, Jésus apaise eu même temps la tempête extérieure de la mer, et la tempête intérieure des âmes : « Alors il leur dit : Où est donc votre foi ? » En leur parlant de la sorte, il nous apprend que ce n’est point la tentation, mais la faiblesse de l’âme qui produit la crainte; car les tentations éprouvent la foi, comme le feu éprouve l’or. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Les autres Évangélistes rapportent diversement les paroles du Sauveur. D’après saint Matthieu, il aurait dit à ses disciples : « Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ? » suivant le récit de saint Marc : « Pourquoi craignez-vous ? est-ce que vous n’avez pas encore la foi ? c’est-à-dire la foi parfaite, comme le grain de sénevé. » D’après saint Marc, il leur reproche donc aussi leur peu de foi, tandis que d’après saint Luc, il leur demande : « Ou est votre foi ? » Or, Notre Seigneur a pu fort bien employer toutes ces locutions diverses : « Pourquoi craignez-vous ? où est votre foi ? hommes de peu de foi, » et les Évangélistes nous rapportent chacun une d’entre elles. — S. Cyrille ou S. Ambroise : A la vue de la tempête subitement apaisée à la parole de Jésus-Christ, les disciples, comme stupéfaits d’un tel miracle, s’interrogeaient les uns les autres : « Remplis de crainte et d’admiration, ils se disaient les uns aux autres :Quel est donc cet homme qu’il commande même aux vents et à la mer, et qu’ils lui obéissent ? » Ce n’est point par ignorance de ce qu’était Jésus, que les disciples parlent ainsi entre eux, car ils savaient très bien qu’il était Dieu et Fils de Dieu; mais ils sont remplis d’admiration à la vue de l’étendue de cette puissance qu’il possède de toute éternité, et de la gloire de sa divinité qu’il fait éclater dans ce corps visible et semblable au nôtre dont il s’est revêtu. « Et ils s’écrient : Quel est celui-ci ? », c’est-à-dire quelle grandeur, quelle puissance, quelle majesté ! car c’est une action faite avec empire, c’est le commandement d’un maître, ce n’est point l’humble demande d’un serviteur. — S. Bède : On peut dire aussi que ce ne sont pas les disciples, mais les matelots et ceux qui étaient avec eux dans la barque, qui sont remplis d’admiration. Dans le sens allégorique, cette mer, ce lac agités représentent l’agitation de la mer ténébreuse du monde. La barque est le symbole de l’arbre de la croix, à l’aide duquel les fidèles traversent les flots de cette mer du monde, et parviennent an rivage de la céleste patrie. — S. Ambroise : Notre Seigneur quitte ses parents pour monter dans cette barque, parce qu’il sait qu’il est venu dans le monde pour l’accomplissement de mystères tout divins. — S. Bède : Les disciples, sur l’invitation du Sauveur, montent avec lui dans la barque. Il leur dit en effet : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me suive. » Pendant que les disciples font cette traversée, c’est-à-dire pendant que les fidèles foulent aux pieds le monde et méditent dans leur coeur les douceurs du repos éternel; pendant que, poussés par le souffle de l’Esprit saint, et aussi par leurs propres efforts, ils rejettent à l’envi derrière eux les vanités inconstantes et perfides du monde, le Seigneur s’endort tout à coup, c’est-à-dire que le temps de la passion du Seigneur est arrivé, et que la tempête vient fondre sur la terre, parce que pendant le sommeil de la mort qu’il consent à subir sur la croix, les flots de la persécution se soulèvent sous l’impulsion du souffle des démons (cf. Ps 3, 5). La patience du Seigneur n’en est point troublée, mais la faiblesse des disciples en est ébranlée et saisie d’effroi. Ils s’empressent donc de réveiller le Seigneur dans la crainte de périr pendant son sommeil, parce qu’en effet, après avoir été témoins de sa mort, ils désirent vivement sa résurrection, dont le retard prolongé les exposerait à une perte certaine. Le Sauveur se lève et commande avec menace à la tempête, c’est-à-dire que par sa prompte résurrection d’entre les morts, il a détruit l’orgueil du démon qui avait l’empire de la mort. (He 2.) Il calme l’agitation des flots, c’est-à-dire qu’en ressuscitant, il fait tomber la rage des Juifs qui insultaient à sa mort. — S. Ambroise : Il veut nous apprendre qu’il est impossible de traverser sans tentations le cours de cette vie, parce que la tentation est l’épreuve naturelle de la foi. Nous sommes donc exposés aux tempêtes soulevées par les esprits mauvais; mais ayons soin, comme de vigilants matelots, d’éveiller le pilote de la barque qui ne cède pas aux vents, mais qui leur commande; et lors même qu’il est éveillé, prenons garde qu’il ne dorme encore pour nous, en punition du sommeil de notre corps. Ceux qui se laissent aller à la crainte dans la compagnie de Jésus-Christ, méritent le juste reproche qu’il leur fait, car celui qui s’attache à lui ne peut périr. — S. Bède : Nous voyons quelque chose de semblable à ce qui se passe ici, lorsque Jésus apparut après sa mort à ses disciples, et leur reprocha leur incrédulité (Mc 16), et qu’ayant apaisé la mer agitée jusque dans ses profondeurs, il fit éclater aux yeux de tous la puissance de sa divinité. |
Lectio 6 [85827] Catena in Lc., cap. 8 l. 6 Chrysostomus. Salvator navigando una cum discipulis ad portum
pervenit; unde dicitur et navigaverunt ad regionem Gerazenorum, quae est
contra Galilaeam. Titus. Veraciora exemplaria nec Gerazenorum habent, nec Gadarorum,
sed Gergezinorum; est enim Gadara civitas in Iudaea, stagnum autem vel mare
nullatenus invenitur in ea; sed Geraza civitas Arabiae est, nec stagnum, nec
mare iuxta habens. Est autem Gergeza, a qua Gergezaei, urbs antiqua iuxta
Tiberiacum stagnum, circa quam est rupes stagno vicina, in quod ostenditur
deiectos fuisse porcos a Daemonibus. Quia tamen Geraza et Gedara confinium
habent cum terra Gergezinorum, verisimile est inde ad horum terram porcos fuisse
adductos. Beda. Geraza enim urbs est insignis Arabiae trans
Iordanem iuncta monti Galaad, quam tenuit tribus Manasse, non longe a stagno
Tiberiadis, in quo porci praecipitati sunt. Chrysostomus
in Matthaeum. Cum autem dominus descendisset a mari, occurrit ei aliud
terribilius miraculum : nam daemoniacus, tamquam servus videns dominum,
servitutem confitetur; unde sequitur et cum egressus esset ad terram,
occurrit illi vir quidam qui Daemonium habebat iam temporibus multis. Augustinus
de Cons. Evang. Quod Matthaeus duos dicit fuisse daemoniacos, Marcus autem
et Lucas unum commemorant, intelligas unum eorum fuisse personae alicuius
clarioris et famosioris, quem regio illa maxime dolebat, et pro cuius salute
plurimum satagebat. Hoc volentes significare duo Evangelistae, solum
commemorandum iudicaverunt de quo facti huius fama latius praeclariusque
fragraverat. Chrysostomus
in Matthaeum. Vel Lucas elegit ex illis duobus eum qui saevior erat : unde
flebilius narrat eius infortunium, cum subdit et vestimentis non induebatur,
neque in domo manebat, sed in monumentis. Visitant autem Daemones mortuorum
sepulchra, volentes imbuere homines periculosa doctrina, quod scilicet
mortuorum animae Daemones fiunt. Cyrillus.
Quod autem nudus petebat defunctorum sepulchra, daemoniacae ferocitatis
erat indicium. Permittit autem quosdam dispensative Deus subesse Daemonibus,
ut nos perpendamus per eos quales sunt Daemones erga nos, ut renuamus eis
subici velle; et sic uno patiente aedificantur quamplures. Chrysostomus.
Quia vero hominem eum populi fatebantur, accesserunt Daemones divinitatem
praedicantes ipsius, quam etiam mare sua tranquillitate clamaverat; unde
sequitur is ut vidit Iesum, procidit ante illum, et exclamavit voce magna, et
dixit. Cyrillus.
Attendas hic timorem annexum audaciae et desperationi multae; signum enim
diabolicae desperationis est in audendo dicere quid mihi et tibi est, Iesu
fili Dei altissimi? Timoris vero cum precatur obsecro te, ne me torqueas. Sed
si nosti eum esse filium Dei altissimi, fateris eum Deum caeli et terrae, et
eorum quae continentur in eis. Qualiter igitur non tua, immo sua usurpas, et
dicis quid mihi et tibi? Quis autem principum terrenorum omnino sustinebit a
barbaris lacessiri suo subiectos imperio? Unde sequitur praecipiebat enim
spiritui immundo ut exiret ab homine; et necessitatem praecepti ostendit
subdens multis enim temporibus arripiebat illum; et vinciebatur catenis et
compedibus custoditus; et ruptis vinculis agebatur a Daemonio in deserta.
Chrysostomus. Unde, quia nemo audebat daemoniacum tenere, ipse
Christus ad eum vadit, alloquens ipsum. Sequitur
interrogavit autem illum Iesus, dicens : quod tibi nomen est? Non velut
inscius nomen inquirit, sed ut confessa peste quam tolerabat, virtus curantis
gratior emicaret. Beda.
Sed et nostri temporis sacerdotes qui per exorcismi gratiam Daemones
eicere norunt, solent dicere, patientes non aliter valere curari, nisi omne
quod ab immundis spiritibus vigilantes dormientesve pertulerint, confitendo
patenter exponant; et maxime quando corporis humani concubitum petere se ac
patrare confingunt; unde et hic confessio subditur : at ille dixit : legio;
quia intraverant Daemonia multa in eum. Gregorius
Nyssenus. Imitantes quidam Daemones supernas militias et legiones
angelicas, dicunt se legionem, sicut et eorum princeps dicit se positurum
thronum super astra, ut fiat altissimo similis. Chrysostomus.
Postquam autem dominus supervenerat Daemonibus creaturam Dei
perturbantibus, putabant eum propter excessum eorum quae fiebant non
expectare tempus supplicii : et quia culpam diffiteri non poterant, instant
ne cito sustineant poenam; unde sequitur et rogaverunt illum ne imperaret
illis ut in abyssum irent. Theophylactus.
Quod quidem postulant Daemones volentes adhuc cum hominibus conversari.
Cyrillus.
Hic autem palam est quod aemulae catervae maiestatis divinae, ineffabili
potentia salvatoris detrudebantur ad Inferna. Maximus. Statuit autem
Deus unicuique peccatorum consonam poenam; Gehennam ignis propter carnis
incendium, stridorem dentium propter risum lascivum, intolerabilem sitim
propter voluptatem et crapulam, pervigilem vermem propter obliquum et
malignum cor, caliginem perpetuam propter ignorantiam et fallaciam, Lymbum
abyssi propter superbiam : unde Daemonibus tamquam superbis abyssus
delegatur. Sequitur erat autem ibi grex multorum porcorum pascentium in monte.
Augustinus
de Cons. Evang. Quod Marcus dixit circa montem fuisse gregem porcorum,
Lucas autem in monte, non repugnat : grex enim porcorum tam magnus fuit, ut aliquid
eius esset in monte, aliquid circa montem : erant enim duo millia porcorum,
sicut Marcus expressit. Ambrosius.
Daemones autem caelestis luminis claritatem sustinere non poterant, ut qui
oculos dolent, radios solis ferre non possunt. Cyrillus.
Et ideo turba immundorum spirituum petit mitti in conformem sibi gregem
immundorum porcorum. Sequitur et rogabant eum ut permitteret eis in illos
ingredi. Athanasius
in vita Antonii. Quod si super porcos potestatem non habent, multo magis
nullum habent dominium contra homines factos ad imaginem Dei. Oportet ergo
Deum solum timere, contemnere autem illos. Cyrillus.
Dominus autem concessit eis potestatem, ut hoc inter cetera fiat nobis
causa salutis, et roboris spes. Sequitur
et permisit illos. Considerare ergo oportet, quod Daemones pravi sunt, et
hostiles his qui eis sunt subditi; ut potest patere ex eo quod
praecipitaverunt et suffocaverunt porcos in aquis; unde sequitur exierunt
ergo Daemonia ab homine, et intraverunt in porcos, et impetu abiit grex per praeceps
in stagnum, et suffocatus est. Et ideo concessit eis Christus petentibus, ut
ex eventu appareat quam sint crudeles. Erat etiam necessarium ostendere
filium Dei providentiam rerum habere non minus quam pater, ut aequalitatis
decor in utroque appareat. Titus.
Fugam autem pastores arripiunt, ne cum porcis perirent; unde sequitur quod
ut viderunt factum, qui pascebant fugerunt et nuntiaverunt in civitatem et in
villas : et huiusmodi terrorem civibus intulerunt. Duxit autem eos ad
salvatorem damni necessitas. Sequitur exierunt autem videre quod factum est,
et venerunt ad Iesum. Ubi considera, quod dum Deus homines punit in rebus,
confert beneficium animabus. Cum autem profecti essent, viderunt sanum eum
qui iugiter vexabatur. Sequitur et invenerunt hominem sedentem, a quo
Daemonia exierant, vestitum, qui antea continuo nudus erat, ac sana mente ad
pedes eius : non enim discedit a pedibus, a quibus est nactus salutem : et
sic agnoscentes signum, mirati sunt passionis remedium, et obstupuerunt in
facto. Sequitur et timuerunt. Hoc autem factum partim visu comperiunt, partim
verbis audiverant. Sequitur nuntiaverunt autem illis qui viderant quomodo
sanus factus esset a legione. Oportebat autem eos supplicare domino ne inde
recederet, sed custos esset regionis, ne Daemones haberent accessum ad eos;
sed prae timore propriam salutem amiserunt, rogantes salvatorem recedere. Sequitur et rogaverunt illum omnis multitudo regionis Gerazenorum, ut
discederet ab ipsis, quia timore magno tenebantur. Theophylactus. Timebant enim ne iterum damnum aliquod paterentur,
sicut passi fuerant in submersione porcorum. Chrysostomus. Attendas autem Christi humilitatem : postquam enim
collatis a se talibus beneficiis emittebant eum, non obstat, sed discedit,
eos qui se ipsos indignos sua doctrina promulgaverant relinquens. Sequitur
ipse autem, ascendens navim, reversus est. Titus.
Sed eo discedente, ille qui passus fuerat, a salvatore non discedit.
Sequitur et rogabat illum vir a quo Daemonia exierant, ut cum eo esset. Theophylactus.
Nam, sicut expertus, timebat ne forte elongatus a Iesu, rursus Daemonibus
esset paratus. Dominus autem ostendit ei quod quamvis non sit cum eo
praesentialiter, tamen potest eum gratia sua protegere; sequitur enim dimisit
autem eum Iesus, dicens : redi in domum tuam, et narra quanta tibi fecit
Deus. Non autem dixit : quanta tibi feci ego; formam praebens humilitatis, ut
rectitudines nostras referamus in Deum. Titus. Nec tamen praevaricatur in lege veritatis; quidquid enim
filius operatur, pater operatur. Cur autem qui ubique
omnes liberatos monebat nulli dicere, huic liberato a legione dicit narra
quanta tibi fecit Deus? Quia scilicet tota regio illa Deum ignorabat,
irretita cultibus Daemonum. Vel verius, quandoquidem ad patrem retorquet
miraculum, dicit narra; cum vero loquitur de seipso, monet nulli dicere. Ille
autem qui liberatus est a Daemonibus, noverat Deum esse Iesum, et ideo
praedicavit quanta fecit illi Iesus; sequitur enim et abiit per universam
civitatem praedicans quanta illi fecit Iesus. Chrysostomus.
Et sic illos qui se indignos sua doctrina promulgaverant derelinquens,
statuit eis eum in magistrum qui fuerat a Daemonibus liberatus. Beda.
Mystice autem Geraza significat nationem gentium, quas post passionem et
resurrectionem suam dominus per praedicatores visitavit; unde Geraza vel
Gergesi, ut quidam legunt, interpretatur colonum eiciens, idest Diabolum, a
quo prius incolebatur; vel advena propinquans, qui prius longe erat. Ambrosius.
Licet autem discordet numerus curatorum a Christo secundum Lucam et
Matthaeum, tamen concordat mysterium : ut enim iste qui habebat Daemonium,
populi gentilis est figura, duo quoque illi similiter figuram populi gentilis
accipiunt : quoniam cum tres filios Noe generavit, Sem, Cham et Iaphet, Sem
tantummodo familia in possessionem ascita est Dei : ex duobus illis
diversarum nationum populi pullularunt. Qui multis, inquit, temporibus
habebat Daemonium, utpote qui a diluvio usque ad adventum domini vexabatur.
Nudus autem erat, quia tegumentum naturae suae et virtutis amisit. Augustinus
de quaest. Evang. In domo non habitabat; hoc est, in conscientia sua non
requiescebat : in monumentis manebat; idest in mortuis operibus, hoc est
peccatis, delectabatur. Ambrosius.
Vel quid sunt corpora perfidorum nisi quaedam sepulchra in quibus Dei
verba non habitant? Augustinus
de quaest. Evang. Quod autem compedibus ferreis et catenis ligabatur,
significat graves et duras leges gentium, quibus etiam in eorum republica
peccata cohibentur : quod autem vinculis talibus diruptis agebatur a Daemonio
in desertum, significat quod etiam ipsis transgressis legibus ad ea scelera
cupiditate ducebatur quae iam vulgarem consuetudinem excederent, quod vero in
eo legio Daemonum erat, significatae sunt gentes, quae multis Daemonibus
serviebant; quod in porcos pascentes in montibus Daemonia ire concessa sunt,
significat etiam immundos et superbos homines, quibus Daemonia dominantur
propter idolorum cultus. Ambrosius.
Porci enim hi sunt qui immundorum usu animalium, vocis et rationis
expertes, lutulentis vitae suae actibus naturalium coinquinaverunt ornamenta
virtutum. Augustinus.
Quod autem in stagnum praecipitati sunt, significat quod iam clarificatur
Ecclesia, et liberato populo gentium a dominatione Daemoniorum, in abditis
agunt sacrilegos ritus suos qui Christo credere noluerunt, caeca et profunda
curiositate submersi. Ambrosius.
Impetu autem feruntur in praeceps, quoniam nullius meriti contemplatione
revocantur; sed tamquam de superioribus ad inferiora per improbitatis
proclive detrusi, inter fluenta mundi huius intercluso pereunt spiritus
commeatu. Neque enim in his qui fluido aestu voluptatis huc atque illuc
feruntur, illius spiritus potest esse vitale commercium. Videmus igitur quia
homo ipse suae est auctor aerumnae : nam nisi quis porci more vixisset,
numquam accepisset in eum Diabolus potestatem; aut si accepisset, non ut
perderet, sed ut probaret : et fortasse Diabolus, quia post domini adventum
bonos iam depraedari non poterat, non omnium hominum, sed levium quaerit
interitum; ut latro non armatis, sed insidiatur inermibus. Viderunt hoc
magistri gregum, et fugerunt : neque enim vel philosophiae professores vel
principes synagogae pereuntibus populis possunt ferre medicinam : solus est Christus
qui aufert peccata populorum. Augustinus.
Vel quod porcorum pastores fugientes ista nuntiaverunt, significat quosdam
primates impiorum, quamquam Christianam legem fugientes, potentiam tamen eius
pergentes stupendo et mirando praedicare. Quod autem Gerazeni cognoscentes
quod factum est, rogant Iesum ut ab eis discederet, magno timore perculsi,
significat magnitudinem vetusta suavitate delectatam, honorare quidem, sed
nolle pati Christianam legem, dum dicunt quod eam implere non possunt; admirantes
tamen fidelem populum a pristina perdita conversatione sanatum. Ambrosius.
Vel in Gerazenorum civitate species synagogae videtur existere : qui
rogabant ut discederet, quia timore magno tenebantur; infirma enim mens non
capit Dei verbum, nec potest pondus sustinere sapientiae. Et ideo diutius
molestus non fuit, sed ascendit ab inferioribus ad superiora, a synagoga
scilicet ad Ecclesiam : et regressus est per stagnum : nemo enim de Ecclesia
ad synagogam sine periculo transit salutis; sed ille qui de synagoga ad
Ecclesiam transire desiderat, crucem suam tollat, ut discrimen evadat. Augustinus.
Quod autem ille sanatus cupit iam esse cum Christo, et dicitur ei redi in
domum tuam, et narra quanta tibi fecit Deus : sic intelligitur, ut sic
quisquis intelligat post remissionem peccatorum redeundum sibi in
conscientiam bonam sicut in domum, et serviendum Evangelio propter aliorum
salutem, ut deinde cum Christo requiescat : ne cum praepropere vult esse cum
Christo, negligat ministerium praedicationis fraternae redemptioni
accommodatum. |
Versets 26-39.
— S. Cyrille ou S. Jean Chrysostome : Le Sauveur ayant traversé le lac, parvint au rivage opposé : « Ils abordèrent ensuite au pays des
Géraséniens, qui est vis-à-vis de la Galilée. » — Tite de Bost. Les manuscrits les plus authentiques ne portent ni Géraséniens, ni Gadariens, mais Gergéséniens. En effet, Gadara est une ville de Judée, près de laquelle on ne trouve ni lac, ni mer; Gérasa est une ville d’Arabie, qui n’est elle-même voisine d’aucun lac, ni d’aucune mer. Mais Gergésa, d’où vient le nom de Gergéséniens, est une ville fort ancienne, située sur les bords du lac de Tibériade, dans les environs de laquelle se trouve un rocher qui domine le lac dans lequel les démons précipitèrent les pourceaux. Cependant comme les villes de Gérasa et de Gadara touchent aux confins du pays des Gergéséniens, il est vraisemblable que c’est de ces deux villes, que les pourceaux avaient été amenés dans le pays des Gergéséniens. — S. Bède : Gérasa est une ville célèbre d’Arabie, qui échut autrefois à la tribu de Manassé (cf. Nb 34, 14; Dt 3, 13; 19, 8; Jos 12, 6; 13, 29; 17, 6.8.11; 22, 9), située au delà du Jourdain, près de la montagne de Galaad, non loin du lac de Tibériade, dans lequel les pourceaux se précipitèrent. — S. Jean Chrysostome : (hom. 29 sur Matth.) Lorsque le Sauveur fut descendu à terre, il fut témoin d’un phénomène bien plus surprenant [que la tempête]; un possédé du démon, comme un esclave en présence de son maître, vient confesser sa dépendance : « Lorsqu’il fut descendu à terre, il vint au devant de lui un homme qui était possédé par des démons qui depuis longtemps… » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Saint Matthieu rapporte qu’ils étaient deux possédés; saint Marc et saint Luc ne parlent que d’un seul, il faut donc entendre que l’un d’eux était un homme plus considérable et plus connu, dont tout le pays plaignait le triste sort, et désirait vivement la guérison. C’est ce que veulent faire entendre saint Marc et saint Luc en ne parlant que de celui des deux, dont l’état et la guérison avait eu une immense notoriété dans toute la contrée. — S. Jean Chrysostome : (hom. 29 sur Matth.) Ou bien, peut-être saint Luc s’est-il attaché à celui des deux qui était le plus furieux, et dont il fait un si triste tableau : « Il ne portait aucun vêtement, et n’avait d’autre habitation que les sépulcres. » Or, les démons fréquentent les tombeaux des morts pour insinuer plus facilement aux hommes cette pernicieuse doctrine, que les âmes des morts deviennent des démons. — S. Cyrille : Il errait sans vêtements dans les sépulcres des morts, preuve de la fureur des démons qui le possédaient. Or, la providence de Dieu permet que quelques-uns soient ainsi soumis au pouvoir des démons, pour nous faire considérer ce qu’ils sont à notre égard, nous faire renoncer à leur empire tyrannique, et par le triste spectacle d’un seul homme, [victime de leur méchanceté], donner à tous une leçon salutaire. — S. Jean Chrysostome : (Hom. 29.) Comme la multitude ne voyait dans Jésus qu’un homme, les démons viennent publier hautement sa divinité que la mer elle-même avait proclamée en calmant la fureur de ses flots soulevés : « Aussitôt qu’il vit Jésus, il se prosterna devant lui et il s’écria d’une voix forte, » — S. Cyrille : Considérez quel mélange à la fois de crainte, d’audace et de désespoir extrêmes; c’est le désespoir, en effet, qui lui dicte ces paroles pleines d’audace : « Qu’y a-t-il entre vous et moi, Jésus, Fils du Dieu très-haut ? » et c’est sous l’impression de la crainte qu’il lui fait cette prière : « Je vous en conjure, ne me tourmentez pas. » Mais si tu reconnais qu’il est le Fils du Dieu très-haut, tu avoues donc qu’il est le Dieu du ciel et de la terre, et de tout ce qu’ils renferment. Pourquoi donc oses-tu usurper ce qui n’est pas à toi, mais n’appartient qu’à Dieu seul, en lui tenant ce langage : « Qu’y a-t-il entre vous et moi ? » Quel est le prince de la terre qui laisserait impunément les barbares attaquer les sujets de son empire : « Car Jésus commandait à l’esprit impur de sortir de cet homme, » et l’Évangéliste justifie l’urgence de ce commandement, en ajoutant : « Depuis longtemps, en effet, il était sous sa puissance, et on le tenait lié avec des chaînes et des entraves, bien gardé ; mais, rompant les liens, il était poussé par le démon dans les lieux déserts. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 99.) Personne n’osait se rendre maître de ce possédé, tandis que Jésus vient lui-même le trouver et lui adresse la parole. « Jésus lui demanda : Quel est ton nom ? » [Si Jésus lui demande son nom], ce n’est pas qu’il l’ignore, mais pour que l’aveu public du mal terrible auquel il est en proie, fasse ressortir avec plus d’éclat la toute-puissance qui doit le guérir. — S. Bède : C’est ainsi que les prêtres de notre temps qui chassent les démons par la grâce des exorcismes, nous disent qu’il n’y a pour les possédés d’autre moyen de guérison que l’aveu sincère et public de tout ce que les esprits immondes leur font souffrir durant le jour ou pendant leur sommeil, surtout lorsqu’ils paraissent désirer ou qu’ils semblent accomplir avec eux l’oeuvre de la chair, c’est pour cela que Jésus exige ici une espèce de confession : « Le démon lui répondit : Je m’appelle Légion, » parce qu’en effet, plusieurs démons étaient entrés dans cet homme. — S. Grégoire de Nysse : (hom. sur les Cant.) C’est à l’exemple des milices célestes et des légions des anges, que les démons s’appellent légion, de même que le premier d’entre eux se vantait d’établir son trône au-dessus des astres, pour devenir semblable au Très-Haut (Is 25). — S. Jean Chrysostome : (hom. 29 sur Matth.) Le Seigneur était descendu sur la terre pour détruire l’empire du démon, qui jetait le trouble parmi les créatures de Dieu; les démons craignaient donc que le Sauveur n’attendît pas le temps marqué pour punir l’excès de leur malice, et comme ils ne pouvaient dissimuler leurs crimes, ils le supplient de retarder au moins leur châtiment : « Et ils le priaient de ne pas leur commander d’aller dans l’abîme. » — Theophylacte : Les démons font cette demande, parce qu’ils veulent encore rester parmi les hommes. — S. Cyrille : Nous avons ici une preuve évidente, que les phalanges ennemies de la majesté divine étaient précipitées dans les enfers par la puissance ineffable du Sauveur. — S. Maxime : Or, le Seigneur a établi pour chaque espèce de péché un châtiment correspondant : le feu de l’enfer pour punir les ardeurs coupables de la chair, le grincement de dents pour les rires lascifs, une soif intolérable pour la volupté et l’intempérance, le ver qui ne meurt pas pour le coeur dissimulé et méchant, les ténèbres éternelles pour l’ignorance et la fourberie, les profondeurs de l’abîme pour l’orgueil, et c’est pour cela que l’abîme est destiné aux démons qui sont des esprits d’orgueil. « Or, il y avait là un assez grand troupeau de porcs qui paissaient sur la montagne. » — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 24.) Saint Marc dit que ce troupeau était autour de la montagne, et saint Luc, qu’il paissait sur la montagne; il n’y a ici aucune contradiction. Ce troupeau était si nombreux, qu’une partie pouvait être autour de la montagne, et l’autre partie se trouver sur la montagne, puisqu’il y avait jusqu’à deux mille pourceaux, comme saint Marc le raconte (Mc 5). — S. Ambroise : Les démons ne peuvent supporter l’éclat de la lumière céleste, de même que ceux qui ont les yeux malades ne peuvent supporter les rayons du soleil. — S. Cyrille : C’est pour ce motif que cette légion d’esprits immondes demande à être envoyée dans un troupeau de pourceaux immondes, à cause de la conformité de leurs instincts : « Et ils le prièrent de leur permettre d’y entrer. » — S. Athanase : (Vie de saint Ant.) Si les démons n’ont point de pouvoir sur les pourceaux, à plus forte raison n’en ont-ils aucun sur les hommes qui sont faits à l’image de Dieu; c’est donc Dieu seul qu’il faut craindre et n’avoir que du mépris pour eux. — S. Cyrille : Notre Seigneur leur accorda cette permission, afin que cet événement devînt pour nous, parmi d’autres, une cause de salut et un motif d’espérance ou de confiance. — Suite. « Et il le leur permit. » Considérez combien la méchanceté des démons est grande, et le mal qu’ils font à ceux qui sont soumis à leur empire, en les voyant précipiter et noyer dans la mer ce troupeau de pourceaux : « Sortant donc de cet homme, les démons entrèrent dans les pourceaux; et le troupeau prenant sa course, se précipita dans le lac par un endroit escarpé et s’y noya. » Jésus-Christ accéda à leur demande, pour faire ressortir toute leur cruauté. Il fallut aussi montrer que le Fils de Dieu avait le gouvernement de toutes choses, aussi bien que le Père, et qu’il possédait une même gloire et une puissance égale. — Tite de Bostr. Cependant les gardiens prennent la fuite dans la crainte de périr avec leurs pourceaux : « Ce qu’ayant vu, les gardiens s’enfuirent, et en portèrent la nouvelle dans la ville et dans les villages, » semant dans l’âme de leurs habitants la crainte et l’effroi, [par le récit de cet événement]. La perte qu’ils viennent d’essuyer les fait venir trouver le Sauveur : « Plusieurs sortirent pour voir ce qui était arrivé, et ils vinrent à Jésus. » Voyez comme en châtiant les hommes dans leurs biens temporels, Dieu se rend le bienfaiteur de leurs âmes. Lorsqu’ils furent arrivés, ils trouvèrent parfaitement guéri celui que le démon ne laissait pas un seul moment en repos : « Et ils trouvèrent assis à ses pieds l’homme de qui les démons étaient sortis, vêtu et sain d’esprit, lui qui, jusque-là, était toujours sans vêtement », car cet homme ne quittait pas les pieds de celui à qui il devait sa guérison. A la vue de cette guérison miraculeuse, ils furent saisis d’admiration et d’étonnement : « Et ils furent remplis de crainte, » ajoute l’Évangéliste, tant parce qu’ils virent de leurs yeux que parce qui leur était raconté : « Et ceux qui avaient vu, leur racontèrent comment il avait été délivré de la légion. » Leur premier sentiment devait être de supplier le Seigneur de ne point s’éloigner, mais de garder leur pays contre les nouvelles attaques du démon, mais non, la crainte leur fait oublier leur propre salut, et ils prient le Sauveur de s’éloigner d’eux. « Alors
tous les habitants du pays de Gérasa le prièrent de s’éloigner d’eux, parce
qu’ils étaient saisis d’une grande frayeur. » — Théophylacte : Ils craignaient d’être encore exposés à de nouveaux dommages, comme celui qu’ils venaient de souffrir par la perte des pourceaux. — S. Jean Chrysostome : (hom. 29 sur Matth.) Admirez l’humilité de Jésus-Christ, après de si grands bienfaits, on le renvoie, il ne résiste point, il se retire et abandonne ceux qui se déclarent ainsi indignes de recevoir sa doctrine. « Il
monta donc dans la barque pour s’en retourner. » — Tite
de Bostr. (sur Matth) Le
Sauveur s’éloigne, mais celui qu’il venait de délivrer ne veut pas le quitter
: « Et l’homme de qui les démons
étaient sortis, le priait de l’admettre à sa suite. » — Théophylacte : Une triste expérience lui faisait craindre de retomber au pouvoir des démons, s’il s’éloignait de Jésus. Mais Notre Seigneur lui fait comprendre que, sans demeurer avec lui en personne, il pouvait le protéger par sa puissance : « Jésus le renvoya, en disant : Retournez en votre maison, et racontez les grandes choses que Dieu a faites pour vous. » Il ne dit point : Que j’ai faites pour vous, et il nous donne en cela cet exemple d’humilité, de rapporter à Dieu tout le mérite de nos bonnes actions. —
Tite de Bostr, (sur
Matth.) Il ne se met pas toutefois en contradiction avec la vérité en
parlant de la sorte, car tout ce que fait le Fils, le Père le fait avec lui.
Mais pourquoi Jésus qui toujours défendait à ceux qu’il guérissait [de leurs
infirmités] d’en parler à personne, dit à cet homme qu’il venait de délivrer
d’une légion de démons : « Racontez
les grandes choses que Dieu a faites pour vous ? » Parce que toute
cette région était plongée dans l’ignorance de Dieu et livrée tout entière au
culte des démons; ou bien, si l’on veut une explication plus vraie, lorsqu’il
rapporte un miracle à son Père, il commande de le publier; lorsqu’il s’agit
personnellement de lui-même, il défend d’en parler à qui que ce soit. Mais
cet homme qu’il venait d’arracher à la tyrannie des démons savait que Jésus était
Dieu, c’est pourquoi il s’empresse de publier ce que Jésus venait de faire
pour lui : « Et il s’en alla,
publiant par toute la ville les grandes choses que Jésus lui avait
faites. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 29 sur Matth.) C’est ainsi que Notre Seigneur abandonne ceux qui se sont déclarés indignes de ses divins enseignements, en leur laissant pour maître celui qu’il venait de délivrer de la servitude des démons. — S. Bède : Dans le sens mystique, Gérasa représente les Gentils, que le Seigneur a visités par ses prédicateurs, après sa mort et sa résurrection. En effet, Gérasa, ou Gergésa (comme lisent plusieurs), signifie, qui chasse l’habitant, c’est-à-dire le démon qui l’habitait auparavant, ou encore, arrivée de l’étranger, qui s’en trouvait éloigné. — S. Ambroise : Le nombre de ceux qui furent guéris dans cette circonstance par Jésus-Christ, est différent dans saint Luc et dans saint Matthieu, mais le sens mystérieux de ce miracle est le même, car cet homme qui était possédé est, [dans saint Luc], la figure du peuple des Gentils, comme les deux possédés [dont parle saint Matthieu], le sont également. En effet, Noé ayant eu trois fils, Sem, Cham et Japhet, la postérité de Sem eut seul le privilège d’être le peuple de Dieu, et les deux autres furent la. souche de tous les autres peuples. Cet homme était depuis longtemps, possédé du démon, parce que depuis le déluge jusqu’à l’avènement du Seigneur, ces peuples étaient sous la domination de l’esprit mauvais. Il était, nu, c’est-à-dire qu’il avait perdu les vertus qui servaient de vêtement et à la fois d’ornement à sa nature. — S Augustin : (Quest. évang., 1, 14.) Il n’habitait point de maison, c’est-à-dire qu’il ne se reposait pas dans sa conscience; il demeurait dans les tombeaux, parce qu’il se plaisait dans les oeuvres mortes, c’est-à-dire dans les péchés. — S. Ambroise : Ou bien encore, que sont les corps des infidèles, sinon des espèces de tombeaux dans lesquels la parole de Dieu ne peut habiter ? — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 13.) Les entraves et les chaînes de fer qui liaient ses membres représentent les lois sévères et accablantes qui réprimaient les crimes dans les gouvernements des infidèles. Cet homme ayant brisé ses chaînes, était entraîné par le démon dans le désert, c’est-à-dire que, lorsqu’on a transgressé ces lois, la passion conduit à des forfaits qui dépassent la mesure des crimes ordinaires. Il était possédé d’une légion de démons, et figurait les nations, esclaves elles-mêmes d’une multitude de démons. Le Sauveur permet à ces esprits mauvais d’entrer dans des pourceaux qui paissaient sur les montagnes, et qui sont la figure de ces hommes à la fois immondes et superbes que le culte impur des idoles place sous la tyrannie des démons. — S. Ambroise : Les pourceaux sont ces hommes qui, semblables à ces animaux immondes, et privés de la parole et de la raison, souillent l’éclat et la beauté des vertus naturelles par l’infamie de leurs moeurs. — S. Augustin : (Quest. évang.) Ils sont précipités dans le lac, c’est-à-dire que lorsque l’Église est enfin glorifiée et le peuple des Gentils délivré de la domination des démons, ceux qui n’ont pas voulu croire à Jésus-Christ, précipités dans les abîmes par leur curiosité aveugle et démesurée, sont condamnés à célébrer dans des retraites cachées leurs rites sacrilèges. — S. Ambroise : Les pourceaux sont précipités avec impétuosité dans le lac, parce que ces hommes ne sont retenus par la considération d’aucune vertu, mais sont entraînés dans la profondeur des abîmes sur le penchant rapide de la corruption, et vont perdre la respiration et la vie au milieu des flots de ce monde. Il est impossible, en effet, à ceux qui sont le jouet des flots agités de la volupté, de pouvoir conserver la respiration et la vie de l’âme. Nous voyons par là que l’homme est lui-même l’auteur de son malheur, car s’il ne vivait pas à la manière des animaux immondes, jamais le démon n’eût reçu de pouvoir sur lui, ou bien ce n’eût été que pour l’éprouver et non pour le perdre. On peut dire aussi que le démon, dans l’impuissance où il est de s’attaquer aux bons depuis la venue du Sauveur, ne cherche plus à perdre tous les hommes, mais seulement les âmes légères [et inconstantes], de même qu’un voleur n’attaque pas ceux qui sont armés, mais ceux qu’il voit sans défense. Les gardiens des troupeaux, témoins de cet événement, s’enfuirent. En effet, ce ne sont ni les maîtres de la philosophie, ni les chefs de la synagogue, qui peuvent donner des remèdes efficaces aux peuples atteints de maladies mortelles, Jésus-Christ est le seul qui peut les délivrer de leurs péchés. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 14.) Ou bien encore, ces gardiens de pourceaux qui s’enfuirent, représentent les chefs des impies qui ne veulent point observer la loi chrétienne, mais qui, néanmoins, sont remplis d’admiration pour elle, et ne peuvent s’empêcher de publier parmi les infidèles son étonnante puissance. Les Géraséniens qui, en apprenant ce qui s’est passé, prient Jésus de s’éloigner, parce qu’ils sont remplis de crainte, figurent cette multitude d’hommes qui, séduits et retenus par les plaisirs [dans lesquels s’est écoulée toute leur vie], honorent la religion chrétienne, mais ne veulent point embrasser ses prescriptions, sous le prétexte qu’ils ne pourraient les accomplir; ils ne laissent pas toutefois d’admirer le peuple fidèle qu’ils voient guéri de l’état désespéré où ses crimes l’avaient réduit. — S. Ambroise : Ou bien encore, la ville des Géraséniens est la figure de la synagogue, ses habitants supplient le Seigneur de s’éloigner, parce qu’ils sont saisis d’épouvante, car l’âme qui est encore faible n’est point capable d’entendre la parole de Dieu, et ne peut supporter le poids de la sagesse. Aussi le Sauveur ne veut point leur être plus longtemps importun, il quitte ces lieux peu élevés pour gagner les hauteurs, c’est-à-dire qu’il se rend de la synagogue à l’Église. Il traverse de nouveau le lac, car personne ne peut passer de l’Église à la synagogue, sans danger pour son salut. Mais pour celui qui veut passer de la synagogue à l’Église, qu’il porte sa croix s’il veut éviter tout danger. — S. Augustin : (Quest. évang.) Cet homme que Jésus vient de guérir, veut rester avec lui, et le Sauveur s’y oppose : « Retournez en votre maison, lui dit-il, et racontez les grandes choses que Dieu a faites pour vous ». Apprenons de là, qu’après avoir obtenu la rémission de nos péchés, nous devons rentrer dans notre bonne conscience comme dans une demeure [assurée], et chercher à étendre l’Évangile pour le salut des autres, si nous voulons un jour nous reposer avec Jésus-Christ; car en désirant être réuni à Jésus-Christ avant le temps marqué, on s’expose à négliger le ministère de la prédication, qui a pour objet le salut de nos frères. |
Lectio 7 [85828] Catena in Lc., cap. 8 l. 7 Augustinus de Cons. Evang. Post narratum apud Gerazenos miraculum,
transit ad narrandum, de archisynagogi filia, dicens factum est autem cum
rediisset Iesus, excepit illum turba : erant enim omnes expectantes eum. Theophylactus.
Simul quidem propter doctrinam, et propter miracula. Augustinus.
Quod vero adiungit et ecce venit vir cui nomen Iairus, non continue factum
accipiendum est, sed prius illud de convivio publicanorum, sicut narrat
Matthaeus; cui rei sic coniungit hoc ut non possit aliud factum consequenter
intelligi. Titus.
Est autem positum nomen, Iudaeorum causa, qui tunc noverunt quod accidit,
ut nomen demonstratio miraculi fiat. Accessit autem non aliquis infirmorum,
sed princeps synagogae, ut magis obturarentur Iudaeorum ora; unde sequitur et
ipse princeps synagogae erat. Accessit autem ad Christum causa necessitatis :
urget enim aliquando dolor ad agendum ea quae decent, secundum illud : in
camo et freno maxillas eorum constringe qui non approximant ad te. Theophylactus. Unde necessitate instante cecidit ad pedes eius;
sequitur enim et cecidit ad pedes Iesu. Decebat autem ut absque necessitate
cogente caderet ad pedes eius, et cognosceret ipsum Deum esse.
Chrysostomus. Sed considera eius inertiam : quaerit enim a Christo ut in
domum veniat; sequitur enim rogans eum ut intraret in domum eius; ignorans
scilicet quod absens poterat liberare : nam si scivisset, dixisset sicut
centurio : dic verbo, et curabitur filia mea. Graecus. Causa autem adventus eius ponitur, cum subditur quia unica
filia erat illi, domus fundamentum, successio generis, fere annorum duodecim,
in ipso scilicet flore aetatis; et haec moriebatur, pro thalamis efferenda ad
tumulum. Chrysostomus. Advenerat autem dominus, non ut iudicaret mundum, sed
ut salvaret : quapropter non examinat dignitatem petentis, sed aequanimiter
arripit opus, sciens quod maius erat futurum eo quod quaerebatur : vocabatur
autem ad remedium aegrotantis; novit autem se suscitaturum iam mortuam, et
inserturum terrenis firmam spem resurrectionis. Ambrosius. Suscitaturus autem mortuam, ad faciendum fidem,
haemorrhoissam ante curavit; sicut et resurrectio temporalis in passione
domini celebratur, ut perpetua illa credatur. Et contigit dum iret, a turba
comprimebatur. Cyrillus. Quod maximum erat indicium quod veram carnem induerat, et
omnem conculcaret superbiam : neque enim a longe sequebantur, sed eum
circumdabant. Graecus. Quaedam autem mulier gravi morbo detenta, ob
cuius infirmitatis curam medici omnes divitias consumpserant, solam spem in
tanta diffidentia reperit ut procideret domino; de qua sequitur et mulier
quae erat in fluxu sanguinis ab annis duodecim, quae in medicos erogaverat
omnem substantiam suam, nec ab ullo potuit curari, accessit retro. Titus.
Qualiter autem non est digna praeconio haec mulier, quae viribus extinctis
corporeis ob continuum sanguinis fluxum, et tanto populo concurrente circa
illum, affectu roborata et fide petierat populum, et retro latens tetigerat
fimbriam vestimenti? Sequitur tetigit fimbriam vestimenti eius. Cyrillus.
Neque enim licebat immundis vel tangere quemquam sanctorum, vel
appropinquare viro sancto. Chrysostomus
in Matthaeum. Ritu autem legis huiusmodi passio reputabatur immunditia
magna. Aliter etiam : nondum enim nec ipsa habebat dignam opinionem de eo;
non enim putavisset latere; sed tamen confisa de sanitate accedit. Theophylactus.
Sicut autem cum aliquis oculum lucernae lucenti adhibet, aut igni spinas,
statim operationem illorum experitur; sic quidem qui fidem affert potenti
curare, statim curationem consequitur. Et confestim stetit fluxus sanguinis
eius. Chrysostomus.
Non autem sola vestimenta ipsius mulierem salvarunt; nam et milites
sortiti sunt ea inter se; sed fidei eius intentio. Theophylactus.
Credidit enim, et salvata est; et, ut congruum fuit, primo tetigit Christum
intellectualiter, deinde corporaliter. Graecus.
Audivit autem dominus tacitas mulieris considerationes, et tacens
liberavit tacentem, passus sua sponte sanitatis rapinam; sed postea miraculum
publicat; unde sequitur et ait Iesus : quis est qui me tetigit? Cyrillus.
Non enim latuit dominum perpetratum miraculum; sed qui cuncta cognoscit,
quasi nesciret interrogat. Graecus.
Nescientibus autem discipulis quod quaerebatur, sed putantibus de simplici
quodam tactu dicere, domini quaestioni respondent; sequitur enim negantibus
autem omnibus, dixit Petrus, et qui cum illo erant : praeceptor, turbae te
comprimunt et affligunt, et dicis : quis me tetigit? Et ideo dominus tactum
sua responsione distinguit; sequitur enim et dixit illis Iesus : tetigit me aliquis;
sicut etiam dicebat : qui habet aures audiendi, audiat; quamvis omnes habeant
huiusmodi corporalem auditum, sed non est vere audire, si audiatur incaute,
nec vere tangere, si infideliter tangatur. Cyrillus.
Propalat autem consequenter quod factum est, cum subditur nam et ego novi
virtutem de me exiisse. Materialius respondet secundum opinionem audientium;
hic tamen nobis manifestatur quod ipse verus est Deus, et ex eo quod
prodigialiter factum est, et etiam ex sermonibus : transcendit enim naturam
nostram, et forsan angelicam, posse quemquam virtutem emittere quasi a
propria natura; convenit autem hoc soli supremae naturae : nulla namque
creaturarum aliquam gerit salvandi potestatem, vel etiam aliqua alia,
scilicet miracula, faciendi, sed divinitus praestitam. Non autem ambitione
gloriae non dimisit latere divinae virtutis ostensionem qui multoties
praeceperat taceri sua miracula : sed quia spectabat ad utilitatem eorum qui
vocabantur per fidem ad gratiam. Chrysostomus
in Matthaeum. Primo enim solvit femineum metum, ne remorsum conscientiae
pateretur quasi surripiens gratiam; secundo corrigit eam, quia latere
putaverat; tertio fidem eius exprimit cunctis, ut et alii imitentur :
proditque non minus miraculum retentione sanguinis, dum ostendit sibi cuncta
patere. Cyrillus.
Insuper principem synagogae persuadebat indubitabiliter credere quod a
laqueis mortis eripiet filiam eius. Chrysostomus. Ob hoc autem dominus
non statim eam manifestaverat, ut ostenso quod omnia sibi liquent, faciat
mulierem praedicare quod factum est, ut suspicione miraculum careat; unde
sequitur videns autem mulier quia non latuit eum, tremens venit et procidit
ante pedes eius, et ob quam causam tetigit eum, indicavit coram omni populo,
et quemadmodum confestim sanata sit. Origenes.
Eamdem autem sanitatem quam nacta est mulier ex contactu, verbis
confirmavit salvator; unde sequitur at ipse dixit illi : filia, fides tua te
salvam fecit; vade in pace : idest esto sana a tuo flagello : et sanat quidem
primo per fidem animam, deinde vero corpus. Titus.
Vocat autem filiam iam fidei causa sanatam; fides enim gratiam adoptionis
impendit. Eusebius
Eccl. Hist. Dicunt autem hanc mulierem in Paneade, quae est Caesarea
Philippi, unde fuit oriunda, statuisse triumphos insignes collati sibi
beneficii a salvatore : stabat namque super altam basim ad limina domus eius
aeneum simulacrum mulieris flexis genibus manibusque iunctis, quasi
precaretur; ex cuius opposito aliud erectum simulacrum ad instar viri,
eiusdemque materiae, amictum diploide, et manum versus mulierem extendens;
ante cuius pedes super ipsam basim aliena species plantae orta, quae usque ad
aeneae diploidis oras pertingens, medicina omnium passionum esse ferebatur.
Hanc autem statuam dicebant repraesentare Christum, quam maximus destruxit.
Ambrosius.
Mystice autem reliquerat in Gerazenis synagogam Christus, et quem sui non
receperant, recipiunt alieni. Beda. Vel in fine saeculi dominus est ad Iudaeos rediturus, atque
ab eis per fidei confessionem libenter excipiendus. Ambrosius.
Quem autem putamus synagogae principem esse nisi legem, cuius
contemplatione dominus synagogam non penitus dereliquerit? Beda.
Vel princeps synagogae Moyses intelligitur : unde bene Iairus, idest
illuminans vel illuminatus, vocatur : quia qui accipit verba vitae dare
nobis, et per hoc ceteros illuminat, ipse a spiritu sancto illuminatur. Cecidit autem archisynagogus ad pedes Iesu, quia legislator cum tota
patrum progenie Christum in carne apparentem longe sibi praeferendum esse
cognovit. Si enim caput Christi Deus, convenienter pedes
accipiendi sunt incarnatio, qua terram nostrae mortalitatis tetigit. Rogavit
autem intrare in domum eius, quia eius videre desiderabat adventum. Filia
autem unica eius est synagoga, quae sola legali est institutione composita;
quae duodecimo aetatis anno, hoc est tempore pubertatis appropinquante,
moriebatur; quia nobiliter a prophetis educata, postquam ad intelligibiles
annos pervenerat, in quibus spirituales Deo fructus gignere debebat, subito
errorum languore consternata, spiritualis vitae viam amisit : et si Christus
non succurreret, corruisset in mortem. Ad puellam autem sanandam pergens
dominus a turba comprimitur, quia genti Iudaeae salutaria monita praebens,
carnalium populorum est consuetudine gravatus. Ambrosius.
Ad hanc autem principis filiam dum properat Dei verbum, ut salvos faceret
filios Israel, sancta Ecclesia ex gentibus congregata, quae inferiorum lapsu
criminum deperibat, paratam aliis fide praeripuit sanitatem. Beda.
Dupliciter autem sanguinis fluxus potest intelligi; hoc est, et super
idolatriae prostitutione, et super his quae carnis et sanguinis oblectatione
patrantur. Ambrosius.
Quid autem sibi vult quod haec principis filia annorum duodecim
moriebatur, et mulier ista fluxu sanguinis ab annis duodecim laboravit, nisi
ut intelligatur quia quamdiu synagoga viguit, laboravit Ecclesia? Beda.
Una enim pene saeculi aetate synagoga in patriarchis nasci coepit, et
gentilium nationem idololatria foedavit. Ambrosius.
Sicut autem illa in medicos erogaverat omnem substantiam suam, ita
congregatio gentium amiserat omnia dona naturae. Beda.
Medicos autem intellige sive falsos theologos, sive philosophos, legumque
doctores saecularium, qui multa de virtutibus vitiisque disserentes, utilia se
vivendi instituta mortalibus dare promittebant; se ipsos immundos spiritus,
qui velut hominibus consulendo, se pro Deo colendos ingerebant; quibus
audiendis gentilitas quanto magis naturalis industriae vires expenderat,
tanto minus potuit ab iniquitatis suae sorde curari. Ambrosius.
Audiens autem aegrotare populum Iudaeorum, sperare coepit salutis suae
remedium; tempus venisse cognovit quo medicus adesset de caelo : surrexit ut
occurreret fide promptior, pudore contractior : hoc enim est pudoris et fidei,
agnoscere infirmitatem, non desperare veniam. Verecunda ergo fimbriam
tetigit, fidelis accessit, religiosa credidit, sapiens sanatam se esse
cognovit : sic sancta plebs gentium, quae Deo credidit, peccatum erubuit ut
desereret, fidem detulit ut crederet, devotionem exhibuit ut rogaret,
sapientiam induit ut sanitatem suam ipsa sentiret, fiduciam sumpsit ut
fateretur quod praeripuisset alienum. Retro autem tangitur Christus, quia
scriptum est : post dominum Deum tuum ambulabis. Beda.
Et ipse ait : si quis mihi ministrat, me sequatur, sive quia praesentem in
carne dominum non videns, vel quia peractis dispensationis sacramentis per
fidem coepit vestigia eius subsequi. Gregorius
Moralium. Premente autem turba, una redemptorem nostrum mulier tetigit :
quia carnales quique in Ecclesia eum comprimunt a quo longe sunt, et soli
tangunt qui huic veraciter humiles adiunguntur. Turba igitur premit, et non
tangit : quia et importuna est per praesentiam, et absens per vitam. Beda.
Vel una credula mulier dominum tangit : quia qui diversis haeresibus
inordinate affligitur, solo Catholicae Ecclesiae corde fideliter quaeritur.
Ambrosius.
Non enim credunt qui comprimunt; credunt qui tangunt : fide tangitur
Christus, fide videtur. Denique ut fidem credentis exprimeret, dicit ego
cognovi virtutem de me exiisse : quod est evidentius indicium quia non intra
possibilitatem conditionis humanae atque intra corporis claustrum divinitas
coarctata est, sed ultra fines nostrae mediocritatis virtus exundat aeterna;
non enim humana ope plebs gentium liberatur; sed Dei munus est congregatio
nationum, quae etiam brevi fide misericordiam inclinat aeternam. Nam si
consideremus quanta sit fides nostra, et intelligamus quantus sit Dei filius;
videmus quia comparatione eius fimbriam tantummodo tangimus, superiora vero
vestimenti eius nequimus attingere. Si igitur et nos curari volumus, fide
tangamus fimbriam Christi. Non autem latet eum quicumque tetigerit. Beatus
qui extremam partem verbi tetigerit; nam totum quis potest comprehendere? |
Versets 40-48.
— S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 28.) Après avoir raconté le miracle opéré chez les Géraséniens,
l’Évangéliste passe à la résurrection de la fille du chef de la synagogue : « Jésus étant revenu, le peuple le reçut
avec joie, parce qu’il était attendu de tous. » — Théophylacte : Ils l’attendaient pour entendre sa doctrine et pour être témoins de ses miracles. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Le fait que saint Luc rapporte en cet endroit : « Un homme, appelé Jaïre, » etc..., n’arriva point aussitôt après celui qu’il vient de raconter. Il faut placer auparavant le repas des publicains dont parle saint Matthieu, et auquel il fait succéder si étroitement (Mt 9, 18) ce [miracle de la résurrection de la fille de Jaïre], qu’aucun autre ne peut être placé entre les deux. — Tite
de Bost. L’Évangéliste donne le nom de ce chef de la synagogue, à cause
des Juifs qui connurent alors cet événement, et pour rendre plus évidente la
preuve du miracle. Ce n’est point un quelconque parmi les petites gens, mais
un chef de synagogue qui vient trouver Jésus pour mieux confondre les Juifs
[et leur ôter toute excuse] : « Il
était chef de la synagogue. » Il vint trouver Jésus, parce qu’il y
était comme forcé par la nécessité; car quelquefois c’est la douleur qui nous
porte à faire ce qu’il faut, selon cette parole du Psalmiste : « Resserrez avec le mors et le frein
la bouche de ceux qui ne veulent point s’approcher de vous. » — Théophylacte : Il vient donc, sous l’impulsion de la douleur qu’il éprouve, se jeter aux pieds de Jésus : « et il tomba aux pieds de Jésus. ». Il aurait dû, sans y être contraint par la nécessité, se prosterner à ses pieds, et reconnaître sa divinité. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 32 sur
Matth., et Tite de Bost.) Voyez quelle est encore son ignorance, il
demande à Jésus-Christ de venir chez lui : « Il le suppliait de venir dans sa maison, »
c’est-à-dire qu’il ignorait que Jésus pût guérir sa fille sans être
extérieurement présent; car s’il l’avait su, il eût dit à Jésus comme le
centurion : « Dites seulement une
parole, et ma fille sera guérie. » (Mt 8.) — Asterius : (Chronique des Pères grecs) L’Évangéliste nous fait connaître la cause de sa démarche : « Il avait une fille unique, l’espérance de sa maison et de la perpétuité de sa race; elle avait environ douze ans, c’est-à-dire à la fleur de l’âge; elle se mourait, et au lieu du lit nuptial, elle allait être portée au tombeau. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Or, le Seigneur n’était pas venu sur la terre pour juger le monde, mais pour le sauver, il n’a donc point égard à la dignité de celui qui l’implore, mais il poursuit tranquillement son oeuvre, sachant bien qu’il allait opérer un miracle plus grand que celui qu’on lui demandait. En effet, on l’appelait pour guérir une jeune fille malade, mais il savait qu’il allait la ressusciter après sa mort, et inspirer ainsi aux hommes l’espérance certaine de la résurrection. — S.
Ambroise : Avant de ressusciter cette jeune fille,
il guérit l’hémorroïsse pour exciter la foi du chef de la synagogue; c’est
ainsi que nous célébrons la résurrection temporelle dans la passion du
Sauveur, pour affermir notre foi à la résurrection éternelle : « Comme Jésus s’en allait avec lui, et
qu’il était pressé par la foule... » — S. Cyrille : Preuve évidente qu’il avait pris une chair véritable, et qu’il foulait aux pieds tout sentiment d’orgueil; car la foule ne le suivait pas à distance, mais l’entourait et le pressait. — Astérius (Chronique des Pères grecs) : Or, une femme atteinte d’une grave maladie, dont l’infirmité avait épuisé les forces corporelles, et les médecins la fortune, n’a plus d’autre espérance dans une si grande extrémité, que devenir se jeter aux pieds du Seigneur : « Et une femme malade d’une perte de sang depuis douze ans, et qui, après avoir dépensé tout son bien en médecins, n’avait pu être guérie par aucun, …» — Tite de Bost. (sur Matth.) Quels éloges ne mérite pas cette femme qui, dans l’épuisement de ses forces, causé par cette perte continuelle de sang, au milieu de tout ce peuple qui s’empresse autour du Seigneur, soutenue par sa foi et par le désir d’être guérie, traverse la foule, et, se dérobant aux regards du Sauveur, se tient derrière lui, et touche la frange de son vêtement (cf. Nb 15, 38). « Et elle toucha la frange de son vêtement. » — S. Cyrille : Car il était défendu à ceux qui étaient souillés de quelque impureté, de toucher ceux qui étaient purs, ou de s’approcher de ceux que la loi réputait pour saints. — S. Jean Chrysostome : (hom. 32 sur Matth.) D’après la loi, cette maladie était regardée comme une des plus grandes souillures. (Lv 15.) D’ailleurs cette femme n’avait pas encore une bien juste idée du Sauveur, puisqu’elle espérait pouvoir lui cacher cette démarche; cependant elle s’approche de lui dans la ferme espérance d’être guérie. —
Théophylacte : Celui qui approche l’oeil d’une vive
lumière, en ressent aussitôt les effets; les épines s’embrasent au premier
contact du feu; ainsi, quiconque s’approche avec foi de celui qui peut le
guérir, obtient aussitôt sa guérison : « Et
aussitôt sa perte de sang s’arrêta. » — S. Jean Chrysostome : Ce ne furent pas les seuls vêtements du Sauveur qui produisirent ce merveilleux effet (car les soldats les tirèrent au sort entre eux, [sans éprouver rien de semblable]) (cf. Mt 27, 35; Mc 15, 34; Jn 19, 23 et 24), mais elle fut guérie par la vivacité de sa foi. — Théophylacte : Elle crut, et aussitôt elle fut guérie, et elle suivit ici un ordre vraiment admirable en ne touchant extérieurement le Sauveur qu’après l’avoir touché spirituellement par la foi. —
Astérius (Chronique
des Pères grecs) : Or, Notre Seigneur entendit les pensées de
cette femme, toute muettes qu’elles étaient, et il guérit sans proférer une
seule parole celle qui le priait en silence, en lui laissant pour ainsi dire
dérober sa guérison, mais il publie ensuite ce miracle : « Et Jésus dit : Qui m’a touché ? » — S. Cyrille : Le Seigneur ne pouvait ignorer le miracle qu’il venait d’opérer, mais bien qu’il connaisse toutes choses, il interroge comme s’il ne savait rien. — S. Grégoire : (ou Victor d’Antioche.) Or, les disciples ne comprenant pas la vraie signification de cette question, et pensant que Jésus voulait parler d’un simple attouchement ordinaire, lui répondent dans ce dernier sens : « Tous s’en défendant, Pierre dit : La foule vous presse de toutes parts, et vous dites : Qui m’a touché ? » etc. Aussi Notre Seigneur, dans sa réponse, précise la nature de cet attouchement : « Jésus dit : Quelqu’un m’a touché. » C’est dans ce même sens qu’il disait : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende, » quoique tous aient les oreilles du corps, parce que ce n’est pas entendre véritablement, que d’entendre sans attention; de même qu’on ne touche véritablement, que lorsqu’on est inspiré par la foi. — S. Cyrille : Le Sauveur fait connaître ce qui vient d’arriver : « Car j’ai senti qu’une vertu était sortie de moi. » En parlant de la sorte, il se conforme aux idées de ceux qui l’écoutent, mais il leur découvre en même temps qu’il est vraiment Dieu, tant par le miracle qu’il vient d’opérer, que par ses paroles; car ni la nature humaine, ni peut-être la nature angélique ne peuvent produire d’elles-mêmes une vertu, une puissance semblable, c’est un privilège qui n’appartient qu’à la nature divine; nulle créature, en effet, ne possède en propre la puissance de guérir les maladies ou d’opérer tout autre miracle de ce genre, elle ne peut la recevoir que de Dieu. Or, ce n’est point par un vain désir de gloire qu’il voulut que cet acte de la puissance divine fût connu de tous, lui qui si souvent avait défendu de publier ses miracles, mais dans l’intérêt de ceux qui sont appelés à la grâce de la justification par la foi. — S. Jean Chrysostome : (hom. 36 sur Matth.) Il commence par calmer la crainte de cette femme, dont la conscience alarmée aurait pu lui reprocher d’avoir comme dérobé la grâce de sa guérison; deuxièmement, il la corrige, parce qu’elle avait pensé rester inconnue ; troisièmement, il fait l’éloge de sa foi devant tous ceux qui sont présents, et la propose à leur imitation; et en faisant voir que toutes choses lui sont connues, il ne fait pas un moindre miracle que celui de la guérison de cette femme. — S. Cyrille : Par là enfin, il amenait le chef de la synagogue à croire, sans hésiter, qu’il délivrerait sa fille des liens de la mort. — S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur ne fit pas connaître immédiatement cette femme, il voulait, en montrant que rien ne lui est caché, la déterminer à publier ce qui venait d’arriver et qu’il ne pût exister aucun doute sur la vérité du miracle : « Cette femme, se voyant découverte, vint toute tremblante se jeter à ses pieds, et elle raconta devant tout le peuple pour quel motif elle l’avait touché, et comment elle avait été guérie à l’instant. » — Origène : Le Sauveur confirme alors, par ses paroles, la guérison qu’elle a obtenue en touchant ses vêtements : « Et Jésus lui dit : Ma fille, votre foi vous a guérie, allez en paix, » c’est-à-dire soyez délivrée de l’épreuve qui vous affligeait. Il ne guérit donc le corps qu’après avoir guéri l’âme par la foi. — Tite de Bost. Il l’appelle sa fille, parce que sa foi a été la cause de sa guérison, et que la foi nous obtient aussi la grâce de l’adoption. — Eusèbe : (hist. ecclés., 7, 14.) On rapporte que cette femme fit ériger dans la ville de Panéade (Césarée de Philippe), d’où elle était originaire, un monument remarquable, en souvenir du bienfait qu’elle avait reçu du Sauveur. On voyait à l’entrée de la porte de sa demeure, sur un piédestal élevé, une statue d’airain, représentant une femme à genoux, les mains jointes, dans l’attitude de la prière; de l’autre côté se dressait une autre statue de même matière, représentant un homme vêtu d’un manteau, la main étendue vers cette femme; à ses pieds, sur la base, on voyait une plante exotique, qui montais jusqu’au bord du manteau d’airain, et à laquelle on attribuait la propriété de guérir toutes les douleurs. Cette statue, disait-on, représentait Jésus-Christ, et l’empereur Maximin la fit détruire. — S. Ambroise : Dans un sens mystique, Jésus-Christ avait quitté la synagogue en s’éloignant des Géraséniens, et nous qui sommes étrangers, nous recevons celui que les siens n’ont pas voulu recevoir. — S. Bède : Ou encore, le Seigneur reviendra trouver les Juifs à la fin des temps, et ils le recevront en s’empressant d’embrasser la foi. — S. Ambroise : Mais que représente ce chef de la synagogue, sinon la loi, en considération de laquelle le Seigneur n’a pas entièrement abandonné la synagogue ? — S. Bède : Ou bien ce prince de la synagogue, c’est Moïse. Il porte avec raison le nom de Jaïre (c’est-à-dire qui éclaire ou qui est éclairé), parce que celui qui reçoit les paroles de vie pour nous les communiquer, éclaire les autres, et est éclairé lui-même par l’Esprit-Saint. Le chef de la synagogue se prosterne aux pieds de Jésus, parce que le législateur des Juifs, et toute la succession des patriarches reconnurent que le Christ fait homme leur était de beaucoup supérieur. Car si Dieu est la tête du Christ (1 Co 11), il est juste de voir dans ses pieds son incarnation par laquelle il a touché la terre de notre mortalité. Il prie Jésus d’entrer dans sa maison, parce qu’il désirait voir son avènement. Sa fille unique, c’est la synagogue, qui seule est établie en vertu d’une institution légale; elle allait mourir, âgée seulement de douze ans (c’est-à-dire aux approches de sa puberté), parce qu’en effet, après avoir reçu des prophètes une éducation distinguée, elle devait, une fois parvenue à l’âge du discernement, produire pour Dieu des fruits spirituels; mais la multiplicité de ses erreurs l’ayant fait tomber en langueur, elle ne put entrer dans les voies de la vie spirituelle, et si Jésus-Christ n’était venu à son secours, elle eût succombé à une mort certaine. Tandis que le Seigneur se dirige vers la maison de la jeune fille qu’il va guérir, il est pressé par la foule, parce qu’en effet, il est comme accablé par les moeurs de ceux qui mènent une vie charnelle, alors qu’il annonce aux Juifs les enseignements du salut. — S. Ambroise : Mais tandis que le Verbe de Dieu se rend chez cette fille du chef de la synagogue pour sauver les enfants d’Israël, la sainte Église, composée des Gentils, et qui allait périr victime de ses désordres et de ses crimes, dérobe par la foi la grâce de la guérison qui était réservée à d’autres. — S. Bède : Cette perte de sang peut s’entendre de deux manières, et de la prostitution de l’idolâtrie, et des honteuses jouissances de la chair et du sang. — S. Ambroise : Mais que signifient cette fille du chef de la synagogue, qui meurt à l’âge de douze ans, et cette femme qui souffrait depuis douze ans d’une perte de sang, sinon que l’Église a été dans le travail et la souffrance, tant que la synagogue a existé ? — S. Bède : Car ce fut presque dans le même siècle que la synagogue prit naissance dans la personne des patriarches, et que les Gentils se souillèrent par les pratiques d’un culte idolâtrique. — S. Ambroise : Cette femme avait épuisé toute sa fortune pour se faire traiter par les médecins; ainsi le peuple des Gentils avait perdu tous les dons de la nature. — S. Bède : Ces médecins représentent ou les faux théologiens, ou les philosophes, et les docteurs des lois humaines, qui font de longues dissertations sur les vertus et sur les vices, et promettent aux hommes de leur donner des règles utiles pour les diriger dans la conduite de la vie. Ou bien encore, ces médecins sont les esprits immondes qui, sous le voile d’un intérêt hypocrite, se faisaient adorer par les hommes à la place de Dieu. Or, plus la gentilité avait dépensé de facultés naturelles pour écouter tous ces docteurs, et plus il était difficile de la purifier des souillures de ses crimes. — S. Ambroise : Mais dès que la gentilité apprit que le peuple juif était [lui-même] malade, elle conçut l’espoir de sa guérison, elle reconnut que le temps était arrivé où un divin médecin devait descendre du ciel, elle se leva pour aller à sa rencontre, puisant un saint empressement dans sa foi, mais retenue par sa timidité naturelle; car c’est le propre de la pudeur et de la foi de reconnaître son infirmité, sans désespérer du pardon. Elle touche le bord du vêtement du Sauveur honteuse [et craintive], elle s’approche avec confiance, elle croit d’une foi religieuse et sincère, et reconnaît avec sagesse qu’elle a obtenu sa guérison. Ainsi le peuple des Gentils qui a cru au vrai Dieu, a rougi des crimes auxquels il voulait renoncer, a embrassé la foi qu’il devait professer, fait preuve de piété dans ses prières, de sagesse, en reconnaissant sa guérison, de confiance, en avouant qu’il avait comme soustrait la grâce qui était destinée à d’autres. Cette femme s’approche de Jésus par derrière, pour toucher son vêtement, parce qu’il est écrit : « Vous marcherez après le Seigneur votre Dieu. » (Dt 13.) — S. Bède : Et Jésus-Christ lui-même a dit : « Si quelqu’un veut être mon serviteur, qu’il me suive. » (Jn 13.) Ou bien encore, parce que celui qui ne voit point le Seigneur dans sa chair mortelle, après l’accomplissement et la consommation des mystères de sa vie temporelle, marche cependant sur ses traces par la foi. — S. Grégoire : (Mor., 3, 11.) Tandis que la foule presse de tous côtés le Rédempteur, une seule femme le touche véritablement, parce que dans l’Église, tous ceux qui suivent les penchants de la chair pressent le Sauveur, dont ils sont cependant bien éloignés, et ceux-là seuls le touchent, qui lui sont véritablement unis par l’humilité. Ainsi la foule le presse sans le toucher, parce qu’elle est importune par sa présence, et absente par sa vie. — S. Bède : Ou bien encore, il n’y a qu’une seule femme pour toucher le Seigneur avec foi, parce que ne peut chercher avec foi par le coeur de l’Église catholique que celui qui est affligé par le désordre des diverses hérésies. — S. Ambroise : Ceux qui le pressent, ne croient point en lui, ceux-là seuls ont la foi, qui le touchent; c’est par la foi que l’on touche Jésus-Christ, c’est par la foi qu’on le voit. Enfin, pour manifester la foi de cette femme qui le touche, il dit : « J’ai senti qu’une vertu était sortie de moi, » preuve évidente que la divinité n’est pas renfermée dans les bornes étroites de la nature humaine, et dans la prison du corps, mais que sa puissance éternelle déborde au delà des limites de notre faible nature. Ce n’est pas, en effet, par un acte de la puissance humaine, que le peuple des Gentils est délivré, c’est la grâce de Dieu qui réunit toutes les nations qui, par une foi encore imparfaite, inclinent vers elle la miséricorde éternelle. En effet, si nous considérons d’un côté l’étendue de notre foi; de l’autre la grandeur du Fils de Dieu, nous verrons qu’en comparaison [de cette grandeur divine], nous touchons seulement le bord de son vêtement, sans que nous puissions en atteindre le haut. Si donc nous voulons obtenir notre guérison, touchons par la foi le bord du vêtement de Jésus-Christ, personne ne peut le toucher sans qu’il le sache. Heureux celui qui aura touché la moindre partie du Verbe, car qui peut le comprendre tout entier ? |
Lectio 8 [85829] Catena in Lc., cap. 8 l. 8 Chrysostomus in Matthaeum. Opportune dominus
expectabat puellae mortem, ut propalaretur resurrectionis miraculum : propter
quod et tardius incedit, et loquitur cum muliere diutius, ut archisynagogi
filia expiraret, et huius eventus nuntii advenirent; unde dicitur adhuc illo
loquente, venit quidam ad principem synagogae dicens ei : quia mortua est
filia tua, noli vexare illum. Augustinus
de Cons. Evang. Sed cum Matthaeus archisynagogum non morituram filiam suam
narret domino nuntiasse, sed omnino defunctam; Lucas autem et Marcus nondum
mortuam, usque adeo ut dicant venisse postea qui mortuam nuntiarent;
considerandum est ne repugnare videatur. Et intelligendum est, brevitatis hoc
causa Matthaeum potius dicere voluisse, rogatum esse dominum ut faceret quod
eum fecisse manifestum est, ut scilicet mortuam suscitaret. Attendit enim non
verba patris de filia sua, sed, quod est potissimum, voluntatem. Sane si alii
duo vel quisquam eorum patrem commemorasset dixisse quod venientes de domo
dixerunt, ut iam non vexaretur Iesus, quia puella mortua fuisset; repugnarent
eius cogitationi verba quae posuit Matthaeus : nunc vero illud nuntiantibus
et prohibentibus ne magister veniret, non legitur quod ipse consenserit; unde
dominus non diffidentem reprehendit, sed credentem robustius confirmavit;
unde sequitur Iesus autem audito hoc verbo respondit patri puellae : noli
timere, sed crede tantum, et salva erit. Athanasius.
Fidem dominus exigit ab invocantibus eum, non quia indiget adminiculo
aliorum : ipse namque et dominus, et largitor est fidei : sed ne videretur ex
acceptione personarum sua dona conferre, ostendit quod credentibus favet, ne
sine fide accipiant beneficia, et ea per infidelitatem aboleant : vult enim
benefaciens durare gratiam, et sanans inconcussum permanere remedium. Theophylactus.
Mortuam autem suscitaturus eiecit omnes, quasi nos docens absque inani
gloria esse, et nihil ad demonstrationem facere; et quod cum quis debet
miracula perpetrare, non decet ipsum esse in medio plurimorum, sed
solitarium, et ab aliis separatum; unde sequitur et cum pervenisset ad domum,
non permisit intrare secum quemquam nisi Petrum et Ioannem et Iacobum et
patrem et matrem puellae. Solos autem hos intromisit tamquam discipulorum
vertices, et potentes miraculum occultare : non enim volebat ipsum ante
tempus pluribus revelari, forte propter invidiam Iudaeorum. Sic et cum quis
nobis invidet, non debemus iustitias nostras ei revelare, ne ei maioris
invidiae occasio tribuatur. Chrysostomus.
Ceteros autem discipulos non assumpsit, provocans eos ad appetitum
maiorem, ob id quoque quod nondum erant plene dispositi, ut et alii istos imitentur.
Assumpsit etiam parentes in testes, ne quis dicere posset fallax esse
resurrectionis indicium. Ad hoc etiam illud nota, quod deflentes exclusit a
domo, et indignos ostendit huius visione; sequitur enim flebant enim omnes,
et plangebant illam. Quod si tunc exclusit, multo magis nunc; tunc enim
nondum patuerat in somnum mortem fuisse conversam. Nullus ergo de cetero se
contemnat, iniuriam inferens Christi victoriae, qui superavit mortem, et eam
in somnum convertit; ad cuius ostensionem subditur at ille dixit : noli
flere; non est enim mortua puella, sed dormit : ostendens singula sibi fore
in promptu, et quod eam vivificaret, quasi suscitaret a somno. Nihilominus
tamen deridebant eum; sequitur enim et deridebant eum scientes quia mortua
esset. Quos non obiurgavit, nec derisionem repressit, ut etiam derisio fiat
mortis indicium; nam, quia ut plurimum post acta miracula homines perseverant
increduli, verbis propriis eos praevenit. Ut autem quasi per visum disponeret
ad resurrectionis fidem, tenet manum puellae; unde sequitur ipse autem tenens
manum eius, clamavit dicens : puella, surge. Cumque tenuisset, suscitat eam;
unde sequitur et reversus est spiritus eius; et surrexit continuo : non enim
infudit aliam animam, sed illam eamdem quae expiraverat restituit; nec
solummodo suscitat, immo iubet etiam illam cibari; sequitur enim et iussit
illi dare manducare : ne scilicet phantasticum esse videatur quod factum est
: nec ipse propinat, sed aliis mandat; sicut et in Lazaro dixit : solvite
eum, ac deinde participem mensae fecit. Graecus.
Deinde stupefactos miraculo et pene clamantes parentes cohibet ne factum
praedicent; sequitur enim et stupuerunt parentes eius; quibus praecepit ne
alicui dicerent quod factum erat : ostendens quod largitor bonorum est, non
autem cupidus gloriae, datque totum, nihil recipiens. Qui vero venatur operum
gloriam, aliquid quidem exhibuit, aliquid vero recepit. Beda.
Mystice autem salvata a fluxu sanguinis muliere, mox filia principis
mortua nuntiatur : quia dum Ecclesia a vitiorum labe mundata est, continuo
synagoga perfidia atque invidia soluta est : perfidia quidem, quia in
Christum credere noluit; invidia vero, quia Ecclesiam credidisse doluit. Ambrosius.
Adhuc autem et servuli principis increduli erant ad resurrectionem, quam
Iesus in lege praedixit, in Evangelio complevit; unde dicunt noli vexare
illum : quasi sit sibi impossibile suscitare mortuam. Beda.
Vel per eos significantur qui adeo destitutum synagogae statum vident, ut restaurari
posse non credant; ideoque pro suscitatione illius supplicandum esse non
aestiment. Sed quae impossibilia sunt apud homines, possibilia sunt apud Deum
: unde dominus ei dixit noli timere, crede tantum, et salva erit. Pater
puellae coetus doctorum legis accipitur : qui si credere voluerit, etiam
subiecta ei synagoga salva erit. Ambrosius.
Itaque cum venisset in domum, paucos futurae resurrectionis arbitros
ascivit : non enim a multis continuo est credita resurrectio. Quae tamen
tantae diversitatis est causa? Supra publice filius viduae suscitatur, hic
removentur plures arbitri. Sed puto quod pietas ibi domini declaratur, quia
vidua mater unici filii non patiebatur moras. Est etiam forma sapientiae, in
filio viduae cito Ecclesiam credituram : in archisynagogi filia credituros
quidem Iudaeos, sed ex pluribus pauciores. Denique dicente domino non est
mortua puella, sed dormit, deridebant eum : quicumque enim non credit,
irridet. Fleant igitur mortuos suos, qui putant mortuos : ubi resurrectionis fides
est, non mortis species, sed quietis est. Beda.
Synagoga etiam, quia sponsi laetitiam, qua vivere possit, amisit, quasi
inter plangentes mortua iacens, nec hoc ipsum quare plangatur intelligitur.
Ambrosius.
Tenens autem dominus manum puellae sanavit eam : beatus enim si cuius
manus sapientia teneat, inducat in penetralia sua, iubeat manducare : panis
enim caelestis est Dei verbum : inde et illa sapientia, quae Dei corporis et
sanguinis altaria replevit alimentis. Venite, edite panes meos, et bibite
vinum quod miscui vobis. Beda.
Surrexit autem puella continuo, quia Christo manum confortante, homo a
morte animae resipiscit. Sunt enim nonnulli qui latente tantum cogitatione
peccati sibi mortem consciscunt; sed tales se vivificare significans dominus,
suscitavit filiam archisynagogi. Alii vero ipsum malum quo delectantur
agendo, mortuum suum quasi extra portas efferunt; et hos se suscitare
demonstrans, suscitavit filium viduae extra portas civitatis. Quidam vero
etiam peccati consuetudine se quasi sepeliendo corrumpunt; et ad hos etiam
erigendos adest gratia salvatoris; ad quod intimandum resuscitavit Lazarum
quatuor dies in monumento habentem. Quanto autem gravior est mors animae,
tanto acrior poenitentis fervor insistat. Unde iacentem in conclavi mortuam
levi voce resuscitat; delatum foras iuvenem pluribus dictis corroborat; ad
quatriduanum vero suscitandum fremuit spiritu, lacrymas fudit, et voce magna
clamavit. Sed et hic notandum, quod publica noxia publico egent remedio;
levia peccata secreta queunt poenitentia deleri. Puella in domo iacens paucis
arbitris resurgit; iuvenis extra domum turba multa comitante suscitatur;
Lazarus de monumento vocatus multis populis innotuit. |
Versets 49-56.
— S. Jean Chrysostome : (hom. 32 sur Matth.) C’est par un dessein providentiel que Notre Seigneur attendait que cette jeune fille fût morte, afin de rendre plus éclatant le miracle de sa résurrection; c’est dans cette intention qu’il marche lentement, qu’il prolonge son entretien avec cette femme, jusqu’à ce que la fille du chef de la synagogue expirât, et que la nouvelle lui en fût apportée : « Comme il parlait encore, quelqu’un vint dire au chef de la synagogue : Votre fille est morte, n’importunez plus le Maître.» — S.
Augustin : (de
l’acc. des Evang., 2, 28.) Que saint Matthieu
raconte que le chef de la synagogue annonce au Seigneur, non que sa fille
allait mourir, mais qu’elle était morte, tandis que saint Luc et saint Marc
rapportent qu’elle n’était pas encore morte, tellement qu’ils ajoutent qu’on
vint ensuite annoncer sa mort, il n’y a ici aucune contradiction. Saint
Matthieu, pour abréger, a voulu dire tout d’abord que le Seigneur fut prié de
faire ce qu’il fit en réalité, c’est-à-dire de ressusciter cette jeune fille
qui était morte; il a donc moins égard aux paroles du père concernant sa
fille, qu’à sa volonté, ce qui est beaucoup plus important [sans doute]. Si
les deux autres Évangélistes, ou l’un d’eux seulement avait mis dans la
bouche du père le langage de ceux qui vinrent de chez lui, c’est-à-dire qu’il
ne fallait pas davantage tourmenter Jésus, parce que la jeune fille était
morte; les paroles que lui prête saint Matthieu, seraient en opposition avec
sa pensée, mais on ne lit nullement que le père se soit joint aux envoyés
pour empêcher le divin Maître de venir. Aussi Notre Seigneur, sans lui
reprocher son manque de confiance, affermit au contraire sa foi et la rend
inébranlable : « Jésus, ayant
entendu cette parole, dit au père de la jeune fille : Ne craignez pas, mais croyez
seulement et elle sera sauvée. » — S. Athanase : (disc. sur la pass. et la croix du Seigneur.) Le Seigneur exige la foi de ceux qui l’invoquent, non qu’il ait besoin du secours d’autrui (puisqu’il est le maître et le distributeur de la foi), mais pour ne point paraître faire acception de personne dans la distribution de ses dons. Il montre ainsi qu’il n’accorde ses grâces qu’à ceux qui croient, parce qu’il ne veut pas que qu’on reçoive ses bienfaits sans avoir la foi, et qu’on les laisse se perdre par son infidélité, Il veut au contraire que la grâce de ses bienfaits persévère, et que la guérison qu’il accorde soit constante et durable. — Théophylacte : Avant de ressusciter cette jeune fille qui était morte, il fit sortir tout le monde, pour nous apprendre à fuir toute vaine gloire et à ne rien faire par ostentation Ainsi, lorsque Dieu donne à quelqu’un la grâce de faire des miracles, il ne doit point rester dans la foule, mais rechercher la solitude et se séparer du monde : « Etant arrivé à la maison, il ne permit à personne d’entrer avec lui, si ce n’est à Pierre, à Jacques et à Jean, et le père et la mère de la jeune fille. » Il ne laisse entrer que les premiers de ses disciples, comme plus capables de tenir secret ce miracle, car il ne voulait pas qu’il fût divulgué avant les temps marqué, peut-être à cause de l’envie que lui portaient les Juifs. Ainsi, lorsque nous sommes pour un de nos frères un objet d’envie, gardons-nous de lui faire connaître nos bonnes oeuvres, pour ne pas donner à sa jalousie une nouvelle pâture. — S. Jean Chrysostome : (hom. 32 sur Matth.) Il ne prit point avec lui les autres disciples, provoquant chez eux un désir plus grand, et aussi parce que leurs dispositions n’étaient pas assez parfaites et qu’ils devaient imiter les premiers disciples. Il prend aussi comme témoins les parents de la jeune fille, afin que personne ne pût s’inscrire en faux contre les preuves de cette résurrection. Remarquez encore qu’il fit retirer tous ceux qui pleuraient, et qu’il juge indignes de voir ce miracle : « Or, tous pleuraient et se lamentaient sur elle. » Si le Sauveur bannit alors les larmes, à plus forte raison, devons-nous maintenant imiter cet exemple ? Car on ne comprenait pas aussi clairement alors que la mort ne fût qu’un sommeil [pour le chrétien]. Que personne donc ne s’abandonne à une douleur exagérée, et ne fasse ainsi injure à la victoire que Jésus-Christ a remportée sur la mort, qui n’est plus maintenant qu’un simple sommeil, comme Notre Seigneur l’établit, en ajoutant : « Ne pleurez pas, elle n’est, pas morte, mais elle dort. » Il montre ainsi que toutes choses lui sont faciles, et qu’il peut aussi facilement la rappeler à la vie que la réveiller de son sommeil : « Et ils se moquaient de lui, sachant bien qu’elle était morte. » Cependant, le Sauveur ne leur fait aucun reproche, il n’arrête pas leurs dérisions qui seront une preuve évidente de la mort de cette jeune fille. Comme la plupart du temps, les hommes, malgré les miracles dont ils sont témoins, persévèrent dans leur incrédulité, il veut les convaincre d’avance par leurs propres paroles, et pour les disposer à croire à la résurrection par le spectacle qu’ils avaient sous les yeux, il prend la main de la jeune fille : « Alors prenant sa main, il dit à haute voix : Jeune fille, levez-vous. » Et dès qu’il eut pris sa main, elle fut ressuscitée : « Et son âme revint dans son corps, et elle se leva à l’instant. » En effet, le Sauveur ne lui donne pas une âme différente de la sienne, mais il lui rend la même qu’elle avait perdue avec le dernier soupir. Non seulement il ressuscite cette jeune fille, mais il veut qu’on lui donne à manger : « Et Jésus commanda de lui donner à manger, » preuve évidente que cette résurrection n’était pas imaginaire. Et il ne veut pas lui donner à manger lui-même, il la fait servir par d’autres; il agit de même dans la résurrection de Lazare, il dit à ses disciples : « Déliez-le, » et l’admet ensuite à sa table. — Sévère d’Antioche : Les parents de cette jeune fille sont plongés dans la stupeur par ce miracle et prêts à pousser des exclamations d’étonnement et de joie; Jésus les empêche de divulguer l’événement : « Son père et sa mère étaient hors d’eux-mêmes d’étonnement, et il leur commanda de ne dire à personne ce qui était arrivé. » Il montre ainsi qu’il est l’auteur de tous les biens, qu’il les répand sans aucune recherche personnelle de gloire, et qu’il donne tout sans rien recevoir. Celui, au contraire, qui poursuit avec empressement la vaine gloire dans ses bonnes oeuvres, donne, il est vrai d’un côté, mais pour recevoir de l’autre. — S. Bède : Dans le sens mystique, à peine cette femme malade d’une perte de sang, est-elle guérie, qu’on vient annoncer à Jésus la mort de la fille du chef de la synagogue. C’est qu’en effet, lorsque l’Église fut purifiée des souillures de ses vices, la synagogue expira aussitôt victime de son infidélité et de son envie; de son infidélité parce qu’elle refuse de croire en Jésus-Christ, de jalousie, parce qu’elle s’attrista de voir l’Église embrasser la foi. — S. Ambroise : Les serviteurs du prince de la synagogue eux-mêmes ne pouvaient croire encore à la résurrection que Jésus-Christ avait prédite dans la loi (Ps 15), et qu’il accomplit plus tard sous le règne de l’Évangile, et ils disent au père de la jeune fille : « Ne le tourmentez pas davantage, » comme s’il lui était impossible de rappeler cette jeune fille à la vie. — S. Bède : C’est le même langage que tiennent encore aujourd’hui ceux qui regardent l’état de la synagogue comme tellement désespéré, qu’ils ne croient pas qu’elle puisse être jamais rétablie ; ils pensent qu’il est inutile de prier pour son rétablissement, mais ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu (Lc 18). Aussi le Sauveur dit au chef de la synagogue : « Ne craignez pas, croyez seulement, et elle sera sauvée. » Le père de la jeune fille représente la réunion des docteurs de la loi, s’ils consentent à embrasser la foi, la synagogue qui leur est soumise sera également sauvée. — S. Ambroise : Lorsque Jésus fut venu dans la maison, il ne prit avec lui que quelques témoins de la résurrection qu’il allait opérer; c’est qu’en effet, la résurrection n’a été crue d’abord que par un petit nombre. Mais pourquoi cette manière d’agir si différente ? Précédemment, il a ressuscité publiquement le fils d’une veuve; ici il éloigne la foule des témoins; mais je pense que, dans cette première circonstance, Notre Seigneur voulait manifester sa bonté, parce que la douleur de cette veuve qui pleurait son fils unique ne souffrait aucun retard. Il voulait aussi dans sa sagesse, nous donner une figure, dans le fils de la veuve de Naïm, de l’Église qui devait embrasser promptement la foi, et dans la fille du chef de la synagogue, les Juifs qui devaient croire, mais en très petit nombre. Enfin, lorsque Notre Seigneur leur dit : « Cette jeune fille n’est pas morte, mais elle dort. », ils se riaient de lui, car quand on ne croit pas, on devient nécessairement moqueur. Laissons donc pleurer leurs morts à ceux qui les regardent comme morts [sans retour]; avec la foi en la résurrection, il n’y a plus de mort, il n’y a plus qu’un sommeil passager. — S. Bède : Quant à la synagogue qui a perdu la joie de l’époux qui faisait sa vie, elle reste étendue comme morte au milieu de ceux qui la pleurent, sans même comprendre le sujet de leurs larmes. — S.
Ambroise : Le Seigneur prend la main de la jeune
fille pour la rappeler à la vie; heureux celui que la sagesse prend ainsi par
la main pour l’introduire dans sa maison, et commander qu’on lui donne à manger !
Car le Verbe de Dieu est vraiment le pain descendu du ciel, aussi entendez la
Sagesse qui a multiplié sur les autels le corps et le sang d’un Dieu pour
être notre nourriture, vous dire : « Venez,
mangez le pain que je vous donne, et buvez le vin que je vous ai
préparé. » (Pv 9.) — S. Bède : La jeune
fille se leva à l’instant, car dès que Jésus-Christ prend et soutient la main
de l’homme, son âme revient aussitôt à la vie. Or, il en est quelques-uns qui
trouvent la mort de l’âme dans une simple pensée coupable qui ne se manifeste
par aucun acte; le Seigneur leur rend la vie dans la fille du chef de la
synagogue. D’autres en viennent aux actes extérieurs du mal dans lequel ils
se complaisent, et portent pour ainsi dire leur mort publiquement hors des portes,
ils sont figurés par le fils de la veuve, que Jésus ressuscita hors des
portes de la ville, et il montre ainsi qu’il peut les ressusciter. D’autres
enfin sont ensevelis dans les habitudes du péché comme dans la corruption du
tombeau, et la grâce du Sauveur est également puissante pour leur rendre la
vie, c’est pour le prouver qu’il ressuscite Lazare, qui était déjà depuis
quatre jours dans le tombeau. Or, plus les crimes qui ont donné la mort à
l’âme sont graves, plus doit être vive la ferveur de la pénitence. Aussi,
Notre Seigneur parle à voix modérée pour ressusciter la jeune fille étendue
morte dans la maison de ses parents; il prend un ton plus élevé, et en dit
davantage pour rappeler à la vie le jeune homme qu’on portait au tombeau;
mais pour ressusciter Lazare mort depuis quatre jours, il frémit en son
esprit, il verse des larmes, et jette un grand cri. Remarquons encore que les
fautes publiques exigent un remède public, tandis que les péchés moins graves
peuvent être effacés par les oeuvres secrètes de la pénitence. Cette jeune
fille étendue morte dans la maison de ses parents, revient à la vie devant un
petit nombre de témoins; le fils de la veuve de Naïm est ressuscité hors de
la maison et devant tout le peuple, et Lazare, rappelé du tombeau, eut pour
témoins de sa résurrection un nombre considérable de Juifs. |
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Caput 9 |
CHAPITRE 9
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Lectio 1 [85830] Catena in Lc., cap. 9 l. 1 Cyrillus.
Decebat institutos ministros sacrarum doctrinarum posse mira peragere, et per
ipsos effectus credi quod essent Dei ministri; unde dicitur convocatis autem
Iesus duodecim apostolis, dedit illis virtutem et potestatem super omnia
Daemonia : in quo elevatum supercilium Diaboli flectit, qui dicebat aliquando
: non est qui contradicere valeat. Eusebius.
Et ut per eos venetur genus humanum, non solum dat eis ut pravos spiritus
pellant, sed etiam quamlibet infirmitatem sanent ex eius imperio; unde
sequitur et ut languores curarent. Cyrillus.
Attendas hic divinam filii potestatem naturae corporali non convenientem;
agere namque miracula aderat sanctis, non natura, sed participatione spiritus
sancti. Super hoc autem aliis concedere potestatem prorsus alienum erat ab
eorum virtute : qualiter enim posset natura creata super spiritus dona possidere
dominium? At dominus noster Iesus Christus, tamquam naturaliter Deus
existens, impertitur huiusmodi gratiam quibus vult, non invocans in eos
alienam virtutem, sed infundens ex promptuariis propriis. Chrysostomus
in Matthaeum. Postquam autem satis confortati fuerant ex eius comitiva, et
competens nacti sunt argumentum virtutis eius, mittit eos; unde sequitur et
misit illos praedicare regnum Dei, et sanare infirmos. Ubi considera, quod
non committitur eis aliquod sensibile dicere, sicut Moyses et prophetae, qui
terram et bona terrena promittebant; hi vero regnum caelorum, et quaecumque
continentur in eo. Gregorius
Nazianzenus. Mittens autem discipulos ad praedicandum, dominus multa eis
iniunxit, quorum summa est, sic eos virtuosos esse, sic constantes atque
modestos, et, ut breviter loquar, caelestes, ut non minus propter eorum modum
vivendi quam propter verbum evangelica doctrina propagaretur. Et ideo cum
aeris et baculi carentia et amictus singularitate mittebantur; et ideo subdit
et ait ad illos : nihil tuleritis in via : neque virgam neque peram, neque
panem, neque pecuniam, neque duas tunicas habeatis. Chrysostomus
in Matthaeum. Plurima quidem per hoc constituebat : primo quidem
insuspectos reddens discipulos; secundo sequestrans eos a qualibet cura, ut
totum studium adhiberent verbo; tertio docens eos propriam virtutem. Sed
forsan dicet aliquis cetera quidem habere rationem; sed non habere peram in
via, nec duas tunicas, nec baculum, cuius rei causa praecipit? Volens
scilicet excitare eos in qualibet diligentia : et, ut ita loquar, ex
hominibus Angelos faciebat eos, dirimens a qualibet cura vitae, ut una sola
cura detineantur doctrinae. Eusebius.
Volens igitur eos carere cupidine rerum in sollicitudine vitae,
protestatus est haec : sumebat enim experimentum fidei et animositatis eorum,
qui habito in mandatis extremae vitam ducere paupertatis, non effugiunt quae
iubentur; decebat enim eos quidem commercium facere, et recipientes salubres
virtutes recompensare obedientia mandatorum : et cum milites eos faceret
regni Dei, accingit eos ad pugnam in hostes, monens colere paupertatem;
nullus enim militans Deo implicat se vitae saecularis negotiis. Qualis
ergo esse debeat qui evangelizat regnum Dei, praeceptis evangelicis
designatur; hoc est, ut subsidii saecularis adminicula non requirat, fideique
totus inhaerens, putet, quo minus requirat, magis posse suppetere. Theophylactus.
Sic enim ipsos mendicos mittit, quod neque panes ipsos portare vult, nec
aliquid aliud, quibus indigent multi. Augustinus
de Cons. Evang. Vel dominus haec possidere discipulos ac ferre noluit, non
quod necessaria non sint sustentationi huius vitae; sed quia sic eos mittebat
ut eis haec deberi monstraret ab illis quibus Evangelium credentibus
annuntiarent; ut sic securi non possiderent, neque portarent huic vitae
necessaria, nec magna, nec minima. Ideo posuit secundum Marcum : nisi virgam,
ostendens a fidelibus suis omnia deberi ministris suis nulla superflua
requirentibus. Hanc autem potestatem virgae nomine significavit, cum diceret
ne quid tollerent in via nisi virgam tantum. Ambrosius.
Possunt etiam qui volunt, hoc ad eum deducere tractatum, ut spiritualem
tantummodo locus iste formare videatur affectum, qui velut indumentum quoddam
videatur corporis exuisse, non solum potestate reiecta contemptisque
divitiis, sed etiam carnis ipsius illecebris abdicatis. Theophylactus.
Quidam etiam apostolos non portare peram, neque baculum aut duas tunicas
sic intelligunt, quod non thesaurizent : hoc enim pera innuit congregans
multa : neque sint iracundi et tribulati spiritus, quod significat baculus;
neque sint ficti et duplici corde, quod significat tunica duplex. Cyrillus. Sed diceret aliquis : unde eis necessaria erunt? Et
ideo subdit et in quamcumque domum intraveritis, ibi manete, et inde ne
exeatis; quasi dicat : sufficiat vobis discipulorum fructus, qui recipientes
a vobis spiritualia, vos procurabunt. Iussit autem eos in una domo manere, ut
nec hospitem gravent, eum scilicet dimittendo, nec ipsi gulositatis et levitatis
suspicionem incurrant. Ambrosius.
Alienum namque a praedicatore regni caelestis asserit cursitare per domos,
et inviolabilis hospitii iura mutare. Sed ut hospitii gratia deferenda
censetur, ita etiam si non recipiantur, excutiendum pulverem, egrediendumque
de civitate mandatur, cum sequitur et quicumque non receperint vos, exeuntes
de civitate illa, etiam pulverem pedum vestrorum excutite in testimonium
super illos. Beda. Pulvis excutitur de pedibus apostolorum in testimonium
laboris sui, qui ingressi sint in civitatem, et praedicatio apostolica ad
illos pervenerit; sive excutitur pulvis cum nihil ab eis accipiant, nec ad
victum quidem necessarium, qui Evangelium spreverunt. Cyrillus.
Nam improbabile valde est contemnentes sermonem et patremfamilias, se
famulis benignos ostendere, vel benedictiones eorum exigere. Ambrosius.
Vel non mediocris etiam boni remuneratio docetur hospitii, ut non solum
pacem tribuamus hospitibus, verum etiam si qua eos terrenae obumbrant delicta
levitatis, receptis apostolicae praedicationis vestigiis auferantur. Beda.
Qui vero perfida negligentia, vel etiam studio verbum Dei contemnunt,
horum vitanda communio est, excutiendus pulvis pedum, ne gestis inanibus
pulveri comparandis mentis castae vestigium polluatur. Eusebius.
Cum autem praecinxisset dominus discipulos suos tamquam milites Dei
divinis virtutibus et sapientiae monitis, mittens eos Iudaeis ut doctores et
medicos, ipsi secundum hoc procedebant; unde sequitur egressi autem
circuibant per castella, evangelizantes et curantes ubique : quasi doctores
quidem evangelizantes; sed quasi medici praestantes remedia, et verba
miraculis comprobantes. |
Versets 1-6.
— S. Cyrille : Il convenait que les ministres établis de Dieu pour enseigner la sainte doctrine, eussent le pouvoir d’accomplir des choses merveilleuses et de faire reconnaître par leurs oeuvres qu’ils étaient les envoyés de Dieu : « Jésus ayant assemblé les douze Apôtres, leur donna puissance et autorité sur tous les démons, » etc. Il abaisse ainsi la fierté superbe du démon, qui avait osé dire autrefois : Nul ne peut me contredire. (Is 10, 14.) —
Eusébe : Comme il veut conquérir par eux tout
le genre humain, il leur donne non seulement le pouvoir de chasser les esprits
mauvais, mais encore de guérir en son nom toute espèce d’infirmité : « et pour guérir les maladies. »
— S. Cyrille : (Très., 14, 14.) Considérez ici la divine puissance du Fils de Dieu, qui ne peut convenir à aucune nature corporelle, car si les saints faisaient des miracles, ce n’était point en vertu d’un pouvoir naturel, mais par la participation de l’Esprit saint. Ils ne pouvaient d’ailleurs en aucune façon communiquer cette puissance aux autres, car comment une nature créée pourrait-elle disposer en maître des dons de l’Esprit saint ? Au contraire, Notre Seigneur Jésus-Christ étant Dieu par nature, distribue cette grâce à qui il veut, il n’appelle pas sur ceux qui la reçoivent une vertu étrangère, il la leur communique de ses propres trésors. — S. Jean Chrysostome : (hom. 33 sur Matth.) Mais ce n’est qu’après qu’il les a fortifiés par un long commerce avec lui, et qu’ils ont acquis une conviction raisonnée de sa puissance qu’il leur donne cette mission : « Et il les envoya prêcher le royaume de Dieu, et guérir les malades. » Remarquez l’objet précis de leur mission, ce n’est point d’annoncer des choses temporelles, comme Moïse et les prophètes, qui promettaient la terre et les biens de la terre, les Apôtres annoncent et promettent le royaume de Dieu et tout ce qu’il renferme. — S. Grégoire de Nazianze : En envoyant ses disciples prêcher l’Évangile, Notre Seigneur leur fait un grand nombre de recommandations qui peuvent se résumer dans cette maxime générale, c’est que leur vertu, leur courage, leur humilité, leur vie toute céleste, doivent briller d’un si vif éclat, qu’ils servent à la propagation de l’Évangile, non moins puissamment que leurs prédications; c’est pour cela qu’il les envoie sans argent, sans bâton, et avec un seul vêtement : « Ne portez rien en route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, n’emportez pas deux tuniques. » — S. Jean Chrysostome : Ce précepte renfermait pour les disciples de nombreux avantages; premièrement, il les mettait à l’abri de tout soupçon; secondement, il les affranchissait de tout souci, et leur laissait toute liberté pour la prédication; troisièmement, il les convainquait de sa propre puissance. On objectera, peut-être, que tous les autres commandements ont leur raison d’être, mais pourquoi leur commander de n’avoir en chemin ni sac, ni deux tuniques, ni bâton ? C’est qu’il veut les former à la plus haute perfection, et faire pour ainsi dire de ses disciples, des anges, en les affranchissant de tous les soucis de la vie, pour ne leur laisser d’autre sollicitude que la prédication de sa doctrine. — Eusèbe : Cette recommandation a donc pour objet de les éloigner de tout attachement aux biens de la terre, et de toutes les préoccupations de la vie. Il mettait ainsi à l’épreuve leur foi et leur courage en leur faisant un devoir devant lequel ils ne reculeraient pas, de vivre au milieu des privations de la vie la plus pauvre. Il était juste qu’il y eût entre eux et leur divin Maître une espèce d’échange, et qu’ils reconnussent le pouvoir qu’il leur avait donné de guérir les malades par une obéissance parfaite à ses commandements. Il veut en faire les soldats du royaume de Dieu, il les prépare donc au combat contre les ennemis, en leur recommandant la pratique de la pauvreté : « Car celui qui est enrôlé au service de Dieu, ne doit pas s’embarrasser dans les affaires du siècle. » — S. Ambroise : Ces préceptes divins nous apprennent donc quelle doit être la vie de celui qui annonce le royaume de Dieu, il doit ne point se préoccuper des moyens de pourvoir à l’entretien de la vie présente, et puiser dans une foi vive la confiance que les choses nécessaires lui seront données avec abondance, en raison de son peu d’empressement à les rechercher. — Théophylacte : Il les envoie donc comme des mendiants, avec défense de porter avec eux ni pain, ni aucune de ces choses dont tant d’autres ne peuvent se passer. — S.
Augustin : (de
l’acc. des Evang., 2, 30.) Ou bien encore, si le
Sauveur défend à ses disciples de posséder et d’emporter avec eux aucune de
ces choses, ce n’est pas qu’il ne les juge nécessaires au soutien de cette
vie, mais il veut leur apprendre, en leur donnant leur mission, qu’ils ont
droit à recevoir le nécessaire de ceux à qui ils prêcheraient l’Évangile; ils
doivent donc être parfaitement tranquilles à cet égard, et ne se préoccuper
en aucune façon de mettre en réserve et de porter avec eux les choses
nécessaires à la vie, grandes ou petites. Aussi, d’après saint Marc, il leur
commande de ne rien porter avec eux, si ce n’est un bâton, pour montrer que
les fidèles doivent tout aux ministres de la parole qui, de leur côté, ne
demanderont rien de superflu. Le bâton est donc l’emblème de ce droit et de
cette puissance dans ces paroles : « Il
leur commanda de ne rien prendre avec eux, si ce n’est un bâton. » — S. Ambroise : On peut encore entendre, si l’on veut, et avec plusieurs interprètes, ces paroles dans ce sens, que le Sauveur ne se propose ici que de diriger leurs affections intérieures, qui doivent les porter à se dépouiller du corps comme d’un vêtement, non seulement en méprisant les honneurs et les richesses, mais en renonçant à toutes les séductions de la chair. — Théophylacte : D’autres encore, croient que par cette recommandation faite aux Apôtres, de ne porter ni sac, ni bâton, ni deux tuniques, Notre Seigneur veut leur faire entendre qu’ils ne doivent point thésauriser (ce que signifie le sac où l’on peut entasser des sommes considérables), qu’ils doivent maîtriser la colère et la violence (ce qui est figuré par le bâton), et fuir la dissimulation et la duplicité (que représentent les deux tuniques). — S. Cyrille : Mais, dira-t-on, où trouveront-ils les choses nécessaires ? Écoutez la suite : « En quelque maison que vous entriez, restez-y et n’en sortez point, » ce qui veut dire : Contentez-vous des choses que vos disciples vous donneront pour votre entretien en échange des biens spirituels qu’ils recevront de vous. Il leur commande de rester dans la même maison pour ne point contrister, en changeant de demeure, celui qui les a reçus chez lui, et ne point s’exposer au soupçon de légèreté d’esprit ou de sensualité. — S. Ambroise : [Au jugement du Sauveur], il est donc indigne d’un prédicateur du royaume des cieux, de courir de maison en maison, et de violer ainsi les droits sacrés de l’hospitalité. Mais de même qu’il sauvegarde les droits de l’hospitalité, de même aussi il ordonne à ses disciples, quand on refusera de les recevoir, de secouer la poussière de leurs pieds, en sortant de cette ville : « Lorsqu’on refusera de vous recevoir, en sortant de cette ville, secouez même la poussière de vos pieds en témoignage contre eux. » — S. Bède : Les Apôtres secouent la poussière de leurs pieds, en témoignage de leurs travaux apostoliques, et comme preuve qu’ils sont entrés dans cette ville pour y faire entendre la prédication de l’Évangile; ou bien encore, ils secouent la poussière de leurs pieds, comme un signe qu’ils n’ont rien reçu, pas même le nécessaire, de ceux qui méprisent l’Évangile. — S. Cyrille : Il est très peu probable que ceux qui méprisent la parole du salut et le père de famille se montrent bienveillants pour ses serviteurs, ou réclament leurs bénédictions. — S. Ambroise : On bien encore, dans un autre sens, le Sauveur nous enseigne à reconnaître grandement le bienfait de l’hospitalité, non seulement en donnant la paix à ceux qui nous reçoivent, mais en les délivrant de ces fautes de légèreté qui tiennent à notre nature terrestre et qui sont effacées par les pas des prédicateurs apostoliques [auxquels on accorde l’hospitalité]. — S.
Bède : Mais quant à ceux qui, par une négligence
coupable ou de dessein prémédité, font mépris de la parole de Dieu, il faut
éviter leur société, et [en les quittant], secouer la poussière de ses pieds,
dans la crainte que les pas de l’âme chaste ne viennent à être souillés par
leurs actions pleines de vanité figurées par la poussière. — Eusèbe : Après avoir ceint et revêtu ses disciples, comme les soldats de Dieu, d’une puissance divine et des enseignements de la sagesse, le Sauveur les envoie vers les Juifs, comme des docteurs et des médecins, et ils partent pour accomplir cette double mission : « Étant donc partis, ils parcouraient les villages, prêchant l’Évangile et guérissant partout. » ; ils annoncent l’Évangile en qualité de docteurs, et comme médecins, ils guérissent les malades, et prouvent par leurs miracles la vérité de leurs paroles. |
Lectio 2 [85831] Catena in Lc., cap. 9 l. 2 Chrysostomus in Matthaeum. Multo transacto tempore, non a
principio, percepit Herodes facta Iesu, ut pateat tibi tyranni superbia; unde
dicitur audivit autem Herodes tetrarcha omnia quae fiebant ab eo. Theophylactus.
Iste Herodes erat filius magni Herodis, qui pueros interemit; sed ille
quidam rex erat, iste autem tetrarcha. Inquirebat autem de Christo quis esset;
unde sequitur et haesitabat. Chrysostomus.
Peccatores enim scientes et nescientes quemque strepitum pertimescunt :
peccatum enim nemine arguente hominem prodit, nemine accusante condemnat, et
timidum et pigrum reddit delinquentem. Causa autem timoris ponitur
consequenter cum dicit eo quod diceretur a quibusdam quia Ioannes surrexit a
mortuis, a quibusdam vero quia Elias apparuit, ab aliis autem quia propheta
unus de antiquis surrexit. Theophylactus.
Iudaei enim resurrectionem mortuorum expectabant in vita carnali, et in
comessationibus et potationibus. Sed resurgentes non erunt in carnalibus
actibus. Chrysostomus.
Cum ergo audisset Herodes quibus Iesus uteretur miraculis, ait : Ioannem
ego decollavi; quod non erat ostentationis verbum, sed consolantis suum
timorem, et persuadentis animae perturbatae recolere quod ipse eum occidit.
Et quia Ioannem decollaverat, subdit quis autem est iste, de quo audio talia?
Theophylactus.
Quasi dicat : si Ioannes est, et a mortuis resurrexit, videns eum cognoscam;
unde sequitur et quaerebat videre eum. Augustinus
de Cons. Evang. Lucas autem hunc eumdem narrandi ordinem quem Marcus
tenens, non cogit credi rerum gestarum eumdem ordinem fuisse. In his etiam verbis Marco attestatur, ad hoc dumtaxat quod alii dixerint,
non Herodes, Ioannem a mortuis surrexisse. Sed quia haesitantem commemoravit
Herodem, intelligendum est : aut post istam haesitationem confirmasse in
animo suo quod ab aliis dicebatur, cum ait pueris suis, sicut Matthaeus
narrat : hic est Ioannes Baptista, ipse surrexit a mortuis; aut ita
pronuntianda sunt haec verba Matthaei ut haesitantem adhuc indicent. |
Versets 7-10.
— S. Jean Chrysostome : (hom.
49 sur Matth.) Hérode n’apprit les miracles de
Jésus que longtemps après que la renommée s’en était répandue, preuve de
l’orgueil de ce tyran, [qui s’était peu soucié de les connaître dès
l’origine] : « Cependant Hérode le
tétrarque entendit parler de tout ce que faisait Jésus. » —
Théophylacte : Cet Hérode était fils d’Hérode le Grand,
qui fit périr les enfants [de Bethléem], le premier était roi, le second
était simplement tétrarque. Or, il voulait savoir ce qu’était le Christ : « Et il ne savait que penser. » — S. Jean Chrysostome : Les pécheurs, en effet, redoutent ce qu’ils connaissent comme ce qu’ils ignorent, [ils ont peur de leur ombre. ils soupçonnent partout des embûches,] et tremblent au moindre bruit. [Telles sont les tristes suites du péché], il dévoile le coupable sans que personne le reprenne, il le condamne sans que personne l’accuse, et il le livre en proie à la crainte et à l’hésitation. L’Évangéliste nous indique donc les causes de cette crainte : « Et il ne savait que penser, parce que quelques-uns disaien que Jean était ressuscité des morts, d’autres qu’Élie était apparu, d’autres qu’un des anciens prophètes était ressuscité. » — Théophylacte : Les Juifs espéraient une résurrection des morts, qui leur rendrait une vie toute charnelle de repas et de festins, tandis qu’après la résurrection, les hommes seront affranchis de toutes les actions propres à la chair. — S. Jean Chrysostome : Hérode ayant donc appris les prodiges que Jésus opérait, dit : « J’ai fait couper la tête à Jean. » Ce n’était point par ostentation qu’il évoquait ce souvenir, mais pour calmer ses alarmes, et rassurer son esprit troublé en se rappelant qu’il était l’auteur de la mort de Jean-Baptiste. Et comme il lui avait fait couper la tête, il ajoute : « Qui est donc celui-ci, dont j’entends dire de telles choses ?» — Théophylacte : Comme s’il disait : Si c’est Jean-Baptiste qui est ressuscité des morts, en le voyant, il me sera facile de le reconnaître : « Et il cherchait à le voir. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 43.) Saint Luc, en suivant ici dans son récit le même ordre que saint Marc, ne nous oblige pas de croire que tel fut l’ordre rigoureux des faits. De même que saint Marc, il attribue aussi à d’autres, et non pas à Hérode lui-même, ces paroles : « Jean est ressuscité d’entre les morts » ; mais comme il rapporte qu’Hérode ne savait que penser, on peut admettre, ou bien qu’après ces incertitudes, il finit par ajouter foi au bruit qui se répandait, lorsqu’il dit lui-même à ses serviteurs, selon le récit de saint Matthieu : « C’est Jean-Baptiste, qui est ressuscité des morts, » ou bien, il faut entendre ces paroles de saint Matthieu dans un sens dubitatif. |
Lectio 3 [85832] Catena in Lc., cap. 9 l. 3 Augustinus
de Cons. Evang. Matthaeus et Marcus ex praecedentium occasione narrant quemadmodum
sit Ioannes ab Herode occisus; Lucas autem qui iam longe supra de passione
Ioannis narraverat, postquam commemoravit illam Herodis haesitationem de
domino quisnam esset, continuo subiungit et reversi apostoli narraverunt illi
quae fecerunt. Beda.
Non solum autem narrant quae ipsi fecerunt, et docuerunt; sed etiam quae
Ioannes eis in docendo occupatis sit passus, vel sui, vel eiusdem Ioannis ei
discipuli renuntiant, sicut Matthaeus insinuat. Isidorus.
Quia vero dominus viros sanguinum abominatur, et commorantes cum eis, si a
propriis criminibus non discedant, post occisionem Baptistae deserens
occisores, discessit; unde sequitur et assumptis illis, secessit seorsum in
locum desertum, qui est Bethsaidae. Beda.
Est autem Bethsaida in Galilaea civitas Andreae, et Petri, et Philippi
apostolorum, prope stagnum Genezareth. Non autem timore mortis hoc egit, ut
quidam arbitrantur, sed parcens inimicis suis, ne homicidio homicidium
iungerent; simul et opportunum suae passionis tempus expectans. Chrysostomus in Matthaeum. Non autem prius, sed relato sibi quod
acciderat, discessit, manifestans per singula carnis veritatem. Theophylactus.
In desertum autem locum abiit dominus, quia operaturus erat miraculum
panum : ne quis diceret : de civitate prope existente oblati sunt panes. Chrysostomus. Vel vadit in desertum locum, ut nemo sequeretur. Sed
nec sic plebs discessit, sed comitatur ipsum; unde sequitur quod cum
cognovissent turbae, secutae sunt illum. Cyrillus.
Hi quidem postulantes a Daemonibus liberari, hi vero languorum remotionem;
necnon quos eius oblectabat doctrina, illum attentissime visitabant. Beda.
Ipse autem ut potens piusque salvator, excipiendo fatigatos, docendo
inscios, sanando aegrotos, reficiendo ieiunos, quantum devotione credentium
delectetur, insinuat; unde sequitur et excepit illos, et loquebatur illis de
regno Dei, et eos qui cura indigebant sanabat. Theophylactus.
Ut addiscas, quod quae secundum nos est sapientia, dividitur verbo et opere;
et quod decet dicere operata, et operari dicta. Reclinante autem die,
discipuli iam incipientes aliorum curam habere, turbae miserentur, unde
sequitur dies autem coeperat declinare, et accedentes duodecim dixerunt illi
: dimitte turbas, ut euntes in castella villasque quae circa sunt, divertant
et inveniant escas : quia hic in loco deserto sumus. Cyrillus.
Sicut enim dictum est, diversarum passionum postulabant remedia : et quia
videbant discipuli solo nutu posse perfici quod infirmi petebant, dicunt :
dimitte eos, ne amplius anxientur. Aspice autem exuberantem mansuetudinem
eius qui rogatur : non enim illa tantum largitur quae postulant discipuli,
sed sequentibus ipsum adjicit bona munificae dexterae, mandans eis escas
exhiberi; unde sequitur ait autem ad illos : vos date illis manducare. Theophylactus.
Non autem hoc dicit eorum responsionem ignorans, sed volens ipsos inducere
ut dicerent quot panes haberent; et sic magnum ostenderetur ex eorum
confessione miraculum, panum quantitate audita. Cyrillus.
Sed quod mandabatur, intolerabile discipulis erat, quod non habebant penes
se nisi quinque panes et duos pisces; unde sequitur at illi dixerunt : non
sunt nobis plusquam quinque panes et duo pisces, nisi forte nos emamus in
omnem hanc turbam escas. Augustinus de Cons. Evang. In quibus quidem
verbis Lucas in unam sententiam constrinxit responsionem Philippi dicentis :
ducentorum denariorum panes non sufficiunt eis, ut unusquisque modicum quid
accipiat, et responsionem Andreae dicentis : est puer unus hic, qui habet
quinque panes hordeaceos et duos pisces, ut narrat Ioannes. Quod enim ait non
sunt nobis plusquam quinque panes et duo pisces, ad Andreae retulit
responsionem; quod vero adiunxit nisi forte nos eamus, et emamus in omnem
hanc turbam escas, videtur ad responsionem Philippi pertinere, nisi quod de
ducentis denariis tacuit : quamquam et in ipsius Andreae sententia hoc posset
intelligi; cum enim dixisset : est puer unus hic qui habet quinque panes
hordeaceos et duos pisces, adiunxit : sed haec quid sunt inter tantos? Hoc
est dicere nisi forte nos eamus, et emamus in omnem hanc turbam escas. Ex qua
varietate verborum, rerum autem sententiarumque concordia, satis apparet
salubriter nos doceri, nihil quaerendum in verbis nisi loquentium voluntatem;
cui demonstrandae invigilare debent omnes veridici narratores, cum de homine,
vel de Angelo, vel de Deo aliquid narrant. Cyrillus.
Ut autem adhuc ad magis ardua feratur miraculum, ostenditur non parva
fuisse multitudo virorum, cum sequitur erant autem viri fere quinque millia,
exceptis scilicet mulieribus atque pueris, ut alius Evangelista refert. Theophylactus.
Docet autem dominus quod decet cum hospitamur aliquem, reclinare ipsum, et
omnis consolationis participem facere; unde sequitur ait autem ad discipulos
suos : facite illos discumbere per convivia quinquagenos : et ita fecerunt;
et discumbere fecerunt omnes. Augustinus
de Cons. Evang. Quod Lucas hic dicit, quinquagenos iussos esse discumbere,
Marcus vero quinquagenos et centenos, ideo non movet, quia unus partem dixit,
alter totum. Verum si alius de quinquagenis tantum commemoraret, alius de
centenis, valde videretur esse contrarium, nec satis dignosceretur utrumque
dictum esse. Unum autem ab altero, alterum ab altero esse commemoratum, et
tamen attentius consideratum inveniri debuisse quis non fateatur? Hoc ideo
dixi, quia existunt saepe aliqua eiusmodi quae parum intendentibus temere
iudicantibus contraria videantur, et non sint. Chrysostomus
in Matthaeum. Et quia credendum erat Christum venisse a patre, facturus
miraculum, aspexit in caelum; unde sequitur acceptis autem quinque panibus et
duobus piscibus, respexit in caelum. Cyrillus.
Hoc etiam dispensative pro nobis fecit : ut discamus quod in principio
mensae, cum frangere debemus panem, debemus Deo offerre et elicere super
ipsum benedictionem supernam; unde sequitur et benedixit, et fregit, et
discipulis suis distribuit, ut ponerent ante turbas. Chrysostomus
in Matthaeum. Dat quidem eis per manus discipulorum, honorando eos, et ne
dent oblivioni iam peracto miraculo. Non autem ex non entibus facit escas ad
pascendum turbas, ut obturet os Manichaei asserentis alienam esse ab eo
creaturam, ostendens se esse victualium largitorem, et eum qui dixit :
germinet terra. Multiplicat quoque pisces, ad significandum quod tam mari
quam aridae dominabatur. Bene autem in languentibus speciale peregit
miraculum; agit et beneficium generale, alens omnes etiam non languentes;
unde sequitur et manducaverunt omnes, et saturati sunt. Gregorius
Nyssenus. Quibus nec caelum fluebat manna, nec tellus iuxta sui naturam
producens frumentum, eorum satisfaciebat egestati; sed ex ineffabilibus
horreis divinae potentiae beneficium affluebat. Panis paratur factus in manibus ministrantium, necnon per saturitatem
edentium augmentatur. Esum etiam piscium eorum necessitati non
administrabat mare; sed ille qui in mari piscium genus inseruit. Ambrosius.
Non exiguo, sed multiplicato cibo populum liquet esse satiatum. Vides
incomprehensibili quodam ritu inter dividentium manus, quas non fregerant
multiplicare particulas, et intacta frangentium digitis sponte sua fragmenta
subripere. Cyrillus.
Nec usque ad hoc tantum pervenit miraculum, sed sequitur et sublatum est
quod superfuit eis fragmentorum cophini duodecim : ut hinc esset manifesta
certificatio quod opus caritatis in proximos uberem vindicet retributionem a
Deo. Theophylactus.
Et ut addisceremus quantum hospitalitas potest, et quantum augentur
nostra, cum indigentibus subvenimus. Chrysostomus
in Matthaeum. Fecit autem superabundare non panes, sed fragmenta; ut
ostendat illorum panum esse reliquias, quae tot factae sunt, ut totidem
essent cophini quot et discipuli. Ambrosius.
Mystice autem postquam illa quae Ecclesiae typum accepit, a fluxu curata
est sanguinis, posteaquam apostoli ad evangelizandum sunt destinati, gratiae
caelestis impartitur alimentum. Sed quibus impartiatur adverte : non otiosis,
non in civitate, quasi in synagoga, vel saeculari dignitate residentibus, sed
inter deserta quaerentibus Christum. Beda.
Qui derelicta Iudaea, quae prophetiae non credendo, sibi caput abstulerat,
in deserto Ecclesiae, quae virum non habebat, verbi pabula largitur. Petentem vero deserta gentium Christum, multae fidelium catervae,
relictis moenibus priscae conversationis variorum dogmatum, sequuntur. Ambrosius.
Qui autem non fastidiunt, ipsi excipiuntur a Christo; et cum ipsis
loquitur Dei verbum, non de saecularibus, sed de regno : et qui corporalis
gerunt ulcera passionis, his medicinam suam libenter indulget. Ubique autem mysterii ordo servatur : ut prius per remissionem
peccatorum vulneribus medicina tribuatur, postea vero alimonia mensae
caelestis exuberet. Beda. Die autem declinante turbam reficit, idest fine saeculorum
appropinquante, vel cum sol iustitiae pro nobis occubuit. Ambrosius. Quamquam nondum validioribus haec turba reficiatur
alimentis : primum enim in modum lactis quinque sunt panes; secundum septem;
tertium ipsum corpus Christi est esca solidior. Si
quis autem petere cibum veretur, ipse relictis suis omnibus festinet ad Dei
verbum. Dum autem aliquis audire incipit Dei verbum, incipit esurire.
Incipiunt apostoli esurientem videre; et si illi adhuc non intelligant quid
esuriant, intellexit Christus : scit quod non saecularem cibum esuriant, sed
cibum Christi : nondum enim intellexerant apostoli cibum credentis non esse
venalem. Noverat Christus nos potius esse redimendos, suas vero epulas esse
gratuitas. Beda.
Nondum autem erant apostolis nisi quinque panes Mosaicae legis, et duo
pisces utriusque testamenti; quae in abdito mysteriorum latentium, quasi
aquis abyssi tegebantur. Quia vero quinque sunt exteriores hominis sensus,
quinque millia viri dominum secuti, designant eos qui in saeculari adhuc
habitu positi, exterioribus, quae possident, bene uti noverunt; qui quinque
panibus aluntur, quia tales necesse est legalibus adhuc praeceptis instrui :
nam qui mundo ad integrum renuntiant, evangelica refectione sublimes sunt.
Diversi autem convivantium discubitus designant diversos per orbem terrarum
Ecclesiarum conventus qui unam Catholicam faciunt. Ambrosius.
Hic vero panis, quem frangit Iesus, mystice quidem Dei verbum est, et
sermo de Christo; qui cum dividitur augetur; de paucis enim sermonibus,
populis redundantem alimoniam ministravit. Dedit sermones nobis velut panes,
qui nostro dum libantur ore, geminantur. Beda.
Turbis autem esurientibus salvator non nova creat cibaria; sed acceptis
his quae habuerunt discipuli benedicit : quia veniens in carne, non alia quam
praedicta sunt praedicat; sed prophetiae dicta mysteriis gratiae gravida
demonstrat. Respicit in caelum, ut illuc dirigendam mentis aciem, ibi lucem
scientiae doceat esse quaerendam. Frangit, et ante turbas ponenda distribuit
discipulis : quia legis et prophetiae sacramenta eis, ut per mundum
praedicent, patefecit. Ambrosius.
Non otiose autem quae turbae supersunt, a discipulis colliguntur : quia ea
quae divina sunt, apud electos facilius possis quam apud populos reperire.
Beatus ille qui potest colligere quae etiam doctis supersunt. Qua ratione
autem cophinos Christus duodecim implevit, nisi ut illud populi Iudaici
solveret, quia manus eius in cophino servierunt? Hic est populus, qui ante
lutum in cophinis colligebat, sed iam per crucem Christi vitae caelestis
operatur alimoniam. Nec paucorum hoc munus, sed omnium est : nam per duodecim
cophinos, tamquam tribuum singularum, fidei firmamentum redundat. Beda.
Vel per cophinos duodecim apostoli figurantur, et omnes sequentes doctores;
foris quidem hominibus despecti, sed intus salutaris cibi reliquiis cumulati. |
Versets 10-17
— S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 45.) Saint Matthieu et saint Marc, à l’occasion de ce qui précède, rapportent comment Jean-Baptiste fut mis à mort par Hérode. Saint Luc, au contraire, qui avait déjà raconté la mort du Précurseur, après avoir parlé des incertitudes d’Hérode au sujet de la personne du Sauveur, ajoute aussitôt : « Et les Apôtres étant de retour, racontèrent à Jésus tout ce qu’ils avaient fait. » — S. Bède : Ils lui rapportent non seulement les miracles qu’ils ont faits, et quel a été leur enseignement, mais ils lui apprennent aussi tout ce que Jean-Baptiste a eu à souffrir pendant qu’ils prêchaient l’Évangile, et ce sont ses propres disciples, ou ceux de Jean-Baptiste, qui lui apprennent cette nouvelle, comme semble l’indiquer saint Matthieu. — S. Isidore : (livre 1, lettre 133.) Le Seigneur a en abomination les hommes de sang, et ceux qui entretiennent des relations avec eux, quand ils persévèrent dans leurs crimes; aussi dès qu’il eut appris la mort de Jean-Baptiste, il s’éloigne des meurtriers, et se retire dans un lieu désert : « Et les prenant avec lui, il se retira à l’écart dans un lieu désert, non loin de la ville de Bethsaïde. » — S. Bède : Bethsaïde est une ville de Galilée, située sur les bords du lac de Génésareth, et d’où les apôtres André, Pierre et Philippe étaient originaires. Si le Sauveur s’éloigne ainsi, ce n’est point par crainte de la mort, comme le pensent quelques-uns, mais pour épargner à ses ennemis, dans un sentiment de miséricorde, un nouvel homicide, et aussi pour attendre le temps marqué pour sa passion. — S. Jean Chrysostome : (hom. 50 sur Matth.) Jésus ne s’éloigne que lorsqu’il a appris ce qui venait d’arriver, profitant ainsi de toutes les circonstances pour manifester la vérité de sa chair. — Théophylacte : Notre Seigneur se retire dans un lieu désert pour y opérer le miracle de la multiplication des pains, afin que personne ne pût dire que ces pains avaient été apportés d’une ville voisine. — S. Jean Chrysostome : (hom. 50 sur Matth.) Ou bien, il se retire dans un lieu désert, pour que personne ne puisse le suivre; mais le peuple ne consent point pour cela à se séparer de lui, et s’attache à ses pas : « Le peuple l’ayant appris, il le suivit, ». — S. Cyrille : Ils le suivaient, pour lui demander les uns d’être délivrés des démons qui les possédaient, les autres d’être guéris de leurs maladies, d’autres enfin ne se lassaient point de rester avec lui, retenus par le charme de sa doctrine. — S. Bède : De son côté Jésus, Sauveur aussi puissant que bon, accueille ceux qui sont fatigués, instruit les ignorants, guérit les malades, nourrit ceux qui ont faim, et montre ainsi combien ce pieux empressement des fidèles lui est agréable : « Et il les accueillit avec bonté, et il leur parlait du royaume de Dieu, et il rendit la santé à ceux qui en avaient besoin.» — Théophylacte : Il veut nous apprendre que la sagesse dont nous devons faire profession, consiste dans les paroles et dans les oeuvres, et nous fait un devoir d’enseigner le bien que nous faisons, et de mettre en pratique ce que nous enseignons. Comme le jour était sur son déclin, les disciples commencent à s’inquiéter pour cette nombreuse multitude, dont ils ont compassion. « Or, le jour commençant à baisser, les douze vinrent lui dire : Renvoyez la foule afin qu’ils s’en aillent loger dans les bourgs et les hameaux des environs, et y trouvent de la nourriture ; car nous sommes ici dans un lieu désert. » — S. Cyrille : Cette multitude, comme nous l’avons dit, venait implorer la guérison de ses diverses souffrances, et les disciples qui savaient qu’il suffisait au Sauveur d’un simple signe pour que soit réalisé ce que les malades demandaient, lui disent : « Renvoyez-les, et qu’ils soient délivrés de leurs souffrances. » Considérez ici l’immense bonté de celui à qui s’adresse cette prière; non seulement il accorde ce que lui demandent ses disciples, mais il répand avec profusion, sur ce peuple qui le suit, les dons de sa main libérale, en leur commandant de lui donner à manger : « Et il leur répondit : Donnez-leur vous mêmes à manger. » — Théophylacte : En parlant de la sorte, il n’ignorait pas ce qu’ils allaient lui répondre, mais il voulait les amener à dire combien ils avaient de pains, pour faire ressortir par cette déclaration la grandeur du miracle qu’il allait opérer. — S.
Cyrille : Mais il était impossible aux disciples
d’exécuter cet ordre, puisqu’ils n’avaient avec eux que cinq pains et deux
poissons : « Ils lui répartirent :
Nous n’avons que cinq pains et deux poissons, à moins que nous n’allions
acheter de quoi nourrir tout ce peuple. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 46.) Saint Luc réunit ici, sous une même phrase, la réponse de Philippe : « Quand on aurait pour deux cents deniers de pain, cela ne suffirait pas pour en donner à chacun un morceau, » et celle d’André : « Il y a ici un jeune homme qui a cinq pains d’orge et deux poissons, » comme le rapporte saint Jean (Jn 6). En effet, ce que dit saint Luc : « Nous n’avons que cinq pains et deux poissons, » se rapporte à la réponse d’André, et ce qu’il ajoute : « à moins que nous n’allions acheter de quoi nourrir tout ce peuple, » renferme la réponse de Philippe, si ce n’est qu’il ne parle pas des deux cents derniers, quoiqu’on puisse dire qu’il y est fait allusion dans la réponse d’André; car, après avoir dit : « Il y a ici un jeune homme qui a cinq pains et deux poissons, » il ajoute « Mais qu’est-ce que cela, pour tant de monde ? » ce qui revient à dire : « A moins que nous n’allions acheter de quoi nourrir tout ce peuple. » De cette diversité dans le récit, et de cette concordance dans les faits comme dans les maximes, ressort pour nous cette importante leçon, que nous ne devons chercher dans les paroles, que la volonté de ceux qui parlent, et que les narrateurs, amis de la vérité, doivent s’attacher surtout à la mettre en évidence dans leurs récits, qu’il y soit question de l’homme, des anges ou de Dieu. — S. Cyrille : La grande multitude de peuple, dont l’Évangéliste fait connaître le grand nombre, ajoute encore aux difficultés du miracle : « Or, ils étaient environ cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants », comme le remarque un autre Évangéliste. (Mt 14.) — Théophylacte : Notre Seigneur nous enseigne ici, lorsque nous donnons à quelqu’un l’hospitalité, à le faire asseoir, et à lui prodiguer tous les soins qui dépendent de nous : « Jésus dit à ses disciples : Faites les asseoir par groupes de cinquante. » Ainsi firent-ils, et ils les firent tous asseoir. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 46.) Saint Luc dit qu’on les fit asseoir par groupes de cinquante; saint Marc par groupes de cinquante et de cent, mais cette différence ne peut faire difficulté; car l’un des Évangélistes n’exprime qu’une des parties dont les groupes étaient composés, et l’autre la totalité. Si l’un des deux Évangélistes ne parlait que de groupes de cinquante, et l’autre de groupes de cent personnes, la contradiction paraîtrait évidente, et il serait difficile d’admettre que les deux choses soient vraies, mais racontées chacune par un seul des deux Évangélistes; et cependant en y réfléchissant plus attentivement, qui ne reconnaîtra la vraisemblance de cette explication ? J’ai fait cette observation, parce qu’il se présente souvent des faits de ce genre qui, pour les esprits superficiels ou prévenus, paraissent contradictoires et ne le sont point. — S. Jean Chrysostome : (hom. 50 sur Matth.) Ce devait être un article de la foi chrétienne, que Jésus-Christ était sorti du Père, il lève donc les yeux vers le ciel avant de faire ce miracle : « Alors Jésus, prenant les cinq pains et les deux poissons, et levant les yeux vers le ciel, » etc... — S. Cyrille : Il le fait encore pour notre instruction, et pour nous apprendre qu’en commençant le repas, et avant de rompre le pain, nous devons l’offrir à Dieu, et attirer sur lui la bénédiction céleste : « Et levant les yeux au ciel, il les bénit et les rompit ; et il les donna aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 50.) Il distribue ce pain au peuple
par les mains de ses disciples, par honneur pour eux, et pour qu’ils n’oublient
point le souvenir de ce miracle. Or, ce n’est point du néant qu’il tire les
pains et les poissons dont il nourrit ce peuple, afin de fermer la bouche aux
manichéens, qui affirment que tout ce qui est créé lui est étranger, et de
montrer que c’est lui qui donne la nourriture à tous les êtres créés, et qui
a dit : « Que la terre produise
les plantes » (Gn 1.) Il
multiplie aussi les poissons, pour signifier qu’il est le Seigneur de la mer,
comme de la terre. Il a opéré, en faveur des malades qu’il a guéris, un
miracle particulier, il étend maintenant les effets de sa bonté à toute la
multitude, en nourrissant ceux mêmes qui n’ont aucune infirmité : « Tous mangèrent et furent
rassasiés. » — S. Grégoire de Nysse : (grand disc. catéch., chap. 23.) Ce n’était point le ciel qui distillait la manne, ni la terre qui produisait le blé selon sa nature, pour subvenir aux besoins de ce peuple; cette abondante largesse sortait des trésors ineffables de la puissance divine. Le pain se multiplie dans les mains de ceux qui le distribuent et il augmente en proportion de la faim de ceux qui mangent. Ce n’est pas non plus de la mer que sortent les poissons dont ils se nourrissent, mais de la main de celui qui, [en créant les diverses espèces de poissons], leur a donné la mer pour séjour. — S. Ambroise : Ce fut donc grâce à une abondante multiplication des pains que ce peuple fut rassasié. On eût pu voir les morceaux sortir comme d’une source mystérieuse, et se multiplier, sans être divisés entre les mains de ceux qui les distribuaient, et les fragments intacts venir se glisser d’eux-mêmes sous les doigts de ceux qui les rompaient. — S. Cyrille : Là ne s’arrête point le miracle, l’Évangéliste ajoute : « Et des morceaux qui restèrent, on emporta douze corbeilles pleines. » C’était une preuve manifeste que les oeuvres de charité envers le prochain obtiennent de Dieu une récompense surabondante. — Théophylacte : C’était encore pour nous apprendre la merveilleuse puissance de l’hospitalité, et combien nous augmentons nos propres richesses, en les distribuant largement aux indigents. — S. Jean Chrysostome : Ce ne sont pas des pains entiers qui restent, mais des morceaux, pour prouver que c’étaient bien les restes des pains qui avaient été distribués, et il en reste douze corbeilles, c’est-à-dire autant qu’il y avait de disciples. — S. Ambroise : Dans le sens mystique, c’est après que cette femme, qui était la figure de l’Église, a été guérie d’une perte de sang; après que les Apôtres ont reçu la mission d’annoncer le royaume de Dieu, que le Sauveur distribue l’aliment de la grâce céleste. Mais remarquez ceux qui sont jugés dignes de le recevoir, ce ne sont point des gens oisifs, ni ceux qui restent dans les villes, qui siégent dans la synagogue, ou se reposent avec complaisance dans les dignités séculières, mais ceux qui cherchent Jésus-Christ dans le désert. — S. Bède : Le Sauveur quitte la Judée, qui, en refusant de croire en lui, s’était ôté l’honneur d’être le siége des prophéties, et il distribue dans le désert l’aliment de la parole divine à l’Église qui n’avait point d’époux. Et lorsqu’il se retire dans le désert des nations, une multitude innombrable de fidèles sortent des murs de leur vie ancienne et de leurs diverses croyances pour s’attacher à ses pas. — S. Ambroise : Or, Jésus-Christ accueille [avec bonté] ceux qui ne se lassent point de le suivre, le Verbe de Dieu s’entretient avec eux, non des choses du temps, mais du royaume de Dieu, et si quelques-uns souffrent quelque douleur corporelle, il applique volontiers sur leurs blessures un remède salutaire. En toute circonstance d’ailleurs, il garde un ordre mystérieux, c’est-à-dire qu’il guérit d’abord les blessures intérieures par la rémission des péchés, et prodigue ensuite avec abondance la nourriture de la table céleste. — S. Bède : C’est au déclin du jour qu’il nourrit la multitude, c’est-à-dire lorsque la fin des temps approche, ou bien lorsque le soleil de justice s’est incliné [et a disparu] pour nous (Ml 4, 2). — S. Ambroise : Cependant le Sauveur ne donne pas immédiatement à cette multitude les aliments les plus nourrissants. Les cinq pains sont le premier aliment qu’il leur donne comme le lait [aux enfants]; le second, les sept pains, et le troisième, le corps de Jésus-Christ, qui est la nourriture la plus substantielle. Or, s’il en est qui appréhendent de demander leur nourriture, qu’ils abandonnent toutes choses et se hâtent de venir entendre la parole de Dieu. Celui qui commence à entendre cette divine parole, éprouve bientôt le sentiment de la faim; les Apôtres s’en aperçoivent, et si ceux qui ressentent ce besoin, ne comprennent pas encore ce qu’ils désirent, Jésus-Christ le comprend, il sait qu’ils ne soupirent point après les aliments de ce monde, mais après la nourriture [céleste] qui est Jésus-Christ. Les Apôtres n’avaient pas encore compris que la nourriture du peuple fidèle ne s’achète pas [comme un aliment ordinaire], mais Jésus-Christ savait que c’est nous-mêmes qui avions besoin d’être rachetés, tandis que la nourriture qu’il nous destinait devait nous être donnée gratuitement. — S. Bède : Les Apôtres n’avaient encore que les cinq pains de la loi mosaïque, et les deux poissons des deux Testaments, qui étaient cachés dans les profondeurs obscures des mystères comme dans les eaux de l’abîme. L’homme a reçu cinq sens extérieurs; les cinq mille hommes qui marchent à la suite du Seigneur figurent donc ceux qui, vivant au milieu du monde, font un bon usage des biens extérieurs qu’ils possèdent. Ils se nourrissent des cinq pains, parce qu’ils ont encore besoin d’être dirigés par les préceptes de la loi. Car pour ceux qui renoncent pleinement au monde, la nourriture de l’Évangile les fait parvenir à une perfection sublime. Les divers groupes qui se nourrissent de ces pains figurent les assemblées particulières de l’Eglise par toute la terre, et qui toutes ne font qu’une Église catholique. — S. Ambroise : Dans le sens spirituel, ce pain qui est rompu par Jésus, est la parole de Dieu, et tout discours qui a Jésus-Christ pour objet, et ils se multiplient quand on les distribue, car c’est au moyen d’un petit nombre de discours qu’il a donné à tous les peuples une abondante nourriture ; il nous a donné ses divins enseignements, comme autant de pains qui se multiplient en devenant notre nourriture. — S. Bède : Or, le Sauveur ne crée pas de nouveaux aliments pour rassasier la faim de cette multitude, mais il prend ceux qu’avaient les Apôtres, et il les bénit, parce qu’en effet, dans le cours de sa vie mortelle, il n’annonce point d’autres vérités que celles qui ont été prédites [par les prophètes], et il nous fait voir les oracles prophétiques pleins des mystères de la grâce. Il lève les yeux au ciel, pour nous apprendre à diriger vers le ciel toute la force de notre esprit, et à y chercher la lumière de la science. Il rompt les pains et les donne à ses disciples pour les distribuer au peuple, parce que c’est aux Apôtres qu’il a dévoilé les mystères de la loi et des prophètes, en les chargeant de les annoncer par toute la terre. — S. Ambroise : Ce n’est pas sans dessein que les restes de ces pains sont recueillis par les disciples, parce que les choses divines se trouvent plus facilement auprès des élus que parmi le peuple. Heureux celui qui peut recueillir le superflu des âmes versées dans la science divine. Mais pourquoi Jésus-Christ a-t-il voulu qu’on remplît douze corbeilles des morceaux qui restèrent, si ce n’est pour délivrer le peuple juif de cette servitude que le Roi-prophète rappelait en ces termes : « Leurs mains servaient à porter sans cesse des corbeilles ? » (Ps 80.) C’est-à-dire que ce peuple qui était condamné à porter de la terre dans des corbeilles (Ex 1 et 6), travaille maintenant par les mérites de la croix de Jésus-Christ, à gagner le pain de la vie céleste. Et cette grâce n’est pas le privilège d’un petit nombre, elle est accordée à tous les hommes; ces douze corbeilles, en effet, figurent la multiplication et l’affermissement de la foi dans chaque tribu. — S. Bède : Ou bien encore, les douze paniers figurent les douze Apôtres et tous les docteurs qui sont venus à leur suite; au dehors, les hommes n’avaient pour eux que du mépris, mais au dedans, ils étaient remplis des précieux restes de la nourriture du salut. |
Lectio 4 [85833] Catena in Lc., cap. 9 l. 4 Cyrillus.
Sequestratus a populis dominus et seorsum positus vacabat orationibus;
unde dicitur et factum est cum solus esset orans, erant cum illo et
discipuli. Formam enim in hoc seipsum constituebat, docens discipulos artem
facilem doctrinalium dogmatum : reor enim oportere populorum antistites etiam
meritis praeesse subditis suis, in rebus necessariis iugiter conversantes, et
illa tractantes quibus Deus placatur. Beda.
Aderant autem discipuli domino; sed ipse patrem solus oravit : quia
possunt sancti domino fidei amorisque societate coniungi. Ubique solus
obsecrat, quia Dei consilium humana vota non capiunt, nec quisquam potest
interiorum particeps esse cum Christo. Cyrillus.
Poterat autem orationis negotium turbare discipulos : videbant enim
humanitus orare quem olim viderant auctoritate divina peragentem miracula. Ut
igitur huiusmodi propelleret turbationem, eos interrogat, non quia nesciret
ab exterioribus sibi collata praeconia, sed ut eos a plurium opinione
auferret, et rectam fidem eis insereret; unde sequitur et interrogavit illos
dicens : quem me dicunt esse turbae? Beda.
Pulchre dominus fidem discipulorum exploraturus, prius turbarum sententiam
interrogat, ne illorum confessio, non veritatis agnitione probata, sed vulgi
videatur opinione formata; nec comperta credere, sed instar Herodis de
auditis haesitare putentur. Augustinus
de Cons. Evang. Potest autem illud movere quod Lucas dominum interrogasse
discipulos suos, quem illum dicerent homines, tunc dixit cum esset solus
orans, et adessent etiam ipsi : porro autem Marcus in via dicit illos hoc ab
eodem interrogatos. Sed hoc eum movet, quia
nunquam oravit in via. Ambrosius. Non est autem otiosa turbae opinio quam discipuli
respondent, cum subditur at illi responderunt, et dixerunt : alii Ioannem Baptistam,
quem decollatum sciebant; alii autem Eliam, quem venturum putabant; alii
autem, quia propheta unus de prioribus surrexit. Sed
hoc quaerere alterius prudentiae est : nam si Paulo apostolo satis est nihil
scire nisi Christum Iesum, et hunc crucifixum, quid amplius mihi desiderandum
est scire quam Christum? Cyrillus.
Vide autem in interrogationibus elegantiam. Dirigit enim prius eos ad
extrinsecas laudes, ut eis evulsis veram opinionem generet. Unde cum
dixissent discipuli plebis opinionem, eorum sententiam interrogat, cum
subditur dicit autem illis : vos autem quem me esse dicitis? O quam
praecipuum illud vos. Excipit eos ab aliis, ut eorum vitent opiniones; quasi
dicat : vos, qui censura mea vocati estis ad apostolatum, testes miraculorum
meorum, quem me esse dicitis? Praevenit autem Petrus ceteros, fitque os
totius collegii, eructatque divini amoris eloquia, profertque fidei
confessionem, cum dicitur respondens autem Petrus dixit : Christum Dei. Non
ait simpliciter eum esse Christum Dei, sed magis cum articulo Christum illum
Dei : unde in Graeco habetur ton christon. Nam plures divinitus uncti,
diversimode vocati sunt Christi. Quidam enim uncti fuerunt in reges, quidam
in prophetas; nos autem per Christum sancto peruncti spiritu, nomen
obtinuimus Christi; sed unus solus est qui est Christus Dei et patris, quasi
ipso solo proprium habente patrem, qui in caelis est : et sic Lucas concordat
quidem in sententiis cum Matthaeo, qui narravit Petrum dixisse : tu es
Christus filius Dei vivi; sed utens breviloquio, ait eum dixisse Christum Dei.
Ambrosius.
In uno enim hoc nomine et divinitatis et incarnationis expressio, et fides
est passionis. Complexus est itaque omnia qui et naturam et nomen expressit,
in quo summa virtutum est. Cyrillus.
Sed notandum, quod unum confessus est esse Christum prudentissimus Petrus
contra praesumentes Emmanuelem in duos christos dividere. Neque enim
sciscitatus est eos, dicens quem dicunt homines esse divinum verbum, sed
filium hominis? Quem Petrus confessus est esse filium Dei. In hoc ergo
admirandus est, et dignus factus tam praecipuis honoribus, quia quem
admiratus est in forma nostra, hunc credidit esse Christum patris, scilicet
hominem factum verbum, quod processit de patris substantia. Ambrosius.
Dominus autem Iesus Christus praedicari se primo noluit, ne ullus
strepitus nasceretur; unde sequitur at ille increpans eos, praecepit ne cui
dicerent. Multis ex causis iubet tacere discipulos : ut fallat principem
mundi, ut declinet iactantiam, doceat humilitatem. Ergo Christus noluit
gloriari; et tu, qui ignobilis natus es, gloriaris? Simul ne rudes et
imperfecti adhuc discipuli maximae praedicationis molibus opprimantur. Prohibentur ergo evangelizare eum Dei filium, ut evangelizarent postea
crucifixum. Chrysostomus
in Matthaeum. Opportune etiam dominus tunc vetuit nulli dicere quod ipse
esset Christus, quatenus sublatis de medio scandalis, et crucis consummato
patibulo, habitualiter imprimeretur audientium menti conveniens de eo opinio;
nam radicatum semel, et postmodum evulsum, vix unquam denuo insitum
retinebitur; quod autem semel insitum perseverat immobile, de facili
concrescit. Nam si Petrus ex solo auditu scandalizatus est, quid quamplures
paterentur, cum audissent filium Dei esse, viderent autem crucifixum et
consputum? Cyrillus.
Oportebat ergo discipulos eum ubique terrarum praedicare (hoc enim erat
opus electorum ab eo ad apostolatus officium) : sed, ut sacra Scriptura
testatur, tempus est unicuique rei. Decebat enim ut crux et resurrectio
impleretur, et sic sequeretur apostolorum praedicatio; unde sequitur dicens,
quia oportet filium hominis multa pati, et reprobari a senioribus, et
principibus sacerdotum et Scribis, et occidi, et tertia die resurgere. Ambrosius.
Fortasse, quia sciebat dominus difficile passionis et resurrectionis
mysterium etiam discipulos credituros, ipse voluit esse suae passionis et
resurrectionis assertor. |
Versets 18-22.
— S. Cyrille : Le Seigneur se sépare de la foule, et cherche la solitude pour se livrer à la prière : « Un jour qu’il priait seul dans un lieu solitaire, ayant ses disciples avec lui, » Il se donnait ainsi comme exemple à ses disciples, et leur apprenait à se rendre facile la pratique de sa doctrine. C’est ainsi que les pasteurs des peuples doivent leur être supérieurs par l’éminence de leurs vertus, et leur donner l’exemple d’une application constante aux devoirs de leur ministère et aux oeuvres qui sont agréables à Dieu. — S. Bède : Les disciples se trouvaient avec le Sauveur, mais nous le voyons seul prier son Père, parce que les saints peuvent bien être unis au Seigneur par les liens de la foi et de la charité, [mais le Fils seul peut pénétrer les incompréhensibles secrets des conseils de Dieu]. Il prie donc seul en toutes circonstances, parce que les prières de l’homme ne peuvent comprendre les desseins de Dieu, et que nul ne peut entrer en participation des sentiments les plus intimes de Jésus-Christ. — S. Cyrille : Cependant cette application à la prière pouvait étonner les disciples, qui voyaient prier, comme un faible mortel, celui qu’ils avaient vu faire des miracles avec une autorité toute divine. C’est donc pour dissiper leurs inquiétudes qu’il les interroge, il n’ignorait pas sans doute les témoignages éclatants que le peuple lui rendait, mais il voulait dégager ses disciples des fausses idées qu’un grand nombre s’était faites à son sujet, et leur inspirer les sentiments d’une foi éclairée : « Il les interrogea, disant : Qui suis-je, au dire des gens ? » — S. Bède : C’est dans un dessein plein de sagesse que le Sauveur avant d’éprouver la foi de ses disciples, leur demande ce que la foule pense de lui, car il veut que leur profession de foi ait pour fondement, non l’opinion de la multitude, mais la connaissance de la vérité, et qu’ils croient après avoir examiné, au lieu d’être comme Hérode, dans l’incertitude sur ce qu’ils auraient entendu dire. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 53.) On peut s’émouvoir de ce que saint Luc a pu dire que le Seigneur interrogea ses disciples sur ce que les hommes pensaient de lui, lorsqu’il était seul à prier, et qu’ils le suivaient, tandis que, d’après saint Marc, il les interrogea en chemin; mais cela ne peut faire difficulté que pour celui qui pense que le Sauveur n’a jamais prié chemin faisant. — S. Ambroise : L’opinion de la foule que les disciples rapportent n’est pas indifférente « Ils lui répondirent : Les uns disent Jean-Baptiste (qu’ils savaient avoir été décapité), les autres Élie (qu’ils croyaient devoir venir), d’autres, un des anciens prophètes qui serait ressuscité. » Mais je laisse à de plus habiles d’approfondir ces paroles, car si l’apôtre saint Paul se glorifiait de ne savoir que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié (1 Co 2), que puis-je moi-même désirer que cette divine science de Jésus ? — S. Cyrille : Mais voyez quelle sagesse dans cette question; le Sauveur reporta d’abord leurs pensées sur les témoignages extérieurs [que le peuple lui rendait], pour en détruire l’impression dans leur esprit, et leur donner une juste idée de sa personne divine. Voilà pourquoi il demande à ses disciples qui lui rapportent l’opinion du peuple, quel est leur propre sentiment : « Et vous, leur demanda-t-il, que dites-vous que je suis ? » Quelle glorieuse distinction dans ce mot : « Et vous » ! Il les sépare de la foule pour leur en faire éviter les préjugés, comme s’il leur disait : Vous, que j’ai appelés à l’apostolat par un choix tout particulier, vous, les témoins de mes miracles, que dites-vous que je suis ? Pierre prévient tous les autres, il devient la voix de tout le collège apostolique, il révèle les sentiments d’amour dont son coeur déborde, et proclame sa confession de foi : « Simon Pierre répondit : ‘Le Christ de Dieu’. » Il ne dit pas simplement : « Christ de Dieu, » mais avec l’article, « le Christ de Dieu, » par excellence, c’est pourquoi nous lisons dans le grec, τον Xριστον; il en est un grand nombre, en effet, qui, ayant reçu l’onction de Dieu, ont été appelés Christs sous divers rapports, les uns ayant reçu l’onction royale, les autres l’onction prophétique (cf. 2 M 1, 10; 1 Paralip., 16, 2, etc.). Nous-mêmes, en vertu de l’onction du Saint-Esprit qui nous a été donnée par Jésus-Christ, nous avons reçu le nom de Christs, mais il n’y en a vraiment qu’un seul qui soit le Christ de Dieu et du Père, parce qu’il est le seul qui, dans un sens véritable, ait pour Père celui qui est dans les cieux. Ainsi expliquées, les paroles que saint Luc met dans la bouche du prince des Apôtres, s’accordent avec celles que lui prête saint Matthieu : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant. » Saint Luc n’a fait qu’abréger ces paroles, en lui faisant dire : « Le Christ de Dieu. » — S. Ambroise : Dans ce seul nom, en effet, se trouvent exprimées la divinité du Sauveur, son incarnation et la foi en sa passion. Pierre a donc tout embrassé dans cette seule expression, la nature aussi bien que le nom qui est comme l’abrégé de ses perfections. — S. Cyrille : Remarquez l’extrême prudence de Pierre, qui confesse un seul Christ, condamnant ainsi ceux qui ont la témérité de diviser l’Emmanuel en deux Christs différents; car il ne leur demande pas : Qu’est le Verbe divin au jugement des hommes, mais : « Qui dit-on qui est le Fils de l’homme ? » Et c’est lui que Pierre confesse être le Fils de Dieu. C’est en cela qu’il est vraiment admirable, et qu’il a été jugé digne des plus grands honneurs, parce qu’il a cru et proclamé le Christ du Père, celui qu’il contemplait dans une forme humaine, c’est-à-dire que le Verbe, engendré de la substance du Père, avait daigné se faire homme. — S. Ambroise : Cependant Notre Seigneur Jésus-Christ ne veut pas encore que sa divinité soit proclamée parmi le peuple, pour éviter toute agitation : « Mais leur parlant sévèrement, il leur enjoignit de ne le dire à personne. » Il commande le silence à ses disciples pour plusieurs raisons, pour tromper le prince du monde, pour fuir toute vanité, pour nous enseigner l’humilité. Jésus-Christ n’a donc point voulu de la gloire humaine, et vous qui êtes né dans l’obscurité, vous la recherchez avec empressement ? Il voulait aussi que ses disciples, encore grossiers et imparfaits, ne fussent point opprimés sous le poids d’une prédication trop élevée. Il leur défend donc d’annoncer qu’il est le Fils de Dieu, afin que plus tard ils puissent prêcher publiquement ses souffrances. — S. Jean Chrysostome : (hom. 55 in Matth.) Le Sauveur a défendu à ses disciples de dire à personne qu’il était le Christ, pour une autre raison non moins pleine de sagesse. Il voulait qu’après avoir fait disparaître tout sujet de scandale et consommé le supplice de la croix, tous ceux qui entendraient la prédication évangélique, eussent de lui une idée juste, car les préjugés qu’on déracine et qu’on arrache tout d’abord, peuvent difficilement rentrer et obtenir créance dans le même esprit; mais ceux qu’on laisse se développer en toute liberté sans les arracher, croissent et s’enracinent avec une merveilleuse facilité; car si une simple allusion [aux souffrances de Jésus-Christ] suffit pour scandaliser Pierre, que serait-il arrivé au plus grand nombre, lorsque ayant appris qu’il était le Fils de Dieu, il l’aurait vu crucifié et couvert d’opprobres ? — S. Cyrille : Il fallait donc que les disciples portent son nom jusqu’aux extrémités de la terre, et cette oeuvre était réservée à ceux qu’il avait appelés à l’apostolat; mais, comme l’atteste la Sainte Ecriture, « il y a temps pour toute chose » (Qo 3), et il fallait que la passion et la résurrection soient accomplies, avant que les Apôtres prêchent l’Évangile : « Il faut, disait-il, que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, par les grands prêtres et par les scribes, qu’il soit mis à mort et qu’il ressuscite le troisième jour. » — S. Ambroise : Peut-être aussi, Notre Seigneur, qui savait toute la peine que même ses disciples auraient à croire le mystère de sa passion et sa résurrection, voulut en être le premier prédicateur. |
Lectio 5 [85834] Catena in Lc., cap. 9 l. 5 Cyrillus. Ducum magnanimi strenuos in armis ad audaciam provocant, non
solum eis honores pollicendo victoriae, sed etiam ipsum pati generosum esse
fatentes. Tale quid videmus docere dominum Iesum Christum. Praedixerat enim
apostolis quod oporteret eum perpeti Iudaeorum calumnias, occidi, et tertia
die resurgere. Ne igitur putarent Christum quidem passurum persecutiones pro
vita mundi, eis vero licere laetam vitam ducere; ostendit quod necessario per
aequa certamina gradi decet cupientes eius gloriam obtinere; unde dicitur
dicebat autem ad omnes. Beda. Pulchre posuit ad omnes : quia superiora, quae ad fidem
dominicae nativitatis vel passionis pertinent, cum solis discipulis seorsum
egit. Chrysostomus in Matthaeum. Cum autem salvator sit pius et benignus,
nullum invitum aut coactum habere vult famulum, sed spontaneos, et gratias
agentes ei pro famulatu; et ideo neminem cogendo, aut necessitatem imponendo,
sed persuadendo et benefaciendo, universos volentes attrahit, dicens si quis
vult. Basilius. Vitam autem propriam in formam optimae conversationis
tradidit volentibus ei obedire, cum dicit post me venire; non obsecutionem
corporalem insinuans : esset enim in omnibus impossibilis, domino iam in
caelis existente : sed debitam conversationis pro posse imitationem. Beda. Nisi autem quis a semetipso deficiat, ad eum qui supra ipsum
est non appropinquat; unde dicitur abneget semetipsum. Basilius. Abnegatio quidem sui ipsius est totalis praeteritorum
oblivio, et recessus a propriis voluntatibus. Origenes. Abnegat etiam aliquis seipsum, dum vitam prius in malitia
consuetam alteratione debita commutat : puta qui dudum in lascivia vixerat,
abnegat semetipsum lascivum, cum fit castus; et similiter abstinentia
cuiuslibet criminis, suipsius abnegatio est. Basilius. Appetitus autem mortis tolerandae pro Christo, et
mortificatio membrorum, quae sunt super terram, et viriliter disponi ad omne
periculum sustinendum pro Christo, et non affici quemquam ad vitam
praesentem, hoc est tollere crucem suam; unde subditur et tollat crucem suam
quotidie. Theophylactus.
Crucem hic dicit mortem exprobrabilem, innuens quod si quis vult Christum
sequi, non debet effugere propter ipsum etiam exprobrabilem mortem. Gregorius
in Evang. Duobus etiam modis crux tollitur : dum aut per abstinentiam
affligitur corpus, aut per compassionem afficitur animus. Graecus.
Recte autem coniungit haec duo : abneget semetipsum, et tollat crucem
suam. Sicut enim qui paratus est ascendere crucem, sumit in mente sua mortis
intentionem, sicque vadit ut non aestimans amplius hanc vitam participare;
ita qui sequi vult dominum, primo debet abnegare seipsum, et sic tollere
crucem, ut eius voluntas sit prompta ad omnem miseriam sustinendam. Basilius.
In hoc igitur consistit perfectio, ut impassibiliter se habeat secundum
affectum etiam ad ipsum vivere, et habeat in promptu mortis responsum, ut
nequaquam in seipso confidat. Sumit
autem exordium perfectio ab exteriorum alienatione, puta possessionum, vel
inanis gloriae, vel praecise affectionis inutilium rerum. Beda.
Praedictam igitur crucem et quotidie tollere, et ea sumpta dominum sequi
iubemur, qui crucem propriam baiulavit; unde sequitur et sequatur me. Origenes.
Huius autem causam assignat subdens qui enim voluerit animam suam salvam
facere, perdet illam; idest, qui vult secundum vitam praesentem vivere, et
propriam animam in sensibilibus conservare, hic eam perdet, non ducens eam ad
terminos beatitudinis. E contrario autem subdit nam qui perdiderit animam
suam propter me, salvam faciet illam; idest, qui negligit sensibilia intuitu
veritatis, exponens se morti, hic tamquam animam perdens pro Christo, eam
potius salvabit. Itaque si animam salvari beatum est, relatum ad eam quae est
in Deo salutem, debet esse et quaedam bona perditio animae quae fit intuitu Christi.
Videtur etiam mihi persimile ei quod est abnegare seipsum, secundum
praedicta, decere perdere quemlibet propriam animam peccatricem, ut sumat eam
quae per virtutem salvatur. Cyrillus.
Quod autem incomparabiliter exercitium pacis Christi superet delicias et
pretiosa mundi, insinuat subdens quid proficit homini si lucretur universum
mundum, seipsum autem perdat, et detrimentum sui faciat? Quasi dicat : cum
aliquis aspiciens praesentem dulcedinem aut utilitatem, renuit quidem pati,
eligit autem splendide vivere, si sit opulentus, quod inde sibi commodum erit
cum perdiderit animam? Transit enim huius mundi figura, et amoena velut umbra
discedunt : non enim proderunt thesauri impietatis; eripit autem a morte
iustitia. Gregorius
in Evang. Quia ergo sancta Ecclesia habet aliud tempus persecutionis atque
aliud pacis, dominus utraque tempora designavit in praeceptis; nam
persecutionis tempore ponenda est anima; quod significavit dicens qui
perdiderit animam; pacis autem tempore ea quae amplius dominari possunt,
frangenda sunt desideria terrena; quod significavit dicens quid proficit
homini? Plerumque autem labentia cuncta despicimus; sed tamen adhuc humanae
verecundiae usu praepedimur, ut rectitudinem quam servamus in mente, nondum
exprimere valeamus in voce. Sed huic quidem vulneri congruum dominus
subiungit medicamentum, dicens nam qui me erubuerit et meos sermones, hunc
filius hominis erubescet. Theophylactus.
Erubescit Christum qui dicit : numquid credam crucifixo? Sed et sermones
eius erubescit qui Evangelii ruditatem contemnit. Quod autem hunc dominus
erubescet in regno suo, tale est sicut si aliquis paterfamilias habens servum
pravum, erubescat eum nominare. Cyrillus.
Incutit autem eis timorem, dicens se caelitus descensurum, non in pristina
humilitate, et mensura proportionabili nobis, sed in gloria patris,
ministrantibus Angelis; sequitur enim cum venerit in maiestate sua et patris
et sanctorum Angelorum. Pessimum igitur et damnosum notari inimicitia et
operis inertia, quando tantus iudex descenderit, agminibus circumstantibus
Angelorum. Hinc autem percipias quod, carne sumpta et sanguine, filius non
minus est Deus, quod se pollicetur in maiestate Dei patris venturum, et quod
ei tamquam iudici omnium ministrabunt Angeli qui factus est homo similis
nobis. Ambrosius.
Semper autem dominus sicut erigit ad praemia futura virtutum, atque utilem
saecularium rerum docet esse contemptum, ita etiam infirmitatem mentis
humanae praesentium remuneratione sustentat. Arduum quippe est crucem
tollere, et animam periculis, morti corpus offerre; negare quod sis, cum
velis esse quod non sis; raroque quamvis excelsa virtus futuris commutat
praesentia. Ergo bonus magister, ne quis desperatione frangatur aut taedio,
continuo se videndum fidelibus pollicetur, dicens dico autem vobis : vere
sunt aliqui hic stantes qui non gustabunt mortem, donec videant regnum Dei.
Theophylactus. Idest gloriam in qua iusti erunt. Hoc
autem dixit de transfiguratione quae forma erat futurae gloriae; ac si
diceret : sunt aliqui hic stantes, scilicet Petrus, Iacobus et Ioannes, qui
non attingent mortem, donec in tempore transfigurationis videant in qua
gloria erunt qui me confitentur. Gregorius.
Vel regnum Dei hoc loco praesens Ecclesia vocatur : et quidam ex
discipulis usque adeo in corpore victuri erant ut Ecclesiam Dei constructam
conspicerent, et contra mundi huius gloriam erectam. Ambrosius.
Itaque si nos volumus mortem non timere, stemus ubi Christus est : soli
enim non quaerunt gustare mortem qui stare possunt cum Christo : in quo licet
ex verbi ipsius qualitate perpendere, nec tenuem quidem sensum mortis
habituros qui Christi videntur meruisse consortia. Certe mors corporis libando gustetur, vita animae possidendo teneatur
: non enim hic mors corporis, sed animae denegatur. |
Versets 23-28.
— S. Cyrille : Les valeureux capitaines, qui veulent inspirer plus de hardiesse à ceux qui parcourent avec eux la carrière des armes, ne se contentent pas de leur promettre les honneurs de la victoire, mais cherchent à leur persuader qu’il y a de la gloire même à supporter les souffrances. Nous voyons Notre Seigneur Jésus-Christ agir de même à l’égard de ses Apôtres. Il leur avait prédit qu’il aurait à souffrir les accusations calomnieuses des Juifs, qu’il serait mis à mort, et qu’il ressusciterait le troisième jour. Mais ils pouvaient croire que ces souffrances devaient être le partage exclusif de Jésus-Christ, sauveur du monde, tandis qu’il leur serait permis de mener une vie joyeuse; il leur apprend donc qu’ils ont à livrer les mêmes combats, s’ils désirent partager sa gloire : « Il disait donc à tout le monde. » — S. Bède : Remarquez ces paroles : « Il disait à tous, » parce qu’en effet c’était avec les disciples seuls qu’il avait traité de tout ce qui concernait la foi à sa naissance ou à sa passion. — S. Jean Chrysostome : (hom. 56 sur Matth.) Notre
Seigneur, plein de douceur et de bonté, ne veut point qu’on le serve par
force et à regret, mais volontairement, et en lui rendant grâces d’être à son
service; aussi il ne force, il ne violente personne, mais c’est par la
persuasion et par les bienfaits qu’il attire à lui tous ceux qui désirent le
suivre : « Si quelqu’un
veut. » — S. Basile : (Const. mon., 4.) En disant : « Si quelqu’un veut venir après moi (cf. Jn 12, 21), » il se propose lui-même comme modèle de la vie parfaite à ceux qui veulent suivre ses enseignements, et il les invite, non pas à le suivre corporellement (ce qui serait tout à fait impossible, puisque Notre Seigneur est maintenant dans les cieux), mais à suivre fidèlement les exemples de sa vie, selon la mesure de leurs forces. — S. Bède : Il faut nécessairement se détacher de soi-même, si l’on veut s’approcher de celui qui est au-dessus de nous, suivant ces paroles du Sauveur : « Qu’il se renonce lui-même. » — S. Basile : (règle expliq., quest. 6.) L’abnégation de soi-même, c’est l’oubli de toutes les choses de notre vie passée, et l’abandon de nos propres volontés. — Origène : (traité 2 sur Matth.) On se renonce encore soi-même quand on change les habitudes vicieuses d’une vie mauvaise par une conversion sincère et véritable; par exemple, celui qui a longtemps vécu dans les plaisirs, se renonce soi-même, quand il devient chaste, et ainsi toutes les fois qu’on s’abstient d’un vice quelconque, on se renonce soi-même. — S. Basile : (règle.) Or, désirer mourir pour Jésus-Christ, mortifier les membres de l’homme terrestre (Col 3), être disposé à supporter courageusement toutes les épreuves pour Jésus-Christ, n’avoir aucune affection pour la vie présente, c’est véritablement porter sa croix : « et qu’il porte sa croix tous les jours de sa vie. » — Théophylacte : La croix, dans la pensée du Sauveur, c’est une mort ignominieuse, et il nous fait entendre ici que celui qui veut suivre le Christ, ne doit point reculer devant la perspective d’une mort semblable. — S. Grégoire : (hom. 32 sur l’Evang.) On peut encore porter sa croix de deux manières, ou lorsqu’on mortifie son corps par la pénitence, ou lorsque l’âme s’afflige en compatissant aux souffrances des autres. — S. Grégoire : (ou le moine Isaac, Chronique des Pères grecs) Notre Seigneur réunit à dessein ces deux choses : « Qu’il se renonce lui-même, et qu’il porte sa croix » ; car de même que celui qui est prêt à monter sur la croix, est tout disposé intérieurement à souffrir ce genre de mort, et n’a plus que de l’indifférence pour la vie présente, ainsi celui qui veut suivre le Seigneur, doit d’abord se renoncer lui-même, et ensuite porter sa croix, de sorte que sa volonté soit prête à supporter toute espèce de souffrance. — S. Basile : (explic. des règles, quest. 8.) La perfection consiste donc à tenir son âme dans une complète indifférence pour la vie présente et à être toujours prêt à mourir, en évitant toutefois la confiance en soi-même. Or, cette perfection doit commencer par le renoncement aux choses extérieures, par exemple aux richesses, à la vaine gloire, et par le détachement intérieur de toutes les choses inutiles. — S.
Bède : C’est donc pour nous une obligation de porter
chaque jour cette croix, et de marcher à la suite du Seigneur, qui a voulu
porter lui-même sa croix : « et
qu’il me suive. » — Origène : Il donne la raison de ce commandement, en ajoutant : « Car celui qui voudra sauver son âme, la perdra, » c’est-à-dire celui qui veut jouir de la vie présente et de toutes les satisfactions qu’offrent à son âme les choses sensibles, perdra son âme qu’il néglige de conduire au terme de la béatitude véritable. Il ajoute, au contraire : « Et celui qui perdra son âme à cause de moi, la sauvera, » c’est-à-dire celui qui méprise les biens sensibles, et ne craint point par amour pour la vérité de s’exposer à la mort, sauvera bien plutôt son âme [et sa vie], dont il semble faire le sacrifice à Jésus-Christ. Si donc c’est un véritable bonheur de procurer à son âme le salut [qui vient de Dieu], on peut dire que c’est une perte heureuse, que de perdre son âme pour l’amour de Jésus-Christ. Il me semble qu’on peut encore dire, par analogie avec ce renoncement tel que nous venons de l’expliquer, que chacun doit perdre son âme livrée au péché, pour prendre celle qui doit son salut à la pratique de la vertu. — S.
Cyrille : Le Sauveur veut faire comprendre combien
cette participation aux souffrances [ à la
paix ?] du Christ surpasse de beaucoup les jouissances que
donnent les plaisirs et les biens de ce monde, et il ajoute : « Que sert à l’homme de gagner le
monde entier, s’il vient à se perdre lui-même à son détriment ? »
comme s’il disait : Qu’un homme, par attachement aux douceurs et aux
avantages de la vie présente, refuse de souffrir, et aime mieux vivre, s’il
est riche, au milieu du luxe et de l’opulence, que lui en reviendra-t-il,
lorsqu’il aura perdu son âme ? En effet, « la figure du monde passe (1 Co 7); les plaisirs disparaissent comme l’ombre (Sg 5); les trésors de l’iniquité ne serviront
de rien, mais la justice délivrera de la mort. » (Pv 10.) — S. Grégoire : (hom.
32.) La
sainte Église traverse deux sortes de temps dans la vie présente, les temps
de persécution et les temps de paix, et Notre Seigneur donne ici des
préceptes pour ces deux circonstances [si différentes]. Dans les temps de
persécution, il faut être prêt à sacrifier son âme, [c’est-à-dire sa vie],
selon ces paroles : « Celui qui
perdra sa vie » ; dans les temps de paix, au contraire, il faut
s’appliquer à réprimer les désirs terrestres, qui exercent sur nous une
influence tyrannique, et c’est à quoi Notre Seigneur nous engage par ces
paroles : « Que sert à l’homme ? »
Souvent nous méprisons les choses passagères, mais nous sommes encore retenus
par l’habitude du respect humain, qui nous empêche de professer publiquement
les sentiments de droiture, que nous conservons au dedans de nous-mêmes.
Notre Seigneur nous donne un remède convenable pour cette blessure : « Car si quelqu’un rougit de moi et
de mes paroles, le Fils de l’homme rougira de lui. » — Théophylacte : On rougit de Jésus-Christ, quand on dit : Est-ce que je croirai à un crucifié ? On rougit de ses discours, en méprisant la simplicité de l’Évangile. Or, le Seigneur, dans son royaume, rougira de celui qui rougit de lui, comme un père de famille rougirait de nommer un de ses mauvais serviteurs. — S. Cyrille : Il pénètre ses disciples d’une crainte [salutaire] en leur annonçant qu’il descendra des cieux, non plus dans son premier état d’humiliation, et sous une forme semblable à la nôtre, mais dans la gloire du Père et au milieu des anges : « lorsqu’il viendra dans sa majesté et dans celle du Père et des saints-anges. » Ce sera donc un malheur affreux de paraître avec le signe de l’inimitié, et les mains vides de bonnes oeuvres, lorsque ce grand juge descendra au milieu des célestes cohortes des anges. Apprenez encore de là que pour avoir pris chair et sang [comme nous], le Fils n’en est pas moins Dieu, puisqu’il annonce qu’il viendra dans la majesté de Dieu son Père, environné des anges qui exécuteront les ordres qu’il leur donnera comme juge de tous les hommes, lui qui s’est fait homme semblable à nous. — S.
Ambroise : Toutes les fois que Notre Seigneur excite
ses disciples à la pratique de la vertu, par la perspective des récompenses
éternelles, et qu’il leur enseigne combien il est utile de mépriser les
choses de la terre, il soutient en même temps la faiblesse de l’esprit humain
par l’attrait d’une récompense présente. Il est dur et pénible, en effet, de
porter sa croix, d’exposer son âme aux dangers, et son corps à la mort, de
renoncer à ce que vous êtes, lorsque vous voulez être ce que vous n’êtes pas;
et il est rare que la vertu la plus éminente consente à sacrifier les choses
présentes à l’espérance des biens futurs. Aussi, notre bon Maître, pour
prévenir toute tentation de découragement ou de désespoir, promet qu’il se
révélera immédiatement à ses fidèles serviteurs : « Je vous le dis, en vérité, quelques-uns, de ceux qui sont ici
présents, ne goûteront point la mort, qu’ils n’aient vu le royaume de
Dieu. » — Théophylacte : C’est-à-dire la gloire dont jouissaient les justes; le Sauveur veut parler de la transfiguration qui était 1e symbole de la gloire future, comme s’il disait : Quelques-uns de ceux qui sont ici (c’est-à-dire Pierre, Jacques et Jean) ne mourront point avant d’avoir vu dans ma transfiguration la gloire réservée à ceux qui auront confessé mon nom. — S. Grégoire : (hom. 32.) Ou bien, ce royaume de Dieu; c’est l’Église actuelle, et quelques-uns des disciples devaient vivre assez longtemps sur la terre pour voir l’Église de Dieu établie, et dominant la gloire du monde. — S. Ambroise : Si donc nous voulons n’avoir pas à craindre la mort, tenons-nous toujours auprès de Jésus-Christ; car ceux-là seuls ne goûteront point la mort, qui peuvent se tenir étroitement unis à Jésus-Christ. Or, on peut conclure du sens propre de ces paroles, que ceux qui ont mérité d’être admis dans la société de Jésus-Christ, ne ressentiront pas les atteintes mêmes les plus légères de la mort. Sans doute, ils goûteront, comme en passant, la mort du corps, mais ils posséderont pour toujours la vie de l’âme; car ce n’est point au corps, mais à l’âme, qu’est accordé le privilège de l’immortalité. |
Lectio 6 [85835] Catena in Lc., cap. 9 l. 6 Eusebius. Cum dominus discipulis suis secundae apparitionis suae
promulgaverit ingens mysterium, ne solis verbis credere viderentur, procedit
ad opera, ostendens eis oculata fide imaginem regni sui; unde dicitur factum
est autem post haec verba fere dies octo, et assumpsit Petrum et Iacobum et
Ioannem, et ascendit in montem ut oraret. Damascenus.
Matthaeus quidem et Marcus sexto die post factam promissionem discipulis,
Lucas autem post octavum dicit celebratum fuisse transfigurationem; nec est
dissonantia in dictis; sed qui sex numeraverunt, demptis extremis, primo dico
et ultimo, quo pollicitus est, et quo fecit, medios computaverunt; at qui
octo connumeravit, utrumque praedictorum computavit. Sed cur non omnes, sed
aliqui vocati sunt ad hanc visionem? Unus quidem erat qui solus indignus erat
divinitatis visione, scilicet Iudas, secundum illud : tollatur impius, ne
videat gloriam Dei. Si solus ergo esset omissus, tamquam invidus ad maiorem
esset malitiam provocatus. Proinde proditori tollit proditionis occasionem,
cum dimisit inferius reliquam apostolorum congeriem. Assumpsit autem tres, ut
in duobus vel tribus stet omne verbum. Petrum quidem assumpsit, volens
testimonium quod testatus fuerat, ei ostendere per patris testimonium
confirmari, et quasi praesidem futurum totius Ecclesiae. Sed Iacobum
assumpsit tamquam moriturum pro Christo ante omnes discipulos. Ioannem vero
tamquam theologiae purissimum organum, ut visa gloria filii, quae non
subiacet tempori, resonet illud : in principio erat verbum. Ambrosius.
Vel Petrus ascendit, qui claves regni caelorum accepit; Ioannes, cui committitur
mater; Iacobus qui primus solium sacerdotale conscendit. Theophylactus.
Vel assumit hos tamquam hanc rem celare potentes, et nulli alii revelare.
Ascendit autem in montem ut oraret, docens nos solitarios et ascendentes
orare ad nihil terrenorum declinantes. Damascenus.
Aliter tamen orant servi, aliter orabat dominus : nam servi orantis oratio
est per intellectus ascensum ad Deum; sed sacer intellectus Christi, qui
secundum hypostasim Deo unitus erat, manuducens nos ad ascensum, quo per
orationem ad Deum ascenditur, et docens quod adversarius Dei non est, sed
tamquam principium veneratur genitorem, quin etiam alliciens tyrannum
explorantem si Deus esset, quod miraculorum virtus praedicabat, quasi sub
quadam esca hamum contegeret, ut qui spe deificationis hamaverat hominem,
corporis amictu decenter hamaretur; unde sequitur et facta est, dum oraret,
species vultus eius altera. Cyrillus.
Non tamquam corpore humanam formam mutante, sed quadam splendida gloria
superveniente. Damascenus.
Videns autem Diabolus orationibus refulgentem, recordatus est Moysi, cuius
glorificata est facies. Sed Moyses quidem glorificatur extrinsecus adveniente
gloria, dominus autem ex innato gloriae divinae fulgore : cum enim secundum
hypostasis unionem, una et eadem sit gloria verbi et carnis, transfiguratur,
non quasi accipiens quod non erat, sed quod erat manifestans discipulis :
unde secundum Matthaeum dicitur, quod transfiguratus est coram eis, et quod
facies eius refulsit ut sol : quod enim est in sensibilibus sol, hoc in
intelligibilibus Deus : et sicut sol, qui est lucis fons, de facili videri
non potest, lux autem eius ex eo quod ad terram pervenit aspicitur, sic
facies Christi intensius refulget ut sol, vestimenta autem eius dealbantur ut
nix; unde sequitur et vestitus eius albus refulgens; illustratus scilicet per
divinae lucis participationem. His autem ita se habentibus, ut unus
ostenderetur dominus novi et veteris testamenti, et haereticorum ora
obturentur, et fides fiat resurrectionis, necnon qui transfigurabatur vivorum
et mortuorum dominus crederetur; Moyses et Elias tamquam famuli assistunt
domino in gloria; unde sequitur ecce duo viri loquebantur cum illo; erant
autem Moyses et Elias visi in maiestate. Oportebat enim ut videntes
conservorum gloriam et fiduciam, mirarentur quidem pium dominicum descensum,
zelarent vero eos qui prius laboraverant, visuri amoenitatem futurorum
bonorum, et magis fortificarentur in laboribus : nam qui laborum noverit
emolumenta, labores facilius tolerabit. Chrysostomus
in Matthaeum. Aliter quoque, quoniam vulgus asserebat eum esse Eliam vel
Ieremiam, ut discerneretur inter dominum et famulos, et ut pateat eum non
esse adversarium Dei, et legis transgressorem, eos sibi assistentes
monstravit : non enim legislator Moyses, et qui pro gloria divina zelatus est
Elias astitissent ei : sed et propter virtutes virorum demonstrandas; nam
uterque pro mandatis divinis quampluries se morti exposuerat. Volebat etiam
discipulos eos imitari in regimine populi, ut fierent mites sicut Moyses, et
zelantes sicut Elias. Inducit etiam eos, ut ostendat crucis gloriam, ad
consolandum Petrum et alios passionem timentes; unde sequitur et dicebant
excessum eius quem completurus erat in Ierusalem. Cyrillus.
Videlicet mysterium dispensationis in carne, necnon salutiferam passionem
completam in venerabili cruce. Ambrosius.
Mystice autem post verba praedicta, transfiguratio Christi ostenditur;
quoniam is qui verba Christi audit et credit, resurrectionis gloriam videbit :
octava enim die facta est resurrectio : unde et plerique Psalmi pro octava
scribuntur; aut forte ut ostenderet nobis quod dixerat, quod is qui propter
Dei verbum perdiderit animam suam, salvam faciet eam, quoniam promissa sua in
resurrectione restituet. Beda.
Nam sicut post septimam sabbati, qua in sepulchro quieverat, a mortuis
resurrexit, et nos post sex saeculi aetates, et septimam quietis animarum,
quae interim in alia vita geritur, quasi octava aetate resurgemus. Ambrosius.
Sed Matthaeus et Marcus post dies sex assumptos hos esse commemorarunt :
de quo possemus dicere, quod post sex millia annorum, mille enim anni in
conspectu Dei tamquam dies una. Sed plures quam sex millia computantur anni;
et maluimus sex dies per symbolum intelligere, quod sex diebus mundi opera
sunt creata, ut per tempus opera, et per opera mundum intelligamus. Et ideo
mundi temporibus impletis, resurrectio futura monstratur, aut quia is qui
supra mundum ascenderit, et huius saeculi momenta transcenderit, velut in
sublimi locatus, futurae resurrectionis fructus expectabit in aeternum. Beda.
Unde in montem oraturus et transfigurandus ascendit, ut ostendat eos qui
fructum resurrectionis expectant, et regem in decore suo videre desiderant,
mente in excelsis habitare, et continuis precibus debere incumbere. Ambrosius.
Putarem in tribus qui ducuntur ad montem, mystice genus humanum
comprehensum, quia ex tribus filiis Noe genus omne defluxit humanum, nisi
electos cernerem. Tres igitur eliguntur qui ascendunt in montem; quia nemo
potest resurrectionis videre gloriam, nisi qui mysterium Trinitatis
incorrupta fidei sinceritate servaverit. Beda.
Transfiguratus autem salvator gloriam futurae vel suae vel nostrae
resurrectionis ostendit; qui qualis tunc apostolis apparuit, post iudicium
cunctis apparebit electis. Vestitus autem talis domini sanctorum illius
chorus accipitur : qui videlicet domino in terris consistente despectus
videbatur; sed illo montem petente, novo candore refulget : quia nunc filii
Dei sumus, et nondum apparuit quid erimus; scimus autem quoniam, cum
apparuerit, similes ei erimus. Ambrosius.
Vel aliter. Pro tua possibilitate tibi verbum aut minuitur aut crescit; ac
nisi altioris prudentiae cacumen ascendas, non tibi apparet quanta sit gloria
in Dei verbo. Vestimenta autem verbi sunt sermones Scripturarum, et quaedam
intellectus indumenta divini. Et sicut vestitus albus refulsit, ita in oculis
tuae mentis divinarum lectionum sensus albescit. Inde apparet Moyses et
Elias, hoc est lex et propheta in verbo; neque enim lex potest esse sine
verbo, nec propheta nisi qui de Dei filio prophetavit. |
Versets 29-31.
— Eusèbe : Notre Seigneur ne se contente pas de prédire à ses disciples le grand mystère de sa seconde apparition, il ne veut pas que leur foi repose uniquement sur des paroles, et il lui donne encore pour fondement le témoignage des faits, en découvrant aux yeux de leur foi une image de son royaume : « Environ huit jours après qu’il leur eut dit ces paroles, il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et s’en alla sur une montagne pour prier. » — S.
Jean Damascène : (disc.
sur la transf.) Saint Matthieu et saint Marc placent la transfiguration
six jours après la promesse faite aux disciples, tandis que saint Luc rapporte
que ce fut huit jours après. Il n’y a toutefois aucune contradiction dans
leur récit; les deux Évangélistes qui ne parlent que de six jours, n’ont pris
que les jours intermédiaires, sans compter les extrêmes, le premier et le
dernier; c’est-à-dire celui où la promesse fut faite, et celui de son
accomplissement, tandis que saint Luc, qui compte huit jours, comprend les
deux dont nous venons de parler. Or, pourquoi le Sauveur n’admet-il pas tous
ses disciples, mais quelques-uns seulement à jouir de cette vision ? Il
n’y en avait qu’un parmi eux (c’était Judas), qui fût indigne de voir cette
révélation de la divinité, selon ces paroles : « Faites disparaître l’impie, pour qu’il ne voie point la gloire
de Dieu (Is 26). » Or, si Notre Seigneur l’avait seul excepté, sa
jalousie eût donné un nouvel aliment à sa méchanceté; le Sauveur enlève donc
à ce traître un prétexte à sa trahison, en laissant avec lui tous les autres
disciples au bas de la montagne. Il en prend trois avec lui, pour que toute
parole soit confirmée par deux ou trois témoins. Il choisit Pierre, pour
qu’il entendît le Père confirmer par son témoignage celui qu’il avait rendu
lui-même à la divinité du Christ, et aussi parce qu’il devait être le chef de
toute l’Église. Il prend Jacques, parce que le premier de tous les Apôtres,
il devait donner sa vie pour Jésus-Christ; enfin il choisit Jean comme
l’interprète le plus pur des secrets divins qui, après avoir été témoin de la
gloire éternelle du Fils, devait faire entendre ces paroles sublimes : « Au commencement était le
Verbe. » — S. Ambroise : Ou bien encore, Pierre monte [avec Jésus sur la montagne], parce qu’il devait recevoir les clefs du royaume des cieux; Jean, parce que le Sauveur devait lui confier sa mère; Jacques, parce qu’il devait souffrir le martyre le premier. (Ac 12.) — Théophylacte : Ou bien encore, il choisit ces trois disciples, comme plus capables de tenir caché ce miracle et de ne le révéler à personne d’autre. Or, il monta sur une montagne pour prier; il nous enseigne ainsi à chercher la solitude et à nous élever au-dessus des choses terrestres pour [assurer le succès de] nos prières. — S. Jean Damascène : Toutefois, la prière du Seigneur est différente de la prière des serviteurs; la prière du serviteur est une élévation de l’esprit vers Dieu, mais la sainte intelligence du Christ (unie hypostatiquement à Dieu), qui nous conduit comme par la main et par degrés, au moyen de la prière, jusqu’à Dieu, nous enseigne par là, que loin d’être l’adversaire de Dieu, il honore son Père comme le principe de toutes choses. Par cette conduite, il tend aussi un piège au démon qui cherchait à savoir s’il était Dieu, ce que l’éclat de ses miracles attestait suffisamment. Il cachait ainsi le hameçon sous l’appât de la nourriture, pour prendre, comme avec un hameçon, par l’humanité dont il était revêtu, celui qui avait séduit le premier homme par l’appât trompeur de la divinité. La prière est une révélation de la gloire divine; aussi l’Évangéliste ajoute « Et pendant qu’il priait, l’aspect de sa face devint tout autre. » — S. Cyrille : Ce n’est pas que son corps ait changé de forme, mais il fut environné d’une gloire éclatante. — S. Jean Damascène : A la vue de cet éclat qui environnait le Sauveur au milieu de sa prière, le démon se ressouvint de Moïse, dont le visage fut aussi rayonnant de gloire; mais cette gloire venait à Moïse d’un principe extérieur, tandis que pour le Seigneur, c’était la splendeur innée de la gloire divine. En effet, comme en vertu de l’union hypostatique, le Verbe et la nature humaine ont une seule et même gloire, la transfiguration du Sauveur n’est point l’usurpation de ce qu’il n’était pas, mais la manifestation, aux yeux de ses disciples, de ce qu’il était véritablement. C’est pour cela que saint Matthieu rapporte qu’il fut transfiguré devant eux, et que sa face resplendit comme le soleil ; car Dieu est dans l’ordre des choses spirituelles, ce que le soleil est dans l’ordre des choses sensibles. Or de même que le soleil, qui est la source de la lumière, ne peut être regardé facilement, tandis que nous pouvons contempler sa lumière, parce qu’elle se répand sur la terre; ainsi le visage de Jésus-Christ resplendit du plus vif éclat, comme le soleil ; et ses vêtements deviennent blancs comme la neige : « Et ses vêtements devinrent d’une éclatante blancheur, » éclairés comme par un reflet de la gloire divine. En même temps, Moïse et Élie se tiennent comme des serviteurs près du Seigneur dans sa gloire, afin de montrer que le Seigneur du Nouveau Testament est le même que celui de l’Ancien, pour fermer la bouche aux hérétiques, établir la foi à la résurrection, et prouver que celui qui était transfiguré, devait être regardé comme le Seigneur des vivants et des morts : « Et voici que deux hommes s’entretenaient avec lui ; c’étaient Moïse et Élie, apparaissant en gloire. » Le Sauveur voulait que le spectacle de la gloire et de la confiance de ces pieux serviteurs, fît admirer à ses disciples sa miséricordieuse bonté, et qu’étant témoins de la douceur des biens à venir, ils fussent excités à marcher sur les traces de ceux qui les avaient précédés, et à soutenir avec plus de force les combats [de la foi], car celui qui connaît la récompense promise à ses travaux, les supporte bien plus facilement. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 57 sur
Matth.) Un autre motif de cette apparition, c’est que le peuple affirmait
du Sauveur, qu’il était Elie ou Jérémie, il fallait donc distinguer le Maître
des serviteurs, faire voir d’ailleurs, à ceux qui étaient présents, que le
Sauveur n’était ni l’ennemi de Dieu, ni violateur de la loi, car autrement,
ni Moïse, qui avait donné la loi, ni Elie, qui avait soutenu avec tant de
zèle les intérêts de la gloire de Dieu, n’eussent paru à ses côtés. C’était
encore pour manifester les vertus de ces deux grands hommes, car tous deux
s’étaient plusieurs fois exposés à la mort pour la défense des commandements
de Dieu. Le Sauveur voulait aussi les proposer comme modèles à ses disciples
dans le gouvernement du peuple, en leur inspirant la douceur de Moïse et le
zèle d’Élie. Enfin il les fait paraître pour montrer la gloire de la croix,
et consoler ainsi Pierre, et tous ceux qui craignaient les souffrances : « Ils s’entretenaient de sa fin qu’il
devait accomplir en Jérusalem. » — S. Cyrille : C’est-à-dire du mystère de son incarnation et aussi de sa passion qui devait être le salut du monde et qu’il devait accomplir sur sa croix adorable. — S. Ambroise : Dans un sens mystique, c’est après avoir enseigné à ses disciples la doctrine du renoncement et de la croix, que le Sauveur les rend témoins de sa transfiguration, parce que celui qui entend et croit les paroles du Christ, verra la gloire de la résurrection, car c’est le huitième jour qu’eut lieu la résurrection, et la plupart des psaumes sont intitulés « pour le huitième jour ». Peut-être aussi, comme Notre Seigneur avait dit précédemment que celui qui perdra sa vie pour le Verbe de Dieu la sauvera, veut-il nous montrer qu’il accomplira ses promesses au temps de la résurrection. — S. Bède : Il est ressuscité des morts après le septième jour de la semaine où il avait été mis dans le sépulcre; et nous aussi, après les six âges du monde écoulés, et le septième, qui est celui du repos des âmes dans l’autre vie, nous ressusciterons pour ainsi dire au huitième âge du monde. — S. Ambroise : Saint Matthieu et saint Marc rapportent que le Sauveur prit avec lui ses disciples six jours après, ce qui nous autoriserait à dire que nous ressusciterons après six mille ans, car mille ans sont comme un jour devant Dieu (Ps 89); mais on compte plus de six mille ans jusqu’à la résurrection, et nous préférons voir dans ces six jours la figure des six jours de la création du monde, en ce sens que par le temps, il faut entendre les oeuvres, et par les oeuvres, le monde. Aussi la résurrection ne doit s’accomplir qu’après que les temps marqués pour l’existence du monde seront écoulés. Peut-être encore, est-ce pour figurer que celui qui se sera élevé au-dessus du monde, et aura traversé la courte durée de la vie de ce siècle, sera placé comme en un lieu sublime pour attendre le fruit de la résurrection qui dure éternellement. — S. Bède : Aussi, voyez le Sauveur monter sur une montagne pour y prier et y être transfiguré, et en même temps nous apprendre que ceux qui attendent le fruit de la résurrection et désirent voir le roi dans sa gloire (Is 13, 17), doivent habiter les cieux en esprit, et faire de leur vie une prière continuelle. — S. Ambroise : Dans ces trois disciples que le Sauveur conduit sur la montagne, je serais porté à voir la figure du genre humain tout entier, qui est descendu des trois enfants de Noé, si ces disciples n’avaient été expressément choisis. Ceux qui sont jugés dignes de monter sur la montagne, sont au nombre de trois, parce que personne ne peut voir la gloire de la résurrection, s’il n’a conservé dans toute son intégrité, la foi au mystère de la Trinité. — S.
Bède : Dans sa transfiguration, le Sauveur nous
donne une idée de sa gloire, ou de sa résurrection future, ou de la notre,
car après le jugement, il apparaîtra à tous les élus tel qu’il est apparu aux
Apôtres. Le vêtement du Seigneur, c’est le choeur des saints qui
l’environnent; tandis qu’il était sur la terre, ce vêtement paraissait
méprisable, mais aussitôt qu’il monte sur la montagne, il brille d’un éclat nouveau;
c’est ainsi que, « bien que nous
soyons les enfants de Dieu, ce que nous serons un jour ne paraît pas encore,
mais nous savons que quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables
à lui. » (1 Jn 3.) — S. Ambroise : Ou bien dans un autre sens : Le Verbe de Dieu se rapetisse ou s’agrandit selon la mesure de vos dispositions, et si vous ne montez au sommet le plus élevé de la sagesse, vous ne pouvez voir toute la grandeur de Dieu qui est dans le Verbe. Les vêtements du Verbe sont les paroles de l’Écriture et comme l’enveloppe de l’intelligence divine, et le sens des divins enseignements se dévoile aux yeux de votre âme dans toute sa clarté, de même que les vêtements du Sauveur devinrent d’une blancheur éclatante. C’est pourquoi apparaissent Moïse et Élie, c'est-à-dire la loi et les prophètes ; car la loi ne peut exister sans le Verbe, et il ne peut y avoir de prophète que pour parler du Fils de Dieu. |
Lectio 7 [85836] Catena in Lc., cap. 9 l. 7 Theophylactus. Christo vacante orationi, Petrus somno
deprimitur : infirmus enim erat, et quod humanum erat implevit; unde dicitur
Petrus vero, et qui cum illo erant, gravati erant somno. Excitati autem
gloriam eius cernunt, et duos viros cum eo; unde sequitur et evigilantes
viderunt maiestatem eius, et duos viros qui stabant cum illo. Chrysostomus in Matthaeum. Vel somnum vocat ingestum eis nimium
stuporem ex illa visione : neque enim nocturnum tempus erat, sed lucis
excellentia gravabat oculorum debilitatem. Ambrosius. Premit enim incomprehensibilis splendor divinitatis,
nostri corporis sensus : nam si solis radium e regione oculorum contuentium
corporea nequit acies continere, quomodo Dei gloriam humanorum ferret
corruptela membrorum? Et fortasse ideo gravati somno erant, ut
resurrectionis viderent speciem post quietem. Itaque vigilantes viderunt
maiestatem eius : nemo enim nisi vigilans gloriam videt Christi. Delectatus
est Petrus : et quem saeculi huius illecebrosa non caperent, gloria
resurrectionis illexit; unde sequitur et factum est cum discederent ab illo,
ait Petrus ad Iesum : praeceptor, bonum est nos hic esse. Cyrillus.
Aestimabat forsan divus Petrus imminere tempus regni Dei; et ideo approbat
montis incolatum. Damascenus.
Non est autem bonum, Petre, tibi quod Christus ibi moretur : quoniam si
mansisset, nequaquam tibi facta promissio consequeretur effectum : neque enim
claves obtinuisses regni, nec mors tyranni abolita esset. Non quaeras ante
tempus felicia, ut Adam deificationem. Erit quando hunc aspectum indesinenter
percipias, et cohabitabis illi qui lux est et vita. Ambrosius.
Petrus autem non solum affectu, sed etiam factorum devotione praestantior,
ad aedificanda tabernacula tria impiger operarius, communis obsequii
ministerium pollicetur; sequitur enim et faciamus tria tabernacula : unum
tibi, et unum Moysi, et unum Eliae. Damascenus.
Non autem te dominus tabernaculorum, sed universalis Ecclesiae
constructorem constituit : verba tua tui discipuli, oves tuae, mandaverunt
effectui, Christo tabernaculum construentes, necnon et servis eius. Hoc autem
non ex intentione Petrus proferebat, sed inspiratione spiritus revelantis
futura; unde sequitur nesciens quid diceret. Cyrillus.
Nesciebat etiam quid diceret : neque enim aderat tempus finis saeculi, nec
participandae a sanctis promissae spei : et cum iam sumeret exordium
dispensatio, quo pacto Christum oportebat desistere a mundi dilectione,
volentem pati pro eo? Damascenus.
Decebat etiam non solum perstringere fructum incarnationis ad opus
existentium in monte, sed diffundi ad omnes credentes quod per crucem et
passionem erat consummandum. Titus.
Ignorabat etiam Petrus quod dixerat, quia non oportebat tribus tria
tabernacula facere : non enim connumerantur domino famuli, nec comparantur
creaturae creatori. Ambrosius. Neque capit humana conditio in hoc corruptibili corpore
facere tabernaculum Deo, sive in animo, sive in corpore, sive in quolibet
alio loco. Et quamvis nesciret quid diceret, tamen
pollicebatur officium; cui non inconsulta petulantia, sed praematura devotio
fructus pietatis accumulat : nam quod ignorabat, conditionis fuit; quod
promittebat, devotionis. Chrysostomus in Matthaeum. Vel aliter. Audiebat
quod oportebat ipsum mori, et tertia die resurgere; videbat autem multam
distantiam et solitudinem; unde consideravit quod plurimam haberet locus
tutelam; ob hoc dixit bonum est hic esse. Aderat quoque Moyses, qui nubem
intravit, et Elias, qui in monte ignem deduxit. Igitur Evangelista
confusionem mentis eius ex qua hoc proferebat, ostendens, dixit nesciens quid
diceret. Augustinus
de Cons. Evang. Quod autem hic Lucas dixit de Moyse et Elia et factum est
dum discederent ab illo, ait Petrus ad Iesum : praeceptor, bonum est nos hic
esse, non debet putari contrarium ei quod Matthaeus et Marcus ita
coniunxerunt, Petrum haec suggessisse, quasi adhuc Moyses et Elias cum domino
loquerentur; non enim expresserunt tunc, sed tacuerunt potius quod iste
addidit, illis descendentibus, hoc Petrum domino suggessisse. Theophylactus.
Petro autem dicente faciamus tria tabernacula, dominus tabernaculum non
manufactum fabricat, et in eum ingreditur cum prophetis; unde subditur haec
autem illo loquente, facta est nubes, et obumbravit eos : ut ostenderet quod
non minor est patre : sicut enim in veteri testamento in nube habitare
dominus dicebatur, sic et nunc nubes suscepit dominum, non caliginosa, sed
lucida. Basilius.
Nam obscuritas legis transierat : sicut enim fumus ab igne, sic nubes a
luce causata est. Verum, quia nebula signum tranquillitatis est, quies futurae
mansionis ostenditur per nubis operimentum. Ambrosius.
Divini enim spiritus est obumbratio ista, quae non caligat affectibus
hominum, sed revelat occulta. Origenes
in Matthaeum. Hanc autem gloriam discipuli sufferre nequeuntes,
procubuerunt humiliati sub potenti dextera Dei, nimium timentes, cum scirent
quod dictum fuit Moysi : non videbit homo faciem meam, et vivet; unde
sequitur et timuerunt intrantibus illis in nubem. Ambrosius.
Cognosce autem nubem istam non coacti aeris caligine piceam, et quae
caelum tenebrarum horrore subtexat, sed lucidam nubem, quae nos non
pluvialibus aquis immadidet, sed qua mentes hominum in voce Dei omnipotentis
emissa fidei ros rigavit; sequitur enim et vox facta est de nube, dicens :
hic est filius meus dilectus. Non Elias filius, non Moyses filius; sed hic
est filius, quem solum videtis. Cyrillus.
Qualiter ergo oportebat eum qui revera filius est, factum vel creatum
existimare, Deo patre desuper intonante hic est filius meus? Quasi dicat :
non unus ex filiis, sed qui vere et naturaliter est filius; ad cuius exemplar
alii sunt adoptivi. Illi ergo iussit obedire, cum subdit ipsum audite; et
magis quam Moysen et Eliam, quia Christus est finis legis et prophetarum;
unde signanter Evangelista subdit et dum fieret vox, inventus est Iesus solus.
Theophylactus.
Ne scilicet putaret aliquis hoc dictum hic est filius meus dilectus, de
Moyse vel Elia fuisse prolatum. Ambrosius.
Recesserunt ergo illi ubi coeperat dominus designari. Tres etiam in principio videntur, unus in fine : perfecta enim fine
unum sunt. Ergo et illi quasi recipiuntur in Christi corpus,
quia et nos unum erimus in Christo Iesu; aut fortasse quia lex et prophetae
ex verbo. Theophylactus.
Quae autem ex verbo coeperunt, in verbo desinunt : per hoc enim innuit
quod usque ad tempus aliquod lex et prophetae apparerent, sicut hic Moyses et
Elias; postmodum autem solus Iesus, illis recedentibus : nam nunc Evangelium
manet transactis legalibus. Beda. Et nota, sicut domino in Iordane baptizato, sic etiam in
monte clarificato totius Trinitatis mysterium declarari; quia gloriam illius,
quam in Baptismate confitemur, in resurrectione videbimus. Nec frustra
spiritus sanctus hic in lucida nube, illic apparet in columba : quia qui nunc
simplici corde fidem quam percepit servat, tunc luce apertae visionis quae
crediderat contemplabitur. Origenes.
Non vult autem Iesus dici quae ipsius spectant ad gloriam ante suam
passionem; unde sequitur et ipsi tacuerunt, et nemini dixerunt in illis
diebus quicquam ex his quae viderant : offensi enim fuissent, et praecipue
vulgus, si vidisset crucifigi eum qui sic fuerat glorificatus. Damascenus.
Hoc etiam praecepit dominus, sciens discipulos imperfectos, qui nondum sortiti
erant plenam spiritus participationem; ne corda aliorum qui non viderant,
subverterentur tristitia : et ne proditor incitaretur ad invidiae rabiem. |
Versets 32-36.
— Théophylacte : Pendant que Jésus priait, Pierre se laisse gagner par le sommeil, car il était faible, et il cède ici à la faiblesse propre à la nature humaine : « Cependant Pierre, et ceux qui étaient avec lui, étaient appesantis par le sommeil, » ; mais aussitôt qu’ils sont réveillés, ils voient la gloire qui l’environne, et les deux hommes qui étaient avec lui : « Et se réveillant, ils le virent dans sa gloire, et les deux hommes qui étaient avec lui. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 57 sur Matth.) On peut encore entendre par ce sommeil, la grande stupeur dont cette vision frappa les Apôtres, car il n’était pas nuit, mais l’éclat de la lumière blessait la faiblesse de leurs yeux. — S. Ambroise : En effet, la splendeur ineffable de la divinité est un poids accablant pour la faiblesse de nos sens, car si les yeux qui nous servent à voir les corps ne peuvent regarder en face l’éclat des rayons du soleil, comment les sens corruptibles de l’homme pourraient-ils contempler la gloire de Dieu ? Peut-être aussi, Jésus permit qu’ils fussent appesantis par le sommeil, afin de voir l’image de la résurrection qui suivit le sommeil. Ils virent donc le Seigneur dans sa gloire, lorsqu’ils se furent réveillés, car ce n’est qu’en étant bien éveillé qu’on peut voir la gloire du Christ. Pierre en fut ravi de joie, et la gloire de la résurrection captiva celui que les délices du siècle ne devaient pas séduire : « Et comme ils le quittaient, Pierre dit à Jésus : ‘Maître, il nous est bon d’être ici». — S. Cyrille : Peut-être saint Pierre pensait-il que le temps du royaume de Dieu approchait, et c’est pourquoi il demande à rester sur la montagne. — S. Jean Damascène : (Disc. sur la transfig.) Il ne vous est pas avantageux, ô Pierre, que Jésus reste sur la montagne, car s’il y fut resté, la promesse qu’il vous a faite n’aurait pas eu son accomplissement, vous n’auriez pas reçu les clefs du royaume, et l’empire de la mort n’eût pas été détruit. Ne cherchez pas le bonheur avant le temps marqué, comme Adam, qui cherchait à devenir semblable à Dieu. Viendra un jour où vous contemplerez éternellement cette sublime vision, et où vous habiterez avec celui qui est la lumière et la vie. — S. Ambroise : Cependant Pierre, toujours prompt, non seulement à manifester son amour, mais à donner des preuves de son dévouement, offre dans sa pieuse activité, au nom de ses compagnons, de construire trois tentes : « Faisons trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Élie.» — S.
Jean Damascène : Le Seigneur vous a donné la mission
de construire, non point des tentes, mais l’Église universelle; vos
disciples, vos brebis ont accompli votre désir en construisant une tente pour
le Christ et aussi pour ses serviteurs. Du reste, saint Pierre ne parlait pas
ainsi de lui-même, mais par une inspiration de l’Esprit saint, qui lui
révélait les choses futures, c’est pour cela que l’Évangéliste ajoute : « ne sachant ce qu’il disait. » — S. Cyrille : Il ne savait ce qu’il disait, car on n’était pas encore à la fin des siècles, et le temps n’était pas encore venu pour les saints, de participer au bonheur qui leur était promis. Et alors que l’oeuvre de la rédemption ne faisait que commencer, comment Jésus-Christ aurait-il cessé d’aimer le monde et de vouloir mourir pour lui ? — S. Jean Damascène : Il était d’ailleurs de la bonté comme de la justice de Dieu [litt. : « il convenait »], de ne point restreindre le fruit de l’incarnation à ceux qui étaient sur la montagne avec Jésus, mais de l’étendre à tous ceux qui embrasseraient la foi, ce qui ne devait s’accomplir que par les souffrances de sa passion et par sa croix. — Tite de Bostr. Pierre ne savait pas ce qu’il disait, pour une autre raison, c’est qu’il n’était pas besoin de trois tentes [pour les trois dont il parle], car on ne peut mettre les serviteurs sur le même rang que leur maître, ni comparer la créature au Créateur. — S. Ambroise : D’ailleurs la condition naturelle à l’homme dans ce corps corruptible, ne lui permet d’élever un tabernacle à Dieu, ni dans son âme, ni dans son corps, ni dans tout autre lieu. Cependant, quoiqu’il ne sût pas ce qu’il disait, Pierre offre ses services au Sauveur, et son zèle ne vient pas ici d’une vivacité irréfléchie, mais d’un dévouement prématuré qui était comme le fruit de son amour pour Jésus; son ignorance venait de sa condition, sa proposition de son dévouement. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 57 sur
Matth.) Ou bien encore, il entendait le Sauveur déclarer qu’il lui
fallait mourir, et ressusciter le troisième jour, et comme il contemplait
l’étendue de l’espace et de la solitude où il se trouvait, il jugea que ce
lieu offrait plus de sûreté, ce qui lui fait dire : « Il est bon pour nous d’être ici. » Ajoutez qu’il
voyait Moïse, qui entra autrefois dans la nuée (Ex 24), et Élie, qui fit descendre le feu du ciel (4 R 1), et vous comprendrez le trouble
de son esprit, que l’Évangéliste veut exprimer par ces paroles : « Il ne savait ce qu’il
disait. » — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 56.) Saint Luc dit de Moïse et d’Élie : « Comme ils se séparaient de Jésus, Pierre lui dit : Maître, il nous est bon d’être ici, » ce qui n’est nullement en contradiction avec le récit de saint Matthieu et de saint Marc, d’après lequel Pierre tint ce langage, alors que Moïse et Élie s’entretenaient encore avec le Seigneur, car ces deux Évangélistes ne se sont pas expliqués, mais ont gardé le silence sur ce que dit saint Luc, que Pierre parla ainsi, alors que Moïse et Élie se retiraient. — Théophylacte : Pendant que Pierre disait : « Faisons trois tentes, » le Seigneur se construit une tente qui n’est pas faite de main d’homme, et il y entre avec les prophètes : « Il parlait encore, lorsqu’une nuée se forma et les enveloppa de son ombre, » Le Sauveur montre ainsi qu’il n’est pas inférieur à son Père, car de même que dans l’Ancien Testament, nous lisons que Dieu habitait dans une nuée, ainsi le Seigneur est enveloppé d’une nuée non plus ténébreuse mais éclatante. — S. Basile : C’est, qu’en effet, les obscurités de la loi étaient dissipées, car de même que la fumée est produite par le feu, la nuée est produite par la lumière; et comme la nuée est un symbole de tranquillité, cette nuée qui enveloppe Jésus et les prophètes, figure le repos de la demeure éternelle. — S. Ambroise : Cette nuée qui voile le Sauveur a pour auteur l’Esprit saint, et loin de répandre les ténèbres sur les affections du coeur de l’homme, elle lui révèle les choses cachées. — Origène : (Trait. 3 sur Matth.) Les disciples, ne pouvant supporter l’éclat de cette gloire, sont saisis de crainte, et se prosternent en s’humiliant sous la main puissante de Dieu, car ils se rappelaient ces paroles dites à Moïse : « L’homme qui verra ma face, ne vivra point. » Et ils furent saisis de frayeur en les voyant entrer dans la nuée. — S. Ambroise : Remarquez que cette nuée n’est point formée par les noires vapeurs d’un air condensé, et ne couvre point le ciel d’épaisses ténèbres, c’est une nuée lumineuse qui, au lieu de nous inonder de torrents de pluie, répand la rosée de la foi et arrose les âmes des hommes à la voix du Dieu tout-puissant : « Et une voix sortit de la nuée, qui disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, » ce n’est point Moïse, qui est ce fils, ce n’est point Élie, mais celui-là seul est mon Fils, que vous voyez seul sur la montagne. — S.
Cyrille : Comment donc pourrait-on croire que celui
qui est le vrai Fils de Dieu, ait été fait ou créé, alors que Dieu le Père
fait retentir cette voix du haut des cieux : « Celui-ci est mon Fils, » c’est-à-dire : ce n’est
pas un de mes fils, mais celui qui est mon Fils en vérité et par nature, et
c’est par ressemblance avec lui que les autres sont mes fils adoptifs. Or,
Dieu le Père nous commande d’obéir à ce Fils par ces paroles : « Écoutez-le », et
écoutez-le plus que Moïse et Élie, car le Christ est la fin de la loi et des
prophètes (Rm 10, 4; Mt 11, 13), aussi est-ce avec un dessein marqué, que l’Évangéliste
ajoute : « Pendant que la voix
parlait, Jésus se trouva seul. » — Théophylacte : C’était afin que personne ne pût penser que ces paroles : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, » s’appliquaient à Moïse ou à Élie. — S. Ambroise : Ces deux personnages disparaissent aussitôt que Dieu le Père proclame la divinité du Sauveur, ils étaient trois au commencement [de la transfiguration], il n’en reste plus qu’un seul à la fin; la perfection de la foi produit cette unité. Ils sont donc comme reçus dans le corps de Jésus-Christ, pour nous apprendre que nous aussi nous ne ferons qu’un avec Jésus, ou peut-être encore, parce que la loi et les prophètes ont le Verbe pour auteur. — Théophylacte : Ce qui doit son existence au Verbe prend également fin dans le Verbe, et Dieu nous apprend par cette conduite que la loi et les prophètes ne devaient apparaître que, pour un temps, comme Moïse et Élie, dans la transfiguration, et qu’ils devaient ensuite disparaître pour laisser la place à Jésus seul; en effet, la loi a cessé d’exister pour faire place à l’Évangile, qui demeure [éternellement]. — S. Bède : Remarquez que le mystère de la Trinité tout entière est révélé dans la transfiguration de Jésus sur la montagne, comme il l’avait été lors de son baptême dans le Jourdain, et parce qu’en effet, nous verrons dans la résurrection la gloire de celui que nous avons confessé dans le baptême. Et ce n’est pas sans raison que l’Esprit saint apparaît ici sous la forme d’une nuée lumineuse, tandis qu’au baptême du Sauveur, il apparaît sous la forme d’une colombe, pour nous apprendre que celui qui conserve dans la simplicité de son coeur la foi qu’il a reçue, contemplera un jour dans la lumière d’une vision manifeste les vérités qui ont été l’objet de sa foi. — Origène : (Traité 3 sur Matth.) Jésus ne veut point qu’on fasse connaître avant sa passion ces glorieuses manifestations : « Et ils se turent, et en ces jours-là ils ne dirent rien à personne de ce qu’ils avaient vu, » car on eût été scandalisé (le peuple surtout), de voir crucifié celui que Dieu avait ainsi glorifié. — S. Jean Damascène : (disc. sur la Transfig.) Le Sauveur leur fit aussi cette recommandation, parce qu’il connaissait l’imperfection de ses disciples, qui n’avaient pas encore reçu la plénitude de l’Esprit saint, il ne voulait ni exposer aux sentiments d’une profonde tristesse ceux qui n’avaient pas été témoins de sa gloire, ni exciter contre lui la jalouse fureur de son traître disciple. |
Lectio 8 [85837] Catena in Lc., cap. 9 l. 8 Beda.
Loca rebus congruunt. In monte dominus orat, transformatur, discipulis
arcana suae maiestatis aperuit; in inferiora descendens, turbae occursu
excipitur; unde dicitur factum est autem in sequenti die, descendentibus
illis de monte, occurrit illis turba multa. Sursum patris vocem pandit,
deorsum spiritus malos expellit; unde sequitur et ecce vir de turba
exclamavit dicens : magister, obsecro te, respice in filium meum. Titus.
Videtur mihi sapiens quidem hic esse; non enim dixit salvatori : fac hoc
vel istud; sed respice. Hoc enim sufficit ad
salutem, sicut propheta dicebat : respice in me, et miserere mei. Et dicit in
filium meum, ut rationabilem demonstret inverecundiam, quod solus in
multitudine clamat. Addit quia unicus est mihi; quasi dicat : nullus alius
expectatur futurus remedium senectutis. Consequenter
explicat passionem, ut audientem moveat ad pietatem, dicens et ecce spiritus
apprehendit eum, et subito clamat, et elidit, et dissipat eum cum spuma, et
vix discedit dilanians eum. Deinde videtur criminari discipulos; sed magis
respondit, quod iuste verecundiam deposuerit, dicens et rogavi discipulos
tuos ut eicerent illum, et non potuerunt; quasi dicat : non putes quod
leviter ad te pervenerim : stupenda est dignitas tua, nec statim te molestavi
: ad discipulos tuos accessi primo; nunc quia non curaverunt, cogor
proficisci ad te; unde et dominus non ipsum, sed genus incredulum increpat;
sequitur enim respondens autem Iesus dixit : o generatio infidelis et
perversa, usquequo ero apud vos, et patiar vos? Chrysostomus
in Matthaeum. Sed hunc hominem multum infirmari in fide, Evangeliorum
Scriptura ostendit ex pluribus; ex eo scilicet quod dixit : adiuva
incredulitatem meam, et : si potes, et ex eo quod Christus dixit : credenti
omnia possibilia sunt. Cyrillus.
Unde melius puto incredulum reputatum daemoniaci patrem, quod et sacros
apostolos obiurgavit, dicens eos non posse imperare Daemonibus; potius autem
erat honorando Deum ab eo petere gratiam; annuit enim veneratus. Qui autem
dicit debilitari erga virtutem quae est in spiritus malignos, eos qui a
Christo adepti sunt potestatem eiciendi eos, gratiam magis calumniatur quam
fulgentes ea, in quibus Christus operatur. Unde offenditur Christus accusatis
sanctis quibus est commissum verbum praedicationum sacrarum; propter quod
dominus increpat eum et concordes ei, dicens o generatio infidelis et
perversa; quasi dicat : causa tuae infidelitatis, gratia effectum sortita non
est. Chrysostomus.
Non autem dirigit sermonem ad eum tantum, sed ad omnes Iudaeos, ne faciat
eum haesitare : oportebat enim scandalizari quamplures. Theophylactus.
Quod autem dicit perversa, demonstrat quod non a principio, neque
naturaliter inerat eis malitia; sed natura quidem erant recti semen Abrahae
existentes, sed per malitiam erant perversi. Cyrillus.
Quasi nescientes procedere rectis incessibus. Cum eis autem qui sic sunt
dispositi, Christus commorari dedignatur; unde dicitur usquequo ero apud vos,
et patiar vos? Ferens quasi moleste eorum conversationem propter pravitatem
ipsorum. Chrysostomus.
Per hoc etiam ostendit desideratum sibi esse suum recessum, et quod non
erat grave crucis patibulum, sed magis ipsorum conversatio. Beda.
Non quod taedio superatus sit mansuetus et mitis; sed in similitudinem
medici si aegrotum videat contra sua praecepta se gerere, dicat : usquequo
accedam ad domum tuam, me aliud iubente, te aliud faciente? Intantum autem
non est iratus homini, sed vitio, ut statim intulerit adduc huc filium tuum.
Titus.
Poterat quidem solo iussu eum liberare; sed propalat suam passionem
subiciens infirmum praesentium visioni. Deinde Daemonium, postquam dominum
sensit, concutit puerum; unde sequitur et cum accederet, elisit illum
Daemonium et dissipavit; ut sic prius exprimatur passio, deinde adhibeatur
remedium. Chrysostomus.
Non tamen hoc dominus ad ostentationem facit, sed causa patris; ut cum
viderit Daemonium conturbari propter solam vocationem, sic saltem inducatur
ad fidem futuri miraculi; de quo sequitur et increpavit Iesus spiritum
immundum, et sanavit puerum, et reddidit illum patri eius. Cyrillus.
Antea autem non erat patris, sed Daemonis occupantis. Subdit autem
Evangelista stupere plebem in magnaliis Dei, dicens stupebant autem omnes in
magnitudine Dei, quod dicit propter donum Christi, qui sacris quoque
apostolis contulit potestatem agendi divina miracula, et imperandi Daemonibus.
Beda.
Mystice autem pro qualitate meritorum quotidie aliis ascendit dominus, dum
perfectos, quorum conversatio in caelis est, sublimius extollendo glorificat,
et de aeternis instruit, et docet quae a turbis audiri non valent; aliis
autem descendit, dum terrenos et insipientes confortat, docet et castigat.
Hunc autem daemoniacum Matthaeus lunaticum, Marcus surdum et mutum describit
: significat enim illos qui ut luna mutantur, per diversa vitia crescentes et
decrescentes; qui muti sunt non confitendo fidem, et surdi, nec ipsum fidei
audiendo sermonem. Dum puer autem ad dominum accedit, eliditur : quia
conversi ad dominum plerumque a Daemonio gravius pulsantur, ut vel odium
virtutis incutiat, vel expulsionis suae vindicet iniuriam : sicut Ecclesiae
primordiis tot gravissima intulit certamina, quot suo regno doluit subito
illata dispendia. Non puerum autem qui vim patiebatur, sed Daemonem qui
inferebat increpat : quia qui peccantem emendare desiderat, vitium arguendo
et odiendo depellere, sed hominem debet amando refovere, donec sanatum
spiritualibus Ecclesiae possit reddere patribus. |
Versets 37-44.
— S.
Bède : Nous voyons ici un parfait rapport entre les
lieux et les choses; sur la montagne, Notre Seigneur prie, est transfiguré,
et dévoile à ses disciples les secrets de sa Majesté. Lorsqu’il descend dans
la plaine, la foule s’empresse autour de lui : « Le jour suivant,
comme ils descendaient de là montagne, une foule nombreuse vint au-devant
d’eux. » Sur la montagne, il fait entendre la voix du Père, dans la
plaine, il chasse les mauvais esprits : « Et voilà que de la foule,
un homme s’écria : Maître, je vous en supplie, jetez un regard sur mon
fils. » — Tite de Bostr. J’admire la sagesse de cet homme, il ne dit pas au Sauveur : Faites ceci ou cela, mais : « Jetez un regard, » car cela suffit pour son salut; c’est dans le même sens que le Roi-prophète disait : « Jetez les yeux sur moi, et ayez pitié de moi. » (Ps 24, 16; Ps 85, 15; Ps 118, 132). Cet homme dit à Jésus : « Jetez un regard sur mon fils, » pour motiver la hardiesse qui le portait à crier seul au milieu de cette multitude. Il ajoute : « Car c’est mon fils unique, » c’est-à-dire : je ne puis espérer d’autre consolation de ma vieillesse. Il expose ensuite la nature de sa maladie, pour émouvoir la compassion du Sauveur : « Un esprit se saisit de lui, et aussitôt il pousse des cris ; et l’esprit l’agite avec violence, le fait écumer, et a de la peine à se retirer de lui, après l’avoir brisé. » Enfin, il semble accuser les disciples, mais il paraît bien plus vouloir excuser sa hardiesse, disant : « J’ai demandé à vos diciples de le chasser, et ils n’ont pas pu. » Ne pensez pas, semble-t-il dire au Sauveur, que je viens à vous avec légèreté, votre dignité en impose, et je me suis bien gardé de vous importuner tout d’abord; j’ai commencé par m’adresser à vos disciples, mais comme ils n’ont pu guérir mon fils, je suis forcé de recourir à vous. Aussi les reproches du Seigneur ne s’adressent pas à cet homme, mais à cette génération incrédule : « Et Jésus prenant la parole, leur dit : O race infidèle, jusques à quand serai-je avec vous et devrai-je vous supporter ? » — S. Jean Chrysostome : (hom. 58 sur Matth.) Cependant nous voyons par plusieurs expressions rapportées dans le saint Évangile, que cet homme était encore bien faible dans la foi; ainsi il dit au Sauveur : « Aidez mon incrédulité. » (Mc 9, 23.) Et encore : « Si vous pouvez. » (Mc 9, 21.) Et Notre Seigneur même lui dit : « Tout est possible à celui qui croit. » (vers. 22.) — S. Cyrille : Je pense que le motif le plus probable du reproche d’incrédulité que le Sauveur fait à cet homme, est donc l’accusation portée contre les saints Apôtres, qu’ils ne pouvaient commander aux démons; il aurait dû bien plutôt honorer Dieu en implorant son secours, car Dieu exauce ceux qui lui rendent l’honneur qui lui est dû. Mais accuser ceux qui ont reçu de Jésus-Christ le pouvoir de chasser les démons d’impuissance sur ces esprits mauvais, c’est attaquer la grâce de Dieu elle-même, plutôt encore que ceux qui l’ont reçue et par lesquels Jésus-Christ manifeste ses divines opérations. C’est donc offenser Jésus-Christ que d’accuser les saints auxquels il a confié la prédication de la parole sainte, aussi voyez comment le Seigneur réprimande cet homme et tous ceux qui partagent ses sentiments : « O génération infidèle et perverse, » comme s’il lui disait : C’est à cause de votre infidélité que la grâce n’a pas produit son effet. — S. Jean Chrysostome : (hom. 58 sur Matth.) Jésus ne s’adresse pas seulement à cet homme, pour ne point le jeter dans le trouble, mais à tous les Juifs, car il est vraisemblable qu’un grand nombre d’entre eux s’étaient scandalisés, [et avaient conçu des soupçons injustes contre les disciples]. — Théophylacte : Le Sauveur, en les appelant « génération perverse », démontre qu’ils n’étaient pas mauvais par principe et par nature, car en qualité de fils d’Abraham, ils étaient droits par nature, et c’est par leur malice qu’ils s’étaient volontairement pervertis. — S. Cyrille : Ils étaient comme des hommes qui ne savent point suivre la voie droite. Or, Jésus-Christ dédaigne de demeurer avec ceux qui sont ainsi disposés : « Jusques à quand serai-je avec vous et vous supporterai-je ? » Leur commerce lui devient comme insupportable, à cause de la dépravation de leur coeur. — S. Jean Chrysostome : Il nous fait voir en même temps combien il désirait la mort, et qu’il redoutait moins le supplice de la croix que de rester plus longtemps avec eux. — S. Bède : Ce n’est point que le Sauveur, si plein de mansuétude et de douceur, se soit laissé dominer par un sentiment d’aigreur et d’ennui, mais il parle ici comme un médecin qui, voyant un malade agir contre ses prescriptions, lui dirait : « A quoi bon venir plus longtemps vous visiter, puisque vous faites tout le contraire de ce que j’ordonne. » Il est si vrai que ce n’est pas contre cet homme, mais contre la mauvaise disposition de son âme qu’il est irrité, qu’il ajoute aussitôt : « Amenez ici votre fils. » — Tite de Bostr. : Le Sauveur pouvait le délivrer d’un seul mot, mais il veut faire constater sa maladie, en l’exposant aux regards de tous ceux qui l’entouraient. Aussitôt que le démon sentit la présence du Seigneur, il agita convulsivement l’enfant : « Et comme l’enfant s’approchait, le démon le jeta contre terre et l’agita violemment. » Le Sauveur voulait que sa maladie fût bien établie avant d’y apporter remède. — S. Jean Chrysostome : Gardons-nous de croire cependant que le Seigneur obéisse ici à un motif d’ostentation, il agit ainsi dans l’intérêt du père, qu’il veut amener à croire au miracle qu’il va opérer, en lui faisant voir le démon rempli de trouble à sa seule parole : « Et Jésus commanda avec menace à l’esprit impur, et il guérit l’enfant, et il le rendit à son père. » — S. Cyrille : Jusque-là, en effet, il n’appartenait pas à son père, mais au démon qui le possédait. L’Evangéliste ajoute, que tous étaient stupéfaits à la vue de ces grandes choses que Dieu opérait : « Et tous étaient stupéfaits de la puissance de Dieu. » L’auteur sacré veut ici relever l’excellence du don que Jésus-Christ avait fait aux saints Apôtres, en leur accordant le pouvoir divin de faire des miracles et de commander aux démons. — S. Bède : Dans le sens mystique, nous voyons ici que le Seigneur agit tous les jours avec les hommes, selon le degré de leurs mérites, il monte avec les uns, en élevant sur les hauteurs les plus sublimes les âmes parfaites, dont la vie est tout entière dans le ciel (Ph 3, 20), les instruisant des secrets de l’éternité, et en leur enseignant des vérités qui ne peuvent être entendues de la foule; il descend avec les autres, c’est-à-dire avec les âmes qui ont encore les goûts de la terre et sont privés de la véritable sagesse, en les fortifiant, en les enseignant et en les châtiant. Saint Matthieu fait remarquer que ce possédé était lunatique (Mt 18); saint Marc, qu’il était sourd et muet (Mc 9). Il est ainsi la figure de ceux qui sont inconstants comme la lune (Qo 27, 12), et que l’on voit successivement croître et décroître dans les vices auxquels ils sont livrés; de ceux encore qui sont muets, parce qu’ils ne confessent pas la foi, et de ceux qui sont sourds, parce qu’ils n’entendent pas la parole de la foi. A peine l’enfant s’est-il approché du Seigneur, qu’il est violemment agité; c’est qu’en effet, le démon soumet à de plus rudes tentations ceux qui se convertissent à Dieu, pour leur inspirer l’éloignement de la vertu, ou pour venger l’affront qu’on lui fait en le chassant. C’est ainsi que dans les commencements de l’Église, il lui livra autant de combats acharnés qu’il eut à souffrir de coups portés à son empire. Ce n’est point l’enfant qui souffrait cette violence que le Sauveur reprend avec menace, mais le démon qui en était l’auteur, parce qu’en effet, celui qui désire ramener au bien un pécheur doit poursuivre le vice de ses reproches et de sa haine, mais donner à l’homme pécheur les témoignages d’un amour sincère, jusqu’à ce qu’il l’ait remis guéri de ses infirmités entre les mains des pères spirituels de l’Église. |
Lectio 9 [85838] Catena in Lc., cap. 9 l. 9 Cyrillus. Omnia quaecumque operabatur Iesus, admiratione digna
penes omnes erant : irradiabat enim quiddam praecipuum et divinum in qualibet
operatione ipsius, secundum illud : gloriam et decorem superpones ei. Et
si omnes quidem mirarentur in his quae faciebat, ipse tamen haec quae
sequuntur, non omnibus, sed discipulis retulit; unde dicitur omnibusque
mirantibus in omnibus quae faciebat, dixit ad discipulos suos : ponite vos in
cordibus vestris sermones istos. Ostenderat in monte discipulos gloriam suam,
et post hoc liberaverat quemdam a spiritu nequam; sed oportebat eum sustinere
passionem pro nobis. Poterant autem discipuli conturbari dicentes : numquid
decepti sumus dum Deum esse eum arbitraremur? Ut ergo scirent quid circa
ipsum futurum erat, velut quoddam depositum iubet eos in mente habere
passionis mysterium, dicens ponite vos in cordibus vestris. Quod dicit vos,
distinguit eos ab aliis : neque enim oportebat vulgares scire quoniam
passurus esset; sed erant potius certificandi quoniam mortuus resurgeret,
destruens mortem, ne scandalizarentur. Titus.
Cunctis igitur admirantibus signa, ipse praenuntiat passionem : non enim
signa salvant, sed crux beneficia praestat; unde subditur filius enim hominis
futurum est ut tradatur in manus hominum. Origenes
in Matthaeum. Non autem exprimit manifeste a quo tradendus sit : aliquis
enim dicit eum tradendum a Iuda, aliquis a populo. Paulus autem dicit quod Deus pater pro nobis omnibus tradidit eum; sed
Iudas tamquam pro pecunia tradens eum hostiliter prodidit; sed pater
beneficii causa. Theophylactus.
Eorum autem infirmitati dominus condescendens et eos disciplina quadam
gubernans, quod de cruce dictum est, intelligere non permisit; unde sequitur
at illi ignorabant verbum istud, et erat velatum ante eos ut non sentirent
illud. Beda.
Haec ignorantia discipulorum non tam de tarditate quam de amore nascitur;
qui carnales adhuc, et mysterii crucis ignari, quem Deum verum crediderunt,
moriturum credere nequiverunt : et quia per figuras eum saepe loquentem
audire solebant, etiam quae de sua traditione loquebatur, figurative eum
illud significare putabant. Cyrillus.
Dicet autem aliquis forsan : qualiter ignoraverunt discipuli crucis Christi
mysterium, cum per umbram legis in pluribus locis tangeretur? Sed, ut Paulus
commemorat, usque ad hodiernum diem, quando legitur Moyses, velamen adiacet
cordi eorum. Expedit ergo accedentes ad Christum dicere : detege oculos meos,
et contemplabor mirabilia de lege tua. Theophylactus.
Vide etiam discipulorum reverentiam in hoc quod sequitur et timebat
interrogare eum de hoc verbo : nam timor gradus est reverentiae. |
Versets 44-48.
— S. Cyrille : Tout ce que faisait Jésus excitait l’admiration générale, car chacune de ses oeuvres brillait d’un éclat surnaturel et divin, selon cette parole du Roi-prophète : « Vous l’avez environné de gloire et de beauté. » (Ps 20.) Cependant, quoique cette admiration fût commune à tous ceux qui étaient témoins de ses oeuvres, ce n’est qu’à ses disciples, et non à tous, qu’il adresse les enseignements qui suivent : « Et comme ils admiraient tout ce que faisait Jésus, il dit à ses disciples : ‘ Pour vous, écoutez bien et gardez ceci dans votre cœur’ ». Il avait découvert à ses disciples sur la montagne une partie de sa gloire, puis il avait délivré un possédé du malin esprit, mais il fallait qu’il se dévouât pour notre salut aux souffrances de sa passion. Or, les disciples pouvaient lui dire dans le trouble où les jetait cette triste prédiction : Est-ce que nous avons été trompés en croyant que vous étiez Dieu ? C’est donc afin de leur faire connaître ce qui devait lui arriver, qu’il leur commande de garder comme un dépôt dans leur âme le mystère de sa passion : « Pour vous, mettez bien ceci dans votre coeur. » Il dit : « Pour vous, » afin de les distinguer des autres, car pour le peuple il ne devait pas encore connaître qu’il devait souffrir, mais pour éviter tout scandale, il devait plutôt recevoir l’assurance que le Sauveur ressusciterait vainqueur de la mort. — Tite
de Bostr. C’est lorsque tous sont dans l’admiration à la vue des prodiges
qu’il opère, qu’il leur prédit lui-même sa passion, car ce ne sont point les
miracles qui sauvent les hommes, c’est la croix qui est pour eux la source de
toutes les grâces : « Le Fils de l’homme doit être livré entre les
mains des hommes. » — Origène : (traité 4 sur Matth.) Il n’exprime pas ouvertement quel est celui qui le livrera, les uns disent que ce doit être Judas, les autres, le peuple; saint Paul affirme au contraire, que c’est Dieu le Père qui l’a livré à la mort pour nous tous. (Rm 8); c’est-à-dire que Judas l’a livré pour une somme d’argent dans un dessein perfide, tandis que Dieu le Père l’a livré pour la rédemption des hommes. — S. Jean Damascène : Théophylactus : Cependant le Sauveur ne permit point que ses disciples comprissent cette prédiction de sa croix, par condescendance pour leur faiblesse, et parce qu’il les conduisait d’après un plan arrêté [et en suivant une marche progressive] : Aussi l’Évangéliste ajoute : « Mais ils n’entendaient pas cette parole, et elle était voilée pour eux, afin qu’ils n’en eussent pas le sens.» — S. Bède : Cette ignorance des disciples avait moins pour cause la pesanteur de leur esprit, que leur amour pour Jésus-Christ. Ils étaient encore charnels, ils ne connaissaient pas encore le mystère de la croix, et ils ne pouvaient s’imaginer que celui qu’ils regardaient comme vrai Dieu, devait être soumis à la mort. Et comme le Sauveur leur parlait souvent par figures, ils pensaient qu’en annonçant qu’il serait livré, il voulait exprimer figurativement quelqu’autre vérité. — S. Cyrille : On demandera peut-être comment les disciples de Jésus-Christ pouvaient ignorer le mystère de la croix, puisque la loi, qui était pleine de figures, y faisait allusion en plusieurs endroits. Nous répondons avec saint Paul, que jusqu’à ce jour, lorsque les Juifs lisent Moïse, ils ont un voile sur le coeur. Ceux qui veulent s’approcher de Jésus-Christ doivent donc lui dire : « Ôtez le voile qui est sur mes yeux, et je contemplerai les merveilles de votre loi. » — Théophylacte : Remarquez encore la réserve respectueuse des disciples : « Et ils craignaient même de l’interroger sur ce sujet, » car la crainte est un degré du respect. |
Lectio 10 [85839] Catena in Lc., cap. 9 l. 10 Cyrillus.
Insidiatur Diabolus multimode diligentibus optimam vitam; et si quidem per
carnales illecebras obsidere valet alicuius mentem, affectus voluptatem exacuit
: si quis hos effugerit laqueos cupidinis, gloriae suscitat passionem, quae
quidem passio vanae gloriae invasit quemdam apostolorum suorum; unde dicitur
intravit autem cogitatio in eos, quis eorum esset maior : hoc enim cogitare
est cupientis ceteris superesse. Improbabile autem puto omnes discipulos hanc
aegritudinem incurrisse : et ideo ne crimen aliquod contra aliquem
discipulorum Evangelista machinari videretur, exprimit indeterminate dicens,
quod intravit in eos cogitatio. Theophylactus.
Videtur autem hanc passionem ex hoc ortam fuisse quod daemoniacum curare
non valuerunt, eis de hoc altercantibus; uno dicente quod non propter meam
impotentiam, sed alterius curari non valuit, ut ex hoc accensa contentio
fuerit quis eorum maior esset. Beda. Vel quia viderant Petrum, Iacobum
et Ioannem seorsum ductos in montem, et Petro claves regni caelorum promissas
fuisse, irati sunt, vel ipsos tres ceteris, vel Petrum omnibus esse praelatum
: vel quia tributi solutione Petrum ipsi domino parificatum viderant, ipsum
prae ceteris arbitrabantur praeferendum. Sed diligens lector hanc intra eos
quaestionem etiam ante didrachma redditum inveniet fuisse versatam. Denique
Matthaeus hoc in Capharnaum memorat esse gestum. Dicit autem Marcus : et
venerunt Capharnaum. Qui cum in domo essent, interrogabat eos : quid in via
tractabatis? At illi tacebant : siquidem inter se in via disputaverant quis
illorum esset maior. Cyrillus.
Dominus autem, qui novit salvos facere, videns in mente discipulorum super
hoc cogitationem exortam, velut quamdam amaritudinis radicem, priusquam
augmentum susciperet, radicitus eam evellit : cum enim inchoant passiones in
nobis, facile devincuntur; sed auctae difficile sunt mobiles; unde sequitur
at Iesus videns cogitationes cordis eorum, apprehendit puerum et statuit
illum penes se. Discat qui nudum hominem putat esse Iesum, se errasse;
quamvis enim verbum caro factum sit, mansit tamen Deus : nam solius Dei est
posse rimari corda et renes. Quod autem puerum assumpsit, et ponebat penes
se, agebatur causa apostolorum utilitatis et nostrae. Depascitur enim inanis
gloriae morbus ut plurimum eos, qui praeeminent in hominibus aliis. Puer
autem sinceram gerit mentem, immaculatum cor, et manet in simplicitate
cogitationum : non ambit honores, nec novit cuiusvis praerogativae modum, nec
refugit videri minus se habere, non multam gerit severitatem in mente et
corde. Tales autem dominus amplexatur, et diligit, et prope se dignatur
habere, quasi qui elegerunt quae sua sunt sapere. Ait enim : discite a me, quia
mitis sum et humilis corde; unde sequitur et ait : quicumque susceperit
puerum istum in nomine meo, me recipit; quasi dicat : quando una et eadem est
merces honorantibus sanctos, sive forsan minimus sit, sive praeclarus honore
et gloria, quia in eo Christus suscipitur; quomodo non vanum est petere
invicem fungi praerogativa? Beda.
In hoc autem vel simpliciter pauperes Christi ab his qui velint esse
maiores, pro eius docet honore suscipiendos; vel malitia parvulos istos esse
suadet; unde cum diceret quicumque susceperit puerum istum, addit in nomine
meo; ut scilicet formam virtutis, quam natura duce puer observat, ipsi pro
nomine Christi rationis industria sequantur. Sed quia et se in puero suscipi
docet, et ipse puer natus est nobis, ne putaretur hoc esse solum quod
videbatur, subiunxit et quicumque me recipit, recipit illum qui misit me :
talem se utique ac tantum credi volens, qualis et quantus est pater. Ambrosius.
Qui enim imitatorem Christi recipit, Christum recipit; et qui imaginem Dei
recipit, Deum recipit. Sed quia imaginem Dei non poteramus videre, facta est
nobis per incarnationem verbi praesens, ut reconciliaretur nobis quae supra
nos est, divinitas. Cyrillus.
Adhuc autem magis insinuat praemissi verbi intentionem, dicens nam qui
minor est inter vos omnes, hic maior est. Quod de modesto dicit, qui nihil de
se sublime putat propter honestatem. Theophylactus.
Quia dominus dixerat qui minor est inter vos omnes, hic maior est, timuit
Ioannes ne forte malum aliquod fecerint, propria potestate quemdam hominem
prohibentes; nam prohibitio non minorem prohibentem ostendit, sed maius
aliquid sapientem; unde subditur respondens autem Ioannes dixit : praeceptor,
vidimus quemdam in nomine tuo eicientem Daemonia, et prohibuimus eum : non
quidem invidentes, sed operationem miraculorum diiudicantes : non enim cum
eis miraculorum potestatem acceperat, neque eum dominus miserat sicut illos,
neque Iesum in omnibus sequebatur; unde subdit qui non sequitur te nobiscum.
Ambrosius.
Ioannes enim plurimum diligens, et ideo redamatus plurimum, excludendum
putat beneficio eum qui non utatur obsequio. Cyrillus.
Sed oportebat magis pensare non hunc ipsum esse miraculorum auctorem, sed
gratiam quae est in eo qui in virtute Christi miracula perficit. Quid autem si
non connumerentur apostolis qui Christi gratia coronantur? Multae sunt
differentiae Christi donorum; sed quia tradidit salvator potestatem apostolis
ut spiritus immundos eicerent, putaverunt nulli aliorum quam sibi solis
licere concessam gerere dignitatem; et ideo accedunt sciscitantes si liceat
et aliis hoc agere. Ambrosius.
Non reprehenditur autem Ioannes, quia amore faciebat, sed docetur, ut
noverit infirmorum esse firmorumque distantiam. Et ideo dominus etsi fortiores
remunerat, tamen non excludit infirmos; unde sequitur et ait ad illos Iesus :
nolite prohibere : qui enim non est adversum vos, pro vobis est. Bene, domine
: nam et Ioseph et Nicodemus, occulti discipuli propter metum, in tempore
tamen suum tibi officium non negaverunt. Sed tamen, quia alibi dixisti : qui
non est mecum, adversum me est, et qui mecum non colligit, dispergit, aperi
nobis, ne videatur esse contrarium. Et puto, quia si quis mentium consideret
scrutatorem, non debeat dubitare uniuscuiusque factum mente discerni. Chrysostomus.
Illic enim cum dixit : qui non est mecum, adversum me est, ostendit
Diabolum et Iudaeos sibi esse contrarios; hic autem ostendit eum qui in
nomine Christi Daemones eiciebat, in parte cum eis existere. Cyrillus.
Quasi dicat : pro vobis, qui Christum diligitis, sunt qui prosequi volunt
quae ad ipsius gloriam spectant, eiusdem gratia coronati. Theophylactus.
Mirare autem Christi virtutem, qualiter per indignos et non discipulos
eius gratia operatur; sicut et per sacerdotes sanctificantur homines, quamvis
sacerdotes sancti non fuerint. Ambrosius.
Cur autem hic eos qui possunt per manus impositionem immundis imperare
spiritibus in nomine Iesu, negat esse prohibendos? Secundum Matthaeum dicit
his : non novi vos. Sed advertere debemus, non esse sententiarum discordiam;
sed illud censeri, quod non solum officii in clericos, sed etiam virtutis
opera requirantur; tantumque esse Christi nomen, ut etiam parum sanctis
opituletur ad praesidium, etsi non opituletur ad gratiam : unde nemo purgati
hominis sibi gratiam vindicet, in quo aeterni nominis virtus operata sit :
non enim merito suo Diabolus, sed odio sui vincitur. Beda.
Itaque in haereticis et malis Catholicis non sacramenta communia in quibus
nobiscum sunt et adversum nos non sunt, sed divisionem paci veritatique
contrariam, qua adversum nos sunt, et dominum non sequuntur nobiscum,
detestari et prohibere debemus. |
Versets 46-50.
— S. Cyrille : Le démon tend des piéges de toutes sortes à ceux qui s’attachent à vivre saintement; lorsqu’il peut séduire une âme par l’attrait des plaisirs charnels, il excite en elle l’amour des voluptés; si elle échappe à cette tentation, il cherche à la rendre esclave de la passion de la gloire, et c’est ce désir de la vaine gloire qui s’empare de quelques-uns de ses Apôtres : « Il leur vint en pensée lequel d’entre eux était le plus grand. » Or, avoir cette pensée, c’est désirer être plus grand que les autres. J’estime qu’il n’est pas vraisemblable que tous les disciples aient succombé à ce sentiment de vaine gloire, et c’est pour ne point faire tomber sur quelqu’un d’entre eux cette accusation, que l’Évangéliste s’exprime d’une manière générale : « Il leur vint en pensée. » — Théophylacte : Il paraît que cette pensée leur vint de ce qu’ils n’avaient pu guérir cet homme qui était possédé; dans la discussion qu’ils eurent à ce sujet, l’un disait : Ce n’est point par suite de mon impuissance que je n’ai pu le guérir, c’est le fait d’un autre, et telle fut la cause de cette dispute sur celui d’entre eux qui étaient le plus grand. — S. Bède : On peut dire encore que les Apôtres ayant vu le Sauveur faire choix de Pierre, Jacques et Jean, pour les conduire séparément sur la montagne, et promettre à Pierre les clefs du royaume des cieux, s’irritèrent et se persuadèrent que ces trois disciples avaient le pas sur eux, ou que Pierre était mis à la tête de tous les Apôtres. Ou bien enfin, ils crurent que Pierre était placé au-dessus d’eux, parce que le Sauveur l’avait comme égalé à lui-même dans le paiement du tribut. Cependant le lecteur attentif trouvera qu’ils avaient agité entre eux cette question avant qu’il fût question de ce tribut. D’ailleurs saint Matthieu rapporte cette discussion comme ayant eu lieu à Capharnaüm (Mt 18); saint Marc fait de même : « Et ils vinrent à Capharnaüm, et lorsqu’ils furent dans la maison, il leur demanda : Que discutiez-vous en chemin ? Et ils se taisaient, parce que dans le chemin, ils avaient disputé ensemble qui d’entre eux était le plus grand. » — S. Cyrille : Le Seigneur, qui sait comment faire pour nous sauver, voit naître dans l’esprit des disciples cette pensée d’orgueil comme une racine d’amertume (cf. He 12, 5), il l’extirpe donc entièrement avant qu’elle se soit développée; car il est facile de triompher de nos passions lorsqu’elles viennent de naître, mais lorsqu’elles ont pris de l’accroissement, il est on ne peut plus difficile de les détruire : « Mais Jésus, voyant les pensées de leur coeur, prit un petit enfant et le plaça près de lui » etc... Que celui qui ne veut voir en Jésus-Christ qu’un homme, reconnaisse ici son erreur : le Verbe s’est fait chair, il est vrai, mais il n’a pas cessé d’être Dieu; car à Dieu seul, il appartient de sonder les coeurs et les reins. Il prend un enfant et le place près de lui, pour l’instruction des Apôtres et pour la nôtre; car la maladie de la vaine gloire s’attaque principalement à ceux qui ont quelque supériorité sur les autres hommes. Un enfant, au contraire, a l’âme candide, le coeur pur, une grande simplicité dans ses pensées; il n’ambitionne pas les honneurs, il ne recherche aucune distinction, il ne craint point de paraître inférieur aux autres, son esprit, comme son cœur, sont exempts de toute rigoureuse exigence. Tels sont ceux que le Seigneur affectionne et chérit tendrement, qu’il daigne placer près de lui, parce qu’ils ont les inclinations et les goûts de son propre coeur. C’est lui qui nous dit en effet : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. » Et ici : « Quiconque recevra cet enfant en mon nom, me reçoit, » Voici le sens de ces paroles : Puisqu’il n’y a qu’une seule et même récompense pour ceux qui honorent les saints, qu’ils soient petits aux yeux des hommes, ou qu’ils soient environnés d’honneur et de gloire, parce que c’est Jésus-Christ qu’on reçoit dans leur personne, quelle vanité de se disputer la prééminence ! — S. Bède : Le Sauveur veut ici apprendre à ceux qui veulent être les premiers à recevoir en son nom et par honneur pour lui les pauvres de Jésus-Christ, ou à imiter l’innocence des petits enfants (cf. 1 Co 14, 20). Aussi, après avoir dit : « Quiconque recevra cet enfant, » il ajoute : « en mon nom, » pour engager ses disciples à suivre, par raison et au nom de Jésus-Christ, ces exemples de vertu qu’un enfant pratique naturellement. Mais comme c’est lui qu’on doit recevoir en recevant un enfant, et que lui-même a daigné se faire enfant pour nous, on aurait pu croire qu’il n’était que ce qu’il paraissait extérieurement, aussi ajoute-t-il : « Et quiconque me recevra, reçoit celui qui m’a envoyé. » Ainsi il veut qu’on le croie tout à fait semblable et aussi grand qu’est son Père. — S. Ambroise : En effet, celui qui reçoit un imitateur du Christ, reçoit le Christ lui-même; et celui qui reçoit l’image de la substance de Dieu, reçoit aussi Dieu lui-même. Mais comme nous ne pouvions voir l’image de Dieu, Dieu nous l’a rendue sensible et présente par l’incarnation du Verbe, pour nous réconcilier avec la divinité qui est au-dessus de nous, — S. Cyrille : Le Sauveur explique encore plus à fond le sens des paroles qui précèdent : « Car celui qui est le plus petit parmi vous tous, est le plus grand, » paroles qui conviennent à l’âme qui est humble, qui, par un profond sentiment d’honnêteté, n’ose avoir aucune grande pensée d’elle-même. — Théophylacte : Notre Seigneur
venait de dire : « Celui qui est le plus petit parmi vous, est le
plus grand, » Jean craignit donc qu’ils ne se fussent rendus
coupables en faisant en leur nom une défense formelle à un homme qui chassait
les démons; car faire défense n’est pas un acte d’infériorité, mais le signe
d’une autorité supérieure : « Jean, prenant la parole, lui dit :
Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons en notre nom, et nous
l’en avons empêché. » Ce n’était point par un sentiment d’envie,
mais parce qu’ils voulaient s’assurer de la nature [et de l’authenticité] de
ces miracles. En effet, cet homme n’avait pas été revêtu, comme eux, du
pouvoir d’opérer des prodiges; il n’avait pas reçu, comme eux, la mission
divine, il ne marchait pas continuellement à la suite de Jésus-Christ, comme
Jean l’affirme : « Il ne vous suit pas avec nous. » — S. Ambroise : Jean, le plus aimant des disciples, et pour cela le plus aimé, croit qu’on doit refuser ce pouvoir tout divin à celui qui n’est point le disciple fidèle de Jésus. — S. Cyrille : Il eût été plus raisonnable de penser que cet homme n’était pas l’auteur des miracles [qu’on lui voyait opérer], mais la grâce divine qui agit dans celui qui fait des miracles au nom et par la puissance du Christ. Qu’importe que ceux qui ont reçu cette grâce de Jésus-Christ, ne sont point comptés parmi les Apôtres ? Les dons du Christ sont très différents, mais comme le Sauveur avait spécialement donné aux Apôtres le pouvoir de chasser les esprits immondes (Mt 10), ils s’imaginèrent que c’était un privilège qui leur était exclusivement personnel, et c’est pour cela qu’ils s’approchent de Notre Seigneur pour lui demander si d’autres partageaient ce pouvoir avec eux. — S. Ambroise : Le Sauveur ne fait aucun reproche à Jean, parce qu’il agissait sous l’inspiration de son amour, mais il lui apprend à connaître la différence qui sépare les chrétiens faibles de ceux qui sont forts. Le Seigneur récompense ceux qui sont forts, mais il n’exclut pas pour cela ceux qui sont plus faibles : « Et Jésus lui dit : Ne l’en empêchez point, car celui qui n’est point contre vous, est pour vous, » Oui, Seigneur, vous dites vrai, car Joseph et Nicodème étaient vos disciples cachés par crainte, et cependant ils ne vous refusèrent pas en son temps le témoignage de leur fidélité [et de leur amour]. Et toutefois, comme vous avez dit vous-même ailleurs : « Celui qui n’est pas avec moi, est contre moi; et celui qui ne recueille pas avec moi, dissipe » (Lc 11, 23); daignez faire disparaître cette apparente contradiction. Quant à moi, je pense que celui qui considérera attentivement le [divin] scrutateur des coeurs, sera convaincu qu’il discerne les actions des hommes par l’intention qui les produit. — S. Jean Chrysostome : (hom. 42 sur Matth.) En effet, lorsqu’il dit : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, » il veut faire connaître à ses disciples que le démon et les Juifs sont contre lui; mais ici, il veut leur apprendre que cet homme, qui chassait les démons au nom de Jésus-Christ, était en partie de leur côté. — S. Cyrille : Comme s’il disait : A cause de vous qui aimez le Christ, il en est qui cherchent tout ce qui a rapport à sa gloire, et qui ont reçu le même grâce. — Théophylacte : Qu’elle est admirable la puissance de Jésus-Christ, et comme sa grâce opère par des hommes indignes qui ne sont pas ses disciples ! C’est ainsi que les prêtres produisent la sanctification dans les âmes, bien qu’ils n’aient pas eux-mêmes la grâce de la sainteté. — S. Ambroise : Mais pourquoi ne veut-il pas qu’on empêche ceux qui, par l’imposition des mains, ont le pouvoir de commander aux esprits immondes au nom de Jésus, tandis que dans l’Évangile de saint Matthieu, il leur dit : « Je ne vous connais point. » ? Il n’y a ici aucune contradiction, nous devons seulement conclure de ces dernières paroles, que le Sauveur ne demande pas seulement aux clercs les oeuvres de leur ministère, mais des oeuvres de vertu; et que le nom de Jésus-Christ renferme une si grande puissance, qu’il la communique à ceux mêmes qui sont loin d’être saints, pour le bien de leurs frères, mais non pour leur propre sanctification. Que personne donc ne s’attribue le mérite de la guérison spirituelle d’un homme, que la puissance du nom éternel de Dieu a délivré de ses crimes; ce n’est point votre mérite, mais la haine que Dieu porte au démon, qui est la cause de sa défaite. — S. Bède : Lorsque donc nous rencontrons des hérétiques et des mauvais catholiques, ce que nous devons détester et combattre en eux, ce ne sont pas les pratiques qui nous sont communes avec eux, et qui sont comme un lien d’unité qui les rattache encore à nous, mais la division contraire à la paix et à la vérité, qui les rend nos ennemis. |
Lectio 11 [85840] Catena in Lc., cap. 9 l. 11 Cyrillus. Cum immineret tempus quo decebat dominum, peracta
passione salubri, caelum ascendere, decrevit ascendere Ierosolymam; unde
dicitur factum est autem, dum complerentur dies assumptionis eius, et ipse
faciem suam firmavit ut iret in Ierusalem. Titus. Quia ibi oportebat
verum agnum offerri, ubi figuralis agnus immolabatur. Dicit autem firmavit
faciem suam; idest, non huc et illuc ibat, nec perambulabat vicos et
municipia, sed iter tenebat versus Ierusalem. Beda.
Cessent ergo Pagani quasi hominem ridere crucifixum, quem et tempus suae
crucifixionis constat quasi Deum praevidisse, et quasi sponte crucifigendus
locum quo crucifigendus erat firmata facie, idest obstinata atque
imperterrita mente, petiisse. Cyrillus. Misit autem nuntios paraturos
ei et comitibus eius hospitium; qui cum ivissent ad terram Samaritanorum, non
fuerunt admissi; unde sequitur et misit nuntios ante conspectum suum; et
euntes intraverunt in civitatem Samaritanorum, ut pararent illi. Et non receperunt
illum. Ambrosius.
Disce quia recipi noluit ab his quos sciebat non simplici mente conversos;
nam si voluisset, ex indevotis devotos fecisset; sed Deus quos dignatur
vocat, et quem vult religiosum facit. Cur autem non receperunt, Evangelista
memorat dicens quia facies eius erat euntis in Ierusalem. Theophylactus.
Sed si intelligamus quod propter hoc illum non receperunt quia ire
Ierusalem determinaverat, inveniuntur hi excusati qui non receperunt eum. Sed
dicendum est, quod in hoc quod dicit Evangelista : et non receperunt illum,
intelligitur illud quod neque in Samariam venit; deinde quasi aliquo
interrogante quare non receperunt ipsum, neque eos adivit, solvens dicit, non
quia impotens esset, sed quod illuc ire nolebat, sed magis Hierosolymam. Beda.
Vel Ierusalem ire conspicientes Samaritani, dominum non recipiunt : non
enim coutuntur Iudaei Samaritani, ut Ioannes ostendit. Cyrillus.
Sed cum dominus, quia omnia noverat, sciret quod eius nuntii non essent a
Samaritanis recipiendi, ideo tamen praecepit eis quod praecederent, quia mos
erat ei omnia satagere erga profectum discipulorum. Ascendebat quidem
Hierosolymam propinquante tempore passionis. Ut igitur quando pati eum
viderent, non scandalizarentur, considerantes quod oportet patientes esse cum
contumelias inferunt aliqui, praemisit quasi quoddam praeludium Samaritanorum
repulsam. Profuit autem eis et aliter. Futuri enim erant doctores orbis
terrarum, civitates et villas percurrentes ad praedicandum evangelicam
doctrinam; quibus aliquando occurrerent aliqui minime recipientes sacram
praedicationem, quasi non concedentes secum commorari Iesum. Docuit igitur
eos quod divinam annuntiantes doctrinam pleni esse debebant patientia et
mansuetudine; non autem hostiles et iracundi, et in peccantes in eos
atrociter insurgentes : sed adhuc non erant tales; immo zelo fervido
concitati, volebant ignem de caelo super eos deducere. Sequitur cum vidissent
autem discipuli eius Iacobus et Ioannes, dixerunt; domine, vis dicimus ut
ignis descendat de caelo, et consumat illos? Ambrosius.
Sciebant enim, et Phinees reputatum ad iustitiam quia sacrilegos
interemerat, et ad preces Eliae ignem descendisse de caelo, ut prophetae
vindicaretur iniuria. Beda.
Sancti enim viri quod optime scirent mortem istam, quae animam dissolvit a
corpore, non esse formidandam; secundum eorum tamen animum qui illam
timerent, nonnulla peccata morte punierunt, quo et viventibus utilis metus
incuteretur, et illis qui morte puniebantur, non ipsa mors noceret, sed
peccatum, quod augeri posset si viverent. Ambrosius.
Sed vindicetur qui timet : vindictam non quaerit qui non timet. Similiter
ostenditur nobis in apostolis fuisse merita prophetarum, quando eamdem sibi
potestatem quam propheta meruit, impetrandi iure praesumunt; et bene praesumunt
quod ad sermonem suum ignis de caelo descenderet, quoniam filii sunt tonitrui.
Titus.
Censetur autem ab eis multo iustius esse Samaritanos perire, dominum non
admittentes, quam quinquaginta servum excludere tentantes. Dominus
autem in eos non commovetur, ut ostenderet quia non habet ultionis studium
perfecta virtus, nec ulla sit iracundia ubi plenitudo est caritatis; nam nec
excludenda est infirmitas, sed iuvanda. Procul a religiosis indignatio,
procul a magnanimis cupiditas ultionis; unde sequitur et conversus increpavit
illos, et dixit : nescitis cuius spiritus estis. Beda.
Reprehendit in eis dominus non exemplum prophetae sancti, sed ignorantiam
vindicandi, quae adhuc erat in rudibus, animadvertens eos non amore
correptionem, sed odio desiderare vindictam. Itaque posteaquam eos docuit
quid esset diligere proximum tamquam seipsum, infuso etiam spiritu sancto non
defuerunt tales vindictae, quamvis multo rarius quam in veteri testamento :
quia, sicut sequitur, filius hominis non venit animas perdere, sed salvare;
quasi dicat : et vos ergo, qui eius spiritu signati estis, etiam acta eius
imitamini, nunc pie consulentes, sed in futuro iuste iudicantes. Ambrosius.
Non enim semper in eos qui peccaverunt est vindicandum; quia nonnunquam
amplius prodest clementia, tibi ad patientiam, lapso ad correptionem. Denique
Samaritani citius crediderunt, a quibus hoc loco ignis arcetur. |
Versets 51-56.
— S. Cyrille : Comme le temps approchait où le Seigneur devait, après les souffrances de sa passion, remonter au ciel, il résolut de se rendre à Jérusalem : « Les jours où il devait être enlevé de ce monde étant près de s’accomplir, il prit résolument la direction de Jérusalem.» — Tite de Bostr. Il fallait, en effet, que le véritable agneau fût offert là où l’agneau figuratif était immolé. L’Évangéliste dit qu’il « affermit son visage, » c’est-à-dire qu’il n’allait point de côté et d’autre, qu’il ne parcourait point les bourgs et les villages, mais qu’il se rendait directement à Jérusalem. — S. Bède : Que les païens cessent donc d’insulter, comme un homme, ce crucifié qui a prévu, certainement comme Dieu, le temps de son crucifiement, et qui, consentant à cette mort ignominieuse, a marché avec une contenance ferme, c’est-à-dire avec une âme résolue et intrépide. — S.
Cyrille : Il envoie devant lui des messagers, pour
lui préparer un logement et à ceux de sa suite, mais, lorsqu’ils arrivèrent
dans le pays de Samarie, ils ne furent point reçus : « Et il envoya devant lui quelques-uns de ses disciples, et ils
partirent et entrèrent dans un bourg de Samarie pour lui préparer un
logement; mais les habitants refusèrent de le recevoir. » — S. Ambroise : Remarquez que le Sauveur ne voulut point être reçu par ceux qu’il savait n’être point sincèrement convertis; s’il l’eût voulu, il eût changé leurs mauvaises dispositions, et leur eût inspiré un véritable dévouement pour sa personne; mais Dieu appelle qu’il en juge digne, et donne aussi suivant sa volonté la grâce de la foi [et de la piété]. Or, l’Évangéliste nous fait connaître la raison pour laquelle ils refusèrent de le recevoir : « parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. » — Théophylacte : Mais s’ils refusèrent de le recevoir, parce que son intention était de se rendre à Jérusalem, ne sont-ils pas excusables ? Nous répondons qu’il faut entendre ces paroles de l’Evangéliste : « Et ils ne le reçurent pas, » dans ce sens qu’il ne vint même pas dans le pays de Samarie, et qu’à cette question : Pourquoi ne l’ont-ils pas reçu ? l’auteur sacré répond que, s’il négligea d’aller chez eux, ce n’est point par impuissance de sa part, mais parce qu’au lieu de se rendre dans le pays de Samarie, il aima mieux aller à Jérusalem. — S. Bède : On peut dire aussi que les Samaritains ne voulurent point le recevoir, par ce qu’ils le voyaient se diriger vers Jérusalem, car selon la remarque de saint Jean, les Juifs ne communiquent pas avec les Samaritains. (Jn 4.) — S. Cyrille : Le Sauveur, qui connaissait toutes choses [avant leur accomplissement], savait bien que ceux qu’il envoyait ne seraient pas reçus par les Samaritains; il leur commande cependant d’aller annoncer sa venue, parce qu’il agissait toujours dans l’intérêt de ses disciples. Il se rendait à Jérusalem aux approches de sa passion, c’est donc pour leur épargner le scandale de ses souffrances, et leur apprendre à supporter patiemment les outrages, qu’il permit ce refus des Samaritains, comme une espèce de prélude [de ce qu’il devait souffrir]. Il leur donnait encore une autre leçon, ils étaient destinés à être un jour les docteurs de tout l’univers, et devaient parcourir les villes et les bourgades pour y prêcher la doctrine de l’Évangile, et ils devaient nécessairement rencontrer des hommes qui refuseraient de recevoir cette sainte prédication, et ne permettraient pas à Jésus de demeurer au milieu d’eux. Il leur apprend donc, qu’en annonçant cette divine doctrine, ils doivent se montrer pleins de patience et de douceur, fuir tout sentiment de haine et de colère, et ne jamais chercher à sévir contre ceux qui les outrageraient. Mais telles n’étaient point leurs dispositions; cédant aux mouvements d’un zèle trop ardent, ils voulaient faire tomber sur les Samaritains le feu du ciel : « Ce qu’ayant vu ses disciples, Jacques et Jean, ils lui dirent : Seigneur, voulez-vous que nous commandions que le feu du ciel descende, et les consume ?» etc. — S. Ambroise : Ils se rappelaient que le zèle de Phinées, qui avait mis à mort des sacrilèges (Nb 25), lui avait été imputé à justice; et encore, qu’à la prière d’Elie, le feu était descendu du ciel pour venger les outrages faits à ce prophète (4 R 1.) — S. Bède : Ces saints personnages, en sachant parfaitement que la mort qui sépare l’âme du corps, n’est pas à redouter, ont semblé agir comme ceux qui la craignaient, et ont puni quelquefois de mort certains crimes. Ils inspiraient ainsi à ceux qui en étaient témoins une salutaire frayeur, et pour ceux qui étaient punis de mort, ce n’est pas la mort qui leur était funeste, c’eût été bien plutôt le péché qui aurait pu s’accroître, s’ils eussent vécu plus longtemps. — S. Ambroise : Laissons la vengeance à celui qui est dominé par la crainte; celui qui est sans crainte, ne cherche pas à se venger. Nous voyons encore ici que les Apôtres étaient égaux en mérites aux prophètes, puisqu’ils espèrent obtenir en toute justice le même pouvoir que le prophète; et l’espérance qu’ils ont de faire descendre le feu du ciel est fondée, puisqu’ils sont les fils du tonnerre. (Mc 3, 17.) — Tite de Bostr. Les disciples estiment que la punition des Samaritains, frappés de mort pour avoir refusé de recevoir le Sauveur, serait beaucoup plus juste que celle des cinquante soldats envoyés pour se saisir d’Élie[, son serviteur]. — S. Ambroise : Le Sauveur, au contraire, ne s’irrite point contre eux, il veut nous apprendre que le désir de la vengeance est incompatible avec la perfection de la vertu, que la plénitude de la charité exclut toute colère, qu’il ne faut point repousser la faiblesse, mais bien plutôt l’aider, et que les âmes vraiment pieuses doivent rejeter bien loin tout mouvement d’indignation, et les âmes magnanimes tout désir de vengeance : « Jésus, se tournant vers eux, les reprit, en disant : Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. » — S. Bède : Le Seigneur ne leur reproche point de vouloir suivre l’exemple du saint prophète, mais l’erreur grossière où ils étaient par rapport à la vengeance, et il les reprend de ce qu’ils désiraient se venger de leurs ennemis, par sentiment de haine plutôt que de les ramener au bien par un sentiment d’affection. Aussi, après qu’il leur eut enseigné comment ils devaient aimer leur prochain comme eux-mêmes, et lors même qu’ils eurent reçu le Saint-Esprit, on vit encore de ces vengeances, quoique plus rarement que dans l’Ancien Testament; car comme Notre Seigneur ajoute : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour perdre les âmes, mais pour les sauver. » Comme s’il disait : Vous donc qui êtes marqués de son esprit, soyez les imitateurs de ses oeuvres, exercez ici-bas la miséricorde, vous jugerez avec justice dans le siècle futur. — S. Ambroise : En effet, il ne faut pas toujours punir ceux qui sont coupables; souvent la clémence est bien plus utile; elle vous fait pratiquer la patience, et elle inspire au pécheur le désir de devenir meilleur. C’est ainsi que les Samaritains, sur lesquels le Sauveur refusa de faire tomber le feu du ciel, embrassèrent la foi avec plus d’empressement. |
Lectio 12 [85841] Catena in Lc., cap. 9 l. 12 Cyrillus.
Etsi munificus sit omnium dominus, non simpliciter et improvide singulis
dat superna et divina dona, sed illis qui digni sunt recipere, qui scilicet
animam suam alienant a maculis pravitatum; et hoc nos docet evangelicorum
verborum virtus, cum dicitur factum est autem ambulantibus illis in via,
dixit quidam ad illum : sequar te quocumque ieris. Primo quidem plurima
continetur in accessu inertia; consequenter ostenditur quod plenus impudentia
nimia : neque enim simpliciter Christum sequi petebat, sicut alii plures de
populo; sed magis insiliebat ad apostolicas dignitates, cum Paulus dicat :
non assumat quisquam sibi honorem, sed a Deo vocatus. Athanasius.
Ausus etiam fuit comparare se incomprehensibili salvatoris potestati,
dicens sequar te quocumque ieris : eo quod sequi salvatorem simpliciter ad
eius audiendam doctrinam possibile est humanae naturae proprietate, qua
fungitur erga homines; non est autem possibile secum concurrere ubilibet
existenti : ipse namque incomprehensibilis est, et non circumscribitur loco.
Cyrillus.
Alio quoque modo non immerito recusabilem facit eum; decebat enim ipsum
crucem suam accipere ad sequendum dominum, et abrenuntiare praesentis vitae
affectibus : et hoc dominus in eo reprehendit, non vituperans, sed corrigens.
Sequitur et ait Iesus : vulpes foveas habent et volucres caeli nidos; filius
autem hominis non habet ubi caput suum reclinet. Theophylactus.
Quia enim viderat dominum multum populum adducentem, putavit quod ab eis
haberet pretium, et quod si ipse dominum sequeretur, posset pecuniam
congregare. Beda.
Unde dicitur ei : quid me propter divitias et lucra huius saeculi cupis
sequi, cum tantae sim paupertatis ut nec hospitiolum quidem habeam, et non
meo utar tecto? Chrysostomus.
Aspice qualiter paupertatem quam dominus docuerat, per opera demonstrat.
Non erat ei mensa, non candelabrum, non domus, nec quicquam aliud talium.
Cyrillus.
Mystica autem significatione vulpes et volatilia caeli malignas et astutas
potestates Daemonum vocat : quasi dicat : quando vulpes et volatilia in te
mansionem habent, qualiter Christus in te requiescet? Quid commune est luci
et tenebris? Athanasius.
Vel in hoc dominus magnitudinem sui muneris docet; quasi dicat : omnia
generabilia circumscribi possunt; verbum vero Dei incomprehensibilis
potestatis est : et ideo ne dicas sequar te quocumque ieris. Ceterum si velis
discipulus fieri, abdices irrationabilia : eo quod impossibile est eum qui
moratur in irrationabilitate, verbi discipulum fieri. Ambrosius.
Vel vulpes haereticis comparat : fallax quippe animal et insidiis semper
intentum, rapinam fraudis exercet : nihil tutum, nihil otiosum, nihil patitur
esse securum, eo quod intra ipsa hospitia hominum praedam requirit. Ita sunt
haeretici, qui domum sibi parare non norunt, sed circumscriptionibus suis
alios decipere conantur. Hoc animal neque mansuescit unquam; unde apostolus
ait : haereticum hominem post unam correctionem devita. Volucres vero caeli
frequenter ad nequitiae spiritualis similitudinem derivantur; et veluti nidos
quosdam struunt in pectoribus improborum : et ideo dominante versutia in
affectibus singulorum, nulla potest divinitatis esse possessio; ubi autem
mentem probaverit innoxiam, supra ipsum quodammodo vim suae maiestatis
reclinat, quia profusiore quadam gratia honorum pectoribus inseritur. Sic
igitur non videtur convenire rationi ut simplicem fidelemque ipsum arbitremur
qui domini dignatione respuitur, cum indefessi famulatus obsequium
spopondisset. Sed dominus non obsequiorum speciem, sed
puritatem quaerit affectus; nec obsequium eius admittitur cuius non probatur
officium : circumspectum etenim fidei debet esse hospitium : ne dum
infidelibus nostrae domus interna reseramus, in alienam perfidiam improvida
credulitate labamur. Itaque ut advertas Deum non cultus aspernantem esse, sed
fraudis; qui repudiavit fraudulentum, elegit innocentem; sequitur enim ait
autem ad alterum : sequere me. Sed hoc dicit ei cuius
patrem iam sciebat mortuum; unde sequitur ille autem dixit : domine, permitte
mihi primum ire et sepelire patrem meum. Beda.
Non discipulatum respuit; sed expleta primum paterni funeris pietate,
liberior assequi desiderat. Ambrosius.
Sed dominus quos miseretur advocat; unde sequitur dixitque Iesus : sine ut
mortui sepeliant mortuos suos; tu autem vade, et annuntia regnum Dei. Cum
religiosum humani corporis sepeliendi acceperimus officium, quomodo paterni
quoque funeris sepultura prohibetur, nisi ut intelligas humana posthabenda
divinis? Bonum studium, sed maius impedimentum; nam qui partitur studium,
derivat affectum; qui dividit curam, differt profectum; ergo prius sunt
obeunda quae maxima : nam et apostoli ne occuparentur studio dispensandi,
ministros pauperibus ordinaverunt. Chrysostomus
in Matthaeum. Quid autem magis necessarium paternis exequiis; quid
facilius, cum non esset multum temporis dandum? Per hoc docemur quod minime
tempus frustra ducere decet, etsi mille cogentia sint; immo praeferre
spiritualia cunctis admodum necessariis. Diabolus enim insistit attentius,
volens aliquem aditum invenire; et si modicam sumat negligentiam, magnam
operatur pusillanimitatem. Ambrosius.
Non ergo paterni funeris sepultura prohibetur : sed necessitudini generis
divinae religionis pietas antefertur. Illud consortibus relinquitur, hoc
mandatur relictis. Quomodo autem mortui sepelire mortuos possunt, nisi
geminam hic intelligas mortem, unam naturae, alteram culpae? Est etiam mors tertia, in qua peccato morimur, Deo vivimus. Chrysostomus in Matthaeum. Cum ergo dixisset mortuos suos, ostendit
hunc non esse mortuum eius; puto enim de numero infidelium fuisse defunctum.
Ambrosius. Aut quia sepulchrum patens est guttur impiorum, memoria
eorum abolenda praescribitur quorum simul cum corpore meritum occidit; nec
revocatur ab officio patris filius, sed fidelis a perfido communione
secernitur; non interdictum est muneris, sed religionis mysterium,
communionem nobis cum gentibus mortuis non futuram. Cyrillus. Vel aliter. Erat enim pater senectute gravatus. Putat
autem honestum aliquid agere, dum proponeret observare ei debitam pietatem,
secundum illud : honora patrem tuum et matrem tuam. Unde ubi vocatus est ad
evangelicum ministerium, dicente domino sequere me, quaerebat inducias quae
sufficere possent ad decrepiti patris sustentationem dicens permitte mihi
primum ire, et sepelire patrem meum : non quod defunctum patrem sepelire
rogaret; neque enim Christus hoc agere volentem impedivisset; sed dixit
sepelire, idest sustentare in senectute usque ad mortem. Sed dominus ad eum
dixit sine mortuos sepelire mortuos suos : erant enim et alii curatores linea
parentelae astricti, sed, ut aestimo, mortui, eo quod nondum Christo
crediderant. Hinc percipe quod praeferenda sit pietas qua Deo
tenemur, amori parentum; quibus reverentiam exhibemus, quia per eos geniti
sumus; sed omnium Deus, cum non essemus, ad esse nos conduxit; parentes autem
facti sunt ministri introitus ad esse. Augustinus
de Cons. Evang. Hoc ergo dicebat dominus illi cui dixerat sequere me.
Alius vero discipulus misit se in medio, cui nemo aliquid dixerat; unde
sequitur et alter ait : sequar te, domine, sed primum permitte mihi ire, et
renuntiare his qui domi sunt, ne forte, quomodo fieri solet, quaerant me.
Cyrillus.
Imitanda autem huiusmodi promissio, et omni laude plena; sed quaerere
renuntiare his qui domi sunt, licentiando se ab eis, ostendit quod utcumque
divisus sit a domino, dum hoc non perfecte adire proposuerit mente : nam
velle consulere proximos non consensuros huic proposito, indicat se utcumque,
labentem : propter quod dominus hoc improbat. Sequitur ait ad illum Iesus :
nemo mittens manum suam ad aratrum, et respiciens retro, aptus est regno Dei.
Apposuit manum aratro qui affectuosus est ad sequendum; tamen respicit retro
qui dilationem petit, occasione redeundi ad domum et cum propinquis
conferendi. Augustinus
de Verb. Dom. Quasi dicat ei : vocat te oriens, et tu attendis occidentem.
Beda.
Manum etiam cuilibet in aratrum mittere, est quasi quodam compunctionis instrumento,
ligno et ferro dominicae passionis duritiem sui cordis atterere, atque ad
serendos bonorum operum fructus aperire; quam si quis excolere incipiens cum
uxore Lot ad ea quae reliquerat, respicere delectatur, futuri iam regni
munere privatur. Graecus.
Crebri namque intuitus eorum quae deseruimus, propter consuetudinem
trahunt ad retro acta : violentum enim quid usus est ad retinendum sibi.
Nonne habitus ex usu, ex habitu vero natura innascitur? Naturam vero amovere
vel alterare difficile : nam et si paulisper declinet coacta, redit ad
seipsam velociter. Beda.
Si autem secuturus dominum discipulus, quia vel domi renuntiare velit
arguitur, quid fiet illis qui nulla utilitatis gratia saepe visitant domos
illorum quos in mundo reliquerunt? |
Versets 57—62.
— S. Cyrille : Le Seigneur est plein de libéralité pour tous les hommes, cependant il n’attribue pas indistinctement, et au hasard, les dons célestes et divins; il les réserve pour ceux qui en sont dignes, c’est-à-dire pour ceux qui savent préserver leur âme des souillures du péché, c’est ce que nous enseigne la parole puissante du saint Évangile : « Pendant qu’ils étaient en chemin, un homme lui dit : Je vous suivrai partout où vous irez. » Remarquons d’abord que cet homme s’approche
de Jésus avec beaucoup de tiédeur, et que, par conséquent, ses prétentions
sont excessives; en effet, il ne demande pas à marcher simplement à la suite
de Jésus-Christ, à l’exemple d’un grand nombre, comme beaucoup d’autres gens
du peuple, mais il aspire ouvertement à la dignité d’apôtre, contrairement à
cette parole de saint Paul : « Personne
ne peut s’attribuer cet honneur, mais il faut y être appelé de Dieu. »
(He 5.) — S. Athanase : Il ose encore s’égaler à la puissance incompréhensible du Sauveur en lui disant : « Je vous suivrai, partout où vous irez. » Car si la nature humaine, dans la condition que Dieu lui a faite, peut suivre le Sauveur pour entendre sa doctrine, il lui est impossible de le suivre partout où il est; car il est incompréhensible, et n’est circonscrit par aucun lieu. — S. Cyrille : Le Sauveur avait encore un autre motif légitime pour ne point accepter l’offre que lui faisait cet homme; il enseignait qu’il devait auparavant porter sa croix, pour suivre le Seigneur, et renoncer aux affections de la vie présente; et son intention, en lui donnant cette leçon, n’était pas de lui faire un reproche, mais de lui inspirer des dispositions plus parfaites. « Jésus lui dit : Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel des abris, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer la tête.» — Théophylacte : Cet homme avait vu le Sauveur entraîner une grande multitude à sa suite; il s’imagina qu’elle lui payait un tribut, et qu’en s’attachant lui-même au Seigneur, il trouverait le moyen de s’enrichir. — S. Bède : Aussi Jésus lui répond : « Pourquoi n’avez-vous d’autre motif, en désirant me suivre, que d’obtenir les richesses et les avantages de ce monde, lorsque je suis si pauvre, que je ne possède pas même la plus petite demeure, et que le toit qui m’abrite, ne m’appartient pas ? » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Voyez avec quelle sévérité le Sauveur pratique la pauvreté qu’il avait enseignée; il n’avait à lui ni table, ni chandelier, ni maison, ni aucune des choses nécessaires à la vie. — S.
Cyrille : Dans le sens figuré, les renards et les
oiseaux du ciel sont le symbole des puissances malignes et astucieuses des
démons, et Jésus semble dire à cet homme : Les renards et les oiseaux du ciel
trouvent en vous leur demeure, comment le Christ pourrait-il s’y
reposer ? Qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres ? (2 Co
6,
14.) — S. Athanase : Ou bien encore, le Seigneur veut montrer ici la grandeur de sa nature, comme s’il disait : Toutes les créatures peuvent être circonscrites par un espace, mais la puissance du Verbe de Dieu ne peut être ni comprise ni limitée par un lieu quelconque. Ne dites donc point : « Je vous suivrai partout où vous irez. » Si cependant vous désirez devenir son disciple, renoncez à tout ce qui est contraire à la raison; car il est impossible que celui qui se plaît au milieu des choses déraisonnables, devienne le disciple du Verbe. — S. Ambroise : Ou bien encore, dans la pensée du Sauveur, les renards sont la figure des hérétiques; le renard, en effet, est un animal trompeur, toujours occupé à tendre des piéges, et qui ne vit que de fraudes et de rapines, il ne laisse rien en repos, rien en paix, rien en sûreté, et cherche sa proie jusque dans la demeure des hommes. [De plus, le renard, animal astucieux, se creuse une tanière, et aime à s’y tenir caché]; tels sont aussi les hérétiques qui ne savent se construire une demeure, mais qui s’efforcent d’enlacer les âmes dans leurs sophismes trompeurs. Enfin, cet animal ne s’apprivoise pas. Aussi l’Apôtre fait-il cette recommandation : « Fuyez celui qui est hérétique, après le premier avertissement » (Tt 3.) Les oiseaux du ciel, qui sont souvent [dans les Écritures] la figure de la malice spirituelle, construisent leurs nids dans le coeur des méchants; et tant que la perfidie dominent leurs affections, Dieu ne peut prendre possession de leur âme; mais dès qu’il rencontre une âme innocente, il abaisse sur elle, pour ainsi dire, la plénitude de sa majesté, car il entre dans le coeur des bons, en y versant sa grâce avec profusion. Nous ne pouvons donc raisonnablement regarder comme simple et fidèle cet homme que le Sauveur ne juge pas digne de marcher à sa suite, bien qu’il promît de le servir avec un dévouement que rien ne pourrait affaiblir. C’est que le Seigneur ne se contente pas de l’apparence du dévouement, il exige la pureté d’intention, et il ne peut agréer l’obéissance de celui dont il n’approuve point les services. Nous ne devons exercer qu’avec [réserve et] prudence les devoirs de l’hospitalité spirituelle; car en ouvrant sans précaution, aux infidèles, la demeure intérieure de notre âme, nous nous exposons à tomber dans leur infidélité par une confiance imprévoyante, Cependant Dieu, après avoir éloigné cet hypocrite, admet à sa suite un homme sincère, pour nous apprendre qu’il ne rejette point la piété véritable, mais la fidélité mensongère. « Il dit à un autre : Suivez-moi. » Il savait que cet homme, auquel il s’adressait, avait perdu son père : « Celui-ci lui répondit : Maître, permettez-moi d’aller auparavant ensevelir mon père. » — S. Bède : Il ne refuse point de devenir le disciple de Jésus-Christ, mais il veut remplir auparavant les devoirs de la piété filiale, pour le suivre ensuite plus librement. — S. Ambroise : Mais le Seigneur appelle [sans délai] ceux que sa miséricorde a choisis : « Et Jésus lui dit : Laissez les morts ensevelir leurs morts. Mais toi, va annoncer le royaume de Dieu. » Puisque la religion elle-même nous commande de rendre à nos semblables les devoirs de la sépulture, pourquoi le Sauveur défend-il à cet homme d’ensevelir son père, si ce n’est pour nous faire comprendre que ce devoir purement humain doit le céder aux obligations qui ont Dieu pour objet ? Le désir de cet homme était bon, mais les difficultés [que l’accomplissement de ce désir lui créait], étaient plus à craindre; celui dont le zèle est partagé, partage aussi son amour, et en appliquant ses soins à deux objets différents, il retarde nécessairement les progrès de son âme. Il faut donc remplir d’abord les devoirs les plus importants, à l’exemple des Apôtres qui, pour n’être point absorbés par le soin des pauvres, établirent des ministres pour distribuer les aumônes. — S. Jean Chrysostome : (hom. 28 sur Matth.) Quelle obligation plus pressante que de rendre à un père les derniers devoirs ? Mais encore, quelle obligation plus facile, puisqu’il suffit de quelques instants pour l’accomplir. Le Sauveur veut donc nous apprendre ici à ne point employer inutilement la plus légère partie du temps, lors même que mille circonstances sembleraient nous forcer, et à toujours placer les intérêts spirituels au-dessus des choses les plus nécessaires; car le démon est sans cesse aux aguets, pour trouver quelque entrée dans notre âme, et s’il surprend la moindre négligence, il nous jette dans un relâchement extrême. — S.
Ambroise : Le Sauveur ne défend donc pas de rendre à
un père les derniers devoirs, mais il place les devoirs de religion au-dessus
des devoirs de la piété filiale. Il veut qu’on laisse à ses parents
l’accomplissement des uns, mais il fait à ses élus une obligation d’accomplir
les autres. Or comment les morts peuvent-ils ensevelir les morts, à moins que
vous ne compreniez qu’il y a deux morts différentes, la mort naturelle, et la
mort du péché ? Il y a encore une troisième mort, c’est celle qui nous
fait mourir au péché, et vivre pour Dieu. (Rm 9.) — S. Jean Chrysostome : (hom. 28, sur Matth.) Cette expression du Sauveur : « leurs morts », montre que ce mort ne lui appartenait pas, sans doute parce qu’il était mort dans l’infidélité. — S. Ambroise : Ou bien encore, comme la bouche des impies est un sépulcre ouvert (Ps 5), le Seigneur commande de détruire la mémoire de ceux dont tout le mérite meurt avec le corps; il ne détourne donc pas ce fils des devoirs que lui impose la piété filiale, mais il le sépare de tout commerce avec les infidèles. Ce n’est pas l’accomplissement d’un devoir qu’il interdit, c’est un acte de religion qu’il commande, c’est-à-dire qu’il ne faut avoir aucun rapport avec les nations qui sont dans la mort. — S. Cyrille : On peut encore dire que le père de ce jeune homme était accablé de vieillesse, et il croyait faire un acte louable en se proposant de pratiquer à son égard les devoirs de la piété filiale, comme Dieu lui-même le commande : « Honorez votre père et votre mère. » (Ex 20.) Aussi Notre Seigneur l’ayant appelé au ministère évangélique en lui disant : « Suivez-moi, » il demandait un délai pour subvenir aux besoins de son vieux père : « Permettez-moi d’aller auparavant ensevelir mon père. » Il ne demandait pas d’aller rendre à son père les devoirs de la sépulture, car Jésus-Christ ne l’en eût pas empêché, mais cette expression ensevelir signifiait qu’il désirait soutenir sa vieillesse jusqu’à sa mort. Mais le Seigneur lui répondit : « Laissez les morts ensevelir leurs morts » ; car son père avait d’autres parents aussi proches qui pouvaient prendre soin de lui, mais qui étaient morts, en ce sens, me semble-t-il, qu’ils n’avaient pas encore embrassé la foi en Jésus-Christ. Apprenez de là que la piété, que nous devons à Dieu, doit l’emporter sur l’amour et le respect que nous devons à nos parents, parce qu’ils nous ont engendrés. En effet, le Dieu de toutes les créatures nous a donné l’être, lorsque nous étions dans le néant, tandis que nos parents n’ont été que les instruments dont il s’est servi pour notre entrée dans la vie. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 2, 23.) Telle est la réponse que Jésus fit à celui qu’il avait appelé lui-même à sa suite. Un autre disciple s’approcha encore de lui sans avoir été appelé, et lui dit : « Seigneur, je vous suivrai, mais permettez-moi de disposer auparavant de ce que j’ai dans ma maison», afin qu’ils ne me cherchent pas, comme ce serait normal. — S. Cyrille : La résolution de cet homme est admirable et digne d’éloges; mais en demandant à renoncer aux biens qu’il possède, pour s’affranchir des soins qu’ils réclament, il montre que son coeur est encore partagé, puisque sa résolution n’est pas encore parfaitement arrêtée. Car vouloir consulter des proches, qui ne consentiront point à ce dessein, c’est montrer une résolution tant soit peu chancelante. Aussi Notre Seigneur n’approuve pas ce dessein; « Jésus lui répondit : Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n’est pas propre au royaume de Dieu, ». Mettre la main à la charrue, c’est être disposé à suivre Jésus-Christ par amour; mais c’est regarder en arrière, que de demander un délai pour avoir occasion de revenir dans sa maison, et de s’entendre avec ses proches. — S. Augustin : (serm. 7 sur les par. du Seig.) Jésus semble lui dire : L’Orient vous appelle, et vous regardez au couchant. — S. Bède : Mettre la main à la charrue, c’est aussi briser la dureté de son coeur avec le bois et le fer de la passion du Seigneur, comme avec un instrument de pénitence, et ouvrir son âme pour lui faire produire les fruits des bonnes oeuvres. Celui qui se livre à cette culture, et qui, semblable à la femme de Loth (Gn 19, 20), jette un regard de regret et d’affection sur les choses qu’il a laissées, demeure privé de la récompense du royaume éternel. — Chronique des Pères grecs : En jetant de fréquents regards sur les choses auxquelles nous avons renoncé, nous sommes entraînés par la force de l’habitude vers les actes de notre vie ancienne. L’usage, en effet, a une force véritable pour nous enchaîner. Est-ce que l’habitude ne naît pas de l’usage ? est-ce que l’habitude, à son tour, ne devient pas une seconde nature ? Or, il est bien difficile de vaincre ou de changer la nature, et si elle cède tant soit peu quand elle y est forcée, elle reprend bien vite son premier empire. — S.
Bède : Si Notre Seigneur blâme sévèrement ce
disciple qui désirait le suivre, parce qu’il voulait d’abord disposer de ce
qu’il avait dans sa maison; que dira-t-il à ceux qui, sans aucun motif
d’utilité, visitent fréquemment les maisons de ceux qu’ils ont laissés dans
le monde ? |
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Caput 10 |
CHAPITRE 10
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Lectio 1 [85842] Catena in Lc., cap. 10 l. 1 Cyrillus.
Certificaverat Deus per prophetas quod Evangelii praedicatio salutaris
comprehensura erat non solum Israel, sed etiam gentium greges : et ideo a
Christo post duodecim apostolos et alii septuaginta duo sunt instituti; unde
dicitur post haec autem designavit dominus et alios septuaginta duos.
Beda. Bene septuaginta duo mittuntur, quia totidem mundi gentibus
Evangelium praedicandum erat : ut quomodo duodecim primo, propter duodecim
tribus Israel; ita et hi propter exteras gentes destinarentur imbuendas. Augustinus
de quaest. Evang. Sicut etiam viginti quatuor horis totus orbis peragitur
atque lustratur, ita mysterium illustrandi orbis per Evangelium Trinitatis in
septuaginta duobus discipulis intimatur : ter enim viginti quatuor
septuaginta duo faciunt. Beda.
Sicut autem duodecim apostolos formam episcoporum praemonstrare nemo est
qui dubitet; sic et hos septuaginta duos figuram presbyterorum, idest secundi
ordinis sacerdotum, gessisse sciendum est; tametsi primis Ecclesiae
temporibus, ut apostolica Scriptura testis est, utrique presbyteri, utrique
vocabantur et episcopi; quorum unum sapientiae maturitatem, aliud industriam
curae pastoralis significat. Cyrillus.
Huius etiam forma in verbis Moysi figurabatur, qui iubente Deo septuaginta
elegit, quibus Deus spiritum infundebat. In numeris etiam scriptum est de
filiis Israel, quod venerunt in Helim, quod interpretatur ascensus; et erant
ibi duodecim fontes aquarum, et septuaginta palmae. Convolantes enim ad
augmentum spirituale reperiemus duodecim fontes, scilicet sacros apostolos, a
quibus haurimus salutis scientiam sicut a fontibus salvatoris; et septuaginta
palmas, hos scilicet qui nunc destinati sunt a Christo. Est enim palma arbor
bonae medullae, bene radicata et fertilis, et semper nascens in aquis, alta
simul, et frondes porrigens sursum. Sequitur et misit illos binos. Gregorius
in Evang. Binos in praedicatione discipulos mittit, quia duo sunt
praecepta caritatis, Dei scilicet amor, et proximi; et minus quam inter duos
caritas haberi non potest : quatenus in hoc nobis tacitus innuat, quia qui
caritatem erga alterum non habet, praedicationis officium suscipere
nullatenus debet. Origenes.
Sicut etiam ex duodecim bini et bini numerati fuerunt, ut in eorum catalogo
Matthaeus ostendit : quod enim bini famularentur Dei verbo antiquum esse
videtur : eduxit enim Deus Israel de Aegypto per manus Moysi et Aaron : Iosue
quoque et Caleb concordantes pacaverunt provocatum a duodecim exploratoribus
populum; unde dicitur : frater a fratre adiutus ut civitas vallata. Basilius.
Simul etiam per hoc indicavit quod si aliqui pares sunt in spiritualibus
donis, hoc non sinet in eis praevalere propriae opinionis passionem. Gregorius
in Evang. Bene autem subditur ante faciem suam in omnem civitatem et locum
quo erat ipse venturus : praedicatores enim suos dominus sequitur : quia
praedicatio praevenit, et tunc ad mentis nostrae habitaculum dominus venit
quando verba exhortationis praecurrunt, atque per hoc veritas in mente suscipitur.
Hinc praedicatoribus Isaias dicit : parate viam domini, rectas facite semitas
Dei nostri. Theophylactus.
Designaverat autem dominus discipulos propter multitudinem doctoribus
indigentem : sicut enim agri spicati multos messores desiderant, sic qui
credituri erant innumerabiles existentes, multis doctoribus indigebant; unde
sequitur messis quidem multa. Chrysostomus. Sed qualiter messem vocat, cum res ad praesens
exordium sumant? Nondum iacto aratro aut sulcis productis,
de messibus tractat. Poterant enim discipuli vacillare et secum meditari, et
dicere : qualiter nos numerus brevis emendare poterimus totum mundum, idiotae
sophistas, munitos nudi, dominantes subiecti? Ne igitur consideratione talium
turbarentur, vocat Evangelium messem; quasi dicat : parata sunt omnia, mitto
vos ad paratam collectionem fructuum; eodem die et serere potestis et metere.
Sicut ergo colonus exiens ad messes laetatur, sic
etiam vos multo amplius et alacrius necessarium est exire in mundum : nam hoc
negotium messis est, agros nobis exhibens praeparatos. Gregorius.
Sed non sine gravi moerore loqui possumus quod subditur operarii vero
pauci : quia etsi sunt qui bona audiant, desunt qui dicant. Ecce mundus
sacerdotibus plenus; sed tamen in messe Dei rarus valde reperitur operator :
quia officium quidem sacerdotale suscipimus, sed opus officii non implemus.
Beda.
Sicut autem messis multa est omnis turba credentium, ita operarii pauci
sunt apostoli et imitatores eorum, qui mittuntur ad messem. Cyrillus.
Sicut autem agri spatiosi messores multos exigunt, sic et multitudo
crediturorum in Christum; unde subdit rogate autem dominum messis ut mittat
operarios in messem suam. Illud autem attende, quod cum dixisset rogate
dominum messis ut mittat operarios in messem suam, ipse postmodum hoc
peregit. Ipse igitur est dominus messis, ac per eum et cum eo Deus pater
omnibus dominatur. Chrysostomus in Matthaeum. Multiplicavit autem postmodum eos, non
addens ad numerum, sed concedens virtutem. Insinuat autem quam magnum donum
est operarios mitti in messem divinam, per hoc quod dicit, dominum messis
super hoc esse rogandum. Gregorius in Evang. Per hoc etiam inducendi sunt subditi ut pro
suis pastoribus rogent, ut digna eis operari valeant, nec ab exhortatione
torpeat lingua; saepe enim pro sua nequitia praedicantium restringitur lingua
: saepe vero ex subiectorum culpa agitur ut eis qui praesunt, praedicationis
sermo subtrahatur. |
Versets 1-2.
— S. Cyrille : Dieu avait annoncé clairement par les prophètes, que la prédication de l’Évangile s’étendrait non seulement au peuple d’Israël, mais à toutes les autres nations; et c’est pourquoi Jésus-Christ, après avoir choisi les douze apôtres, institua soixante-douze disciples : « Après cela, le Seigneur choisit encore soixante-douze autres disciples, ». — S. Bède : Ce choix des soixante-douze disciples est providentiel, parce que l’Évangile devait être prêché dans le monde à autant de nations; les douze apôtres avaient été choisis pour les douze tribus d’Israël, et ceux-ci sont destinés à enseigner les nations étrangères. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 44.) De même que la lumière parcourt et éclaire tout l’univers dans l’espace de vingt-quatre heures, ainsi la fonction mystérieuse d’éclairer tous les hommes par la prédication du mystère de la Trinité, est confiée à soixante-douze disciples; car trois fois vingt-quatre font soixante-douze. — S. Bède : Personne ne doute du fait que les douze apôtres représentent l’ordre des évêques, de même que les soixante-douze disciples représentent ceux à qui l’Écriture donne le nom d’anciens (c’est-à-dire les prêtres du second ordre.) Cependant, dans les premiers temps de l’Église, comme en témoignent les écrits apostoliques, on donnait indifféremment aux uns comme aux autres, le nom d’anciens et d’évêques, dont l’un signifie la maturité de la sagesse, et l’autre la sollicitude de la charge pastorale. — S.
Cyrille : L’élection des soixante-douze disciples
avait été figurée par Moïse, qui, par l’ordre de Dieu, avait choisi soixante-dix
hommes parmi le peuple, sur lesquels Dieu répandait son esprit. (Nb 11.) Nous lisons dans le même
livre des Nombres (Nb 33), que les enfants d’Israël vinrent à Elim (qui
signifie action de monter), où ils trouvèrent douze sources d’eau vive, et soixante-dix
palmiers. Or, si nous nous élevons jusqu’à l’interprétation spirituelle, nous
trouverons aussi les douze fontaines, c’est-à-dire les saints Apôtres, où
nous puisons la science du salut comme aux sources du Sauveur (Is 12, 5), et les soixante-dix
palmiers, c’est-à-dire ceux qui sont ici choisis par Jésus-Christ. En effet,
le palmier est un arbre qui a une sève abondante, de profondes racines, une
fécondité merveilleuse, qui naît au milieu des eaux, et dont le tronc et le
feuillage s’élèvent à une très grande hauteur. « Et il les envoya deux à deux devant lui. » — S. Grégoire : (hom. 17 sur les Evang.) Le Sauveur envoie ses disciples prêcher deux à deux, parce qu’il y a deux préceptes de charité, le précepte de l’amour de Dieu, et le précepte de l’amour du prochain, et que d’ailleurs il faut être au moins deux pour exercer la charité. Notre Seigneur nous fait entendre implicitement par là que celui qui n’a pas de charité pour son prochain, ne doit nullement se charger du ministère de la prédication. — Origène
: Saint Matthieu, dans l’énumération qu’il nous fait des Apôtres, les
compte deux par deux, et l’Écriture nous représente comme un usage très
ancien cette association de deux personnes pour l’exécution des oeuvres de
Dieu. C’est ainsi que Dieu délivra Israël de l’Egypte par les mains de Moïse
et d’Aaron (Ex 12); et que Josué et
Caleb se réunirent pour apaiser le peuple soulevé par les douze hommes
envoyés pour explorer la terre de Chanaan (Nb
13 et 25). Aussi lisons-nous [dans le livre des Proverbes (Pv 18, 19)] : « Le frère qui est aidé par son frère, est comme une ville
fortifiée. » — S. Basile : Notre Seigneur nous enseigne encore par là que ceux qui ont reçu les mêmes dons spirituels, ne peuvent point faire prévaloir opiniâtrement leur sentiment personnel. — S.
Grégoire : (hom.
17.) Remarquez la mystérieuse signification des
paroles qui suivent : « dans
toutes les villes et dans tous les lieux où il devait lui-même
arriver. » En effet, le Seigneur vient à la suite de ses
prédicateurs; la prédication lui ouvre les voies, et c’est alors qu’il fait
son entrée dans notre âme; la parole marche devant lui, et introduit ainsi la
vérité dans notre coeur, voilà pourquoi le prophète Isaïe dit (Is 40) : « Préparez les voies du Seigneur,
rendez droits les sentiers de notre Dieu (cf. Mt 3, 3; Mc 1, 5; Jn 1,
23). » — Théophylacte : Le Seigneur avait choisi les soixante-douze disciples pour répondre aux besoins de la multitude qui manquait de maîtres ; car de même que nos champs, couverts de nombreux épis, semblent appeler la faux des moissonneurs; ainsi la multitude innombrable de ceux qui devaient embrasser la foi, avait besoin de nombreux docteurs: « La moisson est grande, » disait Jésus à ses disciples. — S. Jean Chrysostome : Mais comment peut-il appeler moisson ce qui ne fait encore que commencer ? Il n’a pas encore mis la charrue dans les champs, ni tracé de sillons, et il parle de moissons. Cette parole pouvait jeter ses disciples dans l’incertitude, et les porter à se dire : Comment, si peu nombreux que nous sommes, pourrons-nous convertir tout l’univers ? comment, nous, ignorants, nous présenter devant des savants, pauvres devant des riches, sujets devant les puissants du siècle. C’est donc pour éviter qu’ils ne soient troublés par ces considérations, que le Sauveur appelle l’Évangile une moisson; comme s’il disait : Tout est prêt, je vous envoie recueillir des fruits parvenus à leur maturité; car le même jour, vous pourrez semer et moissonner. Voyez le laboureur entrer plein de joie dans les champs, couverts d’une abondante moisson. Or, votre joie doit être beaucoup plus grande en entrant dans le monde, car l’oeuvre [à laquelle Dieu vous appelle] est une moisson [abondante] qui vous présente ses champs, n’attendant que la faux du moissonneur. — S. Grégoire : (hom. 17.) Mais nous ne pouvons répéter les paroles qui suivent, sans un profond sentiment de douleur : « Les ouvriers sont en petit nombre. » Il en est beaucoup, sans doute, pour écouter les paroles de vie, mais très peu pour les leur adresser. Voici que le monde est rempli de prêtres, mais qu’il est rare de rencontrer dans la moisson du Seigneur un seul véritable ouvrier. Et la raison, c’est que nous recevons la charge du sacerdoce, mais que nous nous mettions peu en peine d’en remplir les devoirs. — S. Bède : De même que cette moisson abondante représente le grand nombre de ceux qui embrassent la foi, ainsi les ouvriers peu nombreux sont les Apôtres, et ceux qui, à leur exemple, sont envoyés pour recueillir la moisson. — S. Cyrille : De vastes champs exigent un grand nombre de moissonneurs, ainsi en est-il de la multitude de ceux qui doivent croire en Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute : « Priez donc le maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers dans sa moisson. » Remarquez qu’après avoir dit ces paroles : « Priez donc le maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers dans sa moisson,» il envoie lui-même les ouvriers dans la moisson. Il est donc le maître de la moisson, et c’est par lui et avec lui que le Père exerce son empire sur tous les hommes. — S. Jean Chrysostome : (hom. 33 sur Matth.) Il a multiplié dans la suite les ouvriers, non pas en augmentant leur nombre, mais en leur communiquant une vertu [toute céleste]. Il nous fait entendre encore l’excellence de la grâce qui appelle les ouvriers à recueillir cette mission divine, en les exhortant à demander cette grâce au maître de la moisson. — S. Grégoire : (hom. 17.) Il faut aussi profiter de ces paroles pour exhorter les fidèles à prier pour leurs pasteurs, à demander à Dieu qu’ils travaillent dignement [au salut de leurs âmes], et que leur langue ne cesse jamais de les instruire. Car souvent, ce sont les iniquités des prédicateurs qui retiennent leur langue; mais souvent aussi il arrive que c’est en punition des fautes des simples fidèles, que Dieu retire à ceux qui les dirigent la parole de la prédication. |
Lectio 2 [85843] Catena in Lc., cap. 10 l. 2 Cyrillus. Narrat Lucas consequenter, septuaginta discipulos vindicasse
sibi a Christo apostolicam eruditionem, modestiam, innocentiam, aequitatem,
nihilque mundanorum sacris praedicationibus praeferre, aspirare autem adeo ad
fortitudinem mentis ut nullum terribilium formident, neque ipsam mortem; unde
dicit ite. Chrysostomus in Matthaeum. Erat enim inter omnia pericula eorum
solatium virtus mittentis eos, et ideo dicit ecce ego mitto vos; quasi dicat
: hoc sufficit ad consolationem vestram, hoc sufficit ad sperandum, et non
timendum supervenientia mala, quae significat subdens sicut agnos inter lupos.
Isidorus
abbas. Denotans simplicitatem et innocentiam : nam debacchantes et sua
enormitate iniuriantes naturae, non agnos appellat, sed hoedos. Ambrosius.
Contraria autem sunt sibi ista animalia, ut alia ab aliis devorentur,
scilicet agni a lupis; sed bonus pastor lupos gregi suo timere non novit;
ideoque isti discipuli non in praedam, sed ad gratiam diriguntur; sollicitudo
enim pastoris boni efficit ut lupi in agnos audere nihil possint. Mittit ergo
agnos inter lupos, ut compleretur illud : tunc lupi et agni simul pascentur.
Chrysostomus.
Hoc enim fuit manifestum indicium praeclari triumphi, ut circumdati essent
discipuli Christi ab hostibus, quasi agni inter lupos; eos tamen converterent.
Beda.
Vel specialiter lupos vocat Scribas et Pharisaeos, qui sunt clerici
Iudaeorum. Ambrosius. Vel lupis sunt haeretici comparandi : lupi enim
bestiae sunt quae insidiantur ovilibus, et circa pastorales versantur casas.
Habitacula domorum intrare non audent; somnum canum, absentiam aut desidiam
pastorum explorant; ovium guttur invadunt ut cito strangulent; feri, rapaces,
natura corporis rigidiores, ut se facile non possint inflectere, impetu
quodam suo feruntur, et ideo saepe deluduntur. Si quem priores hominem
viderint, vocem eius quadam naturae vi feruntur eripere; si autem homo prius
eos viderit, exagitari memorantur. Sic haeretici insidiantur ovilibus
Christi, fremunt circa caulas nocturno tempore : semper enim perfidis nox
est, qui lucem Christi nebulis pravae interpretationis obducunt; stabula
tamen Christi intrare non audent; et ideo non sanantur, sicut curatus est
ille in stabulo qui incidit in latrones. Explorant pastoris absentiam, quia
praesentibus pastoribus oves Christi incusare non possunt; quadam etiam
mentis intentione duri ac rigidi nequaquam solent a suo errore deflectere;
quos Scripturae verus interpres Christus illudit; ut in vanum suos effundant
impetus, et nocere non possint : qui si quem versuta disputationis suae
circumscriptione praeveniunt, faciunt obmutescere; mutus est enim qui verbum
Dei non eadem qua est gloria confitetur. Cave igitur ne tibi vocem tollat
haereticus, ne priorem non ipse deprehenderis : serpit enim dum latet eius
perfidia. Si autem commenta impietatis eius agnoveris, iacturam piae vocis
timere non poteris. Guttur invadunt, vitalibus vulnus affigunt, dum animam
petunt. Si etiam audies aliquem sacerdotem dici, et rapinas eius cognoscis,
foris ovis, intus lupus est, qui humanae necis insaturabili crudelitate
rabiem suam desiderat explere. Gregorius.
Multi enim cum regiminis iura suscipiunt, ad lacerandos subditos
inardescunt, terrorem potestatis exhibent; et quia caritatis viscera non
habent, domini videri appetunt, patres se esse minime recognoscunt :
humilitatis locum in elationem dominationis immutant. Contra quae omnia
considerandum nobis est, quia sicut agni inter lupos mittimur, ut sensum
servantes innocentiae, morsum malitiae non habeamus : qui enim locum
praedicationis suscipit, mala inferre non debet, sed tolerare; quem et si
quando zelus rectitudinis exigit ut erga subiectos saeviat, intus paterna
pietate diligat quos foris quasi insequendo castigat : quod tunc rector bene
exhibet, cum terrenae cupiditatis oneribus nequaquam mentis colla supponit;
unde subditur nolite portare sacculum neque peram. Gregorius
Nazianzenus. Quorum summa est ut adeo virtuosi existant quod non minus
propter vitae modum quam propter eorum verbum Evangelium proficiat. Gregorius
in Evang. Tanta enim praedicatorum debet esse in Deo fiducia ut praesentis
vitae sumptibus quamvis non provideant, tamen sibi hos non deesse certissime
sciant : ne dum mens eius occupatur ad temporalia, minus aliis provideat
aeterna. Cyrillus.
Sic igitur praeceperat nec de ipso subiecto curam habere, cum dixerat
mitto vos sicut agnos inter lupos. Nec etiam concessit sollicitos esse erga
extrinseca corpori, cum dixit nolite portare sacculum neque peram. Nec etiam
concessit portare aliquid eorum quae nondum unita sunt corpori; unde subdit
neque calceamenta. Non solum autem sacculum et peram portare prohibuit, sed
nec aliquam studii distractionem permisit assumere, quos nec ab obviantium
salutatione distrahi voluit; unde subdit et neminem per viam salutaveritis :
quod et dudum ab Eliseo dictum fuit; quasi dicat : recto tramite ad opus
procedite, non alternantes benedictionibus benedictiones : damnum enim est
expendere tempus praedicationibus competens. Ambrosius. Non ergo haec dominus prohibuit quod benevolentiae displiceret
officium, sed quod persequendae devotionis intentio plus placeret. Gregorius
Nazianzenus. Mandavit etiam hoc eis dominus ad verbi gloriam, ne videretur
in eis magis vigere blanditias : voluit etiam eos non esse sollicitos in
verbis alienis. Gregorius.
Haec autem verba si quis etiam per allegoriam velit intelligi, pecunia
clausa in sacculo est sapientia occulta. Qui igitur sapientiae verbum habet,
et hoc erogare proximo negligit, quasi pecuniam in sacculo ligatam tenet. Per peram vero, onera saeculi, per calceamenta mortuorum operum
exempla significantur. Qui ergo officium praedicationis suscipit, dignum non
est ut onus saecularium negotiorum portet; ne dum hoc eius colla deprimit, ad
praedicanda caelestia non assurgat : nec debet stultorum operum exempla
conspicere, ne sua opera quasi ex mortuis pellibus credat munire; ne scilicet
quia alios talia fecisse considerat, se etiam facere licenter putet. Ambrosius.
Nihil etiam dominus in nobis mortale vult esse. Mortale enim atque terrenum calceamentum Moyses iubetur solvere, cum
mitteretur ad populum liberandum. Quod si quem movet qua ratione in Aegypto
calceati iubentur edere agnum, apostoli autem sine calceamento ad
praedicandum Evangelium diriguntur; is considerare debet, quia in Aegypto
positus debet adhuc morsus cavere serpentis, multa enim venena in Aegypto :
et qui typo Pascha celebrat, patere potest vulneri : qui autem minister est
veritatis, venena non trepidat. Gregorius.
Omnis autem qui salutat in via, ex occasione salutat itineris, non ex
studio optandae salutis. Qui igitur non amore aeternae patriae, sed
praemiorum ambitu salutem audientibus praedicat, quasi in itinere salutat :
quia ex occasione et non ex intentione salutem audientibus exoptat. |
Versets 3-4.
— S. Cyrille : Saint Luc rapporte ensuite comment Notre Seigneur Jésus-Christ enseigne aux soixante-douze disciples la science apostolique, la modestie, la sainteté, la justice, comme aussi à ne jamais sacrifier aux intérêts du siècle la prédication de l’Évangile, mais à aspirer au courage de l’âme jusqu’à braver toutes les terreurs du monde, même celle de la mort. Il leur dit donc : « Allez. » — S. Jean Chrysostome : (Hom. 34 sur Matth.) Leur grande consolation, au milieu de tous les dangers, c’était la puissance de celui qui les envoyait; c’est pourquoi il leur dit : « Voilà que je vous envoie, » c’est-à-dire : Cela doit suffire pour votre consolation, pour vous donner toute espérance, et vous affranchir de la crainte des maux qui vous attendent. Il ajoute « comme des agneaux, au milieu des loups. » — S. Isidore de Séville : (liv. 5, lettre 438 à Timoth.) Comparaison qui exprime la simplicité et l’innocence des disciples; car ceux qui s’emportent et outragent la nature par leurs excès, il les appelle non point des agneaux, mais des boucs. — S.
Ambroise : Ces animaux sont de moeurs tout opposées,
puisque les uns sont dévorés par les autres, c’est-à-dire les agneaux par les
loups, mais le bon pasteur ne craint pas pour son troupeau les approches des
loups. Aussi envoie-t-il ses disciples, non pour ravager, mais pour répandre
la grâce, et la sollicitude du bon pasteur fait que les loups n’osent rien
entreprendre contre les agneaux. Il envoie donc les agneaux au milieu des
loups, pour accomplir cette prophétie d’Isaïe : « On verra paître ensemble le loup et l’agneau. » (Is 45.) — S. Jean Chrysostome : (Hom. 14.) Un des signes éclatants du plus glorieux triomphe, ce fut de voir les disciples environnés de tant d’ennemis, comme des agneaux au milieu des loups, les convertir cependant à la foi. — S. Bède : Ou bien ces loups, ce sont plus particulièrement les scribes et les pharisiens qui sont les ministres des Juifs. — S. Ambroise : Ou bien encore, ces loups sont la figure des hérétiques. Les loups, en effet, sont des animaux féroces qui guettent les bergeries, et rôdent autour des cabanes des pasteurs. Ils n’osent entrer dans l’intérieur des demeures, ils épient le sommeil des chiens, l’absence ou la négligence des bergers; ils se jettent à la gorge des brebis pour les étrangler plus vite; ils sont féroces, ravisseurs, leur corps est naturellement raide et peu flexible, et ne leur permet pas de se plier facilement, aussi ils sont comme emportés par leur impétuosité, et manquent souvent leur coup. S’ils aperçoivent les premiers un homme, ils étouffent sa voix, dit-on, par une certaine force naturelle; si, au contraire, l’homme les aperçoit le premier, ils sont comme déconcertés. Tels sont les hérétiques; ils tendent des piéges autour des bergeries du Christ, on les entend hurler pendant la nuit autour des cabanes des bergers; car il est toujours nuit pour ces ennemis perfides qui répandent sur la lumière de Jésus-Christ les nuages de leurs fausses interprétations. Cependant ils n’osent entrer dans ses bergeries, aussi n’obtiennent-ils jamais leur guérison, comme cet homme qui, après être tombé entre les mains des voleurs, fut guéri dans une étable. Ils épient l’absence des pasteurs, parce qu’ils n’oseraient, en leur présence, se jeter sur les brebis du Christ. Ils ont aussi dans l’esprit une certaine raideur, et une dureté qui ne leur permettent pas de revenir de leurs erreurs. Mais Jésus-Christ, le véritable interprète de la sainte Écriture, déjoue leurs efforts, rend nulles toutes leurs attaques, et leur ôte toute puissance de nuire. Cependant s’ils trouvent le moyen d’enlacer quelqu’un les premiers dans les filets de leurs interprétations fallacieuses, ils le réduisent au silence; car on est muet quand on ne confesse pas le Verbe de Dieu, en proclamant la gloire qui lui appartient par essence. Prenez donc garde que quelque hérétique ne vous ravisse la voix avant que vous ne l’ayez surpris le premier; car [l’oeuvre de] sa perfidie avance toujours, tant qu’elle reste cachée; mais si vous mettez à découvert ses projets impies, vous n’aurez plus à craindre la perte d’une voix consacrée à Dieu. Ils prennent à la gorge, ils font des blessures mortelles aux organes essentiels de la vie, pour atteindre l’âme elle-même. Si donc vous entendez parler d’un prêtre même, et que vous appreniez ses rapines, c’est une brebis dehors, mais au dedans, c’est un loup qui, par un instinct de cruauté insatiable, veut assouvir sa rage dans le sang des hommes qu’il égorge. — S.
Grégoire : (hom.
17 sur les Evang.) Il en est beaucoup qui, en
prenant la charge pastorale, semblent n’avoir de zèle que pour dépouiller
ceux qui leur sont soumis, et cherchent à inspirer la crainte de leur
autorité. Comme ils n’ont pas les entrailles de la charité, ils veulent qu’on
les regarde comme des maîtres, ils ignorent tout à fait qu’ils sont pères, et
ils font d’une place toute d’humilité, un instrument de domination. Afin de
nous préserver de ces excès, rappelons-nous que nous sommes envoyés comme des
agneaux au milieu des loups, pour nous apprendre à conserver la douceur de
l’innocence, et à ne point déchirer nos frères par méchanceté; car celui qui
exerce le ministère de la prédication, loin de faire du mal aux autres, doit
supporter celui qu’on veut lui faire; et si le zèle de la justice exige qu’il
déploie quelquefois de la sévérité, il faut qu’il ressente dans son coeur un
amour tout paternel pour ceux qu’il est obligé de poursuivre et de châtier
extérieurement. Or, l’accomplissement de ce devoir sera facile au pasteur qui
ne place pas son âme sous le joug écrasant des convoitises de la terre; voilà
pourquoi Notre Seigneur ajoute : « Ne
portez ni bourse, ni sac. » — S. Grégoire de Nazianze :. (disc., 1.) Le résumé de ces divines instructions, c’est que leur vertu doit être tellement éminente, que les exemples de leur vie servent aussi puissamment au progrès de l’Évangile, que leurs prédications. — S. Grégoire : (hom. 17.) Le prédicateur doit avoir en Dieu une telle confiance, que tout en ne se préoccupant aucunement des choses nécessaires à la vie, il soit cependant assuré qu’elles ne lui manqueront jamais; autrement une trop grande sollicitude pour les choses de la terre, le détournerait de procurer aux autres les biens de l’éternité. — S. Cyrille : Le Sauveur avait défendu à ses disciples toute sollicitude à l’égard de leur corps, en leur disant : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. » Il ne veut pas qu’ils se préoccupent davantage des choses qui sont en dehors du corps : « Ne portez ni bourse, ni sac. » Il ne leur permet pas même de porter les vêtements qui ne sont pas encore à l’usage du corps : « ni chaussures. » Non seulement, il leur défend de porter un sac ou une bourse, mais il ne veut pas qu’ils se laissent distraire du ministère qui leur est confié, même pour saluer ceux qu’ils rencontrent : « Et ne saluez personne dans le chemin. » Élisée avait déjà fait la même recommandation à son serviteur (4 R 4, 29), et Notre Seigneur semble leur dire : Marchez droit à votre oeuvre sans échanger de salutations. Car le temps destiné à la prédication ne doit pas être employé inutilement [, et on ne peut en distraire que ce que réclame la nécessité]. — S. Ambroise : Si donc le Sauveur fait cette défense, ce n’est pas qu’il désapprouve les témoignages de bienveillance mutuelle, mais parce qu’il met au-dessus le désir que nous devons avoir d’accomplir les devoirs de religion. — S. Grégoire de Nazianze : Le Seigneur fait encore ce commandement pour l’honneur de sa parole, pour soustraire ses disciples à la funeste influence de la flatterie, et les rendre indifférents aux paroles d’autrui. — S. Grégoire : (homél. 17 sur les Evang.) Si l’on veut entendre ces paroles dans un sens allégorique, l’argent renfermé dans la bourse est la sagesse qui demeure cachée. Celui donc qui possède [en lui-même] la parole de la sagesse, et qui néglige de la communiquer au prochain, tient son argent comme lié dans sa bourse. Le sac représente le fardeau des affaires du siècle, et les chaussures, les oeuvres mortes. Celui donc qui prend la charge du ministère de la prédication, doit regarder comme indigne de lui de porter le poids des sollicitudes de la terre, qui courbe sa tête sous un joug honteux et ne lui permet pas de se relever pour prêcher les choses du ciel. Il ne doit pas non plus arrêter ses regards sur les oeuvres des insensés, dans l’espérance de défendre ses oeuvres comme avec des peaux mortes, et de pouvoir faire impunément ce qu’il voit faire aux autres. — S. Ambroise : Le Seigneur veut qu’il n’y ait rien en nous de mortel, voilà pourquoi il ordonne à Moïse de délier sa chaussure terrestre et mortelle, lorsqu’il l’envoie pour délivrer son peuple. (Ex 3.) Êtes-vous surpris de ce que Dieu commande aux Israélites, en Égypte, d’être chaussés pour manger l’agneau (Ex 12), tandis que les Apôtres doivent quitter leurs chaussures pour prêcher l’Évangile ? considérez que tant qu’on est dans l’Égypte, on doit craindre les morsures du serpent; car l’Egypte est fertile en poisons de tout genre, et celui qui célèbre la pâque figurative est encore exposé aux blessures, tandis que le ministre de la vérité ne craint aucunement les poisons. — S. Grégoire : (hom.
17.) Tout
homme qui en salue un autre en chemin, le salue plutôt, parce qu’il le
rencontre, que pour lui souhaiter le salut. Celui donc qui prêche la parole
du salut, moins par l’amour de la vie éternelle, que par désir de la
récompense, salue aussi pour ainsi dire en chemin, parce qu’il souhaite le
salut à ceux qui l’écoutent par occasion, plutôt que dans l’intention directe
de leur être utile. |
Lectio 3 [85844] Catena in Lc., cap. 10 l. 3 Chrysostomus. Bonorum omnium mater pax est, sine qua
cetera inania sunt : propter quod dominus discipulis intrantibus domos,
illico pacem iussit proferre tamquam bonorum indicium, dicens in quamcumque
domum intraveritis, primum dicite : pax huic domui. Ambrosius.
Ut scilicet pacis perferamus nuntium, ipse primus ingressus pacis
benedictione celebretur. Chrysostomus.
Unde pontifex Ecclesiae tradit eam, dicens : pax vobis. Implorant autem
pacem sancti, non solum eam quae versatur inter homines ad invicem, sed et
eam quae pertinet ad nos ipsos : nam saepius in pectore bellum gerimus, et
nullo molestante turbamur, nec non prava desideria contra nos crebro
insurgunt. Titus.
Dicitur autem pax huic domui, scilicet habitantibus domum : omnes
alloquantur, maiores pariter et minores, neque cum indignis vestra salutatio
dirigetur; unde subditur et si ibi fuerit filius pacis, requiescet super
illum pax vestra; quasi dicat : vos quidem proferetis verbum, res autem pacis
applicabitur meo iudicio, ubicumque dignum esse videbitur. Si quis autem non
sit dignus, non estis delusi, nec verborum vestrorum gratia periit; immo
reciprocatur ad vos; et hoc est quod subditur sin autem, ad vos revertetur.
Gregorius.
Pax enim quae ab ore praedicatoris offertur, aut requiescet in domo, si in
ea fuerit quisquam praedestinatus ad vitam, et caeleste verbum sequitur, quod
audit; aut si nullus audire voluerit, ipse praedicator sine fructu non erit,
quia ad eum pax revertitur, dum ei a domino pro labore sui operis merces
recompensatur. Si autem pax nostra recipitur, dignum est ut ab eis terrena
stipendia consequamur, quibus patriae caelestis praemia offerimus; unde
sequitur in eadem autem domo manete edentes et bibentes quae apud illos sunt.
Ecce qui peram et sacculum portari prohibuit, sumptus et alimenta ex eadem
praedicatione concedit. Chrysostomus.
Sed ne aliquis diceret : consumo res proprias parando advenis mensam,
illum primo intrantem facit tibi pacis donum offerre, cui nihil est aequale,
ut scias te maiora, quam des, suscipere. Titus.
Vel aliter continua. Quia non estis constituti iudices eorum qui sunt
digni vel indigni, edatis et bibatis quae vobis offeruntur ab eis. Dimittite
autem mihi eorum qui vos recipiunt examen; nisi vobis quoque sit notum non
esse ibi filium pacis; tunc enim fortassis retrocedere debetis. Theophylactus.
Vide igitur qualiter discipulos mendicare instituit, et pro pretio eos
nutrimentum habere voluit; nam subditur dignus est enim operarius mercede sua.
Gregorius in Evang. Sunt enim iam de mercede operarii ipsa alimenta
sustentationis; ut hic merces de labore praedicationis inchoetur quae illic
de veritatis visione perficitur. Qua in re considerandum est quod uni nostro
operi duae mercedes debentur : una in via, quae nos in labore sustentat; alia
in patria, quae nos in resurrectione remunerat. Merces itaque quae in praesenti recipitur, hoc in nobis debet agere ut
ad sequentem mercedem robustius tendatur. Verus ergo quisque praedicator non
ideo praedicare debet ut in hoc tempore mercedem accipiat; sed ideo mercedem
recipere ut praedicare valeat. Quisque namque ideo praedicat ut hic laudis
vel muneris mercedem recipiat, aeterna mercede se privat. Ambrosius. Subditur virtus alia, ne de
domo in domum quis vaga facilitate demigret; sequitur enim nolite transire de
domo in domum : ut scilicet amore hospitali servemus constantiam, neque
aliquam amicitiae necessitudinem facile resolvamus. Beda. Descripto autem diversae domus hospitio, quid iam in
civitatibus agere debeant docet : piis scilicet in omnibus communicare, ab
impiorum vero per omnia societate secerni; unde sequitur et in quamcumque
civitatem intraveritis, et susceperint vos, manducate quae apponuntur vobis.
Theophylactus.
Quamvis modica existant et vilia, nihil amplius inquirentes. Denuntiat
etiam eis ut operantes miracula homines ad suas praedicationes attraherent;
unde subdit et curate infirmos qui in illa sunt, et dicite illis :
appropinquavit in vos regnum Dei. Si enim prius curaveritis, deinde
docueritis, prosperabitur sermo, et homines credent regnum Dei appropinquare
: non enim curarent, nisi hoc aliqua virtus divina perficeret. Sed etiam cum secundum animam curantur, appropinquat in eos regnum
Dei, quod longe est ab eo cui dominatur peccatum. Chrysostomus in Matthaeum. Vide autem dignitatem
apostolorum : nihil sensibile monentur proferre, qualia qui circa Moysen et
prophetas, scilicet bona terrena; sed quaedam nova et mirabilia, scilicet
regnum Dei. Maximus.
Dicitur autem appropinquavit : non ut ostendat temporis brevitatem; neque
enim regnum Dei venit cum observatione; sed ostendit dispositionem hominum ad
regnum Dei; quod quidem potentia est in omnibus credentibus, actu vero in his
qui respuunt corporalem vitam, et solam eligunt spiritualem, qui dicere
possunt : vivo autem non ego, sed vivit in me Christus. Ambrosius.
Deinde docet excutiendum de pedibus pulverem, si quis recipiendos civitatis
hospitio non putaverit, dicens in quamcumque civitatem intraveritis, et non
receperint vos, exeuntes in plateas eius, dicite : etiam pulverem pedum, qui
adhaesit nobis de civitate vestra, extergimus in vos. Beda.
Vel ad contestationem terreni laboris quem pro illis inaniter susceperunt;
vel ut ostendatur usque adeo se ab ipsis nihil terrenum quaerere ut etiam
pulverem de terra eorum non sibi patiantur adhaerere. Vel per pedes ipsum
opus et incessus praedicationis significatur; pulvis vero quo asperguntur,
terrenae levitas est cogitationis, a qua et summi doctores immunes esse
nequeunt. Qui ergo spreverint doctrinam, labores et
pericula docentium, ad testimonium suae damnationis inflectunt. Origenes. Extergendo ergo pulverem pedum
in eos, quodammodo dicunt : pulvis peccatorum vestrorum merito veniet super
vos. Et attende, quod quaecumque civitates non
suscipiunt apostolos sanamque doctrinam, habent plateas, iuxta illud : lata
est via quae ducit ad perditionem. Theophylactus. Et
sicut recipientibus apostolos appropinquare regnum Dei dicitur in beneficium,
sic non recipientibus in praeiudicium; unde subdit tamen hoc scitote, quia
appropinquavit regnum Dei; sicut adventus regis est quibusdam ad poenam,
quibusdam vero ad honorem; unde de eorum poena subditur dico autem vobis,
quia Sodomis in illa die remissius erit quam illi civitati. Eusebius.
Nam in civitate Sodomitarum non caruerunt Angeli hospitio; sed Lot
inventus est dignus eos hospitari. Si ergo ad accessum discipulorum, nec unus
invenietur in civitate qui eos recipiat, quomodo non peior erit civitate
Sodomorum? Hic sermo docebat eos audacter aggredi regulam paupertatis : non
enim posset consistere civitas et villa, nec vicus, sine aliquo incola noto
Deo : nam nec Sodoma subsisteret non reperto Lot, quo recedente tota repente
periit. Beda.
Sodomitae quoque ipsi etsi inhospitales fuerint inter cetera carnis
animaeque flagitia, nulli tamen apud eos tales hospites quales apostoli
reperti sunt : et Lot quidem aspectu et auditu iustus erat, non tamen ibi
aliquid docuisse aut signa fecisse perhibetur. |
Versets 5-12.
— S. Jean Chrysostome : (sur l’Ep. aux Coloss., 3.) La paix est la mère de tous les biens, et sans elle, tous les
autres biens ne sont rien; aussi le Sauveur commande à ses disciples,
lorsqu’ils entrent dans une maison, de souhaiter aussitôt la paix, comme le
gage de tous les biens : « En
quelque maison que vous entriez, dites d’abord : Paix à cette maison. » — S. Ambroise : Il veut que nous soyons les messagers de la paix, et que notre première entrée dans une maison soit consacrée par les bénédictions de la paix. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs, et sur le Ps 124.) Voilà pourquoi le pontife la donne à toute l’Église par ces paroles : « La paix soit avec vous ! » Or, cette paix, que les saints demandent [pour nous], n’est pas seulement la paix des hommes entre eux, mais la paix avec nous-mêmes. Car bien souvent, nous portons la guerre au-dedans de nous-mêmes, nous sommes en proie à une agitation qui ne vient pas des autres hommes, et nous sentons les mauvais désirs s’insurger contre nous. — Tite
de Bost. « Paix à cette
maison ! » c’est-à-dire à ceux qui habitent cette maison. Comme
s’il leur disait : Adressez-vous à tous, aux grands comme aux petits, et cependant
votre salutation ne tombera pas sur ceux qui en sont indignes. Il ajoute : « Et s’il s’y trouve un fils de la
paix, votre paix reposera sur lui, » c’est-à-dire : Vous prononcerez
les paroles de paix, mais pour la paix elle-même, c’est moi qui la donnerai à
celui que j’en jugerai digne. Et si personne ne s’en trouve digne, vous ne
serez pas trompés, et la grâce attachée à vos paroles ne sera point sans
effet, au contraire, elle retournera sur vous, c’est ce qu’il ajoute : « Sinon, elle retournera sur vous. »
— S. Grégoire : En effet, la paix, que souhaite la bouche du prédicateur, se repose sur la maison, s’il s’y trouve quelque personne prédestinée à la vie, et qui suive avec docilité les célestes enseignements [qui lui sont donnés]. Mais si personne ne veut les entendre, le prédicateur ne restera pas sans fruit, et la paix qu’il a souhaitée lui reviendra avec la récompense que le Seigneur lui donnera pour son travail. Or, lorsque la paix que nous souhaitons est reçue, il est de toute justice que ceux à qui nous apportons les récompenses de la patrie céleste, nous donnent en échange ce qui est nécessaire à notre subsistance : « Demeurez dans la même maison, mangeant et buvant de ce qui sera chez eux. » Ainsi celui qui défend à ses disciples de porter ni bourse, ni sac, leur permet de tirer de la prédication elle-même, tout ce qui est nécessaire à leur nourriture et à leur entretien. — S. Jean Chrysostome : Le Sauveur prévient cette objection : Mais je dépense tout ce que je possède, pour nourrir ces étrangers, et il veut que celui qu’il vous envoie, vous offre en entrant le don incomparable de la paix, pour vous faire comprendre que vous recevez beaucoup plus que vous ne donnez. — Tite : Ou bien, on peut encore regarder ces paroles comme la suite de ce qui précède, c’est-à-dire : Vous n’êtes pas établis pour juger ceux qui sont dignes ou indignes, mangez et buvez ce qu’on vous présente; mais laissez-moi le discernement de ceux qui vous reçoivent, à moins, cependant, que vous ne sachiez parfaitement vous-mêmes qu’il ne se trouve dans cette maison aucun enfant de la paix; car vous devriez alors la quitter. —
Théophylacte : Vous voyez comment Jésus a voulu que
ses Apôtres mendient leur pain, et reçoivent la nourriture pour salaire, car
il ajoute : « L’ouvrier mérite son
salaire. » — S. Grégoire : (hom. 17.) En effet, les aliments qui soutiennent l’existence de l’ouvrier, sont une partie de son salaire, elle est pour le travail de la prédication un commencement de la récompense qui recevra toute sa perfection dans les cieux de la contemplation de la vérité. Remarquons que pour une seule et même oeuvre, nous recevons deux récompenses, l’une dans cette vie, qui nous soutient dans notre travail; et l’autre dans la patrie, après la résurrection. Or, l’effet de la récompense que nous recevons ici-bas, doit être de nous faire tendre avec plus de force et de courage vers la récompense éternelle. Le vrai prédicateur ne doit donc pas prêcher dans l’intention d’obtenir ici-bas sa récompense, mais recevoir cette récompense comme soutien de sa prédication. Car celui qui annonce la parole sainte pour obtenir des louanges ou quelque avantage temporel, se prive par là même de la récompense éternelle. — S. Ambroise : Le Sauveur recommande encore à ses disciples une autre vertu, c’est de ne point aller de maison en maison avec une inconstante facilité : « Ne passez point de maison en maison, » c’est-à-dire que par affection pour ceux qui nous reçoivent, nous devons rester chez eux, et ne pas rompre trop facilement les liens d’amitié qui nous unissent à eux. — S. Bède : Après les avoir prévenus des différentes manières dont l’hospitalité leur serait offerte, il leur trace la ligne de conduite qu’ils devront tenir dans les villes où ils entreront, c’est-à-dire partager en tout la manière de vivre des âmes vraiment religieuses, et fuir tout rapport avec les impies : « En quelque ville que vous entriez, et où vous serez reçus, mangez ce qu’on vous présentera. » — Théophylacte : Quelque modeste et commune que soit la table qui vous est offerte, n’en demandez pas davantage; et il les avertit en même temps d’opérer des miracles pour attirer les hommes à leurs prédications : « Et guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : Le royaume de Dieu est proche de vous. » Si, en effet, vous commencez par les guérir avant de les enseigner, vos discours en recevront plus d’efficacité, et les hommes croiront que le royaume de Dieu approche en vérité, puisque ces guérisons ne peuvent être que l’effet d’une vertu divine. Mais lors même que leur guérison est toute spirituelle, il est vrai de dire que le royaume de Dieu s’approche d’eux; car ce royaume est loin de ceux en qui domine le péché. — S. Jean Chrysostome : (hom. 33 sur Matth.) Voyez quelle est la dignité des Apôtres, ce ne sont point des grâces sensibles (c’est-à-dire des biens terrestres) qu’ils doivent répandre, comme Moïse et les prophètes, mais des grâces toute nouvelles et vraiment admirables, c’est-à-dire le royaume de Dieu. — S.
Maxime : Le Sauveur dit : « Le royaume de Dieu approche, » non pour signifier
qu’il s’écoulera peu de temps jusqu’à ce qu’il arrive; car le royaume de Dieu
ne vient pas de manière à être remarqué (Lc
17, 20), mais pour nous faire connaître la disposition des hommes au
royaume de Dieu qui est en puissance dans ceux qui ont embrassé la foi, et en
réalité dans ceux qui méprisent la vie du corps pour ne vivre que de la vie
de l’âme, et qui peuvent dire : « Je
vis, ce n’est pas moi, mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi. » (Ga 2, 20.) — S. Ambroise : Il leur commande ensuite de secouer la poussière de leurs pieds contre les villes qui n’auront pas cru devoir leur accorder l’hospitalité : « En quelque ville que vous entriez, et où l’on ne vous recevra point, secouez la poussière, allez sur les places publiques et dites : ‘La poussière même de votre ville, qui s’est attachée à nos pieds, nous l’essuyons contre vous.» — S. Bède : [Cette action, de la part des Apôtres, est] une attestation solennelle des travaux qu’ils ont supportés inutilement pour les habitants de ces villes; ou bien, un signe qu’ils désirent si peu leurs biens temporels, qu’ils ne veulent même pas que la poussière de leur terre s’attache à leurs pieds. Ou bien encore, les pieds signifient les travaux et les progrès de la prédication, et la poussière dont ils sont couverts, la légèreté des pensées de la terre, dont les plus grands docteurs ne peuvent entièrement se garantir. Ceux donc qui méprisent la doctrine, les travaux et les périls de ceux qui leur annoncent l’Évangile, se préparent un témoignage sévère de condamnation. — Origène
: (Chronique des Pères grecs) En
secouant la poussière de leurs pieds, ils semblent leur dire : La poussière
de vos péchés retombera justement sur vous. Remarquez encore que les villes
qui refusent de recevoir les Apôtres, ont de larges places, selon ces paroles
du Sauveur : « La voie qui mène à
la perdition est large. » — Théophylacte : Le royaume de Dieu approche pour le bonheur de ceux qui reçoivent les Apôtres, mais il approche aussi pour la perte de ceux qui les repoussent : « Sachez cependant que le royaume de Dieu est proche » ; c’est comme l’avènement d’un roi qui vient pour punir les uns et récompenser les autres, c’est pourquoi il ajoute, à propos de leur punition : « Je vous le dis, il y aura en ce jour moins de rigueur pour Sodome que pour cette ville. » — Eusèbe : En effet, même dans la ville de Sodome, les anges trouvèrent l’hospitalité, et Loth fut jugé digne de les recevoir, (Gn 19.) Si donc en entrant dans une ville, les Apôtres ne trouvent pas un seul habitant qui veuille les recevoir, comment le sort de cette ville ne serait-il pas plus triste que celui de Sodome ? Le Sauveur leur enseignait encore par ces paroles à embrasser avec courage la vie de pauvreté; car une ville, une maison, un bourg ne peuvent exister, qu’à la condition de renfermer quelque serviteur fidèle connu de Dieu. La ville de Sodome elle-même n’eût pu exister, si Loth ne l’eût habitée, et à peine en fut-il sorti, qu’elle fut soudainement réduite en cendres. — S. Bède : Et cependant les habitants de Sodome, bien qu’inhospitaliers au milieu des désordres de la chair et de l’esprit, n’ont jamais reçu des hôtes comme étaient les Apôtres; car si Loth a conservé ses yeux et ses oreilles pures (2 P 2, 7), nous ne voyons pas cependant qu’il ait rien enseigné, ou qu’il ait fait quelque prodige. |
Lectio 4 [85845] Catena in Lc., cap. 10 l. 4 Ambrosius. Docet dominus graviori poenae obnoxios fore
qui Evangelium non sequendum quam qui legem iudicaverunt esse solvendam, dicens
vae tibi, Corozaim, vae tibi, Bethsaida. Beda.
Corozaim, Bethsaida et Capharnaum, Tiberias quoque, quam Ioannes nominat,
civitates sunt Galilaeae, sitae in littore laci Genezareth, qui ab
Evangelistis mare Galilaeae, vel Tiberiadis appellatur. Plangit ergo dominus
has civitates, quae post tanta miracula atque virtutes non poenituerunt,
peioresque sunt gentilibus naturale tantum ius dissipantibus : quia post
descriptae legis contemptum, filium quoque Dei et gloriam eius spernere non
timuerunt; unde sequitur quia si in Tyro et Sidone factae fuissent virtutes
quae in vobis factae sunt, olim in Cilicio et cinere sedentes poeniterent. In Cilicio, quod de pilis caprarum contexitur, asperam peccati
pungentis memoriam significat; in cinere autem mortis considerationem, per
quam in pulverem redigimur, demonstrat. Porro in sessione humilitatem
propriae conscientiae significat. Impletum autem videmus hodie dictum
salvatoris : quia Corozaim et Bethsaida praesente domino credere noluerunt :
Tyrus autem et Sidon et quondam David ac Salomon amici fuere, et post
evangelizantibus Christi credidere discipulis. Chrysostomus in Matthaeum. Deplorat autem dominus has civitates ad
nostrum exemplum : eo quod effusio lacrymarum et gemitus amarus super
patientes insensibilitatem doloris, non modicum antidotum est et ad
correctionem patientium, et ad remedium ingemiscentium super eos. Non solum
autem per deplorationem inducit eos ad bonum, sed etiam per terrorem; unde
sequitur verumtamen Tyro et Sidoni remissius erit quam vobis in iudicio. Hoc
et nos audire debemus : non enim solum illis, sed etiam nobis peius iudicium
statuit, nisi receperimus intrantes ad nos hospites, quorum pulverem
praecepit excutere. Cum autem plurima signa fecisset dominus in Capharnaum, et eum ipsa
incolam habuisset, videbatur super alias civitates exaltata; sed propter
incredulitatem cecidit in ruinam; unde sequitur et tu, Capharnaum, usque in
caelum exaltata, usque ad Infernum demergeris; ut scilicet iudicium sit
proportionabile honori. Beda. Duplex autem in hac sententia sensus est. Vel ideo ad
Infernum demergeris, quia contra praedicationem meam superbissime restitisti,
ut scilicet intelligatur in caelum exaltata per superbiam : vel ideo quia es
exaltata usque ad caelum meo hospitio, et meis signis, maioribus plecteris
suppliciis, quia his quoque credere noluisti. Et
ne quis putaret hanc increpationem vel tantummodo civitatibus vel personis
convenire quae dominum in carne videntes spernebant, et non omnibus qui hodie
quoque Evangelii verba despiciunt; consequenter adiunxit, dicens qui vos
audit, me audit. Cyrillus.
Per quod docet, quicquid per sanctos apostolos dicit, acceptandum esse :
quia qui illos audit, Christum audit. Inevitabilis ergo poena haereticis
imminet, qui apostolorum negligunt verba; sequitur enim et qui vos spernit,
me spernit. Beda.
Ut scilicet in audiendo quisque vel spernendo Evangelii praedicationem,
non viles quasque personas, sed dominum salvatorem, immo ipsum patrem
spernere se vel audire disceret; nam sequitur qui autem me spernit, spernit
eum qui misit me : quia in discipulo magister auditur, et in filio pater
honoratur. Augustinus
de Verb. Dom. Si autem sermo Dei ad vos quoque pervenit, et in eo loco vos
constituit, videte ne spernatis nos, ne ad illum perveniat quod nobis
feceritis. Beda.
Potest et ita intelligi : qui vos spernit, me spernit; idest, qui non
facit misericordiam uni de fratribus meis minimis, nec mihi facit. Qui autem
me spernit, nolens credere filium Dei, spernit eum qui me misit : quia ego et
pater unum sumus. Titus.
Simul autem in hoc discipulos consolatur; quasi dicat : non dicatis : cur
imus passuri contumelias? Accomodate linguam; ego
praebeo gratiam, in me vestra redundat contumelia. |
Versets 13-16.
— S. Ambroise : D’après
ces paroles du Seigneur, ceux qui ont refusé de suivre les préceptes de
l’Évangile seront punis bien plus sévèrement que ceux qui ont violé la loi
naturelle : « Malheur à toi, Corozaïn, malheur à toi Bethsaïde ! »
— S. Bède : Corozaïn, Bethsaïde, Capharnaüm et Tibériade, dont parle saint Jean, sont des villes de Galilée, situées sur les bords du lac de Génésareth, que les Évangélistes appellent aussi la mer de Galilée ou de Tibériade. Le Sauveur déplore donc le sort de ces villes, que tant de prodiges et de miracles opérés sous leurs yeux n’ont pu amener à faire pénitence, et qui sont plus coupables que les nations qui transgressent seulement la loi naturelle, puisqu’au mépris de la loi écrite, ils n’ont pas craint de joindre encore le mépris du Fils de Dieu et de sa gloire : « Car si les miracles qui ont été faits au milieu de vous, l’avaient été dans Tyr et dans Sidon, elles eussent depuis longtemps fait pénitence dans le cilice et dans la cendre. » Le cilice qui est tissé de poils de chèvre, figure le souvenir déchirant du péché, qui perce l’âme comme d’une pointe aiguë; la cendre représente la pensée de la mort, qui nous réduit en cendres; l’action d’être assis signifie l’humilité de la conscience. Or, nous voyons aujourd’hui l’accomplissement de cette prédiction du Sauveur, parce que Corozaïn et Bethsaïde ont refusé de croire au Seigneur quand il était présent en personne, tandis que Tyr et Sidon ont été autrefois en relations d’amitié avec David et Salomon, et ont ensuite embrassé la foi qui leur était annoncée par les disciples de Jésus-Christ. — S. Jean Chrysostome : (de l’hom. intitul., que les femmes consacrées à Dieu ne doivent point habiter avec les hommes.) Le Seigneur déplore le sort de ces villes, pour nous apprendre que les gémissements et les larmes répandues sur ceux qui sont insensibles à leur malheur, sont un des moyens les plus efficaces pour les tirer de leur insensibilité, comme aussi un remède souverain [et une consolation puissante] pour ceux qui s’attristent de leur indifférence. (Et hom. 38 sur Matth.) Ce n’est pas seulement en déplorant leur sort, qu’il les amène à faire le bien, mais en leur inspirant une crainte [salutaire] : « C’est pourquoi il y aura, au jour du jugement, moins de rigueur pour Tyr et Sidon, que pour vous. » Soyons nous-mêmes attentifs à cette menace; car ce n’est pas seulement à ces villes, mais à nous-mêmes, qu’un jugement sévère est réservé, si nous refusons de recevoir ceux qui nous demandent l’hospitalité; puisqu’il commande à ses disciples de secouer la poussière de leurs pieds contre ceux qui refuseront de les recevoir. (D’un autre endroit.) Les miracles nombreux que le Seigneur avait opérés dans Capharnaüm, le séjour qu’il avait fait, lui avait donné une certaine prééminence sur les autres villes, mais son incrédulité fut cause de sa ruine, comme le Sauveur le lui prédit : « Et toi, Capharnaüm, élevée jusqu’au ciel, tu seras abaissée jusqu’aux enfers, » c’est-à-dire que le châtiment sera proportionné à l’honneur que tu as reçu. — S.
Bède : Ces paroles peuvent recevoir deux
significations différentes. Ou bien, tu seras plongée jusqu’au fond de
l’enfer, parce que tu as résisté avec un orgueil indicible à mes
prédications, et dans ce sens, c’est par orgueil qu’elle s’est élevée
jusqu’au ciel; ou bien, tu as été élevée jusqu’au ciel par le séjour que j’ai
fait dans tes murs, par les miracles que j’y ai multipliés sous tes yeux, et
tu seras puni d’autant plus sévèrement que tant de grâces n’ont pu vaincre
ton incrédulité. Et que personne ne pense que ces menaces ne sont faites
qu’aux villes ou aux personnes qui ont méprisé le Seigneur dans sa chair
visible; elles s’adressent à tous ceux qui, aujourd’hui encore, méprisent les
enseignements de l’Évangile; aussi ajoute-t-il : « Celui qui vous
écoute, m’écoute. » — S.
Cyrille : Il faut recevoir [avec respect] les
enseignements des saints Apôtres; car celui qui les écoute, écoute
Jésus-Christ lui-même. Un châtiment inévitable attend donc les hérétiques qui
rejettent les paroles des Apôtres, car il ajoute : « Et celui qui
vous méprise, me méprise. » — S. Bède : Il établit clairement cette vérité, qu’en écoutant ou en méprisant la prédication évangélique, ce ne sont pas des hommes de peu d’importance qu’on écoute ou qu’on méprise, mais le Sauveur, et son Père lui-même : « Celui qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé », parce qu’en effet, dans le disciple, c’est le maître qu’on écoute, et dans le Fils, c’est le Père qu’on honore. — S. Augustin : (des par. du Seig., serm. 24.) Si donc la parole de Dieu est parvenue jusqu’à vous, et vous a placé dans le lieu élevé que vous occupez, gardez-vous de nous mépriser; car ce mépris que vous nous témoigneriez, remonterait jusqu’à lui. — S. Bède : On peut encore entendre ces paroles dans un autre sens : « Celui qui vous méprise, me méprise, » c’est-à-dire celui qui refuse de faire miséricorde à l’un des plus petits d’entre mes frères, c’est à moi qu’il le refuse (Mt 25); et celui qui me méprise, en refusant de croire que je suis le Fils de Dieu, méprise celui qui m’a envoyé, parce que mon Père et moi nous sommes un. (Jn 10.) — Tite de Bost. Il console en même temps ses disciples, car tel est le sens de ces paroles : « Ne dites point : Pourquoi aller nous exposer aux outrages ? » Prêtez-moi le concours de vos paroles, moi, je vous donnerai celui de ma grâce, et les outrages qu’on vous fera retomberont sur moi. |
Lectio 5 [85846] Catena in Lc., cap. 10 l. 5 Cyrillus.
Supra dictum est, quod dominus misit discipulos gratia spiritus sancti
insignitos, et facti praedicationis ministri potestatem super immundos
spiritus acceperunt; nunc autem reversi confitentur honorantis eos potentiam;
unde dicitur reversi sunt autem septuaginta duo cum gaudio dicentes : domine,
etiam Daemonia subiciuntur nobis in nomine tuo. Videbantur quidem gaudere
magis quod facti sunt miraculorum auctores, quam quod facti erant
praedicationis ministri. Erat autem melius eos gaudere in illis quos
ceperunt, sicut vocatis per ipsum dicit Paulus : gaudium meum et corona mea.
Gregorius
Moralium. Mire autem dominus ut in discipulorum cordibus elationem
premeret, iudicium ruinae retulit, quod ipse magister elationis accepit; ut
in auctore superbiae discerent quid de elationis vitio formidarent; unde
sequitur videbam Satanam sicut fulgur de caelo cadentem. Basilius. Dicitur Satanas, eo quod adversatur bono; hoc enim
significat nomen Hebraicum; sed Diabolus dicitur, eo quod cooperatur nobis in
malo, et accusator sit. Natura eius est incorporea, locus aereus. Beda. Non autem dicit : modo video, sed : prius videbam, quando
corruit. Quod autem ait sicut fulgur, vel praecipitem de supernis ad ima
lapsum significat; vel quia deiectus adhuc transfigurat se in Angelum lucis.
Titus.
Se autem dicit vidisse tamquam iudicem, qui novit incorporeorum passiones.
Vel dicit sicut fulgur, quia natura fulgidus erat ut fulgur; sed factus est
tenebrosus propter affectum; quia quod Deus fecit bonum, hoc ipse in se
alteravit in malum. Basilius.
Supernae enim virtutes non sunt naturaliter sanctae, sed secundum
analogiam divini amoris mensuram sanctificationis sortiuntur. Et sicut ferrum
positum in igne non desinit esse ferrum, vehementi tamen flammae unione tam
effectu quam aspectu in ignem pertransit; sic et almae virtutes ex
participatione eius quod est naturaliter sanctum, insitam habent
sanctificationem : neque enim cecidisset Satanas, si natura fuisset
insusceptibilis mali. Cyrillus.
Vel aliter. Videbam Satanam sicut fulgur de caelo cadentem, idest a
suprema potentia in extremam fragilitatem. Nam ante salvatoris adventum
subegerat sibi orbem, et ab omnibus colebatur; sed cum unigenitum verbum Dei
de caelo descendit, corruit tamquam fulgur, quia conculcatur ab adorantibus
Christum; unde sequitur et ecce dedi vobis potestatem calcandi supra
serpentes et scorpiones. Titus.
Serpentes quidem aliquando figuraliter in deserto mordebant Iudaeos et
necabant eos, eo quod infideles erant; venit autem qui serpentes illos
perimeret aeneus serpens crucifixus, ut si quis credens in eum prospexerit,
liberetur a morsibus et salvetur. Chrysostomus.
Deinde ne putaremus hoc dici de bestiis, subiunxit et supra omnem virtutem
inimici. Beda.
Hoc est omne genus immundorum spirituum de obsessis corporibus eiciendi;
et quantum ad ipsos subdit et nihil vobis nocebit : quamvis et ad litteram
possit accipi : Paulus enim a vipera invasus nihil mali patitur, et Ioannes
hausto veneno non laeditur. Hoc autem inter serpentes qui dente et scorpiones
qui cauda nocent, distare arbitror, quod serpentes aperte saevientes,
scorpiones clanculo insidiantes, vel homines vel Daemones significent. Vel
serpentes qui inchoandis virtutibus venena pravae persuasionis obiciunt :
scorpiones qui consummatas virtutes ad finem vitiare intendunt. Theophylactus.
Vel serpentes sunt qui visibiliter nocent, veluti fornicationis et
homicidii Daemon : qui vero invisibiliter nocent, scorpiones vocantur, sicut
in vitiis spiritualibus. Gregorius
Nyssenus. Voluptas etiam serpens dicitur in Scriptura, cuius natura est
quod si caput eius muri stricturam attigerit, totum sequens corpus ad se
trahit : sic natura necessarium concessit homini domicilium; sed per hanc
necessitatem aggrediens voluptas animum ad immoderatum quemdam ornatum
pervertit; ad hoc subsequentem avaritiam trahit, quam impudicitia sequitur,
idest ultimum membrum, et cauda bestialitatis. Sed quemadmodum non est per
caudam serpentem retrahi, sic non est incipiendum ab ultimis ad evellendum
voluptates, nisi quis priorem aditum obturet malitiae. Athanasius.
Deludunt autem nunc per Christi virtutem pueri voluptatem, quae quondam
seducebat grandaevos; et virgines perseverant conculcantes serpentinae
voluptatis fallacias. Sed et quidam ipsum aculeum scorpionis, idest Diaboli,
conculcantes, scilicet mortem, non timuerunt interitum; verbi gratia,
martyres facti; plerique vero postpositis terrenis, libero gressu
conversantur in caelis, principem aeris non timentes. Titus.
Sed quia laetitia qua eos laetos videbat, inanem gloriam sapiebat : gaudebant
enim quod quasi sublimes effecti, terribiles hominibus et Daemonibus erant :
ideo dominus subiungit verumtamen in hoc nolite gaudere, quia spiritus
subiciuntur vobis. Beda.
De subiectione spirituum, cum caro sint, gaudere prohibentur : quia spiritus
eicere, sicut et virtutes alias facere, interdum non est eius meriti qui
operatur; sed invocatio nominis Christi hoc agit ad condemnationem eorum qui
invocant, vel ad utilitatem eorum qui vident et audiunt. Cyrillus.
Sed cur, domine, non sinis laetari in honoribus a te collatis, cum
scriptum sit : in nomine tuo exultabunt tota die? Sed dominus eos ad maius gaudium erigit; unde subdit gaudete autem
quia nomina vestra scripta sunt in caelis. Beda. Quasi dicat : non oportet vos de Daemonum
humiliatione, sed de vestra sublimatione gaudere. Salubriter autem
intelligendum est, quod sive caelestia, sive terrestria quis opera gesserit,
per hoc quasi litteris annotatus apud Dei memoriam sit aeternaliter affixus. Theophylactus. Scripta sunt enim nomina sanctorum in libro vitae,
non encausto, sed memoria Dei et gratia. Et
Diabolus quidem desuper cadit; homines vero inferius existentes superius
ascribuntur in caelis. Basilius.
Quidam autem sunt qui scribuntur quidem non in vita, sed, secundum
Ieremiam, in terra; ut secundum hoc intelligatur duplex quaedam descriptio,
horum quidem ad vitam, illorum ad perditionem. Quod autem dicitur : deleantur
de libro viventium, intelligitur de his qui digni putabantur in libro Dei
conscribi; et secundum hoc fieri dicitur Scripturae mutatio, quando a virtute
delabimur in peccatum, vel e contra. |
Versets 17-20.
— S. Cyrille : Nous
avons vu plus haut que le Seigneur envoya ses disciples revêtus de la grâce du
Saint-Esprit, et que, devenus ministres de la prédication, ils reçurent en
même temps tout pouvoir sur les esprits immondes; nous les voyons revenir
maintenant en proclamant la puissance de celui qui les a ainsi honorés : « Or,
les soixante-douze disciples revinrent avec joie, en disant : Seigneur, les
démons eux-mêmes nous sont soumis par votrenom. » Ils semblent se
réjouir bien plus de ce qu’ils ont opéré des miracles, que d’avoir été les
ministres de la prédication. Et cependant ils devaient bien plutôt mettre
leur joie dans ceux qu’ils avaient gagnés à l’Évangile, à l’exemple de saint
Paul, qui disait à ceux qui avaient été appelés à la foi par ses prédications
: « Vous êtes ma joie et ma couronne. » (Ph 4.) — S. Grégoire : (Moral., 23, 4.) Il est admirable de voir le Seigneur réprimer ce mouvement d’orgueil dans le coeur de ses disciples, et de leur rappeler la chute trop justement méritée du maître de l’orgueil, pour leur apprendre, par le prince de l’orgueil, combien ce vice était redoutable : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair, ». — S. Basile : (hom., Dieu n’est pas l’auteur du mal.) Le démon est appelé Satan, parce qu’il est opposé au bien (c’est le sens du mot hébreu); il est aussi appelé diable, parce qu’il nous aide à commettre le mal, et qu’il devient notre accusateur. Sa nature est immatérielle, et il fait son séjour dans les airs. — S. Bède : Il ne dit pas : Je le vois maintenant; mais : « Je le voyais précédemment, » au moment même de sa chute. Il le compare à l’éclair, pour signifier la rapidité avec laquelle il a été précipité du haut du ciel au fond des abîmes, ou pour exprimer que depuis sa chute, il se transforme encore en ange de lumière (2 Co 11, 4.) — Tite de Bostr. C’est comme juge qu’il a vu la chute de Satan, lui qui connaît les passions des êtres immatériels. Il le compare dans sa chute à un éclair, parce que Satan, de brillant qu’il était par nature, est devenu ténébreux par ses inclinations vicieuses; et qu’il a changé en mal en lui la bonté que Dieu lui avait communiquée en le créant. — S. Basile : (contre Eunom., 3.) Car les esprits célestes ne sont pas saints par nature, mais la mesure de leur sainteté est proportionnée à la mesure de leur amour pour Dieu. De même que le fer qu’on met dans le feu, ne cesse pas d’être du fer, et cependant, par son étroite union avec la flamme ardente, prend l’aspect et la vertu du feu; ainsi les esprits des cieux, par leur union avec celui qui est saint par nature, entrent en communication de sa sainteté; car en effet, Satan ne fût jamais tombé, s’il avait été impeccable par nature. — S. Cyrille : Ou bien encore, dans un autre sens : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair, » c’est-à-dire de la plus haute puissance à la plus extrême faiblesse. En effet, avant la venue du Sauveur, le démon avait soumis tout l’univers, et recevait les adorations de tous les hommes; mais lorsque le Fils unique de Dieu fut descendu du ciel, il tomba avec la rapidité de l’éclair, parce qu’il est foulé aux pieds par tous ceux qui adorent Jésus-Christ, c’est ce qu’indiquent les paroles suivantes : « Voici que je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions, ». — Tite de Bost. Autrefois les serpents, dans le désert, firent des blessures mortelles aux Israélites à cause de leur infidélité. (Nb 21.) Mais le serpent d’airain est venu sur la terre, il a été attaché à la croix, et il a détruit ainsi la vertu de ces serpents, de manière que tous ceux qui le regardent avec foi sont guéris de leurs blessures, et obtiennent le salut. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Et dans la crainte qu’on entendit ces paroles de véritables serpents, le Sauveur ajoute : « et sur toute la puissance de l’ennemi. » — S. Bède : C’est-à-dire qu’il leur donne le pouvoir de chasser toute espèce d’esprits impurs des corps des possédés. Et pour ce qui les concerne, il ajoute : « et rien ne pourra vous nuire. » On peut cependant entendre aussi ces paroles dans le sens littéral, car une vipère s’étant élancée sur la main de saint Paul, il n’en souffrit aucun mal (Ac 28), et saint Jean prit du poison, sans en ressentir aucune atteinte. Or, il y a cette différence entre les serpents qui blessent avec leurs dents, et les scorpions dont le venin est dans la queue, que les serpents représentent ceux qui exercent ouvertement leur fureur; et les scorpions, ceux qui dressent en secret leurs embûches, que ce soient des hommes ou des démons. Ou bien les serpents, comme un poison de persuasion mauvaise, font obstacle aux vertus commençantes. Tandis que les scorpions s’emploient à détruire les vertus bien établies. — Théophylacte : Ou bien, les serpents sont ceux qui attaquent extérieurement, comme le démon de la fornication et de l’homicide, mais ceux dont le pouvoir de nuire s’exerce intérieurement, sont comme des scorpions, telles sont les passions intérieures de l’âme. — S. Grégoire de Nysse : (hom. sur les Cant.) La volupté est comparée au serpent, dans la sainte Écriture. Or, telle est la nature du serpent, que si sa tête atteint une fente dans un mur, elle attire tout son corps à sa suite; ainsi la nature accorde à l’homme de se construire une habitation comme chose nécessaire, mais à l’aide de cette nécessité, la volupté dresse ses attaques, elle porte l’homme à un luxe exagéré; puis comme conséquence, elle fait entrer dans l’âme la passion de l’avarice, que suit immédiatement le vice de l’impureté, c’est-à-dire le dernier membre et comme la queue de la bestialité. Or, de même que pour faire lâcher prise à un serpent, on ne le saisit point par la queue; ainsi, c’est inutilement qu’on voudrait déraciner la volupté en commençant par les dernières ramifications, si on ne ferme tout d’abord l’entrée par où le mal a pénétré dans l’âme. — S. Athanase : (disc. sur la passion et la croix du Seig.) Nous voyons aujourd’hui des enfants triompher, par la vertu du Christ, de la volupté qui, autrefois séduisait les vieillards; et des vierges persévérer dans l’innocence, en foulant aux pieds les artifices du serpent de la volupté. Quelques-uns mêmes ont écrasé l’aiguillon du scorpion, c’est-à-dire du démon, ils n’ont pas craint la mort, et sont devenus les martyrs de Jésus-Christ; et la plupart ont sacrifié les jouissances de la terre pour marcher plus librement vers les biens du ciel, sans crainte aucune des puissances de l’air. — Tite de Bostr. Notre Seigneur vit bien que la joie de ses disciples était mélangée de vaine gloire; car ils se réjouissaient surtout d’avoir reçu une puissance qui les élevait au-dessus des autres hommes, et les rendait terribles aux hommes et aux démons. Aussi ajoute-t-il : « Cependant ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, ». — S. Bède : Il leur défend, simples mortels qu’ils sont, de se réjouir de ce que les esprits leur sont soumis; car le pouvoir de chasser les esprits ou de faire d’autres miracles, ne vient pas du mérite de celui qui les opère mais de l’invocation du nom de Jésus-Christ, qui produit ces effets miraculeux pour la condamnation de ceux qui l’invoquent, ou pour l’utilité de ceux qui sont témoins de ces prodiges. — S.
Cyrille : Mais pourquoi, Seigneur, ne permettez-vous
pas à vos disciples de se réjouir de la puissance que vous-même leur avez
donnée, alors qu’il est écrit : « Ils
se réjouiront dans votre nom durant tout le jour ? » C’est que
le Sauveur les invite à une joie beaucoup plus grande et plus pure : « Réjouissez-vous
de ce que vos noms sont écrits dans les cieux » — S. Bède : Comme s’il leur disait : Ce n’est pas de l’humiliation des démons, mais de votre élévation, qu’il faut vous réjouir. Et nous pouvons entendre ces paroles, dans ce sens plein d’édification, que les œuvres de l’homme, qu’elles aient le ciel ou la terre pour objet, sont écrites pour ainsi dire, et éternellement gravées dans le souvenir de Dieu. — Théophylacte : Les noms des saints sont écrits dans le livre de vie, non pas avec de l’encre, mais par la grâce et le souvenir de Dieu, et tandis que le démon tombe des hauteurs où Dieu l’avait élevé, les hommes placés au-dessus de lui, sont inscrits dans le livre des cieux. — S. Basile : (sur le chap. 4 d’Isaïe). Il en est dont les noms sont écrits, non sur le livre de vie, mais sur la terre, comme le dit Jérémie (Jr 17, 13), d’où nous devons entendre qu’il y a deux inscriptions, les uns sont écrits pour la vie, et les autres pour leur perte. Quant à ces paroles du Roi-prophète : « Qu’ils soient effacés du livre des vivants, » elles doivent s’entendre de ceux qu’on avait cru dignes d’être inscrits sur le livre de Dieu; et dans le style de l’Écriture, nos noms sont effacés ou inscrits lorsque nous tombons de la vertu dans le péché, ou lorsque nous sortons du péché pour revenir à la vertu. |
Lectio 6 [85847] Catena in Lc., cap. 10 l. 6 Theophylactus. Sicut benignus pater videns filios suos
dirigi, gaudet; sic et Christus exultat, quod apostoli tantis bonis facti
sunt digni; unde dicitur in ipsa autem hora exultavit in spiritu sancto. Cyrillus.
Inspexit quidem per spiritus operationem, quam apostolis tradidit, plurium
acquisitionem; unde in spiritu sancto laetatus dicitur, idest in effectibus,
qui per spiritum sanctum proveniunt : quasi enim amator hominum, gaudii
reputabat materiam conversionem errantium; de quo gratias agit; unde sequitur
confiteor tibi, pater, domine caeli et terrae. Beda. Confessio non semper poenitentiam, sed et gratiarum actionem
significat, ut in Psalmis saepissime legimus. Cyrillus. Ecce autem, inquiunt illi quorum corda perversa sunt,
gratias refert filius patri tamquam minor. Sed quid impedit consubstantialem
filium laudare proprium genitorem, mundum salvantem per eum? Quod
si censes confessionis causa hunc esse minorem, aspice quod vocat eum patrem
suum, et dominum caeli et terrae. Titus.
Alia enim per Christum ex non entibus producta sunt; sed solus ipse
incomprehensibiliter a patre est genitus : solius enim unigeniti tamquam veri
filii naturaliter pater est; unde solus patri dicit confiteor tibi, pater;
hoc est, glorifico te. Nec mireris si patrem filius glorificat : tota enim
hypostasis unigeniti, genitoris est gloria : nam quae facta sunt, et caelum
et Angeli, gloria sunt creatoris : verum quia haec nimis infime sita sunt
respectu dignitatis ipsius, solus filius, cum Deus perfecte sit similis
genitori, perfecte glorificat patrem. Athanasius. Novimus etiam saepius salvatorem humana proferre; habet
enim adiunctam humanitatem divinitas; nec tamen propter corporis tegimen Deum
ignores. Sed quid respondent in hoc qui volunt
subsistentiam esse mali, formant vero sibi Deum alium a vero patre Christi,
et hunc dicunt esse unigenitum mali creatorem et nequitiae principem, nec non
mundialis machinae conditorem? Ait autem dominus, approbans verba Moysi,
confiteor tibi, pater, domine caeli et terrae. Epiphanius.
Editum vero a Marcione Evangelium habet, Eucharisto, idest, gratias ago
tibi, domine caeli : tacens quod dicitur pater, et quod dicitur et terrae, ne
videatur Christus opificem caeli et terrae habere patrem suum. Redarguitur
autem, quia idem paulo infra habet : ita, pater. Ambrosius.
Postremo aperit caeleste mysterium, quo placuit Deo ut parvulis, magis
quam prudentibus mundi suam gratiam revelaret; unde sequitur quod abscondisti
haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. Theophylactus.
Potest sic distingui ut dicatur a sapientibus, idest a Pharisaeis et Scribis
legem interpretantibus, et prudentibus, idest ab his qui a Scribis fuerant
docti; sapiens enim est qui docet, prudens vero qui docetur. Parvulos vero
vocat dominus suos discipulos, quos non legis doctores, sed de turba et
piscatores elegit, qui sunt vocati parvuli, quasi non malevoli. Ambrosius.
Vel parvulum hic accipiamus qui se exaltare non noverit, et phaleratis
sermonibus artem suae iactare prudentiae : quod Pharisaei plerique faciunt.
Beda.
Gratias igitur agit, quod apostolis quasi parvulis adventus sui aperuit
sacramenta, quae ignoraverunt Scribae et Pharisaei, qui sibi sapientes
videntur, et in conspectu suo prudentes. Theophylactus.
Abscondita igitur sunt mysteria ab his qui putant se esse sapientes, et
non sunt : nam si essent, eis revelata fuissent. Beda.
Unde sapientibus et prudentibus, non insipientes et hebetes, sed parvulos,
idest humiles opposuit, ut probaret se tumorem damnasse, non acumen. Origenes.
Sensus enim defectus praeparatio fit supervenientis perfectionis : qui
enim non sentit quod careat vero bono, propter bonum praesens, quod sibi
inesse videtur, vero bono privatur. Chrysostomus
in Matthaeum. Non autem laetatur et gratias agit quod Dei mysteria
latebant Scribas et Pharisaeos : haec enim non erat materia alacritatis, sed
gemitus; sed de hoc gratias agit, quia quod sapientes non noverant, hi
noverunt. Gratias autem super hoc agit patri, cum quo ipse simul hoc facit,
ostendens nimiam dilectionem qua diligit nos. Ostendit autem consequenter,
quod huius rei causa prima, voluntas sua sit, et patris, qui propria
voluntate hoc agebat; unde sequitur etiam, pater, quia sic placitum fuit ante
te. Gregorius.
His verbis exempla humilitatis accipimus, ne temere discutere superna
consilia de aliorum vocatione aliorumve repulsione praesumamus : iniustum
enim esse non potest quod placuit iusto. In cunctis ergo quae exterius
disponuntur, apertae causa rationis est occultae iustitia voluntatis. Chrysostomus.
Cum vero dixisset confiteor tibi, quia revelasti ea parvulis, ne putares
quod ipse Christus hac virtute privatus non posset hoc facere, subiungit
omnia tradita sunt mihi a patre meo. Athanasius.
Hoc non recte intelligentes Arii sequaces delirant in dominum, dicentes :
si data sunt ei omnia, idest dominium creaturae, fuit tempus quo ea non
habuit; et sic non est de substantia patris : nam si esset, non esset ei opus
recipere. Sed ex hoc magis dementia eorum carpitur. Si enim priusquam
recepisset vacabat creatura a verbo, qualiter salvabitur illud : omnia in eo
consistunt? Ceterum si simul postquam facta est creatura, tota fuit tradita
ei, non erat opus tradere; per ipsum namque facta sunt omnia. Non ergo, ut
ipsi putant, significatur hic creaturae dominium; immo significativum est hoc
verbum factae dispensationis in carne : postquam enim homo peccavit,
perturbata sunt omnia; unde verbum caro factum est, ut omnia restauraret.
Data sunt ergo ei omnia, non quia potestate careret, sed ut salvator emendet
universa; ut sicut per verbum omnia in principio introducta sunt in esse, ita
cum verbum caro factum est, in ipso omnia restaurentur. Beda.
Vel dicit omnia sibi tradita, non mundi elementa, sed hi quibus parvulis
spiritu sacramenta filii pater revelavit, et de quorum salute, cum haec
loqueretur, exultavit. Ambrosius.
Vel cum omnia legis, omnipotentem agnoscis, non degenerem patris; cum
tradita legis, filium confiteris; cui per naturam omnia unius substantiae
iura sunt propria, non dono collata per gratiam. Cum autem
dixisset omnia sibi fore a patre tradita, ascendit ad propriam gloriam et
excellentiam, ostendens in nullo se superari a patre; unde subdit et nemo
novit quis sit filius, nisi pater, et quis sit pater, nisi filius. Non valet
enim creaturae intentio comprehendere modum divinae substantiae, quae omnem
superat intellectum, et decor eius quamlibet considerationem transcendit; sed
a seipsa quid sit natura divina cognoscitur. Itaque pater per id quod est,
novit filium; et filius per id quod est, novit patrem, non interveniente
aliqua differentia quantum ad divinitatis naturam : quod enim sit Deus,
credimus; quid autem naturaliter sit incomprehensibile est. Si vero creatus
est filius, quomodo solus sciret patrem, aut quomodo a solo patre sciretur?
Scire namque naturam divinam impossibile est cuilibet creaturae; scire autem
quodcumque eorum quae creata sunt quid sit, non transcendit quemlibet
intellectum, quamvis superet nostrum sensum. Athanasius.
Hoc autem domino dicente, constat Arianos ei obsistere, dum dicunt non
videri patrem a filio. Sed eorum ostenditur insania, si seipsum non novit
verbum, quod omnibus patris et sui praestat notitiam; sequitur enim et cui
voluerit filius revelare. Titus.
Est autem revelatio traditio notionis iuxta proportionem naturae et
virtutum uniuscuiusque; et ubi quidem est natura consimilis, ibi est cognitio
sine doctrina; hic autem est per revelationem disciplina. Origenes.
Vult autem revelare ut verbum, non irrationabiliter, et tamquam iustitia,
qui novit digne et tempora revelandi et mensuras revelationis. Revelat autem
removens oppositum cordi velamen, necnon tenebras quas posuit in sui
latibulum. Sed quoniam ex hoc putant qui alterius sunt opinionis, construere
nefarium suum dogma, quod scilicet ignotus erat pater Iesu sanctis antiquis;
dicendum est eis, quoniam quod dicitur cuicumque vult filius revelare, non
solum retorquetur ad tempus futurum, ex quo salvator hoc protulit, sed etiam
ad tempus praeteritum. Quod si velint hoc verbum revelare pro praeterito
sumere, dicendum est eis, quod non est idem cognoscere et credere. Alii datur
per spiritum sermo scientiae, alii fides in eodem spiritu. Erant ergo primo
quidem credentes, non autem cognoscentes. Ambrosius.
Ut scias autem quia sicut filius patrem quibus vult revelat, etiam pater
revelat quibus vult filium; audi dominum dicentem : beatus es, Simon Bariona,
quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed pater meus qui in caelis est. |
Versets 21-23.
— Théophylacte : Comme un bon père qui se réjouit de voir ses enfants dans la voie du bien, Jésus tressaille de joie de ce que les Apôtres ont été jugés dignes de si hautes faveurs : « En cette heure même, Jésus tressaillit de joie dans l’Esprit Saint, ». — S. Cyrille : Il vit que les Apôtres, par la vertu de l’Esprit saint qu’il leur avait donnée, en gagneraient un grand nombre [(c’est-à-dire les amèneraient à la foi)], c’est pour cela que l’Évangéliste dit qu’il se réjouit dans l’Esprit saint, c’est-à-dire dans les effets produits par l’Esprit saint. En effet, le Sauveur aime tant les hommes, qu’il regarde comme un sujet de joie la conversion de ceux qui se sont égarés, et il rend grâces à Dieu : « Je vous rends gloire, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre,» etc. — S.
Bède : Le mot confession
ne signifie pas toujours pénitence, mais, actions de grâces, comme nous
le voyons fréquemment dans les Psaumes (Ps
9, 2; 17, 50; 29, 13; 48, 19; 51, 11; 117, 21.28). — S. Cyrille : Des hommes au coeur perverti nous objectent que le Fils rend ici grâce au Père, comme lui étant inférieur. Mais qui donc empêche le Fils, tout en étant consubstantiel à son Père, de rendre gloire à celui qui l’a engendré, et qui s’est servi de lui pour sauver le monde ? Si vous pensez que par-là même qu’il rend gloire à son Père, il lui est inférieur, veuillez remarquer qu’il l’appelle son Père et le Seigneur du ciel et de la terre. — Tite de Bost. Toutes les autres créatures ont été tirées du néant par le Christ, mais lui seul a été engendré par le Père d’une manière incompréhensible, car Dieu n’est Père dans un sens véritable que de son Fils unique; aussi le Fils est-il le seul à pouvoir dire à son Père : « Je vous rends grâces, Seigneur Père, » c’est-à-dire : je vous glorifie. Ne soyez pas surpris si le Fils glorifie le Père, car toute la gloire du Père est dans la personne de son Fils unique. Toutes les créatures, et le ciel et les anges eux-mêmes sont la gloire du Créateur, mais comme ces créatures sont placées beaucoup trop au-dessous de sa Majesté, le Fils seul peut dignement glorifier le Père, parce qu’il a une même substance, une même divinité avec Dieu son Père. — S.
Athanase : Nous savons que souvent le Sauveur
s’exprime d’une manière toute humaine, car sa divinité est intimement unie à
son humanité; gardez-vous cependant de méconnaître la divinité à cause du
voile du corps qui la recouvre. Mais que répondront à cela ceux qui veulent
que le mal ait une existence distincte, et qui se forment un Dieu différent
du vrai Père du Christ. Ils disent que ce Dieu n’a pas été engendré, qu’il
est l’auteur du mal, le prince de l’iniquité, et la créature de ce monde
matériel. Mais le Sauveur, confirmant les paroles de Moïse, dit hautement : « Je
vous rends gloire, Père, Dieu du ciel et de la terre. » — S. Epiphane : L’Évangile de Marcion porte : « Je vous rends grâces, Dieu du ciel, » et supprime ces paroles : « et de la terre, » et ces autres : « Mon Père, » pour ne point donner à entendre que Jésus-Christ appelle son Père le Créateur du ciel et de la terre. Il se trompe parce que Jésus emploie un peu plus loin la même formule. — S. Ambroise : Le Sauveur découvre ensuite à ses disciples le dessein mystérieux, en vertu duquel il a plu à Dieu de révéler les trésors de la grâce aux petits, plutôt qu’aux sages et aux prudents de ce monde : « Je vous rends grâces de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et les avez révélées aux petits.» — Théophylacte : On peut voir ici deux sortes de personnes; les sages sont les pharisiens et les scribes interprètes de la loi; et les prudents, ceux qui étaient enseignés par les scribes. Le sage est celui qui enseigne, le prudent celui qui est enseigné. Les petits, au contraire, dont parle le Seigneur, sont ses disciples qu’il a choisis, non parmi les docteurs de la loi, mais parmi le peuple et les pêcheurs [des bords de la mer]; et il les appelle petits, parce que leur volonté est sans malice. — S. Ambroise : Ou bien, ces petits sont ceux qui ne cherchent point à s’élever, et à faire ressortir leur prudence dans des discours étudiés, ce que font la plupart des pharisiens. — S. Bède : Il rend donc grâces à Dieu de ce qu’il a révélé aux Apôtres, qui sont petits à leurs yeux, les mystères de son avènement qu’ont ignorés les scribes et les pharisiens qui se croient les seuls sages, et se complaisent dans leur prudence. — Théophylacte : Ces mystères restent donc cachés pour ceux qui prétendent être sages, et ne le sont pas; car s’ils l’étaient réellement, ces mystères leur auraient été révélés. — S. Bède : Remarquez qu’il oppose aux sages et aux prudents, non pas les insensés et les esprits stupides, mais les petits, c’est-à-dire les humbles, pour faire comprendre que ce qu’il condamne, ce n’est point la pénétration, mais l’orgueil de l’esprit. — Origène : En effet, le sentiment de ce qui nous manque est une disposition pour arriver à la perfection. Celui qui, séduit par l’apparence du bien qu’il croit avoir, ne sent point qu’il ne possède pas le bien véritable, en demeure privé [pour toujours]. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 39 sur
Matth.) Si le Sauveur tressaille de joie et rend grâces à son Père, ce
n’est point de ce que les mystères de Dieu restent cachés aux scribes et aux
pharisiens, car c’était un sujet de gémissement, plutôt que de joie, mais il
rend grâces de ce que ses disciples ont connu ce que ces prétendus sages ont
ignoré. Il rend grâces à Dieu de cette révélation dont il est aussi l’auteur
conjointement avec son Père, et nous fait ainsi connaître la grandeur de son
amour pour nous. Il nous apprend encore que la cause première de cette
révélation, c’est sa volonté et celle de son Père, qui agissait en cela par
un dessein formel de sa volonté divine. « Oui, Père, parce que tel
fut ton bon plaisir. » — S. Grégoire : (Moral., 25, 43.) Notre Seigneur nous donne ici une leçon d’humilité, en nous enseignant à ne pas discuter témérairement les conseils de Dieu dans la vocation des uns, et la réprobation des autres; car ce que la souveraine justice juge à propos de faire, ne peut jamais être injuste. Ainsi donc dans tous les événements qui arrivent, la cause évidente de la conduite de Dieu, c’est la justice secrète de sa volonté mystérieuse. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 39 sur
Matth.) Ces paroles : « Je vous rends grâces, ô mon Père, de ce
que vous avez révélé ces choses aux petits, » pouvaient donner à
penser que le Christ n’avait pas le pouvoir de faire la même révélation, il
ajoute donc : « Toutes, choses m’ont été données par mon Père. »
— S. Athanase : Les partisans d’Arius ne comprennent pas le véritable sens de ces paroles, et en donnent cette interprétation [absurde et] injurieuse au Seigneur : Si toutes choses, disent-ils (c’est-à-dire le domaine sur toute créature), lui ont été données, il fut un temps où il ne les avait pas, il n’est donc pas consubstantiel au Père; car s’il l’était, il n’aurait pas eu besoin de recevoir [le domaine sur toutes choses]. Mais cette explication fait ressortir davantage leur folie; car si avant de recevoir le domaine sur toute créature, le Verbe était étranger aux créatures, comment admettre ces paroles de l’Apôtre : « Toutes choses subsistent en lui ? » (Col 1, 47.) D’ailleurs, si toutes les créatures lui ont été données, aussitôt qu’elles furent créées, il n’était pas besoin de les lui donner de nouveau; car « c’est par lui que toutes choses ont été faites. » (Jn 1.) Il n’est donc pas question ici, comme le prétendent les Ariens, du domaine sur les créatures, mais ces paroles ont un rapport évident aux suites de l’incarnation du Verbe. En effet, le péché de l’homme fut cause d’un bouleversement général, et le Verbe s’est fait chair pour rétablir tout dans le premier état. Si donc toutes choses lui ont été données, ce n’est pas chez lui défaut de puissance, mais elles lui ont été données pour qu’il les réformât en qualité de Sauveur. Ainsi de même qu’au commencement toutes les créatures ont été tirées du néant par le Verbe, de même, c’est le Verbe fait chair qui les a rétablies et renouvelées. — S. Bède : Ou bien, en disant que toutes choses lui ont été données, le Sauveur veut parler, non des éléments de ce monde, mais de ces petits auxquels le Père a révélé les mystères du Fils, et dont le salut éternel lui cause ici un véritable tressaillement de joie. — S. Ambroise : Ou bien encore, dans ces paroles : « Toutes choses, » vous reconnaissez dans le Fils le Tout-Puissant égal en tout à son Père; dans ces autres : « m’ont été données, » vous confessez qu’il est véritablement le Fils, à qui toutes choses appartiennent essentiellement en vertu de sa consubstantialité, et sans qu’elles lui aient été données par grâce. — S. Cyrille : (Tres., liv. 4.) Après avoir déclaré que toutes choses lui ont été données par son Père, il élève les esprits jusqu’à la gloire et la grandeur qui lui sont propres, en montrant qu’il ne le cède en rien à son Père : « Personne ne sait qui est le Fils, si ce n’est le Père, et qui est le Père, que le Fils, ». En effet, la pensée de la créature ne peut atteindre la profondeur de la substance divine qui surpasse toute intelligence, et dont la beauté est au-dessus de toute conception. Le Père connaît donc le Fils en vertu de sa nature divine, et le Fils connaît le Père de la même manière, sans qu’il y ait la moindre différence quant à leur nature divine. Quant à nous, nous croyons que Dieu existe, mais nous ne pouvons comprendre quelle est sa nature. Mais si le Fils avait été créé, comment serait-il le seul pour connaître le Père, ou comment le Père seul pourrait-il le connaître ? Car aucune créature ne peut connaître la nature divine, tandis que la connaissance des choses créées ne surpasse pas toute intelligence, bien qu’elle puisse surpasser la portée de notre esprit. — S.
Athanase : Il est évident que les Ariens se mettent
en contradiction avec ces paroles du Sauveur, quand ils osent avancer que le
Père ne peut être vu par le Fils. Mais leur absurdité se révèle quand ils
disent que le Verbe ne se connait pas lui-même, alors qu’il donne à tous la
connaissance de lui-même et de son Père : « et celui à qui le Fils
voudra le révéler ? » — Tite de Bostr. La révélation, c’est la transmission d’une connaissance faite d’une manière proportionnée à la nature et aux facultés de chacun; là où la nature est consubstantielle, la connaissance existe sans enseignement; pour nous, au contraire, la connaissance ne peut exister sans révélation. — Origène : Le Fils de Dieu veut faire cette révélation, comme Verbe, d’une manière conforme à la raison, et comme la souveraine justice qui sait choisir les temps les plus opportuns, et la mesure la plus convenable. Or, il révèle en écartant le voile qui est placé sur le coeur (2 Co 3), et les ténèbres où lui-même habite comme dans une retraite. (Ps 17.) Mais puisque ceux qui sont d’une opinion contraire s’efforcent d’appuyer sur ces paroles leur dogme impie, que le Père de Jésus n’a pas été connu des saints des temps anciens, nous leur répondrons que ces paroles : « et celui à qui le Fils voudra le révéler, » se rapportent non seulement aux temps qui ont suivi celui où le Sauveur les a dites, mais encore au temps qui ont précédé. Et s’il leur répugne d’étendre le mot révéler aux temps passés, nous leur dirons que connaître et croire sont deux choses différentes : « L’un reçoit de l’Esprit saint le don de parler avec science; un autre reçoit le don de la foi par le même Esprit » (1 Co 12). Ainsi les hommes eurent d’abord la foi, mais sans avoir la connaissance. — S. Ambroise : De plus, afin que vous sachiez que, de même que le Fils révèle le Père à qui il veut, le Père révèle aussi le Fils à qui il veut, écoutez ces paroles du Seigneur : « Vous êtes bienheureux, Simon, fils de Jean, parce que ce n’est ni la chair ni le sang qui vous sont révélés, mais mon Père qui est dans les cieux. » |
Lectio 7 [85848] Catena in Lc., cap. 10 l. 7 Theophylactus. Quia superius dixerat : nemo novit quis sit
pater, nisi filius, et cui voluerit filius revelare, beatificat discipulos
quibus pater per eum revelabatur; unde dicitur et conversus ad discipulos
suos dixit : beati oculi qui vident quae vos videtis. Cyrillus.
Convertitur quidem ad eos, quia repellens Iudaeos surdos, et caecam mentem
gerentes, nec videre volentes, totum se praebebat diligentibus eum; et beatos
asserit oculos videntes quae prius aliis ipsi videbant. Illud tantum scire
convenit, quia videre non significat actum oculorum, sed mentis recreationem
in praestitis beneficiis; puta si quis dicat : iste vidit bona tempora, idest
gavisus est in bonis temporibus, secundum illud : videas bona Ierusalem.
Multi enim Iudaeorum viderunt Christum divina operantem, corporali scilicet
intuitu; nec tamen omnibus beatificatio convenit : non enim crediderunt, sed
neque viderunt gloriam Dei oculis mentis. Beatificati sunt ergo oculi nostri
in hoc quod fide vidimus verbum pro nobis hominem factum, imprimens nobis
decorem sui numinis, ut nos sibi conformes faciat per sanctificationem atque
iustitiam. Theophylactus.
Beatificat autem eos, et omnes simpliciter qui eum fide respiciunt, ex hoc
quod antiqui prophetae et reges Deum in carne videre et audire optaverunt;
unde sequitur dico enim vobis quod multi prophetae et reges voluerunt videre
quae vos videtis, et non viderunt; et audire quae auditis, et non audierunt.
Beda.
Matthaeus apertius prophetas et iustos appellat; ipsi enim sunt reges
magni, quia tentationum suarum motibus non consentiendo succumbere, sed
regendo praeesse noverunt. Chrysostomus.
Ex hoc autem dicto plures existimant prophetas caruisse Christi notitia.
Sed si optaverunt videre quae viderunt apostoli, noverunt illum venturum ad
homines et dispensaturum quae dispensavit : nullus enim habet horum appetitum
quae mente non concepit : noverant ergo filium Dei : unde non simpliciter
dicit voluerunt videre me, sed quae vos videtis; nec audire me, sed quae vos
auditis. Viderant enim ipsum, non tamen iam incarnatum, nec sic cum hominibus
conversantem, nec tanta maiestate eis loquentem. Beda.
Illi enim a longe inspicientes per speculum et in aenigmate viderunt;
apostoli autem in praesentiarum habentes dominum, quaecumque voluissent
interrogando discentes, nequaquam per Angelos aut alias visionum species opus
habebant doceri. Origenes.
Sed quare dicit plerosque prophetas optasse, non autem omnes? Quia de
Abraham dicitur quod vidit diem Christi et laetatus est; quam visionem non
plures, immo pauci contigerunt. Fuerunt autem alii prophetae et iusti non
tanti ut visionem Abrahae et peritiam apostolorum attingerent; et hos dicit
non vidisse, sed optasse. |
Versets 23-24.
— Théophylacte : Le Sauveur venait de dire : « Nul ne sait quel est le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, » il proclame maintenant bienheureux ses disciples auxquels il a lui-même révélé quel est le Père : « Et se tournant vers ses disciples, il leur dit : Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez. » — S. Cyrille : Il se retourne vers ses disciples, parce qu’il repousse les Juifs qui sont sourds, qui ont une intelligence aveugle puisqu’ils ne veulent pas voir, pour se donner tout entier à ceux qui l’aiment, et il déclare bienheureux les yeux qui voient ce qu’ils voyaient eux-mêmes de préférence aux autres. Il faut cependant remarquer, que voir ne signifie pas ici une action [et un mouvement] des yeux, mais une jouissance de l’âme dans la possession des bienfaits dont elle est l’objet; comme quand on dit : « Il a vu des jours heureux, » c’est-à-dire il s’est réjoui des jours heureux; c’est dans ce sens que le Roi-prophète dit : « Vous verrez les biens de Jérusalem. » (Ps 127.) Combien de Juifs, en effet, qui ont vu, des yeux de leur corps, Jésus-Christ opérant des miracles divins, et à qui ne peuvent convenir ces paroles du Sauveur; car ils n’ont pas cru, et ils n’ont point vu sa gloire des yeux de l’esprit. Si donc nos yeux sont heureux, c’est que nous voyons par la foi le Verbe fait homme pour nous, et gravant dans notre âme l’impression de sa divinité pour nous rendre semblables à lui par la sainteté et la justice. —
Théophylacte : Il proclame bienheureux ses
disciples et tous ceux, en résumé, qui le voient des yeux de la foi, en
comparaison des anciens prophètes et des rois qui ont désiré voir et entendre
le Dieu incarné : « Car, je vous
le déclare, beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous, vous
voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas
entendu. » — S. Bède : Saint Matthieu appelle plus clairement les prophètes et les justes (Mt 13); ils sont en effet de grands rois, parce que loin de consentir et de succomber aux mouvements des tentations, ils ont su toujours les gouverner et les réprimer. — S. Jean Chrysostome : (tiré des hom. sur Jean.) Il en est plusieurs qui concluent de ces paroles que les prophètes n’ont eu aucune connaissance du Christ; mais s’ils ont désiré voir ce que les Apôtres ont vu, ils ont donc su qu’il devait descendre parmi les hommes, et accomplir les mystères qui étaient la suite de son incarnation; car personne ne peut avoir le désir de ce qu’il ne conçoit pas dans son esprit; ils ont donc connu le Fils de Dieu. Aussi le Sauveur ne dit pas simplement : Ils ont voulu me voir et m’entendre, mais : « Ils ont voulu voir ce que vous voyez, et entendre ce que vous entendez. » Ils l’avaient vu, en effet, mais avant qu’il fût incarné, qu’il vécût avec les hommes, et qu’il leur parlât un langage si plein de majesté. — S. Bède : Les prophètes qui ne l’apercevaient que dans le lointain des temps, l’ont vu comme dans un miroir et sous des images obscures (cf. He 11, 13; 1 Co 13, 2); les Apôtres, au contraire, qui jouissaient de la présence visible du Sauveur, et apprenaient de lui tout ce qu’ils voulaient connaître, n’avaient nul besoin d’être enseignés par les anges ou par d’autres visions semblables. — Origène : (Chronique des Pères grecs) Mais pourquoi le Sauveur dit-il que beaucoup de prophètes ont désiré, et non pas tous ? Parce qu’il est dit d’Abraham qu’il a vu le jour du Christ et qu’il s’en est réjoui. Or, cette vision fut le partage d’un très petit nombre; les autres prophètes, comme les autres justes, ne furent pas assez grands en mérite pour obtenir de voir ce qu’a vu Abraham, et de connaître ce qu’ont connu les Apôtres; et c’est d’eux que Jésus dit : « Ils ont désiré voir et ils n’ont pas vu. » |
Lectio 8 [85849] Catena in Lc., cap. 10 l. 8 Beda. Dixerat supra dominus, quod nomina eorum scripta sunt in caelis
: unde, ut puto, occasionem tentandi dominum legisperitus assumpsit; unde
dicitur et ecce quidam legisperitus surrexit tentans illum. Cyrillus.
Erant enim quidam verbosi circumeuntes totam regionem Iudaeorum,
incusantes Christum et dicentes, quod praeceptum Moysi inutile diceret, ipse
autem quasdam novas doctrinas promeret. Volens ergo legisperitus seducere
Christum, ut aliquid contra Moysen loqueretur, adest tentans ipsum, magistrum
vocans, doceri non patiens. Et quia dominus solitus erat his qui veniebant ad
eum, loqui de vita aeterna, utitur legisperitus eius eloquiis. Et quia
tentabat astute, nihil aliud audit nisi quae per Moysen edita sunt; sequitur
enim at ille dixit ad eum : in lege quid scriptum est? Quomodo legis? Ambrosius.
Erat enim ex his qui sibi legisperiti videntur, qui verba legis tenent,
vim legis ignorant : et ex ipso legis capitulo docet esse legis ignaros,
probans quod in principio statim lex patrem et filium praedicaverit et
incarnationis dominicae annuntiaverit sacramentum : sequitur enim ille
respondens dixit : diliges dominum Deum tuum ex toto corde tuo et ex tota
anima tua et ex omnibus viribus tuis et ex tota mente tua. Basilius.
Quod dicitur tota mente tua, in cetera non recipit sectionem : nam
quantamcumque dilectionem in infimis expenderis, hoc tibi necessario a toto
deficiet. Sicut enim in vase aliquo pleno liquore, quantum emanat foras,
tantum necesse est plenitudini derogari; sic et in anima, inquantum
emanaverit ab ipsius dilectione ad illicita, intantum minui necessarium est
amorem ad Deum. Gregorius
Nyssenus. In tria autem quaedam animae vis discernitur. Haec enim est
augmentativa solum et nutritiva, quae etiam in plantis reperitur; alia est
quae sensualiter disponitur, quae salvatur in natura irrationalium animalium;
perfecta autem vis animae est rationalis, quae in natura humana conspicitur.
Dicendo ergo cor, substantiam corporalem significavit, scilicet nutritivam;
dicendo vero animam, mediocrem, idest sensitivam; dicendo vero mentem,
altiorem naturam, idest intellectivam et considerativam potentiam. Theophylactus.
Hic igitur intelligendum est, quod oportet nos omnem virtutem animae amori
divino subicere, et hoc viriliter, et non remisse; unde additur et ex omnibus
viribus tuis. Maximus.
Cum hac igitur intentione trinam ad Deum dilectionem lex pertractat, ut
avellat nos a trina mundi habitudine, qua respicitur ad possessiones, ad
gloriam, et ad voluptates; in quibus etiam tentatus est Christus. Basilius.
Si quis autem quaerit quo pacto divina dilectio poterit obtineri, dicemus,
quoniam indocibilis est divina dilectio : nam nec lucis gaudere praesentia,
nec vitam amplecti ab alio didicimus, vel amare parentes aut alumnos; et
multo magis divinae dilectionis doctrinam. Sed seminalis quaedam ratio nobis
insita est intrinsecus, habens causas ut homo Deo adhaereat; quam rationem
accipiens doctrina divinorum praeceptorum colere diligenter, cauteque fovere,
et ad perfectionem divinae gratiae perducere consuevit : naturaliter enim
bonum amamus, amamus etiam proprium et cognatum, necnon et benefactoribus
sponte affectionem totam profundimus. Si igitur bonus est Deus, omnia vero
bonum desiderant, quod voluntarie perficitur, naturaliter nobis inest; quem
etsi per bonitatem minime novissemus, ex hoc tamen quod ab ipso processimus,
tenemur ipsum ultra modum amare, tamquam scilicet nobis cognatum. Maior etiam
est et benefactor omnibus qui naturaliter diliguntur. Est igitur primum et
praecipuum mandatum divinae dilectionis; secundum autem primi completivum, et
ab eo completum, quo monemur diligere proximum : unde sequitur et proximum
tuum sicut teipsum. Sortimur autem a Deo potentiam ad huius executionem
mandati. Quis autem non novit quoniam mansuetum et communicativum animal est
homo, non autem solitarium et silvestre? Nihil enim tam proprium est nostrae
naturae, sicut ad invicem communicare, et mutuo indigere, et cognatum
diligere. Quorum ergo praeveniens dominus nobis tradidit semina, horum
consequenter fructus requirit. Chrysostomus.
Tu tamen attende qualiter fere cum eodem excessu postulat utrumque
praeceptum; de Deo enim ait toto corde tuo; de proximo sicut teipsum : quod
si diligenter observaretur, nec servus esset nec liber, nec victor nec
victus, nec dives nec pauper, nec notus unquam esset Diabolus : potius enim
paleae ignis sustinerent immissionem, quam fervorem caritatis Diabolus; adeo
cuncta superat dilectionis constantia. Gregorius
Moralium. Cum autem dicatur diliges proximum tuum sicut teipsum, quomodo
alteri miserando pius est qui adhuc iniuste vivendo sit impius sibimetipsi?
Chrysostomus.
Cum autem legisperitus respondisset quae continebantur in lege, Christus,
cui nota sunt omnia, scindit fallaciae eius retia; sequitur enim dixitque
illi : recte respondisti; hoc fac, et vives. Origenes.
Ex his indubitanter colligitur, quod vita quae praedicatur secundum mundi
creatorem Deum et antiquas Scripturas ab eo traditas, vita perpetua est;
attestatur enim dominus sumenti ex Deuteronomio quidem illud diliges dominum
Deum tuum; ex Levitico vero illud diliges proximum tuum sicut teipsum. Haec
autem dicta sunt contra sequaces Valentini, Basilidis et Marcionis. Quid enim
aliud voluit nos facere ad quaerendum vitam aeternam, nisi quae continent lex
et prophetae? |
Versets 25-28.
— S. Bède : Notre Seigneur avait dit précédemment à ses disciples que leurs noms étaient écrits dans les cieux, et c’est de là, je pense, qu’un docteur de la loi prit occasion pour le tenter : « Alors un docteur de la loi se leva pour le tenter, ». — S.
Cyrille : Il y avait parmi les Juifs de ces grands
parleurs, qui parcouraient toute la Judée, accusant Jésus-Christ, et lui
reprochant d’enseigner que la loi de Moïse était inutile, et de répandre
lui-même de nouvelles doctrines. Ce docteur de la loi, voulant surprendre le
Sauveur, et l’amener à parler contre Moïse, vient pour le tenter, et il
l’appelle « Maître », lui qui repoussait tout enseignement. Et
comme le Seigneur avait coutume de parler de la vie éternelle à ceux qui
venaient le trouver, ce docteur de la loi tient le même langage. Mais comme
il le tentait dans un dessein perfide, le Sauveur ne lui répond que ce qui
est écrit dans la loi de Moïse : « Jésus
lui dit : Qu’y a-t-il d’écrit dans la loi ? Qu’y lisez-vous ? (cf. Dt 6, 5; Lv 19, 18) » — S.
Ambroise : Cet homme était un de ceux qui
s’imaginent être docteurs de la loi, parce qu’ils possèdent les paroles de la
loi, mais qui n’en connaissent pas le sens profond, et Jésus leur apprend par
ce texte même de la loi qu’ils sont dans une complète ignorance de la loi, en
leur prouvant que dès le commencement, la loi enseignait l’existence du Père
et du Fils, et annonçait le mystère de l’incarnation du Seigneur : « Il répondit : Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces,
et de tout ton esprit. » — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Ces paroles : « de tout ton esprit, » ne souffrent aucun partage; car quelle que soit la partie de notre amour que vous détachiez pour la répandre sur les choses de la terre, elle l’empêche nécessairement d’être entier. De même que ce qui s’écoule d’un vase plein de liqueur en diminue nécessairement la quantité, de même, dans votre âme, tout ce qui se détache de votre amour, pour se répandre sur les choses défendues, diminue d’autant l’amour que vous devez avoir pour Dieu. — S. Grégoire de Nysse : (De la créat. de l’homme, chap. 8.) On distingue dans l’âme trois degrés [ou trois parties] différentes, l’une concerne l’accroissement et est simple-ment végétative, comme dans les plantes, l’autre est sujette aux sensations, comme dans les animaux dépourvus de raison; la troisième enfin qui est la plus parfaite est l’âme raisonnable qui fait le caractère propre de la nature humaine. Ces paroles : « de tout votre coeur » font allusion à la substance corporelle ou végétative; ces autres : « de toute votre âme » à celle qui tient le milieu et qui est purement sensible; ces autres enfin : « de tout votre esprit » expriment la nature la plus élevée, c’est-à-dire la partie intellectuelle qui pense et réfléchit. — Théophylacte : Notre Seigneur nous enseigne donc par ces paroles qu’il faut appliquer toutes les forces de notre esprit à l’amour de Dieu, et le faire avec ardeur ; et c’est pour cela qu’il ajoute « et de toutes vos forces. » — S. Maxime : (Chronique des Pères grecs) La loi, en insistant sur cette triple direction de tout notre être vers Dieu, veut nous détacher de la triple inclination du monde vers la cupidité, vers la gloire et la volupté, trois tentations auxquelles Jésus-Christ a été lui-même soumis. — S. Basile : Si on nous demande comment on peut obtenir l’amour de Dieu, nous répondrons que l’amour de Dieu ne peut s’apprendre. Nous n’avons appris d’autrui ni à nous réjouir de la présence de la lumière, ni à aimer la vie, nos parents, ou ceux qui nous ont nourris; à plus forte raison l’amour de Dieu ne peut être l’objet d’un enseignement [extérieur]. Mais il y a en nous un sens intime déposé comme une semence au dedans de nous, et qui, par des motifs qui lui sont propres, nous porte à nous attacher à Dieu. Les enseignements des divins préceptes s’emparent ensuite de ce sentiment, pour le cultiver, le développer et le conduire à la perfection. En effet, nous aimons naturellement tout ce qui est bon; nous aimons aussi nos parents, nos proches, et nous accordons spontanément toute notre affection à ceux qui nous font du bien. Si donc Dieu est bon, et si tous les êtres aiment naturellement ce qui est bon, nous pouvons donc dire que tous aiment Dieu. Le bien que nous faisons volontairement se trouve naturellement en nous, [à moins que nos pensées n’aient été corrompues par le vice]. Quand même nous ne connaîtrions pas Dieu par les effets de sa bonté, nous devrions l’aimer sans mesure par le sentiment qu’il nous a tirés du néant et qu’il est notre Créateur. D’ailleurs, qui nous a comblés de plus de bienfaits, parmi ceux qui ont un droit naturel à notre amour ? Le premier et le plus grand commandement, c’est celui de l’amour de Dieu. Le second, qui complète le premier, lequel est aussi son complément, c’est le commandement de l’amour du prochain : « Et votre prochain comme vous-mêmes. » C’est Dieu qui nous rend facile l’accomplissement de ce précepte. Qui ne sait que l’homme est un être doux et sociable, et qui n’est point né pour vivre dans la solitude au milieu des bois ? En effet, la première inclination de notre nature, c’est d’entrer en relations avec nos semblables, d’avoir recours les uns aux autres, et d’aimer ceux qui ont avec nous une même nature. Le Seigneur ne fait donc ici que nous demander les fruits des semences qu’il a déposées lui-même au dedans de nous. — S. Jean Chrysostome : (hom. 32, sur l’Epître 1re aux Cor.) Remarquez cependant que Dieu veut que ces deux préceptes soient accomplis dans la même étendue : « Vous aimerez Dieu de tout votre coeur,… et votre prochain comme vous-mêmes. » Si ce commandement était fidèlement observé, il n’y aurait plus ni esclave, ni homme libre, ni vainqueur ni vaincu, ni prince ni sujet, ni riche, ni pauvre, et le démon resterait à jamais inconnu; car la paille résisterait plus facilement à la violence du feu, que le démon aux saintes ardeurs de la charité, tant la force de l’amour est supérieure à toutes choses. — S. Grégoire : (Moral., 19, 14). Dieu nous dit : « Vous aimerez votre prochain comme vous-mêmes », mais comment celui qui est dur pour lui-même en persévérant dans l’injustice pourra-t-il être tendre et compatissant pour les autres ? — S. Cyrille (ou S. Jean Chrysostome) : Le docteur de la loi ayant répondu ce qui était contenu dans la loi, Jésus-Christ, pour qui rien n’est caché, déchire les filets artificieux dans lesquels il voulait l’envelopper : « Jésus lui dit : Vous avez bien répondu, faites cela et vous vivrez. » — Origène
: Une conclusion rigoureuse à tirer de ces paroles, c’est que la vie qui
nous est annoncée et promise par Dieu, le Créateur du monde, et par les
anciennes Écritures dont il est l’auteur, est la vie éternelle. Notre
Seigneur lui-même l’atteste, en citant ce texte du Deutéronome : « Vous aimerez le Seigneur votre
Dieu » (Dt 6), et cet autre du Lévitique : « Vous aimerez votre prochain comme vous-mêmes. » (Lv
19.) Or, par ces paroles, le Sauveur réfute l’hérésie des partisans de
Valentin, de Basilide, de Marcion. En
effet, que veut-il que nous fassions pour obtenir la vie éternelle, sinon ce
que contiennent la loi et les prophètes ? |
Lectio 9 [85850] Catena in Lc., cap. 10 l. 9 Cyrillus.
Laudatus legisperitus a salvatore quod recte respondit, in superbiam prorumpit,
nullum sibi proximum putans esse, quasi nullus esset ei in iustitia
comparandus; unde dicitur ille autem volens iustificare seipsum, dixit ad
Iesum : et quis est meus proximus? Circumveniunt enim eum quodammodo
alternatim vitia, a fallacia qua tentando quaesiverat, ad arrogantiam lapsum.
In hoc autem quod quaerit quis est meus proximus? Vacuus a dilectione proximi
ostenditur, cum non aestimet aliquem sibi proximum esse : et per consequens a
dilectione divina, quoniam cum fratrem non diligat quem videt, non potest
Deum diligere quem non videt. Ambrosius.
Respondit etiam quod nesciret proximum suum, quia non credebat in
Christum; et qui Christum nescit, nescit legem. Cum enim veritatem ignoret,
quomodo potest scire legem, quae annuntiat veritatem? Theophylactus.
Salvator autem non actibus aut dignitatibus, sed natura determinat
proximum : quasi dicat : non putes quod quamvis iustus sis, nullus tibi sit
proximus : omnes namque qui eamdem naturam communicant, proximi tui sunt.
Fias igitur et tu eorum proximus, non loco, sed affectu, et circa eos cura;
et ad hoc Samaritanum in exemplum ducit; unde sequitur suscipiens autem Iesus
dixit : homo quidam descendebat ab Ierusalem in Iericho. Graecus.
Bene est generis appellatio; non enim ait : descendit quidam, sed homo
quidam : nam sermo fit de tota humanitate. Augustinus
de quaest. Evang. Homo enim iste ipse Adam intelligitur in genere humano;
Ierusalem civitas pacis, illa caelestis, a cuius beatitudine lapsus est;
Iericho interpretatur luna, et significat mortalitatem nostram, propter hoc
quod nascitur, crescit, senescit et occidit. Augustinus
Hypognosticon. Vel Ierusalem, quae interpretatur visio pacis, Paradisum
dicimus. Ante enim quam peccaret homo, in visione pacis erat, hoc est in
Paradiso, ubi quidquid videbat, pax erat, et laetitia. Inde descendit quasi
humiliatus, et miser factus per peccatum, in Iericho, idest in mundum, in quo
omnia orta occidunt, sicut luna. Theophylactus.
Non autem dicit : descendit, sed descendebat : semper enim humana natura
ad inferiora tendebat; et non in parte, sed in toto vitae attendebat
passibili. Basilius.
Convenit etiam hoc, si quis loca perspexerit : Iericho enim tenet loca
convallia Palaestinae; Ierusalem vero in cacumine sita est, occupans apicem montis.
Venit igitur homo ab altis ad infima, ut a latronibus caperetur, qui
incolebant desertum; unde sequitur et incidit in latrones. Chrysostomus.
Primus istius hominis miserandus est casus, qui inermis ac destitutus in
latrones inciderit; quique improvidus incautusque eam viam elegerit qua
evadere praedonum manus nequiverit; non enim posset inermis armatos,
improvidus pessimos, incautus nocivos effugere : quippe cum malitia semper
armata sit dolis, crudelitate septa, munita fallacia, et ad nocendi saevitiam
praeparata. Ambrosius.
Qui sunt autem isti latrones, nisi Angeli noctis atque tenebrarum, in quos
non incidisset nisi eis mandati caelestis devius se fecisset obnoxium? Chrysostomus.
In exordio igitur mundi nocendi fallaciam Diabolus est operatus in
hominem, in quem fallendi virus exercuit, et malitiae nocentiam dedicavit.
Augustinus.
Incidit ergo in latrones, idest in Diabolum et Angelos eius : qui per
inobedientiam primi hominis humanum genus despoliaverunt, morum scilicet
ornamentis, et vulneraverunt, dono scilicet possibilitatis liberi arbitrii
perdito; unde sequitur qui etiam despoliaverunt eum, et plagis impositis
abierunt. In illo enim peccante plagam fecit, in
nobis vero plagas, cum per unum peccatum quod contrahimus, superaddimus multa
peccata. Augustinus
de quaest. Evang. Vel spoliaverunt hominem immortalitate, et plagis
impositis, peccata suadendo, reliquerunt semivivum : quia ex parte qua potest
intelligere et cognoscere Deum, vivus est homo : ex parte autem qua peccatis
contabescit et premitur, mortuus est et hoc est quod subditur semivivo
relicto. Augustinus
Hypognosticon. Semivivus enim habet vitalem motum, idest liberum
arbitrium, vulneratum; quod ad aeternam vitam, quam perdiderat, redire non
sufficiebat : et ideo iacebat, quia vires ei propriae ad surgendum non
sufficiebant, ut ad se sanandum medicum, idest Deum, requireret. Theophylactus.
Aut semivivus dicitur homo post peccatum; quia anima immortalis est,
corpus vero mortale, ita ut medietas hominis morti succumbat : aut quia
humana natura in Christo sperabat consequi salutem, ita ut non omnino morti
succumberet; sed inquantum Adam peccaverit, mors in mundum intravit; in
Christi vero iustificatione mors erat destruenda. Ambrosius.
Vel spoliant quae accepimus indumenta gratiae spiritualis, et sic vulnera
inferre consueverunt : nam si intemerata quae sumpsimus indumenta servemus,
plagas latronum sentire non possumus. Basilius.
Vel potest intelligi quod expoliaverunt eum, plagis prius impositis :
praecedunt enim vulnera nuditatem, ut intelligas quod peccatum gratiae
praecedat carentiam. Beda.
Dicuntur autem plagae peccata, quia his naturae humanae integritas
violatur. Abierunt autem non ab insidiis cessando, sed insidiarum fraudes
occultando. Chrysostomus.
Hic itaque homo, idest Adam, iacebat destitutus salutis auxilio, confossus
vulneribus delictorum; cui nec sacerdos Aaron transiens sacrificio potuit
profuisse; sequitur enim accidit autem ut sacerdos quidam descenderet eadem
via; et viso eo praeterivit; nec etiam eius frater Moyses Levita, per legem
potuit subvenire; unde sequitur similiter et Levita, cum esset secus locum,
et videret eum, pertransiit. Augustinus
Hypognosticon. Vel in sacerdote et Levita duo tempora intelliguntur, legis
scilicet, et prophetarum : in sacerdote lex, per quam sacerdotium et
sacrificia instituta sunt; in Levita vaticinium prophetarum : quorum
temporibus humanum genus sanari non potuit, quia per legem cognitio peccati,
non abolitio. Theophylactus.
Dicit autem praeterivit, quia lex venit, et stetit usque ad tempus
praefixum; deinde non valens curare, abiit. Vide etiam quod lex non ad hoc
data est praecogitative ut hominem curaret : non enim poterat homo a
principio suscipere Christi mysterium; et ideo dicit accidit ut sacerdos
quidam descenderet : quod consuevimus dicere in his quae non praemeditative
fiunt. Augustinus
de Verb. Dom. Vel quia homo descendens a Ierusalem in Iericho Israelita
fuisse intelligitur : quod intelligi potest, quia transiens sacerdos utique
genere proximus praeteriit iacentem; transiit Levita, et hic genere proximus
iacentem et ipse contempsit. Theophylactus.
Miserti, inquam, illius fuere cum cogitaverunt : postmodum vero tenacitate
devicti abierunt retrorsum : hoc enim designat quod dicit praeteriit. Augustinus.
Transiit Samaritanus genere longinquus, misericordia proximus; fecit quod
sequitur : Samaritanus autem quidam iter faciens, venit secus eum : in quo
Samaritano se voluit intelligi dominus noster Iesus Christus : Samaritanus
enim custos interpretatur et de ipso dicitur : non dormitabit neque dormiet
qui custodit Israel, quia resurgens a mortuis, iam non moritur. Denique cum
dictum esset illi : quia Samaritanus es, et Daemonium habes, negavit se
habere Daemonium, quia se noverat Daemonum expulsorem, non se negavit infirmi
custodem. Graecus.
Vocat autem hic Christus se Samaritanum opportune : cum enim alloqueretur
legisperitum superbientem in lege, voluit exprimere quoniam nec sacerdos, nec
Levita, et qui conversabantur in lege, legis propositum implebant; sed ipse
venit consummaturus legis propositum. Ambrosius.
Hic autem Samaritanus etiam erat descendens; quis enim est qui descendit
de caelo, nisi qui ascendit in caelum, filius hominis qui est in caelo? Theophylactus.
Dicit autem iter faciens, quasi ex proposito hoc statuens, ut nos curaret.
Augustinus
Hypognosticon. Venit autem in similitudine carnis peccati; ideo secus eum
quasi in similitudine. Graecus.
Vel secus viam venit; fuit enim vere viator, non deviator, gratia nostri
descendens ad terram. Ambrosius.
Veniens autem factus est compassionis nostrae susceptione finitimus, et
misericordiae collatione vicinus; unde sequitur et videns eum, misericordia
motus est. Augustinus.
Videns quidem eum iacentem, non valentem, non currentem; et ideo
misericordia motus est, quia in eo nullum meritum invenit, quo curari dignus
esset; sed ipse de peccato damnavit peccatum in carne; unde sequitur et
appropians alligavit vulnera eius, infundens oleum et vinum. Augustinus
de Verb. Dom. Quid enim tam longinquum, quid tam remotum quam Deus ab
hominibus, immortalis a mortalibus, iustus a peccatoribus, non loco longe,
sed dissimilitudine? Cum ergo haberet in se duo bona, scilicet iustitiam et
immortalitatem, et nos duo mala, scilicet iniquitatem et mortalitatem; si
utrumque malum nostrum suscepisset, par noster fuisset, et liberatore
nobiscum opus haberet. Ut ergo esset non hoc quod nos, sed prope nos, non est
ille peccator ut tu; sed factus est mortalis quod tu; suscipiendo poenam, et
non suscipiendo culpam, et culpam delevit et poenam. Augustinus de quaest. Evang. Alligatio vulnerum est cohibitio
peccatorum, oleum consolatio spei bonae per indulgentiam datam ad
reconciliationem pacis; vinum exhortatio ad operandum ferventissime in
spiritu. Ambrosius. Vel constringit vulnera nostra austeriore praecepto, et
sicut oleo fovet remissione peccati, sic vino compungit denuntiatione iudicii.
Gregorius Moralium. Vel in vino morsum districtionis adhibet, in
oleo mollitiem pietatis; per vinum ungantur putrida, per oleum sananda
foveantur. Miscenda est ergo lenitas cum severitate, et
faciendum est quoddam ex utroque temperamentum, ut neque multa asperitate
exulcerentur subdit, neque nimia benignitate solvantur. Theophylactus.
Vel aliter. Quae secundum hominem est conversio, oleum est; quae vero
secundum Deum, vinum est; quod divinitatem significat, quam nemo potuisset
sustinere, nisi oleum haberetur, idest conversatio humana : unde quaedam operatus
est humane, quaedam divinitus. Infudit ergo oleum et vinum, quia nos
humanitate et divinitate salvavit. Chrysostomus.
Vel vinum infundit, idest sanguinem passionis, et oleum chrismatis, ut
indulgentia daretur per sanguinem, sanctificatio conferretur per chrismatis
unctionem. A caelesti medico conscissa loca ligantur, et intra semetipsa
retinentia medicinam, operante medicamine, pristinae sanitati redduntur.
Infuso ergo vino et oleo, imposuit eum super iumentum; unde sequitur et
imponens illum in iumentum suum, duxit in stabulum, et curam eius egit. Augustinus.
Iumentum eius est caro, qua ad nos venire dignatus est; imponi iumento est
in ipsam incarnationem Christi credere. Ambrosius.
Vel iumento imponit dum peccata nostra portat et pro nobis dolet : homo
enim iumento similis factus est : et ideo supra iumentum suum nos imposuit,
ne nos essemus sicuti equus et mulus : ut per nostri corporis assumptionem
infirmitatem nostrae carnis aboleret. Theophylactus.
Vel imposuit in suum iumentum, idest in corpus suum : membra namque sua
nos fecit, et participes corporis eius. Et lex quidem non omnes suscipiebat :
Moabitae et Ammonitae non intrabunt in Ecclesiam Dei; nunc vero in omni gente
qui timet dominum, ab eo suscipitur volens credere et pars Ecclesiae fieri;
propter hoc dicit, quod duxit eum in stabulum. Chrysostomus.
Est enim stabulum Ecclesia, quae in itinere mundi lassatos et sarcinis
delictorum defessos suscipit venientes; ubi deposito onere peccatorum, viator
lassus reficitur, et refectus salubri pascuo reparatur; et hoc est quod
dicitur et curam illius egit. Totum enim quicquid contrarium, nocens et malum
est, foris est, quia intra stabulum requies omnis salubritasque inclusa est.
Beda.
Et bene iumento impositum duxit in stabulum, quia nemo, nisi per Baptismum
corpori Christi adunatus, Ecclesiam intrabit. Ambrosius.
Sed quia non vacabat Samaritano huic diu in terris degere, redeundum erat
unde descenderat : unde sequitur et altera die protulit duos denarios, et
dedit stabulario, et ait : curam illius habe. Quis est iste alter dies, nisi
forte ille dominicae resurrectionis, de quo dictum est : haec est dies quam
fecit dominus? Duo autem denarii sunt duo testamenta, quae imaginem in se
habent aeterni regis expressam, quorum pretio vulnera nostra curantur. Augustinus
de quaest. Evang. Vel duo denarii sunt duo praecepta caritatis, quam per
spiritum sanctum acceperunt apostoli ad evangelizandum ceteris; vel promissio
vitae praesentis et futurae. Origenes.
Vel duo denarii videntur mihi esse scientia sacramenti, quomodo pater in
filio et filius in patre sit, qua velut mercede donatur Ecclesiae Angelus, ut
diligentius curet hominem sibi commendatum, quem pro angustia temporis etiam
ipse curaverat. Et promittitur ei quicquid de suo in medelam semiviventis
expenderet, illico esse reddendum; unde sequitur et quodcumque
supererogaveris, ego, cum rediero, reddam tibi. Augustinus.
Stabularius fuit apostolus, qui supererogavit aut illud consilium quod ait
: de virginibus autem praeceptum domini non habeo, consilium autem do, aut
quod etiam manibus suis operatus est, ne infirmorum aliquem in novitate
Evangelii gravaret, cum ei liceret ex Evangelio pasci. Multum etiam
supererogaverunt apostoli; sed et pro tempore doctores, qui vetus et novum
testamentum exposuere, supererogaverunt, pro quibus retributionem accipient.
Ambrosius.
Beatus ergo ille stabularius qui alterius vulnera curare potest; beatus
ille cui dicit Iesus quodcumque supererogaveris, revertens reddam tibi. Sed
quando reverteris, domine, nisi iudicii die? Nam licet ubique sis semper et
stans in medio nostrum, non cerneris a nobis; erit tamen tempus quo universa
caro te respiciet revertentem. Reddes ergo quod debes beatis quibus es debitor.
Utinam nos simus idonei debitores, ut quod accepimus possimus exsolvere. Cyrillus.
His ergo praemissis, opportune iam dominus legisperitum interrogat,
subdens quis horum trium tibi videtur proximus fuisse illi qui incidit in latrones?
At ille dixit : qui fecit misericordiam in illum. Neque enim sacerdos, neque
Levita factus fuit proximus patientis, sed ille qui est eius misertus :
inutilis est enim sacerdotii dignitas et legis scientia, nisi per bona opera
confirmetur; unde sequitur et ait illi Iesus : vade, et tu fac similiter.
Chrysostomus.
Quasi dicat : si quem vides oppressum, non dicas : utique nequam est; sed
sive gentilis sit, sive Iudaeus, et ope indigeat, non cavilleris auxiliari,
quaecumque mala fuerit passus. Augustinus
de Doctr. Christ. Ex hoc intelligimus eum esse proximum cui vel exhibendum
est officium misericordiae, si indiget, vel exhibendum esset, si indigeret.
Ex quo iam consequens est ut etiam ille a quo nobis vicissim exhibendum est,
proximus noster sit : proximi enim nomen ad aliquid est; nec quisquam esse
proximus nisi proximo potest. Nullum autem exceptum esse cui misericordiae
denegetur officium, quis non videat? Dicente domino : benefacite his qui vos
oderunt. Unde manifestum est, hoc praecepto quo iubemur diligere proximum,
etiam sanctos Angelos contineri, a quibus tanta nobis misericordiae
impenduntur officia, ex quo et ipse dominus proximum nostrum se dici voluit,
significans se opitulatum esse semivivo iacenti in via. Ambrosius.
Non enim cognatio facit proximum, sed misericordia, quia misericordia est
secundum naturam : nihil enim tam secundum naturam, quam iuvare consortem
naturae. |
Versets 29-37.
— S. Cyrille : L’éloge que le Sauveur vient de faire de la réponse du docteur de la loi lui inspire de l’orgueil, il ne croit point qu’il y ait pour lui de prochain, c’est-à-dire qu’il s’imagine que personne ne peut lui être comparé sous le rapport de la justice : « Mais cet homme, voulant faire paraître qu’il était juste, dit à Jésus : ‘Et qui est mon prochain ?’ » Il devient tour à tour la proie, pour ainsi dire, de tous les vices qui le font tomber de la ruse artificieuse avec laquelle il cherchait à tenter Jésus, dans une orgueilleuse arrogance. Cette question qu’il adresse à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » prouve qu’il n’avait aucun amour pour le prochain, puisqu’il ne croyait pas qu’il pût avoir un prochain. Il n’avait par conséquent aucun amour pour Dieu, car puisqu’il n’aimait pas son frère qu’il voyait, il ne pouvait pas aimer Dieu qu’il ne voyait pas (1 Jn 4, 20.) — S. Ambroise : Il répond encore qu’il ne sait qui est son prochain, parce qu’il ne croyait pas en Jésus-Christ, et que celui qui ne connaît pas Jésus-Christ ne peut connaître la loi, car si vous n’avez aucune connaissance de la vérité, comment pouvez-vous connaître la loi qui annonce [et enseigne] la vérité ? —
Théophylacte : Ce n’est ni par les actions, ni par
les dignités que le Sauveur détermine l’idée juste qu’on doit se faire du
prochain, mais par la nature. Ne croyez pas, semble-t-il dire, que personne
ne soit votre prochain, parce que vous êtes juste, car tous ceux qui ont avec
vous une même nature sont votre prochain; devenez donc aussi leur prochain,
non pas proche par le lieu, mais proche par l’affection et les soins que leur
état réclame. C’est pour confirmer cette vérité qu’il cite l’exemple du
Samaritain : « Jésus reprit : Un
homme descendait de Jérusalem à Jéricho, ». — Chronique des Pères grecs : (ou Sévère d’Antioche.) Le Sauveur se sert avec dessein du terme générique, il ne dit pas : Quelqu’un descendait, mais « Un homme descendait, » car son discours embrasse l’humanité toute entière. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 19.) Cet homme représente Adam et tout le genre humain; Jérusalem, la cité de paix, représente la Jérusalem céleste, dont l’homme a perdu la félicité [par son péché]; Jéricho qui signifie lune est la figure de notre mortalité, qu’on voit successivement naître, croître, vieillir et disparaître. — S. Augustin : (Cont. les Pélag.) Ou bien encore, Jérusalem, qui veut dire vision de la paix, représente le paradis, car avant son péché, l’homme jouissait de la vision de la paix, c’est-à-dire [des délices] du paradis, où tout ce qu’il voyait était pour lui une source de paix et de joie. Lorsque le péché l’eut plongé dans l’humiliation et la misère, il descendit [de Jérusalem] à Jéricho, c’est-à-dire dans le monde, où tout ce qui naît disparaît bientôt comme la lune. — Théophylacte : Le Sauveur ne dit pas : Il descendit, mais : « Il descendait, » car la nature humaine tend toujours à descendre, non seulement par une partie d’elle même, mais par toutes ses facultés sensibles. — S.
Basile : (Chronique
des Pères grecs) On comprendra parfaitement cette
expression du Sauveur, si l’on veut faire attention à la situation des lieux
dont il parle; Jéricho en effet est située dans les vallées de la Palestine;
Jérusalem au contraire est située sur une hauteur, au sommet d’une montagne.
Cet homme descendit donc des hauteurs dans les vallées, où il fut saisi par les
voleurs qui habitaient le désert : « Et
il tomba entre les mains des voleurs. » — S. Jean Chrysostome : Déplorons d’abord le malheur de cet homme qui tombe entre les mains des voleurs, sans armes et sans défense, et qui, dans son imprévoyante témérité, choisit ce chemin où il ne pouvait échapper aux brigands qui l’infestaient; car comment, sans armes, sans prévoyance, sans précaution, aurait-il pu se défendre contre ces voleurs qui fondent sur lui à main armée, et avec les intentions les plus meurtrières ? En effet, la méchanceté marche toujours, ayant pour armes les ruses, pour remparts la cruauté et les artifices, et prête à se livrer aux plus violents excès. — S. Ambroise : Or, quels sont ces voleurs, si ce n’est les anges de la nuit et des ténèbres ? Il ne serait certainement pas tombé entre leurs mains, s’il ne se fût exposé à les rencontrer, en quittant la voie des commandements de Dieu. — S. Jean Chrysostome : (hom. précéd. cit.) C’est donc à l’origine du monde, que le démon a déployé toute son artificieuse méchanceté contre l’homme, en versant sur lui son venin mortel, et en inaugurant dans sa personne sa malice meurtrière. — S. Augustin : (contre les Pélag.) Cet homme est donc tombé entre les mains des voleurs, c’est-à-dire au pouvoir du démon et de ses anges qui, par la désobéissance du premier homme, l’ont dépouillé de sa nature d’homme, des vêtements de l’innocence, et l’ont couvert de blessures, en affaiblissant en lui la force du libre arbitre : « Ils le dépouillèrent, et le laissèrent couvert de blessures. » Le démon a fait une blessure au premier homme lors de son péché, mais il nous couvre de blessures, lorsqu’à ce premier péché, dont nous avons contracté la souillure, nous en ajoutons volontairement un grand nombre d’autres. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 19.) Ou bien encore, ils ont dépouillé l’homme de l’immortalité, et l’ayant couvert de plaies en le portant au péché, ils le laissèrent à demi-mort. En effet, l’homme est vivant en tant qu’il peut concevoir et connaître Dieu, mais il est mort dans la partie de lui-même qui succombe aux atteintes mortelles du péché, c’est ce que le Sauveur indique par ces paroles : « et ils le laissèrent à demi-mort » — S. Augustin : (contre Pélage) Dans cet homme demi-mort, l’action vitale (c'est-à-dire le libre arbitre) est blessée, et n’est plus capable de le conduire à la vie éternelle qu’il avait perdue : il est donc là étendu, incapable de se relever par ses propres forces, aussi appelait-il le médecin, c’est-à-dire Dieu, pour le guérir. —
Théophylacte : Ou bien encore, l’homme est à
demi-mort après son péché, parce que son âme est immortelle, et son corps
mortel, de manière que la moitié de lui-même est assujettie à la mort. Ou
bien encore, l’homme est à demi-mort, parce que la nature humaine espérait
arriver au salut par Jésus-Christ, et ne pas devenir entièrement la proie de
la mort; mais par suite du péché d’Adam, la mort est entrée dans le monde, et
elle ne pouvait être détruite que par la rédemption de Jésus-Christ. (Rm 5, 12.) — S. Ambroise : Ou bien encore, les démons commencent par nous dépouiller des vêtements de la grâce spirituelle, avant de nous couvrir de blessures; car si nous savions conserver ces vêtements dans toute leur beauté, nous serions inaccessibles aux coups des voleurs. — S. Basile : On peut encore entendre qu’ils ne le dépouillèrent qu’après l’avoir couvert de blessures : car les blessures surviennent avant la mise à nu ; pour nous faire comprendre que c’est après le péché commis, que la grâce nous est enlevée. — S. Bède : Les péchés sont appelés des blessures, parce qu’ils détruisent l’état d’intégrité de la nature humaine. Il est dit qu’ils s’en allèrent, non pour cesser leurs embûches criminelles, mais pour dissimuler leurs ruses artificieuses, — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Cet homme, c’est-à-dire Adam, était donc là étendu, privé de tout secours, profondément atteint par les blessures que ses péchés lui avaient faites, et le prêtre Aaron passe sans pouvoir le secourir par un sacrifice : « Or, il arriva qu’un prêtre descendait par le même chemin, il vit cet homme, et passa outre, ». Son frère Moïse, de la tribu de Lévi, voit la loi [qu’il a donnée,] frappée de la même impuissance : « De même, un lévite, se trouvant près de là, le vit et passa outre. » — S.
Augustin : (contre
Pélage.) On peut aussi considérer ce prêtre et ce
lévite comme représentant les deux temps de la loi et des prophètes : le
prêtre est la figure de la loi qui a institué le sacerdoce et les sacrifices;
le lévite représente les oracles des prophètes. Or, le genre humain ne put
être guéri à aucune de ces deux époques, parce que la loi donne bien la
connaissance du péché, mais ne le détruit pas. (Rm 3, 20; 8, 3.) — Théophylacte : Remarquez ces paroles : « Il passa, » parce qu’en effet la loi vint et dura jusqu’au temps que Dieu avait marqué; et comme elle ne pouvait guérir, elle passa. Remarquez encore que la loi n’a pas été donnée dans ce dessein, que l’homme y trouvât sa guérison; car il ne pouvait alors recevoir le mystère de Jésus-Christ. Aussi voyez comme l’Évangéliste s’exprime : « Or, il arriva qu’un prêtre descendait, » ce que nous disons généralement des choses qui arrivent sans avoir été prévues. — S. Augustin : (serm. 37 sur les par. du Seig.) Le Sauveur donne à entendre que cet homme, qui descendait de Jérusalem à Jéricho, était israélite, par là même que le prêtre qui passa, n’en eut aucune compassion, bien qu’il fût du même peuple, et que le lévite qui était aussi de la même race, passât également sans daigner le secourir. — Théophylacte : Peut-être leur première pensée fut-elle une pensée de compassion, mais la dureté naturelle reprit bientôt le dessus, ce qui nous est exprimé par cette parole : « Il passa. » — S. Augustin : (comme précéd.) Le samaritain vint aussi à passer, il était étranger [pour cet homme] par sa race, mais il était son prochain par la compassion, et il fit ce qui suit : « Mais un samaritain, qui était en voyage, vint près de lui ». Notre Seigneur Jésus-Christ a voulu être représenté dans ce samaritain. En effet, le mot Samaritain signifie gardien. Or, c’est de lui qu’il est dit : « Celui qui garde Israël, ne sommeillera ni ne dormira point » (Ps 120), parce qu’une fois ressuscité des morts, il ne meurt plus. (Rm 6.) D’ailleurs, lorsque les Juifs lui dirent : « Vous êtes un samaritain, et vous êtes possédé du démon, » il nia qu’il fût possédé du démon, lui qui savait qu’il était venu pour chasser le démon, mais il ne nia point qu’il fût le gardien des infirmes. — Sévère d’Antioche : Notre Seigneur s’appelle ici samaritain on ne peut plus à propos, en répondant à ce docteur, fier de la connaissance de la loi; il veut lui faire comprendre que ni le prêtre, ni le lévite, ni ceux qui vivaient sous la loi, ne pratiquaient les commandements de la loi, mais qu’il était venu lui-même pour en accomplir les prescriptions. — S. Ambroise : Ce samaritain descendait; car quel est celui qui est descendu du ciel, si ce n’est celui qui est monté au ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel ? (Jn 3.) — Théophylacte : Il était en voyage, ajoute le Sauveur, c’est-à-dire qu’il venait avec le dessein formel de nous guérir. — S. Augustin : (contre Pélage.) Il est venu revêtu de la ressemblance de la chair de péché (Rm 8), et c’est pour cela qu’il est dit « qu’il vint près de lui, » en se rendant comme semblable à lui. — Sévère d’Antioche : Ou bien encore, il vint près du même chemin, car il a véritablement suivi la voie droite, sans s’en écarter jamais, en descendant sur la terre. pour notre salut. — S. Ambroise : Or, en venant sur la terre, il s’est fait notre prochain par la sincère compassion qu’il nous porte, et notre voisin par la miséricorde dont il nous comble : « Et le voyant, il fut touché de compassion, ». — S. Augustin : (comme précéd.) Il le voit étendu sans force, sans mouvement, et il est touché de compassion, parce qu’il ne trouve en lui aucun mérite qui le rende digne de guérison; mais « à cause du péché, il a condamné le péché dans la chair » (Rm 8) : « Et s’approchant, il banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, ». — S. Augustin : (serm. 37 sur les par. du Seig.) Quelle distance plus grande peut-on imaginer, que celle qui sépare Dieu de l’homme, l’immortel de ceux qui sont soumis à la mort, le juste des pécheurs ? distance produite non par l’éloignement extérieur, mais par la différence de nature. Il possédait deux biens, la justice et l’immortalité, et nous avions, au contraire, deux maux, l’injustice et la mortalité. Or, s’il eût pris les deux maux qui étaient notre partage, il fût devenu semblable à nous, et il aurait eu besoin comme nous d’un libérateur. Et comme il ne voulait pas se rendre entièrement notre égal, mais s’approcher seulement de nous, il ne s’est point fait pécheur à votre exemple, mais il s’est fait mortel comme vous; il a pris sur lui le châtiment sans prendre la faute, et il a ainsi détruit la faute et le châtiment. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 19.) Le samaritain, en bandant les plaies de cet homme, figure la répression des péchés; l’huile représente la douce consolation de l’espérance donnée par la miséricorde divine, qui nous obtient le bienfait de la réconciliation; le vin, l’exhortation à une vie fervente dans l’Esprit saint. — S. Ambroise : Ou bien encore, il bande nos plaies, en nous imposant une loi plus sévère; par l’huile, il fomente nos plaies, en nous remettant nos péchés; et par le vin, il nous pénètre de la crainte de ses jugements. — S. Grégoire : (Moral., 20, 8.) Ou encore, le vin figure les atteintes secrètes de la justice, et l’huile, la douceur de la miséricorde; le vin baigne les plaies corrompues, et l’huile adoucit celles qui peuvent être guéries. Il faut donc faire un mélange de la douceur avec la sévérité, et tempérer l’une par l’autre, pour ne pas donner lieu à l’irritation par une trop grande dureté, ou au relâchement par une trop grande condescendance. — Théophylacte : Ou bien dans un autre sens, l’huile figure la vie humaine du Sauveur, et le vin, qui est l’emblème de la divinité, figure sa vie divine, dont personne ne pourrait soutenir l’éclat, si elle n’était unie à l’huile, c’est-à-dire à la vie humaine; aussi le voyons-nous agir tantôt d’une manière humaine, tantôt d’une manière toute divine. Il verse donc de l’huile et du vin, parce que c’est tout à la fois par son humanité et par sa divinité qu’il nous a sauvés. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Ou bien encore, il a versé le vin, c’est-à-dire le sang de sa passion, et l’huile, c’est-à-dire l’onction sainte, dans le dessein que le pardon de nos fautes nous fût donné par son sang, et la sanctification de notre âme par l’onction de l’huile sainte. Ce céleste médecin bande nos plaies ouvertes, afin qu’elles puissent retenir le remède qu’il leur applique, et dont l’heureuse efficacité doit les faire revenir à leur ancienne bonne santé. Après avoir versé sur ses plaies de l’huile et du vin, il mit cet homme sur son cheval : « Et le mettant sur sa monture, le conduisit dans une hôtellerie et prit soin de lui. » — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 19.) Cette monture représente la chair dont le Fils de Dieu a daigné se revêtir pour venir jusqu’à nous. On est placé sur cette monture quand on croit en son incarnation. — S. Ambroise : Ou bien, il nous place sur sa monture, en portant lui-même nos péchés et en souffrant pour nous (Is 53). L’homme, en effet, est devenu semblable aux animaux (Ps 48), il nous a donc placés sur sa monture, afin que nous ne soyons pas semblables au cheval et au mulet (Ps 31), et pour détruire l’infirmité de notre chair en se revêtant lui-même de notre corps. — Théophylacte : Ou bien encore, il nous a placés sur sa monture, c’est-à-dire sur son propre corps; car son incarnation nous a rendus ses membres, et nous fait entrer en participation de son corps. La loi n’admettait pas tous les hommes [à faire partie du peuple de Dieu] : « Les Moabites et les Ammonites, est-il écrit, n’entreront point dans l’Église de Dieu » (Dt 23); mais maintenant, dans toute nation, tout homme qui craint Dieu, qui veut embrasser la foi et faire partie de l’Église, est admis dans son sein. C’est pourquoi le Sauveur ajoute que le samaritain conduisit cet homme dans une hôtellerie. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Cette hôtellerie, c’est l’Église qui reçoit tous ceux qui viennent fatigués des voies du monde, et accablés sous le poids de leurs péchés; c’est là qu’après avoir déposé le fardeau de ses fautes, le voyageur harassé se repose et reprend de nouvelles forces au festin salutaire qui lui est préparé. C’est ce qu’expriment ces paroles : « Et il prit soin de lui » ; car tout ce qui pouvait lui être contraire, nuisible ou mauvais, se trouve en dehors, tandis que cette hôtellerie offre un repos assuré et une sécurité complète. — S. Bède : Remarquez que le Samaritain met cet homme sur sa monture avant de le conduire à l’hôtellerie, parce que personne ne peut entrer dans l’Église, s’il n’est uni tout d’abord au corps de Jésus-Christ par le baptême (1 Co 12, 12.13). — S. Ambroise : Mais le bon Samaritain ne pouvait rester longtemps sur la terre, et il lui fallait retourner au ciel d’où il était descendu : « Le jour suivant, il tira deux deniers, et les donna à l’hôte, et il lui dit : ‘Prends soin de lui’». Quel est cet autre jour, si ce n’est le jour de la résurrection du Seigneur, dont il est dit : « Voici le jour que le Seigneur a fait ? » (Ps 117.) Les deux derniers sont les deux Testaments qui portent tous deux gravée l’image du roi éternel, et par le mérite desquels nos blessures sont guéries. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 19.) Ou bien, ces deux deniers sont les deux préceptes de la charité que les Apôtres ont reçus de l’Esprit saint pour annoncer aux autres l’Evangile; ou encore, la promesse de la vie présente et celle de la vie future. — Origène
: (hom. 34 sur Luc.) Ou bien encore, ces deux deniers représentent la
connaissance de ce mystère par lequel le Père est dans le Fils, et le Fils
dans le Père, connaissance qui est donnée comme récompense à l’ange de
l’Église, pour qu’il prodigue tous ses soins à l’homme qui lui est confié, et
dont le Sauveur a pris soin lui-même pendant la courte durée de sa vie
mortelle. Il promet à l’hôtelier de lui rendre aussitôt tout ce qu’il aurait
dépensé de plus pour la guérison de ce pauvre blessé : « Et tout ce que vous dépenserez de plus, je vous le rendrai à
mon retour. » — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 19.) Cet hôtelier représente l’Apôtre qui a donné en plus, en ajoutant ce conseil : « Quant aux vierges, je n’ai pas reçu de commandement du Seigneur, mais voici le conseil que je donne » (1 Co 7, 25); ou bien encore en travaillant de ses mains, pour n’être à charge à personne, au commencement de la prédication de l’Évangile (1 Th 2, 9), quoique cependant il lui fût permis de vivre de l’Évangile (1 Co 20.) Les Apôtres eux-mêmes ont aussi donné en plus, ainsi que les docteurs venus dans la suite des temps, et qui recevront la récompense qui leur est due pour avoir expliqué l’Ancien et le Nouveau Testament. — S. Ambroise : Heureux donc cet hôtelier qui peut panser et guérir les blessures de son frère; heureux celui qui entend ces paroles sortir de la bouche de Jésus : « Et tout ce que vous dépenserez en plus, je vous le rendrai à mon retour. » Mais quand reviendrez-vous, Seigneur, si ce n’est au jour du jugement ? Car, bien que vous soyez partout et que vous habitiez au milieu de nous, sans que nos yeux puissent vous apercevoir, il viendra cependant un temps où toute chair vous verra revenir sur la terre. Vous rendrez alors ce que vous devez aux bienheureux, puisque vous avez voulu être leur débiteur. Puissions-nous être nous-mêmes de bons débiteurs, et rendre fidèlement ce que nous avons reçu. — S.
Cyrille : Après ce récit, Notre Seigneur peut
maintenant faire au docteur de la loi cette question : « Lequel de ces trois vous semble
avoir été le prochain de l’homme qui tomba entre les mains des
voleurs ? » Le docteur répondit : « Celui qui a pratiqué la miséricorde envers lui. » Ce
n’est, en effet, ni le prêtre ni le lévite qui sont le prochain de ce pauvre
blessé, mais celui qui a eu compassion de lui. Ainsi la dignité sacerdotale,
la science de la loi sont complètement inutiles, si elles ne sont comme confirmées
[et consacrées] par la pratique des bonnes oeuvres. Aussi le Sauveur
ajoute-t-il : « Allez et faites de
même. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 10 sur l’Ep. aux Hébr.) C’est-à-dire : Si vous voyez quelqu’un dans le malheur, ne dites pas : c’est un scélérat, mais qu’il soit gentil ou juif, dès lors qu’il a besoin de secours, n’en faites pas un objet de railleries; quel que soit son malheur, il a droit à être secouru. — S. Augustin : (de la doct. chrét.) Nous devons apprendre de là que notre prochain est celui envers lequel nous devons exercer la miséricorde, si son état la réclame; ou celui à l’égard duquel nous en serions redevable, s’il en avait besoin. Il suit de là, que celui qui doit à son tour nous prêter assistance au besoin, est aussi notre prochain; car le nom de prochain suppose une relation, et nous ne pouvons être le prochain d’un homme, sans que lui-même ne devienne notre prochain. Or, nul n’est excepté de ce grand devoir de la miséricorde; au témoignage de Notre Seigneur, qui nous recommande de faire du bien à ceux-là mêmes qui nous haïssent (Mt 5) : « Faites du bien à ceux qui vous haïssent. » Il est donc évident que ce commandement qui nous est fait d’aimer le prochain, embrasse les saints anges eux-mêmes, qui exercent à notre égard tant d’oeuvres de miséricorde. Que dis-je ? Notre Seigneur a voulu lui-même être appelé notre prochain, en nous faisant entendre que c’est lui-même qui est venu au secours de cet homme, laissé à demi-mort dans le chemin. — S. Ambroise : Ce ne sont donc point les liens du sang, mais la miséricorde qui rend un homme notre prochain, parce que la miséricorde est un sentiment que la nature inspire; en effet, quoi de plus conforme à la nature, que de secourir ceux qui ont avec nous une même nature ? |
Lectio 10 [85851] Catena in Lc., cap. 10 l. 10 Beda.
Dilectio Dei et proximi, quae superius verbis et parabolis continebatur,
hic ipsis rebus et veritate designatur; dicitur enim factum est autem dum
irent, et ipse intravit in quoddam castellum. Origenes.
Cuius quidem nomen Lucas hic tacet; sed Ioannes exprimit vocans ipsum
Bethaniam. Augustinus
de Verb. Dom. Sed dominus qui in sua propria venit, et sui eum non
receperunt, susceptus est tamquam hospes; sequitur enim et mulier quaedam
Martha nomine, excepit illum in domum suam; sicut solent suscipi peregrini;
sed tamen suscepit famula dominum, aegra salvatorem, creatura creatorem. Ne
quis autem dicat : o beati qui Christum suscipere in domum propriam
meruerunt; noli dolere, cum inquit : quod enim uni ex minimis meis fecistis,
mihi fecistis. Accepta autem forma servi, in illa pasci a servis voluit
dignatione, non conditione. Habebat carnem, in qua quidem esuriret et
sitiret; sed in eremo esurienti Angeli ministrabant; ergo quod pasci voluit,
pascenti praestitit. Martha igitur dominus pascere disponens et praeparans
circa ministerium occupabatur; Maria vero soror eius pasci magis elegit a
domino; sequitur enim et huic erat soror nomine Maria, quae etiam sedens
secus pedes domini, audiebat verbum illius. Chrysostomus.
Non simpliciter dicitur de Maria quod sederet prope Iesum, sed secus pedes
illius; ut ostendat diligentiam, assiduitatem et solertiam erga auditionem,
et multam reverentiam quam habebat ad dominum. Augustinus
de Verb. Dom. Quanto autem humilius ad pedes sedebat, tanto amplius
capiebat : confluit enim aqua ad humilitatem convallis, denatat de tumoribus
collis. Basilius.
Omnis autem operatio et verbum salvatoris regula est pietatis et virtutis;
ob hoc enim induit corpus nostrum, ut nos conversationem illius imitemur pro
posse. Cyrillus.
Exemplo igitur suo docet discipulos qualiter se gerere debeant in domibus
eorum qui eos suscipiunt; ut scilicet applicantes ad domum, non resupini
quiescant, sed potius repleant suscipientes sacris et divinis doctrinis : hi
vero qui domum parant, exeant obviam hilariter et ferventer duabus de causis.
Primo quidem aedificabuntur in doctrinis eorum quos suscipiunt, deinde et
recipient caritatis mercedem; unde et hic sequitur Martha autem satagebat
circa frequens ministerium. Augustinus.
Bene Martha circa corporalem domini necessitatem vel voluntatem
ministrabat, quasi mortali; sed qui erat in carne mortali, in principio erat
verbum; ecce quod Maria audiebat; verbum caro factum est, ecce cui Martha
ministrabat : laborabat ista, vacabat illa; verumtamen Martha laborans multum
in illa occupatione et negotio ministrandi interpellavit dominum, et de
sorore conquesta est; sequitur enim et ait : domine, non est tibi curae quod
soror mea reliquit me solam ministrare? Erat enim Maria intenta dulcedini
verbi domini; a Martha convivium domino parabatur, in cuius convivio Maria
iam iucundabatur. Cum ergo suaviter audiret verbum dulcissimum, et corde
intentissimo pasceretur, interpellato domino a sorore sua, quomodo putamus
eam timuisse ne diceret ei dominus : surge, et adiuva sororem tuam? Mira enim
suavitate tenebatur; quae profecto maior est mentis quam ventris. Sed causam suam tamquam otiosa iudici maluit committere, nec in
respondendo voluit laborare : si enim pararet respondendi sermonem,
remitteret audiendi intentionem. Respondit ergo dominus,
qui in verbo non laborabat, quia verbum erat; sequitur enim et respondens
dixit illi dominus : Martha, Martha, sollicita es, et turbaris erga plurima.
Repetitio nominis indicium est dilectionis, aut forte movendae intentionis,
ut audiat attentius. Bis vocata audit turbaris erga plurima; idest, circa
multa es occupata : vult enim homo occurrere quando ministrat, et aliquando
non potest : quaeritur quod deest, paratur quod adest : distenditur animus;
nam si Martha sufficeret, adiutorium sororis non posceret : multa sunt,
diversa sunt, quia carnalia sunt, temporalia sunt. Praeponitur autem unum multis; non enim a multis unum, sed multa ab
uno; unde sequitur porro unum est necessarium. Circa
unum se voluit occupari, secundum illud : mihi adhaerere Deo bonum est. Unum
sunt pater et filius et spiritus sanctus : ad hoc unum non nos perducit, nisi
multi habeamus cor unum. Cyrillus.
Vel aliter. Cum susceperint aliqui fratres Deum, non sollicitentur erga
multum officium, nec poscant quae prae manibus non sunt, et opus exuperant :
gravat enim passim in qualibet re quod superfluit : generat enim volentibus
conferre taedium : convivis autem videtur quod sunt aliis causa laboris. Basilius. Absurdum etiam est cibos ad sustentationem corporis
sumere, ac per eos iterum officere corpori, et impedire ipsum erga mandatorum
divinorum officium. Si ergo adveniat aliquis pauperum, sumat formam et
exemplar modestiae ciborum; nec causa vivere volentium in deliciis mensam
propriam praeparemus : uniformis enim est Christiani vita, ad unam intendens
intentionem, scilicet ad gloriam Dei; multiformis vero et varia vita eorum
qui de foris sunt, pro libito variata. Tu vero cur dum copia
ciborum et causa delectationis fratri praeparas mensam, criminaris eum
voluptatis, et diffundis in eum gulositatis opprobria, arguens delicias eius
in eo quod praeparas? Non commendavit dominus Martham occupatam circa
frequens ministerium. Augustinus
de Verb. Dom. Quid ergo? Putamus reprehensum esse ministerium Marthae, quam
cura hospitalitatis occupaverat, quae tanto hospite laetabatur? Hoc si verum
est, dimittant homines quod ministrant egentibus : vacent verbo, occupentur
circa scientiam salutarem; nihil sit cura eis quis peregrinus in vico sit,
quis egeat pane; vacent opera misericordiae, uni instetur scientiae. Theophylactus.
Non ergo dominus hospitalitatem prohibet, sed plurimorum turbationem,
scilicet abstractionem et tumultum. Et vide consilium domini; quod prius
dominus nihil dixerat Marthae; sed postquam quam illa sororem ab auditu
studebat avellere, tunc dominus occasione habita increpavit eam : usque enim
adeo honoratur hospitalitas, donec ad necessaria nos attrahit; cum vero
incipit ab utilioribus impedire, manifestum est quod honorabilior est
divinorum auditus. Augustinus
de Verb. Dom. Non ergo dominus opus reprehendit, sed munus distinxit;
sequitur enim Maria optimam partem elegit, quae non auferetur ab ea. Non tu
malam, sed illa meliorem. Unde meliorem? Quia ab ea non auferetur, a te
auferetur aliquando onus necessitatis : non enim cum veneris ad illam
patriam, invenies peregrinum quem suscipias hospitio. Sed bono tuo auferetur, ut quod melius est detur : auferetur a te
labor, ut requies detur. Tu navigas, illa in portu est : aeterna enim est
dulcedo veritatis; in hac tamen vita augetur, in illa perficietur, numquam
auferetur. Ambrosius. Agat ergo te sicut Mariam desiderium sapientiae : hoc
enim maius, hoc perfectius opus, ne ministerii cura cognitionem verbi
caelestis avertat. Nec arguas eos et otiosos iudices, quos
videas sapientiae studere. Augustinus
de quaest. Evang. Mystice autem quod Martha excepit
illum in domum suam, significat Ecclesiam, quae nunc excepit dominum in cor
suum. Maria soror eius, quae sedebat ad pedes domini, et audiebat verbum
eius, significat eamdem Ecclesiam, sed in futuro saeculo, ubi cessans ab
opere ministerioque indigentiae, sola sapientia perfruitur. Quod autem
conqueritur quod soror eius eam non adiuvet, occasio datur sententiae domini,
qua ostendit istam Ecclesiam sollicitam esse et turbari erga plurima, cum sit
unum necessarium, ad quod per ministerii huius merita pervenitur. Mariam vero
dicit optimam partem elegisse, quia per hanc ad illam tenditur, et non
aufertur. Gregorius Moralium. Vel per Mariam, quae verba domini residens
audiebat, contemplativa vita exprimitur; per Martham exterioribus obsequiis
occupatam, activa vita significatur. Sed Marthae cura non reprehenditur,
Mariae vero laudatur : quia magna sunt activae vitae merita, sed
contemplativae potiora. Unde nec auferri unquam Mariae pars dicitur : quia
activae vitae opera corpore transeunt, contemplativae autem gaudia melius ex
fine convalescunt. |
Versets 38-42.
— S. Bède : Le Sauveur nous a enseigné précédemment l’amour de Dieu et du prochain en discours et en paraboles, il nous l’enseigne maintenant par des actions et en vérité : « Or, il arriva que pendant qu’ils étaient en chemin, Jésus entra dans un village. » — Origène
: Saint Luc ne dit point le nom de ce village, mais saint Jean nous le
fait connaître en l’appelant Béthanie. (Jn 11.) — S. Augustin : (Serm. 20, sur les paroi. du Seig,) Or,
le Seigneur qui est venu chez lui, sans que les siens aient voulu le recevoir
(Jn 1), a été reçu ici comme hôte :
« Et une femme nommée Marthe le
reçut dans sa maison. » Elle le reçut comme on reçoit les voyageurs,
et cependant la servante reçut son Seigneur, celle qui était malade reçut son
Sauveur, la créature reçut son Créateur. Ne dites pas : Heureux ceux qui ont
mérité de recevoir Jésus-Christ dans leur maison, n’enviez pas leur bonheur,
car Notre Seigneur à dit : « Tout
ce que vous avez fait pour l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez
fait, » (Mt 25.) En
prenant la forme de serviteur, il a voulu être nourri par des serviteurs par condescendance
et non par une nécessité de sa condition. Il était revêtu d’une chair soumise
à la faim et à la soif, mais lorsqu’il eut faim dans le désert, les anges
vinrent le servir. (Mt 4.) Si donc
il consent à être nourri, c’est une grâce qu’il accorde à la personne qui le
reçoit. Marthe faisait donc toute sorte de préparatifs pour recevoir
dignement Notre Seigneur, et s’occupait activement du service ; au
contraire Marie, sa soeur, préférait être nourrie intérieurement par le
Sauveur : « Elle avait une soeur,
nominée Marie, laquelle, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa
parole. » — S. Jean Chrysostome : L’Évangéliste ne dit pas seulement de Marie qu’elle était assise près de Jésus, mais « qu’elle était assise à ses pieds, » afin de mieux exprimer son zèle, son empressement, son attention, pour recueillir les paroles de Jésus, et le profond respect qu’elle avait pour le Seigneur. — S. Augustin : (Serm. 27, sur les parol. du Seig.) Mais plus elle s’humiliait aux pieds du Sauveur, plus elle recueillait abondamment ses divines paroles, car l’eau descend en abondance dans les profondeurs des vallées, tandis qu’elle découle du sommet des collines qui ne peuvent la retenir. — S. Basile : (Const. monast., chap. 1.) Toutes les actions, toutes les paroles du Sauveur sont pour nous autant de règles de piété et de vertu, car il s’est revêtu de notre corps pour que nous puissions imiter les exemples de sa vie selon la mesure de nos forces. — S. Cyrille : Il apprend donc à ses disciples par son exemple la conduite qu’ils doivent tenir lorsqu’ils sont reçus dans quelque maison; ils doivent en y entrant, ne pas goûter exclusivement les douceurs du repos, mais remplir de la sainte et divine doctrine l’âme de ceux qui les reçoivent. Quant à ceux qui leur donnent l’hospitalité, ils doivent l’exercer avec joie et empressement pour deux motifs : ils trouveront d’abord un sujet d’édification dans la doctrine de ceux qu’ils reçoivent, et recevront à leur tour la récompense de leur charité : « Or, Marthe s’occupait avec empressement du service, ». — S. Augustin : (serm. 27, sur les parol. du Seig.) Marthe s’occupait avec raison de pourvoir aux nécessités corporelles, et aux désirs de la nature humaine du Seigneur; mais celui qu’elle voyait revêtu d’une chair mortelle « dès le commencement était le Verbe. » C’est ce Verbe que Marie écoutait. Ce Verbe s’est fait chair, c’est celui que Marthe servait. L’une travaillait, l’autre contemplait. Cependant Marthe, accablée de ce travail et de tout le soin du service, s’adresse au Seigneur, et se plaint de sa soeur : « Seigneur, souffrirez-vous que ma soeur me laisse servir seule ? » Marie, en effet, était tout absorbée de la douceur de la parole du Seigneur, Marthe préparait un festin au Sauveur, qui lui-même servait alors à Marie un festin bien plus délicieux. Or, comment n’aurait-elle pas craint que le Seigneur pressé par sa soeur, vint à lui dire : « Levez-vous, et venez en aide à votre soeur, » alors qu’elle goûtait avec suavité les douces paroles du Sauveur, et que son coeur était plongé tout entier dans cette divine nourriture ? Elle était absorbée dans d’ineffables délices, bien supérieures à toutes les délices corporelles. Elle accepte donc ce reproche d’oisiveté, et confie sa cause à son juge, sans se mettre en peine de répondre, dans la crainte que le soin même de répondre ne vint à la distraire de l’attention qu’elle donne aux paroles du Seigneur. Le Seigneur répondit donc pour elle, lui pour qui la parole n’est pas un travail, parce qu’il est le Verbe : « Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, vous vous inquiétez, et vous agitez pour beaucoup de choses ». Cette répétition du nom de Marthe, est un signe de l’affection du Sauveur pour elle, ou un moyen de la rendre plus attentive à la leçon qu’il va lui donner. Après l’avoir ainsi appelée deux fois, il lui dit : « Vous vous inquiétez de beaucoup de choses, » c’est-à-dire vous êtes occupée de beaucoup de choses. En effet, quand l’homme se charge de servir, il veut suffire à tout, et parfois il ne peut y réussir; il cherche ce qui lui manque, il prépare ce qu’il a sous la main, et son esprit est dans le trouble [et l’agitation]. Ainsi Marthe n’eût point demandé que sa soeur vînt l’aider, si elle avait pu seule suffire au travail. Elle s’inquiète de beaucoup de choses, ses inquiétudes, ses préoccupations sont nombreuses, elles sont de diverses sortes, parce qu’elles ont pour objet les choses de la terre et du temps. Or, à toutes ces choses, Notre Seigneur en préfère une seule; car ce ne sont pas toutes ces choses qui en ont produit une seule, mais elles sont elles-mêmes sorties d’un seul principe. Aussi écoutez la parole du Sauveur : « Or, une seule chose est nécessaire. » Marie a voulu n’être occupée que d’une seule chose, selon cette parole du Psalmiste : « Il est bon pour moi de m’attacher à Dieu. » (Ps 72.) Le Père, le Fils, le Saint-Esprit, ne font qu’une seule et même chose; et nous ne pouvons parvenir à cette seule chose, qu’autant que nous avons tous un même coeur. (Ac 4.) — S. Cyrille : On peut encore donner cette explication : Lorsque quelques-uns de nos frères reçoivent Dieu dans leur demeure, qu’ils ne poussent pas la préoccupation à l’excès, qu’ils n’exigent pas tout ce qui est à leur disposition, mais n’est pas nécessaire; car en toutes choses, la trop grande abondance est un embarras, c’est une cause d’ennui pour ceux qui la recherchent, et elle donne à penser aux convives qu’ils sont pour les autres une occasion de préoccupation et de fatigue. — S. Basile : (Régl. développ., quest. 19.) N’est-il pas absurde de prendre des aliments pour soutenir notre corps, et de faire de ces aliments une cause d’appesantissement pour le corps, et un obstacle à l’accomplissement des commandements de Dieu ? ( Quest. 20.) Si donc il survient un pauvre, donnons-lui la règle et l’exemple de la modération dans l’usage des aliments; ne donnons jamais de festin pour flatter le goût de ceux qui aiment le luxe et les plaisirs de la table. La vie d’un chrétien doit être uniforme, puisqu’elle tend à un même but, la gloire de Dieu. Au contraire la vie des mondains prend mille formes diverses, et ils la varient sans cesse au gré de leurs caprices. Mais pourquoi donc vous, qui chargez votre table de mets abondants et recherchés pour le plaisir de votre frère, l’accusez-vous de sensualité, et lui faites-vous le reproche honteux de gourmandise, en le condamnant de savourer avec délices les mets que vous lui préparez ? Nous ne voyons pas que le Seigneur ait loué Marthe de s’être livrée tout entière aux soins multipliés du service. — S. Augustin : (Serm. 27, sur les parol. du Seig.) Quoi donc, devrons-nous penser que Notre Seigneur blâme ici l’empressement de Marthe, tout occupée des devoirs de l’hospitalité, et heureuse de recevoir un hôte comme le Sauveur ? S’il en est ainsi, cessons de servir les pauvres, livrons-nous au ministère de la parole, que la science du salut soit notre unique objet, ne nous inquiétons nullement s’il y a quelqu’étranger parmi nous, si quelqu’un manque de pain; laissons toutes les oeuvres de miséricorde, pour ne nous occuper que de la science. — Théophylacte : Notre Seigneur ne nous défend donc point de remplir les devoirs de l’hospitalité, mais la préoccupation excessive, la dissipation et le trouble. Remarquez d’ailleurs la prudence du Sauveur, il n’avait d’abord rien dit à Marthe, ce n’est que lorsqu’elle veut détourner sa soeur d’écouter la parole du divin Maître, qu’il prend occasion, de là, pour lui faire un reproche. L’hospitalité est donc honorable, tant qu’elle ne nous entraîne qu’aux choses nécessaires, mais dès lors qu’elle nous détourne de devoirs plus importants, il est évident que l’attention aux enseignements divins est bien préférable. — S. Augustin : (Serm., 26 et 27.) Notre Seigneur ne blâme donc pas ici la pratique [de l’hospitalité], mais il établit une distinction entre les oeuvres : « Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas ôtée. » Votre part n’est pas mauvaise, mais celle que Marie a choisie est meilleure. Pourquoi est-elle meilleure ? parce qu’elle ne lui sera point ôtée. Un jour viendra où vous serez déchargée des soins nécessaires de cette vie, (car une fois entrée dans la patrie céleste, vous n’aurez plus à exercer l’hospitalité envers les étrangers), mais cette part vous sera ôtée dans votre intérêt, et afin que vous en receviez une meilleure. On vous déchargera du travail pour vous donner le repos ; vous naviguez encore, et Marie est déjà arrivée au port, car la douceur de la vérité est éternelle; elle s’accroît successivement dans cette vie, mais elle reçoit sa consommation dans l’autre vie, où elle ne sera jamais enlevée. — S. Ambroise : Laissez-vous donc conduire, comme Marie, par l’amour de la sagesse, car c’est l’oeuvre la plus parfaite, l’oeuvre par excellence. Que les soins extérieurs ne vous détournent jamais de la connaissance de la parole céleste, et gardez-vous de condamner et d’accuser d’oisiveté ceux qui s’appliquent à l’étude de cette divine sagesse. — S. Augustin : (Quest. Evang., 2, 30.) Dans le sens allégorique, Marthe recevant Jésus dans sa maison est la figure de l’Église, recevant le Seigneur dans son coeur; Marie, sa soeur, assise aux pieds du Sauveur, et écoutant sa parole, représente aussi l’Église, mais dans le siècle à venir, où affranchie du soin et du service des pauvres, elle n’aura plus qu’à jouir de la sagesse. Elle se plaint que sa soeur ne vient pas l’aider, et elle donne occasion à Notre Seigneur de nous montrer l’Église de la terre, inquiète et troublée de beaucoup de choses, tandis qu’il n’y a de nécessaire qu’une seule chose, à laquelle on arrive par les mérites de cette vie d’action. Il déclare que Marie a choisi la meilleure part, parce que c’est par la première qu’on parvient à la seconde qui ne sera jamais ôtée. — S.
Grégoire : (Moral.,
6, 18.) Ou bien encore Marie, qui écoute assise les
paroles du Seigneur, est la figure de la vie contemplative. Marthe au
contraire occupée des oeuvres extérieures représente la vie active. Notre
Seigneur ne blâme pas le genre de vie de Marthe, mais il fait l’éloge de
celui de Marie, parce que si les mérites de la vie active ont du prix, les
mérites de la vie contemplative en ont beaucoup plus. Aussi le Sauveur
déclare-t-il que la part de Marie ne lui sera jamais ôtée; en effet, les oeuvres
de la vie active n’ont d’autre durée que celle du corps, tandis que les joies
de la vie contemplative ne font que se multiplier à la mort. |
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Caput 11 |
CHAPITRE 11
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Lectio 1 [85852] Catena in Lc., cap. 11 l. 1 Beda.
Post historiam sororum, quae duas Ecclesiae vitas significaverunt, non
frustra dominus et ipse orasse, et discipulos orare docuisse scribitur; quia
et oratio quam docuit, utriusque in se vitae continet mysterium et ipsarum
perfectio vitarum, nostris non viribus est obtinenda, sed precibus; unde
dicitur et factum est cum esset in quodam loco orans. Cyrillus.
Cum autem habeat omnis boni plenitudinem, cur orat, si plenus est, et in
nullo penitus eget? Ad hoc dicimus, quod competit ei ex modo dispensationis in
carne, cum voluerit, humana prosequi tempore ad hoc conveniente. Si enim
comedit et bibit, non incongrue utebatur oratione : ut doceat nos non esse
erga hoc tepidos, sed attentius insistere orationibus. Titus.
Cum autem novam conversationem vidissent discipuli, novam formam orationis
postulaverunt, cum plures orationes continerentur in veteri testamento; unde
sequitur ut cessavit, dixit unus ex discipulis eius ad eum : domine, doce nos
orare; ne scilicet contra Deum peccemus, alia quaerentes pro aliis, vel Deo
assistentes in oratione non eo modo quo expedit. Origenes.
Et ut orationis doctrinam proferat, infert sicut Ioannes docuit discipulos
suos; de quo scilicet nos docuisti, quod inter natos mulierum nullus eo maior
surrexit : et quia praecepisti nobis petere aeterna et grandia; unde erit nos
ad horum pervenire notitiam, nisi a te Deo et salvatore nostro? Gregorius
Nyssenus. Orationis ergo doctrinam explicat discipulis, qui solerter
notitiam orationis expostulant; ostendens qualiter implorari oporteat divinum
auditum. Basilius. Duo autem sunt modi orationis. Unus
quidem laudis cum humilitate : secundus vero petitionis, remissior. Quoties
ergo oras, non prius ad petendum prorumpas. Sin autem tuum criminaris
affectum, quasi necessitate coactus supplices Deo. Sed cum incipis orare,
quamlibet desere creaturam visibilem et invisibilem; sumas autem exordium a
laude illius qui cuncta creavit; unde subditur et ait illis : cum oraveritis,
dicite : pater. Augustinus
de Verb. Dom. Primus sermo quantae gratiae? Faciem tuam non audebas ad
caelum levare, et subito accepisti gratiam Christi. Ex malo servo factus es
bonus filius; ideo praesume non de tua operatione, sed de Christi gratia. Non
ergo hic arrogantia est, sed fides : praedicare quod acceperis, non est
superbia, sed devotio. Ergo attolle oculos ad patrem; qui te per lavacrum
genuit, qui per filium te redemit : patrem dicas quasi filius; sed noli tibi
aliquid specialiter vindicare : solius Christi specialis est pater, nobis est
pater omnibus in communi : quia illum solum genuit, nos autem creavit. Et
ideo secundum Matthaeum dicitur : pater noster, et additur : qui es in
caelis; in illis scilicet caelis de quibus dictum est : caeli enarrant
gloriam Dei. Caelum est ubi culpa cessavit, ubi nullum mortis est vulnus.
Theophylactus.
Non autem dicit : qui es in caelis, tamquam ibi circumscribatur; sed ut ad
caelos erigat auditorem et abstrahat a terrenis. Gregorius
Nyssenus. Vide autem quantae praeparationis opus est ut audacter possis
Deo dicere pater; quia si ad res mundanas intuitum dirigis, aut humanam
gloriam ambis, aut sordes passibilis appetitus, et hanc orationem enunties;
audire mihi videor Deum dicentem : cum corruptae fueris vitae, si patrem
vocas incorruptibilitatis genitorem, foeda voce inquinas incorruptibile nomen
: nam qui patrem mandavit vocare, proferre mendacium non concessit. Omnium
vero bonorum exordium est glorificare nomen Dei in vita nostra; unde subdit
sanctificetur nomen tuum. Quis enim est adeo bestialis qui videns in
credentibus vitam puram, non glorificet nomen invocatum in tali vita? Igitur
qui dicit in oratione sanctificetur in me invocatum nomen tuum, hoc orat :
fiam, tuo concurrente subsidio, iustus, et abstinens a quolibet malo. Chrysostomus.
Sicut enim cum quis caeli pulchritudinem aspicit, dicit : gloria tibi,
Deus, sic etiam cum aspicit alicuius virtutem : quia hominis virtus multo
magis quam caelum glorificat Deum. Augustinus
de Verb. Dom. Vel dicitur sanctificetur nomen tuum, in nobis, ut ad nos
possit eius sanctificatio pervenire. Titus.
Vel dicit sanctificetur nomen tuum : idest, nota sit tua sanctitas toti
mundo, et laudet te decenter. Rectos autem decet collaudatio. Iussit igitur
orare pro emendatione mundi totius. Cyrillus.
Quoniam penes eos ad quos nondum pervenit fides, contemnitur adhuc nomen
Dei; sed ubi iubar veritatis super eos illuxerit, eum fatebuntur sanctum
sanctorum. Titus.
Et quia in nomine Iesu est gloria Dei patris; tunc nomen patris sanctificabitur,
quando Christus erit notus. Origenes.
Vel quia nomen Dei ab errantibus attribuitur culturis et creaturis, nondum
est sanctificatum, ut sit separatum a quibus debuit separari. Decet ergo nos
orare ut nomen Dei adaptetur soli vero Deo, cui adaptatur quod subditur
adveniat regnum tuum : ut scilicet evacuetur principatus, et potestas, et
virtus, et regnum mundi, quin etiam peccatum, quod regnat in mortalibus
nostris corporibus. Gregorius
Nyssenus. Imploramus etiam a domino liberari a corruptione, eximi a morte.
Vel secundum quosdam, adveniat regnum tuum, idest, veniat super nos spiritus
sanctus tuus, ut purificet nos. Augustinus
de Verb. Dom. Tunc enim venit regnum Dei quando eius sumus gratiam
consecuti : ipse enim ait : regnum Dei intra vos est. Cyrillus. Vel qui hoc dicunt, videntur optare rursum refulgentem in
mundo omnium salvatorem. Mandavit autem in oratione petere illud tempus
revera terribile, ut sciant quod vivere decet eos non lente vel remisse, ut illud
tempus non paret eis flammam et vindictam, sed magis honeste secundum
voluntatem ipsius, ut eis tempus illud nectat coronas : unde, secundum
Matthaeum sequitur : fiat voluntas tua, sicut in caelo et in terra. Chrysostomus.
Quasi dicat : praesta nobis, domine, conversationem imitari caelestem,
quatenus quaecumque tu vis, nos etiam velimus. Gregorius
Nyssenus. Quoniam enim vitam humanam post resurrectionem similem dicit
esse venturam vitae angelicae, consequens est vitam mundanam ad vitam quae
postmodum speratur, disponi, ut in carne viventes, carnaliter non vivamus. Per hoc autem verus medicus animae solvit morbi naturam; ut quos
occupavit infirmitas per hoc quod a voluntate divina recesserant, a morbo
denuo liberet copulatio ad voluntatem divinam. Est enim sanitas animae
executio debita voluntatis divinae. Augustinus in Enchir. Apud Evangelistam igitur Matthaeum septem
petitiones continere videtur dominica oratio; Evangelista vero Lucas in
oratione dominica petitiones non septem, sed quinque complexus est, nec ab
illo utique discrepavit. Sed quomodo illa septem sint intelligenda, ipse sub
brevitate commonuit. Nomen quippe Dei sanctificatur in
spiritu; Dei autem regnum in resurrectione futurum est. Ostendens ergo Lucas
tertiam petitionem duarum superiorum esse quodammodo repetitionem, magis eam
praetermittendo voluit intelligi. Deinde tres alias adiunxit; et primo de
pane quotidiano, dicens panem nostrum quotidianum da nobis hodie. Augustinus de Verb. Dom. In Graeco dicitur epiusion, hoc est supersubstantialem.
Non iste est panis qui vadit in corpus, sed ille panis vitae aeternae, qui
animae nostrae substantiam fulcit. Latinus autem hunc
quotidianum panem dicit, quem Graeci dicunt advenientem. Si quotidianus ille
est panis, cur post annum illum sumas, quemadmodum Graeci in oriente facere
consueverunt? Accipe quotidie quod quotidie tibi prosit : sic vive quod
quotidie merearis accipere. Mors domini significatur, et remissio peccatorum.
Qui vulnus habet, medicinam quaerit; vulnus est, quia sub peccato sumus;
medicina est caeleste et venerabile sacramentum. Si quotidie accipis,
quotidie tibi est hodie; Christus tibi quotidie resurgit : hodie est enim
quando Christus resurgit. Titus.
Vel panis animarum divina est virtus afferens futuram vitam perennem,
sicut panis ex terra prodiens vitam temporalem conservat. Cum autem
quotidianum dixisset, divinum qui advenit et futurus est, significat; quem
nobis hodie praestari requirimus, poscentes quoddam eius principium atque
gustum, quando spiritus in nobis inhabitans virtutem operatur, quae superat
omnem virtutem humanam; puta castitatem, humilitatem, et cetera. Cyrillus.
Putant autem forsan aliqui indecens esse, sanctos a Deo quaerere
corporalia; et ob hanc causam applicant quod dicitur, ad spiritualem considerationem.
Ego autem concedam quod oportet sanctos praecipue satagere ad obtinenda
spiritualia dona; illud tamen decet inspicere quod irreprehensibiliter
petunt, domino praecipiente, panem communem : ex eo enim quod panem iussit
quaerere, idest quotidianum alimentum, videtur quod nihil concedat eos
habere, sed magis honestam colere paupertatem : non enim est habentium panem
petere, sed oppressorum penuria. Basilius.
Quasi dicat : panem quotidianum, qui nostrae substantiae competit ad vitam
diurnam, non tibi ipsi commendes; sed ad Deum causa eius refugias, exponens
ei necessitatem naturae. Chrysostomus
in Matthaeum. Postulanda ergo sunt divinitus necessaria vitae, non ciborum
diversitates et vina odorifera, et cetera quae delectant guttur, onerant autem
ventrem, et mentem perturbant; sed panis, qui potest substantiam corporis
sustentare; et illum qui nobis hodie tantummodo sufficit, ut de crastino non
cogitemus. Unam autem solam petitionem sensibilem quaerimus, ut praesentibus
non affigamur. Gregorius
Nyssenus. Postquam autem per bona opera fiduciam sumere docuit,
consequenter remissionem reatuum docet implorare; sequitur enim et dimitte
nobis peccata nostra. Titus. Hoc autem additum est necessario, pro eo quod nullus sine
peccato reperitur, ne impediamur a sacra participatione propter humana
peccata. Cum enim teneamur exhibere Christo omnimodam sanctitatem, qui
spiritum sanctum habitare facit in nobis, redarguendi sumus, si non
observemus ei templum mundum. Huic autem defectui subvenitur per Dei bonitatem
indulgentem humanae fragilitati peccatorum punitionem. Hoc autem iuste fit a
iusto Deo, quando nos quasi debitoribus relaxamus, his scilicet qui nobis
nocuerunt, et debita non exhibuerunt; unde subditur siquidem et ipsi
dimittimus omni debenti nobis. Cyrillus. Vult enim, ut ita loquar, patientiae quam homines colunt,
imitatorem fieri Deum, ut qualem ipsi exhibuerunt conservis bonitatem, talem
pari lance recipere petant a Deo, qui iuste recompensat, et novit omnium
misereri. Chrysostomus.
Haec igitur animadvertendo grates agendae sunt debitoribus nostris : fiunt
enim nobis, si sapimus, causa indulgentiae maximae; et pauca exhibentes,
plurima reperiemus : nam et nos multa debemus et magna debita domino; quorum
si minimam partem a nobis vellet exigere, iam perissemus. Augustinus
de Verb. Dom. Debitum autem quid est nisi peccatum? Ergo si non accepisses
alieni fenoris pecuniam, non deberes; et ideo peccatum tibi imputatur.
Habuisti enim pecuniam, cum qua dives nascereris, ad imaginem et similitudinem
factus Dei; sed perdidisti quod habebas; sicut dum arrogantiam desideras
vindicare, perdidisti humilitatis pecuniam; accepisti a Diabolo debitum, quod
non erat necessarium : cautionem tuam tenebat inimicus; sed eam dominus
crucifixit, et suo cruore delevit. Potens est autem dominus, qui abstulit
peccatum, et debita nostra donavit, custodire nos adversus Diaboli insidias,
qui culpam generare consuevit; unde sequitur et ne nos inducas in
tentationem, quam scilicet ferre non possumus. Sed quasi athleta talem vult
tentationem, quam ferre possit humana conditio. Titus.
A Diabolo enim non tentari est impossibile; sed ne a Deo relinquamur ad
tentationes, hoc deprecamur. Quod autem ex permissione divina contingit,
illud Deus quandoque facere dicitur in Scriptura; et secundum hoc, nisi
prohibeat tentationis invalescentiam, quae supra nos est, tunc nos in
tentationem inducit. Maximus.
Vel mandat dominus ut petamus ne nos inducas in tentationem; idest, non
permittas voluptuosarum et spontanearum tentationum nos experientiam pati.
Iacobus autem docet, pro veritate certantes non remitti tentationibus
involuntariis et causativis laborum, dicens : omne gaudium existimate,
fratres mei, cum in tentationes varias incideritis. Basilius.
Non tamen decet nos orando petere afflictiones corporales; universaliter
enim praecepit orare, non subire tentationem; sed postquam aliquis subiit,
expedit a domino petere virtutem perferendi, ut consummetur in nobis illud :
qui sustinet usque ad finem, salvus erit. Augustinus
in Enchir. At vero quod Matthaeus in ultimo posuit : sed libera nos a
malo, iste non posuit, ut intelligamus ad illud superius, quod de tentatione
dictum est, pertinere : ideo quippe ait : sed libera, non ait : et libera;
tamquam unam petitionem demonstrans : noli hoc, sed hoc. Sed sciat
unusquisque in eo se liberari a malo quod non infertur in tentationem. Augustinus
de Verb. Dom. Unusquisque enim petit ut a malo, hoc est ab inimico et
peccato, liberetur; sed qui Deo se committit, Diabolum non timet. Si enim
Deus pro nobis, quis contra nos? |
Versets 1-4.
— S. Bède : Après avoir raconté l’histoire des deux soeurs, qui ont comme personnifié en elles les deux vies de l’Église, l’Évangéliste nous représente, très à propos, Notre Seigneur en prière et enseignant à ses disciples à prier, parce qu’en effet la prière qu’il enseigne renferme le mystère de ces deux vies, et que la perfection de chacune d’elles s’obtient, non par nos propres forces, mais par la prière : « Un jour que Jésus était en prière en un certain lieu, » etc. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Mais pourquoi prier, puisqu’il est la source de tout bien qu’il possède dans sa plénitude, et qu’il n’a besoin de rien ? Nous répondons qu’une des conséquences de l’incarnation pour le Sauveur était de se conformer aux actions de la vie humaine, alors qu’il le jugeait convenable; si, en effet, il se soumet à la nécessité du boire et du manger, quel inconvénient qu’il se livre à la prière, pour nous apprendre à ne pas être tièdes dans ce devoir, et à persévérer avec ferveur dans l’exercice de la prière ? Tite
de Bostr. (sur
Matth.) Les disciples à qui Notre Seigneur avait
donné les règles d’une vie toute nouvelle, lui demandent aussi une nouvelle
formule de prière, bien que l’Ancien Testament en contint un grand nombre : « Et dès qu’il eut cessé de prier, un
de ses disciples lui dit : Seigneur, apprenez-nous à prier », de
peur que nous n’offensions Dieu en lui demandant une chose pour une autre, ou
en ne le priant pas avec les dispositions convenables. — Origène : (Chronique des Pères grecs) Pour déterminer le Sauveur à leur tracer les règles de la prière, le disciple de Jésus ajoute : « comme Jean l’a appris à ses disciples, » Jean, dont vous nous avez dit, « qu’il était le plus grand de tous les enfants des femmes. » Vous nous faites un précepte de vous demander les biens éternels et ineffables, mais qui nous donnera de les connaître, si ce n’est vous notre Dieu et notre Sauveur ? — S. Grégoire : de Nyss. (Serm. 1, sur la prière.) Le Sauveur expose à ses disciples la divine doctrine de la prière, parce qu’ils la lui demandent avec instance, et il leur enseigne comment ils doivent prier Dieu pour être exaucés. — S. Basile : (Const. mon., chap. 1.) Il y a deux sortes de prières, la prière de louange, jointe à un grand sentiment d’humilité, et la prière de demande, qui est moins parfaite. Lors donc que vous vous mettez en prière, ne vous hâtez pas de passer à la demande, autrement vous accusez vos dispositions intérieures, et vous témoignez que c’est la nécessité qui vous amène aux pieds de Dieu. Mais lorsque vous commencez à prier, séparez-vous de toute créature visible et invisible, et donnez pour exorde [à votre prière] la louange du Créateur de toutes choses : « Et il leur répondit : Lorsque vous priez, dites : Père, ». — S. Augustin : (Serm. 27, sur les parol. du Seig.) Comme cette première parole est pleine de grâce [et de miséricorde] ! Vous n’osiez pas lever votre front vers le ciel, vous recevez tout d’un coup la grâce de Jésus-Christ; de mauvais serviteur vous êtes devenu fils bien aimé, ayez donc espérance, non dans vos oeuvres, mais dans la grâce du Sauveur. Ce n’est point de la présomption, mais de la confiance; proclamer la grâce que vous avez reçue, ce n’est point un acte d’orgueil, mais de dévotion. Levez-donc les yeux au ciel, vers votre Père, qui vous a donné une nouvelle vie dans le baptême, qui vous a racheté par son Fils. Dites lui comme un bon Fils : « Mon Père, » mais ne vous attribuez rien de trop particulier dans ce titre, car Dieu n’est, dans la rigueur du mot, le Père que de Jésus-Christ seul, parce qu’il est le seul qu’il ait engendré, tandis qu’il est notre Père commun à tous, parce qu’il nous à créés. C’est pour cela que dans saint Matthieu, nous lisons : « Notre Père » ; et qu’il ajoute : « qui êtes dans les cieux », c’est-à-dire dans les cieux dont il est écrit : « Les cieux racontent la gloire de Dieu » dans les cieux où le péché n’existe plus, ni la blessure de la mort. — Théophylacte : Ces paroles : « qui êtes dans les cieux, » ne signifient pas que Dieu se trouve circonscrit par les limites des cieux, mais Notre Seigneur les emploie pour relever notre âme vers le ciel, et nous séparer des choses de la terre. — S. Grégoire de Nysse : (Serm. 2, sur l’orais. domin.) Voyez quelle préparation est nécessaire pour que vous puissiez dire avec confiance : « Père », car si vous arrêtez vos regards sur les choses de la terre, si vous ambitionnez la gloire qui vient des hommes, si vous êtes l’esclave des passions de la chair, et que vous osiez faire cette prière, il me semble entendre Dieu vous dire : Comment, votre vie n’est que corruption, et vous invoquez comme votre Père l’auteur de l’incorruptibilité, et vous ne voyez pas que votre voix criminelle profane ce nom incorruptible ! En effet, celui qui vous a commandé de l’appeler votre Père, ne vous a pas autorisé à proférer des mensonges. (Serm., 3.) Or, le principe de tout bien c’est de glorifier le nom de Dieu dans notre vie. Aussi le Sauveur ajoute : « Que votre nom soit sanctifié. » Qui pourrait être assez dépourvu de raison, que d’être témoin de la vie pure et sainte des vrais croyants, et de ne pas glorifier le nom qu’ils invoquent ? Celui donc qui dit à Dieu dans sa prière : « Que votre nom que j’invoque soit sanctifié en moi, » fait à Dieu cette prière : Que je devienne à l’aide de votre grâce juste, et éloigné de tout mal. — S. Jean Chrysostome : (hom. 18, sur l’Ep. 1, aux Cor.) A la vue de la beauté [et de la magnificence] des cieux, on ne peut s’empêcher de s’écrier : Gloire à vous, ô mon Dieu, et on éprouve le même sentiment au spectacle de la vertu, car la vertu de l’homme donne plus de gloire à Dieu que la magnificence des cieux. — S. Augustin : (Serm. 28, sur les parol. du Seig.) Ou bien ces paroles veulent dire : « Que votre nom soit sanctifié » en nous, de manière que la sainteté de Dieu puisse s’étendre jusqu’à nous. — Tite de Bostr. (sur Matth.) Ou bien encore, « que votre nom soit sanctifié, » c’est-à-dire que votre sainteté soit connue de tous les hommes, et qu’elle soit l’objet de leurs louanges, car c’est aux justes qu’il appartient de publier les louanges de Dieu. (Ps 32.) Il nous commande donc de prier pour la sanctification du monde entier. — S.
Cyrille : (Chronique
des Pères grecs) En effet, ceux qui n’ont pas encore
reçu la foi, n’ont que du mépris pour le nom de Dieu, mais aussitôt que la
lumière de la vérité aura lui à leurs yeux, ils confesseront qu’il est le
saint des saints. (Dn 9, 24.) — Tite de Bostr. (comme précéd.) Et comme la gloire de Dieu le Père est dans le nom de Jésus, le nom du Père sera vraiment sanctifié, lorsque Jésus-Christ sera connu. — Origène : (Chronique des Pères grecs) Ou bien encore, comme ceux qui vivent dans l’erreur attribuent le nom de Dieu aux plantes et aux créatures, ce nom n’est pas encore sanctifié; c’est-à-dire qu’il demeure confondu avec des choses dont il doit être nécessairement séparé. Il convient donc de demander que le nom de Dieu soit réservé au seul vrai Dieu, auquel seul peuvent s’appliquer les paroles suivantes « Que votre règne arrive » ; de manière que tout empire, toute domination, toute puissance, et le règne du monde soient anéantis, aussi bien que le péché qui règne dans nos corps mortels (1 Co 15, 24; Rm 6, 2). — S. Grégoire de Nysse : Nous demandons encore à Dieu d’être délivrés de la corruption, et affranchis de la mort. Ou bien encore, selon quelques interprètes : « Que votre règne arrive, » c’est-à-dire que votre Esprit saint descende sur nous, pour nous purifier. — S. Augustin : (Serm. 24, sur les parol. du Seig.) Le royaume de Dieu arrive pour nous, quand nous avons eu le bonheur d’obtenir sa grâce; car Jésus lui-même nous a dit : « Le royaume de Dieu est au milieu de vous. » — S.
Cyrille : Ou bien ceux qui font cette prière
expriment le désir de voir le second avènement du Sauveur de tous les hommes
paraissant à leurs yeux dans toute sa gloire. Or, il nous fait un
commandement de demander dans la prière l’arrivée de ce temps vraiment
redoutable, pour nous apprendre à fuir la négligence et la tiédeur, si nous
ne voulons que cet avènement nous amène les flammes vengeresses de
l’éternité. Il veut au contraire que notre vie s’écoule dans une sainte
conformité à sa volonté, pour que ces jours ne nous apportent que des
couronnes d’immortalité. Voilà pourquoi dans saint Matthieu la demande
suivante est celle ci : « Que
votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » — S. Cyrille (ou S.Jean Chrysostome) : (hom. 20, sur Matth.) C’est-à-dire : Accordez-nous, Seigneur, d’imiter la vie des habitants des cieux, de sorte que nous ne voulions que ce que vous voulez vous-même. — S. Grégoire : de Nyss. (Serm. 4, sur l’orais. dom.) Notre Seigneur nous déclare que la vie de l’homme après la résurrection sera semblable à la vie des anges; il faut donc que la vie présente soit une préparation à cette vie que nous espérons après la mort, et que tout en vivant dans la chair, nous ne vivions pas selon les inspirations de la chair (Rm 7, 12; 2 Co 10, 3). C’est ainsi que le véritable médecin de nos âmes guérit les maladies de notre nature; le principe de nos infirmités c’est de nous être mis en opposition avec la volonté divine; ce n’est donc que par une conformité entière à cette divine volonté que nous serons délivrés de ces infirmités, car la santé de l’âme consiste dans l’accomplissement légitime de la volonté divine. — S. Augustin : (Enchirid., chap. 116.) Dans l’Évangile selon saint Matthieu, l’oraison dominicale contient sept demandes; l’évangéliste saint Luc, n’en donne que cinq, et cependant il n’est pas en opposition avec saint Matthieu, mais dans l’abrégé qu’il nous donne de cette prière, il nous fait comprendre comment les sept demandes doivent être entendues. En effet, le nom de Dieu est sanctifié dans l’Esprit saint, et le royaume de Dieu doit venir à la résurrection. Saint Luc veut donc nous apprendre que la troisième demande n’est pour ainsi dire que la répétition des deux premières, et, son intention est de nous la faire mieux comprendre en l’omettant. Viennent ensuite les trois autres demandes, et d’abord celle du pain quotidien : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour. » — S. Augustin : (Serm. 28, sur les parol. du Seig.) Le texte grec porte ™πιουσιον, qui est au-dessus de toute substance. Ce qui ne peut s’appliquer au pain qui entre dans le corps et le nourrit, mais au pain de la vie éternelle qui fortifie la substance de notre âme. La version latine l’appelle pain de chaque jour, et les Grecs, pain qui arrive (chaque jour). Or, si ce pain est le pain de chaque jour, pourquoi ne le prenez-vous qu’une fois chaque année, comme les Grecs dans l’Orient ont coutume de le faire ? Recevez chaque jour ce qui doit vous être utile chaque jour, et vivez de manière à mériter de le recevoir chaque jour. Ce pain est le symbole de la mort du Seigneur, et de la rémission des péchés. Celui qui est blessé cherche un remède à ses blessures; or, nous sommes blessés, puisque nous sommes esclaves du péché, et le véritable remède à nos blessures est ce sacrement descendu du ciel, et digne de toute notre vénération. Si vous le recevez tous les jours, chaque jour devient pour vous aujourd’hui, et chaque jour Jésus-Christ ressuscite pour vous; car le jour où Jésus-Christ ressuscite, doit être appelé véritablement aujourd’hui. — Tite de Bostr. (sur Matth.) Ou bien encore, le pain des âmes, c’est la vertu de Dieu qui devient pour nous le principe de la vie future et éternelle, comme le pain qui provient de la terre, sert à la conservation de la vie temporelle. Ainsi « le pain quotidien », dans l’intention du Sauveur, figure le pain divin qui approche et qui doit venir. Nous prions Dieu de nous l’accorder aujourd’hui, c’est-à-dire comme un commencement et un avant-goût de ce pain; ce qui se fait lorsque l’Esprit saint qui habite en nous y produit ces vertus qui surpassent toutes les vertus humaines, comme la chasteté, l’humilité, etc. — S. Cyrille : (comme précéd.) Il en est qui pensent qu’il n’est pas digne des âmes saintes de demander à Dieu les biens du corps, et qui, par conséquent, appliquent ces paroles à la vie spirituelle. J’admets que les biens spirituels doivent être l’objet principal et premier de la prière des saints, mais il faut cependant convenir qu’ils peuvent demander sans se rendre coupables, le pain ordinaire, puisque le Sauveur lui-même leur en fait un devoir. En effet, en leur enseignant à demander à Dieu du pain, c’est-à-dire la nourriture de chaque jour, il semble leur défendre de posséder autre chose, et leur commander de pratiquer une pauvreté honorable; car ce ne sont point ceux qui ont des biens qui demandent du pain, mais ceux que l’indigence opprime. — S. Basile : (Régl. abrég. quest. 252.) Le Sauveur semble nous dire : Ne vous en rapportez pas à vous-même, pour le pain quotidien qui vous est nécessaire pour soutenir votre vie de chaque jour; mais recourez à Dieu pour l’obtenir, en lui exposant les besoins de votre nature. — S. Jean Chrysostome : (hom. XIX, sur Matth.) Nous devons donc demander à Dieu, non pas la multiplicité des mets, les vins parfumés, et tout ce qui plait au goût, charge l’estomac, et trouble l’esprit; mais les choses nécessaires à la vie, le pain destiné à soutenir notre existence, c’est-à-dire celui qui nous suffit aujourd’hui, sans nous inquiéter du lendemain. Ainsi nous ne faisons qu’une seule demande pour les choses temporelles, celle de ne point être exposés à la privation [et à la souffrance] dans le présent. — S. Grégoire de Nysse : (Serm. 5 sur l’Orais.
dominic.) Le Sauveur, après nous avoir inspiré la
confiance qui vient de la pratique des bonnes oeuvres, nous enseigne à
implorer la rémission de nos fautes : « Et
pardonnez-nous nos offenses. » — Tite de Bostr. Aucun homme n’est sans péché, et Notre Seigneur, ajoute cette demande nécessaire, pour lever les obstacles que nos péchés apporteraient à la participation des saints mystères. En effet, nous sommes obligés d’offrir une sainteté parfaite à Jésus-Christ, qui fait de notre coeur la demeure de l’Esprit saint, et nous sommes gravement coupables, si nous ne conservons pas la pureté de ce temple intérieur. Or, si ce malheur nous arrive, la bonté de Dieu vient au secours de notre fragilité, en nous remettant la peine que nos péchés ont méritée. Le Dieu juste agit alors en toute justice avec nous, quand nous remettons nous-mêmes ce qui nous est dû, c’est-à-dire à ceux qui nous ont fait tort, et se sont rendus nos débiteurs. C’est pour cela qu’il ajoute : « comme nous remettons nous-mêmes à ceux qui nous doivent. » — S. Cyrille : (comme précéd.) Le Sauveur veut, pour ainsi parler, que Dieu soit l’imitateur de la patience dont les hommes lui donnent l’exemple, et qu’ils demandent à Dieu d’exercer à leur égard, dans la même mesure, la bonté dont ils font preuve à l’égard de leurs semblables, parce que Dieu sait rendre à chacun ce qui lui est dû, et être plein de miséricorde pour tous les hommes. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Une fois pénétrés de ces pensées, nous devons rendre grâces à nos débiteurs, car si nous savons bien l’apprécier, ils sont la cause de l’indulgence excessive [de Dieu] à notre égard; en effet, nous donnons peu pour recevoir beaucoup, car nous avons contracté envers Dieu des dettes nombreuses et considérables, et s’il en voulait exiger la moindre partie, nous serions perdus. — S. Augustin : (serm. 28 sur les par. du Seigneur.) Or, quelle est cette dette, si ce n’est le péché ? Si donc vous n’aviez rien reçu, vous n’auriez pas contracté de dettes, et c’est ce qui vous rend coupable. En effet, vous avez reçu un trésor qui vous a rendu riche en naissant, lorsque vous avez été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu; mais vous avez perdu ce trésor qui vous a été confié. Ainsi, quand vous avez cherché à soutenir votre orgueil, vous avez perdu le trésor de l’humilité; vous avez contracté à l’égard du démon une dette qui n’était pas nécessaire, et l’ennemi avait entre les mains votre engagement, mais Notre Seigneur l’a attaché à la croix et l’a effacé de son sang. Or, de même qu’il a effacé votre péché et qu’il vous a remis toutes vos dettes, il est encore assez puissant pour nous défendre contre les embûches du démon, qui est en nous l’auteur du péché; c’est pour cela qu’il nous fait ajouter dans cette prière : « Et ne nous induisez pas en tentation, » c’est-à-dire dans une tentation que nous ne pourrions pas supporter, car nous sommes comme l’athlète qui désire une épreuve proportionnée à ses forces. — Tite de Bostr. (sur Matth.) Il est impossible que nous soyons complètement à l’abri des tentations du démon, mais nous demandons à Dieu qu’il ne nous abandonne pas au milieu des tentations. L’Ecriture attribue ordinairement à l’action de Dieu, ce qui n’est l’effet que d’une simple permission (cf. Ez 14, 9), et c’est dans ce sens que Dieu nous induirait en tentation, s’il ne s’opposait au progrès d’une tentation au-dessus de nos forces. — S. Maxime : (Chronique des Pères grecs) Ou bien le Sauveur nous ordonne de demander à Dieu de ne point nous induire en tentation, c’est-à-dire de ne point permettre que nous soyons victimes des tentations volontaires de volupté. Quant aux tentations involontaires qui sont la suite des combats que nous soutenons pour la vérité, et qui nous entraînent dans de rudes épreuves, saint Jacques nous enseigne à ne point nous y laisser abattre : « Mes frères, nous dit-il, regardez comme la source de toute joie les diverses afflictions qui vous arrivent. » (Jc 1, 2.) — S.
Basile : (Régl.
abrég., quest. 221.) Cependant il ne convient pas
que nous demandions à Dieu, dans la prière, des afflictions corporelles.
Jésus-Christ nous commande en général de prier Dieu d’écarter de nous la
tentation, mais dès qu’elle se présente, nous devons demander à Dieu la force
nécessaire pour y résister, afin que nous puissions voir en nous
l’accomplissement de cette parole : « Celui
qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. » (Mt 10.) — S. Augustin : (Enchyrid., chap. 116.) Saint Luc n’a point rapporté la dernière demande que saint Matthieu ajoute à la précédente (« mais délivrez-nous du mal »), pour nous faire comprendre qu’elle fait partie de la prière que nous faisons à Dieu d’être délivrés des tentations. Aussi saint Matthieu s’exprime de la sorte : « Mais délivrez-nous, » pour montrer que c’est une seule et même demande; il ne dit pas : « Et délivrez-nous » ; il dit : ne nous exposez pas à ceci, mais accordez-nous cela, de sorte que chacun sache qu’il est délivré du mal, par là même qu’il n’est pas exposé à la tentation. — S. Augustin : (serm. 28 sur les par. du Seign.) Nous demandons tous d’être délivrés du mal, c’est-à-dire de notre ennemi et du péché, mais celui qui met en Dieu sa confiance, ne craint pas le démon, car si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? |
Lectio 2 [85853] Catena in Lc., cap. 11 l. 2 Cyrillus. Docuerat supra salvator ad petitionem apostolorum, qualiter
oportet orare : poterat autem contingere eos qui hoc salutare documentum
receperant, effundere quidem preces iuxta traditam formam, sed negligenter et
remisse hoc facere : deinde cum non exaudirentur per primam vel secundam
orationem, desistere ab orationibus. Itaque ne hoc pateremur,
per modum parabolae manifestat, quod pusillanimitas in orationibus damnosa
est. Utilissimum vero est in eis patientiam habere; unde dicitur et ait ad
illos : quis vestrum habebit amicum? Theophylactus.
Amicus iste Deus est, qui omnes amat et omnes salvos vult fieri. Ambrosius.
Quis etiam est nobis amicior quam qui pro nobis corpus suum tradidit?
Datur autem nobis hic alius praecepti modus, ut omnibus momentis, non solum
diebus, sed etiam noctibus, oratio deferatur; sequitur enim et ibit ad illum
media nocte : sicut petiit David quando dixit : media nocte surgebam ad
confitendum tibi; neque enim timuit excitare dormientem, quem scit semper
esse vigilantem. Nam si ille tam sanctus, et qui regni erat necessitatibus occupatus,
septies in die laudem domino dicebat; quid nos facere debemus, qui eo amplius
rogare debemus quo frequentius carnis ac mentis fragilitate delinquimus? Quid
quod diligendo dominum Deum tuum, non solum tibi, sed etiam aliis poteris
mereri? Sequitur enim et dicet illi : amice, commoda mihi tres panes, quoniam
amicus meus venit ad me de via, et non habeo quod ponam ante illum. Augustinus
de Verb. Dom. Quid autem sunt isti tres panes nisi mysterii caelestis alimentum?
Fieri enim potest ut aliquis passus fuerit amicum aliquid interrogantem quod
respondere non possit; et tunc se invenit non habere quando coactus est dare.
Venit ergo tibi amicus de via huius saeculi, in qua omnes velut peregrini
transeunt, nec ullus quasi possessor manet; sed omni homini dicitur : transi,
da venturo locum, aut forte de via mala, hoc est de vita mala, fatigatus
nescio quis amicus tuus non inveniens veritatem, qua audita et percepta
beatus fiat. Venit ad te tamquam ad Christianum, et dicit : redde mihi
rationem : et interrogat quod forte tu per simplicitatem fidei nesciebas; et
non est unde reficias esurientem et compelleris quaerere in dominicis libris
: fortassis enim quod ille interrogavit, in libro positum est; sed obscurum
est; ipsum Paulum, aut Petrum, aut aliquem prophetam interrogare non sineris
: iam enim requiescit familia ista cum domino isto suo; et saeculi huius
ignorantia valida est, hoc est nox media, et urget amicus esuriens, cui
simplex fides non sufficit. Numquid deserendus est? Ergo ad ipsum dominum,
cum quo familia requiescit, pulsa orando; de quo subditur et ille de intus
respondens dicat : noli mihi molestus esse. Qui differt dare, vult ut amplius
desideres dilatum, ne vilescat cito datum. Basilius.
Forsitan etiam ob hoc differt quasi ingeminans tui assiduitatem et
frequentiam erga se, et ut agnoscas quid donum Dei sit, et in timore donata
custodias. Quicquid enim aliquis multo labore acquirit, nititur custodire, ne
cum illud perdiderit, suum laborem amittat. Glossa.
Non ergo aufert impetrandi licentiam, sed vehementius accendit desiderium
orandi, ostensa difficultate consequendi; sequitur enim iam ostium clausum
est. Ambrosius.
Hoc est ostium quod aperiri sibi etiam Paulus exposcit, non solum suis,
sed etiam populi orationibus obsecrans se iuvari, ut aperiatur sibi ostium ad
loquendum mysterium Christi. Et fortasse illud est ostium quod apertum vidit
Ioannes, cui dictum est : ascende huc, et ostendam tibi quae oportet fieri.
Augustinus
de quaest. Evang. Significatur ergo tempus famis verbi cum intelligentia
clauditur, et illi qui apostolicam sapientiam tamquam panem erogantes per
orbem terrae praedicaverunt, iam sunt in secreta quiete cum domino; et hoc
est quod subditur et pueri mei mecum sunt in cubili. Gregorius
Nyssenus. Opportune eos qui per arma iustitiae impassibilitatem
vindicaverunt sibi, pueros appellat, docens quod bonum, quod per studia in
nobis acquiritur, ab initio fuerat in natura repositum : nam quando aliquis
abrenuntians carni per rationem, exercitio vitae virtuosae passionem
confutavit, tunc quasi puer insensibiliter se habet erga passiones. Cubile
autem requiem intelligimus salvatorum. Glossa.
Et propter praemissa subdit non possum surgere, et dare tibi : quod est ad
difficultatem impetrandi referendum. Augustinus. Vel aliter. Amicus ad
quem venitur media nocte, ut accommodet tres panes, utique ad similitudinem
ponitur secundum quam quis rogat Deum in media tribulatione constitutus, ut
ei tribuat intelligentiam Trinitatis, qua praesentis vitae consoletur
labores. Ipsa enim angustia media nox est, qua cogitur vehementer instare. In
tribus autem panibus etiam illud significatur, unius substantiae esse
Trinitatem. Amicus autem veniens de via intelligitur hominis appetitus, qui
debet rationi servire : serviebat autem consuetudini temporali : quam viam
vocat propter omnia transeuntia. Converso
autem homine ad Deum, etiam ille appetitus a consuetudine revocatur. Sed
si non consoletur interius gaudium de doctrina spirituali, qua creatoris Trinitas
praedicatur, magnae angustiae sunt in homine quem premit aerumna mortalis,
cum ab his quae foris delectant praecipitur abstinentia, et intus non est
refectio de laetitia doctrinae spiritualis : et tamen orando efficitur ut
accipiat desiderans intellectum a domino, etiamsi homo desit per quem
sapientia praedicetur; sequitur enim et ille si perseveraverit pulsans, dico
vobis : et si non dabit illi surgens eo quod amicus eius sit, propter
improbitatem tamen eius surget, et dabit illi quotquot habet necessarios.
Comparatio est a minori : si enim amicus homo surgit de lecto et dat, non
amicitia sed taedio compulsus, quanto magis Deus dat, qui sine taedio
largissime donat quod petitur? Augustinus
de Verb. Dom. Cum autem perveneris ad tres panes, hoc est ad cibum et
intelligentiam Trinitatis, habes et unde vivas, et unde pascas. Ne timeas, ne
finias : non enim panis ille finietur, sed indigentiam tuam finiet; disce et
doce, vive et pasce. Theophylactus. Vel aliter. Media nox finis est vitae, in quo multi
ad Deum adveniunt. Amicus autem est Angelus, qui accipit animam. Vel media
nox est profundum tentationum, in quo constitutus petit a Deo tres panes,
necessitatem scilicet corporis, animae et spiritus, per quae in tentationibus
non periclitamur. Amicus autem qui de via venit, ipse Deus
est, qui in tentationibus nos probat : cui non habet quod apponat qui in
tentatione infirmatur. Quod autem dicit et clausa est ianua, intelligendum
est, quod docet nos ante tentationes praeparatos esse; postquam vero
tentationi incidimus, praeparationis ianua clauditur, et imparati inventi,
nisi Deus adiuvet, periclitamur. |
Versets 5-9.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs.) Notre Seigneur, sur la demande des Apôtres, leur avait enseigné comment il faut prier; mais il pouvait arriver que ceux qui avaient reçu ces salutaires enseignements, tout en priant selon la forme qu’il avait prescrite, le fassent avec négligence et avec tiédeur; ou bien en voyant leur première ou leur seconde demande sans effet, abandonner complètement l’exercice de la prière. C’est pour les préserver de ce malheur qu’il nous montre, au moyen d’une parabole, que le découragement dans la prière est dangereux, et qu’il est on ne peut plus utile d’y persévérer avec patience : « Il leur dit encore : Si l’un de vous a un ami, ». — Théophylacte : Cet ami, c’est Dieu, qui aime tous les hommes, et qui veut sincèrement que tous soient sauvés (1 Tm 2, 4; 2 P 3, 9). — S. Ambroise : Qui d’ailleurs est plus notre ami que celui qui a livré son corps pour notre salut ? Le Seigneur nous donne encore ici un autre précepte, c’est que notre prière doit être continuelle, et que nous devons prier le jour comme la nuit : « Si l’un de vous a un ami, et qu’il aille le trouver au milieu de la nuit. » C’est ce que faisait David, quand il disait : « Je me levais au milieu de la nuit pour chanter vos louanges, » (Ps 118) car il ne craignait pas de réveiller de son sommeil celui qu’il savait avoir toujours les yeux ouverts [sur son peuple]. Or, si ce saint roi, tout occupé des besoins de son royaume, redisait sept fois le jour les louanges du Seigneur (Ps 118), que ne devons-nous pas faire nous-mêmes ? Notre prière ne doit-elle pas être d’autant plus fréquente, que la fragilité de notre chair et de notre esprit nous entraîne dans un plus grand nombre de fautes ? Et si vous avez un véritable amour pour le Seigneur votre Dieu, vous pouvez être exaucé, non seulement pour vous-mêmes, mais pour les autres. Voyez, en effet, la suite : « Et que cet ami lui dise : Mon ami, prêtez-moi trois pains, parce qu’un de mes amis vient d’arriver de voyage, et je n’ai rien à lui donner.» — S. Augustin : (serm. 29 sur les par. du Seign.) Que sont ces trois pains, sinon l’aliment céleste que nous offrent les divins mystères ? Or, il peut se faire qu’on ne puisse satisfaire à la demande d’un ami, et on reconnaît alors qu’on n’a pas ce qu’on devrait lui donner. Ainsi, un ami vous arrive de voyage, c’est-à-dire de la vie du monde, où tous les hommes passent comme des voyageurs, où ils n’ont pas de véritable propriété, mais où tout homme s’entend dire : Passez, faites place à celui qui doit vous succéder. Ou encore, cet ami vous arrive fatigué d’un mauvais voyage, c’est-à-dire d’une vie coupable, il n’a pas trouvé la vérité qu’il eût été si heureux d’entendre et de recevoir; il vient donc à vous, qui êtes chrétien, et il vous dit : Veuillez m’instruire. Or, peut-être vous demande-t-il ce que vous ignorez dans la simplicité de votre foi, vous ne pouvez donc apaiser la faim qui le tourmente, et vous êtes obligé de recourir aux livres du Seigneur, car, peut-être ce qu’il vous demande se trouve dans les saints Livres, mais enveloppé d’obscurité. Vous ne pouvez interroger Paul, ni Pierre, ni aucun prophète, car toute cette famille repose avec son maître. Cependant l’ignorance du monde est profonde, c’est le milieu de la nuit; votre ami, pressé par la faim, insiste auprès de vous, la foi dans sa simplicité ne lui suffit pas, faudra-t-il l’abandonner ? Allez donc trouver le Seigneur lui-même, avec lequel toute sa famille se repose, et frappez à la porte par vos prières : « De l’intérieur de la maison il vous répondra : Ne m’importunez pas. » Mais s’il tarde à vous donner, c’est pour vous faire désirer plus vivement ce qu’il diffère de vous accorder, et vous rendre ses dons moins ordinaire. — S. Basile : (Constit. monast., chap. 1.) Il diffère encore pour redoubler votre assiduité et vos instances près de lui, pour vous faire connaître ce que c’est que le don de Dieu, et comment il faut le conserver avec crainte, car on garde avec beaucoup plus de soin ce qui a coûté beaucoup à acquérir, de peur qu’en le perdant, on ne perde en même temps tout le fruit de son travail. — La
Glose : Loin donc de nous ôter [l’espérance et] le
pouvoir d’être exaucés, Notre Seigneur nous excite à prier avec plus
d’ardeur, en nous montrant la difficulté d’obtenir : « Déjà la porte est fermée. » — S. Ambroise : C’est cette porte que saint Paul demandait de voir s’ouvrir pour lui, non seulement par ses prières, mais à l’aide des prières des fidèles, « afin, disait-il, que Dieu nous ouvre une porte à la prédication de sa parole, afin d’annoncer le mystère de Jésus-Christ. » (Col 4.) Peut-être est-ce cette porte que saint Jean vit ouverte dans le ciel, lorsqu’il lui fut dit « Monte ici, et je te ferai voir les choses qui doivent arriver désormais. » — S.
Augustin : (Quest.
évang., liv. 2.) Nous voyons donc figurer ici ce
temps où les hommes devaient éprouver la faim de la parole de Dieu (Am 8, 11), lorsque l’intelligence est
fermée et que ceux qui ont distribué le pain de la sagesse évangélique, en
prêchant par tout l’univers, sont entrés dans leur repos mystérieux avec le
Seigneur, c’est ce que signifient les paroles suivantes : « Et mes enfants sont au lit comme
moi. » — S. Grégoire de Nysse : Il appelle ses enfants ceux qui ont conquis l’impassibilité avec les armes de la justice, et il nous enseigne que le bien que nous ne pouvons acquérir qu’au prix de grands efforts, avait été déposé dès le commencement dans notre nature. En effet, lorsqu’un homme a renoncé à la vie de la chair, et qu’à l’aide de la raison il triomphe de ses passions par la pratique d’une vie vertueuse [et sainte], il devient alors insensible comme un enfant, vis-à-vis de ses passions. Par le lit, il faut entendre le repos du Sauveur. — La Glose : Pour les causes qu’il vient d’énoncer, il ajoute : « Je ne puis me lever et vous donner, » ce qui se rapporte à la difficulté d’obtenir. — S. Augustin : (Quest. évanq., 2, 21.) Ou bien encore, cet ami qui vient au milieu de la nuit prier son ami de lui prêter trois pains, est la figure de celui qui, du milieu de la tribulation, prie Dieu de lui accorder l’intelligence de la Trinité, pour le consoler des travaux et des peines de la vie présente, car l’angoisse de la tribulation, c’est le milieu de la nuit, qui lui fait demander avec instance les trois pains dont il a besoin. Ces trois pains sont aussi la figure de l’unité de substance dans la Trinité. Cet ami qui arrive de voyage représente l’appétit sensuel de l’homme, qui doit être assujetti à la raison, mais qui était devenu l’esclave des habitudes du monde, qu’il appelle le voyage, parce que dans le monde tout est fugitif. Or, lorsque l’homme se convertit à Dieu, l’appétit sensuel est arraché à ses anciennes habitudes. Mais si en même temps la doctrine spirituelle qui proclame la Trinité du Dieu créateur, ne répand pas dans l’âme la consolation et la joie, l’homme est en proie à de grandes angoisses, et il est comme accablé par les chagrins de cette vie. En effet, d’un côté on lui interdit la joie qui vient des objets extérieurs, et il ne jouit pas dans son âme de la consolation que produit la doctrine spirituelle. Cependant, qu’il ne cesse de prier, et Dieu se rendant à ses désirs lui donnera l’intelligence, quand même il n’aurait aucun maître pour lui enseigner la sagesse : « Si cependant l’autre continue de frapper, je vous le dis, quand celui-ci ne se lèverait pas pour lui en donner, parce qu’il est son ami; cependant, à cause de son importunité, il se lèvera, pour lui donner tout ce dont il a besoin.» C’est une comparaison du moins au plus; car si un ami se lève de son lit et donne ce qu’on lui demande, pour se débarrasser d’un importun plutôt que par amitié, à combien plus forte raison Dieu donnera-t-il, avec abondance, lui qui accorde avec tant de liberté tout ce qu’on lui demande. — S. Augustin : (serm. 29 sur les par. du Seign.) Lors donc que vous aurez obtenu ces trois pains (c’est-à-dire la nourriture de votre âme dans l’intelligence de la Trinité), vous aurez l’aliment nécessaire à l’entretien de votre vie et de la vie des autres. Soyez sans inquiétude, donnez largement; car ce pain ne s’épuisera jamais, mais fera cesser votre indigence. Instruisez-vous et enseignez. Nourrissez votre âme, et donnez la nourriture à l’âme des autres. — Théophylacte : Ou bien dans un autre sens, le milieu de la nuit est la fin de la vie qui amène à Dieu un si grand nombre d’hommes, et cet ami est l’ange qui est chargé de recevoir notre âme. Ou bien encore, le milieu de la nuit représente l’abîme profond des tentations, du sein duquel on demande à Dieu les trois pains qui nous sauvent dans les tentations en venant au secours de notre corps, de notre âme et de notre esprit. Cet ami qui arrive de voyage, c’est Dieu lui-même, qui nous éprouve par les tentations, et celui que la tentation accable n’a rien à lui donner. De ce que dit Jésus : « La porte est fermée », il faut comprendre que c’est avant les tentations qu’il faut nous préparer, mais lorsque nous y sommes tombés, la porte de la préparation est fermée, nous sommes surpris dans notre imprévoyance, et si Dieu ne nous vient en aide, nous sommes en danger de périr. |
Lectio 3 [85854] Catena in Lc., cap. 11 l. 3 Augustinus de Verb.
Dom. Posita similitudine, adiunxit exhortationem dominus, et omnino
stimulavit nos quaerere, petere, pulsare, donec accipiamus quod petimus; unde
dicit et ego dico vobis : petite, et dabitur vobis. Cyrillus.
Quod dicit dico vobis, vim habet iuramenti : Deus enim non mentitur.
Quandocumque autem innuit audientibus aliquid cum iuramento, ostendit
inexcusabilem nostrae fidei parvitatem. Chrysostomus
in Matthaeum. Per petitionem autem orationem ostendit; per inquisitionem
vero studium et sollicitudinem, cum subdit quaerite, et invenietis : quae
enim quaeruntur, plurima cura indigent : quod maxime est in Deo. Plura namque
sunt quae sensum nostrum impediunt. Sicut ergo aurum perditum quaerimus, sic
Deum sollicite perquiramus. Ostendit etiam quod quamvis non aperiat illico
ianuam, tamen immorandum est; unde subdit pulsate, et aperietur vobis : quia
si quaerens immoraberis, utique recipies; ob hoc reclusum est ostium ut
faciat te pulsare : ideo non mox annuit ut exposcas. Graecus.
Vel per hoc quod dicit pulsate, forsitan insinuat petere cum effectu :
pulsat enim aliquis manu : boni autem operis signum est manus. Vel haec tria
possunt aliter distingui : virtutis enim initium est petere notam fieri viam
veritatis; secundus vero gradus est quaerere qualiter oporteat transire per
viam; tertius gradus est ut cum virtutes attigerit, pulset ad ostium, ut
intret spatiosam cognitionem : quae omnia orando aliquis acquirit. Vel petere
quidem est orare : quaerere vero, per bona opera agere orationi condigna;
pulsare autem est orationi immorari, nec desistere. Augustinus.
Non autem nos tantum hortaretur ut peteremus, nisi dare vellet. Erubescat
humana pigritia; plus vult ille dare quam nos accipere. Ambrosius.
Qui autem promittit aliquid, spem debet afferre promissi, ut mandatis
obedientia deferatur, promissis fides; et ideo subdit omnis enim qui petit
accipit, et qui quaerit invenit, et pulsanti aperietur. Origenes.
Quaeret autem aliquis qualiter quidam orantes non exaudiantur. Ad quod dicendum,
quod quicumque recto tramite ad quaerendum accedit, nil omittens ex his quae
conferunt ad petitorum obtentum, accipiet revera quod precatus est dari sibi
: si quis autem divertat a proposito debitae petitionis, cum non petat ut
decet, non petit; quo fit ut cum non recipiat, quod hic dicitur, non
falsificetur; nam et magistro dicente : quicumque veniet ad me, assequetur
disciplinarum peritiam, adire magistrum realiter accipimus, hoc est ut
ferventer et diligenter vacet documentis ipsius; unde et Iacobus dicit :
petitis et non accipitis, eo quod male petatis, scilicet causa voluptatum
vanarum. Sed dicet aliquis : immo cum aliqui rogant pro divina notitia
obtinenda et recuperatione virtutum, non obtinent. Cui dicendum, quod non
propter se bona petiverunt accipere, sed ut commendentur per ea. Basilius.
Si quis etiam ob torporem exhibeat se desideriis, et traditor sui fiat in
manus hostium, hunc Deus nec adiuvat, nec exaudit, eo quod per peccatum alienum
se fecit a Deo. Decet ergo offerre quidem quicquid interest sua; clamare
autem ad Deum, ut adiuvet eum. Est autem divinum subsidium implorandum non
remisse, nec mente huc illucque vagante : eo quod talis non solum non
impetrabit quod petit, sed magis dominum irritabit : nam si aliquis coram
principe stans, fixum habet et intrinsecum et extrinsecum oculum, ne forsitan
puniatur : quanto magis coram Deo attentum ac tremebundum oportet assistere?
Si vero debilitatus a peccato fixe nequis orare, quantumcumque potes te ipsum
cohibeas, ut stando coram Deo ad eum dirigas intellectum; et Deus ignoscit,
eo quod non ex negligentia, sed ex fragilitate non potes, ut oportet,
assistere coram Deo. Si sic ergo teipsum compellis, ne discedas donec
accipias. Ideo ergo quandoque petis et non accipis, quia perperam postulasti,
vel infideliter, vel leviter, vel non conferentia tibi, vel destitisti.
Saepius autem quidam obviant dicentes : quare oramus? An ignorat Deus quibus
opus est nobis? Novit quippe, et omnia spiritualia uberius dat nobis et
antequam postulemus; sed opera virtutis et regnum caelorum oportet prius
optare, optantem vero quaerere, ingerentem per fidem et patientiam quicquid
interest sua, in nullo delicto redargutum a propria conscientia. Ambrosius.
Ergo praeceptivus locus frequenter orandi spes est impetrandi. Ratio autem
persuadendi prius fuit in praecepto, postea fit in exemplo; quod ostendit
subdens quis autem ex vobis patrem petit panem, numquid lapidem dabit illi?
Cyrillus. In quo instruit nos salvator quiddam necessarium :
frequenter enim inconsulto, voluptatum impetu, irruimus ad perniciosa
desideria. Cum igitur aliquid talium a Deo petimus, nequaquam impetrabimus :
ad quod ostendendum utitur patenti exemplo ex his quae penes nos sunt : cum enim
filius tuus petit panem, gratanter propinas, quia cibum petit opportunum;
quando vero sensus penuria lapidem poscit ut comedat, non affers ei, sed
potius prohibes eum a nocivo desiderio : ut sit sensus : quis autem ex vobis
patrem petit panem, quem scilicet pater dat, numquid lapidem dabit illi? Scilicet
si petierit. Eadem quoque ratio est in serpente et pisce, de quo subdit aut
piscem; numquid pro pisce serpentem dabit illi? Et similiter in ovo et
scorpione, de quo subdit aut si petierit ovum, numquid porriget illi
scorpionem? Origenes.
Tu tamen attende, si panis quidem est animae cibus in cognitione, sine quo
non contingit salvari : puta perspicax ratio vitae debitae : piscis autem est
amor disciplinae; puta mundi constitutionem agnoscere, elementorum effectum,
et quaecumque consequenter disserit sapientia. Itaque nec vice panis Deus
propinat lapidem, quem volebat Diabolus a Christo manducari; nec vice piscis
serpentem, quem comedunt Aethiopes, indigni pisces comedere; nec similiter
dat vice nutritivi et utilis, non comestibilia et nociva : quod refertur ad
scorpionem et ovum. Augustinus
de quaest. Evang. Vel potius intelligitur caritas propter maiorem
appetitum et tam necessarium, ut sine illa cetera nihil sint, sicut sine pane
mensa est inops : cui contraria est cordis duritia, quam lapidi comparavit.
Piscis autem intelligitur fides invisibilium vel propter aquam Baptismi, vel
quia de invisibilibus locis capitur. Quod etiam fides huius mundi fluctibus
circumiactata non frangitur, recte pisci comparatur; cui contrarium posuit
serpentem propter venena fallaciae, quae etiam primo homini male suadendo
praeseminavit. In ovo intelligitur spes; ovum enim nondum est fetus
perfectus, sed fovendo speratur; cui contrarium posuit scorpionem, cuius
aculeus venenatus retro timendus est, sicut contrarium spei est retrospicere,
cum spes futurorum in illa quae ante sunt se extendat. Augustinus
de Verb. Dom. Quanta tibi loquitur mundus, quanta post dorsum strepit, ut
retro respicias? O munde immunde, quid strepis, quid avertere conaris? Tenere
vis periens; quid faceres si maneres? Quem non deciperes dulcis, si amarus
alimenta mentiris? Cyrillus.
Ex praemisso autem exemplo concludit si ergo vos, cum sitis mali, idest
cum mentem susceptivam pravitatis geratis, non autem uniformem et fixam in
bono, sicut Deus. Beda.
Vel malos vocat saeculi amatores, qui dant illa quae secundum sensum suum
iudicant bona; quae etiam in sua natura sunt bona, et ad usum infirmae vitae
pertinent; unde subdit nostis bona data dare filiis vestris. Apostoli etiam,
qui merito electionis bonitatem humani generis excesserant, supernae
bonitatis respectu, mali esse dicuntur : quia nihil per semetipsum bonum,
nisi deitas sola. Quod vero subditur quanto magis pater vester de caelo dabit
spiritum bonum petentibus se? Pro quo Matthaeus posuit : dabit bona
petentibus se, ostendit spiritum sanctum plenitudinem donorum Dei : quia
omnes utilitates quae ex donorum Dei gratia suscipiuntur, ex isto fonte
emanant. Athanasius.
Nisi autem spiritus sanctus esset de substantia Dei, qui solus est bonus,
nequaquam hic appellaretur bonus, quando dominus renuit dici bonus in eo quod
homo factus est. Augustinus
de Verb. Dom. Ergo, avare, quid quaeris? Aut si aliud petas, quid tibi sufficiat,
cui Deus non sufficit? |
Versets 9-13.
— S. Augustin : (serm. 29 sur les par. du Seig.) A cette parabole, Notre Seigneur ajoute une nouvelle exhortation pour nous exciter plus vivement à chercher, à demander, à frapper, jusqu’à ce que nous recevions ce que nous demandons : « Et moi, je vous dis de même, demandez, et il vous sera donné, ». — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Cette manière de s’exprimer : « Et moi, je vous dis, » équivaut à un serment; car Dieu ne peut mentir. Or, toutes les fois qu’il dit à ceux qui l’écoutent quelque chose avec serment, il ôte toute excuse à la faiblesse de notre foi. — S. Jean Chrysostome : (hom. 34 sur Matth.) En nous disant : « Demandez, » c’est la prière qu’il nous recommande : « Cherchez, » c’est le zèle et la sollicitude [dans la prière]. En effet, ce qui est l’objet de nos recherches, exige de grands soins, surtout dans les choses de Dieu, où notre intelligence rencontre tant d’obstacles. Cherchons donc Dieu avec la même sollicitude que nous cherchons l’or que nous avons perdu. Le Sauveur nous apprend encore à persévérer dans la prière, bien qu’il n’ouvre pas aussitôt la porte : « Frappez, et l’on vous ouvrira» ; si vous ne vous lassez pas de chercher, vous trouverez infailliblement, la porte n’est fermée que pour vous obliger de frapper, et s’il tarde à se rendre à vos désirs, c’est pour que vous demandiez avec plus d’instances. — Sévère d’Antioche : On bien encore, en nous disant : « Frappez, » peut-être nous enseigne-t-il à joindre les oeuvres à la prière; car c’est avec la main qu’on frappe, et la main est comme l’instrument des bonnes oeuvres. Ces trois choses peuvent encore s’entendre d’une autre manière; le premier degré de la vertu est de demander la connaissance de la voie qui conduit à la vérité; le second degré est de chercher à savoir comment on doit marcher dans cette voie; le troisième degré consiste, lorsqu’on est arrivé à la pratique des vertus, à frapper à la porte, pour entrer dans une connaissance plus étendue de la vérité, toutes choses qui s’obtiennent par la prière. Ou bien encore, demander, c’est prier; chercher, c’est joindre à la prière des oeuvres qui la rendent digne d’être exaucée; frapper, c’est persévérer dans la prière sans se décourager. — S. Augustin : (serm. 29 sur les par. du Seig.) Assurément, Dieu ne nous presserait pas si fortement de le prier, s’il n’avait l’intention de nous exaucer. Honte donc à la tiédeur de l’homme, Dieu est bien plus disposé à donner, que nous ne le sommes à recevoir. — S. Ambroise : Celui qui fait une promesse, doit donner l’espérance des choses qu’il promet, pour rendre plus faciles l’obéissance à ses commandements, et la confiance dans ses promesses. C’est pourquoi Notre Seigneur ajoute : « Quiconque demande, reçoit, qui cherche trouve, et l’on ouvrira à qui frappe.» — Origène : (Chronique des Pères grecs) On demandera peut-être pourquoi la prière n’est pas toujours exaucée, nous répondons que celui qui s’adresse à Dieu en toute droiture, et n’omet rien de ce qui peut assurer le succès de ses prières, obtiendra certainement ce qu’il a demandé. S’il s’écarte, au contraire, des règles prescrites à celui qui prie, sa prière, dépourvue des conditions voulues, n’est plus une prière. Si donc il ne reçoit rien, les paroles du Sauveur n’en sont pas moins véritables; car Dieu ayant dit : « Celui qui vient à moi, obtiendra la science de la sagesse, nous recevons en réalité la grâce de nous approcher du divin Maître, pour nous appliquer avec ferveur et avec zèle à l’accomplissement de ses préceptes. Saint Jacques dit de son côté : « Vous demandez, et vous ne recevez pas, » parce que vous demandez mal, c’est-à-dire dans l’intérêt de vos passions frivoles. On m’objectera qu’il en est qui prient pour obtenir la connaissance de Dieu, ou leur retour à la vertu, sans rien obtenir; je réponds que la raison en est qu’ils ont demandé ces biens, non pour eux-mêmes, mais pour l’estime [et la considération] qui pouvaient leur en revenir. — S. Basile : (Constit., 1.) Qu’un homme encore s’abandonne par lâcheté à ses désirs, et se livre lui-même entre les mains de ses ennemis, il ne peut espérer que Dieu ni le secoure, ni ne l’exauce, puisqu’il s’est volontairement éloigné de lui par son péché. Offrons donc à Dieu, dans la prière, toutes les dispositions qui dépendent de nous, et crions vers lui pour qu’il vienne à notre secours. Or, ce n’est pas avec tiédeur qu’il faut implorer le secours divin, ni avec un esprit distrait et égaré; une semblable prière, loin d’obtenir ce qu’elle demande, ne fait qu’irriter Dieu davantage. En effet, si lorsqu’on paraît devant un prince de la terre, on retient, par crainte du châtiment, dans l’attention la plus sévère, les yeux de l’âme et du corps, quelle ne doit pas être notre attention et notre tremblement, quand nous nous présentons devant Dieu pour prier ? Si la faiblesse, produite en vous par le péché, vous empêche de fixer votre attention dans la prière, faites-vous cependant violence dans la mesure du possible, afin qu’en paraissant devant Dieu, vous dirigiez vers lui tous les efforts de votre esprit; et Dieu vous pardonnera, parce que si vous ne vous présentez pas devant lui avec les dispositions convenables, ce n’est point tiédeur, mais fragilité. Si vous luttez ainsi contre vous-même, ne vous retirez pas que vous n’ayez été exaucé. Si, au contraire, votre prière reste quelquefois sans effet, c’est qu’elle n’avait pas les conditions voulues. Vous avez prié, ou sans foi, ou sans attention, ou sans discernement dans l’objet de votre prière, ou sans persévérance. Il en est souvent qui font cette difficulté, qu’avons-nous besoin de prier ? Est-ce que Dieu ne sait pas ce dont nous avons besoin ? Oui, Dieu le sait, et il nous donne avec abondance ses faveurs spirituelles, avant même que nous les demandions; mais pour les oeuvres de la vertu, et pour le royaume des cieux, il veut que nous en ayons d’abord le désir, que le désir nous porte à les chercher, en faisant avec foi et patience tout ce qui dépend de nous, et en prenant soin que notre conscience ne nous reproche aucune faute. — S. Ambroise : C’est ainsi que le précepte qui nous est donné de prier souvent, nous donne l’espérance certaine d’être exaucés. Le Sauveur cherche à nous convaincre d’abord par ce commandement qu’il nous donne, et ensuite par les exemples qu’il nous apporte : « Si quelqu’un demande du pain à son père, lui donnera-t-il une pierre ? » etc. — S. Cyrille : Le Sauveur nous donne ici une leçon bien nécessaire; car souvent nous nous jetons imprudemment, et par l’entraînement des passions, dans des désirs pernicieux. Or, lorsque nous portons devant Dieu l’expression de ces désirs, jamais nous ne serons exaucés; c’est pour nous convaincre de cette vérité, que Notre Seigneur emprunte une comparaison aux usages ordinaires de la vie. Que votre fils, en effet, vous demande du pain, vous vous hâtez de lui en donner, parce que sa demande est raisonnable [et légitime]. Mais si par défaut de discernement, il vous demande une pierre en guise de pain, loin de vous rendre à ce désir mauvais, vous le combattez avec raison. Voici donc le sens de ce passage : Si quelqu’un d’entre vous demande à son père du pain que son père est disposé à lui donner; lui donnera-t-il une pierre, s’il venait à l’en prier ? Le sens est le même pour le serpent et pour le poisson, pour l’oeuf et pour le scorpion. « Or, s’il lui demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Ou s’il lui demande un oeuf, lui donnera-t-il un scorpion ? » — Origène : (Chronique des Pères grecs) Attention cependant : si l’on peut entendre ce pain de l’aliment intérieur de l’âme, sans lequel on ne peut être sauvé, c’est-à-dire de l’intelligence claire de la vie qu’on doit mener, le poisson représentera l’amour de la science qui consiste à connaître la création du monde, les propriétés des éléments, et tout ce qui fait l’objet de l’enseignement de la philosophie. Ainsi Dieu, au lieu de pain, ne nous donne pas une pierre, que le démon pressait Jésus-Christ de manger (Mt 4, 3); au lieu de poisson, il ne nous donne pas un serpent tel qu’en mangent les Ethiopiens, qui sont indignes de se nourrir de poissons; en un mot, au lieu d’une nourriture bienfaisante et salutaire, il ne nous donne pas d’aliments dangereux et nuisibles, c’est ce que représente l’oeuf et le scorpion. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 22.) Ou bien encore, ce pain représente la charité, parce qu’elle est le bien le plus désirable et si nécessaire que tout le reste n’est rien sans elle, de même qu’une table sans pain est une table où manque le nécessaire. Le vice opposé à la charité, est la dureté du coeur, qui est comparée à une pierre. Le poisson représente la foi aux choses invisibles, ou à cause de l’eau du baptême, ou parce que le poisson est tiré des profondeurs invisibles des eaux. Le poisson peut aussi figurer la foi qui est assaillie et ballottée par les flots de ce monde, sans en être ébranlée. Au poisson, Notre Seigneur oppose le serpent, à cause de son venin de mensonge qu’il a jeté dans le coeur du premier homme en le portant au mal. L’oeuf est la figure de l’espérance; car l’oeuf n’est pas encore le petit être dans sa perfection, mais il en donne l’espérance aussitôt qu’il aura été couvé. Le Sauveur lui oppose le scorpion qui porte derrière lui le venin de son redoutable aiguillon; ainsi le défaut opposé à l’espérance, est de regarder en arrière, parce que l’espérance des biens futurs se porte toujours en avant. — S. Augustin : (serm. 29 sur les par. du Seig.) Que de sollicitations le monde vous adresse, que de bruit il fait après vous, pour vous faire regarder en arrière ! O monde impur, pourquoi ce bruit ? Pourquoi veux-tu nous détourner de la voie ? Tu veux nous retenir, tout périssable que tu es, que ne ferais-tu pas, si tes joies étaient durables ? Qui serait à l’abri des séductions de ta douceur, puisque tu sais nous tromper en ne nous donnant qu’un pain d’amertume ? — S. Cyrille : Notre Seigneur tire cette conclusion de l’exemple qu’il vient de citer : « Si donc vous, tout méchants que vous êtes, » c’est-à-dire dont l’âme est portée au mal, et n’est point constante et immuable dans le bien, comme Dieu. — S. Bède : On bien, il appelle ici mauvais les amateurs du monde, qui donnent des choses que dans leur appréciation ils croient bonnes, qui sont bonnes en effet par leur nature, et servent aux usages de cette misérable vie : « [Si donc vous, tout méchants que vous êtes], vous savez donner à vos enfants de bonnes choses. » Les Apôtres eux-mêmes qui, par la grâce de leur vocation, s’étaient élevés au-dessus de la bonté ordinaire des hommes, peuvent être cependant appelés mauvais, en comparaison de la bonté suprême, parce que rien n’est bon par soi-même, que Dieu seul. Les paroles qui suivent : « Combien plus votre Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent, » et dans saint Matthieu : « Combien plus donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent, » nous enseignent que l’Esprit saint est la plénitude des dons de Dieu; car tous les avantages que nous apporte la grâce des faveurs célestes, émanent de cette source. — S. Athanase : (I Dial. sur la Trin.) Or, si le Saint-Esprit n’était pas de la même substance que Dieu qui est seul bon, on ne lui donnerait pas ici la qualification de bon, puisque le Seigneur lui-même ne voulut point être appelé bon, en tant qu’il s’était fait homme. — S. Augustin : (Serm. 29, sur les parol. du Seig.) O avare, que demandez-vous donc ? ou si vous demandez autre chose, qu’est-ce qui pourra vous suffire, alors que Dieu même ne vous suffit pas ? |
Lectio 4 [85855] Catena in Lc., cap. 11 l. 4 Glossa.
Promiserat dominus quod spiritus bonus daretur orantibus : cuius quidem
beneficium subsequenti miraculo demonstrat; unde dicitur et erat Iesus
eiciens Daemonium, et illud erat mutum. Theophylactus. Cophos, quem
Latini interpretantur mutum, apud Graecos frequenter dicitur qui non
loquitur; dicitur etiam et qui non audit; sed magis proprie qui nec audit nec
loquitur. Qui autem a nativitate non audivit, ex necessitate non loquitur :
ea enim loquimur quae per auditum loqui docemur. Si quis tamen ex aliqua passione
superveniente auditum amiserit, hunc nihil prohibet loqui. Qui autem domino
oblatus fuit, et mutus erat lingua et surdus auditu. Titus.
Mutum autem vel surdum dicit Daemonium quod hanc ingerit passionem, quod
non audiatur divinum verbum. Nam Daemones auferentes aptitudinem humani
affectus, obtundunt animae nostrae auditum. Idcirco venit Christus ut eiciat
Daemonium, et audiamus verbum veritatis; unum enim sanavit, ut universalem
praegustationem faciat humanae salutis; unde sequitur et cum eiecisset Daemonium,
locutus est mutus. Remigius.
Daemoniacus autem iste apud Matthaeum non solum mutus, sed et caecus
fuisse narratur. Tria igitur signa simul in uno homine perpetrata sunt.
Caecus videt, mutus loquitur, possessus a Daemone liberatur quod quotidie completur
in conversione credentium, ut, expulso primum Daemone, fidei lumen aspiciant;
deinde ad laudes Dei tacentia prius ora laxentur. Cyrillus.
Hoc autem miraculo peracto, extollebat eum multitudo praeconiis, et gloria
quae Deum decet; unde sequitur et admiratae sunt turbae. Beda.
Turbis autem, quae minus eruditae videbantur, domini semper facta
mirantibus, Scribae et Pharisaei vel negare, vel sinistra interpretatione
pervertere laborabant; quasi non divinitatis, sed immundi spiritus opera
fuissent; unde sequitur quidam autem ex eis dixerunt : in Beelzebub principe
Daemoniorum eicit Daemonia. Beelzebub Deus erat
Accaron : nam Beel quidem ipse Baal, zebub autem musca vocatur. Dicit autem
Beelzebub, quasi vir muscarum; ex cuius spurcissimo ritu principem
Daemoniorum cognominabant. Cyrillus. Alii vero paribus stimulati livoris aculeis, petebant ab
eo caeleste videre portentum; unde sequitur alii tentantes signum de caelo
quaerebant ab eo : quasi dicerent : quamvis ab homine Daemonium eieceris, non
tamen hoc est divinae operationis argumentum : nondum enim vidimus aliquid
prioribus simile miraculis : Moyses enim transduxit populum per medium maris,
Iosue vero successor eius solem retardavit in Gabaon; tu vero nihil horum
ostendisti. Quaerere enim prodigia de caelo innuit, quod
huiusmodi cogitationibus tunc temporis afficiebantur erga Christum. |
Versets 14-16.
— La Glose : Notre Seigneur venait de promettre
que l’Esprit de bonté serait donné à ceux qui prient, et il donne des preuves
de cette bonté dans le miracle suivant : « Un
jour Jésus chassait un démon et ce démon était muet. » — Théophylacte : On appelle ordinairement chez les Grecs « muet » (xωφóς), celui « qui ne parle pas », et aussi celui « qui n’entend pas », mais la signification propre de ce mot, est « qui n’entend et ne parle pas ». Celui qui est sourd de naissance, est nécessairement muet, car nous ne parlons que parce que nous avons entendu parler. Au contraire, rien n’empêche que celui qui est devenu sourd par accident, ne puisse parler. Or, celui qui fut présenté au Seigneur était tout à la fois sourd et muet. — Tite de Bostr. (sur Matth.) L’Évangéliste dit que ce démon était muet ou sourd, parce qu’il produit en nous cette infirmité pour nous empêcher d’entendre la parole de Dieu. En effet, les démons détruisent les bonnes dispositions du coeur de l’homme, pour fermer [plus facilement] les oreilles de son âme : Or, Jésus-Christ est venu sur la terre pour chasser le démon, et nous faire entendre la parole de vérité, et dans ce seul homme qu’il a guéri, il nous a donné comme un avant goût du salut de tous les hommes. — S. Bède ou Saint Rémi : D’après saint Matthieu, ce démon non seulement était muet, mais encore aveugle. Notre Seigneur fait donc trois miracles dans la guérison de ce seul homme, il rend la vue à un aveugle, la parole à un muet, et il délivre un possédé du démon. Ce triple miracle se renouvelle encore tous les jours dans la conversion des infidèles; ils sont d’abord délivrés du démon, puis ils voient la lumière de la foi, et enfin leur bouche qui était muette, s’ouvre pour publier les louanges de Dieu. — S.
Cyrille : A la vue de ce miracle, la multitude
proclame les louanges et la gloire de Jésus à l’égal de celle de Dieu : « Et la foule était dans l’admiration. »
— S. Bède : Or, tandis que la foule, qui paraissait avoir moins d’instruction, ne pouvait voir sans admiration les œuvres du Sauveur, les scribes et les pharisiens cherchaient à les nier, ou à en donner une fausse interprétation, comme si elles avaient pour auteur non pas Dieu mais l’esprit immonde : « Quelques-uns dirent : c’est par Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons. » Béelzébub était le Dieu d’Accaron (1 R 1, 2.3.6.16), Béel est la même chose que Baal, et Zébub signifie mouche. On appelle donc cette fausse divinité Béelzébub, ou l’homme des mouches, à cause du culte impur qui était rendu au prince des démons. — S. Cyrille : D’autres, excités par les mêmes aiguillons de l’envie, lui demandaient de faire un prodige du ciel : « D’autres, pour le tenter, lui demandaient un signe du ciel, » et semblaient lui dire : Vous avez, il est vrai, chassé le démon de cet homme, mais ce n’est pas là une preuve de divinité, car nous n’avons encore rien vu de pareil aux anciens miracles, tels que ceux de Moïse, ouvrant au peuple de Dieu un passage au milieu de la mer (Ex 11); et de Josué, son successeur, qui arrêta le soleil à Gabaon. Or, vous n’avez jusqu’ici rien fait de semblable. La demande qu’ils font au Sauveur d’opérer un prodige dans le ciel, indique que telles étaient leurs pensées à son égard. |
Lectio 5 [85856] Catena in Lc., cap. 11 l. 5 Chrysostomus in Matthaeum. Cum Pharisaeorum suspicio irrationabilis
esset, metu multitudinis non audebant eam divulgare, sed in animo suo eam
vertebant; unde dicitur ipse autem ut vidit cogitationes eorum, dixit eis :
omne regnum in se divisum desolabitur, et domus supra domum cadet. Beda. Non ad dicta, sed ad cogitata respondit; ut vel sic
compellerentur credere potentiae eius, quae cordis videbat occulta. Chrysostomus.
Non autem respondebat ex Scripturis, quia non attendebant, falso eas
exponentes; sed ex his respondet quae communiter accidunt. Domus enim et
civitas si fuerit divisa, velociter dissipatur, et etiam regnum, quo nihil
est validius : firmat enim regna et domos subditorum concordia. Si ergo,
inquit, ego per Daemonem Daemonia eicio, dissensio inter eos est, et perit
virtus eorum; unde subdit si autem et Satanas in seipsum divisus est, quomodo
stabit regnum eius, quia dicitis me in Beelzebub eicere Daemonia? Non enim
Satanas sibiipsi repugnat, nec suis satellitibus nocet, sed potius statuit
regnum suum. Restat ergo quod divina virtute conteram Satanam. Ambrosius.
In hoc etiam ostendit regnum suum individuum esse, atque perpetuum : et
ideo qui non in Christo spem gerunt, sed in principe Daemoniorum eicere
Daemones opinantur, eos regni negat esse perpetui, quod spectat etiam ad
populum Iudaeorum. Quomodo enim potest regnum Iudaeorum esse perpetuum,
quando a legis populo Iesus negatur, qui ex lege debetur? Ita ex parte se
fides Iudaicae plebis impugnat, impugnando dividitur, dividendo dissolvitur;
et ideo regnum Ecclesiae manebit aeternum, quia individua fides corpus est
unum. Beda.
Regnum etiam patris et filii et spiritus sancti non est divisum, quod est
aeterna stabilitate mansurum. Desistant igitur Ariani iuniorem patre filium,
filio vero spiritum sanctum dicere : quia quorum unum est regnum, horum est
et una maiestas. Chrysostomus
in Matthaeum. Haec est prima solutio; secunda vero, quae est de
discipulis, quam ponit subdens si autem ego in Beelzebub eicio Daemonia,
filii vestri in quo eiciunt? Non dicit : discipuli mei, sed filii vestri,
volens eorum permulcere furorem. Cyrillus. Iudaei namque, et a
Iudaeis, secundum carnem, exorti sunt Christi discipuli : qui potestatem in
spiritus immundos adepti erant a Christo, et oppressos ab eis in nomine
Christi liberabant. Cum ergo filii vestri
Satanam in nomine meo conterunt, quomodo non habet multam amentiam, dicere me
a Beelzebub virtutem habere? Damnabimini igitur ex fide natorum vestrorum;
unde subditur ideo ipsi iudices vestri erunt. Chrysostomus. Quoniam enim ex vobis emanantes mihi obediunt, liquet
quod condemnabunt operantes contraria. Beda. Vel aliter. Filios Iudaeorum exorcistas gentis illius
significat, qui ad invocationem Dei eiciebant Daemones; quasi dicat : si
expulsio Daemonum in filiis vestris Deo, non Daemonibus deputatur : quare in
me idem opus non eamdem habeat causam? Ergo ipsi vestri iudices erunt, non
potestate, sed operatione, dum illi expulsionem Daemonum Deo assignant, vos
Beelzebub principi Daemoniorum. Cyrillus. Postquam ergo quod dicitis, calumniae notam habet,
manifestum est quod in spiritu Dei eicio Daemonia; unde subdit porro si in
digito Dei eicio Daemonia, profecto pervenit in vos regnum Dei. Augustinus
de Cons. Evang. Quod Lucas digitum Dei dicit, ubi Matthaeus dixit
spiritum, ab eadem sententia non recedit; quin potius et aliquid docet, ut
noverimus quemadmodum intelligamus ubicumque Scripturarum legerimus digitum
Dei. Augustinus
de quaest. Evang. Dicitur autem spiritus sanctus digitus Dei, propter
partitionem donorum, quae in eo dantur unicuique propria, sive hominum, sive
Angelorum; in nullis enim membris nostris magis apparet partitio quam in
digitis. Cyrillus.
Vel spiritus sanctus dicitur digitus Dei : filius enim manus et brachium
patris dictus est : operatur enim pater cuncta per eum. Sicut igitur digitus
non est alienus a manu, sed ei naturaliter insitus; sic spiritus sanctus
consubstantialiter connexus est filio, et per eum omnia filius operatur. Ambrosius.
Nec tamen tibi membrorum compactione nostrorum portio quaedam videatur
facienda virtutis; individuae enim rei non potest esse divisio; et ideo ad
formam unitatis, non ad distinctionem potestatis referenda digiti nuncupatio
est. Athanasius
contra Arianos. Ad praesens autem non renuit dominus gratia suae
humanitatis dicere se minorem spiritu sancto, dicens se in eo Daemones
eicere, quasi non sufficiente humana natura ad Daemonum expulsionem, nisi
virtute spiritus sancti. Cyrillus.
Et ideo convenienter dicitur pervenit in vos regnum Dei; idest, si ego,
homo existens, in spiritu divino eicio Daemones, ditata est humana natura in
me, et advenit regnum Dei. Chrysostomus
in Matthaeum. Dicit autem super vos, ut eos attraheret; quasi dicat : si
vobis adveniunt prospera, cur vestra bona fastiditis? Ambrosius.
Simul ostendit etiam imperialem quamdam esse spiritus sancti potestatem,
in quo regnum est Dei : nos quoque, in quibus habitat spiritus, esse regalem
domum. Titus.
Vel dicit pervenit in vos regnum Dei, ut intelligatur, pervenit contra
vos, non pro vobis : horrendus enim est perfidis Christi secundus adventus. |
Versets 17-20.
— S. Jean Chrysostome : (hom.
48, sur Matth.) Comme les pensées des pharisiens
étaient déraisonnables, ils n’osaient les divulguer par crainte de la
multitude, et se contentaient de les agiter dans leur esprit; ce qui fait
dire à l’Évangéliste : « Mais
Jésus connaissant leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre
lui-même sera détruit, et les maisons tombent l’une sur l’autre. » — S. Bède : Il ne répond pas à leurs paroles, mais à leurs pensées, pour les forcer ainsi de croire à la puissance de celui qui pénétrait le secret des coeurs. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Jésus ne tire pas sa réponse des Écritures, parce que leur témoignage eût été de nul poids pour les pharisiens qui en donnaient de fausses interprétations, il leur apporte donc un exemple emprunté à ce qui se passe ordinairement. En effet, une maison ou une ville divisée ne tarderont pas à être détruites; il en sera de même d’un royaume, qui est ce qu’il y a de plus fortement constitué; car c’est l’union des sujets qui fait la force des royaumes, comme des maisons particulières : Si donc, dit le Sauveur, je chasse les démons par le prince des démons, la division règne parmi eux, et leur puissance est détruite. C’est le sens de ces paroles : « Si Satan est divisé contre lui-même, comment son règne pourra-t-il subsister ? puisque vous dites que c’est par Béelzébul que je chasse les démons ?» Car loin que Satan soit contraire à lui-même, et se déclare contre ses suppôts, il cherche bien plutôt à consolider son empire. La seule conclusion possible, c’est donc que je triomphe du démon par une puissance toute divine. — S. Ambroise : Notre Seigneur nous enseigne encore par ces paroles, que son royaume est indivisible et perpétuel, et nous apprend que ceux qui ne placent point leur espérance en Jésus-Christ, mais qui osent dire que c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons, n’auront aucune part à son royaume éternel. Ces paroles s’appliquent aussi au peuple juif. En effet, comment le royaume des Juifs pourrait-il être éternel, alors que le peuple de la loi ne veut pas reconnaître Jésus, dont la loi annonçait la venue. C’est ainsi que la foi du peuple juif se met en opposition avec elle-même, qu’en se contredisant elle se divise, et que cette division entraîne sa ruine, tandis que le royaume de l’Église durera éternellement, parce qu’elle ne forme qu’un seul et même corps, grâce à sa foi une et indivisible. — S. Bède : Le royaume du Père, du Fils et de l’Esprit saint, ne souffre pas non plus de division, parce qu’il est fondé sur une immutabilité éternelle. Que les Ariens cessent donc de dire que le Fils est inférieur au Père, et l’Esprit saint au Fils, car ceux qui ne forment qu’un seul et même royaume, ont aussi une seule et même nature divine. — S. Jean Chrysostome : (hom. 42.) A cette première réponse, Jésus en ajoute une seconde qui concerne les disciples : « Or, si c’est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos enfants les chassent-ils ? » Il ne dit pas : Mes disciples, mais : « vos enfants, » pour adoucir leur fureur. — S. Cyrille : En effet, les disciples de Jésus-Christ étaient Juifs, et descendaient des Juifs selon la chair, ils avaient reçu de leur divin Maître le pouvoir de chasser les esprits immondes, et de délivrer au nom de Jésus-Christ ceux qui en étaient possédés. Quelle folie donc, alors que vos enfants écrasent Satan en mon nom, d’oser dire que c’est de Béelzébub que je tiens cette puissance ! La foi de vos enfants sera donc votre condamnation : « C’est pourquoi, leur dit-il, ils seront eux-mêmes vos juges. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 42.) Car puisqu’ils sont de votre nation, et qu’ils m’obéissent, il est manifeste qu’ils condamneront ceux qui tiennent une conduite contraire. — S. Bède : Ou bien encore, par ces enfants des Juifs, Notre Seigneur entend les exorcistes de cette nation, qui chassaient les démons par l’invocation du nom de Dieu; et tel est le sens du raisonnement du Sauveur : Si c’est de Dieu et non du démon que vos enfants tiennent le pouvoir de chasser les démons, pourquoi donc les chasserais-je en vertu d’un autre pouvoir ? Aussi vos enfants seront-ils vos juges, non par la puissance [qu’ils exerceront sur vous], mais par l’opposition [de leur conduite avec la vôtre], puisqu’ils reconnaissent que je chasse les démons par un pouvoir divin, et que vous attribuez ce pouvoir au prince des démons. — S.
Cyrille : Si donc ce que vous me reprochez est
marqué au coin de la calomnie, il est manifeste que c’est par l’Esprit de
Dieu que je chasse les démons. « Or,
si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, il est donc certain
que le royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 36.) Saint Luc dit : « par le doigt de Dieu, » et saint Matthieu : « par l’Esprit de Dieu, » mais ces deux expressions ont le même sens, et nous enseignent comment nous devons entendre cette locution : « le doigt de Dieu, » partout où nous la rencontrons dans l’Écriture. — S. Augustin : (quest. Evang., 2, 17.) Or, l’Esprit saint est appelé le doigt de Dieu, à cause de la distribution des dons dont il est l’auteur, et qui est propre à chacun des hommes et des anges; car la division n’est dans aucun de nos membres aussi apparente que dans les doigts. — S. Cyrille : (Trés., XIII, 2.) Ou bien encore, l’Esprit saint est appelé le doigt de Dieu, comme le Fils est appelé la main et le bras du Père, parce que c’est par le Fils que le père fait toutes choses. De même donc que le doigt n’est pas étranger à la main, mais lui est naturellement uni, ainsi l’Esprit saint est consubstantiellement uni au Fils, et c’est par lui que le Fils opère toutes choses (Ps 11; 97, 2). — S. Ambroise : Il ne faut pas cependant que cette comparaison tirée de l’union de nos membres vous porte à établir une espèce de division dans la puissance de chacune des personnes divines, car ce qui est un et indivisible ne peut admettre de division. Ainsi cette expression, « le doigt de Dieu » doit être entendue comme exprimant l’unité de nature et non la distinction de puissance. — S. Athanase : (2 disc. cont. les Ar.) Toutefois, pour le moment Notre Seigneur ne refuse pas, à raison de son humanité, de se déclarer inférieur à l’Esprit saint, en reconnaissant que c’est par lui qu’il chasse les démons, comme si la nature humaine ne pouvait opérer ce miracle sans le secours de ce divin Esprit. — S. Cyrille : C’est en suivant la même idée qu’il ajoute : « Le royaume de Dieu est venu jusqu’à vous, » c’est-à-dire : Si tout homme que je suis, je chasse les démons par l’Esprit de Dieu, la nature humaine à donc été enrichie en moi, [de grâces toutes particulières], et le royaume de Dieu est venu jusqu’à vous. — S. Jean Chrysostome : (hom. 42.) Il emploie cette expression : « jusqu’à vous, » pour les attirer davantage, comme s’il leur disait : Puisque Dieu vous comble de bienfaits, pourquoi cet orgueilleux dédain pour les grâces qu’il vous fait ? — S. Ambroise : Le Sauveur nous représente ici le Saint-Esprit, comme ayant une puissance souveraine, puisque c’est en lui que se personnifie le royaume de Dieu, et nous-mêmes comme étant une demeure royale, puisque ce divin Esprit daigne habiter en nous. — Tite de Bostr. Ou bien encore ces paroles : « Le royaume de Dieu est venu jusqu’à vous, » veulent dire : Est venu pour votre ruine, non pour votre bonheur; car le second avènement de Jésus-Christ sera terrible pour les chrétiens perfides. |
Lectio 6 [85857] Catena in Lc., cap. 11 l. 6 Cyrillus. Quia necessarium erat per multas considerationes
detrahentium retractare sermonem, utitur nunc exemplo manifestissimo, quod
demonstrat volentibus intueri, quod principem huius saeculi virtute sibi
insita vicit, dicens cum fortis armatus custodit atrium suum, in pace sunt ea
quae possidet. Chrysostomus in Matthaeum. Fortem vocat Diabolum, non quia
naturaliter huiusmodi sit, sed innuens antiquam eius tyrannidem, quam
pusillanimitas nostra causavit. Cyrillus.
Erat enim ante salvatoris adventum violentia multa, rapiens alienos
greges, scilicet Dei, et quasi ad proprium ducens ovile. Theophylactus.
Arma autem eius sunt omnes species peccatorum, in quibus confidens
invaluit contra homines. Beda.
Atrium vero illius mundum vocat, qui in maligno positus est, in quo usque
ad salvatoris adventum potiebatur imperio; quia in cordibus infidelium sine
ulla contradictione quiescebat, sed fortiori potentia Christus victor, omnes
homines liberando, ipsum eiecit; unde subditur si autem fortior illo
superveniens vicerit eum, universa arma eius auferet, in quibus confidebat,
et spolia eius distribuet. Cyrillus.
Postquam enim Dei summi verbum, totius fortitudinis dator, et dominus
virtutum, factum est homo, invasit illum, et arma eius abstulit. Beda.
Sunt ergo arma eius astutiae dolique nequitiae spiritualis; spolia vero
eius ipsi homines sunt ab eo decepti. Cyrillus.
Nam qui dudum irretiti fuerant ab eo Iudaei in divinam ignorantiam et
errorem, evocati sunt per sanctos apostolos ad notitiam veritatis, et oblati sunt
Deo patri per fidem adhibitam filio. Basilius. Distribuit etiam spolia, exhibens fideles custodias
Angelorum ad hominum salutem. Beda.
Victor etiam Christus spolia distribuit, quod est insigne triumphantis :
quia captivam ducens captivitatem, dedit dona hominibus : quosdam quidem
apostolos, alios Evangelistas, hos prophetas, illos pastores ordinans et
doctores. Chrysostomus.
Deinde ponitur quarta solutio, cum subditur qui non est mecum, adversum me
est; quasi dicat : ego volo homines offerre Deo, Satanas autem contrarium.
Qualiter ergo qui mihi non cooperatur, sed dissipat quae mea sunt, tam mihi
consentaneus fieret ut una mecum eiceret Daemones? Sequitur et qui non
colligit mecum, dispergit. Cyrillus.
Quasi dicat : ego veni ut filios Dei ab eo dispersos congregem; at ipse
Satanas, cum mecum non sit, quae collegi et salvavi, tentat dispergere.
Qualiter ergo qui meis dispensationibus refragatur, virtutem mihi ministrat?
Chrysostomus.
At si qui non cooperatur, adversarius est, multo magis qui obstat. Videtur
tamen mihi et Iudaeos ad praesens sub aenigmate tangere, ordinans eos cum
Diabolo : nam et ipsi agebant contra eum, et dispergebant quos congregabat. |
Versets 21-23.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Notre Seigneur voulant confondre ses accusateurs par le nombre et l’évidence des raisons, emploie une comparaison des plus claires, pour prouver à ceux qui veulent ouvrir les yeux, qu’il a triomphé du prince de ce siècle par la puissance qui lui est naturelle : « Lorsque l’homme fort armé garde sa maison, ce qu’il possède est en sûreté. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 42, sur Matth.) Il appelle le démon le fort armé, non qu’il tienne cette force de sa nature, mais pour exprimer la tyrannie qu’il exerçait depuis si longtemps par suite de notre faiblesse. — S. Cyrille : (Jn 12.) En effet, avant l’avènement du Sauveur, il se jetait avec une violence inouïe sur les troupeaux qui n’étaient pas à lui, mais à Dieu, comme pour les emmener dans sa propre bergerie. — Théophylacte : Les armes du démon sont les différentes espèces de péchés dans lesquelles il mettait toute sa confiance pour asservir les hommes à son empire. — S. Bède : Sa maison, c’est le monde entier qui est fondé sur le mal, (1 Jn 5, 19), et sur lequel le démon régnait en maître, jusqu’à l’avènement du Sauveur, parce qu’il habitait sans opposition dans le coeur des infidèles, mais il a été vaincu par la puissance bien supérieure de Jésus-Christ, qui a délivré les hommes de son esclavage, et l’a honteusement chassé : « Mais il en survient un plus fort que lui, qui le vainque, il lui enlève toutes les armes dans lesquelles il mettait sa confiance, et il distribue ses dépouilles.» — S. Cyrille : C’est en effet lorsque le Verbe du Dieu très-haut, source de toute puissance, et le Seigneur des vertus (cf. Ps 23, 10; 47, 9; 58, 6; 79, 19. 20; 83, 2, 4, 9, 13; 88, 9), a daigné se faire homme, qu’il s’est emparé du démon, et lui a enlevé ses armes. — S. Bède : Ses armes sont la ruse, les fourberies, et la méchanceté de son esprit; ses dépouilles sont les hommes qu’il trompe. — S. Cyrille : En effet, les Juifs qu’il retenait depuis longtemps dans les liens de l’ignorance de Dieu et de l’erreur, ont été appelés par les saints Apôtres à la connaissance de la vérité, et offerts à Dieu le Père, par la foi qu’ils avaient en son Fils. — S. Basile : (Comment. sur Is 18.) On peut aussi entendre par ces dépouilles qu’il a distribuées, les anges fidèles qu’il a préposés à la garde des hommes pour leur salut. — S.
Bède : Jésus-Christ vainqueur a distribué les
dépouilles, (ce qui est le propre des triomphateurs), lorsqu’il a mené
captive la captivité elle-même, et répandu ses dons sur les hommes, en
établissant les uns apôtres, les autres évangélistes, ceux-ci prophètes,
ceux-là pasteurs et docteurs. (Ep 4.) — S. Jean Chrysostome : (hom. 42.) Le Sauveur donne enfin une quatrième réponse, en ajoutant : « Celui qui n’est pas avec moi, est contre moi, » paroles dont voici le sens : Je veux donner les hommes à Dieu, Satan veut le contraire; comment donc celui qui, loin de se joindre à moi, dissipe ce qui m’appartient, pourrait-il s’entendre avec moi au point de joindre ses efforts aux miens pour chasser les démons ? « Et celui qui n’amasse point avec moi, dissipe au lieu d’amasser. » — S. Cyrille : C’est-à-dire : Je suis venu pour réunir les enfants de Dieu que le démon avait dispersés, et Satan qui n’est pas avec moi, s’efforce de disperser de nouveau ceux que j’ai cherché à recueillir et à sauver. Comment donc. celui qui s’oppose à tous mes desseins, pourrait-il me communiquer son pouvoir ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 42.) Si donc on est ennemi quand on refuse de joindre ses efforts à ceux d’un autre, à plus forte raison quand on y met obstacle. Le Sauveur me semble aussi avoir en vue les Juifs dans cette allégorie, et il les range avec le démon, parce qu’eux aussi se déclaraient contre lui, et dispersaient ceux qu’il rassemblait. |
Lectio 7 [85858] Catena in Lc., cap. 11 l. 7 Cyrillus. Post praemissa ostendit dominus unde contigit populo
Iudaeorum ut ad huiusmodi opiniones laberentur de Christo, dicens cum
immundus spiritus exierit ab homine, ambulat per loca inaquosa, quaerens
requiem. Quod enim hoc exemplum ad Iudaeos spectet, Matthaeus expressit
dicens : sic erit et generationi huic pessimae. Quamdiu enim erant in Aegypto
viventes ritu Aegyptiorum, inhabitabat in eis spiritus malignus, qui expulsus
est ab eis, quando mactaverunt agnum in figura Christi, et liniti sunt eius
sanguine, et sic evitaverunt destructorem. Ambrosius. Itaque in uno homine totius populi Iudaici comparatio
est, a quo per legem spiritus immundus exierat. Sed quia in gentibus, quorum
corda prius arida erant, sed postmodum per Baptisma rore spiritus
humescebant, propter fidem Christi requiem Diabolus invenire non potuit
(immundis enim spiritibus Christus incendium est) : ideo regressus est ad
plebem Iudaeorum; unde sequitur et non inveniens, dicit : revertar in domum meam
unde exivi. Origenes.
Idest ad eos qui sunt ex Israel : quos vidit nihil divinum in se
continentes, sed desertos et vacantes habitationi eius; unde sequitur et cum
venerit, invenit eam scopis mundatam. Ambrosius.
Forensi enim et perfunctoria specie compta animo manet interiore pollutior
: neque enim sacri fontis irriguo aut abluebat aut restinguebat ardorem :
meritoque ad eam spiritus redibat immundus, adducens secum septem spiritus
nequiores; unde sequitur et tunc vadit, et assumit septem alios spiritus
secum nequiores se; et ingressi habitant ibi : quoniam scilicet in hebdomada
legis et octavae mysterium commisit. Itaque, ut nobis multiplicatur
septiformis spiritus gratia; ita illis immundorum spirituum omnis cumulatur
iniuria : universitas enim hoc numero aliquoties comprehenditur. Chrysostomus
in Matthaeum. Incolunt autem animas Iudaeorum Daemones peiores prioribus :
nam tunc temporis in prophetas saeviebant, nunc vero ipsi domino prophetarum
iniuriantur; atque ideo a Vespasiano et Tito peiora passi fuerunt quam in
Aegypto et in Babylone; unde sequitur et fiunt novissima hominis illius
peiora prioribus. Tunc etiam aderat eis divina provisio et gratia spiritus
sancti; nunc vero etiam hac cura privantur; propter quod virtutis maior
penuria nunc, et aerumna intensior, et Daemonum exactio saevior. Cyrillus.
Sunt etiam novissima peiora prioribus, secundum illud apostolicum : melius
erat eis veritatis viam non cognoscere, quam post agnitam retroire. Beda.
Potest etiam hoc accipi de haeretico quolibet vel schismatico, vel etiam
malo Catholico, de quo, tempore Baptismatis, spiritus exierat immundus,
locaque inaquosa peragrat; idest, corda fidelium, quae a mollitie fluxae
cogitationis expurgata sunt, callidus insidiator explorat, si quos ibi
nequitiae suae gressus figere possit. Dicit autem revertar in domum meam unde
exivi : in quo timendum est ne culpa, quam in nobis extinctam credebamus, per
incuriam nos vacantes opprimat. Invenit autem eam scopis mundatam, hoc est
gratia Baptismatis a peccatorum labe castigatam, sed nulla boni operis
industria cumulatam. Per septem autem malos spiritus, quos assumit, universa
vitia designat. Nequiores autem dicuntur, quia non solum habebit illa septem
vitia quae septem spiritualibus sunt contraria virtutibus, sed etiam per
hypocrisim ipsas se virtutes habere simulabit. Chrysostomus
in Matthaeum. Non solum autem illis, sed et nobis fore dicta accipiamus
quae sequuntur et erunt novissima hominis illius peiora prioribus : quia si illustrati
et a pristinis malis remoti, denuo redimus ad eamdem nequitiam, gravior
deinceps erit poena sequentium peccatorum. Beda.
Posset etiam simpliciter intelligi, dominum haec ad distinctionem suorum
et Satanae operum adiunxisse, quod scilicet ipse semper polluta mundare,
Satanas vero mundata gravioribus sordibus contaminare festinet. |
Versets 24-27.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Notre Seigneur fait voir ensuite comment le peuple juif en est venu à se faire de semblables idées sur le Christ : « Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par les lieux arides, cherchant du repos.» Que le Sauveur applique aux Juifs cette comparaison, saint Maztthieu le dit clairement : « C’est ce qui arrivera à cette génération criminelle, » (Mt 12, 45.) En effet, lorsqu’ils vivaient en Égypte, en se conformant aux usages des Egyptiens, ils étaient la demeure de l’esprit mauvais, il en fut chassé lorsqu’ils immolèrent l’agneau qui était la figure du Christ, et qu’ils marquèrent leurs portes de son sang pour échapper à l’ange exterminateur. (Ex 12) — S. Ambroise : Dans ce seul homme, se trouve donc figuré tout le peuple juif qui avait été délivré de l’esprit mauvais par la loi. Cependant comme les coeurs des Gentils, arides d’abord, mais pénétrés ensuite de la rosée de l’Esprit saint par le baptême, ne pouvaient offrir au démon un lieu de repos, parce qu’ils croyaient en Jésus-Christ, et que Jésus-Christ est une flamme dévorante pour les esprits impurs, il revint vers le peuple juif : « Et comme il n’en trouve point, il dit : Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti. » — Origène : (Chronique des Pères grecs) C’est-à-dire : Je retournerai vers les enfants d’Israël qui n’ont en eux rien de divin, qui sont comme déserts, et m’offrent un endroit où je puis habiter. « Et lorsqu’il y est rentré, il la trouve nettoyée et parée. » — S. Ambroise : Mais sous cette pureté extérieure et apparente, l’intérieur n’en demeurait que plus souillé; car elle ne pouvait ni se purifier de ces souillures, ni éteindre le feu des passions dans les eaux de la fontaine sacrée; aussi l’esprit impur s’empressait-il de rentrer dans cette maison, avec sept esprits plus mauvais que lui : « Alors il s’en va prendre sept esprits plus méchants que lui, et entrant dans cette maison, ils en font leur demeure. » Juste punition du crime que ce peuple sacrilège avait commis en violant la semaine de la loi, et le mystère du huitième jour. Ainsi de même que la grâce se répand avec abondance sur nous par les sept dons de l’Esprit saint, toute la malice des démons s’empare aussi de ce peuple par ces sept esprits impurs; car le nombre sept, [dans l’Écriture], exprime ordinairement l’universalité. — S. Jean Chrysostome : (hom. 44 sur Matth.) Les démons qui habitent les âmes des Juifs sont pires que les premiers. Autrefois, ils traitaient avec cruauté les prophètes; aujourd’hui, c’est au Seigneur des prophètes lui-même que s’adressent leurs outrages, aussi en ont-ils été punis bien plus sévèrement par Vespasien et par Tite, qu’ils ne l’avaient été en Égypte et lors de la captivité de Babylone : « Et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. » Autrefois encore, ils étaient gouvernés par la divine Providence et par la grâce de l’Esprit saint, mais aujourd’hui cette protection toute paternelle leur fait défaut, et par suite, ils sont dans un dénuement complet de vertu, et en proie à des peines plus déchirantes et à toute la violence des démons. — S. Cyrille : Le dernier état devient pire que le premier, selon cette parole de l’apôtre [saint Pierre] : « Il eût mieux valu pour eux ne jamais connaître la voie de la vérité, que de s’en écarter après l’avoir connue. — S. Bède : On peut encore entendre ces paroles de tous les hérétiques, de tous les schismatiques, et même des mauvais catholiques qui, à l’époque de leur baptême, avaient été délivrés de l’esprit immonde. Ce mauvais esprit parcourt alors les lieux arides, c’est-à-dire qu’en tentateur rusé, il examine les coeurs des fidèles qui ont été purifiés de toutes les pensées impures et dangereuses, pour voir s’il peut y imprimer la trace de ses pas maudits. Il dit : « Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti. » Ces paroles doivent nous faire craindre que les fautes, que nous regardions comme à jamais effacées, ne profitent de notre négligence pour reprendre sur nous leur empire. Il trouve cette maison nettoyée, c’est-à-dire purifiée par la grâce du baptême des souillures du péché; mais complètement dénuée de l’ornement des bonnes oeuvres. Les sept mauvais esprits qu’il prend avec lui, représentent l’universalité des vices. Ces esprits sont plus mauvais que lui, parce que cette maison non seulement aura les sept vices directement opposés aux sept vertus spirituelles, mais elle voudra encore, par un sentiment d’hypocrisie, paraître avoir ces vertus. — S. Jean Chrysostome : (hom. 44.) Ce n’est pas seulement aux Juifs, mais à nous-mêmes, que s’appliquent les paroles suivantes : « Le dernier état de cet homme devient pire que le premier. » En effet, si après avoir été éclairés et délivrés de nos fautes passées, nous retournons à nos habitudes vicieuses, le châtiment qui attend ces nouvelles fautes sera bien plus terrible. — S. Bède : On peut encore dire simplement que Notre Seigneur n’a dans ces paroles d’autre but, que d’établir la distinction qui sépare ses oeuvres de celles du démon, c’est-à-dire que le caractère du Sauveur est de purifier tout ce qui est souillé, tandis que celui du démon est de s’empresser de souiller encore davantage ce que Jésus a purifié. |
Lectio 8 [85859] Catena in Lc., cap. 11 l. 8 Beda. Scribis et Pharisaeis dominum tentantibus, simul et
blasphemantibus, incarnationem eius magna fiducia quaedam mulier confitetur; unde
sequitur factum est autem cum haec diceret, extollens vocem quaedam mulier de
turba, dixit illi : beatus venter qui te portavit, et ubera quae suxisti :
ubi et praesentium calumniam, et futurorum confundit haereticorum perfidiam;
nam sicut tunc Iudaei, sancti spiritus opera blasphemando, verum Dei filium
negabant; sic haeretici postea negando Mariam semper virginem, spiritus
sancti cooperante virtute, nascituro unigenito Deo carnis suae materiam
ministrasse, verum consubstantialemque patri filium hominis fateri non debere
dixerunt. Sed si caro verbi Dei secundum carnem nascentis,
a carne virginis matris pronuntiatur extranea, sine causa venter qui eum
portasset, et ubera quae lactassent, beatificantur. Qua vero consequentia
eius lacte credatur nutritus ex cuius semine negatur conceptus, cum ex unius
et eiusdem fontis origine, secundum physicos, uterque liquor manare
perhibetur? Non autem tantummodo eam quae verbum Dei corporaliter generare
meruerat, sed et omnes qui idem verbum spiritualiter auditu fidei concipere,
et boni operis custodia vel in suo, vel in proximorum corde parere et quasi
alere studuerint, asserit esse beatos; sequitur enim at ille dixit : quinimmo
beati qui audiunt verbum Dei, et custodiunt illud. Chrysostomus
in Matthaeum. Non fuit hoc responsum repudiantis matrem, sed ostendentis
quod nihil ei partus profuisset, nisi valde bona et fidelis fuisset. Ceterum
si Mariae non proderat sine virtutibus animae Christum ab ea ortum traxisse :
multo magis nobis sive patrem, sive fratrem, sive filium virtuosum habeamus,
nos autem absistamus ab illius virtute, nequaquam hoc prodesse valebit. Beda.
Eadem autem Dei genitrix et inde quidem beata, quia verbi incarnandi
ministra est facta temporalis; sed inde multo beatior, quia eiusdem semper
amandi custos manebat aeterna. Hac etiam sententia sapientes Iudaeorum
percutit, qui verbum Dei non audire et custodire, sed negare et blasphemare
quaerebant. |
Versets 27-28.
— S.
Bède : Tandis que les scribes et les pharisiens
tentent le Seigneur, et blasphèment contre ses oeuvres, une simple femme
proclame avec une foi vraiment admirable le mystère de son incarnation : « Lorsqu’il parlait ainsi, une femme,
élevant la voix du milieu du peuple, lui dit : « Heureuses les
entrailles qui vous ont porté, et les mamelles que vous avez
sucées !» C’est ainsi qu’elle confond tout ensemble, les calomnies
des princes des Juifs et la perfidie des hérétiques futurs. En effet, de même
que les Juifs, par leurs blasphèmes contre les oeuvres de l’Esprit saint,
niaient que le Sauveur fût le vrai Fils de Dieu, ainsi les hérétiques, en
niant par la suite que, par la coopération de l’Esprit saint, Marie, toujours
vierge, ait contribué à former la chair du Fils de Dieu, n’ont pas voulu
reconnaître que le Fils de l’homme fût le Fils véritable du Père, de même substance
que lui. Mais si la chair du Verbe de Dieu fait homme, est étrangère à la
chair de la Vierge mère, pourquoi proclamer bienheureuses les entrailles qui
l’ont porté, et les mamelles qui l’ont allaité. Quelle raison de croire qu’il
ait été nourri de son lait, si l’on ne veut admettre qu’il ait été conçu de
son sang, puisque selon les médecins, le lait et le sang ont une seule et
même source. Or, ce bonheur n’est pas le partage exclusif de celle qui a
mérité d’enfanter corporellement le Verbe de Dieu, mais encore de tous ceux
qui s’appliquent à concevoir spirituellement par la foi ce même Verbe, à
l’enfanter et à le nourrir dans leur coeur, et dans celui du prochain, par la
pratique des bonnes oeuvres : « Mais
Jésus lui répondit : Bien plus heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu,
et qui la mettent en pratique. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur Matth.) En parlant de la sorte, le Sauveur ne reniait pas sa mère, mais il montrait qu’il n’eût servi de rien à Marie de l’avoir mis au monde, si elle n’eût d’ailleurs été le modèle de toutes les vertus. Or, s’il n’y avait aucun avantage pour Marie d’avoir donné le jour à Jésus-Christ, sans les vertus qui ornaient d’ailleurs son âme, n’espérons rien absolument des vertus d’un père, d’un frère ou d’un fils, si nous ne faisons aucun effort pour les imiter. — S. Bède : La Mère de Dieu est heureuse pour avoir été dans le temps l’instrument de l’incarnation du Verbe, mais elle est bien plus heureuse pour avoir gardé inviolablement et éternellement son saint amour. Ces paroles sont une condamnation des sages d’entre les Juifs qui, au lieu d’écouter la parole de Dieu et de la mettre en pratique, en faisaient un objet de négations et de blasphèmes. |
Lectio 9 [85860] Catena in Lc., cap. 11 l. 9 Beda. Duplici dominus fuerat quaestione pulsatus. Quidam enim
calumniabantur eum in Beelzebub eiecisse Daemonia, quibus hactenus est
responsum; et alii tentantes, signum de caelo quaerebant ab eo, quibus ab hinc
respondere incipit; unde sequitur turbis autem concurrentibus, coepit dicere
: generatio haec, generatio nequam est. Ambrosius.
Ut scias synagogae populum deformari, ubi Ecclesiae beatitudo laudatur.
Sicut autem fuit Ionas signum Ninivitis, ita erit et filius hominis Iudaeis;
unde subditur signum quaerit; et signum non dabitur ei, nisi signum Ionae
prophetae. Basilius.
Signum est res in propatulo posita, alicuius occulti continens in se
declarationem; sicut Ionae signum descensum ad Inferos ac iterum ascensum
Christi, et resurrectionem a mortuis repraesentat; unde subditur nam sicut
Ionas fuit signum Ninivitis, ita et filius hominis generationi isti. Beda.
Signum eis tribuit, non de caelo, quia indigni erant videre; sed de
profundo Inferni : signum scilicet incarnationis, non divinitatis; passionis,
non glorificationis. Ambrosius.
Ut autem Ionae typus signum dominicae passionis est, ita etiam gravium,
quae Iudaei commiserunt, testificatio peccatorum est. Simul advertere licet
et maiestatis oraculum, et pietatis iudicium : namque Ninivitarum exemplo et
denuntiatur supplicium, et remedium demonstratur; unde etiam debent Iudaei
non desperare indulgentiam, si velint agere poenitentiam. Theophylactus.
Sed Ionas post exitum suum a ventre ceti, sua praedicatione Ninivitas
convertit; Christo vero resurgenti Iudaeorum generatio non credidit : unde
praeiudicium fuit eis; de quo praeiudicio subdit duplex exemplum, cum dicitur
regina Austri surget in iudicio cum viris generationis huius, et condemnabit
illos. Beda.
Non utique potestate iudicii, sed comparatione facti melioris; unde
sequitur quia venit a finibus terrae audire sapientiam Salomonis : et ecce
plusquam Salomon hic. Hic in isto loco non pronomen est, sed adverbium loci,
et significat : idest, in praesentiarum inter vos conversatur qui
incomparabiliter est Salomone praestantior. Cyrillus.
Non autem dixit : maior Salomone ego sum; ut persuadeat nobis humiliari,
etsi fecundi sumus spiritualium gratiarum; quasi dicat : festinavit ad
audiendum Salomonem mulier barbara, per tam longum iter auditura scientiam
visibilium animantium, et vires herbarum; vos autem cum assistatis et
audiatis de invisibilibus et caelestibus ipsam sapientiam vos instruentem, et
verba signis et operibus comprobantem; alienamini contra verbum, et miracula
insensibiliter praeteritis. Beda.
Si autem regina Austri, quae electa esse non dubitatur, surget in iudicio
cum reprobis, ostenditur una cunctorum, bonorum scilicet malorumque,
resurrectio mortalium; et hoc non iuxta fabulas Iudaeorum mille annis ante
iudicium, sed in ipso esse futura iudicio. Ambrosius.
In hoc quoque Iudaeorum plebem damnans, Ecclesiae mysterium vehementer
exprimit, quae in regina Austri per studium percipiendae sapientiae de totius
orbis finibus congregatur, ut pacifici Salomonis verba cognoscat : regina
plane, cuius regnum est indivisum, de diversis et distantibus populis in unum
corpus assurgens. Gregorius
Nyssenus. Sicut autem illa regina erat Aethiopum, et longe distans; sic in
principio nigra erat Ecclesia gentium, et multum distabat a veri Dei notitia;
at ubi pacificus Christus emicuit, tunc, caecutientibus Iudaeis, accedunt
gentiles, offeruntque Christo pietatis aromata, et aurum divinae notitiae, et
gemmas, obedientiam scilicet praeceptorum. Theophylactus.
Vel quia Auster laudatur in Scriptura, sicut calidus et vivificans. Anima
igitur regnans in Austro, idest in spirituali conversatione, venit audire
sapientiam Salomonis regis pacifici domini Dei nostri; idest, in
contemplationem erigitur, ad quam nullus perveniet, nisi regnet in bona vita.
Ponit autem consequenter exemplum de Ninivitis, dicens viri Ninivitae surgent
in iudicio cum generatione hac, et condemnabunt illam. Chrysostomus
super Matthaeum. Condemnationis iudicium ex similibus vel dissimilibus fit
: ex similibus quidem sicut in parabola de decem virginibus; ex dissimilibus
autem, sicut cum Ninivitae condemnant eos qui erant tempore Christi, ut sic
fiat condemnatio clarior : nam illi quidem barbari, hi vero Iudaei; hi
refecti propheticis documentis, illi numquam acceperant auditum divinum :
illuc ivit servus, huc dominus; ille eversionem praedicabat, iste regnum
caelorum annuntiat. Notum est ergo cuilibet quod Iudaeos decebat potius
credere; accidit autem contrarium; unde subdit quia poenitentiam egerunt in
praedicatione Ionae; et ecce plusquam Ionas hic. Ambrosius.
Secundum mysterium autem, ex duobus constat Ecclesia : ut aut peccare
nesciat, quod scilicet pertinet ad Austri reginam; aut peccare desinat, quod scilicet
pertinet ad Ninivitas poenitentiam agentes. Poenitentia enim delictum abolet,
sapientia cavet. Augustinus
de Cons. Evang. Hoc autem Lucas narrat eo loco quidem quo Matthaeus, sed
aliquanto dispari ordine. Quis autem non videat superfluo quaeri quo illa
ordine dominus dixerit; cum et hoc discere debeamus per Evangelistarum
excellentissimam auctoritatem, non esse mendacium, si quisque non hoc ordine
cuiusquam sermonem digesserit quo ille a quo processit, cum ipsius ordinis
nihil intersit ad rem, sive ita sit, sive ita? |
Versets 29-32.
— S. Bède : Les ennemis du Sauveur lui avaient fait deux questions insidieuses, les uns l’accusaient de chasser les démons par Béelzébub, et nous l’avons vu confondre cette accusation; les autres, pour le tenter, demandaient un signe du ciel, et c’est à eux qu’il va répondre : « Et comme le peuple s’assemblait en foule, Jésus commença à dire : « Cette génération est une génération méchante, ». — S. Ambroise : Paroles qui indiquent que la synagogue perd toute sa beauté au moment où l’Église doit briller de tout son éclat. Or, le Fils de l’homme sera un signe pour les Juifs, comme Jonas l’a été pour les Ninivites : « Elle demande un signe, et il ne lui en sera pas donné d’autre que le signe du prophète Jonas. » — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Un signe est une chose sensible, placée sous les yeux de tous, et qui a pour objet de faire connaître une chose cachée, et c’est ainsi que les faits miraculeux de la vie de Jonas représentent la descente de Jésus aux enfers, sa sortie et sa résurrection d’entre les morts : « Car, comme Jonas fut un signe pour les Ninivites, le Fils de l’homme le sera pour cette génération. » — S. Bède : Il leur donne un signe, mais pas un signe du ciel, parce qu’ils étaient indignes de le voir, mais des profondeurs de la terre, c’est-à-dire le signe de son incarnation, non de sa divinité; le signe de sa passion, et non celui de sa gloire. — S. Ambroise : Le signe de Jonas n’est pas seulement la figure de la passion du Sauveur, mais encore un témoignage des crimes énormes commis par les Juifs, et nous y voyons une prophétie qui porte tout à la fois le caractère de la justice divine et celui de la miséricorde. En effet, l’exemple des Ninivites nous présente et la menace du supplice, et l’indication des moyens propres à l’éviter; et ainsi les Juifs eux-mêmes, ne doivent pas désespérer du pardon, s’ils veulent faire pénitence. —
Théophylacte : Mais les Ninivites se convertirent à
la prédication de Jonas, lorsqu’il fut sorti du ventre de la baleine, tandis
que les Juifs ont refusé de croire à Jésus-Christ ressuscité des morts, c’est
ce qui a été la cause de leur condamnation, et le Sauveur en donne
[successivement] deux preuves par comparaison : « La reine du Midi s’élèvera au jour du jugement contre les
hommes de cette génération, et les condamnera. » — S. Bède : Elle les condamnera, non par la puissance qui lui sera donnée de juger, mais par la simple opposition de sa conduite sage [avec celle des Juifs] : « parce qu’elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, » et cependant il y a ici plus que Salomon. Le mot hic (ici), en cet endroit, n’est pas un pronom, mais un adverbe de lieu, qui veut dire : Vous avez ici, et parmi vous, celui qui est incomparablement plus grand que Salomon. — S. Cyrille : Il ne dit pas : Je suis plus grand que Salomon, pour nous apprendre à nous humilier, alors même que nous sommes comblés de grâces spirituelles. Voici le sens de ces paroles : Cette femme barbare, sans tenir compte de la longueur du voyage, s’est empressée de venir entendre Salomon pour apprendre de lui la science des êtres visibles, et les propriétés des plantes; et vous qui, sans sortir de votre pays, entendez là sagesse elle-même vous enseigner les choses invisibles et célestes, et la voyez confirmer sa doctrine par des oeuvres et par des prodiges, vous vous révoltez contre sa parole, et ses miracles vous laissent insensibles. — S. Bède : Or, si la reine du Midi, qui est sans nul doute du nombre des élus, doit s’élever au jour du jugement avec les réprouvés, il est évident qu’il n’y aura pour tous les hommes, bons et mauvais, qu’une seule résurrection, et qu’elle n’aura pas lieu, conformément aux fables des Juifs, mille ans avant le jugement, mais au temps même fixé pour le jugement. — S. Ambroise : En même temps que le Sauveur condamne le peuple juif, il nous donne une figure éclatante de l’Église qui, semblable à la reine du Midi, et avide d’apprendre la sagesse, se rassemble des extrémités de la terre, pour entendre les paroles du Salomon pacifique; reine véritable, dont le royaume indivisible se compose des peuples les plus divers et les plus éloignés, réunis en même corps. — S. Grégoire de Nysse : (hom. 7 sur les Cant.) A l’exemple de cette reine d’Ethiopie qui venait d’un pays éloigné, l’Église, composée de ces différents peuples, était noire aussi au commencement, et très éloignée de la connaissance du vrai Dieu; mais aussitôt que le Christ pacifique apparut, tandis que les Juifs restent dans l’aveuglement, les Gentils viennent le trouver, pour lui offrir les parfums de la piété, l’or de la connaissance de Dieu, et les pierres précieuses de l’obéissance aux commandements. —
Théophylacte : Ou bien encore, de même que le vent
du midi, au témoignage de l’Écriture, répand la chaleur et la vie, ainsi
l’âme qui règne dans le Midi, c’est-à-dire dans une vie toute spirituelle,
vient entendre la sagesse du roi pacifique Salomon, qui est le Seigneur notre
Dieu, c’est-à-dire qu’elle s’élève jusqu’à la contemplation, dont on ne peut
s’approcher, qu’autant qu’on règne véritablement sur soi-même par une vie
vertueuse. Notre Seigneur apporte ensuite l’exemple des Ninivites : « Les Ninivites s’élèveront an jour
du jugement contre ce peuple, et le condamneront. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Le jugement de condamnation est prononcé par des personnes de même condition ou de condition différente; de même condition, comme dans la parabole des dix vierges; de condition différente, lorsque les Ninivites condamnèrent ceux qui vivaient au temps de Jésus-Christ. Ainsi la condamnation est on ne peut plus claire : en effet, les uns étaient des barbares, et les autres des Juifs; ceux-ci étaient nourris des enseignements prophétiques, ceux-là n’avaient jamais entendu la parole divine; Dieu n’envoya qu’un de ses serviteurs aux Ninivites, et lui-même vint trouver les Juifs; Jonas annonçait la destruction de Ninive, Jésus annonçait le royaume des cieux. Il est donc évident que les Juifs avaient beaucoup plus de motifs pour croire, mais c’est le contraire qui arriva : « Ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et il y a ici plus que Jonas. » — S. Ambroise : Dans le sens allégorique, l’Église se trouve dans deux états ou elle est exempte de fautes, ce que figure la reine du Midi, ou elle cesse d’en commettre, ce que représente la pénitence des Ninivites, car la pénitence efface le péché, et la sagesse l’évite. — S. Ambroise : (de l’acc. des Evang., 2, 39.) Saint Luc place ces paroles du Sauveur au même endroit que saint Matthieu, tout en suivant un ordre un peu différent. Mais qui ne voit qu’il est superflu de chercher dans quel ordre précis Notre Seigneur les a dites, puisque l’autorité si imposante des Évangélistes nous apprend que l’inversion dans le récit des actions ou des paroles ne détruit pas la vérité du fait qui reste toujours le même, quel que soit l’ordre dans lequel il est présenté ? |
Lectio 10 [85861] Catena in Lc., cap. 11 l. 10 Cyrillus.
Dicebant Iudaei dominum exercere miracula, non propter fidem, sed propter
applausus videntium. Reprobat igitur praesentem calumniam, inducens exemplum
lucernae, cum dicit nemo lucernam accendit et in abscondito ponit, neque sub
modio; sed supra candelabrum, ut qui ingrediuntur lumen videant. Beda.
De se ipso dominus hic loquitur, ostendens, etsi supra dixerit nullum
generationi nequam, nisi signum Ionae dandum, nequaquam tamen lucis suae
claritatem fidelibus occultandam. Ipse quidem lucernam accendit qui testam
humanae naturae flamma suae divinitatis implevit : quam profecto lucernam nec
credentibus abscondere, nec modio supponere, hoc est sub mensura legis
includere, vel intra unius Iudaeae gentis terminos voluit cohibere; sed supra
candelabrum posuit, idest Ecclesiam, quia in nostris frontibus fidem suae
incarnationis affixit, ut qui Ecclesiam fideliter ingredi voluerint, lumen
veritatis palam queant intueri. Denique praecepit ne opera tantummodo, sed et
cogitationes, et ipsas etiam cordis intentiones mundare et castigare
meminerint; nam sequitur lucerna corporis tui est oculus tuus. Ambrosius.
Vel lucerna fides est; iuxta quod scriptum est : lucerna pedibus meis
verbum tuum, domine. Verbum enim Dei fides nostra est. Lucerna autem lucere
non potest, nisi aliunde lumen acceperit : unde et virtus nostrae mentis et
sensus accenditur, ut mna quae perierat possit reperiri. Nemo ergo fidem sub
lege constituat : lex enim intra mensuram est, ultra mensuram gratia : lex
obumbrat, gratia clarificat. Theophylactus.
Vel aliter. Quia Iudaei videntes miracula accusabant ex eorum mentis
malitia, propter hoc dicit dominus quod accipientes lucernam a Deo,
intellectum scilicet, aemulatione obscurati, miracula et beneficia non
cognoscebant. Sed ad hoc intellectum a Deo suscepimus ut supra candelabrum
poneremus, ut etiam alii qui ingrediuntur, lumen videant. Sapiens quidem iam
ingressus est; qui vero addiscit, adhuc ambulat. Quasi Pharisaeis dicat :
oportet vos uti intellectu ad miraculorum notitiam, et aliis declarare : quoniam
quae videtis sunt opera non Beelzebub, sed filii Dei; unde secundum hunc
intellectum subdit lucerna corporis tui est oculus tuus. Origenes.
Oculum quippe appellat proprie intellectum nostrum; totam autem animam,
quamvis non corpoream, hic tropologice vocat corpus : illustratur enim ab
intellectu anima tota. Theophylactus.
Sicut autem corporis oculus si lucidus fuerit, corpus lucidum erit : si
vero tenebrosus, et corpus similiter tenebrosum : sic comparatur intellectus
ad animam; unde subditur si oculus tuus fuerit simplex, totum corpus tuum
lucidum erit : si autem nequam, totum corpus tuum tenebrosum erit. Origenes.
Intellectus enim a suo principio in solo simplicitatis studio est, nullam
continens duplicitatem et dolum et divisionem in se. Chrysostomus super
Matthaeum. Si ergo intellectum corruperimus, qui potest solvere passiones,
totam laesimus animam, patimurque diram caliginem, perversione excaecati
intellectus; unde subdit vide ergo ne lumen quod in te est tenebrae sint. Non
sensibiles dicit tenebras, sed intrinsecam habentes originem, et quas
nobiscum passim deferimus, extincto nobis oculo animae; de cuius luminis
virtute subdit, dicens si ergo corpus tuum totum lucidum fuerit, non habens
aliquam partem tenebrarum, erit lucidum totum, et sicut lucerna fulgoris
illuminabit te. Origenes.
Idest, si corpus tuum sensibile factum est luminosum, illustrato corpore a
lucerna, adeo ut non amplius in te sit membrum tenebrosum; multo magis te non
peccante, intantum fiet lucidum totum tuum corpus spirituale, ut comparentur
splendores eius illustranti lucernae, dum lux quae erat in corpore, quae
consueverat esse caligo, dirigitur quocumque praeceperit intellectus. Gregorius
Nazianzenus. Vel aliter. Ecclesiae lucerna et oculus est praelatus.
Necesse est ergo ut, sicut oculo puro verum habente corpus dirigitur, impuro
vero existente deviat : sic et in praelato, qualitercumque se habet, oportet
pariter naufragium pati Ecclesiam, vel salvari. Gregorius
Moralium. Vel aliter. Appellatione corporis unaquaeque actio intelligitur,
quae intentionem suam quasi intuentium oculum sequitur; unde dicitur lucerna
itaque corporis tui est oculus tuus, quia per bonae intentionis radium merita
illustrantur actionis. Si ergo oculus tuus simplex fuerit, totum corpus tuum
lucidum erit : quia si recte intendimus per simplicitatem cogitationis, bonum
opus efficitur, etiam si minus bonum esse videatur; et si oculus tuus nequam
fuerit, totum corpus tuum tenebrosum erit; quia cum perversa intentione quid
vel rectum agitur, etsi splendere coram hominibus cernitur, tamen apud examen
interni iudicis obscuratur; unde et recte subditur vide ergo ne lumen quod in
te est, tenebrae sint : quia si hoc quod bene nos agere credimus, ex mala
intentione fuscamus; quanta ipsa mala sunt quae mala esse, et cum agimus, non
ignoramus? Beda.
Cum autem subdit si ergo corpus tuum lucidum fuerit etc., totum corpus
nostrum omnia opera nostra dicit. Si igitur bonum bona intentione patraveris,
non habens in tua conscientia aliquam partem tenebrosae cogitationis; etsi
contigerit aliquem proximorum tua bona actione noceri, tu tamen pro tuo
simplici corde, et hic gratia, et in futuro lucis gloria donaberis. Quod
significat subdens et sicut lucerna fulgoris illuminabit te. Haec contra
hypocrisim Pharisaeorum sub dolo signa quaerentium, specialiter dicta sunt. |
Versets 33-36.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Les Juifs accusaient le Seigneur de faire ses miracles, non pour établir la foi, mais pour obtenir les applaudissements de ceux qui le voyaient. Il repousse cette calomnie par la comparaison de la lampe : « Il n’y a personne qui, ayant allumé une lampe, la mette en un lieu caché ou sous un boisseau, mais on la met sur un chandelier, afin que ceux qui entrent voient la clarté.» — S. Bède : Le Sauveur veut parler ici de lui-même, et comme il avait dit précédemment qu’il ne serait donné à cette génération que le signe de Jonas, il montre cependant que l’éclat de la lumière ne devait pas rester caché pour les fidèles. En effet, il a lui-même allumé cette lampe, lorsqu’il a rempli le vase de la nature humaine de la flamme de sa divinité; or, il n’a voulu ni dérober aux croyants la lumière de cette lampe, ni la mettre sous le boisseau, c’est-à-dire la renfermer sous la mesure de la loi, ni la restreindre dans les limites étroites du peuple juif, mais il l’a placée sur le chandelier, c’est-à-dire sur l’Église, parce qu’il a gravé sur nos fronts la foi en son incarnation, afin que ceux qui veulent entrer dans l’Église, conduits par la foi, puissent voir clairement la lumière de la vérité. Enfin, il nous prescrit aussi de purifier avec un soin tout particulier, non seulement nos actions, mais nos pensées et les plus secrètes intentions de notre coeur : « La lampe de votre corps, c’est votre oeil. » — S. Ambroise : Ou bien encore, cette lampe c’est la foi, selon ces paroles du Psalmiste : « Votre parole, Seigneur, est comme une lampe devant mes pas. » En effet, la parole de Dieu est notre foi, mais une lampe ne peut donner de lumière qu’autant qu’elle la reçoit d’ailleurs; c’est ainsi que les facultés de notre esprit et de notre intelligence sont éclairées pour nous aider à retrouver la drachme perdue (Lc 15, 8). Que personne donc ne place la foi sous la loi, car la loi est contenue dans une certaine mesure, mais la grâce ne connaît pas de mesure; la loi répand des ombres, tandis que la grâce projette de vives clartés. —
Théophylacte : Ou bien, dans un autre sens, comme
les Juifs, témoins des miracles de Jésus, en faisaient un sujet d’accusation
contre lui, à cause de la malice de leur esprit, Notre Seigneur leur
reproche, que tout en ayant reçu de Dieu une lampe allumée, c’est-à-dire
l’intelligence, l’envie les aveuglait au point de méconnaître ses miracles et
ses bienfaits. Nous avons donc reçu de Dieu l’intelligence pour la placer sur
le chandelier, afin que tous ceux qui entrent voient la lumière. Celui qui
est sage est déjà entré, mais celui qui est à l’école de la sagesse est encore
en chemin. Le Sauveur semble donc dire aux pharisiens : Votre intelligence
doit vous servir à reconnaître la véritable cause de mes miracles, et à
apprendre aux autres que les oeuvres dont vous êtes témoins, ne sont point
les oeuvres de Béelzébub, mais les oeuvres du Fils de Dieu. C’est en suivant
cette même pensée qu’il ajoute : « Votre
oeil est la lumière de votre corps. » — Origène : Il appelle oeil notre intelligence, et dans un sens métaphorique, il donne le nom de corps à toute notre âme, bien qu’elle soit immatérielle, car c’est par l’intelligence que l’âme tout entière est éclairée. —
Théophylacte : Si l’oeil du corps est lumineux, le
corps sera aussi dans la lumière, mais s’il est ténébreux, le corps également
sera dans les ténèbres. Ainsi en est-il de l’intelligence par rapport à
l’âme, et c’est pour quoi Notre Seigneur ajoute : « Si votre oeil est simple [et pur], tout votre corps sera
lumineux, si au contraire votre oeil est mauvais, tout votre corps sera dans
les ténèbres. » — Origène : Car l’intelligence, tant qu’elle reste fidèle à son principe, ne recherche que la simplicité et ne contient en elle-même ni duplicité, ni ruse, ni division. — S. Jean Chrysostome : (hom. 21 sur Matth.) Si donc nous laissons corrompre en nous l’intelligence qui devait nous affranchir de nos passions, nous avons fait à toute notre âme une profonde blessure, et l’aveugle perversité de notre intelligence nous plonge dans d’épaisses ténèbres : « Prenez donc garde, ajoute Notre Seigneur, que la lumière qui est en vous ne soit elle-même de vraies ténèbres. » Il semble parler de ténèbres sensibles, mais ces ténèbres ont une origine extérieure, et nous les portons partout avec nous, dès que l’oeil de notre âme vient à s’éteindre. C’est de la puissance de cet oeil, lorsqu’il est simple et lumineux que Notre Seigneur veut parler, quand il ajoute : « Si donc votre corps est tout éclairé, n’ayant aucune partie ténébreuse, il sera tout éclairé, comme lorsque la lampe vous éclaire de son éclat.» — Origène : C’est-à-dire : si votre corps matériel, lorsqu’il est éclairé par la lumière, devient tout lumineux, de telle sorte qu’il n’y ait plus en vous aucun membre dans les ténèbres, à plus forte raison si vous fuyez le péché, tout votre corps spirituel deviendra si lumineux, que son éclat sera semblable à une lampe qui répand partout sa lumière, alors que la lumière du corps qui, auparavant, était ténébreuse, se trouve dirigée au gré de l’intelligence. — S. Grégoire de Naziance : (Lettre 22.) Ou bien encore, la lumière et l’oeil de l’Église, c’est le Pontife; de même donc qu’un oeil pur et lumineux dirige sûrement tous les pas du corps, tandis qu’un oeil ténébreux l’égare infailliblement; ainsi le salut ou la ruine de l’Église sont attachés à la conduite bonne ou mauvaise du Pontife, quelle que soit sa qualité. — S. Grégoire : (Mor., 28, 6.) Ou bien enfin, dans un autre sens, le corps figure ici chacune de nos actions qui suit l’intention, comme un oeil qui l’éclaire. Dans ce sens, l’oeil est la lumière de notre corps, parce que la bonne intention rayonnant sur notre action, lui donne tout son éclat. Si donc votre oeil est simple, tout votre corps sera lumineux, parce que si une pensée simple rend votre intention droite, votre action deviendra bonne, quand même l’apparence extérieure serait défavorable. Mais si au contraire votre oeil est mauvais, tout votre corps sera dans les ténèbres, parce qu’une action, même bonne, faite avec une intention mauvaise, est toujours une oeuvre ténébreuse pour celui qui voit et juge l’intérieur, quand même cette action aurait un certain éclat aux yeux des hommes. C’est donc avec raison que Notre Seigneur ajoute : « Prenez donc garde que la lumière qui est en vous, ne se change en ténèbres », car si même les oeuvres que nous croyons bonnes, se trouvent obscurcies par une intention mauvaise, dans quelles ténèbres seront plongées les oeuvres que nous savons être mauvaises, quand nous les faisons. — S. Bède : Lorsque Notre Seigneur ajoute : « Si donc votre corps est tout éclairé, » etc., par le corps il entend toutes nos oeuvres. Si donc vous faites le bien avec une bonne intention, sans avoir dans votre conscience aucune pensée ténébreuse, alors même que votre bonne action pourrait nuire au prochain, cependant la droiture de votre coeur vous obtiendra la grâce de Dieu ici-bas, et dans la vie future les splendeurs de la gloire, auxquelles le Sauveur fait allusion dans les paroles suivantes : « Et il vous éclairera comme une lampe éclatante. » C’est surtout contre l’hypocrisie des pharisiens qui venaient astucieusement demander des signes, que ces paroles sont dirigées. |
Lectio 11 [85862] Catena in Lc., cap. 11 l. 11 Cyrillus.
Pharisaeus quamvis tenax esset sui propositi, dominum tamen in propriam domum
vocat; unde dicitur et cum loqueretur, rogavit illum quidam Pharisaeus ut
pranderet apud se. Beda.
Consulte Lucas non ait : et cum haec loqueretur; sed cum loqueretur, ut
ostendat eum non statim finitis quae proposuerat verbis, sed aliquot
interpositis, apud Pharisaeum prandere rogatum. Augustinus
de Cons. Evang. Ut enim hoc Lucas narraret, digressus est a Matthaeo circa
illum locum ubi ambo commemoraverant quod dictum est a domino de signo Ionae,
et de regina Austri, et de Ninivitis, et de spiritu immundo : post quem
sermonem dicit Matthaeus : adhuc eo loquente ad turbas, ecce mater eius et
fratres stabant foris, quaerentes ei loqui. Lucas autem in eo sermone domini,
commemoratis etiam quibusdam quae Matthaeus dixisse dominum praetermisit, ab
ordine quem cum Matthaeo tenuerat, digreditur. Beda.
Itaque postquam nuntiatis sibi foris matre et fratribus ait : qui enim
fecerit voluntatem domini, hic frater meus, et soror mea, et mater est, datur
intelligi, rogatu Pharisaei intrasse convivium. Cyrillus.
Sed ipse Christus, qui eorum Pharisaeorum nequitiam noverat, dispensative
condescendit, satagens commonere eos, ad similitudinem optimorum medicorum,
qui gravius infirmantibus afferunt remedia suae industriae; unde sequitur et
ingressus recubuit. Dedit autem occasionem verbis Christi indocilis
Pharisaeus scandalizatus, quia cum opinaretur eum iustum et prophetam, non
conformabatur irrationabili eorum consuetudini; unde subditur Pharisaeus
autem coepit intra se reputans dicere, quare non baptizatus esset ante
prandium. Augustinus
de Verb. Dom. Omni enim die Pharisaei antequam pranderent, abluebant se
aqua; quasi quotidiana lavatio possit cordis esse mundatio. Apud seipsum
autem Pharisaeus cogitavit, voce non sonuit : ille tamen audivit qui
interiora cernebat; unde sequitur et ait dominus ad illum : nunc vos,
Pharisaei, quod de foris est calicis et catini mundatis; quod autem intus est
vestrum, plenum est rapina et iniquitate. Cyrillus.
Poterat autem dominus et aliis uti verbis, commonens Pharisaeum insanum;
captat tamen tempus, et ex his quae erant prae manibus contexit documentum.
Hora namque mensae et pabuli, sumit pro exemplo calicem et catinum, ostendens
quod mundos et lotos decet esse sincere ministrantes Deo non solum a
spurcitia corporali, immo ab ea quae latet intrinsecus penes mentem : sicut
aliquod vasorum quibus servitur in mensa, bonum est et extrinsecis et
intrinsecis carere contagiis. Ambrosius.
Vide autem corpora nostra terrenorum et fragilium expressione significari,
quae brevi lapsu praecipitata franguntur, et facile ea quae mens volvit
interne, per sensus et gesta corporis prodit, sicut illa quae calix interius
continet, foris lucent : unde et in posterioribus non dubium est vocabulo
calicis passionem corporis declarari. Cernis igitur quod nos non exteriora
huius calicis et catini, sed interiora contaminant; quia dixit quod intus est
vestrum, plenum est rapina et iniquitate. Augustinus.
Sed quomodo non pepercit homini a quo fuerat invitatus? Magis quidem obiurgando
pepercit, ut correcto in iudicio parceret. Deinde ostendit nobis quia et
Baptisma quod semel adhibetur, per fidem mundat; fides autem intus est, non
foris. Fidem autem contemnebant Pharisaei, et quod foris erat lavabant, intus
inquinatissimi manebant; quod dominus improbat dicens stulti, nonne qui fecit
quod de foris est, etiam id quod intus est fecit? Beda.
Quasi dicat : qui utramque hominis naturam fecit, utramque mundari
desiderat. Hoc est contra Manichaeos qui animam tantum a Deo, carnem vero
putant a Diabolo creatam. Hoc etiam est contra illos qui corporalia peccata,
fornicationem scilicet, furtum, et cetera talia peccata, quasi gravissima
detestantur; spiritualia vero, quae non minus damnat apostolus, ut levia
contemnunt. Ambrosius.
Dominus autem, quasi bonus praeceptor, docuit quomodo nostri corporis
mundare contagium debeamus, dicens verumtamen quod superest date eleemosynam;
et ecce omnia munda sunt vobis. Vides quanta remedia. Mundat nos
misericordia, mundat nos Dei sermo : iuxta quod scriptum est : iam vos mundi
estis propter sermonem quem locutus sum vobis. Augustinus
de eleemosyna. Misericors monet misericordiam fieri : et quia servare
quaerit quos magno redemit pretio, post gratiam Baptismi sordidatos, docet
denuo posse purgari. Chrysostomus.
Dicit autem date eleemosynam, non iniustitiam; est enim eleemosyna quae
caret iniustitia qualibet : haec omnia facit munda, et ieiunio est
praestantior; quod quamvis sit laboriosius, illa tamen est lucrosior.
Illustrat animam, impinguat, bonam efficit et decoram. Qui cogitat misereri
roganti, citius a peccatis desistet. Sicut enim medicus qui crebro vulneratis
medetur, frangitur de facili in aerumnis aliorum; sic et nos si vacaverimus
egenorum auxiliis, de facili contemnemus praesentia, et in caelum levabimur.
Non parvum est igitur eleemosynae cataplasma, cum valeat omnibus apponi
vulneribus. Beda.
Dicit autem quod superest, scilicet necessario victui et vestimento. Neque
enim ita facienda iubetur eleemosyna ut teipsum consumas inopia; sed ut tui
cura corporis expleta, inopem quantum vales sustentes. Vel ita intelligendum
: quod superest, idest quod tam multo scelere praeoccupatis solum remedium
restat, date eleemosynam : qui sermo ad omnia quae utili miseratione fiunt,
valet : non enim solum qui dat esurienti cibum et cetera huiusmodi, verum
etiam qui dat veniam peccanti, atque orat pro eo; et qui corripit, et aliqua
emendatoria poena plectit, eleemosynam dat. Theophylactus. Vel dicit quod superest : nam facultates praesident
cupido cordi. Ambrosius. Totus itaque pulcherrimus ab hinc dirigitur
locus, ut quoniam nos ad studium simplicitatis invitat, superflua Iudaeorum
et terrena condemnet. Et tamen ipsis peccatorum abolitio promittitur, si
misericordiam consequantur. Augustinus
de Verb. Dom. Si autem mundari non possunt nisi credentes in eum qui fide
mundat cor, quid est quod dicit date eleemosynam, et ecce omnia munda sunt
vobis? Attendamus : forte et ipse exponit. Illi enim de omnibus suis
fructibus decimam partem detrahebant, et eleemosynas dabant; quod non facile
aliquis facit Christianus. Irriserunt ergo illum eis hoc dicentem, quasi
hominibus qui eleemosynas non facerent. Hoc Deus sciens subiungit sed vae
vobis Pharisaeis, qui decimatis mentham et rutam et omne olus, et praeteritis
iudicium et caritatem Dei. Non ergo est hoc facere eleemosynam; facere enim
eleemosynam, est facere misericordiam. Si intelligis, a te incipe : quomodo
enim es misericors alteri, si crudelis es tibi? Audi Scripturam dicentem :
miserere animae tuae, placens Deo. Redi ad conscientiam tuam quicumque male
aut infideliter vivis; et ibi invenis mendicantem animam tuam, vel forte
egestate obmutescentem. In iudicio et caritate fac eleemosynam cum anima tua.
Quid est iudicium? Displice tibi. Quid est caritas? Dilige Deum, dilige
proximum. Hanc eleemosynam si praetermittis, quantumvis ames, nihil facis
quando tecum non facis. Cyrillus.
Vel hoc dicit in Pharisaeorum reprehensionem : quia illa sola praecepta attentius
observari iubebant a populis subiectis quae causa erant illis reddituum
fecundorum; unde nec minima olerum postponebant, opus autem ingerendae
dilectionis ad Deum et iudicii iustam censuram negligebant. Theophylactus.
Quia enim Deum contemnebant, indifferenter sacra tractantes, praecipit eis
dilectionem Dei habere. Per iudicium vero dilectionem innuit proximi; nam
quod aliquis iuste iudicet proximo, ex eius dilectione provenit. Ambrosius.
Vel iudicium, ideo quia non omnia quae agunt in iudicium referunt :
caritatem, ideo quia non ex affectu diligunt Deum. Sed ne rursus fidei
studiosos nos faciat operum negligentes, perfectionem fidelis viri brevi
sermone concludit, ut et fide et operibus approbetur, dicens haec autem
oportuit facere, et illa non omittere. Chrysostomus
in Matthaeum. Ubi quidem sermo Iudaicae mundationis agebatur, totaliter
praeterivit; sed quia decima eleemosyna quaedam est, et nondum erat tempus
expresse interimendi legalia, propter hoc dicit haec oportuit facere. Ambrosius.
Arrogantiam quoque iactantium Iudaeorum redarguit, dum primatus appetunt;
sequitur enim vae vobis Pharisaeis, qui diligitis primas cathedras in
synagogis, et salutationes in foro. Cyrillus.
Per ea quibus illos reprehendit, nos facit meliores : vult etenim nos
ambitione carere, et non plus venari apparentiam quam veri existentiam; quod
tunc Pharisaei agebant. Salutari enim ab aliquibus, et praesidere eis, non
vere nos idoneos esse ostendit; pluribus enim haec contingunt, cum boni non
sint; unde subdit vae vobis qui estis ut monumenta quae non apparent.
Volentes enim ab hominibus salutari et eis praesidere ut magni aestimentur,
ab occultis sepulchris non differunt, quae nitent quidem extrinsecus
ornamentis, sunt autem plena omni spurcitia. Ambrosius.
Et quasi sepulchra quae non apparent, specie fallunt visuque decipiunt
transeuntes; unde sequitur et homines ambulantes supra nesciunt; ita scilicet
ut cum foris speciosa promittant, plena intus foetoris includant. Chrysostomus
in Matthaeum. Sed quod tales extiterint Pharisaei, non est mirabile; si
autem nos digni reputati fieri templa Dei, fiamus repente sepulchra solum
foetorem continentia, hoc est extremae miseriae. Cyrillus.
Ait autem hic apostata Iulianus, vitanda esse sepulchra, quae Christus
ipse ait esse immunda; sed ignoravit vim verborum salvatoris; non enim iussit
a monumentis discedere, sed eis comparavit Pharisaeorum fictitium populum. |
Versets 37-44.
— S. Cyrille : Un pharisien, malgré son opiniâtreté, invite cependant le Sauveur à venir dans sa maison : « Pendant qu’il parlait, un pharisien le pria de venir manger chez lui. » — S. Bède : C’est à dessein que saint Luc ne dit pas : Pendant qu’il disait ces choses, pour montrer que ce ne fut pas immédiatement après les enseignements qui précèdent, mais quelque temps après qu’il fut invité à dîner par le pharisien. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 26.) En effet, pour en venir à ce récit, saint Luc s’est séparé de saint Matthieu à cet endroit, où tous deux racontent les enseignements du Seigneur sur le signe de Jonas, la reine du Midi, des habitants de Ninive et l’esprit immonde, car saint Matthieu ajoute immédiatement : « Comme il parlait encore à la foule, sa mère et ses frères étaient dehors, cherchant à lui parler. » Saint Luc, au contraire, en rapportant ce discours du Seigneur, après avoir rapporté quelques autres paroles, omises par saint Matthieu, s’écarte de l’ordre suivi par cet Évangéliste. — S. Bède : Ainsi nous pouvons supposer que lorsque Jésus répond à ceux qui viennent lui annoncer que sa mère et ses frères sont dehors : « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère, » il était déjà entré sur l’invitation du pharisien dans la salle du festin. — S.
Cyrille : Mais Jésus, qui connaissait la malice des
pharisiens, s’applique à les ramener avec une miséricordieuse condescendance,
à l’exemple des bons médecins, qui déploient toutes les ressources de leur
art pour ceux de leurs malades dont l’état est plus grave : « Or, Jésus étant entré, se mit à
table. » Ce qui donna lieu aux sévères leçons qui suivent sur
l’étrange disposition d’esprit de ce pharisien, qui se scandalisait de ce que
Jésus, qu’il regardait comme un juste et un prophète, ne se conformait point
à leurs coutumes déraisonnables : « Le
pharisien commença à dire en lui-même : Pourquoi ne s’est-il pas purifié
avant le repas ? » — S. Augustin : (serm. 30 sur les par. du Seign.) En
effet, les pharisiens se purifiaient chaque jour avant leurs repas par des,
ablutions, comme si ces ablutions répétées pouvaient purifier leur coeur. Ce
pharisien avait eu cette pensée en lui-même, sans la manifester
extérieurement; mais il ne laissa pas d’être entendu par celui qui pénétrait
le fond de son coeur; « Et le
Seigneur lui dit : Vous autres pharisiens, vous purifiez le dehors de la
coupe et du plat, mais votre intérieur est plein de rapines et
d’iniquité. » — S. Cyrille : Le Seigneur aurait pu sans doute prendre une autre forme pour instruire ce pharisien insensé; cependant il saisit l’occasion favorable, et tire ses enseignements de ce qu’il avait sous les yeux. Il était à table à l’heure du repas, et il prend pour objet de comparaison les coupes et les plats, afin de nous apprendre que ceux qui veulent servir Dieu en toute sincérité, doivent être purs, non seulement de toute souillure extérieure, mais de celles qui se cachent dans l’intérieur de l’âme; de même qu’on doit tenir nets de toute souillure, extérieure et intérieure, les vases qui servent à l’usage de la table. — S.
Ambroise : Considérons l’image fidèle de nos corps
dans ces objets de terre si fragiles, qu’il suffit de les laisser tomber pour
qu’ils se brisent. De même encore que ce qui est dans une coupe paraît au
dehors, ainsi toutes les pensées qui s’agitent dans l’intérieur de notre âme
se révèlent facilement par les sens et par les actes de notre corps. Aussi
n’est-il pas douteux que dans ces paroles qu’il adressera plus tard [à Pierre
dans le jardin des Olives], la coupe ne soit l’emblème de sa passion. Vous
voyez donc que ce n’est pas l’extérieur de cette coupe ou de ce plat qui nous
souille, mais l’intérieur, suivant ces paroles du Sauveur : « Votre intérieur est plein de rapine
et d’iniquité. » — S. Augustin : (serm. 30 sur les par. du Seig.) Mais pourquoi Jésus n’épargne-t-il pas un homme qui l’avait invité ? Il se montre bien plus indulgent en lui faisant ce reproche, parce que cette indulgence est appliquée avec prudence et discernement. Il nous enseigne ensuite que le baptême, qu’on ne donne qu’une seule fois, purifie l’âme par la foi; or, la foi est à l’intérieur et non au dehors, et c’est cette foi que méprisaient les pharisiens, en se purifiant des taches extérieures, tandis que leur intérieur restait plein de souillures; contradiction que le Sauveur leur reproche par ces paroles : « Insensés, est-ce que celui qui a fait le dehors, n’a pas fait aussi le dedans ? » — S.
Bède : C’est-à-dire : Celui qui est l’auteur des
deux natures de l’homme, veut qu’elles soient toutes deux également pures,
paroles qui condamnent les manichéens, qui prétendent que l’âme seule a Dieu
pour auteur, et que le corps a été créé par le démon. Elles sont aussi la
condamnation de ceux qui détestent comme les plus grands crimes les péchés
extérieurs (la fornication, le vol et d’autres péchés semblables), et qui ne
tiennent nul cas des péchés spirituels qu’ils regardent comme légers, et que
saint Paul n’a pas moins condamnés. (Ga 5.) — S. Ambroise : Cependant, Notre Seigneur, comme un bon maître, nous enseigne comment nous devons nous purifier de ce qui peut souiller notre corps; « Néanmoins, faites l’aumône de votre superflu, et toutes choses seront pures pour vous. » Vous voyez quels remèdes puissants il met à votre disposition. Il nous donne pour nous purifier la miséricorde, il nous donne la parole de Dieu, comme il le dit lui-même dans saint Jean : « Vous êtes déjà purs à cause de la parole que je vous ai dite. » — S. Augustin : (de l’aumône.) Il est miséricordieux lui-même, et c’est pour cela qu’il nous commande de pratiquer la miséricorde; et comme il veut conserver à jamais ceux qu’il a rachetés à un si grand prix, il enseigne à ceux qui ont perdu la grâce du baptême, comment ils pourront se purifier de leurs souillures. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) « Donnez l’aumône, » dit-il, et non pas : Donnez le fruit de l’injustice, parce qu’en effet, il y a une aumône qui est pure de toute injustice. Cette aumône purifie toutes choses, et l’emporte sur le jeûne; car bien que le jeûne soit plus pénible, l’aumône est plus riche en avantages. Elle donne à l’âme de la lumière, de la force, de la bonté, de l’éclat. Celui qui pense à secourir l’indigent, s’éloignera promptement du péché; car de même qu’un médecin qui prodigue ses soins à un grand nombre de blessés, compatit plus facilement aux souffrances des autres, de même aussi si nous faisons notre occupation de secourir les pauvres, nous mépriserons plus facilement les choses présentes, et nos pensées s’élèveront vers le ciel. L’aumône est donc un remède bien efficace, puisqu’elle peut s’appliquer à toutes les blessures. — S. Bède : Notre Seigneur dit : « Donnez ce qui vous reste, » c’est-à-dire ce qui vous reste de la nourriture qui vous est nécessaire et de votre vêtement; car le précepte de l’aumône vous impose, non pas l’obligation de vous réduire à la mendicité, mais d’assister le pauvre dans la mesure du possible, après avoir donné à votre corps ce qu’il réclame. Ou bien, il faut entendre ces paroles : « Ce qui reste, » dans ce sens : Le seul remède qui reste à ceux qui sont coupables de tant de crimes, c’est de donner l’aumône. Or, ce précepte embrasse toutes les oeuvres de miséricorde; car donner l’aumône, ce n’est pas seulement donner du pain à celui qui a faim, ou d’autres secours de ce genre, mais pardonner à celui qui vous offense, prier pour lui, remplir le devoir de la correction, et infliger au besoin une punition salutaire. — Théophylacte : On peut encore traduire cette parole : « Quod superest », par ce qui domine, parce qu’en effet les richesses dominent les coeurs avides. — S. Ambroise : Tout ce magnifique passage a donc pour but de nous inspirer l’amour de la simplicité, et tout ensemble de condamner les jouissances terrestres et les superfluités des Juifs. Et cependant il leur promet aussi la rémission de leurs péchés, s’ils veulent être miséricordieux. — S. Augustin : (serm. 30 sur les par. du Seig.) Mais si l’on ne peut être purifié de ses péchés, qu’en croyant en celui qui purifie le coeur par la foi, pourquoi nous dit-il : « Faites l’aumône, et tout sera pur pour vous » ? Examinons attentivement l’explication qu’il nous donne lui-même [de cette difficulté]. Les pharisiens prélevaient la dixième partie de tous leurs fruits, pour en faire l’aumône, ce que ne font pas facilement les chrétiens; et ils se riaient des reproches que leur adressait le Sauveur, comme s’ils négligeaient le devoir de l’aumône. Jésus, connaissant leurs dispositions, ajoute : « Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dîme de la menthe, de la rue, et de toutes les herbes, et qui négligez la justice et l’amour de Dieu ! » En agissant de la sorte, vous ne faites pas l’aumône; car faire l’aumône, c’est pratiquer la miséricorde, si donc vous comprenez bien cette vérité, commencez par vous-même; car comment serez-vous miséricordieux pour les autres, si vous êtes cruel pour vous-même ? Écoutez la sainte Écriture qui vous dit : « Ayez pitié de votre âme, en cherchant à plaire à Dieu. » (Si 30, 24.) Rentrez dans votre conscience, vous qui vivez dans le vice ou dans l’infidélité, et vous y trouverez votre âme réduite à la mendicité, ou peut-être réduite au silence par son indigence même. Donnez donc l’aumône à votre âme en toute justice et en toute charité. Qu’est-ce que vous commande la justice ? De vous déplaire à vous-même. Comment remplir le devoir de la charité ? Aimez Dieu, aimez le prochain. Si vous négligez de faire cette aumône, quel que soit d’ailleurs votre amour, vous ne faites rien, puisque vous ne faites rien pour vous-même. — S. Cyrille : Ou bien encore, ces paroles sont une critique de la conduite des pharisiens, qui ne recommandaient à ceux qu’ils dirigeaient que l’observation stricte des préceptes qui étaient pour eux une source de revenus abondants, c’est ainsi qu’ils n’oubliaient aucune des plus petites herbes, tandis qu’ils négligeaient d’exciter au devoir de la charité envers Dieu, et de la justice exacte à l’égard des autres. — Théophylacte : Par là même qu’ils méprisaient Dieu, ils traitaient avec négligence les choses sacrées; il leur recommande donc l’amour de Dieu, en y ajoutant le devoir de la justice, il leur enseigne indirectement l’amour du prochain; car le juste jugement que l’on porte du prochain, ne peut venir que d’un véritable amour pour lui. — S.
Ambroise : Ou bien encore, il leur recommande le
jugement, parce que toutes leurs actions n’étaient pas conformes aux règles
de la justice; et la charité, parce qu’ils n’aimaient pas Dieu d’un véritable
amour. Cependant comme il ne veut pas que nous n’ayions de zèle que pour la
foi, sans nous occuper des oeuvres, il résume en une courte maxime la
perfection de l’homme fidèle, perfection qui exige le concours de la foi et
des oeuvres : « Il fallait,
dit-il, faire ces choses, et ne pas omettre les autres. » — S.
Jean Chrysostome : (Hom. 74 sur Matth.) Lorsqu’il a parlé des
purifications en usage chez les Juifs, il s’est bien gardé de dire rien de
semblable; mais comme la dîme était une espèce d’aumône, et que le temps de l’abolition
définitive des pratiques légales n’était pas encore venu, il leur dit : « Il fallait faire ces choses. » — S. Ambroise : Le Sauveur combat ensuite les orgueilleuses prétentions des Juifs qui recherchaient les premières places : « Malheur à vous, pharisiens, qui aimez les premières places dans les synagogues et les saluts sur les places publiques. » — S. Cyrille : En leur adressant ce reproche, Notre Seigneur veut nous rendre meilleurs. Il veut détruire en nous tout germe d’ambition, et nous apprendre à ne pas poursuivre l’apparence au lieu de la réalité, ce que faisaient alors les pharisiens. En effet, que nous soyons salués par les hommes, que nous soyions même à leur tête, ce n’est pas une preuve que nous en soyons dignes; car combien en est-il qui obtiennent ces avantages, tout mauvais qu’ils sont ? Aussi, Notre Seigneur s’empresse-t-il d’ajouter : « Malheur à vous qui êtes comme des sépulcres qui ne paraissent pas. » Car en désirant être salués par les hommes, et être mis à leur tête pour obtenir une [vaine] réputation de grandeur, ils ressemblent à des sépulcres qu’on ne voit pas ; au dehors, ils brillent par les ornements, dont ils sont couverts; au dedans, ils sont pleins de corruption. — S. Ambroise : Semblables encore à des sépulcres qui ne paraissent pas [ce qu’ils sont en réalité], ils séduisent par leurs apparences, et trompent les regards des passants : « Et les hommes marchent dessus sans le savoir, » c’est-à-dire qu’au dehors ils ne font paraître que magnificence, tandis qu’au dedans, ils sont pleins de pourriture. — S. Jean Chrysostome : (hom. 74.) Que les pharisiens fussent semblables à des sépulcres, rien de surprenant; mais que nous-mêmes, qui avons été jugés dignes de devenir les temples de Dieu, nous devenions tout d’un coup des sépulcres remplis de corruption, c’est le comble de la misère. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs, et contre Jul.) Julien l’Apostat conclut de ces paroles, que nous devons fuir les sépulcres que Jésus-Christ lui-même a déclarés immondes, mais il n’a point compris le sens des paroles du Sauveur, qui n’a point commandé de fuir toute communication avec les sépulcres, mais qui a comparé à des sépulcres le peuple hypocrite des pharisiens. |
Lectio 12 [85863] Catena in Lc., cap. 11 l. 12 Cyrillus. Redargutio quae mansuetos transfert in melius, superbis
hominibus communiter intolerabilis esse solet; unde cum salvator
reprehenderet Pharisaeos tamquam deviantes a recto calle, percellebatur ex
hoc legisperitorum caterva; unde dicitur respondens autem quidam ex
legisperitis, ait illi : magister, haec dicens, etiam nobis contumeliam facis.
Beda.
Quam misera conscientia, quae audito Dei verbo, sibi contumeliam fieri
putat : et commemorata poena perfidorum, se semper intelligit esse damnandam.
Theophylactus.
Erant autem alii legisperiti a Pharisaeis : nam Pharisaei divisi ab aliis,
quasi religiosi videbantur; legis autem periti Scribae erant, doctoresque
quaestiones legis solventes. Cyrillus.
Christus autem legisperitis invectivam ingerit, et deprimit vanum eorum
supercilium; unde sequitur at ille ait : et vobis legisperitis vae : quia
homines oneratis oneribus quae portare non possunt, et ipsi uno digito non
tangitis sarcinas. Exemplo patenti utitur ad eos dirigendum. Erat lex onerosa
Iudaeis, ut fatentur Christi discipuli; ipsi vero fasces importabiles legis
colligantes, et subditis superponentes, ipsi nullatenus operari curabant.
Theophylactus.
Quoties etiam doctor facit quae docet, alleviat fascem, tradens ad
exemplum seipsum : quando vero nil agit eorum quae docet, tunc graves fasces
videntur eis qui doctrinam suscipiunt, utpote qui nec a doctore possunt
portari. Beda.
Recte autem audiunt quod sarcinas legis uno digito non tangerent; hoc est,
nec in minimis quidem eam perficerent, quam se contra morem patrum sine fide
et gratia Christi servare, et servanda tradere praesumebant. Gregorius.
Tales quoque modo plures sunt iudices severi peccantium, et debiles
agonistae; intolerabiles legislatores, et debiles portatores; neque
appropinquare volentes, nec palpare vitae honestatem, quam irremediabiliter
exigunt a subiectis. Cyrillus.
Postquam igitur reprobavit onerosam legisperitorum officinam, inducit
communem invectivam in cunctos principes Iudaeorum, dicens vae vobis qui
aedificatis monumenta prophetarum, et patres vestri occiderunt illos. Ambrosius.
Bonus est hic locus adversus superstitionem vanissimam Iudaeorum : quia
aedificando sepulchra prophetarum, patrum suorum facta damnabant; aemulando
autem paterna scelera, in seipsos sententiam retorquebant : non enim
aedificatio, sed aemulatio loco criminis aestimatur; unde subdit profecto
testificamini quod consentitis operibus patrum vestrorum : quoniam quidem
ipsi eos occiderunt, vos autem aedificatis eorum sepulchra. Beda.
Simulabant quidem se, ob favorem vulgi captandum, patrum suorum horrere
perfidiam, memorias prophetarum qui ab eis occisi sunt, magnifice honorando;
sed ipso ore testificantur quantum paternae nequitiae consentiant, iniuriis
agendo dominum a prophetis praenuntiatum; unde subditur propterea et
sapientia Dei dixit : mittam ad illos prophetas et apostolos, et ex illis
occident et persequentur. Ambrosius.
Dei sapientia Christus est. Denique in Matthaeo habes : ecce ego mitto ad
vos prophetas et sapientes. Beda.
Si autem eadem sapientia Dei prophetas apostolosque misit, cessent
haeretici Christo ex virgine principium dare; omittant alium legis et
prophetarum, alium novi testamenti Deum praedicare; quamvis saepe etiam apostolica
Scriptura prophetas non eos solum qui futuram Christi incarnationem, sed eos
qui futura caelestis regni gaudia praedicunt appellet. Sed nequaquam hos crediderim apostolis in catalogi ordine praeferendos. Athanasius. Sive autem occidant, mors occisorum altius contra eos
clamabit; sive persequantur, memorialia suae iniquitatis emittunt. Fuga enim
persecutionem passorum in magnum redundat persequentium crimen : nemo enim
pium et mansuetum fugit, sed potius austerum et moribus imbutum iniquis; et ideo
sequitur ut inquiratur sanguis omnium prophetarum, qui effusus est a
constitutione mundi a generatione ista. Beda. Quaeritur quomodo sanguis omnium prophetarum atque iustorum
ab una Iudaeorum generatione requiratur, cum multi sanctorum, sive ante incarnationem,
sive post, ab aliis nationibus sint interempti. Sed
moris est Scripturarum duas saepe generationes hominum, bonorum malorumque
computare. Cyrillus.
Etsi ergo dicat demonstrative a generatione ista, non exprimit solum tunc
astantes et audientes, sed quemlibet homicidam : astruitur enim simili simile.
Chrysostomus
in Matthaeum. Ceterum si dicat, Iudaeos graviora passuros; hoc non
immerito fit, eo quod et peiora omnibus ausi sunt, et nullo praeteritorum
castigati fuerunt; sed cum vidissent alios peccasse et punitos fuisse, non
fuerunt meliores effecti, sed similia commiserunt; non autem ita quod pro
commissis aliorum alii luant poenam. Theophylactus.
Ostendit autem dominus Iudaeos esse heredes malitiae Cain, ex eo quod
subdit a sanguine Abel usque ad sanguinem Zachariae, qui periit inter altare
et aedem. Abel siquidem a Cain occisus est; Zachariam autem, quem occiderunt
inter altare et aedem, quidam dicunt esse antiquum Zachariam filium Ioiadae
sacerdotis. Beda.
Quare igitur a sanguine Abel, qui primus martyrium passus est, mirum non
est; sed quare usque ad sanguinem Zachariae, quaerendum est, cum et multi
post eum usque ad nativitatem Christi, et ipso mox nato innocentes perempti
sint; nisi forte, quia Abel pastor ovium, Zacharias sacerdos fuit, et hic in
campo, ille in atrio templi necatus est, utriusque gradus martyres, et laici
scilicet, et altaris officio mancipati, sub eorum intimantur vocabulo. Gregorius
Nyssenus. Quidam autem dicunt, quod Zacharias pater Ioannis spiritu
prophetiae coniciens mysterium virginitatis intactae Dei genitricis,
nequaquam sequestravit illam a loco templi virginibus deputato, volens
ostendere quod in potestate conditoris omnium erat novum ortum ostendere, qui
enixae vigorem caelibatus non auferret. Erat
autem hic locus medius inter altare et aedem, in qua erat altare aeneum
situm, ubi propter hoc eum occiderunt. Aiunt etiam, quod, cum audirent regem
mundi venturum, dispensative metu subiectionis aggrediuntur eum qui
attestabatur ortum ipsius, mactantes sacerdotem in templo. Graecus. Alii autem aliam causam dicunt esse interitus Zachariae :
cum enim occiderentur infantes, magnus Ioannes cum coaetaneis suis occidendus
erat; sed Elisabeth eripiens filium de medio caedis, petiit eremum : unde cum
satellites Herodis Elisabeth et puerum non invenirent, convertunt iram in
Zachariam, occidentes ipsum ministrantem in templo. Sequitur
vae vobis legisperitis, qui tulistis clavem scientiae. Basilius.
Haec vox vae, quae intolerabilibus profertur doloribus, eis convenit qui
paulo post detrudendi erunt in grave supplicium. Cyrillus.
Clavem autem scientiae ipsam dicimus esse legem : erat enim lex umbra et
figura iustitiae Christi. Decebat ergo legisperitos quasi indagantes legem
Moysi et dicta prophetarum, reserare quodammodo populo Iudaeorum ianuas
notitiae Christi. Hoc autem non fecerunt; sed e contra derogabant divinis
miraculis, et contra eius dogmata clamabant : quid eum auditis? Sic igitur
tulerunt, idest abstulerunt, clavem scientiae; unde sequitur ipsi non introistis,
et eos qui introibant prohibuistis. Sed et fides est clavis scientiae : fit
enim per fidem veritatis cognitio, secundum illud : nisi credideritis, non
intelligetis. Sustulerunt igitur legisperiti clavem
scientiae, non permittentes homines credere in Christum. Augustinus
de quaest. Evang. Sed et clavis scientiae est humilitas Christi, quam nec
ipsi intelligere, nec ab aliis intelligi volebant. Ambrosius.
Arguuntur etiam adhuc sub nomine Iudaeorum, et futuro supplicio statuuntur
obnoxii : quia cum doctrinam sibi divinae cognitionis usurpent, et alios
impediant, nec ipsi quod profitentur agnoscunt. Augustinus
de Cons. Evang. Haec autem omnia Matthaeus narrat esse dicta postquam
dominus in Ierusalem venerat. Lucas autem hic narrat, cum adhuc dominus iter
ageret in Ierusalem : unde mihi similes videntur esse sermones, quorum ille
alterum, iste alterum narravit. Beda.
Quam autem vera perfidiae, simulationis et impietatis suae crimina
audierint Pharisaei et legisperiti, ipsi testantur, qui non resipiscere, sed
doctorem veritatis insidiis moliuntur aggredi; sequitur enim cum autem hoc ad
illos diceret, coeperunt Pharisaei et legisperiti graviter insistere. Cyrillus. Sumitur autem insistere pro instare, vel invidere, vel
saevire. Coeperunt autem interrumpere sermonem eius in
pluribus; unde sequitur et os eius opprimere de multis. Theophylactus.
Cum enim plures interrogant unum de diversis materiis, cum nequeat simul
omnibus respondere, videtur insipientibus quod dubitet. Hoc igitur ingeniabantur
et illi nefarii contra ipsum; sed et aliter quaerebant os eius opprimere;
scilicet ut provocarent eum ad aliquid dicendum, unde posset damnari; unde
sequitur insidiantes ei, et quaerentes aliquid capere de ore eius, ut
accusarent eum. Quod primo dixerat opprimere, nunc dicit capere, vel rapere,
aliquid ex ore eius. Interrogabant eum nunc quidem de lege, ut arguant eum
quasi blasphemum obloquentem de Moyse; nunc vero de Caesare, ut accusent eum
tamquam insidiosum et hostem maiestatis Caesareae. |
Versets 45-54.
— S.
Cyrille : Les reproches qui rendent meilleurs les
esprits [humbles et] doux, sont ordinairement insupportables aux hommes
superbes, c’est ainsi que pour avoir repris les pharisiens de s’écarter du
droit chemin, le Sauveur indispose contre lui tout le corps des docteurs de
la loi : « Alors un des docteurs
de la loi, prenant la parole, lui dit : Maître, en parlant de la sorte, vous
nous outragez aussi. » — S. Bède : Qu’elle est misérable la conscience qui se croit offensée de la parole de Dieu qu’elle entend, et qui voit toujours sa condamnation dans les châtiments dont les méchants sont menacés ! — Théophylacte : Les docteurs de la loi étaient différents des pharisiens, car les pharisiens étaient des hommes qui se séparaient des autres pour paraître [plus] religieux; les docteurs de la loi étaient les scribes et les docteurs chargés d’en expliquer les difficultés. — S. Cyrille : Or, c’est contre les docteurs de la loi que Jésus dirige ces sévères reproches, pour abaisser leurs vaines et orgueilleuses prétentions : « Et il leur dit : Malheur à vous aussi, docteurs de la loi, qui chargez les hommes de fardeaux qu’ils ne peuvent pas porter, et vous-mêmes, vous ne touchez pas aux fardeaux d’un seul de vos doigts. » Il se sert pour les accuser d’une comparaison frappante. La loi était très lourde pour les Juifs, comme l’avouent les disciples de Jésus-Christ. Or, ces docteurs de la loi, réunissant comme en un faisceau tous les préceptes de la loi, en chargeaient ceux qui leur étaient soumis, tandis qu’ils n’en tenaient eux-mêmes aucun compte. — Théophylacte : Or, chaque fois qu’un docteur pratique ce qu’il enseigne, il allége le fardeau [pour ses disciples], en se donnant lui-même pour exemple, mais quand il ne fait rien de ce qu’il enseigne, le fardeau leur parait lourd et insupportable, puisque le docteur lui-même refuse de le porter. — S. Bède : Ils méritaient bien de s’entendre reprocher qu’ils ne voulaient pas même toucher du bout du doigt le fardeau de la loi, c’est-à-dire qu’ils n’en observaient pas même les moindres prescriptions, puisque contrairement aux exemples de leurs pères, ils prétendaient observer et faire observer la loi sans la foi et la grâce de Jésus-Christ. — S. Grégoire de Nysse : Nous en voyons ainsi beaucoup qui, juges sévères pour les pécheurs, et faibles athlètes [pour les combats de la vertu]; tout à la fois législateurs impitoyables, et observateurs négligents, ils refusent même de s’approcher de la vertu pour essayer de la pratiquer, tandis qu’ils l’exigent sans pitié de ceux qui leur sont soumis. — S. Cyrille : Après avoir condamné les dures pratiques imposées par les docteurs de la loi, le Sauveur étend ses reproches à tous les principaux d’entre les Juifs : « Malheur à vous, qui bâtissez des tombeaux aux prophètes, et vos pères les ont tués ! » — S.
Ambroise : Excellent ce passage contre la vaine
superstition des Juifs qui, en élevant des tombeaux aux prophètes,
condamnaient la conduite de leurs pères, tandis qu’ils se rendaient dignes
des mêmes châtiments en imitant leurs crimes, car ce qu’il leur reproche, ce
n’est pas d’élever des tombeaux, mais d’imiter les crimes de leurs pères.
C’est pour cela qu’il ajoute : « Vous
témoignez bien que vous consentez aux oeuvres de vos pères. Car eux les
ont tués, et vous, vous bâtissez.» — S. Bède : En effet, pour capter la faveur du peuple, ils feignaient d’avoir en horreur l’impiété de leurs pères, en décorant avec magnificence les tombeaux des prophètes qu’ils avaient mis à mort; mais ils prouvaient assez par leurs oeuvres qu’ils étaient complices de l’iniquité de leurs pères, en poursuivant de leurs outrages le Seigneur prédit par les prophètes : « C’est pourquoi, ajoute-t-il, la sagesse de Dieu a dit : Je leur enverrai des prophètes et des apôtres, et ils tueront les uns et poursuivront les autres. » — S.
Ambroise : La sagesse de Dieu, c’est Jésus-Christ.
Nous lisons d’ailleurs dans saint Matthieu : « Voici que je vous
envoie des prophètes et des sages. » — S. Bède : Si donc c’est la sagesse de Dieu qui a envoyé les prophètes et les Apôtres, que les hérétiques cessent donc de prétendre que le Christ ne tire son origine que de la Vierge; qu’ils ne disent plus que le Dieu de la loi et des prophètes est différent du Dieu du Nouveau Testament. Les Apôtres, dans leurs écrits, donnent, il est vrai, le nom de prophètes, non seulement à ceux qui ont prédit longtemps d’avance l’incarnation de Jésus-Christ, mais à ceux qui annoncent les joies futures du royaume des cieux. Cependant je ne pense pas que ces prophètes doivent être placés à un rang supérieur à celui des Apôtres. — S.
Athanase : (Apolog.
1, sur sa fuite.) S’ils font mourir [ceux qui leur
sont envoyés], la mort des victimes criera plus haut contre eux; s’ils les
persécutent, ils donneront plus d’éclat [et d’étendue] aux témoignages de
leur iniquité. En effet, la fuite de ceux qui souffrent persécution, augmente
[et atteste] le crime de leurs persécuteurs; car on ne fuit pas celui qui est
ami de la piété et de la douceur, mais bien plutôt celui dont l’âme est
cruelle et les instincts mauvais. Notre Seigneur ajoute : « afin
qu’on redemande à cette génération le sang de tous les prophètes qui a été
répandu depuis la création du monde. » — S. Bède : Mais comment le sang de tous les prophètes et de tous les justes est-il redemandé à une seule génération des Juifs, alors qu’un grand nombre de saints, soit avant soit après l’incarnation, ont été mis à mort par d’autres peuples ? Nous répondons que l’Écriture a coutume de diviser les hommes en deux générations, la génération des bons, et la génération des méchants. — S. Cyrille : Ainsi, bien que le Sauveur dise d’une manière indicative : « On redemandera à cette génération, » il embrasse dans sa pensée, non seulement ceux qui étaient présents et qui l’entendaient, mais tous les homicides, car ceux qui se ressemblent méritent d’être tous confondus. — S. Jean Chrysostome : (hom. 75, sur Matth.) D’ailleurs s’il prédit aux Juifs des châtiments plus sévères, c’est en toute justice, car ils ont surpassé les crimes des autres peuples, et n’ont été convertis par aucun des exemples des siècles passés; mais la vue des crimes et des châtiments de leurs pères, loin de les rendre meilleurs, ne les a pas empêchés de se livrer aux mêmes crimes. Le Sauveur ne veut donc pas dire ici qu’ils seront châtiés pour les crimes des autres. — Théophylacte : Le Seigneur montre ensuite que les Juifs étaient héritiers de la malice de Caïn, en ajoutant : « depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie, mis à mort entre l’autel et le sanctuaire ». Abel, en effet, fut tué par Caïn, « et Zacharie que les Juifs firent périr entre l’autel et le temple, » est, suivant quelques-uns, le patriarche Zacharie fils du grand prêtre Joïadas (2 Par 24). — S. Bède : Il n’y a rien d’étonnant que le Sauveur dise : « depuis le sang d’Abel, » qui a été le premier martyr, mais il faut se demander pourquoi : « jusqu’au sang de Zacharie, » bien qu’un grand nombre après lui aient été mis à mort, avant la naissance de Jésus-Christ, et que peu de temps après ait eu lieu le massacre des Innocents. N’est-ce point peut-être parce qu’Abel était pasteur de brebis, et Zacharie grand prêtre, et que l’un fut mis à mort au milieu des champs, et l’autre sur le seuil du temple, et que les deux classes de martyrs, les laïques et les prêtres voués au service des autels nous sont représentés par ces deux noms ? — S. Grégoire : de Nyss. (Disc. sur la naiss. de J.-C.) Suivant quelques auteurs, Zacharie, père de Jean, ayant connu par l’esprit de prophétie le mystère de la virginité inaltérable de la Mère de Dieu, ne l’exclut point de la partie du temple réservée aux vierges, afin de montrer que la puissance du Créateur pouvait manifester une naissance nouvelle, qui ne ferait point perdre à celle qui enfanterait l’éclat de sa virginité. Or, cet endroit se trouvait entre l’autel et la partie du temple où était placé l’autel d’airain, et c’est pour cela qu’il fut mis à mort en cet endroit. On dit encore, que les Juifs ayant appris l’avènement prochain du Roi du monde, et craignant qu’il ne les soumît à son empire, se jetèrent sur celui qui annonçait sa naissance, et massacrèrent le grand prêtre dans le temple. — S.
Grégoire ou Géomet. : On donne encore une autre cause de la mort de Zacharie :
lorsqu’eut lieu le massacre des innocents, Jean-Baptiste devait être mis à
mort avec les enfants de son âge, mais Elisabeth s’enfuit dans le désert pour
arracher son fils à une mort certaine, et alors les satellites d’Hérode ne
trouvant ni Elisabeth ni l’enfant, tournèrent leur rage contre Zacharie, et
le massacrèrent pendant qu’il remplissait dans le temple les fonctions de son
ministère. « Malheur à vous, docteurs de la loi, parce que vous avez pris la
clef de la science ! » — S. Basile : (sur Is dis. 1.) Cette parole « Malheur, » qui annonce d’intolérables douleurs, s’applique bien à ceux qui devaient être bientôt livrés au plus redoutable supplice. — S. Cyrille : Or, la clef de la science, c’est la loi elle-même qui était une ombre et une figure de la justice du Christ. C’était donc un devoir, pour les docteurs de la loi, de scruter avec soin la loi de Moïse et les oracles des prophètes, et d’ouvrir pour ainsi dire, au peuple Juif, les portes de la connaissance du Christ. Mais bien loin de le faire, ils contestaient la divinité de ses miracles, et s’élevaient contre son enseignement en disant au peuple : « Pourquoi l’écoutez-vous ? » C’est ainsi qu’ils ont pris ou enlevé la clef de la science : Notre Seigneur ajoute : « Vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et ceux qui entraient, vous les en avez empêchés. » La foi est aussi la clef de la science, car c’est par la foi qu’on arrive à la connaissance de la vérité, selon ces paroles du prophète Isaïe : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez point. » Les docteurs de la loi prirent donc la clef de la science, en ne permettant pas aux hommes de croire en Jésus-Christ. — S. Augustin : (quest. évang., 2, 23.) La clef de la science est encore l’humilité de Jésus-Christ, que les docteurs de la loi ne voulurent ni comprendre par eux-mêmes, ni laisser comprendre aux autres. — S. Ambroise : Sous le nom des Juifs, le Sauveur condamne encore et menace des supplices éternels ceux qui s’arrogeant injustement l’enseignement de la connaissance de Dieu, empêchent les autres d’y parvenir, et ne connaissent point eux-mêmes ce qu’ils enseignent. — S. Augustin : (De l’accord. des Evang., 2, 75.) Saint Matthieu place ce discours de Notre Seigneur lorsqu’il fut entré dans la ville de Jérusalem, tandis que d’après saint Luc, Notre Seigneur se dirigeait alors vers Jérusalem. Je pense donc que Notre Seigneur fit deux discours semblables, dont l’un a été rapporté par saint Matthieu, et l’autre par saint Luc. — S. Bède : Les pharisiens et les docteurs de la loi attestent eux-mêmes combien étaient fondés ces reproches d’incrédulité, de dissimulation et d’impiété, puisque loin de revenir à de meilleurs sentiments, ils dressent des embûches au divin Docteur de la vérité : « Comme il leur disait ces choses, les pharisiens et les docteurs de la loi commencèrent à le presser vivement, ». — S. Cyrille : Le mot presser, insister veut dire faire des instances, ou menacer, ou faire violence. Ils se mirent aussi à l’interrompre en lui adressant une multitude de questions : « Et ils commencèrent à l’accabler d’une multitude de questions. » —
Théophylacte : En effet, lorsque plusieurs hommes se
réunissent pour accabler un seul homme d’un grand nombre de questions de
différente nature, il ne peut répondre à tous à la fois, et les insensés
l’accusent d’hésitation. Tel était le piége qu’ils lui tendaient dans leur
malice, mais ils cherchaient en outre à l’accabler, c’est-à-dire à l’exciter
à dire quelque chose qui leur donnât lieu de le condamner. « Lui tendant des pièges, et cherchant à surprendre quelque parole de
sa bouche pour l’accuser. » Après avoir dit qu’ils voulaient
l’accabler, l’Évangéliste ajoute qu’ils voulaient surprendre ou arracher
quelque parole de sa bouche. En effet, ils l’interrogeaient, tantôt sur la
loi, pour l’accuser de blasphème contre Moïse; tantôt sur César, pour
l’accuser d’être un conspirateur et un ennemi de la majesté de César. |
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Caput 12 |
CHAPITRE 12
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Lectio 1 [85864] Catena in Lc., cap. 12 l. 1 Theophylactus. Pharisaei quidem conabantur Iesum capere in sermone,
ut populos ab eo abducerent; hoc autem in contrarium vertitur : magis enim
adibant populi per millenarios congregati, adeo cupientes haerere Christo ut
se invicem comprimerent : tam validum quid est veritas, et dolus imbecillis
ubique; unde dicitur multis autem turbis circumstantibus, ita ut se invicem
conculcarent, coepit dicere ad discipulos suos : attendite a fermento
Pharisaeorum, quod est hypocrisis. Gregorius.
Quia enim cavillatores erant, ob hoc Christus ab eis sibi cavere admonebat
discipulos. Gregorius
Nazianzenus. Est autem, quando fermentum laudatur, tamquam efficiens panem
vitalem; est autem quando vituperatur, significans vetustam et acidam
malitiam. Theophylactus.
Vocat igitur fermentum hypocrisim tamquam alterantem et corrumpentem
intentiones hominum, quibus se ingesserit : nihil enim sic alterat mores ut
hypocrisis. Beda. Nam sicut modicum fermentum totam farinae massam corrumpit,
sic simulatio animum tota virtutum sinceritate et veritate fraudabit. Ambrosius. Pulcherrimum autem locum tenendae simplicitatis et
aemulandae fidei salvator intexuit, ne Iudaicae more perfidiae, alia promamus
in affectu, alia voce simulemus; cum ultimo tempore occulta cogitationum
accusantium aut etiam defendentium secretum nostrae mentis aperitura videantur;
unde subditur nihil autem opertum est quod non reveletur, neque absconditum
quod non sciatur. Origenes.
Aut ergo de illo tempore hoc dicit quando iudicabit Deus occulta hominum;
aut id dicit, quia quantumcumque conetur aliquis occultare bona aliorum infamiis,
bonum naturaliter latere non potest. Chrysostomus
in Matth. Quasi dicat discipulis : quamvis nunc quidam vocent vos
seductores et magos, deteget omnia tempus, et arguet eorum calumniam, et
vestram declarabit virtutem : unde quaecumque vobis in parvo angulo
Palaestinae locutus sum, haec audacter et fronte detecta et qualibet sublata
formidine toti orbi praedicate; et ideo subdit quoniam quae in tenebris
dixistis, in lumine dicentur; et quod in aure locuti estis et in cubiculis,
praedicabitur in tectis. Beda.
Vel hoc dicit, quia quae inter tenebras quondam pressurarum carcerumque
umbras locuti vel passi sunt apostoli, nunc clarificata per orbem Ecclesia,
lectis eorum actibus publice praedicantur. Sane
quod dicit praedicabitur in tectis, iuxta morem provinciae Palaestinae
loquitur, ubi solent in tectis residere : non enim tecta nostro more
culminibus sublimata, sed Theophylactus.
Vel hoc proponitur Pharisaeis, quasi dicat : o Pharisaei, quae in tenebris
dixistis, idest quod in opacis cordibus vestris tentare me conamini, in
lumine dicentur : ego enim sum lux, et in me luce notum fiet quicquid vestra
machinatur caligo; et quod in aure locuti estis et in cubiculis, idest
quicquid mutuis susurris vestris auribus instillastis, praedicabitur in
tectis; idest, ita mihi fuit audibile ac si in tectis praedicatum fuisset.
Hic etiam intelligere potes quod lux sit Evangelium, tecta vero altae
apostolorum animae. Quotquot vero consiliati sunt Pharisaei, divulgata sunt
postmodum, et audita in Evangelii luce, flante magno praecone spiritu sancto
super apostolorum animas. |
Versets 1-3.
— Théophylacte : Les pharisiens
s’efforçaient de surprendre Jésus dans ses paroles, pour détourner le peuple
de le suivre, mais leurs efforts aboutissaient à un résultat contraire, car
le peuple se pressait autour de lui par milliers, et dans le vif désir qu’ils
avaient de s’approcher de sa personne, ils se bousculaient les uns les
autres, tant la vérité a de puissance, tant au contraire la fourberie est
toujours faible : « Cependant une grande multitude s’étant assemblée
autour de Jésus, » de sorte qu’ils se foulaient les uns les autres,
il commença à dire à ses disciples : « Gardez-vous du levain des
pharisiens, qui est l’hypocrisie. » — S. Cyrille (ou S. Grégoire) : Notre Seigneur recommande à ses disciples de se garder des pharisiens, parce que c’étaient des fourbes qui se moquaient de tout. — S. Grégoire de Naziance : Le levain est tantôt pris en bonne part, comme produisant le pain, qui alimente la vie, et tantôt en mauvaise part, comme étant le symbole d’une méchanceté aigre et invétérée. — Théophylacte : Le Sauveur donne le nom de levain à l’hypocrisie, parce qu’elle altère et corrompt les intentions des hommes dans le coeur desquels elle pénètre, car rien ne corrompt les moeurs comme l’hypocrisie. — S. Bède : De même qu’un peu de levain aigrit toute la pâte (1 Cor 5), de même la dissimulation ôte à l’âme toute sincérité et toute vérité dans la pratique des vertus. — S. Ambroise : Pour nous détourner d’imiter la conduite perfide des Juifs en agissant d’une manière et en parlant d’une autre, Notre Seigneur place ici une magnifique leçon de simplicité à garder et de foi à faire grandir, et nous rappelle qu’à la fin des temps, nos pensées cachées nous accuseront ou nous défendront, et dévoileront ainsi le secret de notre âme : « Rien de secret qui ne soit révélé, ni de caché qui ne doive être connu.» — Origène : Ou bien il veut donc parler de ce temps où Dieu jugera les actions les plus cachées des hommes; ou il veut dire que quelques efforts qu’on fasse pour étouffer le bien que font les autres sous le poids de la calomnie, le bien de sa nature ne peut rester caché. — S. Jean Chrysostome : (hom. 35, sur Matth.) Il semble dire à ses disciples : On vous traite maintenant de séducteurs et de magiciens, mais le temps dévoilera toutes choses, il mettra au grand jour leurs calomnies et fera éclater votre vertu. Prêchez donc hardiment, le front découvert, et sans crainte aucune à tout l’univers, ce que je vous ai enseigné dans ce petit coin de la Palestine : « Ainsi ce que vous avez dit dans les ténèbres, on le dira au grand jour, et ce que vous aurez dit à l’oreille dans les chambres, sera prêché sur les toits. » — S. Bède : Ou bien encore, il parle de la sorte, parce que tout ce que les apôtres ont dit et souffert autrefois dans les ténèbres [es persécutions] et dans les noirs cachots où on les enfermait, est maintenant annoncé publiquement par la lecture qui se fait de leurs actes, dans l’Église répandue par tout l’univers. Ces paroles : « sra prêché sur les toits, » se rapportent à l’usage de la Palestine, où les habitants se tiennent sur les toits, car les toits ne sont point surmontés de combles comme les nôtres, mais nivelés en plate-forme, c’est-à-dire en surface plane. Ainsi ces paroles : « sera publié sur les toits, » signifie : sera annoncé de manière à être entendu de tous. — Théophylacte : Ou bien encore, Notre Seigneur s’adresse aux pharisiens, et leur dit : O pharisiens, ce que vous avez dit dans les ténèbres, c’est-à-dire les embûches que vous méditez contre moi dans les épaisses ténèbres de vos coeurs, seront dévoilées au grand jour : car je suis la lumière, et je révélerai dans cette lumière tout ce que vous tramez ténébreusement contre moi. Et ce que vous dites à l’oreille et dans l’intérieur de vos maisons (c’est-à-dire, tout ce que vous murmurez à voix basse à l’oreille), sera prêché sur les toits, c’est-à-dire sera entendu de moi, comme si on le prêchait sur les toits. On peut dire encore que la lumière, c’est l’Évangile, que les toits sont les âmes élevées des Apôtres, car toutes les âmes insidieuses des pharisiens furent dévoilées, et mises au grand jour dans la lumière de l’Évangile, par l’oracle divin de l’Esprit saint qui se reposait sur les âmes des Apôtres. |
Lectio 2 [85865] Catena in Lc., cap. 12 l. 2 Cyrillus.
Quoniam gemina est causa perfidiae, quae aut ex inolita malitia aut ex
accidenti metu nascitur; ne quis metu territus Deum, quem corde cognoscit,
negare cogatur, pulchre addit dico autem vobis amicis meis, ne terreamini ab
his qui occidunt corpus. Cyrillus.
Non quibuscumque enim simpliciter hic sermo convenire videtur, sed his qui
Deum ex tota diligunt mente : quibus convenit dicere : quis nos separabit a
caritate Christi? Qui autem non tales sunt, labiles sunt, et ad prosiliendum
parati. Porro dominus dicit : maiorem hac dilectionem nemo habet quam ut
animam suam ponat quis pro amicis suis. Quomodo autem non est
inconvenientissimum Christo non rependere quod ab eo recepimus? Ambrosius.
Mortem etiam docet non esse terribilem, quam locupletiore fenore sit
immortalitas redemptura. Cyrillus.
Est ergo advertendum, quod laboribus parantur coronae et honores, quibus
mortales usque ad tempus suam iram extendunt, fitque illis nostrae
persecutionis finis corporalis interitus; unde subdit et post hoc non habent
amplius quid faciant. Beda.
Ergo supervacua furiunt insania qui mortua martyrum membra feris avibusque
discerpenda proiciunt, cum nequaquam omnipotentiae Dei, quin ea resuscitando
vivificet, resistere possint. Chrysostomus
in Matthaeum. Considera qualiter dominus discipulos omnibus superiores
constituit, ipsam mortem cunctis terribilem hortans contemnere. Simul autem
et documenta immortalitatis animae ostendit eis, cum subdit ostendam autem
quem timeatis : timete eum qui postquam occiderit, habet potestatem mittere
in Gehennam. Ambrosius.
Mors enim naturae finis, non poenae est; et ideo mortem supplicii
corporalis esse defectum, poenam vero animae esse perpetuam, Deumque solum
esse metuendum, cuius potestati non natura praescribat, sed eadem natura subiaceat,
concludit : ita dico vobis, hunc timete. Theophylactus.
Hinc nota, quod peccatoribus quidem mors ad supplicium fertur, et hic
cruciatis ipsis per interitum, et consequenter in Gehennam detrusis; sed si
sermonem discusseris, quiddam aliud intelliges : non enim dicit : qui mittit
in Gehennam; sed qui potestatem habet mittere : non enim quicumque cum
peccato moriuntur, semper mittuntur in Gehennam. Hoc autem dico propter
oblationes et distributiones quae fiunt pro defunctis, quae non parum
conducunt etiam his qui in gravibus peccatis mortui sunt. Ambrosius.
Inspiraverat ergo dominus simplicitatis affectum, virtutem mentis
erexerat; fides sola nutabat : bene eam de rebus vilioribus roboravit,
subdens nonne quinque passeres veneunt dipondio, et unus ex illis non est in
oblivione coram Deo? Quasi dicat : si Deus oblivionem passerum non habet,
hominum quomodo habere potest? Beda.
Dipondius genus est ponderis levissimi, ex duobus assibus compositi. Glossa. Quod autem in numeris est unum, hoc in ponderibus assis;
quod duo, hoc dipondius. Ambrosius.
Fortasse autem dicat aliquis : quomodo apostolus dixit : nonne de bobus
cura est Deo? Cum bos passere pretiosior sit? Sed aliud est cura, aliud
scientia. Origenes.
Ad litteram igitur, acumen divinae provisionis, quae procedit usque ad
minima, per hoc significatur; mystice autem quinque passeres spirituales
sensus iuste significant, qui excelsa et supra homines sentiunt, Deum
intuentes, vocem audientes divinam, gustantes panem vitae, olfacientes odorem
unguentorum Christi, palpantes vivum verbum : qui dipondio veneuntes, idest
vilipensi ab eis qui ea quae sunt spiritus, stultitiam iudicant, non dantur
in oblivione coram Deo. Dicitur autem Deus aliquorum immemor fieri propter
eorum facinora. Theophylactus.
Vel hi quinque sensus duobus assibus venduntur, novo scilicet et veteri
testamento : et ideo non dantur oblivioni a Deo : quorum enim sensus
traduntur verbo vitae, ut sint apti ad spirituale pabulum, horum semper memor
est dominus. Ambrosius. Vel aliter. Passer bonus est cui volandi
natura suppeditat : volandi enim nobis gratiam natura dedit, voluptas
abstulit, quae malorum escis gravat animam, atque in naturam corporeae molis
inclinat. Quinque igitur corporis sensus si terrenarum sordium cibum
quaerant, ad superiorum operum fructus revolare non possunt. Est ergo malus
passer qui volandi usum terrenae vitio labis aboleverit, quales sunt isti
passeres, qui dipondio veneunt, luxuriae scilicet pretio saecularis : adversarius
enim tamquam captiva mancipia vilioris pretio aestimationis addicit; at
dominus tamquam speciosa servitia, quae ad imaginem sui fecit, idoneos sui
operis aestimat et magno pretio nos redemit. Cyrillus.
Est igitur sibi curae diligenter nosse sanctorum vitam; unde subditur sed
et capilli capitis vestri omnes numerati sunt; per quod significat quod omnia
quae ad eos spectant, diligentissime novit : diligentiam enim curae adhibitae
numeratio manifestat. Ambrosius.
Denique numerum capillorum non in actu computationis, sed in facilitate
cognitionis accipitur. Bene tantum numerati dicuntur, quia ea quae volumus
servare, numeramus. Cyrillus.
Mystice autem caput quidem hominis est intellectus, capilli vero
cogitationes, quae patent Deo. Theophylactus. Vel caput uniuscuiusque
fidelium intelliges aptam Christo conversationem; crines autem eius,
mortificativa corporis opera, quae numerantur a Deo, et digna sunt provisione
divina. Ambrosius.
Si igitur tanta Dei est maiestas ut unus ex passeribus, aut nostrorum
numerus capillorum praeter scientiam Dei non sit : quam indignum est
aestimare quod fidelium corda dominus aut ignoret, aut spernat, qui viliora
cognoscat? Unde convenienter concludit nolite ergo timere : multis passeribus
pluris estis vos. Beda.
Non plures estis legendum est, quod ad comparationem numeri pertinet; sed
pluris estis hoc est, apud Deum maioris dignitatis. Athanasius.
Quaero autem ab Arianis, si quasi dedignaretur Deus alia facere, solum
filium fecit, cetera vero filio subrogavit; quomodo provisione utitur usque
ad tam modica, capillum et passerem? Quorum enim provisione fungitur, horum
creator est suo verbo. |
Versets 4-7.
— S. Ambroise (ou S. Cyrille) : Deux causes produisent ordinairement la perfidie de la trahison, une méchanceté naturelle [et invétérée], ou une crainte accidentelle. Notre Seigneur prémunit donc ses disciples contre la crainte qui les porterait à renier le Dieu qu’ils reconnaissent dans leur cœur, en disant à propos : « Or, je vous dis à vous qui êtes mes amis : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, ». — S. Cyrille : Ces paroles ne peuvent s’appliquer indifféremment à tous, mais à ceux-là seulement qui aiment Dieu de tout leur coeur, et qui peuvent dire en toute assurance : « Qui nous séparera de la charité de Jésus-Christ ? » (Rm 8, 35-38) Ceux qui ne sont point dans cette disposition, sont faibles et bien près de tomber, c’est le Seigneur lui-même qui a dit : « Personne ne peut témoigner un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Or, ne serait-il pas souverainement injuste de ne pas rendre à Jésus-Christ ce que nous avons reçu de lui ? — S. Ambroise : Il leur apprend aussi que la mort n’a plus rien de redoutable, puisque l’immortalité la rachète par une si riche compensation. — S.
Cyrille : Souvenons-nous donc que Dieu prépare des
couronnes et des honneurs pour récompenser les travaux de ceux sur lesquels
les hommes exercent ici-bas leur colère, et que la mort du corps met un terme
à leurs persécutions, comme l’ajoute Notre Seigneur : « Et après cela
ils ne peuvent rien faire de plus. » — S. Bède : C’est donc en vain que les persécuteurs exercent leur fureur insensée sur les membres déchirés des martyrs, qu’ils jettent en pâture aux bêtes féroces, ou aux oiseaux du ciel, puisqu’ils ne peuvent empêcher la toute-puissance de Dieu de leur rendre la vie en les ressuscitant. — S. Jean Chrysostome : (hom. 23, sur Matth.) Considérez comment le Seigneur rend ses disciples supérieurs à tous les événements, puisqu’il les exhorte à mépriser même la mort si redoutable à tous les hommes. Mais voyez en même temps comme il multiplie les preuves de l’immortalité de l’âme : « Mais je vous montrerai qui vous devez craindre, craignez celui qui, après avoir ôté la vie, a le pouvoir de jeter dans la géhenne ». — S.
Ambroise : C’est qu’en effet la mort est la fin de
la nature et non du châtiment; aussi la conclusion de Notre Seigneur est-elle
que la mort met fin au supplice du corps, tandis que le châtiment de l’âme
est éternel, et que nous ne devons craindre que Dieu seul, à la puissance
duquel la nature ne peut prescrire des bornes, mais qui lui-même commande à
la nature : « Oui je vous le dis, ajoute-t-il, craignez
celui-là. » — Théophylacte : Remarquez que les pécheurs ont à subir le double châtiment et de la mort temporelle, et du supplice de l’enfer où ils sont jetés. Si vous approfondissez ces paroles, vous y trouverez encore un autre enseignement. En effet, Notre Seigneur ne dit pas : « qui envoie dans la géhenne, » mais : « qui a le pouvoir d’envoyer. » Car tous ceux qui meurent dans les péchés graves ne sont pas immédiatement envoyés dans la Géhenne ; ce que je veux dire, c’est qu’ils éprouvent quelques moments [de repos et] d’adoucissement par suite des sacrifices et des prières qui sont offertes pour les âmes des défunts. — S. Ambroise : Notre Seigneur venait d’inspirer à ses Apôtres l’amour de la simplicité, et d’affermir leur courage; leur foi seule était chancelante, il la fortifie donc merveilleusement par les exemples empruntés aux choses les plus simples : « Est-ce que cinq passereaux ne se vendent pas deux as (un diponde) ? et pas un d’eux n’est en oubli devant Dieu, » c’est-à-dire : si Dieu n’oublie point les passereaux, comment pourrait-il oublier les hommes ? — S. Bède : Le diponde est un des poids les plus légers, et il est composé de deux as. — La Glose : Or, l’as est dans le poids ce que un est dans les nombres, et le diponde équivaut à deux as. — S. Ambroise : Mais, comment, objectera-t-on, l’Apôtre a-t-il pu dire : « Est-ce que Dieu prend soin des boeufs ? » Et cependant un boeuf est d’un plus grand poids qu’un passereau. Nous répondons qu’autre chose est le souci, autre chose la connaissance [que Dieu a des plus petites créatures]. — Origène : (Chronique des Pères grecs) Ces paroles signifient donc littéralement que l’action pénétrante de la Providence s’étend aux plus petites choses. Dans le sens mystique, les cinq passereaux sont le symbole des sens spirituels de l’âme, qui perçoivent les choses célestes et supérieures à l’homme, qui voient Dieu, entendent sa voix, savourent le pain de vie, respirent l’odeur des parfums de Jésus-Christ, et touchent le Verbe vivant. Ils sont vendus deux as, c’est-à-dire qu’ils sont mis à vil prix par ceux qui regardent les choses de l’Esprit comme une folie, mais cependant ils ne sont pas en oubli devant Dieu. Néanmoins, l’Écriture dit quelquefois que Dieu oublie certains hommes à cause de leurs crimes. — Théophylacte : Ou bien encore, ces cinq sens sont vendus pour deux as, c’est-à-dire pour le Nouveau et l’Ancien Testament, et ainsi ils ne sont pas en oubli devant Dieu, car Dieu se souvient toujours de ceux qui appliquent leurs sens à la parole de vie, et se rendent dignes de cet aliment spirituel. — S. Ambroise : Ou bien encore, le bon passereau est celui qui a reçu de la nature la faculté de voler, car nous avons reçu nous-mêmes de la nature la puissance de voler, et la volupté nous l’a ravie, en appesantissant l’âme par ses jouissances grossières et en s’inclinant vers la terre comme une masse de chair. Si donc les cinq sens du corps cherchent à se nourrir des souillures de la terre, ils deviennent incapables de s’élever jusqu’aux fruits des oeuvres surnaturelles. Celui-là donc ressemble au mauvais passereau, à qui les jouissances corrompues de la terre ont retranché les ailes; tels sont ces passereaux qui se vendent deux as, c’est-à-dire pour les plaisirs impurs du monde; car notre ennemi nous met à vil prix comme un troupeau d’esclaves, tandis que le Seigneur, juste appréciateur de son oeuvre, nous a rachetés à un grand prix comme de nobles serviteurs qu’il avait faits à son image. — S. Cyrille : Il cherche donc avec le plus grand soin à connaître la vie des saints, comme l’indiquent les paroles suivantes : « Les cheveux même de votre tête sont tous comptés, » c’est-à-dire qu’elle connaît exactement tout ce qui les concerne, car l’action de compter manifeste une sollicitude des plus attentives. — S. Ambroise : Cette manière de parler ne veut pas dire que Dieu ait compté tous nos cheveux, mais exprime la science naturelle qu’il a de tout ce qui existe; Notre Seigneur a cependant raison de dire qu’ils sont comptés, parce que nous comptons ce que nous voulons conserver. — S. Cyrille : Dans le sens mystique, la tête est l’intelligence de l’homme, et les cheveux sont les pensées qui sont toutes à découvert aux yeux de Dieu. — Théophylacte : Ou bien encore, par la tête on peut entendre la vie du fidèle, qui s’applique à imiter Jésus-Christ, et par les cheveux les oeuvres de mortification extérieure que Dieu compte et qui sont dignes de fixer son attention. — S.
Ambroise : Si donc la puissance de Dieu est si
grande, qu’un seul passereau, qu’aucun de nos cheveux ne lui soit inconnu, ne
serait-ce pas une indignité de penser que le Seigneur ne connaît point les
coeurs des fidèles, ou qu’il les dédaigne, lui dont la science s’étend aux
plus petites choses : « Ne craignez donc point, conclut-il,
vous valez plus que beaucoup de passereaux. » — S. Bède : On ne doit point lire, vous êtes plus (plures), comme s’il était question du nombre, mais vous êtes plus (pluris), c’est-à-dire : vous êtes d’un plus grand prix aux yeux de Dieu. — S. Athanase : (Disc. 3 cont. les ar.) Or, je demanderai aux Ariens : si Dieu dédaignant de créer les autres êtres, n’a fait que son Fils, et lui a abandonné toutes les autres créatures, comment sa providence s’étend-elle jusqu’aux moindres choses, jusqu’à un cheveu, un passereau ? Car tous les êtres que Dieu embrasse par sa providence, il les a créés par sa parole. |
Lectio 3 [85866] Catena in Lc., cap. 12 l. 3 Beda.
Supra dictum est, opera quaelibet et verba abscondita esse revelanda :
nunc autem concludit hanc revelationem non in vili quolibet conciliabulo, sed
in conspectu supernae civitatis aeternique regis ac iudicis agendam, dicens
dico autem vobis : omnis quicumque confessus fuerit me coram hominibus, et
filius hominis confitebitur illum coram Angelis Dei. Ambrosius.
Praeclare etiam fidem acuendo intexuit, et fidei ipsi virtutum fundamenta
subiecit : nam ut fortitudinis incentivum est fides, ita fidei fundamentum
est fortitudo. Chrysostomus
in Matthaeum. Non est ergo dominus contentus intrinseca fide, sed
exteriorem confessionem expostulat, urgens nos ad fiduciam, et maiorem
affectum. Et quia hoc omnibus utile est, communiter loquitur, dicens omnis
quicumque confessus fuerit me. Cyrillus.
Ait autem Paulus : si confitearis ore tuo dominum Iesum, et credas in
corde tuo quod Deus eum a mortuis suscitavit, salvus eris. Totum Christi
mysterium in his interpretatur : decet enim prius ortum a Deo patre verbum,
idest unigenitum ex ipsius substantia, fateri dominum omnium, non tamquam ab
extrinseco et furtivum sortitum dominium, sed existentem revera et naturaliter
dominum, sicut et pater. Consequenter oportet fateri quod Deus hunc a mortuis
suscitavit; ipsum scilicet factum hominem, et passum in carne pro nobis : sic
enim resurrexit a mortuis. Quisquis ergo sic confitebitur Christum coram
hominibus, videlicet ut Deum et dominum, Christus eum confitebitur coram
Angelis Dei, tunc temporis cum descendet cum sanctis Angelis in gloria patris
sui, in saeculi consummatione. Eusebius.
Quid autem erit gloriosius quam ipsum unigenitum Dei verbum attestari pro
nobis in divino iudicio, ac ipso effectu remunerationem testimonii promere
indicium in animam eius cui testimonium perhibetur? Non enim manens extra eum
cui testimonium reddetur, sed habitans in eo, et implens eum lumine suo,
testimonium dabit. Cum autem corroborasset eos spe bona per tanta promissa,
iterum eos inducit terribilioribus minis, dicens qui autem negaverit me coram
hominibus, denegabitur coram Angelis Dei. Chrysostomus.
Et in damnatione maius supplicium, et in bonis maior recompensatio
ponitur; quasi dicat : tu hic confiteris, aut negas; ego autem illic :
bonorum enim malorumque retributio cum augmento in futuro saeculo te
praestolatur. Eusebius.
Opportune autem hanc comminationem ponit, ne confessionem ipsius
contemnerent propter poenam, quae est negari a filio Dei, quod est a
sapientia denegari, et a vita deficere, et lumine privari, et omnibus
destitui bonis; sed et haec cuncta pati coram patre, qui est in caelis, et
Angelis Dei. Cyrillus.
Negantes autem sunt primo quidem qui imminente persecutione fidem
postposuerunt : abnegant etiam haeresum doctores et discipuli. Chrysostomus.
Sunt etiam alii abnegationis modi, quos Paulus describit dicens :
confitentur se nosse Deum, factis autem negant; et iterum : si quis suorum,
et maxime domesticorum, curam non habet, fidem negavit, et infideli est
deterior; item : avaritiam fugite, quae est idololatria. Postquam ergo tot
sunt modi negationis, palam est quod totidem sunt confessionis; quos
quicumque servaverit, audiet illam beatissimam vocem, qua Christus laudabit
omnes qui confessi fuerint eum. Attende autem verborum cautelam. In Graeco
enim dicit quisquis confitebitur in me, ostendens, quod non propriis viribus,
sed adiutus superna gratia, Christum aliquis confitebitur. De negante vero
non dixit : in me, sed me; nam destitutus gratia denegat; redarguitur tamen,
quia destitutio propter eum qui deseritur fit. Beda.
Ne autem ex eo quod ait, eos qui se negaverint esse denegandos, una cunctorum,
hoc est eorum qui studio, et eorum qui infirmitate vel ignorantia negant,
conditio putaretur, continuo subiecit et omnis qui dicit verbum in filium
hominis, remittetur illi; ei autem qui in spiritum sanctum blasphemaverit,
non remittetur. Cyrillus.
Sed si hoc vult innuere salvator, quod si quod iniuriosum verbum dicatur a
nobis in hominem communem, obtinebimus, si poeniteamus, veniam; nulla
difficultas est in sermone; quia cum naturaliter bonus sit Deus, emendat
volentes poenitere. Verum si ad ipsum Christum retorqueatur sermo, qualiter
incondemnabilis est qui dicit verbum in eum? Ambrosius.
Utique filium hominis Christum intelligimus, qui de spiritu sancto
generatus ex virgine est, eo quod parens eius in terris sola sit virgo.
Numquid ergo maior spiritus sanctus Christo, ut in Christum peccantes veniam
consequantur, in spiritum sanctum delinquentes remissionem non mereantur
adipisci? Sed ubi unitas potestatis est, nulla comparationis est quaestio.
Athanasius.
Viri quidem antiqui, studiosus Origenes et mirandus Theognostus, hanc
conscribunt esse spiritus sancti blasphemiam, quando qui digni reputati sunt
dono spiritus sancti per Baptismum, regrediuntur ad peccandum : ob hoc enim
aiunt illos nec veniam obtinere, prout Paulus dicit : impossibile est eos qui
facti sunt participes spiritus sancti, et prolapsi sunt, revocari rursum ad
poenitentiam. Addidit autem uterque intentionem propriam. Nam Origenes causam
huius sic explicat : Deus quidem pater omnia percurrit et singula continet;
virtus autem filii ad sola rationalia extenditur; spiritus vero sanctus solus
inest participantibus eum in dono Baptismatis. Quando ergo cathecumeni
peccant, et gentiles, peccant in filium, qui in eis manet; possunt tamen
veniam obtinere, cum digni fiunt dono regenerationis : quando vero baptizati
delinquunt, dicit hoc nefas attingere spiritum, ad quem cum pervenissent,
peccaverunt : et ideo irrevocabilem fore damnationem. Theognostus vero ait,
quod qui primum et secundum excessit limen, minorem poenam meretur; sed qui
tertium quoque pertransit, non amplius accipiet veniam. Primum quidem et
secundum limen vocavit doctrinam patris et filii; tertium vero in
participatione spiritus sancti, secundum illud : cum venerit spiritus
veritatis, docebit vos omnem veritatem : non tamquam doctrina spiritus dogma
filii superet, sed quia filius condescendit imperfectis, spiritus vero
signaculum est eorum qui perficiuntur. Sic igitur, non quia superet spiritus
filium, expers est veniae blasphemia spiritus, sed quia imperfectorum quidem
est remissio, perfectis vero nulla restat excusatio. Sed cum filius sit in
patre, est in illis in quibus est pater, nec abest spiritus; indivisibilis
est enim sancta Trinitas. Ad haec, si omnia per
filium facta sunt, et omnia in ipso consistunt, erit ipse nimirum in omnibus,
ut necessarium sit peccantem in filium, in patrem et in spiritum sanctum
peccare. Sacrum autem Baptisma in nomine patris et filii
et spiritus sancti datur : et sic peccantes post Baptismum in sanctam Trinitatem
exercent blasphemiam. Ceterum si Pharisaei Baptismum non susceperant,
qualiter redarguebat eos ac si blasphemassent in spiritum sanctum, cuius
nondum erant facti participes; praesertim cum non de peccatis simpliciter,
sed de blasphemia eos increpabat? Differunt autem : quoniam qui peccat,
transgreditur legem; qui vero blasphemat, in ipsam offendit deitatem. Sed
aliter. Si eis qui delinquunt post Baptisma, non indulgetur vindicta reatuum,
qualiter apostolus poenitenti in Corintho condonat : retrogressos vero
Galatas parit, quousque Christus denuo formetur in eis? Cur autem et Novatum arguimus interimentem poenitentiam post
Baptismum? Apostolus igitur ad Hebraeos non dissipat poenitentiam peccatorum.
Sed ne putarent secundum ritum legis, poenitentiae causa multa fore et
quotidiana Baptismata, ob hoc poenitere quidem monet; unicam autem fore
insinuat per Baptisma renovationem. Talia vero considerans
recurro ad dispensationem quae fit in Christo, qui Deus existens, homo factus
est : tamquam Deus suscitabat mortuos; sicut carne vestitus sitiebat,
laborabat et patiebatur. Quando igitur aliqui spectantes humana, vident
dominum sitientem et patientem, et obloquuntur in salvatorem velut in
hominem, peccant quidem, possunt tamen cito cum poenituerint, accipere veniam,
praetendentes pro causa fragilitatem corporis; quando vero rursus aspicientes
aliqui opera deitatis, dubitant de natura corporis, ipsi quoque nimium
peccant; sed et his poenitentibus cito potest ignosci, eo quod et ipsi
excusationem habent ab operum magnitudine. Quando vero divinitatis opera
retorquent ad Diabolum, merito irrevocabilem ferunt scientiam, quoniam
arbitrati sunt Diabolum fore Deum, et verum Deum nihil plusquam Daemones in
operibus putaverunt habere. Ad hanc ergo perfidiam Pharisaei pervenerant :
salvatore enim ostendente patris opera, mortuos suscitans, caecos illuminans,
et similia faciens, huiusmodi opera dicebant esse Beelzebub : aeque enim
dicere poterant videntes mundi ordinem et erga eum provisionem quod mundus a
Beelzebub est creatus. Quamdiu igitur ad humana spectantes mente claudicabant
dicentes : nonne hic est carpentarii filius? Et : quomodo litteras quas non
didicit, novit? Sustinebat eos tamquam in filium hominis peccantes; sed ubi
magis insaniunt dicentes opera Dei esse Beelzebub, non amplius eos sustinuit.
Sic enim et tamdiu patres eorum sustinebat, quamdiu causa panis et aquae
murmurabant; sed postquam vitulum conflantes, in eum collata sibi divinitus
beneficia referunt, puniti sunt : primo quidem non paucis eorum occisis, postmodum
dixit : ego autem in die ultionis visitabo hoc peccatum eorum. Talem ergo et
nunc Pharisaei audiunt sententiam, ut in flamma Diabolo parata perpetuo
corrodantur cum eo. Non igitur faciendo collationem inter blasphemiam dictam
in ipsum et spiritum sanctum, haec dixit, tamquam maior sit spiritus; sed
utraque blasphemia in ipsum prolata, hanc minorem, illam validiorem ostendit
: ipsum enim videntes hominem vituperabant, et eius opera Beelzebub esse
dicebant. Ambrosius.
Sic igitur videtur quibusdam, ut eumdem et filium et spiritum sanctum
intelligamus, salva distinctione personarum, et unitate substantiae : quia
unus et Deus et homo Christus est spiritus, sicut scriptum est : spiritus
ante faciem vestram Christus dominus. Idem spiritus sanctus, qui et pater
sanctus, et filius sanctus, et spiritus sanctus. Si ergo utrumque Christus
est, quae est diversitas nisi ut sciamus quia divinitatem Christi nobis
negare non liceat? Beda.
Vel aliter. Qui opera spiritus sancti dicit esse Beelzebub, illi non
dimittetur neque in praesenti saeculo, neque in futuro; non quod negamus ei,
si poenitentiam agere possit, posse dimitti a Deo; sed quod credamus eum
blasphemum, exigentibus meritis, sicut numquam ad remissionem, ita nec ad
ipsos dignae poenitentiae fructus esse perventurum, secundum illud :
excaecavi oculos eorum ne convertantur, et sanem illos. Cyrillus.
Quod si creatura esset spiritus sanctus, non autem de divina substantia
patris et filii, qualiter acta in eum contumelia tantam fert poenam quanta
promulgatur contra blasphemantes in Deum? Beda.
Neque tamen quicumque spiritum sanctum non esse, aut Deum non esse, sed
patre filioque minorem confitentur, hoc irremissibilis blasphemiae crimine
tenentur : quia humana ignorantia ducti faciunt, non invidentia diabolica,
sicut principes Iudaeorum. Augustinus
de Verb. Dom. Vel aliter. Si hic diceretur : qui blasphemaverit quamcumque
blasphemiam in spiritum sanctum, omnem intelligere deberemus; sed quia dictum
est qui blasphemaverit in spiritum sanctum, ille intelligatur qui non omni
modo, sed eo modo blasphemaverit ut ei numquam possit ignosci : sic enim
dictum est : Deus neminem tentat, scilicet non omni, sed quodam tentationis
modo. Quis autem sit iste modus blasphemandi contra spiritum sanctum,
dicamus. Primum quidem credentium beneficium est in
spiritu sancto remissio peccatorum : contra hoc donum gratuitum loquitur cor
impoenitens : ipsa ergo impoenitentia est spiritus blasphemia; quae non remittitur
neque in hoc saeculo, neque in futuro : quia poenitentia impetrat remissionem
in hoc saeculo quae valeat in futuro. Cyrillus.
Cum autem tantum metum incusserit dominus discedentibus a recta
confessione, praecepit de cetero non curare de responso, eo quod fideliter
dispositis constituit verba congrua spiritus tamquam doctor inhabitans; unde
sequitur cum autem inducent vos in synagogas, et ad magistratus et
potestates, nolite solliciti esse qualiter aut quid respondeatis, aut quid
dicatis. Glossa.
Dicit autem qualiter, quantum ad modum proferendi; quid, quantum ad modum
inveniendi; respondeatis, interrogantibus, aut quid dicatis, discere
volentibus. Beda.
Cum enim propter Christum ducimur ad iudices, voluntatem tamen nostram pro
Christo debemus offerre; ceterum in respondendo spiritus sancti gratia
ministrabitur; unde subditur spiritus enim sanctus docebit vos in ipsa hora
quid oporteat vos dicere. Chrysostomus
in Matthaeum. Alibi vero dicitur : estote parati cunctis ad respondendum,
quicumque quaesiverint a vobis rationem spei quae fovet vos. Quando namque
oritur inter amicos agon, praecipit nos meditari; quando vero terribile est
praetorium, et pavor circumquaque, dat proprium monimentum, ut audendum sit
et loquendum, non autem obstupescendum. Theophylactus.
Quoniam igitur duplex est nostra infirmitas, et aut poenae formidine
martyrium fugimus, aut quia rudes sumus, et nescimus reddere rationem fidei,
utrumque exclusit : metum quidem poenarum in eo quod dixit ne timeatis
occidentes corpus; timorem vero inscientiae in hoc quod dixit nolite
solliciti esse qualiter aut quid respondeatis. |
Versets 8-12.
— S. Bède : Après avoir déclaré que toutes nos oeuvres, que toutes nos pensées les plus secrètes seront révélées, Notre Seigneur ajoute que cette révélation aura lieu, non pas au milieu d’une assemblée ordinaire, mais en présence de la cité céleste, devant le Juge et le Roi éternel des siècles : « Or, je vous le dis, quiconque m’aura confessé devant les hommes, le Fils de l’homme le confessera aussi devant les anges de Dieu. — S. Ambroise : Le Sauveur insère ici admirablement tout ce qui petit rendre la foi plus vive, eu lui donnant la force pour fondement ; car de même que la foi est le stimulant du courage, la force est le plus ferme appui de la foi. — S. Jean Chrysostome : (hom. 35, sur Matth.) Le Seigneur ne se contente donc pas de la foi intérieure, il en demande la confession extérieure [et publique], et nous excite ainsi à une plus grande confiance et à un plus grand amour. Et comme cet enseignement est utile à tous, il parle en général : « Quiconque m’aura confessé devant les hommes, » etc. — S. Cyrille : Saint Paul dit dans son Épître aux Romains : « Si vous confessez de bouche que Jésus est le Seigneur, et si vous croyez de coeur que Dieu l’a ressuscité après la mort, vous serez sauvé. » Tous les mystères du Christ sont compris dans ces paroles. En effet, il faut d’abord reconnaître que le Verbe qui est sorti du Père, c’est-à-dire son Fils unique, né de sa substance, est le Seigneur de toutes choses, et que son souverain domaine n’est point un domaine usurpé, ni qui vienne d’un principe extérieur, mais qu’il lui vient, comme à son Père, de sa nature même et de son existence. Il faut ensuite confesser que Dieu a ressuscité des morts ce même Seigneur, qui s’est fait homme, et qui a souffert pour nous dans sa chair; car c’est ainsi qu’il est ressuscité des morts. Quiconque confessera ainsi devant les hommes que Jésus-Christ est Dieu et Seigneur, le Sauveur, à son tour, le confessera devant les anges de Dieu, lorsqu’il descendra avec les saints anges dans la gloire du Père, à la consommation des siècles. — Eusèbe : Or, qu’y aura-t-il de plus glorieux que de voir le Fils unique, le Verbe de Dieu, rendant témoignage au jour du jugement divin, et donnant dans son amour une récompense sensible du témoignage qui lui a été rendu sur la terre, à l’âme qu’il aura jugée digne de cette récompense ? Car il ne restera pas en dehors de cette âme, mais il lui rendra témoignage en habitant en elle et en l’inondant de sa lumière. Après avoir fortifié ses Apôtres par la douce espérance d’aussi magnifiques promesses, il les affermit encore par des menaces non moins effrayantes : « Mais celui qui m’aura renié devant les hommes, sera renié devant les anges de Dieu. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 35 sur Matth.) C’est-à-dire que le châtiment sera plus sévère et la récompense plus abondante, comme s’il disait : Ici-bas, c’est vous qui me confessez, ou qui me niez, mais au jour du jugement, ce sera moi-même, et ainsi la récompense du bien que vous aurez fait, ou le châtiment du mal que vous aurez commis, vous seront rendus avec usure dans l’autre vie. — Eusèbe : Le Sauveur fait ici cette menace, pour leur faire comprendre combien il est important qu’ils confessent son nom, par la perspective du châtiment qui les attend, châtiment qui consiste à être renié par le Fils de Dieu, c’est-à-dire par la sagesse de Dieu; à perdre la vie, à être privé de la lumière, et dépouillé de tous les biens, à souffrir ce châtiment devant le Père, qui est dans les cieux et les anges de Dieu. — S. Cyrille : Or ceux qui nient Jésus-Christ sont d’abord ceux qui abjurent la foi aux approches de la persécution, il faut y joindre encore les docteurs hérétiques et leurs disciples. — S. Jean Chrysostome : (comme préc.) Il est encore d’autres manières de renier Jésus-Christ, que saint Paul énumère, lorsqu’il dit : « Ils font profession du connaître Dieu, mais ils le renient par leurs actions, » (Tt 1, 16) et encore : « Si quelqu’un n’a pas soin des siens, et particulièrement de ceux de sa maison, il a renoncé à la foi, et il est pire qu’un infidèle, » (1 Tm 5, 8) et enfin : « Fuyez l’avarice, qui est une espèce d’idolâtrie. » (1 Co 2, 5.) Puisqu’il y a plusieurs manières de renier Jésus-Christ, il est évident qu’il y a autant de manières de le confesser, et celui qui aura confessé le Sauveur de ces différentes manières, entendra cette voix si consolante de Jésus-Christ, rendant un glorieux témoignage à tous ceux qui l’auront confessé. Considérez ici la justesse des expressions, dans le texte grec, on lit : « Quiconque aura confessé en moi, » ce qui veut dire que ce n’est point par les forces naturelles, mais à l’aide de la grâce de Dieu, qu’on peut confesser Jésus-Christ. Mais pour celui qui nie, il ne dit point : Celui qui aura nié en moi, mais : « Celui qui m’aura renié, » car celui qui le nie est privé de la grâce; il ne laisse pas toutefois d’être coupable, parce qu’il est cause de cette privation de la grâce, et que c’est par sa propre faute qu’elle lui fait défaut. — S. Bède : De ce que le Sauveur doit un jour renier tous ceux qui l’ont nié sur la terre, il ne s’ensuit pas que le même sort soit réservé à tous indifféremment, à ceux qui l’ont nié de dessein prémédité, et à ceux qui ne l’ont fait que par faiblesse et par ignorance, aussi Notre Seigneur ajoute : « Et quiconque parle contre le Fils de l’homme, il lui sera remis, mais à celui qui blasphémera contre le Saint-Esprit, il ne sera pas pardonné.» — S. Cyrille : Ces paroles du Sauveur signifient-elles que toute parole injurieuse que nous aurons dites contre un de nos semblables, nous sera pardonnée, si nous nous en repentons, elles n’offrent alors aucune difficulté, puisque Dieu étant naturellement bon, pardonne à ceux qui veulent se repentir, mais si elles doivent s’entendre de Jésus-Christ lui-même, comment celui qui parle contre lui ne sera-t-il pas condamné ? — S. Ambroise : Par le Fils de l’homme, nous entendons le Christ, qui a été engendré par l’opération du Saint-Esprit, de la Vierge, qui est seule sur la terre la cause de sa naissance temporelle. Or, dirons-nous que l’Esprit saint est plus grand que le Christ, de manière que ceux qui pèchent contre le Christ, puissent obtenir leur pardon, tandis que ceux qui pèchent contre l’Esprit, n’ont aucune miséricorde à attendre ? Mais où il y a unité de puissance, on ne peut établir aucune comparaison. — S. Athanase : (Traité sur ces par. : Quiconque, etc.) D’anciens auteurs, le savant Origène et l’admirable Théognoste, enseignent qu’on se rend coupable du blasphème contre l’Esprit saint, quand après avoir été jugé digne de recevoir ce divin Esprit par le baptême, on retourne à ses anciens péchés, et c’est la cause, disent-ils, qui les rend indignes de pardon, suivant ces paroles de saint Paul : « Il est impossible que ceux [qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don du ciel], qui ont été faits participants du Saint-Esprit, et qui sont tombés, soient encore amenés à la pénitence. » (He 6.) Chacun de ces deux docteurs motive ainsi son sentiment : Dieu le Père, explique Origène, pénètre et embrasse toutes choses et chacune en particulier; la puissance du Fils ne s’étend qu’aux créatures raisonnables, et l’Esprit saint n’habite que les âmes qui l’ont reçu dans le baptême. Lors donc que les catéchumènes ou les gentils se rendent coupables, ils pèchent contre le Fils, qui demeure au milieu d’eux; ils peuvent cependant obtenir leur pardon, quand ils deviennent dignes du sacrement de la régénération. Au contraire, quand ils retombent dans le péché, après le baptême, leur crime atteint l’Esprit saint, contre lequel ils pèchent après l’avoir reçu; aussi leur condamnation est-elle irrévocable. Théognoste, de son côté, enseigne que celui qui a franchi le premier et le second degré de culpabilité, mérite un moindre châtiment, mais celui qui franchit le troisième n’a plus de pardon à espérer. Or, suivant lui, le premier et le second degré, c’est la doctrine du Père et du Fils; le troisième, c’est la participation à l’Esprit saint, conformément à ces paroles du Sauveur : « Lorsque l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. » (Jn 16.) Ce n’est pas, sans doute, que la doctrine de l’Esprit saint surpasse la doctrine du Fils; mais le Fils est plein de condescendance pour les âmes imparfaites, tandis que le Saint-Esprit est comme le sceau des âmes arrivées à la perfection. Si donc le blasphème contre l’Esprit saint ne mérite aucun pardon, ce n’est pas que l’Esprit saint soit supérieur au Fils, mais parce que les âmes imparfaites ont droit au pardon, tandis que celles qui sont arrivées à la perfection, ne peuvent apporter aucune excuse. Car il faut reconnaître que le Fils étant dans le Père, il est dans ceux en qui le Père habite, et que l’Esprit saint y est aussi, car la sainte Trinité est indivisible. Ajoutons que si toutes choses ont été faites par le Fils, et ne subsistent que par lui (Jn 1, 3; Col 1, 16.17), il est donc lui-même en toutes choses, et ainsi celui qui pèche contre le Fils, pèche nécessairement contre le Père et le Saint-Esprit. Enfin le sacrement de baptême s’administre au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; ceux donc qui retombent dans le péché après le baptême, blasphèment contre la sainte Trinité. Mais, puisque les pharisiens n’avaient pas reçu le baptême, pourquoi les accuse-t-il de blasphème contre le Saint-Esprit, qu’ils n’avaient pas encore reçu, alors surtout qu’il ne les accuse pas de simples péchés, mais de blasphème ? Il ya en effet une différence, car le péché n’est que la transgression de la loi, tandis que le blasphème est un outrage direct à Dieu lui-même. Et encore, s’il n’y a plus de pardon à espérer pour ceux qui pèchent après le baptême, pourquoi l’Apôtre pardonne-t-il à l’incestueux pénitent de Corinthe. (2 Co 2.) Pourquoi écrit-il aux Galates, qui étaient retournés en arrière, qu’il les enfante de nouveau, jusqu’à ce que Jésus-Christ soit formé en eux ? (Ga 3.) Pourquoi reprochons-nous à Novatien de ne pas admettre la pénitence après le baptême ? Disons donc que l’Apôtre, dans son Épître aux Hébreux, ne détruit pas la pénitence [après le baptême], mais il combat la fausse idée des Juifs devenus chrétiens, qu’il pût y avoir des baptêmes multipliés et quotidiens pour la rémission des péchés, selon les prescriptions de la loi. Il exhorte donc à la pénitence, mais il déclare qu’il n’y a qu’une seule régénération par le baptême. En méditant ces diverses considérations, je me reporte à l’admirable économie de l’incarnation du Christ qui, étant Dieu, s’est fait homme; qui comme Dieu ressuscitait les morts, et en tant qu’homme, revêtu de notre chair, était soumis à la soif, à la fatigue, à la souffrance. Ceux donc qui, ne considérant en lui que l’homme, le voient sujet à la soif et à la douleur, et tiennent des discours injurieux à son humanité, sont coupables, il est vrai, mais ils peuvent par le repentir obtenir promptement le pardon de leur péché, en s’excusant sur les faiblesses de la nature humaine. Ceux qui au contraire considèrent les oeuvres divines de Jésus-Christ, et doutent qu’il ait un corps véritable, pèchent gravement eux-mêmes, cependant le repentir peut encore leur mériter le pardon, parce qu’ils peuvent donner pour excuse la grandeur des oeuvres opérées par Jésus-Christ. Mais quand ils attribuent aux démons les oeuvres de la divinité, ils prononcent contre eux une sentence de condamnation irrévocable, en considérant le Démon comme Dieu, et en n’accordant pas aux œuvres du vrai Dieu plus de puissance qu’aux démons. C’est à ce degré d’aveuglement et de perfidie, que les pharisiens en étaient arrivés. Le Sauveur opérait sous leurs yeux les oeuvres de son Père, il rendait la vie aux morts, la vue aux aveugles, il faisait mille autres prodiges semblables, et ils attribuaient ces oeuvres à Béelzébub. Ils auraient pu dire avec autant de raison, en voyant l’ordre du monde, et la Providence qui le gouverne, qu’il a été créé par Béelzébub. Aussi tant qu’ils se sont bornés à ne voir en Jésus-Christ qu’un homme, et à dire d’un esprit incertain et douteux : « N’est-ce pas là le fils du charpentier ? (cf. Mt 13, 55) Et comment sait-il les Écritures, puisqu’il ne les a pas apprises ? » il a supporté leur incrédulité qui était un péché contre le Fils de l’homme. Mais dès qu’ils ont poussé le délire jusqu’à dire que les oeuvres de Dieu avaient pour auteur Béelzébub, il ne put les souffrir davantage. C’est ainsi qu’autrefois il avait supporté l’incrédulité de leurs pères, tant qu’ils ne murmuraient que de manquer de pain et d’eau, mais lorsqu’ils eurent fondu le veau d’or et qu’ils lui attribuèrent les bienfaits qu’ils avaient reçus du ciel, Dieu les punit, et par la mort d’un grand nombre d’entre eux, et [par la prédiction des châtiments à venir] : « Je les punirai, dit-il, au jour de la vengeance, du crime qu’ils ont commis. » (Ex 32, 34.) Le Sauveur prédit le même châtiment aux pharisiens condamnés à brûler éternellement avec le démon, dans le feu qui a été préparé pour lui. Notre Seigneur ne veut donc point ici établir une comparaison entre le blasphème proféré contre lui et le blasphème contre le Saint-Esprit, comme si le Saint-Esprit était plus grand que lui; mais des deux blasphèmes qu’ils proféraient contre lui, il veut montrer que l’un est plus grave que l’autre, car ils l’outrageaient en ne voyant en lui qu’un homme, et en attribuant à Béelzébub les oeuvres toutes divines qu’il faisait. — S. Ambroise : Il en est qui pensent que par le Fils et le Saint-Esprit, il faut entendre le Christ, tout en gardant la distinction des personnes et l’unité de substance, parce que le même Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble, est appelé l’Esprit dans la sainte Écriture : « L’Esprit de notre bouche, le Christ, le Seigneur. » Il est également saint, puisque le Père est saint, que le Fils est saint, et que l’Esprit est saint. Si donc le Christ est l’un et l’autre, pourquoi cette différence, si ce n’est pour nous apprendre qu’il nous est interdit de nier la divinité de Jésus-Christ ? — S.
Bède : On peut encore donner cette explication :
Celui qui attribue à Béelzébub les oeuvres de l’Esprit saint, ne peut espérer
de pardon ni en ce monde ni en l’autre, non pas que nous refusions à Dieu de
lui pardonner s’il pouvait se repentir, mais parce qu’il est presque
impossible à celui qui se rend coupable d’un tel blasphème, non seulement
d’obtenir son pardon, mais de faire de dignes fruits de pénitence, selon ces
paroles d’Isaïe : « Je les ai frappé d’aveuglement, à ce point qu’ils
ne pourront se convertir, et obtenir leur guérison » (Is 5). — S. Cyrille : Or, si
l’Esprit saint n’était qu’une simple créature et qu’il ne fût pas
consubstantiel au Père et au Fils, comment les outrages proférés contre lui
entraîneraient-ils un châtiment aussi terrible que celui qui est réservé aux
blasphèmes contre Dieu ? (Lm 15, 20.) — S. Bède : Cependant tous ceux qui nient l’existence de l’Esprit saint ou prétendent qu’il n’est pas Dieu mais inférieur au Père et au Fils, ne sont point pour cela coupables de ce crime irrémissible de blasphème, parce qu’ils agissent par ignorance naturelle plutôt que par le principe d’envie diabolique qui animait les principaux d’entre les Juifs. — S. Augustin : (serm. 2 sur les par. du Seign.) Donnons encore cette autre explication : si le Sauveur s’était exprimé de la sorte : Celui qui se sera rendu coupable de n’importe quel blasphème contre l’Esprit saint, nous devrions entendre toute espèce de blasphème sans exception, mais il se borne à dire : « Celui qui blasphémera contre l’Esprit saint, » c’est-à-dire celui qui profère, non pas un blasphème quelconque, mais un blasphème de telle gravité, qu’il ne puisse jamais être pardonné. C’est dans le même sens qu’il est dit : « Dieu ne tente personne, » (Jc 1) ce qui doit s’entendre, non pas de toute tentation en général, mais d’un certain genre de tentation. Mais quel est ce blasphème irrémissible contre l’Esprit saint ? Le voici : Le premier bienfait dont les croyants sont redevables à l’Esprit saint, c’est la rémission des péchés, c’est contre ce don purement gratuit que blasphème le coeur impénitent; l’impénitence est donc le blasphème contre l’Esprit saint, qui ne sera remis ni en ce monde ni en l’autre, parce que c’est la pénitence seule qui obtient en cette vie la rémission des péchés dont nous devons recueillir les fruits en l’autre. — S.
Cyrille : Après avoir inspiré à ses disciples une
crainte salutaire et les avoir préparés à résister généreusement à ceux qui
s’écartent de la vraie foi, il leur recommande de ne point s’inquiéter
d’ailleurs de la réponse qu’ils devront faire, parce que l’Esprit saint qui
habite dans les âmes bien disposées pour les instruire, leur suggérera ce
qu’il convient de répondre : « Lorsqu’on vous conduira dans les
synagogues et devant les magistrats et les autorités, ne vous mettez point en
peine comment vous répondrez ni de ce que vous direz. » — La Glose : interl. Le Sauveur dit : « comment vous répondrez, » quant à la forme de la réponse que vous ferez à ceux qui vous questionneront : « ni de ce que vous direz, » pour le fond même des choses, que vous exposerez à ceux qui désireront s’instruire. — S.
Bède : En effet, lorsque nous sommes conduits devant
les tribunaux pour la cause de Jésus-Christ, nous devons nous contenter
d’offrir pour lui notre bonne volonté, pour le reste, la grâce du
Saint-Esprit nous assistera dans nos réponses : « Car l’Esprit saint
vous enseignera à l’heure même ce qu’il vous faudra dire. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 34 sur Matth.) Il est dit ailleurs, il est vrai : « Soyez toujours prêts à répondre pour votre défense à tous ceux qui vous demanderont raison de l’espérance qui est en vous. » (1 P 3, 13) C’est-à-dire que lorsqu’il s’élève [une discussion,] une controverse entre amis, nous devons alors réfléchir [à ce qu’il nous faut répondre]; mais quand nous sommes traduits devant ces tribunaux, où tout inspire la terreur, il nous entoure comme d’un rempart de sa propre force, et nous donne le courage de parler sans crainte. — Théophylacte : Or, comme notre faiblesse vient de deux causes, ou parce que nous voulons éviter le martyre, par la crainte du supplice, ou parce que notre ignorance nous empêche de rendre compte de notre foi, le Sauveur combat ces deux causes : la crainte de la douleur, lorsqu’il dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, » la crainte de l’ignorance, par ces dernières paroles : « Ne soyez point en peine comment vous répondrez ni de ce que vous direz. » |
Lectio 4 [85867] Catena in Lc., cap. 12 l. 4 Ambrosius. Totus superior locus ad subeundam pro confessione domini
passionem, aut contemptu mortis, aut spe praemii, aut mansuri denuntiatione supplicii,
cui nunquam venia laxetur, instruitur. Et quoniam avaritia
plerumque solet tentare virtutem, etiam huius abolendae rei praeceptum
subicitur et exemplum, cum dicitur ait autem ei quidam de turba : magister,
dic fratri meo ut dividat mecum hereditatem. Theophylactus.
Hi duo fratres, quia de hereditate paterna dividenda contendebant,
consequens erat ut alter alterum fraudare intenderet. Dominus autem docens
nos quod non oportet ad terrena flecti, repellit vocantem eum ad hereditatis
divisionem; unde sequitur at ille dixit ei : homo, quis me constituit iudicem
aut divisorem, scilicet facultatum, super vos? Beda.
Qui magistro supernae pacis gaudia commendanti, terrenae divisionis vult
ingerere molestiam, merito homo vocatur, secundum illud : cum sit inter vos
zelus et contentio, nonne homines estis? Cyrillus.
Fuit autem Dei filius quando factus est similis nobis, constitutus a Deo
patre in regem et principem super Sion montem sanctum eius, annuntians
mandatum divinum. Ambrosius.
Bene ergo terrena declinat qui propter divina descenderat, nec iudex
dignatur esse litium et arbiter facultatum, virorum habens mortuorumque
iudicium arbitriumque meritorum. Non ergo quid petas, sed a quo postules,
intuendum est; nec maioribus intento animo putes minoribus obstrependum :
unde non immerito refutatur hic frater, qui dispensatorem caelestium
gestiebat corruptibilibus occupare, cum inter fratres patrimonium non iudex
medius, sed pietas debeat sequestra dividere : quamquam immortalitatis
patrimonium, non pecuniae, sit hominibus expectandum. Beda.
Occasione autem huius stulti petitoris, adversus avaritiae pestem, et
turbas et discipulos praeceptis pariter et exemplis munire satagit; unde
sequitur dixitque ad illos : videte, et cavete ab omni avaritia. Dicit autem
ab omni, quia nonnulla simpliciter geri videntur, sed internus arbiter qua
intentione fiant diiudicat. Cyrillus.
Vel dicit ab omni avaritia, scilicet magna et parva. Est enim inutilis
avaritia, dicente domino : domos zelatas aedificabitis, et non habitabitis in
eis; et alibi : decem iugera vinearum facient lagunculam unam, et triginta
modii sementis facient modios tres. Sed et secundum alium modum est inutilis,
quem ostendit subdens quia non in abundantia cuiusquam vita eius est ex his
quae possidet. Theophylactus.
Hoc dicit dominus refellens avarorum intentiones, qui videntur coacervare
divitias quasi diu victuri; sed numquid te opulentia longaevum efficiet? Quid
igitur manifeste sustines mala, incertae causa quietis? Nam dubium est an
debeas attingere senium, cuius gratia thesaurizas. |
Versets 13-15.
— S. Ambroise : Tous les enseignements qui précèdent, ont pour but de nous encourager à souffrir pour le nom du Seigneur, ou par le mépris de la mort, ou par l’espérance de la récompense, ou par la menace des supplices éternels, qu’aucune miséricorde ne viendra jamais adoucir. Or, comme l’avarice est une source fréquente de tentations pour la vertu, Notre Seigneur veut en détruire jusqu’au germe dans notre âme, et à l’appui du précepte qu’il donne, il apporte cet exemple : « Alors, du milieu de la foule, quelqu’un lui dit : Maître, dites à mon frère de partager avec moi notre héritage. » —
Théophylacte : Ces deux frères se disputaient pour
diviser l’héritage paternel, il fallait donc que l’un cherchât à frauder
l’autre. Or, le Sauveur, voulant nous appendre à ne point abaisser notre
esprit jusqu’aux choses de la terre, rejette la demande de celui qui l’appelait
à diviser cet héritage : « Mais Jésus lui répondit : Homme, qui m’a
établi pour vous juger ou pour faire vos partages ? », c'est-à-dire le partage de vos biens
terrestres. — S. Bède : Cet homme veut préoccuper du souci de diviser la terre le Maître qui est venu nous inspirer le goût des joies et de la paix du ciel; aussi est-ce avec raison que Notre Seigneur lui donne le nom d’homme; dans le même sens que ces autres paroles : « Puisqu’il y a parmi vous des jalousies et des contentions, n’est-il pas visible que [vous êtes charnels, et que] vous vous conduisez comme des hommes. » — S. Cyrille : Lorsque le Fils de Dieu a daigné se rendre semblable à nous, Dieu son Père l’a établi roi et prince sur la sainte montagne de Sion, pour annoncer ses divins commandements (cf. Ph 2, 7; Ps 2). — S. Ambroise : C’est donc avec raison qu’il refuse de s’occuper des intérêts de la terre, lui qui n’est descendu sur la terre que pour nous enseigner les choses du ciel; il dédaigne d’être le juge des différends et l’arbitre des biens de la terre, lui à qui Dieu a donné le pouvoir de juger les vivants et les morts, et l’appréciation décisive des mérites des hommes. Il faut donc considérer ici, non pas ce que vous demandez, mais à qui vous faites cette demande, et ne pas chercher à détourner à des choses de médiocre importance, celui dont l’esprit est appliqué à des objets d’un intérêt supérieur. Ce frère méritait donc la réponse que lui fit le Sauveur, lui qui voulait que le dispensateur des biens célestes s’occupât des intérêts périssables de la terre. Ajoutons d’ailleurs que ce n’est point par l’intervention d’un juge, mais par l’affection, qu’un bien patrimonial doit être partagé entre des frères. Enfin les hommes doivent attendre et espérer le patrimoine de l’immortalité plutôt que celui des richesses. — S. Bède : Notre Seigneur profite de l’occasion de cette demande inconsidérée pour prémunir par des préceptes et des exemples, la foule et ses disciples, contre le fléau contagieux de l’avarice : « Et s’adressant à tous ceux qui étaient présents, il leur dit : ‘Gardez-vous avec soin de toute avarice’. » Remarquez ces paroles : « de toute avarice, » parce que bien des actions ont une apparence de droiture, mais leur intention vicieuse n’échappe pas à l’oeil pénétrant du juge intérieur. — S. Cyrille : Ou bien encore : « Gardez-vous de toute avarice, grande ou petite, » car l’avarice est tout à fait inutile au témoignage du Seigneur lui-même : « Vous bâtirez des maisons magnifiques, et vous ne les habiterez pas. » (Am 5, 11.) Et ailleurs : « Dix arpents de vigne ne rapporteront qu’une mesure, la terre ne rendra plus que la dixième partie de la semence. » (Is 5, 10.) Le Sauveur donne une autre raison de l’inutilité de l’avarice : « Dans l’abondance même, la vie d’un homme ne dépend pas des biens qu’il possède. » — Théophylacte : Il condamne ici les vains prétextes des avares, qu’on voit entasser des richesses, comme s’ils devaient toujours vivre. Mais l’opulence peut-elle prolonger votre vie ? Pourquoi donc vous dévouer à des inquiétudes certaines pour un repos qui n’est rien moins que certain ? Car il est bien douteux que vous atteigniez la vieillesse pour laquelle vous amassez des trésors. |
Lectio 5 [85868] Catena in Lc., cap. 12 l. 5 Theophylactus. Dicto quod ex affluentia opum non protendatur vita
humana, ad huius fidem parabolam subdit, dicens dixit autem similitudinem ad
illos, dicens : hominis cuiusdam divitis uberes fructus ager attulit. Basilius.
Non facturi quidem ex ubertate fructuum aliquid boni, ut magis divina
longanimitas pateat, quae usque ad malos suam bonitatem extendit, pluens
super iustos et iniustos. Quae vero sunt quae hic homo benefactori
recompensat? Non meminit communis naturae, nec arbitratus est oportere quod
superfluit, dispensari egentibus : et horrea quidem crepabant prae copia
conditorum : avarus tamen animus nequaquam implebatur, nolens veteribus
cedere propter avaritiam, nova non valens suscipere propter multitudinem :
propter quod imperfecta erant eius consilia, et steriles curae; unde sequitur
et cogitabat intra se, dicens : quid faciam, quia non habeo quo congregem
fructus meos? Conqueritur aeque pauperibus. An non quem premit inopia, dicit
: quid faciam? Unde victus, unde calceamenta? Talia et locuples profert :
urgent enim ipsius animam divitiae a promptuariis emanantes, ne forte cum
exiverint prosint egentibus; a simili gulosorum, qui mallent edacitate
crepare quam indigentibus de reliquiis impartiri. Gregorius
Moralium. O angustia ex satietate nata. Dicens enim quid faciam? Profecto
indicat quia votorum suorum effectibus pressus, sub quodam rerum fasce
laborabat. Basilius.
Erat quidem in promptu dicere : aperiam horrea, convocabo egenos; sed
cogitat non ut distribuat, sed ut congreget; sequitur enim et dixit : hoc
faciam : destruam horrea mea. Bene facis : nam digna destructione nequitiae
promptuaria : dissolve horrea, ex quibus nullus consolationem accepit. Subdit
et maiora faciam. At si et hoc impleveris, numquid destrues iterum? Quid
stultius, quam in infinitum laborare? Horrea sunt tibi, si vis, pauperum
domus. Sed dices : cui iniuriam facio, propria retinendo? Nam et sequitur et
illuc congregabo omnia quae nata sunt mihi, et bona mea. Dic mihi : quae tua? Unde ea sumens in vitam tulisti? Sicut
qui praeveniens spectacula prohiberet advenientes, appropriando sibi quod ad
usum communem ordinatur; similes sunt divites, qui communia quae
praeoccupaverunt, aestimant sua esse; si enim quilibet suae necessitatis
sufficientiam recipiens, relinqueret superfluum indigenti, non esset dives
nec pauper. Cyrillus.
Attende et aliter esse frivolum eius verbum, cum dicit congregabo omnia
quae nata sunt mihi : quasi non putaret ea divinitus obtinere, sed fructus
esse laborum suorum. Basilius.
Ceterum, si fateris ea tibi divinitus provenisse, an iniustus est Deus
inaequaliter res nobis distribuens? Cur tu abundas, ille vero mendicat, nisi
ut tu bonae dispensationis merita consequaris, ille vero patientiae braviis
decoretur? At tu nonne spoliator es, quae dispensanda suscepisti, propria
reputando? Est panis famelici quem tu tenes, nudi tunica quam in conclavi
conservas, discalceati calceus qui penes te marcescit, indigentis argentum
quod possides inhumatum; quocirca tot iniuriaris quot dare valeres. Chrysostomus. Sed et in hoc errat, quod bona putat quae sunt
indifferentia : rerum enim quaedam sunt bonae, quaedam malae, quaedam mediae.
Bona quidem sunt castitas et humilitas et huiusmodi; quae cum homo
eligit, fit bonus. His autem opposita sunt mala; quae homo dum eligit, fit
malus. Media vero sunt, ut divitiae; quae quandoque quidem ordinantur in
bonum, scilicet ad eleemosynam; quandoque ad malum, scilicet ad avaritiam; et
similiter inopia quandoque ad blasphemiam, quandoque ad sapientiam secundum
affectum utentium. Cyrillus.
Dives igitur non parat permanentia horrea, sed caduca; et, quod stultius
est, vitae longitudinem sibi taxat; sequitur enim et dicam animae meae :
anima, habes multa bona posita in annos plurimos. Sed, o dives, fructus
quidem habes in horreis, sed annos plurimos unde poteris obtinere? Athanasius.
Si quis autem sic vivat quasi quotidie moriturus, eo quod incerta est
naturaliter vita nostra, non peccabit : semper enim maior timor plurimum
voluptatis dissolvit. Sed e contrario dives longaevitatem sibi repromittens,
ad voluptates aspirat; sequitur enim requiesce, scilicet a labore, comede,
bibe, epulare, magno scilicet apparatu. Basilius.
Tam improvidus es erga bona animae, ut escas corporeas animae ascribas :
si quidem virtutem habet, si fecunda est operationum bonarum, si Deo
adhaesit, bona plurima possidet, et bono gaudio gaudet. Verum quia totus
carnalis es passionibus subiectus, a ventre, non ab anima clamas. Chrysostomus.
Non autem decet vacare deliciis, et impinguare corpus, et attenuare
animam, fascemque ei gravare, et tenebras obducere, spissumque velamen : eo
quod in deliciis dominativum animae servit, servile vero corporis dominatur.
Alimentorum autem indiget corpus, non deliciarum : ut nutriatur, non ut
scindatur et fluat : neque enim animae soli, sed et ipsi corpori sunt nocivae
deliciae : eo quod ex forti fit debile, ex sano aegrotativum, ex agili grave,
ex formoso deforme, ex iuvene veternosum. Basilius.
Permissus autem est deliberare in omnibus, et manifestare propositum
proprium, ut condignam mereatur sui affectus sententiam. Sed dum in abdito
loquitur, eloquia eius examinantur in caelo, unde sibi responsa proveniunt;
sequitur enim dixit autem illi Deus : stulte, hac nocte animam tuam repetent
a te. Audi conveniens tibi stultitiae nomen, quod tibi nullus imposuit
hominum, sed ipse Deus. Gregorius
Moralium. Eadem nocte sublatus est qui multa tempora fuerat praestolatus,
ut scilicet qui in longum sibi subsidia colligendo prospexerat, subsequentem
diem vel unum minime videret. Chrysostomus
in Matthaeum et in Orat. de Lazaro. Dicit autem repetent a te :
exposcebant enim eam forsan terribiles quaedam virtutes ad hoc missae;
quoniam si de civitate in civitatem transeuntes egemus ductore, multo magis
anima absoluta a corpore, et ad futuram vitam transmigrans, indigebit ducatu.
Ob hoc multoties recusat anima, et regreditur in profundum, cum debet exire a
corpore; semper enim stimulat nos conscientia peccatorum, sed praecipue cum
debemus trahi ad terribile iudicium. Tunc enim tota congeries criminum
innovatur, et prae oculis posita mentem percellit : et sicut carcerati semper
quidem dolorosi sunt, tunc autem praecipue cum debent iudici praesentari; sic
et anima maxime in ipso tempore de peccato cruciatur et dolet; multo autem
magis cum fuerit evulsa. Gregorius
Moralium. In nocte autem ablata est anima quae in obscuritate cordis est
emissa : in nocte ablata est quae considerationis lucem habere noluit, ut
quod pati poterat praevideret. Subdit autem quae autem parasti, cuius erunt?
Chrysostomus.
Hic enim ea deseres, non solum nullum inde percipiens commodum, sed et
sarcinam peccatorum portans super humeros proprios. Et quae quidem a te
congesta sunt, plerumque in manus inimicorum pervenient; a te vero super his
ratio requiretur. Sequitur sic est qui sibi thesaurizat et non est in Deum
dives. Beda.
Hic enim stultus est, et in nocte rapiendus. Ergo qui vult esse in Deum
dives, non sibi thesaurizet, sed pauperibus possessa distribuat. Ambrosius.
Frustra enim congregat opes qui se his nescit usurum : neque enim nostra
sunt quae non possumus auferre nobiscum : sola virtus comes est defunctorum,
sola nos sequitur misericordia, quae tabernacula defunctis acquirit aeterna. |
Versets 16-21.
—
Théophylacte : Notre Seigneur confirme la vérité
qu’il vient d’enseigner, que l’abondance des richesses ne peut prolonger la
vie humaine, par la parole suivante : « Il y avait un homme riche, dont les terres avaient rapporté
beaucoup de fruits. » — S. Basile : (hom. 6 de l’avar.) Notre Seigneur ne dit pas que cet homme voulut faire un bien avec ses grandes richesses, et il rend plus éclatante la longanimité de Dieu, qui étend sa bonté même aux méchants, et fait tomber sa pluie sur les justes et sur les coupables. Or, comment cet homme témoigne-t-il sa reconnaissance à son bienfaiteur ? Il oublie la nature qui lui est commune avec tous les hommes, il ne pense pas qu’il y a obligation pour lui à distribuer aux indigents son superflu; ses greniers étaient surchargés par l’abondance de ses récoltes, mais son coeur insatiable n’était pas rempli. Il ne voulait rien donner des fruits anciens, tant était grande son avarice; il ne savait ni recueillir les nouveaux, tant ils étaient abondants, aussi sa prudence est aux abois et ses soucis frappés de stérilité : « Et il s’entretenait lui-même de ces pensées : Que ferai-je ? car je n’ai point où serrer ma récolte. » Il s’inquiète à l’égal des pauvres; n’est-ce pas là, en effet, ce que dit l’indigent : Que ferai-je ? Comment me procurer la nourriture et le vêtement ? Tel est aussi le langage de ce riche, il est comme accablé sous le poids de ses richesses, dont ses greniers regorgent et dont il ne veut point les laisser sortir pour le soulagement des pauvres, semblables à ces gens [avides et] affamés, qui aimeraient mieux être victimes de leur voracité, que de laisser les restes de leur table aux indigents. — S. Grégoire : (Moral., xv, 13.) O inquiétudes, qui êtes le fruit de [l’abondance et de] la satiété ! En disant : « Que ferai-je ? » ne montre-t-il pas clairement qu’il est comme accablé par l’accomplissement de ses désirs, et qu’il gémit, pour ainsi dire, sous le fardeau de ses liens ? — S. Basile : (comme précéd.) Il lui était pourtant facile de dire : J’ouvrirai mes greniers, je réunirai tous les pauvres; mais non, une seule pensée le préoccupe, ce n’est point de distribuer [le trop plein de ses greniers], c’est d’entasser [sa nouvelle récolte] : « Voici, dit-il, ce que je ferai : Je détruirai mes greniers. » Vous faites là une bonne action, ces greniers d’iniquité méritent d’être détruits; abattez donc ces greniers d’où la consolation n’est jamais sortie pour personne. Il ajoute : « Et j’en ferai de plus grands. » Et si vous parvenez encore à les remplir, les détruirez-vous de nouveau ? Mais quelle folie que ce travail sans fin ? Vos greniers (si vous voulez), doivent être les maisons des pauvres. Vous me direz : A qui fais-je tort, en gardant ce qui m’appartient ? Car ce riche ajoute : « et j’y amasserai le produit de mes terres et tous mes biens. » Dites-moi quels sont les biens que vous avez en propre ? De quelle source les avez-vous tirés pour les apporter dans cette vie ? Semblables à un homme qui, arrivant avant l’heure du spectacle, empêcherait les autres d’y venir, et prétendrait avoir la jouissance exclusive de ce qui est destiné au public, les riches regardent comme leur appartenant en propre des biens dont ils se sont emparé, lorsqu’ils étaient la propriété commune de tous les hommes. Si chacun ne prenait que ce qui suffit à ses besoins, et abandonnait tout le superflu aux indigents, il n’y aurait plus ni riche ni pauvre. — S. Cyrille : Écoutez une autre parole inconsidérée de ce riche : « J’y amasserai tout le produit de mes terres et tous mes biens. » Ne semble-t-il pas qu’il n’est pas redevable à Dieu de ses richesses, et qu’elles sont le fruit de ses travaux ? — S. Basile : (comme précéd.) Mais si vous reconnaissez que vous les tenez de Dieu, est-ce que Dieu serait injuste en nous distribuant inégalement les biens de la fortune ? Pourquoi êtes-vous dans l’abondance, celui-ci dans la pauvreté, si ce n’est pour vous donner occasion d’exercer une générosité méritoire, à ce pauvre de recevoir un jour le prix glorieux de sa patience ? Or, n’êtes-vous pas un véritable spoliateur, en regardant comme votre propriété ces biens que vous n’avez reçus que pour en faire part aux autres ? Ce pain que vous conservez, appartient à cet homme qui meurt de faim; cette tunique que vous serrez dans votre garde-robe, appartient à cet autre qui est sans vêtement; cette chaussure qui dépérit chez vous, est à celui qui marche pieds nus; cet argent que vous avez enfoui dans la terre, appartient aux indigents; vous commettez donc autant d’injustices que vous pourriez répandre de bienfaits. — S. Jean Chrysostome : Mais il se trompe encore en regardant comme des biens véritables, des choses tout à fait indifférentes. Il y a, en effet, des choses qui sont essentiellement bonnes, d’autres essentiellement mauvaises, d’autres enfin qui tiennent le milieu. La chasteté et l’humilité, et les autres vertus de ce genre sont de véritables biens, et rendent bon celui qui les pratique. Les vices opposés à ces vertus sont essentiellement mauvais, et rendent également mauvais celui qui s’y livre. D’autres choses tiennent le milieu, comme les richesses, tantôt elles servent à faire le bien, l’aumône, par exemple, tantôt elles sont un instrument pour le mal, c’est-à-dire pour l’avarice. Il en est de même de la pauvreté, elle conduit tantôt au blasphème, tantôt à la véritable sagesse, selon les dispositions intérieures des personnes. — S. Cyrille : Ce ne sont point des greniers permanents, mais de passagère durée, que ce riche construit, et ce qui est une folie plus insigne, il se promet une longue vie : « Et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années. » O riche, tes greniers, il est vrai, regorgent de fruits, mais qui peut te garantir plusieurs années de vie ? — S. Athanase : (contre Antig.) Celui qui vit comme s’il devait mourir chaque jour, à cause de l’incertitude naturelle de la vie, ne commettra point ce péché; car cette crainte de la mort prémunit contre l’attrait séduisant des voluptés; mais au contraire, le riche qui se promet une longue vie, aspire après les plaisirs de la chair. Écoutez en effet ce riche : « Mon âme, repose-toi (c'est-à-dire de ton travail), mange, bois, fais bonne chair, » c’est-à-dire fais des repas somptueux. — S. Basile : (comme précéd.) [O riche], tu es si oublieux des biens de l’âme, que tu lui donnes en nourriture les aliments du corps ! Si cette âme est vertueuse, si elle est féconde en bonnes oeuvres, si elle s’attache à Dieu, elle possède alors de grands biens, et jouit d’une véritable joie; mais comme tu es tout charnel et esclave de tes passions, [tes désirs et] tes cris viennent tout entiers de ton ventre et non de ton âme. — S. Jean Chrysostome : (hom. 39 sur la Ière Epît. aux Cor.) Il ne convient nullement de se plonger dans les délices, d’engraisser le corps et d’affaiblir l’âme, de lui imposer un lourd fardeau, de l’envelopper dans les ténèbres et de la couvrir d’un voile épais. Lorsque l’homme vit dans les délices, l’âme qui devait être reine, devient esclave, et le corps qui devait obéir, domine et commande. Les aliments sont nécessaires au corps, mais non pas les délices, il faut le nourrir, mais non pas le débiliter et l’amollir. Or, les délices sont nuisibles au corps autant qu’à l’âme; de fort qu’il était, elles le rendent faible; à la santé, elles font succéder la maladie; à l’agilité, la pesanteur; à la beauté, la laideur; à la jeunesse, une vieillesse prématurée. — S. Basile : (comme précéd.) Cet homme a été laissé libre de délibérer sur toutes ces choses, et de faire connaître ses intentions, afin que son avarice insatiable reçût le juste châtiment qu’elle méritait. Tandis, en effet, qu’il parle ainsi dans le secret de son âme, [ses pensées et] ses paroles sont jugées dans le ciel, d’où lui vient cette réponse : « Insensé ! cette nuit même, on te redemandera ton âme. » Entendez-vous ce nom d’insensé que votre folie vous a mérité, ce ne sont pas les hommes, c’est Dieu lui-même qui vous l’a donné. — S. Grégoire : (Moral., XXII, 2. sur ces par. de Jb 26 : « Si j’ai regardé l’or, » etc.) Il fut enlevé cette nuit-là même, lui qui s’était promis de longues années, et tandis qu’il avait amassé des biens considérables pour un grand nombre d’années, il ne voit même pas le jour du lendemain. — S. Jean Chrysostome : (disc. 2 sur Lazare.) « On te redemandera ton âme, » etc. Peut-être quelques puissances terribles étaient envoyées pour lui redemander son âme; car si nous ne pouvons sans guide passer d’une ville à une autre, combien plus l’âme, séparée du corps, a-t-elle besoin d’être conduite vers les régions inconnues de l’autre vie. C’est pour cela que très souvent, l’âme, sur le point de quitter le corps, résiste fortement, et rentre dans les profondeurs du corps; car toujours la conscience de nos péchés nous fait sentir son aiguillon; mais c’est surtout lorsque nous devons être traduits devant le tribunal redoutable du juste Juge, que toute la multitude de nos crimes vient se placer sous nos yeux et glacer notre âme d’effroi. Comme des prisonniers sont toujours dans les angoisses, surtout lorsqu’arrive pour eux le moment de paraître devant leur juge; ainsi l’âme est alors attristée et torturée par le souvenir de ses péchés, mais bien plus encore lorsqu’elle est sortie du corps. — S. Grégoire : (Moral., xxv, 2.) Cette âme a été enlevée pendant la nuit, c’est-à-dire dans l’obscurité du coeur; elle est séparée du corps pendant la nuit, parce qu’elle a fermé les yeux à la lumière de la raison qui aurait pu lui faire prévoir les supplices qu’elle s’exposait à souffrir. Jésus ajoute : « Et ce que tu as amassé, pour qui sera-t-il ? » — S.
Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs et hom. 23 sur la Gen.) Car vous laisserez tous
ces biens, et non seulement vous n’en retirerez aucun avantage, mais vous
serez accablé sous le poids de vos péchés. Toutes ces richesses que vous avez
amassées, passeront le plus souvent aux mains de vos ennemis, mais c’est vous
qui aurez à en rendre compte. « Il
en est ainsi de celui qui thésaurise pour soi, et qui n’est pas riche selon
Dieu. » — S. Bède : C’est un insensé qui doit être enlevé dans la nuit. Que celui donc qui veut être riche selon Dieu, n’amasse pas de trésors pour lui; mais qu’il distribue aux pauvres ceux qu’il possède. — S. Ambroise : Pourquoi, en effet, amasser des richesses dont on ne sait faire aucun emploi ? Pouvons-nous regarder comme nous appartenant des choses que nous ne pouvons emporter avec nous ? La vertu seule nous accompagne au sortir de cette vie, la miséricorde seule nous suit, et nous conduit après la mort dans les tabernacles éternels (Lc 16, 9). |
Lectio 6 [85869] Catena in Lc., cap. 12 l. 6 Theophylactus. Paulatim dominus provehit ad perfectiorem
doctrinam; docuit enim supra cavendum esse ab avaritia, subdiditque parabolam
divitis, insinuans per eam quod stultus est qui superflua cupit; deinde
procedente sermone, neque de necessariis sinit nos sollicitudinem gerere,
avaritiae radicem evellens; unde dicit ideo dico vobis; quasi dicat :
postquam stultus est qui sibi maiorem vitae mensuram attribuit, et exinde
magis efficitur cupidus, nolite solliciti esse animae vestrae quid
manducetis; non quia intelligibilis anima comedat, sed quia non videtur
aliter animam posse coniunctam manere corpori, nisi dum nutrimur. Vel quia
animati corporis est nutrimentum suscipere, congrue animae nutriri attribuit;
nam et virtus nutritiva dicitur anima; ut sic intelligatur : ne solliciti
sitis nutritivae parti animae quid edatis. Potest autem etiam corpus mortuum
vestiri; unde subdit neque corpori vestro quid induamini. Chrysostomus
in Matthaeum. Quod autem dicitur nolite solliciti esse, non idem est quod
nolite operari, sed nolite rebus mundanis mente affigi : contingit enim
aliquem operantem nihil sollicitum esse. Cyrillus.
Praeeminet autem anima cibo, et corpus vestitui; unde subdit anima plus
est quam esca, et corpus plusquam vestimentum; quasi dicat : Deus, qui quod
maius est exhibuit, quomodo non dabit quod minus est? Non ergo multum nostra
intentio modicis insistat, nec intellectus noster serviat ad vestitum et
victum quaerendum; magis autem cogitet quaecumque salvant animam, et
sublevant ad regnum caelorum. Ambrosius.
Nihil autem moralius ad faciendam fidem omnia credentibus a Deo posse
conferri, quam quod aereus ille spiritus vitale collegium, animae corporisque
contubernio foederatum non deficit, nisi cum venerit dies suprema moriendi.
Cum igitur anima indumento corporis vestiatur, et vigore animae corpus
animetur, absurdum est ut victus nobis copiam defuturam putemus, qui vivendi
iugem substantiam consequamur. |
Versets 22-23.
— Théophylacte : Notre Seigneur élève peu à peu ses disciples à une doctrine plus parfaite. Il leur a enseigné plus haut à se mettre en garde contre l’avarice, et leur a cité à l’appui la parabole du riche, pour leur démontrer plus clairement la folie de celui qui désire des choses superflues; il va maintenant plus loin, il ne nous permet pas même de nous inquiéter pour le nécessaire, et arrache ainsi de nos coeurs jusqu’à la racine de l’avarice : « C’est pourquoi je vous dis : Ne vous mettez pas en peine, » etc. C’est-à-dire : puisque vous avez compris la folie de celui qui se promettait une longue vie, et que cette espérance rendait encore plus avare; ne vous mettez pas en peine pour votre âme de ce que vous mangerez. Notre Seigneur s’exprime de la sorte, non que l’âme intelligente se nourrisse d’aliments corporels, mais parce que la nourriture de notre corps est une condition essentielle de l’union de l’âme et du corps; ou bien encore, comme c’est le propre du corps animé de prendre de la nourriture, le Sauveur attribue à l’âme le soin de la nourriture; car l’âme est appelée la vertu nutritive du corps, et ses paroles peuvent recevoir ce sens : « Ne vous mettez pas en peine pour la partie nutritive de votre âme, de ce que vous mangerez. » Le corps, au contraire, même privé de la vie, peut être couvert de vêtements; aussi Notre Seigneur ajoute : « Ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 22 sur Matth.) « Ne vous inquiétez pas, » ne veut pas dire : Ne travaillez pas; mais : « Ne vous laissez pas absorber par les choses du monde » ; en effet, on peut très bien se livrer au travail, mais sans préoccupation, [sans agitation d’esprit]. — S. Cyrille : La vie est supérieure à la nourriture, et le corps au vêtement, au témoignage du Sauveur : « La vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement, » c’est-à-dire : Dieu qui a fait le plus, ne dédaignera pas de faire le moins. Que des choses si peu importantes ne soient donc point l’objet [unique] de nos pensées, que notre esprit ne soit pas l’esclave du vêtement et de la nourriture, mais qu’il se préoccupe surtout des moyens de sauver l’âme et de l’élever jusqu’au royaume des cieux. — S. Ambroise : Rien de plus propre à établir cette vérité, que Dieu accorde tout à ceux qui se confient en lui, que de voir ce souffle céleste qui, sans effort de notre part, perpétue l’union intime du corps et de l’âme, dans une communauté de vie à qui l’aliment nécessaire ne fait défaut, que lorsqu’arrive le jour suprême de la mort. Puisque donc l’âme est enveloppée du corps comme d’un vêtement, et que le corps, à son tour, puise sa vie dans la vigueur de l’âme, n’est-ce pas une absurdité de craindre que la nourriture puisse nous faire défaut, alors que Dieu nous a donné et nous continue le bienfait précieux de la vie ? |
Lectio 7 [85870] Catena in Lc., cap. 12 l. 7 Cyrillus.
Sicut supra erigendo nos ad spiritualem audaciam, per aves induxit, dicens
: multis passeribus pluris estis vos, sic et nunc ex volatilibus firmam et
indubitabilem fiduciam nobis adducit, dicens considerate corvos, quia non
seminant neque metunt, scilicet ad acquirendum cibum, quibus non est
cellarium, neque horreum, scilicet ad conservandum; et Deus pascit illos.
Quanto magis vos pluris estis illis? Beda.
Idest, carius vos valetis : quia rationale animal, sicut homo, sublimius
ordinatum est in rerum natura, quam irrationabilia, sicut sunt aves. Ambrosius.
Magnum autem quod fide sequamur exemplum : nam volatilibus caeli, quibus
nullum exercitium cultionis, nullus de messium fecunditate proventus est,
indeficientem providentia divina largitur alimoniam. Verum est igitur causam
inopiae nostrae avaritiam videri : etenim illis idcirco sine labore pabuli
usus exuberat, quo fructus ad escam communem datos, speciali quodam nesciunt
vindicare dominatu. Nos communia amisimus, dum propria vindicamus : nam nec
proprium quicquam ubi perpetuum nihil, nec certa copia ubi incertus eventus.
Chrysostomus
in Matthaeum. Cum autem posset dominus exemplum ab hominibus sumere qui
minime terrena curaverunt, Eliam dico, Moysen et Ioannem, et ceteros
huiusmodi, commemoravit volatilia, sequens vetus testimonium, quod ad apem
transmittit et formicam, et alia huiusmodi; quibus naturales quosdam mores
inseruit conditor. Theodoretus.
Ideo autem omissa mentione aliorum volatilium, corvorum mentionem facit,
quia pullos corvorum speciali providentia Deus nutrit : nam corvi pariunt
quidem, non autem nutriunt, sed negligunt pullos suos : quibus miro modo ab
aere pabulum quadam aura delatum ad os pervenit, quod hiantes suscipiunt, et
sic nutriuntur. Forsan etiam et talia per
synecdochen dicta sunt, toto significato per partem : unde in Matthaeo
dominus remittit ad volatilia caeli, hic vero specialiter ad corvos, tamquam
gulosiores et rapaciores. Eusebius.
In corvis etiam aliquid plus significat : avibus enim colligentibus
legumina promptius est alimentum, vescentibus vero carnibus, sicut corvis,
difficilius est ad habendum; nec tamen huiusmodi aves defectum pabuli
patiuntur propter providentiam Dei diffusam ubique. Utitur autem ad idem et tertio syllogismo, dicens quis autem vestrum
cogitando potest adicere ad staturam suam cubitum unum? Chrysostomus. Nota quod animam quidem semel dedit Deus, et eadem
perseverat; sed corpus quotidie sumit incrementum. Pertransiens igitur animam
quasi non recipientem augmentum, de solo corpore facit mentionem, dans
intelligere quod non augetur per solum alimentum, sed provisione divina, per
hoc quod nullus nutrimentum accipiendo aliquid ad suam staturam adicere
potest; unde concluditur si ergo neque quod minimum est potestis, quid de
ceteris solliciti estis? Eusebius. Quasi dicat : si nullus sua cura corpoream ingeniatus est
sibi staturam; sed neque termino temporis vitae potest aliquis vel
brevissimum tempus horae excogitando adicere, cur oportet superflue de
necessariis vitae cogitare? Beda.
Illi ergo tegendi corporis curam relinquite, cuius videtis cura factum
esse ut tantae staturae corpus habeatis. Augustinus
de quaest. Evang. Cum autem de augenda corporis statura loqueretur, dicit
quod minimum est hoc, scilicet Deo corpora operari. |
Versets 24-26.
— S. Cyrille : De même
que dans ce qui précède, Notre Seigneur a voulu produire dans l’esprit de ses
disciples une foi vive et ferme à la Providence par l’exemple des oiseaux qui
sont de peu de valeur, il se sert encore de la même comparaison, pour nous
inspirer une ferme et inébranlable confiance en Dieu : « Considérez les corbeaux, ils ne sèment ni ne moissonnent (pour
se procurer la nourriture), ils n’ont ni cellier ni grenier (pour mettre leur
récolte), et Dieu les nourrit. Combien ne valez-vous pas mieux qu’eux. »
— S. Bède : C’est-à-dire : vous êtes d’un plus grand prix, car un être raisonnable tel que l’homme, occupe dans la nature un rang plus élevé que les êtres dépourvus de raison, comme sont les oiseaux. — S. Ambroise : C’est là un grand exemple offert à notre foi. En effet, les oiseaux qui n’ont ni les travaux de la culture, ni de riches moissons, trouvent cependant leur nourriture dans le fond inépuisable de la providence divine. Il est donc vrai que la cause de notre indigence, c’est notre avarice; car pourquoi les oiseaux reçoivent-ils sans travail aucun une abondante pâture ? c’est parce qu’ils ne cherchent pas à s’approprier la possession des biens destinés à la nourriture commune de tous les êtres. Pour nous, au contraire, nous perdons nos droits à ces biens communs, en voulant les posséder en propre. Et d’ailleurs quelle propriété véritable pouvons-nous avoir, là où il n’y a rien de durable, quelles richesses assurées, là où tous les événements sont incertains ? — S. Jean Chrysostome : (hom. 22 sur Matth.) Notre Seigneur pouvait donner en exemple ces hommes qui ont professé une souveraine indifférence pour les choses de la terre, comme Élie, Moïse, Jean-Baptiste, et d’autres semblables, mais il préfère emprunter ses comparaisons aux oiseaux, suivant en cela l’exemple de l’Ancien Testament, qui renvoie l’homme à l’abeille et à la fourmi (Pv 6, 6.8), et à d’autres animaux qui ont reçu du Créateur des instincts qui leur sont propres. — Théophylacte : Or, il fait mention des corbeaux, de préférence aux autres oiseaux, parce que la providence de Dieu nourrit les petits des corbeaux avec un soin tout particulier. En effet, les corbeaux, après que leurs petits sont éclos, les abandonnent sans se mettre en peine de les nourrir, et c’est le vent qui, d’une manière vraiment merveilleuse, leur porte à travers les airs leur pâture qu’ils reçoivent dans leur bec entr’ouvert. C’est ainsi qu’ils se nourrissent. Peut-être encore parle-t-il ainsi par synecdoque, en prenant la partie pour le tout. En effet, dans saint Matthieu (Mt 6), il nous renvoie aux oiseaux du ciel en général, ici, au contraire, il nous donne pour exemple les corbeaux, comme plus avides et plus voraces. —
Eusébe : Peut-être aussi, l’exemple des corbeaux
a-t-il une signification supplé-mentaire ; car les oiseaux qui se nourrissent
de plantes, trouvent plus facilement leur pâture; tandis que les corbeaux qui
sont carnivores, la trouvent avec plus de difficulté, et cependant ces
derniers eux-mêmes ne manquent jamais de nourriture, grâce à cette providence de Dieu qui s’étend
à tout. Il prouve ensuite la même vérité par un troisième raisonnement : « Qui de vous, pourrait avec tous ses
soins, ajouter une coudée à sa taille ? » — S. Jean Chrysostome : (hom. 22 sur Matth.) Remarquez que l’âme que Dieu nous a donnée, demeure toujours la même, tandis que le corps prend tous les jours de nouveaux accroissements, voilà pourquoi Notre Seigneur passe sous silence l’âme qui n’est point susceptible d’accroissement, et ne parle que du corps; et il nous donne à entendre que ce n’est point aux aliments seuls qu’il doit son accroissement, mais à la providence divine, par cette raison que personne ne peut à l’aide de la nourriture ajouter quelque chose à sa taille : « Donc, conclut-il, si vous ne pouvez pas même les moindres choses, pourquoi vous inquiéter des autres ? » — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) Comme s’il disait : Si aucun homme n’a pu par tous ses soins se donner sa taille corporelle, s’il ne peut, avec toute son industrie, ajouter un seul instant à la durée que Dieu a fixée à son existence, pourquoi s’inquiéter outre mesure des choses nécessaires à l’entretien de sa vie ? — S. Bède : Laissez donc le soin de gouverner votre corps à celui qui a pris soin de le créer, et de lui donner la taille qui lui convenait. — S. Augustin : (quest. Evang., 2, 28.) Notre Seigneur dit de l’accroissement du corps que c’est une chose moindre, parce qu’en effet, c’est pour Dieu une de ses moindres oeuvres que de créer des corps. |
Lectio 8 [85871] Catena in Lc., cap. 12 l. 8 Chrysostomus in Matthaeum. Sicut superius dominus de
alimentis monebat, ita et nunc monet de vestitu, dicens considerate lilia
agri, quomodo crescunt : non laborant neque nent, ut scilicet sibi faciant
indumenta. Sicut autem supra cum dominus dixit : non seminant volatilia, non
reprobavit sementem, sed superfluam curam, sic cum dixit non laborant neque
nent, non opus interemit, sed cogitationem. Eusebius.
Si quis autem mortalium vult decorari pretioso vestitu, videat oculate
quod Deus etiam usque ad flores, qui ex terra oriuntur, multiplicem sui
sapientiam propagans, ornavit hos diversis coloribus, tenuibus membranis
florum, murice et auro longe meliores tincturas accommodans, adeo quod nec
penes aliquem regem deliciosum, nec etiam ipsum Salomonem, qui apud antiquos
tam in divitiis quam in sapientia et in deliciis celeber fuit, tam pretiosum
opus fuerit inventum; unde sequitur dico autem vobis, quia nec Salomon in
omni gloria sua vestiebatur sicut unum ex istis. Chrysostomus. Non
utitur hic volatilium exemplo, cygnum commemorans aut pavonem, sed lilia :
vult enim utrinque declarare hyperbolem, scilicet ab infirmitate rerum, quae
tantum sunt sortitae decorem, et a pretio decoris, qui concessus est liliis;
unde postmodum non vocat ea lilia, sed fenum, cum subditur si autem fenum
quod in agro est hodie : nec dicit : cras non entia; sed subdit : et cras in
clibanum mittetur : neque dicit simpliciter : Deus vestit, sed dicit Deus sic
vestit, quod multam habet expressionem; et subdit quanto magis vos? Quod est
exprimentis pretiositatem et providentiam humani generis. Denique, cum
increpare deceret, utitur et hic moderantia, non infidelitatis, sed
paucitatis fidei arguens, cum subdit pusillae fidei; ut per hoc magis excitet
nos ad dictorum persuasionem; ut non solum non cogitemus de vestibus, sed nec
affectemus vestimentorum decorem. Cyrillus.
Sufficit enim prudentibus solius causa necessitatis aptum habere vestitum,
modestiam non excedentem, et ciborum quod satis est. Sufficiunt etiam sanctis
quae sunt in Christo spirituales deliciae, et subsequens gloria. Ambrosius.
Non otiosum autem videtur quod flos vel homini confertur, vel certe plus
pene quam hominibus in Salomone praefertur : ut prae claritate coloris
Angelorum caelestium gloriam putemus expressam, qui vere mundi istius flores
sunt, quod eorum claritatibus mundus ornatur, et bonum odorem
sanctificationis aspirant : qui nulla sollicitudine praepediti, nullo usu
laboris exerciti, divinae in se liberalitatis gratiam, et caelestis servant dona
naturae. Unde bene et hic vestitus gloria sua Salomon, et alibi coopertus
ostenditur, quod infirmitatem corporeae naturae, velut virtute quadam mentis
adopertam, operum gloria vestiebat. Angeli vero, quorum natura divinior
expers manet iniuriae corporalis, recte licet maximo viro praeferuntur. Nec
tamen in nobis misericordiam Dei desperare debemus, quibus per resurrectionis
gratiam dominus similem Angelorum speciem pollicetur. Cyrillus.
Absonum autem erat discipulos debentes normam et exemplar conversationis
honestae aliis tradere, in ea incidere a quibus discedendum esse oportebat
eos consulere. Et ideo dominus subdit et vos nolite quaerere quid manducetis,
aut quid bibatis. In hoc etiam dominus consuluit non modicum studio sacrarum
praedicationum, monens discipulos sollicitudinem humanam abicere. Beda.
Notandum tamen est, quod non ait : nolite quaerere, aut solliciti esse de
cibo, aut potu, aut indumento; sed quid manducetis aut bibatis : ubi mihi
videntur argui qui, spreto victu vel vestitu communi, lautiora sibi vel
austeriora prae his cum quibus vitam ducunt, alimenta vel indumenta requirunt.
Gregorius
Nyssenus. Sed dicetur : aliqui obtinuerunt dominia, honores et divitias,
cum orassent; qualiter ergo prohibes nos talia orando quaerere? Et quidem
quod omnia haec ad divinum consilium pertineant, omnibus patet; haec tamen a
Deo conferuntur petentibus, ut discentes Deum nos exaudire in minoribus
petitionibus, elevemur ad altiorem affectum; sicut in pueris videmus, qui mox
nati maternis adhaerent uberibus; si vero pubuerit parvulus, spernit mammas,
quaerit autem monile, aut aliquid talium, quibus oculus delectatur; postquam
autem mens cum corpore creverit, cedens cunctis puerilibus desideriis,
quaerit a parentibus quae conveniunt vitae perfectae. Augustinus
de quaest. Evang. Prohibita autem sollicitudine de alimentis, consequenter
ne extollantur admonuit, dicens nolite in sublime tolli. Primo enim haec ad necessitatem complendam homo quaerit; cum autem his
abundaverit, incipit de talibus superbire. Tale
est hoc ac si se vulneratus aliquis iactet, quia habeat multa emplastra in
domo, cum illi bonum esset ut vulnera non haberet, et ne uno quidem indigeret
emplastro. Theophylactus.
Vel elevationem nihil aliud vocat quam vagum mentis motum, alias aliud
meditantis, et ex hoc salientis ad aliud, et sublimia cogitantis. Basilius.
Et ut intelligas huiusmodi elevationem, memento vanitatis propriae
iuventutis; si quando manens solus cogitasti de vita et promotionibus,
discurrens a principatu in principatum, amplexus es divitias, aedificasti
palatia, amicis bene fecisti, ultus es inimicos. Est autem peccatum talis
abstractio : intenta enim circa superflua delectatio a veritate seducit; unde
convenienter subdit haec enim omnia gentes mundi quaerunt, scilicet
voluptatem, divitias et huiusmodi. Gregorius
Nyssenus. Adhibere enim sollicitudinem rebus apparentibus proprium est
eorum qui nullam supponunt spem futuri saeculi, neque metum iudicii. Basilius. Sed de necessariis vitae subdit pater autem vester scit
quoniam his indigetis. Chrysostomus in Matthaeum. Non
dixit : Deus, sed pater, ut ipsos ad maiorem promoveret fiduciam : quis enim
est pater qui patiatur necessaria filiis non ministrare? Sed et aliud adicit.
Non enim poteris dicere, quod pater quidem est, ignorat tamen his nos
indigere; nam qui naturam creavit, eius indigentiam novit. Ambrosius.
Ostendit autem consequenter nec ad praesens, nec in reliquum fidelibus
gratiam defuturam, si modo qui divina desiderant, terrena non quaerant.
Indecorum quippe est homines curare de cibo, qui militant pro regno. Novit
rex quemadmodum familiam suam pascat, alat et vestiat; unde sequitur
verumtamen quaerite primum regnum Dei; et haec omnia adicientur vobis. Chrysostomus. Non modo regnum, sed etiam opes Christus pollicetur
cum eo. Si enim nos a curis eos eripimus qui
praetermittentes sua, nostrorum diligentiam habent, multo magis Deus. Beda.
Indicat enim aliud esse quod principaliter datur, aliud quod superadditur
: quia nobis in intentione aeternitas, in usu vero temporalitas esse debet. |
Versets 27-31.
— S. Jean Chrysostome : (hom. 23, sur Matth.) Notre Seigneur donne ici pour le vêtement, la même leçon qu’il vient de donner pour la nourriture : « Considérez les lis, comment ils croissent; ils ne travaillent ni ne filent, » pour se faire des vêtements. En nous proposant dans ce qui précède l’exemple des oiseaux qui ne sèment, [ni ne moissonnent], le Sauveur n’a point condamné l’ensemencement des champs, mais les soins superflus; de même ici en nous proposant celui des lis qui ne travaillent point, et ne filent point, il ne condamne pas le travail, mais les [vaines] sollicitudes. — Eusèbe : Que celui qui désire se parer de vêtements précieux considère que
Dieu étendant sa providence jusqu’aux fleurs qui naissent sur la terre, les a
ornées de couleurs variées en donnant à leurs membranes délicates, des
teintes plus belles que celles de la pourpre et de l’or, à ce point que les
plus grands rois, et Salomon lui-même qui fut si célèbre parmi les anciens
par ses richesses, sa sagesse et sa magnificence, n’eurent jamais une si
riche parure, au témoignage de Notre Seigneur : « Je vous déclare que Salomon même, dans toute sa gloire,
n’était pas vêtu comme l’un deux. » — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Pourquoi Notre Seigneur n’apporte pas ici l’exemple des oiseaux, tels que le cygne et le paon, mais celui des lis ? C’est pour faire ressortir davantage ces deux extrêmes, la fragilité des choses qui brillent d’un si vif éclat, et la richesse de la parure qu’il a donnée aux lis. Aussi dans la suite de son discours, il ne les appelle plus les lis; mais l’herbe des champs : « Or, si l’herbe qui est aujourd’hui dans les champs…» Il ne dit pas non plus : et qui ne sera plus demain, mais : « qui demain sera jetée au feu. » Remarquez encore qu’au lieu de dire simplement : Si Dieu la revêt, il emploie cette locution plus expressive : « Si Dieu la revêt ainsi, » et qu’il ajoute : « combien plus le fera-t-il pour vous, » paroles qui expriment à la fois l’excellence du genre humain, et la providence dont il est l’objet. Enfin, alors qu’il devrait réprimander ses disciples, il leur parle avec douceur, et les accuse, non pas de leur manque absolu de foi, mais de leur peu de foi : « Combien plus le ferait-il pour vous hommes de peu de foi ? » Langage persuasif qui a pour objet de nous ôter la préoccupation des vêtements et de l’éclat des vaines parures. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Il suffit aux sages en effet d’avoir, pour satisfaire à la seule nécessité, des vêtements convenables et simples, et la nourriture qui leur est suffisante. Et quant aux saints ils se contentent de ces délices spirituelles que donne l’union avec Jésus-Christ, et de la gloire qui doit les suivre. — S. Ambroise : Notre Seigneur met une simple fleur en comparaison avec l’homme, il lui donne même la préférence sur l’homme dans la personne de Salomon, pour nous faire voir dans l’éclat de ses vives couleurs une image de la grâce des anges du ciel, qui sont véritablement les fleurs de ce monde, parce qu’ils en sont l’ornement par l’éclat de leur perfection, qu’ils répandent partout le parfum de leur sainteté, et que sans être préoccupés d’aucun souci, ni fatigués d’aucun travail, ils conservent en eux les dons de la libéralité divine et de leur nature toute céleste. Aussi est-ce avec raison qu’il est dit ici que Salomon était revêtu, et ailleurs [dans saint Matthieu] (Mt 6, 9), qu’il était couvert de sa gloire, parce qu’en effet il revêtait de la gloire de ses oeuvres la faiblesse de sa nature corporelle, qui était comme couverte et enveloppée par les vertus de son âme. Quant aux anges dont la nature plus divine est exempte des infirmités du corps, ils sont justement mis au-dessus du plus grand des hommes. Cependant nous ne devons pas pour cela désespérer de la miséricorde de Dieu, nous à qui Dieu promet par la grâce de la résurrection, des qualités aussi éclatantes que celles des anges. — S. Cyrille : Il eût été contraire à la raison que les Apôtres, qui devaient donner aux autres la règle et l’exemple d’une vie parfaite, se rendissent coupables des défauts dont ils devaient préserver les autres. Aussi écoutez la recommandation du Sauveur : « Ne vous mettez donc pas en peine de ce que vous mangerez, ou de ce que vous boirez. » En détachant ainsi ses disciples des préoccupations de la terre, il les applique tout entiers aux intérêts de la prédication. — S. Bède : Remarquez cependant qu’il ne dit pas : Ne vous occupez pas, ne vous inquiétez point de la nourriture, ou de la boisson, ou du vêtement; mais : « [Ne vous mettez pas en peine] de ce que vous mangerez, ou de ce que vous boirez. » Paroles qui condamnent, me semble-t-il, ceux qui, dédaignant la manière de vivre, ou de se vêtir du commun des hommes, recherchent un genre de nourriture, ou de vêtement plus somptueux, ou plus austère que ne l’adoptent ceux au milieu desquels ils vivent. — S. Grégoire de Nysse : (1 Disc. sur l’orais. dom.) Il en est qui ont demandé et obtenu en priant la puissance, les honneurs, les richesses, pourquoi donc nous défend-on d’en faire l’objet de nos prières ? Que tous ces biens dépendent de la volonté divine, il n’est personne qui n’en soit convaincu; cependant Dieu les accorde à ceux qui les demandent, afin que nous nous élevions au désir de biens plus parfaits, en voyant que Dieu nous accorde des grâces bien moins importantes; c’est ainsi que nous voyons les enfants, aussitôt qu’ils sont nés, s’attacher de toutes leurs forces au sein maternel, mais lorsque l’enfant grandit, il laisse le sein de sa mère, et demande des parures ou quelqu’autre chose qui charme ses yeux; lorsqu’enfin son esprit s’est développé avec le corps, il rompt avec tous les désirs de l’enfance, et demande à ses parents ce qui est en rapport avec son âge plus parfait. — S. Augustin : (quest. évang., 2, 29.) Après avoir défendu toute sollicitude de la nourriture [et du vêtement], Notre Seigneur nous recommande conséquemment d’éviter l’orgueil : « Ne vous élevez pas si haut. » Car l’homme recherche d’abord ces choses pour satisfaire à ses besoins, mais lorsqu’il les a en abondance, il en conçoit de l’orgueil, semblable à un homme qui, s’étant blessé, se vanterait d’avoir quantité de remèdes dans sa maison, alors qu’il lui serait mille fois plus avantageux d’être sans blessure, et de n’avoir point besoin de remèdes. — Théophylacte : Ou bien cette élévation de l’esprit que le Sauveur défend, c’est un mouvement inconstant de l’âme qui embrasse une foule de pensées, et passe de l’une à l’autre pour nourrir son orgueil. — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Voulez-vous bien comprendre en quoi consiste cette élévation, rappelez-vous la vanité de vos jeunes années, alors qu’étant seul, vous pensiez à la vie et à ses honneurs, promenant vos désirs de dignité en dignité, amassant des richesses, bâtissant des palais, comblant de bienfaits vos amis, et vous vengeant de vos ennemis. Or, de telles pensées sont coupables, parce qu’en mettant son plaisir dans les choses superflues, l’âme s’éloigne de la vérité; aussi Notre Seigneur ajoute : « Car ce sont ces choses que les nations du monde recherchent », à savoir le plaisir , les richesses et autres choses de ce genre. — S. Grégoire de Nysse : Car c’est le propre de ceux qui n’ont ni l’espérance de la vie future, ni la crainte du jugement, de s’inquiéter de tous ces biens extérieurs. — S. Basile : Quant aux choses nécessaires : « Votre Père sait que vous en avez besoin. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 23, sur Matth.) Il ne dit pas : Votre Dieu, mais : « Votre Père, » pour leur inspirer une plus grande confiance, car quel est le Père qui laisserait manquer ses enfants du nécessaire ? Mais le Seigneur ajoute encore autre chose. Et vous ne pouvez pas objecter qu’il est Père, il est vrai, mais qu’il ne connaît pas vos besoins; car celui qui a créé notre nature, sait bien ce qui lui est nécessaire. — S.
Ambroise : Notre Seigneur montre ensuite que la
providence et la grâce de Dieu ne feront jamais défaut aux fidèles, ni pour
le temps présent, ni pour l’avenir, à la condition toutefois qu’en désirant
les biens du ciel, ils ne chercheront pas avec inquiétude les biens de la
terre, car il serait honteux à des hommes qui combattent pour un royaume de
s’inquiéter de la nourriture. Est-ce que le roi ne sait pas comment il doit
entretenir, nourrir et vêtir sa maison ? « Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice,
et toutes ces choses vous seront données par surcroît. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Ce n’est pas seulement son royaume, mais des richesses que Jésus-Christ nous promet; car si nous-mêmes nous nous faisons un devoir de délivrer de tout souci, ceux qui sacrifient leurs intérêts pour s’occuper des nôtres, à plus forte raison Dieu agira-t-il de la sorte. — S. Bède : Il distingue dans les dons de Dieu, ce qui est essentiel de ce qui n’est que de surcroît, parce qu’en effet nous devons nous proposer les biens éternels comme la fin de notre vie, et faire simplement usage des biens du temps présent. |
Lectio 9 [85872] Catena in Lc., cap. 12 l. 9 Glossa. Postquam dominus temporalium curam a cordibus discipulorum
removit, hic excludit ab eis timorem, ex quo superflua cura procedit, dicens
nolite timere, pusillus grex. Theophylactus. Pusillum gregem dominus vocat volentes discipulos
eius fieri : vel quia in hoc saeculo sancti parvi videntur causa voluntariae
paupertatis, vel quia superantur a multitudine Angelorum, qui incomparabiliter
praecellunt quae nostra sunt. Beda. Pusillum etiam dominus gregem electorum nominat, vel ad
comparationem maioris numeri reproborum, vel potius ob humilitatis devotionem.
Cyrillus.
Quare autem timere non debent, ostendit subdens quia complacuit patri
vestro dare vobis regnum, quasi dicat : eum qui tam pretiosa largitur,
qualiter pigebit erga vos clementiam exercere? Quamvis enim hic grex parvus
sit et natura, et numero, et gloria, bonitas tamen patris concessit et huic
pusillo gregi caelestium spirituum sortem, scilicet regnum caelorum. Ergo ut
possideatis regnum caelorum, opes terrenas contemnite; unde subditur vendite
quae possidetis et date eleemosynam. Beda.
Quasi dicat : nolite timere ne propter regnum Dei militantibus huius vitae
necessaria desint; quin etiam possessa propter eleemosynam vendite : quod
tunc digne fit, quando quis semel pro domino suo omnibus spretis, nihilominus
post hoc labore manuum operatur, unde et victum transigere, et eleemosynam
dare queat. Chrysostomus
in Matthaeum. Non est enim peccatum quod eleemosyna nequeat abolere;
antidotum est cuilibet conveniens vulneri : sed et eleemosyna non solum in
pecuniis fit, sed et in rebus, dum aliquis alium protegit, dum medicus
medetur, dum sapiens consulit. Gregorius
Nazianzenus. Vereor autem ne putes pietatis tibi necessitatem non esse,
sed arbitrium. Opinabar et ipse hoc; sed terrent me hoedi ad sinistram
statuti, non quia rapuerunt, sed quia Christum in egentibus non placaverunt.
Chrysostomus.
Nam sine eleemosyna impossibile est regnum videre. Sicut enim fons, si
aquas in se continuerit, vitiatur; sic et divites, cum omnia penes se teneant.
Basilius.
Sed quaeret aliquis : quid considerantem oportet vendere quae possidentur?
Numquid tamquam eis naturaliter noxiis, vel propter tentationem accidentem
animabus ab eis? Ad hoc dicendum est, primo quidem quod singulum eorum quae
sunt, si per seipsum malum existeret, non esset creatura Dei; omnis enim
creatura Dei bona : consequenter autem, quia mandatum dominicum non docuit
abicere tamquam mala quae possidentur, sed dispensare, dicens et date
eleemosynam. Cyrillus.
Molestum autem forte est hoc mandatum divitibus; sanam tamen mentem
habentibus non est inutile : thesaurizant enim sibi regnum caeleste; unde
sequitur facite vobis sacculos qui non veterascunt. Beda.
Eleemosynas videlicet operando, quarum merces in aeternum maneat : ubi non
hoc praeceptum esse putandum est, ut nil pecuniae reservetur a sanctis, vel
suis, vel pauperum usibus; cum et ipse dominus, cui Angeli ministrabant,
loculos habuisse legatur, a fidelibus oblata conservans; sed ne Deo propter
ista serviatur, et ob inopiae timorem iustitia deseratur. Gregorius
Nyssenus. Praecipit autem sensibiles et terrenas opes sursum concedere,
quo virtus corruptiva non attingit; unde subdit thesaurum non deficientem in
caelis, quo fur non appropiat, neque tinea corrumpit. Theophylactus.
Quasi dicat : hic tinea demolitur, non autem in caelis. Deinde quia tinea
quaedam non demolitur, addidit de fure : aurum enim non demolitur tinea, sed
fur tollit. Beda.
Sive igitur hoc simpliciter accipiendum est, quod pecunia servata
deficiat, data autem proximo, perennem fructum conferat in caelis : seu ita
quod thesaurus boni operis si commodi terrestris occasione condatur, facile
corruptus intereat : at si caelesti solum intentione congeratur, non exterius
hominum favore, quasi a fure qui deforis rapit, non intus inani gloria, quasi
a tinea quae interius scindit, valet maculari. Glossa.
Vel fures sunt haeretici, et Daemones, qui ad hoc intenti sunt ut
spiritualibus nos spolient. Tinea, quae vestes latenter rodit, invidia est,
quae studium bonum lacerat, et compactionem unitatis dissipat. Theophylactus.
Porro, quia non omnia furto tolluntur, addit potiorem rationem et nullam
prorsus patientem instantiam, dicens ubi enim thesaurus vester est, ibi et
cor vestrum erit : quasi dicat : esto quod nec tinea demoliatur, nec fur
tollat; hoc ipsum quod est habere cor affixum thesauro sepulto, et divinum
opus, scilicet animam, terrae immergere, quanto est dignum supplicio? Eusebius.
Nam quilibet homo naturaliter dependet ab eo erga quod studet; illuc totum
animum applicat ubi totum commodum possidere putavit. Unde si quis in rebus
praesentis vitae habeat totam mentem et intentionem, quam cor nominavit, in
terrenis versatur : si vero mentem applicaverit ad caelestia, ibi mentem
habebit, ut videatur solo corpore cum hominibus conversari, animo vero iam
sit aggressus mansiones caelestes. Beda.
Hoc autem non solum de pecunia, sed de cunctis passionibus sentiendum est
: luxuriosi epulae sunt thesauri, lascivi ludicra, amatoris libido. |
Versets 32-34.
— La Glose : Après avoir banni du coeur de ses disciples la sollicitude des choses de la terre, Notre Seigneur en exclut la crainte, qui est le principe des vaines inquiétudes : « Ne craignez point, petit troupeau, ». — Théophylacte : Notre Seigneur appelle petit troupeau ceux qui veulent devenir ses disciples, ou bien à cause de la pauvreté volontaire qu’ils ont embrassée pour devenir saints dans ce siècle, ou parce qu’ils sont au-dessous de la multitude des anges, dont la nature est incomparablement supérieure à la nôtre. — S. Bède : Notre Seigneur appelle encore petit le troupeau des élus, soit par comparaison avec le grand nombre des réprouvés, soit plutôt à cause de l’amour des élus pour l’humilité. — S. Cyrille : Il leur donne ensuite la raison qui doit bannir de leur coeur tonte crainte : « parce qu’il a plu à votre Père de vous donner son royaume. » Comme s’il leur disait : Comment celui qui vous destine un si précieux héritage pourrait-il refuser de vous traiter avec bonté ? Car bien que ce troupeau soit petit (par la nature, le nombre, et l’éclat), cependant c’est à ce petit troupeau que la bonté du Père a donné l’héritage des esprits célestes, c’est-à-dire le royaume des cieux. Si vous voulez donc posséder le royaume des cieux, méprisez les richesses de la terre : « Vendez ce que vous avez, et donnez-le en aumône.» — S. Bède : Notre Seigneur veut leur dire : Ne craignez pas qu’en combattant pour le royaume de Dieu, vous manquiez jamais du nécessaire; loin de là, vendez même ce que vous avez, conseil qui est noblement pratiqué par celui qui, non content d’avoir fait pour Dieu le sacrifice de tous ses biens, travaille ensuite de ses mains pour suffire à ses besoins et pouvoir encore donner l’aumône. — S. Jean Chrysostome : (hom. 25, sur les Actes.) Il n’est point de péché que l’aumône ne puisse effacer, c’est un remède efficace pour toutes les blessures. Or, on ne fait pas seulement l’aumône en donnant de l’argent, mais en faisant des oeuvres de charité, en défendant le faible, en guérissant les malades, en donnant un sage conseil. — S. Grégoire : de Nazianze. (Disc. sur l’am. des pauv.) Je crains que vous ne regardiez la pratique de la miséricorde non comme obligatoire, mais comme facultative; c’était d’abord aussi mon avis, mais je suis épouvanté par la vue des boucs placés à la gauche du Sauveur, non pour avoir ravi le bien d’autrui, mais pour avoir négligé d’assister Jésus-Christ dans la personne des pauvres. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur Matth.) Sans l’aumône en effet, il est impossible de posséder le royaume; une source qui retient ses eaux, se corrompt, il en est de même de ceux qui conservent leurs richesses pour eux-mêmes. — S. Basile : (Régl. abrég., 92.) On me demandera peut-être pour quel motif il faut vendre ce que l’on possède ? Est-ce parce que les biens de la terre sont naturellement mauvais, ou à cause des tentations dont ils peuvent-être la source pour les âmes ? Je réponds premièrement, que si une seule des choses qui existent dans le monde, était essentiellement mauvaise, elle cesserait par là même d’être créature de Dieu, car toute chose créée par Dieu est bonne (2 Tm 4); secondement que le Sauveur en nous disant : « Faites l’aumône, » ne nous commande pas de nous dépouiller de nos possessions comme si elles étaient mauvaises, mais de les distribuer [aux pauvres]. — S. Cyrille : Peut-être ce commandement paraîtra-t-il dur aux riches; cependant il peut être avantageux à des esprits raisonnables, puisqu’ils peuvent ainsi gagner le royaume des cieux : « Faites-vous des bourses que le temps n’use point ». — S. Bède : En faisant des aumônes dont la récompense durera éternellement, il ne faut pas croire cependant qu’il soit défendu ici aux chrétiens de rien avoir en réserve, soit pour leur usage, soit pour celui des pauvres, puisque le Seigneur lui-même, qui était servi par les anges (Mt 4), avait cependant une bourse (Jn 12), dit-on, pour conserver les offrandes des âmes fidèles. Notre Seigneur veut simplement dire qu’on ne doit ni servir Dieu en vue de ces biens, ni abandonner la pratique de la justice dans la crainte de les perdre. — S. Grégoire de Nysse : (ch. des Pères grecs) Il leur recommande de placer leurs biens et leurs richesses terrestres dans le ciel où la corruption ne pourra les atteindre : « Faites-vous un trésor qui subsiste dans les cieux, où le voleur ne se l’approprie pas et où la teigne ne le détruit pas. » — Théophylacte : C’est-à-dire : ici bas les vers peuvent ronger ces biens, mais ils ne les rongent pas dans le ciel, et comme il y a des biens qui sont à l’épreuve des vers, il ajoute : « et où les voleurs n’ont point d’accès, » car l’or ne peut-être rongé par les vers, mais il peut être enlevé par les voleurs. — S. Bède : Il faut donc entendre simplement ce passage, dans ce sens que l’argent mis en réserve se perd, tandis que s’il est donné au prochain, il produit des fruits éternels pour le ciel; ou encore, que le trésor des bonnes oeuvres, s’il est amassé en vue d’un avantage terrestre, se corrompt facilement et se perd, tandis que s’il est acquis en vue du ciel, il ne peut être atteint ni extérieurement par la vaine estime des hommes (semblable au voleur qui ravit au dehors), ni intérieurement par la vaine gloire (qui, comme le ver, ronge et déchire au dedans.) — La Glose : Ou bien les voleurs sont les hérétiques et les démons, qui ne cherchent qu’à nous dépouiller des biens spirituels : le ver qui ronge secrètement les vêtements, c’est l’envie qui ronge et déchire le zèle [ou le fruit] des bonnes oeuvres et réduit le lien de l’unité (Ep 4, 46.) — Théophylacte : Mais comme il est des biens qui ne peuvent être enlevés par les voleurs, Notre Seigneur donne une raison plus décisive et qui ne souffre aucune réplique : « Là où est votre trésor, là est votre coeur » ; comme s’il leur disait : Soit, que vos biens ne soient ni rongés par les vers, ni enlevés par les voleurs, mais quel supplice ne mérite pas celui qui attache son coeur à un trésor qu’il a enfoui, et qui ensevelit ainsi dans la terre son âme, oeuvre de Dieu par excellence ? — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) En effet, tout homme devient naturellement l’esclave de ce qui fait l’objet de ses affections; il applique toute son âme aux choses dont il espère retirer de plus grands avantages. Si donc il met dans les biens de la vie présente toute son âme, et toutes ses intentions (qu’on appelle « cœur »), il est tout entier plongé dans les choses de la terre. Si, au contraire, il dirige [toutes les facultés de] son âme vers les choses du ciel, il y aura aussi son coeur, il paraîtra vivre avec les hommes par le corps seul, tandis que par son âme, il sera déjà en possession des demeures célestes. — S. Bède : Cette vérité ne s’applique pas seulement aux richesses, mais à toutes les passions; les festins sont les trésors de l’homme sensuel; les vains amusements, les trésors de l’homme dissolu; la volupté, le trésor de l’impudique. |
Lectio 10 [85873] Catena in Lc., cap. 12 l. 10 Theophylactus. Postquam suum discipulum modestum statuit
dominus, spolians eum qualibet vitae cura et elevatione, iam nunc ad ministrandum
inducit, dicens sint lumbi vestri praecincti, idest semper proclives ad
exequenda opera domini vestri; et lucernae ardentes, idest, non ducatis vitam
in tenebris, sed adsit vobis lux rationis, ostendens vobis agenda et fugienda
: est enim hic mundus nox. Cincti vero lumbos sunt qui practicam exequuntur;
nam talis est ministrantium habitus, quibus oportet adesse et lucernas
ardentes, idest discretionis donum : ut valeat dignoscere practicus non solum
quid oporteat agere, sed et quomodo : alioquin in praecipitium superbiae
homines ruunt. Notandum autem quod primo iubet lumbos praecingi, secundo
lucernas ardere : nam primo quidem est operatio, deinde speculatio, quae est
illustratio mentis. Ideo studeamus exercere virtutes, ut duas lucernas habeamus
ardentes, scilicet conceptum mentis iugiter in anima emicantem, quo nos
illustramur, et doctrinam, qua ceteros illuminamus. Maximus.
Vel lucernas accensas docet habere per orationem et contemplationem, et
spiritualem dilectionem. Cyrillus.
Vel subcingi significat agilitatem et promptitudinem ad sustinenda mala
intuitu divini amoris; lucernae autem accensio significat, ut non patiamur
aliquos in tenebris ignorantiae vivere. Gregorius in Evang. Vel aliter. Lumbos
praecingimus cum carnis luxuriam per continentiam coarctamus : viris enim
luxuria in lumbis est, feminis in umbilico. A principali igitur sexu lumborum
nomine luxuria designatur. Sed quia minus est mala non agere, nisi etiam
quisque studeat bonis operibus insudare, additur et lucernae ardentes; quas
in manibus tenemus cum per bona opera, proximis nostris lucis exempla
monstramus. Augustinus
de quaest. Evang. Vel docet et lumbos praecingere propter continentiam ab
amore rerum saecularium, et lucernas ardentes habere, ut hoc ipsum vero fine
et recta intentione fiat. Gregorius.
Sed si utrumque horum agitur, restat ut quisquis ille est, totam spem suam
in redemptoris sui adventu constituat; unde subditur et vos similes hominibus
expectantibus dominum suum quando revertatur a nuptiis. Ad nuptias quippe
dominus abiit, quia ascendens in caelum supernam sibi multitudinem Angelorum
novus homo copulavit. Theophylactus.
Quotidie etiam in caelis desponsat sanctorum animas, quas ei Paulus vel
alius similis offert virginem castam. Redit autem a nuptiis celebratis in
caelis, forsan quidem universaliter in consummatione totius mundi, quando
veniet de caelo in gloria patris; forsan etiam singulis horis astans
inopinate particulari uniuscuiusque consummationi. Cyrillus.
Considera etiam, quod a nuptiis quasi a solemnitate venit, in qua semper
existit divinitas : nihil enim potest incorruptibili naturae inferre
tristitiam. Gregorius Nyssenus. Vel aliter. Consummatis nuptiis, et
desponsata sibi Ecclesia, et admissa ea in thalamum secretorum,
praestolabantur Angeli reditum regis ad naturalem beatitudinem; quibus
similem fieri decet nostram vitam; ut sicut illi sine malitia conversantes
parati fuerint dominicum regressum recipere; sic et nos vigilantes ad
obedientiam promptos nos faciamus cum advenerit pulsans; sequitur enim ut cum
venerit et pulsaverit, confestim aperiant illi. Gregorius in Evang. Venit quippe cum ad iudicium properat; pulsat
vero cum iam per aegritudinis molestiam esse mortem vicinam designat. Cui
confestim aperimus, si hunc cum amore suscipimus. Aperire enim iudici
pulsanti non vult, qui exire de corpore trepidat, et eum quem contempsisse se
meminit, videre iudicem formidat : qui autem de sua spe et operatione securus
est, pulsanti confestim aperit : quia cum tempus propinquae mortis agnoverit,
de gloria retributionis hilarescit unde subditur beati servi illi, quos cum
venerit dominus, invenerit vigilantes. Vigilat qui ad aspectum veri luminis
mentis oculos apertos tenet; qui servat operando quod credit; qui a se
torporis et negligentiae tenebras repellit. Gregorius
Nyssenus. Propter hanc igitur vigiliam observandam supra dominus monuit,
ut sint lumbi praecincti, et lucernae ardentes : lumen enim oppositum oculis
pellit somnolentiam oculorum, lumbi etiam cingulo perstricti reddunt corpus
insusceptibile somni; nam qui praecinctus est castitate, et pura conscientia
illustratus, perseverat insomnis. Cyrillus.
Cum igitur dominus veniens suos insomnes invenerit, et praecinctos, cor illuminatum
habentes, tunc eos promulgabit beatos; sequitur enim amen dico vobis, quia
praecinget se : ex quo percipimus quod similia nobis retribuet, dum cum
succinctis se praecinget. Origenes.
Erit enim praecinctus iustitia circa lumbos suos, secundum Isaiam. Gregorius. Per quam praecingit se, idest ad retributionem se
praeparat. Theophylactus. Vel praecinget se in eo quod non totam ubertatem
bonorum largitur, sed hanc cohibet secundum certam mensuram. Quis
enim Deum capere potest quantus est? Unde Seraphim velari dicuntur propter
excellentiam divini splendoris. Sequitur et faciet illos discumbere, idest
omnino requiescere : sicut enim discumbens totum corpus facit quiescere, sic
in futuro adventu sancti totaliter requiescent. Hic enim non habuerunt requiem
corporis, illic vero simul cum animabus spiritualia corpora incorruptionem
sortita, plena gaudebunt quiete. Cyrillus.
Faciet igitur illos discumbere, quasi fessos refocillans, apponens
spirituales delicias, et statuens dapsilem donorum suorum mensam. Dionysius
ad Titum. Discubitum enim opinamur quietem a multis laboribus, et vitam
sine laesione, et conversationem divinam in lumine et regione viventium;
universo sancto affectu adimpletam et copiosam donationem omnium donorum,
secundum quam laetitia adimplentur; hoc est enim quod Iesus faciet eos
recumbere, dans eis perpetuam quietem, et distribuens eis bonorum
multitudinem; unde sequitur et transiens ministrabit illis. Theophylactus.
Quasi vicem aequalem eis reddens, ut sicut ipsi ministraverunt ei, ita et
ipse eis ministret. Gregorius
in Evang. Transiens vero dictum est cum de iudicio ad regnum redit. Vel
dominus nobis post iudicium transit, qui ab humanitatis forma in divinitatis
suae contemplationem nos elevat. Cyrillus.
Novit autem dominus lubricum fragilitatis humanae ad peccandum; sed
quoniam bonus est, desperare non sinit, sed magis miseretur, et dat nobis
poenitentiam in salutis antidotum; et ideo subdit et si venerit in secunda
vigilia, et si in tertia vigilia venerit, et ita invenerit, beati sunt servi
illi. Dividunt enim excubantes in moeniis civitatum, et hostium servantes
aggressus, noctem in tres aut quatuor vigilias. Gregorius.
Prima ergo vigilia primaevum tempus est vitae nostrae, idest pueritia;
secunda, adolescentia vel iuventus; tertia autem senectus accipitur. Qui ergo
vigilare in prima vigilia noluit, custodiat in secunda : et qui in secunda
noluit, tertiae vigiliae remedia non amittat : ut qui converti in pueritia
neglexit, saltem in tempore iuventutis vel in senectute resipiscat. Cyrillus.
De prima tamen vigilia mentionem non facit, quia pueritia non punitur a
Deo, sed veniam meretur. Secunda vero et tertia
aetas, debet obedientiam Deo, et vitam honestam ducere ad voluntatem ipsius. Graecus.
Vel ad primam vigiliam pertinent diligentius viventes, quasi primum gradum
sortiti; ad secundam vero mediae conversationis mensuram tenentes; ad tertiam
vero qui sunt infra hos; et idem de quarta putandum est, et, si contingat, de
quinta : diversae enim sunt conversationum mensurae, et bonus remunerator
metitur unicuique quod dignum est. Theophylactus.
Vel quia vigiliae sunt horae noctis provocantes soporem hominibus,
intelligas etiam in vita nostra esse quasdam horas quae faciunt nos beatos,
si insomnes reperti fuerimus. Rapuit tibi aliquis facultates, defuncti sunt
tibi filii, accusatus es : sed si in his temporibus non feceris contra Dei
mandata quidquam, vigilantem te inveniet in secunda et tertia vigilia, idest
in tempore malo perniciosum somnum animabus lentis inferente. Gregorius.
Ad excutiendam vero nostrae mentis desidiam, etiam exteriora damna per
similitudinem ad medium deducuntur; nam subditur hoc autem scitote : quoniam
si sciret paterfamilias qua hora fur veniret, vigilaret utique, et non
sineret perfodi domum suam. Theophylactus.
Quidam hunc furem intelligunt esse Diabolum, domum animam, patremfamilias
hominem : non tamen videtur haec acceptio consonare sequentibus : adventus
enim domini comparatur huic furi tamquam ex inopinato proveniens, secundum
illud apostoli : dies domini sicut fur, ita in nocte veniet; unde et hic
subditur et vos estote parati : quia qua hora non putatis filius hominis
veniet. Gregorius in Evang. Vel aliter. Nesciente
patrefamilias, fur domum perfodit : quia dum a sui custodia spiritus dormit, improvisa
mors veniens carnis nostrae habitaculum irrumpit; furi autem resisteret si
vigilaret : quia adventum iudicis, qui occulte animam capit, praecavens, ei
poenitendo occurreret, ne impoenitens periret. Horam vero ultimam dominus
idcirco nobis voluit esse incognitam, ut dum illam praevidere non possumus,
ad illam sine intermissione praeparemur. |
Versets 35-40.
— Théophylacte : Après avoir établi ses disciples dans une sage modération, en les délivrant de tous les soins et de toutes les sollicitudes de la vie, le Seigneur les prépare aux oeuvres du ministère en leur disant : « Ceignez vos reins, » c’est-à-dire soyez toujours prêts à accomplir les oeuvres de votre Maître, « et ayez dans vos mains des lampes allumées, » c’est-à-dire : ne passez pas votre vie dans les ténèbres, mais ayez toujours la lumière de la raison pour vous montrer ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter. Le monde, en effet, est une nuit profonde; avoir aux reins la ceinture, c’est être prêts pour la vie pratique. Telle est en effet la tenue des serviteurs, ils doivent avoir aussi des lampes allumées, c’est-à-dire le don de la discrétion, pour pouvoir distinguer dans la pratique, non seulement ce qu’il faut faire, mais comment il faut le faire; autrement on s’expose à tomber dans le précipice de l’orgueil. Remarquez encore que Notre Seigneur commande premièrement de ceindre les reins; en second lieu, d’avoir des lampes allumées, parce que la contemplation qui est la lumière de l’âme, ne vient qu’après l’action. Appliquons-nous donc à pratiquer la vertu, de manière à ce que nous ayons toujours deux lampes allumées : l’intelligence qui éclaire toujours notre âme, et la doctrine qui répand la lumière dans l’âme des autres. — S. Maxime : (Chronique des Pères grecs) Ou bien encore, il nous enseigne à porter toujours des lampes allumées, par notre application à la prière, à la contemplation, et par la charité. — S. Cyrille : (du liv. de l’ador. en esprit.) Ou bien, l’action de ceindre ses reins est un symbole de l’empressement et de la résolution avec lesquelles nous devons supporter les maux de la vie par amour pour Dieu; les lampes figurent la vive lumière que nous devons projeter, de manière à ne laisser personne vivre dans les ténèbres de l’ignorance. — S. Grégoire : (hom. 43 sur les Evang.) Ou bien dans un autre sens, nous ceignons nos reins, lorsque nous comprimons par la continence les passions de la chair, car la source de la luxure pour les hommes est dans les reins, et pour les femmes dans l’ombilic (cf. Jb 40, 11); c’est donc à cause du sexe le plus noble, que la luxure se trouve figurée par les reins. Mais comme il ne suffit pas de ne pas faire le mal, et qu’il faut encore s’appliquer de toutes ses forces à la pratique des bonnes oeuvres, le Sauveur ajoute : « Ayez dans vos mains des lampes allumées, » car nous tenons dans nos mains des lampes allumées, lorsque par nos bonnes oeuvres nous donnons au prochain des exemples éclatants de lumière. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 25.) Ou bien encore, il nous commande de ceindre nos reins, en ne nous laissant point aller à l’amour des choses du monde; et d’avoir des lampes allumées, c’est-à-dire d’agir en cela pour une fin louable, et avec une intention droite. — S. Grégoire : (hom. 43 sur les Evang.) Si quelqu’un accomplit fidèlement ces deux commandements, il ne lui reste plus qu’à placer toute son espérance dans la venue du Rédempteur : « Soyez semblables, leur dit-il, à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, ». Notre Seigneur est parti pour des noces, parce qu’en montant aux cieux, son humanité renouvelée s’est unie à la multitude des esprits célestes. — Théophylacte : Tous les jours encore, dans les cieux, il épouse les âmes des saints, que lui présente comme des vierges chastes saint Paul (2 Co 11, 2), ou tout autre de ses ministres. Il revient des noces qu’il a célébrées dans le ciel, soit quand à la fin du monde, il reviendra pour tous les hommes dans la gloire de son Père; soit lorsqu’à chaque heure du temps présent, il revient inopinément pour la mort de chacun de nous. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Remarquez encore qu’il revient des noces comme d’une fête qui est l’état permanent de la divinité; car rien ne peut attrister cette nature incorruptible. — S.
Grégoire de Nysse : (hom. 11 sur
le Cant.) Ou bien encore, après qu’il eut terminé ses noces, épousé
l’Église, et qu’il l’eut admise dans son lit mystérieux, les anges
attendaient le retour de leur roi dans le séjour de sa béatitude naturelle.
Or, nous devons rendre notre vie semblable à celle des anges; et comme en
vivant dans l’innocence ils sont toujours prêts à recevoir leur Maître à son
retour, ainsi nous devons veiller nous-mêmes [à l’entrée de sa maison], et
nous préparer à lui obéir promptement lorsqu’il viendra frapper à la porte : « Afin, dit-il, que dès qu’il arrivera et frappera à la
porte, ils lui ouvrent aussitôt. » — S. Grégoire : (hom. 13 sur les Evang.) Notre Seigneur est de retour, lorsqu’il vient pour nous juger; il frappe lorsque la gravité de la maladie nous avertit que la mort est proche; nous lui ouvrons aussitôt, si nous le recevons avec amour; car l’âme qui craint de sortir du corps, ne veut pas ouvrir au juge qui frappe à la porte, et elle redoute de paraître devant ce juge qu’elle se souvient d’avoir méprisé pendant sa vie; mais celui à qui son espérance et ses oeuvres inspirent une humble confiance, ouvre [à son juge] aussitôt qu’il frappe, parce qu’en voyant le temps de sa mort approcher, il se réjouit de voir aussi approcher la gloire de la récompense. Aussi le Sauveur ajoute-t-il : « Heureux ces serviteurs, que le maître, à son retour, trouvera veillant. » Celui-là veille qui tient les yeux de son âme ouverts pour contempler la lumière véritable, qui conforme sa conduite à sa croyance, et repousse loin de lui les ténèbres de la tiédeur et de la négligence. — S. Grégoire de Nysse : C’est pour nous faciliter la pratique de cette vigilance, que Notre Seigneur nous avertit précédemment de ceindre nos reins, et d’avoir des lampes allumées; car la lumière qui brille devant nos yeux en éloigne la somnolence de nos yeux, et la ceinture que nous mettons autour de nos reins empêche le corps de dormir. Ainsi celui qui a la chasteté pour ceinture, et une conscience pure pour flambeau, ne se laisse jamais aller au sommeil. — S. Cyrille : Si donc le Seigneur trouve à son retour ses serviteurs éveillés, la ceinture aux reins, et la lumière dans le coeur, il les proclamera bienheureux : « Je vous le dis en vérité, il se ceindra lui-même, » c’est-à-dire qu’il agira envers nous, comme nous aurons agi à son égard, en se ceignant les reins pour ceux qui se seront ainsi disposés à le recevoir. — Origène : (Chronique des Pères grecs) En effet, il aura pour ceinture autour de ses reins la justice, selon la prophétie d’Isaïe (Is 11.) — S. Grégoire : Il prend pour ceinture la justice, c’est-à-dire qu’il se prépare à rendre à chacun ce qui lui est dû. — Théophylacte : Ou bien il se ceindra, dans ce sens qu’il ne versera pas toute l’abondance de ses biens, mais qu’il la retiendra dans une certaine mesure; car qui pourrait contenir Dieu dans toute sa grandeur ? Aussi voyons-nous les séraphins se voiler la face devant l’éclat des splendeurs divines. (Is 6.) « Et il les fera mettre à table, » c'est-à-dire qu’il les fera se reposer complètement. De même qu’en s’asseyant, on fait reposer tout le corps; ainsi lors du second avènement les saints jouiront d’un repos complet. Ici-bas, en effet, leur corps n’a pas eu de repos, mais alors leurs corps devenus spirituels et revêtus d’incorruptibilité, jouiront avec leurs âmes d’un repos parfait. — S. Cyrille : Il les fera mettre à table, pour réparer leurs forces épuisées, pour servir des délices spirituelles, et dresser devant eux la table [somptueuse et] richement servie de ses grâces et de ses dons. — S. Denis (sur l’Epît. à Tit.) Nous pensons que cette action de se mettre à table, figure le repos après tous les travaux, une existence sans douleur, une vie divine dans la lumière et la région des vivants, avec toutes les saintes affections, et l’abondance de tous les dons, source d’une joie parfaite. Voilà ce que fera Jésus en les faisant asseoir à table, il les mettra en possession d’un repos éternel, et leur distribuera la multitude de ses dons : « Et passant de l’un à l’autre, il les servira. » — Théophylacte : Il leur rendra pour ainsi dire la pareille; ils l’ont servi sur la terre, il les servira lui-même dans le ciel. — S. Grégoire : (hom. 13.) Il passe lorsqu’après le jugement, il retourne dans son royaume; ou bien le Seigneur passe pour nous après le jugement, lorsqu’il nous élève de la vue de son humanité jusqu’à la contemplation de sa divinité. — S. Cyrille : Notre Seigneur connaît le penchant de la fragilité humaine pour le péché; mais comme il est bon, loin de nous laisser tomber dans le désespoir, il a pitié de notre faiblesse, et il nous donne la pénitence comme remède salutaire, c’est pour cela qu’il ajoute : « Et s’il vient à la seconde veille, et s’il vient à la troisième, et qu’il trouve ainsi ses serviteurs, heureux sont-ils.» Ceux qui font sentinelle la nuit sur les murailles des villes, pour observer les attaques des ennemis, partagent la nuit en trois ou quatre veilles. — S. Grégoire : (hom. 13.) La première veille est donc le premier âge de notre vie, c’est-à-dire l’enfance; la seconde veille, c’est l’adolescence ou la jeunesse; la troisième est la vieillesse. Que celui donc qui n’a pas été vigilant pendant la première veille, soit attentif à veiller pendant la seconde, et que celui qui a laissé passer la seconde veille, ne perde pas les ressources que lui offre la troisième; et s’il a négligé de se convertir à Dieu dans son enfance, qu’il revienne à lui au moins dans sa jeunesse ou dans ses dernières années. — S. Cyrille : Le Sauveur ne parle cependant pas de la première veille, parce que l’enfance est plutôt digne du pardon de Dieu que de châtiment, mais pour le second et le troisième âge de la vie, ils doivent obéir à Dieu, et par la pratique des vertus, conformer leur vie à sa divine volonté. — Sévère d’Ant. : On peut dire encore qu’à la première veille appartiennent ceux dont la vie est plus parfaite et qui occupent le premier rang, à la seconde, ceux dont la vertu est ordinaire et moyenne; à la troisième, ceux qui leur sont inférieurs, et ainsi de la quatrième et de la cinquième (si toutefois elle existe); car il y a divers degrés dans la vertu, et le juste rémunérateur rend à chacun suivant son mérite. — Théophylacte : Ou bien encore, comme les veilles sont les heures de la nuit qui portent les hommes à la somnolence, on peut dire qu’il y a dans notre vie certaines circonstances qui nous rendent heureux, si nous sommes vigilants [et attentifs à en profiter]. Ainsi on vous a dérobé vos biens, la mort vous a enlevé vos enfants, vous êtes injustement accusé; si au milieu de ces épreuves vous ne faites rien qui soit contraire aux commandements de Dieu, il vous trouve attentifs à veiller dans la seconde et la troisième veille, c’est-à-dire dans ce temps plein de dangers où les âmes négligentes se laissent aller à un sommeil pernicieux, — S. Grégoire : (hom. 13 sur les Evang.) Or, pour secouer la tiédeur de notre âme, le Sauveur nous en fait voir les funestes effets par une comparaison prise des pertes extérieures que nous pouvons faire : « Sachez que si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il veillerait, et ne laisserait pas percer les murs de sa maison.» —
Théophylacte : Il en est qui veulent que le voleur
dont il est ici question, soit le démon; la maison, notre âme, et le père de
famille, l’homme; mais cette explication ne paraît pas s’accorder avec la
suite; car l’avènement du Seigneur est comparé [dans les Écritures] à un
voleur qui vient à l’improviste, comme dans ces paroles de l’Apôtre : « Le jour du Seigneur viendra comme
un voleur pendant la nuit. » Aussi Notre Seigneur ajoute : « Et vous aussi soyez donc prêts,
parce qu’à l’heure que vous ne pensez pas, le Fils de l’homme viendra. »
— S. Grégoire : (comme précéd.) Ou encore, le voleur force la maison à l’insu du père de famille, parce qu’en effet, tandis que l’âme endormie néglige de veiller sur elle-même, la mort vient à l’improviste forcer la maison de notre corps. Elle aurait pu résister à l’attaque du voleur, si elle eût été vigilante; car en se mettant en garde contre l’arrivée du juge qui vient prendre en secret les âmes, elle eût été au devant de lui par le repentir, et ne serait point morte dans l’impénitence. Or, le Seigneur a voulu que notre dernière heure nous fût inconnue, afin que cette incertitude même fût pour nous un motif de nous y préparer sans cesse. |
Lectio 11 [85874] Catena in Lc., cap. 12 l. 11 Theophylactus. Petrus, cui iam commissa Ecclesia fuerat, quasi
omnium curam gerens, inquirit utrum ad omnes dominus parabolam protulisset;
unde dicitur ait autem ei Petrus : domine, ad nos dicis parabolam hanc, an ad
omnes? Beda.
Duo dominus in praemissa parabola monuerat; et se videlicet subito
venturum, et illum eos paratos expectare debere. Sed de quo horum, an de
utroque Petrus interrogaverit, quosve sibi sociisque suis comparaverit, cum
ait ad nos dicis, an ad omnes? Non facile patet. Et quidem in eo quod ait
nos, et omnes, non alios quam apostolos apostolorumque similes et ceteros
fideles; vel Christianos et infideles, vel eos qui viritim, idest sigillatim
morientes, sui iudicis adventum nolentes volentesque suscipiunt, et eos qui
in universali iudicio vivi sunt in carne reperiendi, significare putandum
est. Mirum est autem si Petrus dubitavit, vel omnibus sobrie et pie et iuste
vivendum expectantibus beatam spem; vel inopinatum singulorum et omnium
futurum esse iudicium. Unde restat intelligi, his scilicet duobus iam bene
cognitis, ea quae nescire poterat, quaesisse; videlicet si sublimia illa
vitae caelestis instituta, quibus possessa vendere, sacculos qui non
veterascerent facere, lumbis praecinctis lucernisque ardentibus vigilare
praeceperat, ad apostolos solum similesque eorum, aut ad omnes qui salvandi
sunt, pertineant. Cyrillus.
Validam autem mentem habentibus conveniunt ardua et excellentia mandatorum
sanctorum; his vero qui nondum ad hanc virtutem attigerunt conveniunt ea a
quibus difficultas excluditur : unde dominus exemplo manifestissimo utitur,
ostendens mandatum praemissum convenire his qui admissi sunt in gradum
discipulorum; sequitur enim dixit autem dominus : quis, putas, est fidelis
dispensator? Ambrosius.
Vel aliter. Superioris quidem in omnes praecepti forma est generalis;
verum series sequentis exempli dispensatoribus, hoc est sacerdotibus, videtur
esse proposita; unde sequitur dixit autem dominus : quis, putas, est fidelis
dispensator et prudens quem constituit dominus super familiam suam, ut det
illis in tempore tritici mensuram? Theophylactus.
Quasi dicat : praedicta parabola communiter omnes fideles attingit; sed
quid vobis apostolis et doctoribus conveniat, audiatis. Quaero enim quis
dispensator inveniatur in se habens fidelitatem et prudentiam : sicut enim in
dispensationibus facultatum, sive aliquis incautus sit fidelis domino
existens, sive etiam prudens sit et infidelis, dispereunt res domini; sic et
in rebus divinis opus est fidelitate et prudentia : novi enim multos Deum
colentes et fideles; quia vero non poterant prudenter ecclesiastica tractare
negotia, non solum possessiones, sed etiam animas destruebant, utentes in
peccatores indiscreta virtute per immoderata poenitentiae mandata, vel
importunam mansuetudinem. Chrysostomus
in Matthaeum. Quaerit autem hic dominus non quasi fidelem et prudentem
dispensatorem ignorans, sed volens innuere raritatem rei, et huiusmodi
praesulatus magnitudinem. Theophylactus.
Quisquis ergo fidelis fuerit inventus et prudens, praesideat familiae
domini, ut singulis temporibus det tritici mensuram, vel sermonem doctrinae,
quo pascantur animae, vel operum exemplum, quo vita informetur. Augustinus
de quaest. Evang. Mensuram autem dicit propter modum capacitatis
quorumcumque audientium. Isidorus.
Additum est etiam in tempore, quod beneficium non suo tempore datum
redditur cassum, et nomen beneficii perdit. Idem panis esurienti quidem
appetibilis est, satiato autem non multum. De huius autem servi dispensatoris
praemio subdit, dicens beatus ille servus quem cum venerit dominus, invenerit
sic facientem. Basilius.
Non dicit agentem a casu, sed sic facientem : non enim vincere solum
convenit, sed etiam certare legitime : hoc autem est sic singula exequi sicut
recipimus in mandatis. Cyrillus.
Sic ergo fidelis servus et prudens, opportuno tempore distribuens
prudenter cibaria famulis, hoc est spirituales escas, beatus erit, iuxta
dictum salvatoris : in hoc scilicet quod obtinebit adhuc maiora, et merebitur
praemia familiaribus debita; unde sequitur vere dico vobis, quia super omnia
quae possidet constituet illum. Beda.
Quanta enim inter bonos auditores et bonos doctores est meritorum
distantia, tanta est etiam praemiorum : hos enim, adveniens, cum vigilantes
invenerit, faciet discumbere; illos autem cum fideliter prudenterque
dispensantes invenerit, super omnia quae possidet constituet, idest super
omnia caelestis regni gaudia : non utique ut horum soli dominium teneant; sed
ut eorum abundantius ceteris sanctis aeterna possessione fruantur. Theophylactus.
Vel super omnia bona sua constituet eum, non solum super suam familiam,
sed ut tam terrena quam caelestia ei obediant; qualis fuit Iesus Nave et
Elias; alter soli, alter nubibus mandans : et omnes sancti, quasi Dei amici,
rebus Dei utuntur. Quicumque etiam vitam virtuose peragit, et servos suos,
idest iram et concupiscentiam, recte disposuit, exhibens temporibus singulis
mensuram frumenti, irae quidem, ut afficiatur in habentes odio Deum,
concupiscentiae vero ut necessaria utatur carnis provisione, ordinans eam in
Deum : talis, inquam, constituetur super omnia quae possidet dominus, dignus
omnia per speculativum intellectum intueri. Chrysostomus
in Matthaeum. Dominus autem non solum ex honore bonis reservato, sed ex minis
poenae in malos corrigit auditorem; unde sequitur quod si dixerit servus ille
in corde suo : moram facit dominus meus venire. Beda.
Nota, inter vitia servi mali ascriptum quod tardum domini sui reditum
putaverit; non autem inter boni virtutes annumeratum, quod hunc citum
speraverit, sed tantum fideliter ministraverit. Nil ergo melius est quam ut
patienter sustineamus ignorare quod sciri non potest; sed tantum laboremus ut
idonei inveniamur. Theophylactus.
Ex eo autem quod non consideratur hora finis, multa peccata eveniunt : nam
si cogitaremus dominum venire, et praesto esse terminum vitae nostrae, minus
utique peccaremus; unde sequitur et coeperit percutere pueros et ancillas, et
edere, et bibere, et inebriari. Beda.
In hoc servo cunctorum praesulum malorum narratur damnatio : qui neglecto
domini timore, non modo ipsi luxuriae vacant, sed etiam subditos iniuriis
stimulant; quamvis et typice possit intelligi pueros et ancillas percutere,
corda infirmorum pravo exemplo vitiare; edere autem, bibere et inebriari,
facinoribus et saeculi illecebris, quae hominem dementant, occupari. De eius
autem poena subditur veniet dominus servi illius die qua non sperat, scilicet
iudicii vel mortis, et dividet eum. Basilius.
Non quidem dividitur corpus, ut hoc quidem exponatur tormentis, illud vero
dimittatur : nam fabulosum est hoc, neque iusti iudicii, cum deliquerit
totum, dimidium pati poenam : nec anima secatur, tota criminosam conscientiam
possidens, et cum corpore mala cooperans; sed divisio eius est perpetua
alienatio animae a spiritu. Nunc enim etsi non sit gratia spiritus indignis,
videtur tamen utcumque adesse, conversionem eorum expectans ad salutem; tunc
vero totaliter amputabitur ab anima. Spiritus ergo sanctus et bravium est
iustorum, et prima condemnatio peccatorum, quoniam eum indigni amittent. Beda.
Vel dividet eum, a fidelium consortio segregando, et eis qui nunquam ad
fidem pertinuerant sociando; unde sequitur partemque eius cum infidelibus
ponet; quia qui suorum et domesticorum curam non habet, fidem negavit, et est
infideli deterior, ut ait apostolus. Theophylactus.
Recte etiam infidelis dispensator cum infidelibus partem accipiet, quia
vera caruit fide. |
Versets 41-46.
—
Théophylacte : Pierre à qui le Sauveur avait déjà
confié le soin de l’Église (cf. Mt
16), agit comme s’il en avait déjà la responsabilité, et demande à son divin
Maître si cette parabole s’adressait à tous : « Alors Pierre lui dit : Seigneur est-ce pour nous que vous
dites cette parabole, ou pour tout le monde ? » — S. Bède : Dans ce qui précède, Notre Seigneur avait donné deux avertissements distincts, qu’il viendrait à l’improviste et qu’ils devaient être toujours prêts à le recevoir. Or, il est difficile de dire si Pierre a en vue ces deux vérités ou l’une des deux seulement, quand il fait cette question, et quels sont ceux qu’il met en opposition avec lui et avec ses compagnons quand il dit : « Est-ce pour nous que vous dites cette parabole, ou pour tout le monde ? » Les expressions nous et tous ne peuvent guère désigner que les Apôtres et les continuateurs de leur ministère, et le reste des fidèles, ou les chrétiens et les infidèles, ou ceux qui meurent successivement et un à un, et qui acceptent volontiers ou à contre coeur l’avènement de leur juge, et ceux qui seront encore vivants et charnels, lors du jugement universel. Or, il serait étrange que Pierre ait pu douter que nous devions tous vivre avec tempérance, piété et justice (Tt 2, 12), en attendant la félicité que nous espérons, ou que l’heure du jugement viendrait pour tous à l’improviste. Donc puisque ces deux choses lui étaient parfaitement connues, il faut nécessairement admettre que sa question a pour objet les choses qu’il ne savait pas, c’est-à-dire si les préceptes sublimes d’une vie plus parfaite, comme de vendre ce qu’on possède, se faire des bourses qui ne s’usent pas, avoir les reins ceints et porter des lampes allumées, s’adressent aux Apôtres et à ceux qui remplissent le même ministère, ou à tous les chrétiens en général. — S. Cyrille : Les âmes fortes sont faites pour ce qu’il y a de plus difficile et de plus élevé dans les commandements de Dieu, mais pour ceux qui n’ont point encore atteint ce haut degré de vertu, ils ne peuvent accomplir que des préceptes plus faciles. Aussi le Seigneur se sert d’une comparaison des plus claires, pour bien établir que les commandements qui précèdent s’adressent à ceux qu’il a élevés à la dignité de ses disciples : « Le Seigneur lui répondit : ‘Quel est à votre avis le dispensateur fidèle et prudent ?’ ». — S.
Ambroise : Ou bien dans un autre sens, les préceptes
qu’il vient de donner, s’adressent à tous, mais celui qu’il donne par la
comparaison suivante s’adresse spécialement aux dispensateurs, c’est-à-dire
aux prêtres : « Et le Seigneur lui
répondit : Quel est à votre avis le dispensateur fidèle et prudent que le
maître a établi sur tous ses serviteurs, pour leur distribuer, dans le temps,
leur mesure de froment ? » — Théophylacte : La parabole précédente s’adressait à tous les fidèles, mais écoutez ce qui vous regarde particulièrement, vous qui êtes apôtres ou docteurs. Je demande donc où l’on pourra trouver un dispensateur qui réunisse tout à la fois la fidélité et la prudence. Dans l’administration des biens de la terre, l’imprudence même avec la fidélité, ou la prudence avec l’infidélité, amènent également la ruine de la fortune du maître; il en est de même dans les choses divines qui demandent tout à la fois de la fidélité et de la prudence. J’ai connu un grand nombre de bons et fidèles serviteurs de Dieu, mais qui, incapables de traiter avec prudence les affaires ecclésiastiques, non seulement perdaient les biens de l’Église, mais encore les âmes elles-mêmes, en exerçant à l’égard des pécheurs un zèle indiscret, soit en leur imposant des pénitences exagérées, soit en ayant pour eux une douceur inopportune. — S. Jean Chrysostome : (hom. 78, sur Matth.) Le Sauveur fait cette question, non pas qu’il ignore quel est le dispensateur fidèle et prudent, mais il veut nous faire entendre la rareté de la chose, et l’importance de cet emploi. — Théophylacte : Tout dispensateur fidèle et prudent doit donc se mettre à la tête des serviteurs de son maître, pour leur donner dans le temps convenable la mesure de froment, c’est-à-dire l’enseignement de la doctrine qui est la nourriture des âmes, ou l’exemple des bonnes oeuvres pour être la règle de la vie. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 26.) Il dit : « La mesure de froment, » parce que la capacité varie suivant les auditeurs. — S. Isidore : (liv. 3, lett. 70; liv. 4, lett. 145.) Il ajoute : « dans le temps, » parce qu’un bienfait qui ne vient pas en son temps, est rendu inutile, et perd le nom de bienfait; de même que le pain est désirable pour celui qui a faim, tandis qu’il l’est très peu pour celui qui est rassasié. Quant à la récompense de ce dispensateur
fidèle et prudent, la voici : « Heureux
ce serviteur que le maître, lorsqu’il viendra, trouvera agissant
ainsi. » — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Il ne dit pas qu’il trouvera agissant par hasard, mais « agissant ainsi » ; car il ne suffit pas de vaincre, il faut encore combattre suivant les règles : c’est-à-dire faire chacune de ses actions, comme Dieu nous l’ordonne dans ses commandements. — S.
Cyrille : Si donc le serviteur fidèle et prudent
distribue en son temps avec prudence aux serviteurs leur nourriture,
c’est-à-dire les aliments spirituels, il sera heureux suivant la promesse du
Sauveur, c’est-à-dire qu’il obtiendra un emploi supérieur, et recevra la
récompense réservée aux amis. « Je
vous le dis en vérité; qu’il l’établira sur tous les biens qu’il
possède. » — S. Bède : Il y a une grande différence de mérites entre les bons auditeurs et les bons docteurs, cette différence existera également dans les récompenses. Pour les premiers, s’il les trouve, quand il arrive, attentifs à veiller, il les fera mettre à table, mais pour les dispensateurs fidèles et prudents, il les établira sur tout ce qu’il possède, c’est-à-dire sur toutes les joies du royaume des cieux, non pas pour qu’ils en aient la possession exclusive, mais pour qu’ils en jouissent plus pleinement pendant l’éternité que les autres saints. — Théophylacte : Ou bien, « il l’établira sur tous ses biens, » non seulement sur sa maison, mais il soumettra à son commandement les créatures du ciel et de la terre. Tel fut Josué fils de Nave (Si 46, 1; Jos 10, 12; 3 R 17, 2; 18, 24; Jc 5, 17.18), tel fut encore Élie, l’un commandant au soleil, l’autre aux nuées du ciel; de même tous les saints usent des créatures comme des amis de Dieu. Tel est encore tout homme dont la vie est vertueuse, et qui gouverne sagement ses serviteurs, c’est-à-dire la colère et la concupiscence, et qui donne à chacun dans son temps la mesure de froment, à la colère, en tournant ses efforts contre les ennemis de Dieu; à la concupiscence, en réglant sur la nécessité l’usage des choses extérieures, et en le rapportant à Dieu. Celui qui agira de la sorte, sera établi sur tous les biens que possède le Seigneur, et méritera de contempler toute vérité par l’oeil éclairé de son intelligence. — S. Jean Chrysostome : (hom. 78 sur Matth.) Ce n’est pas seulement par la promesse de la récompense réservée aux bons, mais par la menace du châtiment qui attend les mauvais, que Notre Seigneur excite à la vigilance ceux qui l’écoutent : « Que si ce serviteur dit en lui-même : Mon maître n’est pas près de venir, » etc. — S. Bède : Remarquez qu’au nombre des vices de ce mauvais serviteur, le Sauveur met la pensée où il était que son maître tarderait à venir, tandis qu’il ne met point au nombre des vertus du bon serviteur qu’il espérait le prompt retour de son maître, mais simplement qu’il a rempli fidèlement son devoir. Le mieux pour nous est donc de supporter patiemment l’ignorance où nous sommes de ce que nous ne pouvons savoir, et de nous appliquer seulement à être trouvés dignes [de la récompense qui nous est préparée]. — Théophylacte : On se laisse aller à une multitude de fautes, parce qu’on ne pense pas à sa dernière heure; car si nous avions toujours présent à l’esprit que le Seigneur doit venir, et que le terme de notre vie approche, nous commettrions moins facilement le péché. Voyez, en effet, la suite : « et qu’il se mette à battre les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer. » — S. Bède : Dans la condamnation de ce mauvais serviteur, il faut voir celle de tous les mauvais supérieurs qui, sans crainte aucune de Dieu, non seulement mènent eux-mêmes une vie de débauche, mais accablent de mauvais traitements ceux qui leur sont soumis. Dans le sens figuré, « frapper les serviteurs et les servantes, » peut signifier corrompre les âmes faibles par de mauvais exemples; comme « manger, boire et s’enivrer, » signifie être esclave des séductions et des plaisirs coupables du monde, qui font perdre la raison à l’homme. Or, voici quelle sera la peine de ce mauvais serviteur : « Le maître de ce serviteur viendra au jour où il ne l’attend pas, [et à l’heure qu’il ne sait point] (c’est-à-dire à l’heure de la mort et du jugement), et il le divisera. » — S. Basile : (liv. sur l’Esprit saint, 16.) Le corps n’est pas divisé, en ce sens qu’une partie soit soumise au châtiment, tandis que l’autre partie en serait exempte; car c’est une opinion fausse et contraire à toute justice, qu’une partie seulement du corps soit punie, quand le corps a péché tout entier. L’âme non plus ne sera pas divisée; car elle est unie tout entière à la conscience coupable, et partage avec le corps la complicité du mal; cette division n’est donc autre chose que l’éternelle séparation de l’âme avec l’Esprit saint. En effet, dans la vie présente, bien que la grâce de ce divin Esprit ne réside pas dans les âmes qui en sont indignes, elle paraît cependant être près d’elles en quelque sorte, attendant la conversion qui doit les conduire au salut, mais alors cette grâce sera complètement retranchée de l’âme coupable. Le Saint-Esprit est donc tout à la fois la récompense des justes et la première condamnation des pécheurs, parce que les indignes en seront dépouillés à jamais. — S.
Bède : Ou bien encore, il le divisera en le
retranchant de la société des fidèles, et en le rangeant parmi ceux qui n’ont
jamais eu la foi : « et il lui
donnera son lot parmi les serviteurs infidèles. » Car, dit l’Apôtre
: « Si quelqu’un n’a pas soin des
siens, et particulièrement de ceux de sa maison, il a renoncé à la foi, et il
est pire qu’un infidèle. » (1 Tm 5, 8.) — Théophylacte : Le dispensateur infidèle mérite en effet le sort des infidèles, puisqu’il n’a pas eu la véritable foi. |
Lectio 12 [85875] Catena in Lc., cap. 12 l. 12 Theophylactus. Hic nobis dominus maius aliquid et
terribilius ostendit; non enim solum dispensator infidelis accepta privabitur
gratia, ut nihil eum iuvet ad vitandum supplicia; sed magis fiet ei damnationis
causa dignitatis immensitas; unde dicitur ille autem servus, qui cognovit
voluntatem domini sui, et non fecit secundum voluntatem eius, plagis
vapulabit multis. Chrysostomus in Matthaeum. Non enim similiter in omnibus omnia iudicantur,
sed maior cognitio fit maioris poenae materia : unde sacerdos eadem peccans
cum populo, multo graviora patietur. Cyrillus.
Homo enim perspicax, qui turpioribus suam voluntatem inclinavit,
inexcusabile peccatum commisit, quasi propter malitiam recedens a domini
voluntate; sed homo rusticanus rationabilius implorabit veniam vindicantis;
unde subditur qui autem non cognovit, et fecit digna, plagis vapulabit paucis.
Theophylactus.
Hic obiciunt aliqui : merito punitur qui sciens voluntatem domini, non
prosequitur; sed cur punitur ignorans? Quia cum ipse scire potuisset, noluit;
sed pigritans ipse fuit ignorantiae suae causa. Basilius.
Sed dices : si hic quidem multa sustinet verbera, hic autem pauca,
qualiter dicunt quidam, quod non imponit finem suppliciis? Sed sciendum est,
quod hoc quod hic dicitur non numerum poenarum, sed differentiam indicat :
potest enim aliquis esse dignus inextinguibili flamma, vel remissiori, vel
intensiori; et indeficienti verme, vel mitius torquente, vel fortius. Theophylactus.
Ostenditur autem consequenter quare doctoribus et scientibus intensior
poena debeatur, cum dicitur omni autem cui multum datum est, multum quaeretur
ab eo, et cui commendaverunt multum, plus petent ab eo. Datur quidem
doctoribus gratia faciendi miracula; sed commendatur eis sermonis et
doctrinae gratia. Sed in dato quidem non dicit aliquid plus petendum, sed in
commendato sive deposito : nam gratia verbi incremento eget, et a doctore
requiritur amplius : non enim decet eum torpere, sed augere verbi talentum.
Beda.
Vel aliter. Multum saepe datur etiam quibusdam privatis, quibus etiam
cognitio dominicae voluntatis et exequendi quae cognoscunt facultas
impenditur; multum autem commendatur illi cui cum sua salute dominici quoque
gregis pascendi cura committitur. Maiori ergo gratia donatos, si deliquerint,
maior vindicta sequetur; mitissima autem omnium poena erit eorum qui praeter
peccatum quod originaliter traxerunt, nullum insuper addiderunt; et in
ceteris qui addiderunt tanto quilibet ibi tolerabiliorem habebit damnationem,
quanto hic minorem habuit iniquitatem. |
Versets 47-48.
—
Théophylacte : Notre Seigneur nous enseigne ici une
vérité plus importante et plus terrible, non seulement le dispensateur
infidèle sera dépouillé de la grâce qu’il avait reçue, et qui ne pourra lui
faire éviter le supplice, mais la grandeur et l’élévation de sa dignité
seront pour lui la cause d’une condamnation plus sévère : « Le serviteur qui a connu la volonté
de son maître, et ne lui a point obéi, recevra un grand nombre de
coups. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 27 sur Matth.) En effet, les mêmes actions ne seront pas soumises pour tous les hommes au même jugement, mais une connaissance plus parfaite deviendra la cause d’une punition plus grande. C’est ainsi que le prêtre qui a commis le même péché que quelqu’un du peuple subira une peine plus lourde. — S. Cyrille : (sur Jn liv. 6, chap. 10.) Ainsi l’homme qui a reçu une intelligence plus pénétrante, et a dégradé ses affections jusqu’à les traîner dans de honteux excès, n’aura aucun titre pour implorer la miséricorde divine, parce qu’il a commis un crime sans excuse en s’écartant par une malice réfléchie de la volonté de son maître, mais l’homme grossier [et ignorant] sera plus fondé à implorer le pardon de son juge; car « celui qui n’a pas connu la volonté de son maître, et qui aura fait des choses dignes de châtiment, recevra moins de coups. » — Théophylacte : A cette objection, que font quelques-uns : On punit justement celui qui, connaissant la volonté de son maître, ne l’a pas suivie; mais pourquoi punir celui qui ne l’a pas connue ? nous répondons, parce qu’il aurait pu la connaître, mais ne l’a pas voulu, et que sa négligence a été l’unique cause de son ignorance. — S. Basile : (Rég. abrég., Quest. 267.) Vous ferez cette objection : mais s’il est vrai que l’un reçoive un plus grand nombre de coups, et l’autre un plus petit nombre, comment peut-on dire que les supplices de l’autre vie n’auront point de fin ? Il faut donc entendre que ces paroles ont pour objet d’exprimer, non la durée [ou la fin] des peines, mais leurs différents degrés. Un homme peut avoir mérité d’être condamné au feu qui ne s’éteint pas, mais qui est plus ou moins intense; et au ver qui ne meurt pas, mais qui ronge et déchire avec plus ou moins de force. — Théophylacte : Il explique ensuite pourquoi le châtiment des docteurs et de ceux qui sont plus instruits sera plus sévère : « Car on demandera beaucoup à celui à qui l’on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui on a confié beaucoup. » Dieu donne aux docteurs la grâce de faire des miracles, il leur confie le ministère de la parole et le pouvoir d’enseigner; il ne dit pas qu’il demandera davantage, pour ce qu’il a donné, mais pour ce qu’il a confié comme un dépôt; car la grâce du ministère de la parole demande un accroissement continuel, et on demandera au docteur plus qu’il n’a reçu, il ne doit donc jamais rester oisif, mais développer de jour en jour le talent de la parole qui lui a été confié. — S. Bède : Ou bien encore, souvent Dieu donne de plus grandes grâces à de simples fidèles, qui reçoivent la connaissance de sa volonté, et la grâce de mettre en pratique ce qu’ils connaissent. Mais il confie beaucoup à celui qui, avec le soin de son âme, est revêtu de la charge de paître le troupeau du Seigneur. Ceux donc qui ont reçu de plus grandes grâces, seront punis plus sévèrement s’ils viennent à pécher (Sg 6, 8.9). Pour ceux qui ne sont coupables d’autre péché que du péché originel, le châtiment sera des plus doux, et pour les autres qui ont ajouté à ce péché des fautes volontaires, leur punition sera d’autant moins sévère, que leurs fautes seront moins grandes. |
Lectio 13 [85876] Catena in Lc., cap. 12 l. 13 Ambrosius. Dispensatoribus, idest sacerdotibus,
praemissa videntur esse proposita, quo sciant sibi gravem in futurum poenam
esse subeundam, si familiam domini gubernare neglexerint. Sed quia exiguus
est profectus metu supplicii ab errore revocari, ideo dominus ad quaerendam
cupiditatem divinitatis inflammat, dicens ignem veni mittere in terram : non
utique illum consumptorem bonorum, sed bonae voluntatis auctorem, qui aurea
dominicae domus vasa meliorat, fenum vero consumit et stipulam. Cyrillus.
Mos est autem sacrae Scripturae ignem quandoque dicere sacros et divinos
sermones; sicut enim qui aurum et argentum purgare noverunt, per ignem
consumunt eorum sorditiem; sic salvator per evangelica documenta in virtute
spiritus abstergit intellectum eorum qui credunt in eum. Hic est igitur ignis
salubris et utilis, quo habitatores terrae, frigidi quodammodo et extincti
propter peccatum, incalescunt ad pietatis vitam. Chrysostomus. Terram enim ad praesens vocat, non eam quam pedibus
terimus, sed plasmatam manibus eius, scilicet hominem, cui dominus ignem
ingerit ad consumptionem peccatorum et innovationem animarum. Titus.
Est autem intelligendum eum de caelo venisse; non enim, si de terra
venisset in terram, diceret ignem veni mittere in terram. Cyrillus.
Huius autem ignis dominus accelerabat incendium; unde sequitur et quid
volo nisi ut accendatur? Credebant enim iam quidam ex Israel, quorum exordium
fuerant venerandi discipuli; sed ignis semel in Iudaea accensus totum orbem
occupare debebat, consummata tamen passionis eius dispensatione; unde
sequitur Baptismo autem habeo baptizari. Nam ante venerabilem crucem, et eius
resurrectionem a mortuis, in sola Iudaea fiebat mentio praedicationis et
miraculorum ipsius : postquam autem principem vitae insanientes occiderunt,
tunc apostolis praecepit dicens : euntes, docete omnes gentes. Gregorius super Ezech. Vel aliter. Ignis in terram mittitur cum per
ardorem sancti spiritus afflata terrena mens a carnalibus suis desideriis
crematur; succensa autem spirituali amore, malum quod fecit plangit, et sic
terra ardet quando accusante se conscientia, cor peccatoris in dolore
poenitentiae crematur. Beda. Addit autem Baptismo habeo baptizari; idest sanguinis proprii
tinctione prius habeo perfundi; et sic corda credentium spiritus igne
inflammare. Ambrosius. Tanta autem est domini dignatio ut infundendae nobis
devotionis, et consummandae perfectionis in nobis, et maturandae pro nobis
passionis studium sibi inesse testetur; unde sequitur et quomodo coarctor
usque dum perficiatur? Quidam
codices habent et coangor, idest contristor : cum enim in se nihil habuerit
quod doleret, nostris tamen angebatur aerumnis, et tempore mortis moestitiam
praetendebat, quam non ex metu mortis suae, sed ex mora nostrae redemptionis
assumpserat. Qui enim usque ad perfectionem angitur, de perfectione securus
est : quia eum conditio corporalis affectus, non formido mortis offendit :
nam qui corpus suscepit, omnia debuit subire quae corporis sunt, ut esuriret,
sitiret, angeretur et contristaretur. Divinitas autem per hos affectus nescit
commutari. Simul etiam ostendit quod in certamine passionis mors corporis,
absolutio anxietudinis, non coacervativa sit doloris. Beda.
Quomodo autem post Baptisma suae passionis, post ignis spiritualis adventum
terra sit arsura, declarat subdens putatis quia pacem veni dare in terram?
Non, dico vobis, sed separationem. Cyrillus.
Quid dicis, domine? Non venisti pacem daturus qui factus es nobis pax,
pacificans per crucem caelestia et terrestria : qui dixisti : pacem meam do
vobis. Sed manifestum est quod utilis quidem est pax; quandoque autem
damnosa, et separans ab amore divino, per quam scilicet consentitur his qui a
Deo dissident : et ob hoc foedera terrena docuit vitare fideles; unde
sequitur erunt enim quinque ex hoc in domo una divisi; tres in duos, et duo
in tres dividentur, pater in filium. Ambrosius.
Cum sex personarum videatur facta subiectio, patris et filii, matris et
filiae, socrus et nurus; quinque tamen sunt, quia eadem mater quae socrus accipi
potest : quae enim est mater filii, socrus eius uxoris est. Chrysostomus. Per hoc autem futurum eventum protulit. Contingebat
enim in eadem domo aliquem esse fidelem, cuius pater vellet eum ad
infidelitatem protrahere; sed intantum praevaluit virtus doctrinae Christi,
ut filii patres dimitterent, matresque filiae, et liberos parentes. Libuit
enim fideles Christi non solum contemnere propria, sed et cuncta simul pati,
dummodo cultu fidei non careant. Si autem purus homo esset, unde suppeteret
ei hoc posse meditari, quod a patribus plus amaretur quam filii, et a filiis
plusquam patres, et a viris plusquam coniuges; et hoc non in una domo aut
centum, sed ubique terrarum : et non solum hoc praedixit, sed etiam opere
consummavit. Ambrosius.
Mystica autem interpretatione domus una, homo unus est. Duos autem legimus
frequenter, animam et corpus; quod si duobus convenerit, efficit utraque unum
: aliud est quod servit; aliud cui subicitur. Tres autem animae affectiones
sunt : una rationabilis, alia concupiscibilis, tertia irascibilis. Duo ergo
in tres, et tres in duo dividuntur. Etenim per adventum Christi homo, qui
erat irrationabilis, rationabilis factus est. Eramus carnales, terreni; misit
Deus spiritum suum in corda nostra, facti sumus filii spirituales. Possumus
etiam dicere, quod in hac domo sunt alii quinque, idest odor, tactus, gustus,
visus et auditus. Si ergo secundum ea quae audimus, aut legimus sensu visus
atque auditus, excludamus superfluas voluptates corporis, quae gustu tactuque
et odore percipiuntur; duo in tres dividimus, eo quod mentis habitus vitiorum
non capiatur illecebris. Aut si quinque sensus acceperimus corporales, vitia
iam corporis et peccata se separant. Possunt etiam caro videri atque anima ab
odore, tactu gustuque luxuriae separata : fortior enim rationis sexus velut
in viriles fertur affectus, haec molliorem studet tenere rationem. Ex his
itaque diversarum cupiditatum motus inolevit; sed ubi in se anima redit,
degeneres abiurat heredes; caro quippe cupiditatibus suis, quas sibi ipsa
generavit, tamquam sentibus mundi doluit esse confixam : sed velut corporis
quaedam atque animae nurus, voluptas motui pravae cupiditatis innubit. Ergo
quamdiu mansit in una domo, conspirantibus vitiis, individua consensio, nulla
videbatur esse divisio; ubi vero Christus ignem, quo delicta cordis exureret,
vel gladium, quo secreta penetrantur, misit in terras; tunc caro atque anima
regenerationis innovata mysteriis, copulam posteritatis eliminat, ut
dividantur parentes in filios, dum intemperans motus intemperantiam abdicat,
et anima declinat consortium culpae. Filii quoque in parentes dividuntur, dum
renovati homines vitia vetusta declinant, voluptasque adolescentior seriosae
domus refugit disciplinam. Beda.
Vel aliter. Per tres significantur qui fidem Trinitatis habent; per duo
infideles, qui a fidei unitate dissentiunt. Pater autem Diabolus est, cuius
filii imitando eramus; sed postquam venit ignis ille caelestis, nos ab
invicem separavit, et ostendit alterum patrem, qui est in caelis. Mater
synagoga, filia est Ecclesia primitiva, quae et eamdem, de qua genus ducit,
synagogam fidei persecutricem sustinuit, et ipsa eidem synagogae fidei
veritate contradixit. Socrus synagoga, nurus Ecclesia de gentibus : quia
sponsus Ecclesiae Christus filius est synagogae secundum carnem. Synagoga
ergo in nurum et in filiam est divisa, quae credentes de utroque populo
persequitur; sed et illae in socrum et in matrem sunt divisae, quia nolunt
carnalem circumcisionem suscipere. |
Versets 49-53.
— S. Ambroise : C’est aux dispensateurs, c’est-à-dire aux prêtres, que Notre Seigneur adresse les enseignements qui précèdent, et il leur apprend qu’un châtiment sévère les attend dans l’autre vie, négligent de veiller sur la maison du Seigneur [et de gouverner le peuple qui leur est confié]. Cependant comme on fait peu de progrès quand on ne revient de ses égarements que par la crainte du châtiment, [et qu’il vaut mieux devoir ce retour à la charité et à l’amour de Dieu], le Sauveur cherche à enflammer ses disciples de cet amour de Dieu en leur disant : « Je suis venu jeter le feu sur la terre, » non pas ce feu qui dévore les bons, mais ce feu qui produit la bonne volonté, qui purifie et transforme les vases d’or de la maison du Seigneur, tandis qu’il consume l’herbe et la paille. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs, ou comment. sur Luc.) Les saintes Écritures ont coutume de désigner par le feu les discours religieux et divins. En effet, de même que ceux qui travaillent à l’épuration de l’or, le purifient par le feu de toutes ses souillures; ainsi le Sauveur purifie par les enseignements de l’Évangile, par la vertu de l’Esprit saint, l’intelligence de ceux qui croient en lui. C’est donc là le feu salutaire et utile qui embrase d’ardeur pour la vie de la piété les habitants de la terre froids, et comme éteints à cause du péché. — S. Jean Chrysostome : Cette terre dont parle le Sauveur, n’est pas celle que nous foulons aux pieds, mais celle que Dieu a formée de ses mains, c’est-à-dire l’homme à qui Dieu inspire un feu tout divin pour détruire ses péchés et renouveler son âme. — Tite de Bostr. Or, il faut savoir que c’est du ciel que descend ce feu; car s’il venait de la terre sur la terre, Notre Seigneur ne dirait pas : « Je suis venu jeter le feu sur la terre. » — S. Cyrille : Le Seigneur hâtait l’embrasement de ce feu, comme il le déclare : « Et que désiré-je, sinon qu’il s’allume. » Quelques israélites avaient embrassé la foi, et les premiers avaient été ses fidèles disciples, mais ce feu, une fois allumé dans la Judée, devait embraser tout l’univers, lorsque le mystère de sa passion serait consommé. C’est pour cela qu’il ajoute : « Je dois être baptisé d’un baptême, etc… » En effet, avant l’auguste mystère de la croix, et la résurrection du Sauveur d’entre les morts, la Judée seule était témoin de ses prédications et de ses miracles; mais après que dans l’excès de leur fureur, ils eurent mis à mort l’auteur de la vie, c’est alors qu’il ordonna à ses disciples d’aller enseigner toutes les nations. (Mt 28) — S. Grégoire : (hom. 12 sur les Evang.) Ou bien encore, le feu est jeté sur la terre, quand les ardeurs de l’Esprit saint embrasent une âme terrestre, consument en elle tous les désirs charnels, et l’enflamment d’un amour spirituel, qui lui fait déplorer le mal qu’elle a commis, c’est ainsi que la terre est embrasée lorsque la conscience s’accuse elle-même, et que le coeur est comme consumé dans les douleurs de la pénitence. — S. Bède : Notre Seigneur ajoute : « Je dois être baptisé d’un baptême, » c’est-à-dire je dois être d’abord comme inondé de mon propre sang avant d’embraser les coeurs des fidèles du feu de l’Esprit saint. — S. Ambroise : La bonté du Sauveur pour nous est si grande, qu’il éprouve le besoin de nous attester le désir qu’il a de nous inspirer son divin amour, de nous conduire à la perfection, et de hâter le moment où il doit souffrir et verser son sang pour notre salut : « et comme je me sens pressé jusqu’à ce qu’il s’accomplisse. » — S. Bède : Quelques manuscrits portent : Combien je suis dans l’angoisse, c’est-à-dire dans la tristesse. Notre Seigneur n’avait rien en lui qui pût l’attrister, mais il s’attristait de nos misères, et cette tristesse qu’il montrait aux approches de sa mort, ne venait point de la crainte qu’il avait de mourir, mais du retard même de l’oeuvre de notre rédemption. En effet, puisqu’il était dans l’angoisse jusqu’à l’accomplissement de sa passion, il devait l’envisager sans inquiétude, et s’il manifeste quelque frayeur, elle ne vient point de la crainte de la mort, mais d’un sentiment naturel à la faiblesse humaine, car dès lors qu’il s’est revêtu d’un corps semblable au nôtre, il a dû prendre sur lui toutes les infirmités du corps, la faim, la soif, l’anxiété, la tristesse; mais la divinité reste immuable au milieu de ces affections. Il nous montre encore par ces paroles, que dans le combat qu’il eut à soutenir au temps de sa passion, la mort du corps mit un terme à ses angoisses, et ne fut point pour lui la cause d’un redoublement de douleur. — S. Bède : Il nous enseigne ensuite comment la terre doit s’embraser après le baptême de sa passion, après la venue de ce feu tout spirituel : « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, vous dis-je, mais la division.» — S. Cyrille : Que dites-vous, Seigneur ? Est-ce que vous n’êtes pas venu apporter la paix, vous qui êtes devenu notre paix (Ep 2), pacifiant par le sang que vous avez répandu sur la croix, tant ce qui est sur la terre, que ce qui est dans le ciel (Col 1), vous qui avez dit : « Je vous donne ma paix ? » Il est évident que la paix a ses avantages, mais elle devient quelquefois funeste, et nous sépare de l’amour de Dieu, lorsque, par exemple, elle nous fait vivre en intelligence avec ceux qui sont éloignés de Dieu; et ce sont ces liaisons de la terre que le Sauveur nous enseigne à éviter. C’est pour cela qu’il ajoute : « Car désormais cinq personnes dans une maison seront divisées, trois contre deux et deux contre trois, le père contre le fils,» etc. — S. Ambroise : Quoique l’énumération qui suit comprenne six personnes, le père et le fils, la mère et la fille, la belle-mère et la belle-fille, il n’y en a réellement que cinq, parce que la mère et la belle-mère peuvent être prises pour une seule et même personne; car la mère du fils est naturellement la belle-mère de son épouse. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) C’est ici une prédiction de ce qui devait arriver. On vit, en effet, dans la même maison, des chrétiens que leur père voulait entraîner à l’apostasie, mais telle fut la puissance de la doctrine de Jésus-Christ, que les fils se séparaient de leurs pères, les filles de leurs mères, et les parents de leurs enfants. Les disciples fidèles de Jésus-Christ consentirent non seulement à sacrifier tous leurs biens, mais à endurer tous les genres de souffrance, pour conserver la foi qu’ils avaient embrassée. Si Jésus-Christ n’avait été qu’un homme, comment aurait-il pu entrer dans son esprit que les pères l’aimeraient plus qu’ils n’aimaient leurs enfants, que les enfants l’aimeraient plus que leurs pères, les époux plus que leurs épouses ? et cela non seulement dans une seule maison, dans cent familles, mais par toute la terre. Or, non seulement il a fait cette prédiction, mais il l’a réellement accomplie. — S. Ambroise : Dans le sens mystique, cette maison c’est l’homme, nous lisons souvent que l’homme est composé de deux parties, de l’âme et du corps; si ces deux parties sont d’accord entre elles, elles ne font plus qu’un : celle sui sert et celle qui est servie. On distingue aussi trois parties dans l’âme, l’une raisonnable, l’autre concupiscible, et la troisième irascible; c’est ainsi que deux sont divisés contre trois, et trois contre deux; car à l’avènement de Jésus-Christ, l’homme qui, dans sa conduite, était dépourvu de raison, est devenu raisonnable ; nous étions charnels, terrestres ; Dieu a envoyé son Esprit dans nos coeurs (Ga 4), et nous sommes devenus des enfants spirituels. On peut encore dire qu’il y a dans cette maison cinq autres choses, l’odorat, le toucher, le goût, la vue et l’ouïe. Si donc, nous rendant dociles à ce que nous lisons ou à ce que nous entendons par les sens de la vue et de l’ouïe, nous renonçons aux plaisirs superflus du corps, dont les trois sens du goût, du toucher et de l’odorat sont pour nous les instruments, nous en opposons deux à trois, en préservant notre âme de tomber dans les piéges de la volupté. Ou, si nous admettons que les cinq sens sont corporels, la division sera entre les vices et les péchés du corps. On peut encore voir ici le corps et l’âme qui est séparée de l’odorat, du toucher et du goût des plaisirs sensuels; car la raison, comme représentant le sexe le plus fort, aspire aussi à des sentiments plus nobles, tandis que la chair cherche à amollir la raison. Telle est donc la source des diverses passions; mais dès que l’âme rentre en elle-même, elle renie ces enfants dégénérés, la chair elle-même gémit d’être ainsi enlacée dans les passions auxquelles elle a donné naissance, comme dans les buissons du monde; mais la volupté, comme la bru du corps et de l’âme, a épousé ces mouvements des passions mauvaises. Tant que la paix régnait dans cette maison par l’accord [et la complicité] des vices entre eux, on n’y voyait point de division; mais dès que Jésus-Christ eut jeté sur la terre le feu qui devait consumer les péchés du coeur, ou qu’il eut apporté ce glaive qui pénètre au plus intime de l’âme, alors le corps et l’âme, renouvelés dans le mystère de la régénération, se séparent de leur malheureuse postérité; et les pères sont ainsi divisés contre leurs fils, lorsque la passion de l’intempérance renonce à se satisfaire, et que l’âme refuse la complicité du consentement coupable. Les enfants sont aussi divisés contre leurs parents, alors que les hommes renouvelés rompent avec leurs anciennes habitudes criminelles, tandis que la volupté, avec la fougue du jeune âge, refuse de se soumettre aux règles de la piété, et semble se révolter contre le régime d’une maison trop sévère. — S. Bède : Ou bien encore, les trois représentent ceux qui croient à la Trinité; les deux, les infidèles qui se sont séparés de l’unité de la foi. Le père, c’est le démon, dont nous étions les enfants en marchant sur ses traces; mais lorsque ce feu du ciel fut descendu sur la terre, il nous sépara du démon, et nous montra un autre père qui est dans les cieux. La mère, c’est la synagogue; la fille, c’est la primitive Église, qui a été persécutée dans sa foi par la synagogue qui lui avait donné le jour, et qui, forte de la vérité de sa foi, lutta elle-même contre la synagogue. La belle-mère, c’est encore la synagogue; la bru, c’est l’Église qui vient des nations; car Jésus-Christ, qui est l’époux de l’Église, est le Fils de la synagogue selon la chair. La synagogue se trouve donc divisée contre sa bru et contre sa fille, en persécutant les fidèles qui viennent de l’un et de l’autre peuple; et celles-ci sont à leur tour divisées contre leur mère et leur belle-mère, en refusant de se soumettre à la circoncision de la chair. |
Lectio 14 [85877] Catena in Lc., cap. 12 l. 14 Theophylactus. Cum de praedicatione disceptasset, et eam
nominasset gladium, poterant audientes turbari, nescientes quid diceret; et
ideo dominus subdit, quod sicut aereas dispositiones per quaedam signa
cognoscunt, sic deberent eius adventum cognoscere; et hoc est quod dicit cum
videritis nubem orientem ab occasu, statim dicitis : nimbus venit, et ita
fit; et cum Austrum flantem, dicitis, quia aestus erit, et ita fit; quasi
dicat : verba mea et opera mea me indicant contrarium vobis : potestis igitur
coniectare quia non veni pacem dare, sed imbrem et turbinem. Ego enim sum
nubes, et venio ab occasu, idest ab humana natura pridem multa induta
peccatorum caligine : veni etiam ponere ignem, idest aestum incitare : sum
enim Auster ventus calidus, et oppositus boreali frigiditati. Beda.
Vel qui ex elementorum immutatione flatum aurarum, quia voluerunt,
facillime praenoscere potuerunt, possent etiam si vellent tempus adventus
domini ex dictis intelligere prophetarum. Cyrillus. Prophetae enim multifarie praenuntiaverunt Christi
mysterium. Decebat ergo, si prudentes essent, ad futura prospectum intendere;
nec ignorare futuras tempestates post vitam praesentem valerent : erit enim
ventus et pluvia et supplicium futurum per ignem; et hoc significatur cum
dicitur nimbus venit. Decebat etiam salutis tempus non ignorare,
scilicet adventum salvatoris, per quem perfecta pietas intravit mundum; et
hoc significatur cum dicitur dicitis, quia aestus erit. Unde in eorum
reprehensionem subditur hypocritae, faciem caeli et terrae nostis probare;
hoc autem tempus quomodo non probatis? Basilius
in Exameron. Est autem notandum, quod necessariae sunt humanae vitae
siderum coniecturae, dummodo quis ultra mensuram non perquirat eorum indicia.
Est enim nonnulla de pluviis futuris percipere; plura quoque de aestibus, et
impetu ventorum, vel particularibus vel universalibus, vel violentis vel
levibus. Quanta vero commoditas ex eorum coniectura vitae praestetur, quis
nescit? Interest enim nautae pronosticari procellarum pericula, viatori
mutationem aeris, colono fructuum copiam. Beda.
Sed ne aliqui de turba se propheticae lectionis ignaros, temporum cursus
probare non posse causarentur, vigilanter adiungit quid autem et a vobis
ipsis non iudicatis quod iustum est? Ostendens eos, etsi litteras nesciant,
naturali tamen ingenio posse dignoscere eum, qui opera fecit quae nullus
alius fecisset, supra hominem et Deum esse : unde post huius saeculi
iniustitias, iustum creatoris iudicium esse venturum. Origenes
in Lucam. Nisi autem esset nobis natura insitum id quod iustum est
iudicare, nunquam salvator hoc diceret. |
Versets 54-57.
— Théophylacte : Ce que le Sauveur venait de dire de la prédication qu’il avait comparée à un glaive, pouvait jeter le trouble dans l’esprit de ses auditeurs qui ne savaient pas le but de ces paroles. Aussi ajoute-t-il qu’ils devraient connaître son avènement, de même qu’ils connaissent les variations de l’atmosphère à certains signes particuliers : « Lorsque vous voyez un nuage se former au couchant, vous dites aussitôt : La pluie vient, et cela arrive ainsi. Et quand vous voyez que souffle le vent du midi, vous dites : Il fera chaud, et cela arrive ainsi. » Comme s’il leur disait : Mes paroles et mes oeuvres indiquent clairement que je suis en contradiction avec vous. Vous pouvez donc conjecturer que je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’orage et la tempête : car je suis la nuée, et je viens de l’occident, c’est-à-dire de la nature humaine qui depuis longtemps est enveloppée des ténèbres épaisses du péché. Je suis venu aussi apporter le feu, c’est-à-dire inspirer une grande chaleur; car je suis le vent du midi, vent brûlant qui est opposé au froid glacial du nord. — S. Bède : Ou bien encore, ceux qui par les variations des éléments peuvent facilement conjecturer l’état de l’atmosphère pourraient aussi, s’ils le voulaient, connaître par les oracles des prophètes le temps de l’avènement du Seigneur. — S. Cyrille : Car les mystères de Jésus-Christ se trouvent annoncés en mille endroits des prophètes. Ils devraient donc, s’ils étaient prudents, porter leurs regards vers les choses futures et ne pas ignorer les tempêtes qui doivent suivre la vie présente, car ce sera le temps du vent, de la pluie et du supplice du feu; c’est le sens de ces paroles : « La pluie vient. » Ils auraient dû également connaître les jours de salut, c’est-à-dire l’avènement du Sauveur, qui a introduit dans le monde la religion parfaite; ce que signifient ces paroles : « Vous dites : Il fera chaud. » Aussi leur fait-il ce reproche : « Hypocrites, vous savez reconnaître l’aspect du ciel et de la terre, comment donc ne reconnaissez-vous pas les temps où nous sommes ? » — S. Basile : (homél. 6 sur l’hexamer.) Remarquons que les pronostics que l’on tire des astres sont nécessaires aux hommes pourvu qu’ils ne soient pas hors de la mesure. Il est utile en effet de connaître par avance les signes qui annoncent la pluie, les signes précurseurs des grandes chaleurs et des tempêtes soit particulières soit universelles, et de savoir si elles seront violentes ou modérées. Il n’est personne qui ne sache quelle utilité on peut retirer dans la vie de ces divers pronostics. Il importe eu effet au navigateur de prévoir les dangers des tempêtes, au voyageur les changements de temps, au laboureur les signes qui lui promettent une grande abondance de fruits. — S. Bède : Il pouvait s’en trouver dans la foule qui allégueraient leur ignorance des oracles prophétiques et s’excuseraient ainsi de ne pouvoir connaître les temps marqués; le Sauveur leur ôte cette excuse en ajoutant : « Comment ne discernez-vous point par vous-même ce qui est juste ? » et il leur apprend ainsi que sans savoir les lettres humaines, leur sens naturel seul pouvait leur faire reconnaître que celui qui avait opéré des oeuvres que nul autre n’eût pu faire était au-dessus de l’homme et qu’il était Dieu, et qu’aux injustices du monde présent, succéderait un jour le juste jugement du Créateur. — Origène : (homél. 35 sur Luc.) Or si nous n’avions en nous-mêmes la faculté de discerner ce qui est juste, jamais le Sauveur n’eût parlé de la sorte. |
Lectio 15 [85878] Catena in Lc., cap. 12 l. 15 Theophylactus. Postquam ostendit dominus laudabilem discordiam, ex hinc
docet laudabilem pacem, cum dicit cum autem vadis cum adversario tuo ad
principem, in via da operam liberari ab illo; quasi dicat : cum trahit te
adversarius ad iudicium, da operam, idest omnibus modis excogites, ut
absolvaris ab illo. Vel da operam; idest, etsi nihil habeas,
mutuum accipe, ut absolvaris ab illo, ne te coram iudice conveniat; unde
sequitur ne forte trahat te apud iudicem, et iudex tradat te exactori, et
exactor mittat te in carcerem. Cyrillus.
In quo angustias patieris donec etiam novissimum assem exigent : et hoc
est quod subdit dico tibi, non exibis inde, donec etiam novissimum minutum
reddas. Chrysostomus
in Matthaeum. Videtur mihi de praesentibus iudicibus dicere, et de itinere
ad praesens iudicium et de carcere huius mundi : per haec enim quae apparent
et in promptu sunt, irrationabiles homines se corrigere consueverunt :
frequenter enim non solum ex futuris bonis vel malis commonet, sed etiam ex
praesentibus, propter grossiores auditores. Ambrosius.
Vel adversarius noster Diabolus est, qui serit illecebras delictorum, ut
habeat in supplicio participes quos habuit in errore consortes : adversarius
etiam nobis est omnis vitiorum usus : denique adversaria est nobis mala
conscientia, quae nos et hic afficit, et in futurum accusabit et prodet. Demus igitur operam ut dum in hoc sumus vitae curriculo constituti,
tamquam a malo adversario, ita ab improbo liberemur actu; ne dum imus cum
adversario ad magistratum, in via nostrum condemnet errorem. Quis
autem est magistratus nisi penes quem omnis potestas est? Hic autem
magistratus tradit reum iudici, ei scilicet cui vivorum et mortuorum tribuit
potestatem, scilicet Iesu Christo, per quem occulta redarguuntur, et improbi
operis poena mandatur. Ipse exactori tradit, et in carcerem mittit; dicit
enim : tollite et mittite illum in tenebras exteriores. Et exactores suos
monstrat esse Angelos, de quibus dicit : exibunt Angeli, et separabunt malos
de medio iustorum, et mittent eos in caminum ignis. Sed subditur dico tibi :
non exies inde donec etiam novissimum minutum reddas. Si enim qui pecuniam
solvunt, non prius evacuant fenoris nomen quam totius sortis usque ad minimum
quocumque solutionis genere quantitas universa solvatur; sic compensatione
caritatis actuumque reliquorum, vel satisfactione quacumque peccati poena
dissolvitur. Origenes.
Vel aliter. Quatuor personas hic ponit, adversarii, principis, exactoris,
et iudicis; apud Matthaeum vero persona praetermissa est principis, et pro
exactore minister insertus. Discrepant etiam, quod ille quadrantem, iste
minutum posuit; uterque autem dixit novissimum. Cunctis autem hominibus duos
Angelos adesse legimus; malum qui adversa exhortatur, bonum qui optima
persuadet. Ille autem adversarius noster, quotiescumque peccamus, exultat,
sciens quoniam habet potestatem apud principem saeculi huius, qui se miserat,
exultandi et gloriandi. In Graeco autem cum articulo tu, qui singularitatis
significator est, adversarium posuit, ut ostenderet singulis hominibus
singulos adversarios esse, qui ubique eos sequantur; principem vero sine
articulo posuit, ne certum videretur ostendere, sed unum de pluribus : non
enim unusquisque nostrum habet proprium principem, sed suae genti communem. Da ergo operam ut libereris ab adversario tuo, sive a principe, ad
quem te adversarius trahit, habendo sapientiam, iustitiam, fortitudinem et
temperantiam. Si autem dederis operam, esto in eo qui dicit : ego sum via;
alioquin trahet te adversarius ad iudicem. Dicit autem trahit, ut ostendat
nolentes ad condemnationem compelli. Iudicem autem alium nescio nisi dominum
nostrum Iesum Christum, qui tradit exactori. Singuli
exactores proprios habemus : dominantur exactores, si debuerimus aliquid : si
omnibus universa reddidero, nemo exactor est, et intrepida mente respondeo :
nihil tibi debeo. Quod si debitor fuero, mittet me exactor in carcerem, nec
patietur exire, nisi debitum omne persolvero : non enim habet exactor
potestatem ut mihi saltem quadrantem concedat. Qui donavit debitori
quingentos denarios, et alii quinquaginta, dominus erat; iste qui exactor
est, dominus non est; sed a domino ad exigenda debita praepositus. Novissimum
autem minutum dicit gracile et tenue : peccata enim nostra aut pinguia sunt,
aut tenuia. Beatus igitur est qui non peccat. Secundo autem si tenue peccatum
habeat, inter ipsa quoque tenuia diversitas est : alioquin non diceret donec
novissimum redderet minutum. Si enim parum debet, non egredietur nisi solvat
minimum quadrantem; qui autem magno debito fuit obnoxius, infinita ei ad
reddendum saecula numerabuntur. Beda.
Vel aliter. Adversarius noster in via est sermo Dei contrarius nostris
carnalibus desideriis in praesenti vita : a quo liberatur qui praeceptis eius
subditur : alioquin tradetur iudici, quia sermone domini contempto, peccator reus
tenebitur in examine iudicis : quem iudex exactori tradet, idest maligno
spiritui, ad ultionem : qui mittetur in carcerem, idest in Infernum; ubi quia
semper solvere poenas patiendo, sed nunquam persolvendo, veniam consequi non
poterit, numquam exinde exibit; sed cum terribilissimo serpente Diabolo
perpetuas poenas luet. |
Versets 58-59.
—
Théophylacte : Notre Seigneur vient de parler d’une
guerre louable, il nous apprend maintenant qu’il y a une paix qui ne l’est
pas moins : « Lorsque vous allez
avec votre adversaire devant le magistrat, tâchez de vous dégager de lui en
chemin, ». C’est-à-dire,
lorsque votre adversaire vous traîne devant les tribunaux, tâchez,
c’est-à-dire faites tous vos efforts pour vous libérer envers lui. Ou bien
encore, tâchez, c’est-à-dire si vous n’avez rien, empruntez pour vous
acquitter envers lui, de peur qu’il ne vous fasse comparaître devant le
juge : « de peur,
ajoute-t-il, qu’il ne vous traîne devant le juge, et que le juge ne vous
livre à l’exécuteur, et que l’exécuteur ne vous jette en prison. » — S.
Cyrille : Où vous aurez à souffrir jusqu’à ce que
vous ayez payé la dernière obole : « Je
vous le dis, vous ne sortirez pas de là que vous n’ayez payé jusqu’à la
dernière obole. » — S. Jean Chrysostome : (homél. 16 sur Matth.) Notre Seigneur me paraît vouloir parler ici des juges de la terre, de la comparution devant leurs tribunaux, et des prisons de ce monde, car souvent ce sont ces comparaisons tirées des choses qui se passent sous leurs yeux qui ramènent au bien les hommes sans raison qui s’en sont écartés. Aussi ce n’est pas seulement par la perspective des biens et des maux à venir, mais par le spectacle des choses présentes que le Sauveur cherche à convertir, à cause de la grossièreté de ses auditeurs. — S. Ambroise : On bien, notre adversaire est le démon qui sème [sous nos pas] les séductions du vice, afin de faire partager son supplice à ceux qui auront été les complices de son crime. Notre adversaire, c’est aussi tout l’usage que nous faisons de nos vices. Notre adversaire c’est encore notre mauvaise conscience, qui fait ici-bas notre tourment, et qui sera notre accusateur et notre condamnation dans l’autre : Faisons donc tout au monde pendant le voyage de cette vie pour nous délivrer de toute action coupable, comme d’un adversaire dangereux; de peur qu’en allant avec cet adversaire devant le magistrat, il ne condamne en chemin nos égarements. Or, quel est ce magistrat, si ce n’est celui qui possède toute puissance ? Il livre le coupable au juge, à celui qui a reçu le pouvoir de juger les vivants et les morts, c’est-à-dire à Jésus-Christ qui mettra au grand jour tous les crimes secrets, et qui infligera le châtiment à toutes les oeuvres mauvaises. C’est lui-même qui livre le coupable à l’exécuteur, et le jette en prison : « Saisissez-vous de lui, dit-il, et jetez-le dans les ténèbres extérieurs. » (Mt 22.) Ses exécuteurs ce sont les anges, dont il est dit : « Les anges viendront et sépareront les mauvais du milieu des justes, et ils les jetteront dans la fournaise de feu. » Et il ajoute : « Je vous le dis, vous ne sortirez pas de là, que vous n’ayez payé jusqu’à la dernière obole. » De même que ceux qui acquittent une dette, ne cessent d’être débiteurs jusqu’à ce qu’ils aient payé intégralement toute la somme par quelque moyen que ce soit, de même la peine due au péché ne peut-être acquittée que par la charité, par les bonnes oeuvres et par la satisfaction. — Origène : (homél. 33.) On peut encore donner cette explication : Nous voyons ici quatre personnes, l’adversaire, le prince ou le magistrat, le juge et l’exécuteur; saint Matthieu ne parle pas du prince, et remplace l’exécuteur par ce qu’il appelle ministre. Les deux évangélistes diffèrent encore en ce que saint Matthieu se sert du mot de denier, et saint Luc de celui d’obole; tous deux disent « jusqu’au dernier. » Or, nous lisons que tous les hommes ont deux anges près d’eux, un mauvais qui les excite au mal, un bon qui leur conseille le bien; toutes les fois que nous succombons au péché, notre adversaire triomphe, parce qu’il sait qu’il a le droit d’exulter et de se glorifier devant le prince de ce monde qui l’a envoyé. Dans le texte grec, nous lisons « l’adversaire » avec l’article, ce qui désigne un adversaire spécial entre tous; il dit « l’adversaire » pour montrer que pour chaque homme il existe un adversaire particulier qui est sans cesse à ses côtés ; « un magistrat », sans article, ce qui semble indiquer que ce n’est pas tel magistrat, mais n’importe lequel parmi tous ; car chacun est sous la domination du prince qui commande à sa nation. Efforcez-vous donc de vous délivrer de votre adversaire, ou du prince devant lequel votre adversaire veut vous traîner, en cherchant à acquérir la sagesse, la justice, la force et la tempérance. Mais en faisant tous vos efforts, soyez uni à celui qui a dit : « Je suis la vie » (Jn 14), autrement votre adversaire vous traînera devant le juge. Il se sert de cette expression : « il vous traînera, » pour montrer qu’il force les coupables de venir entendre leur condamnation malgré toutes leurs résistances. Quant au juge qui doit livrer à l’exécuteur, je n’en connais pas d’autre que Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous avons tous nos exécuteurs, et ils ont pouvoir sur nous, lorsque nous sommes leurs débiteurs; mais si je paie à tous mes créanciers ce que je leur dois, je me présente devant l’exécuteur et je lui réponds avec fermeté : « Je ne vous dois rien. » Mais si au contraire je suis débiteur, l’exécuteur me jettera en prison et ne m’en laissera sortir que lorsque j’aurai payé toute ma dette, car l’exécuteur n’a pas le droit de me faire grâce de la moindre obole. Celui que nous voyons remettre à l’un de ses débiteurs cinq cents deniers, à l’autre cinquante, (Lc 6) était le maître; l’exécuteur au contraire n’est pas le maître, il est chargé par le maître d’exiger tout ce qui lui est dû. Il dit : « jusqu’à la dernière obole », pour signifier ce qu’il y a de moindre et de plus léger. Car les fautes que nous commettons sont graves ou légères; bienheureux donc celui qui ne pèche point, heureux ensuite celui qui ne commet que des fautes légères. Mais dans les fautes même légères, il y a des degrés, autrement le Sauveur ne dirait pas : « jusqu’à ce que vous ayez payé la dernière obole. » Ainsi celui dont les dettes sont minimes ne sortira pas qu’il n’ait payé jusqu’au dernier denier; mais pour celui qui est chargé de dettes énormes, il lui faudra un nombre infini de siècles pour s’acquitter. — S.
Bède : Ou bien encore, notre adversaire dans le
chemin, c’est la parole de Dieu qui est en opposition avec nos désirs
charnels dans la vie présente. Nous nous délivrons de cet adversaire en
obéissant à ses préceptes : autrement il nous livrera au juge, car le mépris
qu’on aura fait de la parole du Seigneur est un crime dont le pécheur rendra
compte au tribunal du juge. Le juge le livrera à l’exécuteur, c’est-à-dire à
l’esprit mauvais; pour le punir, celui-ci le jettera en prison, c’est-à-dire
dans l’enfer, c’est là que le pécheur souffrira éternellement sans pouvoir
jamais acquitter ses dettes et obtenir son pardon; il n’en sortira donc
jamais, mais il sera condamné à des peines éternelles, avec le serpent
redoutable, avec le démon. |
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Caput 13 |
CHAPITRE 13
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Lectio 1 [85879] Catena in Lc., cap. 13 l. 1 Glossa. Quia de poenis peccantium fecerat mentionem, opportune
nuntiatur quorumdam peccantium poena, ex cuius exemplo etiam aliis
peccatoribus poenam comminatur; unde dicitur aderant quidam ipso in tempore
nuntiantes illi de Galilaeis, quorum sanguinem miscuit Cyrillus. Erant enim sequaces dogmatum Iudae Galilaei, cuius
mentionem Lucas in actibus apostolorum fecit, qui dicebat : non oportet
quemquam vocari dominum : unde quamplures eorum, quia Caesarem non fatebantur
dominum, a Pilato puniti sunt. Dicebant etiam non oportere alias a statutis
victimis in lege Moysi offerre Deo; unde prohibebant statutas a populo
victimas pro salute imperatoris et populi Romani offerre. Pilatus ergo
indignatus in Galilaeos, iussit inter ipsas victimas, quas ritu legis se
offerre putabant, occidi, ita quod sanguis offerentium oblatis victimis
misceretur. Credente autem vulgo, iustissime praedictos talia passos esse,
quasi scandala seminantes in populo, incitantes principes in odium
subditorum, narraverunt haec salvatori, volentes percipere quid ei super hoc
videretur. Ipse autem peccatores hos esse ponit; non tamen
hic asserit talia passos esse, tamquam peiores non patientibus; unde sequitur
et respondens dixit illis : putatis quod hi Galilaei prae omnibus Galilaeis
peccatores fuerunt, quia talia passi sunt? Non, dico vobis. Chrysostomus.
Punit enim Deus quosdam peccatorum, amputans eorum nequitiam, et poenam
illis statuens leviorem, et plene semovens eos ab aliis, et viventes in
malitia corrigens per horum damnationem. Rursus alios hic non punit, ut si
sibi caverint poenitentes, praesentem poenam effugiant, et futurum supplicium
: si vero perseveraverint, maius patiantur tormentum. Titus.
Manifestat et hic, quia quaecumque ex iudiciis accidunt in reorum
supplicium, non solum iudicantium potestate, sed etiam nutu Dei contingunt;
unde sive iusta conscientia puniat iudex, sive aliud intendens condemnet,
commendandum est negotium divinae censurae. Cyrillus.
Removens ergo populares ab intestinis insidiis occasione religionis
concitatis, subiungit sed nisi poenitentiam habueritis, et nisi cessaveritis
conspirare contra principes, quod nutu divino non agitis, omnes simul, vel
similiter, peribitis, et vester sanguis vestris victimis coniungetur. Chrysostomus.
In hoc autem ostendit quod illos permisit talia pati, ut viventes alienis
periculis territi fierent regni heredes. Quid igitur, dices, ut melior ego
fiam, ille punitur? Non ideo; sed punitur quidem propter propria crimina; fit
vero ex hoc videntibus salutis materia. Beda.
Sed quia poenitentiam non habuerunt, quadragesimo dominicae passionis anno
venientes Romani, quos designabat Pilatus ad eorum gentes pertinens, et incipientes
a Galilaea, unde dominica praedicatio coeperat, radicitus impiam gentem
deleverunt; et non solum atria templi, quo sacrificia deferri consueverant,
sed interiora domus humano sanguine foedarunt. Chrysostomus.
Iterum autem alii decem et octo obruti fuerant a quadam turre; de quibus
eadem subdit, dicens sicut illi decem et octo super quos cecidit turris in
Siloa, et occidit eos, putatis quia et ipsi debitores fuerunt praeter omnes
homines habitantes in Ierusalem? Non, dico vobis. Non enim hic omnes punit,
dans aliis inducias poenitendi; nec tamen cunctos futurae punitioni reservat,
ne plures providentiam abnegarent. Titus.
Una autem turris comparatur toti civitati, ut pars totum perterreat; unde
subditur sed si non poenitentiam egeritis, omnes similiter peribitis; quasi
dicat : tota civitas paulo post occupabitur, si perseveraverint indigenae in
infidelitate. Ambrosius. Mystice autem in illis, quorum sanguinem
Pilatus miscuit cum sacrificiis eorum, figura quaedam videtur, eos tangens,
qui coactu diabolico non pure offerunt sacrificium, quorum oratio est in
peccatum, sicut de Iuda scriptum est, qui proditionem sanguinis dominici
inter sacrificia positus cogitabat. Beda.
Pilatus enim, qui interpretatur os malleatoris, Diabolum significat,
semper caedere paratum; sanguis peccatum, sacrificia bonas actiones
exprimunt. Pilatus ergo sanguinem Galilaeorum cum sacrificiis eorum miscet,
quando Diabolus eleemosynam et cetera bona fidelium, vel carnis delectatione,
vel humanae laudis ambitione, vel qualibet alia peste commaculat. Illi etiam
Hierosolimytae a ruina turris oppressi significant Iudaeos, qui poenitere
noluerunt, cum moenibus suis esse perituros. Non frustra decem et octo, qui
numerus apud Graecos ex i et e, hoc est eisdem litteris quibus nomen Iesu
incipit, exprimitur : significat enim Iudaeos hinc maxime perituros, quod
nomen salvatoris recipere noluerunt. Illa turris significat illum qui est
turris fortitudinis, quae merito est in Siloe, quae interpretatur missus;
significat enim eum qui missus a patre venit in mundum, qui omnes super quos
cecidit conteret. |
Versets 1-5
— La
Glose : (En
termes équival.) Notre Seigneur venait de parler du
supplice qui est réservé aux pécheurs, lorsqu’on vient lui annoncer le
châtiment infligé à des rebelles, exemple dont il se sert pour menacer les
pécheurs d’une peine semblable : « En
ce même temps, quelques-uns vinrent raconter à Jésus ce qui était arrivé aux
Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs
sacrifices. » — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) C’étaient les sectateurs de Judas le Galiléen dont saint Luc fait mention dans les Actes des Apôtres (Ac 5), qui prétendaient qu’on ne devait donner à personne le nom de maître. Aussi plusieurs d’entre eux qui ne voulaient pas reconnaître l’autorité de César, furent punis par Pilate. Ils enseignaient encore qu’on ne devait offrir à Dieu d’autres victimes que celles qui avaient été prescrites par Moïse; ils défendaient donc d’offrir les victimes présentées par le peuple pour le salut de l’empereur, et du peuple romain. Pilate indigné contre les Galiléens, ordonna de les mettre à mort au milieu même des sacrifices qu’ils pensaient devoir offrir suivant les prescriptions de la loi, et mêla ainsi le sang des sacrificateurs au sang des victimes qu’ils immolaient. Or, comme la foule pensait qu’ils n’avaient souffert que ce qu’ils méritaient, parce qu’ils semaient la division dans le peuple, et indisposaient les princes contre leurs sujets, quelques-uns vinrent raconter ces faits au Sauveur pour savoir ce qu’il en pensait. Notre Seigneur déclare que c’étaient [des rebelles et] des pécheurs, mais sans affirmer qu’ils étaient plus coupables que ceux qui avaient échappé à ce châtiment : « Il leur répondit : Pensez-vous que les Galiléens fussent plus pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir été traités ainsi ? Non, je vous le dis.» — S. Jean Chrysostome : (Disc. 3, sur Lazare.) Dieu punit certains pécheurs, en mettant un terme à leur iniquité, en leur infligeant des peines légères, en les séparant complètement des autres, et en instruisant par l’exemple de leur châtiment ceux qui vivent dans le péché. Il ne punit pas tous les pécheurs ici-bas, il veut ainsi leur donner le moyen d’éviter par la pénitence les peines de cette vie, et les supplices de l’éternité; mais s’ils persévèrent dans le mal, ils doivent s’attendre à un châtiment plus sévère. — Tite de Bostr. Le Sauveur nous apprend encore ici que toutes les sentences qui condamnent les coupables aux dernier supplice, ne sont pas seulement édictées par l’autorité des juges mais par la volonté de Dieu. Que le juge condamne suivant les règles de l’équité, ou pour tout autre motif, il faut voir dans le jugement qu’il prononce une permission de la divine justice. — S.
Cyrille : Notre Seigneur veut donc détourner le
peuple de toutes ces séditions intestines dont la religion était le prétexte,
et il ajoute : « Si vous ne faites
pénitence, (et si vous ne cessez de conspirer contre vos princes, ce qui est
contraire à la volonté divine), vous périrez tous de la même manière, et
votre sang sera mêlé au sang de vos victimes. » — S. Jean Chrysostome : Il leur montre aussi par ces paroles que s’il a permis ce châtiment pour quelques-uns, c’est afin que ceux qui survivraient soient terrifiés par les peines des autres et deviennent héritiers du royaume. Quoi donc, me direz-vous, Dieu en punit un autre pour me rendre meilleur ? Non pas précisément, il est puni pour ses propres crimes, mais son châtiment devient une occasion de salut pour ceux qui en sont témoins. — S. Bède : Mais comme les Juifs n’ont pas voulu faire pénitence, quarante ans après la passion du Sauveur, les Romains (figurés ici par Pilate qui était de leur nation), envahirent [la Judée], et, commençant par la Galilée (où le Sauveur avait commencé le cours de ses prédications), ils détruisirent entièrement cette nation impie, et souillèrent de sang humain, non seulement les parvis du temple où l’on avait coutume d’offrir les sacrifices, mais l’intérieur même des maisons. — S. Jean Chrysostome : Dix-huit autres encore avaient été écrasés par la chute d’une tour, Notre Seigneur en parle en ces termes : « De même ces dix-huit sur qui tomba la tour de Siloé, et qu’elle tua, pensez-vous qu’ils fussent plus redevables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, je vous le dis. » En effet, Dieu ne punit pas ici-bas tous les pécheurs pour leur laisser le temps de se repentir, mais il ne les réserve pas non plus tous aux châtiments de l’autre vie, pour ne pas donner lieu de nier sa providence. — Tite de Bostr. Il oppose cette tour à toute la ville, afin que le malheureux sort de quelques-uns épouvante tous les autres, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous de la même manière, » c’est-à-dire : toute la ville sera bientôt envahie, si ses habitants persévèrent dans l’infidélité. — S. Ambroise : Dans le sens figuré, ceux dont Pilate mêla le sang avec leurs sacrifices, représentent ceux qui sous l’impulsion du démon offrent des sacrifices impurs, et dont la prière devient un nouveau péché, (comme il est écrit de Juda), qui au milieu même du sacrifice eucharistique songeait à vendre le sang du Seigneur. — S. Bède : Pilate (qui signifie la bouche du forgeron) est la figure du démon, toujours prêt à frapper [et à répandre le sang]; le sang figure le péché, et les sacrifices représentent les bonnes oeuvres. Pilate mêle donc le sang des Galiléens avec leurs sacrifices, quand le démon cherche à souiller et à corrompre les aumônes et les autres bonnes oeuvres des fidèles, soit par les plaisirs sensuels, soit par le désir des louanges, soit par tout autre vice. Ces habitants de Jérusalem qui furent écrasés par la chute de cette tour, représentent les Juifs qui, pour n’avoir pas voulu faire pénitence, furent écrasés sous les ruines de leurs murailles. Et le nombre de dix-huit a ici une signification particulière, (ce nombre s’écrit en grec par les deux lettres I et H, qui sont les premières du nom de Jésus. Ce nombre signifie donc que la cause première de la ruine des Juifs, c’est qu’ils n’ont pas voulu recevoir le nom de Jésus. Cette tour est la figure de celui qui est la tour de la force; elle est située à Siloé qui veut dire envoyé, parce qu’elle représente celui qui a été envoyé par son père, qui est venu dans le monde, et qui écrasera tous ceux sur lesquels il tombera. |
Lectio 2 [85880] Catena in Lc., cap. 13 l. 2 Titus. Iactabant se Iudaei ex eo quod decem et octo perierant; ipsi
vero omnes remanserunt illaesi; unde proponit eis fici parabolam; dicit enim
dicebat autem hanc similitudinem : arborem fici habebat quidam plantatam in
vinea sua. Ambrosius. Vinea domini Sabaoth erat quam dedit in rapinam gentium.
Apta autem synagogae arboris istius comparatio est : quia sicut arbor ista
redundans foliis fluentibus, spem possessoribus suis cassa speratorum
proventuum expectatione destituit : ita etiam in synagoga dum doctores eius
operibus infecundi, verbis tamen velut foliis redundantibus gloriantur,
inanis umbra legis exuberat. Haec etiam sola arbor ab initio germinat poma
pro floribus, et poma decident ut poma succedant; manent tamen aliqua priorum
perrara, nec decidunt. Etenim primus synagogae populus velut inutilis decidit
fructus ut de pinguedine religionis antiquae novus Ecclesiae populus
emergeret; primo tamen ex Israel, grossi maturescentis exemplo,
pulcherrimorum gratia fructuum caeteris praestiterunt : quibus dicitur :
sedebitis super duodecim thronos. Nonnulli tamen ficum istam non synagogae,
sed malitiae et improbitatis figuram putant : hi tamen in nullo distant, nisi
quod pro specie genus eligunt. Beda.
Ipse autem dominus synagogam per Moysen instituit, in carne natus
apparuit, et crebrius in synagoga docens fructum fidei quaesivit, sed in
Pharisaeorum mente non invenit; unde sequitur et venit fructum quaerens in
illa, et non invenit. Ambrosius.
Quaerebat autem dominus, non quia fructum ficulneae deesse nesciret; sed
ut ostenderet in figura, quia fructum synagoga iam habere deberet. Denique ex
sequentibus docet non se ante tempus venisse, qui per triennium venit; sic
enim habes : dixit autem ad cultorem vineae : ecce anni tres sunt ex quo
venio quaerens fructum in ficulnea hac et non invenio. Venit ad Abraham,
venit ad Moysen, venit ad Mariam, hoc est, venit in signaculo, venit in lege,
venit in corpore : adventum eius ex beneficiis recognoscimus : alibi
purificatio, alibi sanctificatio, alibi iustificatio est; circumcisio
purificavit, lex sanctificavit, gratia iustificavit. Ergo populus Iudaeorum
neque purificari potuit, quia circumcisionem corporis, non animi habuit;
neque sanctificari, quia virtutem legis ignorans, carnalia magis quam
spiritualia sequebatur; neque iustificari, quia delictorum suorum
poenitentiam non gerens, gratiam nesciebat. Merito ergo nullus fructus in
synagoga inventus est; et ideo iubetur excidi; sequitur enim succide ergo
illam : ut quid etiam terram occupat? Bonus autem cultor, et fortassis ille
in quo Ecclesiae fundamentum est, praesagiens, alterum ad gentes, se autem ad
eos qui ex circumcisione sunt, esse mittendum, religiose ne excidatur
intervenit, fretus vocatione sua etiam populum Iudaeorum per Ecclesiam posse
salvari; unde sequitur at ille respondens, dixit illi : domine, dimitte illam
et hoc anno. Cito duritiam superbiamque Iudaeorum causas esse sterilitatis
agnovit. Itaque venit excolere qui novit vitia reprehendere; unde subdit
usque dum fodiam circa illam. Pollicetur dura cordis eorum apostolicis
ligonibus esse fodienda, ne radicem sapientiae, terrarum acervus obruat et
abscondat. Subdit autem et mittam stercora, idest humilitatis affectum, per
quem in Evangelium Christi etiam Iudaeus fore existimatur fructuosus; unde
subdit et si quidem fecerit fructum, bene scilicet erit; sin autem, in futurum
succides illam. Beda.
Quod quidem per Romanos factum est, a quibus gens Iudaea succisa, et a
terra promissionis expulsa est. Augustinus
de Verb. Dom. Vel aliter totum. Arbor ficulnea genus humanum est. Primus enim
homo qui peccavit, foliis ficulneae pudenda velavit, hoc est membra unde nati
sumus. Theophylactus.
Sed et quisque nostrum ficus est in vinea Dei, hoc est in Ecclesia, vel in
hoc mundo plantata. Gregorius
in Evang. Tertio autem dominus ad ficulneam venit : quia naturam generis
humani ante legem, sub lege, sub gratia, expectando, admonendo, visitando
requisivit : sed tamen tribus annis fructum se non invenisse conqueritur :
quia quorumdam pravorum mentes nec inspirata lex naturalis corrigit, nec praecepta
erudiunt, nec incarnationis eius miracula convertunt. Theophylactus. Tertio autem natura nostra fructum petita non
tribuit : semel quidem cum in Paradiso praevaricati sumus praeceptum, secundo
cum in lege vitulum conflaverunt, tertio cum salvatorem renuerunt. Sed
id triennium intelligendum est pro tribus aetatibus, puerili, virili, et
senili. Gregorius.
Sed cum magno timore audiendum est quod dicitur succide ergo illam : ut
quid etiam terram occupat? Unusquisque enim iuxta modum suum, inquantum locum
vitae praesentis tenet, si fructum bonae operationis non exhibet, velut
infructuosa arbor terram occupat : quia in eo loco in quo ipse est, aliis
operandi occasionem negat. Basilius.
Proprium enim est divinae propitiationis non silenter poenas infligere,
sed praemittere minas, revocando ad poenitentiam; sicut Ninivitis fecit, et
nunc cultori dicens succide eam : provocans quidem ipsum ad curam eius,
suscitans vero sterilem animam ad producendos debitos fructus. Gregorius
Nazianzenus. Igitur nec nos feriamus subito, sed praevaleamus
misericordia; ne secemus ficum potentem adhuc fructum facere, quam forsitan
curabit periti custodis studium; unde et hic subditur at ille respondens
dixit illi : dimitte illam hoc anno, usque dum fodiam circa illam. Gregorius. Per cultorem vineae praepositorum ordo exprimitur, qui
dum praesunt Ecclesiae, dominicae vineae curam gerunt. Theophylactus.
Vel paterfamilias Deus pater est, cultor vero Christus, qui ficum amputari
ut sterilem non permittit; quasi ad patrem diceret : si per legem et
prophetas fructum poenitentiae non dederunt, meis eos irrigabo passionibus et
doctrinis; et forsitan dabunt obedientiae fructum. Augustinus
de Verb. Dom. Vel colonus, qui intercedit, est omnis sanctus qui intra
Ecclesiam orat pro eis qui sunt extra Ecclesiam, dicens domine, dimitte illam
hoc anno, idest tempore isto sub gratia, usque dum fodiam circa illam.
Circumfodere est humilitatem et patientiam docere. Fossa enim est humilis
terra, stercus autem in bono intellige : sordes sunt, sed fructum dant :
sordes cultoris dolor est peccatoris. Qui autem agunt poenitentiam, in
sordibus agant et veraciter agant. Gregorius.
Vel peccata carnis, stercora vocantur. Ex stercore igitur ad fructum
reviviscit arbor, quia de consideratione peccati, ad bona se opera resuscitat
animus. Sed sunt plerique qui increpationes audiunt, et tamen ad poenitentiam
redire contemnunt; propter quod subditur et si quidem fecerit fructum. Augustinus
de Verb. Dom. Bene scilicet erit; sin autem, in futurum succides eam,
quando scilicet in iudicio venies iudicare vivos et mortuos. Interim modo parcitur. Gregorius. Qui autem nunc non vult ad fecunditatem pinguescere per
increpationem, illic cadit unde iam resurgere per poenitentiam non valet. |
Versets 6-9.
—
Tite de Bostr. Les Juifs tiraient vanité de ce que
dix-huit d’entre eux ayant péri, tous avaient été préservés, c’est pour cela
que Notre-seigneur leur propose cette parabole du figuier : « Il leur dit encore cette parabole :
Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. » — S. Ambroise : La vigne du Dieu des armées est celle qu’il a livrée aux nations pour être pillée. La comparaison de la synagogue avec le figuier est on ne peut plus juste; de même, en effet, que cet arbre se couvre de larges feuilles en abondance, et trompe l’espérance de son maître qui en attend inutilement beaucoup de fruits; ainsi la synagogue avec ses docteurs stériles en oeuvres, et fiers de leurs paroles pompeuses qui ressemblent aux feuilles du figuier, est toute couverte des ombres d’une loi infructueuse. Le figuier est encore le seul arbre qui tout d’abord produit des fruits au lieu des fleurs, dont les premiers fruits tombent pour faire place à d’autres, et qui conserve cependant une partie des premiers fruits. C’est ainsi que le premier peuple qui était sous l’autorité de la synagogue est tombé comme un fruit inutile, afin que le nouveau peuple qui a formé l’Église sortit de la sève abondante de l’ancienne religion. Cependant les premiers d’entre les Israélites qui avaient été produits par un rameau d’une nature plus vigoureuse, [à l’ombre de la loi et de la croix, dans le sein de l’une et de l’autre, nourris et colorés par cette double sève, et semblables aux premières figues qui arrivent à la maturité], l’ont emporté sur les autres par la richesse des plus beaux fruits; et c’est à eux qu’il est dit : « Vous serez assis sur douze trônes. » Il en est cependant qui voient dans ce figuier la figure non de la synagogue, mais de la malice et de la perversité; leur interprétation ne diffère de la précédente qu’en ce qu’ils prennent le genre pour l’espèce. — S. Bède : Or, le Seigneur qui avait daigné naître et se manifester dans une chair sensible, avait , par ses fréquents enseignements dans la synagogue instituée par Moïse, cherché le fruit de la foi et ne l’avait pas trouvé dans le coeur des pharisiens : « Il vint pour y chercher du fruit, et il n’en trouva point. » — S. Ambroise : Le Maître cherchait du fruit, non pas qu’il ignorât que le figuier n’en portait pas, mais pour montrer par cette figure, que la synagogue aurait dû produire des fruits. D’ailleurs la suite fait bien voir qu’il n’est pas venu avant le temps, lui qui est venu pendant trois années consécutives : « Et il dit au vigneron : Voici trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier, et je n’en trouve point ». Il est venu aux jours d’Abraham, sous Moïse et au temps de Marie, c’est-à-dire dans le signe de la circoncision (Gn 17, 11; Rm 4, 11), dans la loi, et dans la chair [qu’il a prise du sein de Marie], et nous reconnaissons son avènement à ses bienfaits, d’un côté la purification, de l’autre la sanctification, de l’autre enfin la justification. La circoncision purifiait, la loi sanctifiait, la grâce a justifié. Le peuple juif n’a donc pu ni être purifié, parce qu’il n’avait que la circoncision extérieure sans avoir la circoncision de l’esprit; ni être sanctifié, parce qu’il ignorait la vertu de la loi, et qu’il était bien plus fidèle aux formalités extérieures qu’aux prescriptions spirituelles; ni être justifié, parce que, ne faisant aucune pénitence de ses péchés, il ne connaissait pas la grâce de Dieu. Il était donc impossible de trouver des fruits dans la synagogue, aussi commande-t-il, qu’elle soit retranchée : « Coupez-le donc, pourquoi occupe-t-il encore la terre ? » Cependant le bon vigneron, (peut-être celui sur lequel a été bâtie l’Église), présageant qu’un autre irait évangéliser les Gentils, tandis que lui-même serait envoyé au peuple de la circoncision, intervient dans un sentiment de charité chrétienne pour prier qu’il ne soit point coupé, parce qu’il puise dans sa vocation la confiance que le peuple juif pourra aussi être sauvé par l’Eglise : « Le vigneron lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année. » Il reconnut aussitôt que c’était la dureté et l’orgueil des Juifs qui étaient la cause de leur stérilité. Il sait donc comment il faut les cultiver, parce qu’il sait les reprendre de leurs vices : « Je creuserai tout autour. » Il promet de labourer profondément leurs coeurs si durs avec la bêche apostolique, afin que la racine de la sagesse ne soit ni étouffée ni cachée sous un amas de terre : « Et je mettrai du fumier, » c’est-à-dire le sentiment de l’humilité qui peut faire produire aux Juifs eux-mêmes des fruits dignes de l’Évangile de Jésus-Christ. Aussi ajoute-t-il : « Alors s’il porte du fruit, à la bonne heure, (c’est-à-dire ce sera bien), sinon vous le couperez. » — S. Bède : C’est ce qui s’accomplit, lorsque les Romains détruisirent la nation juive, et la chassèrent de la terre promise. — S. Augustin : (serm. 23, sur les par. du Seig.) Ou bien encore, ce figuier c’est le genre humain; car lorsque le premier homme eut péché, il prit des feuilles de figuier pour couvrir sa nudité, c’est-à-dire les membres dont nous sommes nés. — Théophylacte : Chacun de nous est encore ce figuier planté dans la vigne de Dieu, c’est-à-dire dans l’Église de Dieu ou dans ce monde. — S. Grégoire : (hom. 31, sur les Evang.) Le Seigneur est venu trois fois à ce figuier, parce qu’il a cherché le fruit que produirait le genre humain avant la loi, sous la loi, et sous la grâce, (en l’attendant, en l’avertissant, en le visitant). Et cependant il se plaint de ce que pendant trois années consécutives, il n’a point trouvé de fruit, parce que certains esprits dépravés n’ont pu être corrigés par la loi naturelle gravée dans leurs coeurs, ni instruits par les préceptes de la loi, ni convertis par les miracles de l’incarnation. — Théophylacte : Par trois fois notre nature a refusé de donner le fruit qui lui est demandé; dans le paradis lorsque dans la personne de nos premiers parents nous avons désobéi au commandement de Dieu ; en second lieu, lorsque les Israélites adorèrent le veau d’or [qu’ils avaient fabriqué (Ex 32)], troisièmement, lorsqu’ils renièrent le Sauveur. Ces trois ans peuvent encore figurer les trois âges de la vie : l’enfance, la virilité et la vieillesse. — S. Grégoire : (hom. 31 sur les Evang.) C’est avec un grand sentiment de crainte qu’il faut entendre ces paroles : « Coupez-le, pourquoi occupe-t-il inutilement la terre ? » Tout homme, en effet, à sa manière, et en tant qu’il tient une place dans cette vie, occupe inutilement la terre comme un arbre infructueux, s’il ne peut présenter les fruits de ses bonnes oeuvres; parce qu’en effet, dans la place qu’il occupe, il est un obstacle au bien que d’autres pourraient produire. — S. Basile : (serm. 8 sur la pénit.) C’est le propre de la divine miséricorde, de ne pas infliger de punitions sans avertir, mais de faire toujours précéder les menaces, pour rappeler à la pénitence. C’est ainsi qu’il avait fait pour les Ninivites, et qu’il fait encore ici en disant au vigneron : « Coupez-le » ; il le presse par là d’en prendre soin, et il excite cette âme stérile à produire les fruits qu’il a droit d’exiger d’elle. — S. Grégoire : de Nazianze. (disc. 26 sur la modération qu’il faut garder dans les discussions.) Ne soyons donc pas nous-mêmes trop prompts à frapper, faisons prévaloir la miséricorde; ne coupons pas le figuier qui peut encore faire du fruit, et qui peut être guéri de sa stérilité par les soins d’un habile jardinier : « Le vigneron lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année, jusqu’à ce que j’aie creusé, tout autour.» — S. Grégoire : (hom. 31 sur les Evang.) Le cultivateur de la vigne représente l’ordre des supérieurs qui sont placés à la tête de l’Église, pour prendre soin de la vigne du Seigneur. — Théophylacte : Ou bien le père de famille, c’est Dieu le Père; le cultivateur, c’est Jésus-Christ qui ne permet pas que l’on coupe le figuier stérile, et qui semble dire à son Père : Ni la loi, ni les prophètes n’ont pu leur faire produire des fruits de pénitence, cependant je les arroserai de mes souffrances et de mes enseignements, peut-être alors ils produiront des fruits d’obéissance. — S. Augustin : (serm. 31 sur les par. du Seig.) Ou bien encore, le cultivateur qui intercède, c’est toute âme sainte qui, dans le sein de l’Église, prie pour ceux qui sont hors de l’Église en disant à Dieu : « Seigneur, laissez-le encore cette année (c’est-à-dire dans ce temps de grâce), jusqu’à ce que je creuse tout autour. » Creuser autour, c’est enseigner l’humilité et la patience, car une terre creusée est déprimée; le fumier (il faut l’entendre dans un bon sens), c’est de l’ordure, mais il aide à produire des fruits. Le fumier du cultivateur, c’est la douleur du pécheur. Ceux qui font pénitence, paraissent sous des dehors négligés, et agissent en cela selon la vérité. — S.
Grégoire : (hom.
31.) Ou bien encore, ce sont les péchés de la chair
qui sont appelés du fumier, ainsi c’est du fumier que l’arbre tire sa vie et
sa fécondité, parce que c’est la considération du péché qui ressuscite l’âme
à la vie des bonnes oeuvres. Mais la plupart entendent ces menaces, et
refusent cependant de faire pénitence, c’est pour cela que le cultivateur
ajoute : « S’il porte du fruit, à
la bonne heure. » — S. Augustin : (comme précéd.) « sinon, vous le couperez, » c’est-à-dire lorsque vous viendrez au jour du jugement pour juger les vivants et les morts ; jusque-là, le figuier est épargné. — S. Grégoire : (hom. 31.) Celui donc qui ne veut pas écouter ces menaces pour revenir à la vie et à la fécondité, tombe dans un état dont il lui est impossible de se relever par la pénitence. |
Lectio 3 [85881] Catena in Lc., cap. 13 l. 3 Ambrosius. Cito quod de synagoga dixerat indicavit; ad
ipsam utique arborem venisse se monstrat qui in eadem praedicabat; unde
dicitur erat autem docens in synagoga eorum sabbatis. Chrysostomus.
Docet quidem non seorsum, sed in synagogis secure, in nullo dubitans, nec
aliquid contra legem Moysi statuens; sabbato autem, quia tunc Iudaei legi
vacabant. Cyrillus.
Ad expugnationem autem corruptionis, et mortis, et invidiae Diaboli contra
nos, prodiit incarnatio verbi; et hoc apparet ex ipsis eventibus; sequitur
enim et ecce mulier quae habebat spiritum infirmitatis annis decem et octo.
Dicit autem spiritum infirmitatis, quia mulier haec patiebatur atrocitate
Diaboli, derelicta a Deo propter propria crimina, vel propter transgressionem
Adae, ob quam humana corpora infirmitatem et mortem incurrerunt. Dat autem
super hoc Deus Diabolo potestatem, ut homines mole adversitatis depressi,
velint ad meliora transire. Genus autem infirmitatis ostendit, dicens et erat
inclinata, nec omnino poterat sursum respicere. Basilius.
Brutorum siquidem caput humi deflexum est, terram cernit; caput hominis
erectum est in caelum, oculi superna conspiciunt : convenit enim ei quaerere
superna, transcendere terrena intuitu. Cyrillus.
Ostendens autem dominus adventum suum in hunc mundum dissolutivum esse
humanarum passionum, mulierem sanavit; unde sequitur quam cum vidisset Iesus,
vocavit eam ad se, et ait illi : mulier, dimissa es ab infirmitate tua. Vox
aptissima Deo, plena maiestate superna : fugat enim morbum imperatorio motu :
qui etiam manus illi imponit; sequitur enim imposuit illi manus; et confestim
erecta est, et glorificabat Deum : in quo oportet perpendere sacram carnem
induisse virtutem divinam : erat enim ipsius Dei caro, non autem alicuius
alterius, quasi separatim existente filio hominis a filio Dei, sicut falso
aliquibus visum est. Sed ingratae synagogae praesul, postquam vidit feminam
humi repentem solo tactu erectam, et divina referentem magnalia, ardens domini
gloria, irretitur invidia, arguitque miraculum, quasi videretur sollicitari
pro sabbato; unde sequitur respondens autem archisynagogus indignans quia
sabbato curasset hominem Iesus, dicebat turbae : sex dies sunt in quibus
oportet operari; in his venite et curamini, et non in die sabbati. Hortatur
ceteris diebus dispersos, et propriis vacantes operibus, non sabbato, videre
et mirari prodigia domini, ne forte credant. Sed dic, lex prohibuit ab opere
manuali die sabbati abstinere; numquid ab eo quod verbo et ore fit? Cesses
ergo comedere et potare ac loqui et psallere in sabbato. Et si nec legem
legis, cur tibi sabbatum? Ceterum, si manuale opus lex prohibuit, quomodo
manuale opus est feminam verbo erigere? Ambrosius.
Denique et Deus ab operibus mundi quievit, non operibus quibus sempiterna
et iugis operatio est, sicut filius ait : pater meus usque modo operatur, et
ego operor, ut ad similitudinem Dei saecularia nostra opera, non religiosa
cessarent. Unde dominus specialiter ei respondit; sequitur enim respondit
autem ad illum dominus, et dixit : hypocritae, unusquisque vestrum in sabbato
non solvit bovem suum aut asinum a praesepio, et ducit adaquare? Basilius.
Hypocrita est qui in theatro assumit alienam personam; sic et in vita
praesenti quidam alia gerunt in corde, et alia superficialiter ostendunt
hominibus. Chrysostomus.
Bene igitur dicit hypocritam principem synagogae : quia faciem habebat
legis cultoris, mens vero eius erat versuti et invidi : non enim turbatur propter
sabbatum, quia violatur, sed propter Christum, quia glorificatur. Tu tamen
attende, quod ubi quidem opus fieri iussit, sicut cum paralytico iussit
grabatum tollere, transtulit sermonem ad maius, convincens eos per dignitatem
patris, cum dicit : pater meus usque modo operatur, et ego operor; hic autem
ubi totum faciens verbo, nihil aliud adicit, ex his quae ipsi faciebant,
calumniam solvit. Cyrillus.
Arguitur autem archisynagogus ut hypocrita, dum bruta quidem adaquat in
sabbato, mulierem vero non magis genere quam fide filiam Abrahae, non dignam
putat solvi ab aegritudinis vinculo; unde subdit hanc autem filiam Abrahae,
quam alligavit Satanas ecce decem et octo annis, non oportuit solvi a vinculo
isto die sabbati? Malebat siquidem mulierem tamquam quadrupedia cernere
terram, quam hominum staturam recipere, dummodo Christus non magnificaretur.
Non autem erat eis quid responderent; sed ipsi sibi ipsis erant
irrefragabilis reprehensio; unde sequitur et cum haec diceret, erubescebant
omnes adversarii eius; sed populus, quasi commoda ex miraculis consequens,
laetabatur de signis; unde sequitur et omnis populus gaudebat in universis
quae gloriose fiebant ab eo. Nam claritas operum omnem quaestionem solvebat
apud eos qui non quaerebant mentibus perversis. Gregorius
in Evang. Mystice autem hoc significat ficulnea infructuosa quod mulier
inclinata : humana enim natura ad peccatum ex voluntate corruens, quia
fructum obedientiae ferre noluit, statum rectitudinis amisit; et hoc
significat ficulnea reservata quod mulier erecta. Ambrosius.
Vel ficus synagogam figurat. Denique in muliere infirma quasi Ecclesiae
figura succedit; quae cum mensuram legis et resurrectionis impleverit, in
illa quiete perpetua in sublime erecta fastigium, inclinationem nostrae infirmitatis
sentire non potuit. Nec aliter curari potuisset haec mulier, nisi quia legem
implevit et gratiam : nam in decem verbis legis perfectio est, in octavo
numero resurrectionis plenitudo. Gregorius.
Vel aliter. Sexto die homo factus est, atque eodem sexto die opera cuncta
domini perfecta sunt. Senarius autem numerus in trigonum ductus, decem et
octo facit. Quia ergo homo qui sexto die factus est, perfecta opera habere
noluit, sed ante legem, sub lege, atque in exordio inchoantis gratiae
infirmus extitit, decem et octo annis mulier curva fuit. Augustinus
de Verb. Dom. Quod ergo significat triennium in arbore, hoc decem et octo
anni in illa muliere, quia ter seni decem et octo faciunt. Curva autem erat,
sursum aspicere non poterat, quia sursum corda sine causa audiebat. Gregorius.
Omnis enim peccator terrena cogitans, caelestia non requirens, sursum
respicere non valet; quia dum desideria inferiora sequitur, a mentis suae
rectitudine curvatur; et hoc semper videt, et sine intermissione cogitat.
Vocavit eam dominus et erexit : quia illuminavit et audivit. Vocat enim
quandoque, sed non erigit : quia plerumque videmus quae agenda sunt, sed
opera non implemus : usitata enim culpa obligat mentem, ut nequaquam surgere
possit ad rectitudinem. Conatur, et labitur : quia ubi diu sponte perstitit,
ibi cum noluerit cadit. Ambrosius.
Opus autem sabbati signum futuri est, quod unusquisque perfunctus lege et
gratia, per misericordiam Dei corporeae fragilitatis molestiis exuetur. Cur
autem aliud animal indicavit, nisi ut ostenderet futurum ut Iudaicus et
gentilis populus, sitim corporis, aestusque mundi huius, dominici fontis
ubertate deponat; et sic per vocationem duorum populorum Ecclesiam salvam
futuram? Beda.
Filia autem Abrahae est anima quaecumque fidelis, vel Ecclesia de utroque
populo ad fidei unitatem collecta. Idem ergo mystice est bovem vel asinum
solutum a praesepio potum duci, quod est filiam Abrahae a vinculo nostrae
inclinationis erigi. |
Versets 10-17.
— S. Ambroise : Notre Seigneur
ne tarde pas à prouver ce qu’il vient de dire de la synagogue, et il fait
voir qu’il est venu jusqu’à l’arbre, en le choisissant pour lui faire
entendre ses divins enseignements : « Or,
Jésus enseignait dans leurs synagogues les jours de sabbat. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Ce n’est pas en secret qu’il enseigne, mais en public dans les synagogues avec fermeté, sans hésitation et sans rien dire contre la loi de Moïse. Il choisit le jour du sabbat, parce que les Juifs s’appliquaient ce jour-là à l’étude de la loi. — S.
Cyrille : C’est pour triompher de la corruption de
la mort et de la haine du démon à notre égard, que le Verbe s’est incarné,
les faits évangéliques nous en donnent la preuve : « Et voici qu’une femme, qui avait un esprit d’infirmité depuis
dix-huit ans, ». L’Évangéliste dit : « un esprit d’infirmité, » parce que les souffrances de
cette femme venaient de la cruauté du démon; abandonnée qu’elle était de Dieu
pour ses propres fautes, ou à cause de la transgression d’Adam qui a soumis
le corps de l’homme aux infirmités et à la mort. Or, Dieu donne au démon ce
pouvoir, afin que les hommes, accablés sous le poids de l’adversité,
éprouvent le désir de s’élever à une condition meilleure. Saint Luc nous fait
ensuite connaître quelle était l’infirmité de cette femme : « Elle était courbée et ne pouvait
aucunement regarder vers le haut. » — S. Basile : (hom. 9 sur l’hexam.) Les animaux ont la tête inclinée vers la terre et ne regardent que les choses de la terre, tandis que la tête de l’homme est tournée vers le firmament, et ses yeux contemplent le ciel; car il est appelé à chercher les choses du ciel et à porter ses regards au-dessus de la terre. — S. Cyrille : Le Sauveur, pour montrer que sa venue dans le monde était le remède de toutes les infirmités humaines, guérit cette femme : « Jésus la voyant, l’appela et lui dit : ‘Femme, vous êtes délivrée de votre infirmité’, » paroles dignes de Dieu, pleines d’une majesté toute puissante, qui met en fuite la maladie par un seul acte de sa volonté souveraine. Il lui impose aussi les mains : « et il lui imposa les mains, et aussitôt elle se redressa, et elle glorifiait Dieu. » Il faut se rappeler ici que la chair sacrée du Sauveur était revêtue d’une puissance toute divine; car c’était la chair de Dieu lui-même, et non d’une autre personne, par exemple, du Fils de l’homme qui aurait existé séparément du Fils de Dieu, comme quelques-uns ont osé le soutenir. Mais le chef de cette ingrate synagogue, à la vue de cette femme qui était courbée jusqu’à terre, et que le Sauveur venait de redresser en lui imposant seulement les mains, est comme enflammé d’envie contre la gloire du Seigneur, et condamne hautement cette guérison miraculeuse en se couvrant d’un zèle apparent pour le sabbat : « Mais le chef de la synagogue, s’indignant que Jésus eût guéri un jour de sabbat, dit au peuple : Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler, venez donc ces jours-là pour vous faire guérir, et non le jour du sabbat. » Il les engage à choisir les autres jours où ils sont tous dispersés et occupés chacun de leurs travaux, et non le jour du sabbat, pour voir et admirer les miracles du Seigneur, dans la crainte qu’ils ne croient en lui. Mais dites-moi : La loi défend toute oeuvre manuelle le jour du sabbat, défend-elle aussi celles qui se font par une simple parole, et par la bouche ? Cessez donc alors de manger, de boire, de parler et de chanter les psaumes le jour du sabbat. Et si vous ne lisez même pas la loi ce jour-là, à quoi vous sert le sabbat ? Admettons que la loi a défendu toute oeuvre manuelle, est-ce donc une oeuvre manuelle que de redresser d’une seule parole cette femme courbée jusqu’à terre ? — S. Ambroise : D’ailleurs, Dieu s’est reposé des oeuvres de la création du monde, mais non pas de ces oeuvres [saintes et divines] qu’il ne cesse d’opérer, selon cette parole de son Fils : « Mon Père ne cesse point d’agir jusqu’à présent, et j’agis aussi, » nous enseignant ainsi à imiter Dieu, en nous abstenant des oeuvres terrestres, mais non des oeuvres de religion. Aussi, Notre Seigneur répond-il directement au chef de la synagogue : « Le Seigneur lui répliqua : ‘Hypocrites, chacun de vous ne délie-t-il pas son boeuf ou son âne de la crèche le jour du sabbat pour les mener boire ?’ » — S. Basile : (Homél 1 sur le jeûne.) On appelle hypocrite celui qui joue sur un théâtre le rôle d’une personne différente de lui-même, c’est ainsi que dans cette vie, quelques-uns ont dans le coeur des sentiments tout différents de ceux qu’ils affichent à l’extérieur devant les hommes. — S. Jean Chrysostome : C’est donc, à juste titre, qu’il traite d’hypocrite le chef de la synagogue, qui sous l’apparence d’un zélé défenseur de la loi, cachait le coeur d’un homme fourbe et envieux, car ce qui l’émeut ce n’est point la violation du sabbat, mais la gloire que tous rendent à Jésus-Christ. Remarquez cependant que lorsqu’il s’agit d’un travail quelconque (comme lorsqu’il commanda au paralytique d’emporter son lit), il puise ses raisons plus haut, et fait appel à la dignité de son Père par ces paroles : « Mon Père ne cesse point d’agir jusqu’à présent, et j’agis aussi. » (Jn 5.) Ici, au contraire, où il fait tout par sa seule parole, il se contente d’invoquer leur propre conduite pour répondre à leur accusation. — S. Cyrille : Le chef de la synagogue est traité d’hypocrite, parce qu’il délie ses animaux le jour du sabbat pour les faire boire, tandis que pour cette femme, fille d’Abraham, autant par la foi que par le sang, il ne croit pas qu’on doive briser les liens de son infirmité : « Et cette fille d’Abraham, lui dit le Sauveur, que Satan a tenue liée pendant dix-huit ans, il ne fallait pas rompre son lien le jour du sabbat ? » Peu leur importe que cette femme reste toujours courbée vers la terre comme les animaux, plutôt que de reprendre la posture qui convient à la créature raisonnable, pourvu qu’il ne revienne aucune gloire à Jésus-Christ; ils ne pouvaient d’ailleurs rien lui répondre, et ils étaient à eux-mêmes leur inévitable condamnation. Aussi, ajoute l’Évangéliste : « Pendant qu’il parlait ainsi, tous ses adversaires étaient couverts de confusion »; le peuple, au contraire, qui recueillait les avantages de ces miracles, faisait publiquement éclater sa joie : « Et tout le peuple était ravi des choses merveilleuses qu’il faisait. » L’éclat de ces prodiges tranchait toute difficulté pour des esprits qui cherchaient la vérité sans intention perverse. — S. Grégoire : (hom. 31 sur les Evang.) Dans le sens figuré, le figuier stérile et cette femme courbée vers la terre, ont la même signification. En effet, la nature humaine, précipitée dans le péché par sa volonté, a perdu son premier état de droiture en refusant de produire les fruits de l’obéissance; et le figuier qu’on réserve, signifie également la même chose que cette femme qui est redressée par le Sauveur. — S. Ambroise : Ou bien encore, le figuier représente la synagogue; enfin, cette femme infirme est comme le figuier de l’Église, qui, après avoir épuisé le temps de la loi et de la résurrection, sera élevée au faite des grandeurs dans un repos éternel, et ne pourra plus être courbée sous le poids de nos misères. Cette femme ne pouvait être guérie que par l’accomplissement des préceptes de la loi et de la grâce, car la perfection résulte de l’observation des dix commandements de la loi, et le nombre huit exprime le plein accomplissement des préceptes du temps de la résurrection. — S. Grégoire : (hom. 31.) Ou bien dans un autre sens : l’homme a été fait le sixième jour, et ce sixième jour, toutes les oeuvres de Dieu étaient achevées : or, le nombre six multiplié par trois, fait dix-huit; cette femme qui fut courbée pendant dix-huit ans, représente donc l’homme qui créé le sixième jour, n’a pas voulu produire des oeuvres parfaites, et qui est resté dans un état d’infirmité avant la loi, sous la loi et au commencement du règne de la grâce. — S. Augustin : (serm.
31 sur les
par. du Seign.) Les trois années, pendant lesquelles le figuier est resté
stérile, ont donc la même signification que les dix-huit ans d’infirmité de
cette femme, car trois fois six font dix-huit. Elle était courbée et ne
pouvait regarder en haut, parce qu’elle était incapable d’entendre ces
paroles : « Élevez vos coeurs en
haut. » — S. Grégoire : (hom. 31.) En effet, tout pécheur qui ne pense qu’aux choses de la terre et oublie les choses du ciel, est incapable de regarder en haut, parce qu’en suivant les désirs de la nature dégradée, il perd la droiture première de son âme, et ne voit plus que ce qui fait l’objet habituel de ses pensées. Notre Seigneur appelle cette femme et la redresse, c’est-à-dire qu’il l’éclaire de sa lumière et l’aide de sa grâce. Il appelle quelquefois, mais sans redresser. En effet, il arrive quelquefois que [la grâce nous éclaire suffisamment pour nous montrer] ce que nous devons faire, et cependant par notre faute, nous négligeons de le faire, car une faute qui devient habituelle est comme un lien pour l’âme qui l’empêche de reprendre sa droiture première, elle s’efforce et retombe toujours comme malgré elle dans l’état où elle a longtemps vécu volontairement. — S. Ambroise : Cette oeuvre miraculeuse est donc le symbole du sabbat éternel, lorsqu’après avoir tous passé sous le régime de la loi et de la grâce, nous serons délivrés par la miséricorde de Dieu de toutes les misères de la fragilité corporelle. Mais pourquoi le Sauveur ne parle-t-il pas d’autre animal que du boeuf, si ce n’est pour montrer que le peuple juif et celui des gentils seraient un jour délivrés de la soif du corps et des ardeurs de ce monde, qu’ils éteindraient dans les sources abondantes du Seigneur, et que la vocation de ces deux peuples assurerait le salut de l’Église ? — S. Bède : Toute âme fidèle est cette fille d’Abraham, ou l’Église formée des deux peuples et réunie par une seule et même foi. Dans le sens figuré, délier son boeuf ou son âne de leur crèche pour les mener boire, c’est rompre les liens de nos inclinations qui retenaient captive cette fille d’Abraham. |
Lectio 4 [85882] Catena in Lc., cap. 13 l. 4 Glossa.
Erubescentibus adversariis, et populo gaudente de his quae gloriose
fiebant a Christo, profectum Evangelii consequenter sub quibusdam
similitudinibus manifestat; unde dicitur dicebat ergo : cui simile est regnum
Dei, et cui simile aestimabo illud? Simile est grano sinapis. Ambrosius.
Alio loco granum sinapis legitur, ubi confertur. Ergo si regnum caelorum
sicut granum sinapis est, et fides sicut granum sinapis, fides est utique
regnum caelorum quod intra nos est. Granum quidem sinapis res est vilis et
simplex : si teri coeperit, vim suam fundit : et fides simplex primo videtur
: sed si atteratur adversis, gratiam suae virtutis effundit. Grana sinapis
martyres sunt. Habebant odorem fidei, sed latebat : venit persecutio,
contriti sunt gladio, per totius mundi terminos grana sui sparsere martyrii.
Ipse etiam dominus granum est sinapis : teri voluit, ut diceremus : Christi
bonus odor sumus; seminari voluit velut granum sinapis, quod acceptum homo
misit in hortum suum : in horto enim Christus captus et sepultus est, ubi
etiam resurrexit et factus est arbor; unde sequitur et factum est in arborem
magnam. Dominus enim noster granum est cum
sepelitur in terra, arbor cum elevatur in caelum. Est etiam arbor mundum
obumbrans; unde sequitur et requieverunt volucres caeli in ramis eius, idest
potestates caelorum, et quicumque spiritualibus factis evolare meruerunt. Ramus
est Petrus, ramus est Paulus, in quorum sinus per quosdam disputationum
recessus, qui eramus longe, assumptis virtutum remigiis advolamus. Ergo semina
in horto tuo Christum. Hortus utique locus est plenus florum, in quo gratia
tui operis effloreat, et multiplex odor variae virtutis exhalet. Ibi ergo
Christus ubi fructus est seminis. Cyrillus.
Vel aliter. Regnum Dei est Evangelium, per quod acquirimus posse regnare
cum Christo. Sicut igitur sinapis semen superatur quidem quantitate a
seminibus olerum, crescit autem adeo ut plurium fiat umbraculum avium; sic et
salvatoris doctrina penes paucos erat in principio, sed postea recepit
augmentum. Beda.
Homo autem Christus est, hortus est Ecclesia, eius disciplinis colenda;
qui bene dicitur granum accepisse, quia dona quae nobis cum patre tribuit ex
divinitate, nobiscum accipit ex humanitate. Crevit autem Evangelii
praedicatio cunctum disseminata per orbem; crescit et in mente cuiusque
credentis, quia nemo repente fit perfectus. Crescendo autem non herbarum,
quae velociter arescunt, sed arborum instar exurgit. Rami huius arboris
dogmatum sunt diversitates, in quibus animae castae virtutum pennis ad
superna tendentes nidificant et requiescunt. Theophylactus.
Vel homo quilibet granum sinapis, idest evangelicum sermonem, accipiens,
et in horto animae suae serens, arborem magnam facit, ut et ramos producat,
et caeli volatilia, idest qui terrenis supereminent, in ramis praedicationis,
idest in expansis considerationibus, requiescunt. Paulus enim quasi granum
modicum accepit Ananiae rudimentum; sed plantans illud in viridario suo,
produxit multas et bonas doctrinas, in quibus habitant qui sunt intellectu
excelsi, puta Dionysius, Hierotheus, et alii quamplures. Deinde simile dicit
fermento regnum Dei; sequitur enim et dixit : cui simile aestimabo illud?
Simile est fermento. Ambrosius.
Plerique fermentum Christum putant, quia fermentum ex farina virtute, non
specie generi suo praestat : sic et Christus patribus aequalis corpore, sed
dignitate incomparabilis praeeminebat. Igitur sancta Ecclesia typum mulieris
figurat, de qua subditur quod acceptum mulier abscondit in farinae sata tria,
donec fermentaretur totum. Beda.
Satum est genus mensurae, iuxta morem provinciae Palaestinae, unum et
dimidium modium capiens. Ambrosius.
Farina huius mulieris nos sumus, quae dominum Iesum in interioribus
nostrae mentis abscondit, donec nostra secreta penetralia calor sapientiae
caelestis abducat. Et quia in tribus mensuris absconditum dicit esse
fermentum, congrue visum est ut Dei filium crederemus absconditum in lege, ac
opertum in prophetis, evangelicis praedicationibus adimpletum. Me tamen sequi
iuvat quod ipse dominus docuit, fermentum esse spiritualem doctrinam
Ecclesiae. Ecclesia autem renatum hominem in corpore et anima et spiritu,
fermento spirituali sanctificat, cum tria haec pari quadam cupiditatum lance
consentiunt, et aequalis aspirat concordia voluptatum. Itaque si in hac vita
tres mensurae in eodem manserint donec fermententur et fiant unum, erit in
futurum diligentibus Christum incorrupta communio. Theophylactus.
Vel pro femina intelligas animam; tria vero sata trinam partem eius,
rationabilem, irascibilem et concupiscibilem. Si igitur aliquis in hac trina
parte condiderit verbum Dei, faciet hoc totum spirituale, ut nec rationale
peccet in documentis, nec ira aut concupiscentia enormiter ferantur, sed
conformentur verbo Dei. Augustinus
de Verb. Dom. Vel tria sata farinae, genus humanum est; quod de tribus Noe
filiis est reparatum. Mulier quae abscondit fermentum, Dei sapientia est.
Eusebius.
Vel aliter. Fermentum dominus nominat spiritum sanctum, quasi virtutem
procedentem ex semine, idest verbo Dei. Tria autem sata farinae significant
notitiam patris et filii et spiritus sancti, quam mulier, idest divina
sapientia, et spiritus sanctus largitur. Beda.
Vel fermentum dilectionem dicit, quae fervere facit, et excitat mentem.
Abscondit ergo mulier, idest Ecclesia, fermentum dilectionis in sata tria :
quia praecepit ut diligamus Deum ex toto corde, ex tota anima et ex tota
virtute. Et hoc donec fermentetur totum, idest donec
caritas totam mentem in sui perfectionem commutet; quod hic inchoatur, sed in
futurum perficietur. |
Versets 18-21.
— La Glose : (en termes équivalents.) Après avoir couvert ses ennemis de confusion et comblé le peuple de joie par les oeuvres glorieuses qu’il opérait, Jésus leur découvre le progrès de l’Évangile sous le voile de plusieurs paraboles : « Il disait encore : A quoi est semblable le royaume de Dieu, et à quoi le comparerai-je ? Il est semblable à un grain de sénevé, ». — S. Ambroise : Dans un autre endroit, le grain de sénevé est comparé à la foi (Mt 17, 19). Si donc le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé, et que la foi elle-même soit figurée par ce grain de sénevé, la foi est donc le royaume des cieux qui est au dedans de nous (Lc 17). Le grain de sénevé est très commun et sans beaucoup de valeur, mais aussitôt qu’il est broyé il répand sa force; ainsi la foi elle-même paraît au premier abord sans valeur, mais si elle est aussi broyée par les souffrances, elle répand la grâce de sa force. Les martyrs sont des grains de sénevé, ils avaient en eux-mêmes le parfum odoriférant de la foi, mais elle était cachée. La persécution est venue, ils ont été brisés par le glaive et ont répandu jusqu’aux extrémités du monde la semence de leur martyre. Notre Seigneur lui-même est un grain de sénevé. Il a voulu être broyé, afin que nous puissions dire : « Nous sommes la bonne odeur de Jésus-Christ. » (2 Co 2.) Il a voulu être semé comme le grain de sénevé, qu’un homme prend et sème dans son jardin, car c’est dans un jardin que Jésus-Christ a été fait prisonnier et qu’il a été enseveli; c’est là aussi qu’il est ressuscité et qu’il est devenu un grand arbre, comme il le dit lui-même : « Il crût et devint un grand arbre. » Notre Seigneur, en effet, est le grain de sénevé lorsqu’il est enseveli dans la terre, mais il devient un grand arbre lorsqu’il s’élève dans les cieux. Il est aussi cet arbre qui couvre le monde de son ombrage : « Et les oiseaux du ciel se reposèrent dans ses rameaux, » c’est-à-dire : les puissances des cieux, et tous ceux qui, par leurs oeuvres spirituelles, ont le privilège de prendre leur essor au-dessus de la terre, Pierre et Paul sont les rameaux de cet arbre, et nous qui étions loin (Ep 2, 13), nous nous envolons sur les ailes des vertus dans les retraites cachées de ces branches à travers les profondeurs des controverses. Semez donc Jésus-Christ dans votre jardin, un jardin est un lieu parsemé de fleurs; que vos oeuvres soient donc les fleurs de ce jardin, et qu’elles y exhalent les parfums variés des vertus [chrétiennes]. Jésus-Christ se trouve là où la semence produit des fruits. — S. Cyrille : Ou bien encore, le royaume de Dieu, c’est l’Évangile qui nous donne le droit d’aspirer à régner un jour avec Jésus-Christ. Le grain de sénevé est plus petit que toutes les autres semences, mais il prend ensuite de si grands développements qu’il reçoit sous ses ombrages une multitude d’oiseaux; ainsi la doctrine du salut peu répandue dans le commencement, a pris ensuite les plus grands accroissements. — S. Bède : Cet homme, dont il est ici parlé, c’est Jésus-Christ, le jardin, c’est l’Église, qui doit être cultivée par ses préceptes. Cet homme a reçu cette semence, dit le Sauveur, parce qu’il a reçu avec nous comme homme les dons dont il est avec son Père la source en tant que Dieu. La prédication de l’Évangile, répandue par tout l’univers, a pris successivement des développements prodigieux, elle se développe aussi progressivement dans l’âme de chaque croyant, car personne n’arrive tout d’un coup à la perfection, mais il croît et s’élève, non pas comme les plantes qui se dessèchent si vite, mais à la manière des arbres. Les rameaux de cet arbre sont les divers dogmes dans lesquels les âmes chastes, prenant leur essor sur les ailes des vertus, viennent faire leur nid et trouver un lieu de repos. — Théophylacte : Ou bien encore, tout homme qui prend ce grain de sénevé, c’est-à-dire la doctrine de l’Évangile, et la sème dans le jardin de son âme, produit un grand arbre qui étend ses rameaux, et les oiseaux du ciel, c’est-à-dire ceux qui s’élèvent au-dessus des choses de la terre, viennent se reposer dans ses branches, c’est-à-dire dans les magnifiques développements des vérités [chrétiennes]. C’est ainsi que Paul reçut les premières leçons d’Ananie comme un grain minuscule (Ac 9), mais il le sema dans le jardin de son âme, et lui fit produire de nombreux et utiles enseignements où viennent habiter ceux qui ont l’intelligence élevée, comme Denis, Hiérothée, et beaucoup d’autres. Notre Seigneur compare ensuite le royaume de Dieu au levain : « Et il dit encore : A quoi comparerai-je le royaume de Dieu ? il est semblable à du levain, ». — S. Ambroise : D’après le plus grand nombre des interprètes, ce levain est la figure de Jésus-Christ, parce que de même que le levain qui est un composé de farine, est supérieur à cette matière première, non par sa nature, mais par la force dont il est doué; ainsi Jésus-Christ, par sa nature corporelle, était égal à ses ancêtres, mais leur était incomparablement supérieur par la dignité. Nous avons donc une figure de l’Église dans cette femme, dont il est dit « qu’une femme prend, et mêle dans trois setiers de farine, jusqu’à ce que le tout soit fermenté. » — S. Bède : Le setier est une mesure en usage dans la Palestine et qui contient un boisseau et demi. — S. Ambroise : C’est nous qui sommes la farine de cette femme, qui dépose Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’intérieur de notre âme, jusqu’à ce que la chaleur de la sagesse céleste [anime et] soulève les sentiments les plus intimes de notre coeur. Comme ce levain se trouve ici mêlé dans trois mesures de farine, on a été conduit à y voir le Fils de Dieu caché dans la loi, voilé dans les prophètes et accompli dans la prédication évangélique; cependant j’aime mieux suivre le sentiment indiqué par Notre Seigneur lui-même, que ce levain est la doctrine spirituelle de l’Eglise. Lorsque l’homme a pris une nouvelle naissance dans son corps, dans son âme et dans son esprit, l’Église le sanctifie par le levain spirituel, quand ces trois facultés sont unies ensemble par une certaine égalité de désirs, et qu’elles aspirent ensemble aux mêmes jouissances. Si donc ces trois mesures demeurent unies au levain en cette vie, jusqu’à ce qu’elles fermentent et ne fassent plus qu’un, cette union sera un jour suivie par ceux qui aiment Jésus-Christ d’une communion [éternelle et] incorruptible. — Théophylacte : Dans cette femme, on peut encore voir l’âme humaine, et dans les trois mesures les trois parties, la partie raisonnable, la partie irascible et la partie concupiscible. Si donc un chrétien dépose et cache le Verbe de Dieu dans ces trois mesures, elles ne formeront plus qu’un seul tout spirituel, de manière que la raison ne soit plus en opposition avec les divins enseignements, que la colère et la concupiscence ne s’emportent plus à aucun excès, mais se conforment à la parole du Verbe. — S. Augustin : (serm. 32 sur les par. du Seign.) Ou bien encore, ces trois mesures de farine figurent le genre humain, qui a été reproduit par les trois enfants de Noé, et la femme qui mêle [et cache] le levain, c’est la sagesse de Dieu. — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) Ou bien dans un autre sens, le levain c’est l’Esprit saint, qui est comme la vertu qui procède de son principe, c’est-à-dire du Verbe de Dieu; les trois mesures de farine signifient la connaissance du Père, du Fils et du Saint-Esprit, que donne cette femme, c’est-à-dire la divine sagesse et l’Esprit saint. — S. Bède : Ou bien encore, ce levain c’est l’amour de Dieu, qui fait fermenter et soulève l’âme. Cette femme, c’est-à-dire l’Église, mêle donc le levain de l’amour de Dieu dans trois mesures, parce qu’elle nous ordonne d’aimer Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme, de toutes nos forces, et cela jusqu’à ce que le tout ait fermenté, c’est-à-dire jusqu’à ce que la charité ait opéré dans l’âme une parfaite transformation d’amour, ce qu’elle commence ici-bas, mais qui ne s’achève que dans la vie future. |
Lectio 5 [85883] Catena in Lc., cap. 13 l. 5 Glossa.
Praemissis similitudinibus de multiplicatione evangelicae doctrinae, eius diffusioni
ubique praedicando intendit; unde dicitur et ibat per civitates et castella,
docens, et iter faciens in Ierusalem. Theophylactus.
Non enim sola parva loca visitabat, sicut faciunt qui simplices fallere
volunt, neque solas civitates, ut ostentatores faciunt et gloriam quaerentes;
sed sicut communis dominus et pater omnibus providens, omnia circuibat. Non
autem visitabat municipia, vitans Ierusalem, ac si timeret legisperitorum
reprehensiones, aut mortem, quae poterat inde contingere; unde subdit et iter
faciens in Ierusalem. Nam ubi plures erant aegroti, ibi se medicus magis
ingerebat. Sequitur ait autem quidam illi : domine, si pauci sunt qui
salvantur? Glossa.
Quae quidem quaestio ad hoc pertinere videtur de quo supra agebatur : nam
in praemissa similitudine dixerat, quod requieverunt volucres caeli in ramis
eius; per quod intelligi potest multos esse qui salutis requiem consequentur.
Et quia ille unus pro omnibus quaesierat, dominus non singulariter ei
respondet; unde sequitur ipse autem dixit ad illos : contendite intrare per
angustam portam. Basilius. Sicut enim in via terrena exitus a recto multam
latitudinem habet; sic qui egreditur a tramite ducente ad regnum caelorum, in
multa latitudine erroris reperitur. Rectum autem iter est angustum, qualibet
declinatione periculosa existente, sive dextrorsum, sive sinistrorsum; sicut
in ponte, a quo utrinque divertens flumini immergitur. Cyrillus. Angusta etiam porta aerumnam et patientiam sanctorum
significat. Sicut enim pugnarum victoria attestatur militis strenuitati, sic
praeclarum efficiet valida perpessio laborum et tentationum. Chrysostomus in Matthaeum. Quid est ergo quod dominus alibi dicit :
iugum meum suave est, et onus meum leve? Non quidem contradicit; sed hoc
dictum est propter tentationum naturam, illud vero propter affectum
transeuntium. Est enim molestum aliquid naturae, facile reputari quando id
affectanter amplectimur. Si etiam via salutis angusta erit in introitu, tamen
per eam pervenitur ad latitudinem; e contrario vero lata deducit ad interitum.
Gregorius Moralium. Dicturus autem angustae portae introitum,
praemisit contendite : quia nisi mentis contentio ferveat, unda mundi non
vincitur, per quam anima semper ad ima revocatur. Cyrillus.
Non videtur autem dominus satisfacere quaerenti utrum pauci sint qui
salventur, dum declarat viam per quam quisque potest fieri iustus. Sed
dicendum, quod mos erat salvatoris non respondere interrogantibus secundum
quod eis videbatur, quoties inutilia quaerebant, sed respiciendo quod utile
audientibus foret. Quid autem commodi proveniret audientibus scire an multi
sint qui salventur, an pauci? Necessarium
autem magis erat scire modum quo aliquis pervenit ad salutem. Dispensative
ergo ad quaestionis vaniloquium nihil dicit, sed transfert suum sermonem ad
rem magis necessariam. Augustinus
de Verb. Dom. Vel aliter. Confirmavit dominus quod audivit, scilicet quod
pauci sunt qui salvantur, quia per angustam portam pauci intrant. Alio autem
loco hoc idem ipse ait : arcta est via quae ducit ad vitam, et pauci sunt qui
ingrediuntur per illam; unde subditur quia multi, dico vobis, quaerent
intrare. Beda.
Salutis amore provocati; et non poterunt, itineris asperitate deterriti.
Basilius.
Vacillat enim anima, quando quidem considerat aeterna, eligendo virtutem :
quando praesentia respicit, praeferendo illecebras : hic intuetur otia
carnis, illic subiectionem ipsius; hic ebrietatem, illic sobrietatem; hic
dissolutos risus, illic copiam lacrymarum; hic choreas, illic orationes; hic
fistulas, illic fletus; hic luxuriam, illic castimoniam. Augustinus
de Verb. Dom. Non autem contrarius sibi est dominus, qui dixit, quod pauci
sunt qui intrant per angustam portam; et alibi dicit : multi ab oriente et
occidente venient. Pauci sunt in comparatione perditorum, multi in societate
Angelorum. Vix videntur grana quando area trituratur; sed tanta massa
processura est de area hac ut impleat horreum caeli. Cyrillus.
Quod autem detestabiles sint qui intrare non possunt, per evidens exemplum
declaravit, subdens cum autem intraverit paterfamilias, et clauserit ostium,
incipietis foris stare, et pulsare ostium, dicentes : domine, aperi nobis.
Sicut si patrefamilias, qui multos ad convivium vocavit, ingresso cum
convivis, et ostio recluso, postmodum pulsantes adveniant. Beda.
Est autem paterfamilias Christus, qui cum ubique ex divinitate sit, illis
iam intus esse dicitur quos in caelo praesens sua visione laetificat; sed
quasi foris est his quos in hac peregrinatione certantes occultus adiuvat.
Intrabit vero cum totam Ecclesiam ad sui contemplationem perducet; claudet
ostium, cum reprobis locum poenitentiae tollet; qui foris stantes pulsabunt,
idest a iustis segregati misericordiam quam contempserunt, frustra
implorabunt; unde sequitur et respondens dicet vobis : nescio vos unde sitis.
Gregorius
Moralium. Nescire Dei improbare est; sicut et nescire mentiri vir verax
dicitur qui labi per mendacium dedignatur : non quod, si mentiri velit,
nesciat, sed quod falsa loqui veritatis amore contemnat. Veritatis igitur
lumen tenebras, quas reprobat, ignorat. Sequitur tunc incipietis dicere :
manducavimus coram te, et bibimus, et in plateis nostris docuisti. Cyrillus.
Hoc Israelitis convenit, qui secundum ritum legis offerentes Deo victimas
edebant et gaudebant. Audiebant quoque in synagogis libros Moysi, qui in suis
scriptis non quae sua sunt, sed quae Dei tradebat. Theophylactus.
Vel simpliciter ad Israelitas dicitur : eo quod ex eis Christus secundum
carnem natus est, et cum eo comedebant et bibebant, et eum praedicantem
audiebant. Sed et Christianis haec congruunt; nos enim comedimus corpus
Christi et bibimus sanguinem eius quotidie, ad mensam mysticam accedentes,
docetque in plateis animarum nostrarum. Beda.
Vel mystice manducat coram domino et bibit qui verbi pabulum avide
suscipit; unde quasi exponendo subditur in plateis nostris docuisti.
Scriptura enim in obscurioribus cibus est, quia quasi exponendo frangitur, et
manducando glutitur; potus est in apertioribus, ubi ita sorbetur sicut
invenitur. Non autem festivitatum epulatio iuvat quem fidei pietas non
commendat; non scientia Scripturarum notum Deo facit quem operum iniquitas
indignum ostendit; unde subditur et dicet vobis : nescio vos unde sitis.
Discedite a me, operarii iniquitatis. Basilius.
Illis forsitan loquitur quos describit apostolus in propria persona,
dicens : si linguis hominum loquar et Angelorum, et habeam omnem scientiam, et
distribuero omnes facultates meas in cibos pauperum, caritatem autem non
habuero, nihil mihi prodest. Quod enim non fit divini amoris intuitu, sed ad
acquirendam ab hominibus laudem, non invenit laudem apud Deum. Theophylactus.
Attende etiam quod detestabiles sunt illi in quorum plateis dominus docet
: unde si docentem eum audierimus, non in plateis sed in angustiis, et
humilibus cordibus, non erimus detestabiles. Beda.
Duplex autem ostenditur Gehennae poena; scilicet frigoris et fervoris;
unde sequitur ibi erit fletus et stridor dentium : fletus enim de ardore,
stridor dentium de frigore solet excitari. Vel stridor dentium prodit
indignantis affectum, quod qui sero poenitet, sero sibi irascatur. Glossa.
Vel stridebunt dentes qui hic de edacitate gaudebant, flebunt oculi qui
hic per concupiscentias vagabantur. Per utrumque autem veram impiorum
resurrectionem designat. Theophylactus.
Pertinet etiam hoc ad Israelitas, cum quibus loquebatur; qui ex hoc maxime
percelluntur quod gentiles cum patribus requiescunt, ipsi vero excluduntur;
unde addidit cum videritis Abraham, Isaac et Iacob, et omnes prophetas in
regno Dei, vos autem expelli foras. Et venient ab oriente et occidente, et ab
Aquilone et Austro, et accumbent in regno Dei. Eusebius.
Praedicti enim patres ante tempora legis, secundum evangelicam formam
errorem multorum deorum derelinquentes, assumpserunt sublimis Dei notitiam,
quibus pares facti sunt multi gentilium ob similem vitam; filii autem eorum
alienationem sunt passi ab evangelica disciplina; unde sequitur et ecce sunt
novissimi qui erant primi, et sunt primi qui erant novissimi. Cyrillus.
Iudaeis enim, qui primum locum tenebant, praelatae sunt gentes. Theophylactus.
Nos autem, ut videtur, primi sumus, qui ab ipsis cunabulis rudimenta
accepimus; et forsitan erimus novissimi respectu gentilium, qui circa finem
vitae crediderunt. Beda.
Multi etiam prius ferventes, postea torpent : multi prius frigidi, subito
inardescunt; multi in saeculo despecti, in futuro sunt glorificandi; alii
apud homines gloriosi, in fine sunt damnandi. |
Versets 22-30.
— La Glose : Après que Notre Seigneur a exposé sous le voile des paraboles qui précèdent les progrès de la doctrine évangélique, il s’applique lui-même à la répandre par ses prédications : « Et il allait par les villes et par les villages, enseignant, et faisant route vers Jérusalem.» — Théophylacte : Il ne visitait pas seulement les petites localités, comme font ceux qui veulent tromper les esprits simples, ni seulement les villes, comme ceux qui veulent se faire valoir et cherchent la gloire [qui vient des hommes]; mais il allait partout, comme le maître de tous les hommes, comme un père dont la providence s’étend à tous ses enfants. En visitant les villes, il n’évite point la ville de Jérusalem, par crainte des accusations des docteurs, ou de la mort qui pouvait en résulter, car l’Évangéliste fait remarquer : « qu’il se dirigeait vers Jérusalem » ; le médecin, en effet, doit surtout sa présence et ses soins aux endroits qui contiennent un plus grand nombre de malades. « Or, quelqu’un lui demanda : Seigneur, n’y aura-t-il qu’un petit nombre qui soient sauvés ? » — La
Glose : Cette question paraît se rapporter à ce dont il avait parlé plus
haut. En effet, dans la parabole précédente, le Sauveur avait dit que les
oiseaux du ciel étaient venus se reposer sur les branches de l’arbre, ce qui
donnait à entendre qu’il y en aurait un grand nombre qui parviendraient au
repos du salut. Comme cet homme faisait cette question au nom de tous, le
Seigneur ne lui répond pas en particulier : « Il leur répondit :
Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. » — S. Basile : (règle abrég. quest. 240.) De même que dans cette vie, quand on sort du droit chemin, on trouve de larges issues, ainsi quand on sort du sentier qui conduit au royaume des cieux, on tombe dans les voies larges de l’erreur. (Quest. 241.) Le droit chemin est toujours étroit, on ne peut sans danger s’en écarter soit à droite soit à gauche, il est semblable à un pont qu’on ne peut quitter d’un côté ou de l’autre sans être englouti dans le fleuve. — S. Cyrille : (Ch. des Pères gr.) La porte étroite est aussi la figure des souffrances et de la patience des saints. De même en effet, que la victoire qui suit le combat atteste la bravoure du soldat, de même les travaux et les tribulations courageusement supportés donnent de l’éclat. — S. Jean Chrysostome : (hom. 24 et 40, sur Matth.) Mais pourquoi donc le Sauveur dit-il ailleurs : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger ? » (Mt 11.) Il n’y a point ici de contradiction, d’un côté Notre Seigneur a en vue la violence des tentations, de l’autre l’amour de ceux qui les éprouvent. En effet, que de choses accablantes pour la nature, et qui nous deviennent faciles quand nous les embrassons avec amour ? D’ailleurs, si la voie du salut est étroite à son entrée, elle conduit cependant dans des régions vastes et spacieuses; au contraire la voie large mène directement à la mort. — S. Grégoire : (Moral., 11, 26.) Avant de parler de l’entrée de la porte étroite, il dit : « Efforcez-vous, » parce qu’en effet, si l’âme ne déploie toute son ardeur elle ne pourra triompher des flots du monde qui toujours l’entraînent dans les abîmes. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Il semble que Notre Seigneur ne répond pas directement à cette question : « Y en a-t-il peu qui soient sauvés ? » en faisant connaître la voie qui peut conduire à la justice. Mais il faut se rappeler qu’il avait coutume de ne pas répondre en entrant dans les pensées et les désirs de ceux qui l’interrogeaient, toutes les fois qu’ils demandaient des choses inutiles, mais en ayant pour but l’utilité de ceux qui l’entendaient. Or, quel avantage pouvait résulter pour eux de savoir si le nombre de ceux qui seraient sauvés serait petit ou grand ? Il était bien plus nécessaire de connaître les moyens d’arriver au salut. C’est donc dans un dessein plein de miséricorde, que sans répondre à cette question inutile, il traite un sujet beaucoup plus nécessaire. — S. Augustin : (serm. 32, sur les par. du Seig.) Ou bien encore, le Sauveur répond affirmativement à la question qui lui est faite : « Y en a-t-il peu qui soient sauvés ? » parce qu’il y en a peu qui entrent par la porte étroite. C’est ce qu’il déclare lui-même dans un autre endroit : « Le chemin qui conduit à la vie est étroit, et il en est peu qui le trouvent. » (Mt 7.) — S. Bède : C’est pour cela qu’il ajoute ici : « Car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer, (excités par le désir de sauver leur âme), et ils ne le pourront pas, » effrayés qu’ils seront des difficultés de la route. — S.
Basile : (sur
le Ps 1.) L’âme, en effet, hésite et chancelle
quand, d’un côté, la considération de l’éternité lui fait choisir le chemin
de la vertu, et quand en même temps la vue des choses de la terre lui fait
donner la préférence aux séductions du monde. D’un côté elle voit le repos et
les plaisirs de la chair, de l’autre [l’assujettissement,] l’esclavage de
soi-même; d’un côté l’intempérance, de l’autre la sobriété; d’un côté les
rires dissolus, de l’autre des ruisseaux de larmes, d’un côté les danses, de
l’autre les prières; ici le son des instruments, là les pleurs; d’un côté la
volupté, de l’autre la chasteté. — S. Augustin : (serm., 32.) Notre Seigneur ne se contredit pas en disant ici qu’il en est peu qui entrent par la porte étroite, et en déclarant dans un autre endroit « qu’un grand nombre viendront de l’Orient et de l’Occident, » etc. (Mt 8.) Ils seront peu en comparaison de ceux qui se perdent, mais ils seront beaucoup dans la société des anges. Quand le grain est battu dans l’aire, à peine si on le voit, mais cependant il sortira de cette aire une si grande quantité de grains qu’elle remplira le grenier du ciel. — S. Cyrille : Notre Seigneur nous montre ensuite par un exemple manifeste combien sont coupables ceux qui ne peuvent entrer : « Lorsque le père de famille sera entré et aura fermé la porte, et que, demeurés dehors, vous vous mettrez à frapper à la porte, disant : ‘Seigneur, ouvrez-nous !’» ; c’est-à-dire, supposez un père de famille qui a invité beaucoup de monde à son festin, lorsqu’il est entré avec ses convives et que la porte est fermée, d’autres arrivent et frappent à la porte. — S.
Bède : Ce père de famille, c’est Jésus-Christ qui
est présent partout par sa divinité, mais qui nous est représenté dans
l’intérieur du ciel avec ceux qu’il réjouit de la vue de sa présence, tandis
qu’il est comme dehors avec ceux qu’il soutient invisiblement dans le combat
de cette vie. Il entrera définitivement, lorsqu’il admettra toute l’Église à
le contempler, il fermera la porte lorsqu’il refusera aux réprouvés la grâce
de la pénitence. Ceux qui se tiendront au dehors et frapperont à la porte,
c’est-à-dire ceux qui seront séparés des justes, imploreront en vain la
miséricorde qu’ils auront méprisée : « Et il leur répondra : Je ne
sais d’où vous êtes. » — S. Grégoire : (Moral., 8.) Ne point savoir, pour Dieu, c’est l’éprouver, comme on dit d’un homme vrai dans ses paroles, qu’il ne sait pas mentir, parce qu’il a horreur du mensonge; ce n’est pas qu’il ne saurait mentir, s’il le voulait, mais l’amour de la vérité lui inspire un profond mépris pour te mensonge. La lumière de la vérité ne connaît donc point les ténèbres qu’elle réprouve. « Alors vous commencerez à dire : Nous avons mangé et bu devant vous, et vous avez enseigné sur nos places.» — S. Cyrille : Ceci s’applique aux Israélites qui offraient à Dieu des sacrifices selon les prescriptions de la loi, et se livraient à la joie en mangeant la chair des victimes. Ils entendaient aussi dans leurs synagogues la lecture des livres de Moïse qui, dans ses écrits, ne parlait point en son nom, mais au nom même de Dieu. — Théophylacte : Ou bien encore, on peut sans doute appliquer ces paroles aux Israélites, parce que Jésus-Christ est né d’eux selon la chair, qu’ils ont mangé et bu avec lui, et ont entendu ses prédications. Mais elles s’appliquent aussi aux chrétiens; car nous mangeons le corps de Jésus-Christ, et nous buvons son sang, lorsque tous les jours nous nous asseyons à la table mystique, et il enseigne sur les places de nos âmes. — S. Bède : Ou bien dans un sens figuré, manger et boire devant le Seigneur, c’est recevoir la nourriture de la divine parole, et le Seigneur semble confirmer cette explication en ajoutant : « Vous avez enseigné dans nos places publiques. » En effet, la sainte Écriture, dans les choses obscures, est une nourriture, parce qu’on la rompt pour ainsi dire en morceaux en l’expliquant, et qu’on la broie avant de l’avaler. Elle est comme un breuvage dans les vérités plus claires, parce qu’on les prend comme elles se présentent. Mais les joies de ce festin spirituel ne servent de rien à celui qui ne se recommande pas par une piété appuyée sur la foi; la science des Écritures ne fait pas connaître à Dieu ceux que l’iniquité de leurs oeuvres rendent indignes de cet honneur. Aussi que leur dit Notre Seigneur : « Et il lui dira : Je ne sais d’où vous êtes, retirez-vous de moi, artisans d’iniquité.» — S. Basile : (règl. abr., quest. 282.) Peut-être s’adresse-t-il à ceux que l’Apôtre semble personnifier lui-même, quand il dit : « Quand je parlerais toutes les langues des hommes et des anges… quand j’aurais toute la science..., quand je distribuerais toutes mes richesses pour nourrir les pauvres, si je n’ai point la charité, je ne suis rien » (1 Co 13); car ce qui ne se fait point par un motif d’amour de Dieu, mais pour obtenir les louanges des hommes, ne mérite point les éloges de Dieu. — Théophylacte : Remarquez combien sont détestés de Dieu ceux qu’il est forcé d’enseigner sur les places publiques. Il nous faut donc écouter ses divins enseignements, non dans les places publiques, mais dans un coeur que l’humilité a rendu petit, si nous voulons éviter ce malheur. — S. Bède : Or, nous voyons ici la double peine de l’enfer, celle du froid et celle de la chaleur : « Là sera le pleur et le grincement de dents. » L’excessive chaleur, en effet, fait verser des larmes, et le grand froid produit le grincement de dents. Ou bien ce grincement de dents est un signe d’indignation, indignation tardive de celui qui attend trop tard pour faire pénitence. — La Glose : Ou bien encore, le grincement de dents sera pour ceux qui, sur la terre, mettaient toute leur joie dans les plaisirs de la table; et les pleurs, pour ces yeux qui s’égaraient ici-bas dans les désirs de la concupiscence. Ces deux tourments sont du reste une preuve de la résurrection des impies. — Théophylacte : Ces tristes prédictions s’appliquent encore aux Israélites auxquels il s’adressait, et dont le plus grand supplice sera de voir les Gentils entrer avec leurs pères dans le repos éternel, tandis qu’ils en seront exclus : « quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et vous rejetés dehors. Et l’on viendra de l’Orient et de l’Occident, de l’Aquilon et du Midi, pour prendre place à table dans le royaume de Dieu.» — Eusèbe : Les patriarches, en effet, avant la promulgation de la loi, abandonnaient l’erreur de la pluralité des Dieux, comme s’ils avaient été instruits par l’Évangile, et se sont élevés à la connaissance du Dieu très-haut. Un grand nombre de Gentils ont été associés à leur bonheur, parce qu’ils ont suivi leurs exemples, tandis que leurs enfants ont repoussé les enseignements de la doctrine évangélique : « Et ce sont les derniers qui seront les premiers, et ce sont les premiers qui seront les derniers. » — S. Cyrille : En effet, les Gentils ont été préférés aux Juifs qui tenaient le premier rang. — Théophylacte : Nous-mêmes, qui avons reçu dès notre enfance les enseignements de la foi, nous sommes, ce semble aussi, les premiers, et peut-être serons-nous les derniers en comparaison des Gentils qui n’ont embrassé la foi qu’à la fin de leur vie. — S. Bède : Il en est beaucoup, en effet, dont la ferveur dégénère en tiédeur, beaucoup qui, de froids qu’ils étaient, s’enflamment d’amour pour Dieu; beaucoup qui, méprisés dans ce monde, seront couverts de gloire dans l’autre; d’autres, au contraire qui, honorés des hommes sur la terre, seront à la fin de leur vie condamnés pour l’éternité. |
Lectio 6 [85884] Catena in Lc., cap. 13 l. 6 Cyrillus.
Praedicta domini verba, Pharisaeorum animos provocaverunt ad iram;
videbant enim populos iam contritos fidem eius arripere. Itaque quasi
perdentes officium populis praesidendi et deficientes in lucro, simulantes se
eum diligere, suadent illi ut inde discederet; unde dicitur in ipsa die
accesserunt quidam Pharisaeorum dicentes illi : exi et vade hinc, quia
Herodes vult occidere te. Christus autem qui renes et corda scrutatur, eis
leniter et figuraliter respondet; unde sequitur et ait illis : ite et dicite vulpi
illi. Beda.
Propter dolos et insidias Herodem vulpem appellat, quod plenum fraudis est
animal, in fovea propter insidias latens, odore foetens, nunquam rectis
itineribus incedens; quae omnia haereticis conveniunt, quorum typum Herodes
tenet, qui Christum, idest humilitatem Christianae fidei in credentibus,
conantur extinguere. Cyrillus.
Vel aliter. Videtur hic sermo mutatus esse, et non spectare ad personam
Herodis, ut aliqui putaverunt, sed magis ad pharisaicas fictiones : pene enim
ipsum Pharisaeum ostendit prope manentem, dum dixit ite et dicite vulpi huic,
sicut in Graeco habetur; unde hoc praecepit dicendum, quod poterat urgere
Pharisaeorum turbam : ecce, inquit, eicio Daemonia, et sanitates perficio
hodie et cras, et tertia die consummor. Hoc se promittit operaturum quod
Iudaeis displicebat : scilicet quod immundis imperaret spiritibus, et
eriperet a morbis infirmantes, usque dum propria sponte sustineret crucis
patibulum. Quia vero Pharisaei credebant quod manum trepidaret Herodis qui
dominus erat virtutum, hoc excludit dicens verumtamen oportet me hodie et
cras et sequenti die ambulare. Quod dicit oportet, nequaquam sibi
necessitatem ingruentem ostendit, sed magis arbitrio propriae voluntatis
pergere quo volebat, quousque finem venerandae crucis subiret, cuius iam
Christus imminere tempus ostendit cum dixit hodie et cras. Theophylactus.
Ac si dicat : quid de morte mea cogitatis? Ecce fiet post modicum. Quod
autem dicitur hodie et cras, hoc multos dies significat, sicut et nos in
communi sermone soliti sumus dicere : hodie et cras fit hoc, quod fiat in
tanta distantia temporis. Et ut evangelicum sermonem evidentius exponamus,
non intelligas quod oportet me hodie et cras ambulare, sed sistas in hodie et
cras, deinde subiungas et sequenti die ambulare; sicut et pluries numerando
consuevimus dicere : die dominica, et secunda feria, et tertia egrediar,
quasi computando duas, ut tertia denotetur, sic et dominus quasi computando
dicit oportet me hodie et cras, et postea tertia die ire Ierusalem. Augustinus
de Cons. Evang. Vel mystice ab illo haec dicta intelliguntur, ut
referantur ad corpus eius, quod est Ecclesia. Expelluntur enim Daemonia, cum
relictis illis superstitionibus, credunt in eum gentes; et perficiuntur
sanitates, cum secundum praecepta eius, posteaquam fuerit Diabolo et huic
saeculo renuntiatum, usque in finem resurrectionis, qua tamquam tertia
consummabitur, ad plenitudinem angelicam per corporis etiam immortalitatem
perficietur Ecclesia. Theophylactus.
Sed quia illi dicebant ei exeas hinc, quia Herodes quaerit te occidere :
in Galilaea loquentes, ubi regnabat Herodes, ostendit quod non in Galilaea,
sed in Ierusalem praeordinatum fuerat ei pati; unde sequitur quia non capit
prophetam perire extra Ierusalem. Cum audis non capit, idest non decet extra
Ierusalem prophetam interimi, non putes vim coactivam Iudaeis inductam, sed
quantum ad eorum affectum sanguinis avidum convenienter hoc dicit; velut si
quis praedonem atrocissimum videns dicat : non oportet hanc viam, in qua
praedo insidiatur viatoribus, immunem esse a sanguine : sic et non oportebat
alibi quam ubi morabantur praedones perire dominum prophetarum : nam assueti
prophetarum sanguinibus occident et dominum; unde sequitur Ierusalem,
Ierusalem, quae occidis prophetas, et lapidas eos qui mittuntur ad te. Beda.
Ierusalem non saxa et aedificia civitatis, sed habitatores vocat, quam
patris plangit affectu. Chrysostomus.
Geminatio enim verbi, miserantis est, aut nimium diligentis : nam tamquam
ad amicam negligentem amatorem, et ideo puniendam, dominus loquitur Graecus.
Sed et nominis geminatio vehementem reprehensionem ostendit : nam quae
novit Deum, quomodo Dei ministros persequitur? Chrysostomus.
Quod autem essent immemores divinorum bonorum ostendit subdens quoties
volui congregare filios tuos, quemadmodum avis nidum suum sub pennis, et
noluisti? Manuduxit eos per sapientissimum Moysen, monuit per prophetas,
voluit sub alis, idest sub tegmine suae virtutis, illos habere; at illi
caruerunt tam desiderabilibus bonis ingrati existentes. Augustinus
in Enchir. Dicit autem : ego volui, et tu noluisti; quasi dicat : quotquot
aggregavi mea voluntate semper efficaci, te nolente feci, quia ingrata semper
fuisti. Beda.
Pulchre autem qui Herodem de sua nece tractantem vulpem vocaverat, seipsum
avi comparat : quia vulpes fraudulenter semper avibus insidias intendunt.
Basilius.
Filios etiam Ierusalem pullis in nido comparavit; ac si dicat : aves quae
in altum consueverunt volare, exceptae sunt a nocumentis insidiantium; tu
tamen eris ut pullus egens alieno suffragio. Matre igitur avolante aufereris
a nido, quasi impotens ad tutelam et debilis ad fugam; unde sequitur ecce
relinquetur domus vestra deserta. Beda.
Ipsam civitatem, quam nidum vocaverat, etiam nunc domum Iudaeorum
appellat. Occiso enim domino venerunt Romani, et quasi nidum vacuum
diripientes, tulerunt eorum locum, gentem et regnum. Theophylactus.
Vel domus vestra, idest templum; ac si dicat : quamdiu virtus erat in
vobis, templum erat meum; sed postquam fecistis ipsum speluncam latronum, non
est de cetero domus mea, sed vestra. Vel domum dicit totam gentem Iudaeorum,
iuxta illud : domus Iacob, benedicite domino, per quod ostendit quod ipse
erat qui gubernabat eos, et eripiebat ab hostium manibus. Sequitur dico autem
vobis, quia non videbitis me donec veniat, cum dicetis : benedictus qui venit
in nomine domini. Augustinus
de Cons. Evang. Huic narrationi Lucae non videtur adversari quod turbae
dixerunt, veniente domino in Ierusalem : benedictus qui venit in nomine
domini : quia nondum illuc venerat, et nondum dictum erat. Cyrillus.
Discesserat enim dominus a Hierosolymis, tamquam indignos existentes sui
praesentia deserens; deinde multis miraculis factis, rursum Hierosolymam
redit, ubi ei turba occurrit dicens : hosanna filio David : benedictus qui
venit in nomine domini. Augustinus.
Sed quia non dicit Lucas quo inde tunc accessit dominus, ut non veniret
nisi eo tempore quo iam illud diceretur (perseverat quippe in itinere suo
donec veniat Ierusalem); de illo suo adventu quo in claritate venturus est,
hoc significat. Theophylactus.
Tunc enim et inviti confitebuntur eum salvatorem et dominum, quando nullus
erit eis inde profectus. Dicens autem non videbitis me donec veniat etc., non
significat illam horam, sed tempus crucis; quasi dicat : postquam
crucifixeritis me, non amplius videbitis me, donec iterum veniam. Augustinus.
Intelligendus est ergo Lucas velle praeoccupasse, antequam eius narratio
dominum perduceret Ierusalem, aut eidem civitati iam appropinquantem talia
respondisse monentibus ut caveret Herodem, qualia Matthaeus dicit esse
locutum cum iam pervenisset Ierusalem. Beda.
Vel dicit non me videbitis, quasi dicat : nisi poenitentiam egeritis, et confessi
fueritis me filium omnipotentis patris, in secundo adventu faciem meam non
videbitis. |
Versets 31-35.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Les paroles que le Sauveur venait de prononcer avaient profondément irrité les pharisiens; car ils voyaient déjà le peuple, touché de repentir, croire en lui. Désolés donc de perdre leur autorité sur les peuples, et de voir diminuer le profit qu’ils en retiraient, ils simulent pour lui une affection hypocrite, et lui conseillent de se retirer : « Le même jour, quelques-uns des pharisiens vinrent lui dire : Allez-vous en, retirez-vous d’ici; car Hérode veut vous faire mourir. » Mais Jésus, qui sonde les coeurs et les reins, leur répond avec douceur et dans un langage figuré : « Et il leur dit : Allez, et dites à ce renard. » — S. Bède : Il appelle Hérode un renard à cause de son esprit rusé et insidieux; car le renard est un animal rempli d’astuce, qui se cache dans sa tanière pour mieux tendre ses piéges, exhale une odeur fétide, et ne suit jamais les droits chemins. Tous ces traits conviennent aux hérétiques, dont Hérode est la figure, et qui cherchent à faire mourir Jésus-Christ, c’est-à-dire l’humilité de la foi chrétienne dans le coeur des fidèles. — S. Cyrille : Ou bien encore, les paroles du Sauveur ont un autre objet, et ne se rapportent pas à la personne d’Hérode (comme quelques-uns l’ont pensé), mais plutôt à l’hypocrisie des pharisiens. En effet, Notre Seigneur paraît indiquer ce pharisien qui n’est pas loin, en disant : « Allez, et dites à ce renard, » selon le sens du texte grec. Il leur commande de dire ce qui était de nature à exciter contre lui la multitude des pharisiens : « Voilà que je chasse les démons et guéris les malades aujourd’hui et demain, et c’est le troisième jour que je dois être consommé » ; il leur annonce donc qu’il fera ce qui leur déplaisait souverainement, c’est-à-dire qu’il commandera aux esprits immondes, et guérira les malades jusqu’à ce qu’il subisse volontairement le supplice de la croix. Mais comme les pharisiens s’imaginaient qu’il redoutait la puissance d’Hérode, lui qui était le Dieu des vertus, il éloigne cette pensée en ajoutant : « Cependant il faut que je marche aujourd’hui et demain, et c’est le troisième jour que je dois être consommé. » Cette expression : « Il faut » n’indique nullement une nécessité qui serait imposée au Sauveur, mais bien plutôt qu’il se rendait librement et volontairement vers le but qu’il se proposait, jusqu’à ce qu’il terminât sa vie par le supplice de sa croix adorable, dont il annonce que le temps approche en disant : « aujourd’hui et demain. » — Théophylacte : Comme s’il leur disait : Pourquoi vous préoccuper de ma mort ? Le temps n’en est pas éloigné. Cependant ces expressions : « aujourd’hui et demain, » signifient un espace de plusieurs jours. C’est ainsi que dans le langage ordinaire nous disons : « Je ferai ceci aujourd’hui et demain » ; bien que nous ne puissions le faire dans un si court espace de temps. Et pour donner une explication plus claire de ces paroles, ne les entendez pas dans ce sens : « Il faut que je marche aujourd’hui et demain, » non, arrêtez-vous après ces mots : « aujourd’hui et demain, » puis ajoutez : « Le jour suivant je dois marcher. » De même que souvent pour compter, nous disons : Dimanche, lundi, mardi, je sortirai; nous comptons deux jours pour indiquer le troisième, Notre Seigneur dit aussi : « Aujourd’hui et demain, et le troisième jour, je dois aller à Jérusalem. » — S. Augustin : (Quest. évang.) Ou bien encore, Notre Seigneur parle ici dans un sens figuré et ces paroles ont pour objet son corps mystique qui est l’Église. En effet, il chasse les démons, lorsque les nations [idolâtres] abandonnent leurs superstitions pour croire en lui, et il opère des guérisons, lorsqu’après qu’elles ont renoncé au démon et au monde selon son enseignement, il conduit l’Église à la perfection angélique par l’immortalité du corps qui aura lieu à la résurrection, figurée ici par le troisième jour comme la consommation de toutes choses. — Théophylacte : Mais comme ceux qui lui disaient : « Retirez-vous d’ici, parce que Hérode veut vous faire mourir, » lui parlaient ainsi dans la Galilée où régnait Hérode; Notre Seigneur leur déclare que ce n’est pas en Galilée, mais à Jérusalem, qu’il a été réglé d’avance qu’il devait souffrir. « Car il ne peut se faire qu’un prophète périsse hors de Jérusalem. » En entendant ces paroles : « Il ne faut pas, » c’est-à-dire il ne convient pas « qu’un prophète meure hors de Jérusalem », n’allez pas croire que les Juifs aient été forcés de le faire mourir; le Sauveur parle ainsi, parce que les habitants de Jérusalem avaient comme soif du sang. Quand on entend parler d’un atroce scélérat, on dit : il faut que le chemin où il dresse ses embûches soit arrosé du sang des voyageurs; de même, il fallait pour ainsi dire que le Seigneur des prophètes ne pérît pas ailleurs que dans la ville où demeuraient les meurtriers. Accoutumés à verser le sang des prophètes, ils feront aussi mourir le Seigneur des prophètes; c’est ce qu’il déclare dans les paroles suivantes : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, et lapides ceux qui te sont envoyés.» — S. Bède : Ce n’est ni aux pierres ni aux édifices de cette ville que Notre Seigneur s’adresse dans cette apostrophe, mais aux habitants de Jérusalem sur lesquels il pleure avec une affection de père. — S. Cyrille (ou S.Jean Chrysostome) : (hom. 75 sur Matth.) Cette répétition : Jérusalem, Jérusalem, indique un profond sentiment de compassion ou d’amour sans mesure, le Sauveur parle à cette ville infortunée comme à une personne qui oublie celui qui l’aime, et il lui prédit le châtiment dont sera punie son ingratitude. — Sévère d’Antioche : Cette répétition est aussi l’indice d’un violent reproche, comment, en effet, cette ville qui a reçu la connaissance de Dieu, peut-elle persécuter les ministres de Dieu ? — S. Cyrille (ou S.Jean Chrysostome) : Il fait bien voir, du reste, dans quel oubli des bienfaits de Dieu ils étaient tombés, en ajoutant : « Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme un oiseau rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! » Sa main les a conduits par Moïse, un de ses plus sages serviteurs, il les a [mille fois] avertis par les prophètes; il a voulu les voir réunir sous ses ailes, c’est-à-dire sous sa protection toute puissante, mais ils ont rendu inutiles toutes ces faveurs si enviables par leur ingratitude. — S. Augustin : (Enchirid., chap. 17.) « J’ai voulu, » dit Notre Seigneur, « et tu n’as pas voulu, » c’est-à-dire : Tous ceux que j’ai rassemblés par ma volonté toujours efficace, je les ai rassemblés malgré toi, parce que tu n’as cessé d’être ingrate. — S. Bède : Après avoir appelé renard le roi Hérode qui en voulait insidieusement à sa vie, il se présente lui-même sous la comparaison pleine de justesse d’un oiseau, parce que les renards tendent toujours astucieusement des piéges aux oiseaux. — S. Basile : (sur Is 16.) Il compare aussi les enfants de Jérusalem à des petits qui ne peuvent sortir de leur nid, comme s’il disait : les oiseaux qui prennent leur essor dans les airs, échappent aux atteintes de ceux qui leur dressent des embûches; mais pour vous, vous serez comme un poussin qui a besoin du secours d’autrui, et une fois privé de votre mère qui s’envolera, vous serez arraché de votre nid, incapable de vous défendre, et trop faible pour prendre la fuite. C’est ce qu’il lui prédit en ces termes : « Voilà que votre maison va demeurer déserte. » — S. Bède : Cette ville qu’il avait comparée à un nid, il l’appelle maintenant la maison des Juifs; car après qu’ils eurent mis le Seigneur à mort, les Romains vinrent et ravagèrent cette maison comme un nid vide, et détruisirent leur ville, leur nation et leur royaume — Théophylacte : Ou bien encore, votre maison, c’est-à-dire votre temple, et tel est le sens de ces paroles : Tant que la vertu a été en honneur parmi vous, ce temple était le mien; mais depuis que vous en avez fait une caverne de voleurs, ce n’est plus ma maison, c’est la vôtre. Ou bien enfin, cette maison, c’est toute la nation des juifs, selon ces paroles du Psalmiste : « Maison de Jacob, bénissez le seigneur », et il leur prouve ainsi que c’était lui qui les gouvernait, et qui les délivrait des mains de leurs ennemis. « Je vous le dis, vous ne me verrez
plus jusqu’à ce que vienne le jour où vous direz : ‘Béni soit celui qui vient
au nom du Seigneur’. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 75.) Ce récit de saint Luc n’est pas en opposition avec ce que nous lisons dans saint Matthieu, que la foule accueillit le Sauveur à son entrée dans Jérusalem en lui disant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, » parce qu’il n’y était pas encore venu, et que ces paroles n’avaient pas encore été dites. — S.
Cyrille : Il s’était éloigné de Jérusalem, et avait
abandonné ses habitants comme indignes de jouir de sa présence; puis après
avoir opéré un grand nombre de miracles, il revient de nouveau à Jérusalem,
et la foule se porte à sa rencontre en disant : « Salut au Fils de
David ! Beni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Mais comme saint Luc ne dit pas où le Seigneur s’est retiré, pour ne venir dans cette ville qu’au temps où il serait accueilli par ces paroles (il continue, en effet, de marcher jusqu’à ce qu’il vienne à Jérusalem), cet Évangéliste veut ici parler de l’avènement du Sauveur, quand il reviendra dans la gloire. — Théophylacte : Alors ils seront forcés de reconnaître pour leur Sauveur et pour leur Dieu, alors que cette profession de foi ne leur servira de rien. Ces paroles : « Vous ne me verrez plus, que je ne sois venu,» etc... ne doivent pas s’entendre du moment même où il leur parlait, mais du temps de sa mort sur la croix, et tel en est le sens : Après que vous m’aurez crucifié, vous ne me verrez plus jusqu’à ce que je revienne de nouveau. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 75.) Il faut donc entendre que saint Luc a voulu raconter ceci par anticipation, avant que son récit conduisît le Seigneur à Jérusalem, ou bien que lorsque le Sauveur approchait de Jérusalem, il a tenu à ceux qui l’engageaient à se mettre en garde contre Hérode, le même langage que lui prête saint Matthieu lorsqu’il entre dans cette ville. — S. Bède : Ou bien encore, ces paroles : « Vous ne me verrez plus, » signifient : Si vous ne faites pénitence, et si vous ne confessez que je suis le Fils du Dieu tout-puissant, vous ne serez point admis à contempler ma face, lors de mon second avènement. |
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Caput 14 |
CHAPITRE 14
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Lectio 1 [85885] Catena in Lc., cap. 14 l. 1 Cyrillus. Quamvis dominus malitiam Pharisaeorum cognosceret, tamen
eorum fiebat conviva, ut prodesset praesentibus per verba et miracula; unde
subditur et factum est cum introisset Iesus in domum cuiusdam principis
Pharisaeorum sabbato manducare panem, et ipsi observabant eum : si scilicet
reverentiam legis contemneret, et an quicquam prohibitorum faceret in die
sabbati. Itaque hydropico veniente in medium, interrogatione reprehendit
insolentiam Pharisaeorum, eum arguere volentium; unde dicitur et ecce homo
quidam hydropicus erat ante illum. Et respondens Iesus dixit
ad legisperitos et Pharisaeos, si licet sabbato curare. Beda.
Quod dicitur respondisse Iesus, ad hoc respicit quod praemissum est : et
ipsi observabant eum : dominus enim novit cogitationes hominum. Theophylactus. In sua autem interrogatione deridet eos, sicut
amentes : Deo enim benedicente sabbatum, ipsi prohibent operari bona in eo;
dies autem quae bonorum operam non admittit, maledicta est. Beda.
Sed merito interrogati tacent, quia contra se dictum, quicquid dixerit,
vident. Nam si licet sabbato curare, quare salvatorem an curet observant? Si
non licet, quare ipsi sabbato pecora curant? Unde sequitur at illi tacuerunt.
Cyrillus.
Neglectis igitur Iudaeorum insidiis, liberat a morbo hydropicum : qui metu
Pharisaeorum remedia non postulabat propter sabbatum, sed solum astabat, ut
ex aspectu misertus eius salvaret eum : quod dominus cognoscens, non postulat
ab eo si vellet salvus fieri; sed protinus eum sanavit; unde sequitur ipse
vero apprehensum sanavit eum ac dimisit. Theophylactus.
In quo non hoc prospexit dominus, ne scandalizaret Pharisaeos; sed ut
benefaciat egenti remediis : decet enim nos, cum magna resultat utilitas, non
curare si stulti scandalizentur. Cyrillus.
Sed quia Pharisaei inepte tacuerunt, solvit Christus inflexibilem eorum
impudentiam, considerationibus seriis ad hoc utens; unde sequitur et
respondens ad illos dixit : cuius vestrum asinus aut bos in puteum cadet, et
non continuo extrahet illum die sabbati? Theophylactus.
Quasi dicat : si prohibuit lex misereri in sabbato, ne curam habeas filii
tui periclitantis in sabbato; sed quid dico, filii, quando nec bovem
praeteris, si periclitantem videris? Beda.
In quo sic observatores suos Pharisaeos convincit, ut eosdem etiam
avaritiae condemnet, qui in liberatione animalis suae avaritiae consulebant.
Quanto ergo magis Christus hominem, qui multo melior est pecore, debuit
liberare? Augustinus
de quaest. Evang. Congruenter autem hydropicum animali quod cecidit in
puteum comparavit, humore enim laborabat; sicut illam mulierem quam alligatam
dixerat, et ipse solvebat, comparavit iumento, quod solvitur ut ad aquam
ducatur. Beda.
Competenti ergo exemplo solvit quaestionem, ut ostendat eos violare
sabbatum in opere cupiditatis qui eum violare arguerunt in opere caritatis;
unde sequitur et non poterant ad haec respondere illi. Mystice autem
hydropicus comparatur ei quem fluxus carnalium voluptatum exuberans aggravat
: hydropicus enim morbus ab aquoso humore vocabulum trahit. Augustinus
de quaest. Evang. Vel hydropicum recte comparamus diviti avaro : sicut
enim ille quanto magis abundat humore inordinato, tanto amplius sitit; sic et
iste quanto est copiosior divitiis, quibus non bene utitur, tanto ardentius
talia concupiscit. Gregorius
Moralium. Recte ergo hydropicus ante Pharisaeum curatur : quia per
alterius aegritudinem corporis, in altero exprimitur languor, seu aegritudo
cordis et mentis. Beda.
Bene autem in exemplo bovem et asinum nominat, ut vel sapientes et
hebetes, vel utrumque populum significet, scilicet Iudaeum iugo legis
pressum, et gentilem nulla ratione domitum : omnes enim a puteo
concupiscentiae demersos dominus extrahit. |
Versets 1-6.
— S.
Cyrille : (Chronique
des Pères grecs) Bien que le Seigneur connût à fond
la malice des pharisiens, il consent à s’asseoir à leur table pour l’utilité
de ceux qui seraient témoins de ses paroles et de ses miracles : « Un jour de sabbat, Jésus étant
entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas,
ceux-ci l’observaient, » c’est-à-dire qu’ils regardaient s’il
manquerait au respect dû à la loi, et s’il ferait quelque action défendue le
jour du sabbat. Un hydropique s’étant donc présenté, Notre Seigneur confond
par la question suivante la témérité des pharisiens qui voulaient le prendre
en défaut : « Et voici qu’un homme
hydropique se trouvait devant lui : et Jésus prenant la parole, dit aux
docteurs de la loi et aux pharisiens : Est-il permit de guérir le jour du
sabbat ? » — S. Bède : Nous lisons dans le texte sacré « Et Jésus répondant, » parce qu’il répond, en effet, aux pensées de ceux dont il dit plus haut : « et ils l’observaient, » (cf. Mc 12, 35; Ap 7, 13) car le Seigneur pénètre les [plus secrètes] pensées des hommes. — Théophylacte : Dans la question qu’il leur adresse, il se rit de leur folie, qui leur fait proscrire les bonnes oeuvres le jour du sabbat, que Dieu lui-même a béni; en effet, un jour où l’on ne fait point de bonnes oeuvres, est un jour maudit. — S.
Bède : Ils n’osent, et avec raison, répondre à cette
question; quelle que soit leur réponse, ils voient qu’elle tournera contre
eux, car s’il est permis de guérir le jour du sabbat, pourquoi épier le
Sauveur pour voir s’il guérira ? Et si ce n’est pas permis, pourquoi
prennent-ils soin de leurs animaux même le jour du sabbat : « Et ils gardèrent le silence. » — S. Cyrille : Sans donc se préoccuper des embûches que lui tendent les Juifs, Notre Seigneur guérit cet hydropique qui, par crainte des pharisiens, n’osait lui demander sa guérison le jour du sabbat; il se tenait seulement devant lui, afin que le Sauveur, touché de compassion à la vue de son triste état, lui rendît la santé. Aussi Jésus, connaissant ses dispositions, ne lui demande pas s’il veut être guéri, mais il le guérit sans tarder : « Et prenant cet homme par la main, il le guérit et le renvoya. » — Théophylacte : Notre Seigneur ne s’inquiète pas de scandaliser les pharisiens, il ne songe qu’à faire du bien à celui dont l’état réclame son secours; ainsi quand il s’agit d’un grand bien, nous ne devons pas nous préoccuper si les insensés en seront scandalisés. — S. Cyrille : Comme les pharisiens continuent à garder un silence ridicule, Jésus confond leur impudence obstinée par de sérieuses raisons : « Puis il leur dit : ‘Qui de vous, si son fils ou son boeuf tombe dans un puits, ne l’en retire aussitôt le jour du sabbat ?’ » — Théophylacte : C’est-à-dire : si la loi défend les oeuvres de miséricorde le jour du sabbat, ne prenez ce jour-là aucun soin de votre fils, qui est en danger; mais pourquoi parler de votre fils; quand votre boeuf en péril a droit le jour du sabbat à toute sollicitude ? — S. Bède : Notre Seigneur confond ainsi les pharisiens qui épiaient sa conduite, et condamne à la fois leur avarice, car c’était par un sentiment d’avarice qu’ils délivraient leurs animaux en péril [le jour du sabbat]. À combien plus juste titre, le Christ devait-il délivrer l’homme, mille fois supérieur à l’animal sans raison ? — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 29.) Le Sauveur compare justement l’hydropique à l’animal qui est tombé dans un puits (car c’est un excès d’humeur liquide qui le rendait malade), comme il a comparé plus haut à l’animal qu’on délie pour le mener boire, la femme qui était comme liée depuis plusieurs années. — S.
Bède : Il tranche donc la question par un exemple
des plus propres à les convaincre qu’ils violaient le sabbat par un motif de
cupidité, eux qui l’accusaient de le violer par une oeuvre de charité. Aussi
l’Évangéliste ajoute-t-il : « Et
ils ne pouvaient rien lui répondre. » Dans le sens mystique, l’hydropique est la figure de celui qui est comme accablé sous le poids du cours déréglé des voluptés charnelles, car l’hydropisie tire son nom d’un épanchement de sérosité aqueuse. — S. Augustin : (Quest. évang.) Ou bien encore, l’hydropique figure le riche avare, car plus le liquide épanché abonde chez l’hydropique, plus il est dévoré par la soif; ainsi plus le riche avare voit augmenter les richesses dont il fait un mauvais usage, plus aussi ses désirs s’enflamment. — S. Grégoire : (Moral., 14, 6.) C’est à dessein que Notre Seigneur guérit cet hydropique en présence des pharisiens, parce que l’infirmité corporelle de l’un était la figure de la maladie intérieure des autres. — S. Bède : Il choisit le boeuf et l’âne comme objet de sa comparaison, pour signifier les sages et les insensés, ou les deux peuples, c’est-à-dire le peuple juif, accablé sous le joug de la loi, et le peuple des Gentils, qui n’avait pu être dompté par aucun moyen rationnel; car Notre Seigneur les a tous retirés du puits de la concupiscence où ils étaient tombés. |
Lectio 2 [85886] Catena in Lc., cap. 14 l. 2 Ambrosius. Prius curatus est hydropicus, in quo fluxus carnis
exuberans, animae gravabat officia, spiritus extinguebat ardorem : deinde
docetur humilitas, dum in convivio nuptiali appetentia loci superioris
arcetur; unde dicitur dicebat autem ad invitatos parabolam, intendens quomodo
primos accubitus eligerent, dicens ad illos : cum invitatus fueris ad
nuptias, non discumbas in primo loco. Cyrillus.
Prosilire enim prompte ad honores qui nobis non conveniunt, indicat nos temerarios
esse, et nostra facta vituperio replet; unde sequitur ne forte honoratio te
sit invitatus ab illo, et veniens is qui te et illum vocavit, dicat tibi : da
huic locum; et tunc incipias cum rubore novissimum locum tenere. Chrysostomus.
Et sic quod concupivit, nequaquam obtinuit ambitiosus honoris, sed passus
est repulsam; et satagens qualiter abundet honoribus, non honoratur. Et quia
nihil est aequipollens modestiae, auditorem ad oppositum ducit. Non solum
prohibet ambire primatum, sed et venari iubet ultima; unde sequitur sed cum
vocatus fueris, vade, recumbe in novissimo loco. Cyrillus.
Si enim aliquis non vult aliis praelocari, nanciscitur hoc ex divina
sententia; unde sequitur ut cum venerit qui te invitavit, dicat tibi : amice,
ascende superius. Haec dicens, non graviter obiurgat, sed leniter iniungit :
sufficit enim monitio apud discretos; et sic pro humilitate aliquis coronatur
honore; unde sequitur tunc erit tibi gloria coram simul discumbentibus. Basilius.
Occupare igitur locum ultimum in conviviis, iuxta mandatum dominicum,
conveniens est, sed rursum in hunc contentiose irruere reprobatum tamquam
interemptorium ordinis et causativum tumultus : et de eo mota contentio
aequiparabit vos litigantibus de primatu. Quapropter, sicut hic dominus
dicit, expedit convivium facienti committere accubitus ordinem. Sic et in
patientia nos mutuo sustinebimus honeste, et secundum ordinem omnia
prosequentes, non ad apparentiam plurium; nec videbimur humilitatem
pertractare per vehementem contradictionem; magis autem humilitatem per
patientiam obtineremus : maius est enim ex repugnantia superbiae indicium
quam ex primo accubitu, quando eum cum imperio obtinemus. Theophylactus.
Nemo autem putet praemissam Christi doctrinam modicam esse, et indignam
culminis Dei verbi; non enim pium dices esse medicum pollicitum sanare
podagram, ictum vero digiti vel dentis dolorem nolentem curare. Porro quomodo
parva passio vanae gloriae, quae versabat primos perquirentes accubitus?
Decebat igitur humilitatis magistrum omnem ramum pravae radicis amputare. Sed
et illud considera, quia praesto coena, et passione primatus coram salvatore
vexante miseros, opportunitatem habebat monitio. Cyrillus.
Ostenso igitur tam modico exemplo ambitiosorum contemptu, et non
ambitiosorum exaltatione adicit magnum parvo, generalem sententiam proferens,
cum subditur quia omnis qui se exaltat, humiliabitur; et qui se humiliat,
exaltabitur : quod dicitur secundum divinum iudicium, non secundum humanam
consuetudinem, secundum quam plures concupiscentes honorem consequuntur, alii
vero se humiliantes inglorii remanent. Theophylactus.
Porro non finaliter nec omnibus hominibus est reverendus qui se honoribus
ingerit; sed dum a quibusdam honoratur, alii detrahunt ei, et quandoque etiam
ipsi honorantes. Beda.
Sed quoniam hanc admonitionem Evangelista parabolam vocat, breviter
intuendum quid mystice significet. Quisquis nuptias Christi et Ecclesiae
invitatus adierit, membris Ecclesiae per fidem coniunctus, non se extollat,
quasi sublimior ceteris, de meritis gloriando : dabit enim locum honoratiori
post invitato, cum illorum qui se in Christo secuti sunt agilitate praeitur,
et cum rubore novissimum locum tenet, quando de aliis meliora cognoscens,
quicquid de sua operatione celsum sentiebat humiliat. Sed recumbit aliquis in
novissimo loco, secundum illud : quanto magnus es, humilia te in omnibus.
Veniens autem dominus, quem humilem invenerit, amici nomine beatificans,
ascendere superius praecipiet : quicumque enim humiliaverit se sicut parvulus,
hic est maior in regno caelorum. Pulchre autem dicitur tunc erit tibi gloria,
ne nunc quaerere incipias quod tibi servatur in fine. Potest etiam et hoc in
hac vita intelligi; quia quotidie dominus suas nuptias intrat, superbos
despiciens, et humilibus saepe tanta sui spiritus dona praestans, ut
discumbentium, idest fidelium, coetus, eos admirando glorificet. Ex
conclusione vero generali, quae subditur, manifeste claret praecedentem
domini sermonem typice intelligendum. Neque enim omnis qui se coram hominibus
exaltat, humiliatur; aut qui se in conspectu hominum humiliat, exaltatur ab
eis : sed qui se de meritis elevat, humiliabitur a domino; et qui se de
beneficiis humiliat, exaltabitur ab eo. |
Versets 7-11.
— S. Ambroise : Notre Seigneur a commencé par guérir l’hydropique, en qui la surabondance de l’humeur appesantissait l’activité de l’âme et éteignait l’ardeur de l’esprit; il enseigne maintenant l’humilité en défendant de choisir les premières places dans les repas de noces : « Il dit une parabole aux invités, ayant remarqué comment ils choisissaient les premières places. Il leur dit : Quand vous serez invité à des noces, ne vous mettez pas à la première place.» — S. Cyrille : En effet, aller au-devant des honneurs qui ne vous sont pas dus, c’est une preuve de témérité qui rend notre conduite digne de blâme. Aussi le Sauveur ajoute : « de peur qu’il ne se trouve quelqu’un plus considéré que vous, et celui qui vous aurait invités l’un et l’autre viendrait vous dire : ‘Cède-lui la place’ ; et alors vous n’auriez, avec confusion, qu’à occuper la dernière place.» — S. Jean Chrysostome : C’est ainsi que l’ambitieux n’obtient pas les distinctions qu’il désire, mais subit un honteux affront et qu’en cherchant de trop grands honneurs il n’en reçoit aucuns. Mais comme rien n’est comparable à la modestie, le Sauveur engage ceux qui l’écoutent à faire le contraire : non seulement il leur défend d’ambitionner les premières places, il leur commande de rechercher les dernières : « Mais lorsque vous serez invité, allez vous asseoir à la dernière place, ». — S.
Cyrille : Car celui qui ne désire point d’être placé
au-dessus des autres, l’obtient justement de la divine Providence : « afin que quand viendra celui qui
vous a invité, il vous dise : Mon ami, montez plus haut. » Ce n’est
pas ici une réprimande sévère, mais une observation pleine de douceur, car un
simple avertissement suffit aux sages, et c’est ainsi que l’humilité est
couronnée de gloire et d’honneur : « Alors
ce sera une gloire pour vous devant ceux qui seront à table avec vous. » — S. Basile : (Règl. développ., quest. 21.) Prendre la dernière place dans les banquets, selon le précepte du Seigneur, est chose louable pour tous, mais vouloir s’en emparer avec obstination est une action digne de blâme, parce qu’elle trouble l’ordre et devient une cause de tumulte, et une contestation soulevée à ce sujet, vous rend semblables à ceux qui se disputent la première place. Nous devons donc laisser au maître du festin, comme l’observe Notre Seigneur, le soin de placer ses convives, C’est ainsi que nous nous supporterons mutuellement en toute patience et en toute charité, nous traitant les uns les autres avec déférence selon l’ordre, et fuyant [toute vaine gloire et] toute ostentation. Nous ne chercherons pas non plus à pratiquer une humilité affectée au prix de vives contestations, mais nous paraîtrons humbles surtout par la condescendance mutuelle et par la patience. Car l’amour [de la contestation et] de la dispute est un plus grand signe d’orgueil, que de s’asseoir à la première place, quand on ne la prend que par obéissance. — Théophylacte : Que personne ne pense que ces enseignements de Jésus-Christ soient peu importants et indignes de la grandeur et de la magnificence du Verbe de Dieu, car vous ne regarderiez pas comme un médecin dévoué celui qui vous promettrait de vous guérir de la goutte, mais qui refuserait de guérir une plaie survenue à votre doigt ou un simple mal de dents. D’ailleurs est-elle donc si peu importante cette passion de la vaine gloire qui agitait et troublait ceux qui recherchaient les premières places ? Il était donc souverainement utile que le Maître de l’humilité retranchât toutes les branches de cette racine pernicieuse. Remarquez enfin l’opportunité de cet enseignement, alors qu’on allait se mettre à table, et que le Sauveur était témoin du violent désir d’occuper les premières places qui tourmentait ces infortunés. — S. Cyrille : Après avoir montré par ce fait si simple comment les orgueilleux étaient abaissés, et comment les humbles sont exaltés; il fait suivre cet exemple d’une leçon plus importante, et proclame cette maxime générale : « Car quiconque s’élèvera sera humilié, et quiconque s’humilie sera exalté, » paroles qui doivent s’entendre de la règle suivie par la justice de Dieu et non de la conduite ordinaire des hommes, qui accordent souvent les honneurs à ceux qui les désirent, et qui laissent les humbles dans l’obscurité. — Théophylacte : Cependant celui qui se pousse lui-même aux honneurs, ne jouit pas d’une estime durable et universelle; tandis que les uns semblent l’honorer, les autres le déchirent, et souvent ceux qui affectent de le traiter avec plus de distinction. — S. Bède : Mais puisque l’Évangéliste appelle cet enseignement une parabole, examinons brièvement quel en est le sens figuré. Que celui qui est invité aux noces de Jésus-Christ et de son Église, et qui se trouve par la foi en union avec les membres de l’Église, ne s’enorgueillisse pas de ses mérites, comme s’il était plus élevé que les autres, car il sera obligé de céder la place à un plus honorable que lui, bien qu’invité après lui, lorsqu’il se verra précédé par l’ardeur de ceux qui l’ont suivi dans les voies ouvertes par Jésus-Christ, Et il descendra couvert de confusion à la dernière place, quand il reconnaîtra la supériorité des autres sur lui, et qu’il se verra obligé de rabattre de la haute estime qu’il avait de sa vertu. On s’assoie à la dernière place quand on met en pratique la recommandation [de l’Esprit saint] : « Plus vous êtes grand, plus vous devez vous humilier en toutes choses. » (Si 3, 20.) Alors le Seigneur donnant le nom d’ami à celui qu’il trouvera dans ces sentiments d’humilité, lui commandera de monter plus haut, car quiconque s’humilie comme un enfant, est le plus grand dans le royaume des cieux. (Mt 18, 4.) Remarquez ces belles paroles : « Alors ce sera une gloire pour vous » ; ne cherchez donc pas maintenant ce qui vous est réservé pour la fin. On peut aussi cependant l’entendre de cette vie, car Notre Seigneur entre tous les jours dans la salle du festin nuptial, tous les jours il abaisse les orgueilleux, et répand en si grande abondance dans le coeur des humbles les dons de son esprit, que tous les convives, c’est-à-dire l’assemblée des fidèles, les admire et les honore. La conclusion générale qui termine cette parabole, prouve qu’il faut entendre dans un sens plus élevé les paroles de Notre Seigneur, car il n’est pas vrai de dire que tous ceux qui s’élèvent devant les hommes, soient abaissés, ou que ceux qui s’humilient devant les hommes soient exaltés par eux, mais celui qui s’enorgueillit de ses mérites sera certainement humilié par le Seigneur, et celui qui s’humilie des bienfaits qu’il en a reçus sera élevé par sa main puissante. |
Lectio 3 [85887] Catena in Lc., cap. 14 l. 3 Theophylactus. Ex duabus partibus coena composita,
scilicet ex vocantibus et vocatis, partem vocatorum ad humilitatem iam
monuerat; consequenter vocantem monendo remunerat, retrahens eum ne gratia
hominum convivaret; unde dicitur dicebat autem ei qui se invitaverat : cum
facis prandium aut coenam, noli vocare amicos tuos neque fratres neque
cognatos neque vicinos neque divites. Chrysostomus.
Multae causae sunt quibus amicitiae foedus contrahitur; et illicitas
quidem praetermittimus, proponemus autem naturales et morales : naturales
quidem, puta patris ad filium, fratris ad fratrem, et aliorum huiusmodi; quod
significat dicens neque fratres neque cognatos; morales autem : puta conviva
factus est, aut convicinus est; et quantum ad hos dicit neque vicinos. Beda.
Fratres igitur et amicos et divites alterutrum convivia celebrare non
quasi scelus interdicit; sed, sicut cetera necessitatis humanae commercia, ad
promerenda vitae caelestis praemia, nil valere ostendit; unde subdit ne forte
et ipsi te reinvitent, et fiat tibi retributio. Non ait : et fiet tibi
peccatum. Cui simile est id quod alibi dicit : et si bene feceritis his qui
vobis bene faciunt, quae vobis est gratia? Sunt tamen quaedam mutua fratrum
vicinorumque convivia, quae non solum in praesenti retributionem, sed et
damnationem percipiunt in futuro; quae aut collatione omnium celebrantur; aut
vicibus solent a contubernalibus exhiberi : in quibus ad hoc convenitur ut
foeda gerantur, et ex copia incitetur libidinis diversa voluptas. Chrysostomus.
Non igitur hac spe aliis beneficia conferamus ut nobis retribuant; haec
enim frigida est intentio : unde talis amicitia celerius evanescit. Si vero
pauperem vocaveris, Deum numquam obliviscentem habebis debitorem; unde
sequitur sed cum facis convivium, voca pauperes, debiles, claudos et caecos.
Quanto enim minor est frater, tanto magis per eum Christus accedit et
visitat. Nam qui magnum suscipit, saepe propter vanam gloriam facit : sed et
utilitas pluries quaeritur, ut promoveatur per illum. Possem quidem plures
proponere ob hoc celeberrimos senatorum colentes, ut illis mediantibus
ampliorem gratiam obtineant principum. Non igitur illos quaeramus qui nobis
retribuere possunt; sequitur enim et beatus eris, quia non habent retribuere
tibi. Non ergo turbemur cum non recipimus beneficii recompensationem, sed cum
receperimus : quoniam si receperimus, non amplius recipiemus illic; sed si
minime retribuat homo, tunc ibi Deus retribuet; unde sequitur retribuetur
enim in resurrectione iustorum. Beda.
Et si omnes resurgunt, iustorum tamen resurrectio dicitur, quia in hac
resurrectione beatos se esse non dubitant; ergo qui pauperes ad convivium vocant,
in futuro praemia recipient; qui autem amicos, fratres et divites vocat,
recepit mercedem suam. Sed si hoc propter Deum facit in exemplum filiorum
Iob, sicut cetera fraternae dilectionis officia, ipse qui iussit remunerat.
Chrysostomus.
Sed dicitis : immundus est pauper et sordidus. Lava eum, et fac tecum in
mensa sedere. Si vestes sordidas habet, mundum indumentum exhibeas. Christus
accedit per eum, et tu frivola loqueris? Gregorius
Nyssenus. Non ergo negligas iacentes, quasi nullo sint digni; cogita qui
sint, et pretiositatem eorum invenies. Salvatoris induerunt imaginem,
futurorum bonorum heredes, regni clavigeri, accusatores et excusatores
idonei, non loquentes, sed inspecti a iudice. Chrysostomus.
Decet ergo eos sursum in solario suscipere; si non placet, saltem deorsum,
ubi sunt subiugalia et famuli, Christum suscipias : fiat saltem pauper
aedituus : ubi enim est eleemosyna, non audet intrare Diabolus : et si non
secum consedeas, mitte saltem eis de mensa fercula. Origenes.
Mystice vero qui vanam gloriam vitat, vocat ad spirituale convivium
pauperes, idest imperitos, ut ditet; debiles, hoc est laesam conscientiam
habentes, ut sanet; claudos, idest declinantes a ratione, ut rectas semitas
faciant; caecos, idest qui carent contemplatione veritatis, ut veram lucem
videant. Quod autem dicitur non possunt retribuere tibi, idest non noverunt
responsum proferre. |
Versets 12-14.
— Théophylacte : Un festin se compose de deux sortes de personnes (ceux qui invitent et ceux qui sont invités), Notre Seigneur ayant donc exhorté ceux qui sont invités à la pratique de l’humilité, s’acquitte envers celui qui l’avait invité, en lui recommandant de ne point inviter par un motif d’intérêt tout humain ([dans l’intention de recevoir de ses convives une invitation semblable]) : « Il dit aussi à celui qui l’avait invité : Lorsque vous donnerez à dîner ou à souper, n’appelez ni vos amis, ni vos frères, ni vos parents, ni vos riches voisins.» — S. Jean Chrysostome : (hom. sur la I Epit. aux Cor.) Il est plusieurs causes qui peuvent donner lieu aux relations d’amitié; nous passons sous silence les causes qui sont criminelles pour ne parler que des causes naturelles et morales; les causes naturelles produisent les rapports d’amitié, par exemple entre le père et le fils, entre les frères et les autres parents, et c’est d’eux que Notre Seigneur dit : « ni vos frères, ni vos parents. » Les causes morales sont, par exemple, les invitations réciproques ou le voisinage, et le Sauveur y fait allusion en ajoutant : « ni vos voisins. » — S. Bède : Notre Seigneur ne défend pas comme un crime aux frères, aux amis et aux riches, de se donner mutuellement des repas, mais il veut montrer que ces rapports comme toutes les autres relations sociales, sont de nul prix pour obtenir les récompenses de la vie céleste. C’est pour cela qu’il ajoute : « de peur qu’ils ne vous invitent à leur tour, et ne vous rendent ce qu’ils auront reçu de vous. » Il ne dit pas : de peur que vous ne deveniez coupable. Ces paroles ont la même signification que ces autres qu’il prononce ailleurs : « Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quel est votre mérite ? » (Lc 6.) Il est cependant de ces festins mutuels entre frères et voisins, qui non seulement reçoivent leur récompense ici-bas, mais aussi leur condamnation dans l’autre vie. Ce sont ces festins qu’on se donne à frais communs, ou bien tour à tour, et où on ne se réunit que dans un but criminel et pour exciter, par l’excès du vin, toutes les passions de la chair. — S.
Jean Chrysostome : (comme précéd.) Ne faisons donc jamais du
bien aux autres, dans l’espérance qu’ils nous le rendent, c’est là une
intention misérable; aussi une amitié de ce genre perd-elle bientôt toute sa
force; si au contraire vous invitez les pauvres, vous aurez pour débiteur
Dieu, qui ne vous oubliera jamais : « Mais
lorsque vous faites un festin, appelez-y les pauvres, les estropiés, les
boiteux et les aveugles. » (hom.
45 sur les Actes.) Plus votre
frère est obscur, plus vous êtes certain que Jésus-Christ se présente à vous
et vous visite dans sa personne. Celui qui reçoit un homme de condition, le
fait souvent pour un motif de vaine gloire [ou pour un motif semblable],
souvent encore dans un but d’intérêt personnel pour arriver plus aisément aux
honneurs. Je pourrais en citer un grand nombre qui courtisent les plus
illustres sénateurs, afin d’avoir par leur crédit une plus grande part aux
faveurs des princes. Ne recherchons donc point ceux qui peuvent nous rendre
le bien que nous leur faisons : « et
vous serez heureux de ce qu’ils n’ont rien à vous rendre. » Soyons
donc sans inquiétude, lorsque nous ne recevons pas la récompense de nos
bienfaits; soyons bien plutôt inquiets, quand nous la recevons, car alors nous
n’avons plus rien à attendre; mais si les hommes ne nous rendent rien, alors
c’est Dieu lui-même qui nous le rendra : « car
vous en recevrez la récompense à la résurrection des justes. » — S. Bède : Bien que la résurrection doive être générale, il est fait cependant une mention spéciale de la résurrection des justes, parce que dans cette résurrection, ils ne pourront douter de leur bonheur. Ceux donc qui invitent les pauvres à leurs repas, en recevront la récompense dans l’autre vie; ceux au contraire qui invitent leurs amis, leurs frères et les riches, reçoivent ici-bas leur récompense. Si cependant ils le font pour Dieu, à l’exemple des enfants de Job (Jb 1, 4), de même qu’ils remplissent les autres devoirs de la charité fraternelle, ils en seront récompensés par celui qui est l’auteur de ces devoirs. — S. Jean Chrysostome : (hom. 1 sur l’Epit. aux Coloss.) Vous me direz : Ce pauvre est d’une malpropreté repoussante : Lavez-le, et faites-le ensuite asseoir à votre table. Ses vêtements sont misérables ? donnez-lui en de plus convenables ? Comment, Jésus-Christ vous visite dans la personne de ce pauvre, et vous apportez d’aussi frivoles prétextes ? — S. Grégoire de Nysse : (Chronique des Pères grecs) Gardez-vous donc de mépriser les pauvres, comme s’ils n’avaient droit à rien. Réfléchissez à ce qu’ils sont, et vous reconnaîtrez bientôt leur dignité [et leur valeur]. Ils sont revêtus de l’image du Sauveur, ils sont les héritiers des biens futurs, les portiers du Royaume, de puissants accusateurs et d’éloquents défenseurs, sans avoir besoin de prendre la parole, mais par leur seule présence devant le Juge suprême. — S. Jean Chrysostome : (hom. 45 sur les Actes.) Vous devriez les recevoir sur la terrasse de votre maison exposée aux rayons du soleil (Jos 2, 6; Jg 16, 27; 1 R 9, 15; 2 R 11, 2; 16, 11). Si cela vous répugne, recevez au moins Jésus-Christ dans les places inférieures où sont vos animaux et vos serviteurs, que le pauvre soit au moins le portier de vos demeures; car le démon n’ose entrer là où on fait l’aumône; et si vous ne consentez à les faire asseoir près de vous, envoyez-leur au moins les miettes de votre table. — Origène : (ou Géom., Chronique des Pères grecs) Dans le sens figuré, celui qui peut éviter la vaine gloire, invite à son banquet spirituel les pauvres, c’est-à-dire les ignorants pour les enrichir; les infirmes, c’est-à-dire ceux dont la conscience est malade, pour les guérir; les boiteux, c’est-à-dire ceux qui s’écartent des sentiers de la raison, pour rendre droits leurs chemins; les aveugles, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent contempler la vérité, pour faire briller à leurs yeux la vraie lumière. Quant aux paroles qui suivent : « Ils ne peuvent vous le rendre, » c’est-à-dire ils sont incapables de vous répondre. |
Lectio 4 [85888] Catena in Lc., cap. 14 l. 4 Eusebius. Docuerat supra dominus praeparare convivium rependere
nequeuntibus, cum sit recompensandum in resurrectione iustorum : et ideo
quidam intelligens unum et idem esse resurrectionem iustorum et regnum Dei,
recompensationem praedictam commendat; sequitur enim haec cum audisset quidam
de simul discumbentibus, dixit illi : beatus qui manducabit panem in regno
Dei. Cyrillus.
Homo iste animalis erat, non diligenter percipiens ea quae Christus
protulerat : putavit enim corporeas esse remunerationes sanctorum. Augustinus
de Verb. Dom. Vel quia in longinqua iste suspirabat, et panis iste quem
desiderabat, ante illum discumbebat. Quis enim est panis regni Dei, nisi qui
dicit : ego sum panis vivus, qui de caelo descendi? Nolite parare fauces, sed
cor. Beda.
Sed quia nonnulli hunc panem fidetenus odorando percipiunt, dulcedinem
vero eius attingere veraciter gustando fastidiunt; subiecta parabola dominus
talium torporem caelestibus epulis dignum non esse redarguit; sequitur enim at
ille dixit ei : homo quidam fecit coenam magnam, et vocavit multos. Cyrillus.
Homo iste Deus pater est, secundum quod imagines ad similitudinem
veritatis figurantur. Chrysostomus.
Quoties enim punitivam suam virtutem indicare vult Deus, ursa, pardus, leo
et huiusmodi nuncupatur, quando vero misericordiam exprimere vult, dicitur
homo. Cyrillus. Hic ergo conditor omnium, atque gloriae pater, paravit
coenam magnam in Christo peractam. In novissimis enim temporibus, et quasi in
occasu nostri saeculi, illuxit nobis Dei filius; et mortem pro nobis
sustinens, dedit nobis proprium corpus comedere : unde et agnus in vespere
immolabatur iuxta legem Mosaicam. Merito igitur in coena dictum est paratum
in Christo convivium. Gregorius in Evang. Vel fecit coenam magnam, quia satietatem nobis
dulcedinis aeternae praeparavit : qui vocavit multos, sed pauci veniunt :
quia nonnunquam ipsi qui ei per fidem subiecti sunt, aeterno eius convivio
vivendo contradicunt. Hoc autem distare inter delicias corporis et cordis
solet, quod corporales deliciae cum non habentur, grave in se desiderium
accedunt; cum vero habitae eduntur, comedentem protinus in fastidium per
satietatem vertunt; at contra, spiritales deliciae cum non habentur, in
fastidio sunt; cum vero habentur, in desiderio. Sed superna pietas contemptas
illas delicias ad memoriae nostrae oculos revocat, atque ut fastidium nostrum
repellere debeamus invitat : unde sequitur et misit servum suum hora coenae
dicere invitatis ut venirent. Cyrillus.
Iste servus qui missus est, ipse Christus est, qui cum esset naturaliter
Deus, et verus Dei filius, exinanivit seipsum formam servi accipiens. Missus
est autem hora coenae : non enim a principio verbum patris nostram naturam
suscepit, sed in novissimo tempore. Subdit autem quia parata sunt omnia;
paravit enim pater in Christo bona collata mundo per ipsum, peccatorum
amotionem, spiritus sancti participationem, adoptionis splendorem; ad hoc
vocavit Christus per evangelica documenta. Augustinus
de Verb. Dom. Vel aliter. Homo iste mediator est Dei et hominis Christus
Iesus. Misit ut venirent invitati, idest per missos vocati prophetas. Qui
olim invitabant ad coenam Christi, saepe missi sunt ad populum Israel, saepe
vocaverunt ut ad horam coenae venirent : illi invitantes acceperunt, coenam
repudiarunt; prophetas legerunt, et Christum occiderunt; et tunc nobis coenam
nescientes paraverunt. Parata iam coena, idest
immolato Christo, missi sunt apostoli ad quos missi fuerant ante prophetae. Gregorius. Per hunc ergo servum qui a patrefamilias ad invitandum
mittitur, praedicatorum ordo significatur. Saepe autem solet evenire ut
persona potens famulum habeat despectum; cumque per eum dominus aliquid
mandat, non despicitur persona loquentis servi, quia servatur in corde
mittentis reverentia domini. Offert ergo Deus quod
rogari debuit, non rogare : dare vult quod vix sperari poterat; et tamen
simul omnes excusant; sequitur enim et coeperunt omnes simul excusare. Ecce
homo dives invitat, et pauperes occurrere festinant; ad Dei invitamur
convivium, et nos excusamus. Augustinus
de Verb. Dom. Tres autem fuerunt excusationes, de quibus subditur primus
dixit ei : villam emi, et necesse habeo exire, et videre illam. Rogo te, habe
me excusatum. In villa empta dominatio notatur : ergo superbia castigatur
vitium primum : primus enim homo dominari voluit, qui dominium habere noluit.
Gregorius.
Vel per villam terrena substantia designatur. Exit ergo videre illam qui
sola exteriora cogitat propter substantiam. Ambrosius.
Sic igitur emeritae militiae viro contemnendarum stipendium praescribitur
facultatum, quod neque ille qui studiis intentus inferioribus possessiones
sibi terrenas coemit, regnum caeli possit adipisci, cum dominus dicat : vende
omnia tua, et sequere me. Sequitur et alter dixit : iuga boum emi quinque, et
eo probare illa. Augustinus
de Verb. Dom. Quinque iuga boum sensus carnis huius quinque numerantur. In
oculis visus est, in auribus auditus, in naribus odoratus, in faucibus
gustus, in omnibus membris tactus. Sed quia iuga sunt, in tribus prioribus
sensibus facilius apparet : duo sunt oculi, duae aures, geminae nares : ecce
tria iuga : et in faucibus, idest sensu gustandi, geminatio quaedam
invenitur, quia nihil gustando sapit nisi lingua et palato tangatur : voluptas
carnis, quae ad tactum pertinet, occulte geminatur : est et forinsecus et
intrinsecus. Dicuntur autem iuga boum, quia per sensus istos carnis terrena
requiruntur : boves enim terram versant; homines autem remoti a fide,
terrenis dediti, nolunt credere aliquid nisi ad quod sensu corporis
perveniunt quinquepartito. Non, inquit, ego credo, nisi quod video. Si talia
cogitaremus, quinque illis iugis boum a coena impediremur. Ut noveritis autem
istorum quinque sensuum, non delectationem quae mulcet et ingerit voluptatem,
sed curiositatem quamdam notatam fuisse, non ait quinque iuga boum emi, eo
pascere illa, sed eo probare illa. Gregorius
in Evang. Corporales etiam sensus, quia interna comprehendere nequeunt,
sed sola exteriora agnoscunt, recte per eos curiositas designatur; quae dum
alienam quaerit vitam discutere, semper sua intima nesciens studet exteriora
cogitare. Sed notandum, quod is qui propter villam, et is qui propter
probanda iuga boum a coena sui invitatoris se excusat, humilitatis verba permiscet;
dum enim dicit rogo, et venire contemnit, humilitas sonat in voce, superbia
in actione. Sequitur alius dixit : uxorem duxi, et ideo non possum venire.
Augustinus
de Verb. Dom. Ista est voluptas carnis, quae multos impedit : utinam foris,
et non intus. Qui enim dixit uxorem duxi, carnem amplexatur, carnis
voluptatibus iucundatur, a coena excusatur : observet ne fame interna
moriatur. Basilius.
Dicit autem non possum venire, eo quod intellectus humanus vergens ad
mundanas illecebras debilis est ad agendum. Gregorius.
Quamvis autem bonum sit coniugium, atque ad propagandam sobolem divina
providentia constitutum, nonnulli tamen per hoc non fecunditatem prolis, sed
desideria expetunt voluptatis : et idcirco per rem iustam significari potest
non incongrue iniusta. Ambrosius.
Vel coniugium non reprehenditur, sed ad maiorem honorem vocatur integritas
: quoniam mulier innupta cogitat quae sunt domini, ut sit sancta corpore et
spiritu : quae autem nupta est, cogitat quae sunt mundi. Augustinus.
Ioannes autem dicens : omne quod est in mundo, concupiscentia carnis est,
et concupiscentia oculorum, et ambitio saeculi, inde coepit ubi Evangelium
terminum posuit. Concupiscentia carnis, uxorem duxi; concupiscentia oculorum,
quinque iuga boum emi; ambitio saeculi, villam emi. A parte autem in totum
commemorati sunt quinque sensus per solos oculos, quorum est in quinque
sensibus principatus : propterea cum proprie ad oculos pertineat visus, ipsum
videre per omnes quinque sensus solemus appellare. Cyrillus.
Quos autem intelligemus fuisse eos qui renuerunt praedictorum causa
venire, nisi praesides Iudaeorum, quos per totam sacram paginam de his
redargutos esse videmus? Origenes.
Vel aliter. Hi qui villam emerunt, et refutant coenam sunt qui receperunt
alia dogmata divinitatis, nec experti sunt verbum quod possidebant. Is autem
qui quinque paria boum emit, est qui naturam intellectualem contemnit, et
sensibilia sequitur : unde incorpoream naturam comprehendere non potest. Qui
autem uxorem duxit, est qui coniunctus est carni, voluptatum magis amator
quam Dei. Ambrosius.
Vel tria genera hominum a consortio istius coenae aestimemus excludi,
gentilium, Iudaeorum et haereticorum. Iudaei corporali ministerio iuga sibi
legis imponunt. Quinque autem iuga sunt verborum decem, vel quinque libri
veteris legis. At vero haeresis velut
Eva femineo rigore fidei tentat affectum. Et
apostolus dicit avaritiam esse fugiendam, ne impediti more gentili ad regnum
Christi pervenire nequeamus. Ergo et ille qui villam emit, alienus a regno
est, et ille qui iugum potius legis quam gratiae munus elegit, et ille qui se
propter ducendam excusat uxorem. Sequitur et reversus servus nuntiavit haec
domino suo. Augustinus
super Gen. Non propter inferiorum scientiam Deus nuntiis indiget, quasi
per eos fiat scientior; sed novit omnia stabiliter atque incommutabiliter.
Habet autem nuntios propter nos, et propter ipsos; quia illo modo Deo parere
et assistere, ut eum de inferioribus consulant, eiusque supernis iussis
obtemperent, bonum est eis in ordine propriae naturae. Cyrillus.
Iudaeorum autem primatibus vocationem renuentibus, sicut ipsi dicebant :
numquid aliquis principum credidit in eum? Indignatus est paterfamilias, quasi
eis dignis indignatione et ira; unde sequitur tunc iratus paterfamilias. Basilius.
Non quod irae passio divinae substantiae accidat; sed talis operatio, quae
in nobis ab ira fit, Dei ira et indignatio dicitur. Cyrillus.
Sic ergo indignatus dicitur paterfamilias in principes Iudaeorum, et
vocati sunt loco eorum, qui erant de multitudine Iudaeorum, fragilem et
impotentem mentem habentes. Loquente enim Petro, primo quidem tria millia,
deinde quinque millia crediderunt, et postmodum plurimus populus; unde
dicitur dixit servo suo : exi cito in plateas et vicos civitatis, et pauperes
ac debiles, caecos et claudos introduc huc. Ambrosius.
Invitat autem pauperes, debiles et caecos, ut ostendatur quod nullum
debilitas corporis excludit a regno, rariusque delinquat cui desit illecebra
peccandi; vel quod infirmitas peccatorum per misericordiam domini remittatur;
unde mittit ad plateas, ut de latioribus vicis ad angustam venirent viam.
Gregorius
in Evang. Quia ergo venire superbi renuunt, pauperes eliguntur : dicuntur
enim debiles et pauperes qui iudicio suo apud semetipsos infirmi sunt : nam
pauperes et quasi fortes sunt qui positi in paupertate superbiunt; caeci sunt
qui nullius ingenii lumen habent; claudi sunt qui rectos gressus in
operatione non habent. Sed dum horum vitia in membrorum debilitate
significantur, sicut illi peccatores fuerunt qui vocati venire noluerunt, ita
hi quoque qui invitantur et veniunt; sed peccatores superbi respuuntur,
humiles eliguntur. Hos itaque elegit Deus quos despicit mundus : quia
plerumque ipsa despectio hominem revocat ad semetipsum; et tanto celerius
vocem Dei aliqui audiunt, quanto in hoc mundo non habent unde delectentur.
Cum ergo de vicis et plateis ad coenam quosdam dominus vocat, illum populum
designat qui tenere legis urbanam conversationem noverat. Sed multitudo quae
ex Israel populo credidit, locum superni convivii non implevit; unde sequitur
et ait servus : domine, factum est ut imperasti, et adhuc locus est. Intravit
enim iam frequentia Iudaeorum; sed adhuc locus vacat in regno, ubi suscipi
debeat numerositas gentium; unde subditur et ait dominus servo : exi in vias
et sepes, et compelle intrare, ut impleatur domus mea. Cum convivas suos
colligi ex viis et sepibus praecipit, agrestem populum, idest gentilem, quaerit.
Ambrosius.
Vel mittit ad vias et circa sepes, quia hi apti sunt regno caelorum qui
nullis praesentium cupiditatibus occupati ad futura festinant, in quodam bono
voluntatis tramite constituti; et qui modo sepis, quae ab incultis culta
secernat, et incursus arceat bestiarum, norit bona malaque distinguere, et
adversus tentamenta nequitiae spiritualis, fidei munimen praetendere. Augustinus
de Verb. Dom. Venerunt de plateis et vicis gentes, veniunt de sepibus
haeretici : nam sepes qui construunt, divisiones quaerunt. Abstrahantur a sepibus, evellantur a spinis. Sed cogi nolunt :
voluntate, inquiunt, nostra intremus. Non hoc dominus imperavit
: coge, inquit, intrare. Foris inveniatur necessitas, nascitur inde voluntas. Gregorius.
Qui ergo huius mundi adversitatibus fracti ad Dei amorem redeunt,
compelluntur intrare. Sed valde tremenda est sententia quae subinfertur dico
autem vobis, quod nemo virorum illorum qui vocati sunt, gustabit coenam meam.
Nemo ergo contemnat; ne dum vocatus excusat, cum voluntatem habuerit, intrare
non valeat. |
Versets 15-24.
—
Eusèbe : Notre Seigneur venait de recommander
d’inviter au repas ceux qui ne peuvent le rendre, afin d’en recevoir la
récompense à la résurrection des justes. Un des convives qui confondait la
résurrection des justes avec le royaume de Dieu, exalte cette récompense qui
est promise : « Un de ceux qui
étaient à table avec lui, ayant entendu ces paroles, lui dit; Heureux celui
qui mangera le pain dans le royaume de Dieu. » — S. Cyrille : Cet homme avait des idées toute charnelles, et ne comprenait pas le sens exact des paroles du Sauveur; car il s’imaginait que les récompenses des saints seraient matérielles. — S. Augustin : (serm. 33 sur les par. du Seig.) Peut-être encore était-ce qu’il soupirait après un bonheur qui lui paraissait éloigné, tandis qu’il avait sous les yeux le pain qui faisait l’objet de ses désirs. Car quel est le pain du royaume de Dieu, si ce n’est celui qui a dit : « Je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel ? » (Jn 6.) Ce n’est donc pas la bouche qu’il faut ouvrir, c’est le coeur. — S. Bède : Mais comme il en est plusieurs qui se contentent de sentir par la foi l’odeur de ce pain céleste, mais qui dédaignent d’en savourer les douceurs en le mangeant réellement, Notre Seigneur se sert de la parabole suivante pour déclarer que ce dédain les rend indignes du festin des cieux : « Et il leur dit : Un homme fit un grand festin et y convia beaucoup de monde. » — S. Cyrille : Cet homme, c’est Dieu le Père, d’après la signification de ces paraboles, qui sont les images de la vérité. — S. Jean Chrysostome : Toutes les fois que Dieu veut exprimer sa puissance vindicative, il se sert des comparaisons de l’ours, du léopard, du lion, et d’autres du même genre, mais quand il veut nous parler de sa miséricorde, il se présente à nous sous la figure d’un homme. — S. Cyrille : Le Créateur de toutes choses, et le Père de gloire, [le Seigneur en un mot,] a préparé un grand festin, qui a eu lieu dans la personne du Christ. Dans les derniers temps, et comme vers le déclin de notre monde, le Fils de Dieu a fait briller sa lumière à nos yeux, et en mourant pour nous, il nous a donné son corps à manger; c’est pour cela qu’on immolait chaque jour, au soir, un agneau selon les prescriptions de la loi de Moïse, et c’est pour cela que le festin qui nous est préparé dans la personne de Jésus-Christ, porte le nom de cène. — S. Grégoire : (hom. 36 sur les Evang.) Ou bien, il a fait un grand festin, en nous préparant le banquet des douceurs éternelles, où tous nos désirs seront satisfaits. Il y convie beaucoup de monde, et peu se rendent à son invitation, parce que souvent ceux qui font profession de lui être soumis par la foi, se rendent indignes par [la dépravation de] leur vie de son banquet éternel. Or, il y a cette différence entre les plaisirs du corps et ceux du coeur, que les plaisirs du corps excitent de violents désirs avant qu’on les ait goûtés, mais dès qu’on en est en possession, ils se changent en satiété et en dégoût pour celui qui s’y est livré; au contraire, les délices spirituelles inspirent le dégoût à ceux qui ne les connaissent pas, tandis qu’elles excitent de vifs désirs dans le coeur de celui qui les a une fois goûtées. C’est pour cela que la miséricorde divine place sous les yeux de notre âme ces délices spirituelles que nous dédaignons, et pour combattre cet éloignement, nous invite à venir les goûter : « Et il envoya son serviteur, à l’heure du dîner, dire aux invités : ‘Venez’» — S. Cyrille : Ce serviteur qui est envoyé, c’est Jésus-Christ lui-même (cf. Mt 12, 18) qui étant Dieu par essence, et vrai Fils de Dieu, s’est anéanti lui-même en prenant la forme d’esclave. Il a été envoyé à l’heure de la Cène; car ce n’est pas dès l’origine que le Verbe du Père s’est revêtu de notre nature, mais dans les derniers temps. Il ajoute : « parce que tout est prêt. » Dieu le Père, en effet, nous a préparé dans la personne de Jésus-Christ, tous les biens qu’il a répandus par lui sur le monde, la rémission des péchés, la participation à l’Esprit saint, l’honneur de l’adoption divine; c’est à toutes ces grâces que Jésus-Christ est venu nous appeler par les enseignements de l’Évangile. — S. Augustin : (serm. 33 sur les par. du Seig.) Ou bien encore cet homme, c’est le médiateur de Dieu et des hommes, Notre Seigneur Jésus-Christ. Il envoie presser de venir les invités, c’est-à-dire ceux qui avaient été invités par les prophètes qu’il avait envoyés. Ils étaient chargés, en effet, d’inviter à la Cène du Christ; ils ont été souvent envoyés aux enfants d’Israël, souvent ils leur ont renouvelé l’invitation de venir à l’heure de la Cène; ceux-ci ont accepté l’invitation, et ont refusé de venir au festin; et c’est ainsi que sans le savoir, ils nous ont préparé ce grand festin. Lorsque tout fut prêt pour ce festin, c’est-à-dire lorsque Jésus-Christ fut immolé, les Apôtres furent envoyés à leur tour vers ceux à qui Dieu avait autrefois envoyé les prophètes. — S. Grégoire : (comme précéd.) Ce serviteur, que le père de famille envoie vers les invités, figure l’ordre des prédicateurs. Or, il arrive souvent qu’un personnage puissant ait un serviteur qui parait mériter peu de considération; cependant lorsque le maître transmet ses ordres par ce serviteur, on se garde de mépriser sa personne, parce qu’on respecte intérieurement l’autorité du Maître qui l’a envoyé. Dieu offre donc ce qu’on aurait dû le supplier de donner, et qu’il prie lui-même de recevoir; il veut donner ce qu’on pouvait à peine espérer, et tous s’excusent comme de concert. « Et ils commencèrent à s’excuser tous ensemble. » Un homme riche invite à son festin, et tous les pauvres s’empressent de se rendre à son invitation; Dieu nous invite à son banquet, et nous apportons des excuses. — S. Augustin : (comme précéd.) Nous voyons ici trois excuses différentes : « Le premier dit : J’ai acheté une maison de campagne, et il faut que j’aille la voir. Je t’en prie, tiens moi pour excusé. » Cette maison de campagne figure l’esprit de domination, aussi l’orgueil est le premier des vices qui aient été châtiés; car le premier homme a voulu dominer, en cherchant à se soustraire à l’autorité de Dieu qu’il avait pour Maître. — S. Grégoire : Ou encore, cette maison de campagne représente les biens de la terre, cet homme va donc la voir, parce qu’il ne pense qu’aux biens extérieurs destinés à l’entretien de cette vie. — S.
Ambroise : Il est donc ordonné au fidèle qui s’est
engagé dans la milice sainte, de mépriser tous les biens de la terre, parce
que celui qui, tout occupé d’intérêts secondaires, achète des propriétés
ici-bas, ne peut acquérir le royaume des cieux, au témoignage du Sauveur qui
a dit : « Vendez tout ce que vous
avez, et suivez-moi (cf. Mt 19, 21; Mc 10, 21; Lc 18, 22). » « Un
second dit : J’ai acheté cinq paires de boeufs, et je vais les
essayer. » — S. Augustin : (serm. 33 sur les par. du Seig.) Ces cinq paires de boeufs figurent les cinq sens de notre corps, la vue dans les yeux; l’ouïe dans les oreilles; l’odorat dans les narines, le goût dans la bouche; le toucher répandu dans tous les membres. Mais l’analogie parait plus frappante dans les trois premiers sens, parce qu’ils sont doubles; nous avons deux yeux, deux oreilles, deux narines, voilà trois paires. Nous trouvons aussi dans la bouche, c'est-à-dire dans le sens du goût comme un double sens parce que nous ne pouvons rien sentir par le goût que par le contact de la langue et du palais. Quant à la volupté de la chair qui se rapporte au sens du toucher, elle cache aussi une double sensation extérieure et intérieure. Ces cinq sens sont comparés à des paires de boeufs, parce que les boeufs labourent la terre, et que c’est par les sens du corps que nous sommes en rapport avec les choses de la terre. Ainsi les hommes éloignés de la foi, et livrés tout entiers aux intérêts de la terre, ne veulent rien croire que ce qu’ils peuvent percevoir par un des cinq sens du corps : « Je ne crois que ce que je vois, » telle est leur maxime. Si telles étaient nos pensées, les cinq paires de boeufs nous empêcheraient de nous rendre au festin. Et pour vous faire comprendre que l’obstacle qui vient de ces cinq sens n’est pas le plaisir qui charme, la volupté qui entraîne, mais un simple mouvement de curiosité, cet homme ne dit pas : J’ai acheté cinq paires de boeufs, et je vais les faire paître, mais : « Je vais les essayer. » — S. Grégoire : (hom. 36 sur les Evang.) Comme les sens du corps ne peuvent comprendre les choses intérieures et ne connaissent que ce qui paraît au dehors, ils représentent à juste titre la curiosité qui, en cherchant à discuter la vie d’autrui, ignore toujours son état intérieur, et se répand tout entière dans les choses extérieures. Remarquez encore que ceux qui s’excusent de venir au festin où ils sont invités, l’un, parce qu’il va voir sa maison de campagne; l’autre, parce qu’il veut essayer les boeufs qu’il a achetés, s’excusent avec une espèce de respect et d’humilité : « Je vous prie, » disent-ils, et ils refusent de venir, c’est-à-dire que l’humilité est dans leurs paroles, et l’orgueil dans leur manière d’agir. « Un
autre dit : J’ai pris une femme, et c’est pourquoi je ne puis venir. » — S. Augustin : (serm. 33 sur les par. du Seig.) Ce sont les plaisirs de la chair qui sont un obstacle pour le [plus] grand nombre, et plût à Dieu que cet obstacle ne fût qu’extérieur ! Car celui qui prend une femme, qui se livre aux joies de la chair, et s’excuse de venir au festin, doit prendre bien garde de ne pas s’exposer à mourir de faim intérieure. — S. Basile : (Chronique des Pères grecs) Il dit : « Je ne puis venir, » parce que l’esprit de l’homme qui se laisse entraîner par les charmes du monde, n’a plus de force pour pratiquer [les commandements divins]. — S. Grégoire : (hom. 36 sur les Evang.) Bien que le mariage soit bon et établi par la divine Providence pour la propagation du genre humain, il en est plusieurs néanmoins qui s’y proposent, non d’avoir une nombreuse famille, mais la satisfaction de leurs désirs voluptueux; et voilà pourquoi une chose juste [et licite], peut très bien être la figure d’une chose injuste et criminelle. — S.
Ambroise : On peut dire encore que le Sauveur ne
blâme pas ici le mariage, mais qu’il lui préfère la chasteté qu’il appelle à
de plus grands honneurs; car une femme qui n’est point mariée, pense aux
choses qui sont du Seigneur, afin d’être sainte de corps et d’esprit; mais
celle qui est mariée, pense aux choses du monde. (1 Co 7,
34.) — S. Augustin : (serm. 33 sur les par. du Seig.) Or, saint Jean, en disant : « Tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et ambition du monde (1 Jn 2, 16), » commence par où l’Évangile termine : « J’ai pris une femme, » voilà la concupiscence de la chair : « J’ai acheté cinq paires de boeufs, » c’est la concupiscence des yeux; « J’ai acheté une maison de campagne, » voilà l’ambition du siècle. C’est en prenant la partie pour le tout, que les cinq sens sont représentés par les yeux seuls qui tiennent le premier rang parmi les sens; aussi, bien que les yeux soient l’organe spécial de la vue, cependant dans le langage habituel, nous étendons aux cinq sens la faculté de voir. — S. Cyrille : Or, quels sont ceux qui, pour ces différents motifs, ont refusé de se rendre à l’invitation qui leur était faite, si ce n’est les principaux d’entre les Juifs dont la sainte Écriture condamne à chaque page la coupable indifférence ? — Origène
: (et Géom. Chronique des Pères
grecs) Ou bien encore, ceux qui ont acheté la maison de campagne et
refusél’invitation au banquet, sont ceux qui ont reçu tous les autres
enseignements divins, mais qui ne les ont point mis en pratique, et n’ont eu
que du mépris pour la divine parole qu’ils possédaient. Celui qui avait
acheté cinq paires de boeufs, est la figure de ceux qui négligent leur nature
spirituelle pour s’attacher aux choses sensibles, et qui se rendent
incapables de comprendre ce qui est immatériel. Celui qui a pris une femme,
représente ceux qui sont étroitement liés à la chair, et qui ont plus d’amour
pour la volupté que pour Dieu. (2
Tm 3, 4.) — S. Ambroise : On peut voir encore ici trois sortes d’hommes qui sont exclus de ce festin; les Gentils, les Juifs et les hérétiques. Les Juifs, esclaves d’une religion tout extérieure, portent le joug de la loi; les cinq paires de boeufs, sont les dix commandements [dont il est dit (Dt 4, 13) : « Dieu vous a fait connaître son alliance qu’il vous a commandé d’observer, et les dix paroles. qu’il écrivit sur deux tailles de pierre, » etc. (c’est-à-dire, les commandements du Décalogue)]; ou bien les cinq paires de boeufs sont les cinq livres de la loi ancienne; en second lieu, l’hérésie, comme Ève autrefois, tente le sentiment de la foi par ses entraînantes séductions. Enfin l’Apôtre nous recommande [en plusieurs endroits (Ep 5; Col 3; He 13; 2 Tm 2)] de fuir l’avarice, qui nous empêcherait, comme les Gentils, de parvenir au royaume de Jésus-Christ. Ainsi celui qui a acheté une maison de campagne, celui qui a mieux aimé porter le joug de la loi que celui de la grâce, et celui qui s’excuse, parce qu’il vient de se marier, sont tous exclus du royaume de Dieu. « Le
serviteur étant revenu, rapporta tout ceci à son maître. » — S. Augustin : (sur la Genès. expliq. littér., v. 19.) Dieu n’a pas besoin d’envoyés pour connaître ce qui se passe dans le monde qui lui est inférieur, et ils ne peuvent ajouter rien à sa science, car elle embrasse toutes choses dans sa durée comme dans son immutabilité; si donc il se sert d’envoyés, c’est tout à la fois dans leur intérêt et dans le nôtre, car c’est un avantage en rapport avec leur nature, que de se tenir ainsi sous les yeux et en présence de Dieu, pour le servir vis-à-vis des créatures inférieures et exécuter ses ordres suprêmes. — S. Cyrille : Ce refus des premiers d’entre les Juifs de se rendre à l’appel de Dieu, refus qu’ils constatent par leurs propres paroles : « Y a-t-il quelqu’un des sénateurs [ou des pharisiens] qui ait cru en lui ? » (Jn 7, 48) remplit d’une juste indignation le père de famille : « Alors le père de famille, irrité, » etc. — S. Basile : (cf. Ps 37; Is 5, 25) La divinité ne peut être accessible à la passion de la colère, mais nous appelons en Dieu colère et indignation, ce qui ressemble aux sentiments que nous éprouvons sous l’impression de ces passions. — S. Cyrille : Le père de famille fut donc irrité contre les principaux des Juifs, et à leur place il appela ceux qui, parmi eux, composaient le peuple et qui avaient un esprit faible et plus borné. Ainsi à la parole de Pierre, trois mille d’abord (Ac 2), cinq mille ensuite (Ac 4), embrassèrent la foi, et une grande multitude après eux. Écoutez, en effet, ce que le maître dit au serviteur : « Allez vite dans les places et les rues de la ville, et amenez ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. » — S. Ambroise : Il invite les pauvres, les infirmes et les aveugles, pour montrer qu’aucune infirmité corporelle n’exclut du royaume; que celui qui n’est point exposé aux séductions du péché, tombe aussi plus rarement dans le péché, et aussi peut-être que l’infirmité que produit le péché est guérie par la miséricorde de Dieu; c’est pour cela qu’il les envoie chercher sur les places publiques, afin de leur faire quitter les voies larges et spacieuses pour suivre le sentier étroit. — S. Grégoire : (hom. 36 sur les Evang.) Au défaut des orgueilleux qui refusent de venir, les pauvres sont choisis; le texte sacré dit les infirmes et les pauvres qui sont infirmes à leurs yeux, car il y a des pauvres que l’on peut regarder comme forts, ce sont ceux qui sont orgueilleux jusqu’au sein de la pauvreté; les aveugles sont ceux qui n’ont aucune lumière dans l’esprit; les boiteux, ceux qui manquent de droiture dans leurs actions. Or, comme les infirmités corporelles de ces derniers sont la figure de leurs vices intérieurs, il s’ensuit que ceux qui ont été invités et ont refusé de venir, et ceux qui ont répondu à l’invitation étaient pécheurs les uns comme les autres; mais les premiers ont été rejetés comme des pécheurs orgueilleux, tandis que les seconds ont été choisis, parce qu’ils étaient humbles : Dieu choisit donc ceux que le monde méprise, car la plupart du temps, le mépris des hommes fait rentrer en soi-même, et on écoute avec d’autant plus de docilité la voix de Dieu, que le monde offre moins d’attraits. Dieu appelle donc à son festin ceux qui sont dans les rues et les places publiques, ils sont la figure de ce peuple qui tenait à honneur d’être fidèle à l’observation de la loi, mais la multitude du peuple d’Israël qui a embrassé la foi, n’a pu remplir la salle du festin des cieux. Aussi écoutez la suite : « Et le serviteur dit à son maître : Il a été fait comme vous avez commandé; et il y a encore de la place, » etc. Les Juifs sont en effet entrés en grand nombre, mais il y a encore de la place dans le royaume pour recevoir la multitude innombrable des Gentils. C’est pourquoi « le maître dit au serviteur : Allez dans les chemins et le long des haies, et contraignez-les d’entrer, afin que ma maison soit remplie. » Ces convives qu’il envoie chercher dans les chemins et le long des haies, c’est un peuple encore barbare et grossier, c’est-à-dire le peuple des Gentils. — S. Ambroise : Ou bien il envoie dans les chemins et le long des haies, pour figurer que ceux-là sont propres au royaume des cieux qui, dégagés de toutes les passions de la vie présente, se hâtent d’arriver à la possession des biens futurs, en suivant le sentier que leur bonne volonté leur a ouvert; et aussi ceux qui, semblables aux haies qui séparent la terre cultivée de celle qui ne l’est pas, et la défend coutre le ravage des animaux, savent discerner le bien du mal et opposer le rempart de la foi aux attaques de l’esprit du mal (Ep 6, 12 ). — S. Augustin : (serm. 33 sur les par. du Seign.) Les Gentils sont venus des chemins et des places publiques, les hérétiques viennent comme du milieu des haies. Ceux, en effet, qui plantent des haies, cherchent à établir des divisions; qu’ils soient donc retirés d’entre ces haies, qu’ils soient arrachés du milieu de ces épines. Mais ils ne veulent pas qu’on les contraigne : « Nous entrerons, disent-il, de notre propre volonté. » Ce n’est pas ce que le Seigneur a commandé : « Contraignez-les d’entrer, » nous dit-il, usez de contrainte au dehors, de là naîtra la bonne volonté. — S. Grégoire : (hom. 36 sur les Evang.) Ceux qui reviennent à l’amour de Dieu, après avoir été brisés par les tribulations du monde, entrent comme par violence. Mais la sentence est de nature à nous faire trembler : « Or, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités, ne goûtera de mon festin. » Gardons-nous donc de mépriser [l’invitation qui nous est faite], de peur qu’après nous être excusés d’y répondre, nous ne puissions plus entrer dans la salle du festin, lorsque nous en aurons la volonté. |
Lectio 5 [85889] Catena in Lc., cap. 14 l. 5 Gregorius in Evang. Ad audita caelestia praemia inardescit animus,
iamque illic cupit assistere ubi se sperat sine fine gaudere. Sed
ad magna praemia perveniri non potest nisi per magnos labores; unde dicitur
ibant autem turbae multae cum eo, et conversus dixit ad illos : si quis venit
ad me, et non odit patrem suum et matrem et uxorem et filios et fratres et
sorores, adhuc autem et animam suam, non potest esse meus discipulus. Theophylactus.
Quia enim multi comitantium ipsum non ex toto affectu, sed tepide
sequebantur, ostendit qualem deceat esse suum discipulum. Gregorius.
Sed percunctari libet : quomodo parentes et carnaliter propinquos
praecipimur odisse, qui iubemur et inimicos diligere? Sed si vim praecepti
perpendimus, utrumque agere per discretionem valemus : ut eos qui nobis
carnis cognatione coniuncti sunt, et quos proximos novimus, diligamus; et
quos adversarios in via Dei patimur, odiendo et fugiendo nesciamus. Quasi
enim per odium diligitur qui carnaliter sapiens, dum prava nobis ingerit, non
auditur. Ambrosius.
Etenim si propter te dominus suae renuntiat matri, dicens : quae est mater
mea et qui fratres mei? Cur tu domino tuo cupias anteferri? Sed neque ignorare
naturam, neque saevire dominus iubet; sed ita indulgere naturae ut venereris
auctorem, nec a Deo parentum amore desistas. Gregorius.
Ut autem dominus demonstraret hoc erga proximos odium non de affectione
procedere, sed de caritate, addidit dicens adhuc autem et animam suam.
Constat ergo quia amando debet odisse proximum qui sic eum odit sicut seipsum
: seipsum : enim bene animam nostram odimus, cum eius carnalibus desideriis
non acquiescimus, cum eius appetitum frangimus, eius voluptatibus reluctamur.
Quae ergo contempta ad melius ducitur, quasi per
odium amatur. Cyrillus. Non est autem fugienda vita qua in corpore vivitur, sed
servanda, sicut et Paulus servavit, ut Christum adhuc vivens in corpore
praedicaret; sed ubi oportebat vitam contemnere ut cursum consummaret, nec
animam pretiosam sibi esse fatetur. Gregorius.
Hoc autem animae odium qualiter exhiberi debeat, manifestat subdens qui
non baiulat crucem suam et venit post me, non potest meus esse discipulus.
Chrysostomus.
Non autem hoc dicit ut trabem super humeros apponamus, sed ut semper
mortem prae oculis nostris habeamus; sicut et Paulus moriebatur quotidie, et
mortem contemnebat. Basilius.
Crucem etiam tollens, mortem domini annuntiabat, dicens : mihi mundus
crucifixus est, et ego mundo; quod etiam nos in ipso Baptismate anticipamus,
ubi vetus homo noster crucifixus est, ut destruatur corpus peccati. Gregorius.
Vel quia crux a cruciatu dicitur, duobus modis crucem domini baiulamus;
cum aut per abstinentiam carnem affligimus, aut per compassionem proximi,
necessitatem illius nostram putamus. Sed quia nonnulli carnis abstinentiam
non pro Deo, sed pro inani gloria exhibent, et compassionem non spiritualiter
sed carnaliter impendunt, recte additur et venit post me. Baiulare enim crucem,
et post dominum ire est vel carnis abstinentiam, vel compassionem proximorum
pro studio aeternae intentionis exhibere. |
Versets 25-27.
— S. Grégoire : (hom. 37 sur les Evang.) L’âme s’enflamme en entendant parler des récompenses célestes, et elle désirerait déjà être transportée dans ce séjour d’éternelle félicité; mais on ne peut parvenir à ces grandes récompenses sans de grands efforts. C’est ce que Notre Seigneur va nous apprendre : « Comme des foules nombreuses cheminaient avec lui, il se retourna et leur dit : ‘Si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple’ ». — Théophylacte : Parmi ceux qui l’accompagnaient, il en était beaucoup qui ne le suivaient pas de tout coeur, mais avec une certaine tiédeur; il leur apprend donc les qualités que doit avoir son disciple. — S. Grégoire : (hom. 37.) On peut demander comment Notre Seigneur nous fait un devoir de haïr nos parents et ceux qui nous sont unis par les liens du sang, tandis qu’il nous est commandé d’ailleurs d’aimer jusqu’à nos ennemis ? Mais si nous comprenons bien toute la force de ce précepte, nous pourrons pratiquer l’un et l’autre par un sage discernement; d’un côté, aimer ceux qui nous sont unis par les liens du sang et que nous reconnaissons pour nos proches; de l’autre, haïr et éviter ceux qui se déclarent contre nous dans la voie de Dieu, car en refusant d’écouter les mauvaises suggestions des hommes charnels, nous les aimons jusque dans notre haine. — S. Ambroise : Le Seigneur, dans votre intérêt, a renié sa mère : « Quelle est ma mère, et quels sont mes frères ? » (Mt 12, Mc 3.) Et vous oseriez-vous préférer à votre Dieu ? Le Seigneur ne veut, ni que nous méconnaissions les droits de la nature, ni que nous en soyons esclaves; nous devons leur accorder assez pour honorer l’auteur de la nature, mais ne jamais nous séparer de Dieu par amour pour nos parents. — S. Grégoire : (hom. 37.) Pour démontrer plus clairement que cette haine pour nos parents prenait son principe, non d’un mauvais sentiment ou de la passion, mais de la charité, Notre Seigneur ajoute : « et même sa propre vie. » Il est donc évident que celui qui hait son prochain comme soi-même, doit l’aimer tout en le haïssant, car nous avons pour notre âme une haine vraiment louable, lorsque nous ne consentons pas à ses désirs charnels, lorsque nous brisons ses inclinations, lorsque nous luttons contre ses penchants voluptueux. Puisque nous la rendons meilleure en la traitant avec mépris, nous l’aimons donc jusque dans la haine que nous avons pour elle. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs et liv. V sur Isaie.) Nous ne devons pas chercher à quitter la vie que saint Paul lui-même a conservée dans son corps et dans son âme, pour l’employer tout entière à la prédication de Jésus-Christ, mais il nous déclare lui-même que lorsqu’il fallait exposer sa vie pour achever sa course, elle ne lui était plus alors d’aucun prix. (Ac 20, 24.) — S. Grégoire : (hom. 37.) Mais comment cette haine pour notre propre vie doit-elle se manifester ? Voici : « Et celui qui ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple.» — S. Jean Chrysostome : Il ne veut pas dire que nous devions porter sur nos épaules une croix de bois, mais que nous devons avoir la mort toujours présente à nos yeux, comme saint Paul qui mourait tous les jours (1 Co 15), et qui méprisait la mort. — S.
Basile : (Régl.
abrég., quest. 234.) En portant ainsi sa croix, il annonçait
la mort du Seigneur et disait : « Le
monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour lui. » (Ga 6.) Et c’est ce que nous
commençons nous-mêmes à faire au baptême dans lequel « notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps
du péché soit détruit. » (Rm 6.) — S. Grégoire : (hom. 37.) Comme le mot croix vient de « souffrance cruelle », nous portons la croix du Seigneur de deux manières; ou lorsque nous mortifions notre chair par la pénitence, ou lorsque la compassion pour le prochain nous identifie avec ses propres souffrances. Mais il en est quelques-uns qui pratiquent la mortification, non pour plaire à Dieu, mais par un motif de vaine gloire, et qui témoignent au prochain une compassion non pas spirituelle, mais charnelle, Notre Seigneur ajoute : « et ne me suit pas. » Car porter sa croix et suivre le Sauveur, c’est pratiquer la mortification de la chair, ou compâtir aux souffrances du prochain en vue de la récompense éternelle. |
Lectio 6 [85890] Catena in Lc., cap. 14 l. 6 Gregorius in Evang. Quia sublimia praecepta data sunt, protinus
comparatio aedificandae sublimitatis adiungitur cum dicitur quis enim ex
vobis volens turrim aedificare, nonne prius sedens computat sumptus qui
necessarii sunt, si habeat ad perficiendum? Omne enim quod agimus, praevenire
per studium considerationis debemus. Si igitur humilitatis turrim construere
cupimus, prius nos praeparare ad adversa huius saeculi debemus. Basilius. Vel turris est alta speculatio ad custodiam civitatis et
perceptionem hostilium occursuum apta : ad huius instar nobis datus est
intellectus conservativus bonorum, praemeditativus contrariorum; ad huius
aedificationem praecipit dominus sedentes ponere calculum, si suppetat
facultas ad finem. Gregorius
Nyssenus. Insistendum est enim ut cuiuslibet ardui propositi terminus
attingatur variis augmentis mandatorum Dei, consummando opus divinum; nam
neque lapis unus est tota turris fabrica, neque unicum mandatum ducit ad
animae perfectionem; sed fundamentum oportet subsistere, et secundum
apostolum insuper apparatus est auri, et argenti, et pretiosorum lapidum
apponendus; unde subditur ne posteaquam posuerit fundamentum, et non potuerit
perficere, omnes qui viderint, incipiant illudere ei dicentes, quia hic homo
coepit aedificare, et non potuit consummare. Theophylactus.
Non enim debemus ponere fundamentum, idest sequi Christi initium, et finem
non imponere, sicut illi de quibus Ioannes dicit quod multi ex discipulis
eius abierunt retrorsum. Vel fundamentum intellige doctrinalem sermonem, puta
de abstinentia. Opus est igitur praedicto fundamento operationis aedificium,
ut perficiatur nobis turris fortitudinis a facie inimici. Alioquin deridetur
homo a videntibus eum, tam hominibus quam Daemonibus. Gregorius.
In bonis enim operationibus intenti, nisi contra malignos spiritus
sollicite vigilemus, ipsos irrisores patimur, quos ad malum persuasores
habemus. Sed ex minori ad maius similitudo subditur, ut ex rebus minimis
maiora pensentur; nam sequitur aut quis rex iturus committere bellum adversus
alium regem, nonne prius sedens cogitat si possit cum decem millibus
occurrere ei qui cum viginti millibus venit ad se? Cyrillus.
Incumbit enim nobis praelium contra spiritalia nequitiae in caelestibus; urget
autem nos et aliorum hostium multitudo, carnale flagitium, lex saeviens in
membris nostris, et variae passiones, hoc est dira hostium multitudo. Augustinus
de quaest. Evang. Vel decem millia praeliaturi cum rege qui habet viginti
millia, significant simplicitatem Christiani hominis, dimicaturi cum
duplicitate Diaboli. Theophylactus.
Est autem rex peccatum regnans in nostro mortali corpore; sed et noster
intellectus creatus est rex. Ergo si repugnare velit peccato, toto animo
cogitet secum : nam Daemones sunt peccati satellites, qui videntur viginti
millium numero praecellere decem millia nostra : quia cum incorporei sint,
nobis comparati corporeis, multo maiorem fortitudinem habere censentur. Augustinus.
Sicut autem de turri non perfecta per opprobrium deterruit dicentium quia
hic homo coepit aedificare, et non potuit consummare; sic in rege cum quo
dimicandum est, ipsam pacem accusavit, cum subdit alioquin, adhuc illo longe
agente, legationem mittens, rogat ea quae pacis sunt : significans etiam minas
imminentium tentationum a Diabolo non sustinere eos qui non renuntiant
omnibus quae possident, et pacem cum eo facere, consentiendo illi ad
committendum peccata. Gregorius. Vel aliter. In illo tremendo examine cum rege nostro ex
aequo ad iudicium non venimus; decem millia quippe ad viginti millia, simplum
ad duplum sunt. Cum duplo ergo exercitu contra simplum
venit, quia nos vix in solo opere praeparatos simul de opere et cogitatione
discutit. Dum ergo adhuc longe est, quia adhuc praesens per iudicium non
videtur, mittamus ad eum legationem lacrymas nostras, misericordiae opera,
hostias placationis; haec est nostra legatio, quae regem venientem placat. Augustinus
ad Laetam. Quomodo autem pertineant istae similitudines, ipsa conclusione
satis aperuit, dicens sic ergo omnis ex vobis qui non renuntiat omnibus quae
possidet, non potest meus esse discipulus. Itaque sumptus ad turrim
aedificandam, et valentia decem millium adversus regem qui viginti millia
habet, nihil aliud est, quam ut renuntiet unusquisque omnibus quae sunt eius.
Praelocutio autem superior cum extrema locutione concordat : in eo enim quod
aliquis renuntiat omnibus quae sunt eius, etiam illud continetur ut oderit
patrem suum, et matrem, et uxorem, et filios, et fratres, et sorores, adhuc
et animam suam. Omnia enim haec propria alicuius sunt, quae plerumque
implicant et impediunt ab obtinenda non ista propria temporaliter transitura,
sed in aeternum mansura communia. Basilius.
Est autem intentio domini per exempla praedicta non utique praebere
potestatem eius discipulum fieri vel non fieri, sicut licet vel non inchoare
fundamentum vel tractare pacem; sed ostendere impossibilitatem divini
beneplaciti observandi inter distrahentia animam, inter quae periclitatur
facta venalis ab astutiis Daemonis. Beda.
Distat autem inter renuntiare omnibus et relinquere omnia : paucorum enim
perfectorum est relinquere omnia, hoc est curas mundi postponere; cunctorum
autem fidelium est renuntiare omnibus, hoc est sic tenere quae mundi sunt, ut
tamen per ea non teneantur in mundo. |
Versets 28-33.
— S. Grégoire : (hom. 37 sur les Evang.) Notre Seigneur vient de donner de sublimes préceptes, il les appuie par la comparaison d’un grand édifice qu’il s’agit de construire : « Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne s’assied pas auparavant, pour supputer les dépenses qui seront nécessaires, pour voir s’il a de quoi l’achever. » Toutes nos actions, en effet, doivent être précédées d’une sérieuse réflexion. Voulons-nous donc construire la tour de l’humilité ? préparons-nous tout d’abord aux contradictions du monde. — S. Basile : (Comment. sur Is 2.) Ou bien cette tour est un observatoire élevé, d’où l’on peut facilement veiller à la garde de la ville et découvrir les approches de l’ennemi; de même Dieu nous a donné l’intelligence pour veiller avec soin sur nos richesses spirituelles et prévoir tout ce qui pourrait nous en dépouiller. Avant de construire cette tour, Dieu nous commande de nous asseoir pour calculer si nous avons des ressources suffisantes pour l’achever. — S. Grégoire de Nysse : (Liv. sur la Virg., chap. 18.) Il faut, en effet, de grands efforts pour mener à bonne fin toute grande entreprise spirituelle qui s’élève sur la pratique successive de tous les commandements de Dieu, et accomplir l’oeuvre de Dieu, car une seule pierre ne suffit pas pour construire une tour, et la pratique d’un seul commandement ne peut conduire notre âme à la perfection; mais il faut d’abord poser le fondement, et selon la recommandation de l’Apôtre placer dessus des assises d’or, d’argent et de pierres précieuses, « de peur, ajoute Notre Seigneur, qu’après avoir posé les fondements, et n’avoir pu l’achever, tous ceux qui verront cela ne se mettent à le ridiculiser, disant : ‘Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever’.» etc. — Théophylacte : Nous ne devons donc pas nous contenter de poser le fondement de cet édifice (c’est-à-dire de pratiquer les premiers éléments de la doctrine de Jésus-Christ), et de le laisser inachevé, comme ceux dont parle l’évangéliste saint Jean : « Dès ce moment-là plusieurs de ses disciples s’éloignèrent et ne marchèrent plus avec lui. » (Jn 6.) On bien, on peut entendre par ce fondement la doctrine que Notre-Seigneur vient d’exposer sur la mortification. Or, il faut ajouter à ce fondement l’édifice des oeuvres, pour achever la tour forte qui doit nous défendre contre nos ennemis. (Ps 60.) Autrement cet homme deviendra un objet de moquerie pour tous ceux qui le verront, aussi bien pour les hommes que pour les démons. — S.
Grégoire : (hom.
37.) Car lorsque nous nous livrons à la pratique des
bonnes oeuvres, si nous ne nous mettons soigneusement en garde contre les
esprits de malice, nous serons en butte aux railleries de ceux-là mêmes qui
nous ont entraînés dans le mal. Notre Seigneur ajoute à ce premier exemple
une comparaison plus importante, pour montrer comment les plus petites choses
élèvent notre esprit aux plus grandes. «
Ou quel est le roi qui, se disposant à aller faire la guerre à un autre roi,
ne s’assied d’abord pour se demander s’il peut, avec dix mille hommes, faire
face à un ennemi qui vient contre lui avec vingt mille ? » — S. Cyrille : « Nous avons, en effet, à combattre contre les esprits de malice répandus dans l’air. » (Ep 6.) Nous sommes assiégés d’ailleurs par mille autres ennemis : l’aiguillon de la chair, la loi [de péché] qui tyrannise nos membres, et toutes les passions réunies, telle est la multitude redoutable de nos ennemis. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 31.) Ou bien les dix mille hommes de ce roi qui se prépare à combattre contre celui qui en a vingt mille, signifient la simplicité du chrétien qui doit combattre contre la duplicité du démon. — Théophylacte : Ces deux rois, c’est encore, d’un côté le péché qui règne dans notre corps mortel (Rm 6), de l’autre notre âme, à qui Dieu a donné en la créant, un pouvoir vraiment royal. Si donc elle veut résister victorieusement au péché, qu’elle réfléchisse sérieusement en elle-même, car les démons sont comme les soldats du péché qui paraissent être vingt mille contre les dix mille que nous avons, parce que leur nature incorporelle leur donne sur nous qui avons un corps, une force beaucoup plus grande. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 31.) Notre Seigneur combat l’idée de construire une tour qu’on ne pourrait achever par la crainte des railleries auxquelles on s’exposerait : « Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever» ; ainsi dans la parabole du roi, contre lequel il faut combattre, [il désapprouve et] condamne la paix qu’on est obligé de faire : « Autrement, tandis que celui-ci est encore loin, il envoie des ambassadeurs demander la paix. » Il nous enseigne par là que ceux qui ne renoncent pas à tout ce qu’ils possèdent, sont incapables de soutenir les assauts des tentations du démon, et qu’ils sont obligés de faire la paix avec lui, en consentant au péché qu’il les engage à commettre. — S. Grégoire : (hom. 37.) Ou bien encore, dans le jugement redoutable qui nous attend, nous ne pouvons nous présenter à forces égales devant le roi, notre juge; nous sommes dix mille contre vingt mille, un seul contre deux. Dieu marche donc avec deux armées contre une seule, parce que nous ne nous sommes préparés que sur les oeuvres, tandis qu’il s’apprête à discuter à la fois nos actions et nos pensées. Pendant qu’il est encore éloigné, et qu’il ne nous fait pas sentir sa présence comme juge, envoyons-lui des ambassadeurs, nos larmes, nos oeuvres de miséricorde, des victimes de propitiation, telle est l’ambassade qui peut apaiser ce roi qui s’avance contre nous. — S. Augustin : (Lettre à Laet., 38.) Le Sauveur nous fait voir clairement le but qu’il s’est proposé dans ces paraboles en ajoutant : « Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à ce qu’il possède, ne peut être mon disciple. » Ainsi les ressources nécessaires pour construire cette tour, la force et le courage des dix mille qui marchent contre le roi qui en a vingt mille, ne signifient qu’une chose, c’est que chacun doit renoncer à tout ce qu’il possède. Le commencement de ce discours s’accorde parfaitement avec la conclusion; car le précepte de renoncer à tout ce qu’on possède, renferme celui de haïr son père, sa mère, son épouse, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et même sa propre vie. Toutes ces choses, en effet, sont la propriété d’un chacun, et la plupart du temps, elles sont pour lui un obstacle qui l’empêche d’obtenir non les biens particuliers du temps, qui passent si vite, mais ces biens communs à tous qui doivent durer éternellement. — S. Basile : (régl. abrég., quest. 263.) L’intention de Notre Seigneur dans les deux comparaisons précédentes, n’est pas de laisser croire à chacun qu’il a le droit ou la permission d’être ou de n’être pas son disciple, de même qu’on est libre de ne pas poser les fondements de la tour ou de ne pas faire la paix; mais de montrer l’impossibilité de plaire à Dieu au milieu de toutes ces affections qui divisent l’âme et la mettent en péril, parce qu’elle est ainsi plus exposée à tomber dans les embûches que lui tend le démon. — S. Bède : Il y a une différence entre renoncer à tout, et abandonner tout ce qu’on possède. C’est le partage d’un petit nombre de chrétiens parfaits de quitter tout absolument, c’est-à-dire de sacrifier entièrement toutes les sollicitudes de ce monde; mais c’est une obligation pour tous les fidèles de renoncer à tout, c’est-à-dire d’user des choses du monde, sans en devenir jamais l’esclave dans le monde. |
Lectio 7 [85891] Catena in Lc., cap. 14 l. 7 Beda. Dixerat superius turrim virtutum non solum inchoandam, sed
etiam consummandam : ad quod pertinet quod dicitur bonum est sal. Bonum
est sal sapientiae spiritualis cordis arcana condire, immo cum apostolis sal
terrae fieri. Eusebius.
Sal enim secundum substantiam quidem ex aqua constat et spiritu, modicum
quid terrestreitatis participans. Desiccat
autem fluidam naturam corruptorum corporum, ut mortua corpora conservet. Merito
igitur discipulos suos comparat sali, eo quod ipsi regenerati sunt per aquam
et spiritum. Cumque toti spiritualiter viverent, et non secundum carnem, ad
modum salis corruptam vitam hominum in terra degentium convertebant, et
virtuosa vita suos sequaces oblectando condiebant. Theophylactus.
Non solum autem eos qui donati sunt magistrali gratia, sed etiam idiotas
exposcit ad modum salis fieri utiles proximis. Si vero qui futurus est utilis
aliis, fiat reprobus, iuvari non poterit; unde sequitur si autem sal
evanuerit, in quo condietur? Beda.
Quasi dicat : si quis semel condimento veritatis illuminatus ad apostasiam
redierit, quo alio doctore corrigetur? Qui scilicet eam quam ipse gustavit
sapientiae dulcedinem, vel adversis saeculi perterritus, vel illecebris
illectus abiecit; unde sequitur neque in terram, neque in sterquilinium utile
est; sed foras mittetur. Sal enim cum ad condiendos cibos carnesque siccandas
valere desierit, nulli iam usui aptum erit : neque enim in terram utile est,
cuius iniectu germinare prohibetur, neque in sterquilinium agriculturae
profuturum : sic qui post agnitionem veritatis retrocedit, neque ipse fructum
boni operis ferre, nec alios excolere valet; sed foras mittendus est, hoc est
ab Ecclesiae unitate secernendus. Theophylactus.
Verum, quia sermo parabolicus et obscurus erat, excitans dominus
auditores, ne qualitercumque acciperent quod dictum est de sale, subdit qui
habet aures audiendi, audiat; hoc est, si cui sapientia inest, intelligat :
aures enim hic cognoscitivam vim animae et aptitudinem intelligendi accipere
debemus. Beda.
Audiat etiam non contemnendo, sed obediendo, et faciendo quae dicit. |
Versets 34-35.
— S. Bède : Notre Seigneur venait de nous recommander non seulement de commencer, mais d’achever la tour des vertus; les paroles suivantes : « Le sel est bon, » se rapportent encore à cette recommandation; c’est-à-dire il est bon d’assaisonner les parties intimes de notre coeur avec le sel de la sagesse spirituelle, et même de devenir comme les Apôtres le sel de la terre. (Mt 5.) — Eusèbe
: (Chronique des Pères grecs) Le
sel est naturellement composé d’eau et d’air mêlés d’un peu de terre; il
absorbe la partie liquide des corps corruptibles, et les conserve ainsi après
leur mort. C’est donc avec raison qu’il compare les Apôtres au sel, parce qu’ils
ont été régénérés par l’eau et par l’esprit; et que par leur vie toute
spirituelle et non marquée par les inclinations de la chair, ils étaient
comme le sel qui changeait la vie corrompue des hommes qui vivaient sur la
terre, et répandait sur leurs disciples l’assaisonnement agréable d’une vie
vertueuse. (cf. Lv 2, 13). — Théophylacte : Ce ne sont pas seulement ceux qui ont reçu le pouvoir d’enseigner les autres, mais les simples fidèles qui sont obligés d’être utiles à leur prochain à la manière du sel. Mais si celui qui devait être utile aux autres, devient mauvais lui-même, comment pourra-t-on venir à son secours ? « Si le sel s’affadit, comment lui rendra-t-on sa saveur ? » — S. Bède : C’est-à-dire : si quelqu’un après avoir été éclairé par le condiment de la vérité, devient apostat, quel docteur pourra le ramener à la vérité, alors qu’effrayé des persécutions du monde, ou séduit par ses charmes trompeurs, il a renoncé à cette sagesse dont il avait goûté la douceur ? « Il n’est plus propre ni pour la terre, ni pour le fumier, on le jette dehors.» Le sel, en effet, lorsqu’il a perdu sa force pour assaisonner les aliments ou pour dessécher les viandes, ne peut plus servir à aucun usage. Il n’est plus propre ni pour la terre qu’il rendrait inféconde, ni pour le fumier qui sert d’engrais à la terre. Ainsi celui qui, après avoir connu la vérité, retourne en arrière (He 10, 26.27; 2 P 2, 21), devient incapable et de produire aucun fruit de bonnes oeuvres, et d’en faire produire aux autres; il doit être jeté dehors, c’est-à-dire séparé de l’unité de l’Église. — Théophylacte : Comme ces enseigne-ments paraboliques pouvaient avoir quelque obscurité, Notre Seigneur exhorte ses auditeurs à bien entendre ce qu’il a dit du sel : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende, » c’est-à-dire qu’il comprenne selon la mesure de la sagesse qui lui est donnée. Car les oreilles figurent ici la force intellectuelle de l’âme, et son aptitude à saisir la vérité. — S.
Bède : Qu’il entende aussi sans mépriser la parole
qu’il entend, et qu’il obéisse en mettant en pratique ce qu’il a appris. |
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Caput 15 |
CHAPITRE 15
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Lectio 1 [85892] Catena in Lc., cap. 15 l. 1 Ambrosius. Didiceras in superioribus, saecularibus occupationibus non
teneri, caduca non praeferre perpetuis. Sed quia fragilitas humana firmum
nequit in tanto saeculi lubrico tenere vestigium, etiam adversus errorem
remedia tibi bonus medicus demonstravit, spem veniae iudex misericors non
negavit; unde subditur erant autem appropinquantes ei publicani et peccatores
ut audirent eum. Glossa.
Idest, qui publica exigunt vectigalia, vel conducunt, et qui lucra saeculi
per negotia sectantur. Theophylactus.
Hoc enim exequebatur cuius causa carnem susceperat, admittens peccatores,
sicut medicus aegrotantes. Sed Pharisaei vere criminosi huic pietati murmura
recompensabant; unde sequitur et murmurabant Pharisaei et Scribae, dicentes,
quia hic peccatores recipit et manducat cum illis. Gregorius
in Evang. Ex qua re colligitur quia vera iustitia compassionem habet,
falsa dedignationem; quamvis et iusti soleant recte peccatoribus indignari. Sed
aliud est quod agitur typo superbiae, aliud quod zelo disciplinae : quia
iusti, etsi foris increpationes per disciplinam exaggerant, intus tamen
dulcedinem per caritatem servant : praeponunt sibi in animo ipsos plerumque
quos corrigunt : quod agentes per disciplinam subditos, et per humilitatem
custodiunt semetipsos. At contra hi qui de falsa iustitia superbire solent,
ceteros quosque despiciunt, nulla infirmantibus misericordia condescendunt;
et quo se peccatores esse non credunt, eo deterius peccatores fiunt : de
quorum numero Pharisaei erant, qui diiudicantes dominum quod peccatores
susciperet, arenti corde ipsum fontem misericordiae reprehendebant. Sed quia
aegri erant ita ut aegros se esse nescirent, quatenus quod erant agnoscerent,
caelestis medicus blandis eos fomentis curat; sequitur enim et ait ad illos
parabolam istam, dicens : quis ex vobis homo? Similitudinem dedit quam in se
homo recognosceret, et tamen ad auctorem hominum pertineret : quia enim
centenarius perfectus est numerus, ipse centum ovem habuit, cum sanctorum
Angelorum et hominum naturam possedit; unde subditur qui habet centum oves.
Cyrillus.
Hinc percipe latitudinem regni salvatoris nostri. Dicit enim oves esse
centum, referens numerum subiectarum sibi rationalium naturarum ad integram
multitudinem : est enim centenarius numerus perfectus ex decem decadibus
constitutus. Sed ex his una oberravit, scilicet genus humanum, quod terram
colit. Ambrosius.
Dives pastor, cuius nos omnes centesima portio sumus; unde sequitur et si
perdiderit unam ex illis. Gregorius.
Una ovis tunc periit quando peccando homo pascua vitae reliquit. In
deserto autem nonagintanovem remanserant : quia rationalis creaturae numerus,
Angelorum videlicet et hominum, qui ad videndum Deum conditus fuerat, pereunte
homine, erat imminutus; unde sequitur nonne dimittit nonaginta novem in
deserto? Quia scilicet Angelorum choros reliquit in caelo. Tunc autem homo
caelum deseruit, cum peccavit. Et ut perfecta summa ovium integraretur in
caelo, homo perditus quaerebatur in terra; unde sequitur et vadit ad illam
quae perierat, donec inveniat illam. Cyrillus.
Numquid autem saeviens in reliquas motus est pietate unius? Nequaquam :
sunt enim illae in tuto, circumsepiente illas potentissima dextera : sed
magis oportebat misereri pereuntis, ne imperfecta videretur residua multitudo
: una enim reducta, sortitur centenarius propriam speciem. Augustinus
de quaest. Evang. Vel illas nonaginta novem dixit quas reliquit in
deserto, superbos significans, tamquam solitudinem gerentes in animo, dum
solos se videri volunt; quibus ad perfectionem unitas deest : cum enim
quisque a vera unitate divellitur, superbe divellitur : suae quippe
potestatis esse cupiens, non sequitur unum, quod est Deus. Uni autem deputat
omnes per poenitentiam reconciliatos, quae humilitate obtinetur. Gregorius
Nyssenus. Cum autem pastor invenisset ovem, non punivit : non duxit ad
gregem urgendo; sed superponens humero, et portans, clementer annumeravit
gregi; unde sequitur et cum invenerit ovem, imponit in humeros suos gaudens.
Gregorius.
Ovem humeris suis imposuit, quia humanam naturam suscipiens, peccata
nostra ipse portavit. Inventa autem ove, ad domum redit, quia pastor noster,
reparato homine, ad regnum caeleste rediit; unde sequitur et veniens domum,
convocat amicos et vicinos, dicens illis : congratulamini mihi, quia inveni
ovem meam quae perierat. Amicos et vicinos vocat Angelorum choros; quia amici
eius sunt, quia voluntatem eius continue in sua stabilitate custodiunt;
vicini quoque eius sunt, quia claritatem visionis illius sua assiduitate
perfruuntur. Theophylactus.
Supernae igitur virtutes oves dicuntur in eo quod omnis natura creata
aspectu Dei bestialis est; in eo vero quod rationalis est, amici et vicini
dicuntur. Gregorius.
Et notandum, quod non dicit congratulamini inventae ovi, sed mihi : quia
videlicet eius est gaudium vita nostra; et cum nos ad caelum reducimur,
solemnitatem laetitiae illius implemus. Ambrosius.
Angeli autem, quoniam sunt rationales, non immerito hominum redemptione
laetantur; unde sequitur dico vobis, quod ita gaudium erit in caelo super uno
peccatore poenitentiam agente, quam supra nonaginta novem iustis, qui non
indigent poenitentia. Hoc proficiat ad incentiva probitatis, si unusquisque
conversionem suam gratam fore credat coetibus Angelorum, quorum aut affectare
patrocinium, aut vereri debet offensam. Gregorius. Plus autem de
conversis peccatoribus quam de stantibus iustis in caelo gaudium esse
fatetur; quia plerumque hi qui nullis se oppressos peccatorum molibus sciunt,
stant quidem in via iustitiae, sed tamen ad caelestem patriam anxie non
anhelant, et plerumque pigri remanent ad exercenda bona praecipua, quia
securi sibi sunt quod nulla commiserint mala graviora : at contra nonnunquam
hi qui se aliqua illicita egisse meminerunt, ex ipso suo dolore compuncti, ad
amorem Dei inardescunt, et quia errasse se a Deo considerant, damna
praecedentia lucris sequentibus recompensant. Maius ergo gaudium fit in
caelo, quia et dux in praelio plus eum militem diligit qui post fugam
reversus hostem fortiter premit, quam eum qui numquam terga praebuit, et
numquam aliquid fortiter fecit. Sic agricola illam amplius terram amat quae
post spinas uberes fructus profert, quam eam quae numquam spinas habuit, et
numquam fertilem messem producit. Sed inter haec sciendum est, quia sunt
plerique iusti, in quorum vita tantum est gaudium, ut eis quaelibet
peccatorum poenitentia praeponi nullatenus possit. Hinc ergo colligendum
quantum Deo gaudium faciat quando humiliter plangit iustus, si facit in caelo
gaudium quando hoc quod male gessit, per poenitentiam damnat iniustus. |
Versets 1-7.
— S.
Ambroise : Les enseignements qui précèdent vous
avaient appris à ne vous point laisser absorber par les préoccupations du
siècle, et à ne point préférer les choses passagères aux biens éternels. Mais
comme la fragilité humaine ne peut tenir pied dans les voies si glissantes du
monde, ce médecin plein de bonté vous a indiqué les remèdes contre vos
erreurs, et ce juge miséricordieux ne vous a pas refusé l’espérance du pardon
: « Or, les publicains et les
pécheurs s’approchaient de Jésus pour l’entendre. » — La Glose : (interlin.) C’est-à-dire ceux qui exigeaient les impôts publics ou qui les affermaient, et ceux qui cherchent à acquérir les richesses de ce monde par les opérations du commerce. — Théophylacte : Notre Seigneur remplissait ici la fin pour laquelle il s’était incarné, en accueillant [avec bonté] les pécheurs, comme un médecin accueille les malades. Mais les pharisiens, véritables accusateurs [de leur nature], ne répondent que par des murmures à cette conduite pleine de miséricorde : « Et les pharisiens et les scribes murmuraient en disant : Cet homme accueille les pécheurs et mange avec eux. » — S.
Grégoire : (hom.
34 sur les
Evang.) Nous pouvons conclure de là que la vraie justice est
compatissante, tandis que la fausse est pleine d’une hauteur dédaigneuse. Les
justes, il est vrai, traitent et justement les pécheurs avec une certaine
dureté, mais il faut bien distinguer ce qui est inspiré par l’orgueil et ce
qui est dicté par le zèle pour la discipline. Car bien que les justes, par
amour pour la règle, paraissent excéder dans les reproches qu’ils adressent,
ils conservent cependant toujours la douceur intérieure sous l’inspiration de
la charité; ils se mettent dans leur coeur bien au-dessous de ceux qu’ils
reprennent, et en agissant de la sorte, ils maintiennent dans la vertu ceux
qui leur sont soumis, et se conservent eux-mêmes dans la grâce de Dieu par
l’humilité. Au contraire, ceux qui s’enorgueillissent de leur fausse justice,
affectent un grand mépris pour les autres, n’ont aucune condescendance pour
les faibles, et deviennent d’autant plus grands pécheurs, qu’ils s’imaginent être
exempts de péché. De ce nombre étaient les pharisiens qui, reprochant au
Seigneur d’accueillir favorablement les pécheurs, accusaient avec un coeur
desséché la source même de la miséricorde. Mais comme ils étaient malades, au
point de ne point connaître leur maladie, le céleste médecin leur prodigue
les soins les plus dévoués pour les amener à ouvrir les yeux sur leur
[triste] état : « Et il leur
proposa cette parabole : Quel est celui d’entre vous [qui, ayant cent brebis,
s’il en perd une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le
désert ?]» Il choisit une comparaison dont l’homme pouvait
reconnaître la vérité en lui-même, mais qui s’appliquait surtout au Créateur
des hommes; car le nombre cent étant un nombre parfait, Dieu a été le pasteur
de cent brebis, lorsqu’il est devenu le Maître des anges et des hommes. C’est
pour cela qu’il ajoute : « qui a
cent brebis. » — S. Cyrille : Jugez de là quelle est l’étendue du royaume de notre Sauveur. Il fait remarquer que cet homme avait cent brebis pour exprimer par un chiffre déterminé, et par un nombre complet, la multitude des créatures raisonnables qui lui est soumise, car le nombre cent, composé de dix décades est un nombre parfait. Une de ces brebis s’est égarée, c’est-à-dire le genre humain qui habite la terre. — S. Ambroise : Qu’il est riche ce pasteur, puisque nous ne sommes que la centième partie de son troupeau ! « Et s’il en perd une,» etc. — S. Grégoire : (hom. 34, sur les Evang.) Une brebis s’est égarée, lorsque l’homme par son péché à quitté les pâturages de la vie. Les quatre-vingt-dix-neuf autres étaient restées dans le désert, parce que le nombre des créatures raisonnables, (c’est-à-dire des anges et des hommes), qui avaient été créées pour jouir de la vue de Dieu, se trouvait diminué par la perte de l’homme. C’est pourquoi il s’exprime de la sorte : « Ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert ? » parce qu’en effet il a laissé dans le ciel les choeurs des anges. L’homme a quitté le ciel lorsqu’il a commis le péché, et c’est pour que le nombre des brebis fût ramené dans le ciel à son intégrité primitive, que Dieu condescend à chercher sur la terre l’homme qui s’était égaré : « et il va après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée.» — S. Cyrille : Est-il donc cruel pour toutes les autres, en se montrant si tendre pour celle qui s’est égarée ? Non sans doute. Car les autres sont en sûreté, entourées comme d’un rempart de la protection de la main du Tout-Puissant; mais il fallait avant tout avoir pitié de celle qui allait périr, afin que le troupeau ne restât pas incomplet, car le retour de cette brebis rétablit le nombre cent dans sa perfection première. — S. Augustin : (Quest. Ev., 2, 32.) Ou bien les quatre-vingt-dix-neuf qu’il laisse dans le désert, figurent les orgueilleux, qui portent pour ainsi dire la solitude dans leur âme, en cherchant à concentrer l’attention sur eux seuls. L’unité leur manque pour qu’ils soient parfaits, car quand on se sépare de l’unité véritable, c’est toujours par un sentiment d’orgueil; on veut être son maître, [et jouir de soi-même], et on ne veut plus suivre l’unité qui n’est autre que Dieu. Or, c’est à cette unité qu’il ramène tous ceux qui sont réconciliés par la grâce de la pénitence qui ne peut s’obtenir que par l’humilité. — S. Grégoire de Nysse : Lorsque le pasteur eut retrouvé sa brebis, il ne la châtia point, il ne la ramena pas au bercail avec violence, mais il la chargea sur ses épaules, et la porta avec tendresse pour la réunir au troupeau : « Et lorsqu’il l’a trouvée, il la met avec joie sur ses épaules. » — S. Grégoire : Il met sa brebis sur ses épaules, c’est-à-dire qu’en se revêtant de notre nature, il a porté sur lui nos péchés. (1 P 2, 24; Is 53, 4.) Après avoir retrouvé sa brebis, il retourne à sa maison, c’est-à-dire que notre pasteur, après l’oeuvre de la réparation du genre humain, est rentré dans son céleste royaume : « Et venant à sa maison, il appelle ses amis, et ses voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi, parce que j’ai trouvé ma brebis qui était perdue. » Ses amis et ses voisins ce sont les choeurs des anges qui sont vraiment ses amis, parce qu’ils accomplissent sa volonté d’une manière constante et immuable; ils sont aussi ses voisins, parce qu’étant toujours en sa présence, ils jouissent de la claire vision de Dieu. — Théophylacte : Les esprits célestes reçoivent ici le nom de brebis, parce que toute nature créée, en comparaison de Dieu, est comme un animal dépourvu de raison, mais cependant il les appelle ses amis et ses voisins, parce que ce sont des créatures raisonnables. — S. Grégoire : (hom. 34, sur les Evang.) Remarquez qu’il ne dit pas : Réjouissez-vous avec ma brebis, mais : « Réjouissez-vous avec moi, » parce que notre vie fait sa joie, et lorsque nous sommes ramenés dans le ciel, nous mettons le comble à son allégresse [et à son bonheur]. — S. Ambroise : Les anges étant des créatures raisonnables, il est juste qu’ils se réjouissent de la rédemption des hommes : « Ainsi, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence. » Quel puissant encouragement au bien, pour chacun de nous à qui il est permis de croire que sa conversion sera un sujet de joie pour les anges dont il doit rechercher la protection, autant qu’il doit craindre de la perdre ! — S. Grégoire : (hom. 34.) Le Sauveur nous déclare que la conversion des pécheurs donnera plus de joie dans le ciel que la persévérance des justes; souvent en effet, ceux qui ne se sentent point chargés du poids de fautes énormes, persévèrent, à la vérité, dans les voies de la justice, mais ne soupirent point avec ardeur après la céleste patrie, et demeurent presque toujours indifférents à la pratique des oeuvres de perfection, parce qu’ils ont la conscience de ne pas s’être rendus coupables de fautes bien graves. Au contraire, ceux qui se rappellent la gravité des fautes qu’ils ont commises, puisent dans ce souvenir le principe d’une douleur plus vive, et d’un amour de Dieu plus ardent, et la considération de leurs longs égarements les excite à compenser leurs pertes passées en acquérant de nouveaux mérites. Ils sont donc pour le ciel le sujet d’une plus grande joie, parce qu’un général aime mieux un soldat qui, après avoir fui honteusement devant l’ennemi, revient sur ses pas, et le charge avec intrépidité, que celui qui n’a jamais pris la fuite, mais qui aussi n’a jamais fait aucune action d’éclat. C’est ainsi que le laboureur préfère de beaucoup la terre qui, après avoir porté des épines, produit des fruits en abondance, à celle qui n’a jamais produit d’épines, mais qui aussi ne s’est jamais couverte d’une riche moisson. Et cependant, il faut le reconnaître, il est un grand nombre de justes, dont la vie est pour le ciel un si grand sujet de joie, qu’aucune pénitence des pécheurs convertis ne peut lui être préférée. Comprenons par là quelle joie donnent à Dieu les larmes du juste qui gémit dans l’humilité de son âme, puisque le pécheur produit dans le ciel une si grande joie lorsqu’il désavoue et pleure par la pénitence le mal qu’il a commis. |
Lectio 2 [85893] Catena in Lc., cap. 15 l. 2 Cyrillus. Per praecedentem parabolam, in qua genus humanum dicebatur
ovis erratica, docebamur nos fore creatura sublimis Dei, qui fecit nos, et
non ipsi nos; cuius pascuae oves sumus : subiungitur secunda parabola, qua
genus humanum comparatur drachmae quae periit; per quam ostendit nos ad
similitudinem et imaginem regiam factos esse, scilicet summi Dei : nam
drachma nummus est impressam habens regiam figuram; unde dicitur aut quae
mulier habens decem drachmas. Gregorius in Evang. Qui significatur per pastorem, ipse per
mulierem; ipse enim Deus, ipse et Dei sapientia. Angelorum autem et hominum
naturam ad cognoscendum se dominus condidit, et ad similitudinem suam
creavit. Decem ergo drachmas habuit, quia novem sunt chori Angelorum; sed ut
compleretur electorum numerus, homo decimus est creatus. Augustinus de
quaest. Evang. Vel in novem drachmis, sicut et in nonaginta novem ovibus,
ponit eorum significationem qui de se praesumentes peccatoribus ad salutem
redeuntibus se praeponunt : unum enim deest a novem ut decem sint, et a
nonaginta novem ut centum sint; cui uni deputat omnes per poenitentiam
reconciliatos. Gregorius.
Et quia imago exprimitur in drachma, mulier drachmam perdiderat, quando
homo, qui conditus ad imaginem Dei fuerat, peccando a similitudine sui
conditoris recessit; et hoc est quod subditur si perdiderit drachmam unam,
nonne accendit lucernam? Accendit mulier lucernam, quia Dei sapientia
apparuit in humanitate. Lucerna quippe lumen in testa est; lumen vero in
testa est divinitas in carne : accensa autem lucerna, sequitur et evertit
domum : quia scilicet mox ut eius divinitas per carnem claruit, omnis se
nostra conscientia concussit : quia eversionis sermo non discrepat in eo quod
in aliis codicibus legitur emundat : quia prava mens si non prius prae timore
evertitur, ab assuetis vitiis non mundatur. Eversa autem domo, invenitur
drachma; sequitur enim et quaerit diligenter donec inveniat; quia scilicet
cum perturbatur conscientia hominis, reparatur in homine similitudo
conditoris. Gregorius
Nazianzenus. Inventa autem drachma, caelestes virtutes facit participes
gaudii, quas ministras dispensationis fecit; unde sequitur et cum invenerit,
convocat amicas et vicinas dicens : congratulamini mihi, quia inveni drachmam
quam perdideram. Gregorius.
Supernae enim virtutes tanto divinae sapientiae iuxta sunt, quanto ei per
gratiam continuae visionis appropinquant. Theophylactus.
Vel amicae sunt, ut exequentes voluntatem ipsius : vicinae vero, ut
incorporeae; vel forte amicae ipsius sunt omnes supernae virtutes, vicinae vero
sunt propinquiores, scilicet throni, Cherubim et Seraphim. Gregorius
Nyssenus. Vel aliter. Hoc reor dominum nobis proponere in inquisitione
perditae drachmae, quia nulla nobis a ceteris virtutibus utilitas provenit,
quas drachmas vocat, quamvis praesto sint omnes, una sola deficiente animae
viduatae, qua scilicet divinae similitudinis nitorem sortitur : propter quod
primo quidem iubet lucernam accendere, scilicet verbum divinum, quod
abscondita patefacit. Vel forsan poenitentiae lampadem, sed in domo propria,
idest in seipso et in sua conscientia, oportet perquirere drachmam perditam,
idest regis imaginem, quae non penitus deperiit, sed est tecta sub fimo, qui
significat carnis contagia; quibus studiose abstersis, idest dilutis per
solertiam vitae, elucescit quod quaeritur : unde oportet ipsam quae invenit
gratulari; necnon ad participia gaudii vocare vicinas, idest contubernales
virtutes, idest rationabilem et concupiscibilem et innatum iracundiae
affectum, et si quae sint tales vires circa animam consideratae, quas docet
gaudere in domino. Deinde concludens parabolam, subdit ita dico vobis,
gaudium erit Angelis super uno peccatore poenitentiam agente. Gregorius.
Poenitentiam agere est praeterita mala plangere, et plangenda non perpetrare.
Nam qui sic alia deplorat ut tamen alia committat, adhuc poenitentiam agere
aut ignorat aut dissimulat. Cogitandum est etiam ut per hoc conditori suo
satisfaciat : ut qui commisit prohibita, sibi abscindere debeat etiam
concessa; et se reprehendat in minimis qui se meminit in maximis deliquisse. |
Versets 8-10.
— S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) La parabole précédente où le genre humain était comparé à une brebis égarée, nous apprenait que nous sommes les créatures du Dieu très-haut, qui nous a faits, car nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes, et nous sommes les brebis de sa bergerie. (Ps 94.) Le Sauveur à cette première parabole en ajoute une seconde, où le genre humain est comparée à une drachme perdue ; cette parabole nous rappelle que nous avons été faits a l’image et à la ressemblance d’un roi, c’est-à-dire à l’image et à la ressemblance du Dieu tout-puissant, car la drachme est une pièce de monnaie qui porte l’empreinte de la figure du roi : « Ou quelle est la femme qui ayant dix drachmes, [si elle en perd une], » etc. — S. Grégoire : (hom. 34, sur les Evang.) Celui dont le pasteur était la figure nous est encore représenté par cette femme; c’est Dieu lui-même, c’est la sagesse de Dieu. Il a créé les anges et les hommes pour qu’ils puissent le connaître, et il les a faits à sa ressemblance. Il avait dix drachmes, parce qu’il y a neuf choeurs des anges, et que pour rendre complet le nombre des élus, l’homme a été créé le dixième. — S. Augustin : (quest. Evang., si, 33.) Ou bien ces neuf drachmes comme les quatre-vingt-dix-neuf brebis représentent ceux qui par un sentiment de présomption se préfèrent aux pécheurs repentants, car il manque une unité au nombre neuf pour faire dix, et au nombre quatre-vingt-dix-neuf pour faire cent, et c’est à cette unité qu’il compare tous ceux qui obtiennent la réconciliation par la pénitence. — S. Grégoire : (hom. 34.) Comme la drachme porte l’empreinte d’une figure [royale], cette femme a perdu sa drachme, lorsque l’homme, qui avait été créé à l’image de Dieu, a perdu par le péché sa ressemblance avec son Créateur. Le Sauveur ajoute : « Si elle en perd une, n’allume-t-elle pas sa lampe ? » etc. Cette femme qui allume sa lampe, c’est la sagesse de Dieu qui s’est manifestée sous une forme humaine, car une lampe est une lumière dans un vase de terre, et cette lumière dans un vase de terre c’est la divinité dans une chair mortelle. Après qu’elle a allumé sa lampe, « elle bouleverse sa maison, » c’est-à-dire qu’aussitôt que la divinité a brillé à nos yeux dans l’humanité dont elle s’était revêtue, notre conscience a été toute bouleversée. Cette expression, « elle bouleverse toute sa maison, » ne diffère point de cette autre qu’on lit dans certains manuscrits : « elle balaye sa maison » ; car l’âme du pécheur ne peut être purifiée de ses habitudes vicieuses qu’après avoir été profondément remuée par la crainte de Dieu. La maison ainsi mise sens dessus dessous, la drachme se retrouve : « Et elle cherche soigneusement jusqu’à ce qu’elle la trouve, » car c’est grâce à ce trouble salutaire de la conscience, que l’homme répare en lui l’image de son Créateur. — S. Grégoire de Naziance : (Disc. 42, 2° sur la fête de Pâques.) Aussitôt qu’il a retrouvé la drachme qu’il avait perdue, il veut faire partager sa joie aux esprits célestes qu’il a établis les ministres de sa miséricorde : « Et lorsqu’elle l’a retrouvée, elle assemble ses amies et ses voisines, disant : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la drachme que j’avais perdue.» — S. Grégoire : (hom. 34.) En effet les vertus des cieux sont d’autant plus voisines de la divine sagesse qu’elles en sont plus rapprochées par la grâce de la claire vision de Dieu. — Théophylacte : Ou encore : elles sont ses amies, parce qu’elles exécutent ses volontés; elles sont ses voisines, parce qu’elles ont une nature incorporelle. Ou encore, toutes les vertus célestes sont les amis de Dieu; ses voisines sont celles qui sont plus rapprochées, c’est-à-dire : les trônes, les chérubins et les séraphins. — S. Grégoire de Nysse : (De la virginité, chap. 12.) Ou bien dans un autre sens, voici la vérité que Notre Seigneur a voulu nous enseigner sous la comparaison de cette drachme qui est perdue et que l’on cherche; c’est que nous ne pouvons retirer aucune utilité des vertus purement extérieures, figurées ici par les drachmes, (les eussions-nous toutes réunies), si notre âme est dépourvue et comme veuve de celle qui seule peut lui donner l’éclat de la ressemblance divine. La première chose qu’il nous ordonne de faire, c’est d’avoir une lampe allumée; c’est-à-dire la parole divine qui découvre les choses cachées : ou bien encore la lampe de la pénitence. Or, c’est dans sa propre maison, (c’est-à-dire en soi-même et dans sa conscience), qu’il faut chercher cette drachme qu’on a perdue, c’est-à-dire cette image de notre roi qui n’est pas entièrement [effacée et] perdue, mais qui est cachée sous le fumier, qui figure les souillures de la chair. Il faut enlever ces souillures avec soin, et lorsqu’on les a fait disparaître de la drachme, la sainteté de la vie est alors dans tout son jour ce que l’on cherchait. Il faut donc se réjouir de l’avoir retrouvée et appeler à partager sa joie ses voisines, c’est-à-dire les puissances de notre âme, la partie raisonnable, et la partie irascible ou sensible et toutes les autres puissances de notre âme qui doivent se réjouir dans le Seigneur. Le Sauveur conclut ensuite cette parabole par ces paroles : « Ainsi, je vous le dis, sera la joie parmi les anges de Dieu pour un pécheur qui fait pénitence ». — S. Grégoire : Faire pénitence, c’est pleurer les fautes passées, et cesser de commettre celles qu’on déplore; car celui qui déplore ses fautes anciennes, sans cesser d’en commettre de nouvelles, ne sait pas encore ce que c’est de faire pénitence, ou fait l’hypocrite. Il faut encore bien réfléchir qu’une des satisfactions à offrir au Créateur, c’est de s’interdire même les choses permises, parce qu’on s’est permis des choses défendues, c’est d’être sévère pour soi dans les plus petites circonstances, parce qu’on se rappelle d’avoir été infidèle dans les plus grandes. |
Lectio 3 [85894] Catena in Lc., cap. 15 l. 3 Ambrosius. Tres ex ordine Lucas parabolas posuit :
ovis quae perierat et inventa est; drachmae quae perierat, et inventa est; filii
qui erat mortuus et revixit; ut triplici remedio provocati vulnera nostra
curemus. Christus ut pastor te suo corpore vehit, quaerit ut mater Ecclesia,
recipit Deus pater : prima misericordia, secunda suffragatio, tertia
reconciliatio. Chrysostomus.
Est etiam inter parabolas supradictas ratio distinctionis secundum
personas vel mentes peccantium, ut pater filium recipiat poenitentem, qui
arbitrii sui libertate utitur, ut cognoscat unde ceciderit; pastor vero ovem
errantem et non sapientem reverti requirat, et humeris suis referat,
irrationabili animali imprudentem hominem comparans, qui alieno dolo
circumventus, erraverat sicut ovis. Praesens ergo parabola proponitur cum
dicitur ait autem : homo quidam habuit duos filios. Sunt qui dicant de duobus
filiis istis seniorem Angelos esse, iuniorem vero hominem ponunt, qui in
longinquam peregrinationem abierit, quando in terram de caelis et Paradiso
cecidit : et aptant consequentia, respicientes ad casum vel statum Adae. Sed
hic sensus pius quidem videtur, nescio tamen si verus sit : quia iunior
filius ad poenitentiam venit sua sponte, recordatus praeteritae abundantiae
patris sui; dominus autem veniens ad poenitentiam vocavit humanum genus, dum
sponte sua regredi, unde ceciderat, non cogitaret. Deinde senior filius in
reditu et salute fratris sui tristatur; cum dominus dicat laetitiam esse apud
Angelos super uno peccatore poenitentiam agente. Cyrillus.
Quidam vero per seniorem filium dicunt significari Israel secundum carnem;
per alium vero qui discessit a patre describitur multitudo gentium. Augustinus
de quaest. Evang. Hic ergo homo habens duos filios, Deus habens duos
populos intelligitur, tamquam duas stirpes generis humani : unam eorum qui
permanserunt in unius Dei cultu, alteram eorum qui usque ad colendum idola
deseruerunt Deum. Ab ipso ergo exordio creaturae mortalium, maior filius ad
cultum unius Dei pertinet, minor autem petit ut sibi pars substantiae quae
eum tangeret, daretur a patre; unde sequitur et dixit adolescentior ex illis
patri : pater, da mihi portionem substantiae quae me contingit; tamquam anima
potestate sua delectata, id quod illi est vivere, intelligere, meminisse, vel
ingenio alacri excellere, petit, quae divina sunt munera. Haec autem in potestate sua accepit per liberum arbitrium; unde
sequitur et divisit illis substantiam. Theophylactus. Hominis substantia rationalitas est, quam
comitatur libertas arbitrii; et similiter quaecumque dominus dedit nobis, pro
substantia nostra putabitur, ut caelum, terra et universa creatura, lex et
prophetae. Ambrosius.
Vides autem, quod divinum patrimonium petentibus datur; nec putes culpa
patris, quod adolescentiori dedit : nulla Dei regno infirma aetas, nec fides
gravatur annis. Ipse certe se iudicavit idoneum qui poposcit : atque utinam
non recessisset a patre; impedimentum nescisset aetatis; sequitur enim et non
post multos dies, congregatis omnibus, adolescentior filius peregre profectus
est in regionem longinquam. Chrysostomus.
Minor filius in regionem longinquam profectus est, non localiter a Deo
decedens, qui ubique est, sed affectu : fugit enim Deum peccator ut a
longinquo stet. Augustinus
de Verb. Dom. Quisquis enim ita vult esse similis Deo ut fortitudinem suam
ad illum custodiat, non ab illo recedat, ei cohaerendo, ut custodiat
similitudinem et imaginem ad quam factus est. Porro si perverse vult imitari
Deum, ut quomodo Deus non habet a quo regatur, sic ipse velit sua potestate
uti, ut nullo regente vivat; quid restat nisi ut recedens ab eius calore
torpescat, recedens a veritate vanescat? Augustinus
de quaest. Evang. Quod autem non post multos dies dixit factum, ut
congregatis omnibus peregre proficisceretur in regionem longinquam, quae est
oblivio Dei; hoc est quia non multo post institutionem humani generis placuit
animae per liberum arbitrium ferre secum velut quamdam potentiam naturae
suae, et deserere eum a quo condita est, fidens de viribus suis; quas vires
tanto consumit citius, quanto eum deseruit a quo datae sunt; unde sequitur et
ibi dissipavit substantiam suam vivendo luxuriose. Luxuriosam vero vel
prodigam vitam vocat amantem fundere atque spatiari pompis exterioribus,
intus inanescentem, cum ea quisque sequitur quae ad alia procedunt, et
relinquit eum qui sibi est interior; unde sequitur et postquam consummasset omnia,
facta est fames magna in regione illa. Fames est indigentia verbi veritatis.
Sequitur et ipse coepit egere. Ambrosius.
Merito egere coepit qui thesauros sapientiae et scientiae Dei, divitiarumque
caelestium altitudinem dereliquit. Sequitur et abiit, et adhaesit uni civium
regionis illius. Augustinus.
Unus civium regionis illius aliquis aereus princeps est ad militiam
Diaboli pertinens, cuius villa est modus potestatis ipsius; de qua sequitur
et misit illum in villam suam, ut pasceret porcos. Porci sunt immundi
spiritus qui sub ipso erant. Beda.
Porcos autem pascere est ea quibus immundi spiritus gaudent, operari.
Sequitur et cupiebat implere ventrem suum de siliquis quas porci manducabant.
Ambrosius.
Siliqua genus leguminis est, intus inanis, foris mollis, quo corpus non
reficitur, sed impletur, ut sit magis oneri quam usui. Augustinus.
Siliquae ergo, quibus porcos pascebat, saeculares doctrinae sunt,
steriles, vanitatem personantes, de quibus laudes idolorum fabularumque ad
deos gentium pertinentium vario sermone atque carminibus percrepant; quibus
Daemonia delectantur : unde cum iste satiari cupiebat, aliquid solidum et
rectum, quod ad beatam vitam pertineret, invenire volebat in talibus, et non
poterat; unde sequitur et nemo illi dabat. Cyrillus.
Sed cum Iudaei multipliciter arguantur in sacra Scriptura de multis
criminibus, quomodo populo illi convenient verba maioris filii dicentis ecce
tot annis servio tibi, et numquam mandatum tuum praeterivi? Est ergo hic
sensus parabolae. Arguentibus eum Pharisaeis et Scribis quod reciperet
peccatores, proponit praesentem parabolam, in qua hominem vocat Deum, qui
pater est duorum fratrum, iustorum scilicet et peccatorum; quorum primus gradus
est iustorum ab initio iustitiam sequentium, secundus gradus est hominum per
poenitentiam ad iustitiam reductorum. Basilius.
Facit etiam ad antiquioris consistentiam magis animus senilis et gravitas,
quam canities capillorum; nec qui secundum aetatem est iuvenis increpatur,
sed iuvenis moribus, qui secundum passiones vivit. Titus.
Abiit ergo adolescentior nondum adultus mente, petitque a patre id quod ei
de hereditate contingit, ut scilicet non ex necessitate serviat : sumus enim
animalia rationalia liberum arbitrium habentia. Chrysostomus.
Dicit autem Scriptura dividere patrem ex aequo filiis duobus substantiam
suam, idest scientiam boni et mali, quae verae et perpetuae sunt opes animae
bene utentis. Quae enim ex Deo est in prima nativitate hominibus substantia
rationalis, aequaliter cunctis nascentibus datur. De subsequenti autem
conversatione unusquisque plus aut minus huius substantiae possidere
invenitur, dum unus ea quae sumpserit patris esse credens, quasi paterna
custodit; alius sicut propriae possessionis licentia dissipandis abutitur.
Ostenditur autem libertas arbitrii : quia pater neque discedere volentem
retinuit, ne liberi arbitrii auferat potestatem; neque manere cupientem cogit
abscedere. Abiit autem longe, non locorum translatione, sed mentis
declinatione; unde sequitur peregre profectus est in regionem longinquam.
Ambrosius.
Quid enim longinquius est quam a se recedere, nec regionibus, sed moribus
separari? Etenim qui se a Christo separat, exul est patriae, et civis mundi.
Merito ergo prodegit patrimonium qui recessit ab Ecclesia. Titus.
Unde et denominatus est prodigus, dissipans substantiam suam, idest
intellectum rectum, castimoniam, documenta veritatis, notitiam genitoris,
memoriam creationis, sensum. Ambrosius.
Facta est autem in regione illa fames non epularum, sed bonorum operum
atque virtutum, quae sunt miserabiliora ieiunia : etenim qui recedit a verbo
Dei, esurit, quia non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo Dei, et qui
recedit a thesauro eget. Egere ergo ideo coepit et famem pati, quia nihil
prodigae satis est voluntati. Abiit itaque, et adhaesit uni civium : qui enim
haeret, in laqueo est; et videtur civis iste princeps esse istius mundi.
Denique ad villam eius mittitur, quam emit qui se excusat a regno. Beda.
In villam enim mitti est substantiae mundialis cupiditate subiugari. Ambrosius.
Pascit autem porcos illos in quos petit Diabolus introire, in sordibus ac
foetore viventes. Theophylactus.
Hos igitur pascit qui alios praecellit in vitio, ut sunt lenones,
archipraedones, archipublicani, qui aliis sunt doctores operationis malae.
Chrysostomus.
Vel spiritualibus destitutus operibus, quasi prudentia et intellectu,
porcos pascere dicitur, hoc est, sordidas et immundas in anima sua
cogitationes nutrire : et edit escas irrationabiles pravae conversationis,
dulces quidem egenti bonorum : quia suave perversis videtur omne opus carneae
voluptatis, quae virtutes animae penitus enervat et perimit. Huiusmodi cibos
quasi porcinos et male dulces, idest carnalium delectationum illecebras,
siliquarum nomine Scriptura designat. Ambrosius.
Cupiebat autem siliquis ventrem implere suum : nec enim alia est cura
luxuriosis nisi ut ventrem suum impleant. Theophylactus. Quibus nullus
dat saturitatem malorum; distat enim a Deo qui talibus vescitur. Daemones
autem ad hoc student, ne unquam saturitas malorum proveniat. Glossa.
Vel nemo illi dabat, quia cum Diabolus aliquem suum facit, ultra ei
abundantiam non procurat, sciens eum esse mortuum. |
Versets 11-16.
— S. Ambroise : Saint Luc raconte successivement trois paraboles de Notre Seigneur, celle de la brebis égarée et ramenée au bercail, celle de la drachme qui était perdue et qui fut retrouvée, et celle du fils qui était mort et qui fut ressuscité, pour que la vue de ces trois remèdes différents nous engage à guérir nos propres blessures. Jésus-Christ, comme un bon pasteur, vous porte sur ses épaules; l’Église vous cherche comme une mère; Dieu vous reçoit comme un tendre père; dans la première parabole, nous voyons la miséricorde de Dieu; dans la seconde, les suffrages de l’Église; dans la troisième, la réconciliation. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le père et ses deux fils.) Il y a encore entre ces trois paraboles une différence fondée sur les personnes ou les dispositions des pécheurs; ainsi le père accueille son fils repentant, qu’il a laissé user de sa liberté pour lui faire connaître d’où il était tombé, tandis que le pasteur cherche sa brebis égarée et la rapporte sur ses épaules, parce qu’elle était incapable de revenir; cette brebis, animal dépourvu de raison, est donc la figure de l’homme imprudent qui, victime des ruses d’autrui, s’est égaré comme une brebis. Or Notre Seigneur commence ainsi cette parabole : « Un homme avait deux fils. » Il en est qui prétendent que le plus âgé de ces deux fils figure les anges, et que le plus jeune représente l’homme qui s’en alla dans une région lointaine, lorsqu’il tomba des cieux et du paradis sur la terre, et ils appliquent la suite de la parabole à la chute d’Adam et à son état [après qu’il eut péché]. Cette interprétation me parait pieuse, mais je ne sais si elle est aussi fondée en vérité. En effet, le plus jeune fils revint de lui-même à la pénitence, au souvenir de l’abondance dont il avait joui dans la maison de son père, tandis que le Seigneur est venu appeler lui-même à la pénitence le genre humain, qui ne songeait même pas à retourner au ciel d’où il était tombé. Ajoutez que l’aîné des deux fils s’attriste du retour et du salut de son frère, tandis que Notre Seigneur nous déclare que la conversion d’un pécheur est un sujet de joie pour tous les anges. — S. Cyrille : Suivant d’autres, le fils aîné représente le peuple d’Israël, selon la chair (Rm 9, 6), et celui qui quitte la maison paternelle, la multitude des Gentils. — S.
Augustin : (Quest.
év., 2, 33.) Cet homme qui a deux fils représente
donc Dieu, père aussi de deux peuples, qui sont comme les deux souches du
genre humain, l’une composée de ceux qui sont restés fidèles au culte d’un
seul Dieu, et l’autre de ceux qui ont oublié le vrai Dieu, jusqu’à adorer des
idoles. Ainsi, c’est dès l’origine du monde et immédiatement après la
création des hommes, que l’aîné des fils embrasse le culte du seul et vrai
Dieu, et que le plus jeune demande à son père la portion du bien qui devait
lui revenir : « Et le plus jeune des deux dit à son père : Mon père,
donnez-moi la portion de bien qui doit me revenir. » Ainsi l’âme,
séduite par la puissance qu’elle croit avoir, demande à être maîtresse de sa
vie, de son intelligence, de sa mémoire, et à dominer par la supériorité de
son génie; ce sont là des dons de Dieu, mais elle les a reçus pour en
disposer selon sa volonté. Aussi le père accède à ce désir : « Et il
leur partagea leurs biens. » — Théophylacte : La substance même de l’homme, c’est la raison accompagnée du libre arbitre; tout ce que nous tenons de la main libérale de Dieu, peut aussi être regardé comme notre bien substantiel, le ciel, la terre, toutes les créatures, la loi et les prophètes. — S. Ambroise : Vous voyez que le patrimoine que nous tenons de Dieu est donné à tous ceux qui le demandent, et ne pensez pas que le père ait commis une imprudence en le donnant au plus jeune de ses fils. Pour le royaume de Dieu, nul âge n’est trop faible, et les années ne sont jamais un poids trop lourd pour la foi. D’ailleurs ce jeune homme s’est jugé capable d’administrer ce patrimoine, puisqu’il en demande le libre usage. Et plût à Dieu qu’il ne se fût pas éloigné de son père, il n’eût pas connu l’impuissance de l’âge : « Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant rassemblé tout ce qu’il avait, partit pour une région lointaine, » etc. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Le plus jeune fils part pour un pays lointain, ce n’est pas par le changement et la distance des lieux qu’il s’éloigne de Dieu, qui remplit tout de son immensité, mais par les affections du coeur, car le pécheur fuit Dieu pour s’en tenir éloigné. — S. Augustin : (serm. 34 sur les paroles du Seigneur.) Celui qui veut se rendre semblable à Dieu en conservant toute sa force en lui (Ps 58, 8), ne doit point s’éloigner de Dieu, mais s’attacher étroitement à lui pour conserver l’image et la ressemblance à laquelle il a été fait. Mais s’il veut imiter Dieu d’une manière coupable, et à l’exemple de Dieu qui ne reconnaît point de maître, vivre indépendant et affranchi de toute autorité, que doit-il arriver ? C’est qu’en s’éloignant de la chaleur il tombera dans l’engourdissement, c’est qu’en s’éloignant de la vérité, il se dissipera dans la vanité. — S. Augustin : (quest. évang., 2, 33.) C’est peu de jours après, qu’ayant rassemblé tout ce qu’il avait, il part pour une région lointaine, qui est l’oubli de Dieu, c’est-à-dire que ce fut peu de temps après la création du genre humain, que l’âme voulut à l’aide de son libre arbitre, se rendre maîtresse de sa nature et s’éloigner de son Créateur dans un sentiment exagéré de ses forces, qu’elle perdit d’autant plus vite qu’elle se sépara de celui qui en était la source. Aussi quelle fut la suite : « Et il y dissipa son bien en vivant dans la débauche. » Il appelle une vie d’excès ou de débauche, une vie de prodigalité, qui aime à se répandre, à errer en liberté et qui se dissipe au milieu des pompes extérieures du monde, cette vie qui fait qu’on poursuit toujours de nouvelles choses, tandis qu’on s’éloigne davantage de celui qui est au-dedans de nous-mêmes : « Et après qu’il eut tout consumé, il survint une grande famine dans ce pays. » Cette famine, c’est l’indigence de la parole de vérité. « Et
il commença à sentir le besoin. » — S.
Ambroise : C’est par une juste punition qu’il tombe
dans l’indigence, lui qui a volontairement abandonné les trésors de la
sagesse et de la science de Dieu, et la source inépuisable des richesses
célestes : « Il alla donc, et
s’attacha à un habitant de ce pays-là. » — S. Augustin : (Quest. évang.) Cet habitant de cette région, c’est quelque puissance de l’air, faisant partie de la milice du démon. (Ep 6, 42.) Cette maison des champs, c’est une des manières dont il exerce sa puissance, comme nous le voyons par la suite : « Il l’envoya dans sa maison des champs pour garder les pourceaux. » Les pourceaux sont les esprits immondes dont le démon est le chef. — S.
Bède : Mener paître les pourceaux, c’est commettre
ces actions infâmes qui font la joie des esprits immondes : « Et il désirait se rassasier des
caroubes que les pourceaux mangeaient. » — S. Ambroise : La silique [(ou ce que la Vulgate a traduit par ce mot)], est une espèce de légume vide au-dedans et assez tendre à l’extérieur, qui remplit le corps sans le fortifier, et qui, par conséquent, est plus nuisible qu’utile. — S.
Augustin : (Quest.
évang.) Ces siliques, dont les pourceaux se
nourrissaient, sont donc les doctrines du siècle, aussi vaines qu’elles sont
sonores, dont retentissent les discours et les poèmes consacrés à la louange
des idoles et les fables des dieux qu’adorent les nations et qui font la joie
des démons. Ainsi ce jeune homme qui voulait se rassasier, cherchait dans
cette nourriture un élément solide et réel de bonheur, et cela lui était
impossible : « Et personne ne lui
en donnait. » — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Les Juifs sont souvent accusés dans la sainte Écriture, de crimes multiples (Is 29, 13; Jr 2, 5); comment donc peut-on appliquer à ce peuple ces paroles du fils aîné : « Voici tant d’années que je vous sers, et je n’ai jamais manqué à vos commandements » ? Voici donc le sens de cette parabole. Les pharisiens et les scribes ayant accusé le Sauveur d’accueillir avec bonté les pécheurs, il leur proposa cette parabole, dans laquelle il compare Dieu à un homme qui est le père de ces deux frères (c’est-à-dire des justes et des pécheurs); le premier degré est celui des justes qui ne se sont jamais écartés des sentiers de la justice; le second degré comprend les hommes qui ont été ramenés par la pénitence dans les sentiers de la vertu. — S. Basile : (sur Is 3.) Ce qui donne à l’aîné plus de constance dans le bien, c’est moins son âge avancé et ses cheveux blancs que la maturité du caractère; et celui qui est ici condamné n’est pas le plus jeune par l’âge, mais celui qui, jeune par sa conduite, suit les inspirations de ses passions. — Tite de Bostra : Le plus jeune de ces deux fils, dont l’esprit n’était pas encore arrivé à la maturité, s’en va donc et demande à son père la partie de l’héritage qui doit lui revenir, afin de n’être plus dans la nécessité de lui être soumis, car nous sommes des êtres raisonnables doués de la faculté du libre arbitre. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Le père, dit l’Évangile, leur partagea donc également son bien, c’est-à-dire la science du bien et du mal, source de richesses vraies et durables pour l’âme qui sait en faire un bon usage. En effet, la faculté de la raison que l’homme reçoit de Dieu en naissant est donnée également à tous ceux qui viennent au monde; mais dans la suite, chacun se trouve avoir plus ou moins de cette faculté de la raison suivant le genre de vie qu’il adopte : l’un, en effet, regarde et conserve comme appartenant à son père, le patrimoine qu’il en a reçu, l’autre en use comme d’un bien qui lui appartient en propre et le dissipe dans tous les excès. Nous avons du reste dans la conduite de ce père une preuve démonstrative du libre arbitre, il ne retient pas le fils qui veut se séparer de lui pour ne point blesser son libre arbitre, il ne force point non plus l’aîné de quitter la maison paternelle, [pour ne point paraître le premier auteur des malheurs qui suivraient cette séparation]. Or, ce fils s’en va, non point en changeant
de lieu, mais par l’éloignement de son coeur : « Il partit, dit l’Évangile, pour une région étrangère et lointaine. » — S. Ambroise : Quel éloignement plus grand, en effet, que de s’éloigner de soi-même et d’être séparé, non par la distance des contrées, mais par la différence des moeurs ? Celui, en effet, qui se sépare de Jésus-Christ, est un exilé de sa patrie et un habitant du monde. Et il n’est pas surprenant qu’en s’éloignant de l’Église, il ait dissipé son patrimoine. — Tite de Bostr. Aussi donne-t-on le nom de prodigue à celui qui dissipe tout son bien, c’est-à-dire la droiture de son intelligence, les leçons de la chasteté, la connaissance de la vérité, le souvenir de son père, la pensée de son origine. — S. Ambroise : Il survint dans cette région une grande disette, non d’aliments, mais de bonnes oeuvres et de vertus, privation des plus déplorables. En effet, celui qui s’éloigne de la parole de Dieu, ressent bientôt l’aiguillon de la faim; car l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu (Mt 4); et celui qui s’éloigne d’un trésor, tombe dans l’indigence. Il commença donc à se trouver dans l’indigence et à souffrir de la faim, parce que rien ne peut suffire à une volonté prodigue. « Il s’en alla donc, et s’attacha à un habitant de ce pays » ; car celui qui s’attache est comme pris au piège; cet habitant paraît être le prince de ce monde. L’infortuné est envoyé dans cette maison des champs achetée par celui qui s’est excusé de venir au festin royal. (Lc 14.) — S. Bède : Etre envoyé dans une maison des champs, c’est devenir l’esclave des désirs des jouissances de ce monde. — S. Ambroise : Il garde les pourceaux dans lesquels le démon a prié qu’on le laissât entrer (Mt 8; Mc 2; Lc 8), et qui vivent dans l’ordure et le fumier. — Théophylacte : Garder les pourceaux, c’est être supérieur aux autres dans le vice, tels sont les corrupteurs, les chefs de brigands, les chefs des publicains, et tous ceux qui tiennent école d’obscénités. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Celui qui garde les pourceaux est encore celui qui est dépouillé de toute richesse spirituelle (de la prudence et de l’intelligence), et qui nourrit dans son âme des pensées impures et immondes. Il mange aussi les aliments grossiers d’une vie corrompue, aliments doux à celui qui est dans l’indigence de tout bien; car les âmes perverties trouvent une certaine douceur dans les plaisirs voluptueux qui énervent et anéantissent les puissances de l’âme; l’Écriture désigne sous le nom de siliques ces aliments destinés aux pourceaux, et dont la douceur est si pernicieuse (c’est-à-dire les attraits des plaisirs charnels.) — S. Ambroise : Il désirait remplir son ventre de ces siliques; parce que ceux qui mènent une vie dissolue, n’ont d’autre souci que de remplir leur ventre. — Théophylacte : Mais personne ne peut lui donner cette satiété dans le mal; car celui qui a ce désir est éloigné de Dieu, et les démons s’appliquent à ce qu’on ne trouve jamais la satiété dans le vice. — La Glose : Ou bien encore, personne ne lui en donnait, car le démon ne donne jamais satisfaction pleine aux désirs de celui dont il s’est emparé, parce qu’il sait qu’il est mort. |
Lectio 4 [85895] Catena in Lc., cap. 15 l. 4 Gregorius Nyssenus. Contempserat patrem in primo recessu
adolescentior filius, et opes paternas profuderat : at ubi lapsu temporis est
attritus laboribus, dum mercenarius fieret, et eodem cum porcis pabulo
pasceretur, rediit in domum paternam castigatus; unde dicitur in se autem
reversus dixit : quanti mercenarii in domo patris mei abundant panibus? Ego
autem hic fame pereo. Ambrosius.
Bene in se revertitur, quia a se recessit : etenim qui ad Deum regreditur,
se sibi reddit; et qui recedit a Christo, se sibi abdicat. Augustinus
de quaest. Evang. In se autem reversus est cum ab eis quae forinsecus
frustra illiciunt et seducunt, in conscientiae suae interiora suam
intentionem reduxit. Gregorius
Nazianzenus. Est autem secundum tres differentias obedientiae discretio :
aut enim metuentes supplicia declinamus a malo, et sumus in dispositione
servili; aut mercedis lucra venantes exequimur quae mandantur, mercenariis
assimilati; aut ipsius gratia boni et dilectionis ad eum qui dedit legem
servimus; et sic dispositionem redolemus filiorum. Ambrosius.
Filius enim, qui habet sancti spiritus pignus in corde, saecularis
mercedis lucra non quaerit, sed ius servat heredis. Sunt etiam mercenarii
boni qui conducuntur ad vineam; isti non siliquis, sed panibus abundant. Augustinus.
Unde autem hoc scire poterat in quo tanta erat oblivio Dei, sicut in
omnibus idololatris fuit, nisi quia ista recogitatio resipiscentis est, cum
Evangelium praedicaretur? Iam poterat talis animadvertere, multos praedicare
veritatem; inter quos quidam essent non ipsius amore veritatis ducti, sed
cupiditate comparandorum saecularium commodorum; qui tamen non aliud
annuntiant, sicut haeretici : unde mercenarii recte appellantur : in eadem
quippe domo sunt eumdem panem verbi tractantes, non tamen in hereditatem
aeternam vocati, sed temporali mercede conducti. Chrysostomus.
Signanter autem subdit ego autem hic fame pereo : quasi diceret : ego non
alienus, sed filius boni patris, et frater filii obsequentis, ego liber et
generosus, factus sum miserior mercenariis, a summa celsitudine primae
nobilitatis ad infimam humilitatem delapsus. Gregorius
Nyssenus. Non prius autem rediit ad pristinam felicitatem, quam in se
rediens sentiret opprimentis aerumnae praesentiam, et meditaretur poenitentiae
verba, quae subduntur : surgam. Augustinus.
Quia iacebat; et ibo, quia longe aberat; ad patrem meum, quia sub principe
porcorum erat. Cetera vero sunt poenitentiam meditantis in confessione
peccati, nondum tamen agentis : non enim iam dicit patri, sed dicturum se
esse promittit cum venerit. Intelligas igitur, hoc nunc accipiendum esse
venire ad patrem, in Ecclesia constitui per fidem, ubi peccatorum legitima et
fructuosa iam possit esse confessio. Dicit ergo dicturum se esse patri :
pater. Ambrosius.
Quam misericors qui offensus. Nec paternum nomen dedignatur audire.
Peccavi. Haec est prima confessio apud auctorem naturae, praesulem
misericordiae, arbitrum culpae. Sed si Deus novit omnia, vocem tamen tuae
confessionis expectat : ore enim confessio fit ad salutem quia alleviat
pondus erroris quisquis ipse se onerat; et accusationis excludit invidiam qui
accusatorem praevenit confitendo. Frustra velis occultare quem nihil fallit,
et sine periculo prodas quod scias esse iam cognitum : confitere magis ut interveniat
pro te Christus, roget pro te Ecclesia, illacrymet populus; nec verearis ne
non impetres. Advocatus spondet veniam, patronus promittit gratiam,
reconciliationem tibi paternae pietatis pollicetur assertor. Subdit autem in
caelum et coram te. Chrysostomus.
Dicens coram te, ostendit hunc patrem Deum debere intelligi : Deus enim
solus conspector est omnium, a quo nec in corde meditata peccata abscondi
possunt. Augustinus. Utrum autem hoc est peccatum in caelum quod est coram
te, ut caelum appellaverit ipsam summitatem patris; an potius peccavi in
caelum coram sanctis animabus, coram te autem in ipso penetrali conscientiae?
Chrysostomus. Vel caelum hoc loco intelligatur Christus : qui enim
in caelum peccat, quod etsi supernum, tamen visibile elementum est, ipse est
qui peccat in hominem quem suscepit filius Dei pro salute nostra. Ambrosius. Vel peccato animae caelestia significantur dona spiritus
imminuta; vel quia ab illius gremio matris Ierusalem quae est in caelo non
oportuit deviari. Deiectus autem se exaltare non debet; unde
subdit iam non sum dignus vocari filius tuus. Et ut merito suae humilitatis
possit attolli, subdit fac me sicut unum de mercenariis tuis. Beda.
Ad filii affectum, qui omnia quae patris sunt, sua esse non ambigit, aspirare
nequaquam praesumit; sed mercenarii statum iam pro mercede serviturus
desiderat; verum nec hunc quidem nisi paterna dignatione se mereri posse
testatur. Gregorius
Nyssenus. Hunc autem filium prodigum spiritus sanctus nobis descripsit, ut
instruamur nos qualiter debeamus cordis deplorare peccamina. Chrysostomus.
Qui postquam dixit ibo ad patrem meum, quod ei cuncta attulit bona, non
mansit, sed totum iter transivit; sequitur enim et surgens venit ad patrem
suum. Sic et nos faciamus, nec pigeat nos longitudinis viae : quia si
voluerimus, fiet regressus celer et facilis, dummodo deseramus peccatum, quod
nos a domo paterna eduxit. Est autem pater redeuntibus clemens : nam subditur
cum autem adhuc longe esset, vidit illum pater suus. Augustinus.
Ante enim quam intelligeret Deum longe existens, cum tamen iam pie
quaereret, vidit illum pater ipsius. Impios enim, et superbos convenienter
non videre dicitur tamquam ante oculos non habens : ante oculos enim haberi
nonnisi qui diliguntur, dici solent. Chrysostomus.
Sensit autem pater poenitentiam; non expectavit recipere confessionis
verba, sed praevenit petitionem, misericorditer agens : unde subditur et
misericordia motus est. Gregorius
Nyssenus. Confessionis meditatio placavit ei patrem, ut obviam iret ei, et
oscula collo conferret; sequitur enim et accurrens cecidit super collum eius,
et osculatus est eum. Quod significat rationale
iugum hominis ori impositum per evangelicam traditionem, quae abiecit
observantiam legis. Chrysostomus.
Quid enim est aliud quod occurrit, nisi quia nos, peccatis impedientibus,
nostra virtute ad Deum pervenire non poteramus? Ipse autem potens ad
invalidos pervenire descendit. Osculatur autem os, per quod emissa de corde
confessio poenitentis exierat, quam pater laetus excepit. Ambrosius.
Occurrit igitur tibi, quia audit te intra mentis secreta tractantem : et
cum adhuc longe sis, occurrit, ne quis impediat : complectitur quoque : in
occursu enim praescientia est, in complexu clementia; et quasi quodam patrii
amoris affectu supra collum cadit, ut iacentem erigat, et oneratum peccatis
atque in terrena deflexum reflectat ad caelum. Malo ergo filius esse, quam
ovis : ovis enim a pastore reperitur, a patre filius honoratur. Augustinus
de quaest. Evang. Vel accurrens cecidit super collum eius : non enim pater
unigenitum filium suum deseruit, in quo usque in nostram longinquam
peregrinationem cucurrit : quia Deus erat in Christo mundum reconcilians
sibi. Cadere autem super collum eius, est humiliare in amplexum eius brachium
suum, quod est dominus Iesus Christus. Consolari autem verbo gratiae Dei ad
spem indulgentiae peccatorum, hoc est post longa itinera remeantem mereri a
patre osculum caritatis. Incipit autem iam constitutis in Ecclesia peccata
confiteri, nec dicit omnia quae dicturum se esse promiserat; sequitur enim
dixitque filius ei : pater, peccavi in caelum et coram te : iam non sum
dignus vocari filius tuus. Hoc enim vult fieri per
gratiam, quo se indignum per merita fatetur. Non addit quod in illa
meditatione dixerat fac me sicut unum de mercenariis tuis : cum enim panem
non haberet, vel mercenarius esse cupiebat; quod post osculum patris
generosissime iam dedignabatur. Chrysostomus. Pater autem ad filium sermonem non dirigit, sed ministris
loquitur : quia qui poenitet orat : sed responsum verbo vere non accipit,
misericordiam vero efficaciter in effectu intuetur; sequitur enim dixit autem
pater ad servos suos : cito proferte stolam primam, et induite illum. Theophylactus. Servos vel Angelos intelligas administratorios
spiritus, vel sacerdotes, qui Baptismate et verbo doctrinae animam vestiunt
in ipso Christo. Quotquot enim in Christo baptizati sumus, Christum induimus.
Augustinus. Vel stola prima est dignitas quam perdidit Adam; servi
qui eam proferunt, sunt reconciliationis praedicatores. Ambrosius. Vel stola est amictus sapientiae, quo nuda corporis
apostoli tegunt. Accepit autem sapientiam primam : est enim
et alia quae mysterium nescit. Annulus autem est sincerae fidei signaculum et
expressio veritatis; de quo sequitur et date annulum in manum eius. Beda. Idest in operatione, ut per opera fides clarescat, et per
fidem opera confirmentur. Augustinus.
Vel annulus in manu pignus est spiritus sancti, propter gratiae
participationem, quae digito bene significatur. Chrysostomus.
Vel iubet annulum dari, sive signaculum salutaris symbolum, seu magis
desponsationis insigne et nuptiarum pignus, quibus Christus Ecclesiam
sponsat, cum anima resipiscens per annulum fidei iungitur. Augustinus.
Calceamenta autem in pedes praeparatio est evangelizandi ad non tangenda
terrena; de quibus sequitur et calceamenta in pedes eius. Chrysostomus.
Vel mandat calceamenta pedibus imponi, aut propter cooperienda vestigia,
ut per lubricum mundi istius iter fixus incedat; aut propter mortificationem
membrorum : vitae enim nostrae cursus in Scripturis pes appellatur; et
mortificationis species calceamentis imponitur, quia de animalium mortuorum
pellibus conficiuntur. Addit et vitulum illi saginatum, iugulandum in
convivii exhibitione; sequitur enim et adducite vitulum saginatum, idest
dominum Iesum Christum; quem vitulum nominat propter hostiam corporis
immaculati : saginatum autem dixit, quia pinguis et opimus intantum est ut
pro totius mundi salute sufficiat. Non autem ipse pater vitulum immolavit,
sed aliis immolandum tradidit; permittente enim patre consentiens filius ab
hominibus crucifixus est. Augustinus.
Vel vitulus saginatus est ipse dominus, secundum carnem satiatus
opprobriis. Quod autem imperat ut adducant eum, quid aliud est nisi ut
praedicent eum, et annuntiando faciant venire in exhausta fame viscera filii
esurientis? Nam etiam ut occidant eum iubet : hoc est, ut mortem eius
insinuent : tunc enim cuique occiditur cum credit occisum : sequitur enim et
manducemus. Ambrosius.
Bene carnem vituli, quia sacerdotalis est victima, quae pro peccatis
fiebat. Epulantem autem inducit, cum dicit epulemur, ut ostenderet quoniam
paternus est cibus, salus nostra; et patris est gaudium, nostrorum redemptio
peccatorum. Chrysostomus. Ipse enim pater gaudet in reditu filii, et
convivatur in vitulo : quia misericordiae suae fructum in immolatione filii
sui gaudens creator, in acquisitione populi credentis epulatur; unde sequitur
quia hic filius meus mortuus erat et revixit; perierat, et inventus est. Ambrosius.
Ille periit qui fuit. Itaque gentes non sunt, Christianus est. Potest
tamen et hic una species accipi generis humani. Fuit Adam, et in illo fuimus
omnes; periit Adam, et in illo omnes perierunt. Homo igitur in illo homine
qui perierat reformatur. Potest et de agente poenitentiam dictum videri, quia
non moritur nisi qui aliquando vixerit. Et gentes quidem cum crediderint, per
gratiam vivificantur; qui vero lapsus fuerit, per poenitentiam reviviscit.
Theophylactus.
Quantum ergo ad vitiorum conditionem mortuus fuerat desperatus; sed
quantum ad humanam naturam, quae mutabilis est, et potest a vitio ad virtutem
converti, deperditus dicitur : nam minus est perdi quam mori. Quilibet autem
revocatus et mundatus a crimine, saginati vituli particeps causa laetitiae
fit patri et famulis eius, idest Angelis et sacerdotibus; unde sequitur et
coeperunt omnes epulari. Augustinus.
Istae epulae atque festivitas nunc celebrantur, per orbem terrarum
Ecclesia dilatata atque diffusa : vitulus enim ille in corpore et sanguine
dominico et offertur patri, et pascit totam domum. |
Versets 17-24.
— S. Grégoire de Nysse : (comme précéd.) Le plus jeune fils avait traité son père avec mépris en quittant la maison paternelle, et en dissipant tout son patrimoine; mais lorsque dans la suite il fut brisé par les travaux, réduit à la condition de mercenaire, et à manger la même nourriture que les pourceaux; suffisamment châtié, il revint dans la maison de son père : « Rentrant alors en lui-même, il dit : Combien de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du pain en abondance, et moi ici je meurs de faim. » — S. Ambroise : Il a bien raison de rentrer en lui-même, lui qui s’en est tant éloigné; car eu retournant à Dieu, on se rend à soi-même, et on s’en sépare quand on se sépare de Jésus-Christ. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 33.) Il rentra en lui-même, lorsqu’il ramena dans l’intérieur de sa conscience ses affections qu’il avait laissé s’égarer sur toutes ces vanités extérieures qui nous séduisent et nous entraînent. — S. Basile : (de la préface des régl. dévelop.) ou S. Grégoire de Naziance : On peut distinguer trois degrés d’obéissance d’après leurs différents motifs. Ou bien nous nous éloignons du mal par la crainte des supplices, et nous sommes dans une disposition servile; ou nous faisons ce qui nous est commandé exclusivement par le désir de la récompense, et nous ressemblons à des mercenaires; ou enfin nous obéissons par amour pour le bien et pour celui qui nous a donné la loi, et nos dispositions sont celles d’un véritable fils. — S. Ambroise : Car le fils qui a dans son coeur le gage de l’Esprit saint, ne cherche pas les avantages passagers de la terre, mais il conserve ses droits d’héritier. Il y a aussi de bons mercenaires, tels que ceux que le père de famille envoie travailler à sa vigne. (Mt 20.) Ils ne se nourrissent pas de siliques, mais ont le pain en abondance. — S. Augustin : (Quest. évang.) Mais comment pouvait-il le savoir, lui qui, comme tous les idolâtres, était tombé dans un si grand oubli de Dieu ? Cette pensée de retour ne lui vint donc qu’à la prédication de l’Évangile. C’est alors que cette âme put déjà s’apercevoir que dans le grand nombre de ceux qui prêchaient la vérité, il en était plusieurs qui n’étaient pas conduits par l’amour de la vérité, mais par le désir d’obtenir les avantages de la terre, quoique cependant ils n’annonçaient pas une autre doctrine, comme font les hérétiques. On les appelle justement mercenaires, parce qu’ils demeurent dans la même maison, et rompent le même pain de la parole; toutefois, ils ne sont pas appelés à l’héritage éternel, mais ils travaillent pour une récompense purement temporelle. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) [Après que cet enfant prodigue a souffert dans une terre étrangère le digne châtiment de ses égarements, vaincu par l’extrémité de ses malheurs, c’est-à-dire par la famine et la pauvreté, il commence à réfléchir sur la cause de sa détresse, lui qui, sous l’impulsion d’une volonté vicieuse a quitté son père pour des étrangers, sa maison pour l’exil, les richesses pour la pauvreté, l’abondance de tous les biens pour l’extrême indigence. ] Aussi écoutez cet aveu si expressif : « Et moi ici, je meurs de faim, » c’est-à-dire : moi qui ne suis pas un étranger, mais le fils d’un si bon père, et le frère d’un fils si soumis, moi qui étais libre et de condition noble, je suis devenu plus misérable que les mercenaires en tombant du comble de ma grandeur première dans l’abîme de l’humiliation. — S. Grégoire de Nysse : Il n’y eut pour lui de retour à sa félicité première, qu’après qu’il fut rentré en lui-même, pour sentir tout le poids de sa misère, et qu’il eut réfléchi sur les paroles de repentir qui suivent : « Je me lèverai, » etc. — S. Augustin : (Quest. évang.) « Je me lèverai, » parce qu’en effet, il était comme étendu à terre; «et j’irai » parce qu’il en était éloigné ; « vers mon père, » parce qu’il était au service du maître de ces pourceaux. Les autres paroles sont celles du pécheur qui songe à faire pénitence en confessant son péché, mais qui n’en vient pas encore à l’action; car il ne fait pas encore cet aveu à son père; il se propose de le faire lorsqu’il se présentera devant lui, Il faut donc bien comprendre le sens de ces paroles : « venir à son père » ; elles veulent dire être établi par la foi dans l’Église, où la confession des fautes peut être légitime et avantageuse. Il prend donc la résolution de dire à son père : « Mon père » — S. Ambroise : Qu’il est miséricordieux ce Dieu qui, tout offensé qu’il est, ne dédaigne pas ce nom de père que le pécheur lui donne ! « J’ai péché, » c’est le premier aveu que nous devons faire devant l’auteur de notre nature, le roi de la miséricorde, [le confident et] le juge de nos fautes. Mais bien que Dieu connaisse toutes choses, il attend néanmoins votre confession extérieure, car la confession de bouche (Rm 10, 10) est nécessaire pour le salut. Celui qui se charge lui-même, allége le poids de l’erreur qui pèse sur lui, et ôte à l’accusateur le désir de l’accuser, en le prévenant par une confession volontaire. C’est en vain, d’ailleurs, que vous voudriez en dérober la connaissance à celui pour qui rien n’est caché, tandis que vous pouvez sans danger avouer ce que vous savez lui être déjà connu. Confessez-vous donc, pour que le Christ intercède en votre faveur, pour que l’Église prie pour vous, pour que le peuple fidèle verse des larmes sur vous. Ne craignez pas de n’être pas exaucé, votre avocat vous assure du pardon; votre protecteur s’engage à vous donner la grâce; le témoin de la tendresse de votre père vous promet la réconciliation qu’il vous réserve. Il ajoute : « contre le ciel et devant vous. » — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Ces paroles : « devant vous, » nous apprennent que ce père c’est Dieu, qui seul voit toutes choses, et pour qui les péchés même dont la pensée est comme ensevelie dans le coeur, ne peuvent demeurer cachés. — S. Augustin : (Quest. évang.) Mais ce péché contre le ciel est-il le même que le péché commis sous les yeux de Dieu, dans ce sens que le ciel serait la majesté sublime du Père ? Ou bien faut-il entendre : J’ai péché contre le ciel en présence des âmes saintes qui l’habitent, et devant vous dans le secret de ma conscience ? — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Ou bien encore faut-il entendre par le ciel Jésus-Christ ? car celui qui pèche contre le ciel, qui malgré son élévation est cependant un élément visible, pèche contre l’homme, dont le Fils de Dieu s’est revêtu pour notre salut. — S. Ambroise : Ou encore ces paroles veulent dire que le péché diminue dans l’âme les dons célestes de l’Esprit saint; ou que nous n’aurions pas dû nous séparer du sein de la Jérusalem céleste qui est notre mère. Or, après être tombé si bas, il doit se garder de s’élever, aussi ajoute-t-il : « Je ne suis plus digne d’être appelé votre fils, » mais afin que cette humiliation volontaire lui obtienne la grâce [dont il déclare n’être point digne], il ajoute : « Traitez-moi comme un de vos mercenaires. » — S. Bède : Il n’ose aspirer à l’affection dont jouit un fils qui ne peut douter que tout ce qui est à son père ne soit à lui, il se contente de demander la condition d’un mercenaire prêt à servir pour son salaire, et encore déclare-t-il qu’il ne peut obtenir cette condition que par l’indulgence de son père. — S. Grégoire de Nysse : Le Saint-Esprit, nous décrit les égarements et le retour de cet enfant prodigue, pour nous apprendre comment nous devons déplorer les égarements de notre coeur. — S. Jean Chrysostome : (hom. 14 sur l’Epît. aux Rom.) Aussitôt qu’il a pris cette résolution, source pour lui de tous les biens : « J’irai vers mon Père, », il ne reste pas là, il franchit sans tarder la distance qui le sépare de lui : « Et se levant, il vint vers son père. » Imitons son exemple, ne soyons pas effrayés de la longueur du chemin; car, pourvu que nous le voulions, le retour sera prompt et facile; il suffit que nous nous détachions du péché qui nous a éloignés de la maison paternelle. Mais voyez la tendresse de ce bon père pour ceux qui reviennent à lui : « Comme il était encore loin, son père le vit, » etc. — S. Augustin : (Quest. évang.) Avant même qu’il comprit ce qu’était Dieu, dont il était si éloigné, mais qu’il commençait à chercher avec amour, son père le vit. L’Écriture nous dit avec raison que Dieu ne voit point les impies et les superbes, comme s’ils n’étaient pas présents à ses yeux; car il n’y a que ceux qu’on aime dont on puisse dire qu’on les a toujours devant les yeux. — S.
Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Le père comprit
le repentir de son fils, il n’attendit point qu’il eût fait l’aveu de ses
fautes, et il prévint ses désirs par les effets de sa miséricorde : « Et il fut touché de
compassion. » — S. Grégoire de Nysse : La volonté de confesser ses égarements suffit pour apaiser son père, le déterminer à aller à sa rencontre et à couvrir son cou de ses baisers : « Il accourut, se jeta à son cou, et l’embrassa. » C’est la figure du joug spirituel imposé aux lèvres de l’homme par la tradition évangélique qui a mis fin aux observances légales. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le pèr. et ses deux enfants.) Or, que signifie cette condescendance du père qui va à la rencontre de son fils ? c’est que nos péchés étaient un obstacle insurmontable qui nous empêchait d’arriver jusqu’à Dieu par nos propres forces. Mais pour lui qui pouvait parvenir jusqu’à notre infirmité, il est descendu jusqu’à nous; et il baise cette bouche d’où était sortie la confession dictée par un coeur repentant, et que ce bon père a reçue avec tant de joie. — S. Ambroise : Il vient donc à votre rencontre, parce qu’il entend le langage des secrètes pensées de votre coeur; et alors que vous êtes encore bien loin, il accourt au-devant de vous pour lever tous les obstacles : il embrasse son fils avec effusion, (car il vient à sa rencontre dans sa prescience, et l’embrasse dans sa tendresse), et se jette à son cou par un élan d’amour paternel, pour relever ce fils si abattu, et redresser vers le ciel celui qui était accablé sous le poids de ses péchés, et courbé vers les choses de la terre. Aussi j’aime mieux être le fils [égaré] que la brebis [perdue], car si la brebis est retrouvée par le pasteur, le fils est comblé d’honneur par son père. — S. Augustin : (quest. Evang.) Ou bien encore, il accourt et se jette à son cou : parce que ce père n’a pas quitté son Fils unique dans lequel il est accouru jusque dans notre lointain pèlerinage; car Dieu était dans Jésus-Christ se réconciliant le monde. (2 Co 5.) Il tombe sur son cou, c’est-à-dire qu’il s’abaisse pour étreindre son bras, qui est Notre Seigneur Jésus-Christ (1 Co 1, 24; Is 53, 1; Lc 1). Il le console par la parole de la grâce qui lui donne l’espérance de la rémission de ses péchés; c’est ainsi qu’au retour de ses longs égarements, il lui donne le baiser d’amour paternel qu’il a mérité. Une fois entré dans l’Église, il commence la confession de ses péchés; mais sans la faire aussi complète qu’il se l’était proposé : « Et le Fils lui dit : Mon Père, j’ai péché contre le ciel et à vos yeux, je ne suis plus digne d’être appelé votre fils. » Il veut obtenir de la grâce de Dieu ce dont il avoue que ses fautes le rendent indigne, car il n’ajoute pas ce qu’il s’était proposé de dire : « Traitez-moi comme un de vos mercenaires. » Lorsqu’il était sans pain, il désirait la condition des mercenaires, mais il la dédaigne avec une noble fierté après qu’il a reçu le baiser de son père. — S.
Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Le père
n’adresse point la parole à son fils, mais à ses serviteurs, parce que le
pécheur repentant est tout entier à la prière, et ne reçoit pas une réponse
verbale, mais prouve intérieurement les effets puissants de la miséricorde
divine : « Et le père dit à ses
serviteurs : Apportez vite sa robe première et l’en revêtez. » —
Théophylacte : Ces serviteurs, ce sont ou les anges
qui servent à Dieu de ministres, ou les prêtres qui par le baptême et la diffusion
de la parole revêtent l’âme en Jésus-Christ « Car nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous
avons revêtu Jésus-Christ. » (Ga 3, 27.) — S. Augustin : (quest. Evang.) Ou bien cette robe première, c’est la dignité qu’Adam a perdue [par son péché] : les serviteurs qui l’apportent, sont les prédicateurs de la réconciliation. — S.
Ambroise : Ou bien cette robe, c’est le vêtement de
la sagesse dont les apôtres couvrent la nudité de notre corps; cette robe
première, c’est le premier degré de la sagesse, parce qu’il en est une autre
pour laquelle il n’y a point de mystère. L’anneau est le signe d’une foi
sincère et l’emblème de la vérité : « Et
mettez-lui un anneau au doigt. » — S. Bède : C’est-à-dire dans l’action, afin que ses oeuvres fassent éclater sa foi, et que la foi à son tour confirme les oeuvres. — S. Augustin : (quest. Evang.) Ou bien l’anneau au doigt c’est le gage de l’Esprit saint, à cause de la participation à la grâce dont le doigt est comme la figure. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le Père et ses deux enf.) On bien il commande de lui mettre au doigt un anneau, comme le symbole du signe du salut, ou plutôt comme un signe d’alliance, et un gage de l’union que Jésus-Christ contracte avec l’Église son épouse, et aussi avec l’âme repentante qui s’unit avec Jésus-Christ par l’anneau de la foi, — S.
Augustin : (quest.
Evang.) La chaussure qu’on lui met aux pieds figure
la préparation à la prédication de l’Évangile qui consiste à ne point
s’approcher de trop près des choses de la terre : « Et mettez-lui des chaussures aux pieds. » — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Ou bien il commande de lui mettre des chaussures aux pieds, soit pour protéger ses pas, et donner à sa marche plus de fermeté dans les sentiers glissants de ce monde, soit comme symbole de la mortification des membres, car tout le cours de notre vie est comparé au pied dans les Écritures (Jb 23, 11; Ps 25, 12; Pv 3, 23; Si 6, 25; Si 1, 20), et les chaussures sont comme un symbole de mortification, puisqu’elles sont faites avec des peaux d’animaux qui sont morts. Le père commande ensuite d’amener le veau gras et de le tuer pour le festin qu’il fait préparer : « Et amenez le veau gras, » c’est-à-dire Notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi appelé à cause du sacrifice de son corps immaculé; et parce qu’il est une victime si riche et si excellente, qu’elle suffit à la rédemption du monde entier. Ce n’est pas le père lui-même qui met à mort le veau gras, mais il le laisse immoler à d’autres, car c’est par la permission du Père, et le consentement du Fils que ce dernier a été crucifié par les hommes. — S. Augustin : (quest. Evang.) Ou bien le veau gras est le Seigneur lui-même qui dans son incarnation a été rassasié d’opprobres. Il commande qu’on l’amène, c’est-à-dire qu’on l’annonce, et qu’en l’annonçant on rende la vie aux entrailles épuisées de ce fils mourant de faim ? Il ordonne aussi de le mettre à mort, c’est-à-dire de prêcher sa mort, car il est vraiment immolé pour celui qui croit à son immolation et à sa mort. « Mangeons. » — S. Ambroise : Mangeons la chair du veau gras, parce que c’était la victime que le prêtre offrait pour ses péchés. Notre Seigneur nous représente son Père se livrant à la joie d’un festin, pour nous montrer que le salut de notre âme est la nourriture de son Père, et que la rémission de nos péchés est sa joie. — S.
Jean Chrysostome : (comme précéd.) Le père se réjouit du retour
de son fils, et en signe de joie fait un festin avec le veau gras; ainsi le
Créateur se réjouit des fruits de miséricorde produits par l’immolation de
son fils, et l’acquisition du peuple fidèle est pour lui comme un festin de
joie : « Car mon fils que voici
était mort, et il revit, il était perdu, et il est retrouvé. » — S. Athanase ou S. Ambroise : Celui-là seul meurt qui a existé : ainsi les Gentils n’existent plus, le chrétien seul est vivant. On peut encore entendre ces paroles du genre humain : Adam a existé, et nous avons tous existé en lui, il est mort, et tous sont morts en lui, l’homme est donc réparé dans cet homme qui était mort. On peut aussi les appliquer à celui qui fait pénitence, car on ne peut mourir sans avoir auparavant vécu ; quant aux gentils ils ont reçu la vie par la grâce aussitôt qu’ils eurent embrassé la foi, tandis que celui qui tombe dans le péché, revient à la vie par la pénitence. —
Théophylacte : Si l’on n’a égard qu’à l’excès de ses
vices, il était mort sans espoir de retour; mais si l’on considère la nature
humaine, qui est sujette à la mutabilité, et peut se convertir du vice à la
vertu, il était simplement perdu, car c’est un moindre mal de se perdre que
de mourir. Tout homme ainsi rappelé à la vie et purifié de ses crimes
participe au veau gras et devient une cause de joie pour son père et pour ses
serviteurs, c’est-à-dire pour les anges et pour les prêtres : « Et ils commencèrent à festoyer. »
— S. Augustin : (quest. Evang.) Ces festins de joie et cette fête se célèbrent aujourd’hui par toute l’Église répandue dans tout l’univers, car ce veau gras qui est le corps et le sang du Seigneur, est offert à Dieu le Père, et nourrit toute la maison. |
Lectio 5 [85896] Catena in Lc., cap. 15 l. 5 Beda. Murmurantibus de peccatorum susceptione Scribis et Pharisaeis;
tres per ordinem parabolas salvator posuit : duabus primis quantum ipse cum
Angelis de poenitentium salute gaudeat insinuat; in hac vero tertia non suum
tantummodo suorumque gaudium demonstrat, sed et invidentium murmur
reprehendit; dicitur enim erat autem filius eius senior in agro. Augustinus de quaest. Evang. Maior filius populus Ambrosius.
Adolescentiori autem filio, idest populo ex gentibus, Israel, tamquam
maior frater, beneficium paternae benedictionis invidit; quod faciebant
Iudaei, quia Christus cum gentibus epularetur; unde sequitur indignatus est
autem, et nolebat introire. Augustinus.
Indignatur etiam et nunc, et adhuc non vult intrare. Cum ergo plenitudo
gentium introierit, egredietur opportuno tempore pater eius, ut etiam omnis
Israel salvus fiat; unde sequitur pater ergo illius egressus coepit rogare
eum. Erit enim quandoque aperta vocatio Iudaeorum in salutem Evangelii; quam
manifestationem vocationis tamquam egressum patris appellat ad rogandum
maiorem filium. Deinde quae respondit maior filius, quaestiones duas habent;
sequitur enim at ille respondens dixit patri suo : ecce tot annis servio
tibi, et nunquam mandatum tuum praeterivi. De mandato non praetergresso
facile illud occurrit, non de omni mandato dictum, sed de uno maxime
necessario, quod nullum alium Deum praeter unum creatorem omnium colere visus
est. Neque iste filius in omnibus Israelitis,
sed in his intelligitur personam habere qui numquam ab uno Deo ad simulacra
conversi sunt. Quamquam enim terrena desideraret, ab uno tamen Deo iste
desiderabat bona, quamvis communia cum pecoribus : unde et in Psalmo 72, 23
dicitur : ut iumentum factus sum apud te, et ego semper tecum. Sed
quis est hoedus quem numquam accepit ad epulandum? Sequitur enim et nunquam
dedisti mihi hoedum, ut cum amicis meis epularer. Peccator hoedi nomine
significari valet. Ambrosius.
Iudaeus hoedum requirit, Christianus agnum; et ideo illis Barabbas
solvitur, nobis agnus immolatur. Quae res etiam in hoedo videtur, quia Iudaei
ritum veteris sacrificii perdiderunt. Vel qui hoedum quaerunt, expectant
Antichristum. Augustinus.
Sed non invenio exitum huius sententiae. Multum enim absurdum est eum cui
post dicitur tu mecum es semper, hoc a patre optasse ut Antichristo crederet.
Neque omnino aliquem Iudaeorum, qui Antichristo credituri sunt, istum filium
fas est intelligi. Quomodo autem epularetur ex illo hoedo, si ipse est
Antichristus, qui ei non crederet? At si hoc est epulari ex hoedi occisione,
quod est de Antichristi perditione laetari; quomodo dicit filius quem recepit
pater, hoc sibi non fuisse concessum, cum omnes filii de eius perditione
laetaturi sint? Ipsum igitur sibi dominum negatum ad epulandum conqueritur,
dum eum peccatorem putat : cum enim hoedus est illi genti, idest cum eum
sabbati violatorem et profanatorem aestimat, iucundari epulis illius non
meruit. Gregorius.
Quod autem dicit cum amicis meis, aut ex persona principum cum plebe
intelligatur, aut ex persona populi Hierosolymitani, cum ceteris populis Iuda.
Hieronymus.
Vel dicit nunquam dedisti mihi hoedum; idest, nullus sanguis prophetae vel
sacerdotis a Romano imperio nos liberavit. Ambrosius.
Impudens autem filius similis est publicano iustificanti se, quia legem
servabat in littera : impie accusabat fratrem, quod cum meretricibus paternam
substantiam prodegisset; sequitur enim sed postquam filius tuus hic, qui
devoravit substantiam suam cum meretricibus, venit, occidisti illi vitulum
saginatum. Augustinus.
Meretrices autem sunt superstitiones gentilium, cum quibus substantiam
dissipat qui, relicto vero connubio veri Dei, cum Daemone foeda cupiditate
fornicatur. Hieronymus.
In hoc autem quod dicit occidisti illi vitulum saginatum, confitetur
venisse Christum, sed invidia non vult salvari. Augustinus.
Non autem pater eum quasi mentientem redarguit, sed secum perseverantiam
eius approbans, ad perfectionem potioris atque iucundioris exultationis
invitat; unde sequitur at ipse dixit illi : fili, tu semper mecum es. Hieronymus.
Vel quod dixerat, iactantia est, non veritas; cui pater non consentit, sed
alia compescit ratione, dicens mecum es, lege qua stringeris : non quia non
peccaverit, sed quia Deus eum semper castigando retraxit. Nec mirum si patri
mentitur qui fratri invidet. Ambrosius.
Sed bonus pater etiam hunc salvare cupiebat, dicens tu mecum semper es,
vel quasi Iudaeus in lege, vel quasi iustus in communione. Augustinus.
Quid autem sibi vult quod addidit et omnia mea tua sunt, quasi non sint et
fratris? Sed sic a perfectis et immortalibus filiis habentur omnia, ut sint
et omnium singula, et omnia singulorum : ut enim cupiditas nihil sine
angustia, ita nihil cum angustia caritas tenet. Sed quomodo omnia? Nonne et
Angelos Deus in possessionem tali filio subiecisse putandus est? Si
possessionem sic accipias ut eius possessor ipse sit dominus, non utique
omnia : non enim domini erimus, sed consortes potius Angelorum. Si vero possessio
sic intelligitur; quomodo recte dicimus possidere animas veritatem, non
invenio cur non vere ac proprie id possimus accipere : non enim illud
loquimur ut dominas veritatis dicamus animas. Aut si nomine possessionis ab
hoc sensu impedimur, illud quoque auferatur : non enim ait pater : omnia
possides, sed omnia mea tua sunt; nec tamen ut ipsius domini. Quod enim est
in nostra pecunia, potest familiae nostrae vel alimentum esse, vel
ornamentum, vel aliud huiusmodi. Et certe cum ipsum patrem recte ille possit
suum dicere, non video quomodo quae ipsius sunt, non etiam recte sua vocare
possit, diversis dumtaxat modis. Cum
enim beatitudinem illam obtinuerimus, nostra erunt ad videndum superiora, ad
convivendum aequalia, ad dominandum inferiora. Congaudeat igitur securissimus
maior frater. Ambrosius. Si enim desinat invidere, omnia sua sunt, vel Iudaeus
sacramenta veteris testamenti, vel baptizatus nova etiam possidens. Theophylactus. Vel aliter totum. Persona filii, qui videtur
murmurare, sumitur pro omnibus quicumque scandalizantur in subditis; sicut
David introducit personam passam scandalum in peccatorum pace. Titus. Maior igitur filius sicut agricola insistebat agriculturae,
non terrestrem, sed animae agrum fodiens, et salutis arbores inserens,
scilicet virtutes. Theophylactus. Vel erat in agro, hoc est in mundo, colens propriam
carnem, ut repleatur panibus, et seminans in lacrymis ut in gaudio metat :
sed cognitis gestis nolebat intrare ad commune gaudium. Chrysostomus. Quaeritur autem si afficitur passione livoris dolens
in prosperis aliorum. Dicendum est autem, quod nullus sanctorum dolet in
talibus; immo bona aliorum sua existimat. Non autem oportet omnia quaecumque
parabola continet, ad litteram pertractare; sed sensum elicientes cuius causa
componitur, nihil aliud perscrutari. Haec ergo parabola ad hoc est composita
ut peccatores non diffidant reverti, scientes quod magna consequentur : unde
introducit alios turbatos in eorum bonis, ut indicet eos livore tabescentes,
sed tanto decore honoratos redeuntes, ut etiam invidiosi possint aliis fieri.
Theophylactus. Vel Pharisaeorum intentionem corrigit dominus per
praesentem parabolam, quos ex hypothesi nominat iustos; quasi dicat : esto
vere vos iustos esse, nec transgressos aliquod mandatorum : numquid igitur
propter hoc non oportet admittere a flagitiis redeuntes? Hieronimus.
Vel aliter. Omnis iustitia in comparatione Dei est iniustitia; unde Paulus
: quis me liberabit de corpore mortis huius? Unde apostoli indignati sunt pro
petitione matris filiorum Zebedaei. Cyrillus.
Quod et nos ipsi quandoque patimur; vivunt enim quidam praestantissimam et
optimam vitam; alius autem in ipso senio multoties ad Deum convertitur, vel
forsitan extremum diem claudere debens, ac diluit reatus, domino miserante.
Hoc quidem aliquando respuunt ex importuna pusillanimitate, non attendentes
mentem salvatoris, qui de salute pereuntium gaudet. Theophylactus.
Dicit ergo filius patri : gratis duxi in doloribus vitam, a peccatoribus molestatus;
et numquam causa mei decrevisti mactandum esse hoedum, idest persequentem me
peccatorem, ut paululum recrearer; qualis hoedus fuit Achab Eliae qui dicebat
: domine, prophetas tuos occiderunt. Ambrosius.
Vel aliter. Notatur hic frater usque adeo ut de villa venire dicatur, hoc
est terrenis operibus occupatus, ignorans quae sunt spiritus Dei, ut denique
numquam pro se vel hoedum quaeratur occisum : non enim pro invidia, sed pro
venia mundi agnus est immolatus. Invidus hoedum quaerit, innocens agnum pro
se desiderat immolari. Ideo et senior dicitur, eo quod cito quis per invidiam
consenescat; ideo et foris stat, eo quod malevolentia eum excludat; ideo
chorum et symphoniam audire non potest, hoc est nonnulla theatralis incentiva
lasciviae, sed plebis concordiam concinentis quae de peccatore salvato dulcem
laetitiae suavitatem resultat; qui enim sibi iusti videntur, indignantur
quando alicui peccatum fatenti venia laxatur. Quis tu es qui domino
contradicas, ne videlicet culpam relaxaret, cum tu cui volueris ignoscas? Sed
remittendis post poenitentiam debemus favere peccatis; ne dum veniae alterius
invidemus, ipsi eam non mereamur a domino. Non invideamus de longinqua
regione remeantibus, quia et nos fuimus in regione longinqua. |
Versets 25-32.
— S. Bède : Aux murmures des scribes et des pharisiens, qui reprochaient au Sauveur d’accueillir favorablement les pécheurs; il répond par trois paraboles, qu’il leur expose successivement. Dans les deux premières, il montre combien la conversion des pécheurs est un sujet de joie pour lui et pour les anges; le but de cette troisième parabole n’est plus seulement de faire ressortir cette grande joie, mais de condamner les murmures de ces esprits envieux : « Cependant, poursuit-il, son fils aîné était dans les champs. » — S.
Augustin : (Quest.
évang.) Ce fils aîné, c’est le peuple d’Israël; il
n’est point allé dans une région lointaine, cependant il n’est pas dans la
maison, il est dans les champs, c’est-à-dire qu’il travaille pour acquérir
les biens de la terre dans le riche héritage de la loi et des prophètes. Il
revient des champs et approche de la maison, c’est-à-dire qu’il désapprouve
les travaux de son oeuvre servile, en considérant d’après les mêmes Écritures
la liberté de l’Église : « Et
comme il revenait et approchait de la maison, il entendit une symphonie et
des danses, » c’est-à-dire ceux qui, remplis de l’Esprit saint,
prêchaient l’Évangile dans une parfaite harmonie de doctrine : « Et il appela un des serviteurs et
lui demanda de quoi il s’agissait, » etc., c’est-à-dire qu’il se met
à lire un des prophètes et cherche à savoir en l’interrogeant la cause de ces
fêtes qu’on célèbre dans l’Église, dont il voit qu’il ne fait pas encore
partie. Le prophète, serviteur de son père, lui répond : « L’autre lui dit : ‘Votre frère est revenu, et votre
père a tué le veau gras, parce qu’il l’a retrouvé en bonne santé’. »
Comme s’il lui disait : Votre frère s’en était allé jusqu’aux extrémités de
la terre, de là cette joie plus vive de ceux qui font entendre des chants
nouveaux, car « ses louanges
retentissent d’un bout de la terre à l’autre. » (Is 42, 10.) Et pour
fêter le retour de celui qui était égaré, on a immolé l’homme qui sait ce que
c’est de souffrir, « parce que
ceux auxquels il n’avait point été annoncé l’ont vu. » (Is 53, 3; Is
52,
45.) — S. Ambroise : Le peuple d’Israël représenté par le frère aîné, envie à son plus jeune frère, c’est-à-dire, au peuple des Gentils, le bienfait de la bénédiction paternelle; ce que faisaient les Juifs, en voyant Jésus-Christ manger avec les païens : « Il s’indigna et ne voulait pas entrer. » — S. Augustin : (Quest. évang.) Cette indignation dure encore aujourd’hui, et ce peuple persiste à ne vouloir pas entrer. Mais lorsque la plénitude des nations sera entrée dans l’Église, le père sortira dans le temps favorable, afin que tout Israël soit sauvé. (Rm 11, 23.26) : « Son père donc étant sorti, se mit à le prier. » Les Juifs, en effet, seront un jour ouvertement appelés au salut apporté par l’Évangile, et cette vocation manifeste nous est ici représentée par la sortie du père, qui vient prier son fils aîné d’entrer. La réponse du fils aîné soulève deux questions : « Il répondit à son père : Voilà tant d’années que je vous sers, et je n’ai jamais manqué à un de vos commandements, » etc. Il est évident d’abord que cette fidélité à ne transgresser aucun commandement, ne doit pas s’entendre de tous les commandements, mais de celui qui est le premier et le plus nécessaire, c’est-à-dire qu’on ne l’a jamais vu adorer d’autre Dieu que le Dieu, seul créateur de toutes choses (Ex 20, 3). Il n’est pas moins certain que ce fils aîné ne représente pas tous les Israélites, mais ceux qui n’ont jamais quitté le culte du vrai Dieu pour adorer les idoles; car bien que ses désirs eussent pour objet les biens de la terre, il n’attendait cependant que du seul vrai Dieu ces biens communs ici-bas aux justes et aux pécheurs, selon ces paroles du Psalmiste (72. 23) : « Je suis devenu semblable devant vous à l’animal stupide, cependant j’ai toujours été avec vous. » (Ps 72, 22.23.) Mais quel est le chevreau qu’il n’a jamais reçu pour faire un festin ? « Et vous ne m’avez jamais donné un chevreau pour faire bonne chère avec mes amis. » Le pécheur est ordinairement figuré sous l’emblème du bouc ou de chevreau. — S. Ambroise : Les Juifs demandent un chevreau, et les chrétiens un agneau; aussi on leur délivre Barabbas, tandis que l’agneau est immolé pour nous. Le fils aîné se plaint qu’on ne lui ait point donné un chevreau, parce que les Juifs ont perdu les rites de leurs anciens sacrifices; ou bien ceux qui désirent un chevreau sont ceux qui attendent l’Antéchrist. — S. Augustin : (Quest. évang.) Cependant, je ne vois pas comment on peut appliquer les conséquences de cette interprétation, car il est souverainement absurde que ce fils, à qui son père dira bientôt : « Vous êtes toujours avec moi, » ait demandé à son père de croire à l’Antéchrist. On ne peut pas davantage voir dans ce fils ceux des Juifs qui devaient embrasser le parti de l’Antéchrist. Or, si ce chevreau est la figure de l’Antéchrist, comment pourrait-il en faire un festin, lui qui ne croit pas à l’Antéchrist ? Mais si le festin de joie qui est fait avec ce chevreau signifie la joie produite par la ruine de l’Antéchrist, comment ce fils aîné du père peut-il dire que cette faveur ne lui ait jamais été accordée, puisque tous ses enfants doivent se réjouir de sa ruine ? Il se plaint donc que le Seigneur ne lui ait pas été donné en festin, parce qu’il le prend pour un pécheur, car comme cette nation considère le Sauveur comme un chevreau ou comme un bouc, en le regardant comme un violateur et un profanateur du sabbat, elle n’a pu mériter la faveur d’être admise à son festin. — S. Grégoire : Ces paroles : « avec mes amis, » doivent s’entendre, ou des principaux des Juifs avec le peuple, on des habitants de Jérusalem avec les autres peuples de Juda. — S. Jérôme : (lett. 446, parab. du prod. au pape Damase), ou bien encore : « Vous ne m’avez jamais donné un chevreau, » c’est-à-dire le sang d’aucun prophète ni d’aucun prêtre ne nous a délivrés de la domination romaine. — S. Ambroise : Ce fils sans pudeur est semblable au pharisien [« au publicain » ?] qui cherchait à se justifier, parce qu’il observait la lettre de la loi, et qu’il accusait son frère d’avoir dévoré le bien de son père avec des femmes perdues : « Et à peine votre autre fils qui a dévoré son bien avec des courtisanes, est-il revenu, vous avez tué pour lui le veau gras.» — S. Augustin : (Quest. évang.) Ces femmes perdues sont les superstitions des Gentils, et on dissipe son bien avec elles, quand au mépris de la légitime alliance qu’on a contractée avec le vrai Dieu, on se livre à une honteuse fornication avec le démon. — S. Jérôme : Il ajoute : « Vous avez tué pour lui le veau gras. » Le peuple juif confesse donc que le Christ est venu, mais par un sentiment d’envie, il refuse le salut qui lui est offert. — S.
Augustin : (comme
précéd.) Son père ne l’accuse pas de mensonge, il le
loue même d’avoir toujours persévéré avec lui, et il l’invite à se livrer aux
sentiments plus parfaits d’une joie meilleure et plus douce : « Alors le père lui dit : Vous, mon
fils, vous êtes toujours avec moi. » — S. Jérôme : On peut dire encore que les paroles du fils ne sont point l’expression de la vérité, mais d’une vaniteuse présomption; aussi le père ne s’y laisse point tromper, et il cherche à calmer son fils par une autre raison, en lui disant : « Vous êtes avec moi, » par la loi qui vous enchaîne, non qu’il n’ait jamais été coupable, mais parce que Dieu l’a toujours retiré des occasions de péché par ses châtiments ? Rien d’étonnant d’ailleurs de voir mentir à son père celui qui porte envie à son frère. — S. Ambroise : Cependant ce bon père ne laisse point de vouloir le sauver en lui disant : « Vous êtes toujours avec moi, » ou comme juif, par l’observation de la loi, ou comme juste par l’union plus intime avec Dieu. — S. Augustin : (Quest. évang.) Mais que veulent dire ces paroles : « Et tout ce que j’ai est à vous ? » Comme si tout n’était pas aussi à son frère ? Sans doute, mais les fils arrivés à la perfection, et comme entrés déjà dans l’immortalité, possèdent toutes choses, comme si chacune d’elles était à tous, et comme si toutes étaient à chacun d’eux. La cupidité [rend le coeur étroit et] ne peut rien posséder qu’avec égoïsme; la charité, au contraire, [agrandit] et dilate le coeur. Mais comment, tout ce qui est au père peut-il être au fils ? Est-ce que Dieu a aussi donné à ce fils la possession des anges ? Si par possession vous entendez que le possesseur soit le propriétaire et le maître, il ne lui a pas tout donné, car nous ne serons pas un jour les maîtres des anges, mais nous partagerons leur bonheur. Mais si vous entendez le mot possession dans le sens que nous disons, que les âmes possèdent la vérité, je ne vois pas pourquoi nous ne prendrions pas cette expression à la lettre, car en parlant ainsi, nous ne voulons pas dire que les âmes soient maîtresses de la vérité; si enfin le sens propre du mot possession ne se prête pas à cette interprétation, nous y renonçons volontiers, car le père ne dit pas : « Vous possédez tout » mais : « Tout ce qui est à moi est à vous, » mais non pas comme si vous en étiez le maître. En effet, ce que nous avons d’argent peut être destiné, soit à l’entretien, soit à l’ornement de notre famille ou à quelque autre usage semblable. Car puisque ce fils peut dire, dans un sens vrai, que son père est à lui, pourquoi ne pourrait-il pas le dire de ce que possède son père ? Il faut seulement l’entendre de différentes manières; ainsi lorsque nous serons parvenus à la béatitude des cieux, les choses supérieures seront à nous pour les contempler, les êtres qui nous sont égaux pour partager leur sort, les créatures inférieures pour les dominer. Le frère aîné peut donc se livrer à la joie en toute sécurité. — S. Ambroise : Car s’il veut renoncer à tout sentiment d’envie, [il verra bientôt que] tout est réellement à lui, les sacrements de l’Ancien Testament, s’il est juif, et ceux de la nouvelle loi, s’il est baptisé. — Théophylacte : On peut encore donner à tout ce passage une explication différente : Ce fils qui se laisse aller aux murmures, figure tous ceux qui se scandalisent du nombre des disciples, comme celui que David nous représente, se scandalisant de la paix dont jouissent les pécheurs. — Tit. de Bostr. : Ce fils aîné, semblable à un laboureur, s’appliquait aux travaux de l’agriculture, en cultivant non un champ matériel, mais le champ de son âme, et en greffant les arbres du salut, c’est-à-dire les vertus. — Théophylacte : Ou bien il était dans les champs, c’est-à-dire dans le monde, cultivant sa propre chair pour lui donner du pain en abondance, et semant dans les larmes pour moissonner dans la joie. Mais, sachant ce qu’il avait fait, il refusait d’entrer dans la joie commune. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) On demande si celui qui s’afflige du bonheur des autres est atteint de la passion de l’envie. Je réponds qu’aucune âme sainte ne s’attriste de la sorte; loin de là, elle regarde le bien des autres comme le sien propre. Il ne faut pas du reste vouloir expliquer à la lettre tout ce que renferme une parabole, quand on a découvert le sens que s’est proposé l’auteur, il ne faut plus chercher autre chose. Or le but de cette parabole est d’exciter les pécheurs à revenir à Dieu avec confiance, par l’espérance des grands avantages qui leur sont promis. Aussi voyons-nous les grâces qui leur sont prodiguées devenir un sujet de trouble [et de profonde jalousie] pour les autres, bien qu’ils soient eux-mêmes environnés de tant d’honneurs, qu’ils puissent devenir à leur tour un sujet d’envie. — Théophylacte : Ou bien encore, Notre Seigneur, dans cette parabole, a dessein de reprendre les mauvaises dispositions des Pharisiens, de ceux qu’il appelle justes par supposition; comme s’il leur disait : Vous êtes vraiment justes, je l’admets, vous n’avez transgressé aucun des commandements, est-ce donc une raison pour ne pas vouloir accueillir ceux qui reviennent de leur conduite coupable ? — S. Jérôme : (de l’enf. prod. à Damase.) Disons encore que toute justice en comparaison de celle de Dieu, n’est qu’injustice. De là ce cri de saint Paul : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? » (Rm 8.) De là cette indignation des Apôtres, lorsqu’ils entendirent la demande de la mère des enfants de Zébédée (Mt 20). — S. Cyrille : Nous éprouvons quelque fois nous-mêmes ce sentiment, nous en voyons, en effet, dont toute la vie se passe dans l’exercice des plus sublimes vertus, d’autres très nombreux qui ne se convertissent à Dieu que dans l’extrême vieillesse, ou même qui, par une grâce particulière de la miséricorde divine, n’effacent leurs pêchés qu’au dernier jour de leur vie. Or il en est qui, par un sentiment de défiance inopportune, ne peuvent admettre cet excès de miséricorde, parce qu’ils ne considèrent pas la bonté du Sauveur, qui se réjouit du salut des pécheurs. — Théophylacte : Le fils dit donc à son père : J’ai passé gratuitement dans les douleurs une vie toujours exposée aux persécutions des pécheurs, et vous n’avez jamais commandé qu’on mît à mort pour moi un chevreau (c’est-à-dire le pécheur qui me persécutait), pour me donner quelques moments de soulagement [et de repos]. Dans ce sens, Achab était le chevreau d’Élie, qui disait à Dieu : « Seigneur, ils ont tué vos prophètes. » (3 R 19.) — S.
Ambroise : Ou bien dans un autre sens : l’Évangile
nous dit que ce frère aîné revenait des champs, c’est-à-dire des occupations
de la terre, et comme il ignore les choses de l’Esprit de Dieu, il se plaint
qu’on n’a jamais tué pour lui un chevreau; car ce n’est pas pour satisfaire
l’envie, mais pour la rédemption du monde que l’agneau a été immolé.
L’envieux demande un chevreau, celui qui est innocent demande qu’on immole
pour lui un agneau. Ce frère est le plus âgé, parce que l’envie est la cause
d’une vieillesse prématurée; il se tient dehors, parce que la malveillance
lui défend d’entrer, il ne peut souffrir ni le bruit de la symphonie et des
danses, (il ne s’agit pas ici des joies du théâtre qui ne sont propres qu’à
exciter les passions), c’est-à-dire les chants harmonieux du peuple qui fait
éclater les sentiments d’une joie douce et suave lorsqu’un pécheur revient à
Dieu. Ceux au contraire qui sont justes à leurs propres yeux, s’indignent du pardon
accordé au pécheur qui avoue ses fautes. Qui êtes-vous pour vous opposer à
Dieu qui veut pardonner, lorsque vous pardonnez vous-même à qui bon vous
semble ? Applaudissons donc à la rémission des péchés qui suit la
pénitence, de peur qu’en nous montrant ainsi jaloux du pardon qui est accordé
aux autres, nous nous rendions indignes de l’obtenir nous-mêmes du Seigneur.
Ne portons point envie à ceux qui reviennent de loin, car nous nous sommes
égarés nous-mêmes dans ces régions lointaines. |
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Caput 16 |
CHAPITRE 16
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Lectio 1 [85897] Catena in Lc., cap. 16 l. 1 Beda.
Postquam murmurantes de poenitentium receptione tribus parabolis salvator
redarguit, quartam mox quintamque de eleemosyna danda et parsimonia sequenda subiungit;
quia et ordo praedicandi aptissimus est ut post poenitentiam eleemosyna
subiungatur; unde dicitur dicebat autem ad discipulos suos : homo quidam erat
dives, qui habebat villicum. Chrysostomus.
Opinio quaedam erronea aggravata mortalibus auget crimina, minuit bona :
ea vero est opinari quod ea quaecumque possidemus in usu vitae, possideamus
ut domini; et ideo etiam opportune ea apprehendimus tamquam bona praecipua.
Sed contrarium est : non enim nos ut domini in vita praesenti collocati sumus
in propria domo, sed tamquam hospites et advenae quo nolimus ducimur, et quo
tempore non putamus : qui nunc locuples est, in brevi fit mendicus. Ergo
quicumque sis, noveris te esse dispensatorem alienorum, et quod transitorii
usus et brevis tibi iura concessa sunt. Abiecto ergo ab anima dominii fastu,
sumas humilitatem et modestiam villici. Beda.
Villicus quippe villae gubernator est, unde et a villa nomen accepit;
oeconomus autem tam pecuniae quam frugum et omnium quae habet dominus,
dispensator est. Ambrosius.
Ex hoc ergo discimus non ipsos esse dominos, sed potius villicos alienarum
facultatum. Theophylactus.
Deinde quod cum non exercemus dispensationem opum ad libitum domini, sed
ad proprias illecebras commissis abutimur, criminosi villici sumus; unde
sequitur et hic diffamatus est apud illum, quasi dissipasset bona illius.
Chrysostomus.
Interea evulsus a villicatione eripitur; sequitur enim et vocavit illum,
et ait ei : quid hoc audio de te? Redde rationem villicationis tuae : iam
enim non poteris villicare. Quotidie talia nobis per effectus exclamat
dominus, ostendens nobis fruentem in meridie sospitate, priusquam
vesperascat, exanimem, et alium inter prandia expirantem; et diversimode ab
hac villicatione discedimus. Sed fidelis dispensator, qui de propria
dispensatione confidit, desiderat cum Paulo dissolvi et esse cum Christo; is
autem cuius sunt vota terrena, anxiatur in exitu : unde de hoc villico
subditur ait autem villicus intra se : quid faciam, quia dominus meus aufert
a me villicationem? Fodere non valeo, mendicare erubesco. Impotentem esse in
opere crimen est vitae inertis; non enim timeret, si consuevisset affectare
labores. Quod si secundum allegoriam accipiamus parabolam, post
transmigrationem hinc factam non est tempus operandi. Vita praesens habet
exercitium mandatorum, futura vero solatium. Si
nihil operatus es hic, frustra in futurum curas; sed nec mendicando
proficies. Huius indicium sunt virgines fatuae : quae imprudenter a
prudentibus mendicaverunt, sed reversae sunt vacuae; quilibet enim suam
conversationem ut tunicam induit; non est autem eam exuere, nec ambire cum
alio. Sed debitorum remissionem ingeniatus est nequitiae villicus, statuens
sibi malorum remedium in conservis; sequitur enim scio quid faciam, ut cum
amotus fuero a villicatione, recipiant me in domos suas. Quoties enim quis
exitum suum percipiens, levat beneficio sarcinam peccatorum, vel relaxando
debita debitori, vel tribuens inopibus copiam, ea quae sunt domini largiens :
multos amicos conciliat praebituros sibi coram iudice testimonium veritatis
non vocibus, sed bonorum operum ostensione; quin etiam paraturos per
testimonium refrigerii mansionem. Nihil autem est nostrum,
sed omnia sunt ditionis Dei; unde sequitur convocatis itaque debitoribus
domini sui, dicebat primo : quantum debes domino meo? At ille dixit : centum
cados olei. Beda.
Cados Graece est amphora continens urnas tres. Sequitur dixitque illi :
accipe cautionem tuam, et sede cito, et scribe quinquaginta; dimidiam ei partem
dimittens. Sequitur deinde alii dixit : tu vero quantum debes? Qui ait :
centum coros tritici. Corus modiis triginta completur. Sequitur ait illi :
accipe litteras tuas, et scribe octoginta; quintam partem ei dimittens.
Simpliciter ergo sic potest accipi. Quisquis indigentiam pauperis vel ex
dimidia, vel ex quinta alleviat parte, misericordiae suae mercede donandus
est. Augustinus
de quaest. Evang. Vel quod de centum cadis olei quinquaginta fecit scribi
a debitore, et de centum coris tritici octoginta, ad hoc valere arbitror, ut
ea quae in sacerdotes atque Levitas Iudaeus quisque operatur, in Ecclesia
Christi abundet, ut cum illis decimas darent, isti dimidias dent, sicut de
bonis suis fecit Zachaeus; aut certe duas decimas dando, idest unam quintam,
superent impendia Iudaeorum. |
Versets 1-7.
— S. Bède : Après avoir condamné par les trois paraboles qui précèdent la sévérité de ceux qui murmuraient de l’accueil qu’il faisait aux pécheurs repentants, le Sauveur ajoute une quatrième et une cinquième paraboles, sur l’obligation de l’aumône et de la vie simple et modeste. Il était très naturel en effet, que le précepte de l’aumône suivit immédiatement celui de la pénitence : « Jésus disait encore à ses disciples : Un homme riche avait un intendant, » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Les hommes sont dominés par une fausse opinion qui ne sert qu’à augmenter leurs fautes et à diminuer leurs mérites; elle consiste à croire que tous les biens que nous possédons pour l’usage de la vie, nous les possédons comme maîtres absolus, et de les rechercher en conséquence comme les biens les plus importants. Or, c’est le contraire qui est vrai; car nous n’avons pas été placés dans cette vie comme des maîtres dans la maison qui leur appartient en propre, mais semblables à des hôtes et à des étrangers, nous sommes conduits là où nous ne voulons pas aller, et dans le temps ou nous y pensons le moins. Celui qui est riche aujourd’hui sera mendiant dans peu de temps. Qui que vous soyez, rappelez-vous donc que vous n’êtes que le dispensateur de biens qui ne vous appartiennent pas, et que vous n’avez sur eux que les droits d’un usage transitoire et passager. Rejetez donc de votre âme l’orgueil qu’inspire la pensée qu’on est maître absolu pour prendre les sentiments de réserve et d’humilité qui conviennent à un simple fermier. — S. Bède : Le fermier est celui qui régit une ferme; d’où lui vient le nom de fermier, l’intendant est l’administrateur de l’argent, des fruits, et en général de tout ce que possède son maître. — S. Ambroise : Nous apprenons de là que nous ne sommes pas les maîtres, mais bien plutôt les fermiers des biens d’autrui. — Théophylacte : Une autre conséquence c’est qu’au lieu d’administrer ces biens suivant la volonté du Seigneur, nous en abusons pour satisfaire nos passions, nous devenons des fermiers coupables d’infidélité : « Et celui-ci fut accusé près de lui d’avoir dissipé ses biens. » — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) On rappelle alors cet intendant et on lui ôte son administration : « Il l’appela et lui dit : Qu’est-ce que j’entends dire de vous ? Rendez-moi compte de votre gestion, car désormais vous ne pourrez plus la conserver. » Le Seigneur nous tient tous les jours le même langage par les exemples qu’il nous met sous les yeux; tel qui jouissait d’une parfaite santé à midi, meurt avant la fin du jour, tel autre expire au milieu d’un festin, et cette administration nous est ôtée de différentes manières. Mais l’économe fidèle qui s’occupe sérieusement de son administration, a comme saint Paul un ardent désir d’être dégagé des liens du corps et d’être avec Jésus-Christ. (Ph 1, 23.) Celui au contraire dont toutes les affections sont pour la terre, voit arriver avec anxiété la fin de sa vie. En effet : « Cet économe dit alors en lui-même : Que ferai-je, puisque mon maître m’ôte la gestion de ses biens ? Travailler à la terre, je n’en ai pas la force, et j’ai honte de mendier. » Cette impuissance pour le travail accuse toute une vie d’indolence, car il n’aurait pas ces craintes, s’il s’était habitué à supporter les fatigues [d’une vie laborieuse]. Le sens figuré de cette parabole est qu’après que nous sommes sortis de cette vie, il n’est plus temps de se livrer au travail. La vie présente doit être employée à l’accomplissement des commandements, la vie future en est la récompense. Si vous n’avez rien fait ici-bas, tous vos projets pour la vie future sont superflus, et il ne vous servira pas davantage de mendier. Vous en avez pour preuve les vierges folles, qui après avoir été si imprévoyantes allèrent mendier auprès des vierges prudentes, mais revinrent sans rien obtenir (Mt 25). Chacun de nous en effet se revêt de sa vie comme d’une tunique; on ne peut ni s’en dépouiller, ni la changer contre une autre. Mais cet économe infidèle forme alors le dessein de libérer les débiteurs de son maître, et de chercher en eux le remède à son infortune : « Je sais ce que je ferai, afin que lorsqu’on m’aura ôté mon emploi, je trouve des gens qui me reçoivent dans leurs maisons. » Celui qui en effet pense au jour de sa mort, et cherche en faisant le bien à rendre moins accablant le poids de ses péchés, (soit en remettant leurs dettes à ceux qui lui doivent, soit en donnant aux pauvres d’abondantes aumônes), celui-là distribue les biens du Seigneur pour se faire beaucoup d’amis qui rendront de lui devant son juge un bon témoignage, non par leurs discours, mais en manifestant ses bonnes oeuvres; et ils lui prépareront par leur témoignage un lieu de rafraîchissement [et de repos]. Or, rien de ce que nous avons, n’est à nous, mais tout appartient à Dieu. En effet, « cet économe ayant fait venir l’un après l’autre les débiteurs de son maître, dit au premier : Combien devez-vous à mon maître ? Il répondit : Cent barils d’huile. » — S. Bède : Un baril est la même mesure que l’amphore grecque qui contenait trois urnes : « L’intendant lui dit : Prenez votre billet; asseyez-vous vite, et écrivez cinquante. » Il lui remet ainsi la moitié de ce qu’il doit : « Ensuite, il dit à un autre : Et vous, combien devez-vous ? Il répondit : Cent mesures de froment. » Cette mesure équivalait à trente boisseaux. « L’intendant lui dit : Prenez votre billet et écrivez quatre-vingts » ; il lui remet la cinquième partie de sa dette. Or, voici comment on peut entendre ce passage. Celui qui soulage la misère du pauvre pour moitié ou pour la cinquième partie sera récompensé pour sa miséricorde. — S. Augustin : (quest. Evang., 2, 34.) Ou bien encore, l’action de cet économe qui au lieu de cent barils d’huile en fait souscrire cinquante au débiteur, au lieu de cent mesures de froment, quatre-vingts doit être entendue en ce sens, je pense, que les dons offerts par les juifs aux prêtres et aux lévites doivent être plus abondants dans l’Église chrétienne. Ainsi, tandis qu’ils ne donnaient que la dîme, les chrétiens doivent donner la moitié, comme Zachée le fit pour ses biens (Lc 19); ou ils doivent au moins surpasser les offrandes des Juifs, en donnant au moins la double dîme, c’est-à-dire la cinquième partie de leurs biens. |
Lectio 2 [85898] Catena in Lc., cap. 16 l. 2 Augustinus de
quaest. Evang. Villicum quem dominus eiciebat a villicatu, laudavit
dominus, eo quod in futurum sibi prospexerit; unde dicitur et laudavit dominus
villicum iniquitatis, quia prudenter egisset. Non tamen omnia debemus ad
imitandum sumere; non enim domino nostro facienda est in aliquo fraus, ut de
ipsa fraude eleemosynas faciamus. Origenes.
Verum, quia gentiles dicunt prudentiam esse virtutem, et definiunt eam
peritiam bonorum, malorum et neutrorum; vel cognitionem agendorum et non
agendorum : considerandum est utrum haec dictio plura aut unum significet.
Dicitur enim quod Deus paravit caelos prudentia : constat bonam esse
prudentiam, qua dominus caelos paravit. Dicitur etiam in Genesis secundum
Lxx, quod serpens prudentissimus erat : ubi prudentiam non virtutem dicit,
sed astutiam ad mala inclinationem habentem; et secundum hoc dicitur quod
dominus laudavit villicum, quia prudenter egisset; hoc est callide et
perperam. Et forsitan quod dixit laudavit, non secundum veram commendationem,
sed abusive dictum est; ut cum dicimus aliquem commendari in mediocribus et
indifferentibus rebus, et quodammodo mirandos esse concursus et acumen,
quibus vigor mentis elicitur. Augustinus.
E contrario dicuntur istae similitudines, ut intelligamus, si laudari
potuit ille a domino qui fraudem faciebat, quanto amplius placeant Deo qui
secundum eius praeceptum opera illa faciunt. Origenes.
Filii quoque huius saeculi non sapientiores, sed prudentiores dicuntur
lucis filiis; et hoc non absolute et simpliciter, sed in genere suo; sequitur
enim quia filii huius saeculi prudentiores filiis lucis in generatione sua
sunt. Beda.
Filii lucis et filii huius saeculi vocantur, quomodo filii regni et filii
perditionis; cuius enim unusquisque agit opera, eius cognominatur et filius.
Theophylactus.
Filios ergo huius saeculi vocant cogitantes quae sibi commoda sunt in
terra; filios vero lucis spirituales opes tractantes intuitu divini amoris.
Invenimur autem in humanis quidem administrationibus prudenter omnia
disponentes et summopere satagentes, ut si desierimus ab administratione,
habeamus vitae refugium; cum vero dispensare debemus divina, non
praemeditamur quae nobis postmodum sunt profutura. Gregorius
Moralium. Ut ergo in sua manu homines post mortem quidquam inveniant, ante
mortem divitias suas in pauperum manibus ponant; unde sequitur et ego vobis
dico : facite vobis amicos de mammona iniquitatis. Augustinus
de Verb. Dom. Quod Hebraei vocant mammona, Latine divitiae vocantur; ac si
diceret : facite vobis amicos de divitiis iniquitatis. Hoc autem quidam male
intelligendo rapiunt aliena, et inde aliquid pauperibus largiuntur; et putant
se facere quod praeceptum est. Intellectus iste corrigendus est. De iustis
laboribus eleemosynas facite : non enim corrupturi estis iudicem Christum. Si
de praeda inopis dares aliquid iudici ut pro te iudicaret, si iudex ille pro
te iudicabit, tanta vis est iustitiae ut etiam tibi displiceat. Noli tibi
pingere talem Deum; fons iustitiae est. Noli ergo eleemosynas facere de
fenore et usuris : fidelibus dico, quibus corpus Christi erogamus : sed si
pecunias tales habetis, de malo est quod habetis. Iam nolite malum facere.
Zachaeus dixit : dimidium rerum mearum do pauperibus. Ecce quomodo currit qui
currit facere amicos de mammona iniquitatis : et ne reus aliunde teneretur :
si cui aliquid tuli, quadruplum reddam. Est et alius intellectus. Mammona
iniquitatis divitiae saeculi sunt omnes, undecumque sint. Si enim veras
divitias quaeris, aliae sunt, quibus Iob nudus abundabat, quando in Deum cor
plenum habebat. Istae autem ab iniquitate appellantur divitiae, quia verae
non sunt : paupertate enim plenae sunt, et semper obnoxiae casibus : si enim
verae divitiae essent, securitatem tibi darent. Augustinus
de quaest. Evang. Vel divitiae iniquitatis dicuntur, quia non sunt istae
divitiae nisi iniquis, et qui in eis constituunt spem, atque copiam suae
beatitudinis. A iustis vero cum hic possidentur, est quidem ista pecunia, sed
non sunt illis divitiae nisi caelestes et spirituales. Ambrosius.
Vel iniquum mammona dixit, quia variis divitiarum illecebris nostras
avaritias tentat affectus, ut velimus servire divitiis. Basilius.
Vel si successeris patrimonio, ab iniustis congregata cepisti : in
pluribus enim praedecessoribus necesse est aliquem reperiri qui iniuste
usurpaverit aliena. Ponatur autem ut nec pater exegerit; sed aurum unde
habes? Si quidem dicis : a me, ignarus Dei es, non habens notitiam creatoris;
si vero a Deo, dic nobis rationem propter quam eas accepisti : an non Dei est
terra et plenitudo eius? Ergo si communis domini nostra sunt, erunt et
conservorum nostrorum. Theophylactus. Illae ergo dicuntur opes nequitiae quascumque
dominus dedit ad impendia necessitatis fratrum ac conservorum nostrorum; nos
vero tenemus nobis. Decebat igitur a principio omnia pauperibus tradi; verum,
quia iniquitatis fuimus villici, nequiter retinentes quod deputatum est ad
aliorum opus, non est omnino manendum in hac crudelitate, sed impartiendum
est pauperibus, ut recipiamur ab eis in caelestibus tabernaculis; sequitur
enim ut cum defeceritis, recipiant vos in aeterna tabernacula. Gregorius Moralium. Si autem eorum amicitiis aeterna tabernacula
acquirimus, dantes pensare debemus quia patronis potius munera offerimus quam
egenis dona largimur. Augustinus
de Verb. Dom. Qui sunt enim qui habebunt tabernacula aeterna nisi sancti
Dei? Et qui sunt qui ab ipsis accipiendi sunt in tabernacula aeterna, nisi
qui eorum indigentiae serviunt, et quod eis opus est hilariter subministrant?
Isti sunt minimi Christi qui omnia sua dimiserunt, et secuti sunt eum : et
quicquid habuerunt, pauperibus distribuerunt, ut Deo sine saeculari compede
expediti servirent, et ab oneribus mundi liberatos, velut pennatos sursum
humeros tollerent. Augustinus
de quaest. Evang. Non ergo eos a quibus recipi volumus in tabernacula
aeterna, tamquam debitores Dei fas est intelligi; cum iusti et sancti
significentur hoc loco, qui eos introducant qui necessitatibus suis terrena
bona communicaverunt. Ambrosius.
Vel aliter. Facite vobis amicos de iniquo mammona, ut largiendo
pauperibus, Angelorum ceterorumque sanctorum gratiam comparemus. Chrysostomus.
Attende etiam, quod non dixit : ut suscipiant vos in suis mansionibus :
non enim ipsi sunt qui suscipiunt; unde cum dixisset facite vobis amicos,
addidit de mammona iniquitatis : ostendens quod non simpliciter eorum
amicitia nobis patrocinabitur, nisi bona opera nos comitentur, nisi evacuemus
iuste divitias congestas iniuste. Ars igitur artium peritissima est
eleemosyna : non enim nobis domos fabricat luteas; sed vitam perennem
impendit. Singularum artium alia alterius adminiculo indiget; cum autem
misereri oportet, nullius alterius, sed solius voluntatis est opus. Cyrillus.
Sic igitur docebat Christus, affluentes divitiis summopere diligere
amicitiam pauperum et thesaurizare in caelis. Noverat autem humanae mentis
desidiam, quomodo ambientes divitias nullum caritativum opus impendunt
egentibus. Quod igitur talibus nullus spiritualium donorum fructus proveniat,
manifestis exemplis ostendit, subdens qui fidelis est in minimo, et in maiori
fidelis est; et qui in modico iniquus est, et in maiori iniquus est. Aperit
autem nobis dominus oculum cordis, exponens quod dixerat, cum subdit si ergo
in iniquo mammona fideles non fuistis, quod verum est quis credet vobis? Est
igitur minimum iniquitatis mammona, idest terrenae divitiae; quae superna
sapientibus nihil esse videntur. Arbitror
ergo aliquem esse in modico fidelem, cum de his minimis, oppressis aerumna
subsidium impertitur. Itaque si in modico fuerimus perfidi, quo pacto ab eo
obtinebimus verum, idest divinorum charismatum, uber donum, animae humanae imprimens
divinam speciem? Quod autem ad hoc tendat intentio verborum
domini, per sequentia patet; dicit enim et si in alieno non fuistis fideles,
quod vestrum est quis dabit vobis? Ambrosius.
Alienae nobis divitiae sunt, quia praeter naturam sunt, neque nobiscum
nascuntur, neque nobiscum transeunt : Christus autem noster est; quia hominum
vita est, denique in propria venit. Theophylactus.
Sic igitur hucusque docuit nos quam fideliter deceat dispensare divitias;
sed quia opum dispensatio secundum Deum non aliter obtinetur quam per
impassibilitatem animi ad divitias non affecti, subiungit nemo servus potest
duobus dominis servire. Ambrosius.
Non quia duo, sed unus est dominus : nam etsi sint qui mammonae serviant,
tamen non ille novit aliqua iura dominatus, sed ipsi sibi iugum servitutis
imponunt. Unus est dominus, quia unus est Deus : unde patet patris et filii
unum esse dominatum : et huius rationem assignat subdens aut enim unum odio
habebit, et alterum diliget; aut uni adhaerebit, et alterum contemnet. Augustinus
de quaest. Evang. Haec autem non passim aut quasi temere dicta sunt; nemo
enim interrogatus utrum diligat Diabolum, respondet se diligere, sed potius
odisse; Deum autem se diligere omnes fere proclamant. Ergo aut unum odiet,
scilicet Diabolum, et alterum diliget, scilicet Deum; aut alteri adhaerebit,
scilicet Diabolo, cum quasi eius praemia temporalia sectatur, et alterum
contemnet, scilicet Deum; sicut solent minas eius postponere cupiditatibus
suis qui de bonitate eius ad impunitatem sibi blandiuntur. Cyrillus.
Conclusio autem est totius sermonis quod sequitur : non potestis Deo
servire et mammonae. Totum igitur studium transferamus ad alterum, divitiis
abrenuntiantes. Beda.
Audiat ergo hoc avarus non posse simul divitiis Christoque serviri; et
tamen non dixit : qui habet divitias, sed : qui servit divitiis; qui enim
divitiarum servus est, divitias custodit ut servus; qui autem servitutis
excussit iugum, distribuit eas ut dominus. Sed qui servit mammonae, illi
utique servit qui rebus istis terrenis merito suae perversitatis praepositus
et princeps huius saeculi nominatur. |
Versets 8-13.
— S. Augustin : (quest. Evang., 2, 34.) Le maître ne laisse pas de louer cet économe, tout en le privant de son emploi, parce qu’il avait su se prémunir contre l’avenir : « Et le maître de l’économe infidèle le loua d’avoir agi prudemment. » Nous ne devons cependant pas tout imiter dans cet exemple, car il nous est défendu de faire tort à notre maître, aussi bien que de faire l’aumône avec le bien que nous avons dérobé. — S. Origène : (ou Géom. Chronique des Pères grecs) Mais comme les païens mettent la prudence au nombre des vertus, et la définissent la science du bien et du mal et de ce qui est indifférent, ou la connaissance de ce qu’il faut faire et de ce qu’il faut éviter, examinons si ce mot n’a qu’une signification ou s’il est susceptible de plusieurs sens. Nous lisons dans l’Écriture que Dieu a préparé (Pv 3, 19) les cieux par sa prudence. Il est donc certain que la prudence est bonne, puisque c’est par elle que Dieu a créé les cieux. Nous voyons encore dans la Genèse (selon la Septante) que le serpent était le plus prudent (Gn 3, 1) de tous les animaux; la prudence ici n’est pas la vertu de prudence, mais un esprit de ruse qui est porté au mal. C’est dans ce dernier sens que le maître loue son économe d’avoir agi prudemment, c’est-à-dire avec ruse et finesse. Peut-être encore cette expression, « il le loua, » n’exprime pas un véritable éloge, mais a été dite dans un sens très étendu; ainsi on dit d’un homme qu’il se distingue dans des choses indifférentes et de peu d’importance, et qu’il excite une espèce d’admiration par son talent de discussion et la vivacité qui mettent en relief la force de son esprit. — S. Augustin : (quest. Evang.) Ces paraboles sont tirées d’objets qu’on peut appeler contraires; si en effet cet économe, tout en se rendant coupable de fraude, a mérité les éloges de son maître, combien plus ceux qui font les mêmes bonnes oeuvres en se conformant aux préceptes de Dieu seront-ils assurés de lui plaire ? — Origène : (comme précéd.) [Remarquez encore que Notre Seigneur dit que] les enfants de ce siècle sont non pas plus sages, mais plus prudents que les enfants de lumière; et encore n’est-ce pas absolument parlant, mais dans leurs relations entre eux : « Car les enfants du siècle sont plus prudents envers leurs parents que les enfants de lumière, » etc. — Bède : Notre Seigneur distingue ici entre les enfants de lumière et les enfants de ce siècle, comme il distingue ailleurs entre les enfants du royaume et les enfants de perdition, car on est fils de celui dont on fait les oeuvres. — Théophylacte : Les enfants de ce siècle sont donc dans la pensée du Sauveur ceux qui sont tout entiers aux avantages de la terre; et les enfants de lumière ceux qui recherchent les richesses spirituelles par amour de Dieu. Or, il arrive que dans l’administration des choses humaines, nous prenons des dispositions prudentes à l’égard de nos biens, et nous avons un soin extrême de nous ménager un lieu de refuge dans le cas ou notre administration nous serait ôtée; tandis que dans l’administration des choses divines nous ne savons pas prévoir ce qui pourra nous être utile pour l’avenir. — S. Grégoire : (Moral., XVIII, 14.) Si donc les hommes ne veulent pas se trouver les mains vides après leur mort, qu’ils placent avant leur dernier jour, leurs richesses dans les mains des pauvres : « Et moi je vous dis : Faites vous des amis avec les richesses d’iniquité, ». — S. Augustin : (Serm. 23, sur les par. du Seig.) Le mot hébreu mammona, signifie en latin richesses; Notre Seigneur veut donc dire : « Faites vous des amis avec les richesses d’iniquité. » Il en est qui par une fausse interprétation de ces paroles dérobent le bien d’autrui, pour en distribuer une partie aux pauvres, et qui s’imaginent accomplir le précepte qui leur est imposé. C’est une erreur qu’il faut redresser. Faites l’aumône avec le juste fruit de votre travail (Pv 3, 9), car vous ne pourrez [tromper ni] corrompre Jésus-Christ votre juge. Si vous offriez à un juge une partie de la dépouille d’un indigent, pour le disposer à juger en votre faveur, et qu’il se laissât en effet corrompre, la force de la justice est si grande que vous n’auriez aucune sympathie pour ce juge. Ne vous figurez pas un Dieu de la sorte, il est la source même de la justice : ne faites donc pas l’aumône avec des gains injustes et avec le fruit de l’usure, dirai-je aux fidèles à qui nous distribuons le corps de Jésus-Christ, mais si vous avez de l’argent acquis par cette voie, vous le possédez injustement. Cessez de commettre le mal; Zachée dit au Sauveur : « Je donne la moitié de mes biens aux pauvres. » (Lc 19.) C’est avec ce pieux empressement qu’agit celui qui désire se faire des amis avec les richesses d’iniquité; et dans la crainte de s’être rendu coupable d’ailleurs, il ajoute : « Et si j’ai fait tort à quelqu’un en quelque chose, je lui rends le quadruple. » Voici une autre explication : Toutes les richesses de ce monde, quelle que soit leur source, sont appelées des richesses d’iniquité. Si vous cherchez les véritables richesses, il en est d’autres que Job possédait en abondance dans son entier dénuement, alors que son coeur était rempli de Dieu. Les richesses du monde au contraire sont appelées richesses d’iniquité, parce qu’elles ne sont point véritables, car elles sont remplies de pauvreté, et sujettes à mille vicissitudes : si elles étaient de véritables richesses, elles vous donneraient de la sécurité. — S. Augustin : (quest. Evang.) Ou bien encore on les appelle richesses d’iniquité, parce qu’elles ne sont qu’entre les mains des méchants qui placent en elles leur confiance et toute l’espérance de leur félicité. Au contraire lorsque les justes sont maîtres de ces richesses, ils ont entre les mains le même argent, mais leurs richesses à eux sont toute célestes et toutes spirituelles. — S. Ambroise : Ou bien enfin il appelle ces richesses, des richesses d’iniquité, parce que l’avarice par les séductions variées qu’elles nous offrent, tente notre coeur, en cherchant à le réduire en esclavage. — S. Basile : Ou bien si vous héritez d’un patrimoine, peut-être est-il le fruit de l’injustice, car quel est celui qui parmi ses ancêtres, n’en trouvera nécessairement quelqu’un qui aura pris injustement le bien d’autrui ? Mais admettons que votre père n’a rien acquis par des voies injustes, d’où vient cet or que vous avez ? Si vous me répondez : Il vient de moi, vous ne connaissez pas Dieu, et n’avez aucune notion de votre Créateur; si vous dites qu’il vient de Dieu, pour quelle raison l’avez vous reçu ? Est-ce que la terre et tout ce qu’elle contient n’appartient pas au Seigneur ? (Ps 23.) Si donc nos biens appartiennent à un commun maître, ils appartiennent aussi à vos semblables. — Théophylacte : On appelle donc richesses d’iniquité toutes celles que le Seigneur nous a données pour soulager les besoins de nos frères et de nos semblables, et cependant nous les réservons pour nous. Nous devions dès le principe distribuer tous nos biens aux pauvres; mais après avoir été des intendants injustes qui avons retenu injustement ce qui était destiné aux besoins d’autrui, cessons de persévérer dans ces sentiments de cruauté, et donnons largement aux pauvres, afin qu’ils nous reçoivent un jour dans la céleste demeure : « afin, poursuit Notre Seigneur, que lorsque vous viendrez à défaillir, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. » — S. Grégoire : (Moral., XXI, 44.) Si donc nous devons à leur affection [reconnaissante] d’entrer dans les tabernacles éternels, nous devons en leur donnant être pénétrés de cette pensée que c’est moins une aumône que nous faisons aux pauvres, que des présents que nous offrons à des protecteurs (cf. Lc 3, 37). — S. Augustin : (Serm. 35, sur les par. du Seig.) Quels sont ceux, en effet, qui entreront dans les tabernacles éternels, si ce n’est les saints de Dieu, et quels sont ceux qu’ils recevront eux-mêmes dans ces tabernacles ? Ceux qui ont soulagé leur indigence, et leur ont donné avec joie ce qui leur était nécessaire. Ce sont là les humbles serviteurs du Christ qui ont tout quitté pour le suivre, et qui ont distribué tous leurs biens aux pauvres, pour servir Dieu avec un coeur dégagé de toutes les chaînes du siècle; et s’élever vers le ciel comme sur des ailes, libres de tous les fardeaux accablants du monde. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 33.) Il n’est pas permis de regarder comme les débiteurs de Dieu ceux par qui nous voulons être reçus dans les tabernacles éternels; car ce passage désigne clairement les justes et les saints qui introduiront dans le ciel ceux qui ont soulagé leur indigence, en partageant avec eux les biens de la terre. — S. Ambroise : Ou bien encore : « Faites-vous des amis avec les richesses d’iniquité, » afin que les aumônes que vous distribuerez aux pauvres, vous obtiennent les bonnes grâces des anges et des autres saints. — S. Jean Chrysostome : Remarquez qu’il ne dit pas : « afin qu’ils vous reçoivent dans leurs demeures, » car rigoureusement parlant, ce ne sont pas eux qui vous reçoivent. Aussi le Sauveur après avoir dit : « Faites-vous des amis, » ajoute : « avec les richesses d’iniquité, » pour montrer que l’amitié des saints ne sera pour nous un véritable appui, qu’autant que nous serons accompagnés de nos bonnes oeuvres, et que nous nous serons dépouillés, suivant la justice, de toutes les richesses acquises injustement. L’aumône est donc le premier et le plus savant des arts; car elle ne nous bâtit pas des maisons de terre, mais nous procure la vie éternelle. Tous les autres arts ont besoin de leur mutuel appui; mais pour l’exercice de la miséricorde, il n’est besoin que de rien d’autre que de la seule volonté. — S.
Cyrille : C’est ainsi que Notre Seigneur
Jésus-Christ enseigne à ceux qui ont de grandes richesses en partage, à
rechercher par dessus tout l’amitié des pauvres, et à se préparer des trésors
dans le ciel. Mais il connaissait l’apathie du coeur humain qui, une fois
dominé par la passion d’acquérir, n’exerce plus aucune oeuvre de charité
envers les pauvres. Il n’a plus à espérer par conséquent aucun fruit des dons
spirituels, suivant la déclaration expresse du Sauveur : « Celui qui est fidèle dans les petites choses, est fidèle aussi
dans les grandes, et celui qui est infidèle dans les petites choses, est
infidèle aussi dans les grandes. » Notre Seigneur nous ouvre ici les
yeux du coeur, et nous donne le vrai sens de ces paroles en ajoutant : « Si vous n’avez pas été fidèles dans
les richesses trompeuses, qui vous confiera les biens
véritables ? » Les petites choses sont donc les richesses
d’iniquité, c’est-à-dire les biens de la terre qui ne sont rien pour ceux qui
ont le goût des choses du ciel. Or, je pense qu’on est fidèle dans les
petites choses, lorsque l’on consacre ces richesses si peu importantes au
soulagement de l’infortune. Si donc nous sommes infidèles dans ces petites
choses, comment pourrons-nous obtenir le don véritable et fécond des grâces
de Dieu, qui imprime à nos âmes le sceau de la ressemblance divine ? Et
la suite fait voir que tel est le sens des paroles du Sauveur : « Et si vous n’avez pas été fidèles
dans un bien étranger, qui vous donnera votre bien propre ? » — S. Ambroise : Les richesses nous sont comme étrangères, parce qu’elles sont en dehors de notre nature, elles ne naissent pas avec nous, elles ne meurent pas avec nous; Jésus-Christ, au contraire, est véritablement à nous, parce qu’il est la vie des hommes, et [en venant parmi eux,] il est venu dans son propre bien. (Jn 1, 4.11.) — Théophylacte : Notre Seigneur nous a donc enseigné jusqu’ici avec quelle fidélité nous devons administrer nos richesses; mais comme nous ne pouvons en faire un usage conforme à la volonté de Dieu, sans que notre coeur soit complètement dégagé de l’affection aux richesses, il ajoute : « Personne ne peut servir deux maîtres. » — S. Ambroise : Ce n’est pas, sans doute, qu’il existe deux maîtres, il n’y en a qu’un seul qui est Dieu. Il en est qui se rendent les esclaves des richesses, mais les richesses n’ont par elles-mêmes aucun droit, aucune autorité sur les hommes, ce sont eux qui se soumettent volontairement à cet esclavage. Il n’y a qu’un seul Maître, parce qu’il n’y a qu’un seul Dieu, par conséquent le Père et le Fils ont une seule et même puissance. Le Sauveur donne la raison de ce qu’il vient de dire : « Car ou il haïra l’un, et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 36.) Ne croyons pas que ces paroles aient été dites au hasard et sans dessein. Sans doute, il n’est pas un homme qui, à cette question : Aimez-vous le démon, ne réponde que loin de l’aimer, il l’a en horreur; tandis que presque tous se font gloire de proclamer qu’ils aiment Dieu. Voici donc le sens de ces paroles : Il haïra l’un (c’est-à-dire le démon), et aimera l’autre (c’est-à-dire Dieu); ou il s’attachera à l’un (c’est-à-dire au démon, en recherchant ses faveurs temporelles); et méprisera l’autre (c’est-à-dire Dieu), comme font tant de chrétiens qui mettent leurs passions au-dessus de ses menaces, et qui se flattent d’obtenir de sa bonté l’impunité de leurs crimes. — S. Cyrille : La conclusion de tout ce discours est dans ces paroles : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. » Renonçons donc aux richesses et mettons tous nos soins et tout notre zèle à servir Dieu seul. — S.
Bède : (tiré
de S. Jérôme.) Que l’avare entende ces paroles : « On ne peut servir à la
fois les richesses et Jésus-Christ ». Et cependant remarquez que le
Sauveur n’a pas dit : Celui qui possède des richesses, mais : « celui qui est l’esclave des
richesses » ; car celui qui est sous l’esclavage des richesses,
les garde comme un esclave; celui, au contraire, qui s’est affranchi de cette
servitude, les distribue comme un maître. Or, celui qui est esclave des
richesses, l’est aussi de celui qui a mérité, par sa perversité, d’être mis
comme à la tête des richesses de la terre, et qui est appelé pour cela le
prince de ce siècle. (Jn 12; 2 Co 4.) |
Lectio 3 [85899] Catena in Lc., cap. 16 l. 3 Beda.
Monuerat Christus Scribas et Pharisaeos de sua iustitia non praesumere,
sed peccatores poenitentes recipere et eleemosynis sua peccata redimere; sed
illi praeceptorem misericordiae, humilitatis, et parsimoniae deridebant :
unde dicit audiebant autem omnia haec Pharisaei, qui erant avari, et
deridebant eum; duas ob causas : quia vel minus utilia imperaret, vel a se
iam facta superflue ingereret. Theophylactus.
At dominus detegens in eis occultam malitiam, ostendit eos simulare iustitiam;
unde subditur et ait illis : vos estis qui iustificatis vos coram hominibus. Iustificant
se coram hominibus qui peccatores tamquam infirmos desperatosque contemnunt,
se autem ipsos tamquam perfectos eleemosynarum remedio opus non habere credunt;
sed noxii tumoris altitudo quam sit iuste damnanda videt ille qui illuminabit
abscondita tenebrarum; unde sequitur Deus autem novit corda vestra.
Theophylactus. Et ideo abominabiles ei estis ob arrogantiam et ambitum
humani favoris; unde subditur quia quod hominibus altum est, abominatio est
apud Deum. Beda.
Disputantem autem contra avaritiam salvatorem Pharisaei deridebant, quasi
contraria legi prophetisque praeciperet, ubi multi ditissimi Deo placuisse
leguntur; sed et ipse Moyses populum quem regebat, si legem sequeretur,
omnibus terrenis bonis abundaturum praedixit : quibus dominus occurrens
ostendit inter legem et Evangelium, sicut promissionum, ita et praeceptorum
non minimam esse differentiam; unde subditur lex et prophetae usque ad
Ioannem. Ambrosius.
Non quia lex defecit, sed quia incepit Evangelii praedicatio : videntur
enim minora compleri, cum potiora succedunt. Chrysostomus
in Matthaeum. Per hoc autem reddit eos celeres ad sui fidem : quia si
usque ad tempus Ioannis consummata sunt omnia, ego sum qui veni : non enim
destitissent prophetae, nisi venissem ego. Sed
dices : qualiter prophetae usque ad Ioannem, cum multo plures prophetae in
novo quam in veteri testamento fuerint? Sed de illis
prophetis dicit qui praenuntiaverunt Christi adventum. Eusebius.
Noverant autem priores prophetae praedicationem regni caelorum; sed nullus
eorum expresse annuntiaverat populo Iudaeorum : eo quod puerilem mentem
Iudaei habentes, imbecilles erant circa praedicationis immensitatem. Primus
autem Ioannes manifeste praedicavit appropinquasse regnum caelorum, necnon et
peccatorum remissionem per lavacrum regenerationis; unde sequitur ex eo
regnum Dei evangelizatur, et omnis in illud vim facit. Ambrosius
in Lucam. Lex enim multa secundum naturam tradidit, ut naturalibus
indulgentior desideriis ad iustitiae studium nos vocaret; Christus naturam
incidit, quia naturales quoque amputat voluptates. Sed ideo vim facimus naturae ut non ad terrena demergat, sed ad
superna se erigat. Eusebius.
Magna enim pugna incumbit mortalibus in ascensu caelorum : quod enim
homines carne mortali vestiti subiugent voluptatem et omnem illicitum
appetitum, imitari volentes vitam angelicam, quomodo non fit violenter? Quis
autem videns divino insudantes cultui, et pene suam carnem mortificantes, non
revera fatebitur illos vim inferre regno caelorum? Sed et si quis indagaverit
mirandum propositum venerandorum martyrum, fatebitur eos vim irrogare in
regnum caelorum. Augustinus
de quaest. Evang. Vim etiam faciunt in regnum caelorum, ut non solum
temporalia ista contemnant, sed etiam linguas deridentium se talia
contemnentes : hoc enim subiungit Evangelista, cum dixisset derisum fuisse
Iesum cum de contemnendis terrenis divitiis loqueretur. Beda.
Ne autem putarent in eo quod dixit lex et prophetae usque ad Ioannem,
legis vel prophetarum ab eo destructionem praedicari; hoc excludit subdens
facilius autem est caelum et terram praeterire, quam de lege unum apicem
cadere. Praeterit enim figura huius mundi; de lege autem nec unius quidem litterae
summitas, idest nec minima quaeque a sacramentis spiritualibus vacant : et
tamen lex et prophetae usque ad Ioannem; quia non potuit ultra venturum
prophetizari qui Ioannis praeconio iam venisse clarebat. Quod autem de lege
in perpetuum non violanda praedixerat, uno exempli gratia de illa sumpto
confirmat testimonio, dicens omnis qui dimittit uxorem suam, et ducit
alteram, moechatur; et qui dimissam a viro ducit, moechatur : ut ex hoc uno
discerent etiam in ceteris eum non ad solvenda, sed implenda decreta legis
venisse. Theophylactus.
Quod enim cum imperfectis lex imperfecte loqueretur, ex hoc patet quod
duris praecordiis Iudaeorum ait : si vir odio habuerit coniugem, dimittet
eam; quia cum homicidae essent et gauderent in sanguine, nec astrictorum sibi
miserebantur : adeo ut filios et filias mactarent Daemonibus. Nunc vero
perfectioris doctrinae opus est; ob hoc igitur dico, quod si quis repudiat
coniugem, non incumbente causa fornicationis, moechatur, et qui aliam
duxerit, moechatur. Ambrosius.
Prius autem dicendum arbitror de lege coniugii, ut postea de prohibendo
divortio disputemus. Quidam putant omne coniugium a Deo esse, quia scriptum
est : quod Deus coniunxit, homo non separet. Quomodo ergo apostolus dixit :
si infidelis discedit, discedat? In quo ostendit non a Deo esse omne
coniugium : neque enim Christiani gentilibus Dei iudicio coniunguntur. Noli
ergo uxorem dimittere, ne Deum tuae culpae diffitearis auctorem. Etenim si
alienos, multo magis uxoris debes tolerare et emendare mores : quae cum
parvulis feta dimittitur : durum si excludas parentem, pignora teneas, ut ad
contumeliam parentis addas etiam pietatis iniuriam; durius si propter matrem
etiam filios simul pellas. Patierisne liberos tuos vivente te esse sub
vitrico; ac incolumi matre, esse sub noverca? Quam periculosum si fragilem
adolescentiae aetatem errori offeras; quam impium, si eius destituas
senectutem cuius defloraveris iuventutem. Pone si repudiata non nubat; et hoc
tibi debuit displicere, cui adultero fidem servat. Pone si nubat; necessitas
illius tuum crimen est; et quod coniugium putas, adulterium est. Hoc
moraliter tamen : quia supra proposuerat regnum Dei evangelizari; et cum
dixisset de lege unum apicem non posse cadere, subiecit omnis qui dimittit
uxorem suam et ducit alteram, moechatur, etc.; vir Christus est, uxor
Ecclesia, caritate uxor, integritate virgo. Ergo quem Deus traxit ad filium,
non separet persecutio, non avertat luxuria, non philosophia depraedetur,
haereticus non inficiat, Iudaeus non separet. Adulteri sunt omnes qui
adulterare cupiunt fidei et sapientiae veritatem. |
Versets 14-18.
— S. Bède : Jésus-Christ avait enseigné aux scribes et aux pharisiens à ne pas présumer de leur justice, à recevoir les pécheurs repentants, et à racheter leurs péchés par l’aumône; mais les insensés se moquaient de ce divin docteur qui leur enseignait la miséricorde, l’humilité et la modération dans l’usage des richesses : « Or, les pharisiens qui étaient avares, écoutaient toutes ces choses, et se moquaient de lui. » Ils se moquaient de lui pour deux raisons, parce que ses recommandations leur paraissaient peu utiles, ou parce qu’il leur prescrivait des choses utiles, mais qu’ils faisaient depuis longtemps. — Théophylacte : Or le Seigneur, qui découvrait leur malice secrète, leur montra que
leur justice n’était qu’hypocrisie : « Et
il leur dit : Pour vous, vous affectez de paraître justes devant les
hommes. » — S. Bède : Ils affectent de paraître justes devant les hommes, ils méprisent les pécheurs comme des infirmes désespérés, et ils s’imaginent être assez parfaits pour n’avoir pas besoin du remède de l’aumône; mais celui qui répandra un jour la lumière sur les ténèbres les plus épaisses, voit combien est condamnable la profondeur de cet orgueil coupable : « Mais Dieu connaît vos coeurs. » —
Théophylacte : Aussi votre arrogance et le désir
effréné de l’estime des hommes vous rendent-ils un objet d’abomination à ses
yeux : « Car ce qui est grand aux
yeux des hommes est abominable devant Dieu. » — S. Bède : Les pharisiens se moquaient du Sauveur qui leur parlait contre l’avarice, comme si son enseignement était contraire à celui de la loi et des prophètes, où l’on voit un grand nombre de personnes riches qui ont été agréables à Dieu; Moïse lui-même avait promis au peuple qu’il gouvernait, tous les biens de la terre en abondance, s’il était fidèle à suivre la loi. (Dt 28, 1-14.) Notre Seigneur combat donc ces idées en leur montrant qu’il y a une grande différence entre les préceptes comme entre les promesses de la loi et de l’Évangile : « La loi et les prophètes ont duré jusqu’à Jean. » — S. Ambroise : Ce n’est pas que la loi ait été [immédiatement] détruite, mais parce qu’alors a commencé la prédication de l’Évangile; car les institutions moins importantes paraissent atteindre leur terme, lorsque de plus grandes leur succèdent. — S. Jean Chrysostome : (hom. 38 sur Matth.) Par ces paroles, Notre Seigneur les dispose à croire en lui; si au temps de Jean, tout est arrivé à son terme, je suis donc celui qui doit venir; car les prophètes n’auraient pas cessé de paraître, si je n’étais pas venu. (hom. 19 de l’ouvr. incomp.) Mais, direz-vous, comment peut-on dire que les prophètes n’ont duré que jusqu’au temps de Jean, puisqu’il y a eu beaucoup plus de prophètes dans le Nouveau Testament que dans l’Ancien ? Notre Seigneur ne veut donc parler ici que de ceux qui ont annoncé l’avènement de Jésus-Christ. —
Eusèbe : (Chronique
des Pères grecs) Les anciens prophètes avaient eu
aussi la connaissance du royaume des cieux, mais aucun d’eux ne l’avait
enseigné en termes exprès au peuple juif, parce que ce peuple avait un esprit
trop léger et trop faible pour comprendre l’étendue de cet enseignement.
Jean-Baptiste fut le premier qui annonça ouvertement que le royaume des cieux
était proche, et que les péchés seraient remis par le baptême de la
régénération : « Depuis Jean, le
royaume de Dieu est annoncé, et chacun fait effort pour y entrer. » — S. Ambroise : La loi contenait beaucoup de préceptes conformes à notre nature, pour nous attirer à la pratique de la justice par cette condescendance pour nos inclinations naturelles; Jésus-Christ, au contraire, vient détruire la nature en retranchant toutes les jouissances naturelles. Mais nous ne faisons violence à la nature que pour l’empêcher de se plonger dans les joies de la terre, et l’élever jusqu’à la pensée des choses du ciel. — Eusèbe : Ce n’est pas sans de grands combats, que de faibles mortels peuvent monter jusqu’au ciel. Comment, en effet, des hommes revêtus d’une chair mortelle, pourraient-ils, sans se faire violence, dompter la volupté et tout désir criminel, et imiter volontairement sur la terre la vie des anges ? En les voyant se livrer à des travaux si pénibles pour le service de Dieu, et réduire presque leur chair à une mort véritable (Rm 8, 13; Col 3, 5), qui n’avouera qu’ils font véritablement violence au royaume des cieux ? Peut-on encore, en considérant le courage admirable des vénérables martyrs, ne pas reconnaître qu’ils ont fait une véritable violence au royaume des cieux ? — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 37.) On fait encore violence au royaume des cieux, en méprisant non seulement les richesses de la terre, mais les discours de ceux qui se moquent de cette indifférence complète pour ces jouissances passagères. En effet l’Évangéliste rapporte ces paroles après avoir fait observer qu’ils se moquèrent de Jésus qui leur parlait du mépris des choses de la terre. — S. Bède : Ces paroles du Sauveur : « La loi et les prophètes ont duré jusqu’à Jean, » pouvaient donner à croire qu’il annonçait l’abolition de la loi et des prophètes, il combat cette pensée eu ajoutant : « Le ciel et la terre passeront plus facilement qu’un seul point de la loi périsse» ; car la figure de ce monde passe (1 Co 7), mais le moindre trait d’une seule lettre de la loi ne passera pas, c’est-à-dire que le plus petit article de la loi a une signification mystérieuse. Et cependant il était vrai de dire que la loi et les prophètes ont duré jusqu’à Jean, parce qu’il n’y avait plus lieu de prédire l’avènement de celui qui était arrivé, d’après le témoignage si manifeste de Jean-Baptiste. Notre Seigneur confirme ensuite par un seul trait de la loi, ce qu’il vient de dire, qu’aucun de ses préceptes ne serait jamais abrogé : « Quiconque renvoie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère, et quiconque épouse la femme renvoyée par son mari, commet un adultère. » Par ce seul trait, il leur apprend qu’il n’est pas venu détruire, mais accomplir les autres points de la loi. — Théophylacte : La loi, sans doute, tenait aux imparfaits un langage encore imparfait, lorsque, prenant en considération la dureté de coeur des Juifs, elle leur disait : « Si un homme prend une femme, et qu’elle lui inspire ensuite du dégoût..., il la renverra de sa maison. » (Dt 24, 1.) Car ils avaient des instincts homicides et prenaient plaisir à verser le sang; ils n’avaient même pas pitié de ceux qui leur étaient le plus étroitement unis, jusque-là qu’ils immolaient aux démons leurs fils et leurs filles. Mais il faut maintenant une doctrine plus parfaite. Aussi, je vous le déclare, si quelqu’un répudie son épouse, hors le cas de fornication, il commet un adultère; et celui qui en épouse une autre, commet également un adultère. — S. Ambroise : Je pense qu’il nous faut d’abord traiter de la loi du mariage, avant d’en venir à la prohibition du divorce. Il en est qui pensent que tout mariage a Dieu pour auteur, parce qu’il est écrit : « Que l’homme ne sépare point ce que Dieu a uni. » (Mt 19; Mc 10.) Mais comment alors l’Apôtre a-t-il pu dire : « Si le mari infidèle se sépare d’avec sa femme, qu’elle le laisse aller ? » (1 Co 7, 15.) Ces paroles démontrent clairement que Dieu n’est pas l’auteur de tous les mariages; car ce n’est point conformément à sa volonté, que les chrétiens s’unissent aux Gentils. Gardez-vous donc de renvoyer votre épouse, pour ne pas désavouer que Dieu est l’auteur de votre union. Vous devez supporter les défauts de vos semblables, à plus forte raison devez-vous supporter et corriger les défauts de votre épouse. Si vous la renvoyez après qu’elle vous a donné des enfants, n’est-ce pas une cruauté que de renvoyer la mère, et de retenir les gages de votre mutuelle union, et de la blesser ainsi dans son amour maternel, en même temps que dans son honneur ? Mais ne serait-il pas plus cruel encore de chasser les enfants à cause de la mère ? Souffrirez-vous que de votre vivant, vos enfants soient sous la dépendance d’un beau-père, ou que du vivant de leur mère ils soient assujettis à une marâtre ? Quoi de plus dangereux que d’exposer aux séductions de l’erreur l’âge si fragile d’une jeune femme ? Quoi de plus barbare, que d’abandonner dans sa vieillesse, celle qui a perdu auprès de vous les grâces de sa jeunesse ? Supposez qu’ainsi répudiée, elle ne se marie pas, est-ce qu’il ne vous est pas désagréable qu’elle reste fidèle à un adultère ? Admettez, au contraire, qu’elle contracte une autre union, la nécessité où elle se trouve fait votre crime, et ce que vous regardez comme un mariage, n’est qu’un adultère. Tel est le sens moral de ce passage. Cependant, comme Notre Seigneur vient de dire précédemment que le royaume de Dieu était annoncé, et que le plus petit point de la loi ne serait point effacé, et qu’il ajoute ensuite : « Quiconque renvoie sa femme, et en épouse une autre, commet l’adultère»; [on peut donner ici cette interprétation figurée] : L’homme, c’est Jésus-Christ; l’épouse, c’est l’Église, épouse par la charité, vierge par la chasteté. Que celui donc que Dieu a [par sa grâce] attiré à son Fils, ne s’en laisse ni séparer par la persécution, ni détourner par les plaisirs des sens; qu’il ne se laisse point dépouiller par la philosophie, ni empoisonner par l’hérésie, ni entraîner par les Juifs. Tous ceux qui s’efforcent de corrompre la vérité de la foi et de la sagesse sont des adultères. |
Lectio 4 [85900] Catena in Lc., cap. 16 l. 4 Beda.
Admonuerat supra dominus facere amicos de mammona iniquitatis; quod audientes
Pharisaei deridebant : deinde illa quae proposuerat exemplis astruit, dicens
homo quidam erat dives. Chrysostomus.
Erat, non est, quia praeteriit quasi umbra fugiens. Non
autem omnis sancta paupertas, aut divitiae criminosae; sed ut luxuria infamat
divitias, ita paupertatem commendat sanctitas; sequitur enim et induebatur
purpura et bysso. Ambrosius.
Purpura color regii habitus est, ex conchis marinis ferro circumcisis
emissa; byssus vero genus lini candidi et mollissimi. Gregorius
in Evang. Si autem subtilium pretiosarumque vestium cultus culpa non
esset, nequaquam sermo Dei hoc tam vigilanter exprimeret. Nemo quippe
vestimenta pretiosa nisi ad inanem gloriam quaerit, ut honoratior ceteris
esse videatur : nemo enim vult ibi pretiosis vestibus indui ubi ab aliis non
possit videri. Chrysostomus.
Cinerem et pulverem et terram purpura et serico protegebat : secundum
vestimenta eius, ita et epulae : ergo et nobis quales epulae, talia et
vestimenta; unde sequitur et epulabatur quotidie splendide. Gregorius
Moralium. Ubi solerter intuendum est, quia celebrari sine culpa convivia
vix possunt : pene semper epulas comitatur voluptas. Nam dum corpus in refectionis delectatione resolvitur, cor ad inane
gaudium relaxatur. Sequitur et erat quidam mendicus nomine
Lazarus. Ambrosius.
Narratio magis quam parabola videtur, quando etiam nomen exprimitur. Chrysostomus.
Parabola vero illa est ubi exemplum ponitur, et tacentur nomina.
Interpretatur autem Lazarus, qui adiutus est : pauper enim erat, et illum dominus
adiuvabat. Cyrillus.
Vel aliter. Praesens sermo de divite et Lazaro similitudinarie scriptus
est in parabola, ut innotescat quod qui terrenis affluunt opibus, nisi velint
opitulari necessitatibus pauperum, gravem incurrent sententiam. Refert autem
traditio Iudaeorum, Lazarum quemdam fuisse tunc temporis in Hierosolymis
extrema pressum inopia et infirmitate, cuius meminit dominus, introducens eum
in exemplum ad maiorem sermonis manifestationem. Gregorius
in Evang. Notandum etiam est, quia in populo plus solent nomina divitum
quam pauperum sciri. Dominus autem nomen pauperis dicit, et nomen divitis non
dicit : quia Deus humiles novit atque approbat, superbos ignorat. Ut autem
amplius probaretur pauper, simul hunc et paupertas et aegritudo tabefecit;
sequitur enim qui iacebat ad ianuam eius ulceribus plenus. Chrysostomus.
Ideo iacebat ad ianuam, ne dives diceret : non vidi, nemo mihi nuntiavit.
Videbat eum exiens et revertens. Ideo ulceribus plenus, ut crudelitatem
divitis suo corpore demonstraret. Infelicissime hominum, mortem corporis tui
vides iacere ante ianuam, et non misereris. Si Dei praecepta non consideras,
saltem conditionis tuae miserere, et time ne ipse talis efficiaris.
Aegrotatio autem habet aliquod solatium, si opes habet; quanta ergo in isto
poena est in quo inter tanta vulnera non meminit dolores plagarum, sed famem?
Sequitur enim cupiens saturari de micis quae cadebant de mensa divitis; quasi
dicat : quod proicis de mensa, hoc praebe in eleemosynam; fac damna lucrum.
Ambrosius.
Insolentia autem et tumor divitum indiciis competentibus subinfertur;
sequitur enim et nemo illi dabat. Ita enim sunt conditionis humanae
immemores, ut tamquam supra naturam siti de miseriis pauperum incentiva
suarum capiant voluptatum, rideant inopem, insultent egenti, et quorum
misereri deceat, his auferant. Augustinus
de Verb. Dom. Inexplebilis enim avaritia divitum nec timet Deum, nec
hominem veretur; non parcit patri, amico fidem non servat, viduam opprimit,
rem pupilli invadit. Gregorius.
Insuper pauper videbat procedentem divitem ab obsequentibus circumfulciri,
se in infirmitate et inopia a nullo visitari : nam quia nemo ei ad visitandum
aderat, testantur canes, qui licenter vulnera eius lingebant; sequitur enim
sed et canes veniebant, et lingebant ulcera eius. Chrysostomus.
Ulcera quae nullus hominum lavare dignabatur et contrectare, ferae mites
lambunt. Gregorius.
Ex una ergo re omnipotens Deus duo iudicia exhibuit, dum Lazarum pauperem
ante ianuam divitis iacere permisit : ut et dives impius damnationis sibi
augeret ultionem, et tentatus pauper cresceret ad remunerationem : quia
conspiciebat ille quotidie cui misereretur, videbat iste de quo probaretur. |
Versets 19-21
— S. Bède : Le Sauveur venait d’exhorter à se faire des amis avec les richesses d’iniquité, et comme les pharisiens se moquaient de ses enseignements, il les confirme par l’exemple suivant : « Il y avait un homme riche, » etc. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur les riches.) « Il y avait, » et non : il y a, car il a passé comme une ombre fugitive. — S.
Ambroise : Toute pauvreté n’est pas sainte, comme
aussi toute richesse n’est pas nécessairement criminelle, mais de même que
c’est la vie molle et sensuelle qui déshonore les richesses, c’est la
sainteté qui rend la pauvreté recommandable. « Il était vêtu de pourpre et de fin lin. » — S. Bède ou S. Ambroise : La pourpre est la couleur des habits des rois, on la tire de coquillages marins par une incision faite avec le fer. Ce que la Vulgate traduit par byssus est une espèce de lin très blanc et très doux. — S. Grégoire : (hom. 40 sur les Evang.) Si la recherche des vêtements fins et précieux n’était pas coupable, Dieu n’aurait pas détaillé avec tant de soin ces diverses circonstances. En effet, on ne désire de luxe dans les vêtements, que par un motif de vaine gloire, pour obtenir plus de considération que les autres; car quel est celui qui voudrait se revêtir d’habits somptueux, s’il ne devait être vu par personne ? — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Cet homme recouvrait de pourpre et de soie, la cendre, la poussière et la terre, [ou bien la cendre, la poussière et la terre portaient la pourpre et la soie]. Sa table répondait à ses vêtements. Il en est ainsi de nous, telle est notre table, tels sont nos vêtements : « Et il faisait tous les jours une chère splendide. » — S. Grégoire : (Moral., 1, 5.) Remarquons ici avec attention qu’il est presque impossible de faire fréquemment des festins sans se rendre coupable; car presque toujours la volupté est la compagne inséparable de ces festins, lorsque le corps est amolli par les plaisirs de la terre, le coeur s’abandonne lui-même à une joie déréglée. « Il
y avait aussi un mendiant nommé Lazare. » — S. Ambroise : Il semble que ce soit ici une histoire plutôt qu’une parabole, puisqu’il y a désignation précise du nom. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Dans la parabole, au contraire, on propose un exemple et on passe les noms sous silence. Le mot Lazare signifie qui est secouru; en effet, il était pauvre et il avait Dieu pour soutien. — S. Cyrille : Ou encore ce récit du mauvais riche et de Lazare, est présenté sous forme de parabole, pour apprendre à ceux qui possèdent de grandes richesses, qu’ils encourront une sévère condamnation, s’ils refusent de secourir les nécessités des pauvres. Une tradition juive rapporte qu’il y avait alors à Jérusalem un homme nommé Lazare, accablé tout à la fois sous le poids de l’indigence et de la maladie, et c’est lui que Notre Seigneur prend ici pour exemple pour donner plus de clarté à ses enseignements. — S. Grégoire : (hom. 40 sur les Evang.) Remarquez encore que dans le peuple on connaît bien mieux le nom des riches que celui des pauvres; or Notre Seigneur nous fait connaître ici le nom du pauvre et passe sous silence le nom du riche, pour nous apprendre que Dieu connaît et chérit les humbles, tandis qu’il ignore les superbes. Une nouvelle épreuve venait s’ajouter à sa pauvreté, il était victime à la fois de la pauvreté et de la souffrance : « Il était couché à sa porte, couvert d’ulcères. » — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Il était couché devant la porte, afin que le riche ne pût dire : Je ne l’ai pas vu, personne ne m’en a parlé. Il le voyait donc toutes les fois qu’il entrait et sortait. Le Sauveur ajoute que ce pauvre était couvert d’ulcères pour faire ressortir par ce trait toute la cruauté du riche. O le plus malheureux des hommes, vous voyez votre corps dans celui de votre semblable, mourant et étendu à votre porte, et vous n’en avez aucune pitié ! Si vous êtes peu sensible aux commandements de Dieu, souvenez-vous au moins de votre condition, et craignez d’être un jour réduit à ce triste état. Mais encore la maladie trouve-t-elle quelque soulagement dans les richesses, quand elle les possède; quelle est donc grande la misère de ce pauvre, puisque couvert de tant de plaies, il oublie ses douloureuses souffrances pour ne se souvenir que de la faim qu’il éprouve : « Il désirait se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, » et semblait lui dire : Faites-moi l’aumône de ce que vous rejetez de votre table, et faites-vous un gain avec ce que vous perdez. — S. Ambroise : L’insolence et l’orgueil des riches se révèlent ici à des signes non équivoques : « Et personne ne lui en donnait. » Les riches, en effet, sont si oublieux de leur condition humaine, qu’ils s’imaginent être d’une nature supérieure, et trouvent dans la misère même des pauvres un nouveau stimulant pour leurs voluptés, ils se moquent du pauvre, ils insultent au malheureux, et ils vont jusqu’à dépouiller ceux dont ils auraient dû prendre pitié. — S. Augustin : (serm. 25 sur les par. du Seign.) En effet, l’avarice des riches est insatiable, elle n’a ni crainte pour Dieu, ni égard pour les hommes, elle n’épargne pas son père, elle ne respecte pas les droits sacrés de l’amitié, elle opprime la veuve et s’empare des biens de l’orphelin. — S. Grégoire : (hom.
40.) Ajoutez
que le pauvre voyait tous les jours le riche s’avancer, entouré d’un nombreux
cortége de gens obséquieux, tandis qu’il était complètement délaissé dans son
infirmité et dans son indigence, car une preuve évidente que personne ne
venait le visiter, c’est que les chiens venaient paisiblement lécher ses
ulcères : « Et les chiens
venaient, ajoute le Sauveur, et
léchaient ses ulcères. » — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Ces animaux compatissants viennent lécher ces plaies qu’aucun homme ne daignait laver et panser. — S. Grégoire : (hom. 40.) Dans un seul fait, Dieu tout-puissant exerce un double jugement. Il permet que le pauvre Lazare soit étendu devant la porte du riche, afin que ce riche impitoyable aggravât ainsi la sévérité de sa condamnation, et aussi pour que le pauvre augmentât ses droits à la récompense, car le premier voyait tous les jours celui dont il devait avoir pitié, et le second avait sans cesse sous les yeux ce qui faisait le sujet de son épreuve. |
Lectio 5 [85901] Catena in Lc., cap. 16 l. 5 Chrysostomus. Audivimus quid utrique in terra passi sunt;
videamus quid utrique patiantur apud Inferos. Quod temporale fuit,
praeteriit; quod sequitur, aeternum est. Uterque mortuus est : illum Angeli,
hunc poenae susceperunt; dicitur enim factum est autem ut moreretur mendicus,
et portaretur in sinum Abrahae. Tantae poenae repente deliciis commutantur. Portatur
post tantos labores, quia defecerat, ne saltem ambulans laboraret; et
portabatur ab Angelis. Non suffecerat ad portandum pauperem unus Angelus; sed
propterea plures veniunt ut chorum laetitiae faciant. Gaudet unusquisque
Angelus tantum onus tangere; libenter talibus oneribus praegravantur, ut
ducant homines ad regna caelorum. Portatus est autem in sinum Abrahae, ut
illum palparet et refocillaret. Sinus Abrahae, Paradisus est. Ideo autem
Angeli ministrantes tulerunt pauperem et locaverunt eum in sinu Abrahae, quia
licet despectus iaceret, non tamen desperavit, nec blasphemavit, dicens : hic
dives in nequitia vivens gaudet, et tribulationem non patitur; ego vero nec
obtinere valeo necessariam escam. Augustinus
de Orig. An. Quod autem Abrahae sinum existimas esse corporeum, vereor ne
in re tanta ioculariter, non serio agere credaris. Neque enim usque adeo
deciperis, ut arbitreris corporeum sinum hominis unius ferre tot animas;
immo, ut secundum te loquar, tot corpora quot illuc Angeli, sicut Lazarum,
perferunt : nisi opineris fortasse illam unam animam solam ad eumdem sinum
pervenire meruisse. Si errare pueriliter non vis, sinum Abrahae intellige
remotam sedem quietis atque secretam, ubi est Abraham; et ideo Abrahae
dictam, non quod ipsius tantum sit, sed quod ipse multarum gentium pater sit,
qui ad imitandum fidei principatum praepositus est. Gregorius
in Evang. Cum autem duo essent inferius corda, pauperis scilicet et
divitis; unus desuper erat inspector, qui et pauperem tentando exercebat ad
gloriam, et divitem tolerando expectabat ad poenam; unde sequitur mortuus est
autem et dives. Chrysostomus.
Mortuus quidem est tunc corpore; sed erat illi ante anima mortua : nihil
enim agebat ex operibus animae : nam totus fervor eius qui provenit ex
dilectione proximi, expiravit, et erat corpore defuncto defunctior. Nullus
autem est qui sepeliendo diviti ministrasse dicatur ut Lazaro : eo namque
quod in lato itinere delectatus multos habuit obsequentes adulatores, ut
pervenit ad finem, privatus est omnibus; simpliciter enim sequitur et
sepultus est in Inferno. Sed etiam anima eius dum viveret sepeliebatur,
obruta corpore quasi sepulchro. Augustinus
de quaest. Evang. Sepultura autem Inferni poenarum profunditas est, quae
superbos et immisericordes post hanc vitam vorat. Basilius.
Est autem Infernus quidam locus communis in intimo terrae, obumbratus
undique, et opacus, cuius est quoddam orificium in profundum tendens, per
quod patet descensus animabus ad mala damnatis. Chrysostomus. Vel
sicut regum carceres extra manent, sic et extra mundum foris alicubi est
Infernus, unde et exteriores tenebrae dictae sunt. Theophylactus.
Quidam vero dicunt Infernum esse transitum ab apparenti ad disparens, et
deformitatem animae : quamdiu enim anima peccatoris in corpore est, apparet
per proprias operationes; ut autem evolat de corpore, fit deformis. Chrysostomus.
Sicut autem pauperi dum viveret graviorem poenam reddebat iacere ante ianuam
divitis, et aliena bona prospicere; sic diviti mortuo augebat exitium
accubitus in Gehenna, et prospectus delectationis Lazari; ne solum
tormentorum natura, sed et collatione honoris illius intolerabilius sentiret
supplicium; unde sequitur elevans autem oculos suos, cum esset in tormentis,
vidit Abraham a longe. Elevavit
quidem oculos ut inspiceret, non ut despiceret. Lazarus enim sursum erat,
ille deorsum; illum plures Angeli portabant, istum infinita tormenta
possidebant; unde non dicit cum esset in tormento, sed in tormentis : totus
enim in tormentis erat, oculos solos liberos habebat, ut alterius laetitiam
posset aspicere, ut magis torqueatur, quia non habet quod alius habet :
aliorum divitias, eorum qui in paupertate sunt, tormenta sunt. Gregorius.
Si autem Abraham adhuc in imis non esset, hunc dives in tormentis positus
non videret. Eos enim qui caelestis patriae vias secuti sunt, post egressum
carnis, Inferni claustra tenuerunt, non ut poena quasi peccatores plecteret,
sed ut illos in locis remotioribus requiescentes, quia necdum intercessio
mediatoris advenerat, ab ingressu regni reatus primae culpae retineret. Chrysostomus.
Multi autem erant pauperes iusti; sed qui iacuit ad limina eius, aspectui
occurrit ad eius tristitiam; sequitur enim et Lazarum in sinu eius. Chrysostomus.
Hinc innotescit quod omnes qui a nobis offenduntur, obiciuntur nostro
conspectui. Dives autem Lazarum non penes alium iustum, sed in sinu Abrahae videt
: erat enim Abraham caritativus, hic autem crudelitatis arguitur; ille sedens
ante fores venabatur transeuntes, et in domum propriam ingerebat; hic vero et
manentes intus avertebat. Gregorius
in Evang. Qui nimirum dives eum cuius in hac vita misereri non voluit, in
suo iam supplicio positus patronum quaerit. Theophylactus.
Non tamen dirigit sermonem ad Lazarum, sed ad Abraham : quia forsan
erubescebat, et putabat Lazarum reminisci malorum, ex propriis iudicans de
illo; unde sequitur et ipse clamans dixit. Chrysostomus. Magnae enim poenae magnam vocem reddebant. Pater
Abraham; quasi dicat : patrem te voco natura, quomodo filius qui perdidit
suam substantiam, licet meo vitio te patrem perdiderim. Miserere mei. Frustra
agis poenitentiam ubi non est poenitentiae locus. Tormenta te cogunt, non
mentis affectus. Quicumque in regno caelorum est, nescio an eius qui in
Inferno est valeat misereri. Creator creaturae miseretur suae. Unus venit
medicus qui sanaret morbos; alii sanare non poterant. Mitte Lazarum. Erras,
miser; Abraham mittere non potest, sed suscipere potest. Ut intingat extremum
digiti sui in aquam. Lazarum videre non dignabaris, et nunc digitum eius
desideras : hoc quod petis, tu ei debebas facere cum adhuc viveret. Aquam
desideras, qui delicatos cibos ante fastidiebas. Vide conscientiam peccatoris
: non totum audet poscere digitum. Instruimur autem quam sit utile in
divitiis non confidere. Ecce dives indiget paupere, qui quandoque esuriebat.
Mutantur res, et notificatur omnibus quis esset dives, quis esset pauper;
sicut enim in theatris cum advesperascit, et astantes recedunt, exeuntes et
amictum deponentes, qui reges et praetores visi fuerant, omnibus ulceribus
pleni videntur ut sunt; sic et adveniente morte, et soluto spectaculo,
universi, Larvis egestatis et divitiarum depositis, ex solis operibus
diiudicantur quinam vere sint divites, qui pauperes, qui gloriosi, qui
inglorii. Gregorius.
Dives enim iste qui ulcerato pauperi mensae suae vel minuta dare noluit,
in Inferno positus usque ad minima quaerenda pervenit : nam guttam aquae
petivit, qui micas panis negavit. Basilius.
Condignum autem praemium redditur diviti illi ignis et infernalis poena,
lingua arefacta; vice lyrae sonantis, gemitus; vice potus, desiderium
stillae; vice speculorum enormium, caligo profunda; vice ambitus incessantis,
pervigil vermis; unde sequitur ut refrigeret linguam meam, quia crucior in
hac flamma. Chrysostomus.
Non autem quia dives fuerat, torquebatur, sed quia misertus non fuit. Gregorius.
Hinc colligendum est qua poena mulctandus sit qui aliena diripit, si
Inferni damnatione percutitur qui propria non largitur. Ambrosius.
Cruciatur etiam, quia luxurioso carere deliciis poena est; aqua autem est
refectio animae in doloribus constitutae. Gregorius.
Quid autem est quod in tormentis positus linguam suam refrigerari
postulat, nisi quod is qui convivando de loquacitate peccaverat, per
retributionis iustitiam in lingua atrocius ardebat? Abundare enim in
conviviis loquacitas solet. Chrysostomus.
Multa etiam lingua eius superba locuta est; ubi peccatum, ibi et poena; et
quia plurimum lingua peccavit, amplius torquetur. Augustinus
de quaest. Evang. Vel quod linguam suam vult refrigerari cum in flamma
totus arderet, significat quod scriptum est : mors et vita in manibus
linguae, et quia ore confessio fit ad salutem, quod per superbiam ille non
fecit. Extremum autem digiti vel minimam
operationem significat, qua per spiritum sanctum subvenitur. Augustinus de Orig. An. Dicis autem : membra hic animae describuntur;
et vis per oculum totum caput intelligi, quia dictus est elevare oculos suos,
per linguam fauces, per digitum manum. Quid autem causae est ut nomina ista
membrorum in Deo tibi corpus non faciant, in anima faciant? An vero quando de
creatura dicuntur, proprie accipienda sunt; quando autem de creatore, tropice
atque translate? Pennas itaque corporeas daturus es nobis, quoniam non
creator, sed creatura, idest homo, dicit : si assumpsero pennas meas
diluculo. Porro si propterea linguam habuit dives ille corpoream, quoniam
dixit refrigeret linguam meam; in nobis quoque adhuc in carne viventibus
manus habet ipsa lingua corporea : quia scriptum est : mors et vita in
manibus linguae. Gregorius
Nyssenus. Sicut autem praestantissima speculorum tales repraesentant
facierum imagines quales et ipsae obiectae facies extant, laetas quidem
laetantium, tristium vero tristes; sic et iustum Dei iudicium simile fit
dispositionibus nostris : unde quia dives non fuit misertus pauperis iacentis
ad ianuam, cum misericordia egeat, non exauditur; sequitur enim et dixit illi
Abraham : fili, recordare quia recepisti bona in vita tua. Chrysostomus.
Aspice patriarchae bonitatem : vocat illum filium, quod mansuetudinem eius
potest exprimere; nullum tamen praebet auxilium ei qui se remedio privaverat;
unde dicit recordare; idest, animadvertas peccata : ne obliviscaris quod
fueris oblectatus divitiis. Recepisti bona in vita tua, idest illa quae vera
bona esse putabas; non potes et in terra regnasse et hic regnare; divitiae
non possunt esse verae et in terra et in Inferis. Sequitur et Lazarus
similiter mala. Non quod Lazarus ea mala putaverit; sed ex censura divitis
hoc dicebat, qui inopiam et famem et duram aegritudinem aestimabat mala.
Quando igitur infirmitatis et aegrotationis magnitudo nos premit, Lazarum
cogitemus, et laetanter accipiamus mala in vita nostra. Augustinus
de quaest. Evang. Haec igitur ei dicuntur, quia felicitatem dilexit
saeculi, nec aliam vitam praeter illam in qua superbus tumebat, adamavit.
Lazarum autem dicit mala recepisse : quia intellexit huius saeculi
mortalitatem, labores, et dolores, et aerumnas poenam esse peccati : quia
omnes in Adam morimur qui factus est transgressione mortalis. Chrysostomus.
Dicit etiam recepisti bona in vita tua, quasi debita; quasi dicat : si
quid boni fecisti unde praemium daretur, omnia accepisti in illo mundo,
epulans, ditatus, oblectatus successibus prosperis; hic autem, si quid mali
commisit, universa recepit paupertate, fame et extremis oppressus miseriis : et
uterque vestrum huc nudus accessit : hic quidem a peccatis, propter quod et
consolationem sortitur; tu vero a iustitia, propter quod immitigabilem
perferes poenam; unde sequitur nunc autem hic consolatur, tu vero cruciaris.
Gregorius
in Evang. Quaecumque ergo in hoc saeculo bene habetis, cum vos bona egisse
recolitis, valde de ipsis pertimescite, ne concessa vobis prosperitas
eorumdem remuneratio sit bonorum; et cum quoslibet pauperes nonnulla
reprehensibilia perpetrare conspicitis; quia fortasse quos superfluitas
tenuissimae pravitatis coinquinat, caminus paupertatis purgat. Chrysostomus.
Sed dices : nonne est aliquis qui et hic et illic venia perfruatur? Hoc
quidem difficile est, et de numero impossibilium : nam etsi paupertas non
urgeat, urget tamen ambitio; si aegritudo non stimulet, ira inflammat; si
tentationes non impetunt, emergunt saepius cogitationes iniquae. Non est autem parvus labor iracundiam refrenare, compescere illicita
desideria, ostentationes sedare, desperationem remittere, vitam asperam
ducere. Talia vero non agentem impossibile est salvari. Gregorius. Responderi etiam potest, quod mali in hac vita bona
recipiunt, quia omne suum gaudium felicitatem transitoriam putant. Iusti
autem habere hic quidem possunt bona, nec tamen in recompensatione recipere :
quia dum meliora, idest aeterna, appetunt, eorum iudicio quaelibet bona
affuerint, bona minime videntur. Chrysostomus.
Post misericordiam autem Dei, in propriis studiis sperandum est de salute,
non numerando patres aut proximos vel amicos : frater enim non liberat; et
ideo subditur et in his omnibus magnum chaos firmatum est inter nos et vos.
Theophylactus.
Chasma mega, hoc est hiatus ingens, significat iustorum a peccatoribus distantiam
: nam sicut affectus eorum varii fuerant, sic etiam mansiones non modicum
differunt. Chrysostomus.
Quod firmatum dicitur; quia non potest dissolvi, agitari, vel concuti.
Ambrosius.
Inter divitem igitur et pauperem chaos magnum est, quia post mortem
nequeunt merita mutari; unde sequitur ut hi qui volunt hinc ad nos transire
non possint, neque inde huc transmeare. Chrysostomus.
Quasi dicat : videre possumus, transire non possumus; et nos videmus quid
fugerimus, et vos videtis quid perdideritis; et nostra gaudia cumulant vestra
tormenta, et vestra tormenta cumulant nostra gaudia. Gregorius. Sicut enim transire reprobi ad electos cupiunt, idest a
suppliciorum suorum afflictione migrare : ita ad afflictos atque in tormentis
positos transire iustorum est mente ire per misericordiam, eosque velle
liberare. Sed iustorum animae, quamvis in suae naturae bonitate misericordiam
habeant, iam tamen auctoris sui iustitiae coniunctae, Theophylactus. Hinc elicias argumentum contra Origenis sequaces,
qui dicunt : cum terminus sit imponendus suppliciis, erit tempus quo
aggregabuntur peccatores iustis et Deo. Augustinus
de quaest. Evang. Ostenditur enim per incommutabilitatem divinae
sententiae nullum auxilium misericordiae posse praeberi peccatoribus a
iustis, etiam si velint praebere; quo admonet ut in hac vita homines
subveniant quibus possunt; ne si postea etiam optime recepti fuerint, eis
quos diligunt opitulari non valeant. Illud enim quod scriptum est hoc capite
: ut et ipsi recipiant vos in aeterna tabernacula, non de superbis et
immisericordibus scriptum est, sed de his qui sibi eos amicos de operibus
misericordiae fecerunt, quod iusti non velut propria potestate, quasi
gratificando recipiunt, sed permissione divina. |
Versets 22-26.
— S. Jean Chrysostome : (hom. sur le mauv. riche.) Nous avons vu quel a été le sort de chacun d’eux sur la terre, voyons quel est maintenant leur sort dans les enfers. Tout ce qui était temporel est passé, les voici en face de l’éternité. Tous deux sont morts, l’un est reçu par les anges, l’autre ne rencontre que les supplices : « Or il arriva que le mendiant mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham, » etc. De si grandes douleurs sont tout à coup changées en délices ineffables. Il est porté, parce que ses souffrances l’avaient épuisé, et pour lui épargner les fatigues de la marche; et il est porté par les anges. Ce n’est pas assez d’un seul ange pour porter ce pauvre, ils viennent en grand nombre, comme pour former un choeur d’allégresse, chacun d’eux est heureux de toucher un aussi précieux fardeau. Ils aiment à se charger de tels fardeaux pour conduire les hommes dans le Royaume des Cieux. Or, il fut porté dans le sein d’Abraham pour s’y reposer de ses longues souffrances. Le sein d’Abraham, c’est le paradis. Les anges devenus ses serviteurs, ont porté ce pauvre et l’ont déposé dans le sein d’Abraham, parce qu’au milieu du profond mépris dont il était l’objet sur la terre, il ne s’est laissé aller ni au désespoir ni au blasphème, en disant : ce riche, tout impie qu’il est, vit dans la joie et ne connaît pas la souffrance, tandis que je ne puis pas même obtenir la nourriture qui m’est nécessaire. — S. Augustin : (de l’orig. de l’âme, 4, 46.) Si vous croyez que le sein d’Abraham soit quelque chose de corporel, je crains que vous n’apportiez pas dans la discussion d’une question aussi importante, toute la gravité et le sérieux qu’elle demande. En effet, vous ferez-vous illusion à ce point de croire que le sein d’un seul homme (pris dans le sens matériel), puisse contenir un si grand nombre d’âmes, bien plus (suivant votre opinion), autant de corps que les anges y portent comme celui de Lazare, à moins que vous ne disiez que son âme est la seule qui ait mérité de parvenir jusqu’au sein d’Abraham ? Si donc vous ne voulez point tomber dans une erreur puérile, entendez par le sein d’Abraham un lieu éloigné de ce monde, séjour tranquille et mystérieux, où se trouve Abraham, et qui porte le nom d’Abraham, non qu’il ne soit réservé qu’à lui seul, mais parce qu’il est le père d’un grand nombre de nations, et que Dieu l’a proposé à leur imitation comme le plus grand modèle de foi. — S.
Grégoire : (hom.
40.) Tandis que ces deux coeurs (celui du pauvre et
celui du riche) étaient sur la terre, ils avaient dans les cieux un seul juge
qui préparait le pauvre à la gloire par les souffrances, et qui supportait le
riche en le réservant au supplice : « Le
riche mourut aussi. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 6 sur la 2 Epit. aux Cor.) Il mourut de la mort du corps, car son âme était morte depuis longtemps, il ne faisait plus aucune des oeuvres auxquelles elle donne la vie, toute la chaleur que lui communique l’amour pour le prochain, était complètement éteinte, et cette âme était plus morte que le corps. (II disc. sur Lazare.) Nous ne voyons pas que personne soit venu rendre à ce mauvais riche les devoirs de la sépulture comme à Lazare. Tant qu’il était heureux au milieu des jouissances de la voie large, il comptait un grand nombre de flatteurs complaisants, à peine a-t-il expiré que tous l’abandonnent, car le Sauveur nous dit simplement : « Et il fut enseveli dans les enfers. » Mais pendant sa vie même, son âme était comme ensevelie et écrasée dans son corps comme dans un tombeau. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 38.) Cette sépulture dans l’enfer signifie cet abîme de supplices qui dévore après cette vie les orgueilleux et ceux qui ont été sans miséricorde. — S. Basile : (sur Is 5.) L’enfer est un lieu immense situé dans les profondeurs de la terre, couvert de tous côtés d’épaisses ténèbres, dont l’ouverture donne dans un abîme profond, par où descendent les âmes condamnées aux supplices éternels. — S. Jean Chrysostome : (hom. 53 de l’ouvr. incompl.) De même que les prisons des rois sont en dehors des villes, ainsi l’enfer est placé en dehors du monde, et c’est pour cela qu’il est appelé. « les ténèbres extérieures. » (Mt 8; 22; 25.) — Théophylacte : Il en est qui prétendent que l’enfer est le passage du visible à l’invisible, et la complète déformation de l’âme, car tant que l’âme du pécheur est dans son corps, elle est comme visible par ses opérations, mais dès qu’elle est sortie du corps, elle perd pour ainsi dire toute sa forme. — S. Jean Chrysostome : (2 disc. sur Lazare.) Le pauvre, pendant sa vie, trouvait un nouveau surcroît de souffrances dans le fait qu’il était couché devant la porte du riche et qu’il pouvait voir les richesses d’autrui; de même ce qui ajoutait aux tourments du riche après sa mort, c’était d’être plongé dans les enfers et d’être témoin du bonheur de Lazare, de sorte que son supplice lui était intolérable, et par sa nature, et par la comparaison qu’il en faisait avec la gloire de Lazare : « Or levant les yeux, lorsqu’il était dans les tourments, et il aperçut de loin Lazare.» — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le mauv. riche.) Il élève les yeux pour le voir au-dessus et non au-dessous de lui; car Lazare était en effet au-dessus et lui au-dessous. Lazare avait été porté par plusieurs anges, et lui était en proie à des tourments infinis. Aussi Notre Seigneur ne dit pas : Lorsqu’il était dans le tourment, mais « dans les tourments, » car il était tout entier dans les tourments, il n’avait de libre que les yeux pour voir la joie de Lazare. Dieu lui laisse l’usage de ses yeux pour augmenter ses souffrances en le rendant témoin d’un bonheur dont il est privé, car les richesses des autres sont de véritables tourments pour les pauvres. — S. Grégoire : (Moral., IV, 27.) Or si Abraham n’était encore dans ces lieux inférieurs, le mauvais riche n’eût pu l’apercevoir du milieu des tourments; c’est qu’en effet, ceux qui avaient suivi les voies de la patrie céleste, étaient, au sortir de cette vie, retenus dans les enfers, non pas pour y être punis comme coupables, mais pour se reposer dans ce séjour mystérieux, jusqu’à ce que la rédemption du Médiateur vînt leur ouvrir l’entrée du royaume qui était fermé depuis la faute de nos premiers parents. — S. Jean Chrysostome : (Hom. 4, sur l’Epît. aux Philip.) Il y avait sans doute parmi les pauvres beaucoup de justes, mais c’est celui qu’il a vu étendu à sa porte qui se présente à ses regards pour augmenter sa tristesse : « et Lazare dans son sein. » — S. Jean Chrysostome : (II Disc. sur Lazare.) Apprenons de là que ceux à qui nous aurons fait quelque offense s’offriront alors à nos regards. Or, ce n’est point dans le sein d’un autre, mais dans le sein d’Abraham que le mauvais riche voit Lazare, parce qu’Abraham était plein de charité, et que le mauvais riche est condamné pour sa cruauté. Abraham assis à sa porte recherchait les voyageurs pour les forcer d’entrer dans sa maison; le mauvais riche repoussait ceux-là même qui demeuraient à sa porte. — S. Grégoire : (hom. 40.) Voilà ce riche qui du milieu de ses tourments implore la protection de celui dont il n’a point daigné prendre pitié pendant sa vie. — Théophylacte : Toutefois ce n’est point à Lazare, mais à Abraham qu’il adresse la parole, peut-être par un sentiment de honte, et dans la pensée que Lazare qu’il jugeait par lui-même se ressouvenait de ce qu’il avait souffert : « et il lui cria. » — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le mauv. riche.) La grandeur de ses souffrances lui arrachait ce grand cri : « Père Abraham, » comme s’il lui disait : Je vous appelle mon père selon la nature, comme l’enfant prodigue qui a perdu tout son bien; bien que par ma faute j’ai perdu le droit de vous appeler mon père : « Ayez pitié de moi. » C’est inutilement que vous exprimez ce repentir dans un lieu où la pénitence n’est plus possible; ce sont les souffrances qui vous arrachent cet acte de repentir, ce ne sont point les sentiments du coeur. Je ne sais d’ailleurs si un seul de ceux qui sont dans le royaume des cieux peut avoir pitié de celui qui est dans les enfers. Le Créateur a compassion de ses créatures. Il est le seul médecin qui puisse guérir efficacement leurs maladies, nul autre ne peut les en délivrer. « Envoyez Lazare. » Infortuné, tu es dans l’erreur, Abraham ne peut envoyer personne, il ne peut que recevoir : « afin qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau, » Autrefois tu ne daignais pas même jeter les yeux sur Lazare, et maintenant tu réclames le secours de son doigt; tu devais au moins lorsque tu vivais lui rendre le service que tu demandes de lui; tu désires une goutte d’eau, toi qui autrefois voyais avec dégoût les mets les plus délicats. Voyez le jugement que la conscience du pécheur porte contre lui, il n’ose demander que Lazare trempe son doigt tout entier. Nous voyons là combien il est utile de se défier des riches. Voilà donc le riche réduit à mendier le secours du pauvre, qui souffrait autrefois de la faim; les rôles sont changés, et chacun peut voir maintenant quel était le vrai riche, quel était le vrai pauvre. Dans les théâtres, quand vient le soir, et que les acteurs se retirent et quittent leur costume, ceux qu’on avait vus figurer sur la scène comme des rois et des préteurs, se montrent à tous tels qu’ils sont dans toute leur misère. C’est ainsi que lorsque la mort arrive, et que le spectacle de la vie s’achève, tous les masques de la pauvreté et des richesses tombent, et c’est exclusivement d’après les oeuvres qu’on juge quels sont les vrais riches, quels sont les vrais pauvres, et ceux qui sont dignes de gloire ou d’opprobre. — S. Grégoire : (hom. 40.) Ce riche qui a refusé à ce pauvre couvert d’ulcères jusqu’aux miettes de sa table, précipité maintenant dans l’enfer, est réduit à mendier le plus léger secours; il mendie une goutte d’eau, lui qui a refusé les miettes qui tombaient de sa table. — S.
Basile : (Chronique
des Pères grecs) Ce riche reçoit le juste châtiment
qui lui est dû, le feu et le supplice de l’enfer, une langue desséchée; les
gémissements remplacent les sons harmonieux de la lyre; une soif brûlante
l’usage des plus délicieuses boissons; d’épaisses ténèbres, les spectacles
brillants et licencieux; le ver qui ne dort point les empressements assidus
des flatteurs : « pour me
rafraîchir la langue, car je souffre cruellement dans cette flamme » — S. Jean Chrysostome : (hom. 2, sur l’Epît. aux Philipp.) S’il souffre de si cruels tourments, ce n’est point parce qu’il était riche, mais parce qu’il a été sans pitié. — S. Grégoire : (hom. 40.) Apprenons de là quel châtiment est réservé à celui qui prend le bien d’autrui, puisque ce riche est condamné au feu de l’enfer pour n’avoir pas donné de ses propres biens. — S. Ambroise : Il souffre encore, parce que c’est un supplice pour l’homme sensuel d’être privé des jouissances de la vie; l’eau qu’il demande est le soulagement de toute âme accablée de douleurs. — S. Grégoire : (hom. 40.) Pourquoi au milieu de ses tourments, demande-t-il une goutte d’eau pour rafraîchir sa langue ? parce que sa langue, par un juste châtiment, souffrait plus cruellement pour expier les excès de paroles qu’il avait commis au milieu de ses festins; c’est en effet dans les festins que les intempérances de la langue sont plus fréquentes. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le mauv. riche.) Que de paroles orgueilleuses avait aussi proférées cette langue ! il est donc juste que le châtiment tombe sur le péché; et que la langue qui a été si coupable soit aussi plus sévèrement punie. — S. Augustin : (quest. Evang., 2, 38.) Ou bien encore, cette demande qu’il fait d’une goutte d’eau pour rafraîchir sa langue, alors qu’il brûlait tout entier au milieu des flammes, est l’accomplissement de ce qui est écrit : « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue » (Pv 18) ; et encore : « Il faut confesser de bouche pour obtenir le salut, » (Rm 10) ce que son orgueil l’a empêché de faire. L’extrémité du doigt signifie la plus petite des oeuvres de miséricorde inspirée par l’Esprit saint. — S. Augustin : (de l’ong. de l’âme, IV, 16.) Vous dites que tous les membres de l’âme se trouvent ici décrits, parce qu’il est dit que le mauvais riche levait les yeux; ces yeux figurent la tête entière; la langue, la bouche elle doigt, la main tout entière. Mais comment se fait-il que ces noms de membres appliqués à Dieu ne vous fassent pas conclure qu’il ait un corps, tandis que vous tirez cette conclusion pour l’âme ? Serait-ce parce qu’il faut les prendre à la lettre quand il s’agit de la créature, et dans un sens figuré et métaphorique, lorsqu’il est question du Créateur ? Ainsi vous nous donnerez des ailes corporelles parce que la créature, c’est-à-dire l’homme, et non pas le Créateur, dit [par la bouche du Psalmiste] : « Si je prends mon vol (mes ailes) dès l’aurore. » (Ps 138.) Or, si de ces paroles : « pour rafraîchir ma langue, » vous concluez que l’âme du mauvais riche avait dans l’enfer une langue corporelle, notre langue doit avoir aussi dans cette vie des mains corporelles, puisqu’il est écrit : « La mort et la vie sont dans les mains de la langue. » (Pv 18.) — S.
Grégoire : de Nyss. (Disc. 5, sur les
Béatitudes.) De même que les miroirs les plus parfaits représentent
fidèlement les formes des visages, tels qu’ils se placent devant eux, joyeux,
s’ils sont dans la joie, tristes, s’ils sont dans la tristesse, ainsi le
juste jugement de Dieu est la fidèle reproduction des dispositions de notre
âme; le riche n’a eu aucune compassion du pauvre étendu à sa porte, il ne
trouve à son tour aucune compassion, lorsqu’il aurait tant besoin de
miséricorde : « Et Abraham lui dit
: Mon fils, souviens-toi que tu as reçu tes biens durant ta vie. » — S. Jean Chrysostome : (Disc. 2 et 3, sur Lazare, et hom. sur le mauv riche.) Voyez la bonté du patriarche, il l’appelle son fils par un sentiment de tendresse [et de douceur]; mais cependant il n’accorde aucun secours à celui qui s’en est rendu indigne. « Souvenez-vous, » lui dit-il, c’est-à-dire : rappelez-vous vos fautes, n’oubliez pas que vous avez nagé au sein des délices, et que vous avez reçu les biens pendant votre vie, c’est-à-dire ce que vous regardiez comme les vrais biens; il est impossible que vous régniez ici après avoir régné sur la terre, les richesses ne peuvent avoir de réalité à la fois sur la terre et dans l’enfer ; « de même que Lazare à reçu les maux. » Ce n’est pas que Lazare les ait regardés comme des maux; Abraham parle ici d’après les idées du riche qui regardait la pauvreté, la faim, les souffrances de la maladie comme des maux [extrêmes]. Lors donc que la violence de la faiblesse et de la maladie nous accable, que la pensée de Lazare nous fasse supporter avec joie les maux de cette vie. — S. Augustin : (Quest. Evang., 2, 38.) Abraham fait donc cette réponse au mauvais riche, parce qu’il a mis toutes ses affections dans les jouissances de la terre, et n’a aimé d’autre vie que celle où il étalait tout le faste de son orgueil. Il ajoute que Lazare a reçu les maux, c’est-à-dire qu’il a compris que la fragilité des choses de cette vie, les travaux, les douleurs, les souffrances étaient la peine du péché, parce que nous mourons tous en Adam qui est devenu sujet à la mort par sa désobéissance. — S.
Jean Chrysostome : (Disc. 3, sur Lazare.) Il dit encore au riche : « Vous avez reçu les biens dans cette vie, » comme une
chose qui vous était due. C’est-à-dire : Si vous avez fait quelque bien qui
fût digne de récompense, vous avez reçu dans le monde tout ce qui vous
revenait, des festins, des richesses, la joie qui accompagne [une vie
toujours heureuse et] les grandes prospérités. Si au contraire Lazare a
commis quelque faute, il a tout réparé par la pauvreté, la faim et l’excès
des misères sous le poids desquelles il a gémi. Tous deux vous êtes arrivés
ici nus [et dépouillés] : l’un de ses péchés, et c’est pour cela qu’il
reçoit la consolation en partage, l’autre de la justice, et c’est pourquoi
vous subissez un châtiment qui ne pourra jamais être adouci : « Maintenant il est consolé; et vous,
vous souffrez. » — S. Grégoire : (hom. 40.) Si donc vous avez souvenir d’avoir fait quelque bien dans le siècle, et que ce bien ait été suivi de bonheur et de prospérité, craignez que ce bonheur ne soit la récompense du bien que vous avez fait; comme aussi lorsque vous voyez les pauvres tomber dans quelques fautes, pensez que le creuset de la pauvreté suffit pour purifier ceux qu’aurait pu souiller ce reste si léger de corruption. — S. Jean Chrysostome : (Disc. 3, sur Lazare.) Vous me direz : N’y a-t-il donc personne qui puisse être heureux et tranquille dans cette vie et dans l’autre ? Non, c’est chose difficile et presque impossible; car si la pauvreté n’accable, c’est l’ambition qui tourmente; si la maladie ne déchire, c’est la colère qui enflamme; si l’on n’est point en butte aux tentations, on est en proie aux pensées mauvaises. Or, ce n’est pas un médiocre travail que de mettre un frein à la colère, d’étouffer les désirs criminels, d’apaiser les mouvements violents de la vaine gloire, d’abandonner tout désespoir, et de mener une vie mortifiée. C’est là cependant une condition indispensable du salut. — S. Grégoire : (comme précéd.) Ou peut encore répondre que les méchants reçoivent les biens en cette vie, parce qu’ils mettent toute leur joie dans ce bonheur passager; comme les justes peuvent avoir quelques biens en partage, mais sans les recevoir comme récompense, car comme ils aspirent à des biens meilleurs, c’est-à-dire aux biens éternels, ils n’estiment pas que les biens qu’ils peuvent recevoir ici soient de véritables biens. — S.
Jean Chrysostome : (Disc. 4, sur Lazare.) Après la miséricorde
de Dieu, c’est sur nos propres efforts que nous devons fonder l’espérance de
notre salut, sans compter sur nos parents, sur nos proches, sur nos amis, car
le frère même ne pourra racheter son frère (Ps 48, 8). C’est pour cela qu’Abraham ajoute : « De plus, entre nous et vous est
creusé pour toujours un grand abîme. » — Théophylacte : Ce grand abîme signifie la distance immense qui sépare les justes des pécheurs; leurs affections sur la terre ont été bien différentes, leurs demeures après cette vie le sont également. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le mauv. riche.) Il dit qu’un grand chaos a été comme affermi, parce qu’il ne peut être ni détruit, ni agité, ni ébranlé. — S. Ambroise : Un grand abîme existe donc entre le riche et le pauvre, parce qu’après la mort les mérites de chacun sont immuables : « de sorte que ceux qui voudraient passer d’ici à vous, ou de là venir ici, ne le peuvent pas. » — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le mauv. riche) Il semble dire : Nous pouvons vous voir, mais nous ne pouvons passer où vous êtes : nous voyons le danger que nous avons évité, et vous voyez le bonheur que vous avez perdu, notre joie est pour vous un surcroît de tourments, comme vos tourments, mettent le comble à notre joie. — S. Grégoire : (hom. 40.) De même que les réprouvés désirent passer du côté des élus, et quitter le séjour de leurs souffrances, ainsi les justes éprouvent intérieurement le désir d’aller vers ceux qui sont en proie à ces tourments indicibles et de les délivrer. Mais les âmes des justes, bien que la bonté de leur nature les rende accessibles à ce sentiment de compassion, sont unies étroitement à la justice de leur auteur, et dominées par un tel sentiment de droiture [et d’équité], qu’elles ne ressentent pour les réprouvés aucun sentiment de miséricorde. Ainsi donc, ni les méchants ne peuvent entrer dans le séjour des bons, retenus qu’ils sont par les chaînes d’une éternelle damnation, ni les justes ne peuvent passer du côté des réprouvés, parce que élevés à la hauteur de la justice des jugements de Dieu, ils ne peuvent éprouver pour eux aucun sentiment de compassion. — Théophylacte : On peut tirer de ces paroles un des plus forts arguments contre les partisans d’Origène, qui prétendent que les supplices de l’enfer auront un terme, et qu’un temps arrivera où les pécheurs seront réunis aux justes et à Dieu. — S. Augustin : (quest. Evang., 2, 38.) L’immutabilité de la sentence divine prouve jusqu’à l’évidence que les justes, quand ils le voudraient, ne pourront exercer aucun acte de miséricorde envers les pécheurs, et Dieu les avertit par là d’être utiles pendant cette vie à tous ceux qui pourront profiter de leurs bons offices, de peur que même après avoir été reçus dans les cieux, ils soient dans l’impuissance de porter secours à ceux qu’ils aiment; car ces paroles : « afin qu’ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, » ne s’appliquent ni aux superbes, ni aux âmes sans miséricorde, mais à ceux qui se sont fait des amis avec les oeuvres de la charité; et si les justes les reçoivent dans les tabernacles éternels, ce n’est point en vertu de leur propre pouvoir et comme s’ils les récompensaient d’eux-mêmes, mais en vertu d’une permission de Dieu. |
Lectio 6 [85902] Catena in Lc., cap. 16 l. 6 Gregorius
in Evang. Postquam ardenti diviti de se spes tollitur, eius animus ad
propinquos quos reliquerat, incurrit; unde dicitur et ait : rogo te, pater,
ut mittas eum in domum patris mei. Augustinus
de quaest. Evang. Lazarum petit mitti, quia sensit se indignum qui
testimonium perhibeat veritati : et quia non impetraverat paululum
refrigerari, multo minus credit se relaxari posse ab Inferis ad
praedicationem veritatis. Chrysostomus. Vide autem perversitatem : nec in ipsis poenis
continet veritatem. Si pater est Abraham, quomodo dicis mitte
eum in domum patris mei? Sed non es oblitus patris tui, quia ille te perdidit. Gregorius.
Reproborum autem mentem poena sua quandoque inutiliter erudit ad
caritatem, ut iam tunc etiam suos specialiter diligant, qui hic dum peccata
diligerent, nec se amabant; unde sequitur habeo enim quinque fratres, ut
testetur illis, ne et ipsi veniant in hunc locum tormentorum. Ambrosius.
Serius autem dives iste magister esse incipit, cum iam nec discendi tempus
habeatur vel docendi. Gregorius.
Qua in re notandum est ardenti diviti quanta supplicia cumulantur : ad
poenam namque suam ei cognitio servatur et memoria : cognovit enim Lazarum
quem despexit, et fratrum suorum meminit, quos reliquit : ut enim peccatores
in supplicio amplius puniantur, et eorum vident gloriam quos contempserunt,
et de illorum poena torquentur quos inutiliter amaverunt. Petenti autem
diviti ut Lazarus mitteretur, ab Abraham protinus respondetur; unde sequitur
et ait illi Abraham : habent Moysen et prophetas; audiant illos. Chrysostomus.
Quasi dicat : non sint tibi magis curae fratres tui quam Deo, qui eos
creavit, statuitque eis doctores, qui eos commonerent et sollicitarent. Vocat
autem hic Moysen et prophetas scripta Mosaica et prophetica. Ambrosius.
Quo loco evidentissime declarat dominus vetus testamentum esse fidei
firmitatem, retundens perfidiam Iudaeorum, et excludens nequitias
haereticorum. Gregorius.
Sed qui Dei verba despexerat, hoc audire non posse suos sequaces
aestimabat; unde sequitur at ille dixit : non, pater Abraham; sed si quis ex
mortuis ierit ad illos, poenitentiam agent. Chrysostomus.
Quia enim audiendo Scripturas contemnebat, et fabulas esse putabat, ex his
quae passus fuerat, ipse quoque diiudicabat de fratribus. Gregorius
Nyssenus. Sed et aliud quoddam dogma docemur : quod Lazari quidem anima
non est erga praesentia sollicita, nec retorquet se ad aliquod relictorum; at
dives quasi quodam visco, etiam post mortem a vita detinetur carnali; nam si
quis omnino carnalis secundum mentem fiat, nec postquam corpus exuerit,
removetur a passionibus eius. Gregorius
in Evang. Sed mox diviti veraci sententia respondetur; sequitur enim ait
autem illi : si Moysen et prophetas non audiunt, neque si quis ex mortuis
resurrexerit, credent ei : quia qui verba legis despiciunt, redemptoris
praecepta, qui ex mortuis resurrexit, quanto subtiliora sunt, tanto hic
difficilius implebunt. Chrysostomus.
Quod autem verum sit quod qui non auscultat Scripturis, nec mortuis
redivivis auscultat, ostenderunt Iudaei, qui nunc quidem volebant occidere
Lazarum, nunc vero invadebant apostolos; cum tamen a mortuis nonnulli
resurrexerint hora crucis. Sed
et illud considera, quod quisque mortuus servus est. Quaecumque vero dicunt
Scripturae, dicit dominus : unde etsi resurgat mortuus, etsi caelitus
descenderit Angelus, omnibus magis sunt dignae fide Scripturae : nam
Angelorum dominus, vivorum et mortuorum, eas instituit. Si autem sciret hoc
Deus, quod mortui resurgentes prodessent viventibus, non hoc omisisset, qui
pro utilitate nostra singula quaeque tractat. Sed etsi crebro resurgerent
mortui, hoc iterum tempore contemneretur; sed et Diabolus facile introduceret
perversa dogmata, id quoque per organa sua fingens, non quidem suscitans vere
defunctos, sed quibusdam fallaciis spectantium frustrans intuitum, vel
ingenians quosdam mortem simulare. Augustinus
de curis pro mortuis habendis. Diceret autem aliquis : si nulla est
mortuis cura de vivis, quomodo dives rogavit Abraham ut mitteret Lazarum ad
quinque fratres suos? Sed numquid, quia hoc dives ille dixit, ideo quid
fratres agerent vel quid paterentur in illo tempore scivit? Ita illi cura
fuit de vivis, quamvis quid agerent omnino nesciret, sicut nobis est cura de
mortuis, quamvis quid agant omnino nesciamus. Sed rursus occurrit quaestio :
quomodo hic Abraham esse sciebat Moysen et prophetas, idest libros eorum? Ubi etiam noverat divitem illum in deliciis, Lazarum vero in doloribus
vixisse? Verum non cum haec agerentur in vivis, sed eis mortuis potuit Lazaro
indicante cognoscere, ne falsum sit quod ait propheta : Abraham nescivit nos.
Possunt et ab Angelis, qui rebus quae aguntur hic, praesto sunt, audire
aliquid mortui; possunt etiam aliqua quae necessarium est eos nosse, non
solum praeterita, verum etiam futura spiritu Dei revelante cognoscere. Augustinus de quaest. Evang. Per allegoriam autem haec sic accipi
possunt, ut in divite intelligantur superbi Iudaeorum ignorantes Dei
iustitiam, et suam volentes constituere. Purpura
et byssus dignitas regni est : et auferetur a vobis regnum Dei. Epulatio
splendida, iactantia legis est, in qua gloriabantur, plus ad pompam elationis
abutentes ea, quam ad necessitatem salutis utentes. Mendicus autem nomine
Lazarus, qui interpretatur adiutus, significat indigentem, veluti gentilem
aliquem, aut publicanum, qui tanto magis adiuvatur, quanto minus de suarum
copia facultatum praesumit. Gregorius.
Lazarus igitur ulceribus plenus gentilem populum figuraliter exprimit, qui
dum ad Deum conversus peccata sua confiteri non erubuit, huic vulnus in cute
fuit : quid enim est peccatorum confessio, nisi quaedam vulnerum ruptio? Sed
Lazarus vulneratus cupiebat saturari de micis quae cadebant de mensa divitis;
et nemo illi dabat : quia gentilem quemque ad cognitionem legis admittere
superbus ille populus despiciebat; et quia ei verba defluebant de scientia,
quasi micae cadebant de mensa. Augustinus.
Canes autem, qui ulcera pauperis lingebant, nequissimi homines sunt,
amantes peccata, qui lata lingua etiam laudare non cessant opera mala, quae
in se alius gemens et confitens detestatur. Gregorius.
Nonnumquam etiam solent in sacro eloquio per canes praedicatores
intelligi, secundum illud : lingua canum tuorum ex inimicis ab ipso. Canum
etiam lingua vulnus dum lingit curat : quia doctores sancti dum in
confessione peccati nostri nos instruunt, quasi vulnus mentis per linguam
tangunt. Dives autem sepultus est in Inferno, in sinum vero Abrahae Lazarus
ab Angelis ductus est, idest in secretam requiem, de qua veritas dicit :
multi venient ab oriente et occidente, et recumbent cum Abraham et Isaac et
Iacob in regno caelorum : filii autem regni eicientur in tenebras exteriores.
De longinquo autem ad videndum Lazarum oculos dives levat, quia dum per
damnationis suae supplicia infideles in imo sunt, fideles quosque ante diem
extremi iudicii super se in requie attendunt, quorum post gaudia contemplari
nullatenus possunt. Longe vero est quod conspiciunt, quia illuc per meritum
non attingunt. In lingua autem amplius ardere ostenditur, quia infidelis
populus verba legis in ore tenuit, quae opere servare contempsit. Ibi ergo
amplius ardebit ubi se amplius ostendit scire quod facere noluit. Abraham
autem filium eum vocat, quem tamen a tormento non liberat : quoniam huius
infidelis populi patres, quia multos a sua fide deviasse considerant, eos
nulla compassione a tormentis eripiunt, quos tamen per carnem filios
recognoscunt. Augustinus.
Quinque autem fratres, quos habere dicit in domo patris sui, Iudaeos significant
qui appellati sunt quinque, quia sub lege detinebantur, quae per Moysen data
est, qui quinque libros conscripsit. Chrysostomus.
Vel habuit quinque fratres, idest quinque sensus, quibus ante servierat :
et ideo Lazarum amare non poterat, quia illi fratres non amant paupertatem.
Illi te fratres in haec tormenta miserunt : salvari non possunt nisi
moriantur; alioquin necesse est ut fratres habitent cum fratre suo. Sed quid
quaeris ut mittam Lazarum? Habent Moysen et prophetas. Moyses, Lazarus pauper
fuit, maiores divitias esse arbitratus paupertatem Christi, quam divitias
Pharaonis. Ieremias in lacum missus pane tribulationis vescebatur; et omnes
prophetae istos fratres docent; sed isti fratres salvari non possunt nisi
aliquis ab Inferis resurrexerit. Isti enim fratres antequam Christus
resurgeret, me ducebant in mortem : ille mortuus est, sed isti fratres
resurrexerunt : nunc oculus meus Christum videt, auris eum audit, tactus
amplectitur. Ex hoc autem quod diximus, locum determinamus Marcioni et Manichaeo,
qui destruunt vetus testamentum. Vide ergo quid dicat Abraham : si Moysen et
prophetas non audiunt; quasi dicat : bene facis eum qui resurrecturus est
expectando : sed in illis Christus loquitur : si illos audies, et illum
auditurus es. Gregorius.
Iudaicus autem populus, quia Moysi verba spiritualiter intelligere
contempsit, ad eum de quo Moyses locutus fuerat, non pervenit. Ambrosius.
Vel aliter. Lazarus est pauper in saeculo, sed Deo dives : neque enim
omnis sancta paupertas, aut divitiae criminosae; sed sicut luxuria infamat
divitias, ita paupertatem commendat sanctitas. Sive apostolicus aliquis
pauper in verbo, locuples in fide, qui veram teneat fidem, verborum infulas
non requirit : cui similem illum puto qui caesus saepius a Iudaeis, ulcera
sui corporis lambenda quibusdam, velut canibus, offerebat. Beati canes, in quos ulcerum talium distillat humor, ut impleat cor,
quo custodire domum, servare gregem, cavere assuescat lupos. Et
quia panis verbum est, fides autem verbi est; micae velut quaedam dogmata
fidei sunt, mysteria scilicet Scripturarum. Ariani autem, qui societatem
potentiae regalis affectant ut impugnent Ecclesiae veritatem, nonne tibi
videntur in quadam purpura et bysso iacere; qui cum pro veris fucata
defendant, divitibus abundant sermonibus? Dives haeresis Evangelia multa
composuit, et pauper fides hoc solum Evangelium tenuit quod accepit. Dives
philosophia plures sibi deos fecit, pauper Ecclesia unum Deum novit : nonne
illae videntur egere divitiae, et redundare paupertas? Augustinus
de quaest. Evang. Aliter etiam intelligi potest illa narratio, ut Lazarum
dominum significare accipiamus iacentem ad ianuam illius divitis, quia se ad
aures superbissimas Iudaeorum incarnationis humilitate deiecit, cupiens
saturari de micis quae cadebant de mensa divitis, idest quaerens ab eis vel
minima opera iustitiae, quae suae mensae, idest suae potestati, per superbiam
non usurparent : quae opera quamvis minima, et sine disciplina perseverantiae
vitae bonae, saltem interdum vel casu facerent, sicut micae de mensa cadere
solent. Ulcera, passiones sunt domini; canes qui ea lingebant, gentes sunt,
quos immundos Iudaei dicebant; et tamen passiones domini in sacramentis
corporis et sanguinis eius per totum iam orbem suavitate devotissima lambunt.
Sinus Abrahae intelligitur secretum patris, quo post passionem resurgens
assumptus est dominus, quo eum portatum ab Angelis ideo dictum puto, quia
ipsam receptionem, qua in secretum patris accessit, Angeli annuntiaverunt
discipulis. Cetera secundum superiorem expositionem accipi possunt : quia
secretum patris bene intelligitur ubi etiam ante resurrectionem iustorum
animae vivunt cum Deo. |
Versets 27-31.
— S. Grégoire : (hom. 40 sur les Evang.) Lorsque le riche, tourmenté au milieu des flammes, a perdu toute espérance pour lui-même, sa pensée se reporte vers les proches qu’il a laissés sur la terre : « Et il dit : Je vous prie donc, père Abraham, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. » — S. Augustin : (quest. évang.) Il demande qu’on envoie Lazare, parce qu’il comprend qu’il est indigne de rendre témoignage à la vérité, et comme il n’a pu obtenir le moindre rafraîchissement à ses souffrances, il espère beaucoup moins sortir des enfers pour aller faire connaître la vérité. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le mauv. riche.) Voyez la perversité de cet homme, jusqu’au milieu de ses châtiments il ne peut reconnaître la vérité; si Abraham est vraiment ton père, comment dis-tu : « Envoyez-le dans la maison de mon père ? » Tu n’as donc pas oublié ton père, [tu ne l’as pas oublié], quoiqu’il ait été la cause de ta perte. — S. Grégoire : (hom.
40.) Le
supplice des réprouvés leur inspire quelquefois une charité stérile, et fait qu’ils
sont portés alors d’un amour tout particulier pour leurs parents, eux qui,
dans l’affection qu’ils avaient pour leurs péchés ne s’aimaient pas
eux-mêmes, c’est ce qui lui fait dire : « Car
j’ai cinq frères, afin qu’il leur atteste qu’ils ne viennent pas aussi
eux-mêmes dans ce lieu de tourments. » — S. Ambroise : Ce mauvais riche s’y prend trop tard pour commencer à instruire les autres, alors qu’il n’y a plus de temps ni pour apprendre, ni pour enseigner. — S.
Grégoire : (hom.
40.) Remarquons ici quel surcroît de souffrances
pour ce riche, que les flammes tourmentent [si cruellement]. Dieu lui laisse
pour son supplice la connaissance et la mémoire. Il reconnaît Lazare, qu’il
ne daignait pas regarder [pendant sa vie], il se souvient de ses frères qu’il
a laissés sur la terre, car pour ajouter aux peines que souffrent les
pécheurs, Dieu permet qu’ils voient la gloire de ceux qui ont été l’objet de
leur mépris et qu’ils souffrent du châtiment de ceux qu’ils ont aimés d’une
amitié stérile. A la demande que fait le riche que Lazare soit envoyé,
Abraham répond : « Ils ont Moïse
et les prophètes, qu’ils les écoutent. » — S. Jean Chrysostome : (disc. 4 sur Lazare.) C’est-à-dire : votre sollicitude pour le salut de vos frères, n’est pas plus grande que celle de Dieu, qui les a créés et leur a donné des docteurs pour les instruire et les exciter au bien. Moïse et les prophètes, ce sont les écrits de Moïse et les oracles prophétiques. — S. Ambroise : Paroles par lesquelles Dieu montre jusqu’à la dernière évidence, que l’Ancien Testament est le ferme appui de notre foi, réprimant ainsi l’incrédulité des Juifs, et repoussant toutes les interprétations perverses des hérétiques. — S. Grégoire : (hom. 40.) Mais ce mauvais riche qui [pendant toute sa vie] avait méprisé la parole de Dieu, croyait que ses parents n’en feraient pas plus de cas : « Et il dit : Non, père Abraham, mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils feront pénitence. » — S. Jean Chrysostome : (comme préc.) Comme il n’avait que du mépris pour les Écritures, et qu’il les regardait comme des fables, il jugeait ses frères d’après ses propres sentiments. — S. Grégoire de Nysse : (Liv. de l’âme et de la résur.) Ces paroles contiennent encore une autre leçon, c’est que l’âme de Lazare est dégagée de toute sollicitude pour les choses présentes, et n’a pas un regard pour ce qu’elle a quitté. Le riche, au contraire, même après la mort, est encore attaché à la vie charnelle comme avec de la glu, car celui dont l’âme se plonge dans les affections de la chair, reste esclave de ses passions, même lorsque son âme est séparée de son corps. — S. Grégoire : (hom. 40.) Abraham fait au mauvais riche cette réponse pleine de vérité : « S’ils n’écoutent point Moïse et les prophètes, quelqu’un des morts ressusciterait, qu’ils ne croiraient point » ; parce qu’en effet, ceux qui méprisent les paroles de la loi, pratiqueront d’autant plus difficilement les préceptes du Rédempteur, qui est ressuscité des morts, qu’ils sont beaucoup plus sublimes. — S. Jean Chrysostome : (disc. 4 sur Lazare.) Les Juifs sont une preuve que celui qui n’est point docile aux enseignements de l’Écriture, n’écouterait pas davantage un mort ressuscité à la vie, eux qui ont voulu tuer Lazare [après sa résurrection] et persécuté les Apôtres, bien qu’ils aient vu plusieurs morts ressuscités à l’heure du crucifiement (cf. Mt 27, 52). [Mais pour vous convaincre encore davantage que l’autorité des Écritures et des prophètes est d’un plus grand poids que le témoignage d’un mort ressuscité], remarquez qu’un mort quel qu’il soit est un serviteur, tandis que tout ce qu’enseignent les Écritures, c’est Dieu, même qui l’enseigne. Ainsi donc qu’un mort ressuscite, qu’un ange descende du ciel, les Écritures sont beaucoup plus dignes de foi, car c’est le Seigneur des anges, le maître des vivants et des morts qui en est l’auteur. D’ailleurs, si Dieu avait jugé que la résurrection des morts pourrait être utile aux vivants, il n’eût pas omis ce moyen de salut, lui qui se propose en tout notre utilité. Mais supposons de fréquentes résurrections de morts, on n’y ferait bientôt plus attention ; le démon se servirait de ce moyen pour introduire des doctrines perverses en cherchant à imiter ce miracle par ses suppôts. Il ne pourrait sans doute ressusciter réellement les morts, mais il ferait illusion aux yeux des spectateurs par certains artifices, ou en exciterait quelques-uns à simuler une mort véritable. — S. Augustin : (Du soin qu’on doit avoir pour les morts, chap. XIV.) On me dira : Si les morts n’ont aucun souci des vivants, comment ce riche a-t-il pu prier Abraham d’envoyer Lazare vers ses cinq frères ? Mais cette prière du riche suppose-t-elle nécessairement qu’il connût alors ce que faisaient ces frères ou ce qu’ils pouvaient souffrir ? Il portait donc intérêt aux vivants, mais sans savoir aucunement ce qu’ils faisaient; de même que notre sollicitude s’étend aux morts, bien que nous ignorions complètement leur état actuel. On demande encore : Comment Abraham connaissait-il Moïse et les prophètes, c’est-à-dire leurs livres ? comment avait-il pu savoir que le riche avait vécu dans les délices et Lazare dans les souffrances ? Nous répondons qu’il put le savoir, non pendant leur vie, mais après leur mort, lorsque Lazare le lui eut appris, explication qui ne détruit pas la vérité de ces paroles du prophète : « Abraham ne nous a pas connus. » (Is 63.) Les âmes des morts peuvent encore savoir quelque chose par le moyen des anges qui président aux choses d’ici-bas, L’esprit de Dieu peut enfin leur révéler, soit dans le passé, soit dans l’avenir, ce qu’il leur importe de connaître. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 38.) Dans le sens allégorique, on peut voir dans ce riche la figure des Juifs orgueilleux, « qui ne connaissaient point la justice de Dieu, et s’efforçaient d’établir leur propre justice. » (Rm 10.) La pourpre et le lin sont le symbole du royaume : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé, » (Mt 21.) Ces festins splendides, c’est l’ostentation de la loi dans laquelle ils se glorifiaient par orgueil et pour se faire valoir plutôt que de la faire servir à leur salut. Ce mendiant, du nom de Lazare, qui signifie celui qui est assisté, représente la pauvreté des Gentils ou des publicains, qui obtiennent d’autant plus facilement du secours, qu’ils présument moins de leurs propres ressources. — S. Grégoire : (hom. 40.) Lazare, couvert d’ulcères, est la figure du peuple des Gentils, qui se convertit à Dieu et ne rougit pas de confesser ses péchés; sa peau est couverte de blessures, car qu’est-ce que la confession des péchés, qu’une rupture de nos blessures intérieures ? Lazare, tout couvert d’ulcères, « désirait se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, et personne ne lui en donnait, » parce que ce peuple orgueilleux ne daignait admettre aucun Gentil à la connaissance de la loi, et qu’il laissait tomber les paroles de cette science comme les miettes de sa table. — S. Augustin : (quest. évang.) Les chiens qui venaient lécher les ulcères du pauvre, figurent ces hommes profondément corrompus, dévoués au mal, qui ne cessent de louer à bouche ouverte les oeuvres d’iniquité qui sont l’objet des gémissements et des regrets publics de ceux qui les ont commises. — S. Grégoire : (hom. 40.) Quelquefois dans les saintes Écritures, les chiens représentent les prédicateurs, selon ces paroles du Psalmiste : « La langue de tes chiens s’abreuvera du sang de tes ennemis. » (Ps 67; cf. Is 56, 10.) En effet, la langue des chiens guérit les blessures qu’elle lèche, ainsi les saints docteurs, par les instructions qui suivent la confession de nos péchés, touchent pour ainsi dire avec leur langue les blessures de notre âme. Le riche a été enseveli dans les enfers, Lazare, au contraire, a été porté par les anges dans le sein d’Abraham, c’est-à-dire dans ce séjour mystérieux de repos, dont la vérité a dit : « Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident, et auront place avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, tandis que les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures. » C’est de loin que le riche lève les yeux pour voir Lazare, parce que c’est du fond de l’abîme où ils souffrent les peines dues à leurs péchés, que les infidèles aperçoivent au-dessus d’eux, jouissant d’un repos ineffable, les fidèles dont après le jugement dernier, ils ne pourront plus contempler le bonheur. C’est de loin qu’ils les aperçoivent, parce qu’ils ne peuvent y atteindre par leurs mérites. C’est surtout dans sa langue que le riche endure de plus vives souffrances, parce que ce peuple infidèle avait toujours à la bouche les paroles de la loi qu’il dédaignait de mettre en pratique. Il sera donc plus cruellement tourmenté dans sa langue qui manifestait à tous qu’il savait parfaitement ce qu’il refusait de pratiquer. Abraham l’appelle son fils, bien qu’il ne le délivre pas de ses tourments, parce que les ancêtres de ce peuple infidèle n’ont aucune compassion pour arracher au supplice ceux qu’ils reconnaissent bien comme étant leurs enfants, mais qui ont en si grand nombre abandonné les exemples de leur foi. — S. Augustin : (Quest. évanq., 2, 39.) Les cinq frères que le riche dit avoir dans la maison de son père, figurent les Juifs qui sont au nombre de cinq, parce qu’ils étaient soumis à la loi qui a été donnée par Moïse (cf. Jn 1, 17; 7, 19), et renfermée dans les cinq livres qu’il a écrits. — S. Jean Chrysostome : (hom. sur le mauv. riche.) Ou bien ce riche avait cinq frères, c’est-à-dire les cinq sens dont il était l’esclave auparavant; aussi ne pouvait-il aimer Lazare, parce que ses frères n’aiment pas la pauvreté. Ce sont ces frères qui t’ont précipité dans ces tourments, ils ne peuvent être sauvés s’ils ne meurent, autrement il est nécessaire que les frères habitent avec leur frère. Mais pourquoi demandes-tu que j’envoie Lazare ? Ils ont Moïse et les prophètes. Moïse a été lui-même pauvre comme Lazare, lui qui a estimé que la pauvreté de Jésus-Christ était un plus grand trésor que toutes les richesses de Pharaon (He 12), Jérémie, jeté dans un lac, y fut nourri du pain de la tribulation. (Jr 38.) Tous ces prophètes sont là pour enseigner tes frères, mais ils ne peuvent être sauvés qu’autant que quelqu’un ressuscite des morts, car ces frères, avant la résurrection de Jésus-Christ, me conduisaient à la mort; il est mort, mais ces frères sont ressuscités, et maintenant mes yeux voient Jésus-Christ, mes oreilles l’entendent, mes mains peuvent le toucher. Ce que nous venons de dire est la condamnation des marcionites et des manichéens, qui ne veulent point admettre l’Ancien Testament. Voyez ce que dit Abraham : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, » etc., paroles qui signifient : Vous faites bien d’attendre celui qui doit ressusciter des morts, mais c’est Jésus-Christ lui-même qui vous parle par la bouche des prophètes, et si vous les écoutez, c’est lui-même que vous écoutez. — S. Grégoire : (hom. 40.) Mais comme le peuple juif a refusé d’entendre dans le sens spirituel les paroles de Moïse, il n’a pu parvenir à celui que Moïse avait prédit et annoncé. — S. Ambroise : On peut encore donner à cette histoire cet autre sens : Lazare est pauvre dans ce monde, mais il est riche aux yeux de Dieu. En effet, toute pauvreté n’est pas sainte, comme toute possession des richesses n’est pas nécessairement criminelle, c’est la vie molle et sensuelle qui déshonore les richesses, comme c’est la sainteté qui rend la pauvreté honorable. Ou bien encore, Lazare, c’est tout homme apostolique qui est pauvre par la parole et riche par la foi, qui s’attache à la vraie foi et ne recherche pas les vains ornements de la parole. Je comparerai cet homme à celui qui, souvent frappé de verges par les Juifs, offrait pour ainsi dire, à lécher aux chiens les ulcères de son corps (2 Co 11, 24; cf. Dt 25, 2.3). Heureux ces chiens qui ont léché les gouttes de sang qui découlait de ces plaies et qui remplit ainsi [la bouche et] le coeur de ceux qui doivent garder la maison, veiller sur le troupeau et le défendre contre les loups. Et comme le pain est la figure de la parole, et que la foi vient de la parole, les miettes de pain représentent certaines vérités de la foi, c’est-à-dire les mystères des Écritures. Les Ariens, qui recherchent avec tant d’empressement l’appui de la puissance royale pour attaquer la vérité de l’Église, ne vous paraissent-ils pas comme revêtus de pourpre et de fin lin ? Comme ils prêchent l’erreur [et le mensonge] en place de la vérité, ils multiplient leurs pompeux discours. C’est ainsi que la riche hérésie a composé je ne sais combien d’évangiles, tandis que la foi pauvre s’en est tenu au seul Évangile qu’elle a reçu de Dieu. La riche philosophie s’est fait plusieurs dieux, et l’Église pauvre n’a reconnu [et adoré] qu’un seul Dieu. Ces richesses ne vous semblent-elles pas être une véritable indigence, et cette indigence une véritable richesse ? — S.
Augustin : (Quest.
évang.) Ce récit peut encore recevoir une autre
interprétation. Lazare serait la figure du Seigneur, étendu à la porte du
riche, parce que les humiliations de son incarnation l’ont abaissé jusqu’aux
oreilles superbes des Juifs. Il désirait se rassasier des miettes qui
tombaient de la table du riche, c’est-à-dire qu’il demandait aux Juifs les
plus petites oeuvres de justice qui ne fussent pas enlevées par leur orgueil
à sa table, c’est-à-dire à sa puissance, et qu’ils pussent au moins
pratiquer, sinon sous l’influence d’une vie constamment vertueuse, au moins
de temps en temps et par hasard, comme les miettes qui tombent de la table.
Les ulcères, ce sont les blessures du Seigneur, les chiens qui venaient les
lécher, ce sont les Gentils, que les Juifs regardaient comme immondes, et
qui, cependant par tout l’univers, goûtent avec une pieuse suavité les plaies
du Seigneur dans le sacrement de son corps et de son sang. Le sein d’Abraham,
c’est le secret du Père, où Jésus-Christ est monté après sa résurrection; il y
a été porté par les anges, parce que ce sont les anges qui ont annoncé à ses
disciples (Mt 28, 7; Mc 16, 7; Lc 24, 9), qu’il était
remonté dans le sein du Père. L’interprétation que nous avons donnée plus
haut peut s’appliquer au reste du récit, car le sein de Dieu peut très bien
s’entendre du lieu où (même avant la résurrection) les âmes des justes vivent
dans la société de Dieu. |
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Caput 17 |
CHAPITRE 17
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Lectio 1 [85903] Catena in Lc., cap. 17 l. 1 Theophylactus. Quia Pharisaei existentes avari
convitiabantur Christo de paupertate praedicanti, induxit parabolam divitis
et Lazari. Deinde cum discipulis confert de Pharisaeis, indicans eos
schismaticos et divinae viae impeditores esse; unde dicitur et ait ad
discipulos suos : impossibile est ut non veniant scandala, idest impedimenta
bonae et Deo placitae conversationis. Chrysostomus.
Sunt autem duplicia scandala : quorum haec quidem divinae gloriae
refragantur, haec vero prodeunt solum ad irrogandum fratribus impedimentum : nam
excogitationes haeresum, et quicumque contra veritatem fit sermo, divinae
gloriae refragatur. Non tamen ad praesens memorari videntur huiusmodi
scandala, sed magis ea quae contingunt inter amicos et fratres; sicut iurgia,
detractiones et huiusmodi; unde postea subdit si peccaverit in te frater tuus.
Theophylactus.
Vel dicit, quod necesse est emergere multa praedicationis et veritatis
obstacula, sicut Pharisaei impediebant Christi praedicationem. Quaerunt autem
aliqui : si necesse est ut veniant scandala, cur dominus arguit scandalorum
auctorem? Sequitur enim vae autem illi per quem veniunt : quidquid enim parit
necessitas veniale est. Sed attende, quod necessitas ista ex libero arbitrio
sortitur originem. Videns enim dominus qualiter homines innituntur malo, nec
proponunt aliquid boni, dixit quod quantum est ex consequentia eorum quae
videntur, necesse est contingere scandala : sicut si medicus videns quemquam
mala dieta utentem, dicat : necesse est hunc aegrotare; et ideo inducenti
scandala vae dicit, et poenam ei comminatur, dicens utilius est illi si lapis
molaris imponatur circa collum eius, et proiciatur in mare, quam ut
scandalizet unum de pusillis istis. Beda. Secundum morem provinciae Palaestinae loquitur; cum maiorum
criminum apud veteres Iudaeos fuerit poena, ut in profundum ligato saxo
demergerentur. Et revera utilius est innoxium poena, quamvis atrocissima,
temporali tamen, vitam finire corpoream, quam fratri nocentem mortem animae
mereri perpetuam. Recte autem qui scandalizari potest, pusillus
appellatur : qui enim magnus est, quodcumque viderit, quodcumque passus
fuerit, non declinat a fide. Inquantum ergo sine peccato possumus, evitare
proximorum scandalum debemus. Si autem de veritate scandalum sumitur, utilius
permittitur scandalum, quam veritas relinquatur. Chrysostomus.
Per scandalizantis autem poenam bravium salvantis addisce : nisi enim
unius animae salus esset sibi nimium curae, non comminaretur scandalizantibus
tantam poenam. |
Versets 1-2.
— Théophylacte : Notre Seigneur répond aux pharisiens avares qui attaquaient ses enseignements sur la pauvreté, par la parabole du mauvais riche et de Lazare. Il s’entretient ensuite des pharisiens avec ses disciples, et les leur représente comme des schismatiques et comme des gens qui entravent par leurs obstacles les voies divines : « Et Jésus dit à ses disciples : Il est impossible qu’il n’arrive des scandales, » c’est-à-dire des obstacles à la vie sainte et agréable à Dieu. — S. Cyrille ou S. Jean Chrysostome : Il y a deux sortes de scandales, les uns sont opposés directement à la gloire de Dieu, les autres se bornent à créer des obstacles à nos frères dans la voie du bien; c’est ainsi que les doctrines des hérétiques, et tout discours contraire à la vérité sont directement opposés à la gloire de Dieu. Or, Notre Seigneur ne parait pas avoir ici en vue cette première espèce de scandale, mais plutôt ceux qui arrivent entre amis et entre frères, comme les querelles, les médisances, et autres différends semblables. Voilà pourquoi il ajoute plus bas : « Si votre frère pèche contre vous, etc... » — Théophylacte : Ou bien il veut dire que la prédication et la vérité doivent nécessairement rencontrer bien des difficultés, telles que celles que les pharisiens suscitaient à la prédication de Jésus-Christ. Mais s’il est nécessaire que les scandales arrivent, comment me dira-t-on, Notre Seigneur peut-il en faire un crime à l’auteur du scandale en disant : « Malheur à celui par qui arrive le scandale ? » Car tout ce que produit la nécessité est digne d’indulgence. Nous répondons que cette nécessité tire son origine de notre libre arbitre. Notre Seigneur, considérant comment les hommes se portent au mal et sont indifférents pour le bien, déclare que les scandales sont une conséquence nécessaire de cet état de choses; comme un médecin qui voit un de ses malades faire usage d’un mauvais régime, dit de lui : Cet homme deviendra nécessairement malade. Aussi le Sauveur annonce malheur à celui par qui arrive le scandale, et lui en prédit le châtiment : « Il vaudrait mieux pour lui qu’on lui mît une meule de moulin au cou et qu’on le précipitât dans la mer, plutôt qu’il ne scandalise un de ces petits. » — S. Bède : Notre Seigneur fait ici allusion à un usage de la Palestine, où le châtiment des grands crimes, chez les anciens Juifs, consistait à précipiter les coupables au fond de la mer avec une grosse pierre au cou. Et en effet, il vaut mieux, même pour un innocent, perdre la vie du corps par un supplice atroce, mais passager, que de précipiter son frère innocent dans la mort éternelle. C’est à juste titre que le Sauveur donne le nom de « petit » à celui qui est scandalisé; car celui dont l’âme est grande [et élevée], quoi qu’il voie, quoi qu’il lui arrive, ne se laisse point détourner de la foi. Autant que nous le pouvons sans péché, évitons donc de donner du scandale à nos frères; s’ils prennent scandale de la vérité, il est plus utile de permettre ce scandale, que d’abandonner les intérêts de la vérité. — S. Jean Chrysostome : Par le supplice de celui qui scandalise les âmes, apprenez quelle sera la récompense de celui qui les sauve. Car s’il n’avait tant à coeur le salut d’une seule âme, il ne menacerait pas d’un si grand châtiment les auteurs du scandale. |
Lectio 2 [85904] Catena in Lc., cap. 17 l. 2 Ambrosius. Post divitem qui cruciatur in poenis
subicit praeceptum veniae largiendae his qui se ab errore convertunt, ne quem
desperatio non revocet a culpa; unde dicitur attendite vobis. Theophylactus.
Quasi dicat : necesse est scandala contingere; non tamen necessarium est
vos perire, si peccaveritis; sicut non est necesse oves perire lupo veniente,
si vigilet pastor. Et quoniam multae sunt scandalizantium differentiae :
quidam enim sunt insanabiles, quidam sanabiles; ideo subiungit si peccaverit
in te frater tuus, increpa illum; et si poenitentiam egerit, dimitte illi.
Ambrosius.
Ut neque difficilis venia, nec remissa sit indulgentia : neque austera
percellat invectio, vel conniventia non invitet ad culpam; unde et alibi
dicitur : corripe ipsum inter te et ipsum solum : plus enim proficit amica
correctio quam accusatio turbulenta. Illa pudorem incutit, haec indignationem
movet. Servetur potius quod prodi metuat qui monetur : bonum quippe est ut
amicum magis te qui corripitur credat, quam inimicum : facilius enim
consiliis acquiescitur quam iniuriae succumbitur. Infirmus custos
diuturnitatis est timor, pudor autem bonus magister officii : qui enim metuit
reprimitur, non emendatur. Pulchre autem posuit si peccaverit in te : non
enim est aequa conditio in Deum hominemque peccare. Beda.
Intuendum est autem, quia non passim peccanti dimittere iubet, sed
poenitentiam agenti : hoc enim ordine scandala declinare possumus, si nullum
laedamus, si peccantem zelo iustitiae corripimus, si poenitenti misericordiae
viscera pandimus. Theophylactus.
Sed quaereret aliquis : si cum pluries indulserim fratri, iterum fit
nocivus, quid agendum est secum? Ideo quaestioni huic respondens subdit et si
septies in die peccaverit in te, et septies in die conversus fuerit ad te
dicens : poenitet me, dimitte illi. Beda.
Septenario numero non veniae dandae terminus ponitur, sed vel omnia
peccata dimittenda, vel semper poenitenti dimittendum praecipitur : solet
enim saepe per septem, cuiusque rei aut temporis universitas indicari. Ambrosius.
Vel quia septima die requievit Deus ab operibus suis, post hebdomadam
istius mundi requies nobis diuturna promittitur, ut quemadmodum mala istius
mundi opera cessabunt, ita etiam vindictae severitas conquiescat. |
Versets 3-4
— S. Ambroise : Après la parabole du mauvais riche souffrant cruellement dans les flammes éternelles, le Sauveur fait à ses disciples une obligation de pardonner à tous ceux qui reviennent de leurs erreurs; de peur que le désespoir ne les fasse persévérer dans le mal : « Prenez garde à vous. » — Théophylacte : Comme s’il leur disait : Il est nécessaire qu’il arrive des scandales, mais il n’est pas nécessaire que vous périssiez si vous avez péché, de même qu’il n’y a point nécessité que les brebis deviennent la proie du loup, si le berger veille sur elles, et comme il y a plusieurs espèces de personnes qui donnent le scandale, que les unes peuvent être guéries, que les autres sont incurables, il ajoute : « Si votre frère pèche contre vous, reprenez-le, et s’il se repent, pardonnez-lui.» — S. Ambroise : Le pardon ne doit pas être trop difficile, ni l’indulgence trop grande, il faut éviter à la fois les reproches sévères qui découragent, et une connivence coupable qui autorise le mal; aussi Notre Seigneur nous dit-il ailleurs : « Reprenez-le entre vous et lui » ; car une réprimande amicale est toujours plus utile qu’une accusation trop vive; l’une inspire une honte salutaire, l’autre excite l’indignation; ayez plutôt des ménagements pour cette crainte qu’a le coupable que ses fautes soient révélées; car il est bien plus avantageux qu’il voie en vous un ami qui le reprend, qu’un ennemi [qui veut sa perte], et il se rendra toujours plus facilement à vos conseils, qu’il ne cédera à vos injures. La crainte est un faible gardien de la persévérance, la honte enseigne bien plus efficacement le devoir; car si la crainte réprime le vice, elle ne peut le corriger. Notre Seigneur dit à dessein : « Si votre frère pèche contre vous, » car on ne peut raisonner des fautes commises contre Dieu, comme des offenses envers nos semblables. — S. Bède : Remarquez encore qu’il ne nous fait point une obligation de pardonner indifféremment à tout homme qui nous offense, mais seulement à celui qui témoigne du repentir; car tel est l’ordre que nous devons suivre pour éviter les scandales : n’offenser personne, reprendre par zèle pour la justice ceux qui sont en faute, et recevoir avec des entrailles de miséricorde les pécheurs repentants. —
Théophylacte : Mais, me dira-t-on, si après avoir
pardonné plusieurs fois à mon frère, il continue à m’offenser, quelle
conduite tenir à son égard ? Notre Seigneur a répondu à cette question :
« S’il pèche contre vous sept fois
le jour, et que sept fois le jour il revienne à vous, disant : Je me repens,
pardonnez-lui. » — S. Bède : Le nombre sept n’exprime pas ici les limites que nous devons apporter au pardon, mais il signifie qu’il faut pardonner toutes les offenses, ou du moins qu’il faut toujours pardonner à celui qui se repent. Le nombre sept, en effet, exprime souvent dans l’Écriture l’universalité des choses ou des temps. — S. Ambroise : Ou bien encore, de même que Dieu s’est reposé de ses oeuvres le septième jour, ainsi un repos éternel nous est promis après la semaine de ce monde; Dieu veut donc que la sévérité de la vengeance se repose, à l’exemple de toutes les oeuvres mauvaises de ce monde, qui doivent un jour prendre fin. |
Lectio 3 [85905] Catena in Lc., cap. 17 l. 3 Theophylactus. Audientes discipuli dominum de quibusdam
arduis disserentem, puta de paupertate, et scandalis evitandis, petunt sibi
fidem augeri, per quam possent paupertatem sequi : nihil enim adeo cultum
suggerit paupertatis, sicut credere et sperare in domino : et ut per fidem
scandalis valeant resistere; unde dicitur et dixerunt apostoli domino :
adauge nobis fidem. Gregorius Moralium. Utque iam accepta per initium fuerat, quasi per
augmentum graduum ad perfectionem veniret. Augustinus de quaest. Evang. Potest quidem intelligi hanc fidem
sibi augeri postulasse qua creduntur ea quae non videntur; sed tamen dicitur
etiam fides rerum, quando non verbis, sed ipsis rebus praesentibus creditur
quod futurum est, cum iam per speciem manifestam se contemplandam praebebit
sanctis ipsa Dei sapientia, per quam facta sunt omnia. Theophylactus. Dominus autem ostendit eis quod bene peterent, et
quod credere deberent constanter, ostendens eis quod fides multa potest; unde
sequitur dixit autem dominus : si habueritis fidem sicut granum sinapis,
dicetis huic arbori moro : eradicare et transplantare in mare, et obediet
vobis. Duo magna concurrunt in idem, transpositio radicati in terra, et
plantatio in mari : quid enim in undis plantatur? Per quae duo virtutem fidei
manifestat. Chrysostomus in Matthaeum. Mentionem autem facit sinapis, quia eius
granum, etsi sit parvum quantitate, est tamen potestate virtuosius omnibus.
Insinuat igitur quod minimum suae fidei magna potest. Si
autem morum non transposuerunt apostoli, non calumnieris : non enim dixit :
transferetis, sed : transferre poteritis; sed noluerunt, quia opus non erat,
cum maiora fecerint. Chrysostomus.
Quaeret autem aliquis : quomodo Christus dicit minimam partem esse fidei,
quae morum vel montem potest transponere, cum Paulus dicat hanc esse omnem fidem
quae montes transfert? Dicendum igitur est, quod apostolus attribuit toti
fidei montem transponere, non tamquam tota fides solum hoc possit, sed quia
hoc carnalibus magnum videbatur propter eminentiam corporis. Beda.
Vel fidem perfectam dominus hic grano sinapis comparat, eo quod sit in
facie humilis, et in pectore fervens. Mystice autem per morum, cuius colore
sanguineo fructus et virgulta rubent, Evangelium crucis exprimitur, quae per
fidem apostolorum de gente Iudaeorum, in qua velut in stirpe generis
tenebatur, verbis praedicationis eradicata, et in mare gentium plantata est.
Ambrosius.
Vel hoc dicitur quando fides spiritum excludit immundum : nam fructus mori
primo albet in flore, qui inde iam formatus erutilat, maturitate nigrescit.
Diabolus quoque, ex albenti angelicae flore naturae, et potestate rutilanti,
praevaricatione deiectus, tetro inhorruit odore peccati. Chrysostomus.
Morum etiam Diabolo aptabis : nam sicut mori frondibus vermes aluntur, sic
Diabolus per cogitationes exortas ab eo, alit nobis vermem perpetuum. Sed
hanc morum potest fides ab animabus nostris evellere, et in abyssum demergere. |
Versets 5-6.
— Théophylacte : Les disciples ayant entendu les enseignements du Seigneur sur des devoirs difficiles, c’est-à-dire sur la pauvreté et la manière d’éviter les scandales, lui demandent d’augmenter en eux la foi, qui doit les aider à pratiquer la pauvreté (car rien de plus efficace pour inspirer l’amour de la pauvreté que la foi et l’espérance en Dieu), et à résister aux scandales : « Alors les Apôtres dirent au Seigneur : Augmentez-nous la foi. » — S. Grégoire : (Moral., XXII, 14.) Afin que cette foi qu’ils avaient reçue dans son germe, parvînt à la perfection par des accroissements successifs. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 39.) Par cette foi, qu’ils prient le Sauveur d’augmenter en eux, on peut entendre celle qui nous fait croire ce que nous ne voyons pas; cependant il y a aussi une foi qu’on peut appeler la foi des choses, qui nous porte à croire non seulement aux paroles, mais aux choses présentes, ce qui doit un jour s’accomplir, lorsque la sagesse de Dieu, par laquelle tout a été fait, s’offrira à la contemplation des saints dans tout l’éclat de sa gloire. — Théophylacte : Notre Seigneur leur montre que leur demande est bonne, et les exhorte à croire fermement en leur découvrant toute la puissance de la foi : « Le Seigneur leur dit : Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à ce mûrier : ‘Déracine-toi et replante-toi dans la mer’, et il vous obéirait.» Il y a ici deux prodiges extraordinaires, transporter un arbre enraciné dans la terre, et le planter au milieu de la mer (car que peut-on planter au milieu des flots), et qui tous deux font voir la puissance de la foi. — S. Jean Chrysostome : (hom. 58 sur Matth.) Le Sauveur prend pour exemple le grain de sénevé, parce que bien que son volume soit très petit, il a cependant plus de force que toutes les autres graines, et il veut nous apprendre par là que le plus petit degré de foi, peut opérer de grandes choses. N’allez pas cependant accuser légèrement les Apôtres, de ce qu’ils n’ont point transporté de mûrier, car Notre Seigneur ne leur a point dit : Vous transporterez, mais : « Vous pourrez transporter. » Mais ils ne l’ont point voulu, parce que cela était inutile, puisqu’ils ont opéré de plus grands prodiges. — S. Jean Chrysostome : (hom. 32 sur la 1e Epit. aux Cor.) Mais comment concilier ces paroles de Jésus-Christ, que le plus petit degré de foi peut transporter un mûrier ou une montagne, avec celles où saint Paul déclare que c’est la foi parfaite qui transporte les montagnes ? (1 Co 13, 2) Nous répondons que l’apôtre saint Paul attribue à la foi parfaite la vertu de transporter les montagnes, non que ce soit le privilège exclusif de la foi parfaite, mais parce qu’[il s’adressait] à des esprits encore grossiers qui trouvaient ce prodige extraordinaire à cause de la difficulté que présente la masse énorme d’une montagne. — S. Bède : Ou bien le Seigneur compare ici la foi parfaite à un grain de sénevé, parce qu’elle a peu d’apparence au dehors, et qu’elle déploie toute sa force dans l’intérieur de notre corps. Dans le sens allégorique, le mûrier (dont les fruits et les branches ont la couleur du sang), est la figure de l’Évangile de la croix que la foi des Apôtres a par la prédication arraché du peuple juif, dans lequel il était enraciné comme dans sa terre primitive, pour le transporter et le planter au milieu de la mer des nations. — S. Ambroise : Ou bien encore, ces paroles signifient la puissance de la foi pour chasser l’esprit immonde, [d’autant plus que la nature de cet arbre favorise cette opinion]. En effet, le fruit du mûrier est blanc dans sa fleur, il parait rouge lorsqu’il a pris sa forme, et devient noir lorsqu’il est parvenu à sa maturité. C’est ainsi que le démon, déchu par sa prévarication de la fleur blanche de sa nature angélique, et de son éclatante dignité, est devenu un objet d’horreur par les noires vapeurs qu’exhale son iniquité. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Il y a encore une autre analogie entre le démon et le mûrier; les vers se nourrissent des feuilles du mûrier, ainsi le démon se sert des pensées qu’il suggère pour nourrir le ver qui ne meurt point, mais la foi peut déraciner de nos âmes ce mûrier et le précipiter dans l’abîme. |
Lectio 4 [85906] Catena in Lc., cap. 17 l. 4 Theophylactus. Quia fides proprium possessorem facit
divinorum mandatorum observatorem, vivificis eum exornans operibus, exinde videbatur
hominem incurrere posse superbiae vitium : unde praemonuit dominus apostolos
ne superbiant in virtutibus suis, per exemplum conveniens, dicens quis autem
vestrum habens servum arantem aut boves pascentem, qui regresso de agro dicat
illi : statim transi et recumbe? Augustinus
de quaest. Evang. Vel aliter. Hanc ergo fidem praestantissimae veritatis
plerisque non intelligentibus, videri potest dominus discipulis suis non ad
id quod petierant respondisse. Difficile autem mihi apparet; nisi intelligamus
ex fide in fidem, idest ex fide ista, qua ministratur Deo, in eam
significasse transferri ubi fruantur Deo. Augebitur enim fides cum primo
verbis praedicantibus, deinde rebus apparentibus creditur : sed illa
contemplatio summam quietem habet, quae in aeterno Dei regno retribuitur.
Summa vero quies illa praemium est iustorum laborum, qui in Ecclesiae
administratione peraguntur : et ideo quamvis in agro aret servus aut pascat,
hoc est in vita saeculari vel terrena verset negotia, vel stultis hominibus tamquam
pecoribus serviat; opus est ut post illos labores domum veniat; hoc est
Ecclesiae societur. Beda.
Vel servus de agro egreditur, cum intermisso ad tempus opere praedicandi,
ad conscientiam doctorem recurrit, sua secum acta vel dicta retractans; cui
non statim dominus dicit transi, de hac vita mortali; recumbe, idest in
aeterna sede beatae vitae refovere. Ambrosius.
Intelligitur enim quia nullus recumbit nisi ante transierit. Denique et
Moyses ante transivit, ut magnum visum videret. Sicut ergo tu non solum non
dicis servo tuo recumbe, sed exigis ab eo aliud ministerium; ita nec in te
patitur dominus unius usum esse operis et laboris : quia dum vivimus, debemus
semper operari; unde sequitur et non dicat ei : para quod coenem, et
praecinge te, et ministra mihi, donec manducem et bibam? Beda.
Iubet parari quod coenet, hoc est post laborem apertae locutionis
humilitatem quoque considerationis propriae exhibere : tali coena dominus
pasci desiderat. Praecingi autem est mentem humiliatam ab omnibus fluctuantium
cogitationem finibus, quibus operum gressus impediri solet, constringere :
nam qui vestimenta praecingit, hoc agit ne incedens involvatur ad lapsum.
Ministrare vero Deo, est absque gratiae eius auxilio nihil virium habere
profiteri. Augustinus
de quaest. Evang. Ministrantibus etiam, hoc est evangelizantibus servis
suis, manducat et bibit dominus confessionem et fidem gentium. Sequitur et
post haec tu manducabis et bibes. Beda.
Quasi dicat : postquam tuae praedicationis opere delectatus, tuaeque
compunctionis epulis fuero refectus, tunc demum transies, et aeternis meae
sapientiae dapibus in aeternum reficieris. Cyrillus.
Docet autem dominus quod ius potestatis dominicae quasi debitam
subiectionem requirit a famulis, cum subdit numquid gratiam habet servo illi,
quia fecit quae sibi imperaverat? Non puto. Per hoc morbus superbiae
tollitur. Quid superbis? Ignoras quod si non persolvis debitum, periculum
imminet; si vero persolvas, nullam gratiam facis? Secundum illud Pauli : si
evangelizavero, non est mihi gloria; necessitas enim mihi est : vae mihi si
non evangelizavero. Considera ergo, quod qui apud nos dominantur, non
referunt gratias, cum aliqui subditorum statuta sibi prosequuntur obsequia;
sed ex benevolentia saepius suorum provocantes affectum, maiorem eis
appetitum serviendi aggenerant. Sic et Deus petit quidem a nobis famulatum
iure servitii; verum, quia clemens et bonus est, honores laborantibus
pollicetur; et supereminet sudoribus subiectorum benevolentiae magnitudo.
Ambrosius.
Non ergo te iactes, si bene servisti, quod facere debuisti. Obsequitur
sol, obtemperat luna, serviunt Angeli; et nos ergo non a nobis laudem
exigamus. Unde concludens subdit sic et vos, cum omnia feceritis, dicite :
quia servi inutiles sumus : quod debuimus facere, fecimus. Beda.
Servi quidem, quia pretio empti; inutiles, quia dominus bonorum nostrorum
non indiget, vel quia non sunt condignae passiones huius temporis ad futuram
gloriam. Haec igitur est in hominibus fidei perfectio, si omnibus quae sunt praecepta
impletis, imperfectos esse se noverint. |
Versets 7-10.
— Théophylacte : Comme la foi rend celui qui la possède fidèle observateur des commandements de Dieu, et lui fait opérer des oeuvres vraiment admirables, il semblait qu’elle pouvait exposer l’homme au vice de l’orgueil. Aussi Notre Seigneur prémunit ses disciples contre ce sentiment d’orgueil qui pouvait naître de leurs vertus, par l’exemple suivant : « Qui de vous, ayant un serviteur attaché au labourage ou au pâturage des bœufs, lui dira à son retour des champs : ‘Viens vite te mettre à table !’ » — S. Augustin : (quest. Evang., 2, 39.) Ou bien encore, comme la plupart ne comprenaient pas cette foi à la vérité qui devait un jour se découvrir sans nuage, on pourrait croire que Notre Seigneur ne répond pas directement à la demande de ses disciples. En effet, [la suite des paroles du Sauveur] se rapporte difficilement [à cette prière des Apôtres : « Augmentez en nous la foi, »] à moins de les entendre dans ce sens, que nous passons d’une foi moins parfaite à une foi parfaite, c’est-à-dire de la foi qui nous fait servir Dieu, à la foi où nous jouissons pleinement de Dieu. La foi s’augmente en effet, lorsqu’après avoir eu pour objet les paroles de la prédication, elle s’étend même aux choses visibles. Mais cette foi contemplative est accompagnée de ce repos ineffable que Dieu nous prépare dans son royaume éternel, et ce repos est la récompense des travaux méritoires qui s’accomplissent dans l’Église. Ainsi, quel que soit le genre de travaux auxquels est appliqué le serviteur, qu’il laboure dans les champs, ou qu’il garde les troupeaux (c’est-à-dire qu’il s’occupe dans cette vie des choses de la terre, ou qu’il soit au service des hommes insensés figurés par les troupeaux), il faut qu’après ces travaux accomplis il rentre à la maison, c’est-à-dire qu’il soit réuni à l’Église. — S. Bède : Ou bien encore, ce serviteur qui revient des champs, c’est le docteur qui interrompt pour un temps l’oeuvre de la prédication, pour rentrer dans sa conscience et y repasser ses actions et ses paroles. Le Seigneur ne lui dit pas aussitôt; Allez (de cette vie mortelle), et mettez-vous à table, c’est-à-dire, réjouissez-vous dans l’éternel repas de la vie bienheureuse. — S. Ambroise : En effet, nul ne s’asseoit à ce banquet avant de passer de cette vie à l’autre ; Moïse lui-même a dû passer de l’endroit où il était pour être témoin de la grande vision [où Dieu se révélait à lui. (Ex 3.)] De même donc que vous ne dites pas aussitôt à votre serviteur : Mettez-vous à table, mais que vous exigez de lui auparavant d’autres services; ainsi Dieu ne vous demande pas un seul genre d’oeuvres et de travaux, notre travail ne doit cesser qu’avec notre vie : « Est-ce qu’il ne lui dit pas au contraire : ‘Préparez-moi à souper, puis tu te ceindras et tu me serviras jusqu’à ce que j’aie mangé et bu’». — S. Bède : Dieu commande à ce serviteur de lui préparer à manger, c’est-à-dire qu’après le travail de la prédication publique, il doit se livrer à une humble considération de lui-même; c’est la nourriture que Dieu désire. Se ceindre les reins, c’est, pour une âme humble, [relever et] resserrer toutes les pensées flottantes qui peuvent entraver notre marche dans la voie des bonnes oeuvres; car on ne serre ses vêtements avec une ceinture que pour n’être point exposé à tomber en marchant. Servir le vrai Dieu, c’est confesser hautement que nous n’avons aucune force sans le secours de sa grâce. — S. Augustin : (quest. Evang.) C’est alors que ses ministres le servent, c’est-à-dire qu’ils se livrent à la prédication de l’Évangile, que Dieu boit et mange, pour ainsi dire, la confession et la foi des Gentils. « Et
après cela tu mangeras et tu boiras, » — S. Bède : c’est-à-dire : Après que j’aurai goûté avec joie l’oeuvre de votre prédication, et que je me serai rassasié de votre componction comme d’un mets délicieux, alors vous passerez, et vous serez nourri vous-même à jamais de l’aliment éternel de ma sagesse. — S. Cyrille : Notre Seigneur nous enseigne ici qu’en vertu du droit de sa puissance souveraine, il exige de ses serviteurs l’obéissance comme une chose qui lui est due : « Aura-t-il de l’obligation à ce serviteur, parce qu’il a fait ce qu’il lui a commandé ? Je ne le pense pas ». Quoi de plus propre à guérir la maladie de l’orgueil que cette réponse ? Pourquoi vous enorgueillir ? Ignorez-vous que si vous ne remplissez pas l’obligation qui vous est imposée, vous vous exposez au danger, et que si vous y êtes fidèle, vous ne faites rien de trop, d’après ces paroles de saint Paul : « Si je prêche l’Évangile, la gloire n’en est point à moi, car c’est pour moi une obligation de le faire, malheur à moi si je ne prêche pas l’Évangile ! » Considérez en effet, que ceux qui exercent l’autorité parmi nous, ne remercient pas leurs serviteurs lorsqu’ils exécutent les ordres qui leur ont été donnés, mais ils cherchent à gagner leur affection à force de bienveillance pour leur inspirer un plus grand zèle dans l’accomplissement de leurs devoirs. Ainsi Dieu nous demande de le servir en vertu de son droit souverain, mais comme il est plein de clémence et de bonté, il promet des honneurs infinis à ceux qui travaillent pour lui, et la grandeur de sa bienveillance est bien supérieure à toutes les fatigues que nous endurons à son service. — S. Ambroise : Ne vantez donc pas votre mérite lorsque vous avez fidèlement servi, vous n’avez fait que ce que vous deviez faire. Le soleil obéit à Dieu, la lune lui est soumise, les anges exécutent ses ordres; gardons-nous donc de nous louer nous-mêmes, c’est la conclusion que le Sauveur tire lui-même de ce qu’il vient de dire : « De même quand vous aurez fait ce qui vous est commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles; nous avons fait ce que nous devions faire. » — S. Bède : Nous sommes des serviteurs, parce que nous avons été rachetés d’un grand prix (1 Co 7); nous sommes des serviteurs inutiles, parce que le Seigneur n’a nul besoin de nos biens (Ps 15); ou parce que les souffrances de cette vie n’ont aucune proportion avec la gloire future. (Rm 8.) La perfection de la foi pour les croyants, consiste donc à reconnaître leur imperfection, alors même qu’ils ont accompli tout ce qui leur est commandé. |
Lectio 5 [85907] Catena in Lc., cap. 17 l. 5 Ambrosius. Post praedictam parabolam reprehenduntur ingrati;
dicitur enim et factum est, dum iret Iesus in Ierusalem, transibat per mediam
Samariam et Galilaeam. Titus. Ut ostendat quod Samaritani quidem benevoli, Iudaei vero
praedictis beneficiis sunt ingrati : erat enim discordia inter Samaritanos et
Iudaeos : quam ipse quasi pacificans inter utrosque transit, ut utrosque
compingat in unum novum hominem. Cyrillus. Deinde suam gloriam salvator manifestat, attrahens ad
fidem Israel; unde sequitur et cum ingrederetur quoddam castellum,
occurrerunt ei decem viri leprosi, ab urbibus et oppidis expulsi, et quasi
immundi ritu legis Mosaicae. Titus. Conversabantur autem ad invicem, quia fecerat eos unanimes
communitas passionis; et praestolabantur transitum Iesu, solliciti donec
advenientem Christum viderent; unde sequitur qui steterunt a longe : eo quod
lex Iudaeorum lepram immundam iudicat; lex autem evangelica non externam, sed
internam asserit esse immundam. Theophylactus. A longe ergo stabant quasi verecundantes de
immunditia quae eis imputabatur : putabant enim quod Christus eos fastidiret
ad modum aliorum. Sic ergo astiterunt loco, sed facti sunt proximi deprecando
: prope enim est dominus omnibus invocantibus eum in veritate; unde sequitur
et levaverunt vocem, dicentes : Iesu praeceptor, miserere nostri. Titus. Dicunt nomen Iesu, et lucrifaciunt rem; nam Iesus
interpretatur salvator : dicunt miserere nobis, propter experientiam virtutis
eius; neque argentum petentes neque aurum, sed ut aspectum corporis sanum obtineant.
Theophylactus. Nec simpliciter obsecrant eum, nec rogant eum ut
mortalem : vocat eum praeceptorem, idest dominum, quo pene videntur hunc
opinari Deum. At ipse iubet illis ut ostenderent se
sacerdotibus; unde sequitur quos ut vidit, dixit : ite, ostendite vos
sacerdotibus : ipsi enim experiebantur si mundati forent a lepra vel non. Cyrillus. Lex etiam mundatos a lepra iubebat offerre sacrificium
causa purgationis. Theophylactus. Iubere ergo eis ut irent ad sacerdotes, nihil aliud
innuebat nisi quod debebant curari; unde sequitur et factum est, dum irent,
mundati sunt. Cyrillus. In quo Iudaeorum pontifices aemuli gloriae eius
cognoscere poterant quod inopinate et mirifice sanati sunt, concedente
Christo eis salutem. Theophylactus.
Cum autem decem essent, novem, qui Israelitae erant, ingrati fuerunt; sed
alienigena Samaritanus reversus, voces emittebat benignas; unde sequitur unus
autem ex illis ut vidit quia mundatus est, regressus est cum magna voce
magnificans Deum. Titus.
Dedit autem ei appropinquandi fiduciam suscepta purgatio; unde sequitur et
cecidit in faciem suam ante pedes eius, gratias agens, ex procubitu et
supplicatione fidem suam simul cum benevolentia pandens. Sequitur et hic erat
Samaritanus. Theophylactus.
Hinc poterit quisquis conicere quod nihil impedit quemquam placere Deo,
etsi de genere profano processerit, dummodo bonum gerat propositum. Nullus
etiam natus ex sanctis superbiat; novem enim qui Israelitae erant, ingrati
fuerunt; unde sequitur respondens autem Iesus dixit : nonne decem mundati
sunt? Et novem ubi sunt? Non est inventus qui rediret, et daret gloriam Deo,
nisi hic alienigena. Titus.
Per hoc ostenditur quod promptiores ad fidem erant alienigenae : lentus enim
erat ad fidem Israel; unde subditur et ait illi : surge, vade, quia fides tua
te salvum fecit. Augustinus de quaest. Evang. Mystice autem leprosi
intelligi possunt qui scientiam verae fidei non habentes, varias doctrinas
profitentur erroris : non enim abscondunt imperitiam suam, sed pro summa
peritia proferunt in lucem, et iactantiam sermonis ostendunt. Coloris quippe
vitium lepra est; vera ergo falsis inordinate permixta in una disputatione
vel narratione hominis, tamquam in unius corporis colore apparentia,
significant lepram, tamquam veris falsisque colorum fucis humana corpora
variantem atque maculantem. Hi autem tam vitandi sunt Ecclesiae ut, si fieri
potest, longius remoti magno clamore Christum interpellent. Quod autem praeceptorem eum invocaverunt, satis puto significari vere
lepram falsam esse doctrinam, quam bonus praeceptor abstergat. Nullum autem
eorum quibus haec corporalia beneficia dominus praestitit, invenitur misisse
ad sacerdotem nisi leprosos. Sacerdotium enim Iudaeorum figura fuit sacerdotii
quod est in Ecclesia. Cetera autem vitia per seipsum interius in conscientia
dominus sanat et corrigit; doctrina vero vel imbuendi per sacramenta, vel
catechizandi per sermonem potestas Ecclesiae tributa est. Qui dum irent,
mundati sunt : quia gentiles, ad quos venerat Petrus, nondum accepto
Baptismatis sacramento, per quod spiritualiter ad sacerdotes pervenitur,
infusione spiritus sancti mundati declarantur. Quisquis
ergo in Ecclesiae societate doctrinam integram veramque assequitur, eo quod
manifestetur, varietate mendaciorum tamquam lepra caruisse, et tamen ingratus
Deo mundatori suo gratiarum agendarum pia humilitate non prosternitur,
similis est illis de quibus dicit apostolus quod cum Deum cognovissent, non
ut Deum magnificaverunt, aut gratias egerunt. Ideo tales in novenario numero
tamquam imperfecti remanebunt : novem enim indigent uno ut quadam unitatis
forma coagulentur, ut decem sint. Ille autem qui gratias egit, unicae
Ecclesiae significatione approbatus est. Et quia illi erant Iudaei, amisisse
per superbiam declarati sunt regnum caelorum, ubi maxime unitas custoditur.
Iste vero, qui erat Samaritanus, quod interpretatur custos, illi a quo
accepit tribuens quod accepit, secundum illud : fortitudinem meam ad te
custodiam, unitatem regni humili devotione servavit. Beda.
Cecidit autem in faciem, quia ex malis quae se perpetrasse meminit,
erubescit : qui surgere et ire praecipitur : quia qui infirmitatem suam
cognoscens humiliter iacet, per divini verbi consolationem ad fortia opera proficere
iubetur. Si autem fides salvum fecit eum qui se ad agendas gratias inclinavit
: ergo perfidia perdit eos qui de acceptis beneficiis Deo dare gloriam
neglexerunt, quapropter fidem per humilitatem augeri debere, sicut in
parabola superiori decernitur, ita hic ipsis rebus ostenditur. |
Versets 11-19
— S. Ambroise : A la suite de cette parabole, Notre Seigneur reproche aux Juifs leur ingratitude : « Il arriva qu’en allant à Jérusalem, Jésus traversait les confins de la Samarie et de la Galilée, » — Tite de Bostr. (Chronique des Pères grecs) Son dessein est de faire ressortir la reconnaissance des samaritains comparée à l’ingratitude des Juifs pour les bienfaits qu’ils ont reçus. L’inimitié la plus grande existait entre les Samaritains et les Juifs, Notre Seigneur voulant les pacifier passe entre les deux pour les réunir en un seul homme nouveau (Ep 2, 14). — S. Cyrille : Le Sauveur manifeste ensuite sa gloire pour attirer les Israélites à la foi : « Et comme il entrait dans un village, il rencontra dix lépreux, » etc., expulsés des villes et des villages, et regardés comme immondes d’après la loi de Moïse. — Tite de Bostr. : Ces dix lépreux vivaient ensemble, unis entre eux par la communauté de souffrances, et ils attendaient le passage de Jésus, pleins d’impatience de le voir venir : « Et ils se tenaient éloignés, » parce que la loi des Juifs regardait la lèpre comme une impureté, tandis que la loi de l’Évangile ne regarde comme impure que la lèpre intérieure, et non celle qui n’est qu’extérieure. — Théophylacte : Ces lépreux se tiennent éloignés, honteux pour ainsi dire de cette maladie qui les faisait regarder comme impurs; car ils pensaient que Jésus-Christ aurait pour eux la même horreur que les autres; ils se tiennent donc éloignés extérieurement, mais ils s’approchent de lui par leurs prières : car le Seigneur est proche de tous ceux qui l’invoquent dans la vérité (Ps 114) : « Et ils élevèrent la voix en disant : Jésus, Maître, ayez pitié de nous. » — Tite de Bostr. Ils prononcent le nom de Jésus, et méritent d’en éprouver l’efficacité, car le nom de Jésus veut dire Sauveur. Ils lui disent : « Ayez pitié de nous », pour ressentir les effets de sa puissance ; ils ne lui demandent ni or ni argent, mais qu’il guérisse et purifie leur corps. — Théophylacte : Ils ne lui adressent pas leurs prières et leurs supplications comme à un simple mortel; ils l’appellent Maître, c’est-à-dire Seigneur, et ils ne sont pas loin de le regarder comme Dieu. Jésus leur commande d’aller se montrer aux prêtres : « Dès qu’il les vit, il leur dit : Allez, montrez-vous aux prêtres, » car c’était à eux de vérifier si la guérison de la lèpre était véritable ou non. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) La loi ordonnait aussi à ceux qui étaient purifiés de la lèpre d’offrir un sacrifice en reconnaissance de leur guérison. — Théophylacte : En leur commandant d’aller se montrer aux prêtres, le Sauveur leur donnait à entendre qu’ils seraient guéris : « Et il arriva, pendant qu’ils y allaient, qu’ils furent purifiés. » — S. Cyrille : Les prêtres des Juifs, jaloux de la gloire de Jésus, avaient une preuve certaine que Jésus les avait guéris soudainement et miraculeusement par un acte de sa toute-puissance. —
Théophylacte : Parmi ces dix lépreux, les neuf qui
étaient Israélites se montrèrent ingrats, l’étranger seul qui était
samaritain revint pour exprimer hautement sa reconnaissance : « Un
d’eux se voyant guéri, revint sur ses pas, glorifiant Dieu à haute
voix. » — Tite de Bostr. La guérison qui lui est rendue lui donne la confiance d’approcher du Sauveur : « Et il se prosterna la face contre terre aux pieds de Jésus, en lui rendant grâces, » et il manifeste ainsi, par sa prosternation et sa supplication, sa foi et sa reconnaissance. « Et c’était un Samaritain. » — Théophylacte : Nous pouvons conclure de là que rien n’empêche qu’on soit agréable à Dieu, fût-on descendu d’une race coupable, pourvu qu’on fasse preuve de bonne volonté. Que personne aussi ne s’enorgueillisse d’avoir des saints comme ancêtres, puisque ces neuf qui étaient Israélites, furent des ingrats « Alors Jésus dit : Est-ce que les dix n’ont pas été guéris ? Et les neuf autres, où sont-ils ?Ne s’est-il trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir rendre gloire à Dieu ?» — Tite de Bostr. Nous voyons ici que les étrangers étaient bien plus empressés que les Israélites pour embrasser la foi ; car Israël était lent à venir à la foi : « Et Jésus lui dit : Levez-vous, allez, votre foi vous a sauvé. » — S. Augustin : (quest. Evang., 2, 40.) Dans le sens figuré les lépreux représentent ceux qui, n’ayant point la science de la vraie foi, professent les doctrines si variées de l’erreur. Loin de cacher leur ignorance, ils la font paraître au grand jour comme une souveraine habileté, et la font valoir dans des discours pleins d’ostentation. La lèpre vicie [et altère] la couleur du corps; or, ce mélange incohérent de vérités et d’erreurs qui se produit dans une seule discussion, dans un seul et même discours, comme dans la couleur extérieure d’un seul et même corps, figure la lèpre qui altère et flétrit le corps de l’homme par les nuances vraies et fausses de ses diverses couleurs. L’Église doit éviter la société de tels hommes, qui doivent être tenus au loin, si cela se peut, et invoquer de là le Sauveur à grands cris. Le nom de Maître (cf. Mt 8; Mc 1; Lc 5), qu’ils lui donnent, me paraît indiquer que la lèpre est la figure des fausses doctrines qu’il n’appartient qu’au bon Maître de faire disparaître. A l’exception de ces lépreux, nous ne voyons pas que Notre Seigneur ait envoyé vers les prêtres aucun de ceux auxquels il avait rendu la santé du corps. Le sacerdoce des Juifs a été la figure du sacerdoce qui est dans l’Église; le Seigneur guérit et corrige par lui-même tous les autres vices dans l’intérieur de la conscience : mais le pouvoir d’instruire et de sanctifier les âmes par l’administration des sacrements et d’enseigner par la prédication extérieure a été donné à l’Église. « Pendant qu’ils y allaient, ils furent guéris » ; en effet les Gentils que Pierre vint trouver, avant d’avoir reçu le sacrement de baptême, qui nous fait parvenir spirituellement jusqu’aux prêtres, furent manifestement purifiés par l’effusion de l’Esprit saint. Tout fidèle donc qui dans la société de l’Église possède la doctrine de la foi dans sa vérité et dans son intégrité, et qui n’a pas été souillé par les taches si variées de l’erreur comme par une lèpre, et qui par un sentiment d’ingratitude pour le Dieu qui l’a purifié ne se prosterne pas humblement à ses pieds, est semblable à ceux dont parle l’apôtre saint Paul : « Qui ayant connu Dieu, ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces. » Ils sont au nombre de neuf, signe qu’ils resteront dans leur imperfection, car le nombre neuf a besoin d’un pour former une espèce d’unité qui est le nombre dix. Au contraire celui qui vient rendre grâces, reçoit des éloges parce qu’il est la figure de l’Église qui est une. Quant aux neuf qui étaient Juifs, Notre Seigneur déclare qu’ils ont perdu par leur orgueil le royaume des cieux, où règne la plus parfaite unité; tandis que ce Samaritain qui veut dire gardien, rendant grâces à Dieu de ce qu’il avait reçu selon ces paroles du Psalmiste : « C’est en vous que je conserverai ma force, » (Ps 58) a gardé l’unité du royaume par son humble reconnaissance. — S. Bède : Il se prosterne la face contre terre, parce qu’il est couvert de honte au souvenir des fautes qu’il a commises, Notre Seigneur lui ordonne de se lever et d’aller trouver les prêtres parce que celui qui s’humilie profondément dans la connaissance qu’il a de sa faiblesse, reçoit avec la consolation de la parole divine l’ordre de se porter à des oeuvres plus parfaites. Or, si la foi a sauvé celui qui s’est ainsi prosterné pour rendre grâces, c’est donc l’infidélité qui a perdu ceux qui négligèrent de rendre gloire à Dieu pour les bienfaits qu’ils en avaient reçus. Le Sauveur démontre donc ici par les faits ce qu’il avait enseigné dans la parabole précédente que la foi s’augmente et s’accroît par la pratique de l’humilité. |
Lectio 6 [85908] Catena in Lc., cap. 17 l. 6 Cyrillus. Cum salvator in sermonibus quos ad alios dirigebat,
frequenter regnum Dei meminisset, ob hoc Pharisaei eum deridebant; unde
dicitur interrogatus autem a Pharisaeis : quando venit regnum Dei? Quasi
irrisorie dicerent : antequam veniat de quo loqueris, mors crucis te
occupabit. Dominus autem patientiam ostendens, increpatus non increpat; sed
potius malos existentes suo non dedignatur responso; sequitur enim respondit
eis, et dixit : non veniet regnum Dei cum observatione; quasi dicat : non
quaeratis de temporibus quibus iterum instabit tempus regni caelorum. Beda.
Illud enim tempus neque ab hominibus, neque ab Angelis potest observari,
sicut tempus incarnationis prophetarum vaticiniis et Angelorum est
manifestatum praeconiis; unde subdit neque dicent : ecce hic, aut : ecce
illic. Vel aliter. Interrogant de tempore regni Dei, quia, sicut infra
dicitur, existimabant quod veniente Hierosolymam domino, confestim regnum Dei
manifestaretur; unde dominus respondet, quod regnum Dei non veniet cum
observatione. Cyrillus.
Solum autem ad utilitatem cuiuslibet hominis esse fatetur illud quod
subditur ecce enim regnum Dei intra vos est, idest, in vestris affectibus et
in potestate vestra id capere : potest enim quilibet homo iustificatus per
fidem Christi et virtutibus ornatus regnum obtinere caelorum. Gregorius
Nazianzenus. Vel forsitan regnum nobis insitum dicit inditam animabus
nostris laetitiam per spiritum sanctum : ea enim est velut imago et arrha
perennis laetitiae, qua in futuro saeculo sanctorum animae gaudent. Beda.
Vel regnum Dei seipsum dicit intra illos positum, hoc est in cordibus
eorum per fidem regnantem. |
Versets 20-21
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Comme le Sauveur, dans les discours qu’il adressait au peuple,
parlait fréquemment du royaume de Dieu, les pharisiens prenaient occasion de
là pour se moquer de lui : « Interrogé par les pharisiens, quand
viendrait le royaume de Dieu. » Ils semblaient lui dire comme par
dérision : Avant que vienne ce royaume dont vous parlez, vous finirez vos
jours sur la croix. » Mais le Seigneur voulant nous montrer toute sa
patience, au lieu de repousser cette injure par d’autres injures, ne dédaigne
pas de répondre directement aux méchants : « Il leur répondit : Le
royaume de Dieu ne vient point d’une manière qui frappe les regards. »
Paroles qui reviennent à celles-ci : « Ne cherchez pas à connaître le
temps où viendra le royaume des cieux, » — S.
Bède : car il ne peut être connu ni par les
anges ni par les hommes, comme l’a été le temps de l’incarnation, qui a été
prédit et annoncé par les oracles des prophètes et par la voix des anges.
Aussi le Sauveur ajoute : « On ne
dira point : Il est ici, ou il est là. » Ou bien encore, ils
l’interrogent sur le temps où viendra le royaume de Dieu, parce qu’ils
pensaient (comme il est dit plus bas), que le royaume de Dieu se
manifesterait à l’entrée du Seigneur dans la ville de Jérusalem. C’est pour
cela qu’il leur répond : « Le royaume de Dieu ne vient pas de manière
à être remarqué. » — S. Cyrille : Il fait seulement cette déclaration pour la consolation de chacun : « Le royaume de Dieu est au milieu de vous, » c’est-à-dire : il dépend de vos affections, il est en votre pouvoir de l’obtenir, car tout homme justifié par la foi et par la grâce de Jésus-Christ, et orné des vertus chrétiennes, peut établir en lui-même le royaume des cieux. — S. Grégoire de Nysse : (du but que doit se propos. le chrét.) Peut-être aussi entend-il par ce royaume qui est au dedans de nous la joie que l’Esprit saint répand dans nos âmes, car cette joie est la figure et le gage de la joie éternelle qui est le partage des âmes saintes dans la vie future. — S. Bède : Ou bien encore, ce royaume de Dieu, c’est lui-même qui demeure au milieu d’eux, c’est-à-dire, qui règne dans leurs coeurs par la foi. |
Lectio 7 [85909] Catena in Lc., cap. 17 l. 7 Cyrillus.
Quia dominus dixerat regnum Dei intra vos est, voluit discipulos esse paratos
ad patientiam, ut effecti strenui intrare valeant regnum Dei. Praedicit ergo
eis, quod antequam de caelo veniat, in fine saeculi persecutio irruet super
eos; unde dicitur et ait ad discipulos suos : venient dies quando desideretis
videre unum diem filii hominis, et non videbitis; significans quod tanta erit
persecutio, quod unum diem eius videre cupiant, illius scilicet temporis quo
adhuc conversabantur cum Christo. Sane Iudaei Christum multis angustiaverunt
improperiis et iniuriis; sed in comparatione malorum maiorum minora eligenda
videntur. Theophylactus.
Tunc enim absque sollicitudine vivebant, Christo eos procurante, et
protegente; sed futurum erat quando Christo absente traderentur periculis, ad
reges et principes ducti; et tunc tempus primum cuperent quasi tranquillum.
Beda.
Vel diem Christi dicit regnum Dei, quod speramus futurum; et bene dicit
unum diem, quia in illa beatitudinis gloria tenebrarum interruptio nulla est.
Bonum ergo est diem Christi desiderare. Nec tamen magnitudine desiderii nobis
somnia fingere debemus, quasi instet dies domini; unde sequitur et dicent
vobis : ecce hic, ecce illic : nolite ire, neque sectemini. Eusebius.
Quasi dicat : si adveniente Antichristo, fama de eo volet quasi apparuerit
Christus, non egrediamini, neque sequamini : nam impossibile est eum qui
semel in terra visus est, iterum in angulis terrae conversari. Erit igitur
hic de quo dicitur, non verus Christus; manifestum enim signum secundi
adventus salvatoris nostri hoc est quod subito totum orbem claritas eius
adventus replebit; unde sequitur nam sicut fulgur coruscans de sub caelo, in
ea quae sub caelo sunt fulget; ita erit filius hominis in die sua. Non enim
apparebit super terram ambulans, sicut quidam homo communis, sed universaliter
irradiabit, ostendens cunctis iubar propriae deitatis. Beda.
Et pulchre ait coruscans de sub caelo : quia iudicium sub caelo, hoc est
in aeris medio, geretur, secundum illud apostoli : simul rapiemur cum illis
in nubibus obviam Christo in aera. Si autem dominus in iudicio sicut fulgur
apparebit, nullus tunc in sua mente latere permittitur : quia ipso iudicis
fulgore penetratur. Potest autem haec domini responsio et de illo eius
adventu quo quotidie venit in Ecclesiam accipi. Intantum enim saepe haeretici
turbaverunt Ecclesiam, dicendo in suo dogmate fidem Christi manere, ut
fideles illorum temporum desiderarent dominum, vel uno die, si fieri posset,
redire ad terras, ut per seipsum quomodo se habeat fidei veritas, intimaret.
Et non videbitis, inquit : quia non est opus corporali visione dominum redire
: quia semel per universum mundum Evangelii vigorem exhibuit. Cyrillus.
Opinabantur autem discipuli quod vadens Hierosolymam statim ostenderet
regnum Dei. Hanc igitur opinionem resecans, notum facit eis quod primo
decebat eum salubrem passionem sufferre, deinde ad patrem ascendere, et
desuper fulgere, ut per orbem terrarum in iustitia iudicet; unde subdit
primum autem oportet illum multa pati, et reprobari a generatione hac. Beda.
Generationem non tantum Iudaeorum, verum etiam omnium reproborum appellat;
a quibus etiam nunc filius hominis in corpore suo, hoc est in Ecclesia, multa
patitur, et reprobatur. Inserit autem de sua passione, loquens de gloria sui
adventus, ut dolorem suae passionis spe promissae clarificationis mitigarent,
simulque seipsos pararent, si gloriam regni diligerent, mortis non horrere
periculum. |
Versets 22-25.
— S. Cyrille : Le Seigneur qui venait de dire : « Le royaume de Dieu est en vous-mêmes, » voulut préparer ses disciples à la patience, et les remplir de courage pour qu’ils puissent entrer dans le royaume de Dieu. Il leur prédit donc qu’avant qu’il descende des cieux, à la fin du monde, la persécution fondra sur eux : « Et il dit à ses disciples : Viendra un temps où vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas. » C’est-à-dire que la persécution sera si grande, qu’ils désireront voir un de ces jours où ils avaient le bonheur de vivre en compagnie du Christ, Sans doute, les Juifs avaient accablé le Sauveur de mille outrages et de mille injures, [ils avaient voulu le lapider et le précipiter du haut d’une montagne], mais ces épreuves étaient désirables en comparaison des persécutions bien plus grandes qui les attendaient. — Théophylacte : Ils vivaient alors sans aucune sollicitude sous la providence et la protection de Jésus-Christ, mais il devait venir un temps où, séparés de lui, ils seraient livrés à tous les dangers, conduits devant les rois et les princes, et alors ils regretteraient les premiers temps comme des jours de tranquillité. — S.
Bède : Ou bien par ce jour du Christ, il veut parler
du Royaume de Dieu dont nous attendons l’avènement, et il dit très justement « un jour, » parce que, dans
ce bienheureux séjour de la gloire éternelle, il n’y aura plus d’alternative
de jour et de nuit. Il est bon de désirer le jour du Christ, mais il ne faut
pas que la vivacité de ce désir nous jette dans des illusions et des songes,
comme si ce jour du Seigneur était tout proche. C’est contre ces illusions
que le Sauveur ajoute : « Et on
vous dira : ‘Il est ici, il est là’, gardez-vous d’y aller. » — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) C’est-à-dire : si à la venue de l’Antéchrist, le bruit se répand que c’est le Christ qui apparaît, ne sortez point, ne marchez pas à sa suite, car il est impossible que celui qui s’est manifesté une fois clairement aux hommes, puisse revenir se renfermer dans quelque lieu particulier de la terre. Ce sera donc celui dont on doit dire : Ce n’est pas le vrai Christ. Un signe évident du second avènement de notre Sauveur, c’est que l’éclat de son arrivée remplira tout à coup l’univers tout entier : « Comme l’éclair brille soudain d’une extrémité du ciel à l’autre, ainsi paraîtra le Fils de l’homme en son jour. » Car on ne le verra pas marchant sur la terre comme un homme ordinaire, mais il répandra sur nous tous les rayons de sa gloire et fera briller à tous les yeux les splendeurs de sa divinité. — S. Bède : Il dit avec raison : « comme l’éclair qui brille sous un côté du ciel, » parce que le jugement dernier se fera sous le ciel (c’est-à-dire au milieu des airs), D’après ces paroles de l’Apôtre : « Nous [qui vivons, qui sommes restés], nous serons emportés avec eux dans les nuées au-devant du Christ dans les airs. » (1 Th 4.) Or, si le Seigneur apparaît alors comme l’éclair pour le jugement, personne donc ne pourra demeurer caché dans son intérieur, pénétré qu’il sera par cette lumière éclatante qui environnera le juge. On peut encore entendre ces paroles de cet avènement du Sauveur qui se fait tous les jours dans l’Église. En effet, en proclamant que leur doctrine seule conservait la foi de Jésus-Christ, les hérétiques ont souvent troublé l’Église à ce point, que les fidèles qui vivaient alors ont désiré que le Sauveur revînt, s’il était possible, un seul jour sur la terre, pour déclarer lui-même quelle était la foi véritable : « Et vous ne le verrez pas, » ajoute-t-il, parce qu’il n’est pas nécessaire que le Seigneur revienne visiblement pour enseigner de nouveau la doctrine qu’il a répandue par tout l’univers par les divines clartés de l’Évangile. — S.
Cyrille : Les disciples de Jésus pensaient
qu’aussitôt son arrivée à Jérusalem, il leur manifesterait le royaume de
Dieu. Pour détruire cette opinion, il leur fait connaître qu’il doit d’abord
souffrir pour notre salut, remonter vers son Père, et descendre du ciel dans
tout l’éclat de sa gloire pour juger l’univers dans la justice : « Il faut auparavant que le Fils de
l’homme souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté par cette génération. » — S. Bède : Par cette génération, il entend non seulement les Juifs, mais tous les réprouvés qui, maintenant encore, rejettent et persécutent le Fils de l’homme dans son corps, c’est-à-dire dans l’Église. Il mêle à la prédiction de sa passion, celle de son glorieux avènement, afin d’adoucir pour eux la douleur qu’ils éprouveraient de sa passion par la promesse de la gloire qui devait la suivre, et les préparer en même temps à braver la mort la plus affreuse, s’ils voulaient jouir eux-mêmes un jour de la gloire du royaume. |
Lectio 8 [85910] Catena in Lc., cap. 17 l. 8 Beda.
Adventum domini quem fulguri cito transvolanti comparaverat, nunc comparat
diebus Noe et Lot, quando repentinus mortalibus supervenit interitus; unde
dicitur et sicut factum est in diebus Noe, ita erit in die filii hominis.
Chrysostomus
in Matthaeum. Quia enim tunc non crediderunt comminatoriis verbis, passi
sunt repente reale iudicium. Eorum autem incredulitas ex anima lenta
procedebat : nam quaecumque vult aliquis et intendit, ea etiam expectat; unde
sequitur edebant et bibebant, uxores ducebant et dabantur ad nuptias usque in
diem qua intravit Noe in arcam; et venit diluvium, et perdidit omnes. Ambrosius.
Bene causam diluvii de nostris asserit processisse peccatis : quia Deus
malum non creavit, sed nostra sibi merita reperierunt : non quia coniugia
damnentur : neque enim alimenta damnantur, cum in istis successionis, in illis
naturae subsidia sint; sed in omnibus modus quaeritur : quicquid enim
abundantius est, a malo est. Beda.
Mystice autem Noe arcam aedificat, cum dominus Ecclesiam de Christi
fidelibus quasi lignis laevigatis adunando construit : quam perfecte
consummatam ingreditur, cum hanc in die iudicii praesentia suae visionis
aeternus habitator illustrat. Sed cum arca aedificatur, iniqui luxuriantur :
cum vero intratur, intereunt : quia qui sanctis hic certantibus insultant,
eis illic coronatis aeterna damnatione plectentur. Eusebius.
Quia vero usus est dominus exemplo diluvii, ne putaret aliquis futurum
diluvium ex aqua, utitur secundo exemplo Lot, docens modum perditionis
impiorum, quod igne dimisso caelitus superveniet impiis ira Dei; unde
subditur similiter sicut factum est in diebus Lot : edebant et bibebant,
emebant et vendebant, plantabant et aedificabant. Beda.
Praetermisso illo infando Sodomorum scelere, sola ea quae levia vel nulla
putari poterant delicta commemorat : ut intelligas illicita quali poena
feriantur, si licita immoderatius acta igne et sulphure puniuntur; sequitur
enim qua die autem exiit Lot a Sodoma, pluit ignem et sulphur de caelo, et
omnes perdidit. Eusebius.
Non prius dixit ignem caelitus decurrisse super impios Sodomorum quam Lot
exisset ab eis; sicut et diluvium non prius terrae incolas perdidit quam Noe
arcam intrasset : quia quamdiu Noe vel Lot conversabantur cum impiis, Deus
non irrogabat iram, ne una cum peccatoribus deperirent; volens autem eos
perdere, subtraxit iustum. Sic et in consummatione saeculi non prius erit
finis quam omnes iusti sint semoti ab impiis; unde sequitur secundum hoc erit
qua die filius hominis revelabitur. Beda.
Quia qui interim non apparens omnia videt, tunc apparens omnia iudicabit;
apparebit autem iudicaturus eo maxime tempore quo cunctos iudiciorum eius
oblitos, huic saeculo conspexerit esse mancipatos. Theophylactus.
Postquam enim venerit Antichristus, homines fient lascivi, dediti enormibus
vitiis, secundum illud apostoli : voluptatum amatores magis quam Dei. Si enim
Antichristus est cuiuslibet peccati habitaculum, quid aliud inferet misero
tunc temporis hominum generi nisi sua? Et hoc dominus innuit per exempla
diluvii et Sodomitarum. Beda.
Mystice autem Lot, qui interpretatur declinans est populus electorum, qui
dum in Sodomis, idest inter reprobos, ut advena, moratur, quantum valet,
eorum scelera declinat. Exeunte autem Lot, Sodoma perit : quia in
consummatione saeculi exibunt Angeli, et separabunt malos de medio iustorum,
et mittent eos in caminum ignis. Ignis tamen et sulphur, quae de caelo
pluisse commemorat, non ipsam perennis supplicii flammam, sed subitaneum diei
illius significat adventum. |
Versets 26-30.
— S. Bède : Notre Seigneur avait comparé son avènement à l’éclair qui traverse rapidement les airs, il le compare maintenant à ce qui arriva aux jours de Noé et de Loth, lorsque les hommes furent surpris par une ruine soudaine : « Et comme il est arrivé aux jours de Noé, ainsi arrivera-t-il aux jours du Fils de l’homme.» — S. Jean Chrysostome : (hom. 2 sur la I Epît. aux Thessal.) Ils n’ont point ajouté foi aux menaces qui leur étaient faites, et ils furent tout à coup frappés d’un châtiment trop véritable. (hom. 2 sur l’Epît. aux Coloss.) Leur incrédulité venait de leur vie oisive, car l’homme n’attend ordinairement que ce qui fait l’objet habituel de ses pensées et de ses désirs : « Ils mangeaient et ils buvaient, on mangeait, on buvait, on prenait femme, on était épousé, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche, et le déluge vint qui les périr tous.» dit Notre Seigneur. — S. Ambroise : Il a soin de faire remarquer que ce sont les péchés des hommes qui ont été la cause du déluge, car Dieu n’est pas l’auteur du mal, ce sont nos péchés qui nous l’ont attiré. Ce n’est pas non plus qu’il condamne ni le mariage qui est le moyen donné de Dieu pour la perpétuité du genre humain, ni la nourriture nécessaire pour son existence, mais il veut qu’on observe en tout une juste mesure, et tout ce qui la dépasse vient d’un mauvais principe. — S. Bède : Dans le sens allégorique, Noé qui construit l’arche, est la figure du Seigneur qui bâtit l’Église avec les fidèles du Christ, unis ensemble comme des bois parfaitement travaillés. Quand cette arche est entièrement terminée, il y entre, lorsqu’au jour du jugement il vient y habiter pour l’éternité et y répandre les clartés de sa divine présence. Pendant qu’il construit cet arche, les méchants se livrent aux excès d’une vie dissolue, mais lorsqu’il y entre, ils sont frappés de mort, parce qu’en effet, ceux qui outragent les saints pendant leur vie de luttes, seront punis d’un éternel supplice, alors que les saints recevront leurs couronnes immortelles. —
Eusèbe : (Chronique
des Pères grecs) Le déluge que Notre Seigneur vient
d’apporter en exemple, ne devait pas donner à penser que le déluge à venir
serait un déluge d’eau; il cite donc en second lieu l’exemple de Loth, pour
nous apprendre quel sera le genre de supplice des méchants, c’est-à-dire que
la colère de Dieu fera tomber sur eux un feu descendu du ciel : « Et comme il est arrivé encore aux
jours de Loth, on mangeait, on buvait, on achetait et on vendait, on
plantait et on bâtissait.» — S.
Bède : Il passe sous silence le crime infâme de
Sodome, et ne parle que de ces fautes qu’on regarde ordinairement comme
légères ou comme nulles, pour nous faire comprendre quel sera le châtiment
des actions criminelles, puisque l’usage immodéré des choses permises sera
puni par le feu et par le souffre : « Le
jour où Loth sortit de Sodome, une pluie de feu et de souffre tomba du ciel,
qui les fit périr tous. » — Eusèbe :
Remarquez que le feu ne tomba du ciel sur les infâmes habitants de
Sodome, que lorsque Loth en fut sorti, de même que le déluge ne fit périr les
habitants de la terre que lorsque Noé fut entré dans l’arche; car tant que
Noé et Loth vivaient au milieu des impies, Dieu suspendait les effets de sa
colère pour ne pas confondre dans un même supplice les justes et les
pécheurs. Mais quand il voulut faire périr les pécheurs, il retira le juste
du milieu d’eux; de même à la consommation des siècles, le supplice des
méchants ne commencera qu’après leur séparation d’avec les justes : « Ainsi en sera-t-il au jour où le
Fils de l’homme sera révélé. » — S. Bède : Car celui qui voit tout maintenant sans être visible lui-même, apparaîtra alors pour juger tous les hommes, et il choisira pour cette manifestation le temps où les hommes oublieux de ses jugements seront asservis sous le joug des choses de ce monde. — Théophylacte : En effet, lorsque l’Antéchrist sera venu, les hommes se jetteront dans les plus honteux excès de la débauche, et deviendront « plus amateurs de la volupté que de Dieu. » (2 Tm 3.) Car si l’Antéchrist est comme le réceptacle de tous les vices, qu’inspirera-t-il aux hommes dans ces temps malheureux que l’amour du vice ? C’est ce que le Sauveur veut nous faire entendre par les exemples du déluge et du châtiment des habitants de Sodome. — S. Bède : Dans le sens allégorique, Loth, dont le nom veut dire qui s’écarte, représente le peuple des élus, qui vit comme un étranger dans Sodome, c’est-à-dire au milieu des réprouvés, et se détourne autant qu’il peut des crimes dont il est témoin. A peine Loth est-il sorti de Sodome, qu’elle disparaît; c’est ainsi qu’à la consommation des siècles les anges viendront et sépareront les méchants du milieu des justes, et les jetteront dans la fournaise de feu. (Mt 3.) Cependant cette pluie de feu et de souffre qui tombe du ciel n’est pas la figure du feu éternel de l’enfer, mais représente l’arrivée soudaine et imprévue de ce jour terrible. |
Lectio 9 [85911] Catena in Lc., cap. 17 l. 9 Ambrosius. Quia propter improbos necesse est ut probi in hoc saeculo
contritionem cordis animique patiantur, quo uberiorem mercedem accipiant in
futurum, quibusdam remediis instruuntur cum dicitur in illa hora qui fuerit
in tecto, et vasa eius in domo, non descendat tollere illa; hoc est, si quis
superiora iam domus suae eminentiumque virtutum culmen ascendit, ad terrena
mundi huius opera non accedat. Augustinus de quaest. Evang. In tecto enim est qui excedens
carnalia tamquam in aura libera spiritualiter vivit; vasa enim in domo sunt
sensus carnales, quibus ad investigandum veritatem quae intellectu capitur,
multi utentes, penitus erraverunt. Caveat ergo spiritualis homo ne in die
tribulationis rursus vita carnali, quae per sensus corporis pascitur,
delectatus, ad vasa huius mundi tollenda descendat. Sequitur
et qui in agro similiter non redeat retro; idest, qui operatur in Ecclesia,
sicut Paulus plantans, et sicut Apollo rigans, non respiciat spem saecularem,
cui renuntiavit. Theophylactus.
Haec autem omnia Matthaeus pro captione Hierosolymorum a domino dicta
fatetur, ut, supervenientibus Romanis, nec domi consistentes descendere
deberent pro quocumque necessario, sed protinus arripere fugam, nec in agro
manentes redire domum. Et nimirum in captione Hierosolymorum constat haec
evenisse, et iterum fore ventura in Antichristi adventu; magis autem in ipso
tempore consummationis, cum et tunc intolerabilis sit futura calamitas. Eusebius. Innuit ergo per hoc futuram esse persecutionem a filio
perditionis in Christi fideles. Diem igitur illam vocat
tempus praecedens finem mundi; in quo qui fugit, non revertatur, et amittens
bona non curet, nec imitetur coniugem Lot, qui post fugam in exitu de
civitate Sodomorum reversa mortua est, et columna salis effecta; unde
sequitur memores estote uxoris Lot. Ambrosius.
Quae ideo quia retrospexit, perdidit naturae suae munus : retro enim
Satanas, retro enim Sodoma. Quapropter fuge intemperantiam, declinato
luxuriam, recordare quia ille qui se veteribus studiis non reflexit, ideo
evasit quia pervenit ad montem; illa, quoniam ad posteriora respexit, nec
mariti adiuta suffragio, ad montem pervenire potuit, sed remansit. Augustinus
de quaest. Evang. Significat igitur uxor Lot eos qui in tribulatione
retrospiciunt, et se a spe divinae promissionis avertunt : et ideo statua
salis facta est ut admonendo homines ne hoc faciant, tamquam condiat cor
eorum, ne sint fatui. Theophylactus.
Consequenter subiungit subsequentia praemissorum, dicens quicumque
quaesierit salvare animam, perdet illam : quasi dicat : non quaerat aliquis
in persecutionibus Antichristi curare propriam animam; nam perdet eam;
quisquis autem caedibus et periculis se dederit, salvus erit; unde sequitur
et quicumque perdiderit illam, vivificabit eam; nequaquam se tyranno
subiciens propter vitae amorem. Cyrillus.
Quomodo etiam aliquis perdat propriam animam ut salvam eam faciat,
manifestat Paulus dicens de quibusdam : qui carnem suam crucifixerunt cum
vitiis et concupiscentiis, labore scilicet et pietate aggredientes agones. |
Versets 31-32.
— S. Ambroise : Comme les bons, par suite de leur mélange avec les méchants, doivent nécessairement souffrir en ce monde de grandes tribulations de coeur et d’esprit pour mériter dans l’autre vie une récompense plus abondante, Notre Seigneur leur donne par avance quelques conseils utiles : « En ce jour-là, que celui qui se trouvera sur le toit, et dont les affaires seront dans la maison, ne descende pas pour les prendre, » etc. C’est-à-dire que celui qui sera déjà monté au faîte de sa maison et jusqu’au sommet des plus hautes vertus, ne se laisse pas retomber dans les occupations toutes terrestres de ce monde misérable. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 41.) Etre sur le toit, c’est s’élever au-dessus des jouissances charnelles, et vivre comme en liberté dans la sphère d’une vie toute spirituelle. Les meubles qui sont dans la maison, sont les sens de la chair qui ont souvent égaré le grand nombre de ceux qui les ont pris pour guide dans la recherche de la vérité qu’on ne peut découvrir que par l’intelligence. Que l’homme spirituel prenne donc garde de se laisser entraîner, au jour de la tribulation, par la vie de la chair qui se nourrit par les sens du corps, et de descendre pour goûter les jouissances de ce monde : « Et que celui qui est dans les champs ne retourne point non plus en arrière, » c’est-à-dire que celui qui travaille dans l’Église, à l’exemple de Paul qui plante et d’Apollo qui arrose (1 Co 3, 6), ne jette pas un oeil de regret sur les espérances du siècle auxquelles il a renoncé. — Théophylacte : Saint Matthieu rapporte ces conseils du Sauveur au temps où Jérusalem devait être prise et détruite; à l’approche des Romains, ceux qui étaient dans leurs maisons devaient prendre aussitôt la fuite sans vouloir emporter aucune des choses même nécessaires; et ceux qui étaient dans les champs, ne devaient point retourner dans leurs demeures. C’est ce qui eut lieu, en effet, lors de la ruine de Jérusalem, c’est ce qui doit arriver encore au temps de l’Antéchrist; mais bien plus encore à la fin des temps, lorsque les tribulations seront parvenues à leur comble. — Eusèbe : Notre Seigneur nous apprend par là que le fils de perdition soulèvera une violente persécution contre les fidèles disciples du Christ. Ce jour dont il parle, c’est le temps qui précédera la fin du monde; temps où celui qui prendra la fuite ne devra ni revenir sur ses pas, ni s’inquiéter des biens qu’il perd, et ne point imiter la femme de Loth qui, s’étant retournée lorsqu’elle fuyait de la ville de Sodome, fut frappée de mort et changée en colonne de sel : « Souvenez-vous de la femme de Loth, » dit Notre Seigneur. — S. Ambroise : C’est pour avoir jeté un regard en arrière qu’elle a perdu le privilège de sa nature; car Satan, comme Sodome, est en arrière : fuyez donc l’intempérance, évitez toute dissolution, souvenez-vous que Loth se sauva et parvint jusqu’à la montagne, parce qu’il n’a point jeté un regard en arrière sur les occupations de sa vie passée; sa femme, au contraire, cédant au mouvement qui la fit regarder en arrière, ne put parvenir à cette montagne même avec le secours de son mari, et resta en chemin. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 43.)La femme de Loth signifie donc ceux qui, dans la tribulation, regardent en arrière, et détournent, les yeux de l’espérance des promesses divines; elle fut changée en statue de sel pour avertir les hommes de ne point imiter son exemple, devenant pour ainsi dire le sel qui préserve leur coeur de l’affadissement et de la corruption. — Théophylacte : Notre Seigneur tire ensuite la conclusion de ce qu’il vient de dire, en ajoutant : « Quiconque cherchera à sauver sa vie la perdra, » comme s’il disait : Que personne ne cherche à sauver sa vie dans les persécutions de l’Antéchrist, car il la perdra; celui, au contraire, qui bravera les persécutions et les dangers, la conservera : « Et quiconque l’aura perdue, la sauvera, » en ne cédant pas aux menaces du tyran, dans la crainte de perdre la vie. — S. Cyrille : Saint Paul nous apprend comment on doit perdre sa vie pour la sauver, lorsqu’il, parle de ceux qui ont crucifié leur chair avec ses vices et ses concupiscences (Ga 5, 24), c’est-à-dire qui soutiennent avec courage et piété les combats de la vie chrétienne. |
Lectio 10 [85912] Catena in Lc., cap. 17 l. 10 Beda.
Dixerat supra dominus, eum qui in agro sit, retro redire non debere; quod
ne de his tantum qui aperte de agro redituri, hoc est palam dominum negaturi
sunt, dictum putares, pergit ostendere nonnullos esse qui cum faciem habere
in anteriora videantur, animo tamen retro respiciunt; unde dicitur dico autem
vobis : in illa nocte erunt duo in lecto uno : unus assumetur, et alter
relinquetur. Ambrosius.
Bene noctem dicit, quia Antichristus hora tenebrarum est, eo quod
pectoribus hominum tenebras Antichristus infundat, cum dicat se esse
Christum; Christus autem sicut fulgur coruscans fulget, ut in illa nocte
resurrectionis gloriam videre possimus. Augustinus
de quaest. Evang. Vel in illa nocte dicit, hoc est in illa tribulatione.
Theophylactus. Vel inopinatum docet esse Christi adventum, quem futurum
esse noctu docemur. Cum autem dixisset, divites vix salvari, ostendit quod
nec omnes divites pereunt, nec omnes pauperes salvantur. Cyrillus.
Per duos enim existentes in uno lecto, videtur designare divites
quiescentes in mundanis deliciis : lectus namque signum quietis est. Non
autem quicumque divitiis affluunt sunt impii, sed aliquis est probus et in
fide electus; hic igitur assumetur, alter vero, qui talis non existit,
dimittetur. Descendens enim dominus ad iudicium, mittet Angelos suos, qui
ceteris in terra derelictis poenam passuris, sanctos et iustos ei adducent,
secundum illud apostoli : rapiemur in nubibus obviam Christo in aera. Ambrosius.
Vel ex uno strato infirmitatis humanae unus relinquitur, idest improbatur;
alter vero assumitur, idest rapitur obviam Christo in aera. Sequitur duae
erunt molentes in unum : una assumetur, et altera relinquetur. Cyrillus.
Per molentes innuere videtur pauperes et pressos laboribus; ad quod etiam
pertinet quod subditur duo in agro : unus assumetur, et alter relinquetur. In
his enim non modicum differt : nam hi sarcinam paupertatis viriliter
sustinent, vitam agentes honestam et humilem, qui assumentur; hi vero sunt ad
profana promptissimi, qui relinquentur. Ambrosius.
Vel per molentes significari videntur qui ex occultis alimenta quaerunt,
et in apertum ex inferioribus proferunt. Et fortasse mundus iste pistrinum
est; anima autem nostra velut quodam carcere includitur corporali. In hoc
ergo pistrino vel synagoga, vel anima obnoxia delictis, triticum molendo
madefactum et gravi humore corruptum, non potest interiora ab exterioribus
separare; et ideo relinquitur, quia eius similago displicuit. At vero sancta
Ecclesia, vel anima nullis maculata contagiis delictorum, quae tale triticum molit
quod solis aeterni calore torridum sit, bonam similaginem de penetralibus
hominum Deo offert. Qui sint autem agricolae, possumus reperire, si
advertamus duas mentes esse in nobis : unam exterioris hominis, quae
corrumpitur; aliam interioris, quae per sacramentum renovatur. Istae igitur sunt operantes in agro nostro; quarum altera bonum
fructum diligentia dat, altera amittit incuria. Vel
duos populos interpretemur in hoc mundo, qui agro comparatur : quorum alter, qui
fidelis est, assumitur; alter, qui infidelis est, relinquitur. Augustinus
de quaest. Evang. Vel tria genera hominum hic videntur significari. Unum
eorum qui otium et quietem eligunt, neque negotiis saecularibus, neque
ecclesiasticis occupati; quae illorum quies lecti nomine significata est.
Alterum eorum qui in plebibus constituti reguntur a doctoribus, agentes ea
quae sunt huius saeculi; quos et feminarum nomine significavit, quia
consiliis praelatorum regi his expedit; et molentes dixit, quia temporalium
orbem negotiorum atque circuitum vertunt; quasi tamen in unum molentes dixit,
inquantum de istis rebus et negotiis suis praebent usibus Ecclesiae. Tertium genus est eorum qui operantur in Ecclesiae ministerio, tamquam
in agro Dei. In his ergo tribus generibus bina sunt rursus genera hominum in
singulis : quorum aliqui in Ecclesia permanent, qui assumuntur; aliqui
cadunt, qui relinquuntur. Ambrosius. Non enim iniquus est Deus, ut pares studiis in societate
vivendi atque indiscreta actuum qualitate, meritorum remuneratione discernat.
Non autem merita hominum copulae usus exaequat, quia non omnes quod
adoriuntur efficiunt, sed qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit.
Cyrillus.
Quia ergo dixit quod quidam assumerentur, utiliter et bene inquirunt
discipuli quo assumerentur; unde sequitur respondentes dicunt illi : ubi,
domine? Beda.
Duo autem salvator interrogatus, ubi scilicet sint boni assumendi, et ubi
mali relinquendi, unum dixit, aliud subintelligendum reliquit; unde sequitur
qui dixit eis : ubicumque fuerit corpus, illuc congregabuntur et aquilae.
Cyrillus.
Quasi dicat : sicut deiecto cadavere, aves quarum pabulum sunt carnes, ad
illud conveniunt; ita cum venerit filius hominis, tunc omnes aquilae, idest
sancti, concurrent ad eum. Ambrosius.
Iustorum enim animae aquilis comparantur, eo quod alta petant, humilia
derelinquant, et longaevam ducere feruntur aetatem. De corpore autem dubitare
non possumus, maxime si meminerimus quod a Pilato Ioseph corpus accepit.
Nonne tibi videntur aquilae circa corpus, mulieres apostolorumque conventus
circa domini sepulturam? Nonne tibi videntur aquilae circa corpus, quando
veniet in nubibus, et videbit eum omnis oculus? Est autem corpus, de quo
dictum est : caro mea vere est cibus. Circa hoc corpus aquilae sunt, quae
circumvolant spiritualibus alis. Sunt etiam circa corpus aquilae, quae
credunt Iesum Christum in carne venisse. Est etiam Ecclesia, in qua per
Baptismi gratiam spiritu renovamur. Eusebius.
Vel per aquilas mortua animalia depascentes, principes huius saeculi
denotavit, et eos qui tunc temporis sanctos Dei persequentur, penes quos
relinquuntur assumptionis indigni, qui corpus vel cadaver dicuntur : vel
punitrices virtutes, quae facturae sunt impiorum, hic per aquilas denotantur.
Augustinus
de Cons. Evang. Haec autem quae Lucas hic ponit vel recordatur
praeoccupando, ut prius commemoraret quae post a domino dicta sunt, vel bis a
domino dicta facit intelligi. |
Versets 34-37.
— S.
Bède : Notre Seigneur avait recommandé plus haut à
celui qui serait dans les champs, de ne point revenir dans sa maison; paroles
qui ne s’adressaient pas seulement à ceux qui devaient revenir ouvertement
des champs, c’est-à-dire à ceux qui devaient hautement nier le Seigneur,
comme le Sauveur le démontre, en ajoutant qu’il en est dont le coeur regarde
en arrière, bien qu’extérieurement ils semblent jeter les yeux en avant : « Je vous le dis : En cette nuit-là,
deux personnes seront dans un lit; l’une sera prise, et l’autre
laissée. » — S. Ambroise : C’est bien avec raison qu’il dit : « dans cette nuit, » car l’heure de l’Antéchrist est l’heure des ténèbres, parce que l’Antéchrist répand d’épaisses ténèbres sur le coeur des hommes, en affirmant qu’il est le Christ. Le Christ, au contraire, brillera comme la foudre étincelante, afin que dans cette nuit nous puissions voir la gloire de la résurrection. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 44.) Ou bien : « dans cette nuit, » c’est-à-dire dans cette tribulation. — Théophylacte : Ou bien par ces paroles : « dans cette nuit, » le Sauveur veut nous apprendre qu’il viendra sans être attendu, pour que nous sachions que ce sera « pendant la nuit ». Il avait dit aussi précédemment que les riches seraient difficilement sauvés, et il fait voir ici que cependant tous les riches ne seront pas tous réprouvés, de même que tous les pauvres ne seront pas indistinctement sauvés. — S.
Cyrille : Ces deux personnes qui se trouvent dans le
même lit, semblent désigner les riches qui placent leur repos dans les
plaisirs du monde; car le lit est l’emblème du repos. Or, tous ceux qui ont
de grandes richesses en partage, ne sont pas pour cela des impies (Ps 61), il en est qui sont vertueux et
du nombre des élus dans la foi; ceux-là donc seront choisis, et les autres
dont les moeurs sont différentes, seront laissés. En effet, lorsque le
Seigneur descendra pour juger les hommes, il enverra ses anges qui laisseront
sur la terre tous ceux qui sont destinés aux supplices éternels, et amèneront
les saints en sa présence, selon ces paroles de l’Apôtre : « Nous serons enlevés avec eux sur
les nuées, pour aller dans les airs au-devant de Jésus-Christ. » (2 Th
4, 16.) — S. Ambroise : Ou bien encore sur le même lit de l’infirmité humaine, l’un est laissé, c’est-à-dire réprouvé; et l’autre est enlevé pour aller dans les airs au-devant de Jésus-Christ : « Deux femmes moudront ensemble, l’une sera enlevée, et l’autre laissée.» — S. Cyrille : Ces deux femmes qui tournent la meule représentent ceux dont la vie s’écoule dans la pauvreté et les pénibles travaux, de même que les deux qui sont dans les champs. Il existe, en effet, une grande différence dans les pauvres; les uns supportent courageusement le fardeau de la pauvreté, mènent une vie vertueuse et humble, et sont du nombre de ceux qui seront choisis; les autres sont toujours prêts à se porter au crime, et seront laissés. — S. Ambroise : Peut-être encore ces deux femmes qui tournent la meule, représentent ceux qui cherchent leur nourriture spirituelle dans les choses secrètes, et qui la produisent au dehors des substances où elle était cachée. En effet, on peut comparer ce monde à un moulin; et notre âme est enfermée dans le corps comme dans une prison. Or, dans ce moulin, la synagogue, ou l’âme esclave de ses vices, semblable au blé mouillé et corrompu par une trop grande humidité, ne peut séparer l’intérieur de l’écorce extérieure, et elle est laissée, parce que sa farine est mauvaise. Au contraire, la sainte Église ou l’âme pure de toute faute, qui moud un froment séché aux rayons du soleil éternel, offrent à Dieu une bonne farine, qu’elles tirent du coeur des hommes. Il nous sera facile de comprendre ceux que représentent ceux qui sont dans les champs, si nous nous rappelons que nous avons comme deux hommes en nous (2 Co 4, 14), l’homme extérieur qui s’altère [de jour en jour]; l’homme intérieur qui se renouvelle par les sacrements. Ce sont ces deux hommes qui travaillent dans notre champ, l’un produit de bons fruits par son zèle, l’autre le perd par sa négligence. Ou bien encore ces deux hommes qui sont dans les champs, représentent les deux peuples qui sont dans ce monde, l’un qui est fidèle est pris; l’autre qui est infidèle est laissé. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 44.) Ou bien Notre Seigneur veut nous représenter ici trois classes différentes d’hommes. La première est composée de ceux qui préfèrent mener une vie de loisir et de repos, affranchie de toute occupation, soit séculière, soit ecclésiastique; leur repos est figuré par le lit. La seconde comprend ceux qui, faisant partie du peuple, sont conduits par les docteurs et sont occupés des choses de ce monde. Ils sont ici figurés par des femmes, parce qu’il leur est avantageux de se laisser diriger par les conseils de leurs supérieurs; et ces femmes tournent la meule, figure de ceux qui sont dans le cercle des affaires de ce monde. Notre Seigneur les représente comme tournant la meule ensemble, c’est-à-dire qu’ils s’occupent de ces affaires du siècle, en faisant servir leurs biens à l’utilité de l’Église. La troisième classe est composée de ceux qui travaillent dans les divers ministères de l’Église, comme dans le champ de Dieu. Ces trois classes à leur tour en renferment deux autres, c’est-à-dire que les uns demeurent dans l’Église et sont pris et choisis; les autres sont infidèles et sont laissés. — S.
Ambroise : Dieu, en effet, ne peut être injuste et
refuser la même récompense à ceux qui sont unis par une entière conformité de
sentiments et d’action. Cependant ce n’est pas la communauté de vie qui
produit l’identité de mérites, car tous n’accomplissent pas entièrement ce
qu’ils commencent, et celui-là seul qui persévérera jusqu’à la fin sera
sauvé. (Mt 10, 22; 24, 43.) — S. Cyrille : Notre Seigneur ayant dit que les uns seraient choisis [et les autres laissés], les disciples sont fondés à lui demander dans quel endroit ils seraient pris : « Ils lui demandèrent : Où sera-ce Seigneur ? » — S.
Bède : Cette demande comprenait ces deux questions :
Dans quel endroit les bons devaient être pris et où les méchants devaient
être laissés, le Sauveur répond à la première de ces questions, et laisse
sous-entendue la réponse à la seconde : « Il
leur répondit : Partout où sera le corps, les aigles s’y assembleront. »
— S. Cyrille : C’est-à-dire : de même que les oiseaux carnivores s’assemblent autour d’un cadavre abandonné; ainsi lors de l’avènement du Fils de l’homme, tous les aigles, c’est-à-dire les saints, s’empresseront autour de lui. — S. Ambroise : Les âmes des saints sont comparées à des aigles qui s’élèvent sur les hauteurs, s’éloignent de tout ce qui est sur la terre et passent pour vivre très longtemps. Nous ne pouvons douter quel est ce corps, surtout si nous nous rappelons que Joseph obtint de Pilate le corps de Jésus. Est-ce que vous ne voyez pas les aigles autour du corps dans la personne des femmes et des Apôtres, qui se réunissent autour du tombeau du Sauveur ? Ne voyez-vous pas ces aigles autour de son corps, lorsqu’il viendra sur les nuées et que tout oeil le verra ? (Ap 5.) Or, le corps est celui dont il est écrit : « Ma chair est vraiment une nourriture. » (Jn 6.) Autour de ce corps sont les aigles qui volent avec les ailes spirituelles. Les aigles autour du corps sont encore ceux qui croient que Jésus-Christ est venu sur la terre dans une chair [véritable]. C’est aussi l’Église où nous sommes renouvelés dans l’Esprit par la grâce du baptême. — Eusèbe : Ou bien encore, les aigles qui se nourrissent de la chair des animaux morts, figurent les princes de ce monde, et ceux qui persécuteront alors les saints de Dieu, et il laisse en leur pouvoir ceux qui n’ont point mérité d’être pris et auxquels il donne le nom de corps ou de cadavres, ces aigles peuvent encore représenter ces puissances vengeresses qui voleront vers les impies. — S.
Augustin : (De
l’ac. des Evang., 2, 7.) Les enseignements que place
ici saint Luc [(dans un discours différent de celui où saint Matthieu les
fait entrer)], sont rapportés par avance et n’ont été donnés que plus tard
par le Seigneur, ou bien il faut dire qu’il les a donnés deux fois. |
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Caput 18 |
CHAPITRE 18
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Lectio 1 [85913] Catena in Lc., cap. 18 l. 1 Theophylactus. Postquam aerumnarum et periculorum dominus
meminit, subdit horum remedium, quod est oratio iugis et praemeditata; unde dicit
dicebat autem et parabolam ad illos, quoniam oportet semper orare, et non
deficere. Chrysostomus.
Qui te redemit, quid te facere voluit demonstravit. Non vult te cessare a
precibus; vult te beneficia meditari dum petis : vult te rogando accipere quod
benignitas desiderat impertiri. Nec unquam oranti beneficia denegat qui ut
orantes non deficiant, sua pietate instigat. Hortamenta domini libenter
admitte : quod praecepit, velle debes; nolle, si ipse dominus prohiberet.
Denique considera quanta est tibi concessa felicitas, orationibus fabulari
cum Deo, quod desideras postulare; qui et si verbis silet, tamen beneficiis
respondet; non aspernatur quod petis, non taedet nisi forte tacueris. Beda.
Dicendum est autem, eum semper orare et non deficere qui canonicis horis
rogare non desistit; aut omnia quae iustus secundum Deum gerit et dicit, ad
orationem sunt reputanda. Augustinus
de quaest. Evang. Parabolas autem dominus aut secundum similitudinem ponit,
sicut de feneratore, qui cum duobus debitoribus donasset quod debebant, ab eo
plus dilectus est cui plus donavit; aut de ipsa similitudine aliquid probat,
veluti est illud, quod si fenum agri, quod hodie est, et cras in clibanum
mittitur, Deus sic vestit, quanto magis vos, modicae fidei? Hic ergo iniquus
iudex non ex similitudine, sed ex dissimilitudine adhibitus est, de quo
subditur iudex quidam erat in quadam civitate, qui Deum non timebat, et
hominem non reverebatur. Theophylactus.
Vide quod impudentem erga homines esse, gravioris est mali indicium : Deum
enim quamplures non timent, attamen humano cohibentur pudore, et ideo minus
peccant; cum vero fit aliquis impudens etiam quoad homines, tunc excrescit
cumulus vitiorum. Sequitur vidua autem quaedam erat in illa civitate. Augustinus.
Ista vidua potest habere similitudinem Ecclesiae, quae desolata videtur
donec veniat dominus, qui nunc in secreto curam eius gerit. Sed quia sequitur
et veniebat ad eum dicens : vindica me de adversario meo. Et nolebat per
multum tempus, hic monet cur electi Dei se vindicare deprecentur, quod etiam
in Apocalypsi Ioannis de martyribus dicitur, cum apertissime moneamur ut pro
nostris inimicis et persecutoribus oremus. Intelligendum est autem eam
vindictam esse iustorum ut omnes mali pereant. Pereunt autem duobus modis :
aut conversione ad iustitiam, aut amissa per supplicium potestate. Itaque si
omnes homines convertentur ad Deum, Diabolus tamen remaneret in saeculi fine
damnandus; quem finem cum iusti videre desiderant, non absurde vindictam
desiderare dicuntur. Cyrillus.
Vel aliter. Quoties nobis ab aliquibus irrogantur offensae, tunc gloriosam
esse putabimus oblivionem malorum : quoties vero aliquid ad ipsam Dei gloriam
peccant, contra dogmatis divini ministros bellantes, tunc Deum adimus
postulantes subsidium, et exclamantes contra impugnantes gloriam eius. Augustinus.
Apud iniquissimum ergo iudicem usque ad effectum implendi desiderii valuit
trahere perseverantia deprecantis; unde sequitur post haec autem dixit intra
se : etsi Deum non timeo, neque hominem revereor, tamen quia molesta est mihi
haec vidua, vindicabo illam, ne in novissimo veniens sugillet me. Multo
igitur certiores esse debent qui Deum perseveranter rogant, fontem iustitiae
atque misericordiae; unde sequitur ait autem dominus : audite quid iudex
iniquitatis dicat. Deus autem non faciet vindictam electorum suorum
clamantium ad se die ac nocte et patientiam habebit in illis? Theophylactus.
Quasi dicat : si iudicem imbutum quolibet scelere demulsit assiduitas,
quanto magis patrem misericordiae Deum flectemus ad pietatem orando? Unde
sequitur dico autem vobis, quia cito faciet vindictam illorum. Tentaverunt
autem quidam subtilius hanc indagare parabolam; dicunt enim viduam esse
quamlibet animam quae pristinum virum, scilicet Diabolum, excludit, ob hoc ei
adversantem quod accedit ad Deum iustitiae iudicem; qui neque Deum timet, nam
ipse solus est Deus; sed nec veretur hominem, non est enim apud Deum
personarum acceptio. Huius igitur viduae, idest animae supplicantis, iugiter
sibi contra Diabolum miseretur Deus, demulcente eum instantia eius. Postquam
autem dominus docuit quod utendum sit in tempore consummationis oratione pro
tunc futuris periculis, subdit verumtamen filius hominis veniens, putas, inveniet
fidem in terra? Augustinus
de Verb. Dom. Dicit autem dominus de fide quae perfecta est : ipsa enim
vix invenitur in terra. Ecce plena est Ecclesia Dei : quis huc accederet, si
nulla esset fides : quis non montes transferret, si plena esset fides? Beda. Cum autem omnipotens conditor in forma filii hominis
apparuerit, Augustinus.
Hoc autem dominus adicit, ut ostendat quod si fides deficit, oratio perit.
Ergo ut oremus credamus, et ut ipsa fides non deficiat oremus. Fides fundit
orationem, fusa oratio fidei impetrat firmitatem. |
Versets 1-8.
— Théophylacte : Après avoir prédit les persécutions et les souffrances qui attendent ses disciples, Notre Seigneur en indique le remède, c’est-à-dire une prière continuelle et attentive : « Il leur disait encore cette parabole sur la nécessité de prier et de ne pas se lasser. » — S. Jean Chrysostome : Celui qui vous a racheté vous enseigne ici ce que vous devez faire. Il ne veut point que vous cessiez de prier, il veut que vous méditiez les bienfaits qui sont l’objet de votre prière, il veut que vous soyez redevable à la prière des grâces que sa bonté désire vous accorder. Comment pourrait-il ne pas exaucer les prières qu’on lui adresse, alors qu’il nous presse, par sa miséricorde, de rendre notre prière continuelle ? Recevez donc avec amour ces exhortations du Seigneur, sa volonté doit être la règle de votre conduite dans ce qu’elle commande comme dans ce qu’elle défend. D’ailleurs considérez quel bonheur vous est accordé de vous entretenir dans la prière avec Dieu, et de pouvoir lui demander tout ce que vous désirez, car si vous n’entendez pas sa voix, il vous répond cependant par les bienfaits qu’il vous accorde. Il ne dédaigne point vos demandes, il n’en témoigne aucun ennui, votre silence seul lui fait peine. — S. Bède : Celui-là prie toujours et ne cesse point de prier, qui est fidèle à la prière canoniale aux diverses heures de la journée; on peut dire encore que tout ce que le juste fait ou dit conformément à la volonté de Dieu, peut être assimilé à une prière. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 45.) Tantôt le Seigneur tire ses paraboles d’une similitude, comme dans la parabole du créancier qui, ayant remis à ses deux débiteurs ce qu’ils lui devaient, fut plus aimé de celui à qui il avait remis une plus forte dette. (Lc 7.) Tantôt il prouve quelque chose à partir de cette similitude elle-même, comme dans ces paroles : « Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs qui, aujourd’hui est, et qui demain sera jetée dans le four, combien aura-t-il plus soin de vous vêtir, hommes de peu de foi ? » (Mt 6.) L’exemple de ce juge impie n’est point un exemple de ressemblance mais bien d’opposition : « Il y avait dans certaine ville un juge qui ne craignait pas Dieu et n’avait pas d’égard aux hommes. » — Théophylacte : Voyez comme l’insolence à l’égard des hommes est un indice de souveraine méchanceté. La plupart, en effet, sans craindre Dieu, sont cependant retenus par le respect des hommes, et sont moins sujets au péché. Mais lorsqu’un homme perd toute pudeur même à l’égard des hommes, alors les vices sont bientôt à leur comble. « Dans cette même ville était une veuve, ». — S. Augustin : (Quest. évang.) Cette veuve peut être considérée comme la figure de l’Église, laquelle est dans la désolation jusqu’à l’avènement du Seigneur, qui la couvre ici-bas de sa protection mystérieuse. La prière que cette femme adresse au juge : « Elle vint chez le juge et dit : ‘Faites-moi justice de mon adversaire’. Et pendant un temps, il ne le voulait pas. » nous porte à demander pour quel motif les élus de Dieu lui demandent vengeance, comme font les martyrs dans l’Apocalypse de saint Jean (Ap 6), bien qu’il nous soit expressément recommandé de prier pour nos ennemis et nos persécuteurs. Il faut donc comprendre que cette vengeance des justes a pour objet la destruction des méchants. Or, cette destruction peut se faire de deux manières, ou par le retour des méchants à la justice, ou par le châtiment qui leur ôte le pouvoir de faire le mal. En supposant que tous les hommes se convertissent à Dieu, resterait encore le démon qui doit être condamné à la fin du monde, et comme les justes désirent ardemment que cette fin du monde arrive, on conçoit qu’ils désirent aussi d’être vengés de leur mortel ennemi. — S. Cyrille : Dans un autre sens, on peut dire que toutes les fois qu’une injure s’adresse à nous, nous devons tenir à honneur d’oublier le mal qu’on nous fait; mais lorsque ceux qui font la guerre aux ministres de la vérité divine dirigent leurs outrages contre Dieu lui-même, nous invoquons alors le secours de Dieu, et nous lui demandons hautement vengeance contre ceux qui s’en prennent à sa gloire. — S. Augustin : (Quest. évang.) Les instances persévérantes de cette femme triomphèrent de ce juge d’iniquité et le déterminèrent à lui accorder ce qu’elle demandait : « Mais enfin il dit à lui-même : Quoique je ne craigne pas Dieu, et que je me soucie peu des hommes, néanmoins, parce que cette veuve m’importune, je lui ferai justice, pour qu’elle ne vienne pas me rompre la tête éternellement.» Quelle certitude bien plus grande doivent avoir ceux qui prient avec persévérance le Dieu, qui est la source de la justice et de la miséricorde ? « Vous entendez, ajouta le Seigneur, ce que dit ce juge inique. » Et Dieu ne tirerait pas vengeance de ses élus qui l’appellent jour et nuit de leurs cris ? N’exercera-t-il pas sa patience envers eux ? — Théophylacte : Comme s’il disait : Si la persévérance de cette femme a pu fléchir ce juge pétri de tous les crimes, combien plus facilement nos prières pourront-elles fléchir en notre faveur le Dieu de toute miséricorde. « [Et Dieu ne vengerait pas bientôt ses élus qui, jour et nuit, crient vers lui, et il différerait de les secourir ?] Je vous le dis, il les vengera bientôt. » Il en est qui ont donné de cette parabole une interprétation plus subtile [que fondée]. Ils prétendaient que cette veuve est toute âme qui s’est séparée de son premier époux (c’est-à-dire du démon), lequel se déclare son adversaire, parce qu’elle s’approche de Dieu, le juste Juge par excellence, qui ne peut craindre Dieu, puisqu’il est le seul Dieu, ni les hommes, parce qu’il ne fait pas acception de personne. Or, Dieu, touché de la prière persévérante de cette veuve, c’est-à-dire de l’âme qui le supplie, étend sur elle sa miséricorde et la défend contre le démon. Après avoir enseigné la nécessité et l’utilité de la prière à la fin des temps pour échapper aux dangers qui surviendront alors, le Sauveur ajoute : « Mais quand le Fils de l’homme viendra, pensez-vous qu’il trouve de la foi sur la terre ? » — S. Augustin : (serm. 36 sur les par. du Seig.) Notre Seigneur veut parler ici de la foi parfaite, à peine la trouve-t-on sur la terre; l’Église de Dieu est remplie de fidèles, qui pourrait y entrer sans avoir la foi ? et si la foi était parfaite, qui ne transporterait les montagnes ? — S. Bède : Or, lorsque le Créateur tout-puissant apparaîtra sous la forme du Fils de l’homme, les élus seront en si petit nombre, que la ruine du monde sera comme accélérée, moins par les instantes prières des fidèles que par l’indifférence et la tiédeur des autres. Le Sauveur semble parler ici sous une forme dubitative, mais [ne nous y trompons pas], ce n’est pas un doute, c’est un reproche qu’il exprime. C’est ainsi que nous-mêmes, dans les choses que nous tenons pour certaines, nous employons la forme dubitative, par exemple lorsque nous disons à un de nos serviteurs : « Faites-y attention, ne suis-je pas votre maître ? » — S. Augustin : (Comme précéd.) Notre Seigneur a voulu ajouter cet avertissement pour nous apprendre que si la foi s’éteint, la prière cesse elle-même d’exister. Croyons donc pour assurer le succès de nos prières, et prions pour que notre foi ne vienne pas à faiblir. La foi produit la prière, et la prière à son tour obtient l’affermissement de la foi. |
Lectio 2 [85914] Catena in Lc., cap. 18 l. 2 Augustinus de
Verb. Dom. Quia fides non est superborum, sed humilium, praemissis
subiecit parabolam de humilitate, et contra superbiam; unde dicitur dixit
autem et ad quosdam qui in se confidebant tamquam iusti, et aspernabantur
ceteros, parabolam istam. Theophylactus.
Quia enim superbia plus quam aliae passiones vexat hominum mentes, ideo
crebrius de hac monet. Est autem superbia Dei contemptus : quoties enim
aliquis non Deo sed sibi ascribit bona quae facit, quid est aliud quam Dei
negatio? Causa igitur confidentium in seipsis, non autem totum attribuentium
Deo, sed ob hoc etiam ceteros contemnentium, parabolam proponit, ostendens
quod iustitia quamvis hominem approximet Deo, si tamen assumat superbiam, ad
infimum deicit hominem; unde sequitur duo homines ascenderunt in templum ut
orarent : unus Pharisaeus, et alter publicanus. Graecus.
Diligentiam quidem orationis docuit nos per viduam et iudicem; hic autem
per Pharisaeum et publicanum docet nos quomodo sint ei dirigenda precamina,
ne sit infructuosum orationis negotium. Condemnatus est autem Pharisaeus, cum
incaute oraret; nam sequitur Pharisaeus autem stans, haec apud se orabat.
Theophylactus. Per hoc quod dicit stans, elatum eius animum notat :
ipso enim habitu superbissimus videbatur. Basilius. Dicit autem apud se orabat; quasi non apud Deum, quia ad
seipsum redibat per peccatum superbiae; sequitur enim Deus, gratias ago tibi.
Augustinus.
Non reprehenditur quia Deo gratias agebat, sed quia nihil sibi addi
cupiebat. Ergo iam plenus es, iam abundas; non est quare dicas : dimitte
nobis debita nostra. Quis est igitur qui impune oppugnat gratiam, si
reprehenditur qui superbe agit gratias? Audiant qui dicunt : Deus me hominem
fecit; ego me iustum facio. O peior et detestabilior Pharisaeo, qui superbe
iustum se dicebat, sed tamen inde gratias Deo agebat. Theophylactus.
Attende autem seriem orationis Pharisaei. Primo namque dixit quae ei
aberant, deinde subiungit quae habebat; sequitur enim quia non sum sicut
ceteri hominum, raptores, iniusti, adulteri. Augustinus. Diceret saltem : sicut multi homines. Quid
est ceteri homines, nisi omnes praeter ipsum? Ego, inquit, iustus sum, ceteri
peccatores. Gregorius
Moralium. Quatuor quippe sunt species quibus omnis tumor arrogantium
demonstratur : cum bonum aut a semetipsis habere se aestimant; aut si sibi
datum desuper credunt, pro suis se hoc accepisse meritis putant; aut certe
cum iactant se habere quod non habent; aut despectis ceteris singulariter
videri appetunt habere quod habent; unde et Pharisaeus hic bonorum sibi operum
merita singulariter tribuit. Augustinus.
Ecce autem ex vicino publicano maioris erat ei tumoris occasio; sequitur
enim velut etiam hic publicanus; quasi dicat : ego solus sum, iste de ceteris
est. Chrysostomus.
Non enim satiaverat contemptum eius tota humana natura, sed et publicanum
aggressus est. Moderatius autem peccasset, si publicanum excepisset; nunc
autem uno verbo et absentes invadit, et vulnera praesentis lacessit. Non est
autem gratiarum actio invectiva aliorum. Si regratiaris Deo, ipse tibi tantum
sufficiat, nec te ad homines transferas, nec proximum condemnes. Basilius.
Discrepat autem elatus a conviciatore sola habitudine : is enim in alios
utitur conviciis, hic autem se mentis temeritate extollit. Chrysostomus.
Qui autem aliis conviciatur, sibi et aliis multa mala facit. Primo enim
audientem reddit peiorem : quia si sit peccator, fit laetior, criminis
invento collega; si sit iustus, extollitur, per aliena crimina inductus de se
magna putare. Secundo communitatem Ecclesiae laedit : non enim omnes
audientes vituperant eum solum qui peccavit, sed ritui Christiano contumelias
innectunt. Tertio Dei gloriam blasphemare facit : sicut enim nobis recte
agentibus nomen Dei glorificatur, sic nobis peccantibus blasphematur. Quarto
eum qui audivit opprobria, confundit, impudentiorem eum et adversarium
faciens. Quinto statuit se poenae obnoxium, rebus prolatis quae sibi non
conveniunt. Theophylactus.
Expedit autem non solum declinare a malo, sed etiam agere bonum; et ideo cum
dixisset : non sum sicut adulteri, subiungit per oppositum ieiuno bis in
sabbato. Sabbatum hi dicebant hebdomadam ab ultima die quietis. Ieiunabant
enim Pharisaei secunda et quinta feria. Sic igitur ieiunia obiecit contra
passionem adulterii : nam ex voluptate est lascivia. Rapacibus vero et
iniustis opposuit decimarum solutionem; sequitur enim decimas do omnium quae
possideo; quasi dicat : adeo rapinas et nequitias refugio ut etiam mea
contribuam. Gregorius
Moralium. Ecce civitatem cordis sui insidiantibus hostibus per elationem
aperuit, quam frustra per ieiunium et orationem clausit. Incassum munita sunt
cetera, cum locus unus, de quo hosti patet aditus, munitus non est. Augustinus.
Quaere autem in verbis eius : nihil invenies quod Deum rogaverit :
ascendit quidem orare, noluit Deum rogare, sed se laudare, et roganti
insultare. Publicanum autem cordis conscientia removebat, sed pietas
applicabat; unde sequitur et publicanus a longe stans nolebat nec oculos ad
caelum levare. Theophylactus.
Quamvis autem publicanus stetisse dicatur, distabat tamen a Pharisaeo tam
verbis quam habitu, nec non et corde contrito : nam verebatur oculos levare
in caelum, censens indignos visionis supernae eos qui maluerunt bona terrena
spectare et quaerere; necnon et pectus tundebat; unde sequitur sed
percutiebat pectus suum, cor quodammodo pungens causa cogitationum pravarum,
nec non et excitans ut dormitans : unde non aliud quam Deum propitiatorem
petebat; sequitur enim dicens : Deus, propitius esto mihi peccatori. Chrysostomus.
Audivit quia non sum velut hic publicanus, nec indignatus est, sed
compunctus : detexit ille vulnus, quaerit hic medicinam. Nemo igitur illud
frigidum proferat verbum : non audeo, pudorosus sum, non possum aperire os.
Talis reverentia est diabolica : vult enim Diabolus obserare tibi fores
accessus ad Deum. Augustinus.
Quid igitur miraris si Deus ignoscit, quando ipse agnoscit? De longinquo
stabat; Deo tamen appropinquabat, et eum dominus de prope attendebat : excelsus
enim dominus, et humilia respicit; nec oculos ad caelum levabat ut
respiceret; tremebat conscientia, spes sublevabat; percutiebat pectus suum,
poenas de seipso exigebat : propterea dominus confitenti parcebat. Audisti superbum accusatorem, audisti humilem reum : audi nunc iudicem
dicentem amen dico vobis : descendit hic iustificatus in domum suam ab illo. Chrysostomus.
Geminos aurigas et duas bigas in stadio positas sermo praesens proponit :
in altera peccatum et humilitatem : et vides bigam peccati superare
iustitiam, non propriis virtutibus, sed humilitatis coniunctae; illam vero
devictam non fragilitate iustitiae, sed mole et tumore superbiae : nam sicut
humilitas per sui eminentiam peccati pondus superat, et saliens attingit
Deum; sic superbia ob sui molem de facili iustitiam deprimit. Si ergo plura
facta strenue geras, putas autem te posse praesumere, tota caruisti oratione;
si vero mille feras in conscientia fasces reatuum, et hoc solum de te credas
quod es infimus omnium, multam obtinebis ante Deum fiduciam. Et ideo suae
sententiae causam assignans subdit quia omnis qui se exaltat, humiliabitur;
et qui se humiliat, exaltabitur. Humilitatis nomen multiplex est. Est enim
quaedam virtus humilitas, iuxta illud : cor contritum et humiliatum, Deus, non
despicies. Est et humilitas ab aerumnis, iuxta illud : humiliavit in terra
vitam meam. Est et humilitas a peccatis et superbia et insatiabilitate
divitiarum : quid enim humilius his qui se submittunt in divitiis et
potentatu, et haec reputant magna? Basilius.
Similiter etiam et exaltari laudabiliter contingit, quando scilicet non
humilia cogitas, sed mens tua est per magnanimitatem in virtutem erecta.
Talis autem animi celsitudo est eminentia in tristitiis, terrenorum
contemptus, conversatio in caelis : et videtur huiusmodi mentis sublimitas
eamdem habere differentiam ad elationem quam arrogantia parit, quam habet
corpulentia corporis bene dispositi ad inflationem carnis cum ex hydropisi
tumet. Chrysostomus. Haec igitur fastus inflatio ab ipsis caelis
potest deprimere non caventem; humilitas vero et ab ipsa abysso reatuum
hominem sublimare : haec enim prae Pharisaeo publicanum salvavit, latronem
ante apostolos in Paradisum duxit; illa vero etiam incorpoream ingressa est
potestatem. Ceterum si iuncta delicto humilitas tam facile currit, ut
superbiam iustitiae transeat; si iustitiae coniunxeris eam, quomodo non ibit?
Assistet ipsa tribunali divino in medio Angelorum cum fiducia multa. Rursus
si fastus coniunctus iustitiae eam deprimere potuit, si coniunctus sit
peccato, in quantam Gehennam detrudet? Hoc dico, non ut negligamus iustitiam,
sed ut fastum vitemus. Theophylactus.
Sed forsitan mirabitur aliquis, quomodo Pharisaeus, cum pauca verba suae laudis
protulerit, condemnatur; Iob vero cum plurima fuderit, coronatur. Eo scilicet
quod Pharisaeus talia dicebat criminando alios, nulla ratione cogente; Iob
vero, urgentibus eum amicis, et pressuris prementibus, coactus est proprias
virtutes referre ad Dei gloriam, ne homines desisterent a profectu virtutis.
Beda.
Typice autem Pharisaeus est populus Iudaeorum, qui ex iustificationibus
legis extollit merita sua; publicanus vero gentilis est, qui longe a Deo
positus, confitetur peccata sua; quorum unus superbiendo recessit humiliatus,
alter lamentando appropinquare meruit exaltatus. |
Versets 9-14.
— S. Augustin : (serm. 36 sur les par. du Seig.) Comme la foi ne peut être donnée aux orgueilleux, mais qu’elle est le partage des humbles, à la parabole qui précède, Notre Seigneur en ajoute une autre, pour recommander l’humilité et condamner l’orgueil : « Il dit encore cette parabole pour quelques-uns qui avaient en eux-mêmes la conviction d’être justes et qui méprisaient les autres. » — Théophylacte : L’orgueil est de toutes les passions celle qui tourmente le plus le coeur des hommes, aussi le Sauveur en fait-il plus souvent la matière de ses enseignements. Or, l’orgueil est le mépris de Dieu, car toutes les fois qu’on s’attribue à soi-même le bien qu’on fait, et non à Dieu, c’est une véritable négation de Dieu (cf. Jb 31, 27). Cette parabole est donc à l’adresse de ceux qui se confient en eux-mêmes, ne renvoient pas à Dieu la gloire de leurs bonnes oeuvres, et qui, pour cela, n’ont que du mépris pour les autres. Notre Seigneur veut nous y apprendre que lors même que la justice approcherait l’homme de Dieu, si elle est entachée d’orgueil, elle le précipite dans l’abîme : « Deux hommes montèrent au temple pour prier, l’un pharisien, l’autre publicain, » etc. — Astér. : (Chronique des Pères grecs) Notre Seigneur nous a enseigné le zèle pour la prière par la parabole de la veuve et du juge ; ici il nous apprend par l’exemple du pharisien et du publicain, quelles doivent être les conditions de nos prières, si nous ne voulons qu’elles soient frappées de stérilité, car le pharisien fut condamné pour avoir mal prié : « Or, le pharisien se tenant debout, priait ainsi en lui-même. » — Théophylacte : Seule sa manière de se tenir indique une âme superbe, et son attitude trahit un orgueil excessif. — S. Basile : (sur Is 2.) « Il faisait en lui-même cette prière, » comme s’il ne l’adressait pas à Dieu, parce que dans son orgueil il n’envisageait que lui-même : « Mon Dieu, je vous rends grâces. » — S. Augustin : (serm. 36 sur les par. du Seig.) Ce qui est répréhensible dans la conduite de ce pharisien, ce n’est pas de rendre grâces à Dieu, mais de ce qu’il semblait ne plus rien désirer pour lui-même. Vous êtes donc parfait, vous avez tout en abondance, vous n’avez plus besoin de dire : « Remettez-nous nos dettes. » Quel crime n’est-ce pas de combattre la grâce avec impiété, puisque cet homme est coupable pour avoir rendu grâces avec orgueil. Écoutez donc, vous qui dites : C’est Dieu qui m’a fait homme, c’est moi-même qui me fais juste. Ah ! vous êtes pire que le pharisien, et votre orgueil plus détestable que le sien. Son orgueil le portait à se proclamer juste, mais cependant il en rendait grâces à Dieu. — Théophylacte : Considérez attentivement toute la suite de sa prière. Il énumère d’abord les défauts dont il est exempt, puis les vertus qu’il croyait avoir : « Je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères,» etc. — S. Augustin : (comme précéd.) S’il disait seulement : Je ne suis pas comme un grand nombre d’hommes. Mais qu’est-ce que le reste des hommes ? Tous les hommes, excepté lui seul. Pour moi, dit-il, je suis juste, tous les autres sont pécheurs. — S. Grégoire : (Moral., 4, 23.) L’orgueil des âmes arrogantes se manifeste sous quatre formes différentes : ou elles s’imaginent que le bien qui est en elles vient d’elles-mêmes; ou elles attribuent à leurs mérites personnels de l’avoir reçu de Dieu, ou elles se vantent de vertus qu’elles n’ont point, ou enfin elles veulent qu’on ne soit occupé que du bien qu’elles peuvent faire et qu’on n’ait que du mépris pour les autres. C’est ainsi que le pharisien n’attribue qu’à lui seul le mérite de ses bonnes oeuvres. — S. Augustin : Mais voici que le publicain qui était près de lui, devient pour lui l’occasion d’un plus grand orgueil : « de ce que je ne suis pas comme ce publicain, » comme s’il disait : Je suis seul de mon côté, celui-ci est du reste des hommes. — S. Jean Chrysostome : (Disc. sur le phar. et le publ.) Le genre humain tout entier n’avait pu assouvir ce désir de mépris, il faut qu’il s’attaque à ce publicain. Son péché eût été moins grand s’il eût excepté le publicain; mais au contraire, d’une seule parole il s’en prend aux absents, et rouvre les blessures de celui qu’il a sous les yeux. Or, l’action de grâces n’est pas une invective contre le prochain ; si vous rendez sérieusement grâces à Dieu, ne vous occupez que de lui seul, sans tourner vos regards du côté des hommes pour condamner votre prochain. — S. Basile : (comme précéd.) L’orgueilleux ne diffère de celui qui insulte que par l’extérieur; celui-ci abaisse les autres par ses outrages, celui-là s’élève au-dessus par les efforts présomptueux de son âme. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Or, celui qui outrage son prochain, se nuit considérablement en même temps qu’il fait beaucoup de mal aux autres. D’abord il rend plus mauvais celui qui l’écoute. Est-il pécheur, il est dans la joie d’avoir trouvé un complice de ses péchés. Est-il juste, les fautes des autres le portent à avoir de lui une meilleure opinion. Secondement, il fait tort à la société de l’Église, car ceux qui sont témoins de ces outrages, ne blâment pas seulement celui qui s’en rend coupable, mais ils comprennent la religion chrétienne elle-même dans leur condamnation et leurs mépris. Troisièmement, il est cause que la gloire de Dieu est blasphémée, car nos péchés font blasphémer le nom de Dieu, de même que nos bonnes oeuvres le font glorifier. Quatrièmement, il couvre de confusion celui à qui s’adressent les outrages, le rend plus inconsidéré et s’en fait un ennemi. Cinquièmement, il se rend digne de châtiment pour avoir proféré des paroles outrageantes et coupables. — Théophylacte : Mais il ne suffit pas d’éviter le mal, il faut encore faire le bien. Aussi après avoir dit : « Je ne suis pas comme le reste des hommes, [voleurs, injustes,] adultères », il ajoute par opposition : « Je jeûne deux fois la semaine, » (dans le sabbat.) Les Juifs donnaient à la semaine le nom de sabbat, de son dernier jour qui était un jour de repos. Or, les pharisiens jeûnaient le second et le cinquième jour. Ce pharisien oppose donc ses jeûnes à la passion de l’adultère, car la dissolution vient de la sensualité. Aux voleurs et à ceux qui commettent des injustices, il oppose le paiement fidèle de la dîme : « Je donne la dîme de tout ce que je possède, » comme s’il disait : Je suis si éloigné des rapines et des injustices, que je distribue mon propre bien. — S. Grégoire : (Moral., 19, 42.) C’est ainsi que par son orgueil, ce pharisien a ouvert la cité de son coeur aux ennemis qui l’assiégeaient; vainement il l’a fermée par les jeûnes et la prière, vainement il a fortifié tous les autres côtés, puisqu’il a laissé sans défense l’endroit ouvert par lequel l’ennemi peut entrer dans la place. — S. Augustin : (comme précéd.) Cherchez dans ses paroles, vous n’en trouverez aucune qui soit l’expression d’une prière à Dieu. Il était monté au temple pour prier, mais au lieu de prier effectivement, il a préféré se louer lui-même et insulter celui qui priait. Quant au publicain, le sentiment de sa conscience le tenait éloigné, mais sa piété le rapprochait de Dieu : « Le publicain se tenant éloigné, n’osait même pas lever les yeux vers le ciel.» —
Théophylacte : Bien que le publicain nous soit
représenté comme se tenant debout, il différait cependant du pharisien par
son langage autant que par son attitude et le repentir de son âme. Il n’osait
lever les yeux vers le ciel, il les jugeait indignes de contempler les choses
d’en haut, parce qu’ils avaient préféré regarder et chercher les choses de la
terre. Il frappait encore sa poitrine, comme le remarque le Sauveur,
meurtrissant pour ainsi dire son coeur pour le punir de ses mauvaises pensées
et le réveiller de son sommeil. Aussi n’a-t-il recours qu’à la miséricorde de
Dieu : « Mon Dieu, ayez pitié de
moi, qui ne suis qu’un pécheur. » — S. Jean Chrysostome : Il a entendu le pharisien dire : « Je ne suis pas comme ce publicain » ; loin d’en concevoir de l’indignation, il s’en humilie avec compassion; le pharisien a découvert la blessure, il en cherche la guérison. Que personne donc ne prononce cette froide parole : Je n’ose, j’ai trop de honte, je ne puis ouvrir la bouche. Cette crainte est diabolique, le démon veut vous fermer les portes qui donnent accès auprès de Dieu. — S. Augustin : (serm.
36, sur les
par. du Seign.) Pourquoi vous étonner que Dieu pardonne au publicain,
puisqu’il se juge lui-même ? Il se tenait éloigné, mais néanmoins il
s’approchait de Dieu, et le Seigneur était près de lui attentif à ses
paroles, car le Dieu très haut abaisse ses regards sur les humbles. Il ne
levait pas les yeux vers le ciel, il ne regardait point pour mériter d’être
regardé. Sa conscience l’accablait, l’espérance le relevait, il frappait sa
poitrine, il se punissait lui-même; aussi le Seigneur lui pardonnait-il les
péchés qu’il confessait [si humblement]. Vous avez entendu l’orgueilleux
accusateur, vous avez entendu l’humble coupable, écoutez maintenant la
sentence du juge : « Je vous le dis,
celui-ci s’en retourna justifié dans sa maison, et non pas l’autre. » — S. Jean Chrysostome : (hom. sur la nat. incompréh. de Dieu.) Cette parabole nous représente deux chars et deux conducteurs dans une arène, [l’un porte la justice unie à l’orgueil], l’autre le péché avec l’humilité; et vous voyez le char du péché dépasser celui de la justice, non par ses propres forces, mais par la vertu de l’humilité qui lui est unie, tandis que le char de la justice reste en arrière, retardé non par la faiblesse de la justice, mais par la masse pesante de l’orgueil. En effet, de même que l’humilité par son élévation et son excellence triomphe du poids du péché, et s’élance pour atteindre Dieu; ainsi l’orgueil par sa masse pesante entrave facilement la marche de la justice. Ainsi quand vous auriez fait un grand nombre d’actions vertueuses, si elles sont pour vous un sujet de vaine présomption, vous avez perdu tout le fruit de votre prière, [elle est tout à fait stérile pour vous]. Au contraire, votre conscience fût-elle chargée d’une multitude innombrable de fautes, si vous vous estimez le dernier de tous, vous pourrez vous présenter devant Dieu avec une grande confiance. Notre Seigneur donne la raison de la sentence qu’il vient de prononcer « Car quiconque s’exalte sera humilié, et quiconque s’humilie sera exalté. » Le nom d’humilité s’applique à plusieurs choses toutes différentes. Il y a la vertu d’humilité que nous voyons dans ces paroles : « Mon Dieu, vous ne rejetterez pas un coeur contrit et humilié » (Ps 50); il y a l’humilité produite par les tribulations : « Il a humilié mon âme jusqu’à terre. » (Ps 142.) Il y a l’humilité [ou l’humiliation] qui est la suite du péché, de l’orgueil, du désir insatiable des richesses, car quelle humiliation plus profonde que celle de ces hommes qui se rendent esclaves, qui s’abaissent et s’avilissent dans la recherche des honneurs et des richesses, et qu iles regardent comme le comble de la grandeur ? — S. Basile : (sur Is 2.) Il y a aussi une fierté louable, c’est celle de l’âme qui dédaigne de penser aux choses de la terre, et qui s’élève avec noblesse jusqu’à la hauteur de la vertu. Cette grandeur d’âme consiste à [dominer les chagrins, à] faire preuve de courage dans les tribulations, à mépriser toutes les choses de la terre, pour penser à celles du ciel. Cette grandeur de l’âme diffère autant de la hauteur qui est le produit de l’orgueil, que l’embonpoint d’un corps bien portant diffère de la grosseur qui vient de l’hydropisie. — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Ce faste orgueilleux peut précipiter du ciel celui qui s’y abandonne, de même que l’humilité peut retirer le pécheur de l’abîme de ses crimes. C’est elle qui a justifié le publicain de préférence au pharisien, c’est elle qui a conduit dans le paradis le bon larron avant les apôtres eux-mêmes, tandis que l’orgueil étant entré dans l’esprit des puissances célestes (Ep 2, 12), a été la cause de leur perte. Or, si l’humilité jointe au péché marche si rapidement qu’elle dépasse la justice qui est unie à l’orgueil, quelle ne sera pas la rapidité de sa course, si vous l’unissez à la justice ? Elle se présentera avec confiance devant le tribunal de Dieu au milieu de l’assemblée des anges. Mais d’un autre côté, si l’orgueil joint à la justice peut ainsi l’abaisser, dans quel abîme nous précipitera-t-il, s’il est uni au péché ? Je parle de la sorte, non pour nous faire négliger la pratique de la justice, mais pour nous faire éviter l’orgueil. — Théophylacte : On s’étonnera peut-être que ce peu de paroles dites à sa louange ait suffi pour faire condamner le pharisien, tandis que Job qui fit plusieurs discours pour se justifier, fut récompensé de Dieu. Nous répondrons que le pharisien en se vantant de ses bonnes oeuvres, accusait les autres sans motif aucun, tandis que Job accusé par ses amis, et pressé par la souffrance fut forcé de faire l’énumération de ses vertus dans l’intérêt de la gloire de Dieu, et afin que les hommes ne fussent point découragés. — S. Bède : Dans le sens figuré, le pharisien représente le peuple des Juifs, qui fier de la justice qui vient de la loi exalte bien haut ses mérites; le publicain représente le peuple des Gentils, qui se tient éloigné de Dieu, et confesse [humblement] ses péchés; l’orgueil de l’un fut cause de son humiliation, et les humbles gémissements de l’autre lui méritèrent de s’approcher de Dieu et la grâce d’une élévation sans égale. |
Lectio 3 [85915] Catena in Lc., cap. 18 l. 3 Theophylactus. Post praedicta, humilitatem dominus docet per ea
quae fecit, non repellens, sed gratanter parvulos admittens; unde dicitur
afferebant autem ad illum infantes, ut eos tangeret. Augustinus
de Verb. Dom. Cui afferuntur tangendi nisi salvatori? Sed si salvator est,
salvandi offeruntur illi qui venit salvum facere quod perierat. Ubi isti
perierant, quantum ad ipsos pertinet innocentes? Sed secundum apostolum, per
unum hominem intravit peccatum in orbem terrarum. Veniant ergo parvuli, ut
languidi ad medicum, perditi ad redemptorem. Ambrosius.
Durum autem aliquibus videri potest quod discipuli dominum infantulos
adire prohibebant; sequitur enim quod cum viderent discipuli, increpabant
illos. Ubi vel mysterium intelligas, vel affectum. Neque enim hoc invidia aut
in pueros mentis asperitate faciebant; sed sedulae servitutis obsequia domino
deferebant, ne comprimeretur a turbis. Respuenda quippe est utilitas nostra
ubi divinitatis iniuria est. In mysterio autem, quia prius salvari populum
Iudaeorum, ex quo secundum carnem nati fuerant, gestiebant. Sciebant quidem
mysterium quod utrisque populis vocatio deberetur : nam et pro Chananaea
muliere supplicarunt; sed fortasse adhuc ordinem nesciebant; unde sequitur
Iesus autem convocans eos dixit : sinite parvulos venire ad me, et nolite
vetare eos : talium est enim regnum Dei. Non aetas praefertur aetati :
alioquin obesset adolescere. Cur ergo pueros dicit aptos esse regno caelorum?
Fortasse quia malitiam nesciant, fraudare non noverint, referire non audeant,
scortari ignorent, opes, honorem, ambitionem non appetant. Sed non ignorare
ista, virtus est, sed contemnere : non enim virtus est non posse peccare, sed
nolle. Non igitur pueritia, sed aemula puerilis simplicitatis bonitas
designatur. Beda.
Unde signanter dixit talium, non istorum, ut ostenderet non aetatem regnare,
sed mores; et his qui similem haberent innocentiam et simplicitatem, praemia
repromitti. Ambrosius.
Denique hoc salvator expressit dicens amen dico vobis : quicumque non
acceperit regnum Dei sicut puer, non intrabit in illud. Quis puer imitandus
est apostolis Christi, nisi de quo Isaias dixit : puer natus est nobis, qui
cum malediceretur, non maledicebat? Itaque in pueritia est quaedam
venerabilis morum senectus, et in senectute innocens pueritia. Basilius.
Suscipiemus autem regnum Dei ut puer, si dispositi fuerimus erga doctrinam
domini ut puer, in disciplina, nequaquam contradicens nec disputans cum
magistris, sed credibiliter et obedienter imbibens documenta. Theophylactus.
Gentilium ergo sapientes quaerentes sapientiam in mysterio, quod est
regnum Dei, nec volentes hoc absque fide syllogisticae probationis admittere,
merito exclusi sunt ab hoc regno. |
Versets 15-17.
—
Théophylacte : Notre Seigneur montre immédiatement,
dans ce qu’il fait, la pratique des leçons d’humilité qu’il vient de donner,
en ne repoussant pas les petits enfants, mais en les accueillant avec bonté :
« On lui présentait aussi des
petits enfants, pour qu’il les touchât. » — S. Augustin : (serm. 36, sur les par. du Seign.) A qui présente-t-on ces enfants pour être touchés ? Au Sauveur. Mais s’il est le Sauveur, c’est pour qu’ils soient sauvés qu’on les présente à celui qui est venu sauver ce qui avait péri. Or, quand ces enfants ont-ils pu périr, innocents qu’ils sont de toute faute ? Mais selon la doctrine de l’Apôtre : « Le péché est entré dans ce monde par un seul homme. » (Rm 5.) Que ces petits enfants viennent donc comme des malades à leur médecin, comme des coupables à leur Rédempteur. — S. Ambroise : Il peut paraître dur à quelques-uns que les disciples aient empêché ces petits enfants de s’approcher du Seigneur, car l’Évangéliste ajoute : « Ce que voyant, ses disciples les repoussaient avec de rudes paroles. » Mais il faut voir dans cette conduite des disciples, ou un mystère ou une marque d’attention pour le Sauveur, En effet, ils n’agissaient pas ainsi par un sentiment d’envie ou de dureté à l’égard de ces enfants, mais par un empressement de zèle attentif pour leur divin Maître qu’ils ne voulaient point exposer à être pressé par la foule. Il faut en effet renoncer à nos intérêts, lorsque la gloire de Dieu se trouve compromise. Leur conduite renferme d’ailleurs un mystère, c’est-à-dire qu’ils désiraient que le peuple juif dont ils descendaient selon la chair, fût sauvé le premier. Ils connaissaient bien selon lequel les deux peuples devaient être appelés à la foi, puisqu’ils avaient prié le Sauveur en faveur de la Chananéenne, mais ils ne savaient pas encore dans quel ordre cette vocation devait avoir lieu. [Que leur répond Jésus ?] « Mais Jésus les appelant, dit : Laissez les enfants venir à moi, et ne les en empêchez pas ; car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent.» Ce n’est donc point l’âge de l’enfance qu’il préfère à un autre âge de la vie, autrement il serait nuisible de se développer. Pourquoi donc déclare-t-il que les enfants sont plus propres au royaume des cieux ? Peut-être parce qu’ils sont sans malice, sans tromperie, qu’ils n’osent se venger, qu’ils sont étrangers à toute volupté [coupable], qu’ils ne désirent ni les richesses, ni les honneurs, ni les dignités. Cependant la vertu ne consiste pas à ignorer toutes ces choses, mais à les mépriser, car la vertu n’est point dans l’impuissance de commettre le péché, mais dans la volonté de le fuir. Ce n’est donc pas l’enfance, mais la vertu qui imite la simplicité de l’enfance que Notre Seigneur nous recommande ici. — S. Bède : Aussi a-t-il soin de dire : « Le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent, » et non pour ces enfants, nous montrant ainsi que ce n’est pas l’âge, mais les moeurs de l’enfance qui donnent accès dans le royaume des cieux, et que c’est à ceux qui imitent leur simplicité et leur innocence que la récompense est promise. — S. Ambroise : C’est cette même vérité que Notre Seigneur veut exprimer lorsqu’il ajoute : « En vérité je vous le dis, quiconque ne recevra pas comme un enfant le royaume de Dieu, n’y entrera pas. » Quel est cet enfant que Jésus propose à l’imitation de ses apôtres ? c’est celui dont Isaïe a dit : « Un petit enfant nous est né (Is 9); qui, lorsqu’on le maudissait, ne répondait point par des injures. » (1 P 2.) Il y a donc dans l’enfance quelque chose des moeurs vénérables de la vieillesse; comme la vieillesse à quelque chose de l’innocence des enfants. — S. Basile : (Règl. abrég. quest. 127.) Or, nous recevrons le royaume de Dieu comme un enfant, si nous apportons aux enseignements du Seigneur les dispositions d’un enfant aux instructions qui lui sont données; il ne contredit pas ses maîtres, il ne dispute pas avec eux, mais il reçoit leurs leçons avec confiance et soumission. — Théophylacte : Au contraire, les sages parmi les Gentils, cherchant la sagesse dans le mystère qui est le royaume de Dieu, et ne voulant l’admettre qu’autant qu’il serait appuyé sur des preuves tirées de la raison, ont été justement exclus de ce royaume. |
Lectio 4 [85916] Catena in Lc., cap. 18 l. 4 Beda.
Audierat princeps quidam a domino, tantum eos qui puerorum vellent esse
similes, regnum Dei intraturos; atque ideo poscit sibi non per parabolam, sed
palam, quibus operum meritis vitam aeternam consequatur, exponi; unde dicitur
et interrogavit eum quidam princeps, dicens : magister bone, quid faciendo
vitam aeternam possidebo? Ambrosius.
Tentator princeps iste magistrum bonum dixit, qui Deum bonum dicere
debuisset : nam licet in divinitate bonitas sit, et in bonitate divinitas,
tamen addendo magister bone, in portione bonum dixit, non in universitate :
nam Deus in universitate bonus, homo ex parte. Cyrillus.
Putavit autem se Christum capere, dum vituperaret Mosaicum praeceptum,
introduceret vero sua statuta. Accedit ergo ad magistrum, et bonum eum
nuncupans, dicit se velle doceri. Quia ergo tentative quaerebat, qui
apprehendit sapientes in astutia sua, convenienter ei respondet; nam sequitur
dixit autem ei Iesus : quid me dicis bonum? Nemo bonus nisi solus Deus. Ambrosius.
Non bonum se negat, sed Deum designat. Bonus quidem non est, nisi plenus
bonitatis. Quod si quem moveat quia nemo bonus, moveat et illud nisi Deus.
Quod si a Deo filius non excipitur, utique nec a bono Christus excipitur :
nam quomodo non bonus ex bono natus? Arbor enim bona fructus bonos facit.
Quomodo non bonus, cum bonitatis suae substantia ex patre assumpta non
degeneravit in filio, quae non degeneravit in spiritu? Spiritus tuus bonus
deducet me in terram rectam. Quod si bonus spiritus qui accepit a filio,
bonus utique et ille qui tradidit. Itaque quia legisperitus est iste qui
tentat, sicut in libro alio demonstratur, ei bene dixit nemo bonus nisi unus
Deus : ut admoneret, quia scriptum est : non tentabis dominum Deum tuum; sed
magis confiteretur domino, quoniam bonus. Chrysostomus in Matthaeum. Vel aliter. Avarum quidem dicere hunc
principem non verebor : nam hoc Christus ei improperat; tentatorem autem
minime. Titus. Ergo cum dicit magister bone, quid faciendo vitam aeternam
possidebo? Idem est ac si dicat : bonus es : dignare me responso in eo quod
quaero : doctus sum vetus testamentum, te tamen praestantiorem video non
promittentem terram, sed praedicantem regnum caelorum. Dic ergo mihi, quid
faciendo vitam aeternam potero possidere? Intentionem igitur attendens
salvator, quia fides est via ad opera, cum dixisset ille quid faciam? Hac
quaestione omissa, in notitiam fidei eum ducit : velut si quis interrogaret
medicum : quid comedam? Et ille ostenderet quae deberent cibum praecedere; et
ideo eum ad patrem remittit, dicens quid me dicis bonum? Non quod ipse bonus
non esset : erat enim bonum ex bono patre germen, bonus boni filius. Augustinus
de Cons. Evang. Potest autem videri distare aliquid quod secundum
Matthaeum dicitur : quid me interrogas de bono? Quod ad illud magis referri
potest quod ait ille quaerens : quid boni faciam? Ibi enim et bonum
nominavit, et interrogatio est. Commodissime ergo intelligitur utrumque
dictum : quid me dicis bonum? Et : quid me interrogas de bono? Quod ad illud
magis referri potest. Titus.
Denique postquam docuit cognitionem fidei, subiungit mandata nosti; quasi
dicat : quando prius Deum noveris, tunc optime quaeres quid facias. Chrysostomus.
Expectante autem principe audire Christum dicentem : recedas a mandatis
Mosaicis, et meis attende, ad Mosaica eum mittit; unde sequitur non occides,
non moechaberis. Theophylactus.
Primo quidem lex ea corrigit ad quae facilius labimur, ut moechari, cuius
incentivum est intrinsecum et naturale; et occidere, quia immanis bellua
furor; sed furtum et falsi testimonii culpam raro contingit incurrere. Sed et
graviora illa existunt; et ideo secundario furtum et falsum testimonium
ponit, ut rarius fallentia et leviora; sequitur enim non furtum facies, non
falsum testimonium dices. Basilius.
Non est autem intelligendum fures esse solum bursarum incisores, vel
latrocinantes in balneis; sed et si qui duces legionum statuti, vel commisso
sibi regimine civitatum aut gentium, hoc quidem furtim tollunt, hoc vero vi
ac publice exigunt. Titus.
Sed videas in non agendo praecepta consistere : quoniam si moechatus non
fueris, castus es; si non fureris, benevolus; si falso non testeris,
veridicus. Attende virtutem iam facilem per bonitatem statuentis : nam mali
fugam ingerit, non boni exercitium; quaelibet autem quies quolibet est
facilior opere. Theophylactus.
Sed quia in parentes committere quamquam magnum sit crimen, raro tamen
accidit, post omnia ponit honora patrem tuum et matrem. Ambrosius. Est autem honor non solum honorificentiae, sed etiam
largitati. Honor enim est deferre pro meritis. Pasce
patrem tuum, pasce matrem; et si paveris, adhuc non reddidisti dolores et
cruciatus quos pro te mater passa est. Illi debes quod habes, huic debes quod
es. Quantum iudicium, si pascat Ecclesia quos tu pascere nolis? Sed dices :
quod eram parentibus collaturus, Ecclesiae mallem conferre. Non quaerit Deus
donum de fame parentum; sed ut pascendos Scriptura dicit parentes, ita
propter Deum relinquendos, si impediant devotae mentis affectum. Sequitur qui
ait : haec omnia custodivi a iuventute mea. Hieronymus.
Mentitur adolescens. Si enim quod postpositum est in mandatis : diliges
proximum tuum sicut teipsum, opere complesset, quomodo postea audiens : vade,
et vende omnia quae habes, et da pauperibus, tristis abscessit? Beda.
Vel non est putandus esse mentitus, sed simpliciter ut vixerit, scilicet
exterius, esse confessus : alioquin nequaquam Marcus diceret quod Iesus
intuitus eum dilexit eum. Titus.
Ostendit autem consequenter dominus quod si aliquis vetus testamentum
peregit, perfectus non est, sed deest ei sequi Christum; unde subditur quo
audito Iesus ait ei : adhuc unum tibi deest : omnia quaecumque habes vende,
et da pauperibus, et habebis thesaurum in caelo; quasi dicat : quaeris
quomodo sit possidenda vita aeterna : sparge facultates pauperibus, et
obtinebis illam. Parva sunt quae impendis, magna quae recipis. Athanasius.
Non enim mundum despicientes putemus grandia quidem abdicasse, quia tota
terra est in comparatione caeli brevissima : quapropter si toti terrae
dominaremur, ei abrenuntiantes, nihil dignum esset in comparatione regni
caelorum. Beda.
Quicumque ergo perfectus esse voluerit, oportet vendere quae habet, non ex
parte, sicut Ananias fecit et Saphira, sed totum. Theophylactus.
Unde dicens omnia quae habes, summam paupertatem suadet; si quid enim
restiterit, illius servus est. Basilius.
Non tamen docet facultates vendere eo quod naturaliter sint pravae;
alioquin creatura Dei non essent : unde eas non tamquam malas abicere, sed
dispensare monuit : et condemnatur aliquis, non quia eas possidet, sed quia
eis abusus est : quo fit ut facultatum secundum mandata Dei dispensatio, et
crimina deleat, et regnum conferat; unde subdit et da pauperibus. Chrysostomus.
Poterat quidem Deus alere pauperes et sine hoc quod nos misereremur eorum;
sed vult dantes dilectione astringi accipientibus. Basilius.
Dicente autem domino da pauperibus, puto non expedire cuiquam negligenter
gerere, sed omnia diligenter disponere, praecipue per seipsum, si ex parte se
habeat; sin autem, per eos de quibus constat quod fideliter et prudenter
disponant : maledictus enim qui negligenter perficit opera domini. Chrysostomus.
Sed illud quaeritur quomodo Christus erogare cuncta pauperibus
perfectionis esse fatetur; Paulus autem absque dilectione hoc asserit esse
imperfectum. Sed valde consonat quod subiunxit et veni, sequere me : quod
ostenditur ex dilectione esse : in hoc enim cognoscent omnes quod mei estis
discipuli, si dilectionem habueritis ad invicem. Theophylactus.
Cum paupertate enim ceteras quoque virtutes hominem habere oportet; ob hoc
ait et veni, sequere me : idest, in ceteris esto meus discipulus, iugiter me
sequaris. Cyrillus.
Princeps autem ille vini recentis capax non fuit, vetus uter existens; sed
tristitia ruptus est; unde sequitur his ille auditis, contristatus est, quia
dives erat valde. Basilius.
Mercator non tristatur in nundinis paciscendo quae possidet, acquirendo
sibi opportuna; tu vero tristaris pulverem dans, ut acquiras vitam beatam. |
Versets 18-23.
— S. Bède : Un des principaux chefs du peuple avait entendu dire au Seigneur qu’on ne pouvait entrer dans le royaume de Dieu, si l’on ne devenait semblable aux enfants; il le prie donc de lui apprendre non en paraboles, mais ouvertement les oeuvres nécessaires pour mériter la vie éternelle : « Alors un jeune homme de qualité lui fit cette demande : Bon Maître, que dois-je faire pour entrer dans la vie éternelle ?» — S. Ambroise : C’était pour tenter le Sauveur que cet homme l’appelle bon Maître, lui qui aurait dû l’appeler Dieu bon : car bien que la divinité soit inséparable de la bonté, comme la bonté de la divinité, cependant en l’appelant bon Maître, il ne confesse sa bonté que dans un sens non général, mais particulier, car Dieu est bon dans le sens le plus étendu de ce mot, tandis que l’homme ne l’est que d’une manière limitée. — S.
Cyrille : Cet homme s’imagina qu’il allait
surprendre Jésus-Christ, qui [peut-être en lui répondant] jetterait le blâme
sur la loi de Moise pour lui substituer ses propres commandements. Il
s’approche donc du divin Maître, et en l’appelant bon maître, il lui dit
qu’il vient dans l’intention de s’instruire, tandis qu’il ne venait que pour
lui tendre un piége. Mais celui qui surprend les sages dans leur propre
finesse (Jb 5, 13; 1 Co 3, 50), lui fait une réponse digne
de lui : « Jésus lui dit :
Pourquoi m’appelez-vous bon ? nul n’est bon que Dieu seul. » — S. Ambroise : Il ne nie pas qu’il ne soit bon, mais il fait entrevoir qu’il est Dieu; car celui-là seul est bon qui a la plénitude de la bonté. Vous êtes impressionné de ces paroles : « Nul n’est bon, » mais faites donc attention à celles qui suivent : « si ce n’est Dieu. » Si vous ne pouvez concevoir Dieu sans son Fils, vous ne pouvez concevoir Jésus-Christ sans la bonté; car comment pourrait-il n’être pas bon, étant né de celui qui est la bonté par essence ? Car tout bon arbre produit de bons fruits. (Mt 7.) Comment pourrait-il n’être pas bon, puisque la substance de sa bonté qu’il a reçue du Père n’est point dégénérée dans le Fils, de même qu’elle n’est point dégénérée dans l’Esprit saint : « Votre bon Esprit, dit le Psalmiste, me conduira dans la terre de la justice. » (Ps 140.) Or, si l’Esprit est bon de la bonté qu’il a reçue du Fils, comment le Fils, qui est le principe de cette bonté, ne serait-il pas bon lui-même ? Mais comme celui qui venait pour tenter Jésus-Christ était un docteur de la loi, ainsi que nous l’avons démontré dans un autre livre, le Sauveur lui répond on ne peut plus à propos : « Nul n’est bon, si ce n’est Dieu, » afin de lui rappeler qu’il est écrit : « Vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu, » et de le porter à rendre gloire au Seigneur, parce qu’il est bon. (Ps 117; 135.) — S. Jean Chrysostome : (Hom. 64 sur Matth.) Ou bien encore, je ne craindrai pas d’avancer que cet homme de qualité ne venait point pour surprendre Jésus-Christ, mais qu’il était avare (car le Sauveur lui en fait un reproche indirect.) — Tite de Bostr. En faisant à Jésus-Christ cette question : « Bon maître, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ? » il semble lui dire : Vous êtes bon, daignez répondre à la question que je vous adresse : Je suis instruit de tout ce que contient l’Ancien Testament, mais je trouve vos enseignements supérieurs, car ce ne sont point les biens de la terre que vous promettez, c’est le royaume des cieux que vous annoncez; dites-moi donc, que ferai-je pour arriver à la vie éternelle ? Comme la foi est le chemin qui conduit aux oeuvres, le Sauveur, ne considérant que l’intention de cet homme et sans répondre à la question qu’il lui fait, l’amène à la connaissance de la foi. Il agit comme un médecin à qui son malade demanderait : Que dois-je manger ? et qui lui répondrait en lui prescrivant ce qu’il doit faire avant de prendre de la nourriture. Le Sauveur élève donc son esprit jusqu’à son Père, en lui disant : « Pourquoi m’appelez-vous bon ? » Ce n’est pas qu’il ne fût bon; car il était le bon fruit d’un bon arbre, bon fils d’un Dieu bon. — S. Augustin : (Quest. évang., 1.) Le récit de saint Matthieu présente ici une différence (Mt 19); Notre Seigneur dit à cet homme : « Pourquoi m’interrogez-vous sur ce qui est bon ? » ce qui répond plus directement à cette question : « Quel bien dois-je faire ? », car ces paroles renferment une question qui a pour objet ce qui est bien. On peut donc parfaitement admettre que Notre Seigneur a fait ces deux réponses : « Pourquoi m’appelez-vous bon ? » et « pourquoi m’interrogez-vous sur ce qui est bon ? », deux choses, dont l’une revient à l’autre. — Tite de Bostr. Après lui avoir donné la connaissance de la foi, le Sauveur ajoute : « Vous connaissez les commandements ? » comme s’il lui disait : Après avoir commencé par connaître Dieu, il est naturel que vous cherchiez à savoir ce que vous devez faire. — S. Cyrille (ou S. Jean Chrysostome) : Cet homme de qualité s’attendait à ce que Jésus lui dise : « Laissez les commandements de la loi de Moïse, et suivez les miens » ; mais au contraire, le Sauveur le renvoie aux préceptes de la loi : « Vous ne tuerez point, vous ne commettrez pas d’adultère, » etc. — Théophylacte : La loi cherche d’abord à prévenir les fautes dans lesquelles nous tombons plus facilement, comme l’adultère, pour lesquels nous avons en nous un penchant naturel, et l’homicide, parce que la fureur fait de nous comme autant de bêtes féroces. Le vol et le faux témoignage sont des crimes que l’on commet plus rarement, et qui sont généralement moins graves que les précédentes. Aussi Notre Seigneur place en second lieu le vol et le faux témoignage, parce qu’ils sont de moindre gravité, et entraînent moins souvent les hommes. « Vous
ne déroberez point, vous ne ferez pas de faux témoignage. » — S. Basile : (cf. Is 1, 23). Par voleurs, il ne faut pas seulement entendre les coupeurs de bourse, et ceux qui font métier de voler dans les bains, mais encore ceux qui sont placés à la tête des légions, ou préposés au gouvernement des villes et des provinces, les premiers volent furtivement, les seconds emploient la violence et la force ouverte. — Tite de Bost. Remarquez ici que l’observation des préceptes consiste à s’abstenir; en effet, si vous ne commettez pas d’adultère, vous serez chaste; si vous ne dérobez point, vous serez honnête [et bon]; si vous ne faites point de faux témoignages, vous serez vrai dans votre conduite. Voyez comme la vertu nous est rendue facile par la bonté de celui qui nous en fait un devoir, il nous impose la fuite du mal, plutôt que la pratique du bien. Or, il est bien plus facile de s’abstenir du mal, que de pratiquer le plus petit acte de vertu. —
Théophylacte : L’outrage contre les parents est un
grand crime, mais comme ce crime est peu fréquent, Notre Seigneur le place en
dernier lieu : « Honorez votre
père et votre mère. » — S. Ambroise : Or, cet honneur ne consiste pas seulement dans le respect qu’on leur témoigne, mais dans l’assistance qu’on leur donne; car c’est leur rendre honneur que de les assister en reconnaissance de leurs bienfaits. Nourrissez votre père, nourrissez votre mère; et lorsque vous les aurez nourris, vous n’aurez pas encore payé les douleurs et les déchirements que votre mère a soufferts pour vous. Vous devez à votre père ce que vous avez, à votre mère ce que vous êtes. Quel jugement sévère vous attend si l’Église nourrit ceux que vous avez refusé de nourrir. Mais, direz-vous, je préfère donner à l’Église, ce que je donnerai à mes parents. Le Seigneur ne veut pas d’un don qui condamne vos parents à mourir de faim. Cependant, de même que l’Écriture fait un devoir de nourrir ses parents, ainsi elle commande de les quitter pour Dieu, s’ils sont un obstacle aux sentiments religieux de l’âme. « Il
répondit : J’ai gardé tous ces commandements depuis ma jeunesse. » — S. Jérôme : (sur Mt 19.) Ce jeune homme fait ici un mensonge. En effet, s’il avait accompli le commandement suivant : « Vous aimerez le prochain comme vous-même, » il ne se serait pas retiré plein de tristesse en entendant ces paroles : « Allez, vendez tout ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres. » — S. Bède : On peut admettre aussi que sans faire de mensonge, il a simplement avoué quelle avait été sa vie extérieure, autrement saint Marc n’aurait pas ajouté que Jésus, ayant jeté les yeux sur lui, conçut pour lui de l’affection. — Tite de Bost. Le Sauveur nous apprend ensuite qu’on n’est point parfait si on accomplit tout ce que commande l’Ancien Testament, mais qu’il faut encore suivre Jésus-Christ : « Ce qu’entendant, Jésus lui dit : Une chose vous manque encore, vendez tout ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres ; et vous aurez un trésor dans les cieux. » C’est-à-dire : Vous me demandez comment vous pourrez arriver à la vie éternelle, distribuez vos biens aux pauvres, et vous la mériterez, ce que vous donnez est peu de chose, ce que vous recevrez est immense. — S. Athanase : (Chronique des Pères grecs) Ne pensons pas, en effet, avoir fait un grand sacrifice en renonçant aux biens de ce monde; car la terre tout entière est bien petite en comparaison du ciel; fussions-nous donc maîtres de toute la terre, le sacrifice que nous en ferions ne serait rien en comparaison du royaume des cieux. — S. Bède : Que celui donc qui veut être parfait, vende tous ses biens, non en partie, comme Ananie et Saphire, mais sans réserver rien absolument. — Théophylacte : « Vendez tout ce que vous avez », le Sauveur conseille donc la pauvreté absolue, [si vous vous réservez quelque chose, ou] s’il vous reste quelque partie de votre bien, vous en êtes l’esclave. — S.
Basile : (règ.
abrég., quest. 92.) Cependant si Notre Seigneur
conseille à ce jeune homme de vendre ses biens, ce n’est pas qu’ils soient
mauvais par leur nature, autrement ils ne seraient pas des créatures de Dieu.
Le Sauveur ne lui conseille pas de les rejeter comme étant mauvais, mais de
les distribuer aux pauvres, et ce que Dieu condamne dans quelques-uns, ce
n’est pas la possession des richesses, mais le mauvais usage. Au contraire,
en les distribuant aux pauvres selon le commandement de Dieu, on efface ses
péchés et on mérite le royaume des cieux. C’est ce que Notre Seigneur indique
par ces paroles : « Et donnez-le aux pauvres. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 22 sur la 1re Epit. aux Cor.) Dieu, sans doute, pouvait nourrir les pauvres sans l’intermédiaire de notre compassion pour eux, mais il a voulu établir des liens de charité entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. — S. Basile : (rég. développ., quest. 9.) Devant cette parole formelle du Sauveur : « Donnez-le aux pauvres, », j’estime que la négligence dans l’accomplissement de ce devoir n’est permise à personne, et chacun doit s’en acquitter avec le plus grand soin, par lui-même autant que cela est possible; ou s’il ne le peut, par celui dont la prudence et la fidélité lui sont connues; car : « Maudit est celui qui fait les oeuvres de Dieu avec négligence. » (Jr 48, 18.) — S. Jean Chrysostome : (comme précéd.) Mais comment Jésus-Christ enseigne-t-il que la perfection consiste à distribuer tous ses biens aux pauvres, tandis que saint Paul déclare que sans la charité, c’est une oeuvre très imparfaite ? Les deux enseignements ne sont pas contradictoires : « Alors, venez et suivez-moi, » ce qui ne peut se faire que par un motif de charité; « car tous reconnaîtrons que vous êtes mes disciples, si vous avez la charité les uns pour les autres. » (Jn 17.) — Théophylacte : Le chrétien doit joindre, en effet, à la pauvreté toutes les autres vertus, c’est pour cela que Jésus dit à ce jeune homme : « Et venez, et suivez-moi, » c’est-à-dire soyez mon disciple en tout, et suivez-moi constamment. — S.
Cyrille : Mais cet homme de qualité n’était point
capable de contenir ce vin nouveau, il était comme ces outres trop vieilles
[dont parle Notre Seigneur (Mt 9; Mc 2; Lc 5)], et il fut brisé par la tristesse : « Mais lui,
entendant ces paroles, devint triste, parce qu’il était fort riche. » — S. Basile : (hom. sur l’aum.) Le marchand ne s’attriste pas de dépenser son avoir dans les marchés publics pour acheter les choses dont il a besoin, et vous vous affligez de donner une misérable poussière pour acquérir la vie éternelle ? |
Lectio 5 [85917] Catena in Lc., cap. 18 l. 5 Theophylactus. Quoniam dives, audita opum abiectione,
tristatus fuit, dominus admiranter locutus est; dicit enim videns autem Iesus
illum tristem factum, dixit : quam difficile qui pecunias habent in regnum Dei
intrabunt. Non dicit : impossibile est eos intrare, sed difficile; possunt
enim per divitias adipisci superna, sed difficile est : quia viscosiores sunt
visco divitiae, et vix evellitur animus occupatus ab eis : sed subsequenter
ut impossibile hoc indicat, cum dicit facilius est enim camelum per foramen
acus transire, quam divitem intrare in regnum Dei. Nam sive per camelum
animal intelligas, sive funem nauticum crassum; quocumque modo impossibile
est quod foramen acus totum capiat camelum. Si igitur facilius est camelum
per foramen acus transire quam divitem salvari, et hoc quod facilius est,
impossibile est; impossibilius ergo est salvari divitem. Quid igitur
dicendum? Equidem quod vere sic habet, divitem servari non posse. Neque mihi
dicas, quod salvatus sit dives quispiam, qui sua dederit : non enim dives
salvatus est, sed quia pauper factus, vel dispensator existens servatus est,
non dives. Aliud est enim dispensator, aliud dives : dives est qui sibi
divitias reservat, dispensator vero cui divitiae propter alios concreditae
sunt. Chrysostomus
in Ioannem. Abraham quidem possidebat opes pauperibus; et qui iuste eas
possident, quasi suscipientes a Deo dispensant in divinis mandatis; qui vero
contra Deum acquisierunt, et in expendendo faciunt illud idem, meretricibus
et parasitis dantes, vel humi abscondentes, egenis vero nihil impendentes.
Non ergo prohibet ditari, sed opibus famulari : vult necessariis ut eis
utamur, non ut custodiamus : nam famuli est custodire, sed domini dispensare.
Si conservari eas vellet, non tradidisset eas hominibus, sed sineret in terra
iacere. Theophylactus.
Porro attendas illud quod divitem quidem impossibile dicit salvari,
possidentem vero divitias difficile; quasi dicat : dives, qui captus est a
divitiis, et famulatur eis, non salvabitur; habens vero illas, scilicet qui
eis dominatur, vix salvabitur causa humanae fragilitatis. Conatur enim nos
Diabolus supplantare quoadusque possidemus divitias, et difficile est
aufugere decipulas eius : ideoque bonum est paupertas, et quasi tentatione
carens. Chrysostomus.
Nulla enim est divitiarum commoditas, anima patiente penuriam; nec laesio
paupertatis, anima divitiis affluente. Si autem ditescentis indicium est nullius
egere, et pauperascentis indigere; palam est quod magis esse pauperem facit
magis ditescere : facilius est enim quod quis in paupertate quam in divitiis
opes contemnat : neque enim talis est ambitus ut per magis habere sedetur;
sed per hoc consuevit magis accendi, sicut ignis quando maiorem suscipit
escam. Quae autem mala videntur esse inopiae, communia sunt; quae vero
divitiarum, propria sunt earum. Augustinus
de quaest. Evang. Divitem ergo hic appellat cupidum rerum temporalium, et
de talibus superbientem. His divitibus contrarii sunt pauperes spiritu,
quorum est regnum caelorum. Mystice autem facilius est Christum pati pro
dilectoribus saeculi, quam dilectores saeculi ad Christum posse converti.
Cameli enim nomine se intelligi voluit, quia sponte humiliatus infirmitatis
nostrae onera sustulit. Per acum autem punctiones
significat, per punctiones dolores in passione susceptos; foramen autem acus
dicit angustiam passionis. Chrysostomus in Matthaeum. Hic autem sermo quasi
gravis transcendebat discipulorum virtutem; unde sequitur et dixerunt qui
haec audiebant : et quis potest salvus fieri? Hoc dixerunt discipuli, non de
se, sed de toto mundo timentes. Augustinus.
Cum autem incomparabiliter maior sit turba pauperum, quae, divitibus
perditis, potest salvari; intellexerunt, omnes qui divitias amant, etiam si
adipisci nequeant, in divitum numero deputari. Sequitur ait illis : quae
impossibilia sunt apud homines, possibilia sunt apud Deum : quod non ita
intelligendum est, quasi dives cum cupiditate et superbia in regnum Dei sit
intraturus; sed possibile est Deo ut a cupiditate et superbia ad caritatem et
humilitatem convertatur. Theophylactus.
Apud homines ergo, quorum serpit intentio ad terrena, impossibilis est
salus, ut dictum est; apud Deum vero possibilis est. Cum enim homo
consiliarium habet Deum, et iustificationes et doctrinas paupertatis
imbiberit, necnon eius auxilium invocet, hoc fiet possibile. Cyrillus.
Congrue autem dives cum multa contempserit, recompensationem expectabit;
qui vero parva possidens ea abdicavit, quid ei sperandum esset, quaerere
decebat; unde sequitur ait autem Petrus : ecce dimisimus omnia. Matthaeus
addit : quid ergo erit nobis? Beda.
Quasi dicat : fecimus quod iussisti : quid igitur dabis nobis praemii? Et
quia non sufficit dimittere omnia, iungit quod perfectum est, dicens et
secuti sumus te. Cyrillus.
Illud autem necesse est dicere, quod paucis abrenuntiantes, quantum
spectat ad propositum et obedientiam, pari lance cum opulentis penduntur,
paribus utentes affectibus, dum rerum quas possident abiectionem ultro
inferunt; unde sequitur amen dico vobis : nemo est qui reliquerit domum aut
parentes aut fratres aut uxores aut filios aut agros propter regnum Dei, et
non recipiat multo plura in hoc tempore, et in saeculo futuro vitam aeternam.
Elevat ad acceptissimam spem omnes audientes, iureiurando promittens, dum
apponit sermoni amen. Doctrina enim divina mundum vocante ad fidem Christi,
forsitan aliqui respicientes parentes infideles, noluerunt eos turbare
veniendo ad fidem; et similis est ratio aliorum germanorum. Deserunt autem
quidam patrem et matrem, et totius parentelae amorem despiciunt propter
amorem Christi. Beda.
Sensus igitur iste est : qui propter regnum Dei inquirendum omnes affectus
contempserit, omnes saeculi divitias, delicias risusque calcaverit, multo
plura in praesenti recipiet. Cuius sententiae occasione, quidam Iudaicam
mille annorum fabulam post resurrectionem iustorum aedificant, quando omnia
quae propter Deum dimittimus, multiplici nobis sint fenore reddenda, et
insuper vita aeterna donanda : nec vident inexperti, quod si in ceteris digna
sit repromissio, in uxoribus tamen, iuxta alios Evangelistas centenis,
appareat turpitudo; praesertim cum dominus in resurrectione non esse nubendum
testetur; et iuxta Marcum, ea quae dimissa fuerint, in hoc tempore cum
persecutionibus accipienda confirmet, quasi in illis mille annis abesse
dogmatizant. Cyrillus.
Hoc ergo dicimus, quod omissis temporalibus et carnalibus, multo maiora
sibi aliquis vindicabit : quoniam et apostoli, cum pauca dimiserint,
obtinuerunt multiplicia dona charismatum, et celebres reputati sunt ubique.
Erimus ergo similes illis : si domum quis dimittat, recipiet mansiones
supernas, si patrem, patrem habebit caelestem; si a germanis recesserit, in
fratrem hunc recipiet Christus; cum dimiserit coniugem, inveniet divinam
sapientiam, a qua procreabit spiritales fructus, inveniet Ierusalem
caelestem, quae est mater nostra; a fratribus etiam et a sororibus sui
propositi glutino spirituali colligatis, multo in hac vita gratiosiorem
recipiet caritatem. |
Versets 24-30.
— Théophylacte : Ce riche ayant entendu la réponse du Sauveur, qu’il fallait renoncer à ses biens, en devint tout triste, jusque là que Jésus en exprime son étonnement : « Voyant qu’il était devenu triste, Jésus lui dit : Que difficilement ceux qui ont des richesses entreront dans le royaume de Dieu ! » Il ne dit pas : Il est impossible qu’ils entrent, mais : « Il est difficile. » En effet, les riches peuvent acquérir au moyen de leurs richesses les biens célestes, mais ils ne le peuvent que difficilement, parce que les richesses sont plus gluantes que la glu elle-même, et que le coeur qui s’y laisse prendre peut à peine s’en détacher. Cependant le Sauveur semble insinuer par la comparaison qui suit, qu’il y a pour eux une véritable impossibilité : « Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » Le mot grec peut signifier également un animal, le chameau, ou un câble, ou cordage de navire. De quelque manière que vous l’entendiez, il est impossible que l’un ou l’autre puisse passer par le trou d’une aiguille. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’être sauvé. Or, ce qui est plus facile est impossible; donc l’impossibilité pour le riche d’être sauvé est encore plus grande. Que dire donc à cela ? D’abord qu’il est vrai, en effet, qu’un riche ne peut être sauvé. Ne me dites pas que des riches ont été sauvés pour avoir distribué leurs richesses, ce n’est pas comme riches qu’ils ont été sauvés, mais parce qu’ils se sont faits pauvres, ou qu’ils ont été les simples administrateurs de leurs biens. Il y a, en effet, une grande différence entre un riche et un administrateur : le riche garde toutes ses richesses pour lui, l’administrateur ne les tient en réserve que pour l’utilité des autres. — S. Jean Chrysostome : (hom. 24 sur la 1re Epît. aux Cor.) Abraham possédait ses richesses dans l’intérêt des pauvres; et ceux qui en sont les justes possesseurs, reconnaissent qu’ils les tiennent de Dieu pour les employer conformément à ses préceptes. Ceux au contraire qui les ont acquises contre la volonté de Dieu, les dépensent également contre sa volonté, en débauches ou en festins, ou les enfouissent dans la terre, sans que les pauvres y aient la moindre part. (Hom. 18 sur Jean.) Dieu ne défend donc point d’amasser des richesses, mais de se rendre esclave des richesses. Il veut qu’elles soient employées à nos besoins, et non pas conservées comme un dépôt inutile. La fonction du serviteur est de garder ce qui lui est confié, le privilège du maître est de pouvoir distribuer ce qu’il possède. Si Dieu avait voulu que les richesses fussent tenues en réserve, il ne les aurait pas données aux hommes, il les aurait laissées ensevelies dans le sein de la terre. — Théophylacte : Remarquez que pour le riche, le Sauveur déclare qu’il lui est impossible d’être sauvé, tandis que pour celui qui possède les richesses, cela est simplement difficile, c’est comme s’il disait : Le riche, qui est épris des richesses jusqu’à en devenir l’esclave, ne pourra être sauvé; mais celui qui possède les richesses, c’est-à-dire celui qui en est vraiment le maître, se sauvera difficilement, tant est grande la fragilité humaine. En effet, tant que le démon nous voit posséder des richesses, il fait tout pour nous perdre, et il est bien difficile d’échapper aux piéges qu’il nous tend; aussi la pauvreté est un véritable bien qui nous met à l’abri des tentations. — S. Jean Chrysostome : (hom. 81 sur Matth.) Car à quoi servent les richesses, lorsque l’âme est dans l’indigence, et en quoi peut nuire la pauvreté à l’âme qui nage au sein des richesses ? Si le signe le plus assuré de la richesse est de n’avoir besoin de rien, comme le signe le plus certain de la pauvreté est de manquer de tout, n’est-il pas évident qu’on devient d’autant plus riche qu’on est plus pauvre, car il est bien plus facile de mépriser les richesses dans la pauvreté qu’au sein de l’abondance ? Qui ne sait, en effet, qu’une fortune immense, loin d’apaiser le désir des richesses, ne fait que l’enflammer davantage, comme un feu dans lequel on jette un nouvel aliment. De plus, les peines qui paraissent attachées à la pauvreté, lui sont communes [avec les richesses], tandis que les richesses en ont qui leur sont exclusivement propres. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 47.) Le riche ici, dans le sens que lui donne le Sauveur, est celui qui est avide des biens de la terre et en fait un aliment pour son orgueil. Ceux qui sont opposés à ces riches, sont les pauvres d’esprit, auxquels appartient le royaume des cieux. Dans le sens mystique, on peut dire qu’il est plus facile à Jésus-Christ de souffrir pour ceux qui aiment le siècle, qu’à ces derniers de se convertir à Dieu. Le Sauveur a voulu se représenter sous la figure du chameau, parce qu’il s’est humilié volontairement pour se charger du fardeau de nos faiblesses; l’aiguille signifie les piqûres, les piqûres signifient les douleurs qu’il a endurées dans sa passion, et le trou de l’aiguille figure les angoisses de sa passion. — S. Jean Chrysostome : (hom. 64 sur Matth.) Ce discours si élevé était au-dessus des forces des disciples de Jésus, aussi « ceux qui l’écoutaient lui dirent : Qui peut donc être sauvé ? » Ce n’est point pour eux-mêmes qu’ils craignent, c’est pour le monde entier. — S. Augustin : (Quest. évang.) Comme le nombre des pauvres qui peuvent espérer être sauvés est incomparablement plus considérable que celui des riches qui se perdent, les disciples comprirent qu’il fallait mettre au nombre des riches, tous ceux qui aiment les richesses, alors même qu’ils ne peuvent les acquérir : « Jésus leur répondit : Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu » ; paroles qu’il ne faut pas entendre dans ce sens que les riches puissent jamais entrer dans le royaume des cieux, avec leur cupidité et leur orgueil ; elles signifient simplement qu’il est possible à Dieu de les ramener de la cupidité et de l’orgueil à la pratique de la charité et de l’humilité. — Théophylacte : Le salut est donc impossible, comme on vient de le dire, aux hommes dont les affections rampent sur la terre, mais il est possible avec le secours de Dieu, car si l’homme veut prendre Dieu pour conseiller, se pénétrer des enseignements divins sur la manière dont Dieu nous justifie, et sur la pauvreté, et de plus invoquer son secours, son salut deviendra possible. — S. Cyrille : Il est juste que le riche qui a fait le sacrifice d’une fortune considérable, en attende une grande récompense; mais il était aussi à propos de demander ce que devait espérer celui qui avait renoncé au peu qu’il possédait : « Pierre lui dit alors : Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre. » Saint Matthieu ajoute : « Que nous sera-t-il donc donné ? » (Mt 19.) — S.
Bède : C’est-à-dire : nous avons fait ce que
vous avez commandé, quelle récompense nous donnerez-vous ? Et parce
qu’il ne suffit pas de renoncer à tout ce qu’on possède, il ajoute ce qui
[nous] rend parfaits : « Et nous vous avons suivi. » — S. Cyrille : Il est nécessaire de remarquer que ceux qui renoncent au peu qu’ils possèdent, à ne considérer que leur intention et leur obéissance, ont aux yeux de Dieu le même mérite que les riches, parce que c’est la même disposition de renoncement qui leur a inspiré le sacrifice volontaire de tout ce qu’ils possèdent : « Jésus leur répliqua : En vérité, je vous le dis, il n’est personne qui ait quitté sa maison, ses parents, ses frères, son épouse, ses enfants ou ses champs à cause du royaume de Dieu, qui ne reçoive beaucoup plus en ce monde même, et dans le siècle à venir, la vie éternelle. » Le Sauveur élève l’âme de tous ceux qui l’écoutent aux plus douces espérances, en joignant à sa promesse la formule ordinaire du serment : « En vérité. » En effet, lorsque la prédication de la divine parole vint appeler le monde à la foi de Jésus-Christ, quelques-uns, par considération pour leurs parents infidèles, ne voulurent point les contrister eux ou leurs propres frères, en embrassant la foi chrétienne; d’autres, au contraire, quittèrent généreusement leur père, leur mère, et sacrifièrent toutes les affections de famille par amour pour Jésus-Christ. — S. Bède : Voici donc le sens de ces paroles : Celui qui, pour mériter le royaume de Dieu, aura renoncé à toutes les affections de la terre, et foulé aux pieds toutes les richesses, tous les plaisirs et toutes les joies du monde, recevra dans le siècle présent beaucoup plus qu’il n’aura quitté. Il en est qui cherchent à appuyer sur ces paroles de Jésus-Christ, l’opinion fabuleuse de certains Juifs, qui prétendent qu’après la résurrection, les justes jouiront sur la terre de mille ans de bonheur, pendant lesquels tout ce que nous avons sacrifié pour Dieu nous sera rendu, en attendant que nous entrions en possession de la vie éternelle. Ils ne voient pas, les insensés, que si pour tout le reste, cette récompense abondante peut être digne de Dieu, elle serait d’une souveraine inconvenance pour ce qui est des femmes (d’après les autres évangélistes, on doit recevoir au centuple), d’autant plus que Notre Seigneur nous atteste qu’il n’y a plus de mariage après la résurrection; d’ailleurs saint Marc, affirme que tout ce que nous aurons quitté nous sera rendu dans cette vie avec les persécutions, et, de leur propre témoignage, ces mille ans doivent être entièrement exempts. — S. Cyrille : Nous affirmons donc que celui qui aura renoncé aux jouissances de la chair, recevra beaucoup plus qu’il n’a quitté, à l’exemple des Apôtres, qui, pour avoir sacrifié bien peu de chose, ont reçu les dons multipliés de la grâce, et sont devenus célèbres par tout l’univers. Un bonheur semblable nous attend; celui qui abandonne sa maison recevra en échange la demeure des cieux; s’il quitte son père il deviendra fils du Père céleste; s’il quitte ses frères, il aura Jésus-Christ pour frère; s’il se sépare de son épouse, il s’unira à la sagesse divine qui lui donnera des fruits spirituels; [s’il quitte sa mère], il trouvera la Jérusalem céleste qui est notre mère à tous. (Ga 4, 26.) Dès cette vie même il trouvera une affection beaucoup plus douce et plus pure dans les frères et les soeurs qui lui sont unis par les liens spirituels d’une même résolution. |
Lectio 6 [85918] Catena in Lc., cap. 18 l. 6 Gregorius
in Evang. Praevidens salvator ex passione sua discipulorum animos
turbandos, eis longe ante et passionis suae poenam et resurrectionis suae
gloriam praedicit; unde dicitur assumpsit autem Iesus duodecim et ait illis :
ecce ascendimus Hierosolymam, et consummabuntur omnia quae scripta sunt per
prophetas de filio hominis. Beda.
Praevidens enim quosdam haereticos futuros, qui Christum dicerent legi
prophetisque docuisse contraria, ostendit quod per prophetarum praesagia suae
passionis et posterioris gloriae sit celebrata perfectio. Chrysostomus
in Matthaeum. Seorsum autem de passione cum discipulis confert : non enim
oportebat hunc sermonem pluribus divulgari, ne turbarentur. Hoc autem
praedicebat discipulis, ut exercitati per expectationem facilius sustinerent.
Cyrillus.
Et ut sciant quoniam passionem praenovit, et spontaneus ad eam accessit;
ne dicerent : qualiter in manus hostium incidit qui nos promittebat salvare?
Unde seriatim ordinem passionis enarrat, subdens tradetur enim gentibus et
illudetur et flagellabitur et conspuetur. Chrysostomus.
Hoc Isaias praedixerat dicens : obtuli scapulas meas ad verbera, genas
meas ad alapas, et faciem meam non diverti a sputorum dedecore. Sed et crucis
patibulum praedixit propheta cum ait : tradidit in mortem animam suam, et cum
sceleratis reputatus est. Unde et hic subditur et postquam flagellaverint,
occident eum. Sed et resurrectionem eius David praedixit dicens : non
derelinques animam meam in Inferno. Unde hic subditur et tertia die resurget.
Isidorus.
Admiror autem dementiam quaerentium cur Christus ante triduum resurrexit :
si enim resurgeret tardius quam praedixerat, impotentiae esset; celerius vero
est summae virtutis indicium. Si quem enim cum spoponderit suo creditori post
triduum persolvere debitum, eadem die satisfacientem viderimus; non fallacem,
sed potius ut veridicum eum mirabimur. Dicam etiam quod non dixit se post
tres dies resurrecturum, sed die tertia. Habes parasceven, habes sabbatum
usque ad solis occasum; et post sabbatum resurrexit. Cyrillus.
Discipuli autem nondum noverant exquisite quod prophetae praedixerant; sed
postquam resurrexit, aperuit eis sensum ut intelligerent Scripturas; unde
sequitur et ipsi nihil horum intellexerunt. Beda.
Quia enim discipuli, eius vitam maxime desiderabant, eius mortem audire
non poterant : et quoniam non solum hominem innocentem, sed et Deum verum
sciebant, hunc nullatenus mori posse putabant; et quia parabolas eum saepe
loquentem audire consueverant, quoties aliquid de sua passione dicebat, ad
aliud allegorice referendum esse credebant; unde sequitur erat autem verbum
istud absconditum ab eis, et non intelligebant quae dicebantur. Iudaei vero,
quia in eius necem conspiraverant, quod de passione sua loqueretur dicens :
oportet exaltari filium hominis, intelligebant; unde dixerunt : nos audivimus
ex lege, quia Christus manet in aeternum; et quomodo tu dicis : oportet
exaltari filium hominis? |
Versets 31-34.
— S. Grégoire : (hom. 2, sur les Evang.) Le Sauveur qui prévoyait le trouble que sa passion devait jeter dans l’esprit de ses disciples, leur prédit longtemps à l’avance et les souffrances de la passion, et la gloire de sa résurrection : « Ensuite Jésus prit à part les douze, et leur dit : Voici que nous montons à Jérusalem, et que va s’accomplir pour le Fils de l’homme tout ce qui a été écrit par les prophètes. » — S. Bède : Il prévoyait aussi que certains hérétiques prétendraient qu’il avait enseigné une doctrine contraire à la loi et aux prophètes, et il leur montre que les oracles des prophètes ont annoncé au contraire la consommation de son sacrifice sanglant, et la gloire qui devait le suivre. — S. Jean Chrysostome : (hom. 66, sur Matth.) Il prend à part ses disciples pour s’entretenir avec eux de sa passion; il ne voulait pas qu’elle fût connue [pour le moment] du peuple parmi lequel cette prédiction eût jeté le trouble; mais il la fait exclusivement connaître à ses disciples pour leur donner le courage de supporter ce triste événement lorsqu’il serait arrivé. — S.
Cyrille : Il veut aussi les convaincre que sa
passion lui était parfaitement connue, qu’il allait volontairement au-devant d’elle,
et prévenir ainsi dans leur esprit cette difficulté : Comment celui qui
promettait de nous sauver, est-il tombé lui-même dans les mains de ses
ennemis ? Aussi leur raconte-t-il par ordre toute la suite de sa passion
: « Il sera livré aux Gentils, et moqué, et flagellé, et couvert de
crachats. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 66, sur Matth.) C’est ce qu’avait
prédit Isaïe : « J’ai livré mes épaules aux coups, et mes joues aux
soufflets, je n’ai point détourné mon visage de ceux qui me couvraient
d’injures et de crachats. » (Is
50.) Le même prophète a également prédit le supplice de la croix : « Il
a livré son âme à la mort, et il a été mis au nombre des scélérats. » (Is 53.) Notre Seigneur ajoute : « Et
après qu’ils l’auront flagellé, ils le mettront à mort. » David a
aussi prédit sa résurrection, lorsqu’il disait (Ps 15) : « Vous ne laisserez pas mon âme dans l’enfer
(Ac 2). » Le Sauveur renouvelle ici cette prédiction : « Et
il ressuscitera le troisième jour. » — S. Isidore : (Liv. 2, lett. 212.) J’admire la folie de ceux qui demandent pourquoi Jésus-Christ est ressuscité avant le troisième jour. Qui ne voit que s’il eut ressuscité plus tard qu’il ne l’avait prédit, ce serait un signe d’impuissance, tandis qu’en ressuscitant plus tôt il donne une preuve de sa puissance toute divine. Qu’un débiteur qui a promis à son créancier de payer sa dette dans trois jours, s’acquitte le jour même, nous le regarderons non comme un menteur, mais comme un homme fidèle à sa parole. Je dirai plus, le Sauveur n’a pas prédit qu’il ressusciterait après trois jours, mais le troisième jour. Or, vous avez la veille du sabbat, le jour du sabbat lui-même jusqu’au coucher du soleil, et le jour qui suit le sabbat, lequel fut celui de sa résurrection. — S.
Cyrille : Les disciples ne comprenaient pas encore
parfaitement ce que les prophètes avaient prédit; mais après sa résurrection,
il leur ouvrit l’esprit pour qu’ils comprissent les Écritures (Lc 24, 45) : « Mais ils ne
comprirent rien à cela. » — S. Bède : Ils désiraient ardemment voir se prolonger la vie de leur maître, par conséquent ils ne pouvaient souffrir d’entendre parler de sa mort. Ils savaient d’ailleurs qu’il était non seulement un homme innocent, mais qu’il était véritablement Dieu, et ils ne pouvaient supposer qu’il pût mourir; et comme ils étaient habitués à ce qu’il leur parlât souvent en paraboles, ils croyaient pouvoir entendre dans un sens figuré tout ce qu’il leur disait de sa passion : « Et cette parole leur était cachée, et ils ne comprenaient point ce qui leur était dit. » Les Juifs au contraire qui conspiraient pour le faire mourir, comprenaient parfaitement qu’il voulait parler de sa passion, lorsqu’il leur disait : [ce que nous lisons dans saint Jean] : « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé. » Aussi lui répondirent-ils : ‘Nous avons appris de la loi que le Christ demeure éternellement, comment donc pouvez-vous dire : « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé ? »’ |
Lectio 7 [85919] Catena in Lc., cap. 18 l. 7 Gregorius in Evang. Quia carnales adhuc discipuli non valebant capere
verba mysterii, venitur ad miraculum : ante eorum oculos caecus lumen
recipit, ut eos ad fidem caelestia facta solidarent; unde dicitur factum est
autem cum appropinquaret Iericho, caecus quidam sedebat secus viam mendicans.
Theophylactus.
Et ne incessus domini esset inutilis, in via fecit caeci miraculum, hoc
documentum discipulis suis dans, ut in omnibus simus proficui, et nihil sit
in nobis otiosum. Augustinus
de quaest. Evang. Possumus de appropinquantibus Iericho sic intelligere,
ut iam inde egressi, prope tamen adhuc essent ad eam civitatem : quod quidem
minus usitate dicitur; sed tamen videri posset hoc dictum, quoniam Matthaeus,
egredientibus eis ab Iericho dicit illuminatos duos caecos, qui iuxta viam
sedebant. De numero quidem nulla esset quaestio, si alter Evangelistarum de
uno tacuisset, unius reminiscens : nam et Marcus unum commemorat, cum et
egredientibus eis ab Iericho dicit illuminatum; cuius et nomen dixit et
patrem, ut intelligamus eum fuisse potissimum, alterum ignotum, ut merito
ille notus etiam solus decenter commemoraretur. Sed quoniam quae sequuntur in
Evangelio secundum Lucam, aptissime ostendunt illud quod ipse narrat, adhuc
venientibus ipsis Iericho factum esse, nihil aliud restat intelligere, nisi
bis esse factum hoc miraculum; semel in uno caeco, cum adhuc veniret in illam
civitatem; iterum in duobus, cum inde egrederetur : ut illud unum Lucas,
alterum Matthaeus enarret. Cyrillus.
Multus autem erat populus circa Christum, et caecus eum quidem non
noverat, sentiebat autem effectum, et rapiebat per affectum quod non hausit
aspectus; unde subditur et cum audiret turbam praetereuntem, interrogabat
quid hoc esset. Et oculati quidem secundum opinionem loquebantur; sequitur
enim dixerunt autem ei, quod Iesus Nazarenus transiret. Caecus vero vera
clamabat : alia docetur, et alia praedicat; nam sequitur et clamavit dicens :
Iesu fili David, miserere mei. Quis te docuit haec, o homo? Num perlegisti
libros privatus luminibus? Unde igitur nosti luminare mundi? Vere dominus
illuminat caecos. Cyrillus.
In Iudaismo autem nutritus non ignoravit quod de progenie David Deus
secundum carnem nasceretur; et ideo ei ut Deo loquitur, dicens miserere mei.
Hunc imitentur qui in duo dividunt Christum : hic enim Christum tamquam Deum
adit, et filium David eum nominat. Mirentur autem instantiam confessionis
eius : quidam enim eum confitentem fidem compescebant. Sequitur et qui
praeibant increpabant eum ut taceret. Sed per inhibitiones huiusmodi non
impediebatur eius audacia. Novit enim fides omnibus repugnare et in omnia
triumphare : utile enim est pro cultu divino pudorem deponere : nam si causa
pecuniae sunt impudentes nonnulli, pro animae salute non decet bonam induere
impudentiam? Unde sequitur ipse vero multo magis clamabat : fili David, miserere
mei. Sistit autem Christum vox invocantis in fide, et invocantes in fide
respicit; et ideo merito vocat caecum, et accedere iussit; unde sequitur
stans autem Iesus iussit illum adduci ad se, ut scilicet qui prius fide eum
tetigerat, appropinquaret et corpore. Appropinquantem caecum dominus
interrogat; nam sequitur et cum appropinquasset, interrogavit illum, dicens :
quid tibi vis faciam? Dispensative interrogat, non quasi ignorans; sed ut
scirent astantes quod non petebat pecuniam, sed divinam efficaciam, ut a Deo;
unde sequitur at ille dixit : domine, ut videam. Chrysostomus.
Vel quia calumniatores veritatis Iudaei possent dicere, ut in caeco nato :
non est hic, sed similis eius; voluit ut caecus prius ostenderet defectum naturae,
et tunc cognoscat gratiae maiestatem. At ubi petitionis modum caecus
explicuit, tunc cum summa maiestate praecepit ei ut videret : unde sequitur
et dixit illi Iesus : respice : quod redundabat in crimen perfidiae Iudaeorum
: quis enim prophetarum talia dixit? Aspice tamen quid assumat medicus ab eo
cui collata est sanitas; sequitur enim fides tua te salvum fecit. Pro fide
enim venduntur beneficia; diffunditur enim gratia quam suscepit fides. Et
sicut ab aliquo fonte hi quidem parvis vasis modicum aquae hauriunt, hi vero
maioribus multum, fonte non distinguente mensuras; et secundum fenestras quae
aperiuntur magis vel minus, splendor solis infunditur; ita secundum
capacitatem intentionis hauritur gratia. Vertitur autem vox Christi in lucem
languentis; erat enim verbum verae lucis; unde sequitur et confestim vidit.
At caecus et ante beneficium fidem ostendit fervidam, et post beneficium
benevolentiam observavit; sequitur enim et sequebatur illum magnificans Deum.
Cyrillus.
Ex quo patet quod a duplici caecitate liberabatur, corporali scilicet et
intellectuali : neque enim glorificasset ut Deum nisi vere vidisset; sed et
aliis factus est occasio glorificandi Deum; sequitur enim et omnis plebs ut
vidit, dedit laudem Deo. Beda. Non solum pro impetrato munere lucis, sed et merito fidei
impetrantis. Chrysostomus. Hic autem necesse est quaerere cur Christus
daemoniacum quidem curatum sequi volentem prohibet, caecum autem illuminatum
sequentem non prohibet? Sed neutrum irrationale puto : illum enim mittit
praeconem, ut ex sua consistentia benefactorem praedicet : erat enim
excellens miraculum, videre furiosum sanae mentis effectum : caecum vero
permittit sequi, quando Hierosolymam ascendebat per crucem perfecturus altum
mysterium, ut recentem habentes miraculi mentionem, non existimarent eum
infirmitate potius quam misericordia pati. Ambrosius.
In hoc autem caeco typus populi gentilis est, qui sacramento dominico
recepit amissi luminis claritatem. Nihil autem interest utrum in uno caeco
medicinam, an in duobus accipiat; quoniam ex Cham et Iaphet, Noe filiis,
originem ducens, in duobus caecis, duos generis sui praetendebat auctores.
Gregorius
in Evang. Vel caecum est genus humanum, quod in parente primo claritatem
supernae lucis ignorans, damnationis suae tenebras patitur. Iericho autem
interpretatur luna, quae dum menstruis momentis decrescit, defectum nostrae
mortalitatis designat. Dum igitur conditor noster appropinquat Iericho,
caecus ad lumen redit : quia dum divinitas defectum nostrae carnis suscepit,
humanum genus lumen quod amiserat recepit. Qui ergo aeternae lucis claritatem
nescit, caecus est. Si autem tantum redemptorem credidit, qui dixit : ego sum
via, iuxta viam sedet : si vero credidit, et exorat ut aeternum lumen
recipiat, iuxta viam sedet et mendicat. Illi autem qui Iesum venientem
praecedunt, designant carnalium desideriorum turbas, tumultusque vitiorum,
qui priusquam Iesus ad cor nostrum perveniat, dissipant cogitationem nostram,
et in ipsa nos nostra oratione conturbant. Ipse vero magis clamabat : quia
quanto graviori tumultu cogitationum premimur, tanto orationi insistere
ardentius debemus. Cum autem adhuc turbas phantasmatum in oratione patimur,
Iesum aliquatenus transeuntem sentimus; cum vero orationi vehementer
insistimus, Deus in corde figitur, et lux amissa reparatur. Vel transire
humanitatis est, stare divinitatis. Caecum igitur clamantem dominus transiens
audivit, stans illuminavit : quia per humanitatem suam vocibus nostrae
caecitatis compatiendo misertus est, sed lumen nobis gratiae per divinitatis
potentiam infundit. Ad hoc autem requirit quid velit, ut cor ad orationem
excitet : peti enim hoc vult quod et nos petere et se concedere praenoscit.
Ambrosius.
Vel interrogavit caecum, ut crederemus nisi confitentem non posse salvari.
Gregorius.
Caecus autem a domino non aurum, sed lucem quaerit; et nos non falsas
divitias, sed lucem quaeramus, quam videre cum solis Angelis possimus; ad
quam lucem via fides est; unde recte caeco dicitur respice : fides tua te
salvum fecit. Qui videt et sequitur, quia bonum quod intelligit operatur.
Augustinus
de quaest. Evang. Si autem Iericho lunam, et ob hoc mortalitatem
interpretamur, morti propinquans dominus Iudaeis solis lumen Evangelii
iusserat praedicari; quos significavit ille unus caecus quem Lucas commemorat
: a morte autem resurgens, atque descendens, et Iudaeis et gentibus; quos
duos populos significare videntur duo caeci commemorati a Matthaeo. |
Versets 35-43
— S. Grégoire : (hom. 2, sur les Evang.) Comme les disciples encore charnels ne pouvaient comprendre le mystère que Jésus venait de leur prédire, il fait suivre cette prédiction d’un miracle sous leurs yeux, rend la vue à un aveugle, pour les affermir dans la foi par cette guérison toute divine : « Comme il approchait de Jéricho, il arriva qu’un aveugle était assis sur le bord du chemin. » — Théophylacte : Notre Seigneur guérit miraculeusement cet aveugle pendant qu’il était en chemin pour ne pas laisser ses voyages même sans utilité, et nous apprendre à nous ses disciples que nous devons rendre toutes nos actions profitables au prochain, et à n’en point souffrir d’inutiles. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 48.) Ces paroles : « Comme ils étaient près de Jéricho, » pourraient signifier qu’ils en étaient déjà sortis, mais qu’ils n’en étaient pas encore éloignés. A la vérité, cette manière de parler n’est pas très usitée, mais ce qui motiverait ici cette interprétation c’est que d’après le récit de saint Matthieu, comme ils sortaient de Jéricho, Jésus rendit la vue à deux aveugles qui étaient assis le long du chemin. Le nombre des aveugles ne pourrait faire difficulté; qu’un évangéliste ne parle que d’un seul sans faire mention de l’autre, peu importe ; saint Marc lui-même ne parle que d’un seul, lorsqu’il raconte que Jésus lui rendit la vue, comme ils sortaient de Jéricho. Il va même jusqu’à faire mention de son nom et de son père, pour nous faire entendre qu’il était très connu, tandis que l’autre ne l’était pas du tout, ce qui explique pourquoi il a cru ne devoir parler que de celui que l’on connaissait davantage. Cependant comme la suite du récit, dans l’Évangile selon saint Luc, prouve évidemment que la guérison de cet aveugle eut lieu lorsque Jésus allait à Jéricho, il ne nous reste d’autre solution que de dire que le Sauveur a deux fois opéré ce miracle, la première fois sur un seul aveugle, lorsqu’il allait entrer dans Jéricho, et la seconde sur deux aveugles, lorsqu’il sortait de cette ville, de sorte que saint Luc a rapporté le premier miracle et saint Matthieu le second — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Une foule nombreuse entourait Jésus-Christ, l’aveugle ne le connaissait pas, mais il sentait intérieurement sa présence, et son coeur lui faisait pressentir celui que ses yeux ne pouvaient apercevoir : « Entendant le bruit du peuple qui passait, il demanda ce que c’était. » Ceux qui le voyaient de leurs yeux lui répondirent d’après l’idée qu’on s’était faite du Sauveur : « Ils lui dirent que c’était Jésus de Nazareth qui passait. » Mais l’aveugle proclame bien haut la vérité. On lui enseigne une chose, et il en annonce hautement une autre : « Et il se mit à crier : Jésus fils de David, ayez pitié de moi. » Homme, qui vous a donc enseigné cette vérité ? Avez-vous pu lire les livres sacrés, privé que vous êtes de la vue ? Comment donc avez-vous pu connaître celui qui est la lumière du monde ? Ah ! c’est vraiment ici que « Dieu éclaire les aveugles. » (Ps 145.) — S.
Cyrille : Cet homme élevé dans la loi des Juifs ne
pouvait ignorer que le Dieu fait homme devait naître, selon la chair, de la
race de David; aussi s’adresse-t-il à lui comme à un Dieu, en lui disant : « Ayez
pitié de moi » ; bel exemple qu’il donne à imiter à ceux qui divisent
le Christ en deux personnes, il proclame ici que le Christ est Dieu, en même
temps qu’il proclame sa descendance de David. Qu’ils admirent aussi la force
de sa foi qu’il professe; ceux qui l’entendaient voulaient en comprimer les
élans et la constance : « Ceux qui marchaient devant, le
gourmandaient pour le faire taire, » mais son audace ne se laissait
pas intimider par ces défenses répétées, c’est que la foi sait résister à
tous les obstacles, et triompher de toutes les difficultés. Il est bon de se
dépouiller de toute fausse honte, lorsqu’il s’agit du service de Dieu, car si
nous en voyons quelques-uns déployer tant d’audace pour acquérir quelques
sommes d’argent, ne faut-il pas que nous soyons saintement audacieux
lorsqu’il s’agit du salut de notre âme : Voyez en effet cet aveugle : « Mais
il criait beaucoup plus encore : Fils de David, ayez pitié de moi. »
Jésus-Christ s’arrête à la voix de ceux qui l’invoquent avec foi, et il
abaisse sur eux ses regards. Aussi appelle-t-il cet aveugle et lui commande-t-il
de s’approcher : « Alors Jésus s’arrêtant, commanda qu’on le lui
amenât. » Il voulait que celui qui l’avait déjà touché par la foi
s’approchât aussi de lui par le corps, et il interroge l’aveugle qui vient
vers lui : « Et quand il se fut approché, il lui demanda : Que
voulez-vous que je vous fasse ? » Il lui fait cette question,
non par ignorance, mais dans l’intérêt de ceux qui étaient présents, afin de
les convaincre que ce pauvre aveugle ne demandait pas d’argent, mais un acte
de puissance divine à Jésus comme à un Dieu : « Il lui dit :
Seigneur, que je voie. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Comme les Juifs toujours prêts à calomnier la vérité pouvaient dire ainsi que pour l’aveugle-né (Jn 9) : ce n’est pas lui, c’est quelqu’un qui lui ressemble, le Sauveur voulut que l’aveugle avouât ouvertement l’infirmité de sa nature, pour qu’il connût mieux ensuite la puissance de la grâce divine; mais dès que cet aveugle a formulé l’objet de sa demande, Jésus, avec une majesté souveraine lui commande de voir : « Et Jésus lui dit : Voyez » ; ce ton d’autorité rendait plus coupable l’incrédulité des Juifs, car quel prophète avait jamais tenu un pareil langage ? Considérez cependant ce que le divin Médecin a exigé de celui qu’il a guéri : « Votre foi vous a sauvé. » C’est au prix de la foi que Dieu vend ses bienfaits, et la grâce ne se répand que là où la foi est prête à la recevoir. La grâce est comme une fontaine abondante, ceux qui viennent y puiser avec des vases de petite dimension, remportent une petite quantité d’eau, ceux au contraire qui puisent avec de plus grands vases, en remportent davantage; ce n’est pas la fontaine qui décide des quantités ; ou bien encore, elle est comme la lumière du soleil qui pénètre plus ou moins dans l’intérieur d’un appartement selon la grandeur des fenêtres qui sont ouvertes, ainsi la grâce se répand dans une âme selon la mesure de ses intentions et de ses désirs. La voix de Jésus-Christ devient pour cet aveugle un principe de lumière, car il était la parole ou le Verbe de la véritable lumière : « Il vit aussitôt, » ajoute l’Évangéliste. Or, cet aveugle montra autant de reconnaissance après sa guérison, qu’il avait manifesté de foi avant de l’obtenir. « Et il suivait Jésus en glorifiant
Dieu. » — S.
Cyrille : Preuve évidente qu’il est délivré d’une
double cécité, de celle du corps et de celle de l’âme, car il n’eût point
ainsi glorifié Dieu, s’il n’eût véritablement recouvré la vue. Il devient en
outre pour les autres une occasion de rendre gloire à Dieu : « Et
tout le peuple voyant cela, rendit gloire à Dieu. » — S. Bède : Non seulement pour le bienfait de la vue qui vient d’être rendue à cette aveugle, mais pour la foi vive qui lui a obtenu sa guérison. — S. Jean Chrysostome : C’est ici le lieu d’examiner pourquoi Jésus-Christ défendit au possédé qu’il avait délivré du démon, de marcher à sa suite (Mc 5, 19; Lc 8, 38; Mt 8), tandis qu’il ne s’oppose pas à ce même désir que manifeste l’aveugle après sa guérison. Mais je pense que ces deux manières d’agir ont leur raison d’être. Il renvoie le premier comme un hérault qui devra proclamer partout par sa guérison, la puissance de son bienfaiteur; car c’était un miracle vraiment extraordinaire, qu’un possédé aussi furieux eût recouvré le parfait usage de sa raison. Il permet au contraire à l’aveugle de le suivre, alors qu’il se rendait à Jérusalem pour y consommer le grand mystère de la croix, afin qu’en ayant sous les yeux le souvenir de ce miracle si récent, ses disciples fussent bien persuadés que sa passion était l’effet non de sa faiblesse, mais de sa miséricorde. — S. Ambroise : Cet aveugle est la figure du peuple des Gentils, qui dut au mystère de la rédemption du Seigneur de recouvrer la lumière qu’il avait perdue. Peu importe que sa guérison soit figurée par un seul aveugle ou par deux; car comme il tire son origine de Cham et de Japhet (cf. Gn 10, 1), fils de Noé, il peut trouver dans ces deux aveugles la figure des deux auteurs de sa race. — S. Grégoire : (hom. 2, sur les Evang.) Ou bien encore, cet aveugle représente le genre humain, aveugle lui-même par la faute de son premier père qui lui a fait perdre la clarté de la céleste lumière, et l’a plongé dans les ténèbres de sa condamnation. Jéricho veut dire lune, et cet astre par ses décroissances mensuelles représente les défaillances continuelles de notre nature mortelle. C’est au moment où notre Créateur s’approche de Jéricho, que l’aveugle recouvre la lumière, parce qu’en effet le genre humain a recouvré la lumière qu’il avait perdue, lorsque la divinité s’est revêtue des infirmités de notre chair. Celui donc qui ne connaît pas la clarté de l’éternelle lumière est un aveugle. S’il se contente de croire au Rédempteur, qui a dit : « Je suis la voie, » (Jn 11) il est assis le long du chemin, mais si à la foi s’ajoute la prière pour obtenir de voir la lumière éternelle, il est assis le long du chemin et demande l’aumône. Ceux qui marchent devant Jésus représentent la multitude des désirs de la chair, et l’agitation tumultueuse des vices qui, avant que Jésus entre dans notre coeur, dissipent toutes nos pensées, et viennent nous troubler jusque dans l’exercice de la prière. Cet aveugle loin de se taire, criait beaucoup plus encore; ainsi, plus nous sommes accablés par l’agitation de nos pensées, plus devons-nous persévérer avec ferveur dans la prière. Lorsqu’en priant nous sommes obsédés de pensées étrangères, nous sentons jusqu’à un certain point que Jésus passe. Si au contraire nous nous appliquons fortement à la prière, Dieu s’arrête dans notre coeur, et nous rend la lumière que nous avions perdue. Ou bien encore, l’action de passer est propre à l’humanité, celle de s’arrêter ne convient qu’à la divinité. Le Seigneur entendit en passant les cris de cet aveugle, et il s’arrêta pour lui rendre la vue, parce qu’en effet, c’est par son humanité qu’il a compâti avec miséricorde aux cris que nous poussons vers lui dans notre aveuglement, et c’est par la puissance de sa divinité qu’il a répandu en nous la lumière de sa grâce. Il lui demande tout d’abord ce qu’il veut, pour exciter notre coeur à prier, car il veut que nous lui demandions ce qu’il a prévu que nous demanderions et ce qu’il accorderait à nos prières. — S. Ambroise : Ou bien encore, il fait cette question à cet aveugle, pour nous enseigner qu’on ne peut être sauvé sans confesser sa foi. — S. Grégoire : (hom. 2, sur les Evang.) Cet aveugle, ne demande pas au Seigneur de lui donner de l’argent, mais de lui rendre la vue; gardons-nous donc nous-mêmes de demander les richesses trompeuses, mais demandons cette lumière, qu’il n’est donné de voir qu’à nous et aux anges; et c’est la foi qui nous conduit à cette lumière. Comme Notre Seigneur le dit à cet aveugle : « Voyez, votre foi vous a sauvé. » Il voit en effet, et marche à la suite du Sauveur, parce qu’il pratique le bien qu’il connaît. — S.
Augustin : (Quest.
évang., 2, 48.) Si Jéricho veut dire lune, et par là même est la figure de
notre mortalité, nous pouvons dire que le Sauveur lorsque sa mort était
proche, avait commandé de prêcher la lumière de l’Évangile aux Juifs seuls,
qui sont représentés par cet aveugle dont parle ici saint Luc. Mais lorsqu’il
ressuscite des morts et quitte la terre, il ordonne d’annoncer cette lumière
aux Juifs et aux Gentils qui sont figurés par les deux aveugles dont parle
saint Matthieu (Mt 10, 5; Mt 13, 10). |
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Caput 19 |
CHAPITRE 19
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Lectio 1 [85920] Catena in Lc., cap. 19 l. 1 Ambrosius. Zachaeus in sicomoro, caecus in via : quorum
alterum dominus miseraturus expectat, alterum suae mansionis claritate
nobilitat; de quo dicitur et ingressus Iesus perambulabat Iericho : et ecce
vir nomine Zachaeus : et hic erat princeps publicanorum, et ipse dives. Et
bene princeps inducitur publicanorum : quis enim de se desperet, quando iste
pervenit ad gratiam, cui census ex fraude? Et ipse quidem dives, ut scias
omnes divites avaros. Cyrillus.
Sed Zachaeus in his moram non traxit; sed factus est dignus propitiatione Dei,
qui caecos illuminat, et longinquos vocat. Titus.
Pullulaverat autem in eo semen salutis, quia cupiebat Iesum videre; unde
sequitur et quaerebat videre Iesum quis esset, utpote qui numquam eum viderat
: quia si vidisset, dudum iam recessisset a nequitia publicana. Si quis enim
Iesum videt, non potest nequitiis immorari. Duo autem erant impedimenta huic
visioni : nam retardabat eum populus, non tam virorum quam peccatorum; erat
autem parvus statura; unde sequitur et non poterat prae turba, quia statura
pusillus erat. Ambrosius.
Quid sibi vult quod nullius alterius staturam quam huius expressit? Vide
ne forte malitia pusillus, aut adhuc pusillus fide : nondum enim pronus erat
cum ascenderet, nondum viderat Christum. Titus.
Sed ille bonum adinvenit ingenium : nam praecurrens in arborem sicomorum
ascendit, et transeuntem Iesum desideratum videbat; unde sequitur et
praecurrens, ascendit in arborem sicomorum, ut videret illum, quia inde erat
transiturus. Hic ergo solam visionem desideravit; sed qui novit plus facere
quam quaerimus, dedit ei supra id quod expectabat; unde sequitur et cum
venisset ad locum, suspiciens Iesus vidit illum. Cyrillus.
Vidit quidem hominis animam promptissime nitentem ad sancte vivendum, et
eum ad pietatem convertit. Ambrosius.
Apud eum se non invitatus invitat; unde sequitur et dixit ad eum :
Zachaee, festinans descende, quia hodie in domo tua oportet me manere :
sciebat enim uberem hospitii sui esse mercedem; sed tamen etsi non vocem,
invitantis audierat affectum. Beda.
Ecce autem camelus, deposita ibi sarcina, per foramen acus transit : hoc
est, dives et publicanus, relicto amore divitiarum, contempto censu fraudum,
benedictionem dominicae susceptionis accipit. Sequitur et festinans
descendit, et excepit illum gaudens. Ambrosius.
Discant divites non in facultatibus crimen haberi, sed in his qui uti
nesciunt facultatibus : nam divitiae sicut impedimenta sunt improbis, ita
bonis sunt adiumenta virtutis. Chrysostomus. Sed considera nimiam salvatoris bonitatem. Insons cum
sontibus conversatur; fons iustitiae cum avaritia, quae est materia
pravitatis : ingressus domum publicani, nullam ex avaritiae nebula iniuriam
patitur, sed fulgore iustitiae avaritiam delet. Sed mordaces et criminationis
amatores invehi tentant in his quae ab eo fiebant; sequitur enim et cum
viderent omnes, murmurabant, dicentes quod ad hominem peccatorem divertisset.
Ipse vero incusatus ut epulo et publicanorum amicus, spernebat haec,
ut consummaret propositum : quia et medicus nisi patiatur saniem aegrotorum,
non liberat a morbo; quod et tunc contigit, quoniam conversus est publicanus,
et factus est melior. Sequitur stans autem Zachaeus, dixit ad Iesum : ecce
dimidium bonorum meorum, domine, do pauperibus; et si quid aliquem
defraudavi, reddo quadruplum. Audi mirabile. Nondum didicit, et obedit; et
sicut sol per radios infusus in domum non illustrat verbo, sed opere; ita
salvator radiis iustitiae, nequitiae fugavit caliginem : nam lux in tenebris
lucet. Quodlibet autem unitum est validum, divisum autem debile; et ideo
bipartit substantiam. Est autem diligentius attendendum, quod opes Zachaei
non solum erant iniustae, sed etiam ex patrimonio fuerunt congregatae;
alioquin quomodo poterat extorta inique restituere in quadruplum? Sciebat
enim legem iubentem restituere in quadruplum male ablata, ut si lex non
terreat, damna mitigent. Non ergo expectat Zachaeus legis censuram, ipse sibi
iudex effectus. Theophylactus.
Sed si subtilius indagare velimus, nihil de propriis restabat
facultatibus. Data enim medietate bonorum pauperibus, ex
residuo reddebat laesis in quadruplo. Nec solum hoc promittebat, sed faciebat
: non enim ait : dabo medietatem et restituam quadruplum, sed do et reddo. At
Christus illi salutem annuntiat : sequitur enim ait Iesus ad eum, quia hodie
salus huic domui facta est; ipsum Zachaeum significans assecutum fuisse
salutem, per domum habitatorem significans; sequitur enim eo quod et ipse
filius sit Abrahae : non enim vocasset Abrahae filium inanimatam fabricam. Beda.
Filius autem Abrahae Zachaeus dicitur, non quia de eius stirpe genitus,
sed quia eius est fidem imitatus : ut sicut ille terram domumque paternam
deseruit, ita iste bona sua partiendo pauperibus relinqueret. Pulchre autem
dicit et ipse, ut non solum eos qui iuste vixerant, sed et eos qui ab
iniustitia resipiscunt, ad filios promissionis pertinere declaret. Theophylactus.
Non autem dixit quod filius erat Abrahae, sed quoniam nunc est : nam prius
quando erat publicanorum princeps, nullam similitudinem habens ad Abraham iustum,
non erat Abrahae filius. Sed quia murmurabant quidam eo quod moraretur cum
viro peccatore, ad compescendos illos, subdit venit enim filius hominis
quaerere et salvum facere quod perierat. Chrysostomus.
Quasi dicat : quid me criminamini, si rectifico peccatores? Tam enim
procul est a me odium peccatorum quod eorum causa advenerim : nam medicus
veni, non iudex; ob hoc conviva fio languentium, patiorque foetorem, ut
praestem remedia. Quaeret autem aliquis : quomodo Paulus iubet, si quis
frater fuerit procax aut avarus, cum huiusmodi nec cibum esse sumendum?
Christus autem erat publicanorum conviva. Sed nondum provecti erant isti ut
fierent fratres. Sed et tunc vitare praecepit Paulus fratres, cum perstant in
malo; hi vero erant mutati. Beda.
Mystice autem Zachaeus, qui interpretatur iustificatus, credentem ex
gentibus populum significat, qui per occupationem temporalium depressus erat
et minimus, sed a Deo sanctificatus; qui intrantem Iericho salvatorem videre
voluit, dum fidem quam mundo attulit, participare quaesivit. Cyrillus.
Turba autem est imperitae confusio multitudinis, quae verticem nequivit
videre sapientiae. Ergo Zachaeus quamdiu in turba est, non vidit Christum;
sed plebeiam transgressus inscitiam, meruit quem desiderabat aspicere. Beda.
Vel turba, idest vitiorum consuetudo quae caecum clamantem increpabat,
etiam hunc suspicientem tardat; sed sicut amplius clamando caecus turbam
vicit, ita pusillus terrena relinquendo, et arborem crucis ascendendo, turbam
obstantem transcendit. Sicomorus namque, quae est arbor foliis moro similis,
sed altitudine praestans, unde et a Latinis celsa nuncupatur, ficus fatua
dicitur : et eadem dominica crux credentes alit ut ficus, ab incredulis
irridetur ut fatua. Quam arborem pusillus statura Zachaeus, ut coexaltari
possit, ascendit, cum quilibet humilis et propriae conscius infirmitatis
clamat : mihi absit gloriari, nisi in cruce domini nostri Iesu Christi. Ambrosius.
Pulchre autem addidit, quia illa parte erat transiturus dominus, vel ubi
sicomorus, vel ubi crediturus, ut mysterium servaret, et gratiam seminaret :
sic enim venerat ut per Iudaeos veniret ad gentes. Vidit itaque Zachaeum
sursum; iam enim sublimitas fidei inter fructus bonorum operum, inter
fecundae altitudinem arboris eminebat. Zachaeus autem supra arborem est, quia
est supra legem. Beda.
Perambulans autem dominus venit ad locum ubi Zachaeus sicomorum ascenderat
: quia missis per mundum praedicatoribus, in quibus ipse loquebatur et ibat, venit
ad populum nationum, qui passionis eius fide iam sublimis erat; quem
suscipiens vidit, quia per gratiam elegit. Manebat autem aliquando dominus in
domo principis Pharisaeorum; sed eum opera digna Deo facientem lingua
venenata carpebant : unde eorum perosus facinora discessit dicens :
relinquetur domus vestra deserta. Hodie autem in domo pusilli Zachaei oportet
illum manere, idest novae legis gratia coruscante in humilium nationum corde
quiescere. Quod autem descendere de sicomoro, et sic mansionem in domo parare
iubetur, hoc est quod ait apostolus : etsi cognovimus secundum carnem
Christum, sed iam nunc non novimus (...). Etsi enim mortuus est ex
infirmitate, sed vivit ex virtute Dei. Manifestum est autem Iudaeos gentium
semper odisse salutem; sed salus, quae olim Iudaeorum domos implebat, hodie
populum nationum illuxit, eo quod et ipse populus filius sit Abrahae,
credendo in Deum. Theophylactus.
Sed et facile est hoc ad moralem utilitatem retorquere. Quisquis enim in
malitia pluribus praeest, parvus est statura spirituali, et non potest videre
Iesum prae turba : nam perplexus a passionibus et saecularibus rebus non
aspicit Iesum ambulantem, idest in nobis operantem, nullum opus eius
cognoscens. Ascendit autem super sicomorum, idest voluptatis dulcedinem, quae
significatur per ficum, deprimens eam; et sic sublimior factus, videt, et
videtur a Christo. Gregorius
Moralium. Vel quia sicomorus ficus fatua dicitur, pusillus Zachaeus sicomorum
subiit, et dominum vidit : quia qui mundi stultitiam humiliter eligunt, ipsi
Dei sapientiam subtiliter contemplantur. Quid enim in hoc mundo stultius quam
amissa non quaerere, possessa rapientibus relaxare, nullam pro acceptis
iniuriis iniuriam reddere? Per hanc autem sapientem stultitiam, et si nondum
solide ut est, iam tamen per contemplationis lumen Dei sapientia videtur.
Theophylactus.
Dicit autem ei dominus festinans descende; hoc est, ascendisti per
poenitentiam ad altiorem locum, descende per humilitatem, ne te supplantet
elatio : oportet enim me in humilis domo manere. Geminis autem bonis in nobis
existentibus, corporalibus scilicet et spiritualibus, cuncta corporalia
derelinquit iustus pauperibus, sed spiritualia non deserit bona, sed si quid
exegit ab aliquo, reddit quadruplum : significans per hoc quod si quis per
poenitentiam pergit in contrario tramite priscae pravitatis, per multiplices
virtutes sanat omnia pristina delicta; ac sic promeretur salutem, vocaturque
filius Abrahae, eo quod a propria cognatione exierit, scilicet ab antiqua
nequitia. |
Versets 1-10.
— S. Ambroise : Zachée était monté sur un sycomore, l’aveugle était assis le long du chemin; le Seigneur attend l’un pour exercer sa pitié à son égard, il honore l’autre en daignant descendre dans sa maison : « Jésus étant entré dans Jéricho, traversait la ville, et voici qu’un homme riche, nommé Zachée, chef des publicains» etc. C’est par un dessein particulier de Dieu que nous voyons paraître ici un chef de publicains; car qui pourra désespérer de son salut, puisque cet homme, dont les richesses venaient en grande partie de la fraude, a cependant trouvé grâce devant Dieu ? Il était riche, pour vous apprendre que tous les riches [ne] sont [pas nécessairement] des avares [Il n’y a pas de négation dans le texte latin…]. — S. Cyrille : Mais Zachée, de son côté, n’a point mis le moindre retard, et s’est ainsi montré digne de la miséricorde de Dieu, qui rend la vue aux aveugles, et appelle ceux qui sont éloignés. — Tite de Bost. La semence du salut avait germé dans son âme, puisqu’il désirait voir Jésus : « Et il cherchait à voir Jésus pour le connaître. » Il ne l’avait jamais vu, car s’il l’eût vu une seule fois, il aurait renoncé depuis longtemps aux injustices de sa vie; en effet, lorsqu’on a vu Jésus, il est impossible de persévérer dans l’iniquité. Or, deux choses s’opposaient à ce que Zachée pût voir Jésus : il en était empêché par la foule, moins des hommes que de ses péchés, et il était d’ailleurs petit de taille : « Et il ne le pouvait à cause de la foule, parce qu’il était fort petit, » ajoute l’Évangéliste. — S. Ambroise : D’où vient qu’il n’est fait mention [dans l’évangile] de la taille d’aucun autre que de celle de Zachée ? La raison n’en serait-elle pas qu’il était petit par suite de sa malice, ou qu’il était petit par son peu de foi ? car il n’était pas encore bien zélé, lorsqu’il monta sur cet arbre, il n’avait pas encore vu le Christ. — Tite
de Bost. Mais il eut une bonne inspiration, car il courut en avant et
monta sur un sycomore, et il vit ainsi passer Jésus qu’il désirait tant de
connaître : « Courant donc en avant, dit l’Évangéliste, il
monta sur un sycomore pour le voir, parce qu’il devait passer par là. »
Il désirait seulement voir Jésus, mais celui qui nous accorde toujours plus
que nous ne demandons, lui donne au delà de ses espérances : « Arrivé à cet endroit, Jésus le vit. » — S. Cyrille : Il vit son âme pleine du désir ardent de mener une vie sainte, et il l’inclina doucement vers la piété. — S. Ambroise : Sans être invité, il s’invite lui-même à descendre chez lui : « Et l’ayant vu, il lui dit : Zachée, descendez vite, car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison.» Il savait que l’hospitalité qu’il demandait serait largement récompensée, et bien qu’il n’eût pas encore entendu Zachée lui adresser d’invitation, il voyait les sentiments de son cœur. — S. Bède : Voici que le chameau a déposé la lourde protubérance [qu’il portait sur son dos], et il passe par le trou d’une aiguille, c’est-à-dire : un riche, un publicain, sacrifie l’amour des richesses, renonce à tous ses profits frauduleux, et reçoit la bénédiction que lui apporte la visite du Sauveur : « Et il se hâta de descendre, et il le reçut avec joie. » — S. Ambroise : Que les riches apprennent donc que le crime n’est pas dans les richesses, mais dans le mauvais usage qu’on en fait; car si les richesses sont un moyen de perdition pour les méchants, elles sont dans la main des bons un puissant auxiliaire de leur vertu. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Considérez l’excessive bonté du Sauveur : innocent, il se mêle aux coupables; source de toute justice, il entre en relation avec l’avarice qui est la cause de toute perversité; en entrant dans la maison d’un publicain, sa sainteté n’est point obscurcie par les sombres vapeurs de l’avarice, qu’il dissipe au contraire par l’éclat de sa justice. Cependant les envieux, et ceux qui ne cherchaient qu’à le calomnier, s’efforcent d’incriminer sa conduite : « Voyant cela, tous murmuraient en disant : ‘ Il est descendu chez un pécheur’. » Mais Jésus, accusé d’être le convive et l’ami des publicains, dédaigne ces calomnies pour accomplir son oeuvre; car le médecin ne peut guérir les malades s’il ne supporte pas ce que leurs plaies ont de rebutant. C’est ce qui arriva, le publicain changea de vie et devint meilleur : « Mais Zachée, se tenant devant Jésus, lui dit : Voici, Seigneur, que je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai fait tort en quoi que ce soit à quelqu’un, je lui rends le quadruple.» Entendez cette admirable résolution, Jésus n’a point encore parlé, et il obéit déjà. De même que le soleil, dont les rayons pénètrent dans une maison, l’éclaire non point par des paroles, mais par son action, ainsi le Sauveur dissipe les ténèbres de l’iniquité par les seuls rayons de sa justice, car il est la lumière qui luit dans les ténèbres. Tout ce qui est uni est fort, tout ce qui est divisé est faible, c’est pourquoi Zachée fait le partage de ses biens. Il faut avoir soin de remarquer que les richesses de Zachée n’étaient pas toutes le fruit de l’injustice, mais qu’elles provenaient aussi de son patrimoine. Comment aurait-il pu sans cela rendre le quadruple de ce qu’il avait acquis injustement ? Il savait que la loi prescrit de rendre le quadruple de tout bien mal acquis (Ex 22), afin que si l’on ne craint pas de violer la loi, on soit au moins arrêté par l’obligation onéreuse qu’elle impose. Mais Zachée n’attend pas la condamnation de la loi, il se fait lui-même son propre juge. — Théophylacte : Si nous voulons pénétrer plus avant, nous trouverons qu’il ne restait plus rien à Zachée de ses biens. Après avoir donné la moitié de ses biens aux pauvres, il emploie le reste à rendre le quadruple à tous ceux qu’il avait pu léser. Et non seulement il le promet, mais il le fait aussitôt, car il ne dit pas : Je donnerai la moitié de mes biens, et je rendrai quatre fois autant [à ceux à qui j’ai fait tort], mais voici que je donne, et que je restitue. Aussi Jésus-Christ lui annonce-t-il qu’il a reçu le salut : « Jésus lui dit : Le salut est entré aujourd’hui dans cette maison. » La maison ici signifie celui qui l’habite, et le Sauveur veut dire que Zachée a obtenu la grâce du salut. Il ajoute, en effet : « parce que celui-ci est aussi enfant d’Abraham. » Or, il n’aurait pu dire d’un édifice matériel et inanimé qu’il était enfant d’Abraham. — S. Bède : Zachée est appelé enfant d’Abraham, non parce qu’il est né de sa race, mais parce qu’il a été l’imitateur de sa foi, et qu’il a renoncé à ses biens pour les distribuer aux pauvres, de même qu’Abraham avait quitté son pays et la maison de son père. Notre Seigneur dit : « Il est aussi enfant d’Abraham, » pour nous apprendre que ce ne sont pas seulement ceux qui ont vécu dans la justice, mais ceux qui renoncent à leur vie injuste qui sont enfants de la promesse. — Théophylacte : Jésus ne dit pas que Zachée était fils d’Abraham, mais qu’il l’est maintenant; car tant qu’il était chef des publicains, il n’avait aucun trait de ressemblance avec le juste Abraham, et ne pouvait être son fils. Cependant comme quelques-uns murmuraient de ce que le Sauveur était descendu dans la maison d’un pécheur, il calme leur indignation en ajoutant : « Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » — S. Jean Chrysostome : Comme s’il disait : Pourquoi me faire un crime de chercher à ramener les pécheurs ? Je suis si loin de les haïr, qu’ils sont la cause de ma venue sur la terre; je suis venu comme médecin et non comme juge, aussi je ne dédaigne pas de devenir le convive des malades, et je supporte la mauvaise odeur [de leurs plaies], afin de pouvoir y appliquer des remèdes plus efficaces. Mais on me demandera comment saint Paul défend aux chrétiens de manger avec un de leurs frères qui serait ou fornicateur ou avare (1 Co 5, 11), tandis que nous voyons Jésus-Christ s’asseoir à la table des publicains. Je réponds que les publicains n’étaient pas encore élevés à la dignité de frères; et d’ailleurs saint Paul défend tout commerce avec ceux de nos frères qui persévèrent dans le mal. Or, tels n’étaient point les publicains [avec qui le Sauveur ne dédaignait pas de manger]. — S. Bède : Dans le sens figuré, Zachée, qui veut dire justifié, représente le peuple des Gentils qui a embrassé la foi. Il était comme amoindri et rapetissé par les préoccupations de la terre, mais Dieu l’a [grandi et] sanctifié. Il a désiré voir Jésus qui entre dans Jéricho, lorsqu’il a cherché à participer à la foi que le Sauveur était venu apporter au monde. — S. Cyrille : La foule représente cette multitude ignorante et tumultueuse qui n’a pu élever ses regards jusqu’au sommet de la sagesse; aussi longtemps que Zachée demeure dans la foule, il ne peut voir Jésus-Christ, mais aussitôt qu’il s’élève au-dessus de cette multitude ignorante, il mérite de recevoir dans sa maison celui qu’il désirait simplement de voir. — S.
Bède : Ou bien encore la foule (c’est-à-dire les
habitudes criminelles), qui défendait à l’aveugle de demander à Jésus par ses
cris qu’il lui rendît la vue, est aussi l’obstacle qui empêche Zachée de voir
le Sauveur. Or, de même que l’aveugle a triomphé de la foule en redoublant
ses cris suppliants, ainsi Zachée qui était petit, s’est élevé au-dessus des
obstacles de la foule, en abandonnant toutes les choses de la terre, et en
montant sur l’arbre de la croix. En effet, le sycomore, dont les feuilles
sont semblables à celles du mûrier, mais qui s’élève à une plus grande
hauteur (ce qui lui a fait donner par les latins le nom de celsa, élevé), porte aussi le nom de
figuier sauvage. Or, la croix du Seigneur est comme le figuier qui nourrit
les fidèles, tandis que les incrédules s’en moquent comme d’une folie. Zachée
qui était petit, monte sur cet arbre pour grandir sa taille; ainsi le
chrétien qui est humble et qui a la conscience de sa propre misère s’écrie :
A Dieu ne plaise que je me glorifie, si ce n’est dans la croix de Notre
Seigneur Jésus-Christ. (Ga 6.) — S. Ambroise : L’Évangéliste ajoute avec dessein : « parce que le Seigneur devait passer par là, » soit où était le sycomore, soit où Zachée, qui allait embrasser la foi, se trouvait lui-même. Le Sauveur voulait observer l’ordre mystérieux d’après lequel la grâce de la foi devait se répandre, et son dessein était d’annoncer l’Évangile aux Juifs avant de le porter aux Gentils. Il voit donc Zachée sur l’arbre, car déjà la sublimité de sa foi l’élevait au milieu des fruits des bonnes oeuvres à la hauteur d’un arbre fécond, Zachée est monté sur l’arbre, parce qu’en effet, il s’élève au-dessus de la loi. — S. Bède : Le Seigneur, en traversant la ville, arrive à l’endroit où Zachée était monté sur le sycomore. C’est ainsi qu’après avoir envoyé à travers le monde des prédicateurs dans la personne desquels il allait prêcher lui-même l’Évangile, Jésus arriva au milieu du peuple des Gentils, qui déjà s’était relevé de son état d’abaissement par la foi à sa passion; le Sauveur jette sur lui un regard en le choisissant par sa grâce. Notre Seigneur était aussi entré quelquefois dans la maison d’un des chefs des pharisiens, mais tandis qu’il y opérait des oeuvres dignes d’un Dieu, ils trouvaient le moyen de calomnier sa conduite. Aussi ne pouvant plus souffrir leur audace criminelle, il les abandonne en leur disant : « Votre maison sera laissée déserte. » (Mt 23.) Aujourd’hui, au contraire, il faut qu’il descende dans la maison de Zachée qui était petit, c’est-à-dire qu’il se repose dans le coeur des Gentils devenus humbles, en faisant briller à leurs yeux la grâce de la nouvelle loi. Zachée reçoit l’ordre de descendre de ce sycomore, et de préparer à Jésus une demeure dans sa maison; c’est ce que l’Apôtre nous recommande par ces paroles : « Si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette sorte » (2 Co 5, 16); et par ces autres : « Encore qu’il ait été crucifié selon la faiblesse de la chair; il vit néanmoins maintenant par la vertu de Dieu. » (2 Co 13, 4.) Il est manifeste que les Juifs ont toujours été opposés au salut des Gentils; mais cette grâce du salut qui remplissait autrefois les demeures des Juifs, brille aujourd’hui aux yeux des Gentils, parce qu’ils sont devenus eux-mêmes enfants d’Abraham, en imitant la foi qu’il avait en Dieu. — Théophylacte : Il est facile de tirer de ce récit des inductions morales. Ainsi celui qui a sur les autres la triste prééminence du vice, est très petit au point de vue spirituel, et il ne peut voir Jésus à cause de la foule, car embarrassé qu’il est par ses passions et par les préoccupations du monde, il ne voit point Jésus marcher, c’est-à-dire agir en nous, et il ne reconnaît aucune de ses opérations. Il monte sur un sycomore (c’est-à-dire qu’il s’élève au-dessus des douceurs de la volupté figurées par cet arbre), il le domine, et de cette hauteur, il voit Jésus-Christ et en est vu. — S. Grégoire : (Moral., 27, vers la fin.) Ou encore, comme le sycomore est aussi appelé figuier sauvage (ficus fatua), Zachée, qui est petit, monte sur un sycomore, et voit ainsi le Seigneur, parce que ceux qui embrassent avec humilité ce qui est une folie aux yeux du monde, contemplent dans tout son éclat la sagesse de Dieu. En effet, quelle folie plus grande pour le monde, que de ne pas chercher à recouvrer ce qu’on a perdu, d’abandonner ses biens à ceux qui les ravissent, et de ne pas rendre injure pour injure ? Or, c’est justement cette sage folie qui nous obtient de voir la sagesse de Dieu, sinon pleinement telle qu’elle est, du moins par la lumière de la contemplation. — Théophylacte : Or, le Seigneur lui dit : « Hâtez-vous de descendre, » c’est-à-dire : Vous êtes monté par la pénitence en un lieu élevé, descendez maintenant par un sentiment d’humilité, de peur que l’orgueil ne soit la cause de votre ruine, car je ne puis descendre que dans la maison de celui qui est humble. Il y a en nous deux sortes de biens, les biens du corps, et ceux de l’âme; le juste se dépouille donc de tous ses biens corporels au profit des pauvres, mais il conserve les biens spirituels. De plus, s’il a fait tort à quelqu’un, il lui en rend quatre fois autant; c’est-à-dire que celui qui, sous la conduite de la pénitence, marche dans un sentier tout opposé à la voie de ses anciennes iniquités, répare ainsi par ses nombreuses vertus tous ses péchés passés, il mérite ainsi la grâce du salut, et le nom d’enfant d’Abraham, parce qu’il s’est séparé de sa propre famille, c’est-à-dire de ses anciennes iniquités. |
Lectio 2 [85921] Catena in Lc., cap. 19 l. 2 Eusebius. Aestimabant quidam in primo salvatoris adventu regnum eius
venire; et hoc putabant mox tunc fieri cum ascensurus erat Hierosolymam :
adeo obstupefecerant eos miracula divina quae fecerat. Et
ideo instruit eos non prius se recipere regnum a patre, quam ab hominibus
iret ad patrem; et ideo dicitur haec illis audientibus, adiciens dixit
parabolam, eo quod esset prope Ierusalem, et quia aestimarent quod confestim
regnum Dei manifestaretur. Theophylactus.
Sed dominus ostendit eis quod vana quaedam aestimarent : non enim est
sensibile regnum Dei. Ostendit etiam quod quasi Deus novit cogitationes
eorum, proponens eis subsequentem parabolam; unde sequitur dixit ergo : homo
quidam nobilis abiit in regionem longinquam accipere sibi regnum, et reverti.
Cyrillus.
Describit autem sensus huius parabolae mysteria Christi a primo usque ad
ultimum. Homo enim factus est Deus verbum existens : et quamvis servus factus
sit, est tamen nobilis secundum ineffabilem ortum a patre. Basilius.
Non solum secundum genus humanum, ex semine David secundum carnem exortus.
Abiit autem in regionem longinquam, non tam locali distantia separatam quam
rerum conditione : ipse enim Deus prope est unicuique nostrum, cum nostra
bona opera nos ei astringunt; et distat quoties nos haerendo perditioni
elongamur ab eo. Ad hanc igitur terrenam
regionem accessit longinquam a Deo, ut gentium regnum acciperet, secundum
illud : postula a me, et dabo tibi gentes hereditatem tuam. Augustinus de quaest. Evang. Vel regio longinqua Ecclesia gentium est,
usque ad fines terrae : abiit enim ut plenitudo gentium intraret; revertetur
ut omnis Eusebius. Vel per hoc quod profectus est ad regionem longinquam,
ascensum proprium a terra in caelos designat; cum vero subdit accipere sibi
regnum, et redire, secundam sui apparitionem gloriosam et regiam ostendit. Et
primo quidem hominem se vocat propter nativitatem in carne, deinde nobilem;
nondum autem se regem appellat, quia nondum in prima apparitione regia
fungebatur maiestate. Sed et bene dicitur obtinere sibi regnum;
nam dante sibi patre illud obtinuit, secundum illud : ecce filius hominis
veniebat in nubibus, et datum est ei regnum. Cyrillus.
Ascendens enim ad caelos, sedet ad dexteram maiestatis in excelsis;
ascendens autem dispensavit credentibus in eum divinorum charismatum
differentiam, sicut servis committuntur dominicae facultates, ut aliquid
lucrantes, famulatus sui ferant praeconia; unde sequitur vocatis autem decem
servis suis, dedit illis decem mnas. Consuevit
sacra Scriptura in signum perfectionis uti numero denario : quem si quis
numerando excedere velit, ab unitate iterum inchoabit, quasi denario perducto
ad metam : et ideo in dispensatione talentorum eum qui metam attingit divini
officii, decem ait mnas recepisse. Augustinus.
Vel per decem mnas legem significat propter Decalogum; per decem autem
servos, hos quibus sub illa positis gratia praedicata est. Sic enim intelligendum est eis datas mnas ad usum, cum intellexerunt,
legem remoto velamine ad Evangelium pertinere. Beda. Mina namque, quam Graeci mnam, vocant, centum drachmis
appenditur : et omnis Scripturae sermo, quia vitae caelestis perfectionem
suggerit, quasi numeri centenarii pondere fulgescit. Eusebius. Significat ergo per eos qui mnas recipiunt, suos discipulos,
quibus mnas exhibens singulis, parem cunctis dispensationem committens
negotiari iussit. Sequitur et ait ad illos : negotiamini dum venio. Nullum
autem aliud negotium erat nisi dogma regni sui intentis mortalibus
praedicandum per suos discipulos. Idem autem est omnium
documentum eademque fides, unum Baptisma; et ob hoc mna una singulis datur. Cyrillus.
Multa autem est horum differentia ad illos qui inficiati sunt regnum Dei;
de quibus subditur cives autem eius oderant illum, et miserunt legationem
post illum, dicentes : nolumus hunc regnare super nos. Hoc est quod Christus
improperavit Iudaeis dicens : nunc vero viderunt et oderunt me et patrem.
Renuerunt autem regnum eius, dicentes Pilato : non habemus regem nisi
Caesarem. Eusebius.
Per hoc enim quod dicit cives eius, Iudaeos significat ortos ex eadem
progenie secundum carnem, et quoniam ritu legis cum illis pariter utebatur.
Augustinus
de quaest. Evang. Miserunt autem legationem post eum, quia etiam post
resurrectionem eius immiserunt persecutiones apostolis, et praedicationem
Evangelii respuerunt. Eusebius.
Postquam autem salvator haec docuit pertinentia ad primum eius adventum,
consequenter gloriosum et regium eius reditum ostendit, dicens et factum est
ut rediret accepto regno, et iussit vocari servos, quibus dedit pecuniam, ut
sciret quantum quisque negotiatus esset. Chrysostomus.
Duo regna Dei novit sacra Scriptura : alterum quidem ex creatione,
secundum quod est rex omnium creationis iure : alterum autem ex approbatione,
secundum quod iustis dominatur, propria sponte ei subiectis; et hoc regnum
hic dicitur accepisse. Augustinus
de quaest. Evang. Redit etiam accepto regno, quia in manifestissima
claritate venturus est qui eis humilis apparuit, cum diceret : regnum meum
non est de hoc mundo. Cyrillus.
Redeunte autem Christo, sumpto regno, merebuntur praeconia, et
delectabuntur verbi ministri in supernis honoribus, quia multiplicaverunt
talentum pluribus acquisitis; unde subditur venit autem primus dicens :
domine, mna tua decem mnas acquisivit. Beda.
Primus servus ordo doctorum est in circumcisione missorum; qui unam mnam
negotiaturus accepit, quia unam fidem praedicare iussus est; sed haec mna
decem mnas acquisivit, quia populum sub lege constitutum sibimet docendo
sociavit. Sequitur et ait illi : euge, serve bone : quia in modico fuisti
fidelis, eris potestatem habens super decem civitates. In modico servus est
fidelis, quia non adulterat verbum Dei. Quidquid enim in praesenti percipimus
donorum, in comparatione futurorum paucum est. Graecus.
Sed quia mercedem propriorum bonorum accipit, decem dicitur civitatibus
praeesse. De his promissis quidam infime coniectantes existimant se praeturis
et praefecturis donari in terrena Ierusalem reparata lapidibus pretiosis, si
honeste in Christo fuerint conversati, ambitum potestatis et praelationis ab
anima minime deponentes. Ambrosius.
Sed civitates decem sunt animae, quibus iure praeponitur qui pecuniam
domini et eloquia casta probata sicut argentum mentibus hominum feneraverit :
nam sicut Ierusalem dicitur aedificata ut civitas, ita sunt animae pacificae;
et sicut Angeli praesunt, ita hi qui vitam meruerunt Angelorum. Sequitur et
alter venit dicens : domine, mna tua fecit quinque mnas. Beda.
Servus ille coetus est eorum qui praeputio evangelizare missi sunt, cuius
mna, idest evangelica fides, quinque mnas fecit : quia gentes corporis
sensibus antea mancipatas ad fidei evangelicae gratiam convertit. Sequitur et
huic ait : et tu esto super quinque civitates; hoc est, ex earum quas
imbueras animarum fide et conversatione sublimis fulgeas. Ambrosius.
Vel aliter fortasse. Iste qui quinque mnas acquisivit, moralia habet, quia
quinque sunt corporis sensus; ille qui decem, duplicia; idest mystica legis,
et moralia probitatis. Possumus et hic decem mnas decem verba intelligere,
idest legis doctrinam; quinque mnas magisteria disciplinae; sed legisperitum
in omnibus volo esse perfectum. Bene autem quia de Iudaeis dicit, duo soli
multiplicatam pecuniam deferunt, non utique aeris, sed disputationis usuris.
Chrysostomus.
Alia est enim pecunia fenoris, alia doctrinae caelestis usura. In terrenis
enim opibus non evenit unum fieri divitem, nisi alter depauperetur; sed in
spiritualibus non evenit quemquam ditari, nisi faciat et alium locupletem :
in corporeis enim participatio minuit, sed in spiritualibus auget. Augustinus
de quaest. Evang. Vel aliter. Quod unus eorum qui bene usi sunt, decem
acquisivit, et alter quinque, significat eos esse acquisitos in gregem
domini, a quibus iam lex per gratiam intellecta est, sive propter decem legis
praecepta, sive quia ille per quem lex lata est, quinque libros conscripsit.
Ad hoc pertinent decem et quinque civitates, quibus eos praeponit :
multiplicatio enim intelligentiae in ipsa varietate, quae de unoquoque
praecepto vel de unoquolibet libro pullulat, ad unum reducta, quasi civitatem
facit viventium rationum aeternarum : est enim civitas, non quorumlibet
animantium, sed rationalium multitudo, legis unius societate devincta. Quod
ergo servi reddentes rationem ex eo quod acceperant, laudantur qui lucrati
sunt, significat eos bonam reddere rationem qui bene usi sunt eo quod
acceperunt ad augendas divitias domini per eos qui credunt in eum. Quod qui
facere nolunt, in illo signati sunt qui mnam suam in sudario servavit; de quo
sequitur et tertius venit dicens : domine, ecce mna tua quam habui repositam
in sudario. Sunt enim homines hac sibi perversitate blandientes, ut dicant :
sufficit ut de se unusquisque rationem reddat; quid opus est aliis praedicare
et ministrare ut etiam rationem de ipsis quisque reddere cogatur? Cum apud
dominum etiam illi sint inexcusabiles quibus lex data non est, neque etiam
qui audito Evangelio non obediverunt : quia per creaturam poterant cognoscere
creatorem; unde sequitur timui enim te, quia homo austerus es : tollis quod
non posuisti, et metis quod non seminasti. Hoc est enim quasi metere ubi non
seminavit, idest eos impietatis reos tenere, quibus verbum aut legis, aut
Evangelii ministratum non est. Hoc autem veluti iudicii periculum devitantes
pigro labore a verbi ministratione conquiescunt : et hoc est quasi in sudario
ligare quod acceperunt. Theophylactus. Sudario enim mortuorum facies velatur : merito ergo
hic piger dicitur mnam in sudario involvisse, quia eam mortificans, et
otiosam dimittens, non tractavit nec auxit. Beda. Vel pecuniam in sudario ligare, est percepta dona sub otio
lenti corporis abscondere. Quod autem putaverat se per excusationem dixisse,
in culpam propriam vertitur; unde sequitur dicit ei : de ore tuo te iudico,
serve nequam. Servus nequam vocatur quasi piger ad exercendum negotium, et
superbus ad accusandum domini iudicium. Sciebas quod austerus homo ego sum,
tollens quod non posui, et metens quod non seminavi; et quare non dedisti
pecuniam meam ad mensam? Quasi dicat : si durum me esse noveras, et
aliena sectari; quare non tibi haec cogitatio incussit timorem, ut scires me
mea diligentius quaesiturum? Pecunia autem vel argentum praedicatio Evangelii
est, et sermo divinus, quia eloquia domini eloquia casta, argentum igne
examinatum, qui sermo domini dari debuit ad mensam, hoc est promptis
paratisque cordibus intimari. Augustinus. Vel mensa ad quam danda erat pecunia, professionem ipsam
religionis accipimus, quae tamquam publice proponitur ad usum necessarium
saluti. Chrysostomus. In sensibilibus autem divitiis debitores solius
observationis obnoxii sunt; quantum enim recipiunt, tantum eos reddere
necesse est, et nihil plus ab eis quaeritur. In divinis autem eloquiis non
solum ad custodiam obligamur, sed etiam multiplicare monemur; unde sequitur
et ego veniens cum usuris utique exegissem illam. Beda. Qui enim verbi pecuniam a doctore percipit credendo, necesse
est ut eam cum usuris solvat operando; vel ut ex eo quod audivit, etiam alia
studeat intelligere, quae necdum ex praedicatoris ore didicit. Cyrillus. Doctorum enim est inserere auditoribus salutarem et
proficuum sermonem; opus autem divinae virtutis est attrahere obedientes ad
audientiam, et fertilem eorum reddere intellectum. Non
est autem hic servus laudatus, neque honorem promeruit; sed potius tamquam
iners est condemnatus; unde sequitur et adstantibus dixit : auferte ab eo
mnam, et date illi qui decem mnas habet. Augustinus.
Per quod significatur et illum posse amittere munus Dei qui habens non
habet, idest eo non utitur; et eo augeri qui habens habet, idest bene utitur.
Beda.
Mystice autem hoc, ut reor, indicat, intrante plenitudine gentium, omnem
Israel salvum futurum, et tunc abundantiam gratiae spiritualis, quam modo nos
tepide exercemus, illius populi doctoribus esse conferendam. Chrysostomus.
Ideo autem dicit adstantibus auferte ei mnam, quia non est prudentis animi
punire; sed alio quodam, scilicet ministro, eget ad puniendum officio
iudicis; nam et Deus non ipsemet poenas irrogat, sed mediantibus Angelis.
Ambrosius.
De aliis servis siletur, qui quasi prodigi debitores quod acceperant
perdiderunt. In duobus servis illis qui lucrati sunt, pauci signati sunt qui
per duas vices ad cultores vineae sunt destinati, in reliquis omnes Iudaei.
Sequitur et dixerunt illi : domine, habet decem mnas. Et ne hoc iniustum
videretur, subdit dico autem vobis, quia omni habenti dabitur. Theophylactus.
Quia cum decem auxerit decuplando, palam est quod et plura decuplans
pluris lucri fiet occasio domino. A deside vero et otioso, qui non satagit
augere quod acceperat, ipsum quoque quod possidet auferetur; unde sequitur ab
eo autem qui non habet, et quod habet auferetur ab eo : ne vacet census
dominicus; cum posset dari aliis, et multiplicari. Haec autem non solum ad
sermonem et doctrinam referenda sunt, sed etiam ad morales virtutes : quoniam
et in his dat nobis Deus sua charismata, hunc dotans ieiunio, illum oratione,
alium mansuetudine vel humilitate : quibus si invigilaverimus,
multiplicabimus ea; si vero tepeamus, extinguemus. Deinde de adversariis
subdit verumtamen inimicos meos, illos qui noluerunt me regnare super se,
adducite, et interficite ante me. Augustinus. Per quod designat impietatem Iudaeorum, quia ad eum
noluerunt converti. Theophylactus. Quos tradidit morti, mittens eos in ignem
exteriorem; sed et in hoc mundo mactati sunt flebiliter ab exercitu Romanorum.
Chrysostomus. Haec contra Marcionistas competunt; nam et Christus
dicit adducite hostes meos, et occidite coram me : cum tamen illi bonum
dicant Christum, Deum vero veteris testamenti malum. Patet autem quod pater
et filius eadem facit : nam pater ad vineam destinat exercitum; filius autem
hostes coram se trucidari facit. Haec autem quae in Luca scribitur parabola alia est ab ea quae in
Matthaeo narratur de talentis : nam hic quidem ex uno capitali accepto, varii
fuere proventus : quia ex una mna accepta, hic quinque talenta, ille obtulit
decem; sed apud Matthaeum contrarium : nam qui duo accepit, duo superaddidit
: et qui quinque, tantumdem; unde et praemiis donantur imparibus |
Versets 11-27.
— Eusèbe : Il en était qui pensaient que le premier avènement du Sauveur serait immédiatement suivi de l’établissement de son royaume, et ils croyaient que ce royaume commencerait lors de son entrée à Jérusalem, tant la vue des miracles qu’il avait opérés les avait frappés d’étonnement. Il les avertit donc que son père ne le mettrait pas en possession de son royaume, avant qu’il eût quitté les hommes pour retourner à son Père : « Comme ils écoutaient ces discours, il ajouta encore une parabole parce qu’il était près de Jérusalem, et qu’on croyait que le royaume de Dieu allait paraître aussitôt. » — Théophylacte : Le Seigneur leur fait voir qu’ils sont dans l’illusion; car le royaume de Dieu n’est pas une chose [extérieure et] sensible. Il leur montre aussi que comme Dieu il connaît leurs pensées, en leur proposant la parabole suivante : « Il dit donc : Un homme de grande naissance s’en alla en un pays lointain pour prendre possession d’un royaume et revenir ensuite. » — S. Cyrille : L’explication de cette parabole retrace tous les mystères de Jésus-Christ, depuis le premier jusqu’au dernier. En effet, le Verbe qui était Dieu s’est fait homme, et quoiqu’il ait pris la forme d’esclave, il est cependant noble par sa naissance ineffable au sein du Père. — S.
Basile : (sur
Is 13.) Cette
noblesse, il ne la tire pas seulement de sa divinité, mais de son humanité,
puisqu’il est né selon la chair de la race de David. Il s’en est allé dans un
pays lointain, non point par la distance matérielle qui nous sépare de lui,
mais par la différence de condition entre lui et nous. Dieu est près de
chacun de nous, toutes les fois que nous lui sommes unis par la pratique des
bonnes oeuvres, et il s’en éloigne, toutes les fois que, poursuivant notre
perte, nous nous séparons de lui. Il s’en alla donc dans cette région
terrestre si éloignée de Dieu, pour prendre possession du royaume des
nations, selon cette prédiction du Roi-prophète : « Demandez-moi, et
je vous donnerai toutes les nations pour héritage. » (Ps 2; cf. Ac 13, 3; He 1, 5; He 5, 5)
— S. Augustin : (Quest. évang., 2, 40.) Ou bien cette région lointaine, c’est l’Église des Gentils qui s’est étendue jusqu’aux extrémités de la terre; car le Sauveur s’en est allé pour faire entrer la plénitude des nations, et il reviendra pour que tout le peuple d’Israël obtienne la grâce du salut. Eusèbe
: Ou bien ce départ pour un pays lointain, signifie sa
propre ascension de la terre aux cieux; et lorsqu’il ajoute « pour
prendre possession de son royaume et revenir, » il fait allusion à
la gloire et à la majesté de son second avènement. Il prend seulement d’abord
le nom d’homme, à cause de sa naissance temporelle, il y ajoute le titre de
noble, mais il n’y joint pas encore celui de roi, parce que lors de son
premier avènement il n’était pas environné de l’éclat de la majesté royale.
Il ajoute avec raison : « pour entrer en possession de son
royaume », car il l’a reçu des mains de son Père qui le lui a donné,
selon ces paroles de Daniel : « Le Fils de l’homme venait sur les
nuées, et le royaume lui fut donné. » (Dn 7.) — S. Cyrille : En effet, lorsqu’il monte dans les cieux, il va s’asseoir à la droite de la majesté du Très-Haut; et en y montant il répand suivant certaine mesure les grâces divines sur ceux qui croient en lui, de même qu’un maître confie ses biens à ses serviteurs pour qu’ils les fassent fructifier, et qu’ils méritent ainsi la récompense de leurs services : « Ayant appelé dix de ses serviteurs, il leur donna dix mines. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) La sainte Écriture emploie ordinairement le nombre dix pour exprimer la perfection. En effet, lorsqu’on veut dépasser ce nombre, il faut commencer de nouveau par l’unité, comme si le dernier était la limite du nombre parfait; voilà pourquoi dans la distribution des talents, celui qui atteint la limite des devoirs que Dieu lui impose, reçoit dix mines. — S. Augustin : (quest. Evang.) Ou bien encore, les dix mines signifient le décalogue de la loi, et les dix serviteurs, tous ceux qui étaient soumis à la loi et auxquels la grâce de l’Évangile a été annoncée. Car nous devons entendre que ces dix mines ne leur ont été confiées, que lorsqu’ils comprirent que la loi, débarrassée de ses voiles, se rapportait à l’Évangile. — S. Bède : La mine que les Grecs appellent μνα, pesait cent drachmes, et tout discours de l’Écriture qui nous enseigne la perfection de la vie des cieux a, pour ainsi dire, la valeur éclatante du nombre cent. — Eusèbe : Ceux qui reçoivent ces mines représentent ses disciples, à chacun desquels il confie la même somme, en leur recommandant à tous le même emploi, c’est-à-dire de la faire fructifier : « Et il leur dit : Faites-les valoir jusqu’à ce que je revienne. » Or, le seul moyen pour les disciples de les faire valoir, était d’annoncer aux hommes attentifs la doctrine de son royaume, doctrine qui est la même pour tous, c’est la même foi, le même baptême, et c’est pour cela que chacun d’eux reçoit une mine. — S. Cyrille : Mais il y a une grande différence entre ces derniers, et ceux qui ont refusé de recevoir le royaume de Dieu, et dont il ajoute : « Or, ceux de son pays le haïssaient, et ils envoyèrent une ambassade après lui, pour dire : ‘Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous’.» C’est le reproche que Jésus-Christ adressait aux Juifs : « Maintenant ils ont vu les oeuvres que j’ai faites, et ils nous ont haï, et mon Père et moi. » (Jn 15.) Ils ont refusé de se soumettre à son règne, lorsqu’ils dirent à Pilate : « Nous n’avons pas d’autre roi que César. » (Jn 19.) — Eusèbe : Dans ceux qu’il appelle ses concitoyens, les Juifs se trouvent clairement désignés, puisqu’ils avaient les mêmes ancêtres selon la chair, et parce qu’il se conformait comme eux aux prescriptions de la loi. — S. Augustin : (quest. Evang.) Ils envoyèrent une députation après lui, parce que même après sa résurrection ils poursuivirent les Apôtres par de continuelles persécutions, et rejetèrent ouvertement la prédication de l’Évangile — Eusèbe : Le Sauveur, après avoir parlé de ce qui a trait à son premier avènement, prédit son retour dans tout l’éclat de sa gloire et de sa majesté : « Etant donc revenu après avoir été mis en possession de son royaume, il fit appeler ses serviteurs auxquels il avait donné de l’argent, afin de savoir comment chacun l’avait fait valoir. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 39, sur la 1re Epît. aux Cor.) (1 Co 15, 24). La sainte Écriture distingue deux règnes de Dieu sur les hommes, l’un qu’il tient de la création, et qu’il possède comme Roi universel de tout ce qui existe, en vertu de son droit de Créateur; l’autre qui est un règne d’affection qu’il n’exerce que sur les justes qui lui sont librement et volontairement soumis; c’est ce dernier royaume dont il prend ici possession. — S. Augustin : (quest. Evang.) Il revient après avoir pris possession de ce royaume, parce qu’il doit revenir dans tout l’éclat de sa gloire, lui qui avait apparu d’abord si humble au milieu des hommes, lorsqu’il disait : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » (Jn 18.) — S. Cyrille : Or, lorsque Jésus-Christ reviendra, après avoir pris possession de son royaume, il donnera aux ministres de sa parole les éloges qu’ils ont mérités, et les comblera d’honneurs dans les cieux, parce qu’en faisant valoir le talent qui leur avait été confié, ils en ont acquis un grand nombre d’autres : « Le premier vint et dit : Seigneur, votre mine a produit dix autres mines. » — S. Bède : Ce premier serviteur représente l’ordre des docteurs qui ont été envoyés au peuple de la circoncision, il a reçu une mine pour la faire valoir, parce que les docteurs ont reçu l’ordre de prêcher une seule et même foi. Cette mine en a produit dix autres, parce que leurs enseignements ont fait entrer en société avec eux le peuple qui vivait sous la loi. « Il lui dit : Fort bien, bon serviteur, parce que vous avez été fidèle en peu de choses, reçois le gouvernement de dix villes.». Ce serviteur a été fidèle en peu de choses, c’est-à-dire qu’il n’a point altéré la parole de Dieu; car tous les dons que nous pouvons recevoir dans la vie présente, ne sont rien en comparaison de ceux qui nous sont réservés pour l’avenir. — Evagre : (Chronique des Pères grecs) L’Évangile nous dit que ce serviteur reçoit le gouvernement de dix villes, parce qu’il reçoit la récompense de ses propres biens. Il en est qui interprétant ces promesses dans un sens grossier et laissant encore dominer dans leur âme l’ambition du pouvoir et des honneurs, s’imaginent que, s’ils sont fidèles à Jésus-Christ, ils recevront les dignités de préteurs et de gouverneurs dans la Jérusalem terrestre qu’ils espèrent voir rebâtir avec des pierres précieuses. — S. Ambroise : Ces dix villes sont les âmes à la tête desquelles est placé à juste titre celui qui a fait fructifier dans le coeur des hommes les trésors du Seigneur, c’est-à-dire : « Les paroles du Seigneur qui sont pures comme l’argent éprouvé par le feu. » (Ps 11.) De même que Jérusalem est bâtie comme une ville (Ps 121), ainsi en est-il des âmes pacifiques, et ceux qui ont été jugés dignes de la vie des anges, sont établis comme les anges au-dessus de ces âmes pour les diriger et les conduire. « Un autre vint et dit : Seigneur,
votre mine a produit cinq autres mines. » — S. Bède : Ce serviteur représente la phalange de ceux qui ont été envoyés pour prêcher l’Évangile aux Gentils. La mine qui leur a été confiée, (c’est-à-dire la foi de l’Évangile) a produit cinq mines, parce qu’ils ont converti à la grâce de la foi les nations qui étaient auparavant esclaves des sens du corps : « Vous, lui répondit-il, vous aurez puissance sur cinq villes, » c’est-à-dire la perfection de votre vie brillera d’un éclat supérieur à celui des âmes que vous, avez initiées à la foi. — S. Ambroise : Ou bien dans un autre sens : Celui qui a gagné cinq mines est celui qui est chargé d’enseigner les préceptes de la morale, parce que notre corps a cinq sens [qui ont chacun leurs obligations distinctes]; celui qui en a gagné dix, reçoit le double, le pouvoir d’enseigner les mystères de la loi, et la sainteté de la morale chrétienne. Nous pouvons encore voir dans les dix mines, les dix commandements de la loi (c’est-à-dire la doctrine de la loi), et dans les cinq mines, les conseils de la perfection; mais je veux que le docteur de la loi soit parfait en toutes choses. Comme il est ici question des Juifs, il n’y a que deux serviteurs qui apportent le produit de leur argent, non de l’argent de lui-même, mais de leur bonne administration. — S. Jean Chrysostome : Car le produit de la doctrine céleste ne ressemble point au produit de l’argent que l’on prête à intérêt. Pour les biens de la terre, l’on ne peut guère devenir riche sans qu’un autre s’appauvrisse; pour les biens spirituels, au contraire, on ne peut s’enrichir qu’à la condition d’enrichir les autres; c’est qu’en effet, le partage des biens extérieurs les diminue nécessairement, tandis que les biens spirituels ne font que s’accroître en se partageant. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 46.) On peut dire encore que les dix et les cinq mines qui ont été gagnées par les deux serviteurs qui ont fait un bon emploi de la somme qui leur était confiée, représentent ceux à qui la grâce avait déjà donné l’intelligence de la loi et qui ont été comme acquis au troupeau de Dieu; analogie fondée sur les dix préceptes de la loi, ou sur les cinq livres écrits par Moïse qui a été chargé de donner la loi. Les dix et les cinq villes, à la tête desquelles le Seigneur place ces fidèles serviteurs, se rapportent au même sujet; car la multiplicité des interprétations variées qui sortent en abondance de chaque précepte ou de chaque livre, ramenées ou réduites à un seul et même objet, forme comme la ville des intelligences, qui vivent des pensées éternelles. En effet, une ville n’est pas une agglomération d’êtres quelconques, mais une multitude d’êtres raisonnables unis entre eux par les liens d’une loi commune. Les serviteurs qui reçoivent des éloges pour avoir fait valoir et fructifier la somme qui leur était confiée, représentent ceux qui justifieront du bon emploi qu’ils ont fait du talent qu’ils ont reçu en multipliant les richesses du Seigneur, c’est-à-dire le nombre de ceux qui croient en lui. Ceux qui ne peuvent rendre compte sont figurés par le serviteur qui avait gardé dans un linge la mine qu’il avait reçue : « Et un troisième vint et dit : Seigneur, voilà votre mine que j’ai gardée enveloppée dans un suaire, » etc. Il y a, en effet, des hommes qui se rassurent dans cette coupable erreur, qu’il suffit que chacun rende compte de lui-même. A quoi bon, disent-ils, prêcher aux autres et travailler à leur salut, pour assumer ainsi devant Dieu la responsabilité des autres ? puisque d’ailleurs ceux-mêmes qui n’ont pas reçu la loi, sont inexcusables devant Dieu, aussi bien que ceux qui sont morts sans que l’Évangile leur ait été annoncé, parce que les uns et les autres pouvaient connaître le Créateur par les créatures : « Je vous ai craint, parce que vous êtes un homme sévère, tu prends ce que tu n’as pas déposé, et tu moissones ce que tu n’as pas semé.» En effet, Dieu semble moissonner ce qu’il n’a pas semé, en condamnant comme coupables d’impiété, ceux qui n’ont jamais entendu parler ni de la loi, ni de l’Évangile. Or, c’est sous le prétexte d’éviter la responsabilité de ce jugement sévère, qu’ils vivent dans l’oisiveté, et négligent le ministère de la parole, et c’est comme s’ils enveloppaient dans un suaire le talent qu’ils ont reçu. — Théophylacte : C’est avec un suaire que l’on couvre la face des morts. Ce n’est donc pas sans raison qu’il est dit que ce serviteur paresseux avait enveloppé dans un suaire la mine qu’il avait reçue, parce qu’il l’avait laissée comme ensevelie et sans emploi, sans la faire ni valoir ni fructifier. — S. Bède : On peut dire encore qu’envelopper l’argent dans un suaire, c’est ensevelir dans l’oisiveté d’une indolente apathie les dons qu’on a reçus de Dieu. Or, ce que ce serviteur prétendait donner comme excuse, est justement ce qui le fait déclarer plus coupable : « Le maitre lui répondit : Je te juge sur ce qui vient de ta bouche, méchant serviteur. » Il l’appelle méchant serviteur, tant pour sa négligence à faire valoir le talent qui lui était confié, que pour l’orgueilleuse hardiesse avec laquelle il accuse la justice du Seigneur : « Vous saviez que j’étais un homme sévère, reprenant ce que je n’ai pas déposé, et moissonnant ce que je n’ai pas semé, pourquoi donc n’avez-vous pas mis mon argent à la banque ? », c’est-à-dire : Vous saviez que j’étais dur et prêt à reprendre ce qui ne m’appartenait pas, pourquoi cette pensée ne vous a-t-elle pas inspiré la crainte que j’exigerais avec bien plus de sévérité encore ce qui m’appartient ? Cet argent, c’est la prédication de l’Évangile et la parole divine, car la parole de Dieu est pure comme l’argent éprouvé par le feu. (Ps 11.) Cette parole de Dieu devait être mise à la banque, c’est-à-dire déposée dans des coeurs ouverts et bien disposés. — S. Augustin : (Quest. évang.) Ou encore, cette banque à laquelle l’argent doit être placé, c’est la profession extérieure et publique de la religion qui nous est imposée comme un moyen nécessaire de salut. — S.
Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Dans l’ordre des
richesses matérielles, les débiteurs ne sont obligés qu’à représenter la
somme qui leur a été donnée; ils ne doivent rendre qu’autant qu’ils ont reçu,
et on ne leur en demande pas davantage. Mais pour la parole divine, non
seulement nous sommes obligés de la garder fidèlement, mais nous devons
encore la faire fructifier, comme le Sauveur nous en avertit par les paroles
qui suivent : « afin qu’à mon
retour, je reprenne mon argent avec intérêt. » — S. Bède : Celui, en effet, qui reçoit par la foi l’argent de la parole divine que lui confient les docteurs de l’Évangile, doit le rendre avec usure, soit par la pratique des bonnes oeuvres, soit en se servant de ce qu’il a entendu pour chercher à comprendre ce que les prédicateurs ne lui ont point encore expliqué. — S.
Cyrille : Le devoir des docteurs c’est d’annoncer
aux fidèles les salutaires enseignements de l’Évangile; mais il n’appartient
qu’à la grâce divine de leur faire comprendre ce qu’ils écoutent avec
docilité, et de féconder leur intelligence. Or, ce serviteur n’a mérité ni
louange, ni honneur ; loin de là, il a été condamné comme un serviteur
paresseux : « Et il dit à ceux qui
étaient présents : ôtez-lui la mine, et la donnez à celui qui en a
dix. » — S. Augustin : (Quest. évang.) Nous apprenons de là qu’on peut perdre les dons de Dieu, si on les a sans les avoir, c’est-à-dire sans en faire usage, et qu’on mérite, au contraire, de les voir augmenter lorsqu’on les possède véritablement, c’est-à-dire quand on en fait un salutaire emploi. — S. Bède : Dans le sens figuré, cette dernière circonstance signifie je pense, que lorsque la plénitude des nations sera entrée dans l’Église, tout Israël sera sauvé (Rm 11), et qu’alors la grâce spirituelle se répandra avec abondance sur les docteurs, cette grâce que jusqu’alors nous avons pratiquée avec tiédeur. — S. Jean Chrysostome : (hom. 43 sur les Actes.) Le Seigneur dit à ceux qui étaient présents : « Ôtez-lui la mine, » parce qu’il ne convient pas à l’homme sage de punir [par lui-même], et il se sert d’un autre, c'est-à-dire d’un ministre, pour infliger le châtiment qu’il a prononcé comme juge; ainsi Dieu ne punit point par lui-même les pécheurs, mais par le ministère des anges. — S.
Ambroise : On ne dit rien des autres serviteurs,
qui, comme des débiteurs prodigues, ont laissé perdre ce qui leur avait été
confié. Les deux serviteurs qui ont fait fructifier ce qu’ils avaient reçu,
représentent le petit nombre de ceux qui, par deux fois, sont appelés à
cultiver la vigne du Seigneur; les autres représentent tous les Juifs : « Seigneur, lui dirent-ils, il a déjà
dix mines. » Mais pour que cette mesure ne paraisse pas injuste, le
Seigneur ajoute : « Je vous le
dis : ‘On donnera à celui qui a.’» —
Théophylacte : Puisqu’il a décuplé la mine qu’il
avait reçue, [et en a représenté dix à son maître], il est évident que s’il
en multiplie un plus grand nombre dans la même proportion, le profit de son
maître sera plus considérable. Quant au serviteur oisif et paresseux, qui n’a
point cherché à augmenter ce qu’il avait reçu, on lui ôtera même ce qu’il
possède : « Et à celui qui n’a
pas, on ôtera même ce qu’il a, » afin que l’argent du maître ne
demeure pas infructueux, tandis qu’il peut être donné à d’autres qui le feront
fructifier. Cette vérité s’applique non seulement à la prédication et à
l’enseignement, mais à la pratique des vertus morales. En effet, Dieu nous
donne pour ces vertus des grâces [et une aptitude particulière], il donne à
l’un la grâce du jeûne, à l’autre celle de la prière, à un troisième la grâce
de la douceur et de l’humilité. Si nous sommes attentifs à profiter de ces
grâces, nous les multiplierons, mais si nous sommes indifférents, nous les
perdrons sans retour. Notre Seigneur ajoute ensuite pour ses ennemis : « Quant à mes ennemis, qui n’ont pas
voulu m’avoir pour roi, amenez-les ici, et tuez-les devant moi. » — S. Augustin : (Quest. évang.) Il désigne ici l’impiété des Juifs qui n’ont pas voulu se convertir à lui. — Théophylacte : Il les livrera à la mort en les jetant dans le feu extérieur (cf. Mt 8, 22; 25), et dès cette vie même, ils ont été massacrés impitoyablement par les armées romaines. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Cette sentence tombe directement sur les Marcionites. Jésus-Christ dit ici : « Amenez mes ennemis, et qu’on les mette à mort en ma présence » ; et cependant ils prétendent que le Christ est bon, et que le Dieu de l’Ancien Testament est mauvais. Or, il est évident que le Père et le Fils font ici la même chose, le Père envoie une armée à la vigne pour détruire ses ennemis (Mt 21), et le fils les fait mettre à mort en sa présence. — S. Jean Chrysostome : (hom. 79 sur Matth.) Cette parabole citée par saint Luc est différente de la parabole des talents racontée par saint Matthieu (Mt 25). Nous voyons ici le même capital donner divers produits, puisqu’une seule mine rapporte d’un côté cinq, de l’autre, dix mines. Dans la parabole de saint Matthieu, c’est le contraire, celui qui a reçu deux talents, en a gagné deux autres, celui qui en avait reçu cinq, en a gagné autant; et c’est la raison pour laquelle ils ne reçoivent pas la même récompense. |
Lectio 3 [85922] Catena in Lc., cap. 19 l. 3 Titus. Quia dominus dixerat : appropinquavit regnum Dei, videntes illum
in Ierusalem ascendentem, putabant ideo ascendere ut regnum Dei inchoaret.
Consummata ergo parabola, in qua errorem praedictum correxit, et ostenso quod
nondum insidiantem sibi mortem devicerat, procedebat ad passionem, ascendens
Hierosolymam; unde dicitur et his dictis, praecedebat ascendens Ierusalem.
Beda.
Ostendens etiam de eiusdem civitatis eventu parabolam fuisse praemissam,
quae et ipsum erat occisura, et hostili clade peritura. Sequitur et factum
est, cum appropinquasset ad Bethphage et Bethaniam, ad montem qui vocatur
oliveti, misit duos discipulos suos. Bethphage erat locus sacerdotum in monte
oliveti; Bethania quoque civitas, sive villula, ex latere montis eiusdem,
quasi stadiis quindecim a Ierusalem. Chrysostomus.
Et quidem in exordiis indifferenter se dominus ingerebat Iudaeis; sed ubi
sufficienter edidit suae potestatis experimentum, auctoritate multa singula
quaeque pertractat. Multa igitur fiunt miracula. Praedixit quoniam invenietis
pullum indomitum; et hoc est quod subditur dicens : ite in castellum quod
contra vos est; quod introeuntes invenietis pullum asinae alligatum, cui nemo
unquam hominum sedit. Praedicit etiam quod nemo prohibebit, sed cum
audierint, silebunt; unde sequitur solvite illum, et adducite. Si quis vos
interrogaverit : quare solvitis? Sic
dicetis ei : quia dominus operam eius desiderat. Titus. In hoc autem divinam fore vocationem patuit : non enim
potest aliquis resistere Deo quae sua sunt evocanti. Discipuli autem iussi
ducere pullum, non refutaverunt hoc officium ut parvum, sed abierunt ut
adducerent eum; unde sequitur abierunt autem qui iussi erant, et invenerunt,
sicut dixit, pullum stantem. Basilius.
Sic quoque docet nos et infima opera plurimo cum affectu et studio
aggredi, scientes quod quicquid intuitu Dei fit, non est parvum, sed dignum
in regno caelorum. Titus.
Obmutescunt autem ob excellentiam fortis virtutis, nequeuntes resistere
salvatoris eloquiis, qui ligaverunt asinum; sequitur enim solventibus autem
illis, dixerunt domini eius ad illos : quid solvitis pullum? At illi dixerunt
: quia dominus eum necessarium habet. Maiestativum enim nomen est dominus :
rex enim erat venturus in conspectu multitudinis. Augustinus
de Cons. Evang. Nec moveat quod Matthaeus asinam et pullum dicit, ceteri
autem de asina tacent : ubi enim utrumque factum potest intelligi, nulla
repugnantia est, nec si alius alia commemoraret; quanto minus ubi alius unum,
et alius utrumque? Glossa.
Nec solum discipuli obsecuti sunt Christo in pullo alieno, sed etiam in
propriis vestimentis, quae partim asino imposuerunt, partim sternebant in
via; unde sequitur et duxerunt illum ad Iesum, et iacientes vestimenta sua
supra pullum, imposuerunt Iesum. Exeunte autem illo, substernebant vestimenta
sua in via. Beda.
Iuxta alios Evangelistas, non discipuli tantum, sed etiam plurimi de turba
vestimenta sternebant in via. Ambrosius
in Lucam. Mystice autem dominus venit ad montem oliveti, ut novellas oleas
in sublimi veritate plantaret; et fortasse ipse mons Christus est : quis enim
alius tales fructus ferret olearum spiritu sancto fecundarum? Beda.
Pulchre autem civitates positae in monte oliveti referuntur, hoc est in
ipso domino, qui unctionem spiritualium charismatum scientiae pietatisque
luce refovet. Origenes.
Bethania autem interpretatur domus obedientiae; Bethphage vero domus
maxillarum, sacerdotalis quidam locus : maxillae enim sacerdotibus dabantur,
sicut in lege praecipitur : illuc vero ubi obedientia, et ubi locus
sacerdotibus mancipatur, mittit salvator discipulos suos, ut solvant asinae
pullum. Ambrosius.
In castello enim erant, et erat ligatus pullus cum asina, nec poterat
solvi nisi iussu domini. Solvit eum manus apostolica. Talis actus, talis
vita, talis gratia. Esto talis, ut ligatos possis solvere. In asina quidem
Matthaeus Evangelista quasi matrem figuravit erroris; hic autem in pullo
generalitatem populi gentilis expressit. Et bene in quo nemo sedit, quia
nullus ante quam Christus nationum populos vocavit ad Ecclesiam. Alligatus
autem perfidiae vinculis tenebatur, iniquo addictus domino erroris famulatu;
sed dominatum vindicare sibi non poterat, quem dominum fecerat non natura,
sed culpa; et ideo cum dominus dicitur, unus agnoscitur. Misera servitus cui
vagum ius est : plures enim habet dominos qui unum non habet. Alieni alligant
ut possideant; iste solvit, ut teneat : vehementiora enim dona novit esse
quam vincula. Origenes.
Multi ergo erant domini huius pulli, antequam salvator eum haberet
necessarium; postquam vero ille coepit esse dominus, plures esse domini cessaverunt
: nemo enim potest Deo servire et mammonae. Quando malitiae servimus, multis
sumus passionibus vitiisque subiecti. Necessarium autem habet dominus pullum,
quia cupit nos solvi vinculis peccatorum. Origenes
super Ioannem. Ego autem opinor non frustra castellum esse hunc locum, ubi
stabat asina ligata et pullus : quasi castellum enim respectu totius orbis
caelestis tota terra despicitur absque adiectione alterius nominis nuncupatum.
Ambrosius.
Nec illud est otiosum quod duo discipuli diriguntur, Petrus ad Cornelium,
Paulus ad reliquos : et ideo non personas destinavit, sed numerus definivit.
Tamen si quis est qui personas exigat, potest aestimare de Philippo, quem
spiritus sanctus misit in Gazam, quando Candacis reginae baptizavit eunuchum.
Theophylactus.
Vel duo missi hoc innuunt, quod ad introductionem gentilis populi et
subiectionem eius ad Christum, duos faciunt gradus prophetae et apostoli.
Ducunt autem eum a quodam castello, ut innotescat nobis quod hic populus
rusticanus erat et indoctus. Ambrosius.
Illi ergo directi cum solverent pullum, non suis verbis sunt usi, sed
dixerunt sicut dixerat illis Iesus; ut agnoscas quod non suo sermone, sed
verbo Dei, nec proprio, sed Christi nomine fidem populis infudere gentilibus
: atque adversariae potestates, quae sibi nationum obsequia vindicabant,
mandato cessere divino. Origenes
in Lucam. Deinde mittunt discipuli vestes suas super asinam, et sedere
faciunt salvatorem, dum assumunt sermonem Dei, et imponunt eum super animas
audientium. Vestibus exuuntur, et substernunt eas in
via : quia vestimenta apostolorum, opera eorum bona sunt. Et
revera solutus a discipulis asinus, et portans Iesum incedit super vestimenta
apostolorum, quando doctrinam eorum imitatur et vitam. Quis nostrum ita
beatus est ut sedeat super illum Iesus? Ambrosius.
Non enim mundi dominum gestari super dorsum asinae delectavit : sed ut
latente mysterio in secretis animarum interiore consessu, mysticus rector insideret,
regens mentis vestigia, lasciviam carnis infrenans, sermo eius habena est,
stimulus est. |
Versets 28-37.
—
Tite de Bostr. (Chronique des Pères grecs) Les disciples
qui avaient entendu dire au Sauveur : « Le
royaume de Dieu est proche, » et qui le voyaient se diriger vers
Jérusalem, pensaient qu’il y montait pour commencer à y établir le royaume de
Dieu. Dans la parabole qui précède, Jésus a redressé cette erreur, et montré
qu’il n’avait pas encore triomphé de la mort qu’on lui préparait. Cette parabole
achevée, il va au-devant de sa passion en continuant sa marche vers Jérusalem
: « Après ce discours, il continua
de marcher vers Jérusalem. » — S. Bède : Il leur apprend en même temps que cette parabole est une prédiction de la triste destinée de cette ville qui allait le mettre à mort, et devait périr elle-même au milieu des horreurs de la guerre : « Comme il approchait de Bethphagé et de Béthanie, près du mont appelé « des oliviers », il envoya deux de ses disciples» etc. Bethphagé était une bourgade habitée par les prêtres, et située sur le versant du mont des Oliviers; Béthanie était aussi une petite ville située sur le penchant de la même montagne, à quinze stades environ de Jérusalem (cf. Mc 11, 1; Lc 19, 59; Jn 11, 1.14). — S. Jean Chrysostome : (hom.
67, sur Matth.) Dans les commencements [de sa vie
publique], Jésus se mêlait simplement et sans distinction avec les Juifs;
mais lorsqu’il eut donné assez de preuves de sa puissance, toutes ses actions
sont empreintes d’une grande autorité. Les miracles se multiplient, il
annonce à ses disciples qu’ils trouveront un ânon qui n’a pas encore été
monté : « Allez à ce village qui
est devant vous, en y entrant, vous trouverez un ânon attaché, sur
lequel aucun homme ne s’est encore assis.» Il leur prédit également que
personne ne les empêchera, mais qu’aussitôt qu’ils auront parlé, on les
laissera faire sans dire un seul mot. Il ajoute donc : « Déliez-le, et me l’amenez. Si quelqu’un vous
demande : ‘Pourquoi le détachez-vous ?’, vous lui direz : ‘Le
Seigneur en a besoin’.» Tite de Bostr. Il y eut ici un ordre divin bien clairement connu, car personne ne peut résister à Dieu, quand il réclame ce qui lui appartient. Or, les disciples chargés de conduire cet ânon, ne refusèrent point de remplir cette office comme peu relevé, mais ils partirent aussitôt pour l’amener : « Ceux qui étaient envoyés, s’en allèrent, trouvèrent (les choses) comme il leur avait dit.» — S. Basile : C’est ainsi que nous devons accepter avec empressement et avec zèle les plus humbles fonctions, persuadés qu’aucune action n’est petite lorsqu’elle est faite en vue de Dieu, et qu’elle est digne du royaume des cieux. — Tite de Bostr. Ceux qui avaient attaché l’ânon, obéissent en silence à cet acte de puissance du Sauveur, et ne peuvent résister à l’ordre qu’il leur donne : « Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : Pourquoi déliez-vous cet ânon ? Ils répondirent : Parce que le Seigneur en a besoin. » C’est qu’en effet le nom du Seigneur annonce la majesté, et qu’il allait paraître comme un roi à la vue de tout le peuple. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 66.) Ne soyez pas surpris que saint Matthieu parle de l’ânesse et de son ânon, tandis que les autres ne disent rien de l’ânesse; car lorsque deux faits peuvent se concilier, il n’y a aucune contradiction à les admettre, alors même que chaque évangéliste y mêlerait des circonstances différentes, a plus forte raison quand un évangéliste raconte une circonstance qu’un autre passe tout simplement sous silence. — La Glose : Les disciples témoignent ici leur empressement et leur zèle pour Jésus-Christ, non seulement en lui amenant l’ânon qui ne leur appartenait pas, mais en se dépouillant de leurs propres vêtements qu’ils jetèrent sur l’ânon, et qu’ils étendirent le long du chemin : « Et ils l’amenèrent à Jésus, et jetant leurs vêtements sur l’ânon, ils firent monter Jésus. Tandis qu’ils avançaient, ils étendaient leurs manteaux sur le chemin.» — S. Bède : D’après les autres évangélistes, ce ne furent pas seulement les disciples, mais une grande partie de la foule, qui étendirent leurs vêtements le long du chemin. — S. Ambroise : Dans le sens figuré, Notre Seigneur vient sur la montagne des Oliviers, pour planter de nouveaux oliviers en vertu de sa souveraine puissance; or, cette montagne, est peut-être Jésus-Christ lui-même, car quel autre que lui pourrait produire ces olives fécondées par la plénitude de l’Esprit ? — S. Bède : Les villes dont il est ici question, sont situées sur le versant du mont des Oliviers, c’est-à-dire sur le Seigneur lui-même, qui entretient l’onction des grâces spirituelles par la double lumière de la science et de la piété. — Origène : (hom. 37, sur Luc.) Béthanie veut dire maison d’obéissance, et Bethphagé, ville habitée par les prêtres, signifie maison des mâchoires, parce que la loi attribuait aux prêtres les mâchoires des victimes dans les sacrifices. C’est donc dans la maison de l’obéissance et dans une ville habitée par les prêtres, que le Sauveur envoie ses disciples pour délier le petit de l’ânesse. — S. Ambroise : Ils trouvèrent donc dans ce village l’ânon qui était lié avec l’ânesse : il ne pouvait être délié que par l’ordre du Seigneur, et ce fut la main des Apôtres qui le délia. Telles sont les actions, telle est la vie, telle est la grâce. Soyez donc tels que vous méritiez de rompre les liens de ceux qui sont attachés. Dans l’ânesse, l’évangéliste Matthieu a comme figuré la mère de l’erreur; et saint Luc représente dans l’ânon l’universalité du peuple des Gentils. Notre Seigneur ajoute avec dessein : « sur lequel aucun homme ne s’est encore assis, » parce qu’avant Jésus-Christ, personne n’avait appelé les Gentils à faire partie de l’Église. Ce peuple était retenu dans les liens de l’infidélité, attaché à un maître injuste, et esclave de l’erreur. Il ne pouvait revendiquer son indépendance, parce qu’elle était enchaînée non par sa nature, mais par sa faute. Aussi quand on parle ici du Seigneur, on ne veut parler que d’un seul. Misérable servitude que celle dont les droits ne sont pas clairement définis; car celui qui n’est pas soumis à un seul maître en a nécessairement plusieurs. Les maîtres étrangers lient pour posséder, celui-ci délie pour retenir, car il sait que les bienfaits sont plus forts pour retenir que les liens. — Origène : (hom. 37, sur Luc.) Cet ânon avait donc plusieurs maîtres avant que le Sauveur en eût besoin, mais dès qu’il en fut devenu le véritable maître, les autres cessèrent d’avoir autorité sur lui, car personne ne peut servir Dieu et l’argent. (Mt 12.) Lorsque nous étions esclaves du mal, nous étions sous la domination d’une multitude de passions et de vices. Or, le Seigneur déclare qu’il a besoin de l’ânon, parce que son grand désir est de rompre les liens qui nous attachent au péché. —
Origène : (Traité
11, sur Jean.)
Je pense que ce n’est pas sans raison que le lieu où l’ânesse et l’ânon
se trouvaient attachés, était un village; parce que la terre tout entière, en
comparaison du monde céleste, n’est elle-même que comme un simple hameau,
sans qu’il soit nécessaire de lui ajouter un autre nom. [ ?] — S. Ambroise : Ce n’est pas non plus sans un dessein particulier qu’il envoie deux de ses disciples, ils figurent Pierre qui fut envoyé au centurion Corneille, et Paul au reste de la gentilité; et c’est pourquoi l’Évangéliste se contente d’indiquer le nombre [sans désigner les personnes]. Si cependant on veut ici une désignation spéciale, ou peut appliquer ceci à Philippe que l’Esprit-Saint envoya dans la ville de Gaza, lorsqu’il baptisa l’eunuque de la reine Candace. (Ac 8.) — Théophylacte : Ou bien encore, ces deux disciples figurent les deux ordres des prophètes et des Apôtres qui doivent amener à l’Église, et soumettre à Jésus-Christ le peuple des Gentils, Us amènent cet ânon d’un simple village, pour signifier la grossièreté et l’ignorance de ce peuple avant sa conversion. — S. Ambroise : Ces deux disciples envoyés pour délier l’ânon, ne parlent point en leur propre nom, ils reproduisent les paroles de Jésus, pour vous apprendre que ce n’est point par la vertu de leurs discours, mais par la parole de Dieu, ni en leur nom, mais au nom de Jésus-Christ qu’ils ont converti les Gentils à la foi, et que les puissances ennemies qui exerçaient sur les nations un empire tyrannique ont cédé devant l’ordre de Dieu. — Origène : Les disciples jettent leurs vêtements sur l’ânon et y font asseoir le Sauveur, lorsqu’ils prennent la parole de Dieu et la déposent sur l’âme de ceux qui les écoutent. Ils se dépouillent de leurs vêtements, et les étendent le long du chemin; les vêtements des Apôtres, ce sont leurs bonnes oeuvres, et il est vrai de dire que l’ânon délié par les disciples, et qui porte Jésus, marchent sur les vêtements des Apôtres, quand il pratique leur doctrine et qu’il imite leurs vertus. Qui de nous est assez heureux pour porter ainsi Jésus ? — S. Ambroise : Ce n’est pas que le Maître du monde trouve aucun plaisir à être ainsi porté par une ânesse; mais cette action est un emblème mystérieux de sa présence sur le siège intime de notre âme où il est assis comme un guide invisible pour diriger les démarches de notre âme, et réprimer [tous les mouvements de] la concupiscence de la chair par la vertu de sa parole dont il se sert à la fois comme de rênes et d’aiguillon. |
Lectio 4 [85923] Catena in Lc., cap. 19 l. 4 Origenes
in Lucam. Quamdiu in monte fuit dominus, cum solis apostolis morabatur;
quando autem vicinus coepit esse descensui, tunc occurrit ei turba populorum;
unde dicitur et cum iam appropinquarent ad descensum montis oliveti,
coeperunt omnes turbae descendentium discipulorum gaudentes laudare Deum voce
magna. Theophylactus. Discipulos vocat non solum duodecim, aut
septuaginta, sed omnes qui Christum sequebantur, seu causa miraculorum, seu
ad aliquam delectationem doctrinae; quibus ingeri pueri potuerunt, ut narrant
alii Evangelistae; unde sequitur super omnibus quas viderant virtutibus. Beda.
Multas quidem virtutes domini viderant, sed maxime Lazari resurrectionem stupebant
: nam, ut Ioannes ait : propterea obviam venit ei turba, quia audierunt eum
fecisse hoc signum. Notandum enim est, non tunc primum salvatorem Ierusalem
adiisse, sed multoties antea, sicut Ioannes commemorat. Ambrosius.
Turba igitur agnoscens Deum, regem appellat, prophetiam repetit,
expectatum quoque secundum carnem David filium venisse declarat; unde
sequitur dicentes : benedictus qui venit rex in nomine domini. Beda.
Idest in nomine Dei patris, quamvis possit intelligi et in nomine suo,
quia et ipse dominus est. Sed melius verba eius nostrum dirigunt intellectum,
quibus ait : ego veni in nomine patris mei; humilitatis enim magister est
Christus. Non autem rex Christus dicitur ad exigendum tributum, vel ferro
exercitum armandum, hostesque visibiliter debellandos : sed quod mentes
regat, et in regnum caelorum credentes perducat : quod enim rex esse voluit
Israel, miserationis indicium est, non potestatis augmentum. Verum quia
Christus in carne totius mundi propitiatio illuxit, pulchre sibi invicem in
laude eius caelestia simul et terrena concinunt : eo enim nascente,
caelestium agmina cantant; eodem autem caelis se reddituro, mortales vicem
laudis rependunt : unde sequitur pax in caelo. Theophylactus. Hoc est, bellum antiquum, quo Deo adversabamur,
evanuit. Et gloria in excelsis, laudantibus scilicet Angelis Deum in tali
reconciliatione; nam hoc ipsum quod Deus visibiliter ambulat in territorio
inimicorum suorum, significat ipsum nobiscum habere concordiam. Sed Pharisaei
hoc audientes murmurabant, eo quod turba eum regem vocabat, et laudabat ut
Deum; referentes nomen regis ad seditionem, nomen vero domini ad blasphemiam;
unde sequitur et quidam Pharisaeorum de turbis dixerunt ad illum : magister,
increpa discipulos tuos. Beda.
Mira invidorum dementia; quem magistrum appellandum non dubitant, quia
vera docentem noverant, huius discipulos, quasi melius edocti, redarguendos
aestimant. Cyrillus.
Sed dominus non compescuit laudantes eum ut Deum, sed magis reprehensores
compescens, attestatur sibi super gloria deitatis; unde sequitur quibus ipse
ait : dico vobis, quia si hi tacuerint, lapides clamabunt. Theophylactus.
Quasi dicat : non sine causa homines me taliter laudant, sed commoniti
virtutibus quas viderunt. Beda.
Crucifixo etiam domino, notis eius tacentibus prae timore, lapides et saxa
canebant, dum postquam emisit spiritum, terra mota est, et petrae scissae
sunt, et monumenta aperta sunt. Ambrosius.
Neque etiam mirum est si laudes domini contra naturam suam saxa
respondeant, quem scopulis duriores praedicant peremptores, scilicet turba
post exiguum crucifixura Deum, negans affectibus quem vocibus confitetur :
aut fortasse, quia obmutescentibus Iudaeis post domini passionem, vivi erant
secundum Petrum lapides clamaturi. Origenes
in Lucam. Quando etiam nos tacemus, idest refrigescit caritas multorum,
lapides clamant : potest enim Deus suscitare de lapidibus filios Abrahae. Pulchre
autem turbas laudantes Deum ad descensionem montis occurrisse legimus, ut
operatorem mysterii spiritualis significarent sibi venisse de caelo. Beda.
Descendente etiam domino de monte olivarum, turbae descendunt : quia
humiliato misericordiae auctore, necesse est eos qui misericordia indigent,
eius vestigia imitari. |
Versets 37-40.
— Origène : (sur Luc.) Tant que le Seigneur fut sur la montagne, il était avec les Apôtres seuls; mais lorsqu’il est près de descendre, le peuple vient à sa rencontre : « Et comme il approchait de la descente du mont des Oliviers, les disciples en foule, transportés de joie, se mirent à louer Dieu à haute voix.» —
Théophylacte : L’Évangéliste appelle disciples non
seulement les douze, ou les soixante-dix, mais encore tous ceux qui suivaient
Jésus-Christ, entraînés par l’éclat de ses miracles ou par le charme de sa
doctrine qui attirait même jusqu’aux enfants, comme le racontent les autres
évangélistes : « [Ils commencèrent
à louer Dieu] de tous les prodiges qu’ils avaient vus. » — S.Bède : Le Sauveur les avaient rendus témoins d’un grand nombre de miracles, mais ils étaient surtout frappés de la résurrection de Lazare, car comme le dit saint Jean : « Une grande multitude de peuple vint à sa rencontre, parce qu’ils avaient entendu parler de ce miracle. » (Jn 12, 48.) Il faut remarquer aussi que ce n’est pas la première fois que Notre Seigneur venait à Jérusalem, nous voyons dans l’Évangile selon saint Jean, qu’il y était déjà venu plusieurs fois. — S. Ambroise : La foule reconnaît qu’il est Dieu, elle l’appelle son roi, elle lui applique les oracles des prophètes, et proclame que le Fils de David selon la chair qu’ils attendaient, est arrivé : « Béni soit, disaient ils, le roi qui vient au nom du Seigneur ! » — S.
Bède : C’est-à-dire : au nom de Dieu le Père;
bien qu’on puisse entendre aussi, en son propre nom, car il est Dieu lui-même;
mais il vaut mieux adopter ici le sens que nous indiquent les propres paroles
: « Je suis venu, nous dit-il, au nom de mon Père, » (Jn 5, 43) car Jésus est le maître [et
le modèle] de l’humilité. Si donc il consent à être appelé roi, ce n’est ni
pour exiger des impôts, lever des armées, et combattre visiblement contre ses
ennemis; mais parce qu’il est le roi des coeurs, et qu’il veut conduire dans
le royaume des cieux tous ceux qui croient, [espèrent en lui, et qui
l’aiment]; car s’il a voulu être roi d’Israël, c’est pour nous montrer sa
miséricorde et non pour augmenter sa puissance. Or, comme Jésus-Christ s’est
manifesté dans une chair mortelle pour être la victime de propitiation du
monde entier, le ciel est la terre s’unissent dans un admirable concert pour
célébrer ses louanges. A sa naissance, les armées des cieux ont chanté un
cantique de louanges [sur son berceau], et lorsqu’il est sur le point de
retourner dans les cieux, les hommes publient à leur tour ses louanges : « Paix dans les cieux ! » — Théophylacte : C’est-à-dire que la vieille guerre que nous faisions depuis si longtemps à Dieu a enfin cessé : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! » parce qu’en effet les anges louent Dieu d’avoir opéré cette réconciliation, car n’est-ce pas une preuve que Dieu est en paix avec nous, de le voir se manifester sous une forme visible au milieu même de ses ennemis ? Cependant les pharisiens murmuraient d’entendre la foule le proclamer roi, et le louer comme un Dieu. Lui donner le nom de roi, c’est à leurs yeux un acte de sédition, lui donner celui, de Dieu un blasphème : « Alors quelques pharisiens qui étaient parmi le peuple, lui dirent : Maître, faites taire vos disciples. » — S. Bède : Dans quel excès de folie tombent les envieux ! ; ils n’ont pas hésité à lui donner le nom de Maître, parce qu’ils ont reconnu la vérité de sa doctrine, et comme s’ils étaient maintenant mieux instruits, ils veulent empêcher ses disciples de publier ses louanges. — S.
Cyrille : Mais le Seigneur, loin de faire taire ceux
qui le louaient comme un Dieu, impose silence à ceux qui veulent les
reprendre, et atteste lui-même la gloire de sa divinité : « Il leur répondit : ‘Je vous le dis,
si ceux-ci se taisent, les pierres crieront’. » — Théophylacte : C’est-à-dire : ce n’est pas sans raison qu’ils publient mes louanges, mais ils agissent sous l’impression des miracles dont ils ont été les témoins. — S. Bède : Lorsque le Seigneur fut crucifié, tandis que la crainte fermait la bouche à ses amis, les pierres et les rochers chantèrent sa gloire, alors qu’au moment où il rendait le dernier soupir, la terre trembla, les rochers se fendirent, et les tombeaux s’ouvrirent. — S. Ambroise : Or, il n’est pas étonnant que les rochers, contre leur nature, publient sa divinité, puisque ses bourreaux, plus durs que les rochers, sont obligés de la reconnaître. N’entendons-nous pas, en effet, cette même foule qui, dans quelques jours, doit crucifier son Dieu, et renier dans son coeur celui dont sa voix confesse aujourd’hui la divinité ? Ne peut-on pas dire aussi qu’au milieu du silence gardé par les Juifs après la passion du Seigneur, les pierres vivantes (selon le langage de saint Pierre) (1 P 2, 5), élèveront la voix. — Origène : (sur Luc.) Lorsque nous gardons le silence (c’est-à-dire lorsque la charité d’un grand nombre se refroidit, les pierres élèvent la voix; car Dieu, des pierres mêmes, peut susciter des enfants d’Abraham. — S. Ambroise : Ce n’est pas sans un dessein mystérieux que nous voyons la foule qui louait Dieu, venir à la rencontre du Sauveur, lorsqu’il descendait de la montagne, elle nous apprend par cette démarche que celui qui doit accomplir les mystères du salut de nos âmes est descendu du ciel. — S. Bède : La multitude descend avec le Seigneur de la montagne des Oliviers, pour nous apprendre encore, à nous qui avons besoin de la miséricorde du Sauveur, à marcher sur les traces de l’auteur de la miséricorde qui s’est si profondément humilié [pour notre salut]. |
Lectio 5 [85924] Catena in Lc., cap. 19 l. 5 Origenes
in Lucam. Omnes beatitudines quas locutus est Iesus in Evangelio suo,
firmat exemplo; sicut quod dixerat : beati mites, probat dicens : discite a
me quia mitis sum; et quia dixerat : beati flentes, ipse quoque flevit super
civitatem; unde dicitur et ut appropinquavit, videns civitatem, flevit super
illam. Cyrillus.
Miserebatur enim eorum Christus, qui omnes homines vult salvari : quod
nobis non patuisset, nisi per aliquod humanum fieret evidens : effusae enim
lacrymae sunt signa tristitiae. Gregorius
in Evang. Flevit igitur pius redemptor ruinam perfidae civitatis, quam
ipsa civitas sibi non cognoscebat esse venturam; unde subditur dicens : quia
si cognovisses et tu : subaudi : fleres, quae modo, quia nescis quod imminet,
exultas; unde subditur et quidem in hac die tua, quae ad pacem tibi. Cum enim
carnis se voluptatibus daret in die sua, quae ad pacem ei esse poterant
habebat. Cur vero bona praesentia ad pacem habuerit, manifestatur cum
subditur nunc autem abscondita sunt ab oculis tuis. Si enim a cordis eius
oculis mala quae imminerent, abscondita non essent, laeta in praesentibus
prosperis non fuisset; unde mox eius poena, quae imminebat, adiuncta est, cum
sequitur quia venient dies in te. Cyrillus.
Vel aliter. Quia si cognovisses et tu : non enim erant digni percipere
divinitus inspiratas Scripturas, quae narrant Christi mysterium : quoties
enim legitur Moyses, velamen obnubilat cor eorum. Et quia non sunt intuiti
veritatem, indignos se fecerunt salute, quae manat a Christo; unde sequitur
et quidem in hac die tua quae ad pacem tibi. Eusebius.
Ubi notat, suum adventum ad pacem totius mundi factum fuisse; venit enim
ad hoc ut pacem praedicaret propinquis et longinquis. Sed quia annuntiatam
sibi pacem recipere noluerunt, hoc eos latebat; unde subditur nunc autem
abscondita sunt ab oculis tuis. Et ideo obsidionem, quae in brevi erat ei
superventura, expressissime praenuntiat subdens quia venient dies in te, et
circumdabunt te inimici tui vallo. Gregorius.
Ubi Romani principes denuntiantur. Illa enim Hierosolymorum subversio
describitur quae a Vespasiano et Tito Romanis principibus facta est; unde
subditur et circumdabunt te, et coangustabunt te undique, et ad terram
prosternent te, et filios tuos qui in te sunt. Eusebius.
Quomodo autem haec completa sint, ex his quae tradita sunt a Iosepho,
colligere possumus, qui cum esset Iudaeus, singula quoque gesta narravit
consona his quae sunt a Christo praedicta. Gregorius.
Hoc quoque quod additur : et non relinquent in te lapidem super lapidem,
et ipsa iam eiusdem civitatis transmigratio testatur : quia dum nunc in eo
loco constructa est ubi extra portam dominus fuerat crucifixus, prior illa,
ut dicitur, Ierusalem funditus est eversa. Cui ex qua culpa eversionis poena
fuerit illata, subiungitur eo quod non cognoveris tempus visitationis tuae.
Theophylactus.
Idest, mei adventus : veni enim visurus et salvaturus te. Quod si
cognosceres, et in me crederes, esses pacata Romanis, et ex omnibus exempta
periculis; sicut omnes qui crediderunt in Christum evaserunt. Origenes
in Lucam. Non nego igitur et illam Ierusalem propter habitatorum scelera
fuisse destructam; sed quaero ne forte ad hanc Ierusalem fletus iste
pertineat. Si enim post mysteria veritatis aliquis peccaverit, plangetur :
nemo enim gentilis fletur, sed ille qui fuit de Ierusalem, et esse cessavit.
Gregorius
in Evang. Redemptor enim noster per electos suos plangere non cessat, cum
quosdam ex bona vita ad mores reprobos pervenisse considerat; qui si
damnationem suam quae eis imminet, agnovissent, semetipsos cum lacrymis
electorum plangerent. Suam autem diem hic habet anima perversa, quae
transitorio gaudet in tempore; cui ea quae adsunt, ad pacem sunt, dum ex
rebus temporalibus laetatur. Haec praevidere futura refugit, quae praesentem
laetitiam perturbent; unde dicitur nunc autem abscondita sunt ab oculis tuis.
Origenes.
Fletur autem et nostra Ierusalem, quod post peccata circumdant eam
inimici, idest spiritus nequam, et immittunt in circuitu eius vallum, ut
obsideant eam, et lapidem super lapidem non relinquant; maxime si post multam
continentiam, si post aliquot annos castitatis victus quis fuerit, et
blandimentis carnis illectus, patientiam pudicitiamque amiserit, si fuerit
fornicatus; lapidem super lapidem non relinquent in eo, secundum illud : non
recordabor primarum iustitiarum eius. Gregorius.
Vel aliter. Maligni spiritus animam a corpore exeuntem obsident, quam in
carnis amore positam deceptoriis delectationibus fovent; qui vallo
circumdant, quia ante mentis eius oculos reductis iniquitatibus quas
perpetravit, hanc societate suae damnationis coarctant, ut in ipsa
extremitate vitae deprehensa, a quibus hostibus circumclusa sit videat, et
tamen evadendi aditum invenire non possit : quia operari iam non licet bona,
quae cum licuit agere contempsit. Undique etiam animam coangustant, quando ei
non solum operis, verum etiam locutionis atque cogitationis iniquitates
replicant : ut quae prius se per multa dilatavit in scelere, in extremum de
omnibus angustetur in retributione. Tunc
autem anima per conditionem reatus sui ad terram consternitur, cum caro, quam
vitam suam credidit, redire ad pulverem urgetur. Tunc in morte filii illius
cadunt, cum cogitationes illicitae, quae modo ex illa prodeunt, in extrema
ultione dissipantur : quae etiam cogitationes per lapides significari valent
: perversa enim mens, cum perversae cogitationi perversiorem adicit, quasi
lapidem supra lapidem ponit; sed cum ad ultionem suam anima ducitur, omnis
cogitationum constructio dissipatur. Pravam autem animam Deus assidue visitat
praecepto, aliquando flagello, aliquando autem miraculo, ut vera quae
nesciebat audiat; et ea contemnens, aut dolore compuncta redeat, aut
beneficiis devicta, malum quod fecit erubescat. Sed
quia visitationis suae tempus non cognoscit, in extremo vitae traditur suis
inimicis. |
Versets 41-44.
— Origène : (hom. 38 sur Luc.) Jésus a confirmé par son exemple toutes les béatitudes qu’il a proclamées dans son Évangile. Il a dit « Bienheureux ceux qui sont doux, » et il confirme cette vérité en disant de lui-même : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. » Il a dit : « Bienheureux ceux qui pleurent, » et il a pleuré lui-même sur la ville de Jérusalem : « Et comme il approchait, voyant la ville, il pleura sur elle, ». — S. Cyrille : Jésus-Christ, qui veut sincèrement le salut de tous les hommes, était ému de compassion, mais comment aurions-nous pu en être certains, si le Sauveur ne nous en avait donné une preuve sensible ? Les larmes répandues, en effet, sont le signe de la tristesse. — S.
Grégoire : (hom.
39 sur les
Evang.) Notre miséricordieux Rédempteur pleure donc la ruine de cette
ville infidèle qui ne savait pas que cette ruine était si proche : « Si
tu connaissais, toi aussi », a dit-il; sous entendez : Tu verserais
des larmes, toi qui te livres aux transports de la joie dans l’ignorance où
tu es de ta triste destinée. Il ajoute : « du moins en ce jour qui
t’est encore donné pour ta paix, ». Comme elle s’abandonnait aux
plaisirs sensibles, elle avait ce qui pouvait lui apporter la paix. Notre
Seigneur donne ensuite la raison pour laquelle elle mettait sa paix dans les
biens sensibles : « Mais maintenant ces choses sont cachées à tes
yeux. » En effet, si les
malheurs qui la menacent, n’étaient pas cachés aux yeux de son coeur, elle ne
placerait pas sa joie dans les prospérités de la vie présente. Aussi lui
prédit-il aussitôt le châtiment dont elle était menacée, en ajoutant : « Viendront
des jours sur toi. » — S. Cyrille : « Si tu connaissais, toi aussi. » Ils n’étaient pas dignes, en effet, de comprendre les Écritures divinement inspirées, qui annoncent les mystères de Jésus-Christ. Car toutes les fois qu’ils lisent les livres de Moïse, le voile qui est sur leur coeur ne leur permet pas de voir [l’accomplissement de la loi en Jésus-Christ qui, étant la vérité, dissipe toutes les ombres]; et pour n’avoir pas voulu voir la vérité, ils se sont rendus indignes du salut que Jésus-Christ leur apportait : « du moins en ce jour, ce qui importe à ta paix. » — Eusèbe : Il nous apprend ainsi que son avènement a eu pour objet la paix du monde entier; il est venu, en effet, pour annoncer la paix à ceux qui étaient près, comme à ceux qui étaient loin (Ep 2, 17), mais cette paix est restée cachée pour eux, parce qu’ils n’ont pas voulu la recevoir, lorsqu’elle était annoncée ; « Mais maintenant ces choses sont cachées à tes yeux. » Il lui prédit donc dans les termes les plus clairs le siège qui surviendra bientôt : « Viendront des jours sur toi, où tes ennemis établiront contre toi un retranchement. » — S. Grégoire : (comme précéd.) Il veut parler des généraux qui commandaient les armées romaines, car il décrit ici la ruine de Jérusalem qui eut lieu sous les empereurs romains Vespasien et sous Titus : « ils t’environneront et t’enserreront de toutes parts, ils t’abattront à terre, ainsi que les enfants qui sont chez toi. » — Eusèbe : Nous pouvons vérifier l’accomplissement de ces paroles dans le récit de Josèphe, qui, tout juif qu’il était, a raconté ces événements d’une manière conforme à ce qui avait été prédit par Jésus-Christ. — S. Grégoire : La translation même de cette ville vient rendre témoignage à ces paroles du Sauveur : « Et ils ne laisseront pas sur toi pierre sur pierre » ; car elle est rebâtie aujourd’hui où Notre Seigneur a été crucifié, hors de la porte, tandis que l’ancienne Jérusalem est totalement détruite, comme Jésus l’a dit. Quelle a été la faute à cause de laquelle a eu lieu cette entière destruction ? « Parce que tu n’as pas connu le temps où tu as été visitée. » — Théophylacte : C’est-à-dire le temps de mon avènement; car je suis venu pour te visiter et te sauver; si tu m’avais connu, et si tu avais voulu croire en moi, tu serais restée en paix avec les Romains, préservée de tout danger, comme l’ont été tous ceux qui ont embrassé la foi en Jésus-Christ. — Origène : (hom. 36 sur Luc.) J’admets que cette Jérusalem a été détruite en punition des crimes de ses habitants; mais je me demande si ces larmes du Sauveur n’ont pas été versées sur une autre Jérusalem qui est la vôtre. Si après avoir connu les mystères de la vérité, un chrétien retombe dans le péché, Jésus pleure sur lui, il ne pleure point sur les Gentils, mais sur celui qui appartenait à Jérusalem, et qui a cessé d’en faire partie. — S.
Grégoire : (comme
précéd.) Notre Rédempteur ne cesse de pleurer dans
la personne de ses élus, lorsqu’il en voit un certain nombre faire succéder à
une vie sainte, une conduite criminelle. S’ils pouvaient connaître le
jugement de condamnation qui les menace, ils mêleraient leurs larmes à celles
des élus. L’âme coupable a ici-bas son jour, parce qu’elle met sa joie dans
des jouissances passagères; elle a ce qui importe à sa paix, puisqu’elle met
son bonheur dans les biens de la terre, et elle ne veut pas prévoir l’avenir dont
la vue pourrait troubler sa joie présente : « Mais maintenant ces
choses sont cachées à tes yeux. » —
Origène : (hom.
36 sur Luc.) Le
Sauveur pleure sur notre Jérusalem, [c’est-à-dire sur notre âme], de ce qu’en
punition des péchés qu’elle a commis, ses ennemis (c’est-à-dire les esprits
mauvais), l’environnent et l’entourent de tranchées pour en faire le siège,
et ne pas laisser dans son enceinte pierre sur pierre. Tel est surtout le
sort de celui qui, après une longue pratique de la continence, après plusieurs
années de chasteté, succombe à la tentation, et séduit par les attraits des
plaisirs de la chair, perd le sentiment de continence et de la pudeur. S’il
devient impudique, les démons ne laisseront pas en lui pierre sur pierre,
selon cet oracle d’Ézéchiel (18) : « Je
ne me souviendrai plus de ses premières justices ». — S. Grégoire : (comme précéd.) Ou encore, les esprits mauvais assiègent l’âme lorsqu’elle est sur le point de sortir du corps. Comme ils l’ont toujours vue dominée par l’amour de la chair, ils la séduisent par l’attrait des plaisirs trompeurs. Ils l’environnent de tranchées, en ramenant devant ses yeux toutes les iniquités qu’elle a commises, et en la resserrant par la triste perspective des compagnons de sa damnation; et ainsi, cette pauvre âme, saisie de toutes parts au dernier moment de sa vie, voit quels ennemis l’environnent, sans qu’elle trouve aucune issue pour leur échapper, parce qu’elle ne peut plus faire le bien qu’elle a négligé de pratiquer, lorsqu’elle le pouvait. Ils la serrent de toutes parts, en lui représentant tous ses péchés, non seulement d’actions, mais de paroles et de pensées; et parce qu’elle s’est donnée autrefois toute latitude pour le crime, elle se voit resserrée dans cette extrémité, par les angoisses du châtiment qu’elle a mérité. Cette âme, alors en punition de ses crimes, est renversée par terre, lorsque ce corps, qu’elle croyait être toute sa vie, est forcé de retourner dans la poussière. Ses enfants tombent sous les coups de la mort, alors que les pensées coupables, qui prenaient naissance au milieu d’elles, se dissipent dans ce dernier jour de la vengeance. Ces pensées peuvent aussi être représentées par les pierres. En effet, lorsque l’âme coupable ajoute à une pensée mauvaise une pensée plus criminelle encore, elle met pour ainsi dire pierre sur pierre; mais lorsqu’arrive pour l’âme le jour de la vengeance [et du châtiment], tout cet édifice de pensées mauvaises s’écroule. Or, Dieu visite l’âme mauvaise continuellement en lui rappelant ses préceptes, quelquefois par des châtiments, quelquefois par des miracles, pour lui faire entendre la vérité qu’elle ne connaissait pas, lui faire mépriser ce qu’elle aimait, afin que, ramenée à lui par la douleur du repentir ou vaincue par ses bienfaits, elle rougisse du mal qu’elle a fait. Mais comme elle n’a point voulu connaître le jour où Dieu l’a visitée, elle est livrée à ses ennemis, au jour de l’ éternelle damnation. |
Lectio 6 [85925] Catena in Lc., cap. 19 l. 6 Gregorius
in Evang. Qui narraverat mala Ambrosius.
Deus enim templum suum non mercatoris vult esse diversorium, sed
domicilium sanctitatis; nec vendibili religionis officio, sed obsequio
gratuito usum ministerii sacerdotalis informat. Cyrillus.
Erat autem in templo multitudo mercatorum, qui vendebant animalia ritu
legis mactanda in hostiis. Sed iam aderat tempus desinendi umbram, refulgendi
vero Christi veritatem : ob hoc Christus, qui cum patre simul colebatur in
templo, iussit ritus corrigi legis, fieri vero templum orationis domum; unde
subditur dicens illis : scriptum est, quia domus mea domus orationis est; vos
autem fecistis eam speluncam latronum. Gregorius.
Qui enim ad accipienda munera in templo residebant, quia quibusdam non
dantibus laesiones exquirerent, dubium non erat. Theophylactus.
Hoc etiam dominus fecit in principio praedicationis suae, ut narrat
Ioannes; et nunc iterum illud fecit : quod ad maius crimen Iudaeorum
redundat, qui non fuerunt ex priori admonitione castigati. Augustinus
de quaest. Evang. Mystice autem templum ipsum hominem Christum intelligas,
vel etiam adiuncto corpore eius quod est Ecclesia. Secundum autem id quod est
caput Ecclesiae, dictum est : solvite templum hoc, et in triduo suscitabo
illud; secundum id vero quod est adiuncta Ecclesia, intelligitur templum de
quo videtur dixisse : auferte ista hinc. Significavit enim futuros in
Ecclesia qui sua negotia potius agerent, vel receptacula ibi haberent ad
occultanda scelera sua, quam ut caritatem Christi sequerentur, et peccatorum
confessione, accepta venia, corrigerentur. Gregorius
in Evang. Redemptor vero noster praedicationis verba nec indignis, nec
ingratis subtrahit; unde postquam rigorem disciplinae eiciendo perversos
tenuit, donum his gratiae ostendit; nam subditur et erat docens quotidie in
templo. Cyrillus.
Decebat autem ex his quae Christus dixerat et fecerat, eum adorare ut
Deum; sed ipsi nequaquam hoc facientes quaerebant eum occidere; sequitur enim
principes autem sacerdotum et Scribae et principes plebis quaerebant illum
perdere. Beda.
Vel quia quotidie docebat in templo, vel quia latrones eiecerat de templo,
vel quia veniens illuc quasi rex et dominus a credentium turba laudem hymni
caelestis accepit. Cyrillus.
Sed populus graviorem aestimationem accepit de Christo quam Scribae, et
Pharisaei, et principes Iudaeorum, qui fidem Christi non acceptantes, alios
increpabant; unde sequitur et non inveniebant quid facerent illi; omnis enim
populus suspensus erat audiens illum. Beda.
Quod duobus modis intelligi potest : quia vel timentes populi tumultum,
non inveniebant quid facerent de Iesu, quem perdere disposuerant; vel ideo
Iesum perdere quaerebant, quia, suo magisterio neglecto, plures ad eum
audiendum confluere cernebant. Gregorius.
Mystice autem sicut templum Dei in civitate est, ita in plebe fideli vita religiosorum.
Et saepe nonnulli religionis habitum sumunt, et dum sacrorum ordinum locum
percipiunt, sanctae religionis officium in commercium terrenae negotiationis
trahunt. Vendentes quippe in templo sunt qui hoc quod quibusdam iure
competit, ad praemium largiuntur; iustitiam enim vendere est, hanc pro
praemii acceptione servare. Ementes vero in templo sunt qui dum hoc
persolvere proximo quod iustum est nolunt, dumque rem iure debitam facere
contemnunt, dato patronis praemio emunt peccatum. Origenes
in Lucam. Si quis ergo vendit, eicietur; et praecipue si vendit columbas.
Si enim ea quae mihi a spiritu sancto sunt revelata et credita, aut in vulgus
pretio vendidero, aut absque mercede non docuero; quid aliud facio nisi
columbam, idest spiritum sanctum, vendo? Ambrosius.
Generaliter itaque dominus docet saeculares a Dei templo abesse debere
contractus. Spiritualiter autem nummularios repulit, qui de pecunia domini,
idest Scriptura divina, lucrum quaerunt, nec bona malaque discernunt. Gregorius.
Qui domum Dei speluncam latronum faciunt, quia dum perversi homines locum
religionis tenent, ibi malitiae suae gladiis occidunt ubi vivificare proximos
orationis suae intercessione debuerunt. Templum quoque est ipsa mens
fidelium; quae si in laesione proximi perversas cogitationes profert, quasi
in spelunca latrones resident; cum autem mentem fidelium ad cavenda mala
subtiliter erudit, quotidie veritas in templo docet. |
Versets 45-48.
— S.
Grégoire : (hom.
39 sur les
Evang.) Après avoir prédit les malheurs qui devaient fondre sur
Jérusalem, Jésus entre aussitôt dans le temple, pour en chasser les vendeurs
et les acheteurs, montrant ainsi que la ruine du peuple a pour cause la
conduite coupable des prêtres : « Et étant entré dans le temple, il
commença à chasser ceux qui y vendaient et y achetaient. » — S. Ambroise : Dieu ne veut pas que son temple soit un rendez-vous de marchands, mais la maison de la sainteté, et son dessein, en instituant le ministère sacerdotal, n’a pas été que ses fonctions augustes deviennent l’objet d’un trafic sacrilège, mais qu’elles soient remplies avec un désintéressement parfait. — S. Cyrille : Il y avait, en effet, dans le temple, une multitude de marchands qui vendaient les animaux destinés à être immolés conformément aux prescriptions de la loi. Mais le temps était venu où les ombres allaient faire place au brillant éclat de la vérité en Jésus-Christ. C’est pourquoi Notre Seigneur, qui était adoré dans le temple avec son Père, commence à réformer les rites [défectueux] de la loi, et rappelle que le temple est une maison de prières : « Il est écrit : Ma maison est une maison de prières, et vous en faites une caverne de voleurs. » — S. Grégoire : C’est, qu’en effet, il n’est pas douteux que ceux qui demeuraient dans le temple pour recevoir les offrandes, commettaient souvent des exactions à l’égard de ceux qui refusaient de donner. — Théophylacte : Notre Seigneur avait déjà vengé de la sorte la sainteté du temple au commencement de sa prédication, comme nous le voyons dans saint Jean, il le fait encore aujourd’hui, et fait ainsi ressortir en même temps la conduite sacrilège des Juifs, que le premier avertissement n’avait pu corriger. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 48.) Dans le sens figuré, le temple, c’est l’humanité de Jésus-Christ, ou le corps qu’il s’est uni, qui est l’Église. C’est comme chef de l’Église qu’il disait : « Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours » ; et c’est en tant qu’il est uni à l’Église, qu’il dit en cet endroit : « Emportez tout cela d’ici, » etc. Il a voulu nous signifier par là qu’il s’en trouverait qui chercheraient leurs intérêts dans l’Église, ou qui s’en feraient un asile pour cacher leurs crimes au lieu de pratiquer la charité de Jésus-Christ, et de réformer leur vie après avoir obtenu le pardon de leurs fautes par une confession sincère. — S. Grégoire : (hom. 39.) Notre Rédempteur ne veut pas priver de ses divins enseignements les indignes mêmes et les ingrats, et après cet acte de vigueur pour venger la sainteté du temple, en chassant ceux qui l’outrageaient, il répand sur eux les dons de sa grâce : « Et il enseignait tous les jours dans le temple. » — S. Cyrille : La doctrine de Jésus-Christ, aussi bien que ses oeuvres, auraient dû les convaincre qu’ils devaient l’adorer comme leur Dieu, mais loin de là, ils cherchaient à le mettre à mort : « Cependant les princes des prêtres, les scribes et les principaux du peuple cherchaient à le perdre. » — S. Bède : Ou parce qu’il enseignait tous les jours dans le temple, ou parce qu’il en avait chassé les voleurs, ou enfin, parce qu’en y entrant comme roi et Seigneur, il avait été reçu par la foule de ceux qui croyaient en lui au milieu des louanges et des chants des hymnes célestes. — S.
Cyrille : Mais le peuple avait conçu de Jésus-Christ
une idée meilleure et plus juste que les scribes, les pharisiens et les
princes des Juifs, qui, refusant de croire en lui, blâmaient les autres [qui
proclamaient ses louanges] : « Mais ils ne trouvaient aucun moyen de
rien faire contre lui, car tout le peuple était ravi en l’écoutant. » — S. Bède : Ces paroles peuvent s’entendre de deux manières; soit, dans la crainte de soulever le peuple, ils ne savaient que faire de Jésus, qu’ils avaient résolu de mettre à mort, soit ils cherchaient à le perdre, parce qu’ils en voyaient un grand nombre abandonner leur enseignement pour se presser en foule autour du Sauveur. — S. Grégoire : (hom. 39.) Dans un sens figuré, de même que le temple est au milieu de la ville, ainsi ceux qui sont consacrés à Dieu, se trouvent au milieu du peuple fidèle. Or, il arrive souvent que quelques-uns de ceux qui prennent l’habit religieux et qui remplissent les fonctions des saints ordres, font de cet auguste ministère l’objet d’un commerce terrestre. Les vendeurs dans les temples sont ceux qui ne veulent donner qu’à prix d’argent ce qui appartient de droit aux fidèles, car c’est vendre la justice de ne vouloir en faire part que moyennant une somme d’argent. Ceux à leur tour qui achètent dans le temple, sont ceux qui ne veulent pas rendre au prochain ce qui lui est dû, et qui en refusant de faire ce qui est juste, achètent à prix d’argent les coupables faveurs de leurs supérieurs. — Origène : (Hom. 37 sur Luc.) Celui qui vend sera donc chassé du temple et surtout s’il vend les colombes. En effet, si je vends au peuple à prix d’argent les vérités qui m’ont été révélées et confiées par l’Esprit saint, ou que je refuse de les enseigner gratuitement, que fais-je autre chose que de vendre une colombe, c’est-à-dire l’Esprit saint ? — S. Ambroise : Le Seigneur nous apprend donc en général que toute transaction commerciale doit être bannie du temple. Dans un sens spirituel, il chasse les changeurs qui cherchent à trafiquer avec l’argent du Seigneur, c’est-à-dire avec les divines Écritures, et qui ne mettent plus de distinction entre le bien et le mal. — S. Grégoire : (hom. 39 sur Luc.) Ils font de la maison de Dieu une caverne de voleurs, car lorsque des hommes pervers remplissent les fonctions du ministère sacerdotal, ils mettent à mort avec le glaive de leur malice ceux qu’ils auraient dû vivifier par leurs prières médiatrices. Le temple, c’est encore l’âme des fidèles, si elle se laisse aller à des pensées préjudiciables aux intérêts du prochain, elle devient comme une caverne de voleurs. Au contraire, la vérité enseigne tous les jours dans le temple, lorsqu’elle instruit soigneusement l’âme des fidèles des moyens à prendre pour éviter le mal. |
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Caput 20 |
CHAPITRE 20
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Lectio 1 [85926] Catena in Lc., cap. 20 l. 1 Augustinus de
Cons. Evang. Cum memorasset Lucas eiectos de templo ementes et vendentes,
praetermisit quod exibat in Bethaniam et regrediebatur in civitatem, et quod
de ficulnea factum est, et quod mirantibus discipulis de fidei virtute
responsum est. Atque his praetermissis, non quasi ex ordine dies prosequens,
sicut Marcus intulit, dicens et factum est in una dierum, docente illo
populum in templo, et evangelizante, convenerunt principes sacerdotum et
Scribae cum senioribus. Quod dicit factum in una dierum, ea dies intelligitur
in qua id gestum Matthaeus et Marcus retulerunt. Eusebius.
Cum autem principes mirari deberent docentem caelestia dogmata, et
cognoscere per dicta et facta hunc esse Christum quem prophetae praecinerant,
incumbentes subversioni populi, Christum prohibebant; sequitur enim et aiunt
dicentes ad illum : dic nobis, in qua potestate haec facis? Aut quis est qui
dedit tibi hanc potestatem? Cyrillus.
Quasi dicat : secundum legem Mosaicam solis exorcistis ex levitico
sanguine data est auctoritas docendi, necnon sacrorum atriorum potestas : at
tu ortus ex Iuda commissos nobis fasces usurpas. Sed si novisses, o
Pharisaee, Scripturas, recoleres quod hic est sacerdos, qui secundum ordinem
Melchisedech offert Deo in se credentes per cultum qui legem transcendit. Quid igitur anxiaris, eiectis ab atriis sacris quae opportuna
videbantur legalibus victimis, eo vocante ad veram iustificationem per fidem? Beda. Vel quando dicunt in qua potestate haec facis? De
Dei dubitant potestate, et subintelligi volunt Diaboli esse quod facit.
Addentes quoque aut quis est qui dedit tibi hanc potestatem? Manifestissime Dei
filium negant, quem putant non suis, sed alienis viribus signa facere.
Poterat autem dominus aperta responsione tentatorum calumniam confutare; sed
prudenter interrogat, ut suo silentio vel sententia condemnentur; sequitur
enim respondens autem dixit ad illos : interrogabo et ego vos unum verbum;
respondete mihi : Baptismus Ioannis de caelo erat, an ex hominibus? Theophylactus.
Ut enim ostenderet eos semper fuisse spiritui sancto rebelles, et nedum
Isaiae, cuius non erat memoria, sed nuper viso Ioanni credere noluerunt, ob
hoc versa vice opponit eis hanc quaestionem, ostendens quod si tanto
prophetae Ioanni, qui apud eos maior videbatur, minime crediderunt,
perhibenti testimonium eius, qualiter ei crederent respondenti qua
auctoritate hoc faceret? Eusebius.
Quaerit autem de Ioanne Baptista, non unde erat oriundus, sed unde legem
suscepisset Baptismatis. Cyrillus.
Sed illi fugere veritatem non horruerunt. Deus enim misit Ioannem sicut
vocem clamantem : parate viam domino. Timuerunt autem dicere veritatem, ne
diceretur eis : cur non credidistis? Et cavent reprehendere praecursorem, non
metu divino, sed populi; unde sequitur at illi cogitabant intra se dicentes :
quia si dixerimus : de caelo, dicet : quare ergo ei non credidistis? Beda.
Quasi dicat : quem confitemini de caelo habuisse prophetiam, mihi
testimonium perhibuit; et ab illo audistis in qua potestate haec faciam;
sequitur enim si autem dixerimus : ex hominibus, plebs universa lapidabit nos
: certi sunt enim Ioannem prophetam esse. Viderunt ergo, quomodolibet
respondissent, in laqueum se casuros, timentes lapidationem, sed magis
veritatis confessionem; unde sequitur et responderunt se nescire unde esset.
Quia ergo nolunt fateri hoc quod sciunt, repulsi sunt ut eis dominus non
diceret quod sciebat; unde sequitur et ait illis Iesus : neque ego dico vobis
in qua potestate haec facio. Ob duas enim causas maxime scientia veritatis
est occultanda quaerentibus : cum scilicet is qui quaerit minus capax est ad
intelligendum ea quae quaerit; aut odio vel contemptu veritatis indignus est
cui debeat aperiri quod quaerit. |
Versets 1-8.
— S. Augustin : (De l’acc. des Evang., 2, 69.) Saint Luc ayant raconté comment Jésus avait chassé du temple les vendeurs et les acheteurs, passe sous silence qu’il retournait [chaque jour] à Béthanie, et revenait [le lendemain] à Jérusalem, ne dit rien du figuier qu’il dessécha, ni de la réponse qu’il fit à ses disciples étonnés sur la vertu de la foi (Mt 21, 21; Mc 11, 28), et au lieu de suivre par ordre les événements de chaque jour, comme le fait saint Marc, il continue ainsi son récit : « Un de ces jours-là, comme il enseignait le peuple dans le temple et annonçait la bonne nouvelle, survinrent les grands prêtres et les scribes, avec les anciens…», paroles qui doivent s’entendre du jour où saint Matthieu et saint Marc placent les mêmes faits. — Eusèbe : Tandis que les principaux d’entre les Juifs auraient dû être dans l’admiration devant la doctrine toute céleste du Sauveur, et reconnaître à ses paroles comme à ses actions qu’il était le Christ prédit par les prophètes, ils ne cherchent qu’à soulever le peuple contre lui et à entraver son enseignement : « Et ils lui parlèrent de la sorte : Dites-nous par quelle autorité vous faites ces choses, ou qui est celui qui vous a donné ce pouvoir ?» — S. Cyrille : C’est-à-dire : d’après la loi de Moïse, il n’y a que ceux qui sont de la tribu de Lévi, qui aient reçu le droit d’enseigner et le pouvoir de remplir les fonctions sacrées dans le temple; or, comme vous êtes de la tribu de Juda, vous usurpez évidemment les fonctions qui nous ont été confiées. Mais, ô pharisien ! si vous connaissiez les Écritures, vous vous rappelleriez qu’il est le prêtre selon l’ordre de Melchisédech, qui doit offrir à Dieu ceux qui croient en lui par le moyen d’un culte bien supérieur à la loi. Pourquoi donc vous tourmenter de ce qu’il a chassé et banni des parvis sacrés des coutumes qui n’avaient leur raison d’être que dans les sacrifices prescrits par la loi, puisqu’il vient appeler les hommes à la véritable justification par la foi. — S. Bède : Ou encore : Quand ils font au Sauveur cette question : Par quelle autorité faites-vous ces choses ? ils doutent que ce soit par la puissance de Dieu, et veulent faire entendre que ses oeuvres sont les oeuvres du démon. D’ailleurs, en ajoutant : Qui vous a donné cette puissance, ils nient ouvertement qu’il soit le Fils de Dieu, puisqu’ils attribuent les miracles qu’il opère à une puissance autre que la sienne. Notre Seigneur pouvait confondre cette atroce calomnie par une réponse péremptoire, mais il préfère leur adresser une question pleine de sagesse pour les confondre et les condamner par leur silence ou par leur propre réponse : « Jésus leur répondit : Moi aussi, je vous ferai une question, répondez-moi : le baptême de Jean, était-il du ciel ou des hommes ?» — Théophylacte : Il veut leur prouver qu’ils ont toujours résisté à l’Esprit saint, et qu’ils ont refusé de croire non seulement à Isaïe dont ils ne se souvenaient plus, mais à Jean-Baptiste qui avait paru récemment au milieu d’eux, Il leur adresse donc à son tour une question pour leur faire entendre que s’ils n’ont point voulu croire au témoignage que lui rendait Jean-Baptiste, un si grand prophète, et qui jouissait parmi eux d’une si grande considération, ils ne le croiraient pas davantage lui-même lorsqu’il leur dirait par quelle puissance il fait ces choses. — Eusèbe : Le Sauveur demande non pas quelle était l’origine de Jean-Baptiste, mais d’où venait son baptême ? — S. Cyrille : Et ils ne rougirent pas de reculer devant la vérité, car n’est-ce pas Dieu qui avait envoyé Jean comme une voix qui criait : « Préparez la voie du Seigneur (Is 40, 3; Mt 3, 3; Mc 1, 3; Lc, 3, 4). » Or, ils craignirent de dire la vérité de peur de s’attirer cette réponse : Pourquoi donc n’y avez-vous pas cru ? Et ils n’osent d’ailleurs blâmer le précurseur, non par un sentiment de crainte de Dieu, mais par crainte du peuple : « Et ils faisaient en eux-mêmes cette réflexion : Si nous répondons : Du ciel, il dira : Pourquoi donc n’y avez-vous pas cru ? » — S. Bède : C’est-à-dire : Celui qui de votre aveu a reçu du ciel le don de prophétie, m’a rendu témoignage, et vous avez appris de lui par quelle puissance je fais ces choses : « Et si nous répondons : Des hommes, tout le peuple nous lapidera, car il est persuadé que Jean était un prophète. » Ils comprirent donc que quelle que fût leur réponse, ils tomberaient dans un piége; car ils craignaient d’être lapidés; mais plus encore peut-être de confesser la vérité : « Ils lui répondirent donc qu’ils ne savaient d’où il était. » Ils n’ont pas voulu avouer ce qu’ils savaient; par un juste retour Notre Seigneur ne veut pas leur dire non plus ce qu’il sait : « Et moi, leur dit Jésus, je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses. » Il y a deux raisons en effet qui autorisent à cacher la connaissance de la vérité à ceux qui la cherchent : lorsque celui qui demande à la connaître n’a pas assez d’intelligence pour comprendre ce qu’il demande, ou qu’il est indigne de la connaître par la haine ou le mépris qu’il affecte pour la vérité. |
Lectio 2 [85927] Catena in Lc., cap. 20 l. 2 Eusebius. Congregatis in unum principibus populi Iudaeorum in ipso
templo, ea quae contra ipsum facturi erant, et superventurum eis exterminium
figurate per parabolam protulit; dicitur enim coepit autem dicere ad plebem
parabolam hanc. Homo plantavit vineam. Augustinus de Cons. Evang. Tacuit Matthaeus brevitatis causa quod Lucas
non tacet, parabolam istam non ad solos principes dictam, qui de potestate
interrogaverunt, sed etiam ad plebem. Ambrosius.
Plerique autem varie significationes de vineae appellatione derivant; sed
evidenter Isaias vineam domini Sabaoth domum Israel esse memorat. Hanc vineam
quis alius nisi Deus condidit? Beda.
Homo ergo qui plantavit vineam ipse est, qui iuxta aliam parabolam
conduxit operarios in vineam suam. Eusebius.
Sed parabola quam Isaias dicit, vineam reprehendit; salvatoris vero
parabola non est contra vineam dicta, sed de cultoribus vineae, de quibus
subditur et locavit eam colonis, idest senioribus populi, et principibus
sacerdotum, et doctoribus, et optimatibus cunctis. Theophylactus.
Vel quilibet de populo est vinea, idem est etiam cultor : quilibet enim
nostrum seipsum colit. Hac igitur vinea commissa cultoribus, abiit : idest,
dimisit illos progredi suo arbitrio; unde sequitur et ipse peregre fuit
multis temporibus. Ambrosius.
Non quia ex loco ad locum profectus est dominus, qui ubique semper
praesens est; sed quia praesentior est diligentibus, negligentibus abest.
Multis autem temporibus abfuit, ne praepropera videretur exactio : nam quo
indulgentior liberalitas eo inexcusabilior pervicacia. Cyrillus.
Vel Deus absentavit se a vinea plurium annorum curriculis : quia postquam
visus est in specie ignis descendisse in montem Sina, non amplius visibiliter
praebuit eis suam praesentiam. Nulla tamen interpolatio contigit qua non
mitteret Deus prophetas et iustos commonentes; unde sequitur et in tempore
vindemiae, ille misit ad cultores servum, ut de fructu vineae darent illi.
Theophylactus.
Dicit autem de fructu vineae, quia non totum fructum, sed aliquid de
fructu volebat accipere. Nam quid lucratur Deus a nobis nisi suam notitiam,
quae etiam est nostra utilitas? Beda.
Bene autem fructum posuit, non proventum : nullus enim huius vineae
proventus inventus est. Servus ergo primus missus est Moyses, qui per
quadraginta annos fructum aliquem legis quam dederat, a cultoribus requirebat;
sed vexatus est propter eos, quia exacerbaverunt spiritum eius; unde sequitur
qui caesum dimiserunt eum inanem. Ambrosius.
Factum est autem ut plures alios destinaret, quos Iudaei inhonoros et
inanes sibi, de quibus nihil potuerunt proficere, dimiserunt; unde sequitur
et addidit alterum servum mittere. Beda.
Servus alter David significatur, qui missus est, ut post edicta legalia
cultores vineae psalmodiae modulamine ad exercitium boni operis excitaret;
sed et contra hunc dixerunt : quae nobis pars in David, aut quae haereditas
in filio Isai? Unde sequitur illi autem hunc caedentes et afficientes
contumelia, dimiserunt inanem. Sed nec sic destitit; sequitur enim et addidit
tertium mittere : per quem prophetarum chorum intellige, qui continuis attestationibus
populum convenerunt. Sed quem prophetarum non sunt persecuti? Unde sequitur
qui et illum vulnerantes eiecerunt. His autem tribus servorum gradibus omnium
sub lege doctorum figuram posse comprehendi, dominus alibi manifestat, dicens
: quoniam necesse est impleri omnia quae sunt in lege Moysi et prophetis et
Psalmis de me. Theophylactus.
Prophetis igitur talia mala passis, filius destinatur; sequitur enim dixit
autem dominus vineae : quid faciam? Beda.
Quod dominus vineae dubitative loquitur, non de ignorantia venit : quid
enim nesciat Deus pater? Sed ambigere dicitur, ut libera voluntas hominis
servetur. Cyrillus.
Deliberat etiam secum dominus vineae quid agat, non quasi carens
ministris, sed quia pertentato quolibet ingenio salutis humanae, populo vero
nequaquam adiuto, aliud maius adiungit; unde consequenter dicit mittam filium
meum dilectum : forsitan cum hunc viderint, verebuntur. Theophylactus.
Dixit autem hoc, non tamquam ignorans quod peius eum essent tractaturi
quam prophetas : sed quia oportebat filium eis fieri reverendum. Quod si contumaces fuerint occidendo, hoc cumulat eorum crimen. Ne
ergo dicerent aliqui divinam praescientiam necessario fuisse inobedientiae
causam, ideo sic figurat sermonem. Ambrosius. Filium igitur unigenitum sibi missum perfidi Iudaei,
quasi heredem removere cupientes, occiderunt crucifigendo, et eiecerunt
negando; unde sequitur quem cum vidissent coloni, cogitaverunt intra se
dicentes : hic est heres : occidamus eum, ut nostra fiat hereditas. Heres Christus
est, idemque testator; heres, quia morti propriae supervivit, et
testamentorum quae ipse contulit tamquam hereditaria in nostris profectibus
emolumenta consequitur. Beda. Manifestissime autem dominus probat, Iudaeorum principes non
per ignorantiam, sed per invidentiam crucifixisse filium Dei. Intellexerunt
enim hunc esse cui dictum est : dabo tibi gentes haereditatem tuam; sequitur
enim et eiectum extra vineam occiderunt; quia Iesus, ut sanctificaret per
suum sanguinem populum, extra portam passus est. Theophylactus.
Sed quia superius populum, non Ierusalem, loco vineae sumpsimus; forsan
magis proprie dici potest, quod occidit quidem eum populus extra vineam;
idest, extra populi manus passus est dominus, quia scilicet populus ei non
propriis manibus necem intulit, sed tradens hunc Pilato et gentibus. Quidam
autem per vineam Scripturam intellexerunt, cui non credentes, dominum
necaverunt : unde extra vineam, idest extra Scripturam, dicitur dominus
passus. Beda.
Sive eiectus extra vineam et occisus est, quia prius est ab infidelium
corde repulsus, ac deinde cruci addictus est. Chrysostomus.
Dispensationis autem, non negligentiae est post prophetas Christum venisse
: non enim Deus omnia repente prosequitur, sed condescendit propter sui
pietatem : quia si post servos venientem filium contempserunt, multo magis
nec antea eum audirent : qui enim non audiebant minora praecepta, quomodo
audivissent maiora? Ambrosius.
Pulchre autem interrogat, ut sua se ipsi damnent sententia; sequitur enim
quid ergo faciet illis dominus vineae? Basilius.
Hoc autem fit, quasi his qui damnantur nihil habentibus opponere
evidentiae iuris. Proprium autem est divinae miserationis non infligere
poenas silentio, sed praedicere minis, revocando eos ad poenitentiam; unde et
hic sequitur veniet, et perdet colonos istos, et dabit vineam aliis. Ambrosius.
Venturum dominum dicit vineae, quod in filio adsit etiam paterna maiestas;
vel quod ultimis temporibus praesentior humanis aspiret affectibus. Cyrillus.
Exclusi sunt igitur Iudaeorum primates, quasi dominicae voluntati
repugnantes, et sterilem reddentes vineam sibi commissam; est autem datus
cultus vineae sacerdotibus novi testamenti. Cum autem virtutem aenigmatis
senserunt, recusant illud pati; unde sequitur quo audito, dixerunt illi :
absit. Nec tamen evaserunt ob sui pertinaciam et inobedientiam erga fidem
Christi. Theophylactus.
Aliter autem videtur Matthaeus dicere, dominum scilicet quaesivisse : quid
faciet illis cultoribus dominus vineae? Iudaeos vero respondisse : malos male
perdet. Non est autem repugnantia : nam utrumque factum est : primo enim ipsi
promulgaverunt illam sententiam; postea sentientes quo tendebat parabola,
dixerunt absit, ut Lucas hic narrat. Augustinus
de Cons. Evang. Vel aliter. In illa de qua loquimur turba erant qui dolose
dominum interrogaverant, in qua potestate faceret; erant etiam qui non
dolose, sed fideliter acclamaverunt : benedictus qui venit in nomine domini,
ac per hoc erant qui dicerent perdet illos, et vineam suam dabit aliis : quae
vox recte etiam ipsius domini fuisse intelligitur, sive propter veritatem,
sive propter membrorum eius cum suo capite unitatem. Erant etiam qui talia
respondentibus dicerent absit : quia intelligebant in seipsos hanc parabolam
dictam; sequitur enim ille autem aspiciens eos ait : quid est ergo quod
scriptum est : lapidem quem reprobaverunt aedificantes, hic factus est in
caput anguli? Beda.
Quasi dicat : quomodo implebitur haec prophetia, nisi quia Christus a
vobis reprobatus et occisus, credituris est gentibus praedicandus, ut quasi
lapis angularis ex utroque populo unum sibi templum aedificet? Eusebius.
Lapis autem dicitur Christus propter terrestre corpus, abscissus sine
manibus : secundum visionem Danielis propter ortum ex virgine. Lapis autem
non argenteus aut aureus, quia non rex aliquis gloriosus, sed homo humilis et
abiectus; propter quod aedificantes eum reprobaverunt. Theophylactus.
Reprobaverunt enim eum principes populi, cum dixerunt : hic a Deo non est.
Ille vero tam utilis fuit, tam electus, ut in capite anguli poneretur. Cyrillus.
Angulo vero comparat sacra Scriptura concursum utriusque populi,
Israelitici scilicet et gentilis, in unam fidem : compegit enim salvator
utrumque populum in unum novum hominem, concilians eos in uno corpore patri.
Salubris ergo est lapis angulo facto ab eo; detrimentum autem infert Iudaeis
impugnantibus hunc spiritualem concursum. Theophylactus.
Duas autem condemnationes commemorat : unam quidem animarum suarum, quam
passi sunt scandalizati in Christo; et hoc tangit cum dicit omnis qui
ceciderit super illum lapidem, conquassabitur; aliam vero captivitatis et
exterminii, quam intulit eis lapis ab ipsis contemptus; et hoc tangit cum
subdit supra quem autem ipse ceciderit, comminuet illum, vel ventilabit eum :
sic enim ventilati sunt Iudaei a Iudaea per universum orbem, ut ab area
paleae. Et attende ordinem : nam praeambulum est scelus in eum commissum,
sequitur autem iusta Dei vindicta. Beda.
Vel aliter. Qui peccator est, et tamen illi credit, cadit quidem super
lapidem et conquassatur, reservatur enim per poenitentiam ad salutem; supra
quem vero ille ceciderit, hoc est, cui lapis ipse irruerit, quia ipsum
negavit, comminuet eum, ut nec testa quidem remaneat, in qua hauriatur aquae
pusillum. Sive de his dicit quod cadunt super eum, qui illum modo contemnunt;
ideo nondum penitus intereunt, sed conquassantur, ut non recti ambulent :
super quos autem cadit, veniet illis desuper in iudicio cum poena
perditionis; ideo comminuet eos, ut sint tamquam pulvis, quem proicit ventus
a facie terrae. Ambrosius.
Vinea etiam typus noster est : agricola quippe omnipotens pater, vitis
Christus; at vero nos palmites. Recte vinea Christi populus nominatur : vel
quod crucis in fronte praetexat indicium; vel quod fructus ex postrema anni
legatur aetate; vel quod omnibus, ut ordinibus vinearum, ita pauperibus atque
divitibus, servis et dominis in Ecclesia aequa dimensio, nulla discretio sit;
et ut vitis maritatur arboribus, ita corpus animae. Hanc vineam diligens agricola
fodere et tondere consuevit, ne luxuriet umbra foliorum, verborumque
infructuosa iactantia maturitatem indolis naturalis impediat. Decet totius
orbis hic esse vindemiam, ubi totius orbis est vinea. Beda.
Vel morali intellectu cuique fidelium vinea quam excolat locatur, dum
mysterium Baptismi quod exerceat sibi committitur. Mittitur servus unus,
alter, tertius, cum lex, psalmodia et prophetia legitur. Sed missus servus
contumeliis affectus vel caesus dicitur, cum sermo auditus contemnitur vel blasphematur.
Missum heredem quantum in se est occidit qui filium Dei peccando conculcat.
Perdito malo cultore, vinea datur alteri, cum dono gratiae, quod superbus
sprevit, humilis ditatur. |
Versets 9-18.
— Eusèbe : Les princes des Juifs s’étant trouvés réunis dans le temple, Jésus leur prédit sous le voile de cette parabole les excès auxquels ils allaient se porter contre lui, et la destruction de leur nation qui devait en être le châtiment : « Alors il commença à dire au peuple cette parabole : Un homme planta une vigne, » etc. — S. Augustin : (acc. des Evang., 2, 70.) Saint Matthieu, pour abréger, passe sous silence cette circonstance rapportée par saint Luc : que le Sauveur raconta cette parabole, non seulement aux principaux d’entre les Juifs qui l’avaient interrogé sur sa puissance, mais encore à tout le peuple. — S. Ambroise : La plupart des interprètes diffèrent sur la signification de la vigne dont parle ici Notre Seigneur, mais il faut s’en tenir à l’explication d’Isaïe, qui dit clairement que la vigne du Dieu des armées, c’est la maison d’Israël. (Is 5.) Quel autre que Dieu a planté cette vigne ? — S. Bède : Cet homme qui a planté cette vigne est le même qui, dans une autre parabole, loue des ouvriers pour travailler à sa vigne. — Eusèbe : Mais dans la parabole d’Isaïe c’est à la vigne que le Seigneur adresse ses reproches; ici au contraire, dans la parabole du Sauveur, ce n’est pas à la vigne, mais aux vignerons : « Il la loua à des vignerons », c’est-à-dire aux anciens du peuple, aux princes des prêtres, aux Docteurs et aux grands de la nation. —
Théophylacte : Ou bien encore : tout homme est à la
fois la vigne et le vigneron, car chacun de nous se cultive lui-même. Or,
après avoir ainsi confié sa vigne aux vignerons, il s’en alla, c’est-à-dire
qu’il les laissa faire à leur gré : « Puis
il s’en alla pour longtemps en voyage. » — S. Ambroise : Ce n’est pas que le Seigneur se transporte d’un lieu dans un autre, lui qui est toujours présent partout, mais parce qu’il fait sentir plus particulièrement sa présence à ceux qui l’aiment, et son absence à ceux qui l’oublient. Il fut longtemps absent, pour que la demande de ce qui lui était dû ne parût point prématurée; car plus la générosité à fait preuve d’indulgence, plus la résistance est inexcusable. — S.
Cyrille : Ou encore : Dieu fut absent de sa vigne
pendant une longue suite d’années, parce qu’en effet depuis qu’il apparut au
milieu du feu sur le mont Sinaï (Ex 19),
il ne manifesta plus sa présence d’une manière sensible. Cependant il ne
cessa d’envoyer sans interruption à son peuple des prophètes et des justes
pour lui rappeler ses devoirs : « Le
temps de la vendange étant venu, il envoya un de ses serviteurs aux
vignerons, afin qu’ils lui donnassent du fruit de la vigne. » — Théophylacte : Il dit : « du fruit de la vigne, » parce qu’il ne réclamait pas la totalité, mais seulement une partie des fruits; car qu’est-ce que Dieu peut gagner de nous, si ce n’est la connaissance que nous avons de lui et qui encore tourne à notre avantage ? — S.
Bède : C’est à dessein qu’il parle du fruit et non
du revenu de la vigne, car elle ne produisit jamais aucun revenu. Or, le
premier serviteur que Dieu envoya, fut Moïse, qui pendant quarante ans (Ps 94, 19) demanda aux vignerons
quelque fruit de la loi qu’il leur avait donnée; mais au contraire : « Il fut affligé à cause d’eux, car
ils aigrirent son esprit » (Ps
105, 32) : « Mais eux l’ayant
battu, dit Notre Seigneur, le
renvoyèrent les mains vides. » — S. Ambroise : Il leur envoya encore plusieurs autres serviteurs que les Juifs renvoyèrent sans les honorer, et sans en avoir tiré aucun profit : « Il envoya encore un autre serviteur, » etc. — S. Bède : Cet autre serviteur, c’est David qui fut envoyé de Dieu, après la promulgation de toutes les observances de la loi, pour exciter par les chants harmonieux des psaumes les ouvriers de la vigne à la pratique des bonnes oeuvres. Mais au lieu de l’écouter, ils dirent : « Quelle part avons-nous avec David, et qu’attendons-nous du fils d’Isaïe ? » (2 R 20, 1; 3 R 12, 16) : « Et ayant aussi battu et chargé d’outrages ce second serviteur, ils le renvoyèrent les mains vides. » Cependant le maître ne s’en tint pas là : « Il en envoya un troisième, » c’est-à-dire le choeur des prophètes, qui ne cessèrent de faire entendre au peuple leurs enseignements et leurs réclamations. Mais quel est celui des prophètes que ce peuple n’ait persécuté ? « Ils le blessèrent, et le jetèrent dehors. » Notre Seigneur, dans ces trois serviteurs différents, a voulu comprendre les docteurs de la loi mosaïque; interprétation qu’il autorise lui-même lorsqu’il dit dans un autre endroit : « il est nécessaire que tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes s’accomplisse. » (Lc 24, 44.) — Théophylacte : Après que les prophètes eurent souffert tous ces outrages, Dieu résolut d’envoyer son Fils. Alors le maître de la vigne dit : « Que ferai-je ? » — S. Bède : Si le maître de la vigne s’exprime ici en termes dubitatifs, ce n’est point par ignorance de ce qu’il doit faire, (car qu’est-ce que Dieu peut ignorer ?) mais il emploie cette forme dubitative pour laisser à l’homme le libre usage de sa volonté. — S.
Cyrille : (Chronique
des Pères grecs) Le maître de la vigne parait délibérer
en lui-même sur ce qu’il doit faire, non pas qu’il manque de serviteurs, mais
parce qu’après avoir tenté tous les moyens de sauver les hommes, sans qu’ils
en aient jamais profité, il a eu recours à un moyen qui surpasse tous les
autres : « J’enverrai mon fils
bien aimé, peut-être qu’en le voyant ils le respecteront. » — Théophylacte : S’il parle de la sorte, ce n’est pas qu’il ignorât qu’ils le traiteraient plus cruellement encore qu’ils n’avaient traité les prophètes, mais parce que le fils avait plus de droits à leurs respects [que les serviteurs], et qu’ils mettraient le comble à leurs crimes en refusant de lui obéir et en le mettant à mort. S’il emploie encore ici la forme figurée, c’est donc pour qu’on ne pût dire que la prescience divine avait été la cause de leur désobéissance. — S. Ambroise : Les Juifs perfides voulant se défaire du Fils unique que Dieu leur envoyait, et qu’ils refusaient de reconnaître pour héritier, le chassèrent en le reniant, et le mirent à mort en l’attachant à une croix : « Les vignerons l’ayant vu, dirent en eux-mêmes : Voici l’héritier, tuons-le, afin que l’héritage soit pour nous. » Jésus-Christ est tout à la fois l’héritier et le testateur; l’héritier, parce qu’il a survécu à sa propre mort, et que nos progrès dans le bien sont comme les biens héréditaires qu’il reçoit en vertu des testaments qu’il a faits en notre faveur. — S. Bède : Notre Seigneur prouve ici de la manière la plus évidente que ce n’est point par ignorance, mais par jalousie que les princes des Juifs ont crucifié le Fils de Dieu. Car ils comprirent que c’était à lui que s’appliquaient ces paroles du Roi-prophète : « Je vous donnerai les nations pour héritage, » (Ps 2.) « Et l’ayant jeté hors de la vigne, ils le tuèrent. » En effet, « Jésus, afin de sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert hors la porte de la ville. » (He 13.) — Théophylacte : Comme nous avons expliqué plus haut la vigne du peuple juif plutôt que de la ville de Jérusalem, peut-être serait-il plus naturel de dire ici que le peuple a mis à mort le Fils hors de la vigne, dans ce sens que le Seigneur n’a point souffert par ses mains, parce qu’en effet, il ne le fit pas mourir de ses propres mains, mais le livra à Pilate et aux mains des Gentils. Il en est qui par la vigne entendent la sainte Écriture, ce fut pour avoir refusé d’y croire qu’ils mirent le Seigneur à mort, et c’est pour cela qu’il est dit qu’ils le firent mourir hors de la vigne, c’est-à-dire hors de l’Écriture. — S. Bède : Ou bien encore : il a été jeté hors de la vigne avant d’être mis à mort, parce qu’il a été repoussé du coeur des infidèles avant d’être attaché à la croix. — S. Jean Chrysostome : C’est par un dessein de miséricorde et non par indifférence que Dieu a envoyé Jésus-Christ après les prophètes. En effet, Dieu ne précipite pas l’exécution de ses oeuvres, mais son amour use à notre égard d’une grande condescendance; n’est-il pas vrai que si les Juifs ont maltraité le fils qui venait après les serviteurs, à plus forte raison ne l’auraient-ils pas écouté tout d’abord ? Comment auraient-ils pu entendre des enseignements plus élevés, eux qui ne voulaient même pas entendre les plus simples ? — S. Ambroise : Le Sauveur leur adresse, bien à propos, une question, pour qu’ils prononcent eux-mêmes leur condamnation : « Que leur fera donc le maître de la vigne ? » — S.
Basile : (sur
le chap. 6 d’Isaïe.)
Il leur parle de la sorte comme à des criminels qui n’ont rien à opposer
à la justice de leur condamnation. Or, c’est le propre de la miséricorde
divine de ne jamais punir sans avertir, sans prédire les châtiments dont les
coupables sont menacés pour exciter en eux un repentir salutaire : « Il viendra et exterminera ces
vignerons et donnera sa vigne à d’autres. » — S. Ambroise : Il annonce que le maître de la vigne viendra, parce que le Fils a la même majesté [et la même puissance] que le Père, ou parce que dans les derniers temps il fera sentir plus sensiblement sa présence pour répondre aux désirs des hommes. — S. Cyrille : Les principaux d’entre les Juifs ont donc été rejetés comme rebelles à la volonté du Seigneur, et pour avoir laissé stérile la vigne qui leur avait été confiée. La culture de cette vigne a été donnée aux prêtres du Nouveau Testament. Or, dès qu’ils comprirent l’application de cette parabole, ils voulurent s’y soustraire : « Ce qu’ayant entendu, ils lui dirent : A Dieu ne plaise. » Et cependant ils n’en devinrent pas meilleurs, par suite de leur opiniâtreté et de leur résistance à la foi en Jésus-Christ. — Théophylacte : Le récit de saint Matthieu paraît tant soi peu différent, puisqu’à cette question du Seigneur : « Que fera donc aux vignerons le maître de la vigne ? » les Juifs répondent : « Il fera périr misérablement ces misérables. » (Mt 21.) Cependant il n’y a ici aucune contradiction, et les deux récits sont également vrais. En effet, les Juifs ont d’abord rendu cette sentence; puis, quand ils comprirent le but de cette parabole, ils se récrièrent et dirent : « A Dieu ne plaise, » comme saint Luc le raconte ici. — S. Augustin : (De l’accord des Evang., 4, 70.) Ou bien encore, dans la multitude dont nous parlons, il en était qui lui avaient demandé astucieusement par quelle puissance il faisait ces choses; il en était aussi qui, sans aucun artifice et de bonne foi, l’avaient acclamé en disant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » Et ce sont ces derniers qui ont pu dire : « Il fera périr misérablement ces misérables, et donnera sa vigne à d’autres. » On peut aussi attribuer cette parole au Seigneur, soit qu’il l’ait dite véritablement, soit à cause de l’union de ses membres avec leur chef. D’autres aussi ont pu répondre à ceux qui prononçaient cette sentence : « A Dieu ne plaise, » parce qu’ils comprenaient que cette parabole était dirigée contre eux. « Mais
Jésus les regardant, dit : Qu’est-ce donc que cette parole de l’Écriture :
« La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, est devenue le sommet
de l’angle ? » — S. Bède : C’est-à-dire : comment s’accomplira cette prophétie, si ce n’est lorsque le Christ que vous avez rejeté et mis à mort, sera prêché aux Gentils, qui croiront en lui, et que, comme une pierre angulaire, il se bâtira un seul temple avec les deux peuples. — Eusèbe : Le Christ est comparé ici à une pierre à cause de son corps d’une nature terrestre; cette pierre a été détachée [de la montagne] sans la main d’aucun homme, selon la vision de Daniel (Dn 2, 34), parce qu’il est né d’une vierge : cette pierre n’est ni d’argent ni d’or, parce qu’il n’a point paru comme un roi resplendissant de gloire, mais comme un homme humble et méprisé; aussi ceux qui bâtissaient l’ont rejeté. — Théophylacte : Les princes du peuple l’ont rejeté, lorsqu’ils ont dit « Cet homme ne vient pas de Dieu. » (Jn 7, 16.) Et cependant cette pierre était si utile et si bien choisie, qu’elle est devenue le sommet de l’angle. — S. Cyrille : L’angle, dans le langage de la sainte Écriture, représente l’union des deux peuples Juif et Gentil dans une même foi (Ep 2; 1 P 2), car de ces deux peuples le Sauveur n’a formé lui-même qu’un seul homme nouveau, et les réunissant tous deux en un seul corps, les a réconciliés à Dieu. Il est donc une pierre de salut pour l’angle qu’il a construit, mais il devient une cause de ruine pour les Juifs qui s’opposent à cette union spirituelle des deux peuples. — Théophylacte : Notre Seigneur distingue ici deux condamnations [ou deux ruines] des Juifs : la ruine de leurs âmes, lorsque Jésus-Christ leur a été un objet de scandale, et il y fait allusion par ces paroles : « Quiconque tombera sur cette pierre sera brisé » ; la ruine de leur nation et sa dispersion dans tout l’univers, qui eurent pour cause cette pierre qu’ils avaient rejetée, comme l’indique le Sauveur : « Et celui sur qui elle tombera elle l’écrasera » (ou le réduira en poussière). En effet, les Juifs ont été dispersés loin de la Judée, dans tout l’univers, comme la paille qui est emportée par le vent. Et remarquez l’ordre des événements, d’abord le crime énorme qu’ils ont commis contre Jésus-Christ, et puis à la suite la juste vengeance de Dieu. — S. Bède : Ou encore, celui qui pèche, mais qui néanmoins continue de croire en Jésus-Christ, tombe sur la pierre et s’y brise, mais la pénitence lui ouvre encore une voie de salut; celui au contraire sur qui tombera cette pierre (parce qu’il l’a rejetée), elle l’écrasera [comme un vase] dont il ne restera pas même un fragment pour aller puiser un peu d’eau. Ou bien encore, ceux qui tombent sur lui sont ceux qui le méprisent et qui ne périssent pas encore entièrement, mais qui sont brisés, en sorte qu’ils ne peuvent plus marcher droit. Mais pour ceux sur lesquels il tombe, il descendra du ciel pour leur infliger le juste châtiment de leurs crimes, et ils seront écrasés comme la poussière que, le vent disperse de dessus la face de la terre. (Ps 1.) — S. Ambroise : Cette vigne est encore notre image, Dieu le Père tout puissant est le laboureur, Jésus-Christ est la vigne, nous sommes les branches. (Jn 15.) C’est à juste titre que le peuple chrétien est appelé la vigne du Christ, ou parce qu’il porte sur le front le signe de la Croix, soit parce que son fruit n’est cueilli que dans la dernière saison de l’année, soit parce que dans l’Église, les pauvres et les riches, les serviteurs et les maîtres sont placés indistinctement comme les ceps de la vigne, sans aucune discrimation. De même que la vigne se marie aux arbres autour desquels elle s’enlace, ainsi le corps est étroitement uni à l’âme. Le vigneron diligent prend soin de cultiver et de tailler cette vigne, pour retrancher la trop grande abondance de feuilles et cette stérile ostentation de paroles qui paralyse la force naturelle de la vigne et empêche son fruit de parvenir à sa maturité. Enfin la vendange de cette vigne se fait par tout l’univers, puisqu’elle est répandue jusqu’aux extrémités du monde. — S. Bède : (sur Marc.) Ou encore, dans le sens moral, Dieu donne à chaque fidèle la vigne à cultiver, lorsqu’il lui confie le soin de faire fructifier le baptême qu’il a reçu. Il lui envoie un premier, un second, un troisième serviteur, lorsqu’il lui fait lire la loi, les psaumes et les prophètes. Le serviteur qu’il envoie est couvert d’outrages et déchiré de coups, lorsqu’on méprise ou qu’on blasphème la parole qu’on entend; et on met à mort l’héritier (autant qu’on peut le faire), lorsqu’on foule aux pieds le Fils de Dieu par ses péchés. (He 6.) Le mauvais vigneron ayant reçu le châtiment [qu’il mérite], la vigne est confiée à un autre, lorsque l’humble fidèle s’enrichit du don de la grâce que le superbe a méprisé. |
Lectio 3 [85928] Catena in Lc., cap. 20 l. 3 Cyrillus. Decebat quidem principes Iudaeorum, intelligentes quod de
ipsis parabola diceretur, a malo sic discedere, quasi de futuris instructos;
sed hoc non considerantes, occasionem suorum colligunt criminum; unde dicitur
et quaerebant principes sacerdotum et Scribae mittere in illum manus in illa
hora. Nec refrenavit eos legis praeceptum, quod dicit : innocentem et iustum
non occides; sed compescuit eorum nefandum propositum plebis timor; sequitur
enim et timuerunt populum. Praeferunt enim divinae reverentiae humanum
timorem. Quae autem huius propositi fuerit occasio, subditur cognoverunt enim
quod ad ipsos dixerit similitudinem istam. Beda.
Et ita quaerendo ipsum occidere, docebant vera esse quae in parabola
dixerat. Ipse enim est heres, cuius iniustam necem dicebant esse vindicandam;
illi nequam coloni, qui Dei filium quaerebant occidere. Hoc etiam quotidie
geritur in Ecclesia, cum quilibet solo nomine frater, eam quam non diligit
ecclesiasticae fidei ac pacis unitatem, propter bonorum multitudinem, vel
erubescit, vel timet impugnare. Et quia principes quaerebant dominum
comprehendere, quod per se non poterant, praesidis manibus efficere
tentabant; unde sequitur et observantes miserunt insidiatores, qui se iustos
simularent. Cyrillus.
Videbantur enim esse leves; erant autem graves, obliti Dei dicentis : quis
hic qui mihi abscondit consilium? Adeunt enim Christum omnium salvatorem quasi
hominem communem; unde sequitur ut caperent eum in sermone, et traderent eum
principatui, et potestati praesidis. Theophylactus.
Paraverunt autem domino laqueos; illaqueati sunt tamen in eis pedes eorum.
Audi namque astutiam. Et interrogaverunt illum dicentes : magister, scimus
quia recte dicis et doces. Beda.
Blanda et fraudulenta interrogatio illuc provocat respondentem ut magis
Deum quam Caesarem timeat; sequitur enim et non accipis personam hominis, sed
in veritate viam Dei doces. Et hoc dicunt ad hoc ut dicat non debere tributa
solvi, ut statim audientes ministri praesidis, qui, iuxta alios Evangelistas,
affuisse leguntur, seditionis eum contra Romanos auctorem teneant; unde
consequenter quaerunt : licet nobis dare tributum Caesari, an non? Erat enim
in populo magna seditio, dicentibus aliis, pro securitate, qua Romani pro
omnibus militabant, debere tributa persolvi; Pharisaeis contra dicentibus non
debere populum Dei, qui decimas et primitias daret, humanis legibus subiacere.
Theophylactus.
Intendebant ergo, quod si diceret oportere dari censum Caesari,
criminaretur a populo quasi servituti subiciens gentem; si vero prohiberet
censum reddere, eum repraesentarent ut schismaticum praesidi. Ipse vero
laqueos eorum effugit; sequitur enim considerans autem dolum eorum, dixit ad
eos : quid me tentatis? Ostendite mihi denarium. Cuius habet imaginem et
superscriptionem? Ambrosius.
Docet hoc loco dominus circumspectos nos in respondendo adversus
haereticos vel Iudaeos esse debere; sicut alibi dixit : estote astuti sicut
serpentes. Beda.
Qui autem putant interrogationem salvatoris ignorantiam esse, discant ex
praesenti loco, quod potuerit scire Iesus cuius imago esset in nummo; sed
interrogat, ut ad sermonem eorum competenter respondeat; sequitur enim
respondentes dixerunt : Caesaris. Non putemus Caesarem Augustum, sed Tiberium
significari. Omnes enim Romani reges a primo Caio Caesare, Caesares appellati
sunt. Ex eorum autem responsione convenienter dominus quaestionem solvit;
sequitur enim et ait illis : reddite ergo quae sunt Caesaris Caesari, et quae
sunt Dei Deo. Titus.
Quasi dicat : verbis tentatis, operibus obedite : subiistis Caesaris
servitutem, suscepistis quae eius sunt : date ergo illi censum, Deo timorem :
non enim exigit Deus denarium, sed fidem. Beda.
Reddite etiam Deo quae Dei sunt, decimas scilicet, primitias, oblationes
et victimas. Theophylactus.
Et attende quod non dixit : date, sed reddite; debitum enim est : tuetur
enim te princeps tuus ab hostibus, vitam tuam reddit tranquillam; pro his
ergo teneris ei in censu. Sed et hoc ipsum quod offers, numisma scilicet, ab
eo habes. Reddes ergo numisma regium regi. Deus etiam tibi tradidit
intellectum et rationem : restituas hoc ei non comparatus bestiis, sed in
omnibus rationabiliter procedens. Ambrosius.
Tu ergo si vis non esse obnoxius Caesari, noli habere quae mundi sunt. Et
bene prius quae Caesaris sunt reddenda decernit : neque enim potest quis esse
domini, nisi prius renuntiaverit mundo. Quam gravia vincula promittere Deo et
non solvere. Maior est contractus fidei quam pecuniae. Origenes.
Habet autem locus iste aliquid mystici. Duae
enim sunt imagines in homine : una quam accepit a Deo, altera inimici. Sicut
enim denarius habet imaginem imperatorum mundi : sic qui facit opera tenebrarum,
portat imaginem eius cuius habet opera. Dicit ergo reddite quae sunt Caesaris
Caesari, hoc est, abicite terrenam imaginem, ut possitis, vobis imaginem
caelestem imponentes, reddere quae Dei sunt Deo, ut scilicet Deum diligamus,
etc. quae, ut Moyses dicit, Deus requirit a nobis. Postulat autem a nobis
Deus, non quia necessarium habet ut ei aliquid tribuamus; sed ut postquam ei
dederimus, hoc ipsum nobis tribuat in salutem. Beda. Qui autem credere debuerant, ad tantam sapientiam mirati sunt,
quod calliditas eorum insidiandi non invenisset locum; unde sequitur et non
potuerunt verbum eius reprehendere coram plebe, et mirati in responso eius
tacuerunt. Theophylactus. Hoc enim erat quod praecipue
intendebant, increpare eum coram populo; quod obtinere nequiverunt propter
sapientissimam eius responsionem. |
Versets 19-26.
— S. Cyrille : Les
princes des prêtres juifs, comprenant que cette parabole s’appliquait à eux,
et instruits de ce qui devait leur arriver, auraient dû renoncer à leurs mauvais
desseins; mais loin de là, ils cherchent l’occasion de les mettre à exécution
: « Les princes des prêtres et les
scribes cherchaient à se saisir de lui à l’heure même, ». Ils ne
sont point retenus par ce commandement de la loi : « Tu ne feras périr ni l’innocent ni le juste. » (Ex 23.) Et s’ils ajournent
l’accomplissement de leurs criminels desseins, c’est par crainte du peuple : « Mais ils craignaient le
peuple. » Ils mettent la crainte des hommes au-dessus de la crainte
de Dieu. Or, quel motif leur fit concevoir ce coupable projet ? le voici
: « Car ils comprirent que cette
parabole s’appliquait à eux. » — S. Bède : (sur Marc.) En cherchant à faire mourir le Sauveur, ils confirmaient la vérité de ce qu’il avait dit dans cette parabole, car il était l’héritier dont la mort injuste devait être vengée par le châtiment des meurtriers, et ils étaient eux-mêmes ces méchants vignerons, qui cherchaient à faire mourir le Fils de Dieu. La même chose se renouvelle encore tous les jours dans l’Église, lorsqu’un frère qui ne l’est que de nom, n’a aucune affection pour l’unité de la foi et de la paix dans l’Église, quoiqu’il rougisse ou qu’il craigne de la combattre, à cause de la multitude des fidèles dont il est environné. Les princes des prêtres voulaient se saisir de la personne du Seigneur et ne pouvant le faire par eux-mêmes, ils cherchaient à le livrer aux mains du gouverneur : « C’est pourquoi l’épiant, ils lui envoyèrent des gens apostés, qui firent semblant d’être justes. » — S.
Cyrille : Ils paraissaient agir avec légèreté, mais
au fond ils agissaient avec une malice réfléchie, ils oubliaient que Dieu a
dit : « Qui est celui-là qui
prétend dérober à Dieu le secret de ses desseins ? » (Jb 42.) Ils viennent trouver le
Sauveur de tout l’Univers comme un homme ordinaire : « pour le surprendre dans ses paroles. » —
Théophylacte : Ils voulurent tendre un piége au
Seigneur, et ils y tombèrent eux-mêmes les premiers. Écoutez, en effet, leur
question astucieuse : « Et ils vinrent
donc ainsi l’interroger : Maître, nous savons que vous parlez et que vous
enseignez avec droiture. » — Bède : (de Jérôme sur Matth.) Par cette flatterie mensongère et cette question insidieuse, ils veulent le forcer à déclarer qu’il craint plus Dieu que César : « Et vous ne faites acception de personne, mais vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité. » En parlant ainsi, ils veulent l’amener à dire qu’on ne doit pas payer le tribut, afin que les satellites du gouverneur, qui étaient présents, selon les autres Évangélistes, se saisissent de lui, comme cherchant à soulever le peuple contre les Romains. C’est pour cela qu’ils lui font cette question : « Nous est-il permis de payer le tribut à César, ou non ? » Il y avait, en effet, une grande division d’opinions parmi le peuple, les uns soutenaient qu’en raison de la sécurité, dont toute la nation jouissait sous les Romains, on devait leur payer le tribut; les pharisiens, au contraire, prétendaient que le peuple de Dieu, qui donnait déjà la dîme et les prémices, ne devait pas être soumis à des lois qui venaient des hommes. —
Théophylacte : Ils épiaient donc la réponse qu’il
allait faire : s’il faisait une obligation de payer le tribut à César, le
peuple l’accuserait de vouloir réduire la nation en servitude; s’il
défendait, au contraire, de le payer, on le dénoncerait au gouverneur comme
rebelle. Mais Jésus échappe au piége qu’ils lui tendent : « Considérant leur démarche
astucieuse, il leur dit : Pourquoi me tentez-vous ? Montrez-moi un
denier, quelle image et quel nom porte-t-il ? » — S. Ambroise : Notre Seigneur nous apprend ici avec quelle circonspection nous devons répondre aux hérétiques ou aux Juifs, comme il nous l’a recommandé ailleurs : « Soyez prudents comme des serpents. » (Mt 10.) — S.
Bède : Ceux qui pensent que le Seigneur interrogeait
par ignorance, doivent reconnaître ici que Jésus pouvait parfaitement savoir
de qui cette monnaie portait l’image, cependant il interroge les Juifs pour
leur répondre d’après leurs propres paroles : « Ils lui répondirent : De César. » Sachons que ce
César n’est pas César Auguste, mais Tibère; car tous les empereurs romains,
depuis le premier, Caius César, ont porté le nom de César. Notre Seigneur
résoud la difficulté qu’ils lui ont proposée, d’après leur réponse : « Et il leur dit : Rendez donc à
César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » — Tite : Comme s’il leur disait : Vous me tentez par vos paroles, conformez votre conduite à vos oeuvres; vous avez accepté la domination de César, vous jouissez des avantages qu’elle vous procure, rendez-lui donc le tribut, et à Dieu la crainte qui lui est due; car Dieu ne vous demande point votre argent, mais votre foi. — S. Bède : Rendez aussi à Dieu ce qui appartient à Dieu, c’est-à-dire les dîmes, les prémices, les offrandes et les victimes. — Théophylacte : Et remarquez qu’il ne dit pas : « Donnez, » mais : « Rendez, » parce que c’est une dette [qu’il nous faut payer]. Le prince vous protège contre vos ennemis, il assure la tranquillité de votre vie, vous lui devez donc en retour le tribut qu’il exige de vous. Cette pièce de monnaie même que vous lui payez, c’est de lui que vous la tenez, rendez donc au roi la monnaie qui vient du roi. Dieu vous a donné aussi l’intelligence et la raison, rendez-lui ces biens, en vous gardant de devenir semblable aux animaux (cf. Ps 48, 12, 21), et en prenant, au contraire, la raison pour guide dans toutes vos actions. — S. Ambroise : Si donc vous ne voulez point vous rendre tributaire de César, ne désirez posséder aucune chose du monde. C’est avec raison qu’il veut qu’on rende d’abord à César ce qui lui appartient; car on ne peut se donner au Seigneur sans avoir tout d’abord renoncé au monde. Quelle grave responsabilité de promettre à Dieu et de ne rien donner ! Les obligations souscrites par la foi, sont plus pressantes que les obligations qui ont pour objet une somme d’argent. — Origène : (hom. 39 sur Luc.) Ce passage a aussi un sens mystique. En effet, il y a deux images dans l’homme, l’une qu’il a reçue de Dieu, [comme il est écrit dans la Genèse : « Faisons l’homme à notre image, »], l’autre qui est l’image de son ennemi, [et que le péché et la désobéissance ont comme gravée sur son âme, lorsqu’il s’est laissé gagner et entraîner par les séductions du prince de ce monde]. Car de même qu’une pièce de monnaie porte l’image du roi de la terre, ainsi celui qui fait les oeuvres du prince des ténèbres, porte en lui l’image de celui dont il fait les oeuvres. Le Sauveur dit donc : « Rendez à César ce qui est à César, » c’est-à-dire : Effacez cette image terrestre, afin que, retraçant en vous l’image céleste, vous puissiez rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est-à-dire l’aimer de tout votre coeur, etc... car c’est là ce que Dieu demande de vous, comme Moïse le disait à son peuple (Dt 10, 12.) Or, Dieu nous le demande, ce n’est pas qu’il ait besoin que nous lui attribuions quoi que ce soit, mais parce qu’il veut rendre profitable à notre salut ce que nous lui avons donné. — S.
Bède : Une réponse aussi sage aurait dû les
déterminer à croire en lui; ils se contentent d’admirer comment leur ruse
n’avait pu réussir à le faire tomber dans le piége : « Et ils ne purent reprendre aucune de ses paroles devant le
peuple, et ayant admiré sa réponse, ils se turent. » — Théophylacte : Le but principal qu’ils se proposaient était de le prendre en défaut en présence du peuple, mais ils ne purent y parvenir, tant sa réponse était pleine de sagesse. |
Lectio 4 [85929] Catena in Lc., cap. 20 l. 4 Beda.
Duae erant haereses in Iudaeis : una Pharisaeorum, qui traditionum et
observationum iustitiam praeferebant : unde et divisi vocabantur a populo;
altera Sadducaeorum, qui interpretantur iusti, vindicantes sibi quod non erant.
Illis ergo abeuntibus, hi ad tentandum accedunt; unde dicitur accesserunt
autem quidam Sadducaeorum qui negant esse resurrectionem. Origenes.
Sadducaeorum haeresis non solum resurrectionem mortuorum negat, sed etiam
putat animam interire cum corpore. Hi ergo verbis salvatoris insidiantes, eo
tempore quaestionem proposuerunt quo eum viderunt de resurrectione docere
discipulos; unde sequitur et interrogaverunt eum, dicentes : magister,
scripsit nobis Moyses, si frater alicuius mortuus fuerit habens uxorem, et
hic sine filiis fuerit, ut accipiat eam frater eius in uxorem, et suscitet
semen fratri suo. Ambrosius.
Secundum legis litteram, nubere cogitur etiam invita, ut defuncti semen
excitet frater; spiritus autem magister est castitatis. Theophylactus.
Sadducaei autem fragile fundamentum substituentes, non credebant
resurrectionis sermonem. Opinantes enim carnalem esse futuram vitam, in
resurrectione merito fallebantur; et ideo tamquam impossibile calumniantes
dogma resurrectionis, fingunt hanc narrationem, dicentes septem ergo fratres
erant : et primus accepit uxorem, et mortuus est sine filiis; et sequens
accepit illam, et mortuus est sine filio; et tertius accepit illam; et
similiter omnes septem, et non reliquerunt semen, et mortui sunt. Novissime
autem omnium mortua est et mulier. Beda.
Hanc fabulam confingunt, quae deliramenti arguat eos qui resurrectionem
asserunt mortuorum. Turpitudinem ergo fabulae
opponunt, ut resurrectionis denegent veritatem; unde subditur in
resurrectione ergo cuius eorum erit uxor? Siquidem
habuerunt septem eam uxorem. Ambrosius.
Mystice haec mulier synagoga est, quae septem viros habuit, sicut dicitur
Samaritanae : quinque viros habuisti, quia Samaritana tantum quinque libros
Moysi, synagoga septem sequitur principaliter, et de nullo propter perfidiam
suam hereditariae posteritatis semen accepit; et ideo partem cum viris suis
in resurrectione habere non potuit, quia spirituale praeceptum secundum
sensum carnis invertit : non enim frater carnalis aliquis denuntiatus est, qui
semen fratris suscitaret defuncti, sed ille qui de mortuo populo Iudaeorum,
sapientiam sibi divini cultus ascisceret in uxorem, atque ex ea semen in
apostolis suscitaret, qui quasi defunctorum reliquiae Iudaeorum, informes
adhuc in synagogae utero derelicti, secundum electionem gratiae reservari
novi seminis admixtione meruerunt. Beda.
Sive septem hi fratres reprobis congruunt, qui per totam huius saeculi
vitam, quae septem diebus volvitur, a bonis operibus steriles existunt :
quibus viritim morte praereptis, ad ultimum et ipsa mundana conversatio quasi
uxor infecunda transibit. Theophylactus.
Dominus autem ostendens in resurrectione non esse futuram conversationem
carnalem, eorum dogma evulsit simul cum fragili fundamento; unde sequitur et ait
illis Iesus : filii huius saeculi nubunt et traduntur ad nuptias. Augustinus
de quaest. Evang. Quia connubia propter filios, filii propter
successionem, successio propter mortem. Ubi ergo mors non est, neque
connubia; unde sequitur illi vero qui digni habebuntur saeculo illo et
resurrectione ex mortuis, neque nubent, neque ducent uxores; neque enim ultra
mori poterunt. Beda.
Quod non ita intelligendum est quasi soli digni vel resurrecturi, vel sine
nuptiis futuri sint; sed omnes etiam peccatores resurrecturi, et absque
nuptiis sunt in saeculo illo mansuri. Dominus autem ut ad resurrectionis
gloriam inquirendam animos incitaret, de electis tantum voluit facere
sermonem. Augustinus
de quaest. Evang. Sicut autem nunc sermo noster decedentibus et succedentibus
syllabis peragitur atque perficitur, ita et ipsi homines, quorum sermo est,
decedendo et succedendo peragunt atque perficiunt ordinem huius saeculi, qui
temporali rerum pulchritudine contexitur. In illa autem vita, quoniam verbum
Dei, quo fruemur, nulla decessione atque successione syllabarum completur,
sed omnia quae habet, semper manendo, simul habet; ita participes eius,
quibus ipsum solum erit vita, neque moriendo decedent, neque nascendo
succedent; sicut nunc est in Angelis; unde sequitur aequales enim Angelis
sunt. Cyrillus.
Sicut enim multitudo Angelorum plurima quidem est, non autem propagata per
generationem, sed ex creatione consistens; ita et his qui resurgunt non est
opus ulterius nuptiis; unde sequitur et filii Dei sunt, cum sint filii
resurrectionis. Theophylactus.
Quasi dicat : quia Deus est qui operatur in resurrectione, merito dicuntur
Dei filii qui per resurrectionem regenerantur : non enim aliquid carnale in
resurgentium generatione conspicitur, non coitus, non matrix, non partus.
Beda.
Vel aequales Angelis, et filii sunt Dei : quia gloria resurrectionis
innovati, sine ullo mortis metu, sine ulla labe corruptionis, sine ullo
terreni status actu, perpetua Dei visione fruuntur. Origenes.
Sed quia dominus in Matthaeo dicit quod hic praetermittitur : erratis
nescientes Scripturas, propono Scripturam, ubi scriptum sit : neque nubent,
neque nubentur. Quantum enim ego aestimo,
neque in veteri, neque in novo testamento quicquam tale reperitur. Sed omnis
eorum error de Scripturae lectione, quam non intelligunt, subrepsit; dicitur
enim in Isaia : electi mei bibent; et putant haec et similia futura esse in
resurrectione. Paulus autem omnes has benedictiones
spiritaliter interpretans, et sciens non esse carnales dicit : benedixisti
nos in omni benedictione spirituali. Theophylactus.
Vel dominus rationi suprapositae Scripturae testimonium addit, subdens
quia vero resurgant mortui, et Moyses ostendit secus rubum, sicut dicit
dominum Deum Abraham et Deum Isaac et Deum Iacob; quasi dicat : si semel
redierunt in nihilum patriarchae, ne viverent apud Deum, in spe
resurrectionis non dixisset : ego sum, sed : fueram; consuevimus enim de
rebus corruptis et praeteritis dicere : eram dominus illius rei. Nunc vero
quoniam dixit : ego sum, ostendit quod viventium est Deus et dominus; et hoc
est quod subditur Deus autem non est mortuorum, sed vivorum : omnes enim
vivunt ei : quamvis enim exanimes sunt, vivunt tamen apud Deum in spe
resurgendi. Beda. Vel hoc dicit, ut cum probaverit animas permanere post
mortem, quod Sadducaei negabant, consequens introduceretur et corporum
resurrectio, quae cum animabus bona malave gesserunt. Est
autem vera vita qua iusti Deo vivunt, etiam quando corpore moriuntur. Ad
comprobandam autem resurrectionis veritatem, multo manifestioribus exemplis
ex prophetis uti valuit, sed Sadducaei quinque tantum libros Moysi
recipiebant, prophetarum vaticinia respuentes. Chrysostomus.
Sicut autem sancti communem orbis dominum sibi appropriant, non derogantes
eius dominio, sed proprium affectum pandentes, secundum morem amantium, qui
non patiuntur cum multis diligere, sed volunt praecipuam et specialem quamdam
dilectionem exprimere; sic et Deus specialiter se horum Deum dicebat, non
coarctando suum dominium, sed ampliando. Non enim sic multitudo subditorum
sicut virtus famulantium pandit eius dominium; unde non sic gaudet dici Deus
caeli et terrae, sicut cum dicitur Deus Abraham, Deus Isaac et Deus Iacob. Et
apud mortales quidem a dominis denominantur famuli; dicimus enim : villicus talis
ducis; e contrario autem Deus dicitur Abrahae. Theophylactus.
Confutatis autem Sadducaeis, favent Iesu Scribae tamquam Sadducaeorum
oppositi; unde sequitur respondentes autem quidam Scribarum dixerunt :
magister, bene dixisti. Beda.
Et quia in sermonibus confutati sunt, ultra non interrogant; unde sequitur
et amplius non audebant eum quidquam interrogare : sed comprehensum Romanae
tradunt potestati; ex quo intelligimus venena invidiae posse quidem superari,
sed difficile conquiescere. |
Versets 27-40.
— S. Bède : (de S. Jérôme : sur Matth.) Il y avait parmi les Juifs deux sectes principales, l’une des pharisiens, qui faisaient consister toute leur justice dans l’observance des traditions, ce qui leur faisait donner par le peuple le nom de séparés; l’autre des sadducéens, dont le nom signifie justes, et qui s’attribuaient une justice qu’ils n’avaient pas. Les premiers donc s’étant retirés, ceux-ci s’approchent pour tenter le Seigneur : « Quelques-uns des sadducéens, qui nient la résurrection, s’approchèrent alors, » etc. — Origène : La secte des sadducéens ne niait pas seulement la résurrection des morts, mais enseignait que l’âme meurt avec le corps. Comme ils veulent aussi surprendre le Sauveur dans ses paroles, ils lui proposent cette difficulté au moment où il venait de parler à ses disciples de la résurrection : « Ils lui posèrent cette question : ‘Maître, lui dirent-ils, Moïse a écrit pour nous cette loi : Si un homme, ayant une femme, meurt sans laisser d’enfants, que son frère prenne la femme et suscite une postérité à son frère.» — S. Ambroise : La lettre de la loi oblige cette veuve à se remarier, même contre son gré, pour que le frère fasse revivre la fécondité du défunt ; mais l’esprit conseille bien plutôt la chasteté (Rm 2, 29; 7, 6, 9; 2 Co 3, 6). — Théophylacte : Les sadducéens, sur un fondement des plus fragiles, refusaient de croire à la résurrection des morts. Persuadés qu’ils étaient que la vie future, dans la résurrection, ne pouvait être que charnelle, ils tombaient dans une grossière erreur, qui les amenait à nier la possibilité de la résurrection, ce qu’ils font en inventant le récit suivant : « Il y avait sept frères, le premier prit femme et mourut sans enfant. Le second, puis le troisième la prirent ; pareillement, les sept ne laissèrent pas d’enfant et moururent. Après tous ceux là la femme aussi mourut.» — S. Bède : Ils imaginent cette fable pour convaincre de folie ceux qui affirment la résurrection des morts, et ils opposent l’inconvenance de ce récit fabuleux pour s’inscrire en faux contre la vérité de la résurrection : « Dans la résurrection donc, duquel sera-t-elle la femme ? » Puisque les sept l’ont prise pour femme… — S. Ambroise : Dans le sens figuré, cette femme représente la synagogue qui a eu sept maris. Notre Seigneur dit à la Samaritaine : « Vous avez eu cinq maris, » (Jn 4) parce que la Samaritaine n’admettait que cinq livres de Moïse, tandis que la synagogue en reconnaissait sept principaux. Mais par suite de son infidélité, elle n’en eut aucune postérité, elle ne put donc être unie à ses maris dans la résurrection, parce qu’elle a entendu dans un sens charnel les préceptes spirituels de la loi. Ce ne fut point un frère selon la chair qui l’épousa pour donner des enfants à celui qui était mort; mais le frère qui lui fut donné, prit pour épouse, après la mort du peuple juif, la sagesse du culte divin, et en fit naître des enfants spirituels dans la personne des Apôtres. Ceux-ci qui étaient comme les restes du peuple juif, et qui avaient été comme abandonnés dans le sein de la synagogue, avant d’être formés, ont mérité d’être sauvés selon l’élection de la grâce, comme fruits de cette union toute spirituelle. — S. Bède : Ou bien ces sept frères figurent les réprouvés qui, pendant toute cette vie (laquelle se compose de semaines de sept jours), sont tout à fait stériles en bonnes oeuvres; ils sont enlevés successivement par la mort, et leur vie toute mondaine passe de l’un à l’autre jusqu’au dernier, comme une épouse stérile. — Théophylacte : Cependant Notre Seigneur, voulant démontrer qu’après la résurrection, la vie de la chair cesserait d’exister, renverse la croyance des sadducéens avec le fragile fondement sur lequel ils l’appuyaient : « Et Jésus leur dit : Les enfants de ce siècle épousent et sont épousés, ». — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 49.) En effet, la fin du mariage est d’avoir des enfants, on a des enfants pour en faire ses héritiers, et on leur laisse son héritage, parce que la mort en fait une obligation. Là donc où il n’y a plus de mort, il n’y a plus de mariage : « Mais ceux qui sont trouvés dignes du siècle à venir et de la résurrection des morts, n’épousent pas et ne sont pas épousés ; car ils ne peuvent plus mourir. » — S. Bède : Ces paroles ne veulent pas dire qu’il n’y aura que ceux qui seront dignes de la résurrection pour ressusciter et ne point se marier, car les pécheurs eux-mêmes ressusciteront, sans également se marier dans le siècle futur. Mais le Seigneur, voulant nous inspirer un vif désir pour la gloire de la résurrection, n’a voulu parler ici que des élus. — S. Augustin : (Quest. évang.) Nos paroles se composent de syllabes qui se suivent et se succèdent; de même les hommes, auteurs de la parole, se succèdent et se remplacent les uns les autres, et ils composent et forment ainsi l’ordre du monde présent, qui résulte de l’ensemble et de la beauté des choses extérieures. Dans la vie future, au contraire, le Verbe de Dieu, dont nous jouirons, ne se compose d’aucune suite, d’aucune succession de syllabes tout en lui est immuable et simultané; ainsi pour ceux qui seront admis à la participation de sa félicité, et dont il sera l’unique principe de vie, il n’y aura plus ni destruction par la mort, ni succession par la naissance, ils seront comme sont aujourd’hui les anges : « [Ils ne pourront plus mourir,] parce qu’ils seront égaux aux anges [et enfants de Dieu], » etc. — S.
Cyrille : La multitude innombrable des anges ne se
propage point par la génération, elle ne doit son existence qu’à la création,
ainsi le mariage cessera d’être nécessaire à ceux qui seront comme créés de
nouveau par la résurrection : « Ils
seront enfants de Dieu, et enfants de la résurrection. » — Théophylacte : C’est-à-dire : Comme Dieu est le principe de la résurrection, ceux qui reprennent une nouvelle vie en ressuscitant, sont appelés avec raison les enfants de Dieu. En effet, nous ne voyons rien de charnel dans cette nouvelle vie de la résurrection, ni l’union des époux, ni le sein de la mère, ni l’enfantement. — S. Bède : Ou bien encore : « Ils seront égaux aux anges et enfants de Dieu, » parce qu’étant renouvelés par la gloire de la résurrection, ils jouiront de l’éternelle vision de Dieu, sans aucune crainte de la mort, sans aucune atteinte de la corruption, sans aucune des vicissitudes de la vie présente. — Origène : D’après saint Matthieu, Notre Seigneur aurait ajouté ici ces paroles omises par saint Luc : « Vous vous trompez, ne comprenant pas les Écritures » (Mt 22) ; or, je me demande où sont écrites ces paroles : « Ils ne se marieront point et n’épouseront point de femmes. » Autant que je le puis savoir, on ne trouve rien de semblable ni dans l’Ancien, ni dans le Nouveau Testament. Notre Seigneur veut donc dire que l’erreur des sadducéens vient tout entière de ce qu’ils lisent l’Écriture sans la comprendre. En effet, on lit dans le prophète Isaïe : « Mes élus boiront, » etc. (Is 65, 23); ils s’imaginent que ces choses existeront encore après la résurrection. Mais saint Paul interprète toutes ces bénédictions dans un sens spirituel, et pour en éloigner toute idée charnelle, il dit aux Ephésiens : « Dieu le Père nous a comblés de toutes sortes de bénédictions spirituelles. » (Ep 1, 3.) — Théophylacte : A la raison qu’il avait donnée plus haut, Notre Seigneur ajoute le témoignage de l’Écriture : « Or, que les morts ressuscitent, Moïse le déclare lui-même dans le récit du buisson, quand il appelle le Seigneur, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, » c’est-à-dire : Si les patriarches étaient rentrés dans le néant, et ne vivaient pas en Dieu dans l’espérance de la résurrection, Dieu n’eût pas dit : « Je suis, » mais : « J’ai été » ; en effet, lorsque nous parlons des choses qui ne sont plus ou qui sont passées, nous disons : « J’étais maître de cette chose, » mais Dieu dit au contraire : « Je suis » ; le Seigneur montre ainsi qu’il est le Dieu des vivants, et c’est pourquoi il est dit : « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants » ; car tous sont vivants devant lui; et bien que ces patriarches soient morts [pour les hommes], ils vivent à ses yeux dans l’espérance de la résurrection. — S. Bède : Ou bien en parlant ici, Notre Seigneur veut établir que les âmes survivent à leur séparation d’avec le corps (ce que niaient les sadducéens), et en tirer comme conséquence la résurrection des corps qui ont participé aux bonnes et aux mauvaises actions des âmes. Il y a, en effet, une véritable vie, dont les justes vivent en Dieu, même après la mort du corps. Le Sauveur eût pu établir la vérité de la résurrection sur des témoignages plus évidents, empruntés aux prophètes, mais les sadducéens rejetaient tous les livres des prophètes, et n’admettaient que les cinq livres de Moïse. — S. Jean Chrysostome : Les saints ne diminuent en rien le souverain domaine de Dieu, en appelant spécialement : « Mon Dieu » le Maître commun de l’univers; ils ne font que manifester l’étendue de leur amour, et agissent en cela comme ceux qui, dominés par une affection vive, ne veulent point que leur amour soit partagé par un grand nombre, mais qu’il soit pour ainsi dire exclusif et privilégié. Ainsi Dieu se dit spécialement le Dieu de ces patriarches, sans restreindre pour cela son domaine, mais en l’agrandissant au contraire; car ce qui étend le domaine de Dieu, ce n’est pas tant la multitude des créatures qui lui sont soumises, que la vertu de ses fidèles serviteurs. Aussi se glorifie-t-il moins d’être appelé le Dieu du ciel et de la terre, que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob. Voyez d’ailleurs parmi les hommes, les serviteurs sont désignés par le nom de leur maître (nous disons, par exemple, le fermier de tel seigneur), ici, au contraire, Dieu s’appelle le Dieu d’Abraham, [son serviteur]. —
Théophylacte : Les scribes qui étaient les ennemis déclarés
des sadducéens, approuvent hautement Jésus qui vient de les confondre : « Quelques-uns des scribes, prenant
la parole, lui dirent : Maître, vous avez bien parlé. » — S. Bède : Honteux d’avoir été ainsi confondus, ils cessent de l’interroger : « Et ils n’osaient plus lui faire aucune question. » Mais ils se saisirent bientôt de sa personne pour le livrer au pouvoir des Romains, preuve trop évidente qu’on peut triompher de l’envie, mais qu’il est bien difficile de jamais l’apaiser. |
Lectio 5 [85930] Catena in Lc., cap. 20 l. 5 Theophylactus. Quamvis dominus ad passionem erat iturus in brevi,
praedicat propriam deitatem : nec hoc tamen incaute aut arroganter; sed
modeste quaerit; unde dicitur dixit autem ad illos : quomodo dicunt Christum
filium David esse? Ambrosius in Lucam. Non reprehenduntur hoc loco quia David filium
confitentur, quia caecus ille, David filium confitendo, meruit sanitatem; et
pueri dicentes : hosanna filio David, praecelsae praedicationis gloriam Deo
deferebant; sed reprehenduntur, quia non credunt filium Dei; unde subditur et
ipse David dicit in libro Psalmorum : dixit dominus domino meo. Et
pater dominus, et filius dominus; sed non duo domini, sed unus est dominus :
quia pater in filio, et filius in patre : ipse ad dexteram patris sedet, quia
patri consors, nulli secundus est; sequitur enim sede a dextris meis. Nec
praefertur qui ad dexteram sedet, nec iniuriam patitur qui admittitur :
gradus non quaeritur dignitatis, ubi plenitudo est divinitatis. Augustinus
de symbolo. Sessione autem ista non accipiamus humanis membris positum,
tamquam pater sedeat in sinistra et filius sedeat ad dexteram; sed ipsam
dexteram intelligamus potestatem quam accepit ille homo susceptus a Deo, ut
veniat iudicaturus qui primo venerat iudicandus. Cyrillus.
Vel quod sedet ad dexteram patris, supernam eius gloriam probat : nam
quorum est thronus aequalis, et maiestas. Sessio vero in Deo significat
regnum, et omnium potestatem. Sedet ergo a dextris Dei patris, quia verbum ex
paterna substantia prodiens, factum caro, divinam non exuit dignitatem. Theophylactus.
Manifestat ergo quod adversarius patris non est, sed secum concordat; cum
pater repugnet adversariis eius; sequitur enim donec ponam inimicos tuos
scabellum pedum tuorum. Ambrosius.
Ergo et Deum Christum, et hominem esse credamus; cui a patre subiciuntur
inimici, non per infirmitatem potestatis suae, sed per unitatem naturae, quia
in altero alter operatur : nam et filius subicit inimicos patri, quia patrem
clarificat super terram. Theophylactus.
Quaerit ergo ipse, et mota dubitatione sinit illos colligere quid
sequatur; unde subdit David ergo dominum illum vocat, et quomodo filius eius
est? Chrysostomus.
David quidem pater Christi et servus; hoc quidem secundum carnem, illud secundum
spiritum. Cyrillus.
Et nos ergo novis Pharisaeis, qui nec verum Dei filium, neque Deum esse
fatentur natum ex sacra virgine, sed dividunt unum filium in duos, talem
obicimus quaestionem : quo pacto filius David dominus eius est, et non humano
dominio, sed divino? |
Versets 41-44.
— Théophylacte : Le Seigneur était près de sa passion, il n’en proclame pas moins sa divinité, non pas sans précaution et avec fierté, mais avec la plus grande modération. [En effet, il se contente de leur adresser une question qui jette le doute dans leur esprit, et leur permet de tirer eux-mêmes la conséquence de ses paroles :] « Alors Jésus leur demanda : Comment dit-on que le Christ est Fils ne David, » etc. — S. Ambroise : Le Sauveur ne leur reproche point de l’appeler Fils de David, puisque c’est en lui donnant ce nom, que l’aveugle avait mérité sa guérison (Lc 13); et que les enfants avaient offert à Dieu le plus beau tribut de louanges et de gloire par cette acclamation : « Hosanna au Fils de David. » Mais il leur fait un reproche de ne pas le reconnaître pour le Fils de Dieu; voilà pourquoi il ajoute : « David lui-même dit dans le livre des Psaumes (Ps 109) : Le Seigneur a dit à mon Seigneur. » Le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur : ce n’est pas qu’il y ait deux Seigneurs; il n’y en a qu’un seul, parce que le Père est dans le Fils, et le Fils est dans le Père, il est assis à la droite du Père, parce qu’étant égal [et consubstantiel] au Père, il n’a personne au-dessus de lui : « Asseyez-vous à ma droite. » Il n’est pas supérieur au Père, parce qu’il est assis à sa droite; il ne lui est pas inférieur, parce qu’il est envoyé, la dignité ne peut être plus ou moins grande, là où se trouve la plénitude de la divinité. — S. Augustin : (du Symb., 2, 7.) Il ne faut pas entendre ces paroles « Asseyez-vous à ma droite, » dans un sens matériel, comme si le Père était réellement assis à la gauche, et le Fils à la droite; mais la droite ici signifie la puissance de l’humanité unie à la divinité, puissance en vertu de laquelle le Sauveur viendra juger les hommes, lui qui, dans son premier avènement, était venu pour être jugé. — S. Cyrille : Ou bien encore : Il est assis à la droite du Père, parce que sa gloire est la gloire souveraine [de Dieu]; ceux, en effet, qui ont un même trône, ont une même majesté. Or, [cette expression figurée :] être assis exprime la souveraineté et la puissance de Dieu sur toutes choses. Il est donc assis à la droite du Père, parce que le Verbe consubstantiel au Père n’a pas cessé d’être Dieu en se faisant homme. — Théophylacte : Il leur fait voir ensuite que loin d’être opposé à Dieu le Père, il est avec lui dans la plus parfaite union, puisque le Père se déclare contre ses ennemis : « Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de vos ennemis l’escabeau de vos pieds. » — S. Ambroise : Croyons donc que Jésus-Christ est à la fois Dieu et homme, et que Dieu le Père lui a soumis tous ses ennemis; non que le Fils lui soit inférieur en puissance, mais parce qu’ils ont une seule et même nature, et que l’un opère nécessairement avec l’autre; car le Fils lui-même assujettit aussi ses ennemis à son Père, par la gloire qu’il lui procure sur la terre. (Jn 17.) — Théophylacte : Notre Seigneur les interroge donc lui-même, et après avoir fait naître le doute dans leur esprit, il leur laisse tirer la conséquence de ce qu’il vient de dire : « David l’appelle son Seigneur, comment peut-il être son fils. » — S. Jean Chrysostome : David est à la fois père et serviteur du Christ, père selon la chair, et serviteur selon l’esprit. — S. Cyrille : Et nous aussi nous adressons la même question à ces nouveaux pharisiens qui refusent d’admettre que celui qui est né de la très sainte Vierge soit le vrai Fils de Dieu et Dieu lui-même, et qui le divisent en deux personnes, et nous leur demandons : Comment le Fils de David est-il son Seigneur, en vertu d’une puissance qui n’est pas une puissance humaine, mais une souveraineté toute divine ? |
Lectio 6 [85931] Catena in Lc., cap. 20 l. 6 Chrysostomus. Nihil autem est fortius quam ex prophetis
disputare : hoc enim est et ipsis rebus validius : nam Christo faciente
miracula contradicebant multoties; cum vero allegavit prophetiam, tacuerunt,
quia non habebant quid dicerent. Eis autem tacentibus, contra eos invehitur;
unde dicitur audiente autem omni populo, dixit discipulis suis. Theophylactus.
Quia enim eos orbis doctores mittebat, merito monet non esse eis imitandam
Pharisaeorum ambitionem; unde sequitur attendite a Scribis, qui volunt
ambulare in stolis. Beda.
Idest, cultioribus vestimentis induti ad publicum procedere; in quo inter
cetera dives peccasse describitur. Cyrillus.
Passiones autem erant Scribarum, amor gloriae inanis et lucri. Ut igitur
tam pessima crimina evitarent discipuli, commonet eos subdens et amant
salutationes in foro. Theophylactus.
Quod est blandientium, et venantium opinionem famae; vel agunt hoc causa
congregandae pecuniae; sequitur enim et primas cathedras in synagogis et primos
discubitus in conviviis. Beda.
Non primos sedere, vel discumbere vetat eos quibus hoc officii ordine
competit, sed eos qui hoc indebite amant, docet esse cavendos, animum, non
gradum redarguens; quamvis et hoc culpa non careat, si iidem in foro litibus
velint interesse qui in synagoga magistri desiderant appellari. Duplici autem
ratione a vanae gloriae cupidis attendere iubemur : ne vel eorum simulatione
ducamur, aestimantes bona esse quae faciunt; vel aemulatione inflammemur,
frustra gaudentes in bonis laudari quae simulant. Non solum autem laudes ab
hominibus, sed et pecunias quaerunt; sequitur enim qui devorant domos
viduarum, simulantes longam orationem. Iustos enim et magni meriti apud Deum
se simulantes, ab infirmis et peccatorum suorum conscientia turbatis, quasi
patroni pro eis in iudicio futuri, pecunias accipere non dubitant. Chrysostomus.
Ingurgitantes etiam se viduarum bonis, paupertatem atterunt, non
qualitercumque comedentes, sed devorantes, et ad pravitatem oratione utentes;
quod graviori poenae facit eos obnoxios; unde sequitur hi accipient maiorem
damnationem. Theophylactus.
Quia non solum mala faciunt, sed orationes praetendunt, et virtutem
faciunt pravitatis excusationem. Viduas etiam depauperant, quarum oportebat
misereri, dum ob sui praesentiam eas cogunt exponere. Beda.
Vel quia laudes ab hominibus et pecunias quaerunt, maiori damnatione
plectuntur. |
Versets 45-47.
— S. Jean Chrysostome : Rien n’est plus fort que les preuves tirées des prophètes, elles sont bien supérieures aux faits eux-mêmes. Voyez, en effet, malgré les miracles que Jésus opérait, ses ennemis ne laissaient pas de le contredire, mais lorsqu’il eut cité les témoignages des prophètes, ils se turent, parce qu’ils n’avaient rien à répliquer. Or, comme ils gardaient le silence, Notre Seigneur leur adresse les reproches qu’ils méritaient : « Il dit ensuite à ses disciples, devant tout le peuple qui l’écoutait. » —
Théophylacte : Il les envoyait pour être les
docteurs de l’univers, il leur recommande donc avec raison de ne point imiter
les prétentions ambitieuses des pharisiens : « Gardez-vous des scribes qui affectent de se promener vêtus de
longues robes ». — S. Bède : C’est-à-dire qui aiment à paraître en public vêtus d’habits magnifiques [et somptueux]; ce qui est relevé comme une des fautes dont le mauvais riche s’est rendu coupable. — S. Cyrille : Les principaux vices des scribes étaient l’amour de la gloire et de l’argent. C’est contre ces vices les pires de tous que Notre Seigneur prémunit ses disciples en leur disant : « Ils aiment à être salués dans les places publiques. » — Théophylacte : C’est le propre de ceux qui recherchent et poursuivent l’éclat de la renommée, ou encore, ils agissaient ainsi pour amasser de l’argent. « Ils
aiment à occuper les premiers siéges dans les synagogues et les premières
places dans les banquets. » — S. Bède : Il ne défend point de s’asseoir les premiers dans les synagogues ou dans les festins, à ceux que leur position appelle à occuper ces premières places, mais il recommande à ses disciples de se garder de ceux qui les recherchent sans y avoir droit. C’est l’intention qu’il condamne ici et non le rang qu’on occupe, bien qu’on ne puisse entièrement excuser ceux qui veulent à la fois se mêler aux litiges de la place publique, et en même temps être appelés maîtres dans les synagogues. Or, le Sauveur nous donne deux raisons pour nous engager à nous prémunir contre les sectateurs de la vaine gloire : la première, afin que nous ne soyons pas dupes de leur hypocrisie, en regardant leur conduite comme bonne; la seconde, afin que nous ne soyons pas tentés de les imiter, en mettant follement notre joie dans les louanges que l’on donne à leurs vertus apparentes. Et ce ne sont pas seulement les louanges qu’ils recherchent, mais encore les richesses : « et qui sous prétexte de longues prières dévorent les maisons des veuves. » Ils affectent en effet d’être justes et de jouir d’un grand crédit auprès de Dieu, et ils n’hésitent pas à recevoir de l’argent des personnes faibles et troublées par la conscience de leurs péchés, pour se constituer leurs défenseurs au jugement de Dieu. — S.
Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Ils absorbent
les biens des veuves, et foulent aux pieds la pauvreté, car ils n’épuisent
pas ces biens d’une manière quelconque, mais ils les dévorent, et font servir
la prière d’instrument à leurs iniquités, ce qui les rend dignes d’un plus
terrible châtiment : « Ils
subiront une condamnation plus rigoureuse ». — Théophylacte : Car non seulement ils font le mal, mais ils se servent de leurs prières pour le commettre, et veulent faire de la vertu l’excuse du crime. Ils dépouillent d’ailleurs les veuves dont ils devraient avoir pitié, en exigeant d’elles des rétributions pour la protection qu’ils leur accordent. — S.
Bède : Ou encore : Ils subiront une condamnation
plus rigoureuse parce qu’ils cherchent à obtenir à la fois des louanges et de
l’argent. |
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Caput 21 |
CHAPITRE 21
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Lectio 1 [85932] Catena in Lc., cap. 21 l. 1 Glossa.
Postquam dominus redarguit Scribarum avaritiam qui domos viduarum
devorabant, commendat viduae eleemosynam; unde dicitur respiciens autem vidit
eos qui mittebant munera sua in gazophylacium divites. Beda.
Quia sermone Graeco phylattin, servare dicitur, et gaza lingua Persica
divitiae vocantur, gazophylacium locus appellari solet quo divitiae
servantur. Erat autem arca foramen habens desuper
posita iuxta altare ad dexteram ingredientibus domum domini, in quam
mittebant sacerdotes, qui custodiebant hostias, omnem pecuniam quae
deferebatur ad templum domini. Dominus autem, sicut
operantes in domo sua discutit, ita et dona ferentes respicit; et quem dignum
viderit, laudat; quem reprobum, damnat; unde sequitur vidit autem et quamdam
viduam pauperculam mittentem aera minuta duo. Cyrillus.
Duos obolos offerebat, quos cum sudoribus ad diurnum victum acquisierat;
vel quae quotidie per aliena poscit suffragia, Deo donat, ostendens ei suam
paupertatem fructiferam. Vincit igitur alios, et iusta censura coronatur a Deo;
unde sequitur et ait illis : vere dico vobis, quia vidua haec pauper plusquam
omnes misit. Beda.
Acceptabile enim est Deo quicquid bono animo obtulerimus, qui cor, et non
substantiam pensat, nec perpendit quantum in eius sacrificio, sed ex quanto
proferatur; unde sequitur nam omnes hi ex abundanti sibi miserunt in munera
Dei; haec autem ex eo quod illi deest, omnem victum quem habuit misit. Chrysostomus.
Non enim paucitatem oblati, sed copiam affectus intuitus est Deus. Non est
eleemosyna ex pluribus pauca impendere; sed illud viduae, quae totam sibi
evacuavit substantiam. Quod si nequis tantum offerre sicut et vidua, offer
saltem totum superfluum. Beda.
Mystice autem divites qui in gazophylacium munera mittebant, significant Iudaeos
de iustitia legis elatos; vidua pauper Ecclesiae simplicitatem; quae
paupercula vocatur, quia vel superbiae spiritum, vel peccata tamquam mundi
divitias abiecit; vidua vero, quia vir eius pro ea mortem pertulit. Haec in
gazophylacium duo aera minuta mittit, quia in conspectu Dei, apud quem nostri
operis oblationes conservantur, munera sua defert, sive dilectionem Dei et
proximi, sive fidei et orationis : quae cunctis superborum Iudaeorum operibus
praestant : ex abundanti enim in munera Dei immittunt Iudaei, qui de iustitia
sua praesumunt : Ecclesia autem omnem victum suum mittit, quia omne quod
vivit, Dei esse muneris intelligit. Theophylactus.
Vel vidua potest intelligi quaelibet anima, orbata, quasi primo viro,
pristina lege, et non digna copula verbi Dei; quae loco arrhae offert Deo
fidem et conscientiam bonam; et ideo plus videtur offerre divitibus in
sermone, et superfluentibus moralibus gentilium virtutibus. |
Versets 1-4.
— La Glose : Après avoir condamné l’avarice des scribes qui dévoraient les maisons des veuves, Notre Seigneur fait l’éloge de l’offrande d’une veuve : « Jésus regardait un jour les riches qui mettaient leurs offrandes dans le tronc, » etc. — S. Bède : Le mot grec fulaxai, veut dire conserver, et le mot persan gaza, signifie richesse, de là vient le nom de gazophylacium, donné à l’endroit où on déposait l’argent. C’était un coffre percé d’un trou à la partie supérieure et placé près de l’autel, à la droite de ceux qui entraient dans le temple, et dans lequel les prêtres qui gardaient les offrandes mettaient toutes les sommes d’argent que le peuple apportait au temple du Seigneur (Mc 12, 41). Or, de même que le Seigneur discerne le mérite de ceux qui travaillent dans sa maison, il regarde aussi attentivement ceux qui viennent lui présenter leurs offrandes, et il donne des éloges à celui qu’il en juge digne, comme il condamne celui dont les intentions sont mauvaises : « Et il vit aussi une pauvre veuve qui mit deux petites pièces de monnaie. » — S.
Cyrille : (Chronique
des Pères grecs) Elle offrait deux petites pièces de
monnaie qu’elle gagnait à la sueur de son front pour sa subsistance de chaque
jour. Ou encore : elle donnait à Dieu ce qu’elle demandait chaque jour à la
charité publique, elle montrait ainsi la fécondité de son indigence qui
l’emportait sur tous les autres et recevait de Dieu les justes éloges qu’elle
méritait : « Et il dit : En vérité
je vous le dis, cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres. » — S.
Bède : Dieu a pour agréable tout ce que nous lui
offrons d’un coeur généreux; il pèse les intentions bien plus que l’objet
même de notre offrande, et il considère moins la matière de notre sacrifice
que la disposition [généreuse] de celui qui l’offre : « Car tous ceux-là ont fait des offrandes à Dieu de leur
superflu, mais cette femme a mis de son indigence même tout ce qu’elle avait
pour vivre. » — S. Jean Chrysostome : (hom 1, sur l’Epit. aux Hebr.) Ce n’est pas la modicité de l’offrande, mais la richesse du coeur que Dieu considère ici. (hom. 28.) L’aumône en effet ne consiste pas à donner une petite partie des grandes richesses qu’on possède, mais à imiter cette veuve qui s’est dépouillée de tout ce qu’elle possédait. Si vous ne pouvez donner autant qu’elle, donnez au moins tout votre superflu. — S. Bède : Dans le sens allégorique, les riches qui déposaient leurs offrandes dans le tronc du temple, sont la figure des Juifs fiers de la justice de la loi; cette pauvre veuve représente la simplicité de l’Église; elle est pauvre parce qu’elle s’est dépouillée de l’esprit d’orgueil et des péchés qui sont comme les richesses du monde; elle est veuve, parce que son époux a souffert la mort pour elle; elle met deux petites. pièces de monnaie dans le tronc, parce que c’est en présence de Dieu (qui conserve les offrandes que nous lui faisons de nos oeuvres), qu’elle vient apporter l’offrande soit de l’amour de Dieu et du prochain, soit de la foi et de la prière qui l’emportent de beaucoup sur toutes les oeuvres des Juifs orgueilleux. En effet, les Juifs qui présument de leur justice, donnent à Dieu de leur abondance; l’Église au contraire offre tout ce qui sert à sa subsistance, parce qu’elle reconnaît que tout ce qui contribue à entretenir sa vie, est un don de Dieu. — Théophylacte : Ou encore, cette veuve est l’image de toute âme qui, veuve de la loi ancienne, comme de son premier mari, n’est pas encore digne de s’unir au Verbe de Dieu; elle donne à Dieu pour gage sa foi et sa bonne conscience, et c’est ainsi qu’elle paraît offrir beaucoup plus que ceux qui sont riches en paroles, beaucoup plus que toutes les vertus morales qui forment les richesses des Gentils. |
Lectio 2 [85933] Catena in Lc., cap. 21 l. 2 Eusebius.
Quod spectanda forent quae pertinebant ad templi structuram, manifestant historiae;
et hucusque quaedam conservantur reliquiae, quibus percipiuntur quae dudum
erant fabricarum vestigia. Sed dominus mirantibus templi fabricas,
promulgavit quod in eo lapis super lapidem non maneret; dicitur enim et
quibusdam dicentibus de templo, quod lapidibus bonis et donis exornatum
esset, dixit : haec quae videtis, venient dies in quibus non relinquetur
lapis super lapidem qui non destruatur. Decebat
enim locum illum, propter cultorum audaciam, omnimodam desolationem pati. Beda.
Divina etiam dispensatio procuravit ut civitas ipsa et templum
subverteretur, ne quis forte adhuc parvulus in fide, videns illa constare,
dum sacrificiorum ritum attonitus stuperet, raperetur intuitu. Ambrosius.
Verum igitur dictum est de templo manufacto, quod esset subvertendum :
nihil enim est manufactum quod non aut vetustas conficiat, aut vis subruat,
aut ignis exurat. Tamen est et aliud templum, scilicet synagoga, cuius
structura vetus, Ecclesia surgente, dissolvitur. Est etiam templum in
unoquoque, quod deficiente fide labitur, et maxime si quis falso Christi
nomen obtendat, quo interiorem expugnet affectum. Cyrillus.
Nequaquam autem discipuli adverterant vim dictorum; sed arbitrabantur de
consummatione saeculi dictum esse; et ideo quaerebant quo tempore deberent
accidere; unde sequitur interrogaverunt autem illum, dicentes : praeceptor,
quando haec erunt, et quod signum cum fieri incipient? Ambrosius.
Matthaeus tertiam interrogationem addidit, ut et templi tempora
destruendi, et signum adventus et consummatio saeculi a discipulis
quaereretur. Interrogatus autem dominus quando templi futura esset
destructio, et quod signum esset eius adventus, de signis docet, de tempore
non curat intimandum; sequitur enim qui dixit : videte ne seducamini. Athanasius.
Cum enim sint nobis a Deo charismata et dogmata quae sunt super hominem,
tradita, scilicet caelestis conversationis forma, virtus contra Daemones, et
adoptio, et notitia patris, et verbi et spiritus sancti donum; adversarius
noster Diabolus circuit, quaerens nobis surripere insita semina verbi;
dominus autem tamquam sua pretiosa dona in nobis sua documenta concludens,
monet ne seducamur. Magnum autem quoddam donum tribuit nobis Dei verbum, ut
non solum ex apparentibus non decipiamur, sed etiam si qua latentia sint,
diiudicemus per spiritus gratiam. Cum enim sit odiosus Diabolus inventor
malitiae, hoc quod ipse est occultat, nomen vero cunctis cupitum simulat
callide : puta, si quis subicere sibi volens filios alienos, parentibus
absentibus fingat eorum vultus, et filios desiderantes seducat. Ergo in
unaquaque haeresum Diabolus figuratus dicit : ego sum Christus, et apud me
veritas est; unde sequitur multi enim venient in nomine meo, dicentes : quia
ego sum; et tempus appropinquabit. Cyrillus.
Ante suum enim descensum de caelo, provenient aliqui, quibus acquiescere
non oportet : voluit enim unigenitum verbum Dei, cum venit ut mundum
salvaret, latere, ut crucem sustineret pro nobis; sed secundus eius adventus
non erit clanculo, ut ante, sed terribilis et manifestus : descendet enim in
gloria Dei patris, ministrantibus Angelis, ut mundum in iustitia iudicet;
unde concludit nolite ergo ire post illos. Titus.
Vel forsitan non dicit pseudochristos ante consummationem venientes, sed eos
qui fuere tempore apostolorum. Beda.
Multi enim imminente Hierosolymorum excidio principes extitere qui se
dicerent esse christos, tempusque libertatis appropinquare. Multi etiam in Ecclesia haeresiarchae diem domini instare
praedicaverunt; quos apostolus ad Thessalonicenses damnat. Multi
etiam in nomine Christi venere Antichristi; quorum primus est Simon magus,
cui dicebant : hic est virtus Dei, quae vocatur magna. |
Versets 5-9.
— Eusèbe ou Théophane. (Chronique des Pères grecs) L’histoire nous atteste quelle était la magnificence des constructions du temple, et ce qui en reste encore aujourd’hui nous fait comprendre quelle devaient être la grandeur et la richesse de cet édifice. Or, comme ses disciples admiraient les constructions du temple, Notre Seigneur leur déclare qu’il n’en restera pas pierre sur pierre : « Quelques-uns lui faisant remarquer la beauté des pierres du temple, et les riches offrandes dont il était orné, il dit : Des jours viendront où, de ce que vous regardez, il ne restera pas pierre sur pierre. » Il était juste, en effet, que ce lieu fût entièrement détruit, pour punir l’insolence audacieuse de ceux qui venaient y accomplir les cérémonies de leur culte. — S. Bède : Ce fut encore par un dessein particulier de la Providence divine que la ville et le temple furent voués à une entière destruction, car il était à craindre que des chrétiens, faibles encore dans la foi, voyant la ville et le temple debout, et considérant avec étonnement les sacrifices qu’on y offrait, ne soient comme ébranlés par le spectacle de ces rites si différents. — S. Ambroise : Ce que le Sauveur prédisait de la destruction future de ce temple bâti par les hommes, était vrai, car tout ce qui est construit de main d’homme, ou périt nécessairement de vétusté, ou est renversé par la force, ou est consumé par le feu. Il y a cependant un autre temple (la synagogue), dont l’antique édifice devait s’écrouler à la naissance de l’Église. Nous avons tous aussi un temple au-dedans de nous, qui s’écroule lorsque la foi s’affaiblit, et surtout lorsqu’on affecte par hypocrisie de paraître extérieurement chrétien pour se déclarer plus facilement contre Jésus-Christ dans l’intérieur de son âme. — S. Cyrille : Les disciples ne comprenaient point la force de ces paroles, ils s’imaginaient que le Sauveur voulait parler de la fin du monde, c’est pourquoi ils lui demandent quand cette destruction devait avoir lieu : « Alors ils lui demandèrent : Maître, quand cela arrivera-t-il ? et à quel signe connaîtra-t-on que ces choses sont, prêtes à s’accomplir ? » — S. Ambroise : Saint Matthieu ajoute une troisième question, c’est-à-dire que les disciples demandent à la fois le temps de la destruction du temple, les signes de l’avènement du Sauveur, et ceux qui doivent précéder la fin du monde. Or, Notre Seigneur, interrogé sur le temps de la destruction du temple et sur les signes de son avènement, s’explique sur cette dernière question, mais ne répond pas à la première : « Il leur dit : Prenez garde d’être séduits. » — S.
Athanase : (Disc.
4 contr. les
Ar.) Dieu nous a donné des grâces et fait connaître des vérités qui
appartiennent à l’ordre surnaturel (par exemple les règles de la vie céleste,
la puissance contre les démons, l’adoption, la connaissance du Père et du Verbe,
et le don de l’Esprit saint); aussi le démon, notre ennemi, rôde sans cesse
autour de nous pour nous ravir la semence de la parole divine. Dieu donc,
pour conserver en nous les dons précieux qu’il nous a faits et les
enseignements qu’il nous a donnés, nous prémunit contre la séduction. Le
Verbe de Dieu nous a fait une grâce extraordinaire, c’est non seulement de ne
pas nous laisser tromper par les choses apparentes, mais encore de discerner,
à l’aide de la grâce de l’Esprit Saint, celles qui sont cachées. Le démon,
auteur de tout mal, sait l’horreur qu’il inspire, il cache donc avec soin ce
qu’il est, et se couvre astucieusement d’un nom qu’il sait être cher à tous.
Il fait comme celui qui veut gagner des enfants en l’absence de leurs
parents, il prend leur extérieur [et simule leur voix] pour tromper l’amour
de ces enfants. Ainsi donc, dans toutes les hérésies, le démon se déguise et
dit : Je suis le Christ, la vérité est avec moi : « Plusieurs viendront en mon nom et diront : C’est moi, et le
temps approche. » — S. Cyrille : Avant que Jésus-Christ descende du ciel, il en viendra plusieurs qu’il faudra se garder de suivre, [ce qui sera facile], car si le premier avènement du Verbe, Fils unique de Dieu, venant pour sauver le monde, a été obscur et caché, parce qu’il voulait souffrir pour nous la mort de la croix; son second avènement, au contraire, n’aura rien de secret, il sera éclatant et terrible, car il descendra environné de la gloire de Dieu le Père, au milieu des anges, qui seront ses ministres, pour juger le monde dans la justice; « ne les suivez donc point », nous dit-il. — Tite de Bostr. Peut-être ne veut-il point parler ici des faux christs qui viendront avant la fin du monde, mais de ceux qui parurent au temps des Apôtres. — S. Bède : En effet, peu de temps avant la ruine de Jérusalem, on vit paraître plusieurs chefs de sédition, qui affirmaient qu’ils étaient le Christ, et annonçaient l’approche de l’ère de la liberté. On vit aussi dans l’Église, des hérésiarques, que l’Apôtre a condamnés dans sa lettre aux Thessaloniciens (2 Th 2, 2), et qui annonçaient que le jour du Seigneur approchait. Il parut aussi plusieurs antéchrists, qui déclaraient venir au nom du Christ; le premier d’entre eux fut Simon le magicien, qui disait de lui-même : « Celui-ci est la grande vertu de Dieu (Ac 8, 10). » |
Lectio 3 [85934] Catena in Lc., cap. 21 l. 3 Gregorius in Evang. Perituri mundi praecurrentia mala denuntiat dominus,
ut eo minus perturbent venientia, quo fuerint praescita : minus enim iacula
feriunt quae praevidentur; unde dicit cum autem audieritis praelia et
seditiones, nolite terreri. Bella ad hostes pertinent, seditiones ad cives.
Ut ergo nos indicet exterius interiusque turbari, aliud nos fatetur ab
hostibus, aliud a fratribus perpeti. Ambrosius.
Verborum autem caelestium nulli magis quam nos testes sumus, quos mundi
finis invenit. Quanta praelia et quas opiniones accepimus praeliorum? Gregorius.
Sed his malis praevenientibus, quia non statim finis sequatur, adiungitur
oportet haec primum fieri; sed nondum statim finis. Ultima enim tribulatio
multis tribulationibus praevenitur : quia multa debent mala praecurrere, ut
malum valeant sine fine nuntiare; unde sequitur tunc dicebat illis : surget
gens contra gentem, et regnum adversus regnum : quia necesse est ut alia ex
caelo, alia ex terra, alia ab elementis, alia ab hominibus patiamur. Hic ergo
signatur perturbatio hominum; sequitur enim et terraemotus magni erunt per
loca : ecce respectus irae desuper. Chrysostomus.
Terraemotus enim quandoque irae signum est, nam et quando crucifixus est
dominus, mota est terra; quandoque vero provisionis indicium, sicut orantibus
apostolis commotus est locus in quo erant congregati. Sequitur et
pestilentiae. Gregorius.
Ecce inaequalitas corporum; et fames : ecce sterilitas terrae; terroresque
de caelo, et signa magna erunt : ecce inaequalitas aeris : quod ad eas
tempestates referendum est, quae nequaquam ordinem temporum servant : quae
enim ordinate veniunt, signum non sunt. Omnia
enim quae ad usum vitae accepimus, ad usum convertimus culpae; sed cuncta
quae ad usum pravitatis infleximus, ad usum nobis vertuntur ultionis. Ambrosius. Occasum ergo saeculi praecedent quaedam aegritudines
mundi, scilicet fames, pestilentia et persecutio. Theophylactus. Quidam
autem haec non solum in consummatione futura, sed et tempore captionis
Ierusalem fuisse impleta voluerunt. Auctore namque pacis
perempto, merito in eis seditiones et bella locum habuerunt. Ex bellis autem
pestis et fames consequitur : haec quidem aere cadaveribus infecto, illa
incultis manentibus agris. Sed et Iosephus intolerabiles aerumnas evenisse
recitat propter famem; et tempore Claudii Caesaris fames invaluit, ut in
actibus legitur : et plurima terribilia contigerunt captionem Ierusalem
indicantia, ut Iosephus narrat. Chrysostomus.
Dicit autem, quod non statim finis civitatis eveniet, ut scilicet
Hierosolyma capiatur, sed post praelia multa. Beda.
Admonentur etiam apostoli, ne terreantur his praecurrentibus, ne
Hierosolymam Iudaeamque deserant. Potest autem regnum contra regnum, et
pestilentia eorum quorum sermo serpit ut cancer, et fames audiendi verbi Dei,
et commotio universae terrae, et a vera fide separatio, etiam in haereticis
intelligi, qui contra se invicem dimicantes, Ecclesiae victoriam faciunt.
Ambrosius.
Sunt autem et alia bella, quae vir sustinet Christianus; diversarum quoque
praelia cupiditatum, studiorumque conflictus. Multo etiam graviores sunt
domestici hostes quam extranei. |
Versets 9-11.
— S. Grégoire : (hom. 35 sur les Evang.) Notre Seigneur prédit les calamités qui doivent précéder la fin du monde, pour diminuer par cette prédiction le trouble qu’elles produiront quand elles seront arrivées, car les coups qui sont prévus se font moins sentir. Il commence donc ainsi : « Et lorsque vous entendrez parler de guerres et de séditions, ne soyez pas terrifiés.» Les guerres viendront des ennemis, les séditions des concitoyens entre eux, et le Sauveur prend soin de distinguer ce que nous aurons à souffrir des ennemis extérieurs et de nos propres frères, pour nous faire comprendre que nous serons en proie au trouble et à l’affliction tout à la fois au dedans et au dehors. — S. Ambroise : Qui peut mieux attester la vérité de ces paroles divines que nous-mêmes, qui devons être les témoins de la fin du monde ? Quelles guerres avons-nous apprises, et quels bruits de combats avons-nous entendus ! — S. Grégoire : (hom. 35.) Mais la fin du monde ne doit pas suivre immédiatement ces calamités, qui en seront comme les signes précurseurs. Aussi Notre Seigneur ajoute : « Il faut d’abord que ces choses arrivent, mais la fin ne viendra pas immédiatement après. » La dernière tribulation sera précédée par beaucoup d’autres tribulations, car Dieu veut que le malheur qui n’aura point de fin soit annoncé par des calamités sans nombre : « Alors, ajouta-t-il, on verra se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume. » Les maux que nous aurons à souffrir nous viendront, les uns du ciel, les autres de la terre, ceux-ci des éléments, ceux-là des hommes, et Notre Seigneur commence par les troubles causés par les hommes. Il ajoute : « Il y aura en divers lieux de grands tremblements de terre. » Voilà les effets de la colère céleste. — S.
Jean Chrysostome : (hom 2 sur
les Actes.) Les tremblements de terre sont quelquefois les effets de la
colère de Dieu, comme lorsque la terre fut ébranlée quand le Sauveur fut
crucifié; quelquefois, ils sont un signe des faveurs divines, c’est ainsi que
le lieu où les Apôtres étaient réunis pour prier, trembla lorsque l’Esprit
saint descendit sur eux : « Et des
pestes. » — S. Grégoire : (hom. 35.) Voilà la perturbation des corps : « et les famines » ; c’est la stérilité de la terre : « Il paraîtra des signes épouvantables et des signes extraordinaires dans le ciel, » c’est la perturbation dans les airs. Il faut entendre ces paroles des tempêtes qui viennent en dehors des lois ordinaires de la nature, car pour celles qui suivent ses lois, elles ne sont point des signes. Nous avons détourné à des usages coupables tout ce que nous avions reçu pour les besoins de notre vie; Dieu, à son tour, fera servir à notre châtiment toutes les créatures dont nous aurons fait des instruments d’iniquité. — S. Ambroise : La fin du monde sera donc précédée de divers fléaux qui en seront comme les maladies, c’est-à-dire la famine, la peste et la persécution. — Théophylacte : Suivant quelques interprètes, ces prédictions n’ont pas seulement pour objet les événements qui doivent précéder la fin du monde, mais elles ont reçu leur accomplissement au temps du siège et de la ruine de Jérusalem. C’est à juste titre, en effet, que les Juifs qui avaient mis à mort l’auteur de la paix, virent éclater parmi eux les guerres et les séditions. La guerre à son tour fut suivie de la peste et de la famine, comme conséquence, la première, de l’air infecté par les cadavres, la seconde, des champs restés sans culture. L’historien Josèphe, rapporte les effroyables extrémités dont cette famine fut la cause, nous voyons dans les Actes, que sous le règne de l’empereur Claude, la Judée fut en proie à une grande famine (Ac 11), et le même Josèphe raconte beaucoup d’autres terribles fléaux, qui annonçaient la prise de Jérusalem. — S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur prédit que la prise et la ruine de la ville ne suivront pas immédiatement ces signes précurseurs, mais qu’elles n’auront lieu qu’après de nombreux combats. — S. Bède : Notre Seigneur veut aussi avertir les Apôtres, de ne pas s’effrayer de ces signes précurseurs, et de ne quitter ni Jérusalem ni la Judée. On peut voir encore dans ces royaumes soulevés les uns contre les autres, dans ces pestes, les doctrines pestilentielles qui s’étendent et rongent comme un cancer (2 Tm n, 16); dans ces famines, la faim d’entendre la parole de Dieu; dans ce tremblement de toute la terre, la séparation de la vraie foi même dans les hérétiques qui, en luttant les uns contre les autres, contribuent ainsi au triomphe de l’Église. — S. Ambroise : Il y a encore d’autres guerres que doit soutenir un chrétien, ce sont les combats contre les passions multipliées et contre les désirs coupables [qui naissent en nous], et ces ennemis domestiques sont mille fois plus redoutables que ceux du dehors. |
Lectio 4 [85935] Catena in Lc., cap. 21 l. 4 Gregorius in Evang. Quia cuncta quae praedicta sunt, non de iniustitia
ferientis sunt, sed de merito mundi patientis, facta pravorum hominum
praenuntiantur, cum dicitur sed ante haec omnia inicient vobis manus suas, et
persequentur, tradentes in synagogas et custodias, trahentes ad reges et
praesides propter nomen meum; ac si dicat : prius corda hominum, post
elementa turbabuntur, ut, cum rerum ordo confunditur, ex qua tribulatione
veniat demonstretur. Nam quamvis finis mundi ex ipso suo ordine pendeat,
perversiores tamen quosque inveniens, quia digne ruinis illius opprimantur,
innotescit. Cyrillus. Vel hoc dicit, quia priusquam a Romanis Ierusalem
caperetur, passi persecutiones a Iudaeis discipuli incarcerati sunt, et
praesentati principatibus. Missus est Paulus Romam ad Caesarem, astititque
Festo et Agrippae. Sequitur continget autem
vobis in testimonium. Graecus. In martyrium, idest, in martyrii gloriam. Gregorius.
Vel in testimonium, videlicet eorum : quia vos persequendo, mortes
inferunt, aut videndo non imitantur : ut inde perversi sine excusatione pereant
unde electi exemplum capiunt ut vivant. Sed auditis tot terroribus, turbari
poterant auditorum corda; unde ad eorum consolationem subdit ponite ergo in
cordibus vestris non praemeditari quemadmodum respondeatis. Theophylactus.
Quia enim idiotae erant et imperiti, hoc eis dominus dicit, ne
conturbarentur reddituri sapientibus rationem; et causam subdit ego enim dabo
vobis os et sapientiam, cui non poterunt resistere et contradicere omnes
adversarii vestri; quasi dicat : statim a me sortiemini facundiam et
sapientiam, ut nec omnes adversarii vestri si in unum conveniant, resistere
valeant vobis, nec in sapientia, idest speculationum vi, nec in eloquentia et
sermonis lepore. Saepe enim multi sapientiam quidem habent in mente; sed cum
sint provocabiles ad turbationem, totum confundunt, cum tempus fuerit
proponendi. Non autem tales fuerunt apostoli; sed utrinque gratiosi fuerunt.
Gregorius.
Ac si dominus suis dicat : nolite terreri : vos ad certamen acceditis, ego
praelior : vos verba editis, sed ego sum qui loquor. Ambrosius.
Alibi autem Christus in discipulis, alibi pater, alibi spiritus loquitur
patris. Non discordant ista, sed congruunt : quod unus loquitur, tres
loquuntur, quia vox est una Trinitatis. Theophylactus.
His autem dictis, et propulso imperitiae timore, subdit et aliud quiddam
necessarium, quod eorum animos poterat commovere, ne subito irruens eos
turbaret; sequitur enim trademini autem a parentibus et fratribus et
cognatis, et morte afficient ex vobis. Gregorius.
Plus in nobis ea tormenta saeviunt quae ab illis patimur de quorum moribus
praesumebamus : quia cum damno corporis mala nos cruciant amissae caritatis.
Gregorius
Nyssenus. Consideremus autem statum qui tunc temporis erat. Omnibus
suspectis, ad invicem dividebantur cognationes, invicem disgregatae per
cultus; et filius gentilis proditor fiebat parentum fidelium; et in filium
qui crediderat, pater in infidelitate obstinatus accusator fiebat. Omnis
aetas erat exposita persequentibus fidem, nec mulieribus succurrebat
naturalis sexus fragilitas. Theophylactus.
His autem dictis, et de odio subiungit quod ab omnibus patientur; sequitur
enim et eritis odio omnibus hominibus propter nomen meum. Gregorius.
Sed quia dura sunt quae praedicuntur de afflictione mortis, protinus
consolatio subditur de gaudio resurrectionis, cum dicitur et capillus de
capite vestro non peribit; quasi dicat martyribus suis : cur timetis ne
pereat quod incisum dolet, quando et illud in vobis perire non potest quod
incisum non dolet? Beda.
Vel aliter. Capillus de capite discipulorum domini non peribit : quia non
solum fortia facta vel dicta sanctorum, sed et tenuissima cogitatio digna
mercede donabitur. Gregorius
Moralium. Qui autem patientiam in adversis tenet, inde contra adversa omnia
fortis efficitur : unde sibi et seipsum vincendo dominatur; unde sequitur in
patientia vestra possidebitis animas vestras. Quid enim est animas possidere
nisi perfecte in omnibus vivere, cunctisque mentis motibus quasi ex arce
virtutis dominari? Gregorius.
Per patientiam igitur animas nostras possidemus; quia dum nobismetipsis
dominari discimus, hoc ipsum incipimus possidere quod sumus. Idcirco autem
possessio animae in virtute patientiae ponitur, quia radix omnium custosque
virtutum patientia est. Patientia vero est aliena mala aequanimiter perpeti;
contra eum quoque qui mala irrogat nullo dolore morderi. |
Versets 12-19.
— S. Grégoire : (hom. 35 sur les Evang.) Comme les calamités que le Sauveur vient de prédire, ne viennent pas de l’injustice de Dieu qui les envoie, mais sont un juste châtiment des crimes du monde, Notre Seigneur fait connaître ces attentats des hommes pervers : « Avant que toutes ces choses arrivent, ils se saisiront de vous, ils vous poursuivront, ils vous livreront aux synagogues et aux prisons, ils vous emmèneront devant des rois et des gouverneurs à cause de mon nom.», c’est-à-dire : le trouble s’emparera des coeurs des hommes avant qu’il s’étende aux éléments; on saura ainsi, lorsque l’ordre de la nature sera bouleversé, quelle tribulation en est la cause ? car bien que la fin du monde soit une conséquence des éléments qui le composent, le Sauveur nous fait connaître que les hommes qui vivront alors seront justement écrasés sous ses ruines en punition de leurs crimes énormes. — S. Cyrille : Ou encore, Notre Seigneur veut parler ici des persécutions que ses disciples eurent à souffrir des Juifs, qui les jetèrent en prison et les traînèrent devant les tribunaux, avant la prise de Jérusalem par les Romains. C’est ainsi que saint Paul fut envoyé à Rome pour être jugé par César, et qu’il comparut devant Festus et Agrippa. « Et ce sera pour vous une occasion de rendre témoignage. » Le grec porte : « pour le martyre (εις μαρτυριον) », c’est-à-dire d’obtenir la gloire du martyre. — S. Grégoire : (hom. 35.) Ou bien encore, pour être en témoignage contre eux, parce qu’ils vous ont persécutés et mis à mort, ou parce qu’ils n’ont pas imité dans leur vie les exemples que vous leur avez donnés, ou parce que ces exemples qui ont été pour les élus un principe de vie, sont devenus pour les méchants une cause de mort sans excuse. Mais ces terribles prédictions pouvaient jeter le trouble dans le coeur de ceux qui les entendaient, le Sauveur ajoute donc pour les consoler : « Gravez cette pensée dans vos coeurs, de ne point préméditer ce que vous devrez répondre. » — Théophylacte : Comme les Apôtres étaient sans instruction et sans lettres, Notre Seigneur leur recommande de ne point se troubler lorsqu’ils sont appelés à rendre compte de leur conduite devant les sages du monde, et il en donne la raison : « Car je mettrai moi-même sur vos lèvres des paroles et une sagesse à laquelle tous vos ennemis ne pourront résister et qu’ils ne pourront contredire, » c’est-à-dire : vous recevrez à l’instant de moi l’éloquence et la sagesse, de sorte que tous vos ennemis, quand ils réuniraient tous leurs efforts, ne pourront vous résister, ni par leur sagesse (c’est-à-dire, par la force des raisonnements), ni par l’éloquence et par l’élégance du langage. Il en est beaucoup, en effet, qui ont un grand fond de sagesse, mais qui, faciles à troubler, voient se confondre toutes leurs idées lorsque le moment est venu de les exposer. Tels ne furent point les Apôtres, qui reçurent le double don de la sagesse et de la parole. — S. Grégoire : Le Sauveur semble leur dire : Ne vous effrayez pas, vous marchez au combat, mais c’est moi qui combats pour vous; vous prononcez les paroles, mais c’est moi qui les forme sur vos lèvres. — S. Ambroise : Tantôt c’est Jésus-Christ qui parle par la bouche de ses disciples, tantôt c’est le Père (Mt 16), tantôt enfin l’Esprit saint. (Mt 10) Ces divers passages, loin de se contredire, s’accordent parfaitement, car ce que l’un dit, les trois le disent également, parce que la Trinité n’a qu’une seule et même voix. — Théophylacte : Après leur avoir ainsi parlé, pour dissiper la crainte que pouvait leur inspirer leur ignorance, il les prémunit contre un autre danger non moins important, qui aurait pu aussi jeter le trouble dans leurs coeurs, s’il les avait surpris à l’improviste : « Vous serez même trahis et livrés par vos pères, par vos frères, par vos amis, et on en fera mourir plusieurs d’entre vous. » — S. Grégoire : (hom. 35.) Les épreuves les plus cruelles nous viennent de ceux sur l’affection desquels nous croyions pouvoir compter, parce qu’aux souffrances extérieures viennent se joindre alors la douleur de l’affection que nous avons perdue. — S. Grégoire de Nysse : Considérons quelle était alors la situation de la société. Dans toutes les familles divisées par la différence de religion, on était suspect les uns aux autres. Le fils encore idolâtre trahissait ses parents devenus chrétiens; le père, obstiné dans son infidélité, devenait l’accusateur de son fils qui avait embrassé la foi. Tous les âges étaient exposés à la persécution, et les femmes elles-mêmes n’en étaient pas à l’abri par la faiblesse naturelle de leur sexe. —
Théophylacte : Notre Seigneur leur prédit ensuite la
haine universelle dont ils seront l’objet : « Et vous serez haïs de tout le monde à cause de mon nom. »
— S. Grégoire : (Hom. 35.) Mais comme ces prédictions qui leur montrent une mort cruelle ont quelque chose de dur, il les console aussitôt par l’espérance des joies de la résurrection : « Cependant il ne se perdra pas un seul cheveu de votre tête, » ; comme s’il disait à ceux qui vont souffrir le martyre : Pourquoi craindriez-vous de voir périr ce que vous ne pouvez perdre sans douleur, puisque même ce qui peut vous être retranché sans vous causer aucune souffrance, ne peut périr ? — S. Bède : Ou bien encore : Il ne périra pas un seul cheveu de la tête des disciples du Seigneur, parce que non seulement les grandes actions et les paroles des saints, mais encore leurs moindres pensées recevront de Dieu leur juste récompense. — S. Grégoire : (Moral., 5, 13.) Celui qui pratique la patience dans l’adversité, puise sa force contre toutes les tribulations, par le même principe qui lui fait remporter la victoire sur lui-même : « Vous posséderez vos âmes dans la patience. » Qu’est-ce que posséder son âme, c’est mener une vie entièrement irréprochable, et comme du haut d’une forteresse, dominer par la vertu tous les mouvements de son coeur. — S. Grégoire : (hom. 35.) Ainsi nous possédons nos âmes par la patience, parce qu’en nous dominant nous-mêmes, nous commençons à être les maîtres de ce que nous sommes. La possession de l’âme dépend de la vertu de patience, parce que la patience est la racine et la gardienne de toutes les vertus. Or, la patience consiste à supporter avec calme les épreuves qui nous viennent d’autrui, et à ne nourrir aucun ressentiment contre ceux qui en sont la cause. |
Lectio 5 [85936] Catena in Lc., cap. 21 l. 5 Beda. Hactenus ea quae per quadraginta annos, necdum fine
adveniente, futura erant, dicta sunt; hic ipse finis desolationis quae a
Romano exercitu facta est, domini verbis exponitur, cum dicitur cum autem
videritis circumdari ab exercitu Ierusalem, tunc scitote quia appropinquavit
desolatio eius. Eusebius. Desolationem Ierusalem vocat non amplius eam a suis, nec
secundum ritum legalem constitui, ita quod nullus expectet post futuram
obsidionem aliam innovationem fieri, sicut accidit tempore regis Persarum, et
illustris Antiochi, et iterum tempore Pompeii. Augustinus ad Hesychium. Haec autem domini verba ideo Lucas hoc
loco commemoravit, ut ostendat tunc factam fuisse abominationem desolationis
quae a Daniele praedicta est, de qua Matthaeus et Marcus locuti sunt, quando
expugnata est Ierusalem. Ambrosius. Iudaei enim putaverunt abominationem desolationis tunc
factam, eo quod caput porci in templo iecerunt illudentes Romani Iudaicae
ritum observantiae. Eusebius. Dominus autem futuram in civitate praevidens famem,
monebat discipulos ne in futura obsidione in civitatem confugerent tamquam ad
locum tutum et a Deo protectum; sed magis inde discederent, et ad montes
confugerent; unde sequitur tunc qui in Iudaea sunt, fugiant in montes. Beda. Ecclesiastica narrat historia, cunctos qui in Iudaea erant
Christianos, imminente Hierosolymorum excidio, commonitos a domino, loco
discessisse, et trans Iordanem habitasse in civitate quadam Pella nomine,
donec desolatio Iudaeae compleretur. Augustinus
ad Hesychium. Pro hoc autem Matthaeus et Marcus dixerunt : et qui supra
tectum est, non descendat in domum; addit autem : nec introeat ut tollat
aliquid de domo; pro quo Lucas subdit et qui in medio eius sunt discedant.
Beda. Sed quomodo ab exercitu civitate iam circumdata, qui in medio
eius sunt discedent? Nisi forte quod promisit tunc, non ad ipsum tempus
obsidionis referatur, sed ad proximum ante obsidionem tempus, cum se primum
miles Romanus per Galilaeae vel Samariae fines coepit diffundere. Augustinus ad Hesychium. Pro eo autem quod Matthaeus et Marcus
posuerunt : et qui in agro erit, non revertatur retro tollere vestimentum
suum, apertius iste subdit et qui in regionibus, non intrent in eam; quia
dies ultionis hi sunt, ut impleantur omnia quae scripta sunt. Beda.
Dies autem ultionis hi sunt, dies videlicet dominici sanguinis ultionem
petentes. Augustinus.
Deinde similiter Lucas prosequitur, sicut et alii duo vae autem
praegnantibus et nutrientibus in illis diebus. Et sic ergo Lucas patefecit
quod poterat esse incertum, scilicet id quod dictum est de abominatione
desolationis, non ad saeculi finem, sed ad expugnationem Ierusalem pertinere.
Beda.
Dicit ergo vae praegnantibus, praesente captivitate, et nutrientibus sive
mammantibus, ut quidam interpretantur, quarum vel uteri, vel manus filiorum
sarcina praegravatae fugae necessitatem non minimum impediunt. Theophylactus.
Quidam vero dicunt, dominum per hoc significare filiorum esum, quem et
Iosephus narrat. Chrysostomus.
Deinde praedictorum assignat causam, dicens erit enim pressura magna super
terram, et ira populo huic. Talia enim mala eos occupaverunt ut nulla
deinceps aerumna possit eorum calamitatibus adaequari, ut Iosephus narravit.
Eusebius.
Qualiter scilicet advenientibus Romanis, et urbem capientibus, multae
catervae Iudaici populi in ore gladii periere; unde sequitur et cadent in ore
gladii. Sed et plures necati sunt fame. Haec vero accidebant primo quidem sub
Tito et Vespasiano, post hos autem tempore Hadriani principis Romanorum,
quando natale solum Iudaeis inaccessibile est factum; unde sequitur et
captivi ducentur in omnes gentes. Totum enim orbem Iudaei repleverunt, et
usque ad fines terrae pervenerunt; et cum eorum terra ab alienigenis
inhabitetur, solis ipsis est inaccessibilis facta; unde sequitur et Ierusalem
calcabitur a gentibus, donec impleantur tempora nationum. Beda.
Quae scilicet apostolus commemorat dicens : caecitas ex parte facta est in
Israel (...) et sic omnis Israel salvus fiet; qui cum promissa salute fuerit
potitus, ad patrium solum rediturus non temere speratur. Ambrosius.
Mystice autem abominatio desolationis, adventus Antichristi est : eo quod
sacrilegiis infaustis mentium interiora contaminet, sedens iuxta historiam in
templo, ut sibi vindicet divinae solium potestatis. Iuxta interpretationem
autem spiritualem pulchre inducitur, eo quod in affectibus singulorum
vestigium perfidiae suae confirmare desideret, ex Scripturis disputans se
esse Christum. Tunc appropinquabit desolatio, quoniam a vera religione
plerique lapsi desistent; tunc erit domini dies, quoniam sicut primus
adventus domini fuit propter redimenda peccata, ita et secundus erit propter
reprimenda delicta, ne plures perfidiae errore labantur. Est et alius
Antichristus, idest Diabolus, qui Ierusalem, idest animam pacificam, obsidere
nitatur suae legis exercitu. Ergo quando in medio templi est Diabolus,
desolatio abominationis est. Cum autem unicuique laboranti, Christi
praesentia spiritualis illuxerit, tollitur iniquus ex medio, et incipit
regnare iustitia. Est etiam tertius Antichristus, ut Arius et Sabellius et
omnes qui nos prava intentione seducunt. Hae autem sunt praegnantes quibus
vae dicitur, quae arvinam suae carnis extendant, et quibus intimorum gressus
pigrescat animorum, et effetae virtutum, fetaeque vitiorum. Sed nec illae
praegnantes condemnationis expertes sunt, quae in bonorum actuum molimine
constitutae, necdum aliquos suscepti operis dedere processus. Sunt quae Dei
timore concipiunt, sed non omnes pariunt : sunt enim quae abortivum excludunt
verbum antequam pariant. Sunt etiam quae in utero Christum habeant, sed
nondum formaverunt. Ergo quae parit iustitiam, Christum parit. Nos etiam
parvulos nostros ablactare properemus, ne nos quasi imperfectorum parentes,
aut iudicii dies aut mortis inveniat. Quod ita fiet, si omnia dicta iustitiae
in corde custodias, nec senectutis tempus expectes; sed in prima aetate
sapientiam sine corruptela corporis tui cito concipias, cito nutrias. In fine
autem Iudaea omnis a nationibus credituris subicietur in ore gladii spiritalis,
qui est sermo bis acutus. |
Versets 20-24.
— S. Bède : Jusqu’ici Notre Seigneur a prédit les événements qui arriveraient pendant les quarante années qui devaient suivre, mais sans qu’il fût question de la ruine définitive des Juifs, il en vient maintenant à la destruction de cette malheureuse nation, et aux ruines qu’amoncellera l’armée romaine : « Lorsque vous verrez une armée environner Jérusalem, sachez que la désolation est proche. » — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) Il appelle cette ruine la désolation de Jérusalem, parce qu’elle ne sera plus rebâtie par ses habitants, ni reconstituée selon les prescriptions de la loi, et que personne, après le siège [et la désolation] qui doivent avoir lieu, ne doit espérer son rétablissement, comme au temps du roi des Perses, d’Antiochus le Grand, et aussi comme au temps de Pompée. — S. Augustin : (Lettre 80 à Hésych.) Saint Luc rapporte ici ces paroles du Seigneur, pour nous faire comprendre que ce fut lors du siége de Jérusalem qu’eut lieu l’abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, et dont saint Matthieu (Mt 24) et saint Marc (Mc 13) ont parlé. — S. Ambroise : Les Juifs crurent que cette abomination de la désolation s’était alors vérifiée, parce que les Romains avaient jeté une tête de porc dans le temple, pour insulter aux observances judaïques. — Eusèbe : Or, le Seigneur, prévoyant la famine qui devait avoir lieu dans la ville, avertissait ses disciples de ne point s’y réfugier lors du siége, comme dans un lieu sûr et protégé de Dieu, mais de s’en éloigner bien plutôt, et de s’enfuir vers les montagnes : « Alors que ceux qui sont dans la Judée, s’enfuient vers les montagnes. » — S. Bède : L’histoire ecclésiastique (Eusèbe, 3, 5) rapporte qu’aux approches de la ruine de Jérusalem, tous les chrétiens qui étaient dans la Judée en sortirent, sur l’avis qu’ils avaient reçu du Seigneur, et allèrent habiter au delà du Jourdain, dans la ville de Pella, jusqu’à ce que la désolation de la Judée fût consommée. — S.
Augustin : (Lettre
80 à Hésych.) Au
lieu de ces paroles, nous lisons dans saint Matthieu et dans saint Marc : « Que celui qui sera sur le toit, ne
descende pas dans sa maison » ; saint Marc ajoute : « Et n’y entre point pour en emporter
quelque chose. » Saint Luc, au contraire : « Et que ceux qui sont au milieu d’elle s’en retirent. » — S. Bède : Mais comment ceux qui sont au milieu de Jérusalem pourront-ils en sortir lorsqu’elle sera investie par une armée ? [Pour résoudre ces difficultés], il faut rapporter ces prédictions, non pas au temps même du siége, mais à celui qui le précéda immédiatement, lorsque les soldats romains commencèrent à se répandre sur les frontières de la Galilée ou de la Samarie. — S.
Augustin : (comme
précéd.) Saint Matthieu et saint Marc disent : « Et que celui qui sera dans les
champs, n’en revienne pas pour prendre son vêtement. » Saint Luc est
plus explicite : « Et que ceux qui
sont dans les régions voisines n’y entrent point; car ce sont les jours de la
vengeance dans lesquels doivent s’accomplir toutes les prédictions qui ont
été faites. » — S. Bède : Ces jours de la vengeance sont les jours où Dieu vengera le sang du Seigneur que les Juifs ont répandu. — S. Augustin : (comme précéd.) Saint Luc continue ensuite comme les deux autres Évangélistes : « Malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là ». C’est ainsi que cet Évangéliste rend plus clair ce qui aurait pu être considéré comme incertain, et nous rend certains que ce que le Sauveur a dit de l’abomination de la désolation, doit se rapporter non pas à la fin du monde, mais au temps du siége de Jérusalem. — S. Bède : Notre Seigneur dit : « Malheur aux femmes qui seront grosses (aux, approches de la captivité), ou à celles qui nourriront ou qui allaiteront » ; certains interprètent : parce qu’il leur sera bien difficile de fuir avec ce précieux, mais lourd fardeau, qu’elles porteront dans leur sein ou dans leurs bras. — Théophylacte : Quelques-uns pensent que Notre Seigneur fait ici allusion aux mères qui allèrent jusqu’à manger leurs enfants, selon le récit de l’historien Josèphe. — S. Jean Chrysostome : (cont. les détract. de la vie mon.) Le Sauveur donne la raison de ce qu’il vient de dire : « car la terre sera accablée de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple. » En effet, les Juifs virent fondre sur eux un si grand déluge de maux, qu’aucun désastre ne pourra jamais être comparé aux calamités qu’ils éprouvèrent alors, au témoignage du même historien. — Eusèbe
: (Chronique des Pères grecs) Lorsque
les Romains arrivèrent et s’emparèrent de Jérusalem, une multitude
innombrable de Juifs périrent par le glaive, selon la prédiction du Sauveur :
« Ils tomberont sous le tranchant
du glaive. » Néanmoins, un plus grand nombre furent victimes de la
famine. Ces tristes événements arrivèrent d’abord sous Titus et Vespasien, et
ensuite sous le règne de l’empereur Hadrien, quand il fut interdit aux Juifs
de rentrer dans leur patrie : « Ils
seront emmenés captifs dans toutes les nations. » En effet, les
Juifs furent dispersés dans tout l’univers, et se répandirent jusqu’aux
extrémités de la terre, et tandis que leur terre est habitée par des
étrangers, ils sont les seuls qui ne puissent remettre le pied dans leur
patrie : « Et Jérusalem sera
foulée aux pieds par les Gentils, jusqu’à ce que le temps des nations soit
accompli. » — S. Bède : C’est ce mystère dont veut parler l’Apôtre, lorsqu’il dit : « Une partie d’Israël est tombée dans l’aveuglement, [jusqu’à ce que la multitude des nations soit entrée], et que tout le peuple d’Israël fût ainsi sauvé. » Lorsqu’il aura enfin obtenu le salut qui lui a été promis, il pourra légitimement espérer de rentrer dans sa patrie. — S. Ambroise : Dans le sens figuré, l’abomination de la désolation est l’avènement de l’Antéchrist, parce qu’il doit souiller l’intérieur des âmes par ses abominations sacrilèges, et selon la prédiction littérale de l’Écriture (2 Th 2, 3, 4), s’asseoir dans le temple pour usurper le trône de la divine majesté. Il est aussi l’objet du sens spirituel de ces paroles, parce qu’il voudra imprimer dans les âmes les traces profondes de sa perfidie, en cherchant à prouver par les Écritures qu’il est le Christ. Alors approchera la désolation, parce que la plupart succomberont honteusement, et abandonneront la véritable religion. Alors aussi ce sera le jour du Seigneur; car de même que son premier avènement a eu pour objet de nous racheter de nos iniquités, le second aura pour fin de réprimer les coupables efforts de ceux qui voudraient entraîner les fidèles dans l’erreur et l’infidélité. Il y a encore un autre Antéchrist, c’est le démon qui s’efforce d’assiéger Jérusalem (c’est-à-dire l’âme pacifique), avec l’armée de sa loi tyrannique. Or, quand le démon se trouve au milieu du temple, c’est l’abomination de la désolation. Mais lorsque la présence spirituelle du Christ vient à nous éclairer de sa lumière au milieu de nos tentations, le démon s’éloigne, et la justice commence à régner. Il y a encore un troisième Antéchrist, c’est Arius et Sabellius, et tous ceux qui cherchent à nous séduire pour nous perdre. Les femmes qui sont enceintes, dont le Sauveur déplore le triste sort, sont les chrétiens qui flattent les instincts de la chair, dont la marche est ralentie et entravée par la mollesse, qui sont stériles pour la vertu, et n’ont de fécondité que pour le vice. Ceux mêmes qui sont pour ainsi dire comme en travail de bonnes oeuvres, et qui n’en ont encore produit aucune, ne sont pas à l’abri de cet anathème. Il en est, en effet, qui conçoivent par un sentiment de crainte de Dieu, mais tous n’enfantent pas; quelques-uns font, [pour ainsi parler], comme avorter la parole de Dieu, et la rejettent avant de l’enfanter; d’autres portent le Christ dans leur sein, mais il n’est pas encore formé. Ainsi l’âme qui enfante la justice, enfante le Christ. Hâtons-nous aussi d’allaiter nos enfants, pour n’être pas surpris par le jour du jugement ou de la mort, comme les parents d’êtres imparfaits. Il en sera ainsi, si vous conservez dans votre coeur toutes les paroles de la justice, sans attendre le temps de la vieillesse, et si dès votre premier âge vous vous hâtez de concevoir la sagesse et de la nourrir, en la préservant de la corruption des sens. A la fin du monde, les nations qui auront embrassé la foi, soumettront toute la Judée par le glaive de la parole spirituelle, qui est comme un glaive à deux tranchants. (Ap 1, 16; 19, 15.) |
Lectio 6 [85937] Catena in Lc., cap. 21 l. 6 Beda.
Quid impletis nationum temporibus sequatur, ex ordine manifestat, dicens
erunt signa in sole et luna et stellis. Ambrosius.
Quae quidem signa secundum Matthaeum evidentius exprimuntur : tunc,
inquit, sol obscurabitur, et luna non dabit lumen suum, et stellae cadent de
caelo. Eusebius. Tunc enim cum vitae corruptibilis consummatio agetur,
et secundum apostolum species huius mundi transibit, et novum succedet
saeculum, in quo vice sensibilium luminarium ipse Christus fulgebit quasi
iubar et rex novi saeculi : cuius erit tanta luminis virtus et gloria, ut
sol, qui nunc radiat, atque luna et cetera sidera, adventu maioris luminis
occultentur. Chrysostomus.
Sicut enim in hoc saeculo luna et sidera mox obfuscantur orto sole; sic in
gloriosa Christi apparitione sol obtenebrescet, et luna non dabit proprium
iubar, et stellae cadent de caelo, priore spoliatae amictu, ut potioris lucis
amictu potiantur. Eusebius.
Quae autem evenient orbi post luminarium obtenebrationem, ex quibus fiet
angustia gentium, consequenter exprimit, dicens et in terris pressura gentium
prae confusione sonitus maris et fluctuum : ubi videtur docere principium
transmutationis universi futurum ex defectu substantiae humidae. Hac enim
prima devorata, vel congelata, ut non amplius audiatur sonitus maris, nec
contingant arenam fluctus eius, causa exuberantis siccitatis, ceterae mundi
partes non amplius obtinentes vaporem solitum, emissum ex substantia humida,
transmutationem patientur; et sic cum apparitio salvatoris confutare debeat
repugnantia Deo prodigia, exordium sument furoris prooemia ex siccitatibus,
ut nec tempestas, nec fremitus maris ulterius audiatur. Quo facto subsequetur
angustia superstitum hominum; unde sequitur arescentibus, idest
tabescentibus, hominibus prae timore et expectatione, eorum scilicet quae
supervenient universo orbi. Quae autem tunc ingruant
mundo, consequenter ostendit, subdens nam virtutes caelorum movebuntur. Theophylactus. Vel aliter. Cum alterabitur superior orbis, et
elementa inferiora merito patientur iacturam; unde sequitur et in terris
pressura gentium prae confusione sonitus maris et fluctuum; quasi dicat :
mare terribiliter fremet, et littus maris agitabitur tempestate, ita ut sit
populo terrae pressura, idest communis miseria, et tabescant timore et
expectatione malorum irruentium mundo; unde sequitur arescentibus hominibus
prae timore et expectatione, quae supervenient universo orbi. Augustinus
ad Hesychium. Sed dices : confiteri vos poena vestra compellit adesse iam
fines, dum impletur quod praenuntiatum est. Nullam enim patriam, nullum
locum, nostris temporibus non affligi aut tribulari certum est. Sed si ista
mala quae nunc patitur genus humanum, certa sunt indicia iam dominum esse
venturum, quid est quod dicit apostolus : cum dixerint : pax et securitas?
Videamus ergo ne forte melius intelligatur non eo modo impleri quae praedicta
sunt his verbis; sed tunc potius esse ventura, quando sic erit tribulatio
universo orbi ut ad Ecclesiam pertineat, quae universo orbe tribulabitur, non
ad eos qui tribulabunt eam : ipsi enim sunt dicturi : pax et securitas. Nunc
autem ista mala quae tamquam summa extremaque creduntur, utrique regno,
Christi scilicet et Diaboli, videmus esse communia : pariter quippe his boni
affliguntur et mali; interque tanta mala adhuc usquequaque frequentantur
luxuriosa convivia. Hoccine est arescere prae
timore, an potius inardescere prae libidine? Theophylactus. Non solum autem mortales fluctuabunt cum alterabitur
mundus, sed etiam Angeli stupebunt in tam terribilibus mutationibus universi;
unde sequitur nam virtutes caelorum movebuntur. Gregorius
in Evang. Quid enim virtutes caelorum, nisi Angelos, dominationes, et
principatus, et potestates appellat? Quae in adventu districti iudicis,
nostris tunc oculis visibiliter apparebunt, ut districte tunc a nobis exigant
hoc quod nos modo invisibilis conditor aequanimiter portat. Eusebius.
Cum etiam Dei filius sit venturus in gloria, et confutaturus elatam
tyrannidem filii peccati, ministrantibus Angelis, caeli fores a saeculo
clausae patebunt, ut spectentur excelsa. Chrysostomus.
Vel virtutes caelicae movebuntur, quamvis sibi consciae non sint :
videntes enim infinitas multitudines condemnari, non intrepide stabunt illic.
Beda.
Unde et in Iob dicitur : columnae caeli contremiscunt, et pavent ad nutum
eius. Quid ergo faciunt tabulae, quando tremunt columnae? Quid virgula
deserti patitur, cum cedrus Paradisi concutitur? Eusebius.
Vel virtutes caelorum sunt quae praesunt sensibilibus partibus universi :
quae quidem tunc movebuntur, ut potiorem statum attingant. Absolventur enim in saeculo novo a ministerio, quo Deo serviunt circa
sensibilia corpora secundum corruptionis statum. Augustinus. Sed ne dominus, propinquante secundo adventu suo, ea
pro magno praedixisse videatur quae huic mundo etiam ante primum eius
adventum fieri consueverant, et rideamur ab eis qui plura in historia gentium
et maiora legerunt, haec quae dicta sunt, melius in Ecclesia existimo
intelligi. Ecclesia enim est sol, et luna, et stellae, cui
dictum est : pulchra ut luna, electa ut sol; quae tunc non apparebit,
persecutoribus ultra modum saevientibus. Ambrosius.
Plurimis etiam a religione deficientibus, clara fides obscurabitur nube perfidiae;
quia sol caelestis in ea, fide minuitur vel augetur; et sicut menstruis,
idest mensium, defectibus, luna vel terrae oppositu, cum fuerit ex regione
solis, vanescit; sic et sancta Ecclesia, cum lumini caelesti vitia carnis
obsistunt, fulgorem divini luminis de Christi radiis non potest mutuari : nam
in persecutionibus lucem divini solis plerumque amor vitae huius excludit.
Cadunt etiam stellae, idest gloria micantes viri, si persecutionis acerbitas
convalescat, quae oportet fieri donec Ecclesiae multitudo cumuletur : sic
enim probantur boni, sic produntur infirmi. Augustinus.
Quod autem dictum est et in terris pressura gentium, gentes voluit
intelligi, non quae in semine Abrahae benedicentur, sed quae ad sinistram
stabunt. Ambrosius.
Ergo varii animorum aestus ita graves erunt ut delictorum multitudine male
consciis futuri iudicii metu, sacri nobis ros fontis arescant. Quemadmodum
autem domini expectatur adventus, ut eius praesentia in toto fiat vel hominis
orbe vel mundi, quae fit in singulis, cum omnibus affectibus receperint
Christum; sic virtutes caelorum in adventu domini augmentum gratiae
consequentur, et plenitudine divinitatis propius se infundente movebuntur.
Sunt etiam virtutes caelorum, quae enarrant gloriam Dei, quae pleniore Christi
infusione movebuntur, ut videant Christum. Augustinus.
Vel virtutes caelorum movebuntur, quia impiis persequentibus, quidam
fideles fortissimi turbabuntur. Sequitur et tunc videbunt filium hominis.
Theophylactus.
Tam fideles quam infideles : radiabit enim amplius sole tam ipse quam crux
eius : unde ab omnibus cognoscetur. Augustinus ad Hesychium. Quod
autem dicit venientem in nube, duobus modis accipi potest : sive in Ecclesia
sua tamquam in nube venientem, sicut nunc venire non cessat; sed ideo tunc
cum potestate magna et maiestate, quia maior maiestas et potestas illius
apparebit sanctis, quibus magnam virtutem dabit, ne tanta persecutione
vincantur; sive in corpore suo, in quo sedet ad dexteram patris, merito
credendus est non solum in eodem corpore, verum etiam in nube venturus :
quoniam sic veniet sicut abiit; nubes autem suscepit eum ab oculis eorum.
Chrysostomus.
Semper enim Deus in nube apparet, secundum illud : nubes et caligo in
circuitu eius : unde et filius hominis in nubibus veniet, ut Deus et dominus,
non latenter, sed in gloria digna Deo; et ideo subdit cum potestate magna et
maiestate. Cyrillus.
Intelligendum est similiter magna. Primam enim apparitionem prosecutus est
cum infirmitate et humilitate nostra; sed secundam celebrabit cum propria
potestate et magna maiestate. Gregorius
in Evang. In potestate enim et maiestate visuri sunt quem in humilitate
positum audire noluerunt; ut virtutem eius tanto tunc districtius sentiant,
quanto cervicem cordis ad eius patientiam non inclinant. |
Versets 25-27.
— S.
Bède : Notre Seigneur annonce ensuite successivement
ce qui doit arriver, lorsque les temps des nations seront accomplis : « Il y aura des signes dans le
soleil, dans la lune et dans les étoiles. » — S.
Ambroise : Saint Matthieu explique plus clairement
quels seront ces signes : « Alors,
dit-il, le soleil s’obscurcira, et la
lune ne donnera plus sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel. » — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) En effet, lorsque la consommation de cette vie corruptible sera venue, la figure de ce monde passera, selon l’expression de l’Apôtre, (1 Co 7) pour faire place à un monde nouveau, dans lequel, au lieu des astres visibles, Jésus-Christ lui-même brillera comme l’astre et le roi de ce monde nouveau, et l’éclat de la gloire de sa divinité sera si grand, que le soleil qui nous éclaire maintenant, la lune, et les autres astres disparaîtront en présence de cette incomparable lumière. — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Aussitôt que, dans ce monde-ci, le soleil se lève, la lune et les étoiles sont comme éclipsés; ainsi lorsque le Christ apparaîtra dans sa gloire, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel, c’est-à-dire que ces astres seront dépouillés de leur premier vêtement, pour se revêtir d’une lumière plus éclatante. —
Eusèbe : Le Sauveur expose ensuite ce qui doit
arriver après que les astres du ciel seront obscurcis, et quelles seront les
angoisses de tous les peuples de la terre : « Et sur la terre, les nations seront dans l’abattement et dans
la consternation, à cause du fracas et de l’agitation de la mer.» Il
semble vouloir nous dire que le principe de la transformation de l’univers
viendra de la suppression de l’élément liquide, qui sera dévoré par le feu ou
gelé par le froid, de sorte qu’on n’entendra plus le bruit de la mer, que ses
flots ne viendront plus mouiller les sables du rivage, par suite de cette
excessive sécheresse, et qu’alors les autres parties du monde, ne recevant
plus comme à l’habitude ces vapeurs humides, produites par les eaux, seront
transformées. Comme l’avènement du Sauveur doit combattre et renverser les
prodiges de l’ennemi de Dieu, [c’est-à-dire de l’Antéchrist], ses premières
vengeances commenceront par ce fléau de la sécheresse, qui sera si grande,
qu’on n’entendra plus ni le bruit des tempêtes de la mer, ni le frémissement
de ses flots soulevés; ce qui jettera dans les plus terribles angoisses les
hommes qui survivront : « Les
hommes sècheront de frayeur et d’anxiété dans l’attente de ce qui doit
arriver dans tout l’univers. » Quels seront ces nouveaux fléaux qui
doivent fondre sur l’univers, c’est ce que nous apprend la suite des paroles
du Sauveur : « Les puissances des
cieux seront ébranlées. » — Théophylacte : Ou encore : Lorsque le monde du firmament sera bouleversé, les éléments terrestres devront ressentir les mêmes secousses : « Et sur la terre les nations seront dans l’abattement et dans l’anxiété, à cause du fracas et de l’agitation de la mer..» Comme s’il voulait dire : Les mugissements de la mer seront si épouvantables, et ses rivages seront battus par de si violentes tempêtes, que les peuples seront dans l’angoisse, (c’est-à-dire dans une détresse universelle), jusqu’à sécher de frayeur dans l’attente des maux dont le monde entier sera menacé : « Les hommes sécheront de frayeur dans l’attente de ce qui doit arriver à tout l’univers. » — S. Augustin : (Lettre 80, à Hésych.) Mais, direz-vous, vos calamités vous forcent de reconnaître que la fin des temps est venue, puisque les prédictions du Sauveur ont reçu leur accomplissement, car n’est-il pas certain qu’il n’y a aucun peuple, aucune contrée qui ne soit actuellement dans l’angoisse et la tribulation ? Or, si ces calamités qui pèsent en ce moment sur le genre humain, sont des signes certains de la venue prochaine du Seigneur, pourquoi l’Apôtre nous dit-il au contraire : « Lorsque les hommes diront : Nous sommes dans la paix et la sécurité ? » (1 Th 5.) Faisons attention : peut-être faut-il comprendre que ces prédictions n’ont point encore reçu leur accomplissement; mais qu’il faut le différer jusqu’au temps où la tribulation s’étendra à tout l’univers, c’est-à-dire à l’Église qui sera persécutée dans le monde entier, et non à ses persécuteurs qui diront : « Nous sommes dans la paix et la sécurité. » Or, nous voyons au contraire que les malheurs de notre temps, que nous regardons comme les grandes calamités qui doivent précéder la fin du monde, sont communs aux deux royaumes de Jésus-Christ et du démon. Les bons et les méchants en sont également victimes, et au milieu de ces épreuves [déchirantes], les hommes continuent à se plonger partout dans les excès de la table et de la débauche. Est-ce là sécher de frayeur ? n’est-ce pas plutôt brûler des ardeurs de la volupté ? — Théophylacte : Ce ne sont pas seulement les hommes qui trembleront devant ces terribles épreuves auquel le monde sera soumis, les anges eux-mêmes seront saisis d’étonnement à la vue des bouleversements épouvantables de l’univers : « Car les puissances des cieux seront ébranlées. » — S. Grégoire : Quelles sont ces vertus des cieux, si ce n’est les anges, les dominations, les principautés et les puissances ? Ils apparaîtront visiblement à nos yeux à l’avènement du juge sévère de nos âmes, pour exiger rigoureusement de nous ce que notre Créateur invisible supporte maintenant avec tant de miséricorde. — Eusèbe : Ajoutons que le Fils de Dieu devant venir dans sa gloire pour confondre la superbe tyrannie du fils du péché (2 Th 2, 3), environné des anges du ciel qui lui serviront de ministres, les portes du ciel depuis si longtemps fermées s’ouvriront pour nous laisser contempler les splendeurs du ciel. — S. Jean Chrysostome : (Lettre 2, à Olymp.) Ou bien encore, les vertus des cieux, quoiqu’elles n’aient la conscience d’aucune faute, seront ébranlées, c’est-à-dire qu’elles perdront leur assurance, en voyant le nombre infini des damnés. — S. Bède : C’est ce qui est écrit dans le livre de Job : « Les colonnes du ciel tremblent, et sont saisies d’effroi devant un seul signe de sa volonté » ; or, si les colonnes tremblent, que feront les planches légères ? Que deviendra le roseau du désert, lorsque les cèdres du paradis sont ébranlés ? — Eusèbe : Ou encore : Les vertus des cieux sont les esprits qui gouvernent les diverses parties du monde visible; ils s’ébranleront alors pour s’élever à un état meilleur, car ils seront déchargés, dans le monde nouveau, du ministère qu’ils remplissent par ordre de Dieu auprès des créatures visibles qui sont encore soumises à la corruption. — S. Augustin : (A Hésych.) Cependant, afin qu’on ne puisse dire que Notre Seigneur a donné comme signes extraordinaires de son second avènement des choses qui arrivaient fréquemment dans le monde avant son premier avènement, et pour ne point nous exposer à la risée de ceux qui ont lu dans l’histoire des peuples le récit de calamités plus nombreuses et plus grandes, je crois qu’il vaut mieux appliquer ces prédictions à l’Église. En effet, l’Église est le soleil, la lune et les étoiles; et c’est d’elle qu’il est dit : « Vous êtes belle comme la lune, éclatante comme le soleil » ; (Ct 6) et elle cessera de briller sous les violences inouïes de ses persécuteurs. — S. Ambroise : Par suite de l’apostasie d’un grand nombre, la clarté de la foi sera obscurcie par les nuages de l’infidélité, car le soleil de justice croît ou décroît pour moi, en raison de ma foi; et de même que dans ses révolutions mensuelles, la lune perd sa clarté à mesure que la terre s’interpose entre elle et le soleil, de même la sainte Église ne peut plus emprunter aux rayons de Jésus-Christ, l’éclat de sa divine lumière, lorsque les vices de la chair viennent s’interposer entre elle et la lumière céleste. En effet, presque toujours dans les persécutions, l’amour de cette vie devient un obstacle à la lumière de ce soleil divin. Les étoiles (c’est-à-dire les personnages célèbres) tombent des cieux, lorsque la violence de la persécution redouble. Tout cela doit s’accomplir, jusqu’à ce que le nombre des enfants de l’Église soit complet, car la persécution est la pierre de touche qui fait reconnaître les bons et les mauvais. — S. Augustin : (A Hésych.) Notre Seigneur ajoute : « Et sur la terre les nations seront dans l’abattement et la consternation. » ; les nations ne sont pas les nations qui seront bénies dans celui qui sortira d’Abraham (Gn 12, 3; 23, 18; et Mt 25, 32), mais les peuples qui au dernier jour seront placés à la gauche. — S. Ambroise : L’agitation et les angoisses des esprits seront si grandes que la multitude des crimes dont le souvenir se réveillera par la crainte du jugement, desséchera pour nous la source de la rosée divine. Or, de même que l’avènement du Seigneur est [ardemment] attendu afin que sa présence se fasse sentir dans toute l’humanité comme dans tout l’univers, et que cette présence se manifeste à tous ceux qui reçoivent le Christ avec toutes les affections de leur coeur; de même les vertus des cieux recevront, à l’avènement du Sauveur, une augmentation de grâce et seront comme ébranlées par la plénitude de la divinité qui se communiquera de plus près à elles. Ces vertus des cieux peuvent encore être celles qui racontent la gloire de Dieu, et qui s’ébranlerait pour contempler le Christ, lorsqu’il épanchera sur elle une plus grande abondance de ses grâces. — S. Augustin : (A Hésych.) Ou bien encore : Les vertus des cieux seront ébranlées, parce que la persécution des impies sera si violente qu’elle ébranlera les plus forts dans la foi. « Alors
ils verront le Fils de l’homme [venant sur une nuée]. » — Théophylacte : Aussi bien les infidèles que les fidèles, car il sera plus resplendissant que le soleil, lui et sa croix, de sorte que tous le connaîtront. — S. Augustin : (comme précéd.) Ces paroles : « Il viendra sur une nuée, » peuvent s’entendre de deux manières : ou il viendra dans son Église comme dans une nuée lumineuse, ainsi qu’il ne cesse de venir dans le temps présent; mais il viendra avec une grande puissance et une grande majesté, parce que sa puissance et sa majesté se manifesteront avec plus d’éclat aux yeux des saints, pour leur donner la force qui doit les faire triompher de la violence de la persécution. Ou bien il viendra dans ce même corps avec lequel il est assis à la droite de son Père, et nous devons croire en effet, qu’il viendra non seulement dans le même corps, mais sur une nuée, parce qu’il reviendra des cieux comme il y est remonté; or, ce fut une nuée qui le déroba aux yeux de ses disciples (Ac 1, 11). — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Nous voyons dans l’Écriture que Dieu apparaît toujours au milieu d’une nuée, selon ces paroles : « Les nuées sont autour de lui, et l’obscurité l’environne. » (Ps 17.) Le Fils de l’homme aussi viendra sur les nuées comme Dieu et Seigneur, non plus en cachant sa divinité, mais au milieu d’une gloire digne de Dieu, c’est pourquoi il ajoute : « avec une grande puissance et majesté. » — S. Cyrille : Il faut sous-entendre : Avec une grande majesté. Dans son premier avènement, il a voulu paraître revêtu de notre infirmité et de notre bassesse, mais lorsqu’il reviendra, pour la seconde fois, ce sera avec la puissance et la grandeur qui lui sont propres. — S. Grégoire : Ceux qui n’ont pas voulu l’écouter dans son état d’humiliation, le verront alors dans sa puissance et dans sa gloire, et ils ressentiront d’autant plus les effets de sa colère que leurs coeurs auront résisté davantage à sa miséricorde. |
Lectio 7 [85938] Catena in Lc., cap. 21 l. 7 Gregorius in Evang. Quia praemissa contra reprobos dicta sunt, mox
ad electorum consolationem verba vertuntur; nam subditur his autem fieri
incipientibus, respicite et levate capita vestra, quoniam appropinquat
redemptio vestra; ac si dicat : cum plagae mundi crebrescunt, levate capita,
idest exhilarate corda : quia dum finitur mundus, cuius amici non estis,
prope fit redemptio quam quaesistis. In Scriptura enim sacra
saepe caput pro mente ponitur : quia sicut capite reguntur membra, ita
cogitationes mente disponuntur. Capita itaque levare, est mentes nostras ad
gaudia patriae caelestis erigere. Eusebius.
Vel aliter. Transactis corporalibus aderunt intelligibilia et caelestia,
scilicet regnum saeculi non amplius transituri; et tunc dignis salubria
promissa tribuentur; unde dicitur his autem fieri incipientibus, respicite et
levate capita vestra, quoniam appropinquat redemptio vestra. Acceptis enim
Dei promissis quae speramus, erigemur qui ante curvi fueramus, et elevabimus
capita nostra, humiliati quondam, eo quod redemptio nostra quam sperabamus,
aderit, illa scilicet quam tota creatura expectat. Theophylactus.
Idest, perfecta libertas corporis et animae. Sicut enim primus adventus domini fuit ad reformationem animarum
nostrarum, sic secundus ad reformationem corporum celebrabitur. Eusebius. Dicit autem haec ad discipulos suos, non tamquam ad eos
qui durare deberent in vita ista usque ad terminum mundi; sed quasi uno
corpore existente ipsis, et nobis, et posteris usque ad consummationem mundi
credituris in Christum. Gregorius.
Quod autem calcari mundus atque despici debeat, provida comparatione
manifestat cum subdit videte ficulneam, et omnes arbores : cum producunt ex
se fructum, scitis quoniam prope est aestas : ita et vos, cum videritis haec
fieri, scitote quoniam prope est regnum Dei : quasi dicat : sicut ex fructu
arboris vicina aestas agnoscitur, ita ex ruina mundi prope cognoscitur esse
regnum Dei. Et ex hoc ostenditur quia fructus mundi ruina est. Ad hoc enim
germinat, ut quaecumque germine aluit, cladibus consumat. Bene autem regnum
Dei aestati comparatur, quia tunc moeroris nostri nebulae transeunt, et vitae
dies aeterni solis claritate fulgescunt. Ambrosius.
Matthaeus autem de sola dixit ficulnea, hic de arboribus omnibus. Duplicem
autem habet figuram ficulnea; vel cum dura mitescunt, vel cum peccata
luxuriant. Sive ergo cum fructus in omnibus virescit arboribus et ficulnea
fecunda iam floret; idest cum omnis lingua confitetur Deo, confitente etiam
populo Iudaeorum, sperare domini debemus adventum, quo tamquam temporibus
aestivis resurrectionis fructus metentur : sive cum levem fragilemque
iactantiam, tamquam folia synagogae, homo iniquitatis induerit, conicere
debemus appropinquare iudicium : nam remunerare fidem dominus et delinquendi
finem afferre festinat. Augustinus ad Hesychium. Cum autem dicit cum videritis haec fieri,
quae intelligere poterimus nisi ea quae supra memorata sunt? In his autem est
quod ait et tunc videbunt filium hominis venientem. Proinde cum hoc visum
fuerit, non iam erit regnum Dei, sed prope erit. An
dicendum est, non omnia quae supra commemorata sunt, esse intelligenda, ubi
ait cum videritis haec fieri, sed aliqua eorum, hoc scilicet excepto quod
dictum est, et tunc videbunt filium hominis? Sed Matthaeus aperuit, nullis
exceptis esse accipiendum, dicens : ita et vos cum videritis haec omnia :
inter quae est quod videbitur filius hominis veniens, ut intelligatur de
adventu quo nunc venit in membris suis tamquam in nubibus, vel in Ecclesia
tamquam in nube magna. Titus.
Vel aliter. Dicit prope est regnum Dei, quia dum haec fient, nondum
ultimus finis rerum eveniet, sed iam in finem tendent : nam et ipse adventus
domini eliminans omnium principatum et potestatem praeparat regno Dei. Eusebius.
Sicut enim in hac vita sol hieme recedente, ac succedente vere, radium
calidum mittens fovet ac vivificat humi condita semina, exuentia priscam
figuram, pullulant autem nova varium virorem habentia; sic et gloriosus
unigeniti Dei adventus vivificativis radiis illustrans novum saeculum, dudum
condita per totum mundum semina, scilicet dormientes in pulvere terrae,
potioribus corporibus quam prius producet in lucem, ac confutata morte
regnabit deinceps vita saeculi novi. Gregorius.
Omnia autem praedicta sub magna certitudine confirmantur, cum subditur
amen dico vobis, quia non praeteribit generatio haec donec omnia fiant. Beda.
Multum commendat quod ita praenuntiat. Et, si dicere fas est, iuratio eius
est quod dicit amen dico vobis : amen quippe interpretatur verum. Igitur
veritas dicit : verum dico vobis : quod si non diceret, mentiri omnino non
posset. Generationem autem, aut omne genus humanum dicit, aut specialiter
Iudaeorum. Eusebius.
Vel generationem dicit novam generationem Ecclesiae sanctae suae,
ostendens duraturum populum fidelium usque ad id tempus quo visurus sit omnia
et eventus verborum salvatoris oculis apprehendet. Theophylactus.
Quia enim turbationes et bella et alterationes tam elementorum quam ceterarum
rerum futurum esse praedixerat; ne quis suspicaretur quod et ipsa
Christianitas peritura foret, subiungit caelum et terra transibunt, verba
autem mea non transibunt; quasi dicat : etsi cuncta commoveantur, fides tamen
mea non deficiet : ex quo innuit Ecclesiam praeferri toti creaturae :
siquidem creatura patietur alterationem; fidelium vero Ecclesia et sermones
Evangelii permanebunt. Gregorius.
Vel aliter caelum et terra transibunt etc., quasi dicat : omne quod apud
nos durabile est, sine mutatione durabile ad aeternitatem non est; et omne
quod apud me transire cernitur, fixum et sine transitu tenetur : quia sine
mutabilitate manentes sententias exprimit sermo meus, qui transit. Beda.
Caelum autem quod transibit, non aethereum, sive sidereum, sive aereum, a
quo aves caeli nominantur, intelligere debemus. Si autem terra transibit,
quomodo Ecclesiastes dicit : terra in aeternum stat? Sed aperta ratione
caelum et terra per eam quam nunc habent, imaginem transeunt, attamen per
essentiam sine fine subsistunt. |
Versets 28-33.
— S. Grégoire : (hom. 4.) Les prédictions qui précèdent s’adressaient aux réprouvés, les paroles de consolation qui suivent sont pour les élus : « Pour vous, lorsque ces choses commenceront d’arriver, regardez en haut, et levez la tête, parce que votre rédemption est proche. » Comme s’il disait : Lorsque vous verrez se multiplier les fléaux du monde, levez la tête, c’est-à-dire livrez-vous à la joie de vos coeurs, parce qu’en même temps que finit ce monde que vous n’aimez pas, la rédemption que vous avez cherchée approche. Dans le langage de l’Écriture la tête est souvent prise pour le coeur (Si 2, 14; Si 32, 11), parce que le coeur dirige les pensées comme la tête gouverne les membres du corps; lever la tête, c’est donc élever nos âmes vers les joies de la patrie céleste. — Eusèbe : Ou encore : aux choses corporelles qui auront cessé d’exister, succéderont les choses spirituelles et célestes, c’est-à-dire le règne d’un siècle qui n’aura plus de fin, et alors ceux qui en sont dignes, verront s’accomplir pour eux les promesses du salut : « Lorsque ces choses commenceront d’arriver, regardez en haut, parce que votre délivrance est proche.» En effet, en voyant l’effet des promesses qui faisaient l’objet de nos espérances, nous nous relèverons, nous qui étions auparavant dans l’abaissement, et nous lèverons la tête, nous qui étions humiliés, parce que la rédemption que nous espérions et que toutes les créatures attendaient, est arrivée. — Théophylacte : C’est-à-dire : la parfaite liberté du corps et de l’âme; car de même que le premier avènement du Seigneur avait pour but la réformation de nos âmes, le second aura pour but la réformation de nos corps. — Eusèbe : Notre Seigneur parle ainsi à ses disciples, non pas que leur vie dût se prolonger jusqu’à la fin du monde, mais parce qu’ils ne font qu’un seul corps avec nous et avec tous ceux qui dans la suite de temps doivent croire en Jésus-Christ jusqu’à la consommation des siècles. — S. Grégoire : (comme précéd.) Notre Seigneur apporte ensuite une comparaison pleine de justesse pour nous faire comprendre que nous devons fouler aux pieds et mépriser le monde : « Voyez, dit-il, le figuier et tous les autres arbres, lorsqu’ils commencent à produire leurs fruits, vous savez que l’été est proche ; ainsi, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le Royaume de Dieu est proche.» C’est-à-dire : de même que les fruits des arbres vous font juger de la proximité de l’été, ainsi la destruction du monde vous fera connaître que le royaume de Dieu approche. Nous voyons ici que le fruit du monde n’est que destruction. Il ne produit que pour détruire ce qu’il a contribué à faire croître et à nourrir. Le royaume de Dieu au contraire est justement comparé à l’été, parce qu’il dissipera tous les nuages de nos afflictions, et répandra sur les jours de notre vie les splendeurs du soleil éternel. — S. Ambroise : Saint Matthieu ne parle ici que du figuier, tandis que saint Luc étend la comparaison à tous les autres arbres. Or, le figuier a ici une double signification symbolique, il figure à la fois l’adoucissement des dures épreuves, et la funeste abondance de tous les vices. Lors donc que nous verrons les arbres chargés de fruits encore verdoyants, et le figuier si fécond, couvert de fleurs, (c’est-à-dire lorsque toute langue louera Dieu de concert même avec le peuple juif), nous devons espérer l’avènement prochain du royaume de Dieu qui sera pour nous comme l’été et le temps de la moisson des fruits de la résurrection. De même encore, lorsque l’homme d’iniquité se sera revêtu de l’orgueil léger et frivole de la synagogue comparé aux feuilles des arbres, nous devons conjecturer que le jugement approche; car le Seigneur se hâtera de récompenser la foi et de mettre fin à l’iniquité. — S. Augustin : (A Hésych.) A quels signes se rapportent ces paroles : « Lorsque vous verrez ces choses arriver ? » évidemment à ceux qui sont rapportés plus haut; or, parmi ces signes, nous lisons : « Alors ils verront le Fils de l’homme qui viendra… » Ainsi lorsqu’aura lieu cette vision, ce ne sera pas encore le royaume de Dieu, mais il annoncera qu’il est proche. Ou bien faut-il dire que ces paroles : « Lorsque vous verrez arriver ces choses, » ne doivent pas s’entendre de tous les signes qui précèdent, mais d’une partie seulement en exceptant celui-ci : « Alors ils verront le Fils de l’homme ? » Mais le récit de saint Matthieu ne nous permet pas de faire la moindre exception, puisqu’il dit en termes exprès : « Lorsque vous verrez arriver toutes ces choses. » Or, parmi ces choses se trouve la venue du Fils de l’homme qu’on peut entendre, ou de sa venue dans ses membres figurés par les nuages, ou de sa venue dans l’Église comparée à une grande nuée. — Tite : Ou encore : Le Seigneur dit : « Le royaume de Dieu est proche, » parce que ces signes précurseurs n’annonceront pas la fin immédiate et irrévocable du monde, mais qu’il touche à sa fin, car la venue du Seigneur aura pour but de renverser tout pouvoir et toute puissance sur la terre pour préparer les voies au règne de Dieu. — Eusèbe : De même que dans cette vie, lorsque le printemps succède à l’hiver, le soleil réchauffe et vivifie de ses chauds rayons les semences confiées à la terre, les transforme et leur fait produire d’innombrables plantes nuancées à l’infini; ainsi le glorieux avènement du Fils unique de Dieu répandant ses rayons vivifiants sur le monde nouveau, fera renaître à la lumière les semences ensevelies dans le monde entier, c’est-à-dire ceux qui dorment dans la poussière de la terre (cf. Dn 12, 2), leur rendra des corps bien préférables aux premiers, et fera succéder au règne de la mort vaincue à jamais, le règne d’une vie toute nouvelle. — S. Grégoire : (homél. 1 sur les Evang.) Le Sauveur donne à toutes ces prédictions le sceau d’une certitude infaillible, en ajoutant : « Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera pas que toutes ces choses ne soient accomplies.» — S. Bède : Il donne ainsi la plus grande autorité à ses paroles, et s’il est permis de le dire, il fait une espèce de serment en disant : « Je vous le dis en vérité », car le mot amen, veut dire il est vrai. C’est donc la vérité elle-même qui nous dit : « Je vous dis la vérité, » bien qu’elle ne puisse mentir en aucune manière, quand elle ne s’exprimerait pas de la sorte. Cette génération dont il parle est tout le genre humain en général, ou le peuple juif en particulier. — Eusèbe : Ou bien, c’est la génération nouvelle de sa sainte Église, et Jésus prédit au peuple fidèle, qu’il vivra jusqu’au temps où il sera témoin de tous ces événements, et contemplera de ses yeux l’accomplissement des promesses du Sauveur. — Théophylacte : Comme il avait prédit, en effet, qu’il y aurait des troubles, des guerres et des bouleversements, tant parmi les éléments que parmi toutes les autres créatures, il ne veut point laisser croire que le peuple chrétien lui-même périrait, et il ajoute : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » ; comme s’il disait : Quand tout serait bouleversé, ma foi ne périra pas, preuve évidente qu’il met l’Église au-dessus de toutes les autres créatures, car toutes les autres créatures seront soumises au changement et à la destruction, tandis que l’Église des fidèles et les paroles de l’Évangile ne passeront pas. — S. Grégoire : (comme précéd.) Ou encore : « Le ciel et la terre passeront, » etc...., c’est-à-dire : tout ce qui nous parait durable sur la terre ne l’est point sans changement et ne peut durer toujours, tandis que ce qui semble passer en moi, demeure fixe et immuable, parce que mes paroles qui passent sont l’expression de vérités, permanentes et immuables. — S. Bède : Ce ciel qui doit passer, n’est ni le firmament, ni le ciel parsemé d’étoiles, mais l’atmosphère céleste, d’où les oiseaux prennent le nom d’oiseaux du ciel; mais si la terre doit aussi passer, pourquoi est-il dit dans l’Ecclésiaste : « La terre demeure éternellement. » (Si 1.) C’est-à-dire : le ciel et la terre passeront quant à leur forme présente et leurs propriétés actuelles, mais ils existeront toujours dans leur essence. |
Lectio 8 [85939] Catena in Lc., cap. 21 l. 8 Theophylactus. Posuit supra dominus terribilia et
sensibilia malorum indicia quae occupabunt peccatores, sed contra haec mala
remedium est cautela et oratio; unde dicitur attendite autem vobis, ne forte
graventur corda vestra in crapula et ebrietate. Basilius.
Singulum animalium a conditore omnium Deo habet intrinsecus causas
facientes ad tutelam consistentiae propriae : propter quod et Christus nobis
dedit hanc monitionem, ut quae illis a natura, haec nobis auxilio rationis et
cautela contingant : fugientibus quidem peccatum, ut irrationabilia fugiunt
mortifera pabula, inquirentibus vero iustitiam, sicut illa herbas nutritivas
requirunt; et ideo dicit attendite vobis, ut scilicet discernere possitis a
salubri nocivum. Sed quoniam dupliciter contingit attendere, hinc quidem
corporis oculis, illinc vero per intellectivam virtutem, oculus corporis
virtutem non attingit : restat igitur dictum esse de opere intellectus,
attendite; hoc est, undique circumspicite vos, pervigil habentes ad vestram
custodiam animae lumen. Neque autem dixit attendite vestris, aut eis quae
circa vos sunt, sed vobis : vos enim estis intellectus et anima; vestrum
autem corpus est sensus; circa vos autem opes, artes et reliqua vitae
supellex; quibus non monet attendendum, sed animae, cuius praecipua cura
habenda. Eadem vero admonitio aegrotantes sanat, et sanos perficit;
servatores praesentium, et provisores futurorum; non alienorum censores, sed
suorum scrutatores; non dimittentes intellectum servum fieri passionum, sed
irrationale animae subicientes rationali. Cur autem sit attendendum,
subiungit dicens ne forte graventur corda vestra in crapula et ebrietate et
curis huius vitae. Titus.
Quasi dicat : cavete ne lumina mentis vestrae graventur : cura namque
praesentis vitae, et crapula, et ebrietas fugant prudentiam, quassant fidem,
operantur naufragia. Basilius.
Est autem ebrietas nimius usus vini; crapula vero anxietas et nausea quae
est in ebrietate, a motione capitis Graeco vocabulo dicta. Sicut igitur cibis
ne esuriamus, sic et potibus ne sitim patiamur, utendum est, vitando
diligentius lapsum. Fallax enim est vini ingestio. Anima autem vino libera
prudentissima erit et optima; sed humectata vini vaporibus quasi quadam nube
velatur. Curiositas
autem huius vitae quamvis nihil inhibitorum continere videatur, si tamen ad
cultum divinum non coadiuvet, vitanda est; et quare hoc dixerit, ostendit
subdens et superveniat in vos repentina dies illa. Theophylactus.
Non enim cum deliberatione veniet dies illa, sed ex improviso et furtim
capiens tamquam laqueus non caventes; unde sequitur tamquam laqueus enim
superveniet in omnes qui sedent super faciem omnis terrae. Quod diligentius
discuti potest. Capiet enim dies illa sedentes in superficie terrae quasi
impraemeditatos et inertes. Quotquot vero sunt solertes et agiles ad bonum,
non sedentes, et otiantes in terrenis; sed surgentes ab eis, sibi dicentes :
surge, vade, quoniam non est hic tibi requies; talibus non est illa dies, ut
laqueus, in discrimen, sed ut dies festivus. Eusebius.
Praedicta igitur docuit esse attendenda ad cavendam gravedinem inde
provenientem; unde sequitur vigilate itaque, omni tempore orantes, ut digni
habeamini fugere ista omnia quae futura sunt. Theophylactus.
Scilicet famem, pestem, et cetera huiusmodi, quae temporaliter electis et
aliis imminent, et ea quae postmodum accidunt reis perenniter : illa enim
aliter cavere non possumus, nisi per vigilias et orationes. Augustinus
de Cons. Evang. Haec intelligitur illa fuga quam Matthaeus commemorat,
quae non debet fieri in hieme vel sabbato. Ad hiemem pertinent curae huius
vitae, quae tristes sunt velut hiems : ad sabbatum vero crapula et ebrietas,
quae carnali laetitia luxuriaque cor submergit atque obruit; quod malum
sabbati nomine significatur, quia illo die Iudaei deliciis affluunt, dum
spirituale sabbatum ignorant. Theophylactus.
Et quia Christianum decet non solum fugere mala, sed etiam niti ad gloriam
assequendam, subdit et stare ante filium hominis : haec est enim angelica
gloria stare ante filium hominis Deum nostrum, et faciem eius iugiter cernere.
Beda.
Et certe si quis sapiens medicus praeciperet attendere a succo alicuius
herbae, ne repentinus interitus superveniat, magno studio medici mandata
servaremus : nunc autem salvatore admonente ebrietatem, et crapulam, et curas
saeculi esse cavendas, his sauciari et consumi non timent : quia fidem quam
medici dictis praebent, domini verbis praebere contemnunt. |
Versets 34-36.
— Théophylacte : Notre Seigneur vient de prédire les signes terribles et manifestes des calamités qui doivent fondre sur les pécheurs, mais il donne comme remède à ces maux la vigilance et la prière : « Prenez donc garde à vous, de peur que vos cœurs ne s’alourdissent dans les excès de table et l’ivrognerie…» — S. Basile : (hom. 1 sur ces par. du Dt 15, 9 : veillez sur vous.) Tous les animaux ont reçu de Dieu un mystérieux instinct qui leur fait pourvoir à leur propre conservation. C’est la raison pour laquelle le Sauveur nous donne cet avertissement pour que nous fassions ici par raison et par prudence ce qui est chez les animaux l’effet de l’instinct naturel. Nous devons donc fuir le péché, comme les animaux sans raison évitent les aliments qui leur seraient mortels, et rechercher la justice comme ils recherchent les plantes qui les nourrissent. C’est donc pour nous faire discerner ce qui est salutaire de ce qui est nuisible, que Notre Seigneur nous dit : « Prenez garde à vous. » Mais il y a deux manières de prendre garde, l’une extérieure par les yeux du corps, l’autre intérieure par l’attention de l’esprit; or, l’oeil du corps ne peut conduire à la vertu, c’est donc un acte de l’esprit que Notre Seigneur nous conseille, lorsqu’il nous dit : « Prenez garde à vous, », c’est-à-dire : soyez pleins de circonspection, et que la lumière de votre âme veille sans cesse sur vous pour vous garder de tout danger. Il ne nous dit pas : « Veillez sur ce qui est à vous » ou « sur les choses qui vous entourent », mais : « Veillez sur vous. » Ce qui est vous, c’est votre intelligence et votre âme, ce qui est à vous, c’est votre corps et vos sens, ce qui est autour de vous, ce sont vos biens, votre industrie et tous les autres soutiens de votre vie. Or, ce n’est point à toutes ces choses que doit s’étendre votre vigilance, c’est votre âme qui doit être l’objet principal de vos soins. Ce même avertissement guérit à la fois les malades et donne une santé parfaite à ceux qui sont déjà guéris; il nous fait conserver le présent et pourvoir à l’avenir, il nous détourne de la censure du prochain pour reporter toute notre attention sur nos propres actions, il ne permet pas que notre esprit devienne l’esclave de ses passions, et soumet le corps et les sens dépourvus de raison à l’âme [spirituelle et] raisonnable. Mais pour quel motif devons nous veiller ? Le voici : « de peur que vos coeurs ne s’appesantissent dans les excès de table, l’ivrognerie et les soucis de la vie…, » — Tite de Bostr. Comme s’il disait : Prenez garde que les yeux de votre âme ne s’appesantissent, car les préoccupations de la vie présente, les excès et l’ivresse font perdre la prudence, ébranlent la foi, et sont cause de naufrages [malheureusement] certains. — S. Clément d’Alexandrie : (Pédag., liv. 2, chap. 2) ou S. Basile : L’ivresse, c’est l’usage immodéré du vin, les excès, c’est le malaise et les vomissements qui sont la suite de l’ivresse, elle est ainsi appelée d’un mot grec qui veut dire branlement de tête. Or, de même que nous ne devons faire usage des aliments que pour apaiser la faim, nous ne devons user de la boisson que pour éteindre la soif, et nous devons éviter avec soin tout excès, car le vin est un breuvage trompeur. L’âme qui sera libre des excès du vin aura la prudence et la sagesse en partage; mais celle qui se plonge dans les vapeurs de l’ivresse, sera comme couverte d’un nuage épais. — S. Basile : (Règl. abrég., quest. 88.) Nous devons éviter la curiosité et les préoccupations de cette vie, alors même qu’elles semblent n’avoir rien de coupable, si elles ne concourent point à nous faire honorer Dieu. Le Sauveur donne ensuite la raison de cet avertissement : « de peur que ce jour ne vienne tout d’un coup vous surprendre, ». — Théophylacte : Car ce jour viendra à l’improviste et comme furtivement, sans qu’on en soit prévenu et il surprendra comme un filet ceux qui ne sont point sur leurs gardes : « Car il viendra, dit le Sauveur, comme un filet sur tous ceux qui habitent la face de la terre, ». Approfondissons davantage ces paroles : Ce jour surprendra tous ceux qui sont assis (‘sedentes’) sur la terre, c’est-à-dire ceux qui vivent dans l’imprévoyance et l’inaction. Mais pour ceux qui sont pleins de vigilance et d’activité pour le bien, et qui, loin d’être assis et de croupir dans l’inaction des plaisirs de la terre, s’arrachent à ces obstacles et se disent : « Lève-toi, marche, ce n’est pas ici le lieu du repos » ; pour ceux-là, ce jour ne viendra ni comme un filet, ni comme un malheur, mais comme un jour de fête. —
Eusèbe : Notre Seigneur nous recommande donc la
vigilance pour nous prémunir contre l’appesantissement que produisent les
plaisirs et les sollicitudes de la terre : « Veillez donc et priez en
tout temps, afin que vous soyez trouvés dignes d’échapper à tous ces maux qui
arriveront. » — Théophylacte : C’est-à-dire : la faim, la peste et les autres fléaux de ce genre, qui menacent les élus aussi bien que les autres hommes, et les supplices éternels réservés aux coupables, car nous ne pouvons éviter ces malheurs que par la vigilance et la prière. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 2, 77.) C’est dans ce sens qu’il faut entendre cette fuite dont parle saint Matthieu, et qui ne doit avoir lieu ni dans l’hiver, ni le jour du sabbat. L’hiver est la figure des soucis de cette vie qui sont tristes comme la saison d’hiver; le sabbat figure les excès de l’intempérance et de l’ivresse, qui submergent et étouffent le coeur dans les jouissances et les voluptés de la chair. Ces excès sont figurés par le sabbat, parce que c’est le jour où les Juifs se livrent à toutes les jouissances de la terre, dans l’ignorance où ils sont du sabbat spirituel. — Théophylacte : Et comme il est du devoir d’un chrétien, non seulement de fuir le mal, mais de s’efforcer de parvenir à la gloire que Dieu lui réserve, le Sauveur ajoute : « Et de paraître avec confiance devant le Fils de l’homme, » car c’est la gloire des anges de se tenir devant le Fils de l’homme, qui est notre Dieu, et de contempler éternellement sa face. — S. Bède : Si un habile médecin nous recommandait de prendre bien garde au suc de quelque plante, de peur qu’elle ne nous donne aussitôt la mort, avec quel soin nous observerions ses prescriptions. Cependant le Sauveur nous avertit de nous préserver de l’ivresse, de l’excès de la débauche et des sollicitudes de cette vie, et nous ne craignons ni les blessures, ni la mort, [dont toutes ces choses sont pour nous la cause], parce que, nous refusons d’accorder aux paroles du Seigneur, la même confiance que nous accordons aux paroles d’un médecin. |
Lectio 9 [85940] Catena in Lc., cap. 21 l. 9 Beda.
Quae verbis praeceperat dominus, suis confirmat exemplis : nam qui nos
ante iudicis adventum, et incertum singulorum exitum, ad vigilandum hortatus est,
et orandum, et ipse, imminente tempore passionis suae, doctrinae, vigiliis et
precibus instat; unde dicitur erat autem diebus docens in templo : in quo suo
exemplo insinuat hoc esse digne Deo vigilare, vel dicto vel facto proximis
viam veritatis ostendere. Cyrillus.
Quae autem erant quae docebat nisi transcendentia cultum legis? Instabat enim tempus quo debebat umbra in veritatem transformari. Theophylactus. Tacuerunt autem Evangelistae pleraque documentorum
Christi, qui, cum per triennium fere praedicaverit, documenta eius quae
conscripserunt, dicet aliquis vix ad unius diei sermonem sufficere. Ex
pluribus ergo pauca describentes, dederunt nobis quemdam gustum dulcedinis
doctrinae ipsius. Ostendit autem nobis dominus quod oporteat noctu et quiete
alloqui Deum, et in die prodesse hominibus; et colligere quidem in nocte,
distribuere vero collecta in die; unde subditur noctibus vero exiens
morabatur in monte qui vocatur oliveti; non quasi opus habens oratione, sed
ad exemplum dandum hoc egit. Cyrillus.
Quia vero eloquium eius in potestate erat, et potestative transferebat in
spiritualem cultum quae per Moysen et prophetas tradita fuerant in figuris,
populus eum avidius audiebat; unde sequitur et omnis populus manicabat, idest
mane venire accelerabat, ad eum in templo, audire eum. Populo autem ante
Lucanum venienti ad eum, congruum erat dicere : Deus, Deus meus, ad te de
luce vigilo. Beda.
Mystice autem et nos, cum inter prospera sobrie et pie et iuste
conversamur, diebus in templo docemus, quia formam boni operis fidelibus
praebemus; noctibus vero in monte oliveti moramur, quia in tenebris
angustiarum spiritali consolatione respiramus : et ad nos quoque populus
manicat, cum vel discussis operibus tenebrarum vel cunctis nebulis
pressurarum nos imitatur. |
Versets 37-38
— S. Bède : Notre Seigneur confirme ses enseignements par son exemple; il vient de nous recommander la vigilance et la prière pour attendre avec confiance l’arrivée du Juge et le jour si incertain de notre mort, et lui-même, aux approches de sa passion, se donne tout entier à la prédication, aux veilles et à la prière : « Or, le jour il enseignait dans le temple. » Il nous enseigne ainsi, par son exemple, que la vigilance vraiment digne de Dieu est de faire connaître au prochain la voie de la vérité par ses paroles ou par ses actions. — S. Cyrille : Quel était l’objet de son enseignement, si ce n’est cette religion sublime bien supérieure à celle de la Loi ? Le temps approchait, en effet, où les ombres devaient faire place à la vérité. — Théophylacte : Les Évangélistes ont passé sous silence la plus grande partie des enseignements de Jésus-Christ; il a prêché publiquement pendant près de trois années, et on pourrait dire que c’est à peine si ce qu’ils ont écrit suffirait à remplir une journée. Ils ne nous ont donc laissé qu’un abrégé de ses nombreux enseignements, pour nous donner le goût de la douceur et de la suavité de sa doctrine. Le Sauveur nous enseigne encore que nous devons converser avec Dieu dans le silence de la nuit et travailler pendant le jour à être utile au prochain, qu’il faut amasser des trésors pendant la nuit et les distribuer quand le jour est arrivé : « Et la nuit il sortait et se retirait sur la montagne appelée des Oliviers. » Ce n’est point sans doute que la prière lui fût nécessaire, mais parce qu’il voulait nous donner l’exemple. — S. Cyrille : Comme sa parole était puissante et qu’il substituait avec autorité le culte en esprit [et en vérité] aux traditions figuratives de Moïse et des prophètes, le peuple était avide de l’entendre : « Et tout le peuple accourait de grand matin dans le temple pour l’écouter. » Ce peuple qui s’empressait ainsi autour de lui avant l’aurore, aurait pu dire : « Seigneur mon Dieu, je vous cherche dès l’aurore. » (Ps 62.) — S.
Bède : Dans le sens figuré, lorsqu’au milieu de la
prospérité nous vivons dans la tempérance, la piété, la justice, nous
enseignons nous-mêmes dans le temple, pendant le jour, en donnant aux fidèles
l’exemple des bonnes oeuvres; nous passons les nuits sur la montagne des
Oliviers, lorsqu’au milieu des ténèbres de l’adversité, nous aspirons après
les consolations spirituelles; enfin le peuple vient à nous dès le matin,
lorsqu’ayant dissipé les oeuvres de ténèbres, les nuages des tribulations, il
s’empresse de nous imiter. |
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Caput 22 |
CHAPITRE 22
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Lectio 1 [85941] Catena in Lc., cap. 22 l. 1 Chrysostomus. Umbra nostrorum fuerunt festa Iudaica; et ideo
si quaesieris a Iudaeo de Pascha et azymis, nil magni proferet, commemorans
liberationem ab Aegypto. Si quis autem a me quaesierit, non audiet Aegyptum
nec Pharaonem, sed absolutionem erroris et tenebrarum Diaboli, non per
Moysen, sed per filium Dei. Glossa.
Ad cuius passionem enarrandam accedens Evangelista praemittit de figura,
dicens appropinquabat autem dies festus azymorum, qui dicitur Pascha. Beda.
Pascha quidem, quod Hebraice dicitur phase, non a passione, sed a transitu
nominatur; eo quod exterminator videns sanguinem in foribus Israelitarum
pertransierit, nec percusserit primogenita eorum. Vel ipse dominus praebens
auxilium populo suo desuper ambulavit. Hoc autem inter Pascha et azyma
distat, quod Pascha ipse solus dies appellatur in quo agnus occidebatur ad
vesperam, hoc est decima quarta luna primi mensis; decima quinta autem luna,
quando egressus est de Aegypto, succedebat festivitas azymorum septem diebus
usque ad vigesimam primam diem eiusdem mensis; unde Evangelii Scriptura
indifferenter unum pro alio ponere solet; unde hic dicitur dies azymorum, qui
dicitur Pascha. Significatur autem per mysterium, quod Christus semel pro
nobis passus, per totum tempus huius saeculi, quod septem diebus agitur, in
azymis sinceritatis et veritatis praecepit esse vivendum. Chrysostomus.
Principes autem sacerdotum nefarias res tractant in festo; unde sequitur
et quaerebant principes sacerdotum et Scribae quomodo Iesum interficerent.
Moyses quidem unum praecepit esse principem sacerdotum, et illo defuncto
creari alium. Tunc vero, cum inciperent Iudaici ritus dissolvi, multi erant
principes sacerdotum annuatim creati. Hi ergo volentes Iesum occidere, non
metuunt divina, ne scilicet ex tempore sacro maius incurrant peccati
contagium : sed ubique timent humana; unde sequitur timebant vero plebem.
Beda.
Non quidem seditionem metuentes, sed caventes ne auxilio populi de suis
manibus tolleretur. Haec autem ante biduum
Paschae congregatis eis in atrio Caiphae Matthaeus acta attestatur. |
Versets 1-2.
— S. Jean Chrysostome : Les solennités des Juifs étaient l’ombre [et la figure] des nôtres; si donc vous interrogez un juif sur la pâque et les azymes, il ne vous répondra rien de bien élevé, et se contentera de vous rappeler la délivrance de la captivité d’Égypte. Si, au contraire, vous me faites la même question, je ne vous parlerai ni de l’Égypte, ni de Pharaon, mais de la délivrance du péché et des ténèbres du démon, accomplie, non par Moïse, mais par le Fils de Dieu. — La
Glose : En commençant le récit de la passion du Sauveur, l’Évangéliste
parle d’abord de ce qui en était la figure : « La fête des pains sans levain, appelée la pâque, était
proche. » — S. Bède : Le mot pâque, en hébreu phase, ne tire pas son nom du mot souffrance, mais du mot passage, parce que l’ange exterminateur, voyant le sang de l’agneau sur les portes des Israélites, passa sans mettre à mort leurs premiers-nés; ou encore, parce que le Seigneur lui-même vint du ciel et passa au milieu d’eux pour secourir son peuple. Or, la pâque diffère des azymes, en ce que le nom de pâque est donné exclusivement au jour où l’on devait, le soir, immoler l’agneau (c’est-à-dire le quatorzième de la lune du premier mois), tandis que le quinzième de la lune, jour de la sortie d’Égypte, commençait la fête des azymes qui durait sept jours, jusqu’au vingt et unième jour du même mois. C’est pourquoi les Évangélistes emploient indifféremment ces deux noms, comme dans cet endroit : « Le jour des azymes qui est appelé la pâque. » Le sens mystique de cette interprétation est que Jésus-Christ, qui a souffert une fois pour nous, nous fait un devoir de vivre dans les azymes de la sincérité et de la vérité (1 Co 5, 7-8), pendant toute la durée de cette vie, qui se compose de révolutions successives de sept jours. — S. Jean Chrysostome : (hom.
80 sur Matth.) Les princes des prêtres
concertent des projets criminels même pendant cette fête : « Et les princes des prêtres et les
scribes cherchaient un moyen pour faire mourir Jésus, ». D’après les
prescriptions de Moïse, il ne devait y avoir qu’un seul grand prêtre, et ce
n’est qu’à sa mort qu’on pouvait en créer un autre. Mais comme les
observances judaïques commençaient à se relâcher, on nommait chaque année
plusieurs grands prêtres. Or, en voulant faire mourir Jésus, ils ne craignent
point que la justice divine ne punisse un forfait d’autant plus énorme,
qu’ils le commettaient dans ces jours sacrés, et ils redoutent beaucoup plus
les hommes : « Mais ils
craignaient le peuple. » — S. Bède : Ce n’est pas qu’ils craignaient une sédition, mais ils avaient peur que le peuple ne vînt le délivrer de leurs mains. Ceci se passa, d’après saint Matthieu, deux jours avant la pâque, dans la maison de Caïphe, où ils étaient assemblés. |
Lectio 2 [85942] Catena in Lc., cap. 22 l. 2 Theophylactus. Quia dictum est quod principes sacerdotum
quaerebant modum quo interficientes Iesum, nullum incurrerent periculum,
consequenter modus qui eis occurrit, narratur cum dicitur intravit autem
Satanas in Iudam. Titus.
In Iudam Satanas intravit, non impellens, sed patulum inveniens ostium :
nam oblitus omnium quae viderat, ad solam avaritiam dirigebat intuitum. Chrysostomus.
Ponit autem eius cognomen, subdens qui cognominabatur Iscariotes : erat
enim alius Iudas. Titus.
Subdit autem unum de duodecim : nam numerum adimplebat, non autem vere
fungebatur apostolica dignitate. Chrysostomus.
Vel hoc addit Evangelista velut absonum quidem, ac si diceret : erat de
primo choro diligentius electorum. Beda.
Non est autem huic contrarium quod Ioannes dicit, post bucellam intrasse
in eum Satanam : quia nunc intravit ut quasi alienum tentaret, tunc autem
quasi proprium ad quaecumque vellet agenda attraheret. Chrysostomus.
Attende autem magnam Iudae nequitiam, tum quia per se proficiscitur, tum
quia pro pretio hoc facit; sequitur enim et abiit, et locutus est cum
principibus sacerdotum et magistratibus quemadmodum illum traderet eis. Et
gavisi sunt. Theophylactus.
Magistratus hic appellantur praepositi constructionum templi, vel etiam
illi quos Romani populo praefecerant ne proruerent in tumultus, erant enim
seditiosi. Chrysostomus. Propter avaritiam autem Iudas factus est
talis; sequitur enim et pacti sunt pecuniam illi dare. Tales enim avaritia
generat passiones : reddit impios, et Deum ignorare compellit; et si millies
benefactum sit eis, ad nocendum impellit; unde et hic sequitur et spopondit.
Theophylactus.
Idest, pepigit et promisit. Et quaerebat opportunitatem ut eum traderet
sine turbis; idest, quaerebat eum tradere quando videret eum seorsum
existentem sine turbis. Beda.
Multi autem Iudae scelus exhorrent, nec tamen cavent : qui enim caritatis
et veritatis iura spernit, Christum, qui est veritas et caritas, prodit;
maxime cum non infirmitate vel ignorantia peccet, sed ad similitudinem Iudae
quaerat opportunitatem, ut arbitris absentibus veritatem mendacio, virtutem
crimine immutet. |
Versets 3-6.
—
Théophylacte : Les princes des prêtres cherchaient
donc le moyen de mettre Jésus à mort, sans courir de danger; l’Évangéliste
raconte maintenant le moyen d’exécution qui vint s’offrir à eux : « Or, Satan entra dans Judas. » — Tite : Il entra dans Judas sans violence, et comme s’il trouvait la place ouverte; car, absorbé tout entier par son avarice, il avait oublié tous les prodiges qu’il avait vus. — S. Jean Chrysostome : (hom. 81 sur Matth.) L’auteur sacré fait connaître son surnom, qui était Iscariote, parce qu’il y avait un autre Judas. — Tite : Il ajoute : « l’un des douze apôtres, » car Judas complétait le nombre, mais il était loin de remplir les devoirs d’un apôtre. — S. Jean Chrysostome : Ou encore, l’Évangéliste fait mention de cette circonstance, pour établir un contraste, comme s’il disait : Il était de la première compagnie que Jésus avait choisie avec le plus de soin. — S. Bède : Il n’y a aucune contradiction entre le récit de saint Luc, et ce que dit saint Jean, que Satan entra dans Judas après le morceau de pain que Jésus lui avait présenté. (Jn 13, 27.) Il entra la première fois comme sur un terrain qui n’était pas à lui, et pour tenter Judas, il entra la seconde fois comme dans un coeur qui lui appartenait, et pour le plier à toutes ses volontés. — S. Jean Chrysostome : Considérez ici l’insigne méchanceté de Judas; c’est lui-même qui se charge de cet odieux forfait, et il met à prix sa trahison : « Et il s’en alla conférer avec les princes des prêtres et les officiers du temple, sur les moyens de le leur livrer, et ils en furent pleins de joie. » — Théophylacte : Ces officiers sont ceux qui étaient chargés de veiller à l’entretien [et à la garde] du temple, ou bien ceux que les Romains avaient établis pour prévenir les séditions auxquelles le peuple juif était porté. — S.
Jean Chrysostome : Or, Judas était ainsi à cause de
son avarice : « Et ils convinrent
de lui donner de l’argent. » Telles sont les passions qu’engendre
l’avarice, elle précipite les hommes dans l’impiété et dans l’ignorance de
Dieu; et alors même qu’ils ont reçu des bienfaits sans nombre, elle les porte
à se déclarer contre leurs bienfaiteurs : « Et
il le leur promit. » — Théophylacte : C’est-à-dire qu’il s’engagea de son côté à livrer Jésus : « Et il cherchait une occasion favorable de le leur livrer, sans exciter de troubles, » c’est-à-dire qu’il cherchait à le livrer au moment où il le verrait éloigné de la foule, dans le calme. — S. Bède : Combien en est-il qui ont en horreur le crime de Judas, et qui ne laissent pas de l’imiter. Car celui qui viole les droits de la charité et de la vérité, trahit Jésus-Christ (qui est la vérité et la charité), surtout lorsque sa trahison n’est l’effet ni de la faiblesse ni de l’ignorance, mais qu’à l’exemple de Judas, il cherche l’occasion de trahir sans témoin la vérité par le mensonge, et la vertu par le crime. |
Lectio 3 [85943] Catena in Lc., cap. 22 l. 3 Titus. Ut nobis dominus caeleste Pascha dimitteret, typicum
manducavit, figuram removens, ut veritas locum obtineret; unde dicitur venit
autem dies azymorum, in qua necesse erat occidi Pascha. Beda.
Dies azymorum Paschae quartamdecimam primi mensis appellat, quando,
fermento abiecto, Pascha, idest agnus, occidi ad vesperam consueverat. Eusebius.
Si quis autem dicat : si prima die azymorum discipuli salvatori parant
Pascha, ergo et eadem die oportet nos Pascha celebrare : dicemus, hoc non
fuisse monitionem, sed historiam facti quod accidit tempore salutiferae
passionis. Aliud autem est narrare gesta vetera, et aliud sancire, ac
posteris statuta relinquere. Quin etiam salvator non egit Pascha cum Iudaeis,
quando agnum immolabant : nam illi quidem hoc egerunt in parasceve, quando
passus est dominus; unde non introierunt in atrium Pilati, ut manducarent
Pascha : ex quo enim veritati insidiati sunt, verbum veritatis a se
expulerunt, non primo die azymorum, quo die debebat immolari Pascha,
manducantes solitum sibi Pascha (erant enim erga aliud attenti), sed die
sequenti post illam, quae erat azymorum secunda. Dominus vero prima die
azymorum, hoc est quinta feria sabbati, Pascha cum discipulis peregit. Theophylactus.
Eadem autem quinta feria mittit duos ex discipulis suis ad parandum
Pascha, Petrum scilicet et Ioannem, alterum scilicet ut diligentem, alterum
ut dilectum; unde sequitur et misit Petrum et Ioannem, dicens : euntes parate
nobis Pascha, ut manducemus : per omnia manifestans quod usque ad extremum
vitae non est adversatus legi. Mittit autem eos ad alienam domum : nam nulla
domus erat ei, neque discipulis suis; alioquin apud aliquem eorum Pascha
celebrasset; et ideo subditur at illi dixerunt : ubi vis paremus? Beda.
Quasi dicant : non habemus domicilium, non habemus tabernaculum. Audiant
quibus aedificandarum domorum cura est : cognoscant Christum omnium dominum,
locum ubi caput reclinaret non habuisse. Chrysostomus.
Cum autem ignorarent ad quem mitterentur, signum dedit eis, sicut et
Samuel Sauli; unde subditur et dixit ad eos : ecce introeuntibus vobis in
civitatem, occurret vobis homo amphoram aquae portans : sequimini eum in
domum in quam intrat. Ambrosius.
Primum maiestatem divinitatis adverte : cum discipulis loquitur, et iam
novit quid alibi sit futurum; deinde dignationem eius intuere : quia non
persona divitis aut potentis eligitur, sed pauper ambitur, et angustum
hospitium pauperis amplis nobilium aedibus antefertur. Sciebat autem dominus
nomen eius, cuius sciebat mysterium et occursum; sed ideo sine nomine
designatur, ut ignobilis aestimetur. Theophylactus.
Vel ideo mittit eos ad hominem ignotum, ut ostendat quod passionem
voluntarie subiit. Qui enim mentem huius ignoti viri subegit ut eos
susciperet, poterat quodcumque voluisset cum Iudaeis tractare. Dicunt autem
quidam quod ideo non dixit nomen hominis, ne proditor cognito nomine domum
panderet Pharisaeis, qui venientes cepissent eum priusquam coena fieret, et
spiritualia mysteria discipulis traderet : sed quibusdam indiciis in quamdam
domum dirigit eos; unde sequitur et dicetis patrifamilias domus : dicit tibi
magister : ubi est diversorium ubi Pascha cum discipulis meis manducem? Et
ipse vobis ostendet coenaculum magnum stratum; et ibi parate. Glossa.
Quibus signis inventis, discipuli sollicite quae mandata eis fuerant,
impleverunt; unde sequitur euntes autem invenerunt sicut praedixit illis
Iesus, et paraverunt Pascha. Beda.
Hoc Pascha exponens apostolus ait : Pascha nostrum immolatus est Christus;
quod quidem Pascha tunc necesse erat occidi, quasi paterno consilio ac
definitione sancitum, qui licet die sequenti, hoc est decimaquinta luna sit
crucifixus, hac tamen nocte, qua agnus immolabatur a Iudaeis, tentus ac
ligatus, immolationis, hoc est passionis suae, sacravit exordium. Theophylactus.
Intelligamus autem diem quidem azymorum totam conversationem quae est in
luce spiritali, nullam redolentem vetustatem primae praevaricationis Adae, in
qua viventes non decet delectari in Christi mysteriis. Haec autem mysteria
Petrus et Ioannes parant, idest actio et contemplatio, fervor zeli et
mansuetudo pacifica. His autem paratoribus occurrit homo : quia per praedicta
reperimus statum hominis qui creatus est ad imaginem Dei : qui portat
amphoram aquae, quae significat gratiam spiritus sancti : amphora autem est
humilitas cordis : humilibus enim dat gratiam, qui se cognoscunt esse terram
et pulverem. Ambrosius.
Vel amphora est mensura perfectior; aqua autem est quae sacramentum Christi
esse meruit; quae lavare meruit, non lavari. Beda.
Parant autem Pascha ubi aquae infertur amphora; quia tempus adest quo veri
Paschae cultoribus typicus de limine auferatur cruor; et ad tollenda crimina
vivifici fontis Baptisma consecratur. Origenes
super Matth. Ego autem puto quod homo qui ingredientibus discipulis in
civitatem occurrit amphoram aquae portans, erat quidam minister
patrisfamilias, portans mundatoriam aut potabilem aquam in vase fictili; quem
puto esse Moysen, spiritalem doctrinam portantem in corporalibus historiis.
Qui autem non consequuntur spiritualiter eum, non celebrant Pascha cum Iesu.
Ascendamus ergo, ipso domino constituto nobiscum, ad superiorem locum in quo
est diversorium, quod demonstratur ab intellectu, qui est in unoquoque homine
paterfamilias, discipulis Christi. Haec autem domus superior sit nobis magna,
ut capiat Iesum verbum Dei, quod non capitur, nisi a magnis sensu. Et sit
domus haec a patrefamilias, idest intellectu, praeparata filio Dei, et sit
mundata, nullo modo habens malitiae sordes. Sit etiam domus illius princeps
non qualibuscumque cognitum habens nomen : unde mystice dicit secundum
Matthaeum : ite ad quemdam. Ambrosius.
In superioribus autem magnum habet stratum, ut magnum meritum eius
advertas, in quo dominus cum discipulis sublimium virtutum eius delectatione
requiesceret. Origenes
super Matth. Scire autem debemus quoniam qui in epulationibus et
sollicitudinibus saecularibus sunt, non ascendunt in domum illam superiorem,
et propterea non celebrant cum Iesu Pascha. Post sermones enim discipulorum
quibus catechizaverunt patremfamilias, idest intellectum, venit et divinitas
coepulans discipulis in domo praedicta. |
Versets 7-13.
— Tite de Bost. Notre Seigneur voulait nous donner la pâque céleste, il se soumet pour cela à manger la pâque figurative, et il supprime le symbole pour lui substituer la vérité : « Vint le jour des azymes, où l’on devait sacrifier la pâque.» — S. Bède : L’Évangéliste appelle jour des azymes le quatorzième jour du premier mois, dans lequel on avait coutume de faire disparaître tout pain fermenté, et d’immoler vers le soir la pâque, c’est-à-dire l’agneau pascal. — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) On me dira peut-être : Puisque les disciples ont préparé, le premier jour des azymes, ce qu’il fallait pour que le Sauveur pût manger la pâque, nous devons aussi célébrer la pâque le même jour, je réponds que ce n’est pas ici une prescription, mais le simple récit d’un fait qui a eu lieu au temps de la passion du Sauveur, et que le récit d’un fait qui s’est passé est tout différent de l’établissement d’une règle qui oblige pour l’avenir. Je dirai plus, c’est que le Sauveur n’a point mangé la pâque le jour où les Juifs immolaient l’agneau pascal; car cette immolation n’eut lieu que la veille du sabbat, le jour même de la passion du Seigneur : c’est pour cela qu’ils n’entrèrent point dans le prétoire de Pilate, afin de pouvoir manger la pâque. (Jn 19.) Du moment qu’ils conspirèrent contre la vérité, ils ne craignirent plus de s’écarter des règles tracées par la vérité, et ils ne mangèrent plus la pâque, comme ils avaient coutume de le faire, le premier jour des azymes, où la pâque devait être immolée (car ils étaient occupés de bien autre chose), mais ils la célébrèrent le jour suivant, qui était le second jour des azymes. Le Seigneur, au contraire, célébra la pâque avec ses disciples le premier jour des azymes, c’est-à-dire le cinquième jour après le sabbat. — Théophylacte : Ce même jour qui était le cinquième, il envoya pour préparer la pâque deux de ses disciples, Pierre, le plus ardent pour son Maître, et Jean, celui qui en était le plus aimé : « Il envoya Pierre et Jean disant : ‘Allez nous faire les préparatifs de la pâque, pour que nous la mangions’ ». C’est ainsi qu’il se montre en tout fidèle observateur de la loi jusqu’à la fin de sa vie. Il envoie ses disciples dans une maison étrangère; car ni lui ni ses disciples n’avaient de maison en propre, autrement il eût célébré la pâque chez l’un d’eux : « Ils lui dirent donc : Où voulez-vous que nous la préparions ? » — S. Bède : Comme s’ils disaient : Nous n’avons ni demeure ni habitation. Entendez ces paroles, vous qui mettez tous vos soins à vous construire des maisons sur la terre, et apprenez que le Christ, le Maître de toutes choses, n’avait même pas où reposer sa tête. — S. Jean Chrysostome : (hom. 82
sur Matth.) Comme
ils ne connaissaient point celui à qui Notre Seigneur les envoyait, il leur donna
pour le reconnaître un signe semblable à celui que Samuel avait donné à Saul
(1 R 10, 2 ) : « Il leur répondit : En entrant dans
la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau; suivez-le dans
la maison où il entrera. » — S. Ambroise : Considérez d’abord la majesté de la divinité dans ces paroles du Sauveur, il s’entretient avec ses disciples, et il sait ce qui doit se passer dans un autre endroit. Admirez ensuite sa condescendance; ce n’est ni un riche ni un puissant du siècle, mais un pauvre dont il choisit la maison, et il préfère cette étroite et modeste demeure aux palais des grands. Le Seigneur connaissait le nom de celui dont il prévoyait ainsi la mystérieuse rencontre, mais il le désigne sans le nommer, pour faire ressortir son humble condition. — Théophylacte : Ou encore, il les adresse à un homme inconnu, pour leur faire comprendre que c’était volontairement qu’il allait souffrir dans sa passion. En effet, celui qui pouvait inspirer à cet inconnu des dispositions si favorables pour ses disciples, aurait bien pu aussi amener les Juifs à faire tout ce qu’il aurait voulu. Quelques-uns pensent que le Sauveur ne voulut point dire le nom de cet homme, de peur que le traître, venant à savoir ce nom, ne fît connaître la maison aux pharisiens, qui auraient pu venir s’emparer de lui avant qu’il eût célébré la cène et distribué aux disciples les augustes mystères; il se contente de leur donner quelques signes pour trouver cette maison : « Et vous direz au maître de cette maison : ‘Le Maître vous mande : Où est le lieu où je mangerai la pâque avec mes disciples ?’ Et il vous montrera une grande salle meublée, faites là les préparatifs.» — La Glose : Les disciples ayant reconnu les signes qui leur avaient été donnés, accomplirent exactement ce qui leur avait été prescrit : « S’en allant donc, ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la pâque. » — S. Bède : L’apôtre saint Paul, parlant de cette pâque, nous dit : « Notre agneau pascal, Jésus-Christ a été immolé, » (1 Co 5.) Il fallait que cette pâque fût alors immolée, pour obéir à un ordre tout divin, et au décret du Père céleste; et bien que le Sauveur n’ait été crucifié que le jour suivant, c’est-à-dire le quinzième jour de la lune, cependant il fut arrêté et chargé de chaînes la nuit même où l’agneau pascal était immolé par les Juifs, et il consacra ainsi les préliminaires de son immolation ou de sa passion. — Théophylacte : Par le jour des azymes, il nous faut entendre cette vie lumineuse et toute spirituelle, qui n’a rien de commun avec la vie ancienne, suite de la faute de notre premier père Adam, et lorsque nous vivons de cette vie, nous devons mettre toute notre joie dans les mystères de Jésus-Christ. C’est Jean et Pierre qui nous préparent ces mystères, c’est-à-dire l’action et la contemplation; la ferveur du zèle et la douceur de la paix. Ces deux disciples rencontrent un homme, parce que ces deux vertus nous font retrouver l’homme qui a été créé à l’image de Dieu. Cet homme porte une cruche d’eau, symbole de la grâce de l’Esprit saint. Ce vase figure l’humilité du coeur, car Dieu ne donne sa grâce qu’aux humbles qui reconnaissent qu’ils ne sont que cendre et poussière. — S. Ambroise : Ou encore, ce vase c’est la mesure de la perfection, et cette eau est celle qui a mérité de devenir la matière du sacrement de Jésus-Christ, et de purifier au lieu d’être elle-même purifiée. — S. Bède : Les disciples préparent la pâque là où ils voient cet homme porter la cruche d’eau, parce que le temps était venu où le sang devait cesser de marquer la porte de ceux qui célèbrent la pâque véritable, pour être remplacé par la source vivifiante du baptême qui efface les péchés. — Origène : (Traité 35 sur Matth.) Cet homme que les disciples rencontrèrent à leur entrée dans la ville, portant une cruche d’eau, était, à mon avis, un des serviteurs du père de famille, qui portait dans un vase de terre l’eau destinée à la boisson ou aux purifications légales, et je pense qu’il était la figure de Moïse, dont la doctrine spirituelle était contenue dans le récit de faits extérieurs. Ceux qui ne peuvent atteindre à cette doctrine spirituelle, ne célèbrent point la pâque avec Jésus. Montons donc avec le Seigneur lui-même, qui est au milieu de nous, à cet endroit plus élevé où se trouve le lieu du festin, et que l’intelligence (figurée par le père de famille), découvre à chacun des disciples de Jésus-Christ. Que cette salle située dans l’endroit le plus élevé de la maison, soit grande pour recevoir Jésus, le Verbe de Dieu, qui ne peut être reçu que par les âmes vraiment grandes. Que ce soit le père de famille (c’est-à-dire l’intelligence), qui prépare cette demeure pour le Fils de Dieu, qu’elle soit purifiée et ne conserve plus aucune des souillures de l’iniquité. Que le nom du maître de cette maison ne soit point connu de la foule, comme l’indiquent ces paroles mystérieuses de Jésus dans saint Matthieu : « Allez dans la ville chez un tel. » — S. Ambroise : Cet homme a une grande salle au haut de sa maison, ce qui vous fait comprendre quel mérite éminent doit avoir celui en qui le Seigneur vient prendre avec ses disciples un doux repos au milieu des plus sublimes vertus. — Origène : N’oublions pas que ceux qui passent leur vie dans les plaisirs de la table et les sollicitudes de ce monde, ne montent point dans cette salle supérieure et par conséquent ne célèbrent point la pâque avec Jésus. Car ce n’est qu’après que les paroles des disciples ont instruit le père de famille, c’est-à-dire l’intelligence, que Dieu vient avec ses disciples dans cette maison pour y célébrer le festin sacré. |
Lectio 4 [85944] Catena in Lc., cap. 22 l. 4 Cyrillus.
Postquam discipuli Pascha paraverant, agitur de Paschae comestione; unde
dicitur et cum facta esset hora, discubuit, et duodecim apostoli cum eo.
Beda. Hora manducandi Paschae designat quartamdecimam diem primi mensis
perductam ad vesperam, quintadecima luna iam terris apparente. Theophylactus.
Sed qualiter dominus discumbere dicitur, cum Iudaei stantes Pascha
manducarent? Dicunt ergo, quod cum manducavissent legale Pascha, accubuerunt
secundum communem usum, manducantes quosdam alios cibos. Sequitur et ait
illis : desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum, antequam patiar.
Cyrillus.
Quod ideo dicit, quia discipulus avarus proditionis tempus explorabat; sed
ne traderet eum ante festum Paschae, non explicaverat dominus domum, vel
virum penes quem Pascha perageret; cuius causam per haec verba ostendit. Theophylactus.
Vel dicit desiderio desideravi, quasi dicat : haec ultima mihi coena
vobiscum est, propter quod et amabilis est mihi; sicut et qui peregre
profecturi sunt, ultima verba suis dulcius proferunt. Chrysostomus.
Vel hoc dicit, quia post illud Pascha crux imminebat. Invenimus autem
pluries eum praedicantem suam passionem, et eam cupientem evenire. Beda.
Desiderat ergo primo typicum Pascha cum discipulis manducare, et sic
passionis suae mundo mysteria declarare. Eusebius.
Vel aliter. Cum dominus novum Pascha celebraret, opportune dixit desiderio
desideravi hoc Pascha, idest, novum mysterium novi testamenti, quod tradebat
discipulis, quod plures ante eum prophetae et iusti cupiverant; sed et ipse
sitiens communem salutem, hoc tradebat mysterium quod toti mundo competeret.
Pascha vero Moysi statutum erat in uno loco, scilicet in Ierusalem celebrari
: unde non congruebat omnibus gentibus; et ideo non erat desideratum. Epiphanius
contra Haeres. Ex hoc Ebionitarum dementia de carnis esu redargui poterat,
domino manducante Pascha Iudaeorum; unde signanter dixit hoc Pascha, ne quis
ad aliud invertere posset. Beda.
Sic ergo dominus legalis Paschae approbator extitit; et hoc ad suae
dispensationis figuram docendo pertinuisse, vetat ultra carnaliter exhiberi;
unde subdit dico enim vobis, quia ex hoc non manducabo illud donec impleatur
in regno Dei; idest, nequaquam ultra Mosaicum Pascha celebrabo, donec in
Ecclesia spiritaliter intellectum compleatur : ipsa enim est regnum Dei,
secundum illud : regnum Dei intra vos est. Ad vetus autem illud Pascha, cui finem
desiderabat imponere, pertinet etiam illud quod subditur et accepto calice,
gratias egit, et dixit : accipite, et dividite inter vos. Ob hoc gratias
egit, quia vetera transitura, et ventura fuerant omnia nova. Chrysostomus. Memento ergo cum ad mensam sederis, quod post mensam
oportet te orare; atque ideo ventrem impleas sobrie, ne gravatus nequeas
genuflectere, ac supplicare Deo. Non igitur post escas ad lectum, sed ad
orationem vertamur : evidenter enim hoc Christus significavit, quod post
escas non somnus, non cubile, sed oratio, et sacrarum lectio Scripturarum
succedere debeat. Sequitur dico enim vobis, quod non bibam de
generatione vitis, donec regnum Dei veniat. Beda.
Potest quidem hoc et simpliciter accipi, quod ab hac hora coenae usque ad
tempus resurrectionis, quo in regno Dei erat venturus, vinum bibiturus non
esset : postea namque cibum potumque sumpsisse eum testatur Petrus dicens :
qui manducavimus et bibimus cum illo postquam resurrexit a mortuis. Theophylactus.
Dicitur autem resurrectio regnum Dei, quia mortem exterminavit : unde et
David ait : dominus regnavit, decorem indutus est, scilicet formosi amictus,
secundum Isaiam, exuta corporis corruptela. Resurrectione autem adveniente,
iterum cum discipulis bibit, ut probaret quod resurrectio non erat
phantastica. Beda.
Sed multo consequentius est, ut sicut supra typicum agni esum, sic et
potum Paschae neget se gustaturum, donec ostensa gloria regni Dei fides mundi
adveniat; ut per duo maxima legis edicta, escam scilicet et potum paschalem,
spiritaliter immutata, disceres omnia legis sacramenta ad spiritalem
observantiam fuisse transferenda. |
Versets 14-17.
— S. Cyrille : Après que les disciples eurent préparé ce qu’il fallait pour célébrer la pâque, l’heure vint de la manger : « Et l’heure étant venue, il se mit à table et les douze apôtres avec lui.» — S. Bède : L’heure de manger la pâque, c’est le soir du quatorzième jour du premier mois, au moment où la lune du quinzième jour se lève. — Théophylacte : Mais pourquoi l’Évangéliste nous dit-il que le Seigneur se mit à table, puisque les Juifs devaient se tenir debout pour manger l’agneau pascal ? Nous répondons qu’après avoir mangé l’agneau pascal, suivant les prescriptions de la loi, ils se mirent à table, suivant l’usage, pour prendre d’autres aliments. « Et il leur dit : J’ai désiré d’un grand désir de manger cette pâque avec vous, avant de souffrir.» — S. Cyrille : Notre Seigneur s’exprime de la sorte, parce que l’avare disciple épiait le moment où il pourrait livrer son Maître, mais le Sauveur n’avait fait connaître ni la maison ni le nom de celui chez qui il devait célébrer la pâque, pour qu’on ne pût se saisir de sa personne avant qu’il l’eût célébrée, et il donne ici la raison de cette conduite. — Théophylacte : Ou encore : « J’ai désiré d’un grand désir, » c’est-à-dire : c’est la dernière cène que je fais avec vous, aussi m’est-elle chère. Ainsi ceux qui partent pour un long voyage, adressent à leurs amis leurs plus tendres adieux. — S. Jean Chrysostome : Ou encore, il s’exprime ainsi, parce que cette pâque devait être suivie de sa mort sur la croix; or, nous voyons que plusieurs fois, [pendant sa vie,] il prédisait sa passion et manifestait le désir ardent de la voir arriver. — S. Bède : Il désire manger d’abord avec ses disciples la pâque figurative et révéler ainsi au monde les mystères de sa passion. — Eusèbe : Ou bien encore, le Seigneur qui allait célébrer une pâque nouvelle, dit avec raison : « J’ai désiré ardemment cette pâque, » c’est-à-dire le mystère nouveau du Nouveau Testament qu’il donnait à ses disciples, et que tant de prophètes et de justes avant lui avaient désiré voir. Or, comme il avait soif du salut de tous les hommes, il instituait un mystère qui devait être célébré dans le monde entier, tandis que la pâque établie par Moïse ne pouvait être célébrée que dans un seul endroit, c’est-à-dire à Jérusalem; elle n’était donc point destinée à toutes les nations et ne pouvait être l’objet d’un désir si ardent. — S. Epiphane : (Liv. 1 cont. les hérés., 30, 22.) Ce fait [seul] peut servir à confondre l’erreur insensée des ébionites sur l’usage de la chair, puisque le Sauveur a mangé l’agneau pascal des Juifs, et il dit expressément : « J’ai désiré manger cette pâque, » afin qu’on ne puisse l’entendre autrement. — S. Bède : Notre Seigneur donne ainsi par son exemple son approbation à la pâque légale, et en même temps il en interdit désormais la célébration, en enseignant qu’elle n’était que la figure des mystères qu’il venait révéler : « Car je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu, » c’est-à-dire : je ne célébrerai plus la pâque mosaïque, jusqu’à ce que le mystère dont elle est la figure, soit accompli dans l’Eglise, car elle est vraiment le royaume de Dieu, selon cette parole : « Le royaume de Dieu est au milieu de vous. » (Lc 17.) C’est encore à cette pâque ancienne à laquelle le Sauveur voulait mettre fin que se rapportent les paroles qui suivent : « Et prenant le calice, il rendit grâces et dit : Prenez et partagez entre vous, ». Il rend grâces, parce que toutes les cérémonies de l’ancienne loi allaient finir et céder la place à des rites tout nouveaux. — S. Jean Chrysostome : (Disc. 1 sur Lazare.) Lorsque vous prenez place à table, souvenez-vous que la prière doit succéder au repas; mangez donc avec modération et sobriété, de peur qu’appesantis par les excès de la table, vous ne puissiez ni fléchir les genoux, ni prier Dieu. Après nos repas, ne nous dirigeons donc pas aussitôt vers notre lit, mais livrons-nous à la prière, car évidemment le Sauveur a voulu nous enseigner ici qu’au repas doivent succéder, non le sommeil et le repos, mais la prière et la lecture des saintes Écritures : « Car je vous le dis; je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce que vienne le royaume de Dieu. » — S. Bède : Ces paroles peuvent être entendues simplement en ce sens, que le Sauveur ne devait plus boire de vin depuis cette heure de la cène jusqu’au temps de sa résurrection où il devait venir établir le royaume de Dieu. En effet, saint Pierre atteste qu’ils le virent alors manger et boire avec eux : « Il s’est manifesté… à nous qui avons mangé et bu avec lui depuis sa résurrection des morts. » (Ac 10, 41.) — Théophylacte : La résurrection de Jésus-Christ est appelée le royaume de Dieu, parce qu’elle a détruit l’empire de la mort, ce qui a fait dire à David : « Le Seigneur a régné, il s’est revêtu de gloire, » c’est-à-dire que, selon la prophétie d’Isaïe, il s’est dépouillé de la corruption du corps pour se revêtir d’un vêtement de magnificence. Or, après sa résurrection, il a voulu boire en présence de ses disciples, pour leur prouver que sa résurrection n’était pas une illusion. — S. Bède : Cependant, il est plus logique de dire que Notre Seigneur déclare qu’il ne boira plus le vin de la pâque comme il a déclaré précédemment qu’il ne mangerait plus l’agneau figuratif, jusqu’à ce que la manifestation de la gloire de son royaume fît embrasser la foi chrétienne à tout l’univers, et que le changement spirituel des deux grandes prescriptions de la loi (la nourriture et le breuvage de la pâque), vous fît comprendre que toutes les observances figuratives de la loi ne seraient plus désormais accomplies que d’une manière spirituelle. |
Lectio 5 [85945] Catena in Lc., cap. 22 l. 5 Beda. Finitis Paschae veteris solemniis, transiit ad novum, quod in
suae redemptionis memoriam Ecclesiam frequentare desiderat, pro carne agni et
sanguine, suae carnis sanguinisque sacramentum in panis ac vini figura
substituens, sacerdos in aeternum factus secundum ordinem Melchisedech; unde
dicitur et accepto pane, gratias egit; sicut et de veteribus terminandis
gratias egerat, nobis exemplum tribuens in omni boni operis inchoatione et
perfectione Deum esse glorificandum. Sequitur et fregit.
Frangit ipse panem quem porrigit, ut ostendat corporis sui fractionem non
sine sua sponte futuram. Et dedit eis dicens : hoc est corpus meum, quod pro
vobis tradetur. Gregorius
Nyssenus. Panis enim ante consecrationem communis panis est; sed ubi
consecratur mysterio, fit et dicitur corpus Christi. Cyrillus.
Nec dubites an hoc verum sit, eo manifeste dicente hoc est corpus meum;
sed potius suscipe verba salvatoris in fide. Cum enim sit veritas, non
mentitur. Insaniunt igitur dicentes mysticam benedictionem a sanctificatione
cessare, si quae reliquiae remanserint eius in diem subsequentem : non enim
mutabitur sacrosanctum corpus Christi; sed virtus benedictionis, et
vivificativa gratia iugis in eo est. Virtus enim vivificativa Dei patris
unigenitum verbum est, quod caro factum est, non desinens esse verbum, sed
efficiens carnem vivificativam. Si enim in aliquo liquore modicum panis
immiseris, reperies hunc imbibitum qualitate illius. Igitur vivificativum Dei
verbum uniens seipsum propriae carni, fecit eam vivificativam. Numquid ergo
et quoniam in nobis vita Dei est, Dei verbo existente in nobis, vivificativum
erit nostrum corpus? Sed aliud est secundum participationis habitudinem nos
habere in nobis Dei filium; aliud ipsum fuisse factum carnem, idest corpus
sumptum ex alma virgine proprium corpus effecisse. Decebat ergo eum nostris quodammodo uniri corporibus per sacram eius
carnem et pretiosum sanguinem, quae accipimus in benedictionem vivificativam
in pane et vino. Ne enim horreremus carnem et sanguinem apposita sacris
altaribus, condescendens Deus nostris fragilitatibus, influit oblatis vim
vitae convertens ea in veritatem propriae carnis, ut corpus vitae quasi
quoddam semen vivificativum inveniatur in nobis; unde subditur hoc facite in
meam commemorationem. Chrysostomus
super Ioannem. Hoc fecit Christus ducens nos ad maius amicitiae foedus,
suamque caritatem declarans erga nos, praestans se non solum videri
desiderantibus, sed et palpare, et comedere, et amplecti, et totum affectum
explere. Igitur ut leones flammam spirantes, sic ab illa mensa discedimus
terribiles facti Diabolo. Basilius.
Disce autem quo pacto decet edere corpus Christi, in memoriam scilicet
obedientiae Christi usque ad mortem; ut qui vivunt, non amplius in se vivant,
sed in eo qui pro eis mortuus est et resurrexit. Theophylactus.
Duos autem calices Lucas commemorat; de altero quidem supra dixit :
accipite et dividite inter vos; quem dicet aliquis esse typum veteris
testamenti : alterum vero post panis fractionem et distributionem ipse
partitur discipulis; unde subditur similiter et calicem postquam coenavit.
Beda.
Subauditur dedit eis, ut sit plena constructio. Augustinus
de Cons. Evang. Vel quod Lucas bis de calice commemoravit, prius antequam
panem daret, inde postquam panem dedit : illud quod superius dixit praeoccupavit,
ut solet; illud vero quod ordine suo posuit, non commemoraverat superius.
Utrumque autem coniunctum eamdem sententiam facit quae illorum est, scilicet
Matthaei et Marci. Theophylactus. Nominat autem dominus hunc calicem novi testamenti;
unde sequitur dicens : hic est calix novum testamentum in sanguine meo, qui
pro vobis fundetur : significans novum testamentum in suo sanguine exordium
sumere : nam in veteri testamento sanguis animalium affuit cum data fuit lex;
nunc vero sanguis verbi Dei significat nobis novum testamentum. Cum autem
dicit pro vobis, non significat pro solis apostolis corpus Christi datum et
sanguinem effusum fuisse; sed causa totius humanae naturae. Et vetus quidem
Pascha ad removendam servitutem Aegypti fiebat, sanguis autem agni ad
primogenitorum custodiam : novum vero Pascha ad peccatorum remissionem,
sanguis autem Christi ad conservationem eorum qui dedicati sunt Deo. Chrysostomus. Hic enim sanguis operatur in nobis imaginem regiam,
nobilitatem animae non permittit marcescere, protinus irrigans animam,
magnamque inspirans virtutem. Hic sanguis fugat
Daemones, advocat Angelos et dominum Angelorum. Hic sanguis effusus lavit
orbem, et adibile fecit caelum. Huius participes sanguinis, sunt supernis
virtutibus amicti, regio pallio, magis autem ipso rege induti. Et sicut si
mundus accesseris, salubriter accessisti; sic si imbutus conscientia prava,
damnose accedis in poenam et supplicia. Nam si qui imperatoriam coinquinant
purpuram, pari poena plectuntur cum eis qui divellunt; absurdum non est si et
qui obscoena mente corpus Christi recipiunt, pari poena plectuntur cum his
qui illud clavis transfoderunt. Beda. Quia vero panis confirmat, vinum vero sanguinem operatur in
carne; hoc ad corpus Christi, illud refertur ad sanguinem. Verum,
quia et nos in Christo et in nobis Christum manere oportet, vinum dominici
calicis aqua miscetur; teste enim Ioanne : aquae multae populi sunt. Theophylactus.
Primo autem datur panis, secundario calix : prior enim est in
spiritualibus laboriosus actus velut panis, non solum quia in vultus sudore
laboratur, sed etiam quia dum comeditur, non est facilis ad glutiendum;
deinde post labores sequitur exultatio divinae gratiae, quae est calix. Beda.
Ideo autem tunc coenati communicarunt apostoli, quia necesse erat Pascha
typicum ante consummari, et sic ad veri Paschae sacramenta transiri; nunc
autem in honorem tanti sacramenti placuit magistris Ecclesiae, prius nos
spiritualibus epulis refici, ac deinde terrenis. Graecus.
Totum autem corpus et sanguinem domini suscipit communicans, etiam si
mysteriorum partem accipiat. Sicut enim unum sigillum diversis totam suam
figuram impartitur, et integrum manet post distributionem, et sicut una vox
penetrat ad multorum auditus; sic nulli dubium sit, corpus et sanguinem
domini totum in omnibus reperiri. Fractio autem panis venerandi passionem
significat. |
Versets 19-20.
— S.
Bède : Après avoir accompli les cérémonies
solennelles de la pâque ancienne, le Sauveur institue la nouvelle pâque, et
commande à son Église de la célébrer en mémoire du mystère de la rédemption.
Établi prêtre selon l’ordre de Melchisédech (Ps 109, et He 7), il
remplace la chair et le sang de l’agneau par le sacrement de son corps et de
son sang sous les espèces du pain et du vin : « Et ayant pris du pain il rendit grâces. » Il avait
déjà rendu grâces en mettant fin à la pâque ancienne, et il nous enseigne
ainsi par son exemple à glorifier Dieu au commencement comme à la fin de
chacune de nos bonnes oeuvres. « Il le rompit. » Il rompt lui-même
le pain qu’il donne à ses disciples, pour montrer que son corps ne sera brisé
dans sa passion que par sa volonté : « Et
il le leur donne en disant : Ceci est mon corps qui est donné pour
vous. » — S. Grégoire de Nysse : (sur le bapt. de Jésus-Christ.) Avant la consécration, le pain est un pain ordinaire, mais aussitôt le mystère de la consécration, il devient et il est appelé le corps de Jésus-Christ. — S. Cyrille : Ne doutez point de cette vérité, puisque le Fils de Dieu vous dit clairement : « Ceci est mon corps. » Mais plutôt recevez avec foi les paroles du Sauveur, car il est la vérité et ne peut mentir. Ils sont donc insensés ceux qui disent que l’effet de la consécration mystérieuse cesse, lorsqu’on réserve pour le jour suivant quelques fragments du pain consacré, car aucun changement ne se fait dans le corps sacré de Jésus-Christ, et il conserve toujours la vertu de la consécration aussi bien que la grâce qui donne la vie (Liv. 4 sur Jn 14). Car la vertu vivifiante de Dieu le Père, c’est le Verbe, son Fils unique, qui s’est fait chair sans cesser d’être le Verbe, et qui a communiqué à sa chair une vertu vivifiante (chap. 23). Si vous trempez un peu de pain dans une liqueur quelconque, il s’imprègne aussitôt du goût de cette liqueur. C’est ainsi que le Verbe de Dieu, source de vie, communique cette vertu vivifiante à sa chair par l’union étroite qu’il a contractée avec elle. Pouvons-nous en conclure que notre corps a part aussi à cette vertu vivifiante, parce que la vie de Dieu est en nous, et que le Verbe de Dieu demeure dans notre âme ? Non, car il y a une différence entre la participation que le Fils de Dieu nous donne à sa vertu lorsqu’il demeure en nous, et l’union étroite par laquelle il s’est incarné dans le corps qu’il a pris dans le sein de la vierge Marie, et dont il a fait son propre corps. Il était convenable, en effet, que, d’une certaine façon, le Fils de Dieu s’unisse à nos corps par sa chair sacrée et son sang précieux que nous recevons sous les espèces du pain et du vin, pour nous communiquer une bénédiction vivifiante. Nous aurions eu horreur de la chair et du sang placés sur les saints autels, Dieu, plein de condescendance pour notre faiblesse, a donc communiqué aux dons offerts une vertu vivifiante en les changeant véritablement en sa propre chair, afin que ce corps vivifiant soit en nous comme une semence de vie, il ajoute : « Faites ceci en mémoire de moi. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 46 sur Jean.) Jésus-Christ a institué ce mystère pour nous faire contracter avec lui une alliance d’amitié plus étroite, et nous manifester toute l’étendue de son amour; c’est pour cela que, non seulement il se rend visible à ceux qui désirent le voir, mais encore qu’ils les laissent le toucher, le manger, l’embrasser et rassasier leurs désirs. Nous sortons donc de cette table, semblables à des lions qui respirent la flamme, et devenus terribles au démon. — S. Basile : (Moral., règl. 21, chap. 3, et régl. abrég., quest. 172.) Apprenez à quelles conditions il nous est permis de manger le corps de Jésus-Christ, c’est-à-dire en mémoire de l’obéissance qu’il a portée jusqu’à la mort, de sorte que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. (2 Co 5, 45.) —
Théophylacte : Il est question dans saint Luc de
deux coupes, l’une dont Jésus dit plus haut : « Prenez-la et distribuez-la entre vous », il dira
qu’elle est la figure de l’Ancien Testament ; la seconde qu’il distribue
lui-même à ses disciples après la fraction et la distribution du pain, et
dont il est dit : « De même le
calice après le souper. » — S. Bède : Il faut sous-entendre : « Il leur donna », afin que la phrase soit complète. — S. Augustin : (De l’acc. des Evang., 3, 1.) Ou encore, saint Luc parle deux fois de la coupe, d’abord avant que Jésus distribuât le pain, et une seconde fois lorsqu’il l’eût distribué; ce qu’il en dit en premier lieu, il le fait par anticipation, selon sa coutume, et il raconte ensuite en son temps ce dont il n’avait point parlé précédemment; or, en réunissant ces deux parties, nous avons le même récit que nous donne saint Matthieu et saint Marc. — Théophylacte : Le Sauveur appelle ce calice le calice du Nouveau Testament : « Ce calice est le Nouveau Testament en mon sang qui sera répandu pour vous. » Il nous apprend ainsi que le Nouveau Testament commence dans son sang. En effet, dans l’Ancien Testament, le sang des animaux vint consacrer la promulgation de la loi, et maintenant le sang du Verbe de Dieu est pour nous [le signe sacré de] la nouvelle alliance. Ces paroles : « qui sera répandu pour vous, » ne signifient pas que Jésus-Christ n’ait donné son corps et répandu son sang que pour les Apôtres seuls, car il a donné l’un et l’autre pour le salut du genre humain tout entier. La pâque ancienne avait pour objet la délivrance de la servitude d’Égypte, le sang de l’agneau avait été versé pour sauver de la mort les premiers nés des Hébreux; la pâque nouvelle a pour fin la rémission des péchés, et le sang de Jésus-Christ est versé pour le salut éternel de ceux qui sont consacrés au service de Dieu. — S. Jean Chrysostome : (hom. 46 sur Jean.) Ce sang imprime en nous l’image [auguste] de notre roi, il préserve de toute flétrissure la noblesse de notre âme, il pénètre notre coeur [de sa divine rosée], et lui inspire une force surhumaine. Ce sang met en fuite les démons et fait descendre en nous les anges et le Seigneur des anges; ce sang répandu sur la terre l’a purifiée et lui a ouvert les portes des cieux. Ceux qui participent à ce sang divin sont associés aux vertus des cieux, revêtus du manteau royal de Jésus-Christ, ou plutôt revêtus de ce divin roi lui-même. Or, si vous approchez de lui avec un coeur pur, il sera pour vous un principe [de grâce et] de salut; mais si vous osez vous présenter devant lui avec une conscience coupable, vous commettez un sacrilège et vous le recevez pour votre condamnation et votre supplice. En effet, si ceux qui profanent la pourpre royale sont punis du même châtiment que ceux qui la mettent en pièces, est-il contraire à la raison de dire que ceux qui reçoivent le corps de Jésus-Christ dans une conscience souillée, méritent le même supplice que ceux qui l’ont percé de clous ? — S. Bède : Comme le pain a pour but de fortifier notre corps, et le vin de produire le sang dans nos membres, l’un, le pain, se rapporte au corps de Jésus-Christ, et le vin à son sang. Mais aussi comme nous devons demeurer en Jésus-Christ, et que Jésus-Christ doit demeurer en nous, on mêle au vin de l’eau dans le calice du Seigneur, car au témoignage de l’apôtre saint Jean, les eaux sont la figure des peuples (Ap 17). — Théophylacte : Le Sauveur distribue d’abord le pain, et puis ensuite le calice; en effet, dans la vie spirituelle, il faut commencer par les actions laborieuses [et pénibles] qui sont comme le pain, non seulement parce que nous ne devons manger notre pain qu’à la sueur de notre front (Gn 3), mais parce que le pain quand on le mange est d’une déglutition tant soit peu difficile. Ensuite aux fatigues de cette vie laborieuse, succède la joie produite par la grâce divine dont le calice est la figure. — S. Bède : Les Apôtres communièrent au corps de Jésus-Christ après la cène, parce qu’il fallait d’abord accomplir [et terminer] la pâque figurative avant de célébrer les mystères de la véritable pâque. Mais depuis, pour l’honneur d’un si grand sacrement, l’autorité de l’Église nous a ordonné de prendre tout d’abord cette nourriture spirituelle avant tout aliment terrestre. — Eutychius : (Patriar.) Or, celui qui communie reçoit tout le corps et tout le sang du Seigneur, alors même qu’il ne reçoit qu’une partie des espèces consacrées; car de même qu’un seul sceau imprime son empreinte tout entière sur plusieurs choses à la fois, et demeure intégralement le même après l’avoir communiquée, de même encore qu’une seule et même parole se fait entendre à un grand nombre, nous devons croire aussi sans hésiter que le corps et le sang du Seigneur sont tout entiers dans tous ceux qui communient. Quant à la fraction du pain consacré, elle est une figure de la passion. |
Lectio 6 [85946] Catena in Lc., cap. 22 l. 6 Augustinus de
Cons. Evang. Cum tradidisset dominus discipulis calicem, rursus de traditore
suo locutus est, dicens verumtamen ecce manus tradentis me, mecum est in
mensa. Theophylactus.
Quod dixit, non solum ut ostendat se scire futura, sed etiam ut ostendat
nobis propriam bonitatem, secundum quam non praetermisit quin prosequeretur ea
quae spectabant ad Deum : dat enim nobis exemplum ut usque ad finem satagamus
lucrari peccatores : et ut ostendat proditoris nequitiam, qui et conviva
fieri non erubuit. Chrysostomus.
Et particeps existens mysteriorum, conversus non est : fit enim scelus
eius utique immanius, tum quia tali proposito imbutus adiit mysteria, tum
quia adiens melior factus non fuit nec metu, nec beneficio, nec honore. Beda.
Et tamen non designat specialiter, manifestius correptus impudentior
fieret. Mittit autem crimen in numero, ut agat conscius poenitentiam.
Praedicit autem et poenam, ut quem pudor non vicerat, corrigant denuntiata
supplicia; unde sequitur et quidem filius hominis, secundum quod definitum
est, vadit. Chrysostomus.
Sed quia Iudas ea quae sunt scripta, prava intentione agebat, ne quis
putet eum innoxium tamquam dispensationis ministrum, subdit verumtamen vae
homini illi per quem tradetur. Beda.
Sed et vae homini illi qui ad mensam domini indignus accedens in exemplum
Iudae filium hominis tradit, non quidem Iudaeis, sed peccatoribus membris
suis. Et quamvis scirent undecim apostoli quod nihil contra dominum
cogitarent; quia tamen plus credunt magistro quam sibi timentes fragilitatem suam,
quaerunt de peccato, cuius conscientiam non habebant; sequitur enim et ipsi
coeperunt quaerere inter se quis esset ex eis qui hoc facturus esset. Basilius.
Sicut enim in corporalibus passionibus sunt multae quas non sentiunt
patientes, porro magis adhibent fidem coniecturae medicorum quam propriam
insensibilitatem attendant; sic et in animae passionibus si quis in se
peccatum non sentiat, credere tamen debet his qui plus possunt cognoscere sua
peccata. |
Versets 21-23.
— S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 3, 1) Après avoir distribué le calice è ses disciples, Notre Seigneur
parle de nouveau de celui qui devait le trahir : « Cependant voici que la main de celui qui me trahit est avec
moi à cette table. » — Théophylacte : Il tient ce langage, non seulement pour montrer qu’il connaît l’avenir, mais pour faire ressortir sa grande bonté, qui épuisa tous les moyens propres à détourner Judas de son dessein. C’est ainsi qu’il nous donne l’exemple du zèle avec lequel nous devons poursuivre jusqu’à la fin la conversion des pécheurs. Il veut aussi nous montrer la noire méchanceté de ce traître disciple qui ne rougit point de s’asseoir à la table de son Maître. — S. Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Matth.) La participation aux divins mystères ne le fait pas renoncer à son dessein; son crime n’en devient donc que plus monstrueux, et parce qu’il a osé s’approcher des saints mystères avec cette intention criminelle, et parce qu’il les reçoit sans en devenir meilleur, et en restant insensible à la crainte, aussi bien qu’à la reconnaissance et à l’honneur incomparable [que le Sauveur lui témoigne]. — S. Bède : Et cependant Jésus ne le désigne pas spécialement, de peur que ce reproche public ne le rende plus audacieux, et il parle en général de celui qui doit le trahir, pour toucher de repentir celui qui se sentira coupable. Il prédit en même temps le châtiment dont le traître sera puni, pour ramener par la perspective du supplice celui que la honte n’a pu fléchir : « Pour ce qui est du Fils de l’homme, il s’en va, selon ce qui a été décrété.» [— Théophylacte : Ce n’est pas qu’il n’eût pu se défendre lui-même, mais parce qu’il avait résolu de souffrir la mort pour le salut des hommes.] — S.
Jean Chrysostome : Quant à Judas, il accomplissait
les Écritures avec une pensée criminelle; gardons-nous de le justifier comme
ayant été l’instrument de la Providence; écoutons plutôt le Sauveur : « Cependant malheur à l’homme par
lequel il sera trahi ! » — S. Bède : Malheur aussi à l’homme qui s’approche indignement de la table du Seigneur, et qui, à l’exemple de Judas, trahit le Fils de l’homme, en le livrant non pas aux Juifs, mais à des membres souillés par le péché ! Les onze Apôtres savaient bien qu’ils ne méditaient rien contre leur divin Maître; néanmoins ils s’en rapportent plus volontiers à son témoignage, qu’à celui de leur conscience, et la crainte de leur faiblesse leur fait se demander s’ils ne sont pas coupables d’une faute qu’ils ne découvrent point en eux-mêmes : « Et ils commencèrent à se demander les uns aux autres qui pouvait bien être celui d’entre eux qui allait faire cela.» — S. Basile : (règ. aarég. quest. 301.) Parmi les maladies du corps, il en est qui ne sont point senties par ceux mêmes qui en sont atteints, et ils ont plus de foi aux conjectures des médecins qu’à leur propre insensibilité. Il en est de même pour les maladies de l’âme, celui qui ne se sent point coupable, doit s’en rapporter plus volontiers au témoignage de ceux qui peuvent mieux connaître l’état de son âme. |
Lectio 7 [85947] Catena in Lc., cap. 22 l. 7 Theophylactus. Cum inter se quaererent quis esset dominum
traditurus, consequens erat ad invicem sibi dicere : tu proditurus es; et ex
hoc coacti sunt dicere : ego potior, ego maior, et similia; unde dicitur :
facta est autem et contentio inter eos, quis eorum videretur esse maior. Graecus.
Vel haec contentio videtur habuisse motivum, quod cum dominus ab hominibus
transmigraret, oportebat aliquem eorum fieri aliorum principem, quasi domini
vicem gerentem. Beda.
Sicut autem boni in Scripturis exempla patrum, quibus proficiant et
humilientur, requirunt; sic reprobi, si quid forte in electis reprehensibile
repererint, quasi suas ex eo nequitias obtecturi, libenter solent amplecti.
Ideo multi ardentius legunt quod facta est contentio inter discipulos Christi.
Ambrosius.
Si enim contendebant apostoli, non excusationi obtenditur, sed cautioni
proponitur. Caveamus ergo ne in perditionem aliqua inter nos de praelatione
possit esse contentio. Beda.
Potius autem videamus, non quid carnales adhuc discipuli gesserint, sed
quid iusserit spiritalis magister; sequitur enim dixit autem eis : reges
gentium dominantur eorum. Chrysostomus.
Gentilium meminit, ut ex hoc rem vituperandam ostendat : gentilium enim
est ambire primatum. Cyrillus.
Sed et blandi sermones eis offeruntur a subditis; unde sequitur et qui
potestatem habent super eos, benefici vocantur. Sed illi quidem quasi
extorres a sacris legibus, huiusmodi subiacent morbis; vestrum autem culmen
est in humilitate; unde sequitur vos autem non sic; sed qui maior est in
vobis, fiat sicut minor. Basilius.
Non ergo extollat praesidentem dignitas, ne ab humilitatis beatitudine
corruat. Illud autem noverit quod humilitas vera ministerium plurium est. Sicut
enim qui pluribus ministrat vulneratis, et abstergit cuiuslibet vulneris
saniem, non sumit ministerium in causam elationis; sic multo magis cui
commissae sunt curae fraternorum languorum, ut omnium minister redditurus pro
omnibus rationem, cogitare debet, et esse sollicitus; et sic qui maior est,
fiat sicut minor. Decet autem et corporale obsequium ab his qui praesident
offerri, exemplo domini lavantis pedes discipulorum; unde sequitur et qui
praecessor est, sicut ministrator. Non est autem timendum ne in subdito
solvatur humilitatis propositum dum ei a maiori servitur, sed imitatione
panditur humilitas. Ambrosius.
Contuendum est autem, quia non omnis honorificentiae studio humilitas
definitur : potes enim deferre alicui propter saeculi gratiam, potentiae
metum, utilitatisque contuitum : tua aedificatio quaeritur, non alterius
honor; et ideo una datur omnibus forma sententiae, ut non de praelatione
iactantia sit, sed de humilitate contentio. Beda.
In hac tamen forma a domino tradita maiores non minima discretione opus
habent; ne scilicet, ad instar regum gentium, dominari subiectis, seque ab
eis gaudeant laudibus attolli : et tamen contra delinquentium vitia per zelum
iustitiae sint erecti. Ad verba autem exhortationis, suimet adiungit exemplum;
unde sequitur nam quis maior est : qui recumbit, an qui ministrat? Nonne qui
recumbit? Ego autem in medio vestrum sum, sicut qui ministrat. Chrysostomus.
Quasi dicat : non putes discipulum tui egere, te vero non illius : ego enim,
qui nullo egeo, quo universa egent caelestia et terrestria, ad ministerialem
gradum condescendi. Theophylactus.
Ostendit autem se ministrantem eis, cum panem et calicem distribuit, cuius
ministerii mentionem facit, rememorans eos quod si de eodem pane comederunt
et de eodem calice biberunt, si ipse Christus omnibus ministravit, unum
debent omnes sentire. Beda.
Vel loquitur de ministerio quo secundum Ioannem eorum pedes lavit dominus
et magister : quamvis etiam verbo ministrandi possint omnia quae in carne
gessit intelligi; sed et suum sanguinem se pro nobis effundere ministrando
significat. |
Versets 24-27.
—
Théophylacte : Ils venaient de rechercher entre eux
quel était celui qui trahirait le Seigneur, il était donc naturel de les
entendre se dire l’un à l’autre : « C’est vous qui le trahirez, »
et de tirer cette conclusion : « Je suis le premier, c’est moi qui suis
le plus grand, » et autres choses semblables. C’est ce que raconte
l’Évangéliste : « Il s’éleva aussi
parmi eux une contestation, lequel d’entre eux devait être estimé le plus
grand. » — Apollinaire : (Chronique des Pères grecs) Ou encore, la cause de cette contestation put venir de ce que le Seigneur devant bientôt quitter la terre, il fallait que l’un d’eux fût mis à la tête des autres, et tînt la place du Sauveur. — S. Bède : Or, de même que les bons cherchent dans les Écritures les exemples de nos pères dans la foi qui peuvent augmenter en eux le zèle pour la perfection et l’humilité, de même aussi les méchants saisissent avec joie ce qu’il peut y avoir de répréhensible dans la conduite des élus, pour autoriser et couvrir leurs propres fautes. Aussi sont-ils enchantés de lire qu’une contestation s’éleva entre les disciples de Jésus-Christ. — S. Ambroise : La conduite des Apôtres dans cette circonstance, n’est point pour nous une excuse, mais un avertissement. Veillons donc à ce qu’aucune contestation sur la préséance ne s’élève entre nous pour notre perte. — S. Bède : Considérons plutôt, non ce que les Apôtres ont fait poussés par un sentiment tout humain, mais la recommandation que leur a faite leur divin Maître : « Il leur dit : Les rois des nations leur commandent en maîtres, » etc… — S. Jean Chrysostome : (hom. 66 sur Matth.) Il dit : « Les rois des nations, » ce qui déjà est un préjugé défavorable contre l’action dont il s’agit; car c’était le défaut dominant des païens d’ambitionner la primauté. — S. Cyrille : Ajoutons que leurs sujets leur adressent des paroles de flatterie : « Et ceux qui exercent sur elles l’autorité, sont appelés bienfaiteurs. » Comme ils sont étrangers à toutes les lois divines, ils sont en proie à toutes ces passions funestes; mais pour vous, votre grandeur sera dans la pratique de l’humilité : « Mais pour vous, il n’en sera pas ainsi, que le plus grand parmi vous devienne comme le plus petit.» — S. Basile : (rég. dévelop., quest. 30 et 31.) Que personne donc ne s’enorgueillisse de la préséance, s’il ne veut perdre le mérite et la récompense de la béatitude promise à l’humilité (Mt 5), et qu’il sache que la véritable humilité nous porte à être le serviteur de tous nos frères. Or, de même que celui qui est chargé du soin d’un grand nombre de blessés, et qui étanche le sang de leurs plaies, ne s’enorgueillit point des services qu’il leur rend, à plus forte raison celui à qui Dieu a confié le soin de guérir les langueurs spirituelles de ses frères, et qui doit, comme serviteur de tous, rendre compte de tout au tribunal de Dieu, doit veiller avec le plus grand soin sur lui-même, et ainsi : « Celui qui est le plus grand, doit être comme le moindre. » Il est juste encore que ceux qui sont à la tête des autres, leur rendent des services même corporels, à l’exemple de Notre Seigneur qui a lavé les pieds de ses disciples : « Et celui qui a la préséance doit être comme celui qui sert. » Il n’est pas à craindre que cette condescendance du supérieur ne détruise l’humilité dans l’inférieur, c’est au contraire pour lui une éclatante leçon d’humilité. — S. Ambroise : Remarquez que l’humilité ne consiste pas seulement dans les marques d’honneur que vous témoignez aux autres; car vous pouvez agir en cela pour obtenir la faveur du monde, par crainte de ceux qui ont la puissance, ou par un motif d’intérêt personnel; vous cherchez alors votre avantage, plutôt que l’honneur des autres; aussi Notre Seigneur formule-t-il pour tous la même règle qui défend toute recherche de la préséance, et ne permet que les saintes luttes de l’humilité. — S.
Bède : Pour suivre cette règle que prescrit le
Seigneur, les supérieurs ont besoin d’un grand discernement, ils doivent
éviter l’esprit de domination sur leurs inférieurs, ce qui est le propre des
rois des nations, et la vaine complaisance dans les louanges qui leur sont
données, sans cesser néanmoins d’être animés du zèle de la justice contre les
vices des coupables. Le Sauveur confirme ensuite cette exhortation par son
exemple : « Car quel est le plus
grand, celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui
est à table ? Et moi cependant je suis au milieu de vous comme celui qui
sert. » — S. Jean Chrysostome : Paroles qui reviennent à celles-ci : Ne croyez pas que vos inférieurs aient besoin de vous, tandis que pour vous, vous en êtes complètement indépendants; car moi-même, qui n’ai besoin de personne, de qui, au contraire, toutes les créatures du ciel et de la terre ont besoin, je suis descendu au rang de serviteur. — Théophylacte : Il a exercé à leur égard les fonctions de serviteur, lorsqu’il leur a distribué le pain sacré et le calice, et il fait mention de ce fait pour leur rappeler que puisqu’ils ont mangé au même pain et bu au même calice, ils doivent tous faire profession des mêmes sentiments que Jésus-Christ, qui n’a point dédaigné de se rendre leur serviteur. — S. Bède : Ou encore, il veut parler de l’[humble] office qu’il a rempli en leur lavant les pieds, lui leur Maître et Seigneur. (Jn 13, 34.) On pourrait encore appliquer cet office de serviteur à toutes les actions de sa vie mortelle. Enfin, on peut aussi l’entendre du sang qu’il a répandu sur la croix pour notre salut. |
Lectio 8 [85948] Catena in Lc., cap. 22 l. 8 Theophylactus. Sicut dominus proditori praenuntiaverat
vae, sic discipulis remanentibus e contrario bona praenuntiat, dicens vos autem
estis qui permansistis mecum in tentationibus meis. Beda.
Non enim inchoatio patientis, sed perseverantia, caelestis regni gloria
donatur : quia perseverantiam, quae constantia, seu fortitudo mentis vocatur,
dicimus esse cunctarum columnam virtutum. Filius ergo Dei secum permanentes
in tentationibus aeternum ducit ad regnum. Si enim complantati facti sumus
similitudini mortis eius, simul et resurrectionis erimus; unde sequitur et
ego dispono vobis, sicut disposuit mihi pater meus regnum. Ambrosius.
Regnum Dei non est de hoc mundo. Non autem aequalitas ad dominum, sed
similitudinis aemulatio est : solus enim Christus plena imago Dei est,
propter expressam in se paternae claritudinis unitatem; iustus autem homo ad
imaginem Dei est, si propter imitandam divinae conversationis similitudinem,
mundum hunc Dei cognitione contemnat : unde et corpus Christi edimus, ut
vitae aeternae possimus esse participes; propter quod sequitur ut edatis et
bibatis super mensam meam in regno meo. Non enim victus et potus vobis
praemii loco spondetur; sed communicatio gratiae caelestis et vitae. Beda.
Vel mensa proposita omnibus sanctis ad fruendum, caelestis est gloria
vitae; qua, qui esuriunt et sitiunt iustitiam, saturabuntur, fruendo
desiderato gaudio veri boni. Theophylactus.
Non autem hoc dixit quasi futuris illis corporalibus escis, et quasi regno
suo sensibili futuro : erit enim illic angelica conversatio, sicut Sadducaeis
praedixit. Sed et Paulus dicit non esse regnum Dei escam et potum. Cyrillus.
Sed ex his quae sunt apud nos, spiritualia designat : nam praerogativa
quadam funguntur apud reges terrenos qui eis quasi convivae consident. Ex
humano ergo iudicio ostendit qui apud eum in primis honoribus statuentur.
Beda.
Haec est enim immutatio dexterae excelsi, ut qui nunc humiles gaudent
ministrare conservis, tunc super domini mensam sublimes, vitae perpetuae
dapibus alantur; et qui hic in tentationibus iniuste iudicati, cum domino
permanent, illic cum eo super tentatores suos iusti iudices veniant; unde sequitur
et sedeatis super thronos duodecim, iudicantes duodecim tribus Israel. Theophylactus.
Hoc est, condemnantes ex duodecim tribus infideles. Ambrosius.
Non autem duodecim throni tamquam aliqua corporalis sunt receptacula
sessionis; sed quia secundum divinam similitudinem iudicat Christus
cognitione cordium, non interrogatione factorum, virtutem remunerans,
impietatem condemnans; ita apostoli in iudicium spiritale formantur
remuneratione fidei, execratione perfidiae, virtute errorem redarguentes, sacrilegos
odio persequentes. Chrysostomus.
Numquid autem illic sedebit et Iudas? Sed considera, quod lex est data a
Deo per Ieremiam : si quid boni promisero, si censearis indignus, mulctabo
te. Et ideo loquens cum discipulis, non simpliciter promisit, sed addidit qui
permansistis mecum in tentationibus. Beda.
Ab eius ergo sublimitate promissi Iudas excipitur : nam et antequam haec
dominus diceret, exisse credendus est : excipiuntur et illi quicumque,
auditis incomprehensibilis sacramenti verbis, abierunt retro. |
Versets 28-30.
— Théophylacte : De même que Notre Seigneur avait dit « malheur au traître », il promet des récompenses aux disciples qui lui resteront fidèles : « Pour vous, vous êtes demeurés avec moi dans mes tentations, » etc. — S. Bède : Ce n’est point aux premiers essais de la vertu de patience, mais à la persévérance qu’est donnée la gloire du royaume des cieux; parce qu’en effet, la persévérance (qui est aussi appelée constance ou force d’âme), est comme [la base et] la colonne de toutes les vertus, Ce sont donc ceux qui ont persévéré avec lui dans les tentations, que le Fils de Dieu fait entrer dans son royaume éternel; car si nous sommes implantés en lui pour la ressemblance de sa mort, nous y serons aussi entés pour sa résurrection (Rm 6, 8), comme l’ajoute le Sauveur : « Et moi, je vous attribue la royauté, comme mon Père me l’a attribuée. » — S. Ambroise : Le royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Remarquons ici que l’homme ne doit pas ambitionner la parfaite égalité avec Dieu, mais seulement la ressemblance avec lui; car Jésus-Christ seul est la parfaite image de Dieu, parce qu’il reproduit en lui l’unité de la gloire du Père. L’homme juste porte en lui l’image de Dieu, lorsque la connaissance de Dieu le porte à mépriser le monde pour reproduire en lui la ressemblance de la vie divine. Or, nous mangeons le corps de Jésus-Christ afin de pouvoir participer à la vie éternelle, suivant la promesse du Sauveur : « afin que vous mangiez et que vous buviez à ma table dans mon royaume. » Ce que Jésus-Christ nous promet ici pour récompense, n’est ni le manger, ni le boire, mais la communication de la grâce et de la vie des cieux. — S. Bède : Ou encore, cette table qui est préparée à tous les saints pour qu’ils en jouissent, c’est la gloire elle-même de la vie des cieux, dont ceux qui ont eu faim et soif de la justice seront rassasiés, par la pleine jouissance du vrai bien, objet de tous leurs désirs. — Théophylacte : Ces paroles du Sauveur ne signifient donc point qu’il y aura dans les cieux des aliments matériels, ni que son royaume doit être [extérieur et] sensible; car la vie des élus sera semblable à celle des anges, comme il l’a prédit lui-même aux sadducéens (Mt 22; Lc 20); et saint Paul, d’ailleurs, nous déclare que le royaume de Dieu n’est ni dans le manger ni dans le boire (Rm 14, 17). — S. Cyrille : Notre Seigneur explique les vérités spirituelles par des comparaisons prises dans ce qui se passe au milieu de nous. En effet, ceux qui s’asseoient à la table des rois de la terre, jouissent auprès d’eux de certaines prérogatives, et c’est par cet usage qu’il veut nous faire comprendre ceux qui auront part aux premiers honneurs dans son royaume. — S. Bède : C’est la droite du Très-Haut qui opère cette transformation (Ps 117); elle fait asseoir à la table des cieux pour les nourrir des mets de la vie éternelle ceux qui sur la terre se sont fait gloire d’être les humbles serviteurs de leurs frères; et elle établit les justes juges de leurs persécuteurs, ceux qui sont restés fidèles au Seigneur au milieu des tentations et des injustes jugements des hommes : « et que vous siégiez sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. » — Théophylacte : C’est-à-dire pour condamner dans les douze tribus ceux qui auront persévéré dans l’infidélité. — S. Ambroise : Ces douze trônes ne sont point des siéges matériels [et sensibles] comme ceux dont se servent les hommes pour s’asseoir; mais il faut les entendre dans ce sens, que de même que Jésus-Christ juge en vertu de son égalité avec Dieu, récompense la vertu et punit l’impiété par la seule connaissance qu’il a des coeurs, et sans avoir besoin de discuter les actions; ainsi les Apôtres entreront en participation de ce jugement tout spirituel, par les louanges qu’ils donneront à la foi et l’horreur qu’ils témoigneront pour l’infidélité, en condamnant l’erreur par l’exemple de leur vertu, et en poursuivant de leur haine le crime des sacrilèges. — S. Jean Chrysostome : (hom. 65 sur Matth.) Mais est-ce que Judas prendra place aussi avec les autres Apôtres ? Non, sans doute, écoutez la loi que Dieu proclame par la bouche du prophète Jérémie : « Lorsque j’aurai promis quelque bien ou quelque faveur, si vous vous en rendez indigne, je vous châtierai (Jr 18, 9.10). » Aussi, quand il s’adresse ainsi à ses disciples, la promesse du Sauveur n’est pas absolue, mais conditionnelle : « Vous qui avez persévéré avec moi dans les tentations. » — S. Bède : Judas est donc exclus de ces magnifiques promesses; il faut d’ailleurs admettre qu’il était sorti avant ces paroles de Notre Seigneur. Nous devons aussi excepter de ces promesses ceux qui se retirèrent de Jésus [et ne marchèrent plus avec lui] après qu’ils l’eurent entendu parler de l’incompréhensible sacrement de son corps et de son sang. (Jn 6, 67.) |
Lectio 9 [85949] Catena in Lc., cap. 22 l. 9 Beda.
Ne gloriarentur undecim apostoli, et suis viribus tribuerent quod soli
pene inter tot millia Iudaeorum dicerentur in tentationibus permansisse cum
domino, ostendit, eos si non iuvantis se domini essent opitulatione protecti,
eadem procella cum ceteris potuisse conteri; unde sequitur ait autem dominus
Simoni : Simon, ecce Satanas expetivit vos, ut cribraret sicut triticum;
idest, expetivit vos tentare, et, velut qui triticum purgat, ventilando
concutere : in quo docet nullius fidem a Diabolo, nisi Deo permittente
tentari. Theophylactus.
Hoc autem Petro dixit, eo quod fortior aliis erat, et superbire poterat in
his quae promissa erant a Christo. Cyrillus.
Vel ut ostendat quod homines nihil existentes, quantum pertinet ad humanam
naturam et lubricum mentis nostrae, non decet ut praeesse ceteris velint; et
ideo omissis ceteris, venit ad Petrum ceteris praelatum; unde sequitur ego
autem rogavi pro te, ut non deficiat fides tua. Chrysostomus.
Non autem dixit ego permisi, sed oravi : humiliter enim loquitur tendens
ad passionem, ut humilitatem demonstret; nam qui non deprecatione, sed
imperio dixerat : super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam; et : tibi dabo
claves regni caelorum; quomodo opus habebat oratione, ut concitatam unius
hominis animam coerceret? Non autem dixit : rogavi, ut non neges, sed ne
deseras fidem. Theophylactus.
Nam et si paululum agitandus sis, habes tamen reconditum semen fidei : quamvis
deiecerit folia spiritus tentatoris, viget tamen radix. Petit ergo Satanas te
laedere tamquam invidens tibi de mea dilectione; sed quamvis egomet pro te
sim deprecatus, tu tamen delinques; unde sequitur et tu aliquando conversus
confirma fratres tuos; quasi dicat : postquam me negato ploraveris, ac
poenitueris, corrobora ceteros; cum te principem apostolorum deputaverim :
hoc enim decet te qui mecum robur es et petra Ecclesiae. Hoc autem
intelligendum est non solum de apostolis qui tunc erant, ut roborarentur a
Petro; sed et de omnibus qui usque ad finem mundi futuri sunt fidelibus : ne
scilicet aliquis credentium diffidat, videns eum qui, cum esset apostolus,
denegavit, ac iterum per poenitentiam obtinuit praerogativam, ut esset
antistes mundi. Admirare
igitur exuberantiam divinae patientiae : ne diffidere discipulum faceret,
nondum patrato crimine largitus est veniam, ac iterum ipsum in apostolico
gradu restituit, dicens confirma fratres tuos. Beda.
Quasi dicat : sicut ego tuam fidem ne deficiat orando protexi, ita tu
infirmiores fratres, ne de venia desperent, confortare memento. Ambrosius.
Cave ergo iactantiam, cave saeculum. Ille iubetur confirmare fratres suos
qui dixit : omnia reliquimus, et secuti sumus te. Beda.
Quia vero se dominus dixerat pro fide Petri rogasse, conscius ille
praesentis affectus, fideique ferventis, sed futuri casus nescius, non credit
se ullatenus ab eo posse deficere; unde sequitur qui dixit ei : domine, tecum
paratus sum et in carcerem et in mortem ire. Theophylactus.
Prae nimia quidem dilectione flammescit et impossibilia sibi pollicetur.
Decebat autem, audito semel a veritate quod tentandus esset, non amplius
contendere. Sed dominus videns eum praesumptuose loquentem, promit
tentationis speciem, scilicet quod negaturus esset; unde sequitur et ille
dixit : dico tibi, Petre, non cantabit hodie gallus, donec ter abneges nosse
me. Ambrosius.
Petrus quidem, etsi spiritu promptus, corporis tamen adhuc infirmus
affectu, denuntiatur dominum negaturus : neque enim poterat divinae
constantiam intentionis aequare. Passio domini aemulos habet, pares non habet.
Theophylactus.
Hinc autem magnam doctrinam haurimus : quod non sufficit humanum
propositum absque divino subsidio. Petrus enim, quamvis fervens esset,
derelictus tamen a Deo, supplantatus fuit ab hoste. Beda.
Sciendum autem, quod Deo permittente, timorati lapsum patiuntur quandoque
ad fastus praecedentis remedium. Sed quamvis idem videatur esse delictum
timorati et aliorum, refert non modicum : nam timoratus ex quibusdam insidiis
et pene prout noluit, peccavit; alii vero nullam gerendo curam neque sui,
neque Dei, peccant, non distinguentes inter peccare et agere virtuose. Unde
reor et iussionis modum in eis debere fore diversum : nam timoratus quodam
iuvamine indigens, circa eamdem rem erga quam peccavit, iussa debet perferre;
alii vero cum totum bonum animae destruxerint, affligi et moneri, et
praeceptis subici debent, quousque ratum sit illis Deum iustum iudicem esse,
et contremiscant. Augustinus
de Cons. Evang. Hoc autem quod hic dicitur de Petri negatione praedicta,
omnes quidem Evangelistae commemorant; sed non omnes ex una eademque
occasione sermonis ad eam commemorandam veniunt : nam Matthaeus et Marcus eam
subnectunt postea quam dominus egressus est ex illa domo ubi manducaverant
Pascha; Lucas vero et Ioannes antequam inde esset egressus. Sed facile
possemus intelligere aut illos duos ea recapitulando posuisse, aut istos
praeoccupando; nisi magis moveret quod tam diversa non tantum verba, sed
etiam sententias domini praemittunt, quibus permotus Petrus illam
praesumptionem praeferret, vel pro domino vel cum domino moriendi, ut magis
cogant intelligi, ter eum expressisse praesumptionem suam diversis locis
sermonis Christi, et ter illi a domino responsum, quod eum ante galli cantum
ter esset negaturus. |
Versets 31-34.
— S. Bède : Dans la crainte que les onze Apôtres ne se laissent aller à un sentiment d’orgueil et n’attribuent à leurs propres forces d’avoir été presque les seuls de tant de milliers de Juifs pour demeurer avec le Seigneur au milieu des tentations, le Sauveur leur déclare que s’ils n’avaient été protégés et soutenus par l’assistance divine, ils eussent été brisés comme les autres par la même tempête : « Le Seigneur dit encore : ‘Simon, Simon, voilà que Satan vous a demandés pour vous cribler comme le froment’, » etc. C’est-à-dire qu’il a demandé à vous tenter et à vous secouer, comme on secoue le froment pour le cribler, paroles qui nous apprennent que le démon ne peut tenter la foi de personne sans la permission de Dieu. — Théophylacte : Il s’adresse à Pierre, parce qu’il était plus fort que les autres, et qu’il pouvait s’enorgueillir des promesses que Jésus-Christ lui avait faites. — S. Cyrille : Ou encore, il veut nous apprendre que les hommes qui ne sont rien (tant par leur nature que par la faiblesse de leur esprit), doivent fuir tout désir de domination sur leurs frères, c’est pour cela que, laissant tous les autres disciples, il s’adresse à Pierre qui avait été placé à leur tête : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. » — S. Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Matth.) Il ne dit pas : J’ai voulu, mais : « J’ai prié, » langage plein d’humilité qu’il tient aux approches de sa passion, pour prouver la bassesse de sa nature humaine. Car comment supposer que celui qui, sans recourir à la prière, avait dit avec le ton du commandement : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église, et je te donnerai les clefs du royaume des cieux, » ait eu besoin de la prière pour confirmer dans la foi l’âme chancelante d’un homme ? Il ne lui dit pas non plus : « J’ai prié », afin que tu ne me renies point, mais afin que tu ne perdes point la foi. — Théophylacte : Tu seras, il est vrai, ébranlé pour un moment, mais tu conserveras la semence de la foi que j’ai déposée dans ton âme; le vent du tentateur fera tomber les feuilles, mais la racine demeurera ferme. Satan, jaloux de l’amour que je te porte, demande et cherche à te nuire, et bien que j’aie prié pour toi, tu ne laisseras pas de succomber à ses attaques : « Et quand tu seras converti, confirme tes frères. » C’est-à-dire : après que tu auras expié dans les larmes et dans la pénitence le crime de m’avoir renié, confirme tes frères, toi que j’ai établi le prince des Apôtres; c’est là ton devoir, comme étant avec moi la force et la pierre fondamentale de l’Église. Il faut comprendre que ce ne sont point seulement les Apôtres qui vivaient alors que Pierre devait fortifier, mais tous les fidèles qui se succéderont jusqu’à la fin du monde. Que personne donc, parmi les croyants, ne perde confiance en voyant cet Apôtre renier son divin Maître, et recouvrer ensuite par la pénitence la sublime prérogative qui fait de lui le souverain Pontife du monde entier. — S.
Cyrille : Admirez ici la patience vraiment
inépuisable de Dieu, pour empêcher son disciple de tomber dans la défiance
[et le désespoir], il lui promet le pardon avant même qu’il ait commis son
crime, et il le rétablit ensuite dans tous les droits de sa dignité d’Apôtre,
en lui disant : « [Et toi, quand tu seras converti], confirme tes
frères. » — S. Bède : C’est-à-dire : j’ai préservé ta foi par mes prières, afin qu’elle ne vint point à défaillir. Souviens-toi donc aussi de fortifier la faiblesse de tes frères, afin qu’ils ne désespèrent point du pardon. — S. Athanase : ou S. Ambroise : Gardez-vous donc de tout sentiment d’orgueil, gardez-vous du monde, c’est à celui qui a dit : « Nous avons tout quitté pour vous suivre, » (Mt 19) que Notre Seigneur commande de confirmer ses frères. — S. Bède : Le Seigneur ayant promis à Pierre qu’il prierait, pour que sa foi ne vînt pas à défaillir, cet Apôtre, plein de confiance dans l’amour qu’il ressent pour le Sauveur, dans la ferveur de sa foi, et ne prévoyant point la chute [lamentable] qu’il va faire, ne peut croire qu’il puisse jamais être infidèle à son maître : « Pierre lui dit : Seigneur, je suis prêt à aller avec vous en prison et à la mort. » — Théophylacte : L’excès de son amour l’enflamme et lui fait promettre l’impossible, tandis qu’il aurait dû ne point s’obstiner, en entendant la Vérité même lui prédire qu’il succomberait à la tentation. Or, le Seigneur voyant ce langage présomptueux, lui précise la tentation à laquelle il doit succomber; et lui prédit qu’il le reniera « Jésus lui répondit : ‘Je te le dis, Pierre, le coq ne chantera point aujourd’hui que tu ne m’aies renié’ ». — S. Athanase : ou S. Ambroise : Le Sauveur prédit à Pierre, dont l’esprit était prompt mais dont la chair était encore faible, qu’il le renierait, car il ne pouvait égaler [le courage et] la force d’âme de son divin Maître. Notre Seigneur, dans sa passion, peut avoir des imitateurs mais pas d’égaux. — Théophylacte : Il nous donne ici une grande leçon, c’est que la volonté de l’homme ne peut rien sans le secours de Dieu. Pierre, en effet, malgré toute sa ferveur, fut abandonné de Dieu, et vaincu par l’ennemi du salut. — S. Basile : (Régl. abrég., guest. 8.) ou S. Bède : Il est bon de savoir que Dieu permet quelquefois que les justes eux-mêmes fassent des chutes pour les guérir de l’orgueil dont ils se sont précédemment rendus coupables. Bien que leurs fautes paraissent avoir les mêmes caractères que celles des autres, il y a cependant une grande différence : le juste, en effet, pèche comme par surprise, et presque sans le vouloir, tandis que les autres pèchent sans prendre aucun souci, ni d’eux-mêmes, ni de Dieu, et ne mettent même aucune distinction entre le péché et la vertu. Aussi, à mon avis, ne doivent-ils pas être repris de la même manière, l’âme timorée a besoin d’être soutenue, et la réprimande qui lui est faite doit se borner à la faute qu’elle a commise. Quant aux autres, au contraire, qui ont détruit dans leur âme tout ce qu’il y avait de bien, il faut les soumettre aux châtiments, aux avertissements, aux reproches sévères, jusqu’à ce qu’ils comprennent qu’ils ont pour juge un Dieu juste, et qu’ils en conçoivent une crainte salutaire. — S. Ambroise : (De l’acc. des Evang., 3, 2) ou S. Augustin : Tous les évangélistes racontent cette prédiction que le Sauveur fit à Pierre, qu’il le renierait, mais tous ne la racontent pas dans les mêmes circonstances. Saint Matthieu et saint Marc placent cette prédiction après que Notre Seigneur fût sorti de la maison où il avait mangé la pâque; saint Luc et saint Jean, avant qu’il en fût sorti. Il nous serait facile de les concilier en disant que les deux derniers racontent cette prédiction, comme par récapitulation, et les deux autres par anticipation, si nous n’étions arrêtés par les paroles si diverses du Sauveur, et par les avertissements si différents, qui donnent lieu à Pierre de faire cette promesse si téméraire de mourir pour son Maître ou avec son Maître; ce qui nous force d’admettre que Pierre fit éclater trois fois sa confiance présomptueuse à l’occasion de trois divers discours du Seigneur, et qu’à trois reprises, le Seigneur lui répondit qu’il le renierait trois fois avant que le coq eût chanté. |
Lectio 10 [85950] Catena in Lc., cap. 22 l. 10 Cyrillus.
Praedixerat autem dominus Petro quod eum esset negaturus, tempore scilicet
suae captionis; sed quia semel facta est mentio de captione eius,
consequenter nuntiat supervenientem contra Iudaeos conflictum; unde dicitur
et dixit eis : quando misi vos sine sacculo, et pera, et calceamentis,
numquid aliquid defuit vobis? Miserat enim salvator sanctos apostolos
praedicare civitatibus et oppidis regnum caelorum, praecipiens ut euntes
nullius corporalium curam gererent, sed in eo totam spem vivendi reponerent.
Chrysostomus.
Sicut autem qui docent natare, circa principium quidem manus suas
supponentes, attentius sustentant suos discipulos, postea vero plerumque
manum abstrahentes iubent ut sibi opitulentur, quinimmo et paululum emergi
permittunt; ita et Christus fecit discipulis. In
exordiis quidem praesto in cunctis eis aderat, parans eis uberrime
affluentiam omnium; unde sequitur at illi dixerunt : nihil. At
ubi oportebat et proprias vires ostendere, subtraxit eis aliquantulum
gratiam, iubens eis ex se nonnulla peragere; unde sequitur dixit ergo eis :
sed nunc qui habet sacculum, quo scilicet portatur pecunia, tollat similiter
et peram, qua scilicet portantur cibaria. Et quidem quando nec calceamenta,
nec zonam habebant, nec baculum, nec aes, nullius passi sunt penuriam; ut
autem marsupium concessit eis, et peram, esurire videntur, et sitire, et
nuditatem pati; ac si eis diceret : hactenus cuncta vobis uberrime
affluebant; nunc autem volo vos et inopiam experiri : ideoque non addico
necessitati pristinae legis, sed mando et loculum habere et peram. Poterat
autem et Deus usque in finem eos in tanta constituere copia; sed noluit ob
multas causas : primo quidem ut nihil sibi tribuerent, sed recognoscerent
totum emanasse divinitus; secundo ut moderari sibi sciant; tertio ne maiora
de se opinentur. Horum igitur causa permittens eos incurrere multa
inopinatorum, relaxavit prioris legis rigorem, ne gravis et intolerabilis
fieret eis vita. Beda.
Non enim eadem vivendi regula persecutionis qua pacis tempore discipulos
informat. Missis quidem discipulis ad praedicandum, ne quid tollerent in via,
praecepit, ordinans scilicet ut qui Evangelium nuntiat, de Evangelio vivat.
Instante vero mortis articulo, et tota illa gente pastorem simul et gregem
persequente, congruam tempori regulam decernit, permittens ut tollant victui
necessaria, donec, sopita insania persecutorum, tempus evangelizandi redeat :
ubi nobis quoque dat exemplum, iusta nonnunquam causa instante, quaedam de
nostri propositi rigore posse sine culpa intermitti. Augustinus
contra Faustum. Nulla ergo inconstantia praecipientis, sed ratione
dispensantis, pro temporum diversitate praecepta, vel consilia, vel permissa
mutantur. Ambrosius.
Qui autem ferire prohibet, cur emere gladium iubet, nisi forte ut sit
parata defensio, non ultio necessaria, et videatur potuisse vindicari, sed
noluisse? Unde sequitur et qui non habet, scilicet sacculum, vendat tunicam
suam, et emat gladium. Chrysostomus.
Quid est hoc? Qui dixerat : si quis te percusserit in dextera gena, vertas
ei et aliam; nunc armat discipulos, et solo gladio : nam si penitus armare
decebat, non solum oportebat gladium possidere, sed et scuta et galeas. Sed
et si mille huiusmodi possiderent arma, pro tot insultibus et insidiis
populorum, tyrannorum, urbium, nationum, qualiter undecim comparerent, et ex
solo aspectu agminum non contremiscerent, nutriti in stagnis et fluviis? Non
ergo putemus eum iussisse ut gladios possiderent; sed per gladios innuit
imminentes insidias Iudaeorum; unde sequitur dico enim vobis, quoniam adhuc
hoc quod scriptum est oportet impleri in me : et cum iniquis deputatus est.
Theophylactus.
Cum enim ipsi inter se supra de praerogativis contenderint : non est, inquit,
tempus praerogativarum, immo periculorum et caedium : nam ego magister vester
ducor ad mortem non honorabilem, cum impiis deputandus; etenim ea quae sunt
de me, scilicet praedicta, finem habent, idest impletionem. Volens ergo
violentum insultum innuere, meminit gladii : nec prorsus revelavit, ne
tangerentur acedia; nec prorsus obticuit, ne repentinis aggressibus
fluctuarent; sed postea recolentes mirarentur quomodo se ipsum pretium
exhibuit passioni pro salute humana. Basilius.
Vel dominus non iubet portare marsupium et peram et emere gladium; sed
praedicit futurum, quod scilicet apostoli obliti temporis passionis, donorum
et legis domini, auderent sumere gladios : saepius enim Scriptura utitur
imperativa sermonis specie loco prophetiae. In pluribus tamen libris non
invenitur accipiat, tollat, vel emat; sed tollet et emet. Theophylactus.
Vel per hoc praenuntiat eis quod incurrerent famem et sitim, quod innuit
per peram; et adversitates nonnullas, quod innuit per gladium. Vel aliter.
Quod dominus dicit qui habet sacculum, tollat similiter et peram, videtur
sermo ad discipulos fieri; sed revera respicit quamlibet Iudaei personam;
quasi dicat : si quis Iudaeorum abundat facultatibus, congestis omnibus
fugiat; si autem quis ultima oppressus penuria colit regionem, hic etiam
amictum vendat et gladium emat : invadet enim eos intolerabilis impetus
pugnae, ut nihil ad resistendum sufficiat. Deinde pandit horum malorum causam
: quia scilicet passus est poenam profanis debitam, cum latronibus
crucifixus. Et cum ad hoc perventum fuerit, sumet finem verbum
dispensationis; persecutoribus autem accident quae a prophetis sunt
praedicta. Haec igitur dominus praedixit de futuris regioni Iudaeorum; sed
discipuli non intelligebant profunditatem dictorum, putantes ob futurum
proditoris insultum gladiis opus esse; unde sequitur at illi dixerunt :
domine, ecce duo gladii hic. At ille dixit eis : satis est. Chrysostomus.
Et quidem si humano eos volebat uti auxilio, nec centum sufficerent
gladii; quod si nolebat eos uti humano subsidio, etiam duo supervacui sunt.
Theophylactus.
Noluit ergo dominus eos reprehendere quasi non intelligentes; sed dicens
satis est, eos dimisit. Quidam autem dicunt, dominum ironice dixisse satis
est; quasi dicat : ex quo duo sunt gladii, sufficiant nobis ad tantam
multitudinem quanta nos debet invadere. Beda.
Vel duo gladii sufficiunt ad testimonium sponte passi salvatoris : unus
qui et apostolis audaciam pro domino certandi et domino virtutem medicandi
doceret inesse; alter qui nequaquam vagina exemptus, ostenderet eos nec totum
quod potuere pro eius facere defensione permissos. Ambrosius.
Vel quia lex referire non vetat, fortasse Petro duos gladios offerenti
satis esse dicit, quasi licuerit usque ad Evangelium; ut sit in lege
aequitatis eruditio, in Evangelio bonitatis perfectio. Est etiam gladius
spiritalis ut vendas patrimonium, et emas verbum quo mentis penetralia
vestiuntur. Est etiam gladius passionis ut exuas corpus, et immolatae carnis
exuviis ematur tibi sacra corona martyrii. Movet adhuc quod duos gladios
discipuli protulerunt : ne forte unum novi, unum veteris testamenti sit,
quibus adversus Diaboli armamur insidias. Deinde dicit dominus satis est,
quasi nil desit ei quem utriusque testamenti doctrina munierit. |
Versets 35-38.
— S. Cyrille : Notre Seigneur avait prédit à Pierre qu’il le renierait alors qu’il le verrait au pouvoir de ses ennemis; et comme il avait déjà parlé une fois de la manière dont les Juifs s’empareraient de sa personne, il annonce à ses disciples la lutte qu’ils vont avoir à soutenir contre les Juifs : « Il leur dit ensuite : ‘Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ?’ ». En effet, le Sauveur avait envoyé ses saints Apôtres prêcher le royaume des cieux dans les villes et les bourgades, en leur défendant toute préoccupation des besoins du corps, et leur commandant de mettre en lui toute leur confiance pour les choses de la vie, — S. Jean Chrysostome : (sur ces par. de Rm 16, 3 : Saluez Priscille et Aquilée) Celui qui enseigne l’art de la natation, commence par placer ses mains sous eux et par soutenir avec grande attention ses élèves de la main, mais ensuite il retire de temps en temps la main, et leur commande de s’aider eux-mêmes, il les laisse même s’enfoncer quelque peu. Notre Seigneur tient cette conduite à l’égard de ses disciples. Dans les commencements il était attentif à tous leurs besoins, et leur préparait toutes choses avec une extrême abondance : « Et ils lui dirent : Nous n’avons manqué de rien. » Mais lorsque le moment fut venu pour eux de montrer leurs propres forces, il leur retira une partie de son secours et voulut qu’ils agissent un peu par eux-mêmes. Il leur dit donc : « Mais maintenant que celui qui a une bourse (pour mettre son argent), la prenne, qu’il prenne de même son sac qui porte ses vivres. » Or, lorsqu’ils n’avaient ni chaussures, ni ceinture, ni bâton, ni argent, ils n’ont manqué absolument de rien; au contraire, dès que le Sauveur leur eût permis d’avoir une bourse et un sac, ils furent exposés à souffrir la faim, la soif, la nudité; comme s’il leur disait : Jusqu’à présent vous avez eu tout en abondance, maintenant je veux que vous éprouviez la pauvreté; aussi je ne vous oblige plus d’observer la loi que je vous ai donnée en premier lieu (Mt 10, 18; Mc 6, 8; Lc 9, 3), et je vous permets de porter une bourse et un sac. Dieu aurait pu sans doute les maintenir jusqu’à la fin dans cette même abondance, il ne le voulut pas pour plusieurs raisons : premièrement, afin que ses disciples, loin de rien s’attribuer, fussent obligés de reconnaître que tout ce qu’ils avaient venait de Dieu; secondement, pour leur apprendre à se conduire eux-mêmes; troisièmement pour prévenir l’idée trop avantageuse qu’ils auraient eue d’eux-mêmes. Ainsi, comme il permet que ses disciples soient exposés à des épreuves imprévues, il adoucit la sévérité de la première loi qu’il leur avait imposée, pour que la vie ne fût pas pour eux trop dure et trop accablante. — S. Bède : Le Sauveur ne prescrit pas à ses disciples la même règle de vie pour les temps de persécution et pour les temps de paix. Lorsqu’il envoie ses disciples prêcher l’Évangile, il leur défend de rien emporter avec eux, il veut que celui qui annonce l’Évangile, vive de l’Évangile, mais quand l’heure de sa mort approche, et que le peuple juif tout entier est sur le point de persécuter à la fois le pasteur et le troupeau, il leur donne, une règle appropriée aux circonstances, et leur permet d’emporter les choses nécessaires à la vie, jusqu’à ce que la fureur des persécuteurs soit apaisée, et que le temps d’annoncer l’Évangile soit revenu. Il nous donne en même temps l’exemple de nous relâcher un peu pour une cause juste et pressante des règles sévères que nous nous sommes prescrites, sans commettre de faute. — S. Augustin : (cont. Faust., 12, 77.) Le Sauveur n’agit donc point ici par inconstance, mais par une sage économie, il modifie, suivant la diversité de temps, ses préceptes, ses conseils ou ses permissions. — S. Ambroise : Mais pourquoi Notre Seigneur, qui défend de frapper, commande-t-il d’acheter un glaive ? C’est pour les préparer à une légitime défense, et non pour autoriser un acte de vengeance, et pour qu’il soit bien constant qu’on a renoncé à se venger, alors qu’on aurait pu le faire. Il ajoute : « et que celui qui n’en a point, vende sa tunique et achète une épée. » — S. Jean Chrysostome : Que signifient ces paroles ? Jésus a dit à ses disciples : « Si l’on vous frappe sur la joue droite, présentez aussi l’autre, » (Mt 6) et voilà qu’il les arme pour se défendre, et seulement d’une épée. S’il jugeait nécessaire de les armer, il fallait qu’ils possèdent non seulement l’épée, mais aussi le bouclier et le casque. Mais encore quand ils auraient eu ces armes par milliers, comment les onze Apôtres auraient-ils pu lutter contre tant de violences et d’embûches venant à la fois des peuples, des tyrans, des villes et des nations. Le seul aspect des armées ennemies eût jeté la terreur dans l’âme de ces hommes, qui avaient passé leur vie sur le bord des lacs et des fleuves. Ne croyons donc pas que Notre Seigneur commande ici à ses disciples de se munir de glaives, il se sert ici de cette expression pour figurer les embûches que les Juifs lui tendaient pour le perdre. C’est pour cela qu’il ajoute : « Car je vous le dis, il faut encore que cette parole de l’Écriture s’accomplisse en moi. ‘ Il a été mis au rang des malfaiteurs’. » (Is 52.) — Théophylacte : Le Sauveur, qui venait d’entendre ses disciples se disputer entre eux la préséance, leur dit : Ce n’est point ici le moment de vous occuper des premières places, c’est le temps des dangers et des blessures ; moi-même qui suis votre maître, je vais être conduit à une mort ignominieuse et mis au rang des malfaiteurs, car toutes les prédictions qui me regardent touchent à leur fin, c’est-à-dire à leur accomplissement. Sous cette image du glaive, Notre Seigneur leur fait pressentir l’agression violente dont il va être l’objet, il ne la leur révèle pas tout entière pour ne point les frapper [de terreur et] d’abattement, il ne veut pas non plus la leur laisser entièrement ignorer, de peur que cette attaque subite et imprévue ne vînt les ébranler. Les disciples ainsi avertis, rappelleraient plus tard leurs souvenirs, et admireraient comment leur divin Maître s’était offert lui-même dans sa passion pour être la rançon du genre humain. — S. Basile : (Règl. abrég., quest. 31.) Ou encore, le Seigneur ne fait pas ici un commandement de porter une bourse et un sac et d’acheter un glaive, mais il prédit ce qui doit arriver à ses Apôtres, qui, oubliant les circonstances de la passion, les grâces qu’ils avaient reçues, et la loi du Seigneur, oseront se servir de l’épée; souvent, en effet, l’Écriture emploie l’impératif pour le futur dans les prophéties, quoique cependant, dans plusieurs manuscrits, on ne lise point : « Qu’il prenne, qu’il porte et qu’il achète », mais : « [Il prendra], il portera, il achètera. » — Théophylacte : Ou bien, il leur annonce qu’ils auront à souffrir la faim et la soif (sous l’expression figurée du sac), et de nombreuses tribulations (figurées par le glaive). — S.
Cyrille : Ou bien encore, ces paroles du Seigneur : « Que celui qui a une bourse la
prenne, et qu’il prenne aussi un sac, » ne s’adressent pas à ses disciples,
mais à tous les Juifs en général, et il semble leur dire : Si quelqu’un,
parmi vous, a de grandes richesses, qu’il les réunisse et qu’il prenne la
fuite; et si quelque habitant de ce pays se trouve réduit à la dernière
indigence, qu’il vende sa tunique pour acheter une épée; car le choc de
l’attaque qui viendra fondre sur eux sera si terrible, que rien ne pourra lui
résister. Il leur fait connaître ensuite la cause de ces calamités,
c’est-à-dire : parce qu’il a été condamné au supplice destiné aux
criminels, et qu’il a été crucifié avec des voleurs. Or, lorsque ce crime
aura été consommé, les prophéties qui avaient pour objet la rédemption seront
accomplies, et les persécuteurs subiront les châtiments prédits par les
prophètes. Notre Seigneur a donc prédit ici le sort réservé à la nation
juive; mais les disciples ne comprenaient pas la profondeur de ses paroles et
pensaient que c’était pour résister à l’attaque du perfide disciple qu’il
était besoin d’épées : « Ils lui
dirent donc : ‘Seigneur, voici deux épées’ Il leur dit : ‘Cela suffit’. »
— S. Jean Chrysostome : Si son intention était qu’ils eussent recours pour le défendre à des moyens humains, cent épées n’auraient pas suffi, et s’il ne voulait pas qu’ils se servent de ces moyens naturels, ces deux épées étaient même de trop. — Théophylacte : Le Seigneur ne voulut point les reprendre de leur peu d’intelligence, il se contenta de leur dire : « C’est assez, » ; [c’est ce que nous disons nous-mêmes lorsqu’une personne à qui nous adressons la parole, ne nous comprend pas : C’est bien, cela suffit, pour ne pas la fatiguer davantage]. Quelques-uns prétendent que c’est par ironie que le Sauveur dit : « C’est assez, » comme pour dire : Puisqu’il y a deux épées, elles suffiront pour nous défendre contre la multitude qui doit nous assaillir. — S. Bède : Ou bien encore, ces deux épées suffisent pour attester que le Sauveur a souffert volontairement sa passion, l’une témoigne du courage des Apôtres pour défendre leur divin Maître, et de la puissance qu’il a de guérir les blessures; l’autre, qui n’est point tirée du fourreau, prouve qu’il ne leur a pas permis de faire tout ce qu’ils auraient pu pour le défendre. — S. Ambroise : Ou bien encore, comme la loi ne défendait pas de rendre les coups, peut-être le Seigneur dit-il a Pierre qui lui présente deux glaives : « C’est assez, » pour faire entendre que cette juste vengeance n’était permise que jusqu’au règne de l’Évangile, parce que la loi ne commandait que la stricte justice, tandis que l’Évangile enseigne la charité parfaite. Il y a aussi un glaive spirituel qui porte le chrétien à vendre son patrimoine pour acheter la parole qui est comme le vêtement intérieur de l’âme. Il y a encore le glaive de la souffrance qui nous fait sacrifier notre corps, et acheter la couronne sacrée du martyre avec les dépouilles de notre chair immolée. Dans ces deux glaives que les disciples avaient avec eux, je ne puis m’empêcher de voir encore la figure de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui sont les armes mises en nos mains contre les attaques insidieuses du démon (Ep 6, 13.17). Enfin Notre Seigneur dit : « C’est assez, » comme pour dire que rien ne manque à celui qui a pour armes la doctrine de l’Ancien et du Nouveau Testament. |
Lectio 11 [85951] Catena in Lc., cap. 22 l. 11 Beda.
Tradendus a discipulo dominus consueti secessus locum, quo facillime
reperiri possit, adit; unde sequitur et egressus ibat secundum consuetudinem
in montem oliveti. Cyrillus.
De die namque conversabatur Hierosolymis, obscura vero nocte succedente in
montem olivarum cum suis conversabatur discipulis; unde subditur secuti sunt
autem illum et discipuli. Beda.
Pulchre autem sui corporis mysteriis imbutos in montem olivarum discipulos
educit, ut omnes in morte sua baptizatos sancti spiritus charismate
confirmandos esse designet. Theophylactus.
Post coenam autem nequaquam inertia, et iocus, et somnus occupant dominum;
sed oratio et doctrina; unde sequitur et cum pervenisset ad locum, dixit
illis : orate ne intretis in tentationem. Beda. Impossibile quidem est
humanam animam non tentari; unde non ait : orate ne tentemini; sed orate ne
intretis in tentationem; hoc est ne tentatio vos superet ultima. . Cyrillus.
Sed ne solis verbis eis prodesset, procedens paululum orabat; unde
sequitur et ipse avulsus est ab eis quantum iactus est lapidis. Ubique
invenies eum semotum orantem, ut discas quod animo attento et corde quieto
colloquendum est cum Deo sublimi. Non autem quasi egens alieni suffragii
precibus insistebat qui est omnipotentissima virtus patris; sed ut discamus
non esse in tentationibus dormitandum, sed magis orationibus insistendum.
Beda.
Solus etiam orat pro omnibus qui solus erat passurus pro omnibus,
significans tantum orationem suam quantum et passionem a nostra distare. Augustinus
de quaest. Evang. Avulsus est autem ab eis quantum iactus est lapidis,
tamquam typice admonuerit ut in eum dirigerent lapidem : idest, usque ad
ipsum perducerent intentionem legis, quae scripta erat in lapide. Gregorius
Nyssenus. Quid autem sibi vult flexus genuum, de quo dicitur et positis
genibus orabat? Humanus quidem usus est pronos terrae supplicare maioribus,
facto ostendentes fortiores esse qui rogantur. Palam est autem humanam
naturam nihil habere Deo condignum : et ideo honorifica signa quae invicem
exhibemus, fatentes nos humiliores esse respectu excellentiae proximi,
transumpsimus ad obsequia incomparabilis naturae : unde ille qui nostros
languores portavit, ac pro nobis intercessit, per hominem quem sumpsit
genuflectit orando, sanciens non esse superbiendum orationis tempore, sed per
omnia humilitati conformandum : quia Deus superbis resistit, dat autem
humilibus gratiam. Chrysostomus.
Quaelibet autem ars verbis et operibus ostenditur ab eo qui docet. Quia
ergo dominus venerat docturus nos quamlibet virtutem, ob hoc eadem dicit et
facit : unde, quia iusserat verbis orare ne intrarent in tentationem, hoc
etiam opere docet; sequitur enim dicens : pater, si vis, transfer calicem
istum a me. Non dicit si vis, quasi ignorans an patri placeret : neque enim
magis ardua cognitio est cognitione paternae substantiae, quam ipse solus
perspicaciter novit, secundum illud : sicut novit me pater, et ego novi
patrem; neque hoc dicit quasi respuens passionem : qui enim comminatus est
discipulo volenti eius passionem impedire, ut Satanam eum vocaret post multa
praeconia, qualiter crucifigi nolebat? Cur igitur ita dictum est, consideres.
Quantum erat audire quod Deus ineffabilis, qui quemlibet intellectum
transcendit, voluit uterum subire virgineum, lac sugere, et humana quaeque
pati. Quoniam ergo fere incredibile erat quod erat futurum, primo quidem
misit prophetas hoc nuntiantes, postea ipse indutus carne veniens, ut non
phantasma putaretur, permittit carnem ferre naturales defectus, esurire,
sitire et dormire, laborare, affici et anxiari; ob hoc et recusat mortem,
veram humanitatem demonstrans. Ambrosius.
Dicit ergo si vis, transfer a me calicem istum; quasi homo mortem
recusans, quasi Deus sententiam suam servans. Beda.
Vel transferri a se calicem postulat, non quidem timore patiendi, sed
misericordia prioris populi, ne ab illo bibat calicem propinatum; unde et
signanter non dicit transfer a me calicem, sed calicem istum, hoc est populi
Iudaeorum, qui excusationem ignorantiae habere non potest, qui me quotidie
vaticinatur. Dionysius
Alexandrinus. Vel quod dicit transfer calicem istum a me, non est hoc :
non adveniat mihi; nisi enim advenerit, transferri non potest. Igitur ut
sensit iam praesentem, coepit affici et tristari, et quasi iam propinquante
eo dicit transfer calicem hunc. Sicut enim quod praeterit, nec intactum est,
nec permanens; sic et salvator leviter invadentem tentationem flagitat pelli;
et hoc est non intrare in tentationem, quod consulit esse orandum.
Perfectissimus autem modus tentationes evitandi manifestatur cum dicitur
verumtamen non mea voluntas, sed tua fiat. Deus enim inexpertus est malorum.
Vult autem nobis bona largiri supra id quod petimus vel intelligimus. Ergo
perfectam voluntatem patris, quam ipse noverat, petit sortiri effectum, quae
eadem est et sua secundum deitatem. Renuit autem impleri humanam voluntatem,
quam dicit suam, paterna voluntate minorem. Athanasius.
Geminum enim hic velle ostendit : alterum quidem humanum, quod est carnis;
alterum vero divinum : humanitas enim ob carnis fragilitatem recusat
passionem : sed divinus eius affectus affectanter eam subiit, eo quod non
esset possibile eum detineri a morte. Gregorius
Nyssenus. Apollinaris autem asserit quod Christus non habuit secundum
terrenam naturam propriam voluntatem; sed solum in Christo est voluntas Dei,
qui de caelo descendit. Dicat ergo : quam
voluntatem vult dominus nequaquam evenire? Neque enim deitas aufert propriam
voluntatem. Beda. Appropinquans etiam passioni salvator, infirmantium in se
vocem sumpsit, ut cum hoc imminet quod fieri nolumus, sic per infirmitatem
petamus ut non fiat, quatenus per fortitudinem parati simus ut voluntas
conditoris nostri, etiam contra nostram voluntatem, fiat. |
Versets 39-42.
— S. Bède : Le Sauveur, sur le point d’être trahi par son disciple, se dirige vers l’endroit où il avait coutume de se retirer, pour que ses ennemis le trouvent plus facilement : « Et étant sorti, il s’en alla, suivant sa coutume, à la montagne des Oliviers. » — S. Cyrille : Il passait toute la journée dans la ville de Jérusalem, et le soir venu, il se retirait avec ses disciples sur la montagne des Oliviers : « Et ses disciples le suivirent. » — S. Bède : C’est avec dessein qu’après les avoir nourris des mystères de son corps [et de son sang], il les conduit sur la montagne des Oliviers, pour nous apprendre que tous ceux qui ont été baptisés en sa mort, doivent être confirmés par l’onction du Saint-Esprit. — Théophylacte : Après le repas, le Seigneur ne se laisse aller ni à l’oisiveté, ni aux douceurs du repos, ni au sommeil, mais il s’applique à la prière et à l’enseignement : « Lorsqu’il fut arrivé en ce lieu, il leur dit : Priez, afin de ne pas entrer en tentation.» — S. Bède : Il est impossible que l’âme de l’homme soit exempte de tentations. Aussi ne leur dit-il pas : Priez afin de n’être point tentés, mais : « Priez, afin de ne point entrer en tentation » ; c’est-à-dire afin de n’être pas vaincus dans cette dernière tentation. — S. Cyrille : Mais ce n’est pas seulement par ses paroles qu’il veut leur être utile; il s’avance donc un peu plus loin, et se met en prière : « Et il s’éloigna d’eux à la distance d’un jet de pierre, ». Partout vous voyez le Sauveur se retirer à l’écart pour prier, il vous apprend ainsi la nécessité du recueillement de l’esprit et de la paix du coeur pour vous entretenir avec le Dieu Très-haut, Or, s’il s’applique ainsi à la prière, ce n’est point qu’il ait besoin d’un secours étranger, lui qui est la vertu toute puissante du Père, mais il veut nous apprendre qu’il ne faut pas s’endormir dans les tentations, mais prier avec plus d’instance. — S. Bède : Le Sauveur prie seul pour tous les hommes, lui qui devait seul souffrir pour tous, et il nous enseigne par là que sa prière est aussi élevée au-dessus de la nôtre, que sa passion l’est au-dessus de nos souffrances. — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 50.) Il s’éloigne de ses disciples à la distance d’un jet de pierre, comme pour les avertir par cette figure qu’ils devaient diriger vers lui la pierre, c’est-à-dire conduire jusqu’à lui le sens de la loi qui fut écrite sur la pierre. — S. Grégoire de Nysse : (ou Isid., Chronique des Pères grecs) Mais pourquoi fléchit-il les genoux, selon le récit de l’Évangéliste : « Et s’étant mis à genoux, il priait. » ? Les hommes ont coutume de se prosterner ainsi devant les grands pour les supplier, témoignant ainsi par leur attitude, que ceux qu’ils prient leur sont supérieurs. Or, il est évident que la nature humaine n’est rien en comparaison de celle de Dieu, c’est pourquoi dans les devoirs que nous rendons à cette nature incomparable, nous employons les marques d’honneur en usage parmi nous, pour témoigner notre respect à l’égard de ceux qui sont élevés au-dessus de nous. C’est ainsi que celui qui a pris sur lui nos misères, et s’est rendu notre médiateur, fléchit pour prier les genoux de l’humanité dont il s’est revêtu, pour nous apprendre à fuir l’orgueil pendant que nous prions, et à suivre en tout les inspirations de l’humilité; car Dieu résiste aux superbes, et il accorde sa grâce aux humbles. (Jc 4; 1 P 5.) — S. Jean Chrysostome : Tout homme qui enseigne un art quelconque, doit joindre l’exemple aux paroles; c’est pourquoi Notre Seigneur qui est venu nous enseigner toutes les vertus, conforme sa conduite à ses enseignements. Il nous fait un devoir de prier pour ne point entrer en tentation, il appuie ce précepte de son exemple : « Il priait, disant : Mon Père, si vous le voulez, éloignez de moi ce calice. » Ces paroles : « Si vous le voulez, » ne supposent pas que le Sauveur ignorât si sa prière était agréable à son Père; car cette connaissance n’était pas plus difficile pour lui que la science de la nature du Père, que lui seul connaît dans toute son étendue, ainsi qu’il le déclare lui-même : « Comme mon Père me connaît, ainsi je connais mon Père. » (Jn 10.) S’il parle de la sorte, ce n’est pas non plus pour éloigner sa passion, car comment admettre qu’il refusât d’être crucifié, lui qui, voyant un de ses Apôtres s’opposer à ses souffrances, l’avait repris sévèrement jusqu’à l’appeler Satan, après qu’il avait fait un si magnifique éloge de sa foi ? (Mt 16.) Pour comprendre la raison de cette prière, considérez combien il était difficile de croire qu’un Dieu ineffable et qui trascende toute intelligence, ait voulu se renfermer dans le sein d’une vierge, être nourri de son lait, et souffrir toutes les infirmités humaines. Or, comme tous les mystères de sa vie mortelle étaient presque incroyables, il envoya d’abord les prophètes pour les prédire à l’avance; puis il vint lui-même revêtu d’une chair véritable (pour bien convaincre qu’il n’était pas un fantôme), et il permit que cette chair fût soumise à toutes les infirmités de la nature humaine; à la faim, à la soif, au sommeil, au travail, à la douleur, à l’angoisse, et c’est par suite du même dessein, et pour prouver la vérité de son humanité, qu’il demande à son Père d’éloigner de lui la mort. — S. Ambroise : Il dit donc à Dieu : « Si vous le voulez, éloignez de moi ce calice », comme homme, il repousse la pensée de la mort; comme Dieu, il maintient la loi qu’il a portée. — S. Bède : Ou encore, il demande à Dieu d’éloigner de lui ce calice, non par crainte des souffrances, mais par un sentiment de miséricorde pour son ancien peuple, des mains duquel il ne voudrait pas recevoir ce calice. Aussi ne dit-il pas : Éloignez de moi le calice, mais : « Éloignez de moi ce calice, » c’est-à-dire le calice que me prépare le peuple juif, qui ne peut alléguer son ignorance pour excuser son crime, [s’il me met à mort,] puisqu’il a entre les mains la loi et les prophètes qui lui parlent tous les jours de moi. — S. Denys d’Alexandrie : (Chronique des Pères grecs) Ou bien encore, ces paroles : « Éloignez de moi ce calice, » ne veulent pas dire : Faites qu’il ne m’arrive pas; car on ne peut l’éloigner que parce qu’il est déjà arrivé. C’est donc lorsque le Sauveur sentit que ce calice était présent, qu’il commença à être affligé et attristé; et c’est lorsqu’il le vit sous ses yeux, qu’il dit à son Père : « Éloignez de moi ce calice, » car ce qui passe, ne demeure pas dans le même état, le Sauveur donc demande à Dieu d’éloigner de lui la tentation qui commence à l’assaillir; et c’est dans ce sens qu’il nous conseille de prier pour ne point entrer en tentation. Or, il nous indique la voie la plus parfaite et la plus sûre pour échapper aux tentations : « Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la vôtre. » En effet, Dieu est essentiellement étranger au mal, et il veut sincèrement nous combler de biens, au delà même de ce que nous pouvons demander et comprendre. Le Sauveur demande donc que la volonté parfaite du Père qui lui est connue, ait son plein effet, parce que cette volonté est la même que la sienne en tant qu’il est Dieu, et il renonce à l’accomplissement de la volonté humaine, qu’il appelle la sienne, et qui est inférieure à celle de son Père. — S. Athanase : (de l’incarn. contre les Ariens.) Notre Seigneur nous fait donc voir en lui deux volontés, la volonté humaine, charnelle, et la volonté divine; la volonté humaine, qui ne voit que la faiblesse de la chair, refuse de souffrir, mais la volonté divine se soumet à la passion avec amour, parce qu’elle sait que le Fils de Dieu ne peut rester enchaîné dans les liens de la mort. — S. Grégoire de Nysse : Apollinaire prétend que la nature humaine en Jésus-Christ n’avait pas de volonté propre, et qu’il n’y a en lui qu’une seule volonté, celle du Dieu qui est descendu du ciel. Qu’il nous dise donc quelle est cette volonté dont le Sauveur ne veut point l’accomplissement, car la divinité ne peut renoncer à sa propre volonté. — S. Bède : Le Sauveur, aux approches de sa passion, a pris la voix de nos infirmités, pour nous apprendre à demander dans notre faiblesse l’éloignement des maux dont nous sommes menacés, tout en ayant la force d’être prêts à dire : Que la volonté de notre Créateur s’accomplisse, fût-elle opposée à la nôtre. |
Lectio 12 [85952] Catena in Lc., cap. 22 l. 12 Theophylactus. Ut nobis innotesceret orationis virtus, quatenus eam
in adversis praeponamus, orans dominus ab Angelo confortatur; unde dicitur
apparuit autem illi Angelus de caelo confortans eum. Beda.
Alibi legimus quia Angeli accesserunt et ministrabant ei. In documento
ergo utriusque naturae, Angeli et ei ministrasse, et eum confortasse
dicuntur. Creator enim creaturae suae non eguit praesidio; sed homo factus,
sicut propter nos tristis est, ita propter nos confortatur. Theophylactus.
Quidam autem dicunt quoniam apparuit ei Angelus glorificans eum, et dicens
: domine, tua est virtus : tu namque potes contra mortem et Infernum genus
humanum liberare. Chrysostomus.
Et quia non phantastice, sed vere nostram carnem suscepit; ut approbet
dispensationis veritatem, et oppilet haereticorum ora, quaeque humana
sustinet; sequitur enim et factus in agonia prolixius orabat. Ambrosius.
Horrent plerique hoc loco, qui tristitiam salvatoris ad argumentum
inolitae potius a principio quam susceptae ad tempus infirmitatis inclinant.
Ego autem non solum excusandum non puto, sed nusquam magis pietatem eius
maiestatemque demiror : minus enim contulerat mihi, nisi meum suscepisset
affectum : suscepit enim tristitiam meam ut mihi suam laetitiam largiretur.
Confidenter tristitiam nomino, quia crucem praedico. Debuit ergo dolorem
suscipere, ut vinceret. Neque enim habent fortitudinis laudem qui stuporem
magis vulnerum tulerint quam dolorem. Nos ergo voluit erudire, quemadmodum
mortem, et quod est amplius, futurae mortis moestitiam vinceremus. Doles
ergo, domine, non mea, sed tua vulnera.
Infirmatus est enim propter delicta nostra : et fortasse tristis est ideo
quia post Adae lapsum, tali transitu nobis erat ex hoc saeculo recedendum ut
mori esset necesse. Nec illud distat a vero; sed tristis erat pro
persecutoribus suis quos sciebat immanis sacrilegii poenas daturos. Gregorius
Moralium. Appropinquante etiam morte, nostrae mentis in se certamen
expressit, qui vim quamdam terroris ac formidinis patimur, cum per solutionem
carnis aeterno iudicio propinquamus; nec immerito, quoniam anima post
pusillum hoc invenit quod in aeternum mutare non possit. Theophylactus.
Quod autem humanae naturae foret praemissa oratio, non autem divinae, ut
dicunt Ariani, patet etiam ex eo quod subdit; sequitur enim et factus est
sudor eius sicut guttae sanguinis decurrentis in terram. Beda.
Nemo sudorem hunc infirmitati deputet, quia contra naturam est sudare
sanguinem; sed potius intelligat, per hoc nobis declaratum quod effectum iam
suae precis obtineret, ut scilicet fidem discipulorum, quam terrena adhuc
fragilitas arguebat, suo sanguine purgaret. Prosper in libro sententiarum Augustini. Orans
etiam cum sudore sanguineo dominus significabat de corpore suo toto, quod est
Ecclesia, manatura martyria. Theophylactus.
Vel hoc proverbialiter dicitur de eo qui vehementer sudavit, quod sudavit
sanguinem. Volens igitur Evangelista innuere, quod grossis sudorum guttis
madebat, sumit guttas sanguinis ad exemplum. Post hoc autem inveniens
discipulos dormientes prae tristitia, improperat eis, simul admonens ut
orarent; sequitur enim et cum surrexisset ab oratione, et venisset ad
discipulos suos, invenit eos dormientes prae tristitia. Chrysostomus.
Erat enim intempestum noctis, et discipulorum oculi prae angustia
premebantur, et erat somnus non torporis, sed moeroris. Augustinus
de Cons. Evang. Non autem expressit hic Lucas quota oratione dominus ad
discipulos venerit; nihil tamen hoc Matthaeo et Marco repugnant. Beda.
Demonstrat autem dominus consequenter quia pro discipulis oraverit, quos
monet orationum suarum vigilando et orando existere participes; sequitur enim
et ait illis : quid dormitis? Surgite et orate, ne intretis in tentationem.
Theophylactus.
Hoc est, ne a tentatione superentur : hoc enim est non induci in tentationem,
non demergi ab ea. Vel simpliciter nos iubet orare, ut tranquilla sit nostra
vita, nec immergamur in aliquod molestorum. Diabolicum enim est et superbum,
quemquam se in tentationem praecipitare; unde et Iacobus non dixit : inicite
vos in tentationes, sed : cum incideritis, omne gaudium aestimate, de invito
voluntarium facientes. |
Versets 43-46.
—
Théophylacte : Le Seigneur veut être fortifié par un
ange alors qu’il priait, pour nous faire comprendre la puissance de la prière
et nous apprendre à y recourir avant tout dans nos adversités. « Et lui apparut, venant du ciel, un
ange qui le réconfortait. » — S. Bède : Nous lisons dans un autre endroit, que les anges s’approchèrent de lui et le servaient. (Mt 4.) Nous avons donc une preuve de sa double nature dans ces anges qui tour à tour le servent et le fortifient, car le Créateur n’a pas besoin du secours de ses créatures, mais s’étant fait homme, il a voulu être fortifié pour notre instruction, de même qu’il s’est soumis à nos tristesses [par amour pour nous]. — Théophylacte : Selon quelques-uns, cet ange apparut au Sauveur pour le glorifier et lui dire : « Seigneur, c’est à vous qu’appartient la puissance, car vous pouvez délivrer le genre humain de la mort et de l’enfer ». — S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur s’est revêtu, non de manière illusoire mais véritablement, de notre chair, et c’est pour établir la vérité de son incarnation et fermer la bouche aux hérétiques, qu’il se soumet à toutes les faiblesses de notre nature : « Et étant tombé en agonie, il priait encore plus. » — S. Ambroise : Cette tristesse, cette agonie, sont un sujet de difficultés pour un grand nombre de ceux qui inclinent à voir dans la tristesse du Sauveur une preuve de l’infirmité essentielle à sa nature plutôt que la suite d’une faiblesse qu’il n’avait acceptée que pour un temps. Quant à moi, non seulement je ne crois pas devoir excuser ce sentiment, mais nulle part je ne trouve davantage à admirer sa miséricorde et sa puissance. En effet, la rédemption de Notre Seigneur m’eût été beaucoup moins avantageuse, s’il n’avait pris sur lui toutes nos passions, [toutes nos faiblesses,] car il a pris ma tristesse pour me communiquer sa joie. C’est avec confiance que je parle de la tristesse, parce que je suis prédicateur de la croix. Le Sauveur a dû prendre sur lui nos douleurs pour en triompher, car ceux en qui les souffrances produisent la stupeur et l’insensibilité plutôt que la douleur, n’ont point le mérite du véritable courage. Jésus a donc voulu nous apprendre à triompher de la mort, et surtout des tristesses de la mort. Vous êtes affligé, Seigneur, mais ce n’est pas de vos blessures, c’est des miennes [il semble y avoir ici un problème car, formellement, le texte dit le contraire : « non pas de mes blessures, mais des vôtres »], car c’est à cause de nos péchés qu’il a été blessé. Peut-être aussi est-il triste de ce que depuis la chute d’Adam, la mort est la seule voie par laquelle nous puissions sortir de ce monde. Ajoutons qu’il n’est pas moins vraisemblable que sa tristesse eût pour cause les châtiments que le crime sacrilège de ses persécuteurs devait attirer sur eux. — S. Grégoire : (Moral., 7, 24.) Aux approches de sa mort, le Sauveur a voulu reproduire en lui les combats de notre âme qui est aussi en proie à la terreur et à l’effroi, lorsque la dissolution prochaine de notre corps nous annonce l’heure du jugement éternel, et ce n’est pas sans raison, puisqu’elle est sur le point d’entendre la sentence qui doit fixer immuablement son sort pour l’éternité. — Théophylacte : Une nouvelle preuve que la prière du Sauveur était un acte de la nature humaine et non de la divinité (comme le prétendent les Ariens), c’est la sueur dont il est inondé : « Et il eut une sueur comme des gouttes de sang découlant jusqu’à terre. » — S. Bède : Il ne faut point attribuer cette sueur à la faiblesse, une sueur de sang est contre nature, mais reconnaître plutôt l’enseignement que Notre Seigneur a voulu nous y donner, c’est qu’il avait obtenu l’effet de sa prière, qui était d’épurer par son sang la foi de ses disciples encore entachée des imperfections de la fragilité humaine. — S. Augustin : (sur les max. de Prosp.) Cette sueur sanglante, qui accompagne la prière du Sauveur, figurait encore que tous les martyres découleraient de son corps sacré qui est l’Église. — Théophylacte : Ou encore, c’est ici une manière de parler au figuré, et cette sueur de sang signifie une sueur très abondante. L’Évangéliste voulant nous représenter Notre Seigneur inondé de sueur, nous dit qu’il eut une sueur de sang. Cependant il trouve ses disciples endormis sous le poids de la tristesse, et il leur en fait un reproche en même temps qu’il leur recommande de prier : « S’étant levé après sa prière, il vint à ses disciples, et les trouva endormis à cause de la tristesse. » — S. Jean Chrysostome : On était au milieu de la nuit, les yeux des disciples étaient appesantis par le chagrin, et ils succombaient au sommeil plutôt par tristesse que par épuisement. — S. Augustin : (De l’acc. des Evang., 3, 4.) Saint Luc ne dit pas combien de fois le Seigneur avait adressé à Dieu sa prière avant de venir trouver ses disciples, mais il n’y a ici aucune contradiction entre son récit et celui de saint Matthieu et de saint Marc. — S. Bède : Notre Seigneur apprend à ses disciples que c’est pour eux qu’il a prié, et il les engage à entrer en participation de ses prières, en veillant et en priant eux-mêmes. « Et il leur dit : Pourquoi dormez-vous ? levez-vous et priez, afin de ne point entrer en tentation. » —
Théophylacte : C’est-à-dire : pour n’être point
vaincu par la tentation; car ne pas entrer en tentation, signifie n’en être
pas victime. Ou encore, il nous recommande de prier pour obtenir une vie
tranquille, exempte de tout mal, car c’est en suivant les inspirations du
démon et de l’orgueil qu’on se jette dans la tentation. Aussi l’apôtre saint
Jacques ne dit pas : Jetez-vous dans la tentation, mais : « Considérez comme le sujet d’une
grande joie lorsque vous tomberez dans les tentations, en acceptant
volontiers et avec joie ce qui vous arrive malgré vous. » (Jc 2.) |
Lectio 13 [85953] Catena in Lc., cap. 22 l. 13 Glossa.
Praemissa oratione Christi, subicitur de eius proditione, qua a discipulo
proditur; dicitur enim adhuc eo loquente, ecce turba, et qui vocabatur Iudas,
unus de duodecim, antecedebat eos. Cyrillus.
Dicit autem qui vocabatur Iudas, quasi nomen eius habens exosum; addit
autem unus de duodecim, ad significantiam nequitiae proditoris : nam qui
honoratus fuerat aeque apostolis, factus est occisionis causa in Christum.
Chrysostomus.
Sicut enim insanabilia vulnera nec austeris medicamentis obediunt nec
demulcentibus, sic anima, ubi semel est captivata, et seipsam dederit
cuicumque peccato, nullum emolumentum ex admonitionibus consequetur; quod et
Iudae accidit a proditione non cessanti, quamvis omni modo doctrinae esset a
Christo cohibitus; unde sequitur et appropinquavit Iesu, ut oscularetur eum.
Cyrillus.
Immemor enim gloriae Christi, putavit forsitan posse latenter agere, ausus
praecipuum dilectionis signum organum efficere doli. Chrysostomus.
Non autem discedendum est a fratrum admonitione, quamquam nihil propter
nostra verba eveniat : nam et rivuli, etsi nullus hauriat, fluunt; et si
forsan non persuaseris hodie, poteris forsan cras. Piscator enim per totam
diem vacua trahens retia, circa sero piscem capit; unde dominus, etsi sciret
Iudam non convertendum, non destitit facere quae sua intererat; sequitur enim
Iesus autem dixit illi : Iuda, osculo filium hominis tradis? Ambrosius.
Per interrogationem pronuntiandum puto, quasi amantis affectu corripiat
proditorem. Chrysostomus.
Proprium autem nomen ponit, quod magis dolentis erat et revocantis, quam
provocati ad iram. Ambrosius.
Dicit autem osculo tradis? Hoc est, amoris pignore vulnus infligis, et
pacis instrumento mortem irrogas? Servus dominum, discipulus prodit
magistrum, electus auctorem. Chrysostomus.
Non autem dicit : tradis magistrum tuum, dominum tuum, benefactorem tuum, sed
filium hominis; hoc est, mansuetum et mitem; qui si non esset magister et
dominus, quia tamen tam suaviter erga te gessit, non esset a te prodendus.
Ambrosius.
Magna, o domine, significatio potestatis, magna disciplina virtutis. Et
consilium proditionis aperitur, et adhuc patientia non negatur. Ostendit quem
proderet, dum occulta manifestat; ostendit quem traderet, dum dicit filium
hominis, quia caro, non divinitas comprehenditur. Illud tamen plus confutat
ingratum quod eum tradiderit qui, cum esset Dei filius, propter nos filius
hominis esse voluisset; quasi dicat : propter te suscepi, ingrate, quod
tradis, hypocrita. Augustinus
de Cons. Evang. Hoc ergo dominus, cum traderetur, primo dixit quod ait
Lucas : Iuda, osculo filium hominis tradis? Deinde quod Matthaeus : amice, ad
quid venisti? Deinde id quod Ioannes commemorat : quem quaeritis? Ambrosius.
Osculatus est autem eum dominus, non quo simulare nos doceat, sed ut neque
proditorem refugere videretur, et plus afficeret proditorem, cui amoris officia
non negaret. Theophylactus.
Zelantur autem discipuli, et gladios evaginant; unde sequitur videntes
autem hi qui circa ipsum erant quod futurum erat, dixerunt ei : domine, si
percutimus in gladio? Sed qualiter habent gladios? Quia mactaverant agnum, et
a mensa discesserant. Alii autem discipuli quaerunt an percuterent; sed
Petrus ubique fervens pro domino, persuasionem non expectat, sed percutit
servum pontificis; unde sequitur et percussit unus ex illis servum principis
sacerdotum, et amputavit auriculam eius dexteram. Augustinus.
Qui percussit, secundum Ioannem Petrus erat; quem autem percussit, Malchus
vocabatur. Ambrosius.
Eruditus enim in lege Petrus promptus affectu, qui sciret Phinees
reputatum ad iustitiam quod sacrilegos peremisset, percussit principis servum.
Augustinus.
Deinde Lucas dicit respondens autem Iesus ait : sinite usque huc. Et hoc
est quod Matthaeus commemorat : converte gladium tuum in locum suum. Nec
moveat quasi contrarium sit quod Lucas hic dicit dominum respondisse sinite
usque huc; quasi post istam percussionem ita dictum fuerit ut placuerit ei
usque huc factum, sed amplius fieri noluerit; cum in verbis quae Matthaeus
posuit, intelligatur potius, totum factum quo usus est gladio Petrus, domino
displicuisse. Illud enim verum est quod cum interrogassent dicentes domine,
si percutimus in gladio? Tunc respondit sinite usque huc; idest, non vos
moveat quod futurum est : permittendi sunt hucusque progredi, hoc est ut me
apprehendant, et impleantur quae de me scripta sunt. Non enim diceret
respondens autem Iesus, nisi ad interrogationem eorum responderet, non facto
Petri. Sed inter moras verborum interrogantium dominum, et illius
respondentis, Petrus aviditate defensionis percussit. Sed non potuerunt simul
dici quae simul fieri potuerunt. Tunc, sicut dicit Lucas, sanavit eum qui
percussus erat; sequitur enim et cum tetigisset auriculam eius, sanavit eum.
Beda.
Numquam enim pietatis suae dominus obliviscitur. Illi iusto mortem
inferunt, iste persequentium vulnera sanat. Ambrosius.
Sed cum dominus vulnere cruentum detersit, mysteria divina subiecit, ut
servos principis mundi, non naturae conditione, sed culpae, auris vulnus
exciperet, qui non audisset verba sapientiae. Aut si Petrus volens percussit
aurem, docuit quod aurem in specie habere non deberet, quam in mysterio non
haberet. Sed quare Petrus? Quia ipse ligandi et solvendi adeptus est
potestatem; et ideo tollit gladio spiritali aurem interiorem male
intelligentis. Sed dominus ipse refundit auditum, demonstrans, et ipsos, si
convertantur, posse sanari qui in passione domini vulnerati sunt : eo quod
omne peccatum, fidei mysteriis abluatur. Beda.
Vel servus iste populus est Iudaeorum, principibus sacerdotum indebito mancipatus
officio : qui in passione domini dexteram auriculam, idest spiritualem legis
intelligentiam, perdidit; quae scilicet auris, Petri gladio deciditur; non
quod ille sensum intelligendi audientibus tollat, sed divino ablatum iudicio
negligentibus pandat. Verum eadem dextera auris in his qui in eodem populo
crediderunt, divina dignatione pristino est restituta officio. Sequitur dixit
autem Iesus ad eos qui venerant ad se, principes sacerdotum et magistratus
templi et seniores : quasi ad latronem existis cum gladiis et fustibus. Chrysostomus.
Accesserunt enim nocte, timentes multitudinis impetum; et ideo dicit :
quid vobis opus erat his armis in eum qui vobiscum est semper? Et hoc est
quod sequitur : cum quotidie vobiscum fuerim in templo, non extendistis manus
in me. Cyrillus.
Ubi non inculpat dominus praesides Iudaeorum, quod non sibi mature
paraverant insidias mortis, sed arguit eos qui temere opinabantur eum se
invasisse ipso invito; ac si dicat : tunc non cepistis me, quia nolebam; et
nec nunc possetis, nisi me sponte vestris subicerem manibus; unde sequitur
sed haec est hora vestra; idest, parvum tempus concessum est vobis exercendae
in me vestrae saevitiae, patre votis meis favente. Dicit etiam quod haec
potestas est tenebris data, idest Diabolo et Iudaeis, insurgendi in Christum,
et hoc est quod subditur et potestas tenebrarum. Beda.
Quasi dicat : ideo adversum me in tenebris congregamini, quia potestas
vestra, qua sic contra lucem mundi armamini, in tenebris est. Quaeritur autem
quomodo Iesus principes sacerdotum, magistratus templi et seniores qui ad se
venerunt, alloqui dicatur, cum apud alios Evangelistas non ipsos venisse,
verum in atrio Caiphae expectantes, ministros misisse perhibeantur. Sed huic
contrarietati respondetur, quod illi non per seipsos, sed per eos quos
miserunt ad apprehendendum Christum in suae iussionis potestate venerunt. |
Versets 47-53.
— La Glose : Après le récit de la prière de
Jésus-Christ, l’Évangéliste raconte sa trahison par son perfide disciple : « Il parlait encore, lorsqu’une
troupe de gens parut, et à leur tête celui qui s’appelait Judas. » — S. Cyrille : Il dit : « celui qui s’appelait Judas, » comme si ce nom lui faisait horreur. Il ajoute : « un des douze, » pour faire ressortir davantage la méchanceté de ce traître disciple, qui est devenu la cause de la mort de Jésus-Christ, après avoir été élevé par lui à la sublime dignité de l’apostolat. — S.
Jean Chrysostome : Il est des maladies incurables
qui sont rebelles aux remèdes les plus énergiques, comme à ceux qui sont les
plus doux; ainsi l’âme une fois captivée et enchaînée volontairement dans les
liens du vice, ne trouve aucun remède dans les avertissements qu’on lui fait.
C’est ce qui s’est vérifié dans Judas, qui ne renonça pas au dessein de
trahir son maître, bien que Jésus ait cherché à l’en détourner par tous les
moyens possibles : « Et il
s’approcha de Jésus pour l’embrasser. » — S. Cyrille : Il avait oublié la gloire qui avait environné la vie du Christ, il crut donc pouvoir consommer son crime en secret, et il osa donner pour signal de cette trahison sacrilège le symbole de l’affection la plus tendre. — S.
Jean Chrysostome : (Disc. 1 sur Laz.) Nous ne devons pas cesser
d’avertir nos frères, quand bien même ils ne profitent pas de nos avertissements,
car les ruisseaux ne cessent pas de couler, lors même que personne ne vient y
puiser. Vous ne persuadez pas aujourd’hui, peut-être serez-vous plus heureux
demain. Le pêcheur traîne ses filets vides pendant toute la journée, et c’est
vers le soir qu’il les remplit de poissons. Aussi, bien que le Seigneur sut
parfaitement qu’il ne convertirait pas Judas, il ne laissa pas de faire tout
ce qui pouvait le détourner de son mauvais dessein : « Jésus lui dit : Judas, vous trahissez le Fils de l’homme par
un baiser ? » — S. Ambroise : Je pense qu’il faut donner à ces paroles la forme interrogative, comme exprimant mieux le reproche affectueux que le Sauveur fait à ce traître disciple. — S. Jean Chrysostome : Il l’appelle par son nom plutôt pour exprimer sa douleur et ramener le traître à de meilleurs sentiments que pour redoubler sa fureur. — S. Ambroise : Il lui dit : « Vous trahissez par un baiser, » c’est-à-dire : vous choisissez le symbole de l’amour pour me faire le plus cruel outrage, et c’est avec le signe de la paix que vous me donnez le coup de la mort. Vous, mon serviteur, vous trahissez votre Seigneur, vous, mon disciple, vous trahissez votre maître, vous que j’ai choisi pour apôtre, vous trahissez le Dieu auteur de votre vocation. — S. Jean Chrysostome : Cependant il ne lui dit pas en termes exprès : Vous trahissez votre maître, votre Seigneur, votre bienfaiteur; mais « Vous trahissez le Fils de l’homme, » c’est-à-dire : la mansuétude et la douceur même, celui qui vous a témoigné tant de bonté, que vous ne devriez jamais songer à le trahir, quand même il ne serait pas votre Seigneur et votre maître. — S. Ambroise : Le Sauveur donne ici à la fois une preuve éclatante de sa puissance divine et une grande leçon de vertu. Il dévoile les intentions criminelles de son traître disciple, et il le supporte encore avec patience; il lui montre celui qu’il trahit, en dévoilant aux yeux de tous les secrets de ses desseins; il montre celui qu’il va livrer, en disant : « le Fils de l’homme » ; car ce n’est pas la divinité, mais l’humanité dont les ennemis de Jésus vont se saisir. Et cependant ce qui rend plus odieuse l’ingratitude du traître disciple, c’est d’avoir trahi celui qui, étant le Fils de Dieu, a voulu devenir pour nous le Fils de l’homme, et Jésus semble lui dire : Ingrat, c’est pour toi que j’ai pris cette humanité que tu trahis avec tant d’hypocrisie — S.
Augustin : (de
l’acc. des Evang., 3, 5.) Lorsque le Seigneur fut
trahi, les premières paroles qu’il prononça furent celles-ci rapportées par
saint Luc : « Vous trahissez le
Fils de l’homme par un baiser » ; puis celle que lui prête
saint Matthieu : « Mon ami, dans
quel dessein êtes-vous venu ? » Et enfin celles que rapporte
saint Jean : « Qui
cherchez-vous ? » — S. Ambroise : Le Sauveur donne le baiser à Judas, non pour nous enseigner à dissimuler, mais pour nous montrer qu’il ne repousse pas même ce traître, et pour rendre sa trahison plus odieuse. — Théophylacte : Cependant les disciples veulent prendre la défense de leur maître, et tirent l’épée : « Ceux qui étaient avec lui, voyant ce qui allait arriver lui dirent : Seigneur, si nous frappions de l’épée ? » Mais comment pouvaient-ils avoir des épées ou des glaives ? Parce qu’ils venaient d’immoler l’agneau et sortaient de table. Tandis que les autres disciples demandent s’ils doivent se servir de leur épée, Pierre, toujours plein de zèle pour le Seigneur, n’attend pas sa réponse, et frappe aussitôt le serviteur du grand-prêtre : « Et l’un d’eux frappa l’un des serviteurs du grand-prêtre, et lui arracha l’oreille droite. » — S. Augustin : (De l’acc. des Evang.) D’après saint Jean, celui qui frappa fut Pierre, et celui qui fut frappé s’appelait Malchus. — S. Ambroise : Pierre, dont l’ardeur n’avait pas d’égale et qui était instruit dans la loi, savait que le zèle de Phinées, qui avait mis à mort des sacrilèges, lui avait été imputé à justice (Nb 25; Ps 105, 31; Si 45, 28; 1 M 2, 54), et il frappe [sans hésiter] le serviteur du grand-prêtre. — S. Ambroise : (De l’acc. des Evang.) Saint Luc ajoute : « Jésus dit : ‘Arrêtez, laissez-les jusque là’. » C’est ce que saint Matthieu rapporte en d’autres termes : « Remettez votre épée dans son fourreau. » N’allez pas vous émouvoir comme s’il y avait contradiction entre la réponse du Seigneur, telle que la rapporte saint Luc : « Arrêtez-vous là, » et d’après laquelle, une fois ce coup porté, le Sauveur approuverait ce qui avait été fait, mais sans vouloir rien de plus; et celle que saint Matthieu prête au Sauveur, qui semble désapprouver tout ce que Pierre a fait en se servant de son épée. Il est certain que lorsque les disciples lui firent cette question : « Si nous frappions avec l’épée ? » il leur répondit : « Arrêtez-vous là, laissez-les » ; c’est-à-dire : ne vous inquiétez pas de ce qui doit arriver, il faut les laisser s’avancer jusqu’au bout, c’est-à-dire se saisir de moi pour accomplir ce que les prophètes ont écrit de moi. En effet, l’Évangéliste ne dirait pas : « Jésus répondit, » s’il ne répondait par le fait à la question de ses disciples plutôt qu’à l’action de Pierre. Or, dans l’intervalle qui s’écoule entre la question faite au Seigneur et sa réponse, Pierre, emporté par son zèle, frappa le serviteur du grand-prêtre, mais les Évangélistes n’ont pu raconter en même temps ce qui s’était passé simultanément. Alors, selon le récit de saint Luc, Jésus guérit celui qui avait été frappé : « Et ayant touché l’oreille de cet homme il le guérit. » — S. Bède : Jamais le Seigneur ne cesse d’exercer sa miséricorde, ils vont faire mourir le juste, et à ce moment même il guérit les blessures de ses bourreaux. — S. Ambroise : En guérissant la sanglante blessure de cet homme, Notre Seigneur nous révèle ses divins mystères, et nous montre le serviteur du prince de ce monde réduit en servitude, non par la condition de sa nature, mais par sa faute, et recevant une blessure à l’oreille, parce qu’il n’a point voulu écouter les enseignements de la sagesse; ou si Pierre lui-même a voulu frapper cet homme à l’oreille, c’est pour nous enseigner que celui qui n’a point l’oreille du coeur ouverte pour les saints mystères, ne mérite point d’avoir l’oreille du corps qui en est la figure, Mais pourquoi est-ce Pierre [plutôt qu’un autre disciple] ? Parce qu’il a reçu le pouvoir de lier et de délier, et c’est pour cela qu’il coupe avec le glaive spirituel l’oreille intérieure de celui dont l’intelligence est rebelle aux divins enseignements. Mais le Seigneur rend aussitôt à cet homme l’usage de l’ouïe, pour nous apprendre que ceux mêmes qui ont été blessés [et scandalisés] de sa passion, peuvent parvenir au salut, s’ils veulent se convertir, parce qu’il n’y a point de péché qui ne puisse être effacé par la puissance mystérieuse des sacrements de la foi. — S. Bède : Ou encore, ce serviteur est la figure du peuple juif, réduit injustement en servitude par les princes des prêtres, et qui, dans la passion du Sauveur, perd l’oreille droite, c’est-à-dire l’intelligence spirituelle de la loi. Cette oreille est coupée par le glaive de Pierre, non que cet Apôtre ôte le sens de l’intelligence à ceux qui en font un bon usage, mais il le retranche aux âmes négligentes qui méritent de le perdre par un juste jugement de Dieu. Cependant la bonté divine rétablit dans son premier état l’oreille droite de ceux qui, parmi le peuple juif, ont embrassé la foi. « Or, Jésus dit à ceux qui étaient venus vers lui, grands prêtres, commandants du temple et anciens : ‘Vous êtes venus comme à un voleur, avec des épées et des bâtons’. » — S. Jean Chrysostome : Ils étaient venus de nuit, parce qu’ils craignaient le soulèvement de la multitude, et Jésus leur dit : « Qu’aviez-vous besoin de ces armes pour prendre celui qui est tous les jours au milieu de vous ? ». Le texte dit : « Alors que j’étais tous les jours avec vous dans le temple, vous n’avez pas porté la main sur moi. » — S. Cyrille : Notre Seigneur ne blâme pas les principaux d’entre les Juifs de n’avoir pas cherché plutôt à le mettre à mort, mais il leur reproche de s’imaginer, dans leur aveuglement, qu’ils peuvent se saisir de lui contre sa volonté; et tel est le sens de ses paroles : Vous n’avez pu vous saisir de moi alors, parce que je ne le voulais pas, et aujourd’hui encore vous ne le pourriez pas davantage, si je ne me livrais moi-même entre vos mains : « Mais voici votre heure, » c’est-à-dire : mon Père qui se rend à mes voeux, vous accorde ce peu de temps pour exercer contre moi votre cruauté. Il ajoute que cette puissance de sévir contre le Christ, a été donnée aux ténèbres (c’est-à-dire au démon et aux Juifs) ; « mais voici votre heure et la puissance des ténèbres ». — S. Bède : C’est-à-dire : Vous vous réunissez contre moi dans les ténèbres, parce que la puissance dont vous vous armez contre la lumière du monde est la puissance des ténèbres. On se demande comment saint Luc a pu dire que Jésus parlait ainsi aux princes des prêtres, aux officiers du temple, et aux anciens qui étaient venus pour le prendre, tandis que d’après les autres Évangélistes, ils ne vinrent pas en personne, mais envoyèrent leurs serviteurs, et attendirent dans la maison de Caïphe. Nous répondons que cette contradiction n’est qu’apparente, et que les princes des prêtres vinrent effectivement, non par eux-mêmes, mais par ceux qu’ils envoyèrent en leur nom, et qui avaient reçu d’eux l’ordre de se saisir de Jésus-Christ. |
Lectio 14 [85954] Catena in Lc., cap. 22 l. 14 Ambrosius. Non intellexerunt infelices mysterium, nec
venerati sunt tam clementem pietatis affectum, quo etiam hostes suos non
passus est vulnerari; dicitur enim comprehendentes autem eum duxerunt ad
domum principis sacerdotum. Cum legimus teneri Iesum, caveamus ne putemus eum
teneri secundum divinitatem et invitum quasi infirmum; tenetur enim et
ligatur secundum corporis veritatem. Beda.
Princeps autem sacerdotum Caipham significat, qui, secundum Ioannem, erat
pontifex anni illius. Augustinus
de Cons. Evang. Sed primo ad Annam ductus est socerum Caiphae, sicut
Ioannes dicit, quam ad Caipham, ut Matthaeus dicit. Marcus autem et Lucas
nomen non dicunt pontificis. Chrysostomus.
Ideo autem ducitur ad domum pontificis, ut de consensu principis
sacerdotum singula quaeque facerent : illuc enim omnes convenerant Christum
praestolantes. Magnus autem fervor Petri ostenditur, qui non aufugit, cum
alios fugientes vidisset; sequitur enim Petrus vero sequebatur eum a longe.
Ambrosius.
Bene a longe sequebatur iam proximus negator : neque enim negare
potuisset, si Christo proximus adhaesisset. Sed in hoc fit reverendus, quod dominum
non reliquit etiam cum timeret : metus naturae est, cura pietatis. Beda. Quod autem ad passionem euntem dominum a longe sequitur
Petrus, significat Ecclesiam secuturam quidem, idest imitaturam passionem
domini; sed longe differenter : Ecclesia enim pro se patitur, at ille pro
Ecclesia. Ambrosius. Iam autem in domo principis sacerdotum ignis ardebat;
unde sequitur accenso autem igne in medio atrii, et circumsedentibus illis,
erat Petrus in medio eorum. Accessit Petrus ut calefaceret se, quia clauso
domino, calor mentis iam in eo refriguerat. Chrysostomus. Traditae enim erant Petro claves regni caelorum :
credenda erat ei populorum innumera multitudo, quae esset involuta peccatis. Erat
autem Petrus paulo durior, sicut truncata servi principis sacerdotum declarat
auricula. Hic igitur tam durus tamque severus, si donum non peccandi fuisset
adeptus, quae venia commissis populis donaretur? Quem divina providentia
permisit, quod primo ipse laberetur in peccatum, quo erga peccantes duriorem
sententiam proprii casus intuitu temperaret. Et cum se calefacere vellet ad
prunas, accessit ad eum puella, de qua sequitur quem cum vidisset ancilla
quaedam sedentem ad lumen, et eum fuisset intuita, dixit : et hic cum illo
erat. Ambrosius.
Quid sibi vult quod primo eum prodit ancilla, cum viri utique magis
potuerint eum recognoscere, nisi ut iste sexus peccare in nece domini
videretur, ut et iste sexus redimeretur per domini passionem? Petrus autem
proditus negat : malo enim negasse Petrum quam dominum fefellisse; unde
sequitur at ille negavit, dicens : mulier, non novi illum. Chrysostomus.
Quid ais, o Petre? Vox tua repente mutata est : os enim plenum fidei et
amoris in odium perfidiamque conversum est : non tibi flagella, nondum sunt
admota tormenta; qui te interrogat, nullus est eorum qui auctoritate sua
possit formidinem incutere confitenti : mulier te simplici voce interrogat,
et forte nec proditura confessum; nec tamen mulier, sed puella ostiaria, vile
mancipium. Ambrosius.
Sed ideo negavit Petrus, quia promisit incaute : non negat in monte, non
in templo, non in sua domo, sed in praetorio Iudaeorum : ibi negat ubi Iesus
ligatus est, ubi veritas non est. Negans autem dicit non novi illum :
temerarium quippe erat ut diceret quia noverat eum quem mens humana non
potest comprehendere : nemo enim novit filium nisi pater. Rursum secunda vice
negat Christum; sequitur enim et post pusillum alius videns eum dixit : et tu
de illis es. Augustinus
de Cons. Evang. Intelligitur autem quod in hac secunda negatione a duobus
est compellatus; ab ancilla scilicet, quam commemorant Matthaeus et Marcus,
et ab alio quem commemorat Lucas. Hoc ergo quod hic Lucas dicit et post
pusillum, iam egressus erat ianuam Petrus, et primum gallus cantaverat, ut
Marcus dicit; iam redierat, ut, quemadmodum dicit Ioannes, ad focum stans
iterum negaret; de qua negatione sequitur Petrus vero ait : o homo, non sum.
Ambrosius.
Maluit enim se negare quam Christum; aut quia videbatur negare Christi
societatem, utique se negavit. Beda.
In hac autem negatione Petri dicimus, non solum ab eo negari Christum qui
dicit eum non esse Christum, sed ab illo etiam qui, cum sit, negat se esse
Christianum. Ambrosius.
Tertio quoque interrogatur; sequitur enim et intervallo facto quasi horae
unius, alius quidam affirmabat dicens : vere et hic cum illo erat. Augustinus.
Quod Matthaeus et Marcus dicunt : post pusillum, quantum esset hoc
temporis manifestat hic Lucas dicendo et intervallo facto quasi horae unius :
de hoc autem intervallo tacet Ioannes. Item quod Matthaeus et Marcus non
singulari, sed plurali numero enuntiant eos qui cum Petro agebant; cum Lucas
et Ioannes unum dicant : facile est intelligere, aut pluralem numerum pro
singulari usitata locutione usurpasse Matthaeum et Marcum, aut quod unus
maxime, tamquam qui eum viderat, affirmabat; ceteri autem secuti eius fidem
Petrum simul urgebant. Iam vero illud quod Matthaeus ipsi Petro dictum
asseverat : nonne te vidi in horto? Marcus autem et Lucas inter se illos de
Petro locutos : aut sententiam intelligimus tenuisse eos qui compellatum
dicunt Petrum : tantum enim valet quod de illo coram illo dicebatur, quantum
si illis diceretur; aut utroque modo dictum, et alios hunc, alios illum modum
commemorasse. Beda.
Subdit autem nam et Galilaeus es : non quia alia lingua Galilaei atque
alia loquerentur Hierosolymitae, qui utrique fuerunt Hebraei; sed quod una
quaeque provincia et regio suas habendo proprietates usitatum loquendi sonum
vitare non possit. Sequitur et ait Petrus : o homo, nescio quid dicis. Ambrosius.
Hoc est, sacrilegia vestra nescio. Sed
nos excusamus, ipse non excusavit; non enim satis est involuta responsio
confitentis Iesum, sed aperta confessio : et ideo Petrus non de industria
respondisse sic inducitur; quia postea recordatus est, et tamen flevit. Beda.
Solet autem sacra Scriptura saepe meritum causarum per meritum designare
temporum; unde Petrus, qui media nocte peccavit, ad galli cantum poenituit;
sequitur enim et continuo, illo adhuc loquente, gallus cantavit. Quia quod in
tenebris oblivionis erravit, verae lucis rememoratione correxit. Augustinus
de Cons. Evang. Galli autem cantum post trinam negationem Petri
intelligimus, sicut Marcus expressit. Beda.
Hunc gallum mystice opinor aliquem doctorum intelligendum, qui iacentes et
somnolentos increpat, dicens : evigilate, iusti, et nolite peccare. Chrysostomus.
Admirare autem curam magistri, quia cum vinctus esset, multa utebatur provisione
erga discipulum, quem nutu erigens ad lacrymas provocavit; sequitur enim et
conversus dominus respexit Petrum. Augustinus.
Quod quomodo accipiendum sit, diligentius considerandum est. Dicit enim
Matthaeus : Petrus enim sedebat foris in atrio; quod non diceret, nisi illa
cum domino intus agerentur. Similiter et in eo quod dixit Marcus : et cum
esset Petrus in atrio deorsum, ostendit non solum in interioribus, sed etiam
in superioribus gesta quae dixerat. Quomodo ergo respicit dominus Petrum facie
corporali? Quapropter mihi videtur illa respectio divinitus facta : et sicut
dictum est : respice, et exaudi me; et : convertere, domine, libera animam
meam, ita dictum arbitror conversus dominus respexit Petrum. Beda.
Respicere namque eius, misereri est : quia non solum cum agitur
poenitentia, verum etiam ut agatur, Dei misericordia necessaria est. Ambrosius.
Denique quos Iesus respicit, plorant delictum; unde sequitur et recordatus
est Petrus verbi domini quod dixerat : quia prius quam gallus cantet, ter me
negabis. Et egressus foras Petrus flevit amare. Quare flevit? Quia erravit ut
homo : lacrymas eius lego, satisfactionem non lego. Lavant lacrymae delictum,
quod voce pudor est confiteri. Negavit primo et secundo, et non flevit, quia
adhuc non respexerat dominus; negavit tertio, respexit eum Iesus, et
amarissime flevit. Et tu si veniam vis mereri, dilue lacrymis culpam tuam.
Chrysostomus.
Non autem audebat Petrus palam flere, ne a lacrymis deprehenderetur; sed
foras exiens lacrymabatur. Flebat autem non propter poenam; sed quia dilectum
negaverat, quod molestius erat ei quolibet supplicio. |
Versets 54-62.
— S. Ambroise : Ces infortunés ne comprirent point le mystère [de cette guérison], et n’eurent aucun égard pour ce sentiment de bonté et de clémence, qui ne peut souffrir que ses ennemis mêmes soient blessés : « S’étant donc saisis de lui, ils l’amenèrent dans la maison du grand prêtre. » Lorsque nous lisons qu’ils se saisirent de Jésus, gardons-nous de l’entendre de sa divinité, ou de croire que ce fut malgré lui, et par suite de sa faiblesse; ils ne s’emparent de lui et ne le chargent de chaînes qu’en tant qu’il est revêtu d’un corps véritable semblable au nôtre. — S. Bède : Le prince des prêtres était Caïphe, qui, selon Jean, était grand-prêtre pour cette année. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang) Cependant Jésus fut conduit premièrement chez Anne, beau-père de Caïphe, selon le récit de saint Jean, et non chez Caïphe, comme le raconte saint Matthieu. Saint Marc et saint Luc ne disent pas le nom du grand-prêtre. — S. Jean Chrysostome : (hom. 84 sur Matth,) Il fut conduit dans la maison du grand-prêtre, pour que tout se fit de son consentement [et par son ordre]; car c’est là qu’ils s’étaient tous réunis pour attendre Jésus. Pierre donne ici une preuve de son ardent amour, il a vu tous les disciples prendre la fuite, mais lui ne s’enfuit pas : « Et Pierre le suivait de loin. » — S. Ambroise : Remarquez cependant qu’il le suivait de loin, parce qu’il allait bientôt le renier; car il n’eût pu le renier, s’il se fût tenu plus près de Jésus-Christ. Toutefois il est digne d’éloges pour n’avoir point abandonné le Sauveur, malgré la crainte qu’il éprouvait; cette crainte était un sentiment naturel, mais son zèle était l’effet de son affection. — S. Bède : Pierre, suivant de loin le Seigneur qui se dirige vers le lieu de ses souffrances, est la figure de l’Église, qui suit, il est vrai, c’est-à-dire qui doit imiter la passion du Sauveur, mais d’une manière bien différente; car l’Église souffre pour elle-même, tandis que Jésus-Christ souffre pour l’Église. — S. Ambroise : Or, on avait allumé du feu dans la maison du prince des prêtres : « Après avoir allumé du feu au milieu de la cour, ils s’assirent autour, et Pierre s’assit parmi eux. » Pierre s’approcha pour se réchauffer, parce qu’à la vue du Seigneur chargé de chaînes, la chaleur de son âme s’était déjà refroidie. — S. Augustin : (serm. 124 du temps.) ou S. Jean Chrysostome : Pierre avait reçu les clefs du royaume des cieux, et devait avoir la charge d’une multitude innombrable de peuples encore ensevelis dans leurs péchés. Mais il avait encore quelque dureté dans le caractère, comme il le fait voir en coupant l’oreille au serviteur du grand-prêtre. Or, avec cette sévérité et cette dureté, quelle indulgence aurait-il eue pour les peuples qui devaient lui être confiés, s’il avait reçu le privilège de ne pas commettre de péché ? La Providence divine permit donc qu’il tombât le premier dans le péché, pour que le souvenir de sa propre chute modérât la sévérité de ses jugements à l’égard des pécheurs. Comme il était près du feu pour se chauffer, une jeune fille s’approcha de lui : « Une servante qui le vit assis devant le feu, l’ayant considéré attentivement, dit : ‘Celui-là aussi était avec lui’.» — S. Ambroise : Pourquoi est-ce une servante qui découvre la première la présence de Pierre, alors que c’était bien plutôt aux hommes à la reconnaître ? N’est-ce point que Dieu permit que ce sexe ne se rendît coupable dans la passion du Seigneur, pour qu’il eût part aussi à la grâce de la rédemption par sa passion ? Pierre étant reconnu, renie son Maître; je préfère voir Pierre renier Jésus, plutôt que de dire que le Seigneur s’est trompé : « Et Pierre le nia, disant : Femme, je ne le connais point. » — S. Augustin : (comme précéd.) ou S. Jean Chrysostome : Que dites-vous, Pierre ? votre langage est tout à coup changé; votre bouche, pleine de foi et d’amour, ne laisse plus sortir que des paroles de haine et de perfidie ? Vous n’avez encore à craindre ni violences, ni tortures; aucun de ceux qui vous interrogent, n’a assez d’autorité pour vous faire trembler; une femme vous fait une simple question, sans intention peut-être d’abuser de votre aveu pour vous faire connaître; que dis-je, ce n’est pas une femme, c’est une jeune fille chargée de garder la porte, c’est une humble servante. — S.
Ambroise : Or, Pierre a renié Jésus, parce que sa
promesse a été présomptueuse. Il ne le renie pas sur la montagne, ni dans le
temple, ni dans sa maison, mais dans le prétoire des Juifs, il renie Jésus là
où il est enchaîné, là où ne se trouve point la vérité. Il le renie en disant
« Je ne le connais point » ; il eût été téméraire, en
effet, de dire qu’il connaissait celui que l’esprit humain ne peut comprendre
: « Car personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père. » (Mt 11, 47.) Bientôt il renie Jésus
une seconde fois : « Un peu après, un autre le voyant, lui dit : Vous
aussi, vous êtes de ces gens là. » — S. Augustin : (de l’accord des Evang.) Lors de ce second reniement, Pierre fut interpellé par deux personnes; par cette servante dont parlent saint Matthieu et saint Marc, et par une autre personne, dont fait mention saint Luc. Au moment dont saint Luc dit : « Un peu après, » Pierre était déjà sorti, et le coq avait chanté pour la première fois, comme le raconte saint Marc, puis il était rentré (selon le récit de saint Jean), et se tenait devant le feu près de renier Jésus pour la seconde fois. En effet, écoutez-le : « Pierre répondit : Mon ami, je n’en suis point. » — S. Ambroise : Il aime mieux se renier lui-même que de renier Jésus-Christ; ou encore, c’est en niant qu’il soit de la société de Jésus, qu’il se renie lui-même. — S. Bède : Ce reniement de Pierre nous apprend qu’on ne renie pas seulement Jésus-Christ en soutenant qu’il n’est pas le Christ, mais en niant qu’on soit chrétien, lorsqu’on l’est en effet. — S.
Ambroise : La même question est répétée à Pierre une
troisième fois : « Une heure environ s’était écoulée, lorsqu’un autre
vint dire avec assurance : Certainement cet homme était avec lui. » — S. Augustin : (de l’accord des Evang.) Saint Luc précise l’intervalle qui s’écoula entre le deuxième et le troisième renoncement : « Une heure environ s’était écoulée, » intervalle dont saint Matthieu et saint Marc ne parlent qu’en précisant : « Un peu après, » ; saint Jean n’en fait point mention. De même saint Matthieu et saint Marc parlent au pluriel de ceux qui adressaient ces questions à Pierre, tandis que saint Luc et saint Jean ne font mention que d’un seul. Il est facile de résoudre cette contradiction apparente en disant : ou bien que saint Matthieu et saint Marc ont suivi l’usage souvent adopté de mettre le pluriel pour le singulier; ou bien qu’un seul surtout affirmait avoir vu Pierre, et que tous les autres insistaient en s’appuyant sur son témoignage. D’un autre côté, saint Matthieu raconte qu’un de ceux qui étaient présents dit à saint Pierre : [« Certainement vous êtes aussi de ces gens-là; car votre langage même vous trahit, » et saint Jean qu’un autre lui dit également :] « Est-ce que je ne vous ai pas vu dans le jardin ? » tandis que selon saint Marc et saint Luc, ils s’entretenaient de Pierre à peu près dans les mêmes termes. On peut adopter l’opinion de ceux qui croient que d’après tous les Évangélistes Pierre fut interpellé directement (car parler de lui devant lui-même, n’était-ce pas la même chose que lui parler à lui-même), ou bien qu’on s’est servi de ces deux manières de parler, et que les Évangélistes n’en ont raconté qu’une seule des deux. — S. Bède : On ajoute : « Car vous êtes aussi Galiléen, » non pas sans doute que les Galiléens eussent une langue différente de celle des habitants de Jérusalem (qui étaient aussi des hébreux), mais parce que chaque province et chaque pays ayant ses usages propres, ne pouvait éviter, en parlant, l’accent qui lui était particulier. « Pierre répondit : Mon ami, je ne
sais ce que vous dites. » — S. Ambroise : C’est-à-dire : je ne connais point vos discours sacrilèges. Nous cherchons à excuser Pierre, mais lui-même ne s’excusa point, c’est qu’en effet, ce n’est pas avec une réponse vague que l’on peut confesser Jésus-Christ, il faut une déclaration claire [et formelle]; aussi ne peut-on dire que Pierre ait eu dessein de répondre dans ce sens, puisque bientôt le souvenir de son reniement lui fit verser des larmes amères. — S. Bède : L’Écriture sainte a coutume de caractériser le mérite des faits par les différentes circonstances des temps; ainsi Pierre, qui avait renié son Maître au milieu de la nuit, se repentit de son péché au chant du coq : « Et aussitôt, comme il parlait encore, le coq chanta, » le souvenir de la vraie lumière lui fait expier le crime qu’il a commis dans les ténèbres de l’oubli. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 3, 7.) Le chant du coq se fit entendre après le triple reniement de Pierre, comme saint Marc le dit expressément. — S.
Bède : Je pense
que, dans le sens figuré, ce coq représente les docteurs
qui excitent les âmes languissantes et engourdies, en leur adressant ces
paroles de l’Apôtre : « Justes, tenez-vous dans la vigilance, et
gardez-vous du péché. » (1
Co 15, 34.) — S. Jean Chrysostome : (hom. 42 sur Jean.) Admirez la sollicitude du Sauveur, il est chargé de chaînes et il veille avec amour sur son disciple, et d’un seul regard, il le touche et lui fait verser un torrent de larmes : « Et le Seigneur, se retournant, regarda Pierre. » — S.
Augustin : (de
l’accord des Evang.) Il faut examiner attentivement
dans quel sens il faut entendre ces paroles. En effet, d’après saint
Matthieu, « Pierre était assis au dehors dans la cour, » et
il ne se fût pas exprimé de la sorte, si Notre Seigneur n’eût été alors dans
l’intérieur de la maison. Saint Marc, de son côté, nous dit que « Pierre
était en bas, dans la cour, » paroles
qui indiquent que les faits qui concernent Jésus, et font l’objet de son
récit, se passaient non seulement dans l’intérieur, mais dans le haut de la
maison. Comment donc le Seigneur a-t-il regardé Pierre ? Avec les yeux
du corps ? [non, puisque Pierre alors se trouvait en dehors, dans la
cour, avec ceux qui se chauffaient, pendant que tout le reste se passait dans
l’intérieur de la maison]. Il est donc ici, me semble-t-il, question d’un
regard tout divin, tel que celui qu’implorait le Psalmiste, lorsqu’il disait
: « Regardez-moi, et exaucez-moi » (Ps 13) et encore « Tournez-vous vers moi, et délivrez
mon âme » (Ps 6) ; et
c’est dans ce sens qu’il faut entendre ces paroles : « Et le
Seigneur, se retournant, regarda Pierre. » — S. Bède : En effet, pour Jésus, regarder, c’est faire miséricorde, et cette miséricorde nous est nécessaire non seulement pour faire pénitence, mais même pour en concevoir la résolution. — S. Ambroise : Ceux sur lesquels Jésus daigne ainsi jeter un regard, pleurent amèrement leurs fautes : « Et Pierre se ressouvint de la parole que le Seigneur lui avait dite : ‘Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois’. Et Pierre étant sorti, pleura amèrement. » Quelle fut la cause de ses larmes ? la faute qu’il avait commise. Je lis bien que Pierre a pleuré; je ne vois point qu’il ait cherché à s’excuser; ses larmes effacent le crime qu’il avait honte d’avouer. Il avait renié son divin Maître une première et une seconde fois, mais sans verser de larmes, parce que le Seigneur ne l’avait pas encore regardé; il le renie une troisième fois, Jésus le regarde, et il pleure amèrement. Si donc vous voulez mériter votre pardon, vous aussi lavez vos fautes dans vos larmes. — S. Cyrille : ou S. Jean Chrysostome : Cependant Pierre n’osait pleurer publiquement, de peur que ses larmes ne le fissent découvrir, mais il sortit dehors pour donner un libre cours à ses larmes. Or, il pleurait non par crainte du châtiment qu’il avait mérité, mais parce qu’il avait renié son Maître bien-aimé, pensée plus accablante pour lui que tous les supplices. |
Lectio 15 [85955] Catena in Lc., cap. 22 l. 15 Augustinus
de Cons. Evang. De Petri tentatione, quae inter domini contumelias facta
est, non eodem ordine omnes narrant : nam illas primo commemorat Matthaeus et
Marcus, deinde Petri tentationem : Lucas vero explicavit prius tentationem
Petri, deinde domini contumelias, dicens et viri qui tenebant eum, illudebant
ei, caedentes. Chrysostomus.
Caeli et terrae dominus caesus sustinet, et patitur impiorum ridicula,
formam nobis patientiae praebens. Theophylactus.
Nec non dominus prophetarum, ut pseudopropheta deluditur. Sequitur et
velaverunt eum, et percutiebant faciem eius; et interrogaverunt eum, dicentes
: prophetiza nobis : quis est qui te percussit? Beda.
Haec quasi in contumeliam faciebant eius qui se a populis prophetam voluit
haberi. Sed qui tunc caesus est colaphis Iudaeorum, caeditur etiam nunc
blasphemiis falsorum Christianorum. Velaverunt autem eum, non ut eorum illa
scelera non videat, sed ut a seipsis faciem eius abscondant. Haeretici autem
et Iudaei et mali Catholici eum reprobis actibus exacerbantes, quasi
illudentes, dicunt quis est qui te percussit? Dum ab illo suas cogitationes
et opera tenebrarum cognosci non aestimant. Augustinus.
Haec autem intelligitur passus dominus usque mane in domo principis
sacerdotum, quo prius adductus est; unde sequitur et ut factus est dies,
convenerunt seniores plebis et principes sacerdotum et Scribae, et duxerunt
illum in Concilium suum, dicentes : si tu es Christus, dic nobis. Beda. Non veritatem desiderabant, sed calumniam praeparabant.
Siquidem Christum hominem tantummodo de stirpe David venturum sperantes, hoc
ab eo quaerebant, ut si diceret : ego sum Christus, calumniarentur, quod sibi
arrogaret regiam potestatem. Theophylactus.
Ipse vero sciebat eorum praecordia, quod qui non crediderant operibus,
multo minus sermonibus crederent; unde sequitur et ait illis : si vobis
dixero, non credetis mihi. Beda.
Saepe enim dixerat se Christum esse : puta cum dicebat : ego et pater unum
sumus : et cetera talia. Si autem interrogavero, non respondebitis mihi,
neque dimittetis. Interrogaverat enim eos, quomodo dicerent Christum filium
esse David, cum David in spiritu dominum num suum illum vocaverit; verum illi
neque dicenti credere, neque interroganti respondere voluerunt. Quia autem
semen David calumniari quaerebant, plus est quod audiunt. Sequitur ex hoc
autem erit filius hominis sedens a dextris virtutis Dei. Theophylactus.
Quasi dicat : non est vobis de cetero tempus sermonum et doctrinae : sed
deinceps iudicii tempus erit, cum videbitis me filium hominis sedentem a
dextris virtutis Dei. Cyrillus.
Cum autem de Deo sessio dicitur, atque thronus, regia et universis
principans dignitas designatur. Non enim putamus tribunal quoddam positum
esse, cui credamus inniti dominum omnium; sed nec omnino dextrum, vel
sinistrum esse penes divinam naturam : proprium enim est corporum figura, et
locus et sessio. Qualiter autem paris honoris, paris quoque consessus filius
videbitur esse, si non est secundum naturam filius, naturalem in se
proprietatem habens patris? Theophylactus.
Hoc igitur audientes timere debebant; sed illi post haec verba magis
insaniunt; unde sequitur dixerunt autem omnes : tu ergo es filius Dei? Beda.
Quod se filium Dei dixerat, acceperunt in eo quod ait erit filius hominis
sedens a dextris virtutis Dei. Ambrosius.
Dominus autem maluit se regem probare, quam diceret, ut condemnandi causam
habere non possint qui quod obiciunt, hoc fatentur. Sequitur qui ait : vos
dicitis quia ego sum. Cyrillus.
Hoc autem dicente Christo, succensuit Pharisaeorum cohors, usurpans
ignominiae vocem; unde sequitur at illi dixerunt : quid adhuc desideramus
testimonium? Ipsi enim audivimus de ore eius. Theophylactus.
Ex quo patet quod inobedientes nulla commoda ferunt, revelatis sibi
secretioribus; sed maiorem poenam acquirunt, propter quod talia oportet eis
esse occulta. |
Versets 63-71.
— S. Augustin : (De l’acc. des Evang., 3, 6.) Tous les évangélistes ne rapportent pas dans le même ordre le reniement de Pierre, qui eut lieu pendant que le Seigneur était en butte aux outrages de ses ennemis. Saint Matthieu et saint Marc racontent d’abord ces outrages, et puis la chute de Pierre; saint Luc suit un ordre contraire, et ce n’est qu’après le reniement de Pierre, qu’il parle de ces outrages en ces termes : « Cependant ceux qui tenaient Jésus le raillaient et le frappaient. » — S. Jean Chrysostome : Jésus, le Seigneur du ciel et de la terre, supporte et souffre les dérisions des impies, pour nous donner un sublime exemple de patience. — Théophylacte : Ajoutons que le Seigneur des prophètes est l’objet de leurs moqueries comme un faux prophète. « Puis lui ayant bandé les yeux, ils le frappaient au visage, et ils l’interrogeaient en disant : ‘Prophétise : quel est celui qui t’a frappé ?’» — S. Bède : Ils lui faisaient subir cet indigne traitement, parce qu’il avait voulu se faire passer aux yeux du peuple pour un prophète. Or, ce même Jésus qui fut alors souffleté par les Juifs, est encore aujourd’hui outragé de la même manière par les blasphèmes des faux chrétiens. Ils lui bandèrent les yeux, non pour lui dérober le spectacle de leurs violences, mais pour dérober à eux-mêmes la vue de sa face. C’est ainsi que les hérétiques, les Juifs et les mauvais catholiques, qui continuent de l’outrager par leur conduite criminelle, lui disent encore pour se moquer de lui : « Qui t’a frappé ? » lorsqu’ils s’imaginent qu’il ne peut connaître leurs pensées et leurs oeuvres de ténèbres. — S.
Augustin : (De
l’accord des Evang.) Le Seigneur fut donc en butte à
ces outrages jusqu’au matin dans la maison du prince des prêtres où il avait
d’abord été conduit : « Et dès
qu’il fut jour, les anciens du peuple, les princes des prêtres et les scribes
s’assemblèrent, et l’ayant fait amener devant eux, ils lui dirent : Si vous
êtes le Christ, dites-le nous. » — S. Bède : Ils ne désirent point connaître la vérité, mais ils attendent sa réponse pour le calomnier. Le Christ dont ils espéraient la venue, devait être de la race de David, et ils lui font cette question, pour lui faire un crime de s’être attribué la puissance royale, s’il répondait affirmativement : « Je suis le Christ. » —
Théophylacte : Mais Jésus connaissait leurs
dispositions intérieures, et il savait bien que n’ayant point voulu croire à
ses oeuvres, ils se rendraient encore bien moins à ses discours : « Et il leur répondit : Si je vous le
dis, vous ne me croirez pas. » — S.
Bède : Souvent en effet, il leur avait déclaré qu’il
était le Christ; par exemple lorsqu’il leur disait : « Mon Père et moi nous sommes un, » (Jn 10) et en d’autres termes semblables
: « Et si je vous interroge, vous
ne me répondrez pas. » C’est ainsi qu’il leur avait demandé comment
ils pouvaient dire que le Christ fût le Fils de David, puisque David inspiré
l’appelait son Seigneur (cf. Mt 22,
42; Mc 12, 35.36; Lc 20, 42, etc). Or, ils n’avaient
voulu ni croire à sa parole, ni répondre à ses questions, et comme ils
s’attachaient à calomnier le fils de David, il leur fait entendre une vérité
beaucoup plus importante : « Désormais
le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu. » — Théophylacte : Paroles dont voici le sens : Le temps des discours et des enseignements est passé pour vous; désormais c’est le temps du jugement, où vous me verrez, moi le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu. — S. Cyrille : Lorsque la sainte Écriture nous représente Dieu comme assis, et qu’elle nous parle de son trône, elle veut exprimer qu’il est le Roi de l’univers, et qu’il a sur tous les hommes une puissance souveraine. Nous ne pouvons admettre, en effet, qu’il existe un tribunal où le Seigneur de toutes choses vienne siéger, ni que la nature divine ait une droite ou une gauche, car il n’appartient qu’aux corps d’avoir une forme, d’occuper une place, ou d’être assis. Mais comment le Fils de l’homme pourra-t-il paraître dans la même gloire et au même rang que son Père, s’il n’est pas son Fils par nature, s’il n’a pas en lui l’essence même du Père ? —
Théophylacte : Cette déclaration solennelle aurait dû
leur inspirer une crainte salutaire, loin de là, elle ne fait que redoubler
leur acharnement : « Alors ils
dirent tous : Vous êtes donc le Fils de Dieu ? » — S.
Bède : ils comprirent qu’il s’était déclaré le Fils
de Dieu en disant de lui-même : « Désormais
le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu. » — S.
Ambroise : Notre Seigneur aime mieux prouver qu’il
était roi plutôt que de le dire, afin de leur ôter tout motif de le
condamner, puisqu’ils étaient forcés d’avouer eux-mêmes ce dont ils lui
faisaient un crime : « il répondit
: Vous le dites, je le suis. » — S.
Cyrille : A ces paroles, toute la troupe des
pharisiens entre en fureur, et l’accuse de blasphème : « Et ils répartirent : Qu’avons-nous besoin d’autre
témoignage ? nous l’avons entendu nous-mêmes de sa propre bouche. »
— Théophylacte : Cette conduite des Juifs nous montre que les esprits rebelles ne tirent aucun avantage des mystères qui leur sont révélés, mais qu’ils n’en deviennent que plus coupables, aussi vaut-il mieux les leur laisser ignorer. |
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Caput 23 |
CHAPITRE 23
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Lectio 1 [85956] Catena in Lc., cap. 23 l. 1 Augustinus de
Cons. Evang. Postquam complevit Lucas narrando Petri negationem, recapitulavit
quae cum domino gesta sunt circa mane, commemorans quaedam quae alii
tacuerunt; atque ita contexuit narrationem, similia aliis narrans, cum dicit
et surgens multitudo eorum duxerunt illum ad Pilatum. Beda.
Ut impleretur sermo Iesu quem de sua morte praedixit : tradetur gentibus,
scilicet Romanis : nam Pilatus Romanus erat, eumque Romani in Iudaeam
praesidem miserant. Augustinus
de Cons. Evang. Deinde apud Pilatum gesta sic narrat : coeperunt autem eum
accusare, dicentes : hunc invenimus subvertentem gentem nostram, et
prohibentem tributa dari Caesari, et dicentem se Christum regem esse. Hoc
Matthaeus et Marcus non dixerunt, cum tamen dicerent quod eum accusabant; sed
iste etiam ipsa crimina quae falso obiecerunt, aperuit. Theophylactus.
Evidenter autem adversantur veritati : non enim dominus prohibuit dare
censum, sed magis dare iussit. Qualiter autem populum subvertebat, an ut
regnum aggrederetur? Sed hoc est incredibile cunctis : quia volente
multitudine tota eum in regem eligere, sciens fugit. Beda.
Duobus autem domino obiectis, scilicet quod et tributa Caesari dari
prohibuerit, et se Christum regem diceret, potuit fieri ut illud quod dominus
ait : reddite quae sunt Caesaris Caesari, etiam Pilatum audisse contigerit.
Ideoque causam hanc quasi apertum Iudaeorum mendacium parvipendens, solum
quod nesciebat, de regni verbo interrogandum putavit. Sequitur Pilatus autem
interrogavit eum, dicens : tu es rex Iudaeorum? Theophylactus.
Mihi videtur quod hoc a Christo quaesierit contemptum obiecti criminis
subsannando; quasi dicat : tu pauper, humilis, nudus, cui nullus adiutor,
accusaris de regni ambitione, ad quod opus est multorum adiutorium et sumptus.
Beda.
Eodem autem verbo praesidi, quo et principibus sacerdotum respondet, ut
propria sententia condemnetur; sequitur enim at ille respondens ait : tu
dicis. Theophylactus.
Illi autem, cum nihil aliud faveret eorum calumniae, recurrunt ad clamorum
subsidia; sequitur enim at illi invalescebant, dicentes : commovet populum,
docens per universam Iudaeam, incipiens a Galilaea usque huc; quasi dicant :
pervertit populum, nec in una parte tantum, sed a Galilaea incepit, et
hucusque pervenit, transiens per Iudaeam. Puto autem eos non absque causa
meminisse Galilaeae; sed volentes incutere timorem Pilato. Galilaei enim
schismatici fuerunt, et nova tentantes, qualis fuit Iudas Galilaeus, cuius in
actibus apostolorum fit mentio. Beda.
His autem verbis non illum, sed se accusant. Docuisse enim populum et a
pristini temporis ignavia docendo commovisse, talique actu totam terram
promissionis pertransisse, non criminis, sed indicium est virtutis. Ambrosius.
Accusatur autem dominus, et tacet, quia defensione non indiget : ambiant
defendi qui timent vinci. Non ergo accusationem tacendo confirmat, sed despicit,
non refellendo. Quid ergo timeret qui non ambit salutem? Salus omnium suam
prodit, ut acquirat omnium. |
Versets 1-5.
— S. Augustin : (De l’acc. des Evang., 3, 7.) Saint Luc ayant achevé le récit du reniement de Pierre, résume tout ce que le Sauveur eut à souffrir vers le matin, en rapportant quelques circonstances que les autres évangélistes ont passées sous silence, et il poursuit son récit en racontant les mêmes faits que les autres : « Toute l’assemblée s’étant levée, ils le menèrent à Pilate, » etc. — S. Bède : C’est ainsi que s’accomplit cette prophétie de Jésus sur sa mort : « il sera livré aux Gentils, » c’est-à-dire aux Romains, car Pilate était romain, et c’étaient les Romains qui l’avaient nommé gouverneur de la Judée. — S. Augustin : (De l’acc. des Evang., 3, 8.) Saint Luc raconte ensuite ce qui se passa chez Pilate : « Et ils commencèrent à l’accuser en disant : Nous avons trouvé cet homme pervertissant notre nation, l’empêchant de payer les impôts à César et disant de lui-même qu’ilest le Christ-roi.» Saint Matthieu et saint Marc n’ont point fait mention de cette circonstance, bien qu’ils disent qu’ils portaient contre le Sauveur diverses accusations, tandis que saint Luc précise l’objet de ces fausses accusations. — Théophylacte : Évidemment, ces accusations sont contraires à la vérité. Loin de défendre, le Sauveur a bien plutôt recommandé de payer le tribut. Pour quel motif d’ailleurs aurait-il cherché à soulever le peuple ? Est-ce pour se faire roi ? Mais voilà qui est incroyable pour tout le monde, lorsqu’on le voit se dérober par la fuite à la multitude qui voulait le choisir pour roi. — S.
Bède : Les ennemis de Jésus formulaient surtout
contre lui deux griefs : qu’il défendait de payer le tribut à César, et qu’il
se disait le Christ-roi. Or, il put très bien se faire que Pilate lui-même
eût appris que le Sauveur enseignait formellement : « Rendez à César ce qui est à César » ; aussi sans
s’arrêter à cette accusation qu’il regardait comme un mensonge flagrant des
Juifs, il crut ne devoir l’interroger que sur ce qu’il ignorait, c’est-à-dire
sur ce que Jésus avait pu dire de sa royauté : « Pilate l’interrogea donc en lui disant : Êtes-vous le roi des
Juifs ? » — Théophylacte : Pilate, je crois, fait cette question à Jésus-Christ, par dérision pour ces Juifs hypocrites, qui l’accusent d’un crime si peu vraisemblable. Comment, semble-t-il lui dire, vous qui êtes pauvre, méprisé, dénué de tout, sans appui; on vous accuse d’aspirer à la royauté, qu’on ne peut obtenir qu’à l’aide d’une multitude de partisans et d’immenses richesses ? — S.
Bède : Jésus fait au gouverneur la même réponse
qu’aux princes des prêtres, pour qu’il soit condamné aussi par son propre
aveu : « Jésus lui répondit : Vous
le dites. » — Théophylacte : Les Juifs voyant l’inutilité de leurs calomnies, ont recours aux cris : « Mais redoublant leurs instances, ils dirent : Il soulève le peuple, répandant sa doctrine dans toute la Judée, depuis la Galilée, [où il a commencé], jusqu’ici. » C’est-à-dire : il soulève le peuple, non seulement dans une partie du pays, mais depuis la Galilée, où il a commencé, jusqu’ici où il est venu en traversant la Judée. Je pense que ce n’est pas sans raison qu’ils font mention de la Galilée, ils veulent réveiller les craintes de Pilate, car les Galiléens étaient schismatiques et amateurs de nouveautés, tel que fut Judas le Galiléen, dont il est parlé dans le livre des Actes des Apôtres (Ac 5, 37). — S. Bède : Mais en parlant de la sorte, ils s’accusent eux-mêmes au lieu d’accuser Jésus, car ce n’est point un crime, mais un acte et une preuve de vertu que d’avoir par ses enseignements, fait sortir ce peuple de sa trop longue torpeur et parcouru toute la terre promise, en y produisant de semblables effets. — S. Ambroise : Devant ces accusations, Notre Seigneur se tait, parce qu’il n’a pas besoin de défense. Que ceux-là cherchent des défenseurs, qui craignent [à bon droit] de perdre leur cause. Il ne confirme donc point ces accusations par son silence, mais il les dédaigne comme indignes d’être réfutées. Que craindrait-il d’ailleurs, lui qui ne désire point se sauver ? Lui, le Sauveur de tous, abandonne le soin de son propre salut pour ne s’occuper que du salut de tous les hommes. |
Lectio 2 [85957] Catena in Lc., cap. 23 l. 2 Beda.
Pilatus de praemissa accusatione non interrogandum dominum ratus, se ipsum
magis nacta occasione cupit ab eo iudicando liberum reddere; unde dicitur
Pilatus autem audiens Galilaeam, interrogavit si homo Galilaeus esset. Et ne
contra eum quem insontem et propter invidiam traditum cognoverat, sententiam
dare cogeretur, Herodi eum misit audiendum, ut ipse potius eum, qui eius
patriae tetrarcha existebat, vel absolveret vel puniret. Sequitur et ut
cognovit quod de Herodis potestate esset, remisit eum ad Herodem, qui et ipse
Hierosolymis erat illis diebus. Theophylactus. In hoc sequitur legem Romanam, quae iubebat
quemlibet a principe suae iurisdictionis condemnari. Gregorius Moralium. Christi autem famam Herodes explorare voluit,
cum eius miracula videre concupivit. Sequitur Herodes autem viso Iesu,
gavisus est valde : erat enim cupiens ex multo tempore videre illum. Theophylactus.
Non tamquam lucraturus quidquam utilitatis ex eius aspectu; sed patiens
novorum cupidinem, credebat videre quemdam extraneum hominem; de quo audierat
quod sapiens et mirificus esset; unde sequitur eo quod audierat multa de illo
et sperabat signum aliquod videre ab eo fieri. Volebat etiam audire ab eo
quid diceret; et ideo interrogat eum quasi derisorie se habens ad ipsum, et
eum subsannans. Sequitur interrogabat autem illum multis sermonibus. Iesus,
qui cuncta ratione peregit, et qui, teste David, suos sermones in iudicio
disponit, pium esse iudicavit in talibus habere silentium : sermo enim
prolatus ei cui nihil proficit, condemnationis fit causa; unde sequitur et
ipse nihil ei respondebat. Ambrosius.
Tacuit et nihil fecit : quia nec illius credulitas merebatur videre
divina; et dominus iactantiam declinabat; et forte typice in Herode omnes
impii significantur, qui si legi non crediderint et prophetis, mirabilia
Christi opera in Evangelio videre non possunt. Gregorius
Moralium. Hoc etiam audientes nos oportet addiscere ut quoties auditores
nostri nostra volunt quasi laudando cognoscere, non autem sua perversa
mutare, omnino taceamus; ne si ostentationis studio verbum Dei loquimur, et
illorum quae erat culpa esse non desinat, et nostra quae non erat, fiat.
Multa autem sunt quae audientis animum produnt; maxime si auditores nostri et
semper laudant quod audiunt, et nunquam quod laudant sequuntur. Gregorius
Moralium. Inquisitus ergo redemptor tacuit, expectatus miracula adhibere
contempsit, seseque apud se in occultis retinens, eos quos exteriora quaerere
comperit, ingratos foris reliquit, magis eligens aperte a superbientibus
despici quam a non credentibus vacua voce laudari; unde sequitur stabant
autem principes sacerdotum et Scribae constanter accusantes eum. Sprevit
autem illum Herodes cum exercitu suo, et illusit indutum veste alba, et
remisit ad Pilatum. Ambrosius.
Non otiosum quod veste alba induitur ab Herode, immaculatae tribuens
indicia passionis, quod agnus Dei sine macula cum gloria mundi peccata
susciperet. Theophylactus.
Tu autem considera, quod per ea quae facit Diabolus, impeditur : congerit
derisiones et opprobria in Christum, ex quibus declaratur quod dominus
seditiosus non sit; alioquin non derideretur plebe reddita suspecta, et
novitatibus gaudente. Missio autem Christi a Pilato ad Herodem fit amicitiae
communis exordium, quasi Pilato non usurpante sibi subditos ditioni Herodis;
unde subditur et facti sunt amici Herodes et Pilatus in ipso die : nam antea
inimici erant ad invicem. Attende Diabolum ubique coniungentem disiuncta, ut
Christi peragat necem. Erubescamus ergo nos, si causa nostrae salutis nec
amicos in proprio foedere conservemus. Ambrosius.
In typo etiam Herodis atque Pilati qui amici ex inimicis per Iesum
Christum facti sunt, et plebis Israelis et populi gentilis figura servatur,
quod per domini passionem utriusque sit futura concordia; ita tamen ut prius
populus nationum capiat Dei verbum, et ad populum Iudaeorum fidei suae
devotionem transmittat, ut illi quoque gloria maiestatis suae corpus vestiant
Christi quod ante despexerant. Beda.
Vel hoc Herodis et Pilati foedus significat, quod gentiles et Iudaei
genere et religione et mente dissidentes, in Christianis persequendis
consentiunt. |
Versets 6-12.
— S. Bède : Pilate, convaincu qu’il ne peut ni interroger, [ni condamner] le Sauveur, sur les accusations portées contre lui, saisit avec empressement l’occasion qui lui est offerte, d’échapper à la responsabilité du jugement de Jésus : « Pilate, entendant nommer la Galilée, demanda si cet homme était Galiléen. » Il craint d’être obligé de prononcer une sentence de mort contre un homme innocent à ses yeux, et qui n’est accusé, il le sait, que par l’envie de ses ennemis; il le renvoie donc au tribunal d’Hérode, pour être absous ou condamné par le tétrarque qui gouvernait son pays : « Et dès qu’il sut qu’il était de la juridiction d’Hérode, il le renvoya à ce prince qui se trouvait lui-même à Jérusalem en ces jours-là. » — Théophylacte : Il se conforme en cela aux prescriptions de la loi romaine, d’après laquelle chacun devait être jugé par son prince naturel. — S. Grégoire : (Moral., 10, 17.) Or, Hérode voulut s’assurer de la renommée de Jésus-Christ, et il désirait lui voir opérer quelque prodige : « Hérode eut une grande joie de voir Jésus, car il désirait le voir depuis longtemps.» —
Théophylacte : Ce n’est pas qu’il voulut tirer
quelque utilité de la vue du Sauveur, mais il avait la passion des
nouveautés, et il s’attendait à voir un homme extraordinaire dont il avait
entendu vanter la sagesse et les prodiges : « Car il avait entendu raconter beaucoup de choses de lui, et il
espérait lui voir faire quelque miracle. » Il voulait aussi savoir
ce qu’il lui dirait, et dans ce dessein il l’interroge sur le ton de la
dérision et de la raillerie : « Il
lui fit donc beaucoup de questions. » Mais Jésus, dont toute la
conduite est dirigée par une raison souveraine, et qui, au témoignage de
David, règle tous ses discours avec prudence et jugement (Ps 111, 5), crut plus utile pour Hérode de garder le silence dans
cette circonstance. En effet, tout
discours adressé à celui qui n’en fait aucun profit, devient pour lui une
cause de condamnation : « Mais
Jésus ne lui répondit rien. » — S. Ambroise : Jésus se tait et ne fait aucun miracle, parce qu’Hérode n’avait pas la foi qui mérite de voir des miracles, et que lui-même fuyait toute ostentation. Peut-être aussi, Hérode est-il la figure de tous les impies, qui ne peuvent voir et comprendre les miracles de Jésus-Christ, racontés dans l’Évangile, qu’à la condition de croire à la loi et aux prophètes. — S. Grégoire : (Moral., 22, 42.) Cette conduite de Jésus nous apprend à garder nous-mêmes un silence absolu, toutes les fois que nos auditeurs témoignent le désir de nous entendre pour faire l’éloge de nos discours plutôt que pour corriger leurs vices, de peur qu’en annonçant la parole de Dieu par un motif de vaine gloire, nos discours n’aient d’autre résultat que de nous rendre coupables, sans avoir rendu les autres meilleurs. Or, nous pouvons reconnaître à plusieurs signes les intentions [douteuses] de ceux qui nous écoutent, mais surtout lorsque nous les voyons louer sans cesse ce qu’ils entendent, sans jamais mettre en pratique les enseignements dont ils font l’éloge. — S.
Grégoire : (Moral.,
10, 17.) Notre Seigneur ne répond à aucune des
questions qui lui sont adressées, il dédaigne d’opérer les prodiges qu’on
attend de lui, il se recueille dans l’intérieur de son âme, et laisse dehors
sans leur accorder aucune grâce, ceux qu’il voit ne rechercher que ce qui
frappe les sens, il préfère le mépris public des orgueilleux aux louanges
stériles de ceux qui refusent de croire en lui : « Cependant les princes des prêtres et les scribes étaient là,
l’accusant avec opiniâtreté. Or, Hérode, avec sa cour, le méprisa, et l’ayant
par dérision revêtu d’une robe blanche, il le renvoya à Pilate. » — S. Ambroise : Ce n’est pas sans un dessein mystérieux que Jésus est revêtu par Hérode d’une robe blanche, le symbole de sa mort innocente et le signe glorieux de l’agneau sans tache, qui devait expier les péchés du monde. — Théophylacte : Cependant, considérez comme le démon est pris et entravé dans ses propres filets. Il multiplie contre Jésus-Christ les dérisions et les outrages, qui prouvent jusqu’à l’évidence qu’il n’est point coupable de sédition, car on ne se serait pas contenté de se moquer de lui, s’il avait soulevé contre l’autorité, ce peuple qui aimait tant les nouveautés. Ce renvoi de Jésus, de Pilate à Hérode, devint pour eux une occasion d’un début d’amitié entre eux, Pilate voulant ainsi prouver à Hérode qu’il n’usurpait point la juridiction sur ses propres sujets : « Et ce jour-là, Hérode et Pilate devinrent amis, car auparavant ils étaient ennemis l’un de l’autre. » Voyez comme le démon sait réunir ceux qui sont le plus divisés, pour arriver à consommer la mort de Jésus-Christ. Rougissons donc nous-mêmes, si, dans l’intérêt de notre propre salut, nous ne savons pas conserver l’union avec nos amis. — S. Ambroise : Dans un sens figuré, Hérode et Pilate, qui se réconcilièrent à l’occasion de Jésus-Christ, représentent [jusqu’à un certain point] le peuple juif et le peuple des Gentils, qui devaient aussi se réconcilier entre eux par la passion du Seigneur, en suivant néanmoins cet ordre que les Gentils recevraient les premiers la parole de Dieu, et feraient ensuite entrer en participation de leur foi et de leur charité, les Juifs qui revêtiraient aussi de gloire et de majesté le corps de Jésus-Christ, objet autrefois de leurs mépris. — S. Bède : Ou encore, la réconciliation d’Hérode et de Pilate signifie que les Gentils et les Juifs, si différents d’origine, de religion et de sentiments, se réuniront et se ligueront pour persécuter les chrétiens. |
Lectio 3 [85958] Catena in Lc., cap. 23 l. 3 Augustinus de
Cons. Evang. Rediens Lucas ad ea quae apud praesidem gerebantur, unde
digressus erat ut narraret quod apud Herodem actum est, ita dicit : Pilatus
autem convocatis principibus sacerdotum et magistratibus et plebe, dixit ad
eos : obtulistis mihi hunc hominem quasi avertentem populum; et ecce ego
coram vobis interrogans nullam causam invenio in homine isto ex his in quibus
eum accusatis. Hic intelligimus eum praetermisisse quemadmodum a domino
quaesierit quid accusatoribus responderet. Ambrosius.
Hic Pilatus Christum absolvit iudicio, crucifigit ministerio. Ad Herodem
mittitur, ad Pilatum remittitur; unde sequitur sed neque Herodes : nam remisi
vos ad illum; et ecce nihil dignum morte actum est ei. Etsi uterque reum non
pronuntiat, ob metum tamen, alienae crudelitati studiis Pilatus obsequitur.
Theophylactus.
Duorum ergo virorum testimonio Iesus insons ostenditur; Iudaei vero, qui
accusabant, nullum testem obtulerunt, cui credere oporteret. Vide ergo
quomodo superet veritas. Iesus tacet, et testantur inimici : proclamant
Iudaei, et nullus eorum attestatur clamoribus. Beda.
Pereant ergo scripta quae post tanto tempore contra Christum composita,
non illum apud Pilatum magicae artis accusatum, sed componentes, apud dominum
perfidiae et falsitatis accusandos esse demonstrant. Theophylactus. Lentus ergo Pilatus, nec satis pro veritate severus,
quia timebat accusationes, subiungit emendatum ergo illum dimittam. Beda. Quasi dicat : flagris illum et ludibriis quantum
iubetis afficiam, dummodo innoxium sanguinem non sitiatis. Sequitur necesse autem habebat dimittere eis per diem festum unum.
Necesse habebat non imperialis legis sanctione, sed annua gentis consuetudine
devictus, cui per talia gaudebat placere. Theophylactus. Romani enim Iudaeis concesserant secundum leges et
ritus proprios conversari. Mos autem patrius erat
Iudaeis petere damnatos a principe, sicut a Saule Ionatham petiverunt; unde
et de eorum petitione nunc subditur exclamavit autem simul universa turba,
dicens : tolle hunc, et dimitte nobis Barabbam. Qui erat propter seditionem
quamdam factam in civitate, et homicidium, missus in carcerem. Ambrosius.
Non immerito homicidae absolutionem petunt qui flagitabant innocentis
exitium. Tales leges habet iniquitas, ut quod oderit innocentia, scelus
diligat. In quo tamen nominis interpretatio speciem dat figurae : Barabbas
enim patris filius Latine dicitur. Illi ergo quibus dicitur : vos ex patre
Diabolo estis, vero Dei filio, patris sui filium, idest Antichristum,
praelaturi esse produntur. Beda.
Haeret autem Iudaeis usque hodie sua petitio : quia enim data sibi
optione, pro Iesu latronem, pro salvatore interfectorem elegerunt; merito
salutem vitamque perdiderunt, et latrociniis se ac seditionibus intantum
subiecerunt ut et patriam et regnum suum perdiderint. Theophylactus. Sic ergo gens olim sancta furit ad caedendum; Beda. Pessimo enim genere mortis occidere innocentem, hoc est
crucifigere, desiderant. Pendentes enim in ligno crucifixi, clavis ad lignum
pedibus manibusque confixis, producta morte necabantur, ne dolor citius
finiretur. Verum a domino electa erat mors crucis, quam Diabolo superato, tamquam
trophaeum, in frontibus fidelium erat positurus. Theophylactus. Tertio autem Beda.
Hanc correptionem qua populo satisfacere, ne usque ad crucifigendum
salvatorem saevirent, ne Pilatus quaerebat, non solum obtulisse, sed etiam
deridendo et flagellando exhibuisse, verba Ioannis testantur. Quia vero totam
accusationem quam adversus dominum detulerunt, sollicita Pilati
interrogatione videbant evacuatam, tandem ad solas se preces convertunt; unde
sequitur at illi instabant vocibus magnis, postulantes ut crucifigeretur; et
invalescebant voces eorum. Theophylactus.
Tertio clamant contra Christum, ut per trinam hanc vocem, suam esse
occisionem Christi approbent, quam petendo extorserunt; sequitur enim et
Pilatus adiudicavit fieri petitionem eorum. Dimisit autem illis eum qui
propter homicidium et seditionem missus fuerat in carcerem; Iesum vero
tradidit voluntati eorum. Chrysostomus.
Putabant enim hoc se posse astruere, quod Iesus deterior esset latrone, et
adeo nequam ut neque pro pietate neque pro festi praerogativa deberet
liberari. |
Versets 13-25.
— S. Augustin : (Quest. Evang., 3, 8.) Saint Luc revient aux événements qui se passèrent chez le gouverneur et dont il avait interrompu le récit pour raconter ce qui arriva chez Hérode : « Pilate, ayant assemblé les princes des prêtres, les chefs et le peuple, leur dit : ‘Vous m’avez amené cethomme comme détournant le peuple ; or j’ai instruit l’affaire devant vous et je n’ai rien trouvé de coupable en cet homme quant aux choses dont vous l’accusez.» Nous voyons par là que cet Évangéliste a passé sous silence la demande que Pilate fit au Seigneur de répondre à ses accusateurs (Mt 27, 13; Mc 15, 4). — S. Ambroise : Pilate reconnaît judiciairement l’innocence du Sauveur, et il le crucifie en vertu de son autorité. Jésus est envoyé à Hérode, qui le renvoie à Pilate : « [Je n’ai trouvé en lui aucun des crimes dont vous l’accusez,] ni Hérode non plus, car je vous ai renvoyés à lui, et on ne l’a convaincu de rien qui mérite la mort. » Ainsi tous deux s’accordent à proclamer son innocence, et cependant, par un lâche sentiment de crainte, Pilate se rend aux désirs sanguinaires d’un peuple cruel. — Théophylacte : Jésus est donc déclaré innocent par le témoignage de ces deux hommes, tandis que les Juifs qui l’accusaient, ne peuvent produire aucun témoin digne de foi. Voyez quelle est la puissance de la vérité, Jésus se tait, et ses ennemis lui rendent témoignage; les Juifs demandent sa mort à grands cris, et personne ne vient appuyer leurs vociférations. — S. Bède : Périssent donc ces écrits qui ont été composés si longtemps après contre Jésus-Christ, ils n’ont pu réussir à prouver que le Sauveur avait été accusé de magie au tribunal de Pilate, mais ils démontrent jusqu’à l’évidence que ceux qui les ont composés sont coupables au tribunal de Dieu de perfidie et de mensonge. —
Théophylacte : Pilate donc lâche et timide et sans
fermeté pour la défense de la vérité, parce qu’il craint d’être lui-même
accusé, ajoute : « Je le renverrai
donc après l’avoir fait châtier. » — S. Bède : Paroles dont voici le sens : Je l’accablerai de coups, je le couvrirai d’ignominie, tant que vous le voudrez, pourvu que vous cessiez d’avoir soif du sang innocent. « Or, il était obligé de leur accorder la délivrance d’un prisonnier à la fête de Pâques. » Cette nécessité lui était imposée, non par une disposition d’une loi impériale, mais par la coutume annuelle dont la nation juive était en possession, et qu’il observait fidèlement pour leur être agréable. — Théophylacte : En effet, les Romains avaient permis aux Juifs de vivre selon leurs lois et leurs rites particuliers. Or, c’était une coutume nationale parmi les Juifs de demander à celui qui les gouvernait la grâce des condamnés, c’est ainsi que nous les voyons demander à Saül la grâce de Jonathas. (1 R 14, 45.) Or, voici la demande qu’ils firent à Pilate : « La foule entière s’écria : Faites mourir celui-ci et donnez-nous Barabbas ». Celui-ci était responsable d’une révolte dans la ville, et coupable d’homicide ; et il avait été incarcéré. — S. Ambroise : Il est juste qu’ils sollicitent la grâce d’un homicide, eux qui demandaient avec tant d’instance la mort d’un innocent, telles sont les lois auxquelles obéit l’iniquité, l’affection pour le crime est acquise à ce que l’innocence a en horreur. Le nom de ce grand criminel a d’ailleurs une signification symbolique : Barabbas veut dire en latin fils du père. Or, ce sont ceux à qui Jésus a dit : « Vous êtes les enfants du démon, » que nous voyons donner la préférence au fils de leur père, c’est-à-dire à l’Antéchrist sur le vrai Fils de Dieu. — S. Bède : Les Juifs sont encore aujourd’hui victimes de cette demande qu’ils ont faite. Sur le choix qu’il leur fut donné, ils ont préféré à Jésus un voleur, au Sauveur un assassin, et ils ont mérité par là de perdre à la fois le salut et la vie, et ils se sont livrés à tant de brigandages et de séditions qu’ils se sont vu enlever leur patrie et leur royaume. —
Théophylacte : C’est ainsi que cette nation
autrefois sainte s’acharne à demander la mort [de l’innocent], tandis que
Pilate, païen d’origine, s’oppose à ce désir sanguinaire : « Pilate leur parla de nouveau, dans
le désir qu’il avait de délivrer Jésus. Mais ils redoublaient leurs clameurs,
en disant : Crucifiez-le, crucifiez-le. » — S. Bède : Ils demandent que l’innocent meure de la mort la plus affreuse, c’est-à-dire de la mort de la croix. En effet, les crucifiés attachés au bois de la croix par des clous qui leur perçaient les pieds et les mains, étaient condamnés à mourir d’une mort lente pour que leurs souffrances ne finissent pas trop tôt. Mais le Seigneur avait choisi cette mort de la croix, parce qu’il voulait, après avoir triomphé du démon, placer cette croix sur le front des fidèles comme un trophée de sa victoire. —
Théophylacte : Pilate proclame une troisième fois
l’innocence de Jésus : « Pour la
troisième fois Pilate leur dit : Qu’a-t-il donc fait de mal ? Je ne
trouve rien en lui qui mérite la mort. Je vais donc le faire châtier et je le
renverrai. » — S. Bède : Nous lisons dans l’Évangile selon saint Jean, que Pilate ne se contenta pas de proposer aux Juifs pour leur être agréable, de châtier Jésus, espérant désarmer ainsi leur acharnement à demander sa mort, mais qu’après l’avoir fait flageller, il le leur présenta comme un objet de dérision. Alors les Juifs, voyant que tout le système d’accusations qu’ils avaient dressé contre Jésus ne pouvait tenir contre la persistance de Pilate à le déclarer innocent, n’ont plus recours qu’à la prière : « ils insistaient avec des grands cris qu’il soit crucifié ; et leurs cris allaient grandissant. » —
Théophylacte : Ils renouvellent trois fois leurs
cris de mort contre Jésus-Christ, pour constater par ce triple cri que cette
mort du Sauveur est bien leur oeuvre, et qu’ils l’ont obtenue violemment par
leurs demandes répétées : « Alors
Pilate ordonna que ce qu’ils demandaient fût exécuté. Il leur délivra, selon
leur désir, celui qui avait été mis en prison pour cause de meurtre et de
sédition, et il abandonna Jésus à leur volonté. » — S. Jean Chrysostome : Ils croyaient ainsi pouvoir persuader que Jésus était mille fois pire que ce voleur, et tellement coupable que ni la compassion, ni l’occasion privilégiée de la fête n’avaient pu déterminer à lui rendre ta liberté. |
Lectio 4 [85959] Catena in Lc., cap. 23 l. 4 Glossa.
Posita condemnatione Christi, convenienter agitur de crucifixione, cum
dicitur et cum ducerent eum, apprehenderunt Simonem quemdam Cyrenensem
venientem de villa, et imposuerunt ei crucem portare post Iesum. Augustinus
de Cons. Evang. Ioannes autem narrat quod Iesus baiulabat sibi crucem :
unde intelligitur quod ipse sibi portabat crucem cum exiret in eum qui
dicitur Calvariae locum. Simon autem in itinere angariatus est, cui data est
portanda crux usque ad locum : nullus
enim aliorum acceptabat crucem baiulare, eo quod lignum detestabile
putabatur; et ideo Simoni Cyrenaeo, quasi in quamdam iacturam imposuerunt
crucem portare, quam alii recusabant. Hic adimpletur illud : cuius
principatus super humerum eius : principatus enim Christi est crux eius,
propter quam, secundum apostolum, Deus eum exaltavit. Et sicut in signum
dignitatis alii balteum, alii mitram portant; sic et dominus crucem. Et si
inquiras, invenies non aliter in nobis regnare Iesum, nisi per asperitates :
quo fit ut deliciosi inimici sint Christi crucis. Ambrosius.
Christus ergo crucem baiulans, iam trophaeum suum victor attulit; crux
super humeros imponitur, quia sive Simon, sive ipse portaverit, et Christus
in homine et homo portavit in Christo. Nec discordant Evangelistarum
sententiae, quando concordat mysterium. Et bonus ordo nostri profectus est,
ut prius crucis suae trophaea ipse erigeret, deinde martyribus traderet
erigendum. Non Iudaeus est qui crucem portat, sed alienigena atque
peregrinus, nec praecedit, sed sequitur, iuxta hoc quod scriptum est : tollat
crucem suam, et sequatur me. Beda.
Simon autem obediens, Cyrene heres interpretatur; unde per eum populi
gentium designantur, qui quondam peregrini et hospites testamentorum, nunc
obediendo facti sunt Dei heredes. De villa autem Simon egrediens, crucem
portat post Iesum, cum Paganis ritibus derelictis vestigia dominicae
passionis obedienter amplectitur. Villa enim Graece pagos vocatur, a qua
Pagani nomen trahunt. Theophylactus.
Vel ille tollit crucem Christi, qui venit a villa, idest dimittit hunc
mundum et opera eius, in Ierusalem, idest in supernam libertatem, tendens. Ex
hoc etiam non modicum sumitur documentum. Quia enim ad modum Christi magister
est, debet ipse prius tollere crucem, et timore Dei propriam carnem
configere; et sic subditis et obedientibus eam imponere. Sequitur autem
Christum etiam multitudo plebis et mulierum; nam subditur sequebatur autem
illum multa turba populi et mulierum, quae plangebant et lamentabantur eum.
Beda.
Multa quidem turba crucem domini, sed non una eademque mente sequebatur :
nam populus qui eius mortem impetraverat, ut morientem laetus aspiceret;
mulieres vero, ut moriturum plorarent. Non autem ideo solus mulierum planctus
sequebatur, quia non etiam innumerus virorum coetus de eius erat passione
moestissimus; sed quia femineus, quasi contemptibilior, sexus liberius
poterat quod senserat ostentare. Cyrillus.
Amans etiam lacrymarum est semper sexus femineus, et mentem habens
flexibilem ad pietatem. Theophylactus. Per hoc etiam significabatur quod multitudo magna
Iudaeorum esset post crucem itura, credens in Iesum. Sed et mens infirma,
quae significatur per feminam, si sumpta cordis contritione per poenitentiam
fleat, sequitur Iesum propter nostram salutem afflictum. Flebant igitur
mulieres per compassionem. Eum autem qui ultro patitur, flere non oportet,
sed magis ei applaudere; et ideo eas flere vetat; sequitur enim conversus
autem Iesus ad illas dixit : filiae Ierusalem, nolite flere super me. Beda.
Cuius scilicet cita resurrectio mortem solvere potest, cuius mors et omnem
mortem et ipsum mortis destructura est auctorem. Notandum autem, cum filias
Ierusalem appellat, quod non solae quae cum eo venerant a Galilaea, sed et
eiusdem urbis cives et mulieres adhaeserunt. Theophylactus.
Mandat deplorantibus eum in futura mala prospectum intendere, et super
illis flere; sequitur enim super vos ipsas flete, et super filios vestros.
Cyrillus.
Significans in futuro mulieres liberis esse orbandas : nam irruente bello
in terram Iudaeorum, cuncti simul peribunt magni et parvi; unde sequitur quia
ecce venient dies in quibus dicent : beatae steriles, et ventres qui non
genuerunt, et ubera quae non lactaverunt. Theophylactus.
Cum scilicet feminae crudeliter suos assabunt filios, et venter qui
produxerat, flebiliter iterato recipiet genitum. Beda.
In quo die, venturae a Romanis obsidionis et captivitatis tempus
significat, de quibus supra dixerat : vae praegnantibus et nutrientibus in
illis diebus. Naturale est autem, imminente captivitate hostili, alta vel
abdita, quibus abscondantur homines, refugia quaerere; unde sequitur tunc
incipient montibus dicere : cadite super nos; et collibus : operite nos.
Refert enim Iosephus, instantibus sibi Romanis, certatim Iudaeos cavernas
montium colliumque petisse speluncas. Potest autem et ex superfluo quod
beatificandas dicit steriles, de his intelligi qui utrolibet sexu se
castraverunt propter regnum caelorum; montibus collibusque dici cadite super
nos, et operite nos; cum quilibet suae fragilitatis memores, ingruente
tentationum articulo, sublimium quorumcumque virorum quaesierint exemplis,
monitis et precibus defendi. Sequitur quia si in viridi ligno haec faciunt,
in arido quid fiet? Gregorius
Moralium. Se lignum viride, et nos lignum aridum dixit : quia ipse in se
vim divinitatis habuit; nos vero, qui puri homines sumus, lignum aridum
appellamur. Theophylactus.
Quasi dicat Iudaeis : si ergo in me, lignum fructiferum, iugiter virens,
taliter saevierunt Romani, quid non attentabunt erga vos? Populum dico, quasi
lignum aridum, privatum qualibet vivificante virtute, nec ullum fructum
ferentem. Beda.
Vel quasi omnibus diceret : si ego, qui peccatum non feci, lignum vitae
appellatus, sine igne passionis a mundo non exeo; quid putas eis manere
tormenti qui sunt fructibus vacui? Theophylactus.
Malam autem opinionem de domino innuere volens Diabolus, etiam latrones
faciebat crucifigi cum eo; unde sequitur ducebantur autem et alii duo nequam
cum eo ut interficerentur. |
Versets 26-32.
— La Glose : Après le récit de la condamnation de Jésus vient naturellement celui de son crucifiement : « Or, comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène qui revenait des champs et le chargèrent de la croix, la lui faisant porter après Jésus. » — S. Augustin : (De l’acc. des Evang., 3, 10.) Saint Jean raconte que Jésus portait lui-même sa croix, ce qu’il faut entendre du moment où il sortait pour aller au lieu dit du Calvaire, et que dans le chemin, ils requirent Simon pour la porter jusqu’à ce lieu. — Théophylacte : Personne, en effet, n’eût consenti à porter la croix, qu’on regardait comme un bois infâme [et maudit], c’est pour cela qu’ils imposèrent à Simon de Cyrène l’humiliation forcée de se charger de cette croix que tous les autres refusaient de porter. Ainsi fut accomplie la prophétie d’Isaïe : « Il portera sur ses épaules le signe de sa puissance. » (Is 9.) En effet, sa croix est vraiment le signe de sa puissance, et c’est à cause de sa croix, selon l’Apôtre, que Dieu l’a élevé si haut. (Ph 2.) Vous voyez les uns porter comme marque de leur dignité un riche baudrier, les autres une tiare [ou un diadème]; quant au Sauveur, la marque de sa dignité, c’est sa croix. Et si vous voulez bien y réfléchir, vous verrez que Jésus n’établit en nous son royaume que par les souffrances; aussi ceux qui recherchent les délices de la vie sont ennemis de la croix de Jésus-Christ. — S.
Ambroise : Jésus portant sa croix, est comme un
vainqueur qui porte déjà le trophée de sa victoire; la croix est placée sur
ses épaules, soit en effet qu’il l’ait portée lui-même, ou que Simon en ait
été chargé, c’est toujours le Christ qui la porte dans l’homme, de même que
l’homme la porte dans la personne du Christ. Il n’y a point ici de contradiction
dans le récit des évangélistes, puisque la signification mystérieuse est la
même. L’ordre de notre progrès dans la perfection demandait que Jésus dressât
d’abord lui-même le trophée de sa croix, et qu’il le transmît aux martyrs
pour le porter après lui. Or, ce n’est pas un Juif qui porte la croix, mais
un étranger et un voyageur, et il ne marche pas devant Jésus, mais se
contente de le suivre, selon la parole du Sauveur : « Qu’il porte sa croix, et qu’il me suive. » — S. Bède : Simon veut dire obéissant, et Cyrène, signifie héritier; cet homme est donc la figure du peuple des nations, qui autrefois était complètement étranger aux alliances (Ep 2, 12), et qui maintenant est devenu par son obéissance héritier de Dieu. C’est en revenant de la maison des champs, que Simon porte la croix après Jésus, figure en cela des Gentils qui commencent par renoncer aux superstitions du paganisme pour suivre avec obéissance les traces de la passion du Sauveur, car maison des champs se dit en grec παγος (pagos), d’où les païens ont tiré leur nom. — Théophylacte : Ou encore : Celui qui porte la croix de Jésus-Christ revient des champs, c’est-à-dire se sépare du monde et de ses oeuvres, pour se diriger vers Jérusalem, c’est-à-dire vers la liberté des cieux. Notre Seigneur nous donne encore ici une importante leçon, c’est que celui qui est à son exemple le maître de ses frères, doit commencer aussi par porter sa croix et crucifier sa propre chair par la crainte de Dieu, avant d’en charger ceux qu’il instruit et qu’il dirige. Une foule nombreuse suivait Jésus, ainsi que des femmes : « Cependant Jésus était suivi d’une grande multitude de peuple, et de femmes qui pleuraient et se lamentaient sur lui. » — S. Bède : Une grande multitude suit la croix de Jésus-Christ, mais avec des dispositions bien différentes; le peuple qui a demandé et obtenu qu’il fût crucifié, veut rassasier ses yeux du spectacle de sa mort, tandis que les femmes au contraire le suivent pour répandre des larmes sur lui. Si l’Evangéliste remarque que les femmes seules le suivaient en pleurant, ce n’est pas que dans cette multitude innombrable d’hommes, il ne s’en trouvât aussi qui ne fussent profondément affligés de sa passion, mais parce que les femmes attirant moins l’attention, pouvaient donner un cours plus libre à leurs sentiments. — S. Cyrille : D’ailleurs, les femmes sont naturellement portées aux larmes, et leur âme est plus accessible à la compassion. —
Théophylacte : Ces femmes sont aussi la figure de la
grande multitude des Juifs qui devait un jour suivre la croix et embrasser la
foi en Jésus. La femme signifie aussi l’âme pécheresse qui, brisée par la
contrition verse les larmes du repentir, et marche à la suite de Jésus
affligé pour notre salut. Les femmes pleuraient donc par compassion. Cependant
il ne faut point pleurer sur celui qui marche volontairement au-devant des
souffrances, mais bien plutôt applaudir [à son généreux dessein]; aussi Notre
Seigneur défend-t-il à ces femmes de pleurer : « Jésus, se
tournant vers elles, leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur
moi. » — S. Bède : Né pleurez pas sur moi dont la prompte résurrection va bientôt briser les liens de la mort, dont la mort a triomphé de la mort et détruit l’auteur même de la mort. Remarquez que le Sauveur les appelle : « Filles de Jérusalem, » parce qu’aux femmes qui l’avaient suivi de la Galilée, s’étaient jointes celles de la ville de Jérusalem qui s’étaient attachées à lui. —
Théophylacte : Il engage ces femmes qui pleurent sur
lui, à porter leurs regards sur les calamités qui les menacent, et à pleurer
sur elles-mêmes : « Mais pleurez sur vous mêmes. » — S. Cyrille : Il leur fait pressentir que bientôt les femmes seront privées de leurs enfants, car lorsque la guerre viendra fondre sur la terre des Juifs, tous sans distinction en seront victimes, grands et petits : « Car voici que viendront des jours où l’on dira : heureuses les stériles, et les entrailles qui n’ont pas enfanté, et les mamelles qui n’ont pas allaité.» — Théophylacte : C’est-à-dire ces jours où des mères dénaturées feront cuire leurs propres enfants et que leurs entrailles recevront de nouveau le fruit malheureux qui en était sorti. — S. Bède : Il prédit ici le siége de Jérusalem par les Romains, et le temps de la captivité dont il avait dit précédemment : « Malheur aux femmes qui seront grosses ou qui nourriront ! » Lorsqu’on est envahi par un ennemi qui doit vous entraîner en captivité, il est naturel de chercher dans les montagnes ou dans les lieux inaccessibles, un refuge assuré pour s’y cacher. C’est le sens qu’on peut donner à ces paroles : « Alors ils commenceront à dire aux montagnes : Tombez sur nous; et aux collines : Couvrez-nous. » Josèphe nous raconte en effet, qu’aux approches de l’armée romaine, les Juifs s’enfuirent précipitamment dans les cavernes et les antres creusés dans le flanc des collines et des montagnes. Ces paroles : « Heureuses les stériles, » peuvent aussi s’entendre des chrétiens des deux sexes qui ont embrassé volontairement la chasteté pour le royaume des cieux, et celles qui suivent : « Montagnes, tombez sur nous, collines, couvrez-nous, » peuvent être mises sur les lèvres de ceux à qui le souvenir de leur fragilité fait chercher du secours, au fort de la tentation, dans les exemples, les leçons, et les prières des hommes d’une perfection éminente. « Car si l’on traite ainsi le bois vert, que fera-t-on du bois sec ? » — S. Grégoire : (Moral., 12, 4.) Notre Seigneur se compare au bois vert et nous au bois sec, parce qu’il avait en lui la sève de la puissance divine, tandis que nous, qui n’avons que la faible humanité en partage, nous ressemblons au bois sec. — Théophylacte : C’est comme s’il disait aux Juifs : Si les Romains se sont portés à de tels excès de cruauté sur moi, arbre toujours vert et fécond, que ne feront-ils pas contre vous, c’est-à-dire contre ce peuple qui est comme un bois sec, privé de toute sève vivifiante et qui n’a jamais produit aucun fruit ? — Bède : Ou encore, c’est à tous que le Sauveur s’adresse et dit : Si moi qui n’ai point commis de péché, qui suis appelé l’arbre de vie, je ne puis sortir de ce monde sans passer par le feu de ma passion, quels, pensez-vous, seront les tourments réservés à ces arbres tombés qui n’ont jamais porté de fruits ? — Théophylacte : Pour noircir dans l’esprit du peuple la réputation du Sauveur, le démon porte ses ennemis à croiser avec lui deux voleurs : « On menait aussi avec lui deux voleurs pour les faire mourir. » |
Lectio 5 [85960] Catena in Lc., cap. 23 l. 5 Athanasius. Ubi corruptum est genus humanum, ibi Christus proprium
corpus exposuit; ut ubi seminata est corruptio, ibidem incorruptio oriatur :
propter quod in loco Calvariae crucifigitur; dicitur enim et postquam
venerunt in locum qui vocatur Calvariae, ibi crucifixerunt eum : quem locum
doctores Iudaeorum aiunt esse sepulcrum Adae. Beda. Vel aliter. Foris portam loca erant in quibus truncabantur
capita damnatorum, et Calvariae, idest decollatorum, sumpserunt nomen. Et sic
pro omnium salute quasi noxius inter noxios crucifigitur; ut ubi abundavit
peccatum, superabundet et gratia. Cyrillus.
Non autem ipse unigenitus Dei filius in propria natura qua Deus est,
passus est quae sunt corporis; sed magis in natura terrena. Decet enim
utrumque de uno et eodem filio dici : scilicet et non pati divine, et passum
esse humanitus. Eusebius.
Si autem aliter post conversationem cum hominibus evanescens subito
evolaret, fugiens mortem : ab hominibus compararetur phantasmati : et quemadmodum
si quis incombustibile quoddam nobis vas et praevalens ignis naturae vellet
ostendere, flammae illud traderet, et consequenter a flamma illud illaesum
extraheret, sic Dei verbum volens ostendere instrumentum, quo usus est ad
humanam salutem, esse praevalens morti; mortale morti exposuit ad
demonstrandam eius naturam; deinde post modicum a morte illud eripuit in
signum divinae virtutis. Et prima quidem causa mortis Christi haec est :
secunda vero divinae potestatis ostensio, corpus Christi inhabitantis : cum
enim antiquitus deificarent homines, communem exitum mortis sortito, quos
heroas et divos nominabant : docuit illum solum mortuum verum esse fatendum
quem bravia victoriae, morte prostrata, decorant. Tertia ratio est victima
pro toto genere hominum mactanda; qua oblata, tota potestas Daemonum periit,
et error quilibet est sedatus. Est et alia causa salutiferae mortis : ut
discipuli occulta fide conspicerent resurrectionem post mortem; ad quam
propriam spem erigere docebantur; ut mortem contemnentes, agonem contra
errores inirent alacriter. Chrysostomus.
Non autem sui mortem, quam non habebat, cum sit vita, sed hominum, venit
consumpturus salvator : unde non propria morte corpus deposuit, sed ab hominibus
illatam sustinuit. Sed et si aegrotavisset corpus eius, et in conspectu
omnium solveretur, inconveniens erat eum qui sanaret aliorum languores,
habere proprium corpus affectum languoribus. Sed et si absque aliquo morbo
seorsum alicubi corpus deposuisset, ac deinde rursus se offerret, non
crederetur ei de resurrectione disserenti : oportet enim mortem
resurrectionem praecedere. Cur ergo resurrectionem palam quidem praedicaret,
clanculo vero moreretur? Nimirum si latenter haec evenissent, quod excogitarent
homines incredulitatis calumnias? Quomodo pateret Christi in mortem victoria,
nisi coram omnibus eam patiens, per incorruptionem corporis probasset
extinctam? Sed dices : decebat saltem gloriosam mortem
sibi excogitare, ut evitaret ignominiam crucis. Sed
et si hoc fecisset, suspectum se reddidisset, quasi non habens virtutem
contra quamlibet mortem. Sicut ergo pugil prosternens illum quem hostes
obtulerint, ostenditur excellentior omnibus; sic omnium vita ab hostibus
illatam, quam putabant esse diram et infamem et detestabilem, mortem in cruce
suscepit, ut hac interempta, dominium mortis totaliter destruatur. Propter
quod non caput ei amputatur ut Ioanni; neque sectus est, ut Isaias; ut corpus
integrum et indivisibile morti servet, et non fiat occasio volentibus
Ecclesiam dividere. Volebat etiam supportare quam incurreramus maledictionem;
maledictam mortem, scilicet crucis, suscipiendo, secundum illud Deut. 21 :
maledictus homo qui pendet in ligno. In cruce etiam expansis manibus moritur,
ut altera quidem manu veterem populum, altera eos qui sunt ex gentibus
trahat, utrosque sibi coniungens. Moriens
etiam in cruce a Daemonibus expiat aerem, et ascensum nobis parat in caelum. Theophylactus. Quia etiam per lignum mors intraverat, necesse erat
ut per lignum exterminaretur; et ut dominus per ligni dolores invictus
transiens confutaret delectationem provenientem ex ligno. Gregorius
Nyssenus. Sed et figura crucis a medio contactu in quatuor extrema
partita, significat virtutem et providentiam eius qui in ea pependit, ubique
diffusam. Augustinus
de quaest. Nov. et Veter. Testam. Non frustra etiam tale genus mortis
elegit, ut latitudinis et altitudinis et longitudinis et profunditatis, de
quibus apostolus loquitur, magister existeret. Nam latitudo est in eo ligno quod transversum desuper figitur : hoc ad
bona opera pertinet, quia ibi extenduntur manus. Longitudo in eo quod ab ipso
ligno usque ad terram conspicuum est : ibi enim quodammodo statur, idest
persistitur et perseveratur; quod longanimitati tribuitur. Altitudo est in ea
ligni parte quae ab illo quod transversum figitur, sursum versus relinquitur
: hoc est ad caput crucifixi, quia bene sperantium superna expectatio est.
Iam vero illud ex ligno quod fixum occultatur, unde totum illud exurgit, profunditatem
significat gratuitae gratiae. Chrysostomus. Duos etiam latrones utrinque crucifixerunt, ut eorum
suspicionis fieret particeps; unde sequitur et latrones, unum a dextris,
alterum a sinistris. Sed non ita evenit : nam de illis nihil
dicitur; huius autem crux ubique honoratur. Reges
diademata deponentes, assumunt crucem : in purpuris, in diadematibus, in
armis, in mensa sacrata, ubique terrarum crux emicat. Non talia sunt humana :
viventibus enim illis qui egerunt strenue, arrident propria gesta, his autem
pereuntibus pereunt. Sed in Christo totum contrarium : nam ante crucem omnia
moesta; ut autem crucifixus est, omnia clariora facta sunt; ut noscas non
purum hominem esse crucifixum. Beda.
Duo autem latrones cum Christo crucifixi significant eos qui sub fide
Christi, vel agonem martyrii vel continentiae arctioris instituta subeunt;
sed qui haec pro aeterna gloria faciunt, dexteri latrones; qui autem humanae
laudis intuitu, sinistri latronis actus imitantur. |
Verset 33.
— S. Athanase : Notre Seigneur a livré son corps [aux souffrances et à la mort], là où le genre humain a perdu son intégrité première, afin que l’incorruptibilité prit naissance là où la corruption avait comme été semée, et c’est pour cette raison qu’il veut être crucifié sur le mont du Calvaire : « Et lorsqu’ils furent arrivés au lieu qui est appelé Calvaire, ils le crucifièrent. » Les docteurs des Juifs disent que c’est sur cette montagne que se trouvait le tombeau d’Adam. — S.
Bède : Ou encore, il y avait hors des portes de la
ville, des lieux affectés au supplice des criminels, qui devaient avoir la
tête tranchée, d’où leur venait le nom de lieu du Calvaire (c’est-à-dire des décapités), et le Sauveur a voulu être
crucifié comme un coupable au milieu des coupables, pour le salut de tous les
hommes, afin que la grâce surabondât là où le péché avait abondé. (Rm 5, 20.) — S. Cyrille : Ce n’est point dans sa nature de Fils unique de Dieu et en tant que Dieu, mais dans sa nature humaine et en tant qu’homme, que le Fils unique de Dieu a souffert ces tourments corporels, car tel est le langage qu’il convient de tenir à l’égard de la personne du Fils de Dieu, c’est qu’il n’a pas souffert comme Dieu, mais qu’il a souffert comme homme. — Eusèbe : (Chronique des Pères grecs) Si au contraire, après avoir vécu sur la terre au milieu des hommes, il eût disparu subitement sans passer par la mort, les gens l’auraient regardé comme un fantôme. De même donc que pour prouver qu’un vase quelconque est à l’épreuve du feu, et d’une nature incombustible, on le jette dans les flammes pour l’en retirer complètement intact; ainsi le Verbe de Dieu, voulant prouver que le corps dont il s’est servi pour le salut du genre humain est supérieur à la mort, l’a livré à la mort pour montrer sa nature, puis, presque aussitôt, l’a délivré de la mort par la vertu de sa divine puissance. Telle est la première raison de la mort de Jésus-Christ; la seconde est de faire ressortir la puissance divine qui habite dans son corps [comme dans un temple]. Dans l’antiquité, on déifiait les hommes qui avaient subi la loi commune de la mort, et on leur décernait le nom de héros et de dieux; mais Jésus a voulu nous enseigner que celui-là seul méritait d’être proclamé vrai Dieu après sa mort, qui avait triomphé de la mort, et s’était revêtu des glorieux trophées de sa victoire. La troisième raison de sa mort, a été d’immoler une victime digne pour le salut du genre humain tout entier, une victime dont l’immolation détruisit la puissance des démons et anéantit toutes les erreurs. Une quatrième raison enfin de sa mort salutaire, était de rendre ses disciples témoins de sa résurrection, de ranimer ainsi leur foi, de relever leur espérance, et de les préparer à marcher avec joie au combat contre toutes les erreurs, sans craindre la mort. — S. Jean Chrysostome : Ce n’est point sa propre mort que le Sauveur est venu détruire (puisque étant la vie il ne pouvait être soumis à la mort), mais il est venu détruire la mort [à laquelle l’homme était condamné]; aussi la séparation de son âme d’avec son corps a été l’effet, non d’une mort qui lui fût propre, mais du supplice cruel que les hommes lui ont fait souffrir. Si son corps eût été en proie aux maladies, et qu’on l’eût vu se dissoudre et se détruire comme dans les autres hommes, on eût trouvé étrange que celui qui guérissait les infirmités des autres, eût lui aussi un corps affligé de maladies. Si au contraire il eût quitté secrètement son corps sans être atteint d’aucune maladie, et l’eût fait venir ensuite de nouveau, on n’eût pas voulu croire aux preuves de sa résurrection, car la résurrection doit nécessairement être précédée de la mort. Pourquoi d’ailleurs prêcher publiquement sa résurrection, après qu’il aurait tenu sa mort secrète ? Si les circonstances de sa passion s’étaient passées dans l’ombre, que de calomnies l’incrédulité n’eût-elle pas inventées ? Comment aurait-on pu savoir la victoire de Jésus-Christ sur la mort, s’il ne l’avait soufferte au grand jour, et s’il n’eût ainsi rendu publique sa défaite par l’incorruptibilité de son corps ? Mais, me direz-vous, il aurait dû au moins trouver une mort glorieuse pour échapper aux ignominies de la croix. S’il eût agi ainsi, il aurait excité les justes soupçons que sa puissance ne s’étendait pas sur toute espèce de mort. De même donc qu’un athlète qui terrasse l’adversaire que lui oppose son ennemi, fait ressortir la supériorité de sa force sur tous les autres; ainsi celui qui est la vie de tous les hommes, a voulu souffrir la mort ignominieuse de la croix, que ses ennemis lui ont fait souffrir comme la plus cruelle, la plus infâme et la plus détestable, pour détruire complètement, par le triomphe de sa résurrection, l’empire universel de la mort. On ne lui coupe point la tête comme à Jean-Baptiste, son corps n’est pas scié comme celui d’Isaïe, mais il veut que ce corps reste entier et indivisible jusque dans la mort, pour ne point donner un prétexte à ceux qui voudraient un jour mettre la division dans l’Église. Il voulait encore porter la malédiction que nos péchés avaient attirée sur nous, en subissant une mort qui était maudite, la mort de la croix, selon cette parole : « Maudit de Dieu est l’homme qui est suspendu au bois. » (Dt 21, 23) Il meurt aussi les bras étendus sur la croix, pour attirer d’une main le peuple ancien, et de l’autre le peuple des Gentils, et ne plus faire des deux qu’un seul peuple. Il meurt encore sur la croix pour purifier l’air souillé par la présence des démons, et nous ouvrir la voie qui conduit au ciel. — Théophylacte : C’est par le bois que la mort était entrée dans le monde, c’est par le bois qu’elle devait en être chassée, et le Seigneur devait passer, sans en être victime, par les douleurs du bois de la croix, pour expier la volupté produite par le fruit de l’arbre du paradis. — S. Grégoire de Nysse : (Disc. 1 sur la résurrect. de Jésus-Christ) La forme de la croix, dont les quatre extrémités partent d’un même centre, signifie que la vertu et la puissance de celui qui y est attaché s’étendent partout. — S. Augustin : (De la grâce de l’Anc. et du Nouv. Test.) Ce n’est pas sans raison que Jésus a choisi ce genre de mort; il a voulu nous enseigner quelle est cette largeur, cette longueur, cette hauteur, cette profondeur dont parle l’Apôtre. (Ep 3, 18.) La largeur est dans la partie de la croix qui est en travers, elle désigne les bonnes oeuvres, parce que les mains y sont attachées; la longueur est dans la partie du bois qui descend du haut jusqu’à terre, c’est là qu’elle trouve son point d’appui, c’est-à-dire sa fermeté et sa persévérance, qui sont le fruit de la patience; la hauteur est cette partie de la croix qui part du centre et s’étend vers le haut, c’est-à-dire vers la tête du crucifié, parce que la véritable espérance tend vers le ciel; enfin la partie du bois de la croix qui, enfoncée dans la terre, ne parait point et soutient tout le reste, représente la profondeur de la grâce que Dieu nous donne gratuitement. — S. Jean Chrysostome : Ils crucifièrent aussi avec lui deux voleurs, pour l’associer à leurs crimes dans l’opinion publique : « Ils le crucifièrent, et les voleurs aussi, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche » ; mais il en fut tout autrement; de ces voleurs on ne dit rien, tandis que la croix de Jésus reçoit partout des honneurs. Les rois déposent leurs couronnes et mettent la croix sur leur pourpre royale, sur leurs diadèmes, sur leurs armes, la croix brille sur les saints autels dans tout l’univers. Il n’en est pas ainsi des choses humaines : tant que vivent ceux qui ont fait des actions d’éclat, leurs oeuvres sont exaltées, mais à peine sont-ils morts, que le souvenir en périt avec eux. Pour Jésus-Christ, c’est tout le contraire; avant sa croix, ce n’est que tristesse profonde, mais après sa croix tout est triomphe, tout est gloire, pour vous apprendre que ce crucifié n’était pas seulement un homme. — S. Bède : Les deux voleurs crucifiés avec Jésus-Christ figurent les chrétiens qui soutiennent les combats sanglants du martyre, ou ceux qui embrassent les obligations d’une chasteté plus parfaite; ceux qui pratiquent cette perfection en vue de la gloire éternelle, sont représentés par le voleur de droite, et ceux qui n’agissent que par un motif de vaine gloire, imitent la conduite du voleur de gauche. |
Lectio 6 [85961] Catena in Lc., cap. 23 l. 6 Chrysostomus. Quia dominus dixerat : orate pro
persequentibus vos, hoc etiam crucem ascendens fecit; unde sequitur Iesus
autem dicebat : pater, dimitte illis : non quia non posset ipse relaxare, sed
ut nos pro persequentibus orare doceret, non solum verbo, sed et opere. Dixit
autem dimitte eis, si poenituerunt : favet enim poenitentibus, si velint post
tantam nequitiam, reatus per fidem diluere. Beda.
Neque putandum est hic eum frustra orasse; sed in eis qui post eius
passionem crediderunt, quod orabat, impetrasse. Notandum sane, quod non pro
eis oravit qui filium Dei intellexerunt crucifigere, nec confiteri voluerunt;
sed pro eis qui nesciebant quid facerent, zelum Dei habentes, sed non
secundum scientiam; unde subdit non enim sciunt quid faciunt. Graecus.
Permanentes vero post crucem in infidelitate nullus per ignorantiam iuvari
putabit, signis, miraculis, sonora voce eum praedicantibus esse Deum. Ambrosius.
Refert ergo considerare qualis crucem ascendat : nudum enim video. Talis ergo
ascendat qui saeculum vincere parat, ut saeculi adiumenta non quaerat. Victus
est autem Adam qui vestimenta quaesivit; vicit ille qui tegumenta deposuit,
et talis ascendit quales nos auctore Deo natura formavit; talis in Paradiso
primus homo habitaverat, talis in Paradisum homo secundus intravit. Pulchre
autem ascensurus crucem regalia vestimenta deposuit, ut scias quasi hominem
passum esse, non quasi Deum regem, etsi utrumque Christus. Athanasius.
Qui etiam cunctas conditiones nostras causa nostri suscepit, induit
vestimenta nostra, signa mortificationis Adae, ut exuat illa et horum vice
induat nos vitam et incorruptionem. Sequitur dividentes vero vestimenta eius,
miserunt sortes. Theophylactus.
Forsitan enim plures eorum egebant; vel forte magis ad opprobrium hoc
faciebant et ex quadam lascivia : quid enim pretiosum inveniebant in
vestibus? Beda.
In sorte autem gratia Dei commendata est : quia cum sors mittitur, non
personae cuiusdam vel meritis, sed occulto Dei iudicio ceditur. Augustinus
de Cons. Evang. Hoc quidem breviter dictum est a tribus Evangelistis;
Ioannes autem distinctius hic explicat quemadmodum hoc gestum sit.
Theophylactus. Deludentes igitur hoc agebant : nam ubi principes
subsannabant, quid dicere oportet de vulgo? Sequitur enim et stabat populus,
qui scilicet petierat eum crucifigi, expectans, scilicet finem; et deridebant
eum principes cum eis. Augustinus
de Cons. Evang. Quia principes dixit, nec addidit sacerdotum, omnes
primates generali nomine complexus est, ut ibi possent intelligi Scribae et
seniores. Beda. Quia etiam nolentes confitentur quod alios salvos
facit; sequitur enim dicentes : alios salvos fecit, seipsum salvum faciat, si
hic est Christus Dei electus. Athanasius. Dominus autem vere salvator non salvando seipsum, sed
creaturam liberando, volebat cognosci salvator. Neque
enim medicus, quia sibi medetur, medicus esse cognoscitur, nisi erga
languidos artem probet : sic dominus salvator existens, non habebat opus
salutis, neque descendendo de cruce volebat cognosci salvator, sed moriendo;
multo namque maiorem salutem mors salvatoris affert hominibus quam descensus
de cruce. Graecus.
Videns autem Diabolus nullum esse sibi defensaculum, titubabat; et quasi
aliud non valens, tentavit ulterius propinari salvatori acetum ad bibendum;
sequitur enim illudebant autem ei et milites accedentes, et acetum offerentes
illi : quod contra seipsum facere Diabolus ignorabat : nam amaritudinem irae
ex praevaricatione legis actam, qua cunctos detinebat, salvatori praebebat;
quam illa sumens consumebat, ut vice aceti, vinum det nobis in potum, quod
sapientia miscuit. Theophylactus.
Obtulerunt autem milites Christo acetum, quasi regi subministrantes;
sequitur enim dicentes : si tu es rex Iudaeorum, salvum te fac. Beda.
Et notandum, quod Iudaei vocabulum Christi Scripturae sibi auctoritate
creditum blasphemantes irrident; milites vero, utpote Scripturarum nescii,
non Christo, sed regi Iudaeorum insultant. |
Versets 34-37.
— S. Jean Chrysostome : Notre Seigneur pratique sur la croix le commandement qu’il nous a donné : « Priez pour ceux qui vous persécutent. » (Mt 5.) « Et Jésus disait : Mon Père, pardonnez-leur. » S’il fait cette prière, ce n’est pas qu’il ne pût leur pardonner lui-même, mais il voulait par son exemple autant que par ses paroles, nous enseigner à prier pour nos persécuteurs. Or, il dit « pardonnez-leur », mais à la condition qu’ils se repentiront, car Dieu est plein de miséricorde pour les vrais pénitents qui prennent la résolution d’effacer par la foi les si longues iniquités de leur vie. — S.
Bède : Gardons-nous de croire que la prière du
Sauveur ait été sans effet, elle a eu toute son efficacité pour ceux qui,
après sa passion, crurent en lui. Remarquons encore qu’il n’a point prié pour
ceux qui, tout en reconnaissant qu’il était le Fils de Dieu, ont mieux aimé
le crucifier que le confesser hautement; mais pour ceux qui, égarés par un
zèle qui n’était pas selon la science, ne savaient pas ce qu’ils faisaient,
comme il le dit expressément : « Car
ils ne savent ce qu’ils font. » — Chaîne des pères grecs : Quant à ceux qui persévèrent dans leur incrédulité, depuis que Jésus-Christ a été crucifié, qu’ils n’espèrent point pouvoir s’excuser sur leur ignorance, alors que des signes et des miracles ont proclamé hautement sa divinité. — S. Ambroise : Mais il importe de considérer dans quel état Jésus monte sur la croix; je le vois entièrement dépouillé de ses vêtements, tel doit être celui qui veut triompher du monde, il ne doit pas rechercher les consolations du siècle. Adam fut vaincu [par le démon], et se couvrit de vêtements; Jésus se dépouille de ses vêtements, et triomphe [de l’ennemi du salut], il monte sur la croix tel que Dieu a formé l’homme dès l’origine. C’est dans cet état que le premier Adam habita le paradis terrestre, c’est dans le même état que le second Adam entre dans le paradis des cieux. Ce n’est pas sans raison qu’avant de monter sur la croix, il se dépouille de ses vêtements royaux, il voulait nous apprendre que c’est en tant qu’homme qu’il a souffert, et non comme Dieu, bien que le Christ soit l’un et l’autre. — S. Athanase : (disc. sur la pass. du Seig.) Celui qui, par amour pour nous, s’était soumis à toutes les conditions de notre nature, se couvrit aussi de nos vêtements (signes de la mortalité d’Adam), pour s’en dépouiller ensuite, et nous revêtir en échange de la vie et de l’incorruptibilité. « Partageant ensuite ses vêtements, ils les tirèrent au sort. » — Théophylacte : Peut-être plusieurs d’entre eux en avaient besoin, ou plutôt c’est par dérision et pour lui faire outrage qu’ils agirent de la sorte, car de quel prix pouvaient être les vêtements du Sauveur ? — S. Bède : Le sort parait être ici le symbole de la grâce de Dieu; car quand on consulte le sort, on ne tient aucun compte des personnes ou du mérite, on abandonne tout au secret jugement de Dieu. — S. Augustin : (de l’accord des Evang., 3, 12.) Les trois premiers évangélistes (Mt 25, 35; Mc 5, 24) rapportent sommairement cette circonstance qui se trouve plus détaillée dans l’évangile selon saint Jean. (Jn 19, 23.) —
Théophylacte : C’est donc par dérision qu’ils tirent
au sort les vêtements du Sauveur. Or que devait faire le peuple en voyant les
chefs de la nation donner l’exemple de ces railleries outrageantes ? « Et le peuple était là (ceux qui
avaient demandé qu’il fût crucifié), attendant (quelle serait la fin), et les
membres du grand conseil le raillaient aussi bien que le peuple. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 3, 3.) Sous le nom de princes, en général, sans ajouter : des prêtres, l’Évangéliste comprend tous les premiers de la nation, soit les scribes, soit les anciens. — S. Bède : Ils sont forcés de reconnaître, même s’ils ne le veulent pas, que Jésus a sauvé les autres : « Il a sauvé les autres, disent-ils, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ, l’élu de Dieu. » — S. Athanase : Le Seigneur Jésus, qui est le Sauveur véritable, voulait être reconnu en cette qualité, non en se sauvant lui-même, mais en délivrant ses créatures. Un médecin ne fait point connaître son talent médical en se guérissant lui-même, mais en appliquant sa science aux maladies des autres; ainsi Notre Seigneur qui était aussi notre Sauveur, n’avait pas besoin d’être sauvé, il voulait être reconnu pour Sauveur, non pas en descendant de la croix, mais en mourant sur la croix; car en mourant sur la croix, il a sauvé bien plus efficacement les hommes, qu’il n’aurait pu le faire en descendant de la croix. — Chronique des Pères grecs : Le démon, se voyant forcé dans tous ses retranchements, ne savait plus que faire, et en désespoir de cause, il fait présenter du vinaigre à boire au Sauveur : « Les soldats aussi s’approchaient et l’insultaient, lui présentant du vinaigre. » Le démon ignorait qu’il agissait ici contre lui-même. En effet, il offrait au Sauveur l’amertume de la colère, produite par les prévarications de la loi (qui pesaient sur tous les hommes); Jésus prenait pour lui toute cette amertume, pour nous donner à boire, en échange de ce vinaigre, le vin préparé par la sagesse divine. (Pv 9.) —
Théophylacte : Les soldats présentèrent ce vinaigre
à Jésus-Christ comme à un roi : « Et
ils lui disaient : ‘Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi’. » — S. Bède : Remarquez que les Juifs font du nom du Christ, que les Écritures leur avaient appris, l’objet de leurs blasphèmes et de leurs dérisions, tandis que les soldats, qui ne connaissaient pas les Écritures, n’insultent pas le Christ, l’élu de Dieu, mais le roi des Juifs. |
Lectio 7 [85962] Catena in Lc., cap. 23 l. 7 Theophylactus. Aliam attende sagacitatem Daemonis agitatam
in Christum : triplici enim litterarum figura promulgabat accusationem Iesu,
ne scilicet quemquam transeuntium lateat quod ob hoc suspensus fuerat, quia
se regem faciebat; dicitur enim erat autem et superscriptio scripta super
illum litteris Graecis, Latinis et Hebraicis : hic est rex Iudaeorum : per
quod significabatur, potentissimas gentium quales erant Romani,
prudentissimas, quales Graeci, maxime Deum colentes, quale fuit Iudaeorum
genus, subici debere imperio Christi. Ambrosius.
Merito autem supra crucem ponitur titulus; quia non humani corporis, sed
divinae potestatis est regnum quod habet Christus. Lego titulum regis
Iudaeorum, cum lego : regnum meum non est de hoc mundo; lego causam Christi super
caput eius scriptam, cum lego : et Deus erat verbum : caput enim Christi Deus.
Cyrillus.
Alter autem latronum eadem cum Iudaeis eructabat; sequitur enim unus autem
de his qui pendebant latronibus blasphemabat eum, dicens : si tu es Christus,
salvum fac teipsum et nos. Alter refrenabat voces ipsius; sequitur enim
respondens autem alter increpabat eum, dicens : neque tu times Deum, qui in
eadem damnatione es? Sed et proprium reatum confessus est, subdens et nos
quidem iuste, nam digna factis recipimus. Chrysostomus.
Hic fungitur vice iudicis, condemnatus, et incipit de veritate censere qui
coram Pilato post multa tormenta confessus est scelera. Quia aliud est homo
censor, quem latent intima, et aliud Deus, qui mentes penetrat : et ibi
quidem post confessionem poena subsequitur, hic autem confessio fit ad
salutem. Sed et Christum pronuntiat innocentem, cum subdit hic vero nihil
mali fecit; quasi dicat : novam vide iniuriam; honestatem damnari cum
scelere. Nos viventes occidimus, hic mortuos suscitavit; nos aliena sumus
furati, hic et sua iubet tribuere. Beatus igitur latro astantes docebat,
talia disserens, quibus alterum increpabat. Sed ut videt extinctos auditus
astantium, redit consequenter ad eum qui novit praecordia; sequitur enim et
dicebat ad Iesum : domine, memento mei cum veneris in regnum tuum. Crucifixum
aspicis, at dominum profiteris : condemnati vides figuram, et regis praedicas
dignitatem : mille malis imbutus, postulas iustitiae fontem reminisci tuae
nequitiae. Sed dices : video quidem apparens opprobrium, sed intueor latens
regnum; et tu avertis mea publica scelera, et acceptas fidem intentionis
occultae. Discipulum veritatis usurpavit nequitia, discipulum nequitiae non
commutabit veritas? Gregorius
Moralium. In cruce clavi manus eius pedesque
ligaverant; nihilque a poenis in eo liberum nisi cor et lingua remanserunt.
Inspirante Deo, totum illud ei obtulit quod in se liberum invenit; ut iuxta
hoc quod scriptum est corde crederet ad iustitiam, ore confiteretur ad
salutem. Tres autem virtutes quas apostolus memorat,
subito repletus gratia, et accepit latro, et servavit in cruce. Fidem namque
habuit, qui regnaturum Deum credidit, quem secum pariter morientem vidit :
spem habuit, qui regni eius aditum postulavit : qui caritatem quoque in morte
sua vivaciter tenuit, qui fratrem et collatronem pro simili scelere morientem
de iniquitate sua redarguit. Ambrosius.
Pulcherrimum autem datur affectandae conversionis exemplum, quod tam cito
latroni venia relaxatur. Cito ignoscit dominus, quia cito ille convertitur,
et uberior est gratia quam precatio : semper enim dominus plus tribuit quam
rogatur. Ille rogabat, ut memor sui esset; de domino autem sequitur et dixit
illi Iesus : amen dico tibi, hodie mecum eris in Paradiso. Vita est enim esse
cum Christo; et ubi Christus, ibi regnum. Theophylactus.
Et quemadmodum quisque rex victoriosus rediens ex triumpho optima
praedarum fert secum, sic et dominus praedatus portionem diabolicarum
praedarum, scilicet latronem, ducit secum in Paradisum. Chrysostomus. Erat ergo videre salvatorem in medio latronum,
trutinam iustitiae trutinantem fidem et infidelitatem. Expulit
Diabolus de Paradiso Adam, Christus latronem impulit ante totum orbem et ante
apostolos. Nudo verbo, sola fide in Paradisum
introivit, ne quia post errores introitum desperaret. Attende celeritatem a
cruce in caelos, a condemnatione in Paradisum, ut noveris non ad
benevolentiam illius, sed ad clementiam dominum totum fecisse. Si
autem iam facta est bonorum retributio, numquid supervacua erit resurrectio?
Si enim introduxit latronem in Paradisum, corpus autem eius corruptum
remansit foris, liquet non esse resurrectionem corporum. Haec dicunt illi :
sed caro, quae fuit laborum particeps, numquid privabitur praemiis? Audi
Paulum dicentem : oportet corruptibile hoc incorruptionem induere. Sed si
dominus pollicitus est regnum caelorum, introduxit autem latronem in
Paradisum, nondum ei retribuit praemia. Sed dicunt : nomine Paradisi regnum
caelorum nominavit, usitato nomine utens dum alloqueretur latronem, qui nihil
audierat de arduis documentis. Quidam
autem non sic legunt hodie mecum eris in Paradiso, sed sic : dico tibi hodie;
et consequenter : mecum eris in Paradiso. Sed adhuc evidentiorem solutionem
subiungemus : nam medici cum vident aliquem desperatum, dicunt : iam mortuus
est; sic et latro, quoniam non amplius timebatur eius regressus ad
perditionem, dicitur Paradisum intrasse. Theophylactus. Hoc tamen est verius omnibus, quod quamvis non omnia
promissa sortiti sunt et latro et alii sancti, ne sine nobis consummarentur,
ut dicitur in epistola ad Hebraeos, sunt tamen in regno caelorum et in
Paradiso. Gregorius Nyssenus. Hoc iterum oportet discutere : quomodo latro censeatur
dignus Paradiso, cum sanctis flammea framea prohibeat introitum. Sed attende
quod sermo divinus eum versatilem dicit, ut indignis quidem obviet, dignis
vero liberum ad vitam patefaciat aditum. Gregorius
Moralium. Vel illa romphaea flammea versatilis dicitur, pro eo quod
fuisset quandoque venire tempus ut etiam removeri debuisset : quando scilicet
veniret qui suae incarnationis mysterio Paradisi nobis iter aperiret. Ambrosius.
Sed et illud solvendum est, quia alii, scilicet Matthaeus et Marcus, duos
conviciantes inducunt latrones; iste unum conviciantem, unum repugnantem :
fortasse et iste prius conviciatus est, sed repente conversus est. Potuit
etiam de uno pluraliter dici, sicut est illud : in caprinis pellibus
ambulabant (...) secti sunt, cum solus Elias melotidem habuisse, Isaias
sectus esse doceatur. Mystice autem duo latrones duos populos peccatores
significant per Baptismum crucifigendos esse cum Christo; quorum dissensio
diversitatem pariter credentium significat. Beda. Quicumque enim baptizati sumus in Christo Iesu, in morte
ipsius baptizati sumus. Per Baptismum autem, cum peccatores essemus, abluimur
: sed alii, dum Deum in carne passum laudant, coronantur; alii, dum aut fidem
aut opera Baptismi habere renuerunt, dono quod accepere, privantur. |
Versets 38-43.
— Théophylacte : Considérez le nouvel artifice que le démon met en oeuvre contre Jésus-Christ. Il publie par trois inscriptions, en caractères différents, la cause de la condamnation de Jésus, afin que tous les passants voient qu’il a été crucifié, parce qu’il se disait roi : « Et au-dessus de sa tête était une inscription en grec, en latin, et en hébreu, où était écrit : ‘Celui-ci est le roi des Juifs’. » Cette triple inscription signifiait que les peuples les plus puissants, comme les Romains, les plus sages, comme les Grecs, les plus religieux, comme le peuple juif, se soumettraient à l’empire de Jésus-Christ. — S.
Athanase ou S. Ambroise : C’est avec raison que
cette inscription est placée au haut de la croix, parce que le règne de
Jésus-Christ n’a point pour principe sa nature humaine, mais sa puissance
divine. Je lis l’inscription du roi des Juifs, lorsque je lis dans saint Jean
: « Mon royaume n’est pas de ce
monde. » (Jn 19.) Je lis
au-dessus de la tête de Jésus-Christ la cause de sa condamnation, quand je
lis : « Et le Verbe était Dieu;
car Dieu est la tête ou le chef de Jésus-Christ. » (1 Co 11.) — S. Cyrille : Cependant
un des voleurs s’associait aux outrages des Juifs contre le Sauveur : « Or, l’un des voleurs qui étaient
suspendus en croix, le blasphémait en disant : Si tu es le Christ, sauve-toi
toi-même et nous avec toi » ; l’autre lui adressait ce reproche
: « Ne crains-tu pas Dieu non
plus, toi qui partages le même supplice ? » Il va plus loin, et
confesse ses propres crimes : « Pour
nous, du moins, c’est justice, nous sommes traités comme nous le
méritons. » — S. Jean Chrysostome : Ici donc, c’est le condamné qui remplit les fonctions de juge, celui qui, après mille tortures, a fini par avouer ses crimes devant le tribunal de Pilate, commence à reconnaître de lui-même la vérité; c’est qu’en effet, le jugement de l’homme qui ignore le secret des coeurs, est bien différent de celui de Dieu, qui pénètre jusqu’au fond des consciences. Là, d’ailleurs, l’aveu est suivi du châtiment, ici, au contraire, la confession de son crime devient pour lui un principe de salut. Il fait plus encore, il proclame l’innocence de Jésus-Christ en ajoutant : « Mais celui-ci n’a rien fait de mal » ; comme s’il disait : Voyez ce nouveau genre d’injustice qui condamne l’innocence avec le crime. Pour nous, nous avons tué les vivants, celui-ci a ressuscité les morts; nous avons dérobé le bien d’autrui, celui-ci commande de donner son propre bien. C’est ainsi que ce bienheureux larron instruisait ceux qui étaient présents, tout en reprenant le complice de ses crimes. Mais dès qu’il vit que cette multitude avait les oreilles fermées, il revient à celui qui connaît le secret des coeurs : « Et il disait à Jésus : Seigneur, souvenez-vous de moi, quand vous serez entré dans votre royaume. » Quoi ! vous ne voyez qu’un crucifié, et vous l’appelez votre Seigneur; vous avez sous les yeux la figure d’un condamné, et vous proclamez sa puissance royale; vous êtes couvert de crimes, et vous demandez à la source de toute justice de se souvenir de vos iniquités ? Oui, apparemment je vois la honte, mais je découvre son royaume caché aux yeux des autres, et vous, Seigneur, vous effacez mes crimes publics, et vous agréez la foi des sentiments secrets de mon âme. L’iniquité s’est emparé précédemment du disciple de la vérité, est-ce que la vérité ne changera point le disciple de l’iniquité ? — S. Grégoire : (Moral., 18, 23.) Les pieds et les mains de ce voleur étaient attachés à la croix avec des clous, et il n’avait de libre des souffrances que le coeur et la langue. Dieu lui inspire donc de lui offrir tout ce qu’il avait encore de libre, afin que selon la doctrine de l’Apôtre : « Il crût de coeur pour être justifié, et confessât de bouche pour obtenir le salut. » (Rm 10, 10.) C’est ainsi que cet heureux larron, rempli tout à coup de la grâce divine, reçut et conserva sur la croix les trois vertus dont parle encore l’Apôtre saint Paul (1 Co 3.) Il eut en effet la foi, puisqu’il crut que celui qu’il voyait mourir avec lui, régnerait un jour en Dieu, il eut l’espérance, puisqu’il lui demanda l’entrée de son royaume, il fit aussi profession en mourant d’une vive charité, en reprenant de sa conduite coupable, son compagnon et son complice, qui mourait en punition des mêmes crimes. — S. Ambroise : Quel exemple plus puissant pour nous exciter à revenir à Dieu, que l’exemple de ce voleur qui obtient si facilement son pardon ? Le Seigneur pardonne promptement, mais la conversion a été prompte aussi; la grâce est plus abondante et s’étend bien plus loin que la prière, car le Seigneur accorde toujours plus qu’on ne demande, le larron le prie de se souvenir de lui, et Jésus lui répond : « En vérité, je vous le dis, vous serez avec moi dans le paradis, » car la vie, c’est d’être avec Jésus-Christ, et là où est Jésus-Christ, là aussi est le royaume. — Théophylacte : De même qu’un roi victorieux rentre en triomphateur dans ses États, portant avec lui les plus riches dépouilles, ainsi Notre Seigneur ayant enlevé au démon une partie de son butin (c’est-à-dire ce larron), la porte avec lui dans le paradis. — S. Jean Chrysostome : Quel spectacle admirable de voir le Sauveur au milieu de ces deux larrons, pesant avec la balance de la justice la foi et l’incrédulité. Le démon avait chassé Adam du paradis, Jésus-Christ introduit un voleur dans le ciel avant tous les hommes, avant les Apôtres eux-mêmes ; une simple parole et la foi seule lui ont ouvert les portes du paradis, afin que personne ne désespère d’obtenir la même grâce après ses égarements. Et voyez avec quelle promptitude s’opère ce changement, il passe de la croix dans les cieux, d’un supplice infâme dans le paradis, pour vous apprendre que c’est ici l’oeuvre de la miséricorde de Dieu plutôt que l’effet des bons sentiments de ce grand coupable. Or, si Dieu accorde dès maintenant la récompense des cieux, la résurrection ne devient-elle pas inutile ? Le Seigneur introduit ce larron dans le paradis, et abandonne sur la terre son corps à la corruption, il est donc évident qu’il n’y a point de résurrection des corps. Tel est le langage que tiennent quelques-uns. Mais quoi ! est-ce que le corps qui a partagé les travaux de l’âme, n’aurait aucune part dans les récompenses ? Écoutez ces paroles de saint Paul : « Il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l’incorruptibilité. » (1 Co 15.) Mais puisque le Seigneur a promis au bon larron le royaume des cieux, et qu’il le fait entrer dans le paradis, il ne lui a pas encore donné la récompense promise. On dit à cela que sous le nom de paradis, le Sauveur a voulu désigner le royaume des cieux, et il s’est servi de cette expression usitée chez les Juifs, en s’adressant au larron qui n’avait jamais entendu ses sublimes enseignements. Il en est d’autres qui au lieu de lire : « Aujourd’hui vous serez avec moi dans le paradis », coupent ainsi la phrase : « Je vous le dis aujourd’hui; vous serez avec moi dans le paradis. » Voici toutefois une explication plus claire : lorsque les médecins voient un malade dans un état désespéré, ils disent : « Il est mort » ; ainsi dit-on de ce larron qu’il est entré dans le paradis, parce qu’on n’avait plus à craindre qu’il retombât dans l’abîme de la perdition. — Théophylacte : Enfin, il est plus vrai de dire encore que le bon larron et les autres saints n’ont pas encore reçu tout l’effet des promesses, parce que selon la doctrine de saint Paul dans l’épître aux Hébreux (He 11, 40), Dieu n’a pas voulu qu’ils reçoivent sans nous l’accomplissement de leur félicité, mais ils sont néanmoins dans le royaume des cieux et dans le paradis. — S. Grégoire de Nysse : Il nous faut encore examiner comment le bon larron est jugé digne d’entrer dans le paradis, alors qu’un glaive de feu en interdit l’entrée aux saints. Mais remarquez que le texte sacré dit que ce glaive de feu s’agitait toujours pour éloigner les indignes et laisser librement entrer dans la vie ceux qui en sont dignes. — S. Grégoire : (Moral., 12, 61.) Ou encore, il est dit que ce glaive de feu s’agitait toujours, parce qu’il savait qu’il devait disparaître un jour, lorsque viendrait celui qui devait nous ouvrir le chemin du paradis par le mystère de l’incarnation. — S. Ambroise : Une autre difficulté se présente : les autres évangélistes, saint Matthieu et saint Marc, rapportent que les deux voleurs insultaient le Sauveur; d’après saint Luc, au contraire, l’un deux insultait Jésus, et l’autre s’opposait à ces outrages. Nous répondons [qu’ils ont pu tous deux commencer par l’insulter, et] que l’un d’eux a commencé par l’insulter, puis a changé brusquement de sentiment. On peut encore dire que les deux premiers évangélistes ont employé ici le pluriel pour le singulier comme dans ce passage : « Ils ont mené une vie errante, couverts de peaux de chèvres, » et dans cet autre : « Ils ont été sciés, » bien qu’Élie seul fût vêtu de cette manière, et que le seul prophète Isaïe ait souffert le supplice de la scie. Dans le sens figuré, ces deux larrons sont le symbole des deux peuples pécheurs qui devaient être crucifiés par le baptême avec Jésus-Christ, et leur conduite si opposée représente la conduite si différente de ceux qui ont embrassé la foi. — S. Bède : « Car nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort, » (Rm 5.) Et lorsque nous étions pécheurs, nous avons été purifiés dans les eaux du baptême; cependant les uns sont couronnés, parce qu’ils glorifient le Dieu qui a daigné souffrir dans une chair mortelle, tandis que les autres perdent la grâce qu’ils ont reçue, parce qu’ils ont renoncé à la foi et aux oeuvres de leur baptême. |
Lectio 8 [85963] Catena in Lc., cap. 23 l. 8 Cyrillus. Postquam cruci tradiderunt dominum omnium, mundi machina
lugebat proprium dominum, et obtenebrata est lux in meridie, secundum Amos,
unde dicitur erat autem fere hora sexta, et tenebrae factae sunt in universa
terra usque ad horam nonam : quod erat manifestum indicium, quod forent
passurae caliginem crucifigentium animae. Augustinus
de Cons. Evang. Hoc autem quod de tenebris dictum est, etiam alii duo,
Matthaeus et Marcus, contestantur. Addit autem Lucas, unde factae sunt
tenebrae, cum subdit et obscuratus est sol. Augustinus
de Civ. Dei. Quam solis obscurationem non canonico cursu siderum accidisse
satis ostendit, quod tunc erat Pascha Iudaeorum, quod plena luna solemniter
agitur; regularis autem solis defectio non nisi in fine lunae contingit. Dionysius ad Polycarpum. Cum ambo apud Heliopolim essemus, ambo
simul incidentem mirabiliter soli lunam notabamus (non enim eiusce
coniunctionis tunc aderat tempus), ipsamque rursus ab hora nona usque in
vesperam ad solis diametrum, supra naturae vires restitutam. Insuper
et eam lunae incidentiam observavimus ab oriente coepisse, et usque ad
solaris corporis finem pervenisse : ac tum demum resilisse, nec ex ea, ut
assolet, parte luminis defectum et restitutionem contigisse, sed ex adverso
diametri. Graecus.
Hoc igitur prodigium factum est ut pateret quod qui mortem susceperat,
gubernator esset totius creaturae. Ambrosius. Sol etiam occidit sacrilegis,
ut funesti spectaculum sceleris obumbraret; tenebrae effusae sunt oculis
perfidorum, ut fidei lumen resurgeret. Beda.
Volens autem Lucas miraculum miraculo adiungere, subiungit et velum templi
scissum est medium. Hoc expirante domino factum est, sicut Matthaeus et
Marcus contestantur, sed Lucas praeoccupando narravit. Theophylactus.
Per hoc autem dominus ostendebat, quod non erunt ulterius sancta sanctorum
inaccessibilia; sed tradita in manus Romanorum inquinarentur, et eorum aditus
pateret. Ambrosius.
Velum etiam scinditur, quo duorum populorum divisio, et synagogae
profanatio declaratur. Scinditur velum vetus, ut Ecclesia nova fidei suae
vela suspendat. Synagogae velamen suspenditur, ut religionis interna mysteria
revelata, mentis cernamus intuitu. Theophylactus.
Per hoc etiam ostenditur quod velum, quod sequestrabat nos a sacris quae
sunt in caelo, disrumpitur, idest Dei inimicitia et peccatum. Ambrosius.
Deinde etiam ubi acetum bibit, assumptae mortalitatis impletum est omne mysterium,
et immortalitas sola remansit; unde sequitur et clamans voce magna ait Iesus
: pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Beda.
Patrem invocando, filium Dei se esse declarat : spiritum vero commendando,
non defectum suae virtutis, sed confidentiam eiusdem cum patre potestatis
insinuat. Ambrosius.
Caro moritur, ut resurgat spiritus; patri commendatur, ut caelestia quoque
ab iniquitatis vinculo solverentur, et pax fieret in caelo, quam terrena
sequerentur. Cyrillus.
Haec autem vox edocet quod animae sanctorum non deinceps in Inferno
clauduntur, ut prius; sed apud Deum sunt, huius rei facto Christo principio.
Athanasius.
Commendat enim patri se per universos mortales in se vivificatos : nam
sumus membra eius, secundum illud apostoli : omnes unum estis in Christo.
Gregorius
Nyssenus. Decet autem quaerere qualiter in eodem tempore dominus
tripartitur seipsum : in viscera terrae, ut dixerat Pharisaeis; in Paradisum
Dei, ut dixit latroni; in manus paternas, ut nunc dicitur. Sed recte
considerantibus, hoc nec quaestione dignum videtur : nam qui ubique est per
divinam potentiam, quolibet loco adest. Ambrosius.
Commendatur ergo patri spiritus; sed cum sit in superioribus, illuminat et
Inferna, ut universa redimantur; etenim Christus omnia, et in Christo omnia.
Gregorius
Nyssenus. Alia solutio est, quod in tempore passionis neutram partem
humanitatis semel unita divinitas dimisit, sed animam de corpore sponte
disiunxit, sed tamen in utroque permanentem ostendit : nam per corpus, in quo
mortem suscepit, confutavit mortis potentiam; per animam vero latroni paravit
introitum Paradisi. Dicit autem Isaias de superna Ierusalem, quae a Paradiso
non est alia : super manus meas depinxi moenia tua. Unde palam est quod
existens in Paradiso manus patris inhabitabat. Damascenus.
Vel expressius loquendo, in sepulcro erat secundum corpus, in Inferno
secundum animam; sed sicut Deus, in Paradiso cum latrone, et in throno erat
cum patre et spiritu sancto. Theophylactus.
Clamans vero alta voce expirat, quia inerat ei potestas ponendi animam
suam, et eam resumendi; unde sequitur et haec dicens, expiravit.
Ambrosius. Quasi dicat : tradidit spiritum quia non invitus amisit : quod
enim emittitur, voluntarium est; quod amittitur, necessarium. |
Versets 44-47.
— S. Cyrille : Aussitôt que les Juifs eurent crucifié le Seigneur de toutes choses, l’univers tout entier pleura son Créateur et son Maître, et la lumière s’obscurcit en plein midi selon la prédiction du prophète Amos (Am 8, 9) : « Il était environ la sixième heure, et les ténèbres se répandirent sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure. » Cette profonde obscurité était la figure manifeste des ténèbres qui devaient se répandre dans l’âme de ceux qui avaient crucifié le Fils de Dieu. — S.
Augustin : (De
l’acc. des Evang., 3, 17). Saint Matthieu et saint Marc rapportent également que les
ténèbres couvrirent toute la terre, mais saint Luc en indique la cause en
ajoutant : « Et le soleil
s’obscurcit. » — S. Augustin : (De la cité de Dieu, 3, 15.) Une preuve évidente que cet obscurcissement du soleil n’était pas le résultat du cours régulier des astres, c’est que c’était la Pâque des Juifs qui se célébrait à la pleine lune; or, les éclipses ordinaires de soleil n’ont lieu que lorsque la lune est en pleine décroissance. — S. Denys : ( Lettre 7 à Polyc.) Nous étions alors à Héliopolis, et nous vîmes tous les deux en même temps que la lune était venue inopinément se placer devant le soleil (car ce n’était pas l’époque de sa conjonction), et qu’ensuite, depuis la neuvième heure jusqu’au soir, elle revint miraculeusement en opposition directe avec le soleil. Nous vîmes aussi cette éclipse commencer du côté de l’Orient, et elle atteignit jusqu’au bord occidental du soleil. Ensuite elle rebroussa chemin, de sorte que la disparition et le retour de la lumière ne se firent point par le même côté, mais par le côté opposé. [Tels sont les phénomènes surnaturels qui parurent alors et qui n’ont pu avoir pour auteur que le Christ, créateur de toutes choses]. — Chronique des Pères grecs : Ce prodige eut lieu pour montrer jusqu’à l’évidence que celui qui se soumettait à la mort, était le Seigneur et le maître de toutes les créatures. — S. Ambroise : Le soleil se voile aux yeux de ces sacrilèges, pour couvrir de son ombre le triste spectacle de ce crime affreux, et les ténèbres se répandent sur les yeux de ces perfides pour rendre plus éclatante la lumière de la foi. — S. Bède : A ce miracle, saint Luc en ajoute un autre : « Et le voile du temple se déchira par le milieu. » C’est au moment même où Jésus expira que ce prodige eut lieu, comme le rapportent saint Matthieu et saint Marc; saint Luc le place ici par anticipation. — Théophylacte : Le Seigneur annonçait ainsi que désormais le saint des saints ne serait plus inaccessible dorénavant, qu’il serait livré aux profanations des Romains, et que l’entrée en serait ouverte à tous. — S.
Ambroise : Le voile du temple se déchira encore pour
figurer la division des deux peuples, et la profanation de la synagogue. Le
voile ancien se déchire pour laisser l’Eglise déployer et suspendre les
voiles nouveaux de la foi chrétienne. Le voile de la synagogue disparaît,
pour nous permettre de voir des yeux de notre âme les profonds mystères de la
religion. — Théophylacte : C’est encore une figure que le voile qui nous séparait des mystères du ciel est déchiré, c’est-à-dire que l’inimitié de Dieu et le péché sont détruits. — S. Ambroise : Dès que Jésus eut bu le vinaigre qu’on lui présentait, tous les mystères de sa vie mortelle furent accomplis et l’immortalité seule demeura : « Alors Jésus s’écria d’une voix forte : Mon Père, je remets mon âme entre vos mains. » — S. Bède : En invoquant Dieu comme son Père, il déclare qu’il est le Fils de Dieu, et en remettant son esprit entre ses mains, il ne révèle point un défaut de puissance, mais la confiance qu’il possède une seule et même puissance avec son Père. — S. Ambroise : Le corps du Sauveur ne meurt que pour ressusciter, et il remet son esprit à son Père, afin que toutes les créatures qui habitent les cieux soient affranchies des liens de l’iniquité, et que la paix commence par le ciel pour servir de modèle à celle qui doit se faire sur la terre. — S. Cyrille : Ces paroles du Sauveur nous apprennent que les âmes des saints ne sont plus retenues captives dans les enfers, comme auparavant, mais qu’elles sont avec Dieu, depuis que Jésus-Christ les a délivrées. — S. Athanase : (De l’incarn. cont. les Ar.) Dans sa personne, il recommande à son Père tous les hommes auxquels il a rendu la vie, car nous sommes ses membres, selon ces paroles de l’apôtre saint Paul [aux Galates] : « Vous n’êtes tous qu’un en Jésus-Christ. » (Ga 4, 28.) — S. Grégoire de Nysse : Il convient ici d’examiner comment Jésus-Christ a pu dans le même temps se diviser en trois et aller dans les entrailles de la terre, comme il l’avait prédit aux pharisiens (Mt 12, 4), dans le paradis, comme il l’a dit au bon larron, et dans les mains de son Père, d’après ses dernières paroles. Or, cette difficulté ne forme même pas une question pour ceux qui veulent réfléchir correctement, car celui qui est partout, est à la fois présent en tout lieu par sa divine puissance. — S.
Ambroise : Il recommande son âme à son Père, mais
tout en étant dans le ciel, il éclaire les enfers [(les limbes)] et étend à
toute créature les effets de la rédemption, car le Christ est en toutes
choses, et toutes choses subsistent en lui. (Col 1, 17.) — S. Grégoire de Nysse : On peut encore répondre qu’au temps de la passion, la divinité n’abandonna aucune partie de l’humanité à laquelle elle s’était unie, et qu’elle sépara volontairement l’âme du corps en restant elle-même unie à l’une et à l’autre. C’est ainsi qu’il détruit la puissance de la mort par son corps qu’il livre à la mort, tandis que par son âme, il ouvre au bon larron l’entrée du paradis. Or, le prophète Isaïe, en décrivant la céleste Jérusalem, qui n’est autre que le paradis, fait ainsi parler Dieu : « Je vous porte gravée sur ma main, vos murailles sont sans cesse devant mes yeux » (Is 49, 16), paroles qui prouvent que la main de Dieu le Père est dans le paradis. — S. Jean Damascène : (hom. pour le samedi saint.) Ou encore pour être plus précis : il était dans le tombeau quant à son corps; quant à son âme, à la fois dans les enfers et dans le paradis avec le bon larron, et comme Dieu sur son trône avec le Père et l’Esprit saint. — Théophylacte : Il expire en poussant un grand cri, parce qu’il avait le pouvoir de quitter la vie et de la reprendre (Jn 10, 18) : « Et en prononçant ces mots il expira. » — S. Ambroise : Paroles dont voici le sens : Il rendit l’âme, il ne perdit point la vie malgré lui, car ce qu’on rend est volontaire, mais ce qu’on perd est forcé. |
Lectio 9 [85964] Catena in Lc., cap. 23 l. 9 Augustinus de
Trin. Cum post illam vocem continuo tradidit spiritum, hoc maxime qui
aderant, sunt mirati : longa enim morte cruciabantur ligno suspensi; unde
dicitur videns autem centurio quod factum fuerat, glorificavit Deum, dicens :
vere hic homo iustus erat. Augustinus
de Cons. Evang. Non est autem contrarium quod Matthaeus, viso terraemotu,
dicit admiratum centurionem, cum Lucas dicat hoc eum admiratum fuisse quod
emissa illa voce expirasset, ostendens quam potestatem habuit quando
moreretur. In eo autem quod Matthaeus dixit non solum viso terraemotu, sed
addidit : et his quae fiebant, integrum locum fuisse demonstravit Lucae, ut
diceret ipsum domini mortem fuisse miratum. Quod autem Lucas etiam ipse dixit
videns autem centurio quod factum erat, in eo genere inclusit omnia quae
facta erant in illa hora mirabiliter, tamquam unum mirabile factum
commemorans, cuius quasi membra et partes erant omnia illa miracula. Quod
autem alius dixit, centurionem dixisse : vere filius Dei erat iste, Lucas
autem ait, quod iustus erat, putari potest diversum; sed vel utrumque dictum
a centurione debemus intelligere, et aliud illum, aliud istum commemorasse;
vel fortasse Lucam exprimere voluisse sententiam centurionis, quomodo dixerit
Iesum filium Dei : forte enim non unigenitum aequalem patri centurio
intellexerat; sed ideo filium Dei dixerat, quia iustum crediderat, sicut
multi iusti dicti sunt filii Dei. Iam vero quia Matthaeus addidit eos qui cum
centurione erant, Lucas vero hoc tacuit; non est contrarium, cum alius dicit
quod alius tacet : et Matthaeus dixit : timuerunt valde; Lucas autem non
dixit : timuit, sed glorificavit Deum : quis non intelligat Deum timendo
glorificasse? Theophylactus.
Nunc autem videtur effectum sortiri quod dominus dixerat : cum exaltatus
fuero, omnia ad me traham. Exaltatus namque in cruce attraxit latronem et
centurionem, sed et quosdam Iudaeorum, de quibus sequitur et omnis turba
eorum qui simul aderant ad spectaculum istud, et videbant quae fiebant,
percutientes pectora sua revertebantur. Beda.
Quod percutiebant pectora, quia poenitentiae et luctus indicium est,
potest dupliciter intelligi : sive enim eum cuius vitam dilexerunt, iniuste
occisum dolebant; sive cuius mortem se impetrasse meminerant, hunc in morte
amplius glorificatum tremebant. Notandum autem, quod gentiles Deum timentes,
apertae confessionis voce glorificant; Iudaei percutientes solum pectora,
silentes domum redeunt. Ambrosius.
O duriora saxis pectora Iudaeorum. Iudex arguit, credit minister, proditor
scelus suum morte condemnat, elementa fugiunt, terra concutitur, monumenta
reserantur : Iudaeorum tamen immobilis duritia manet orbe concusso. Beda. Unde merito per centurionem fides Ecclesiae designatur, quae
Dei filium tacente synagoga confirmat. Impletur autem quod dominus
patri conqueritur dicens : elongasti a me amicum et proximum, et notos meos a
miseria; unde sequitur stabant autem omnes noti eius a longe. Theophylactus.
Sed feminarum genus olim maledictum, manet et videt haec omnia; sequitur enim
et mulieres quae secutae erant eum a Galilaea, haec videntes, et sic primae
refocillantur iustificatione, aut benedictione a passione profluente, sicut
et resurrectione. |
Versets 47-49.
— S. Augustin : (De la Trinité, 4, 13.) Tous ceux qui étaient présents furent saisis d’étonnement en voyant Jésus rendre l’âme après avoir poussé ce grand cri, car les crucifiés ne mouraient qu’après de longues tortures : « Or, le centurion voyant ce qui était arrivé, glorifia Dieu en disant : ‘Vraiment, cet homme était un juste’. » — S. Augustin : (De l’accord des Evang., 3, 30.) Il n’y a point de contradiction entre saint Matthieu, qui attribue l’étonnement du centurion au tremblement de terre qui eut alors lieu, et saint Luc, d’après lequel le centurion fut saisi d’étonnement de voir Jésus expirer après avoir poussé ce grand cri, et montrer ainsi quelle puissance il avait en mourant. D’ailleurs saint Matthieu, en attribuant l’étonnement du centurion au tremblement de terre et à tout ce qui se passait, démontre la vérité du récit de saint Luc, qui donne pour cause de cet étonnement la mort même du Sauveur. Saint Luc, de son côté, en s’exprimant de la sorte : « Le centurion voyant ce qui était arrivé, » comprend dans cette manière générale de parler, tous les prodiges qui eurent lieu alors, comme s’il rappelait un seul prodige dont tous les miracles faisaient partie et dont ils étaient comme des circonstances détaillées. On pourrait peut-être trouver une divergence en ce que, d’après un autre évangéliste, le centurion dit : « Celui-ci est vraiment le Fils de Dieu, » tandis que d’après saint Luc, il se contente de dire : « Cet homme était vraiment un juste. » Mais on peut admettre, ou bien que le centurion a confessé ces deux vérités, et que chacun des évangélistes n’en a rapporté qu’une seule, ou bien que saint Luc a exprimé dans quel sens le centurion avait confessé que Jésus était le Fils de Dieu. En effet, le centurion n’a peut-être pas voulu dire qu’il était le Fils unique et consubstantiel du Père, mais il l’a proclamé Fils de Dieu, parce qu’il croyait qu’il était un juste, et dans le même sens qu’un grand nombre de justes ont été appelés fils de Dieu (cf. Gn 6, 2.4). D’après le récit de saint Matthieu encore, ceux qui étaient avec le centurion [partagèrent sa crainte], circonstance dont saint Luc n’a rien dit; mais où est la contradiction, lorsque l’un raconte ce que l’autre passe sous silence ? Enfin, suivant saint Matthieu : « Ils furent saisis de crainte, » tandis que saint Luc ne parle pas de sa crainte, mais dit simplement du centurion : « Il glorifia Dieu. » Mais qui ne comprend que c’est un sentiment de crainte qui l’a porté à glorifier Dieu ? — Théophylacte : Nous voyons ici l’accomplissement de cette prédiction. du Sauveur : « Lorsque j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. » En effet, c’est lorsqu’il fut élevé sur la croix qu’il attira le bon larron, le centurion et plusieurs autres d’entre les Juifs, dont l’Evangéliste dit : « Et toute la multitude de ceux qui assistaient à ce spectacle et qui virent toutes ces choses, s’en retournaient en frappant leurs poitrines, ». — S. Bède : Ils frappaient leur poitrine eu signe de repentir et de tristesse, ce qui peut s’entendre de deux manières, ou parce qu’ils s’affligeaient de la mort injuste de celui dont ils avaient tant aimé la vie, ou parce qu’ils voyaient celui dont ils avaient demandé la mort, environné dans sa mort même d’une gloire encore plus éclatante. Remarquez aussi que la crainte de Dieu ouvre la bouche des Gentils, et leur fait confesser et glorifier Dieu à haute voix, tandis que les Juifs se contentent de frapper leur poitrine et retournent en silence dans leurs maisons. — S. Ambroise : O coeurs des Juifs plus durs que les rochers ! Celui qu’ils ont pris pour juge les condamne, le centurion est forcé de croire, le traître disciple désavoue son crime par sa mort, les éléments se troublent, la terre est ébranlée, les sépulcres s’ouvrent, et cependant la dureté des Juifs demeure inflexible au milieu du bouleversement de l’univers. — S.
Bède : Le centurion figure ici la foi de l’Église,
qui proclame que Jésus est le Fils. de Dieu, tandis que la synagogue garde le
silence. C’est alors aussi que s’accomplit cette prédiction [du
Roi-prophète], où le Seigneur se plaint à Dieu son Père en ces termes : « Vous avez éloigné de moi mes amis
et mes proches, et vous avez fait que ceux qui me connaissaient m’ont quitté
à cause de ma misère. » (Ps 87,
19.) « Là aussi, dit
l’Évangéliste, à quelque distance se
tenaient tous ceux de la connaissance de Jésus. » — Théophylacte : Les femmes, dont le sexe fut autrefois maudit, demeurent et considèrent toutes ces choses : « Et les femmes qui l’avaient suivi de Galilée se tenaient à l’écart, regardant ce qui se passait » ; et c’est ainsi qu’elles reçurent les premières la grâce de la justification et toutes les bénédictions qui découlent de la passion aussi bien que de la résurrection de Jésus-Christ. |
Lectio 10 [85965] Catena in Lc., cap. 23 l. 10 Graecus. Fuerat quandoque Ioseph occultus Christi
discipulus : denique vinculum timoris rumpens, ferventior factus, dominicum
corpus turpiter pendens a ligno deposuit, comparans pretiosam margaritam
verborum modestia; unde dicitur et ecce vir nomine Ioseph, qui erat decurio. Beda.
Decurio vocatur, quod sit de ordine curiae, et officia curiae administret,
qui etiam curialis a procurando munera civilia solet appellari. Magnae ergo
Ioseph dignitatis apud saeculum, sed maioris apud Deum meriti fuisse
laudatur; unde sequitur vir bonus et iustus (hic non consenserat consilio et
actibus eorum) ab Arimathaea civitate Iudaeae. Arimathaea ipsa est Ramatha
civitas Helcanae et Samuelis. Augustinus
de Cons. Evang. Dicit autem Ioannes quod erat discipulus Iesu; unde et hic
subditur qui expectabat et ipse regnum Dei. Merito autem movet cur ille qui
propter timorem occultus erat discipulus, ausus sit petere corpus eius, quod
nullus eorum qui eum palam sequebantur auderet; sequitur enim hic accessit ad
Pilatum, et petiit corpus Iesu. Sed intelligendum est istum fiducia
dignitatis hoc fecisse, qua praeditus poterat familiariter intrare ad
Pilatum. In extremo autem illo officio funeris exhibendo minus videtur
curasse de Iudaeis, quamvis soleret in domino audiendo eorum inimicitias
devitare. Beda. Sic igitur pro iustitia meritorum sepeliendo corpori dominico
aptus, dignus fuit per nobilitatem potentiae saecularis illud impetrare; unde
sequitur et depositum involvit in sindone. Ex
simplici sepultura domini ambitio divitum condemnatur, qui nec in tumulis
quidem possint carere divitiis. Athanasius.
Enormiter etiam agunt qui condiunt corpora mortuorum, et ea non sepeliunt,
etiamsi sancta sint : quid enim sanctius aut maius domini corpore? Quod tamen in monumento positum est; donec die tertia resurrexit;
sequitur enim et posuit eum in monumento exciso. Beda.
Scilicet de petra; ne si ex multis lapidibus aedificatum esset, post
resurrectionem suffossis tumuli fundamentis, ablatus furto diceretur. In novo
etiam ponitur monumento; nam sequitur in quo nondum quisquam positus fuerat :
ne post resurrectionem ceteris corporibus remanentibus, surrexisse alius
suspicaretur. Quia vero sexta die homo factus est, recte dominus sexta die
crucifixus humanae reparationis implevit arcanum; unde sequitur et erat dies
parasceves, quod praeparatio interpretatur; quo nomine sextam feriam
appellabant, quia ea die, quae in sabbatum forent necessaria, praeparabant.
Quia vero septimo die requievit conditor ab opere suo, sabbato dominus in
sepulcro requievit; unde sequitur et sabbatum illucescebat. Supra autem
legimus, quia stabant omnes noti eius a longe, et mulieres quae secutae erant
eum. His ergo notis Iesu post depositum eius cadaver ad sua remeantibus,
solae mulieres, quae arctius amabant, funus subsecutae, quo loco poneretur
inspicere cupiebant; sequitur enim subsecutae autem mulieres, quae cum ipso
venerant de Galilaea, viderunt monumentum, et quemadmodum positum erat corpus
eius : ut scilicet ei tempore congruo munus possent suae devotionis offerre.
Theophylactus.
Neque tamen fidem debitam adhuc habebant, sed quasi puro homini aromata et
unguenta parabant more Iudaeorum, qui talia exhibebant defunctis; unde
sequitur et revertentes paraverunt aromata et unguenta. Beda.
Sepulto enim domino, quamdiu licebat operari, idest usque ad solis
occasum, unguentis praeparandis erant occupatae. Mandatum autem erat ut
sabbati silentium, idest quies, a vespera usque ad vesperam servaretur;
sequitur enim et sabbato quidem siluerunt secundum mandatum. Ambrosius.
Mystice autem iustus Christi corpus sepelit : talis enim est Christi
sepultura, quae fraudem iniquitatemque non habeat. Merito autem Matthaeus hunc divitem dixit : suscipiendo enim divitem
nescivit fidei paupertatem. Iustus corpus Christi
operit sindone; vesti et tu domini corpus gloria sua, ut et ipse sis iustus;
et si mortuum credis, operi tamen divinitatis plenitudine suae; sed et
vestitur Ecclesia innocentiae gratia. Beda.
Ille etiam in sindone munda involvit Iesum qui pura eum mente susceperit.
Ambrosius.
Non otiose alius Evangelista monumentum novum dixit, alius monumentum
Ioseph : etenim tumulus his paratur qui sub lege sunt mortis; victor mortis
tumulum suum non habet. Quae enim communicatio tumulo et Deo? Solus etiam
tumulo includitur, quia mors Christi, etsi sit communis secundum naturam,
specialis est secundum virtutem. Bene
autem Christus in monumento conditur iusti ut iustitiae habitatione
requiescat : monumentum enim hoc in duritiae gentilis petra iustus excidit
penetrali verbi, ut praetenderet in nationibus virtus Christi. Cui
pulcherrime admotus est lapis. Quicumque in se bene humaverit Christum,
diligenter custodiat, ne eum perdat, neve perfidiae sit ingressus. Beda. Quod autem dominus sexta die crucifigitur, septima in sepulcro
quiescit, significat quod in sexta mundi aetate nos pro domino pati et velut
mundo crucifigi necesse est; in septima vero, idest post mortem, corpora
quidem in tumulis, animae vero cum domino requiescunt. Usque
huc et mulieres sanctae, idest animae humiles dilectione ferventes, passioni
Christi diligenter obsequuntur : et si forte valeant imitari, sedula
curiositate, quo ordine sit eadem passio completa, perpendunt : qua lecta,
audita, recordata, mox ad paranda se opera virtutum, quibus Christus delectetur,
convertunt, ut finita praesentis vitae parasceve, in requie beata tempore
resurrectionis occurrere Christo valeant cum aromatibus spiritualium actionum. |
Versets 50-56.
— Chaîne des Pères Grecs : Joseph avait été jusque là un disciple caché de Jésus-Christ; il triomphe aujourd’hui de la crainte qui le retenait, et plein d’ardeur, il dépose le corps du Seigneur de la croix où il était ignominieusement attaché, et acquiert ainsi la pierre précieuse de l’Évangile par la sagesse de ses paroles : « Et voici qu’un membre du grand conseil nommé Joseph, » etc. — S. Bède : Il est appelé décurion, parce qu’il appartenait à la curie et en gérait les affaires; cette charge est aussi appelée curiale, parce qu’elle a pour objet de veiller sur les intérêts civils des citoyens, Joseph était donc revêtu d’une haute dignité, dans le monde, mais il était bien plus élevé encore en vertu et en mérite aux yeux de Dieu : « C’était un homme vertueux et juste (il n’avait pas donné son assentiment à leur résolution, ni à leur acte), d’Arimathie, ville de Judée, ». Arimathie est la même ville que Ramatha, patrie d’Helcana et de Samuel. — S. Augustin : (De l’accord des Evang., 3, 22.) Saint Jean dit qu’il était disciple de Jésus, ce qui fait ajouter à saint Luc : « Et il attendait, lui aussi, le royaume de Dieu. » On s’étonne avec raison que ce disciple qui avait jusque là dissimulé [soigneusement ses relations avec Jésus], dans la crainte d’encourir la haine des Juifs, ait osé demander son corps, ce qu’aucun de ceux qui le suivaient publiquement n’aurait osé faire : « Il vint trouver Pilate, et lui demanda le corps de Jésus. » Mais cette difficulté disparaît, si l’on considère que la haute dignité de Joseph lui donnait ses entrées chez Pilate, et lui inspira assez de confiance pour lui faire cette demande. D’ailleurs, si lorsqu’il allait écouter les divins enseignements du Sauveur, il prenait soin d’éviter la haine et la vengeance des Juifs, il semble ne plus se préoccuper d’eux, aujourd’hui qu’il s’agit de rendre au corps de Jésus les derniers devoirs. — S. Bède : Joseph fut donc jugé digne d’ensevelir le corps du Seigneur, à cause de son éminente vertu, de même qu’il obtint de Pilate le corps de Jésus, en considération du rang élevé qu’il occupait parmi les Juifs : « Et l’ayant détaché de la croix il l’enveloppa d’un linceul. » Cette modeste sépulture du Seigneur condamne la vanité des riches, qui ne peuvent se passer de leurs richesses jusque dans la poussière du tombeau. — S. Athanase : (Vie de Antoine) C’est un véritable crime que d’embaumer les corps des morts, et de ne pas les ensevelir, même quand ce seraient les corps des saints, car qu’y a-t-il de plus saint ou de plus grand que le corps du Seigneur ? Cependant il fut mis dans le tombeau et y demeura jusqu’au troisième jour, où il ressuscita : « Et il le déposa dans un tombeau taillé dans le roc. » — S. Bède : Ce tombeau était taillé dans le roc, car s’il avait été construit de plusieurs pierres assemblées, on aurait accusé ses disciples, après la résurrection, d’en avoir soulevé les fondements pour enlever le corps de leur maître. Il est déposé dans un tombeau neuf, comme le fait remarquer l’Évangéliste : « dans lequel personne n’avait encore été mis, » car s’il était resté d’autres corps dans ce sépulcre, après la résurrection on aurait pu croire que c’était un autre que Jésus qui était ressuscité. C’est le sixième jour que l’homme avait été créé, c’est aussi le sixième jour que le Seigneur fut crucifié pour accomplir le mystère de la réparation du genre humain : « Or, c’était le jour de la préparation » ; c’est le nom que les Juifs donnaient au sixième jour, parce qu’ils préparaient ce jour-là tout ce qui était nécessaire pour le jour du sabbat. De même aussi que le créateur s’est reposé de son oeuvre le septième jour, ainsi le Sauveur s’est reposé dans le sépulcre le septième jour : « Et le jour du sabbat allait commencer. » Nous avons vu plus haut que tous ceux qui étaient de la connaissance de Jésus, et les femmes qui l’avaient suivi se tenaient à l’écart. Lors donc que le corps de Jésus eut été détaché de la croix, les amis du Sauveur s’en retournèrent chez eux; et les femmes seules qui l’aimaient plus tendrement, suivirent ses funérailles, dans le désir qu’elles avaient de voir où son corps serait déposé. « Les femmes qui étaient venues de la Galilée avec Jésus, ayant suivi Joseph, virent le sépulcre, et comment le corps de Jésus y avait été déposé, » afin de pouvoir lui offrir en temps opportun l’hommage de leur pieuse affection. — Théophylacte : Cependant elles n’avaient pas encore une foi véritable. Elles préparent des aromates et des parfums pour la sépulture définitive de Jésus, comme s’il n’était qu’un homme, suivant la coutume des Juifs qui ensevelissaient ainsi leurs morts : « Et s’en étant retournées, elles préparèrent des aromates et des parfums, » etc. — S. Bède : Après
que le Sauveur fut déposé dans le sépulcre, elles s’occupèrent à préparer des
aromates, tant qu’il leur fut permis de travailler, c’est à-dire jusqu’au
coucher du soleil. Or, la loi voulait que le silence ou le repos du sabbat
fût scrupuleusement observé depuis le soir du jour précédent, jusqu’au soir
du jour suivant : « Et le jour du
sabbat, elles demeurèrent en repos pour obéir aux préceptes de la loi. » — S. Ambroise : Dans le sens figuré, remarquons que c’est un juste qui ensevelit le corps de Jésus-Christ; car la fraude et l’iniquité ne doivent prendre aucune part à la sépulture du Sauveur. Ce n’est pas sans raison que saint Matthieu nous fait observer que Joseph[, qui se charge d’ensevelir le corps de Jésus-Christ,] était riche; car en portant lui-même le corps d’un riche, il ne connut point la pauvreté de la foi. Il enveloppa le corps de Jésus-Christ dans un linceul; et vous aussi revêtez le corps du Seigneur de sa gloire, si vous voulez être juste, et bien que vous croyiez qu’il a souffert la mort, couvrez-le de la plénitude de la divinité. L’Église elle-même se revêt aussi de la grâce de l’innocence. — S. Bède : Celui qui reçoit Jésus dans un coeur pur, l’enveloppe dans un suaire blanc. — S. Ambroise : Ce n’est pas sans raison non plus qu’un autre évangéliste rapporte que le tombeau était neuf, et un autre que c’était le tombeau de Joseph. En effet, c’est à ceux qui sont soumis à la loi de la mort qu’on prépare un tombeau, mais le vainqueur de la mort n’a pas besoin d’avoir son sépulcre; car quel rapport peut-il y avoir entre Dieu et un tombeau. Il est mis seul dans ce sépulcre, parce que, bien que la mort de Jésus-Christ lui soit commune avec nous, à ne considérer que la nature de son corps, elle est exceptionnelle à raison de sa puissance. Jésus-Christ est enseveli dans le sépulcre d’un juste, pour nous apprendre qu’il prend volontiers son repos dans la demeure de la justice. Le juste a creusé ce sépulcre à l’aide de la parole pénétrante dans la pierre dure du coeur des Gentils, pour faire éclater parmi les nations la puissance de Jésus-Christ; c’est aussi dans un dessein mystérieux qu’on roule une grande pierre à l’entrée du sépulcre. Celui qui a donné à Jésus-Christ une sépulture convenable dans son coeur, doit le garder avec soin pour ne pas s’exposer à le perdre et ne pas donner entrée dans son âme à l’incrédulité. — S.
Bède : Notre Seigneur a voulu être crucifié le
sixième jour, et se reposer le septième jour dans le sépulcre, pour nous
apprendre que pendant le sixième âge du monde, nous devons souffrir et être
crucifié au monde pour le Seigneur. (Ga
6, 14.) Mais au septième âge, c’est-à-dire après la mort, les corps
reposent dans les tombeaux et les âmes dans le sein de Dieu. Aujourd’hui
encore, il y a de saintes femmes, c’est-à-dire des âmes vraiment humbles et
embrasés d’amour qui suivent avec un pieux empressement la passion de
Jésus-Christ, et qui, afin d’en faire l’objet de leur imitation, méditent
avec soin l’ordre dans lequel elle s’est accomplie. Après qu’elles l’ont lue,
entendue et gravée dans leur mémoire, elles s’appliquent à la pratique des
bonnes oeuvres qui sont agréables à Jésus-Christ, afin que lorsque finira la
préparation de la vie présente, elles puissent, le jour de la résurrection,
aller au-devant du Sauveur dans le repos bienheureux, portant avec elles les
parfums des oeuvres spirituelles. |
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Caput 24 |
CHAPITRE 24
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Lectio 1 [85966] Catena in Lc., cap. 24 l. 1 Beda. Religiosae mulieres non solum in die parasceve, sed etiam
sabbato transacto, idest sole occidente, mox ut operandi licentia remeavit,
emerunt aromata, ut venientes ungerent corpus Iesu, sicut Marcus testatur;
praeoccupante tamen iam noctis articulo, monumentum adire non valuerunt; et
ideo dicitur una autem sabbati valde diluculo venerunt ad monumentum,
portantes quae paraverant aromata. Una sabbati, sive prima
sabbati, prima est a sabbato, quam diem dominicam propter domini resurrectionem
mos Christianus appellat. Quod autem valde diluculo mulieres venere ad
monumentum, magnus quaerendi et inveniendi dominum fervor caritatis
ostenditur. Ambrosius.
Sed magna oritur hoc loco plerisque dubitatio : siquidem hic valde diluculo,
Matthaeus vespere sabbati mulieres ad monumentum venisse dixerunt. Sed
Evangelistas de diversis putes dixisse temporibus, ut personas alias
mulierum, et alias conicias visiones. Quod autem scriptum est vespere
sabbati, quae lucescit in prima sabbati, resurrexisse dominum, sic
temperandum est : ut neque mane dominica, quae est prima post sabbatum, neque
sabbato resurrectio facta credatur : nam quomodo triduum completur? Non ergo
vesperascente die, sed vespere noctis resurrexit. Denique Graecus sero dixit.
Sero autem horam significat in occasu diei, et rei cuiuslibet tarditatem; si
dicas : sero mihi suggestum est. Est ergo et sero tempus noctis profundum :
unde et mulieres ad monumentum accedendi habent facultatem, custodibus
quiescentibus. Et ut scias nocte factum, mulieres aliae sciunt, aliae
nesciunt : sciunt quae observant noctibus et diebus, nesciunt quae
recesserunt. Nescit una Maria Magdalene, secundum Ioannem : nam eadem et ante
scire et postea nescire non potuit. Ergo si plures Mariae, plures etiam
fortasse Mariae Magdalenae; cum illud nomen personae sit, hoc sumatur a loco.
Augustinus
de Cons. Evang. Vel Matthaeus a prima parte noctis, quod est vespere,
ipsam voluit noctem significare; cuius noctis fine venerunt ad monumentum :
et hoc ea de causa, quia iam a vespere paraverant, et licebat afferre aromata
transacto sabbato. Eusebius.
Iacebat autem organum verbi extinctum : magnus vero lapis claudebat
sepulcrum, quasi mors eum duxisset captivum; sed nondum lapso triduo vita se
promit iterum post sufficientem mortis convictionem; unde sequitur et
invenerunt lapidem revolutum a monumento. Theophylactus.
Nam Angelus revolverat eum, ut testatur Matthaeus. Origenes.
Amotus est autem lapis post resurrectionem propter mulieres, ut credant
resurrexisse dominum, videntes monumentum vacuum corpore; unde sequitur et
ingressae non invenerunt corpus domini Iesu. Cyrillus.
Cum igitur non invenissent corpus Christi, quod resurrexerat, ducebantur
diversis cogitationibus : et propter amorem Christi et adhibitam
sollicitudinem meruerunt visionem angelicam; sequitur enim et factum est dum
mente consternatae essent de isto, ecce duo viri steterunt iuxta illas in
veste fulgenti. Eusebius.
Iucunditatis et gaudii indicia salutiferae resurrectionis nuntii, et
fulgentes amictus praestant. Moyses enim plagas Aegyptiis praeparans in
flamma ignis Angelum perspexit. Sed non tales visi sunt mulieribus in
sepulcro : sed mites et hilares, quales decebat conspici in regno et gaudio
domini. Et sicut in passione eclipsatus est sol, moeroris et angustiae signa
promens crucifigentibus filium Dei, ita Angeli vitae ac resurrectionis
praecones habitum salutiferi festi candidati designabant. Ambrosius.
Sed quomodo Marcus unum iuvenem in albis sedentem, Matthaeus unum, Ioannes
et Lucas duos Angelos in albis sedentes visos esse memoraverunt? Augustinus.
Possumus intelligere unum Angelum visum a mulieribus, et secundum Marcum
et secundum Matthaeum; ut eas ingressas in monumentum accipiamus, scilicet in
aliquod spatium quod erat aliqua maceria communitum ante illum saxei sepulcri
locum; atque ibi vidisse Angelum sedentem a dextris, quod dicit Marcus;
deinde intus ab eis, dum inspicerent locum in quo iacebat corpus domini,
visos duos alios Angelos stantes, sicut dixit Lucas, locutos ad earumdem
exhortandum animum et aedificandam fidem; unde sequitur cum timerent autem,
et declinarent vultum in terram. Beda.
Sanctae mulieres astantibus sibi Angelis, non in terram cecidisse, sed
vultum dicuntur in terram declinasse; nec quempiam sanctorum legimus tempore
dominicae resurrectionis vel ipsi domino vel Angelis sibi visis, terrae
prostratum adorasse : unde mos obtinuit ecclesiasticus, ut vel in memoriam
dominicae, vel in nostrae spem resurrectionis, omnibus dominicis diebus et
toto quinquagesimo tempore non flexis genibus, sed declinatis in terram
vultibus oremus. Non erat autem in monumento, qui locus est mortuorum,
quaerendus ille qui ad vitam resurrexit a mortuis; et ideo subditur dixerunt
ad illas, scilicet Angeli ad mulieres : quid quaeritis viventem cum mortuis?
Non est hic, sed resurrexit. Die autem tertia, sicut ipse inter discipulos
tam viros quam feminas praedixit, resurrectionis suae triumphum celebravit;
unde sequitur recordamini qualiter locutus est vobis, cum adhuc in Galilaea
esset, dicens : quia oportet filium hominis tradi in manus hominum
peccatorum, et crucifigi, et tertia die resurgere. Die namque parasceve hora
nona spiritum tradens, vespere sepultus; mane prima sabbati resurrexit. Athanasius
de Human. verbi. Poterat siquidem statim suscitare corpus a morte. Sed
dixisset aliquis eum nequaquam fuisse mortuum, vel non plene mortem ei
inhaesisse. Forsitan quoque si eodem momento mors et resurrectio
contigissent, gloria incorruptibilitatis in incerto haesisset. Quapropter ut
corpus vere extinctum ostenderetur, ipsa meridie mortem sustinuit, et tertia
die illud incorruptibile redhibuit. Beda.
Uno etiam die in sepulcro et duabus noctibus iacuit, quia lucem suae
simplae mortis tenebris duplae nostrae mortis adiunxit. Cyrillus.
Instructae autem mulieres Angelorum affatibus accelerantes ea retulerunt
discipulis; unde sequitur et recordatae sunt verborum eius; et egressae a
monumento, nuntiaverunt haec omnia illis undecim, et ceteris omnibus. Namque
femina quae quondam mortis fuit ministra, venerandum resurrectionis mysterium
prima percepit et nuntiat. Adeptum est igitur femineum genus et ignominiae
absolutionem et maledictionis repudium. Ambrosius.
Mulieribus autem docere in Ecclesia non permittitur; sed domi viros suos
interrogant. Ad eos ergo femina mittitur qui domestici sunt. Quae autem
fuerint hae mulieres ostendit subdens erat autem Maria Magdalene. Beda.
Ipsa est soror Lazari, et Ioanna, uxor Cusae procuratoris Herodis; et
Maria Iacobi, idest mater Iacobi minoris et Ioseph. Et communiter de aliis
subditur et ceterae, quae cum eis erant, quae dicebant ad apostolos haec. Ut
enim perpetui reatus apud viros mulier opprobrium non sustineret; quae culpam
viro transfuderat, transfudit et gratiam. Theophylactus.
Est autem naturaliter incredibile mortalibus resurrectionis miraculum;
unde sequitur et visa sunt ante illos sicut deliramentum verba ista, et non
credebant illis. Gregorius
in Evang. Quod non tam illorum infirmitas, quam nostra, ut ita dicam,
futura firmitas fuit. Ipsa namque resurrectio illis dubitantibus per multa
argumenta monstrata est, quae dum nos legentes agnoscimus, de eorum
dubitatione solidamur. Theophylactus.
Petrus autem hoc audiens tollit moras, et vadit ad monumentum : quia nec
ignis novit moras ingestus materiae; unde sequitur Petrus autem surgens
cucurrit ad monumentum. Eusebius.
Solus enim ipse credit feminis dicentibus se Angelos vidisse; et cum esset
eximii affectus prae ceteris, sedulum se promebat, passim circumspiciens
dominum; unde sequitur et procumbens vidit sola linteamina posita. Theophylactus.
Cum autem ad monumentum fuisset, hoc primo consecutus est ut miraretur
quae prius ab ipso vel ab aliis deridebantur; unde sequitur et abiit, secum
mirans quod factum fuerat : idest apud se mirans rei eventum, qualiter sola
linteamina derelicta fuere, corpore myrrha peruncto; vel quantam
opportunitatem habuisset fur, ut haec semotim involuta dimittens,
circumstantibus militibus corpus auferret. Augustinus
de Cons. Evang. Intelligitur autem hoc Lucas recapitulando posuisse de
Petro : tunc enim cucurrit Petrus ad monumentum quando et Ioannes, cum
tantummodo a mulieribus, praecipue a Maria Magdalene, nuntiatum eis fuerat de
corpore ablato. Postea autem facta sunt haec de visione Angelorum. Ideo autem
Lucas Petrum solum commemoravit, quia illi primitus Maria nuntiaverat. Item
potest movere quod Petrum non intrantem, sed procumbentem dicit. Lucas sola
linteamina vidisse, et discessisse mirantem; cum Ioannes dicat intrasse,
linteamina vidisse posita, et seipsum post Petrum intrasse. Sed intelligendum
est, Petrum primo procumbentem vidisse quod Lucas commemorat, Ioannes tacet :
post autem ingressus est antequam Ioannes intraret. Beda.
Iuxta intellectum vero mysticum, per hoc quod mulieres valde diluculo
veniunt ad monumentum, datur nobis exemplum, discussis vitiorum tenebris, ad
domini corpus accedere : nam et sepulcrum illud figuram dominici habebat
altaris, in quo corporis Christi mysterio non in serico, non in panno tincto,
sed instar sindonis, quo eum Ioseph involvit, in linteo puro debent
consecrari; ut sicut ipse veram terrenae naturae substantiam pro nobis morti
obtulit, ita et nos in commemorationem ipsius purum de terrae germine,
candidumque, et multimodo quasi mortificationis genere castigatum altari
linum imponamus. Aromata autem, quae mulieres deferunt, significant odorem
virtutum et orationum suavitatem, quibus altari appropinquare debemus.
Revolutio autem lapidis insinuat reserationem sacramentorum, quae tegebantur
velamine litterae legis, quae in lapide scripta est; cuius ablato tegmine,
corpus domini mortuum non invenitur, sed vivum evangelizatur : quia etsi
cognovimus secundum carnem Christum, sed iam nunc non novimus. Quomodo autem posito in sepulcro corpore domini, Angeli astitisse
leguntur, ita etiam tempore consecrationis mysterii corporis Christi
assistere sunt credendi. Nos ergo, exemplo devotarum mulierum, quoties
mysteriis caelestibus appropinquamus, propter angelicam praesentiam, seu
propter reverentiam sacrae oblationis, cum omni humilitate vultum declinemus
in terram, nos cinerem et terram esse recolentes. |
Versets 1-12.
— S. Bède : Les saintes femmes ne se contentèrent pas de ce qu’elles avaient fait le jour de la préparation; lorsque le sabbat fut passé (c’est-à-dire après le coucher du soleil) et dès qu’il leur fut permis de reprendre leur travail, elles achetèrent des parfums, pour aller embaumer [dès l’aurore] le corps de Jésus, comme le rapporte saint Marc; mais l’obscurité de la nuit les empêcha d’aller au sépulcre : « Le premier jour donc de la semaine, de grand matin, elles vinrent au sépulcre, portant les aromates qu’elles avaient préparés.» Le jour d’après le sabbat, ou le premier jour de la semaine, est le premier qui suit le sabbat, et que les chrétiens ont appelé depuis le jour du Seigneur, à cause de la résurrection du Sauveur. La démarche de ces pieuses femmes, qui viennent au sépulcre de grand matin, montre la grandeur de leur amour et du désir qu’elles avaient de chercher et de trouver le Seigneur. — S. Ambroise : Toutefois, le récit des évangélistes présente ici une assez grande difficulté; saint Luc [dit que les saintes femmes sont venues de grand matin] au sépulcre; saint Matthieu, qu’elles sont venues le soir du sabbat. Mais cette divergence de temps disparaît, en admettant que des femmes différentes vinrent au sépulcre à plusieurs reprises, et qu’il y eut aussi plusieurs apparitions distinctes. Quant à ces paroles de saint Matthieu : « Le soir ou la nuit du sabbat, à la première lueur du jour qui suit le sabbat, » eut lieu la résurrection du Seigneur, il ne faut pas les entendre dans ce sens que le Sauveur soit ressuscité le matin du dimanche, qui est le premier jour après le sabbat, ni le jour même du sabbat; car où seraient dans cette dernière hypothèse les trois jours qui devaient s’écouler jusqu’à la résurrection ? Ce n’est donc pas au déclin du jour, mais au déclin de la nuit, qu’il est ressuscité. D’ailleurs, le texte grec de l’Évangile selon saint Matthieu porte oye, en latin sero, qui veut dire tard. Or, ce mot signifie le déclin du jour, et aussi tout ce qui vient tard, comme lorsque l’on dit : Cela m’a été suggéré trop tard. Cette expression signifie donc que la nuit était profonde, ce qui permit aux saintes femmes d’approcher du sépulcre pendant le sommeil des gardes. Une nouvelle preuve que la résurrection eut lieu pendant la nuit, c’est que parmi ces saintes femmes les unes en étaient instruites, c’étaient celles qui ont veillé le jour et la nuit; les autres l’ignoraient, parce qu’elles s’étaient retirées. Saint Jean parle d’une Marie Madeleine qui ne savait où on avait mis le corps du Seigneur; [saint Matthieu, d’une autre Madeleine qui le savait]; car la même personne n’a pu le savoir d’abord, et l’ignorer ensuite. Si donc il y a plusieurs Marie, on peut admettre aussi plusieurs Marie Madeleine, le premier nom étant celui de la personne, et le second celui de son pays. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 3, 24.) Ou encore, saint Matthieu, dans la première partie de la nuit qui est le soir, a voulu comprendre la nuit elle-même; c’est au déclin de cette nuit que les saintes femmes allèrent au sépulcre, ce qui s’explique d’autant plus facilement, qu’elles avaient préparé les aromates dès le soir, et que le jour du sabbat étant passé, il leur était permis de les apporter. —
Eusèbe : Le corps du Verbe était étendu sans vie
dans le tombeau, et une grande pierre en fermait l’entrée, comme si la mort
eût voulu le retenir captif; mais trois jours n’étaient pas encore écoulés,
que la vie se manifesta de nouveau, après que la mort du Sauveur eut été
environnée de toute la certitude possible : « Et elles virent que la pierre qui était au-devant du sépulcre,
en avait été ôtée. » — Théophylacte : C’était un ange qui l’avait renversée, comme le rapporte saint Matthieu. — S. Jean Chrysostome : (hom. 91 sur Matth.) ou Origène : Cette pierre fut ôtée après la résurrection, afin que les pieuses femmes, à la vue du sépulcre, vide du corps du Sauveur, n’hésitent pas à croire qu’il était ressuscité : « Et étant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. » — S.
Cyrille : Or, ne trouvant point le corps du Sauveur
qui était ressuscité, elles étaient agitées de diverses pensées, mais leur
amour pour Jésus-Christ, et leur pieuse sollicitude leur méritèrent d’être
visitées par les anges : « Pendant
qu’elles étaient remplies de frayeur et d’anxiété, près d’elles parurent deux
anges revêtus de robes resplendissantes ». — Eusèbe : Les messagers de cette heureuse résurrection apparaissent revêtus d’habits resplendissants, comme présages de joie et de bonheur. Lorsque Moïse était sur le point de frapper l’Égypte de plaies, il vit un ange au milieu d’une flamme ardente; mais ce n’est point dans cet appareil terrible, que les anges se montrent aux saintes femmes, ils sont environnés de la grâce et de la douceur qui convenaient au règne et au triomphe du Seigneur. Et de même qu’au temps de sa passion le soleil s’était éclipsé, pour témoigner son horreur et sa tristesse aux bourreaux qui crucifièrent le Fils de Dieu; ainsi les anges messagers de la vie et de la résurrection annoncent, par l’éclat de leurs vêtements, la joie de cette grande fête qui est le salut du monde. — S.
Ambroise : Mais comment se fait-il que saint
Matthieu et saint Marc ne parlent que d’un jeune homme assis et vêtu de
blanc, tandis que d’après saint Luc et saint Jean les saintes femmes virent
deux anges revêtus de robes blanches ? — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Nous pouvons très bien admettre que, comme le disent Marc et Matthieu, les saintes femmes ne virent qu’un seul ange lorsqu’elles entrèrent dans le sépulcre, c’est-à-dire dans une espèce d’enceinte qui entourait le sépulcre taillé dans le roc, et était fermée d’une muraille; c’est là qu’elles virent assis à droite l’ange dont parle saint Marc. Elles avancèrent ensuite pour regarder dans l’intérieur du sépulcre, où le corps du Seigneur avait été déposé, et c’est alors que d’après le récit de saint Luc, elles virent ces deux autres anges qui leur parlent, raniment leur courage et fortifient leur foi : « Et comme dans leur frayeur, elles tenaient leur visage abaissé vers la terre, ». — S. Bède : A la vue des anges qui leur apparaissent, les saintes femmes ne se prosternent pas la face contre terre, elles tiennent simplement leurs yeux baissés vers la terre. Nous ne voyons également qu’aucun des saints qui furent témoins de la résurrection du Seigneur se soit prosterné la face contre terre, lorsque le Seigneur lui-même ou ses anges leur apparaissaient. C’est de là qu’est venu l’usage dans l’Église de prier les yeux baissés vers la terre, mais sans fléchir les genoux, tous les jours de dimanche et pendant les cinquante jours qui forment le temps pascal, soit en mémoire de la résurrection du Seigneur, soit comme un signe de l’espérance de notre propre résurrection. Or, ce n’était point dans un sépulcre (qui est la demeure des morts), qu’il fallait chercher celui qui était ressuscité d’entre les morts à une vie nouvelle. Aussi les anges disent-ils aux saintes femmes : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est point ici, il est ressuscité. » En effet, c’est le troisième jour après sa mort, qu’il célébra le triomphe de sa résurrection, comme il l’avait prédit aux saintes femmes qui étaient avec ses disciples : « Souvenez-vous de ce qu’il vous a dit lorsqu’il était encore en Galilée : Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour. » En effet, il expira le jour de la préparation du sabbat, vers la neuvième heure, il fut enseveli le soir du même jour, et ressuscita au commencement du premier jour après le sabbat. — S. Athanase : (de l’incarn. du Fils de Dieu.) Il aurait pu sans doute ressusciter immédiatement son corps, mais on n’eût pas manqué de dire qu’il n’était pas véritablement mort, ou que la mort ne l’avait pas entièrement atteint; au contraire, si la résurrection du Seigneur avait été différée, la gloire de son incorruptibilité eût été moins évidente; il mit donc un intervalle d’un jour entre sa mort et sa résurrection, pour prouver que son corps était véritablement mort, et il le ressuscita le troisième jour pour démontrer qu’il n’était pas soumis à la corruption. — S. Bède : Il est resté dans le tombeau un jour et deux nuits, parce qu’il a voulu joindre la lumière de sa mort, qui est une, aux ténèbres de notre double mort. — S. Cyrille : Les saintes femmes, instruites par les paroles des anges, se hâtèrent de venir annoncer toutes ces choses aux Apôtres : « Elles se ressouvinrent des paroles de Jésus; et étant revenues du sépulcre, elles annoncèrent toutes ces choses aux onze et à tous les autres. » Ainsi la femme qui fut autrefois comme l’instrument de la mort, est la première pour apprendre et pour annoncer l’auguste mystère de la résurrection. C’est ainsi que la femme a mérité le pardon de l’opprobre et l’affranchissement de la malédiction qui pesaient sur elle. — S.
Ambroise : Il n’est point permis aux femmes
d’enseigner dans l’Église (1 Tm 2),
elles doivent se contenter d’interroger leurs maris dans l’intérieur de leurs
maisons. (1 Co 14.) C’est pour cela
que la femme est envoyée à ceux qui sont de la famille de Jésus.
L’Évangéliste nous fait connaître le nom de ces femmes : « Ce fut Marie Madeleine. » — S.
Bède : (la soeur de Lazare), et Jeanne (épouse de
Chusaï, intendant d’Hérode); et Marie, mère de Jacques, (de Jacques le Mineur
et de Joseph.) Quant aux autres, saint Luc ne les désigne que de cette
manière générale : « Et les autres
qui étaient avec elles, qui racontèrent ceci aux Apôtres. » — S. Bède : (d’apr. Ambr.) Pour décharger la femme du crime et de l’opprobre perpétuel dont elle était chargée aux yeux des hommes, Dieu permet qu’après avoir été pour l’homme l’intermédiaire du mal, elle devienne aujourd’hui l’intermédiaire de la grâce. —
Théophylacte : A ne consulter que les lois de la
nature, le miracle d’une résurrection est une chose incroyable pour les
hommes : « Aussi, ajoute
l’Évangéliste, les Apôtres regardèrent
comme une rêverie ce qu’elles leur disaient, et ne les crurent point. » — S. Bède : (d’après Grég.) ou S. Grégoire : Ce doute est moins un effet de la faiblesse de leur foi, que le fondement inébranlable de la nôtre, pour ainsi dire, car pour triompher de leurs doutes, Dieu fit ressortir la vérité de la résurrection par une multitude de preuves, et lorsque nous lisons ces preuves, le doute même des Apôtres produit en nous la certitude. —
Théophylacte : Pierre, à cette nouvelle, court sans
tarder au sépulcre, prompt comme le feu qui n’attend pas qu’on lui jette le
bois qu’il doit consumer : « Pierre
se leva aussitôt et courut au sépulcre. » —
Eusèbe : Seul parmi les Apôtres, il se rend au
témoignage des femmes, qui lui rapportent l’apparition des anges, et comme il
avait pour Jésus un amour plus grand que les autres Apôtres, il montrait
aussi un plus grand zèle, et regardait de tous côtés pour découvrir le
Seigneur : « Et s’étant penché, il
ne vit que les linges par terre. » — Théophylacte : Lorsqu’il fut venu au sépulcre, le premier sentiment qu’il éprouva fut un sentiment d’admiration pour les choses qu’il avait pu tourner en dérision aussi bien que les autres Apôtres : « Et il s’en alla, admirant en lui-même ce qui était arrivé, » c’est-à-dire qu’il admirait comment les linges seuls qui avaient servi à recouvrir le corps embaumé de myrrhe, avaient été laissés, ou quelles circonstances avaient favorisé le voleur à ce point qu’au milieu des gardes qui environnaient le sépulcre, il ait eu le temps de débarrasser le corps des linges qui l’entouraient avant de l’enlever. — S. Augustin : (De l’acc. des Evang., 3, 25.) Saint Luc a voulu résumer ici tout ce que fit Pierre dans cette circonstance. En effet, Pierre courut au sépulcre en même temps que Jean, alors seulement que les saintes femmes, et Marie Madeleine en particulier, vinrent leur annoncer que le corps avait été enlevé, et l’apparition des anges n’eut lieu qu’ensuite. Saint Luc ne parle ici que de Pierre, parce que c’est à lui d’abord que Marie Madeleine annonça ce qu’elle avait vu. On peut aussi s’étonner que d’après le récit de saint Luc, Pierre n’entrât point dans le sépulcre, mais qu’étant penché il vit simplement les linges par terre, et se retira plein d’admiration, tandis que saint Jean dit positivement qu’il vit aussi ces linges posés à terre et qu’il entra dans le sépulcre après Pierre. Cette difficulté disparaît, en admettant que Pierre vit d’abord ces linges en se penchant sur le sépulcre (circonstance que saint Luc rapporte et saint Jean passe sous silence), et qu’il entra ensuite dans le sépulcre avant que Jean y entrât lui-même. — S. Bède : Dans le sens figuré, ces pieuses femmes qui viennent au tombeau de grand matin, nous apprennent par leur exemple à dissiper les ténèbres de nos péchés avant d’approcher du corps de Jésus-Christ. En effet, ce sépulcre était la figure de l’autel du Seigneur où les mystères du corps de Jésus-Christ doivent être consacrés, non dans la soie ou dans la pourpre, mais sur le lin pur, figuré par le suaire dans lequel Joseph d’Arimathie l’enveloppa. Ainsi de même que le Sauveur a offert pour nous à la mort la véritable substance de sa nature terrestre, nous aussi, en souvenir de sa passion, nous étendons sur l’autel le lin blanc et pur que produit la terre après l’avoir préparé par un travail qui figure les divers genres de mortification. Les aromates que les saintes femmes apportent, sont l’emblème de l’odeur des vertus et du parfum suave des prières avec lesquelles nous devons approcher de l’autel (cf. Ap 8, 4.8). Le renversement de la pierre figure la révélation des mystères qui étaient cachés sous le voile de la lettre de la loi, écrite sur des tables de pierre; lorsque cette pierre est ôtée on ne trouve plus dans le sépulcre le corps de Jésus-Christ, qu’on y avait déposé après sa mort, mais on annonce et on prêche qu’il est plein de vie, « parce que si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette sorte. » (2 Co 5, 16.) De même enfin que les anges se tenaient autour du corps du Seigneur déposé dans le sépulcre, ainsi devons-nous croire que les anges environnent le corps du Seigneur au moment de la consécration des divins mystères. Nous donc aussi, à l’exemple des saintes femmes, chaque fois que nous approchons des saints mystères, et autant par respect pour les anges qui sont présents que par vénération pour l’oblation sainte, abaissons nos yeux vers la terre dans un profond sentiment d’humilité, en nous rappelant que nous ne sommes que cendre et poussière. |
Lectio 2 [85967] Catena in Lc., cap. 24 l. 2 Glossa. Post manifestationem resurrectionis Christi per Angelos mulieribus
factam, manifestatur ulterius eadem resurrectio per ipsius Christi
apparitionem discipulis; unde dicitur et ecce duo ex illis ibant ipsa die in
castellum. Theophylactus.
Quidam alterum horum duorum Lucam inquiunt esse, et ob hoc suum nomen
occultasse. Ambrosius.
Vel duobus discipulis seorsum dominus iam se vespere demonstrat, scilicet
Ammaoni et Cleophae. Augustinus
de Cons. Evang. Castellum autem illud non absurde accipimus etiam villam
secundum Marcum potuisse appellari. Deinde
castellum describit, dicens quod erat in spatio stadiorum sexaginta ab
Ierusalem, nomine Emmaus. Beda. Ipsa est Nicopolis, civitas insignis Palaestinae,
quae post expugnationem Iudaeae sub Marco Aurelio Antonino principe
restaurata, cum statu mutavit et nomen. Stadium autem, quo Graeci, auctore ut
dicunt, Hercule, viarum spatia mensurant, octava est pars milliarii; et ideo
sexaginta stadia, septem millia passuum et quingenta significant : quod
spatium itineris eis congruit qui de morte et sepultura domini certi gradiebantur,
de resurrectione domini dubii : nam resurrectionem, quae post septimam
sabbati facta est, octavo numero contineri nullus ambigit. Discipuli ergo,
qui de domino loquentes incedunt, sextum milliarium coepti itineris
compleverant : quia illum sine querela viventem usque ad mortem, quam in
sexta sabbati subiit, pervenisse dolebant. Compleverant et septimum, quia
hunc in sepulcro non dubitabant quievisse; sed de octavo dimidium tantum
peregerant, quia gloriam iam celebratae resurrectionis non credebant perfecte. Theophylactus.
Praedicti autem discipuli loquebantur de his ad invicem quae acciderant;
non quasi credentes, sed sicut stupentes in rebus extraneis; unde sequitur et
ipsi loquebantur ad invicem de his omnibus quae acciderant. Beda.
Loquentes autem de se dominus appropinquans comitatur; ut et fidem
resurrectionis mentibus eorum incendat, et quod se facturum promiserat,
impleat, scilicet ut ubi sunt duo vel tres in nomine meo congregati, ibi sum
in medio eorum; unde sequitur et factum est dum fabularentur, et secum
quaererent et ipse Iesus appropinquans ibat cum illis. Theophylactus. Obtento
enim iam spirituali corpore, non obstat loci distantia quin adesset quibus
volebat; nec ulterius naturalibus legibus corpus suum regebat, sed spiritualiter
et supra naturam : unde, ut Marcus dicit, sub alia forma eis videbatur, in
qua non concedebatur eis eius cognitio; sequitur enim oculi autem eorum
tenebantur ne illum agnoscerent; ut scilicet totam suam dubiam intentionem
revelent, et vulnus detegentes, recipiant medicinam; et ut cognoscerent quod
quamvis corpus ipsum quod passum fuerat, resurrexerit, non tamen amplius tale
erat ut esset omnibus visibile, sed tantum his a quibus vellet videri; et ut
non dubitent quare de cetero non conversatur inter plebem : quia scilicet
post resurrectionem conversatio eius non esset digna hominibus, sed divina
magis : quod etiam est forma resurrectionis futurae, in qua sicut Angeli
conversabimur, et filii Dei. Gregorius
in Evang. Convenienter etiam eis speciem quam recognoscerent, non
ostendit; hoc agens foris in oculis corporis quod apud illos agebatur intus
in oculis cordis : ipsi namque apud seipsos intus et amabant et dubitabant.
De se ergo loquentibus, praesentiam exhibuit; sed de dubitantibus, cognitionis
suae speciem abscondit : verba quidem eis contulit; nam sequitur et ait ad
illos : qui sunt hi sermones quos confertis ad invicem ambulantes, et estis
tristes? Graecus.
Conferebant quidem inter se, quasi non amplius exspectantes Christum
viventem; sed dolorosi, quasi perempto salvatore; unde sequitur et respondens
unus cui nomen Cleopha, dixit ei : tu solus peregrinus es in Ierusalem, et
non cognovisti quae facta sunt in illa his diebus? Theophylactus.
Quasi dicat : tu solus peregrinus es, et extra confinia Ierusalem habitas,
et expers es eorum quae in medio eius contigerunt, et haec ignoras? Beda.
Vel hoc dicit, quia peregrinum putabant eum cuius vultum non agnoscebant.
Sed revera peregrinus erat eis, a quorum naturae fragilitate, percepta iam
resurrectionis gloria, longe distabat, et quorum fide, utpote resurrectioni
eius nescia, manebat extraneus. Sed adhuc dominus interrogat; nam sequitur
quibus ille dixit : quae? Et ponitur eorum responsio, cum subditur et
dixerunt ei : de Iesu Nazareno, qui fuit vir propheta. Prophetam fatentur,
filium Dei tacent, vel nondum perfecte credentes, vel soliciti ne inciderent
in manus Iudaeorum persequentium, quia nesciebant quis esset, vel quod verum
credebant celantes; ad cuius commendationem subditur potens in opere et
sermone. Theophylactus.
Primo quidem est opus, secundo sermo : nullus enim doctrinae sermo
approbatur, nisi prius is qui docet, se ostendat auctorem : praecedit enim
opus aspectum. Nam nisi mundaveris
intellectus speculum per opera, non emicat decor optatus. Adhuc
autem subditur coram Deo et omni populo : nam primo complacendum est Deo;
deinde curandum, quantum possibile est, de innocentia apud homines, ut
praecedente divino cultu vivamus sine scandalo plurimorum. Graecus.
Deinde assignatur causa tristitiae, traditio et passio Christi, cum
sequitur et quomodo tradiderunt eum summi sacerdotes et principes nostri in
damnationem mortis, et crucifixerunt eum. Subditur autem desperantium vox,
cum dicitur nos autem sperabamus quod ipse esset redempturus Israel.
Sperabamus, inquiunt, non speramus, ac si mors domini, similis esset mortibus
aliorum. Theophylactus.
Expectabant enim Christum salvaturum et redempturum populum Israel ab
ingruentibus malis, et a servitute Romanorum; ipsum quoque credebant terrenum
regem fieri, quem putabant promulgatam in se mortis sententiam cavere
potuisse. Beda. Merito ergo tristes incedebant : quia et seipsos quodammodo
arguebant, quod in illo redemptionem speraverint, quem iam mortuum viderant,
nec resurrecturum credebant; et maxime dolebant eum sine causa occisum, quem
noverant innocentem. Theophylactus. Videntur tamen hi viri non omnino increduli esse,
per hoc quod subditur et nunc super haec omnia tertia dies est hodie quod
haec facta sunt : in quo videntur habere memoriam eius quod eis dominus
dixerat, se tertia die resurrecturum. Graecus.
Porro relatam a mulieribus resurrectionis famam commemorant, cum subditur
sed et mulieres quaedam ex nostris terruerunt nos, quae ante lucem fuerunt ad
monumentum, et non invento corpore eius, venerunt dicentes, se etiam visionem
Angelorum vidisse, qui dicunt eum vivere. Dicunt quidem hoc quasi non
credentes; propter quod referunt se territos, idest stupefactos : non enim
quod erat eis relatum firmum aestimabant, aut angelicam illuminationem
fuisse; sed stuporis et turbationis causam inde sumebant. Testimonium quoque
Petri non certum aestimabant, dum diceret, se non vidisse dominum, sed
resurrectionem eius conicere ex eo quod corpus ipsius in sepulcro non
iacebat; unde sequitur et abierunt quidam ex nostris ad monumentum, et ita
invenerunt sicut mulieres dixerunt, ipsum vero non invenerunt. Augustinus
de Cons. Evang. Cum autem Lucas dixerit Petrum accurrisse ad monumentum, et
Cleopham dixisse ipse retulerit quod quidam eorum ierant ad monumentum;
intelligitur attestari Ioanni, quod duo ierint ad monumentum; sed Petrum
primo solum commemoravit, quia illi primitus Maria nuntiaverat. |
Versets 13-24.
— La Glose : Après que les anges ont fait
connaître aux saintes femmes la résurrection de Jésus-Christ, le Sauveur
apparaît lui-même à ses disciples, pour leur apprendre qu’il est ressuscité :
« Or, ce jour-là même deux d’entre
s’en allaient à un village nommé Emmaüs. » — Théophylacte : Il en est qui prétendent que l’un de ces deux disciples était saint Luc lui-même, et que c’est la raison pour laquelle il a caché son nom. — S. Ambroise : Le Sauveur se manifeste sur le soir et séparément à ces deux disciples nommés Ammaon et Cléophas, [comme il se manifesta plus tard séparément aux onze Apôtres]. — S. Augustin : (De l’accord des Evang., 3, 25.) Saint Marc a pu sans absurdité appeler campagne le bourg d’Emmaüs. Saint Luc fait connaître ensuite la situation de ce bourg, en ajoutant : Il était éloigné d’environ soixante stades de Jérusalem et s’appelait Emmaüs. — S. Bède : C’est aujourd’hui Nicopolis, ville célèbre de la Palestine, qui après que la Judée eût été réduite en servitude, fut rebâtie par l’empereur Marc-Aurèle, et changea de statut et de nom. Le stade qui, selon les Grecs, fut inventé par Hercule pour mesurer les distances, est la huitième partie du mille, ainsi soixante stades font sept mille cinq cents pas, ce fut la distance qu’eurent à parcourir ceux qui étaient certains de la mort et de la sépulture du Seigneur, mais qui doutaient encore de sa résurrection; on ne peut nier en effet que la résurrection qui eut lieu après le septième jour de la semaine, ne soit figurée par le nombre huit. Or, ces deux disciples qui marchaient en s’entretenant du Seigneur, avaient déjà parcouru six mille de chemin, parce qu’ils s’affligeaient qu’on eût mis à mort (le sixième jour), un homme innocent de tout crime. Ils avaient même parcouru le septième mille, parce qu’ils ne doutaient nullement que son corps n’eût reposé dans le sépulcre, mais ils n’avaient encore parcouru que la moitié du huitième, parce qu’ils ne croyaient qu’imparfaitement à la gloire de la résurrection qui s’était déjà accomplie. — Théophylacte : Ces deux disciples s’entretenaient donc entre eux des choses qui
étaient arrivées, sans y croire, et comme tout étonnés de ces événements
extraordinaires « Et ils
s’entretenaient de tout ce qui s’était passé. » — S.
Bède : Pendant qu’ils s’entretiennent ainsi du
Seigneur Jésus, celui-ci s’approche et fait route avec eux pour allumer dans
leurs âmes la foi de sa résurrection, et accomplir cette promesse qu’il avait
faite : « Là où deux où trois sont
rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt 18.) « Pendant qu’ils discouraient et se
communiquaient leurs pensées, Jésus lui-même vint les joindre et se mit à
marcher avec eux. » — Théophylacte : Le corps de Jésus étant doué de spiritualité depuis sa résurrection, la distance des, lieux ne l’empêchait plus de se manifester au milieu de ceux auxquels il voulait apparaître; son corps n’était plus soumis aux lois naturelles, mais aux lois surnaturelles qui régissent les esprits. Voilà pourquoi saint Marc rapporte qu’il apparut aux deux disciples sous une autre forme qui ne leur permettait pas de le reconnaître. (Mc 16.) « Et quelque chose empêchait que leurs yeux ne le reconnaissent. » Le Sauveur se conduit de la sorte à leur égard pour leur donner lieu de révéler le doute qui assiége leur esprit, et d’obtenir la guérison de leurs blessures en les découvrant à ce divin médecin. Son intention est encore de leur apprendre que bien que son corps ressuscité fût le même que celui qui avait souffert, cependant il n’était plus dans un état où il pût être vu de tous indifféremment, mais seulement de ceux à qui il voulait se manifester. Il veut enfin qu’ils sachent pourquoi désormais il ne vit plus au milieu des hommes, c’est que depuis sa résurrection les hommes ne sont plus dignes de cette vie nouvelle et toute divine qui est une image de notre résurrection future, où notre vie sera celle des anges et des enfants de Dieu. — S.
Grégoire : (hom.
23 sur les
Evang.) C’est par un dessein plein de sagesse que Jésus n’apparaît pas
aux deux disciples sous une forme qui le fit reconnaître; il reproduit
extérieurement pour les yeux du corps ce qui se passait intérieurement pour
les yeux de leur âme. En effet, l’amour pour Jésus et le doute se
partageaient à la fois leur coeur. Il leur manifeste donc sa présence, pendant
qu’ils s’entretenaient de lui, mais il leur apparaît sous une forme qui ne
leur permettait pas de le reconnaître, parce que leur âme est en proie au
doute. Cependant il leur adresse la parole : « Et il leur dit : ‘De quoi vous entretenez-vous ainsi en
marchant et d’où vient votre tristesse ?’ » —
Chronique des Pères grecs : Ils s’entretenaient
ensemble comme ayant perdu toute espérance de revoir le Christ vivant, et ils
s’affligeaient vivement de la mort du Sauveur : « L’un d’eux, nommé Cléophas, lui répondit : Êtes-vous seul si
étranger dans Jérusalem que vous ne sachiez pas les choses qui y sont
arrivées ces jours-ci ? » — Théophylacte : C’est-à-dire, êtes-vous donc seul étranger, habitez-vous si loin de Jérusalem et vous inquiétez-vous si peu de ce qui s’est passé au milieu de cette ville que vous l’ignoriez complètement ? — S.
Bède : Ils lui tiennent ce langage, parce qu’ils le
prenaient pour un étranger dont le visage leur était inconnu; en effet, il
était véritablement pour eux un étranger, la gloire de sa résurrection
mettait entre lui et leur faible nature une distance immense, et il demeurait
aussi comme un étranger pour leur foi qui ne pouvait croire à sa
résurrection. Cependant il continue de les interroger : « Quelles choses, leur dit-il ? » « Ils répondirent : Ce qui est arrivé
au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète. » Ils
reconnaissent hautement qu’il est un prophète mais non qu’il est le Fils de
Dieu, soit que leur foi sur ce point fût encore imparfaite, soit par crainte
de tomber dans les mains persécutrices des Juifs. Ils ne savaient donc qui il
était, ou ils dissimulaient ce qu’ils regardaient comme la vérité : ils
ajoutent cependant à sa louange : « puissant
en oeuvres et en paroles. » — Théophylacte : Les oeuvres d’abord, ensuite les paroles; aucune doctrine, en effet, n’est acceptable, si celui qui l’enseigne ne commence par la mettre en pratique; les oeuvres doivent précéder les considérations, et si vous ne purifiez pas vos bonnes oeuvres, le miroir de votre intelligence, elle n’aura pas l’éclat que vous désirez. Ils ajoutent encore : « devant Dieu et devant tout le peuple, » car nous devons chercher avant tout à plaire à Dieu, et veiller ensuite autant qu’il est possible, à ce que notre vertu édifie les hommes, c’est-à-dire que nous devons mettre au premier rang le service de Dieu, et éviter ensuite tout ce qui peut scandaliser nos frères. — Chronique des Pères grecs : Ils font connaître ensuite la cause de leur tristesse, c’est la passion du Christ livré à la fureur de ses ennemis : « et comment les princes des prêtres et nos anciens l’ont livré pour être condamné à mort. » Et ils laissent ensuite échapper cette parole de désespoir : « Nous espérions qu’il était celui qui doit délivrer Israël » Nous espérions, disent-ils, nous n’espérons plus, comme si la mort de Jésus-Christ était semblable à la mort des autres hommes. — Théophylacte : Lorsqu’ils espéraient, en effet, que le Christ délivrerait le peuple d’Israël des maux qui l’accablaient et de la servitude des Romains, ils croyaient qu’il serait roi à la manière des rois de la terre, et qu’il aurait pu par conséquent échapper à la sentence de mort portée contre lui. — S. Bède : C’est donc avec raison qu’ils sont dans la tristesse, ils se reprochent pour ainsi dire d’avoir placé leurs espérances de rédemption dans celui qu’ils ont vu mourir sur la croix, et à la résurrection duquel ils ne peuvent croire, et ils s’affligent de la mort injuste de celui dont ils connaissaient l’innocence. — Théophylacte : Les paroles qui suivent prouvent toutefois qu’ils ne sont pas complètement incrédules : « Et cependant après tout cela, c’est aujourd’hui le troisième jour que ces choses se sont passées. » Ils avaient donc quelque souvenir de ce que le Seigneur leur avait dit qu’il ressusciterait le troisième jour. —
Chronique des Pères Grecs : Ils rapportent même le
bruit que les saintes femmes avaient répandu de la résurrection de Jésus : « A la vérité, quelques-unes des
femmes qui sont avec nous, nous ont fort étonnés ; étant allées de grand
matin au sépulcre, et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire
qu’elles avaient vu une apparition d’anges qui disaient qu’il est vivant. »
Ils rapportent ce bruit sans y croire, la seule impression qu’il ait
produite sur eux, c’est l’étonnement, la frayeur, car ils ne pouvaient
supposer la vérité de ce qui leur était raconté ni croire à l’apparition des
anges, cette nouvelle les jetait donc dans l’étonnement et le trouble. Le
témoignage de Pierre lui-même ne leur paraissait pas certain, car il
n’affirmait pas qu’il avait vu le Seigneur, mais de ce que son corps n’était
plus dans le sépulcre, il conjecturait qu’il pouvait être ressuscité : « Quelques-uns des nôtres sont allés
au sépulcre, et ont trouvé toutes choses comme les femmes les leur avaient
rapportées, mais pour lui, ils ne l’ont point trouvé. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Saint Luc vient de dire précédemment que Pierre courut au sépulcre, et en rapportant les paroles de Cléophas : « Quelques-uns des nôtres sont allés au sépulcre, » il confirme le récit de Jean, d’après lequel deux disciples (Jn 20) allèrent au sépulcre; mais saint Luc n’a parlé d’abord que de Pierre, comme étant le premier à qui Marie annonça ce qu’elle avait vu. |
Lectio 3 [85968] Catena in Lc., cap. 24 l. 3 Theophylactus. Quia praedicti discipuli nimia dubietate
laborabant dominus eos redarguit; unde dicitur et ipse dixit ad eos : o
stulti. Fere enim eadem dixerant quae et astantes cruci : alios salvos fecit,
seipsum non potest salvum facere. Et tardi corde ad credendum in omnibus quae
locuti sunt prophetae. Contingit enim credere quae locuti sunt prophetae,
particulariter quaedam, et non universaliter omnia : puta, si aliquis credat
quae de cruce Christi dicuntur a prophetis, sicut est illud : foderunt manus
meas et pedes meos; quae vero spectant ad resurrectionem non credat, sicut
est illud : non dabis sanctum tuum videre corruptionem. Decet autem in
omnibus fidem adhibere prophetis; tam in gloriosis quae de Christo
praedixerunt, quam in ingloriis : quia ex passione malorum est ingressus in
gloriam; unde sequitur nonne haec oportuit pati Christum, et ita intrare in
gloriam suam? Scilicet secundum humanitatem. Isidorus.
Sed et si oportebat Christum pati, tamen qui crucifixerunt rei sunt poena :
non enim satagebant perficere quod Deus disponebat : unde et eorum executio
fuit impia; Dei vero dispensatio prudentissima, qui nequitiam eorum in
beneficia generis humani convertit, quasi utens vipereis carnibus ad antidoti
salutiferi confectionem. Chrysostomus.
Et ideo dominus ostendit consequenter, haec omnia non evenisse
simpliciter, sed ex Dei proposito ante praedestinato; unde sequitur et
incipiens a Moyse et omnibus prophetis, interpretabatur illis in omnibus
Scripturis quae de ipso erant : quasi diceret : postquam estis tardi, ego
promptos vos reddam, mysteria Scripturarum vobis exponendo : nam sacrificium
Abrahae, cum Isaac dimisso immolatus est aries, hoc praefiguravit. Sed in aliis Scripturis propheticis sparsim iacent mysteria crucis et
resurrectionis Christi. Beda. Si autem Moyses et prophetae de Christo locuti sunt, et eum
per passionem in gloriam intraturum praedixerunt; quomodo gloriatur se esse
Christianum qui neque qualiter Scripturae ad Christum pertineant investigat,
neque ad gloriam quam cum Christo habere cupit, per passionem attingere
desiderat? Graecus. Quia vero praedixit Evangelista tenebantur oculi eorum ne
eum agnoscerent, donec sermo domini mentem eorum moveret ad fidem;
convenienter opportunum sui aspectum auditui subiungit; unde sequitur et
appropinquaverunt castello quo ibant, et ipse finxit se longius ire. Augustinus de quaest. Evang. Quod non ad mendacium pertinet : non
enim omne quod fingimus, mendacium est; sed quando id fingimus quod nihil
significat, tunc mendacium est; cum autem fictio nostra refertur ad aliquam
significationem, non est mendacium, sed aliqua figura veritatis; alioquin
omnia quae a sapientibus et sanctis viris, vel etiam ab ipso domino figurate
dicta sunt, mendacia deputabuntur, quia secundum usitatum intellectum non
consistit veritas in talibus dictis. Sicut autem dicta, ita etiam finguntur
facta sine mendacio ad aliquam rem significandam. Gregorius in Evang. Quia ergo adhuc in eorum cordibus peregrinus
erat a fide, ire se longius finxit. Fingere namque componere
dicimus : unde et compositores luti, figulos vocamus. Nihil ergo simplex veritas per duplicitatem fecit; sed talem se
exhibuit in corpore, qualis apud illos erat in mente. Sed
quia esse extranei a caritate non poterant hi cum quibus caritas gradiebatur,
eum ad hospitium quasi peregrinum vocant; unde sequitur et coegerunt illum :
ex quo exemplo colligitur quia peregrini ad hospitium non solum invitandi
sunt, sed etiam trahendi. Glossa.
Nec solum factis eum cogunt, sed etiam verbis inducunt; sequitur enim
dicentes : mane nobiscum, quoniam advesperascit, et inclinata est iam dies,
scilicet ad occasum. Gregorius. Ecce autem cum per membra sua Christus
suscipitur, susceptores suos etiam per semetipsum requirit; sequitur enim et
intravit cum illis. Mensam ponunt, cibos afferunt, et Deum quem in Scripturae
sacrae expositione non cognoverant, in panis fractione cognoscunt; sequitur
enim et factum est, dum recumberet cum illis, accepit panem et benedixit ac
fregit, et porrigebat illis. Et aperti sunt oculi eorum, et cognoverunt eum.
Chrysostomus.
Quod non de sensibilibus oculis dictum est, sed de sensu mentali. Augustinus
de Cons. Evang. Neque enim clausis oculis ambulabant, sed inerat aliquid,
quo non sinerentur agnoscere quod videbant; quod scilicet caligo et aliquis
humor efficere solet; non quia dominus non poterat transformare carnem suam,
ut alia revera esset effigies quam solebant intueri; quandoquidem et ante
passionem transformatus est in monte, ut facies eius claresceret sicut sol :
sed non ita nunc factum est : non enim incongruenter accipimus hoc
impedimentum in oculis eorum a Satana factum fuisse, ne agnosceretur Iesus.
Sed tantum a Christo facta est permissio usque ad sacramentum panis, ut
veritate corporis eius participata, removeri intelligatur impedimentum
inimici, ut Christus possit agnosci. Theophylactus.
Sed et aliud innuit : quod scilicet sumentibus sacrum panem aperiuntur
oculi, ut eum agnoscant : magnam enim et ineffabilem vim habebat domini caro.
Augustinus de quaest. Evang. Vel quod dominus se ire longius finxit cum
comitaretur discipulos, exponens eis sacras Scripturas, utrum ipse esset,
ignorantibus, significat quia hospitalitatis officio ad suam cognitionem
pervenire posse homines intimavit; ut, cum longius ipse ab hominibus
abscesserit super omnes caelos, cum eis tamen sit qui haec exhibent servis
eius. Tenet ergo Christum, ne longius ab eo eat, quisquis catechizatus verbo
in omnibus bonis ei qui se catechizat communicat. Etenim isti catechizati
erant verbo, cum exponeret eis Scripturas : et quia hospitalitatem sectati
sunt, quem in ipsa expositione Scripturarum non cognoverunt, in panis
fractione cognoscunt : non enim auditores legis iusti sunt apud Deum, sed
factores legis iustificabuntur. Gregorius
in Evang. Quisquis ergo audita vult intelligere, festinet ea quae iam
intelligere potuit, opere implere. Ecce dominus non est cognitus dum
loqueretur, et dignatus est cognosci dum pascitur; sequitur enim et ipse
evanuit ex oculis eorum. Theophylactus.
Non enim tale corpus habebat ut diutius cum eis commorari deberet, ut ex
hoc pariter augeret affectum eorum; unde sequitur et dixerunt ad invicem :
nonne cor nostrum ardens erat in nobis dum loqueretur in via, et aperiret
nobis Scripturas? Origenes. Per quod innuit, quod prolati sermones a salvatore
accendebant audientium cor ad amorem divinum. Gregorius in Hom. Pentec. Ex
audito enim sermone inardescit animus, torporis frigus recedit, mens in
superno desiderio fit anxia. Audire libet praecepta
caelestia, et quod mandatis instruitur, quasi tot facibus inflammatur. Theophylactus.
Ardebat ergo cor eorum vel igne verborum domini, quibus intendebant
tamquam veris : vel quia eo disserente Scripturas, percellebatur intrinsecus
cor eorum, quod ille qui disserebat dominus esset. Adeo ergo laetati sunt ut
nullam moram passi, mox reversi sint in Ierusalem; et hoc est quod sequitur
et surgentes eadem hora regressi sunt in Ierusalem. Surrexerunt quidem eadem
hora, pervenerunt autem per plures horas, sicut oportebat sexaginta stadia
transeuntes. Augustinus
de Cons. Evang. Iam autem fama erat quod surrexerat Iesus, a mulieribus
facta, et a Simone Petro, cui iam apparuerat. Etenim isti duo haec invenerunt
loquentes illos ad quos in Ierusalem venerunt; sequitur enim et invenerunt
congregatos undecim, et eos qui cum ipsis erant, dicentes, quod surrexit
dominus vere, et apparuit Simoni. Beda.
Omnium enim virorum primo dominus apparuisse videtur Petro ex his quos
Evangelistae quatuor et Paulus apostolus commemoraverunt. Chrysostomus.
Non enim simul omnibus se manifestabat, ut sereret fidei semina : nam qui
primo viderat et certus erat, aliis referebat; deinde sermo prodiens
praeparabat animum auditoris visioni : et ideo primo digniori et fideliori
omnibus apparuit : erat enim opus animae fidelissimae, quae prius acciperet
hunc aspectum, ut minime turbaretur inopinata visione : et ideo primo videtur
a Petro; ut qui primo confessus est eum Christum, primo resurrectionem videre
mereatur; et etiam, quia eum negaverat, prius ei voluit apparere, consolans
eum ne desperaret. Post Petrum vero aliis apparuit, quandoque paucioribus,
quandoque pluribus; quod duo discipuli confitentur; sequitur enim et ipsi
narraverunt quae gesta erant in via, et quomodo cognoverunt eum in fractione
panis. Augustinus.
Quod autem ait Marcus : annuntiaverunt ceteris, nec illis crediderunt, cum
Lucas dicat quod iam inde loquebantur vere resurrexisse dominum, quid
intelligendum est, nisi aliquos ibi fuisse qui hoc credere nollent? |
Versets 25-35.
— Théophylacte : Notre Seigneur voyant l’âme de ses deux disciples en proie à d’aussi grands doutes, les en reprend avec sévérité : « Alors il leur dit : O insensés (ils venaient en effet de tenir à peu près le même langage que les Juifs au pied de la croix : Il a sauvé les autres, il ne peut se sauver lui-même) et lents de coeur, à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! » On en voit, en effet, qui croient à quelques-uns des oracles prophétiques, mais non pas à toutes les prophéties; ainsi ils ajouteront foi aux prophéties qui ont pour objet la croix de Jésus-Christ, à celle-ci par exemple : « ils ont percé mes pieds et mes mains » (Ps 21) ; mais ils ne croiront pas à celles qui ont annoncé sa résurrection, comme à cette autre [du même Roi-prophète] : « Vous ne souffrirez point que votre saint soit sujet à la corruption. » (Ps 15.) Or, nous devons croire indistinctement à toutes les prophéties, à celles qui ont prédit ses gloires, comme à celles qui ont annoncé ses humiliations; car c’est justement par ses humiliations et ses souffrances qu’il est entré dans sa gloire : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu’il entrât ainsi dans sa gloire ? » ce qu’il faut entendre de son humanité. — S. Isidore : de Péluse. Mais bien qu’il fallût que le Christ passât par les souffrances, ceux qui l’ont crucifié n’en sont pas moins coupables; car ils ne cherchaient point à accomplir les desseins de Dieu; aussi leur action a-t-elle été [souverainement] impie, tandis que la providence de Dieu s’est montrée pleine de sagesse en faisant servir leur iniquité au salut du genre humain, comme on se sert de la chair des vipères pour composer un antidote efficace et salutaire. — S. Jean Chrysostome : Aussi le Sauveur leur explique comment les choses ne sont pas arrivées naturellement, mais par un dessein depuis longtemps prémédité de Dieu : « Et parcourant tous les prophètes, en commençant par Moïse, il leur expliquait ce qui le concerne dans toutes les Écritures. » Il semble leur dire : Puisque vous êtes si lents à croire, je vais vous rendre plus déterminés en vous expliquant les mystères des Écritures; ainsi le sacrifice d’Abraham, immolant un bélier à la place d’Isaac, a été la figure du sacrifice de la croix (Gn 22, 12), et c’est ainsi que les mystères de la croix et de la résurrection de Jésus-Christ se trouvent annoncés ça et là dans tous les oracles prophétiques. — S. Bède : Or, si Moise et les prophètes ont parlé de Jésus-Christ et prédit qu’il n’entrerait dans sa gloire que par le chemin des souffrances, comment peut-on se glorifier d’être chrétien, et ne point examiner avec soin le rapport que les Écritures ont avec Jésus-Christ, et surtout ne point vouloir obtenir par les souffrances la gloire qu’on désire partager avec Jésus-Christ ? — Chronique des Pères grecs : L’Évangéliste nous a fait observer précédemment que les yeux des deux disciples étaient comme fermés, et qu’ils ne purent le reconnaître, jusqu’à ce que les paroles du Sauveur eurent disposé leur âme à la foi; il raconte maintenant comment Jésus se découvrit à eux après les avoir préparés par ses enseignements : « Cependant ils approchèrent du village où ils allaient, et Jésus feignit d’aller plus loin. » — S. Augustin : (Quest. évang., 2, 51.) Il n’y a point ici de mensonge de la part du Sauveur, car toute feinte n’est pas un mensonge. Il y a mensonge toutes les fois que l’action que nous feignons de faire ne signifie absolument rien, mais lorsque cette action a une signification, ce n’est plus un mensonge, mais une figure de la vérité; autrement il faudrait regarder comme autant de mensonges tout ce que les sages, les saints et Notre Seigneur lui-même ont dit en termes figurés, puisque ces paroles, prises dans leur sens naturel et ordinaire, n’ont rien de vrai. On peut donc sans mensonge user de feinte dans ses actions aussi bien que dans ses paroles, en se proposant, dans ces actions, la signification d’une vérité quelconque. — S. Grègoire : (hom. 22 sur les Evang.) Jésus feint d’aller plus loin, parce qu’il était encore étranger pour leurs coeurs qui avaient si peu de foi en lui. Feindre veut dire façonner, de là vient le nom que nous donnons à ceux qui façonnent l’argile. La vérité, qui est simple, n’a donc rien fait ici par duplicité, elle s’est montrée extérieurement aux yeux de leur corps, telle qu’elle était pour les yeux de leur âme. Cependant comme ils ne pouvaient rester étrangers à la charité, alors qu’ils avaient pour compagnon de voyage la charité elle-même, ils lui offrent l’hospitalité comme à un étranger : « Et ils le pressèrent. » Apprenons par cet exemple, que nous devons non seulement inviter les étrangers, mais encore les forcer à accepter l’hospitalité. — La
Glose : Non contents de le forcer, ils lui apportent une raison
déterminante : « Ils le
pressèrent, en disant : ‘Demeurez avec nous, car il se fait tard, et le jour
est déjà sur son déclin, c’est-à-dire proche du soir’. » — S. Grégoire : (hom. 22.) Lorsque Jésus-Christ est reçu dans la personne de ses membres, il s’approche lui-même de ceux qui le reçoivent : « Et il entra avec eux. » Ils dressent la table, servent les aliments, et ils vont reconnaître dans la fraction du pain le Dieu qu’ils n’ont pas reconnus quand il leur expliquait les saintes Écritures : « Etant avec eux à table, il prit le pain et le bénit, et l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent. » — S. Jean Chrysostome : (Chronique des Pères grecs) Ils le reconnurent non pas des yeux du corps, mais des yeux de l’âme. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 3, 25.) Ce n’est pas qu’ils eussent les yeux fermés en marchant avec lui, mais quelque chose les empêchait de reconnaître ce qu’ils voyaient par un effet semblable à celui que produit un brouillard, ou une humeur répandue sur les yeux). Notre Seigneur aurait pu sans doute transformer son corps et lui donner une autre forme apparente que celle qu’ils avaient coutume de voir, lui qui, avant sa passion, s’était transfiguré sur la montagne, et avait donné à son visage la splendeur du soleil. Mais il n’en fut point ainsi, et nous sommes fondés à croire que c’est le démon qui avait placé ce bandeau sur leurs yeux, pour les empêcher de reconnaître Jésus-Christ. Or le Sauveur ne laissa ce bandeau sur leurs yeux que jusqu’au moment où il leur distribua le sacrement du pain, pour nous faire comprendre que la communion à son corps sacré a la puissance d’écarter les obstacles qui nous empêchent de reconnaître Jésus-Christ. — Théophylacte : Il veut encore nous apprendre que la participation au pain sacré nous ouvre les yeux, pour que nous puissions le reconnaître, tant est grande et ineffable la vertu de la chair de Jésus-Christ. — S.
Augustin : (Quest.
évang.) Lorsque le Seigneur, marchant avec ses
disciples qui ne le reconnaissent pas, et leur expliquant les Écritures,
feint ensuite d’aller plus loin, il veut nous enseigner encore qu’en
pratiquant les devoirs de l’hospitalité, les hommes peuvent arriver à le
connaître, et qu’il sera toujours avec ceux qui exerceront l’hospitalité à
l’égard de ses serviteurs, lors même qu’il se sera plus éloigné des hommes en
remontant dans les cieux. Celui donc qui, après avoir été instruit des choses
de la foi, partage tous ses biens avec celui qui l’a instruit (Ga 6), est sûr
de retenir Jésus-Christ et de l’empêcher de s’éloigner de lui. En effet, les
disciples d’Emmaüs avaient reçu l’enseignement de la parole, lorsque le
Sauveur leur expliquait les Écritures. Et c’est parce qu’ils ont pratiqué à
son égard l’hospitalité, qu’ils ont mérité de connaître lors de la fraction
du pain celui qu’ils n’avaient pas reconnu lorsqu’il leur expliquait les
Écritures, « car ce ne sont pas
ceux qui écoutent la loi, qui sont justes aux yeux de Dieu, mais ce sont ceux
qui la pratiquent qui seront justifiés. » (Rm 2.) — S. Grégoire : (hom. 22.) Que celui donc qui veut comprendre les enseignements qu’il a
reçus, se hâte de mettre en pratique ce qu’il a déjà pu comprendre. Voyez, le
Seigneur n’a pas été connu pendant qu’il parlait, et il daigne se faire
connaître lorsqu’il se donne en nourriture. L’Évangéliste ajoute : « Et il disparut de devant leurs
yeux. » —
Théophylacte : La nature de son corps ressuscité ne
lui permettait pas de demeurer plus longtemps avec eux, et il voulait aussi
par là augmenter leur amour : « Aussi
ils se dirent alors l’un à l’autre : N’est-il pas vrai que notre coeur était
tout brûlant au dedans de nous, lorsqu’il nous parlait dans le chemin, et
qu’il nous expliquait les Écritures ? » — Origène : Nous voyons ici que les paroles du Sauveur embrasaient du feu de l’amour divin ceux qui les écoutaient. — S. Grégoire : (hom. pour la Pentec.) Lorsque la parole divine se fait entendre, le coeur s’enflamme, la froide langueur disparaît, et l’âme est comme agitée par les inquiétudes du désir des cieux. Elle se plaît à entendre les divins préceptes, et les enseignements qu’elle reçoit sont comme autant de feux qui l’embrasent. — Théophylacte : Leur coeur était donc brûlant, soit du feu des paroles du Sauveur qu’ils recevaient comme la vérité, soit parce qu’en l’écoutant expliquer les Écritures, ils comprenaient à la vive émotion de leurs cœur que celui qui leur parlait était le Seigneur. Aussi leur joie était si grande que, sans tarder, ils retournèrent aussitôt à Jérusalem : « Et se levant à l’heure même, ils retournèrent à Jérusalem. » Ils partirent à l’heure même, mais ils n’arrivèrent que quelques heures après, car ils avaient à parcourir une distance de soixante stades. — S.
Augustin : (de
l’acc. des Evang., 3, 25.) Déjà le bruit que Jésus
était ressuscité avait été répandu et par les saintes femmes, et par Simon
Pierre, à qui il était apparu, et les deux disciples, étant arrivés à
Jérusalem, trouvèrent les Apôtres qui s’entretenaient de ce grand événement :
« Et ils trouvèrent assemblés les
onze, et ceux qui étaient avec eux, disant : ‘Le Seigneur est vraiment
ressuscité, et il est apparu à Simon’. » — S. Bède : C’est donc à saint Pierre, le premier de tous, que Notre Seigneur est apparu d’après le témoignage des quatre Évangélistes et de l’Apôtre saint Paul. — S. Jean Chrysostome : Il ne se manifestait, pas à tous en même temps, parce qu’il voulait jeter les semences de la foi; en effet, celui à qui le Seigneur apparaissait le premier, et qu’il rendait ainsi certain [de sa résurrection], racontait cette apparition aux autres; et ce récit, se propageant, préparait ceux qui l’entendaient à voir le Sauveur lui-même. C’est donc pour cette raison qu’il apparut d’abord au plus digne et au plus fidèle de tous ses Apôtres. Il fallait, en effet, une âme dont la fidélité fût à toute épreuve pour recevoir cette apparition sans être troublé d’une vision aussi inattendue. Il apparaît donc à Pierre qui méritait d’être le premier témoin de la résurrection, parce qu’il avait confessé le premier qu’il était le Christ. Il lui apparaît encore le premier, parce que Pierre l’avait renié, et qu’il voulait ainsi le consoler et le préserver du désespoir. Il apparût ensuite à d’autres, tantôt plus, tantôt moins nombreux, au rapport des deux disciples : « Eux-mêmes, à leur tour, racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu dans la fraction du pain. » — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 3, 25.) Saint Marc dit, il est vrai, que les Apôtres ne crurent pas au rapport des deux disciples, tandis que d’après saint Luc, ils déclarent eux-mêmes que le Seigneur est vraiment ressuscité; mais cette contradiction apparente s’explique en disant que quelques-uns seulement de ceux qui étaient présents refusèrent de croire au récit des deux disciples. |
Lectio 4 [85969] Catena in Lc., cap. 24 l. 4 Cyrillus.
Undique resurrectionis fama per apostolos divulgata, et affectu
discipulorum erecto ad Christi visionem, venit desideratus; et quaerentibus,
et expectantibus revelatur; nec disceptatur de alio, sed evidenter se offert;
unde dicitur dum autem haec loquuntur, stetit Iesus in medio eorum. Augustinus
de Cons. Evang. Hanc ostensionem domini post resurrectionem, Ioannes
commemorat. Sed quod dicit Ioannes, non cum illis fuisse apostolum Thomam,
cum secundum Lucam duo illi regressi in Ierusalem, invenerunt congregatos
undecim, proculdubio intelligendum est quod inde Thomas exierit, antequam
dominus haec loquentibus appareret. Dat enim Lucas locum in sua narratione
quomodo possit intelligi, dum haec loquerentur, prius inde exisse Thomam, et
postea dominum intrasse; nisi quis dicat, non illos undecim qui iam tunc
apostoli vocabantur, sed discipulos illos undecim fuisse ex multo numero
discipulorum. Sed cum adiunxit Lucas et eos qui cum ipsis erant, satis utique
declaravit evidentius illos undecim appellatos qui vocabantur apostoli, cum
quibus ceteri erant. Sed
videamus, cuius mysterii gratia, secundum Matthaeum et Marcum resurgens ita
mandaverit : praecedam vos in Galilaeam, ibi me videbitis; quod etsi
completum est, tamen post multa completum est; cum sic mandatum sit, ut aut
hoc solum, aut hoc primum expectaretur fieri debuisse. Ambrosius.
Unde hoc convenientius arbitror, quod dominus quidem mandaverit discipulis
ut in Galilaea eum viderent; sed illis ob metum intra conclave residentibus
primum se obtulisse. Graecus.
Nec hoc est promissi transgressio; sed potius festinata ex benignitate
impletio, propter pusillanimitatem discipulorum. Ambrosius.
Postea vero confirmatis animis, undecim illos Galilaeam petiisse. Vel
nihil obstat si dicantur pauciores intra conclave, et in monte quamplures
fuisse. Eusebius.
Duo enim Evangelistae, scilicet Lucas et Ioannes, solis undecim hunc
scribunt apparuisse in Ierusalem; ceteri vero duo in Galilaeam properare, non
solum undecim, sed etiam universis discipulis et fratribus dixerunt Angelum
et salvatorem iussisse; de quibus Paulus meminit dicens : deinde apparuit
plusquam quingentis fratribus simul. Est autem verior solutio, quod prius
quidem in Ierusalem latitantibus, semel aut bis visus est ad eorum
consolationem; in Galilaea vero non in conclavi, aut semel aut bis, sed cum
multa potestate ostensionem sui fecit, praebens se eis viventem post
passionem in signis multis, ut Lucas testatur in actibus. Augustinus
de Cons. Evang. Vel quod ab Angelo, hoc est a domino, dictum est,
prophetiae accipiendum est : in Galilaea enim, secundum transmigrationis
significationem, intelligendum occurrit, quia de populo Israel transmigraturi
erant ad gentes; quibus apostoli praedicantes Evangelium non crederent nisi
ipse dominus viam in cordibus hominum praepararet; et hoc intelligitur :
praecedet vos in Galilaeam. Secundum autem illud quod Galilaea interpretatur
revelatio, non iam in forma servi intelligendum est, sed in qua est aequalis
patri, quam promisit electis suis; illa erit revelatio tamquam vera Galilaea,
cum videbimus eum sicut est. Ipsa etiam erit beatior transmigratio ex isto
saeculo in illam aeternitatem, unde ad nos veniens non recessit, et quo nos
praecedens non deserit. Theophylactus.
Primo igitur dominus in medio discipulorum stans, solito pacis affatu
eorum turbinem sedat, ostendens quod ipse idem est magister eorum, qui hoc
verbo gaudebat, quo etiam eos munivit cum ad praedicandum misit; unde
sequitur et dixit eis : pax vobis : ego sum, nolite timere. Cyrillus.
Pudeat ergo nos pacis munus deserere, quam nobis hinc discedens Christus
reliquit. Pax et res et nomen dulce, quam et Dei esse accepimus, iuxta illud
: pax Dei, et eius esse Deum, iuxta illud : Deus pacis, et ipsam esse Deum,
iuxta illud : ipse est pax nostra. Pax bonum commendatum ab omnibus,
observatum autem a paucis. Quae autem est causa? Fortassis ambitio dominii
aut facultatum, aut livor, aut odium, aut contemptus, aut aliquid huiusmodi
ex his quae Dei ignaros videmus incurrere. Dei quippe praecipue pax est, quae
confoederat omnia; cuius nihil est adeo proprium sicut unitas naturae, et
pacificus status. Transumitur vero Angelis et divinis potestatibus, quae ad
Deum et ad invicem pacifice se habent; diffunditur vero per totam creaturam,
cuius est decor; tranquillitas in nobis autem manet secundum animam quidem
per investigationem virtutum et communicationem, secundum corpus vero in
membrorum et elementorum commensurationem : quorum alterum pulchritudo, alterum
sanitas appellatur. Beda.
Discipuli autem noverant Christum verum hominem, cum quo tanto tempore
fuerant conversati; sed postquam mortuus est, non credunt tertia die potuisse
veram carnem de sepulcro resurgere. Putant ergo se videre spiritum, quem
emisit in passione; unde sequitur conturbati vero et conterriti, existimabant
se spiritum videre. Error ille apostolorum secta est Manichaeorum. Ambrosius.
Adductis autem virtutum exemplis, Petrum et Ioannem non credimus potuisse
dubitare. Cur ergo Lucas inducit fuisse turbatos? Primo omnium quia paucorum
opinionem sententia maioris partis includit; deinde, quia, etsi Petrus de
resurrectione crediderat, turbari tamen potuit, quod se dominus cum corpore,
vectibus obseratis improvisus infunderet. Theophylactus.
Verum, quia per verbum pacis non est sedatus turbo in animabus
discipulorum, aliunde indicat eis se filium Dei esse, qui mentis cognoscebat
arcana; unde sequitur et dixit eis : quid turbati estis, et cogitationes
ascendunt in corda vestra? Beda. Quales utique cogitationes, nisi
falsae et perniciosae? Perdidit enim Christus fructum passionis, si non esset
veritas resurrectionis; tamquam si bonus agricola diceret : quod ibi
plantavi, inveniam, idest fidem, quae in cor descendit, quia desuper est. Cogitationes
autem istae non desuper descenderunt, sed de imo in cor, sicut herba mala,
ascenderunt. Cyrillus.
Hoc autem fuit evidentissimum signum quod non alius est qui videtur, sed
ille idem quem viderant in ligno mortuum et positum in sepulcro, quem non
latebat aliquid eorum quae erant in homine. Ambrosius.
Consideremus autem qua gratia, secundum Ioannem, apostoli crediderunt, et
gavisi sunt, qui secundum Lucam increduli redarguuntur. Et videtur mihi
Ioannes quasi apostolus maiora et altiora tetigisse : his sequentia et
humanis proxima; hic historico usus circuitu, ille compendio : quia et de
illo dubitari non potest, quia testimonium perhibet de his quibus ipse
interfuit; et ideo utrumque verum putamus; nam et si in primo Lucas eos non
credidisse dicat, postea tamen credidisse demonstrat. Cyrillus.
Comprobans autem dominus devictam esse mortem, et humanam naturam iam in
Christo corruptionem exuisse, primo ostendit eius manus et pedes, et clavorum
foramina; unde subdit videte manus meas et pedes, quia ego ipse sum. Theophylactus.
Sed et aliud subiungit : palpationem scilicet manuum atque pedum, cum
dicit palpate, et videte quia spiritus carnem et ossa non habet, sicut me
videtis habere; quasi diceret : vos putatis me esse spiritum, idest
phantasma, sicut plures defunctorum circa sepulcra videri sunt soliti; sed
scitote quod spiritus neque carnem habet neque ossa; ego autem carnem et ossa
habeo. Ambrosius.
Hoc autem dominus ideo dixit, ut speciem nobis suae resurrectionis
ostenderet : nam quod palpatur corpus est. In corpore autem resurgemus; sed
illud subtilius, hoc crassius, utpote adhuc terrenae labis qualitate
concretum. Non ergo per incorpoream naturam, sed per
resurrectionis corporeae qualitatem Christus clausa penetravit. Gregorius Moralium. Non enim illa resurrectionis gloria corpus
nostrum erit impalpabile, et ventis aereque subtilius, ut Eutychius dixit;
sed subtile quidem per effectum spiritualis potentiae, palpabile autem per
veritatem naturae. Sequitur et cum haec dixisset, ostendit eis
manus et pedes. Beda.
Quibus scilicet indicata clavorum vestigia claruere; sed secundum Ioannem
etiam latus eis ostendit, cum fuerit lancea perforatum; ut scilicet ostensa
vulnerum cicatrice, dubietatis eorum vulnus sanaret. Solent autem in hoc loco
gentiles calumniam struere, quasi non valuerit dominus vulnera sibi inflicta
curare : quibus respondendum est, quia non est consequens ut qui maiora
fecisse probatur, minora facere nequiverit; sed certe dispensationis gratia,
qui mortem destruxit, signa mortis delere noluit : primo quidem, ut per hoc
discipulis fidem suae resurrectionis astrueret; deinde ut patri pro nobis
supplicans, quale genus mortis pro homine pertulerit, semper ostendat; tertia
ut sua morte redemptis quam misericorditer sint adiuti, propositis eiusdem
mortis indiciis, insinuet : postremo ut in iudicio quam iuste damnentur
impii, denuntiet. |
Versets 36-40.
— S. Cyrille : Les Apôtres ayant répandu partout la nouvelle de la résurrection, et les disciples étant pleins d’une sainte impatience de voir leur divin Maître, il se rend à leurs désirs, il se révèle à eux pendant qu’ils le cherchent et qu’ils l’attendent, et leur apparaît clairement et sans qu’il y ait lieu à contestation : « Pendant qu’ils s’entretenaient ainsi, Jésus parut au milieu d’eux, » etc. — S. Augustin : (de l’acc. des Evang., 3, 25.) Saint Jean rapporte aussi cette apparition du Seigneur après sa résurrection, mais en faisant remarquer que Thomas n’était pas alors avec les autres Apôtres; tandis que d’après saint Luc, les deux disciples d’Emmaüs étant rentrés dans Jérusalem, trouvèrent les onze assemblés : il faut donc admettre que Thomas sortit avant que le Seigneur parut aux Apôtres qui s’entretenaient de sa résurrection. En effet, le récit de saint Luc autorise cette supposition, que Thomas sortit pendant l’entretien des autres Apôtres, et que ce ne fut qu’après son départ que le Seigneur entra dans le cénacle. On pourrait peut-être dire encore que ces onze n’étaient pas ceux qui dès lors portaient le nom d’Apôtres, mais qu’ils faisaient partie du grand nombre des disciples de Jésus. Cependant comme saint Luc ajoute : « et ceux qui étaient avec eux, » il indique assez clairement que les onze avec lesquels les autres se trouvaient réunis, devaient être les onze Apôtres. Mais examinons la signification mystérieuse de ces paroles que Jésus, d’après saint Matthieu et saint Marc, adresse à ses disciples après sa résurrection : « Je vous précéderai en Galilée. C’est là que vous me verrez.» Si ces paroles se sont accomplies, ce n’est qu’après beaucoup d’autres faits racontés dans l’Évangile, et cependant Notre Seigneur semble dire que c’est la seule chose ou au moins la première que les disciples devaient attendre. — S. Ambroise : L’opinion qui me paraît la plus probable est que Notre Seigneur avait annoncé en effet à ses disciples qu’ils le verraient en Galilée, mais qu’il crut ensuite devoir leur apparaître dans le cénacle, où la crainte les tenait renfermés. — Chronique des Pères grecs : Le Sauveur ne manque pas ici à sa promesse, mais au contraire, il se hâte de l’accomplir par un sentiment de bonté pour ses disciples encore faibles et pusillanimes. — S. Ambroise : Lorsqu’il eut ainsi ranimé leur courage, les onze Apôtres se rendirent en Galilée. Rien n’empêche encore de dire qu’ils étaient peu nombreux dans le cénacle, tandis qu’ils furent en plus grand nombre sur la montagne de Galilée. — Eusèbe
: En effet, si deux évangélistes, saint Luc et saint Jean, ont écrit que
Notre Seigneur est apparu aux seuls onze dans la ville de Jérusalem, les deux
autres rapportent que l’ange aussi bien que le Sauveur commandèrent de se
rendre en Galilée, non seulement aux onze, mais à tous les disciples et aux
frères dont parle saint Paul, quand il dit : « Ensuite il apparut à plus de cinq cents frères réunis. »
(1 Co 15.) Mais la solution la plus
vraisemblable de cette difficulté, est que Jésus apparut d’abord une ou deux
fois pour la consolation des Apôtres qui se tenaient cachés dans Jérusalem,
et qu’il se manifesta ensuite dans la Galilée, non plus une fois ou deux,
comme dans le cénacle, mais dans tout l’éclat de sa puissance, et en faisant
voir à ses Apôtres par beaucoup de preuves qu’il était vivant après sa
passion, comme l’atteste saint Luc dans le livre des Actes (Ac 1, 3.) — S. Augustin : (de l’acc. des Evang.) Ou bien encore : les paroles que l’ange adresse aux disciples au nom du Seigneur, doivent s’entendre dans un sens prophétique. En effet, Jésus les précède en Galilée, qui veut dire transmigration, parce que les Apôtres devaient quitter le peuple d’Israël pour aller prêcher l’Évangile aux Gentils ; mais les Gentils n’auraient pas cru à leurs prédications, si le Seigneur lui-même ne leur eût préparé la voie dans les coeurs des hommes. Tel est donc le sens de ces paroles : « Il vous précédera en Galilée. » Si au contraire, on prend la Galilée dans le sens de révélation, nous devons entendre que le Sauveur ne se révélera plus sous la forme de serviteur, mais dans l’éclat qui convient au Fils de Dieu égal à son Père, comme il l’a promis à ses élus. Cette révélation sera pour nous comme une véritable Galilée, alors que nous le verrons tel qu’il est. Ce sera aussi notre bienheureuse transmigration de ce monde dans cette vie éternelle, qu’il n’a point quittée en venant parmi nous, et où il nous précède sans nous abandonner. —
Théophylacte : Notre Seigneur, apparaissant pour la
première fois au milieu de ses disciples, calme l’agitation de leur âme par
le salut de paix accoutumé, il leur montre ainsi qu’il est ce même Maître qui
aimait à leur répéter cette parole de paix, qu’il leur a tant recommandée
lorsqu’il les envoya prêcher l’Évangile : « Et
il leur dit : La paix soit avec vous; c’est moi, ne craignez point. » — S. Grégoire de Nazianze : (disc. 14 sur la paix.) Rougissons de renoncer si facilement à ce don de la paix, que Jésus-Christ nous a laissé en quittant la terre. La paix, cette chose et ce nom si doux, a Dieu pour auteur, selon ces paroles : « La paix de Dieu, » (Ph 4) et elle est aussi le principal attribut de Dieu, selon ces autres paroles de saint Paul : « Il est lui-même notre paix. » La paix est un bien dont tout le monde fait l’éloge, mais que très peu de personnes savent conserver. Quelle en est la cause ? Peut-être l’ambition du pouvoir et des richesses, l’envie, la haine ou le mépris du prochain, ou quelqu’autre vice de ce genre où fait tomber l’ignorance de Dieu. En effet, le principe et la source de la paix, c’est Dieu qui établit l’union en toutes choses, et dont l’attribut principal est l’unité de nature et une pacifique immutabilité. Cette paix se communique aux anges et aux puissances célestes qui sont en paix avec Dieu et entre elles; elle se répand sur toutes les créatures, dont la beauté consiste dans la tranquillité; enfin elle demeure dans notre âme par l’amour et la pratique des vertus, et dans notre corps, par la juste proportion qui règne dans nos membres, et l’équilibre des éléments dont il est composé; la première de ces choses constitue la beauté de nos corps, et l’autre la santé. — S. Bède : Les disciples qui avaient vécu si longtemps avec Jésus-Christ, ne doutaient point qu’il fût véritablement homme; mais lorsqu’il fut mort, ils ne croyaient pas qu’il pût ressusciter le troisième jour avec un corps véritable. Aussi croient-ils voir l’esprit qu’il avait rendu au moment de sa mort sur la croix : « Dans leur trouble et leur saisissement, ils croyaient voir un esprit. » Cette erreur des Apôtres est devenue celle des Manichéens. — S. Ambroise : Nous ne pouvons concevoir que saint Pierre et saint Jean aient pu douter [de la résurrection] après les faits prodigieux dont ils avaient été les témoins. Pourquoi donc saint Luc nous dit-il qu’ils furent troublés ? premièrement, parce qu’il confond leurs sentiments particuliers avec ceux du plus grand nombre; secondement, parce que Pierre, tout certain qu’il était de la résurrection du Sauveur, a pu néanmoins être troublé, en le voyant tout à coup traverser avec son corps les portes qui étaient fermées. — Théophylacte : Le salut de paix que Jésus adresse à ses disciples, n’ayant pu calmer l’agitation de leur âme, il leur prouve d’une autre manière qu’il est le Fils de Dieu qui pénètre le secret des coeurs : « Et il leur dit : Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi ces pensées s’élèvent-elles dans vos coeurs ? » — S. Bède : Quelles pouvaient être ces pensées ? des pensées fausses et dangereuses; car Jésus-Christ eût perdu tout le fruit de sa passion, s’il n’était vraiment ressuscité. Il est semblable ici à un laboureur habile qui dirait : Je dois trouver ce que j’ai planté (c’est-à-dire la foi qui descend dans le coeur, parce qu’elle vient du ciel); or, ces pensées ne sont point descendues du ciel, mais elles sont montées de la terre dans le coeur, comme de mauvaises herbes. — S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) La preuve la plus évidente qu’il était vraiment celui qu’ils avaient vu mort sur la croix et déposé dans le sépulcre, c’est qu’aucune des pensées du coeur de l’homme ne lui était cachée. — S. Ambroise : Examinons maintenant comment d’après saint Jean, les Apôtres crurent et furent dans la joie, tandis que d’après saint Luc, le Sauveur leur reproche leur incrédulité. Saint Jean, en sa qualité d’apôtre, me parait n’avoir voulu traiter que les vérités les plus importantes et les plus élevées, tandis que saint Luc suit les évènements en se maintenant dans une sphère plus rapprochée de nous; l’un s’est attaché à l’ordre historique, l’autre a voulu abréger. On ne peut douter de la véracité du témoignage de celui qui raconte ce qu’il a vu de ses yeux. La conclusion est donc que le récit des deux Évangélistes est vrai, car bien que saint Luc fasse observer qu’ils ne crurent point tout d’abord, il déclare positivement qu’ils finirent par croire. — S.
Cyrille : Notre Seigneur, voulant démontrer à ses
Apôtres qu’il a triomphé de la mort, et que la nature humaine du Christ est
désormais affranchie de la corruption, leur montre ses mains, ses pieds et
les trous des clous : « Voyez mes
mains et mes pieds, et reconnaissez que c’est bien moi. » — Théophylacte : Il fait plus encore, il leur donne à toucher ses pieds et ses mains en leur disant : « Touchez et voyez, un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’ai, » c’est-à-dire : Vous me prenez pour un esprit, ou un de ces fantômes qu’on voit souvent errer autour des tombeaux, mais sachez qu’un esprit n’a ni chair ni os, tandis que j’ai une chair et des os. — S. Ambroise : Notre Seigneur s’exprime de la sorte pour nous donner une image de la résurrection; en effet, ce qui peut se toucher, est nécessairement un corps, nous ressusciterons donc dans notre corps, la seule différence est qu’il sera plus subtil, tandis qu’il est maintenant grossier, parce qu’il est composé d’éléments terrestres. Ce n’est donc point en vertu de sa nature incorporelle [et divine], mais par suite des propriétés de son corps ressuscité, que Jésus-Christ a pénétré dans le cénacle, les portes demeurant fermées. — S. Grégoire : (Moral., 14, 29.) Lorsque notre corps aura part à la gloire de la résurrection, il ne sera pas impalpable, ni plus subtil et plus délié que le vent ou l’air (comme le prétend Eutychius); mais il sera tout à la fois subtil en vertu de sa nouvelle puissance spirituelle, et palpable par une conséquence de la nature corporelle. « Ayant
ainsi parlé, il leur montra ses mains et ses pieds. » — S. Bède : Ses mains et ses pieds qui avaient conservé la trace des clous qui les avaient transpercés. D’après saint Jean, il leur montra aussi son côté que le fer de la lance avait ouvert, afin que la vue des cicatrices de ses plaies guérît la blessure de leurs doutes. Les infidèles soulèvent ici une difficulté, et accusent le Seigneur de n’avoir pu guérir les blessures qui lui ont été faites. Nous leur répondons qu’il n’est pas logique d’admettre que celui qui a fait évidemment des miracles beaucoup plus grands n’ait pu en faire de moindres. C’est donc par un dessein plein de miséricorde, que celui qui a triomphé de la mort n’a point voulu détruire les signes que la mort avait imprimés sur son corps : premièrement pour rendre plus ferme dans ses disciples la foi à sa résurrection; secondement, afin qu’en intercédant pour nous près de son Père, il pût lui montrer toujours le genre de mort qu’il avait souffert pour le salut des hommes; troisièmement, pour rappeler à ceux qu’il a rachetés par sa mort, quels secours miséricordieux il leur a aménagés en leur mettant sous les yeux les signes visibles de sa mort; quatrièmement enfin, pour faire comprendre aux impies, au jour du jugement, la justice de leur condamnation. |
Lectio 5 [85970] Catena in Lc., cap. 24 l. 5 Cyrillus.
Ostenderat dominus discipulis manus et pedes, ut certificaret discipulos,
quod corpus quod passum fuerat resurrexit. Ut adhuc autem magis certificaret,
aliquid manducabile petiit; unde dicitur adhuc autem illis non credentibus et
mirantibus prae gaudio dixit : habetis hic aliquid quod manducetur? Gregorius
Nyssenus. Et iussu quidem legis Pascha cum amaricantibus edebatur; quia
adhuc amaritudo manebat, post resurrectionem vero cibus favo mellis
dulcoratur; unde sequitur at illi obtulerunt ei partem piscis assi, et favum
mellis. Beda.
Ad insinuandum ergo resurrectionis suae veritatem, non solum tangi a
discipulis, sed etiam convesci cum illis dignatur, ne arbitrentur eum non solide,
sed imaginabiliter sibi apparere; unde sequitur et cum manducasset coram eis,
sumens reliquias, dedit eis. Manducavit quidem potestate, non ex necessitate
: aliter absorbet aquam terra sitiens, aliter sol calens; illa indigentia,
iste potentia. Graecus.
Si damus dominum vere comedisse, demus et omnes homines post
resurrectionem uti ciborum fomentis. Sed quae ex quadam dispensatione fiunt a
salvatore, non sunt regula et norma naturae; quoniam in quibusdam aliis
dispensavit. Resuscitabit enim nostra corpora incorrupta, qui tamen
dereliquit proprii corporis foramina, quae clavi foraverant, et lateris
cicatricem, ut ostendat quod mansit post resurrectionem natura corporis, nec
est in aliam mutatus substantiam. Beda.
Manducavit ergo post resurrectionem, non quasi cibo indigens, nec quasi in
resurrectione quam expectamus, cibis egere significans; sed ut eo modo
naturam corporis resurgentis astrueret. Mystice
autem piscis assus, quem Christus comedit, significat Christum passum : ipse
enim latere dignatus in aquis generis humani, capi voluit laqueo mortis
nostrae; et quasi tribulatione assatus est tempore passionis suae : sed favus
mellis nobis extitit in resurrectione. In favo quidem mellis utramque naturam
exprimere voluit personae suae. Favus quippe mellis in cera est; mel vero in
cera, est divinitas in humanitate. Theophylactus.
Videntur autem et comesta aliud habere mysterium : quod enim manducavit
partem piscis assi, significavit quod naturam nostram in huius vitae mari
natantem, assans eam igne propriae deitatis, et exsiccans eius humiditatem,
quam a profundis undis contraxerat, escam fecit divinam; et eam quae prius
erat abominabilis, praeparavit Deo cibum suavem; quod significat favus
mellis. Vel per piscem assum significat vitam activam consumentem nostram
humilitatem laborum prunis; contemplationem vero significat per favum mellis,
propter dulcedinem eloquiorum Dei. Beda.
Postquam autem visus est, tactus est et manducavit, ne in aliquo sensus
humanos ludificasse videretur, misit manus ad Scripturas; unde sequitur et
dixit ad illos : haec sunt verba quae locutus sum ad vos cum adhuc essem
vobiscum; idest, cum adhuc essem in carne mortali, in qua estis et vos : tunc
quidem in eadem carne resuscitatus erat, sed cum illis in eadem mortalitate
non erat : et subdit quoniam necesse est impleri omnia quae scripta sunt in
lege Moysi et prophetis et Psalmis de me. Augustinus
de Cons. Evang. Illud attendant qui magicis artibus Christum tanta
potuisse, et nomen suum ad apostolos in se convertendos arte ipsa consecrasse
delirant, utrum potuit magicis artibus prophetas divino spiritu antequam in
terra nasceretur implere. Neque enim si magicis artibus fecit ut coleretur et
mortuus, magus erat antequam natus, cui prophetando venturo gens una deputata
est. |
Versets 41-44.
— S. Cyrille : (Chronique des Pères grecs) Notre Seigneur avait montré à ses disciples ses mains et ses pieds
pour leur certifier que le corps qui avait souffert était le même qui était
ressuscité. Pour leur rendre cette vérité plus certaine encore, il demande
quelque chose à manger : « Mais
comme ils hésitaient encore à croire, il leur dit : Avez-vous ici quelque
chose à manger ? » — S.
Grégoire de Nysse : (disc. 1 sur
la résurr.) La loi prescrivait qu’on mangeât la pâque avec des laitues
amères, parce que c’était encore le temps de l’amertume, mais après la
résurrection, cette amertume est adoucie par un rayon de miel : « Et ils lui présentèrent un morceau
de poisson rôti, et un rayon de miel. » — S. Bède : C’est donc pour démontrer la vérité de sa résurrection, qu’il daigne non seulement se laisser toucher par ses disciples, mais manger avec eux, il détruit ainsi dans leur esprit la pensée que le corps qui leur apparaissait n’était pas réel, mais imaginaire : « Lorsqu’il eut mangé devant eux, prenant ce qui restait, il le leur donna. » Manger pour lui est un acte de puissance et non une nécessité; en effet, la terre altérée et le soleil brûlant n’absorbent point l’eau de la même manière, la terre le fait par besoin, le soleil par puissance. — Chronique des Pères Grecs : Mais, dira-t-on, si nous accordons que le Seigneur ait véritablement mangé, il faut admettre aussi qu’après la résurrection les hommes auront également besoin des aliments comme soutien de leur existence. Nous répondons que les actions que le Sauveur a faites dans une pensée de miséricorde ne sont ni une règle générale ni une loi établies par la nature, en vertu de sa conduite particulière dans certains cas. Ainsi il ressuscitera nos corps [sans aucun défaut, et] dans un état [de perfection et] d’incorruptibilité entière, bien qu’il ait voulu conserver dans son corps ressuscité les trous dont les clous ont percé ses pieds et ses mains, et la cicatrice de son côté, pour montrer qu’après sa résurrection il a conservé à son corps la même nature et ne l’a point changé en une autre substance. — S. Bède : Si donc il a mangé après sa résurrection, ce n’est ni qu’il eût besoin de nourriture, ni pour figurer qu’après la résurrection qui fait l’objet de notre espérance, nous aurons encore besoin d’aliments, mais pour établir ainsi la vérité de sa résurrection. Dans le sens figuré, ce poisson grillé qu’il mange représente Jésus-Christ dans sa passion ; il a daigné, en effet, vivre caché dans les eaux du genre humain, il s’est laissé prendre dans les filets de notre mort, il a été comme brûlé par la tribulation au temps de sa passion, mais il est devenu pour nous un rayon de miel après sa résurrection. Ce rayon de miel représente la double nature de sa personne, car le rayon de miel repose dans la cire, et ce miel dans la cire, c’est la divinité dans l’humanité. — Théophylacte : Ces aliments ont encore une autre signification mystérieuse. En mangeant un morceau de ce poisson grillé, il veut nous représenter qu’il a purifié par le feu de sa divinité notre nature qui nageait dans la mer de cette vie; qu’il a desséché l’humidité qu’elle avait contractée au milieu de ces eaux profondes et qu’il en a fait ainsi une nourriture divine, et que d’un aliment abominable, elle est devenue une nourriture des plus agréables à Dieu, ce que figure le rayon de miel. Ou encore, le poisson grillé est la figure de la vie active qui consume notre humidité par le feu du travail, tandis que la contemplation se trouve représentée par le rayon de miel à cause de la douceur ineffable de la parole de Dieu. — S. Bède : Après qu’il s’est laissé voir et toucher et qu’il a mangé avec ses disciples; pour achever de montrer qu’il ne veut faire illusion à aucun de nos sens, Notre Seigneur apporte en preuve les Écritures : « Puis il leur dit : C’est là ce que je vous ai dit, étant encore avec vous, » c’est-à-dire lorsque j’étais revêtu de la chair mortelle dont vous êtes revêtu vous-même. C’était encore la même chair qui était ressuscitée, mais elle n’était plus comme celle des Apôtres, soumise à la mortalité. Le Sauveur ajoute : « Il fallait que tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes s’accomplît. » — S. Augustin : (De l’accord des Evang., 1, 11.) Qu’ils méditent ces paroles ceux qui poussent la folie jusqu’à oser dire que c’est par la magie qu’il a opéré tant de merveilles, et par son habileté qu’il a divinisé son nom aux yeux des peuples pour les convertir à son culte. Est-ce grâce à la magie qu’il a pu accomplir les prophéties que l’Esprit saint avait inspirées bien avant sa naissance ? Car si c’est par des opérations magiques qu’il s’est fait adorer après sa mort, il était donc magicien avant sa naissance, puisqu’un peuple tout entier a été suscité de Dieu pour prophétiser sa venue. |
Lectio 6 [85971] Catena in Lc., cap. 24 l. 6 Beda. Postquam praebuit se videndum oculis, manibus
contrectandum, legis commemoravit Scripturas, consequenter aperuit sensum, ut
intelligatur quod legitur; unde dicitur tunc aperuit illis sensum ut
intelligerent Scripturas. Theophylactus.
Alioquin quomodo eorum anima turbata et vacillans, circa Christi mysterium
studuisset? Sed et verbis eos docuit; sequitur enim et dixit eis, quoniam sic
scriptum est, et sic oportebat Christum pati, scilicet per lignum crucis.
Beda.
Perdidit autem Christus fructum passionis, si non esset veritas
resurrectionis; unde subdit et resurgere a mortuis die tertia. Deinde post
commendatam sui corporis veritatem, commendat Ecclesiae unitatem, cum subdit
et praedicari in nomine eius poenitentiam et remissionem peccatorum in omnes
gentes. Eusebius.
Dictum enim erat : postula a me, et dabo tibi gentes hereditatem tuam.
Oportebat autem conversus ex gentibus expiari a quolibet contagio et macula
per ipsius virtutem, quasi contaminatos ab errore Daemonum idololatriae, et
quasi nuper conversos a vita execrabili et impudica : et ideo dicit, quod
oportet praedicari prius quidem poenitentiam, consequenter remissionem
peccatorum in omnes gentes : eis enim qui prius quidem veram ostenderunt
malorum poenitentiam, salubri gratia veniam commissorum donavit, pro quibus
et mortem subiit. Theophylactus. In hoc vero quod dicit poenitentiam et remissionem peccatorum,
etiam de Baptismate meminit, in quo per depositionem priorum scelerum
subsequitur venia peccatorum. Sed quo pacto
intelligetur in solo Christi nomine Baptisma fieri, cum alibi mandet hoc
fieri in nomine patris et filii et spiritus sancti? Et primo quidem dicimus,
quod non intelligitur quod in solo Christi nomine fiat Baptisma, sed quod
Christi Baptismate aliquis baptizetur, idest spiritualiter, non Iudaice, nec
tali quali Ioannes baptizabat ad solam poenitentiam, sed ad spiritus almi
participationem; sicut et Christus in Iordane baptizatus ostendit spiritum
sanctum in specie columbina. Porro Baptisma in Christi nomine, idest morte
Christi, intelligas : sicut enim ipse post mortem triduo resurrexit, sic et
nos ter in aquam mergimur, et consequenter emergimur, incorruptibilitatis
spiritus arrham recipientes. Hoc etiam Christi nomen continet in se et patrem
quasi unctorem, et spiritum quasi unctionem, et filium quasi unctum, scilicet
secundum humanam naturam. Non autem decebat amplius bipartitum esse humanum
genus in Iudaeos et gentiles : et ideo, ut omnes in unum uniret, mandavit
incipere sermonem a Ierusalem et ad gentes terminari; unde sequitur
incipientibus ab Ierusalem. Beda.
Non solum quia credita sunt illis eloquia Dei, et eorum est adoptio
filiorum et gloria; verum etiam ut gentes variis erroribus implicatae, hoc
maxime indicio divinae pietatis ad spem veniae provocentur, quod eis qui
filium Dei crucifixerunt, venia concedatur. Chrysostomus.
Insuper ne dicerent aliqui, quod omissis notis iverunt se ostentaturos ad
extraneos, ideo prius apud ipsos occisores pandunt resurrectionis signa in
eadem civitate in qua prorupit temerarius ausus. Ubi enim crucifixores
credere videntur, resurrectio plurimum demonstratur. Eusebius.
Quod si ea quae Christus praedixit, iam sortiuntur effectum, et verbum
eius vivax et efficax per universum mundum oculata fide perspicitur, tempus
est non incredulos esse erga eum qui protulit verbum. Eum enim necesse est
divinam vitam ducere cuius opera vivida verbis consona ostenduntur; quae
quidem ministerio apostolorum impleta sunt; unde subdit vos autem estis
testes horum, mortis scilicet et resurrectionis. Theophylactus.
Consequenter ne turbati cogitarent : quomodo nos homines idiotae
testimonium perhibebimus gentibus et Iudaeis, qui te occiderunt? Subiungit et
ego mittam promissum patris mei in vos; quod scilicet per Ioelem promiserat
dicens : effundam spiritum meum super omnem carnem. Chrysostomus.
Sicut autem milites invasuros multos nemo dux exire sinit donec armati
sint; sic et discipulos ante spiritus descensum, ad conflictum egredi non
permittit; unde subdit vos autem sedebitis in civitate quoadusque induamini
virtute ex alto. Theophylactus. Idest, virtute non humana, sed caelesti. Nec dixit :
suscipiatis, sed induamini, integram tutelam spiritualis velaminis indicans.
Beda. De hac autem virtute, idest spiritu sancto, dicit
etiam Angelus Mariae : et virtus altissimi obumbrabit tibi; et ipse dominus
alibi : nam et ego novi virtutem de me exisse. Theophylactus.
Cur autem non Christo praesente, vel eo discedente statim spiritus venit?
Decebat enim eos fieri cupidos rei, et demum recipere gratiam : tunc enim
magis ad Deum erigimur, cum incumbit necessitas. Oportebat enim interim
nostram comparere naturam in caelo, et foedera consummari, ac deinde spiritum
advenire et gaudia celebrari serena. Attende etiam quantam eis necessitatem
imposuit Hierosolymis esse, in eo quod illic spiritum promisit largiri. Ne
enim rursus post eius resurrectionem aufugerent, hac expectatione quasi
quodam vinculo omnes simul eos ibi detinuit. Dicit autem donec induamini
virtute ex alto; nec expressit quando, ut sint iugiter vigiles. Quid ergo
miraris, si diem nobis novissimum non pandit, cum diem hunc propinquum pandere
noluit? Gregorius
Reg. Pastor. Admonendi sunt ergo quos a praedicationis officio vel
imperfectio vel aetas prohibet, et tamen praecipitatio impellit, ne dum sibi
tantum onus officii praecipitatione arrogant, viam sibi subsequentis
meliorationis abscindant. Ipsa enim veritas, quae repente quos vellet
roborare potuisset; ut exemplum sequentibus daret, ne imperfecti praedicare
praesumerent; postquam plene discipulos de virtute praedicationis instruxit,
mandavit eis ut in civitate sederent, donec induerentur virtute ex alto. In
civitate quippe sedemus, si intra mentium nostrarum nos claustra
constringimus, ne loquendo exterius evagemur; ut cum virtute divina perfecte
induimur, tunc quasi a nobismetipsis foras etiam alios instruentes exeamus.
Ambrosius. Consideremus autem quomodo secundum Ioannem acceperint
spiritum sanctum; hic autem in civitate iubentur sedere, quoadusque induantur
virtute ex alto. Sed spiritum sanctum vel illis undecim
quasi perfectioribus insufflavit, et reliquis postea tribuendum promittit;
vel eisdem ibi insufflavit, hic spopondit. Nec videtur esse contrarium, cum
divisiones sint gratiarum. Ergo aliam insufflavit ibi operationem, hic aliam
pollicetur : ibi enim remittendorum gratia tributa est peccatorum; quod
videtur esse augustius : et ideo insufflatur a Christo, ut credas de Deo
spiritum sanctum Christi, et credas de Deo spiritum : Deus enim solus peccata
dimittit. Lucas autem linguarum gratiam describit effusam. Chrysostomus.
Vel dicit : accipite spiritum sanctum, ut eos idoneos faceret ad
receptionem : aut quod futurum est, ut praesens indicavit. Augustinus
de Trin. Vel dominus post resurrectionem suam bis dedit spiritum sanctum :
semel in terra propter dilectionem proximorum, et iterum de caelo propter
dilectionem Dei. |
Versets 45-49.
— S. Bède : Notre Seigneur s’est fait voir aux yeux et toucher par les mains de ses disciples, il vient de leur rappeler les témoignages des saintes Écritures, il ne lui restait plus que de leur en découvrir le véritable sens : « Alors il leur ouvrit l’esprit pour leur faire comprendre les Écritures. » — Théophylacte : Autrement, comment leur âme troublée et chancelante aurait-elle pu s’appliquer à l’étude des mystères de Jésus-Christ ? il y ajoute encore l’enseignement de sa divine parole : « Il leur dit : Il est ainsi écrit, et c’est ainsi qu’il fallait que le Christ souffrît, » c’est-à-dire le supplice de la croix. — S.
Bède : Jésus-Christ aurait perdu tout le fruit de sa
passion, s’il ne fût véritablement ressuscité. Aussi ajoute-t-il : « Et qu’il ressuscitât d’entre les
morts le troisième jour. » Après avoir établi la vérité de son
corps, il veut aussi établir l’unité de son Église : « Et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des
péchés dans toutes les nations. » — Eusèbe : Dieu lui avait dit en effet : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. » (Ps 2.) Il était nécessaire, en effet, que ceux des Gentils qui se convertiraient à lui, fussent purifiés par sa vertu de toutes les taches et de toutes les souillures contractées au milieu des erreurs diaboliques de l’idolâtrie et des abominations d’une vie d’impudicité. Voilà pourquoi il ajoute : « Il fallait qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations » ; car tous ceux qui témoignent un véritable repentir, reçoivent de sa grâce et de sa miséricorde le pardon des iniquités pour l’expiation desquelles il a voulu souffrir la mort. — Théophylacte : L’idée du baptême dans lequel on obtient le pardon de ses péchés en renonçant aux crimes de la vie passée se trouve renfermée dans ces paroles : « qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés. » Mais comment entendre que le baptême doit être donné au seul nom de Jésus-Christ, lorsque lui-même commande ailleurs de baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ? Nous répondons premièrement que ces paroles ne veulent point dire que le baptême ne doive être donné qu’au nom de Jésus-Christ, mais qu’il faut recevoir le baptême de Jésus-Christ, c’est-à-dire un baptême spirituel tout différent du baptême des Juifs, un baptême qui ne soit plus comme celui de Jean, un baptême de simple pénitence, mais une véritable participation de l’Esprit saint, comme il arriva au baptême de Jésus-Christ dans le Jourdain, alors qu’on vit l’Esprit saint descendre sur sa tête sous la forme d’une colombe. Etre baptisé au nom de Jésus-Christ, c’est donc être baptisé en la mort de Jésus-Christ. En effet, de même qu’il est ressuscité trois jours après sa mort, de même nous sommes plongés trois fois dans l’eau, et nous en sortons en recevant les arrhes de l’esprit d’incorruptibilité. Ajoutons que le nom de Jésus-Christ comprend en lui-même, et le Père qui donne l’onction, et le Saint-Esprit qui est l’onction même, et le Fils qui a reçu cette onction dans sa nature humaine. Le genre humain ne devait plus être divisé en deux peuples, les Juifs et les Gentils, et c’est pour réunir tous les hommes en un seul peuple, qu’il ordonne à ses Apôtres de commencer la prédication par Jérusalem, et de la terminer par les nations : « dans toutes les nations, en commençant par Jérusalem. » — S. Bède : La raison de ce précepte n’est pas seulement parce que c’est aux Juifs que les oracles de Dieu ont été confiés (Rm 3, 2); et qu’à eux appartient l’adoption des enfants, et la gloire et l’alliance (Rm 9, 4); mais parce que Dieu veut que les Gentils, plongés dans tant d’erreurs différentes, conçoivent une vive espérance d’obtenir leur pardon, en voyant la divine miséricorde l’accorder à ceux mêmes qui ont crucifié le Fils de Dieu. — S. Jean Chrysostome : Il voulait aussi prévenir le reproche que l’on pourrait faire aux Apôtres, d’avoir négligé leurs concitoyens pour aller se produire avec ostentation chez les étrangers; c’est donc d’abord devant les bourreaux eux-mêmes du Sauveur, qu’ils exposent les preuves de la résurrection, et dans cette même ville où s’est accompli cet audacieux forfait; or quelle preuve plus éclatante de la résurrection de Jésus-Christ, que la conversion et la foi de ceux mêmes qui l’ont crucifié ? — Eusèbe : Or, si les prédictions que Jésus-Christ a faites, ont déjà leur accomplissement, et si la foi du monde entier reconnaît la puissance et l’efficacité de sa parole, il est temps désormais de croire à l’auteur de cette parole, et de reconnaître aussi qu’il doit nécessairement être Dieu, puisque les oeuvres divines qu’il opère sont conformes à ses enseignements. C’est ce qui s’est accompli par le ministère des Apôtres : « Pour vous, vous êtes témoins de ces choses » etc., c’est-à-dire de ma mort et de ma résurrection. — Théophylacte : Mais comment, pouvaient se demander les Apôtres, dans le trouble de leur âme, comment, nous qui sommes des hommes ignorants, pourrons-nous rendre ce témoignage devant les Gentils et devant les Juifs qui vous ont mis à mort ? Notre Seigneur prévient cette difficulté : « Je vous enverrai, leur dit-il, le don promis par mon Père, » etc., celui que Dieu avait promis en ces termes par le prophète Joël : « Je répandrai mon esprit sur toute chair, » etc. (Jl 2, 18.) — S. Jean Chrysostome : (hom. 4 sur les Actes.) De même qu’un général ne laisse point ses soldats marcher contre de nombreux ennemis, qu’ils ne soient parfaitement armés; ainsi le Sauveur ne permet pas à ses disciples d’affronter les combats avant la descente de l’Esprit saint : « Vous, tenez-vous en repos dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut. » — Théophylacte : C’est-à-dire d’une force qui n’a rien d’humain et qui est toute céleste. Et il ne dit pas : Jusqu’à ce que vous receviez, mais : « jusqu’à ce que vous soyez revêtus, » pour signifier la protection toute-puissante dont les couvrira l’Esprit saint. — S. Bède : C’est de cette vertu céleste, c’est-à-dire de l’Esprit saint, que l’ange dit à Marie : « La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre » (Lc 1) ; et que le Seigneur lui-même dit ailleurs : « J’ai senti qu’une vertu était sortie de moi. » (Lc 8.) — S. Jean Chrysostome ou Théophylacte : Mais pourquoi l’Esprit saint ne descendit-il pas sur les Apôtres pendant que le Sauveur était encore sur la terre ou aussitôt qu’il l’eût quittée ? Il voulait leur faire désirer ardemment cette grâce, avant de la leur accorder, car c’est lorsque la nécessité nous presse que nous nous empressons de recourir à Dieu. Il fallait auparavant que notre nature fît son entrée dans le ciel, et que notre alliance avec Dieu fût consommée. C’est alors que l’Esprit saint devait descendre et répandre dans notre âme une joie pure et sans mélange. Remarquez aussi l’obligation expresse qu’il leur impose de demeurer à Jérusalem, parce que c’est là qu’ils recevront l’Esprit saint qu’il leur a promis, et comment il les enchaîne dans ce lieu par cette bienheureuse attente, qui les empêche de prendre de nouveau la fuite après sa résurrection. Il leur dit : « jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut. » Il ne précise pas le moment pour les tenir dans une constante vigilance. Qu’y a-t-il donc d’étonnant qu’il ne nous ait pas fait connaître le dernier jour, puisqu’il n’a pas voulu indiquer à ses Apôtres le jour qui était si proche ? — S. Grégoire : (Past., part. 3, chap. 26.) Il faut donner de sévères avertissements à ceux que leur âge ou leurs imperfections devraient éloigner du ministère de la prédication, et qui s’y jettent cependant avec présomption; car en usurpant avec autant de témérité un ministère aussi sublime et aussi redoutable, ils se ferment la voie à tout progrès dans la vertu. Voyez la Vérité elle-même qui pouvait en un instant donner à ses Apôtres la force qui leur manquait, qui leur avait donné les instructions les plus complètes sur l’objet de leurs prédications, leur commande cependant de se tenir en repos dans la ville, jusqu’à ce qu’ils soient revêtus de la force d’en haut, exemple qu’elle voulait donner à tous les siècles suivants, et qui devait détourner les âmes imparfaites de se charger témérairement du ministère de la prédication. Or, nous nous tenons en repos dans la ville, lorsque nous nous renfermons dans l’intérieur de notre âme, évitant de nous répandre dans les conversations extérieures, et attendant que nous soyons pleinement revêtus de la force divine, avant de sortir de nous-mêmes pour instruire les autres. — S. Ambroise : Mais comment se fait-il que d’après saint Jean (Jn 20, 23), les Apôtres avaient déjà reçu alors l’Esprit saint, tandis qu’ici nous voyons le Sauveur leur commander de demeurer dans la ville, jusqu’à ce qu’ils soient revêtus de la force d’en haut ? Peut-être soufflait-il d’abord sur les onze Apôtres pour leur donner l’Esprit Saint, comme étant plus parfaits, et promet-il ici de le donner ensuite aux autres. Ou bien, c’est aux mêmes qu’il le donne d’un côté et qu’il le promet de l’autre. Et il n’y a en cela aucune contradiction, puisque les grâces sont différentes; ainsi le Sauveur donne, d’après saint Jean, la grâce d’une opération divine, et en promet une autre d’après saint Luc. En effet, la première fois il donne à ses Apôtres le pouvoir de remettre les péchés (pouvoir qui est moins étendu), et Jésus-Christ le leur donne en soufflant sur eux, afin que vous croyiez que l’Esprit saint est l’esprit de Jésus-Christ, et que c’est le même que l’esprit de Dieu, car Dieu seul peut remettre les péchés. Saint Luc, au contraire, veut parler du don des langues que l’Esprit saint communiqua aux Apôtres. — S. Cyrille ou S. Jean Chrysostome : Ou encore, il leur dit d’abord : « Recevez l’Esprit saint », afin de les préparer à le recevoir; ou il parle au présent de ce qui ne devait arriver que plus tard. — S.
Augustin : (de
la Trin., 15, 26.) Ou encore, le Seigneur a donné
deux fois l’Esprit saint à ses Apôtres après sa résurrection, la première
fois sur la terre pour leur inspirer l’amour du prochain, et la seconde du
haut du ciel pour allumer dans leurs coeurs l’amour de Dieu. |
Lectio 7 [85972] Catena in Lc., cap. 24 l. 7 Beda. Praetermissis omnibus quae per quadraginta dies agi a domino
cum discipulis potuerunt, primo diei resurrectionis eius coniungit tacite
novissimum diem quo ascendit in caelum, dicens eduxit autem eos foras in
Bethaniam. Primo quidem propter nomen civitatis, quae domus
obedientiae dicitur : qui enim propter inobedientiam perversorum descendit,
propter obedientiam conversorum ascendit. Deinde propter situm eiusmodi villae,
quae in latere montis olivarum posita esse narratur : quia videlicet
obedientis Ecclesiae domus in ipsius summi montis, idest in Christi, latere,
fidei, spei dilectionisque suae fundamenta locavit. Eos autem benedicit,
quibus praecepta docendi tradiderat; unde sequitur et elevatis manibus suis
benedixit eis. Theophylactus.
Forsan vim conservativam influens eis usque ad adventum spiritus; et
fortassis instruens nos, ut quoties recedimus, benedictionibus subditos Dei
commendemus. Origenes.
Quod autem elevatis manibus benedixit eos, significat quod deceat
benedicentem cuiquam ornatum esse variis operibus et arduis respectu aliorum
: sic enim manus tolluntur in altum. Chrysostomus.
Attende autem, quod dominus bravia repromissa aspectui subicit. Promiserat
quidem corporum resurrectionem : a mortuis resurrexit, et per quadraginta
dies discipulos certificat. Promittitur etiam, quod in nubibus rapiemur in
aera; et hoc ipse patefecit per opera; sequitur enim et factum est dum
benediceret illis, recessit ab eis, et ferebatur in caelum. Theophylactus. Et Elias quidem videbatur quasi assumi in caelum;
sed salvator ipse praecursor omnium ascendit in caelum, appariturus divino
conspectui in sacro suo corpore : et iam nostra natura in Christo honoratur a
qualibet virtute angelica. Chrysostomus.
Sed dices : quid interest mea? Quia et tu in nubibus suscipieris similiter
: nam corpus tuum connaturale est illi corpori. Erit igitur et corpus tuum
tam agile ut possit transire per aera; nam sicut caput, sic et corpus; sicut
principium, sic et finis. Aspice autem quomodo
honoratus es per hoc principium. Infima pars rationalis creaturae homo erat;
sed pedes effecti sunt caput, sublimati in regiam sedem in suo capite. Beda. Ascendente autem in caelum domino, discipuli adorantes ubi
steterunt novissime pedes eius, confestim Hierosolymam redeunt, ubi
promissionem patris sunt expectare praecepti; sequitur enim et ipsi adorantes
regressi sunt in Ierusalem cum gaudio magno. Gaudia magna agunt, quia Deum ac
dominum suum post triumphum resurrectionis etiam caelos penetrasse laetantur.
Graecus. Et erant vigilantes : non degentes in propriis Laribus,
sed expectantes supernam gratiam conversantur in templo, inter cetera etiam
loci honestatem adicientes; unde dicitur et erant semper in templo. Theophylactus. Nondum aderat spiritus, et iam spiritualiter
conversantur : prius erant reclusi, iam stant in medio principum sacerdotum,
nec aliquo distrahuntur mundano, sed omnibus contemptis iugiter Deum laudant;
sequitur enim laudantes et benedicentes Deum. Beda. Et attende, quod Lucas inter quatuor animalia caeli
designatus accipitur per vitulum; cuius victima, qui in sacerdotium
eligebantur, initiari sunt iussi, eo quod ipse sacerdotium Christi ceteris
amplius exponendum suscepit; et Evangelium suum, quod a ministerio templi per
sacerdotium Zachariae coepit, in templi devotione complevit : et apostolos
ibi ministros novi sacerdotii futuros, non in victimarum sanguine, sed in
laude Dei et in benedictione conclusit : ut in loco orationis et inter laudum
devotiones promissum spiritus sancti adventum paratis cordibus expectent.
Theophylactus.
Quos nos imitantes, in sacra vita semper degamus, laudantes et
benedicentes Deum, cui est gloria et benedictio et virtus in saecula. Amen. |
Versets 50-53.
— S.
Bède : Saint Luc ne dit rien absolument de tout ce
qui se passa entre le Seigneur et les Apôtres pendant quarante-trois jours,
et il joint sans intermédiaire au premier jour de la résurrection le dernier
où Jésus quitta la terre pour remonter au ciel : « Ensuite il les emmena hors de la ville jusqu’à
Béthanie. » Ce fut d’abord à cause du nom de ce village qui signifie
maison d’obéissance, car celui qui
est descendu sur la terre pour expier la désobéissance des méchants, est
remonté aux cieux pour récompenser l’obéissance des bons. Ce fut encore à
cause de la situation de ce village, situé sur le versant de la montagne des
Oliviers, parce qu’en effet la maison de l’Église, modèle d’obéissance, a
placé sur le versant de la montagne céleste, c’est-à-dire de Jésus-Christ,
les fondements de sa foi, de son espérance et de sa charité. Le Sauveur bénit
ensuite ceux à qui il venait de confier la mission d’instruire : « Et ayant élevé les mains, il les
bénit. » — Théophylacte : Peut-être répandit-il en ce moment sur eux une vertu protectrice qui les conservât jusqu’à la venue de l’Esprit saint. Peut-être aussi a-t-il voulu nous enseigner à bénir ceux qui nous sont soumis et à les recommander à Dieu par nos bénédictions, toutes les fois que nous nous séparons d’eux. — Origène : Il les bénit en levant les mains, pour apprendre à celui qui est appelé à bénir les autres, qu’il doit être orné de toutes les vertus les plus éminentes et de la pratique des oeuvres les plus parfaites, c’est ainsi que nous élevons nos mains en haut. — S.
Jean Chrysostome : Remarquez encore comment
Jésus-Christ place sous nos yeux les récompenses qu’il nous a promises. Il
nous a promis la résurrection des corps, il ressuscite le premier d’entre les
morts, et donne des preuves certaines de sa résurrection en demeurant
quarante jours avec ses disciples. Il nous a promis que nous serions emportés
dans les airs sur les nuées, et il confirme cette promesse par ses actes : « Et en les bénissant, il se sépara
d’eux, et il s’éleva vers le ciel. » — Théophylacte : Elie avait paru être transporté dans le ciel, mais le Sauveur est le premier qui entre véritablement dans le ciel comme le précurseur de tous les hommes pour se présenter devant Dieu avec son corps sacré; et dès lors, notre nature dans la personne de Jésus-Christ, reçut les hommages de toutes les vertus angéliques. — S. Jean Chrysostome : Mais, direz-vous, que m’importe à moi [l’ascension du Sauveur] ? Vous ne savez donc pas que vous serez un jour pareillement enlevé dans les nues, car votre corps est de la même nature que le corps de Jésus-Christ ? Il sera donc doué de la même agilité pour traverser les airs, car le corps aura le même sort que la tête, et tel principe telle fin. Or, voyez quels honneurs vous avez reçu dans ce principe. L’homme était la dernière des créatures raisonnables, mais voici que les pieds sont devenus comme la tête, et ils sont élevés dans leur chef sur un trône d’une magnificence royale. — S. Bède : Pendant que le Seigneur s’élevait vers le ciel, les disciples adorèrent la dernière trace de ses pas, puis retournèrent immédiatement à Jérusalem, où Jésus leur avait commandé d’attendre la promesse du Père : « Et eux, l’ayant adoré, retournèrent à Jérusalem avec une grande joie, » etc. Ils sont remplis d’une grande joie, parce qu’ils ont eu le bonheur de voir le Seigneur et leur Dieu remonter dans les cieux après le triomphe de sa résurrection. — Chronique des Pères Grecs : Or, ils passaient leurs journées dans les veilles, [dans les prières, dans les jeûnes]; ils ne restent point chacun dans leurs maisons particulières, mais ils demeurent dans le temple, attendant la grâce qui doit descendre des cieux, et s’exerçant à la piété et à la vertu dans ce lieu si propre à inspirer l’une et l’autre : « Et ils étaient toujours dans le temple. » —
Théophylacte : Ils n’avaient pas encore reçu
l’Esprit saint, et déjà leur vie était toute spirituelle. Auparavant ils
n’osaient sortir de leur retraite; maintenant ils sont dans le temple, au
milieu des princes des prêtres; ils ne sont distraits par aucune des pensées
de ce monde, et dans un saint mépris de toutes les choses de la terre, ils ne
cessent de louer Dieu : « Ils
étaient toujours dans le temple louant et bénissant Dieu. » — S. Bède : Remarquez enfin que parmi les quatre animaux symboliques (Ez 1; Ap 4), saint Luc est désigné sous l’emblème du taureau, qui était la victime prescrite pour la consécration des prêtres (Ex 29), parce qu’il a eu pour but d’exposer plus au long que les autres le sacerdoce de Jésus-Christ, et qu’après avoir commencé son Évangile par le récit des fonctions sacerdotales que Zacharie exerçait dans le temple, il le termine en rapportant les pratiques de religion auxquelles les Apôtres se livraient aussi dans le temple. Il nous montre ces futurs ministres du sacerdoce nouveau qui ne verse plus le sang des victimes, mais ne cesse de louer et de bénir Dieu, et c’est dans le lieu même de la prière et au milieu des pieux exercices de la religion, qu’ils préparent leurs coeurs à recevoir l’Esprit saint qui leur a été promis. —
Théophylacte : Imitons-les nous-mêmes par une vie
toujours sainte, consacrée aussi à bénir et à louer Dieu, à qui appartient la
gloire, la bénédiction et la puissance dans tous les siècles. Ainsi soit-il. |